La codification des "partis politiques au niveau européen" dans le traité de Maastricht....

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UNIVERSITE DE VERSAILLES SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES THESE pour obtenir le grade de docteur en Science politique Présentée et soutenue publiquement par Francisco ROA BASTOS Le 12 décembre 2012 LA CODIFICATION DES « PARTIS POLITIQUES AU NIVEAU EUROPEEN » DANS LE TRAITE DE MAASTRICHT HISTOIRE(S) D’UN EVENEMENT DISCURSIF Sous la direction de M. Patrick HASSENTEUFEL JURY : M. Renaud DEHOUSSE M. Michel DOBRY M. Patrick HASSENTEUFEL M. Yves POIRMEUR M. Andy SMITH M. Antoine VAUCHEZ

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UNIVERSITE DE VERSAILLES SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES

THESE

pour obtenir le grade de docteur en Science politique

Présentée et soutenue publiquement par

Francisco ROA BASTOS

Le 12 décembre 2012

LA CODIFICATION DES

« PARTIS POLITIQUES AU NIVEAU EUROPEEN »

DANS LE TRAITE DE MAASTRICHT

HISTOIRE(S) D’UN EVENEMENT DISCURSIF

Sous la direction de M. Patrick HASSENTEUFEL

JURY :

M. Renaud DEHOUSSE

M. Michel DOBRY

M. Patrick HASSENTEUFEL

M. Yves POIRMEUR

M. Andy SMITH

M. Antoine VAUCHEZ

1

UNIVERSITE DE VERSAILLES SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES

THESE

pour obtenir le grade de docteur en Science politique

Présentée et soutenue publiquement par

Francisco ROA BASTOS

Le 12 décembre 2012

LA CODIFICATION DES

« PARTIS POLITIQUES AU NIVEAU EUROPEEN »

DANS LE TRAITE DE MAASTRICHT

HISTOIRE(S) D’UN EVENEMENT DISCURSIF

Sous la direction de M. Patrick HASSENTEUFEL

JURY :

M. Renaud DEHOUSSE

M. Michel DOBRY

M. Patrick HASSENTEUFEL

M. Yves POIRMEUR

M. Andy SMITH

M. Antoine VAUCHEZ

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Remerciements Ce travail doit beaucoup à Patrick Hassenteufel, qui depuis les débuts de mes recherches m’a constamment encouragé, appuyé et conseillé. A plusieurs reprises, il a su trouver les mots qu’il fallait pour me réorienter dans une direction plus fructueuse, alors que j’hésitais sur la piste à suivre. Je le remercie sincèrement d’avoir soutenu l’ « émergence » et la concrétisation de ce travail, avec la bienveillance (et la patience !) dont il a toujours fait preuve envers moi. Il faudrait rallonger ce volume de nombreuses pages pour remercier ici, également, les très nombreuses personnes, professeurs et chercheurs qui, tout au long de ces six années de travail, par leurs conseils et leur savoir, m’ont permis de mieux comprendre mon sujet, et mes questionnements mêmes. J’espère qu’ils sauront excuser, le cas échéant, le mésusage que j’aurais pu faire de toute l’aide qu’ils m’ont apportée. J’ai eu la chance de vivre cette longue « entreprise savante » de thésard en très bonne compagnie : les Do you BnF du Rez-de-Jardin (et les autres) se reconnaîtront. Nous étions nombreux et joyeux, et nos discussions m’ont fait souvent avancer dans mon travail bien au-delà de mes espérances. Je réserve une place particulière à six personnes. Je voudrais remercier mes beaux-parents, Marie-Anne et Jean-Frédéric, qui m’ont soutenu tout du long et m’ont notamment permis de passer, dans les meilleures conditions possibles, tout le temps qu’il me fallait à Bruxelles pour mon travail d’archive et mes entretiens, sans lesquels cette thèse ne serait pas ce qu’elle est. Mes sœurs, Silvia et Aliria, et ma mère, Iris, ont été des soutiens infaillibles durant ces longues années, et pas seulement par leur contribution décisive aux relectures finales de ce volume ! Malgré la distance, je les ai eues à mes côtés en permanence, à m’épauler et à m’encourager. Je leur dois beaucoup plus qu’elles ne le pensent peut-être. Et enfin, Raphaëlle – en aparté je te le dis : merci, merci, merci ! Je sais que tu le sais, mais je préfère l’écrire : sans toi, ce volume, ce qui y est dit, et celui qui a tenté de le dire, ne seraient pas les mêmes. J’ai beaucoup appris sur beaucoup de choses en faisant cette recherche. Mais en la terminant, je me suis senti heureux, et d’une chance immense, de t’avoir déjà trouvée toi, depuis bien plus longtemps.

Table des matières

3

TABLE DES MATIERES

Remerciements …………………………………………………………………………………... 2

Table des matières ………………………………………………………………………………. 3

Introduction générale…………………………………………………………………….. 7 Partie I – La codification de l’article 138a : les mobilisations dans l’espace politique ………………………………………………………………………….. 25 Introduction à la première partie …………………………………….……………………. 26 Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht : des « partis » introuvables …………………………………………………………………………...... 33 I – Décider et préparer les conférences intergouvernementales (CIG) de 1989-1992 : des enjeux et un cadre institutionnel spécifiques …………………….... 38

I.1 – La décision de convoquer une, puis deux CIG ……………………………….. 38 I.1.1 – Une procédure « ordinaire » de révision des traités presqu’inédite …....... 38 I.1.2 – Demander et imposer une deuxième CIG sur l’« Union politique » ……. 41

I.2 – Les travaux préparatoires à l’ouverture des deux CIG ………………………. 48 I.2.1 – Pressions extragouvernementales et contexte extracommunautaire …...... 48 I.2.2 – Apparition et disparition des /partis européens/…….….….….….…......... 52

II – Une année de négociations point par point, sauf sur les /partis européens/ …… 56 II.1 – Organisation de la CIG UP …………………………………………………..... 57

II.1.1 – Les différents niveaux et types de réunions de la CIG …………………. 57 II.1.2 – Une série quasi continue de réunions …………………………………... 59

II.2 – Le contenu des discussions : silence sur les partis dans les archives ……... 64 II.2.1 – Présentation des documents disponibles ……………………………….. 65 II.2.2 – Le thème de la « citoyenneté » …………………………………………. 68

III – Le Sommet de Maastricht, ou la codification des /partis européens/ …….….… 72 III.1 – Ce qu’il s’est dit à Maastricht sur les /partis européens/………………....... 72

III.2 – Ce qu’il ne s’est pas dit à Maastricht ……….………………………………. 73 III.2.1 – Une formulation qui n’est pas fixée à Maastricht ……………………... 73 III.2.2 – L’indice de résistances ? ……………………………………….…......... 76

Conclusion du chapitre 1 …….…................................................................................… 80

Table des matières

4

Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens ………… 82 I – Une mesure non délibérée par l’« Assemblée délibérante »……………………… 87

I.1 – Les actes officiels du PE pendant les CIG : absence et compromis ……….. 87 I.1.1 – Les résolutions du PE …………………………………………………… 87 I.1.2 – Un rapport modifié : des « partis-tabous » au PE ? …………………….. 90

I.2 – Les débats en séance plénière, avant et après Maastricht ………………..... 94 I.2.1 – La rareté des occurrences constatées …………………………………….. 95 I.2.2 – Parler des /partis européens/ au PE avant Maastricht ………………….... 96

La mise au jour de formations discursives ………………………………… 96 Positions ………………………………………………………………… 103

I.2.3 – « Partis-totems » et « algorithmes discursifs » ? Ceux qui parlent au PE des « partis » reconnus ………………………………………………………….. 105

Positions ………………………………………………………………… 107 Des formations aux « algorithmes discursifs »……………………………... 110

II – Des députés qui « jouent » à l’extérieur ………………………………………….. 116 II.1 – Le président E. Barón en porte-parole des /partis européens/……………… 116

II.1.1– Ce que dit publiquement le président pendant les CIG ……………….… 118 II.1.2 – Ce qu’il dit avoir dit et ce qu’il ne dit pas …………………………….… 123 II.1.3 – Ce que cela nous dit de ce qu’il dit …………………………………...… 129

II.2 – Des députés socialistes divisés : mobilisations et résistances autour de la création d’un « Parti socialiste européen » ………………………………………. 133

II.2.1– L’engagement des députés socialistes pour un /parti européen/ au singulier …………………………………………………………………………. 133 II.2.2 – L’importance des terrains nationaux : l’exemple du Labour ……...……. 140

II.3 – Faire sens d’une codification : les articles de Maurice Duverger sur l’« article des partis » …………………………………………………………………...144

Conclusion du chapitre 2 ………………………………………………………………...… 147 Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification : le pari en partie raté de l’« article des partis » …………………………………………………………………... 149 I – Qui a fait l’« article des partis » ? Les investissements différenciés de trois équipes politiques ……………………………………………………………………….. 151

I.1 – Une lettre et trois présidents partisans diversement mobilisés ……………... 152 I.1.1 – La lettre des trois présidents, et ce qu’il en est resté dans l’article 138a …152 I.1.2 – Des réunions médiatisées pour une lettre non diffusée …………………. 156 I.1.3 – Trois présidents semblables et différents ………………………………... 163

Une coopération transpartisane revendiquée ?………………………………163 Des associés rivaux …………………………………………………..…… 167

I.2 – Equipes et hérauts ………………………………………………………....... 174 I.2.1 – Les administrateurs partisans, professionnels de l’« Europe des partis » .. 174 I.2.2 – Permanents partisans ou fonctionnaires européens ? ………………......... 177 I.2.3 – La position et l’action spécifiques de Thomas Jansen, secrétaire général du PPE ………………………………………………………………...... 181

II – La bourse et la vie : les deux paris ratés de l’« article des partis » …………...… 195

II.1 – Un problème de fonds ………………………………...…………………… 195 II.1.1 – Ressources en baisse et besoins en hausse ……………………………… 196 II.1.2 – L’exemple du budget du PPE pour 1992 ………..……………………… 201

Table des matières

5

II.2 – Parier sur une codification « constitutionnelle » ………………………….. 206 II.2.1 – Accéder au traité directement pour « constitutionnaliser » les /partis européens/ ? ……………………………………………………………… 206 II.2.2 – Le précédent allemand et la diffusion de son modèle …………………. 210

Conclusion du chapitre 3 ………………………………………………………………......… 215 Partie II – Il n’y a pas d’« idée dans l’air » : les investissements savants dans la construction des /partis européens/ ………………………...… 218 Introduction à la deuxième partie ……………………………………………………... 219 Chapitre 4 – Les discours savants sur les /partis européens/ : pour une archéologie du savoir politique ……………………………………………………………………… 234 I – Les matérialités multiples du discours sur les /partis européens/………………… 236

I.1 – Supports et langues …………………………………………………………. 236 I.1.1 – Des « patrons » divers : multiplicité des supports ………………….......... 236 I.1.2 – Des /partis européens/ d’abord allemands ? …………………………..…. 237

I.2 – Une ribambelle de labels parallèles …...…………………………………..... 239 II – Les /partis européens/ en ordre dispersé : référents, postures et points de choix ………………………………………………………………………………...…… 247

II.1 – Référents actuels ou virtuels ? Décrire l’existant, définir l’idéal …….…… 248 II.2 – Postures du discours sur les /partis européens/ : description, définition,

prescription, appréciation et prévision ………………………….................…….. 254 II.3 – Une dispersion organisée en systèmes de différences : les « points de choix » du discours sur les /partis européens/…………………………………..... 264

II.3.1 – Clivages européens transpartisans ou clivages partisans transeuropéens ?… ……………………………………………………………... 265

II.3.2 – « Européens », mais de quelle Europe ? ………….……………………. 268 II.3.3 – Entrer au(x) parlement(s) ou en sortir ? ……...…………………………. 270 II.3.4 – Autonomie et dépendances ………………..……………………………. 271

III – Présupposés méthodologiques et « épistémologie spontanée » des discours sur les /partis européens/……………………………………………………………….. 275

III.1 – Les présupposés méthodologiques : comparaison, modèles et idéaltypes… 275 III.1.1 – Le développementalisme spontané de l’option comparative, et ses problèmes ……………………………………………………………………….. 279 III.1.2 – Le fonctionnalisme implicite de l’option sui generis, et ses problèmes ……………………………………………………………………….. 282

III.2 – Les « algorithmes discursifs » communs du discours sur les /partis européens/ et leur place dans le savoir politique européen : partis, élections et

démocratie ………………………………………………………………...……... 289

Conclusion du chapitre 4 ………………………………………………………………......… 295

Table des matières

6

Chapitre 5 – Qui parle et d’où parle-t-on ? Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre …………………………………………………………...……………… 298 I – Qui parle ? Espaces nationaux et professionnels …....……………………………… 303

I.1 – Deux « espèces d’espace » : le national et le « métanational » ……………… 304 I.1.1 – Un « ancrage » national à dominante allemande ………………..………. 304 I.1.2 – Un espace européen « métanational » ................................................…… 306

I.2 – Les secteurs d’activité professionnelle des acteurs du corpus ……………… 310 I.2.1 – Professions ……………………………………………………………..... 310 I.2.2 – Multipositions …………………………………………………………..... 314

I.3 – Discours et positions professionnelles : des postures à travers champs ..……316 II – Formations et engagements parallèles ……………….......…………………………… 322

II.1 – Formations ..........................................……………………………………... 322 II.1.1 – Une majorité de diplômés du supérieur… …………………...………..... 323 II.1.2 – …et de docteurs ….......………………………………………………..… 325

II.2 – Effets de génération et engagements …....…………………………………. 329 II.2.1 – Guerres et paix ………………………………………….....……………. 329 II.2.2 – Engagements ……………………………………………..……………... 331 II.2.3 – Les discours sur les /partis européens/ des responsables des /partis

européens/……...............………………………………………..…………...…... 337 III – L’élaboration d’un savoir sur les /partis européens/ comme rencontre d’entreprises collectives : compagnonnages et patronages …………………...………… 344

III.1 – Coopérations savantes : les différentes logiques de la production du savoir ………………...............................................……………………………… 344

III.1.1 – Co-écritures ……………………………………...……………………... 344 III.1.2 – Sociabilités savantes ………………...…………………………………. 347 III.1.3 – Projets de recherche et « lieux de savoir » sur les /partis européens/ …. 353

Les groupes de recherche de l’Université Tübingen et de l’Université de Mannheim …………………………………………………………...…… 353 L’expertise « hors campus » ………………………………… ……………360

III.2 – Investir dans les « investissements savants » : patronages et ressources ..... 363 III.2.1 – Editeurs et « patronages »………………………………………………. 363 III.2.2 – Des ressources localisées dans l’espace allemand : « politische Bildung », fondations politiques et « Europa Union Verlag » ...........366

Conclusion du chapitre 5 ………………………………………………………………......… 372 Conclusion générale ………………………………………………………………………...… 375 Annexes ……………………………………………………….........................................……… 385 Annexe 1 : Liste des entretiens réalisés …………………………………………….....……… 386 Annexe 2 : Corpus des discours savants sur les /partis européens/ ……………………...… 389 Annexe 3 : Les auteurs du corpus …………………………………………………………...… 408 Annexe 4 : Sources biographiques sur les auteurs du corpus ………………………………. 412 Bibliographie ………………………………………………………………………………...… 414

Introduction générale

7

INTRODUCTION GÉNÉRALE

Introduction générale

8

Ce travail prend pour objet la codification incomplète et paradoxale des « partis

politiques au niveau européen » dans le droit communautaire, à l’article 138a du traité

de Maastricht parfois appelé aussi l’« article des partis »1 :

« Les partis politiques au niveau européen sont importants en tant que facteur d’intégration au sein de l’Union. Ils contribuent à la formation d’une conscience européenne et à l’expression de la volonté politique des citoyens de l’Union. »2

Cet article est intéressant à la fois par son existence, les termes qu’il emploie et par

ses conséquences (ou plutôt son absence de conséquences) juridiques.

L’article 138a constitue en effet le premier texte juridique qui mentionne

formellement les partis politiques et « enregistre » leur rôle dans le système politique

des Communautés européennes (qui deviennent en 1992, par ce même traité de

Maastricht, l’ « Union européenne »). Plus encore, en introduisant cette catégorie

politique directement dans le droit originaire des traités et non dans le droit

communautaire dérivé, il procède ostensiblement à la « constitutionnalisation » de ces

« partis politiques au niveau européen », du point de vue même de la doctrine juridique

communautaire puisque la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a

qualifié, six ans auparavant3 et pour la première fois, les traités communautaires de

« charte constitutionnelle »4 des Communautés. Cette codification semble ainsi viser,

1 Voir par exemple : JOHANSSON, Karl Magnus, ZERVAKIS, Peter, « Historical-Institutional Framework », dans JOHANSSON, Karl Magnus, ZERVAKIS, Peter (dir.), European Political Parties between Cooperation and Integration, Baden-Baden, Nomos, 2002, p. 11-28 (plus précisément sur l’article 138a, voir les pages 14-16). 2 Article 138a du traité de Maastricht, devenu l’article 191 suite à la renumérotation opérée par le traité d’Amsterdam en 1997. Un second alinéa a été ajouté ultérieurement dans le traité de Nice de 2001, selon lequel « Le Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l’article 251, fixe le statut des partis politiques au niveau européen, et notamment les règles relatives à leur financement ». Dans le traité de Lisbonne, entré en vigueur le 1er décembre 2009, l’ex-article 191 a été divisé en deux : l’article 10, paragraphe 4, du « Traité sur l’Union européenne » reprend le 1er alinéa de l’article 191, en le modifiant (« Les partis politiques au niveau européen contribuent à la formation de la conscience politique européenne et à l'expression de la volonté des citoyens de l'Union ») ; quant au second alinéa de l’article 191, il est repris par l’article 224 du « Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ». 3 CJCE, « Parti écologiste « Les Verts » contre Parlement européen. Recours en annulation – Campagne d’information pour l’élection du Parlement européen », Affaire 294/83, recueil de jurisprudence 1986, p. 1339 (disponible en ligne sur le site Eur-lex : http://eur-lex.europa.eu ; n°CELEX : 61983J0294). 4 DEHOUSSE, Renaud, La Cour de justice des Communautés européennes, Paris, Montchrestien, 1994 (p. 26-27).

Introduction générale

9

par son existence même, la production d’une sorte d’attestation de légitimité pour ces

organisations.

Pourtant, cet article n’indique à aucun moment à quel type d’organisation politique

concrète il se réfère, ni même si ces organisations existent déjà ou non. Aucune

définition précise n’est proposée, ce qui provoque chez les commentateurs des

différences d’interprétation notables dans le choix des référents possibles pour ces

« partis politiques au niveau européen ». Dans le même temps, ceux-ci sont investis,

dans le libellé même de l’article, de fonctions fortement valorisantes : l’ « intégration au

sein de l’Union », la « formation d’une conscience européenne » et l’ « expression

d’une volonté politique des citoyens de l’Union »5. Mais la formulation de l’article 138a

ne permet pas de comprendre, concrètement, comment ces « partis » non identifiés sont

censés remplir ces supposées fonctions.

Très rapidement après la signature du traité de Maastricht, les commentateurs de

l’article 138a ont en outre souligné à quel point cette disposition n’avait aucune

conséquence ni aucun effet juridique direct6. On peut citer, à titre d’exemple, le

Commentaire article par article du traité de Maastricht publié en 1995 sous la direction

de Vlad Constantinesco : « Voilà une nouvelle disposition du droit communautaire

originaire qui a davantage une importance symbolique qu’un contenu juridique. Il s’agit

d’une disposition non normative [...] »7. L’article 138a du traité de Maastricht apparaît

ainsi comme une « disposition nominale » à l’intérieur d’un traité fortement normatif

5 Citoyens nouvellement « créés », eux aussi, par l’instauration d’une « citoyenneté européenne » dans le même traité de Maastricht (article 8). Voir sur ce point : MAGNETTE, Paul, La citoyenneté européenne, droits, politiques, institutions, Bruxelles, éd. de l’Université de Bruxelles, 1999. 6 Nous ne traiterons pas directement dans cette thèse des « suites » juridiques ultérieures de cet article, et notamment du règlement n°2004/2003 du 4 novembre 2003 (« Règlement n°2004/2003 du Parlement Européen et du Conseil du 4 novembre 2003, relatif au statut et au financement des partis politiques au niveau européen », JOUE L 297, 15 novembre 2003, p. 1) qui a créé un statut juridique spécifique et un financement public pour les « partis politiques au niveau européen », mais seulement 12 ans après la codification de l’article 138a. Celui-ci n’a pu servir de base juridique effective à ce type de législation complémentaire qu’après sa modification dans le traité de Nice et l’ajout du second alinéa mentionné plus haut. Nous nous intéressons ici à l’article 138a pour lui-même, en tant qu’objet spécifique, et non aux usages ultérieurs qui ont pu en être faits ni aux mobilisations qui ont pu le prendre pour ressource. 7 CONSTANTINESCO, Vlad, KOVAR, Robert, SIMON, Denys (dir.), Traité sur l’Union européenne, signé à Maastricht le 7 février 1992. Commentaire article par article, Paris, Economica, 1995 (p. 511). C’est Vlad Constantinesco qui est chargé de la section précise dans laquelle est commenté l’article 138a.

Introduction générale

10

par ailleurs8, puisqu’il établit des institutions et des politiques aussi concrètes et aux

conséquences aussi importantes pour la nouvelle « Union européenne » que l’Union

économique et monétaire ou la Politique étrangère et de sécurité commune, par

exemple. Dans cette perspective, l’article 138a représente pour certains analystes une

simple déclaration d’intention ou de principe9, qui serait, au mieux, ce que Paul

Magnette appelle en 2001 « un exemple parfait d’énoncé performatif »10.

Pour toutes ces raisons, l’article 138a apparaît donc comme une codification à la fois

incomplète et paradoxale : « disposition non normative », l’ « article des partis » ne

définit pas non plus les « partis » qu’il évoque, tout en leur attribuant pourtant un rôle

fondamental dans l’Union européenne.

Cette disposition peut dès lors être décrite comme un « évènement discursif », qu’il

s’agit donc d’expliquer dans sa double dimension d’évènement situé – produit par la

rencontre (en partie aléatoire) de plusieurs séries causales11 – et de prise de position

dans l’espace des discours – participant de « formations discursives » particulières12.

8 Sur la distinction entre « constitutions nominales » et « constitutions normatives », voir : SEURIN, Jean-Louis, « Des fonctions politiques des constitutions. Pour une théorie politique des constitutions », dans SEURIN, Jean-Louis (dir.), Le constitutionalisme aujourd'hui, Paris, Economica, 1984, p. 35-52 ; POIRMEUR, Yves, ROSENBERG, Dominique, « La doctrine constitutionnelle et le constitutionnalisme français », dans CURAPP, Les usages sociaux du droit, PUF, 1989, p. 230-251. 9 JOHANSSON, Karl Magnus, ZERVAKIS, Peter, « Historical-Institutional Framework », dans JOHANSSON, Karl Magnus, ZERVAKIS, Peter (dir.), European Political Parties between Cooperation and Integration, Baden-Baden, Nomos, 2002, p. 11-28 (« the party article amounted to a declaration of principle rather than a legal basis for funding and legislation » (p. 15)). 10 MAGNETTE, Paul, « Les contraintes institutionnelles au développement des partis politiques européens », dans DELWIT, Pascal, KÜLAHCI, Erol, VAN DE WALLE, Cédric, Les fédérations européennes de partis : Organisation et influence, Bruxelles, éd. de l’Université de Bruxelles, 2001, p. 57-66 (ici p. 57). 11 Voir sur ce point la définition du hasard que donne Antoine-Augustin Cournot (« Les évènements amenés par la combinaison ou la rencontre d’autres évènements qui appartiennent à des séries indépendantes les unes des autres, sont ce qu’on nomme des évènements fortuits ou des résultats du hasard. », COURNOT, Antoine-Augustin, Essai sur les fondements de nos connaissances et sur les caractères de la critique philosophique, Paris, Vrin, 1975 (1851), p. 34) ; et la réélaboration qu’en propose Michel Dobry, sur laquelle nous nous fondons dans ce travail : « les résultats des processus sociaux [...] proviennent des conjonctions relativement aléatoires de séries multiples de déterminations, de chaînes causales séparées ou autonomes les unes par rapport aux autres » (DOBRY, Michel, Sociologie des crises politiques, Paris, FNSP, 2009 (1986), p.73). 12 Définies, au sens de Michel Foucault, comme des ensembles organisés de « relations entre énoncés », reliés notamment par une communauté de « points de choix » stratégiques, ces ensembles apparaissant alors comme des « systèmes de dispersion » structurés. Nous nous fondons sur ce modèle d’« archéologie du savoir » pour l’analyse des discours réalisée dans le chapitre 4, où nous développerons plus précisément la méthodologie et ses implications. Voir : FOUCAULT, Michel, L’archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969 (notamment la section II.2 intitulée « Les formations discursives », p. 47-58).

Introduction générale

11

Pour expliciter ce double axe de réflexion, nous commencerons par revenir sur le

contenu problématique de l’article 138a, ainsi que sur l’état de la recherche, qui est

quasi inexistante sur cette codification. Puis, nous présenterons les questionnements qui

ont guidé notre travail et les méthodes employées pour essayer de parvenir à des

éléments d’explication de cette codification singulière et de ce qu’elle révèle des

espaces dans lesquels elle survient.

***

L’article 138a mentionne une catégorie spécifique d’organisations politiques, celle

qu’il désigne sous le nom de « partis politiques au niveau européen ». Or nous avons vu

qu’il ne la définissait pas, ce qui crée une première difficulté lorsqu’on aborde l’étude

de cette codification incomplète : doit-on mettre un contenu, des « choses » précises

sous les « mots » de l’article 138a, et si oui lesquelles ?

Une manière de le déterminer serait de se demander, en quelque sorte, « à qui

profite l’article » ? Comme le note Patrick Lehingue, en effet, l’explication d’une

codification peut passer notamment par une « sociologie de l’intérêt à codifier », qui

permette d’identifier les « demandes de droit » de la codification observée13. Quelles

sont donc les organisations concrètes dont les membres pourraient éventuellement se

réclamer de ce label de « partis politiques au niveau européen », légitimé dans l’article

138a ?

Il existe, à l’époque du traité de Maastricht, plusieurs types de structures ou

d’organisations européennes de partis, qui ne sont pas forcément limitées au périmètre

du système institutionnel de l’Union européenne et qui font l’objet d’études et de

travaux divers.

Si l’on se fonde sur ce que sont, aujourd’hui, les « partis politiques au niveau

européen » reconnus et financés sur fonds communautaires14, on doit d’abord

13 LEHINGUE, Patrick, « Usages et effets politiques de la codification : la réglementation des sondages d’opinion en France », dans CURAPP, Les usages sociaux du droit, Paris, PUF, 1989, p. 44-67 (et sur ce point plus précisément : p. 45-47). 14 Depuis 2004 et l’entrée en vigueur du règlement n°2004/2003. Ce règlement instaure un statut précis des « partis politiques au niveau européen » qui détaille les conditions nécessaires pour qu’une organisation puisse demander et obtenir les financements associés au label codifié, selon une procédure

Introduction générale

12

mentionner les organisations européennes extraparlementaires qui regroupent dans des

structures associatives communes des partis nationaux de pays membres de l’Union

européenne. En 2012, 13 organisations de ce genre sont ainsi reconnues comme « partis

politiques au niveau européen » et se partagent un financement communautaire d’un

montant global de 34 millions d’euros15. Parmi elles, trois étaient déjà actives sous leur

forme actuelle, ou une forme approchante, au moment de Maastricht : le Parti Européen,

libéral, démocrate et réformateur (ELDR), qui s’appelait alors la Fédération des partis

libéraux, démocratiques et réformateurs de la CEE16 ; le Parti populaire européen

(PPE)17 et le Parti socialiste européen (PSE) qui s’appelait alors l’Union des partis

socialistes de la Communauté européenne (UPSCE)18. Mais d’autres « familles

de reconnaissance annuelle qui dépend d’une décision du Bureau du Parlement européen (PE). Ainsi, un « parti politique au niveau européen » doit aujourd’hui, pour être reconnu : 1) « avoir la personnalité juridique dans l'État membre où il a son siège » ; 2) « avoir des élus (européens, nationaux ou régionaux) dans au moins un quart des Etats membres (ou alors avoir réuni, dans au moins un quart des États membres, au moins 3% des votes exprimés lors des dernières élections européennes) » ; 3) « respecter, dans son programme et par son action, les principes de liberté, de démocratie, du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l'État de droit » ; 4) « avoir participé aux élections au Parlement européen ou en avoir exprimé l'intention » (règlement n°2004/2003 du 4 novembre 2003, JOCE L 297/1 à L 297/4 du 15 novembre 2003, article 3 « Conditions »). 15 Pour le détail des organisations reconnues et financées depuis l’entrée en vigueur du règlement, voir le site du Parlement européen (PE) consacré aux « partis politiques au niveau européen » et notamment le tableau des montants alloués depuis 2004, établi par la Direction Générale Finance du PE en mars 2012 : http://www.europarl.europa.eu/aboutparliament/fr/00264f77f5/Subventions-accord%C3%A9es-aux-partis-et-aux-fondations-politiques.html. 16 La Fédération ELDR fut créée en mars 1976, et changea ensuite plusieurs fois de dénomination précise. Sur l’histoire de la coopération des partis libéraux en Europe, voir notamment : COOSEMANS, Thierry, « La famille libérale européenne », Revue du Marché commun et de l’Union européenne, n°446, 2001, p. 175-184 ; DELWIT, Pascal (dir.), Libéralisme et partis libéraux en Europe, Bruxelles, éd. de l’Université de Bruxelles, 2002 ; SANDSTRÖM, Camilla, « Le parti européen des libéraux, démocrates et réformateurs. De la coopération à l’intégration », dans DELWIT, Pascal, KÜLAHCI, Erol, VAN DE WALLE, Cédric, Les fédérations européennes de partis : Organisation et influence, Bruxelles, éd. de l’Université de Bruxelles, 2001, p. 123-140. 17 Le PPE a été créé sous ce nom en avril-juillet 1976, constituant la première organisation européenne à revendiquer le « label partisan » dans son appellation. Sur l’histoire de la coopération des partis démocrates-chrétiens en Europe, voir entre autres : MAYEUR, Jean-Marie, Des Partis catholiques à la Démocratie chrétienne, XIXe-XXe siècles, Paris, Armand Colin, 1980 ; PAPINI, Roberto, L’Internationale démocrate-chrétienne. La coopération internationale entre les partis démocrates-chrétiens de 1925 à 1986, Paris, les éditions du CERF, 1988 ; KALYVAS, Stathis N., The Rise of Christian Democracy in Europe, Ithaca & Londres, Cornell University Press, 1996. 18 Le PSE a été créé sous ce nom en novembre 1992. L’UPSCE avait été fondée quant à elle en avril 1974, par transformation du « Bureau de liaison des partis socialistes de la C.E.E. », lui-même mis en place dès janvier 1957. Sur l’histoire de la coopération des partis socialistes et sociaux-démocrates en Europe voir notamment : DELWIT, Pascal (dir.), Où va la social-démocratie européenne ? Débats, enjeux, perspectives, Bruxelles, éd. de l’Université de Bruxelles, 2004 ; HIX, Simon, « The Party of European Socialists », dans LADRECH, Robert, MARLIERE, Philippe (dir.), Social-democratic Parties in the European Union. History, Organization, Policies, Londres, Macmillan, 1999, p. 204-217 ; HIX, Simon, Shaping a Vision. A History of the Party of European Socialists. 1957-1995, Brussels, PES, 1995 ; LADRECH, Robert, « La coopération transnationale des partis socialistes européens », dans TELÒ, Mario (dir.), De la Nation à l’Europe. Paradoxes et Dilemmes de la Social-Démocratie,

Introduction générale

13

politiques » avaient déjà également institué des organisations européennes

extraparlementaires à l’époque de Maastricht, comme par exemple la Coordination

européenne des partis verts créée en 1979, ou la Fédération des partis régionalistes /

fédéralistes créée en 198119, même si ces structures étaient moins institutionnalisées que

celles de l’ELDR, du PPE et de l’UPSCE.

Mais il faut cependant se garder de déduire trop naturellement l’état de l’ « espace

partisan européen » de 1992 de l’état actuel du droit et des choses, sous peine de ne

retenir dans l’analyse que les acteurs et les organisations qui se sont aujourd’hui

effectivement imposés dans les luttes pour la reconnaissance de ce statut et l’obtention

des ressources qu’il entraîne20.

En effet, d’autres types d’organisations européennes de partis existent à l’époque,

aussi bien dans le périmètre des Communautés européennes que dans une Europe

« élargie », qui peuvent prétendre au label partisan européen reconnu à Maastricht, et

qui sont de fait souvent considérées comme telles dans la recherche sur le sujet. C’est le

Bruxelles, Bruyant, 1993, p. 113-130 ; NEWMAN, Michael, The Party of European Socialists. Londres, University of North London Press, 1996. 19 On pourra se reporter ici notamment aux travaux suivants : DIETZ, Thomas, « Die « Europäischen Grünen » - Auf dem Weg zu einer europäischen Partei ? », Integration, 20e année, n°2, 1997, p. 84-97 ; BOMBERG, Elizabeth, Green Parties and Politics in the European Union, Londres, Routledge, 1998 ; SEILER, Daniel-Louis, « Le parti démocratique des peuples d’Europe (PDPE-ALE) », dans DELWIT, Pascal, KÜLAHCI, Erol, VAN DE WALLE, Cédric (dir.), Les fédérations européennes de partis : Organisation et influence, Bruxelles, éd. de l’Université de Bruxelles, 2001, p. 155-168. La situation des partis communistes est particulière, étant donné leurs liens anciens au sein du Komintern, mais aussi du fait de leur opposition durable aux Communautés européennes et de leur exclusion par les autres forces politiques des arènes politiques communautaires jusque dans les années 1970. Voir ce à sujet : TIMMERMANN, Heinz, « Zwischen Weltbewegung und regionaler Kooperation – Die Zusammenarbeit der Kommunistischen Parteien », dans INSTITUT FÜR EUROPÄISCHE POLITIK, Zusammenarbeit der Parteien in Westeuropa. Auf dem Weg zu einer neuen politischen Infrastruktur ?, Bonn, Europa Union Verlag, 1976, p. 91-142 ; DELWIT, Pascal, DE WAELE, Jean-Michel, GOTOVITCH José, L’Europe des communistes, Bruxelles, Complexe, 1992. 20 Les luttes et les processus ayant mené à l’adoption du règlement n°2004/2003, ainsi que du règlement n°1524/2007 qui l’a modifié en 2007 (en créant de plus des « fondations politiques européennes »), sont désormais bien étudiées et bien connues. Sur ces mobilisations postérieures à celles étudiées ici, on pourra consulter les travaux suivants : DORGET, Christelle, « Reconnaissance et statut des partis européens », dans DELWIT, Pascal, KÜLAHCI, Erol, VAN DE WALLE, Cédric (dir.), Les fédérations européennes de partis : Organisation et influence, Bruxelles, éd. l’Université de Bruxelles, 2001, p. 67-88 ; KULAHCI, Erol, « Institutions européennes, cartels de partis nationaux et développement des partis européens : que révèlent les débats sur les règlements 2001 et 2003 ? », Romanian Journal of European Affairs, vol. 5, n°4, 2005, p. 5-27 ; PARLEMENT EUROPÉEN (LEHMANN, Wilhelm, COMAN, Ramona), « Statut et financement des partis politiques européens », Document de travail de la Direction générale des Etudes (DG IV), Série « Affaires constitutionnelles », (AFCO 105FR, PE 337.295), décembre 2003 ; POIRMEUR, Yves, ROSENBERG, Dominique, Droit européen des partis politiques, Paris, Ellipses, 2007 ; DAKOWSKA, Dorota, « Networks of Foundations as Norm Entrepreneurs : Between Politics and Policies in EU Decision-Making », Journal of Public Policy, vol. 29, n°2, 2009, p. 201-221.

Introduction générale

14

cas évidemment des groupes politiques du Parlement européen (PE), mais aussi des

groupes politiques formés dans les autres assemblées parlementaires européennes créées

depuis la fin de la deuxième guerre mondiale en Europe21. C’est le cas également des

différentes Internationales de partis, dans leurs structures européennes spécifiques

éventuelles, ou encore des divers mouvements fédéralistes européens comme le

Mouvement européen international (MEI) ou l’Union européenne des fédéralistes

(UEF) qui, bien que « transpartisans » selon les clivages reconnus traditionnellement au

niveau national, peuvent dans certains travaux être considérés comme les représentants

d’un « parti européen », selon un clivage qui opposerait « européistes » et

« eurosceptiques », par exemple.

Cette variété constatée des organisations européennes de partis qui pourraient

prétendre au label partisan européen fait dire à Vlad Constantinesco, dans un autre

commentaire de l’« article des partis » datant de 200722, que :

« L’expression de parti politique au niveau européen est susceptible de recouvrir plusieurs réalités : celle, d’abord, des assemblées parlementaires des organisations européennes : Communautés européennes certes, mais aussi UEO, Conseil de l’Europe…celle ensuite, des regroupements internationaux et européens de partis politiques nationaux, dans des structures de caractère fédératif et transnational, comme par exemple le Parti des socialistes européens, le Parti populaire européen ou le Parti européen des libéraux, démocrates et réformateurs. Sans doute la généralité de l’expression n’exclut-elle en elle-même aucune de ces possibilités [...]. » 23

Ces incertitudes sur les choses que pourraient désigner les mots « parti politique au

niveau européen », se reflètent dans les divergences des recherches sur les partis

politiques et l’Europe.

21 Notamment l’Assemblée consultative du Conseil de l’Europe (1949), l’Assemblée de l’Union de l’Europe occidentale (UEO, 1955) ou encore l’Assemblée de l’Atlantique nord (OTAN, 1955 puis 1966). Nous revenons dans le chapitre 4 sur ces différentes assemblées parlementaires européennes. Sur cette question, voir notamment : COHEN, Antonin, « De congrès en assemblées. La structuration de l’espace politique transnational européen au lendemain de la guerre », Politique européenne, n°18, 2006, p. 105-125 ; COHEN, Antonin, « L’autonomisation du « Parlement européen ». Interdépendance et différenciation des assemblées parlementaires supranationales (années 1950-années 1970) », Cultures & Conflits, n°85-86, 2012, p. 13-33. 22 Et donc d’après le rajout du 2e alinéa évoqué, par le traité de Nice, et la reconnaissance du statut et du financement des « partis politiques au niveau européen » par le règlement de 2003, qui n’a donc apporté ni réelle précision ni certitudes sur la définition des « partis politiques au niveau européen ». 23 CONSTANTINESCO, Vlad, GAUTIER, Yves, SIMON, Denys (dir.), Traités d’Amsterdam et de Nice. Commentaire article par article, Paris, Economica, 2007, p. 646-647.

Introduction générale

15

Les spécialistes de la théorie des partis politiques mais aussi les chercheurs en

études européennes qui s’intéressent à la politisation des institutions européennes n’ont

pas attendu l’article 138a du traité de Maastricht pour s’intéresser aux diverses

manifestations possibles d’une structuration européenne des partis politiques24. Depuis

les années 1950, différents modèles ou « idéaltypes » ont été proposés pour ce que

pourraient être, par exemple, des « supranational political parties » (« partis politiques

supranationaux »)25, des « transnationale Parteienkoalitionen » (« coalitions de partis

transnationale »)26, des « fédérations de partis au niveau communautaire »27 ou encore

des « europäische Parteien » (« partis européens »)28.

Dans cette perspective de recherche, les travaux menés sur les différents types

d’organisations européennes de partis existantes, tentent principalement de déterminer si

celles-ci peuvent être considérées ou pas comme de « vrais » partis politiques29. Le

24 Nous ne prenons ici qu’indirectement en compte un autre domaine prolifique de la recherche sur les rapports entre les partis politiques et l’Europe, qui ne prend cependant pas pour objet spécifique la structuration trans- ou internationale d’organisations européennes de partis à proprement parler : celui de l’ « européanisation » des partis politiques nationaux dans chaque Etat membre, c’est-à-dire la manière dont la « construction européenne » influence les systèmes partisans nationaux. Sur ce courant de la recherche, voir entre autres : MAIR, Peter, « The Limited Impact of Europe on National Party Systems », West European Politics, vol. 23, n° 4, 2000, p. 27-51 ; LADRECH, Robert, « Europeanization and Political Parties : Towards a Framework for Analysis », Party Politics, vol. 8, n° 4, 2002, p. 389-403 ; POGUNTKE, Thomas, AYLOTT, Nicolas, CARTER, Elisabeth, LADRECH, Robert, LUTHER, Kurt, The Europeanization of National Political Parties. Power and Organizational Adaptation, Londres, Routledge, 2007. 25 HAAS, Ernst, The Uniting of Europe : Political, Social and Economical Forces, 1950-1957, Londres, Stevens & Sons, 1958 (chapitre 11, « Supranational political parties »). E. Haas parle aussi de « federal-wide political party » (p. 395). 26 GRESCH, Norbert, Transnationale Parteienzusammenarbeit in der EG, Baden-Baden, Nomos, 1978 (p. 77). 27 SEILER, Daniel-Louis, « Les fédérations de partis au niveau communautaire », dans HRBEK, Rudolf, JAMAR, Joseph, WESSELS, Wolfgang (dir.), Le Parlement européen à la veille de la deuxième élection au suffrage universel : Bilan et perspectives. Actes du Colloque organisé par le Collège d’Europe et l’Institut für Europäische Politik (Bruges, les 16, 17 et 18 juin 1983), Bruges, Tempelhof, 1984, p. 459-507 (p. 478-480). 28 NIEDERMAYER, Oscar, Europäische Parteien ? Zur grenzüberschreitenden Integration politischer Parteien im Rahmen der Europäischen Gemeinschaft, Francfort s/ le Main, Campus, 1983. Cet ouvrage porte entièrement sur la construction d’un modèle théorique ou plutôt, comme il le dit lui-même, d’une typologie des relations transnationales théoriquement possibles entre partis politiques au sein de l’Union européenne. 29 Voir par exemple : DELWIT, Pascal, « Est-il possible de qualifier les partis européens de partis politiques ? Tentatives de définition et de comparaison », dans AUDÉOUD, Olivier, « Les partis politiques au niveau européen. Fédérations de partis nationaux », Les cahiers du GERSE. n°3, février 1999, p. 45-62 ; DELWIT Pascal, De WAELE Jean-Michel, KÜLAHCI Erol, Van De WALLE Cédric, « Les fédérations européennes de partis : des partis dans le processus décisionnel européen ? », dans MAGNETTE, Paul, REMACLE, Eric (dir.), Le nouveau modèle européen, vol.1, Institutions et gouvernance, Bruxelles, éd. de l’Université de Bruxelles, 2000. p. 125-138.

Introduction générale

16

constat commun étant le plus souvent que tel n’est pas le cas30 ou qu’il s’agit en fait de

partis politiques sui generis31, la plupart des travaux cherche alors à déterminer le degré

exact de « partyness »32 des organisations existantes. Quel que soit le degré atteint, les

organisations sont de toute façon considérées comme « un acteur politique en

devenir »33, les chercheurs différant alors simplement par l’accent plus ou moins fort

mis sur leur degré d’achèvement34, la nature des incitations et obstacles institutionnels

ou fonctionnels au développement de ces structures35 ou encore le nombre de

composantes partisanes européennes qu’il faut prendre en compte dans l’analyse36.

30 SEILER, Daniel-Louis, « Partis politiques européens », dans DELOYE, Yves (dir.), Dictionnaire des élections européennes, Paris, Economica, 2005, p. 536-542. 31 MAGNETTE, Paul, « Les contraintes institutionnelles au développement des partis politiques européens », dans DELWIT, Pascal, KÜLAHCI, Erol, VAN DE WALLE, Cédric, Les fédérations européennes de partis : Organisation et influence, Bruxelles, éd. de l’Université de Bruxelles, 2001, p. 57-66. 32 Pour reprendre un terme forgé dans la « party politics theory », notamment par Richard Katz. Voir par exemple : KATZ, Richard S., « Party Government : a Rationalistic Conception », dans CASTLES, Francis G., WILDENMANN, Rudolf (dir.), Visions and Realities of Party Government, Berlin, de Gruyter, 1986, p. 31-71 ; KATZ, Richard S., KOLODNY, Robin, « Party Organization as an Empty Vessel : Parties in American Politics », dans KATZ, Richard S., MAIR, Peter (dir.), How Parties Organize. Change and Adaptation in Party Organizations in Western Democracies, Londres, Sage, 1994, p. 23-50. 33 Voir le titre de l’introduction, ainsi que la plupart des contributions, de l’ouvrage collectif déjà cité plusieurs fois : DELWIT, Pascal, KÜLAHCI, Erol, VAN DE WALLE, Cédric, « Les fédérations européennes de partis. Un acteur politique en devenir ? », dans DELWIT, Pascal, KÜLAHCI, Erol, VAN DE WALLE, Cédric, Les fédérations européennes de partis : Organisation et influence, Bruxelles, éd. de l’Université de Bruxelles, 2001, p. 9-17. 34 BARDI, Luciano, « European Political Parties : A (Timidly) Rising Actor in the EU Political System », The International Spectator, vol. 39, n°2, 2004, p. 17-30 ; HRBEK, Rudolf, « Political Parties in the EU-Multi-Level-System », dans HRBEK, Rudolf, Political Parties and Federalism. An International Comparison, Baden-Baden, Nomos, 2004, p. 169-182 ; POGUNTKE, Thomas, PÜTZ, Christine, « Parteien in der Europäischen Union : Zu den Entwicklungschancen der Europarteien », Zeitschrift für Parlamentsfragen, vol. 37, n°2, 2006, p. 334-353. 35 BARDI, Luciano, « Les perspectives des fédérations européennes de partis », dans DELWIT, Pascal, KÜLAHCI, Erol, VAN DE WALLE, Cédric, Les fédérations européennes de partis : Organisation et influence, Bruxelles, éd. l’Université de Bruxelles, 2001, p. 229-238 ; MAGNETTE, Paul, « Les contraintes institutionnelles au développement des partis politiques européens », dans DELWIT, Pascal, KÜLAHCI, Erol, VAN DE WALLE, Cédric, Les fédérations européennes de partis : Organisation et influence, Bruxelles, éd. de l’Université de Bruxelles, 2001, p. 57-66 ; BARTOLINI, Stefano, Restructuring Europe : centre formation, system building and political structuring between the nation-state and the European Union, New York, Oxford University Press, 2005, p. 340. 36 Les auteurs hésitant entre le fait de ne considérer que les structures extraparlementaires (DELWIT, Pascal, « Fédérations européennes de partis politiques », dans DELOYE, Yves (dir.), Dictionnaire des élections européennes, Paris, Economica, 2005, p. 301-305), de combiner structures extraparlementaires et groupes politiques du PE (JOHANSSON, Karl Magnus, ZERVAKIS, Peter (dir.), European Political Parties between Cooperation and Integration, Baden-Baden, Nomos, 2002) ou encore de rajouter à ces binômes une troisième « facette » pour en faire des triangles partisans (HIX, Simon, Lord, Christopher, Political parties in the European Union, Londres, Macmillan, 1997 (voir notamment p. 57-67, la section : « One, three or fifteen organisations in each party ? »).

Introduction générale

17

On voit donc que la recherche sur les organisations qui pourraient correspondre aux

« partis politiques au niveau européen » de l’article 138a se concentre surtout sur la

question de leur « essence » partisane. Ces travaux fournissent, certes, des informations

importantes sur les acteurs engagés dans la « construction européenne » de

partis politiques. Mais ils ne permettent pas de répondre à la question de savoir

comment et pourquoi un « article des partis » a été effectivement reconnu dans le traité

de Maastricht.

En effet, même les travaux postérieurs à 1992 qui mentionnent l’adoption de cet

« article des partis » ne s’étendent jamais en détail sur les conditions de la codification.

En règle générale, la plupart des auteurs ne fait que constater l’inscription de « partis

politiques au niveau européen » dans le droit communautaire sans autre précision37, ou

bien en renvoyant simplement à l’accord passé entre « Etats membres »38 ou encore à

l’action volontaire de quelques acteurs centraux qu’on identifie généralement à trois ou

quatre personnes : les « présidents partisans » de l’ELDR (Willy de Clercq), du PPE

(Wilfried Martens) et de l’UPSCE (Guy Spitaels)39, auxquels certains (les moins

nombreux) ajoutent parfois le président du PE de 1989 à 1992, Enrique Barón40. Dans

toutes ces études, l’article 138a apparaît tout au plus comme le résultat évident et

37 Voir par exemple : DELWIT, Pascal, KULAHCI, Erol, VAN DE WALLE, Cédric, « Les fédérations européennes de partis. Un acteur politique en devenir ? », dans DELWIT, Pascal, KÜLAHCI, Erol, VAN DE WALLE, Cédric (dir.), Les fédérations européennes de partis. Organisation et influence, Bruxelles, éd. de l’Université de Bruxelles, 2001, p. 9-17 (voir p. 10, note 5) ; HANLEY, David, Beyond the Nation State. Parties in the Era of European Integration, Londres, Palgrave Macmillan, 2007 (p. 64) ; LADRECH, Robert, « La coopération transnationale des partis socialistes européens », dans TELÒ, Mario, De la nation à l’Europe, paradoxes et dilemmes de la social-démocratie, Bruxelles, Bruylant, 1993, p. 113-130 (p. 129). 38 MITTAG, Jürgen, « Transnationale Parteienkooperation in Europa », IEV-Online, n°1, 2009 (p. 13). 39 CORBETT, Richard, Representing the People, dans DUFF, Andrew, PINDER, John, PRYCE, Roy (dir.), Maastricht and Beyond. Building the European Union, Londres, Routledge / The Federal Trust, 1994 p. 207-228 (p.218) ; HIX, Simon, LORD, Christopher, Political Parties in the European Union, Londres, Macmillan, 1997 (p. X et p. 190) ; HIX, Simon, « The Party of European Socialists », dans LADRECH, Robert, MARLIERE, Philippe (dir.), Social-democratic Parties in the European Union. History, Organization, Policies, Londres, Macmillan, 1999, p. 204-217 (p. 205). 40 Voir les deux études qui, à ce jour, fournissent les tentatives les plus détaillées de « tracer » historiquement la codification de l’article 138a, mais qui se révèlent toutes deux incomplètes, comme on va le voir : PARLEMENT EUROPÉEN (LEHMANN, Wilhelm, COMAN, Ramona), « Statut et financement de partis politiques européens », Document de travail de la Direction générale des Etudes (DG IV), Série « Affaires constitutionnelles » (AFCO 105FR ; PE 337.295), Parlement européen, décembre 2003, p. 2-4 ; JOHANSSON, Karl Magnus, ZERVAKIS, Peter, « Historical-Institutional Framework », dans JOHANSSON, Karl Magnus, ZERVAKIS, Peter (dir.), European Political Parties between Cooperation and Integration, Baden-Baden, Nomos, 2002, p. 11-28 (voir notamment les sections « Tracing the European political parties » et « The Maastricht Treaty and its Review », p. 14-16).

Introduction générale

18

univoque d’une action concertée de quelques « grands acteurs » qui aurait permis de

faire « enregistrer » dans le traité de Maastricht une « demande de droit » particulière,

par une sorte de relation directe de cause à effet.

Si l’on s’en tient à ce type d’explication « héroïque »41 qui fait dépendre le résultat

observé simplement de l’intention et de la volonté « transparente » des acteurs les plus

« visibles »42, on risque de passer à côté de résistances (plus difficilement perceptibles

car moins clairement revendiquées), ainsi que de logiques contextuelles particulières.

Celles-ci permettraient d’expliquer concrètement ce que l’on observe, plutôt que

d’esquiver la question par des sortes de « courts-circuits » explicatifs :

« For whatever reason, the final formulation of Article 138a fell short of the more substantial and precise wordings proposed on various occasions by the presidents of the three party federations and by the president of the EP. Significantly, the article specified neither the funding of European political parties nor their potential role in European elections, particularly in the nomination procedures. »43

L’objet de notre travail est justement de proposer des éléments d’explication qui

évitent de faire de la codification de l’article 138a le résultat d’une « whatever reason »

non spécifiée.

***

Notre travail postule donc l’importance d’une ré-historicisation et d’une re-

contextualisation de la codification de l’« article des partis » et des différents types de

mobilisations qui l’ont rendue possible.

41 Nous aurons l’occasion de revenir, au cours de notre étude, sur cette « illusion » ainsi que sur celles qui lui sont liées (l’ « illusion étiologique » et celle, inverse, « de l’histoire naturelle »). Pour la critique de ces trois postures théoriques, voir : DOBRY, Michel, Sociologie des crises politiques, Paris, PFNSP, 2009 (1986) (chapitre 2, p. 45-93). 42 En se fondant d’ailleurs le plus souvent uniquement sur le témoignage personnel de ces mêmes acteurs. 43 JOHANSSON, Karl Magnus, ZERVAKIS, Peter, « Historical-Institutional Framework », dans JOHANSSON, Karl Magnus, ZERVAKIS, Peter (dir.), European Political Parties between Cooperation and Integration, Baden-Baden, Nomos, 2002, p. 15-16 (traduction : « Pour une raison quelconque, la formulation finale de l’article 138a échoua à intégrer la formulation plus substantielle et plus précise proposée à diverses occasions par les présidents des trois fédérations de partis et le président du PE. Significativement, l’article ne spécifiait ni le financement des partis politiques européens, ni leur rôle potentiel dans les élections européennes, particulièrement dans les procédures de nomination »).

Introduction générale

19

Cet effort de mise en perspective doit d’abord permettre de retracer, précisément, les

différentes initiatives ayant mené à la codification de l’article 138a au moment de

Maastricht. Cette histoire, ou plutôt ces histoires d’une codification « en train de se

faire » et non déjà faite, doivent donc retrouver et prendre en compte tous les acteurs

effectivement engagés dans ces configurations, et pas seulement les plus visibles d’entre

eux ni ceux qui y sont favorables. Il sera ainsi possible de repérer les points de

résistance éventuelle laissés de côté par les approches précédentes.

Cette mise au jour des différentes mobilisations passe d’abord par l’étude de

l’« arène » intergouvernementale dans laquelle le traité de Maastricht a été négocié lors

des deux conférences intergouvernementales (CIG) de 1989-1992, mais elle ne peut s’y

réduire. Il faut explorer également d’autres arènes institutionnelles, en particulier celle

constituée par le Parlement européen, « assemblée délibérante » dont les membres,

acteurs partisans élus au suffrage universel direct, semblent des « candidats » potentiels

à la mobilisation sur cette question. Sans oublier l’espace partisan extraparlementaire

des organisations européennes de partis évoquées (ELDR, PPE, UPSCE), dont les

membres n’ont cependant qu’un accès restreint aux arènes officielles où se négocie le

traité.

Notre enquête ne pourra prétendre apporter des éléments d’explication effectifs des

mobilisations constatées (et de leurs résultats observables) qu’à condition d’être le plus

attentif possible aux positions, aux raisons d’agir et aux discours des acteurs, mais aussi

aux « logiques de situation »44. Ce sont en effet ces dernières qui en grande partie

confèrent à ces mobilisations leur dynamique, en imposant aux acteurs pris dans ces

jeux politiques particuliers (le « jeu communautaire », en général, et plus précisément

l’ « épisode » particulier des CIG de 1989-1992) des contraintes situationnelles, mais

aussi des opportunités tactiques très variables selon le moment considéré et selon les

positions occupées par chacun.

Mais ce travail sur les mobilisations de 1989-1992 dans l’espace politique européen,

s’il est essentiel et premier, ne peut suffire entièrement à rendre compte de la

codification de l’article 138a et en particulier de la formulation qu’elle a adoptée.

44 DOBRY, Michel, « Ce dont sont faites les logiques de situation », dans FAVRE, Pierre, FILLIEULE, Olivier, JOBARD, Fabien (dir.), L’atelier du politiste. Théories, actions, représentations, Paris, La Découverte, 2007, p. 119-148.

Introduction générale

20

En effet, comme nous l’avons précisé au début de cette introduction, cette

codification apparaît non seulement comme un évènement situé dans l’espace des

relations que nous venons d’évoquer, mais aussi comme une prise de position ou plus

simplement un discours. Cette disposition est certes « non normative » du point de vue

juridique, mais elle n’en reste pas moins un énoncé concret, qui objective dans l’« ordre

symbolique des normes »45 un jugement de valeur positif sur ces organisations. Si la

dynamique des prises de position doit être recherchée dans les espaces de relations qui

les produisent, les discours doivent être étudiés aussi pour eux-mêmes, parce qu’ils ont

une matérialité propre qui peut avoir des effets indirects sur les mobilisations qui les

utilisent et les réactualisent.

Si l’on veut comprendre comment a pu être imposée concrètement la codification

des « partis politiques au niveau européen » dans les traités communautaires, il faut

donc non seulement étudier les mobilisations précises et reliées des acteurs politiques au

moment de Maastricht, mais également, comme y invite Didier Georgakakis, faire

l’histoire « des formes de connaissance par lesquelles est saisie [la] « construction de

l’Europe » »46. C’est pourquoi nous avons tenté de combiner dans cette thèse ces deux

types d’exploration, celle de l’espace des positions et celle de l’espace des prises de

position, afin d’essayer d’apporter quelques éléments de réponse à la question de leur

articulation effective47. Pour ce faire, nous avons choisi de nous centrer, pour l’étude

des prises de position ayant « façonné » la catégorie reconnue dans l’article 138a, sur les

discours savants et les « formations discursives » qui les structurent dans la construction

et la consolidation de l’idée générale de /partis européens/48.

45 Sur cette question de la distinction et à la fois de l’articulation entre « ordre symbolique des normes » et « ordre des relations objectives entre agents et institutions », voir : BOURDIEU, Pierre, « La force du droit. Eléments pour une sociologie du champ juridique », Actes de la recherche en sciences sociales, n°64, 1986, p. 3-19 (ici p. 4). 46 GEORGAKAKIS, Didier, « Conclusion générale », dans DEVAUX, Sandrine, LEBOUTTE, René, POIRIER, Philippe (dir.), Le Traité de Rome : histoires pluridisciplinaires. L’apport du Traité de Rome instituant la Communauté économique européenne, Bruxelles, P.I.E. Peter Lang, 2009, p. 183-195 (ici p. 192). 47 Voir sur cette question plus précisément : LACROIX, Bernard, « Ordre politique et ordre social : Objectivisme, objectivation et analyse politique », dans GRAWITZ, Madeleine, LECA, Jean (dir.), Traité de science politique, tome 1, Paris, PUF, 1985, p. 469-565 (plus particulièrement les pages 502-513). 48 Nous emploierons cette typographie particulière pour désigner tout au long de notre travail la notion ou la catégorie générique de /partis européens/, quel que soit son contenu théorique précis, afin de la distinguer à la fois des divers types d’organisations concrètes auxquelles on peut l’associer ou qui peuvent s’en réclamer (que nous avons appelées quant à elles « organisations européennes de partis ») mais pour la distinguer aussi des différents « labels » qui peuvent servir à exprimer et objectiver la notion de /partis

Introduction générale

21

En effet, comme le soulignent notamment Antonin Cohen, Yves Dezalay et

Dominique Marchetti, « la formation de cet espace de pouvoir [européen] s’est

accompagnée d’ « investissements savants » qui ont contribué à définir et à borner

l’espace du pensable »49. Dans la lignée des travaux récents sur les savants et les auteurs

académiques50 (et notamment les juristes51) qui contribuent à « faire l’Europe », en

raison notamment d’une mobilité certaine entre les différents espaces nationaux et

sectoriels du « champ du pouvoir européen », nous avons essayé de montrer comment

les « partis politiques au niveau européen » de l’article 138a du traité de Maastricht

avaient été eux aussi « faits » ou plutôt pensés en dehors des strictes mobilisations de

1989-1992, et à la fois comment celles-ci s’articulaient concrètement à ces

« investissements savants », antérieurs et beaucoup plus nombreux, pour « faire

l’article » des partis.

***

On aura compris que cette thèse s’inspire principalement d’un ensemble de

théorisations et d’hypothèses, développées et établies depuis longtemps en sociologie

politique puis appliquées, plus récemment, à l’analyse du système institutionnel de

l’Union européenne et plus largement des différents espaces de pouvoir européens,

construits et mis en relation depuis la fin de la deuxième guerre mondiale52. A la suite

européens/, formulations et appellations que nous regroupons sous l’expression de « label partisan européen ». 49 COHEN, Antonin, DEZALAY, Yves, MARCHETTI, Dominique, « Esprits d’État, entrepreneurs d’Europe », Actes de la recherche en sciences sociales, n°166-167, 2007, p. 4-13 (ici p. 8). 50 Voir notamment : POLITIX, L’Académie européenne, (dossier coordonné par Cécile Robert et Antoine Vauchez), vol. 23, n°89, 2010. 51 Voir par exemple : CRITIQUE INTERNATIONALE, Les juristes et l’ordre politique européen (dossier coordonnée par Antonin Cohen et Antoine Vauchez), n°26, 2005 ; COHEN, Antonin, « L’Europe en constitution : professionnels du droit et des institutions entre champ académique international et « champ du pouvoir européen » », dans COHEN, Antonin, LACROIX, Bernard, RIUTORT, Philippe, Les formes de l’activité politique. Eléments d’analyse sociologique XVIIIe-XXe siècle, Paris, PUF, 2006, p. 297-315 ; COHEN, Antonin, RASK MADSEN, Mikael, « Cold War Law : Legal Entrepreneurs and the Emergence of the European Legal Field (1945-1965) », dans GESSNER, Volkmar, NELKEN, David (dir.), European Ways of Law : Towards a European Sociology of Law, Oxford, Hart Publishing, 2007, p. 175-201; COHEN, Antonin, VAUCHEZ, Antoine (dir.), La Constitution européenne. Elites, mobilisations, votes, Bruxelles, éd. de l’Université de Bruxelles, 2007. 52 Parmi les travaux présentant l’approche sociologique de l’Union européenne, voir notamment : SMITH, Andy, « L’espace public européen : une vue (trop) aérienne », Critique internationale, n°2, 1999, p. 169-180 ; GUIRAUDON, Virginie, « L’espace sociopolitique européen, un champ encore en friche ? », Cultures et conflits, n°38-39, 2000, p.7-37 ; SMITH, Andy, « French Political Science and European Integration », Journal of European Public Policy, vol. 7, n°4, 2000, p. 663-669 ;

Introduction générale

22

de ces travaux, notre thèse propose l’étude de cas d’un objet circonscrit, que nous

pensons apte à apporter des éléments de réflexion sur les problèmes évoqués, qui le

dépassent de beaucoup et qui sont ceux de toute codification de ce type : « Qui, quand,

jusqu’à quel point et pourquoi prend-on la peine de codifier ? »53.

Dans notre cas d’espèce, il s’agira d’abord, dans une première partie, de décrire

quelles sont les configurations complètes d’acteurs engagés dans la codification de

l’article 138a, en tentant de tenir ensemble les promoteurs qui y sont favorables, mais

aussi les acteurs qui peuvent s’y opposer, et en essayant de comprendre ce que ces

mobilisations et ces résistances peuvent nous apprendre de la structuration de l’espace

politique européen dans lequel elles se déroulent.

Nous chercherons ensuite, dans une deuxième partie, à déterminer la nature exacte

de ce qui est codifié : en tant qu’évènement discursif, on l’a dit, la codification étudiée

objective un discours particulier sur les /partis européens/. Mais il faut comprendre

comment ces discours sont produits et comment certains se sont retrouvés à Maastricht,

inscrits dans l’article 138a. Cela implique de les étudier en même temps pour eux-

mêmes, en tentant de dégager les « formations discursives » de leur émergence, mais

aussi de les étudier en tant que produits particuliers de certains types d’acteurs. On sera

par là en mesure de montrer que la codification de l’« article des partis » à Maastricht

repose à la fois sur des espaces de production précis, des réseaux de circulation et des

trajectoires particulières qui rendent possible la codification observée.

Afin de mener à bien ce travail, nous avons réuni un ensemble de sources les plus

variées possibles, que nous avons à la fois analysées selon des méthodes spécifiques à

GEORGAKAKIS, Didier, « L’Europe sur le métier : pour une sociologie politique de la construction européenne », dans GEORGAKAKIS, Didier (dir.), Les métiers de l’Europe politique. Acteurs et professionnalisations de l’Union européenne, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 2002, p. 9-32 ; SMITH, Andy, Le gouvernement de l’Union européenne. Une sociologie politique, Paris, L.G.D.J., 2004 ; PASQUIER, Romain, WEISBEIN, Julien, « L’Europe au microscope du local. Manifeste pour une sociologie politique de l’intégration communautaire », Politique européenne, n°12, 2004, p. 5-21 ; BIGO, Didier, « Une sociologie politique des processus d’européanisation en constitution ? », dans COHEN, Antonin, LACROIX, Bernard, RIUTORT, Philippe (dir.), Les formes de l’activité politique. Eléments d’analyse sociologique, XVIIIe-XXe siècles, Paris, PUF, 2006, p. 269-276 ; COHEN, Antonin, DEZALAY, Yves, MARCHETTI, Dominique, « Esprits d’Etat, entrepreneurs d’Europe », Actes de la recherche en sciences sociales, mars 2007, n°166-167, p. 4-13 ; GEORGAKAKIS, Didier, « La sociologie historique et politique de l’Union européenne : un point de vue d’ensemble et quelques contre points », Politique européenne, printemps 2008, n°25, p. 53-85. 53 LEHINGUE, Patrick, « Usages et effets politiques de la codification : la réglementation des sondages d’opinion en France », dans CURAPP, Les usages sociaux du droit, Paris, PUF, 1989, p. 44-67 (ici p. 45-47).

Introduction générale

23

chaque type de source, mais aussi tenté de croiser dans une approche générale et

combinée. Nous renvoyons aux introductions de chacune des deux parties pour le détail

de ces sources et les méthodes employées pour les réunir et pour les analyser. Mais nous

terminerons cette introduction en les évoquant rapidement.

Les mobilisations dans l’espace politique européen au moment de Maastricht, que

nous étudions dans notre première partie, ont ainsi été abordées à la fois par un

ensemble d’archives institutionnelles officielles, provenant des deux CIG de 1989-1992

(réunissant au total 217 documents issus des trois institutions communautaires

principales : Conseil, Commission et Parlement européen), que nous avons analysées de

manière systématique. Mais nous avons aussi utilisé de façon plus ponctuelle des fonds

individuels et organisationnels privés que nous détaillons dans l’introduction à la

première partie, et notamment les archives des deux principales organisations

européennes de partis extraparlementaires de l’époque, le PPE et l’UPSCE (actuel PSE).

A ces fonds d’archives, nous avons ajouté le dépouillement des comptes-rendus in

extenso des débats parlementaires au PE pour la première moitié de la 3e législature

(juillet 1989-janvier 1992), ainsi que celui des documents de travail de la commission

institutionnelle du PE.

Pour tenter de repérer les mobilisations et les revendications concernant notre sujet

en dehors des arènes institutionnelles mentionnées ci-dessus, nous avons constitué un

corpus de sources journalistiques tirées de 14 journaux nationaux et, surtout, des

archives de l’Agence Europe. Enfin, 26 entretiens (en face-à-face ou par questionnaire

écrit) ont été réalisés, soit comme entretiens exploratoires à notre enquête, soit pour

interroger au cours de notre travail les acteurs principaux repérés. Nous en donnons la

liste en annexe à cette thèse.

Ces sources consultées pour l’étude de notre première partie ont également servi,

ponctuellement, pour celle des mobilisations et des « investissements savants » analysés

dans la deuxième partie. Mais ceux-ci ont principalement été appréhendés à partir de la

constitution d’un « corpus » de 285 références savantes (selon la définition que nous en

donnons dans l’introduction à la deuxième partie), couvrant les années 1954-1992.

Celles-ci ont été étudiées à la fois sous l’angle de leur contenu (qui permet d’accéder

concrètement aux « formations discursives » dans lesquelles s’inscrivent les discours

sur les /partis européens/), mais aussi sous l’angle des producteurs de ces discours. Cette

Introduction générale

24

dernière analyse se fonde sur les données biographiques recueillies sur les 170 auteurs

rassemblés dans ce corpus54.

L’étude détaillée et coordonnée de ces différents types de sources permet d’obtenir

une vue non pas exhaustive, mais suffisamment diversifiée et complète, des espaces et

des situations dans lesquels se déroulent les mobilisations étudiées, tout en restituant à

celles-ci à la fois leur « étrangeté » (c’est-à-dire en leur enlevant le caractère d’évidence

qu’on leur prête parfois) mais aussi leur contingence. Pour reprendre en effet la

définition du hasard commentée plus haut, il nous semble essentiel de parvenir à

combiner, dans une science du social, les hasards déterminés produits par le croisement

aléatoire de séries causales en partie indépendantes.

En prenant la codification de l’article 138a pour objet de cette thèse, nous

entendions nous construire un objet suffisamment circonscrit (quatre lignes dans le

traité de Maastricht), pour espérer mettre au jour quelques unes de ces séries causales

hétérogènes et pouvoir dégager quelques éléments de réponse aux problèmes plus

généraux soulevés par cette introduction préliminaire.

54 Voir notre annexe biographique pour le détail des sources utilisées dans ce but.

25

PARTIE I

La codification de l’article 138a :

les mobilisations dans l’espace politique

Partie I – Introduction

26

Introduction à la première partie

« In a first reaction to the Maastricht Summit before the press, the President of the European Parliament, Enrique Baron, said that his warning to the European Council participants had been « partially heard ». He welcomed the approval of a European Union Treaty that is not merely a « Single Act, part two », but that provides provisions on European citizenship, the double investiture of the Commission by the EP, the simultaneous renewal of the Commission and the EP and the recognition of political parties at the European level. Thus, he noted, we shall begin to « be able to play the Community political game. » » (Agence Europe, 12 décembre 1991, « European Council Judges Maastricht Outcome With Caution »)

Le but de cette partie est de comprendre les mobilisations des acteurs précis qui ont

conduit à la codification étudiée. Cela implique à la fois de faire la chronologie précise

de ces mobilisations, mais aussi de les resituer dans les différents espaces dans lesquels

elles peuvent avoir lieu, tout en décrivant leurs modalités. Cette étude ne délaisse pas

pour autant le discours des acteurs impliqués dans ces mobilisations, mais les met à

distance, en les recontextualisant et en tentant de faire, par recoupement, la part des

choses entre ce qui relève du témoignage et ce qui relève de la revendication de

légitimité. Il faut aussi chercher à comprendre les déterminants plus larges de ces

mobilisations, en s’intéressant à la fois aux positionnements et aux intérêts spécifiques

des acteurs de cette codification de l’article 138a.

Dans cette approche, le « retournement » des questions initiales peut s’avérer

également fécond : plutôt que de se demander seulement qui a effectivement agi en

faveur de cette reconnaissance des /partis européens/, il peut être intéressant de se

demander, au contraire, qui ne l’a pas fait, alors qu’on aurait pu s’y attendre. Cette étude

de la codification de l’article 138a n’entend donc pas se limiter à une « cartographie

aveugle » des seules mobilisations constatées : elle tente au contraire de « ré-encastrer »

les différents acteurs qui en sont à l’initiative dans les espaces plus larges et les relations

plus nombreuses qui les lient entre eux, mais qui les lient aussi à d’autres, acteurs non

mobilisés ou qui peuvent éventuellement s’opposer, plus ou moins explicitement, aux

mobilisations constatées. Pour déterminer les tensions éventuelles et les rapports de

force dont la codification étudiée est au final un résultat, il faut donc élargir la focale et

Partie I – Introduction

27

prendre en compte à la fois les « espaces pleins » et les « espaces vides » (du point de

vue des mobilisations explicites en faveur de notre objet).

La première partie de notre travail passera donc d’abord successivement en revue les

différentes arènes de l’espace politique européen dans lesquels est susceptible de se

jouer vraisemblablement la codification de l’article 138a, en commençant par le cadre

intergouvernemental très spécifique des CIG de 1989-1992. En effet, le fait que la

codification étudiée intervienne dans le cours d’une renégociation complète des traités

de Rome, qui mobilise pendant plus d’un an les représentants nationaux des

gouvernements des Etats membres dans des négociations quasi permanentes, abordant

un à un tous les sujets et toutes les parties du traité à négocier, conduit à se demander si

la question des /partis européens/ et de leur reconnaissance a été discutée, d’une manière

ou d’une autre, au sein des arènes intergouvernementales officielles de négociation,

avant le Sommet de Maastricht lui-même (chapitre 1).

De même, l’« activisme » des députés européens, qui de juillet 1989 à janvier 1992

votent de 42 résolutions directement et exclusivement consacrées à la perspective ou au

déroulement des CIG de 1989-1992, parmi lesquelles de nombreux textes mettant

l’accent sur la participation démocratique des citoyens européens, demande qu’on

s’intéresse de plus près à ce qui s’est dit au sein du PE au sujet des /partis européens/

pendant la période (chapitre 2).

C’est seulement parce qu’on aura établi cette vue d’ensemble des espaces

institutionnels possibles de mobilisation en faveur de la codification étudiée, qu’on

pourra alors mesurer efficacement les mobilisations des organisations européennes de

partis qui ont lieu à l’extérieur (chapitre 3).

***

Notre démarche consiste à rechercher toute trace éventuelle, tout indice documenté

d’une objectivation ou d’une discussion quelconque de l’idée de reconnaissance

juridique des /partis européens/1.

1 Cette analyse prend bien sûr en compte les limites de toute écriture historique, telles qu’elles ont été analysées depuis longtemps par les historiens eux-mêmes. Voir par exemple : DUBY, Georges, Les Trois Ordres ou l’imaginaire du féodalisme, Paris, Gallimard, 1978 : « L’historien n’interroge jamais que des

Partie I – Introduction

28

Il faut donc repartir des sources les plus larges et différentes possibles, afin de

pouvoir les recouper et « faire jouer » au mieux les lacunes et les biais de chaque type

de source les uns contre les autres. C’est le seul moyen de limiter au maximum les

problèmes induits, dans ce type de recherche, par l’enquête qui se limiterait aux

témoignages d’acteurs qui peuvent, chacun, avoir avantage à apparaître comme les

principaux initiateurs d’une mesure de ce type.

Les entretiens ne doivent évidemment pas être dénigrés, dans la mesure où ils

peuvent apporter des indications importantes, que ce soit des informations utilisables en

tant que telles si elles peuvent être vérifiées par ailleurs ou que ce soit, dans tous les cas,

des éléments sur la manière dont tel ou tel acteur présente et « met en récit », justement,

les évènements auxquels il a participé. Dans cette perspective, nous avons mené des

entretiens en vis-à-vis ou interrogé par questionnaire 26 acteurs différents2, dont

Wilfried Martens, Thomas Jansen, Enrique Barón, mais aussi Jacques Nancy (porte-

parole du président du PE Enrique Barón en 1991), Christian Ehlers (secrétaire général

de la Fédération ELDR en 1991), Guy Korthoudt (secrétaire général adjoint du PPE en

1991), Antony Beumer (fonctionnaire européen au secrétariat du groupe socialiste du

PE en 1991 et par la suite secrétaire général adjoint du Parti socialiste européen entre

1995 et 1999, puis secrétaire général de 1999 à 2004), Philippe de Schoutheete De

Tervarent (représentant permanent de la Belgique auprès des Communautés

européennes en 1991), Yves Doutriaux (conseiller à la représentation permanente de la

France auprès des Communautés européennes en 1991, membre de la délégation

française pendant les négociations du traité de Maastricht). Ces entretiens avec des

acteurs impliqués directement dans les négociations du traité de Maastricht et dans les

activités des organisations européennes de partis à l’époque de la codification ont été

recoupés avec divers autres types de sources.

épaves, et ces rares débris proviennent à peu près tous de monuments dressés par le pouvoir. » ; VEYNE, Paul, Comment on écrit l’histoire, Paris, Seuil, 1971 : « L’histoire est récit d’événement : tout le reste en découle. Puisqu’elle est d’emblée un récit, elle ne fait pas revivre, non plus que le roman ; le vécu tel qu’il ressort des mains de l’historien n’est pas celui des acteurs, c'est une narration, ce qui permet d’éliminer des faux problèmes. Comme le roman, l’histoire trie, simplifie, organise [...] en aucun cas ce que les historiens appellent un événement n’est saisi directement et entièrement ; il l’est toujours incomplètement et latéralement, à travers des documents ou des témoignages, disons à travers des tekmeria, des traces » (p. 14-15). 2 Pour la liste complète des entretiens réalisés, voir en annexe.

Partie I – Introduction

29

Nous avons tout d’abord pu consulter différents fonds d’archives officielles. Pour le

chapitre 1, nous avons ainsi pu avoir accès à certains documents des archives des

Conférences intergouvernementales (CIG) de 1991. Du fait de la « règle des 30 ans »

qui ne rend publics les documents des institutions communautaires de manière générale

qu’après ce délai3, il n’a pas été possible de consulter systématiquement l’ensemble des

archives de la CIG. La politique d’ « accès public aux documents »4 des institutions

communautaires permet néanmoins de faire des demandes ciblées de dérogation et

d’obtenir par ce moyen une grande partie des documents déclassifiés des CIG, sans

attendre 20215. Nous avons ainsi rassemblé 217 documents provenant des archives du

Conseil6 (parmi lesquels 44 sont des documents provenant de la CIG sur l’Union

économique et monétaire (UEM) et 173 des documents de la CIG sur « l’Union

politique »), complétés par 61 documents provenant de la Commission7. Nous avons

ainsi pu réunir à la fois l’exhaustivité des contributions envoyées par les délégations

nationales à la CIG, une grande partie des documents de travail et des comptes-rendus

des réunions de la CIG à tous les niveaux ainsi que la totalité des projets successifs de

traité proposés par les présidences luxembourgeoise (1er semestre 1991) et néerlandaise

(2e semestre)8.

Pour le chapitre 2 sur le Parlement européen (PE), nous avons dépouillé les

comptes-rendus in extenso des 36 sessions plénières qui se sont déroulées entre le début

de la troisième législature en juillet 1989 et la signature du traité de Maastricht le 7

3 A conditions qu’ils n’aient pas été classés secrets ou confidentiels, et qu’ils ne concernent pas des dossiers personnels ou des pièces contenant des renseignements de nature privée. Voir le règlement n° 354/83 du Conseil du 1er février 1983 « concernant l'ouverture au public des archives historiques de la Communauté économique européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique », JOCE L 043 du 15 février 1983, p. 1-3. 4 Règlement (CE) n° 1049/2001 du 30 mai 2001 « relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission », JOUE L 145 du 31 mai 2001, p. 43-48. 5 Auprès des « Services d’accès aux documents » de chaque institution. 6 Grâce à l’aide de son « Service d’accès aux documents » et grâce surtout à l’aide et aux conseils de M. Lino Liao, administrateur au Conseil de l’Union européenne, que nous remercions de nous avoir grandement facilité la tâche face aux difficultés que pose parfois l’accès à ces archives « récentes » qui ne remplissent pas la « règle des 30 ans ». 7 A partir de recherches sur la base de données « DORIE » : http://ec.europa.eu/dorie. 8 Les versions les plus consolidées des projets de traités, ainsi que certaines contributions nationales sont également accessibles via le Bulletin des Communautés de la Commission européenne, publication mensuelle de la Commission européenne qui présente les activités des institutions et reprend certains documents officiels, notamment pendant les CIG. Ce Bulletin est consultable en ligne seulement depuis 1996. Pour les CIG de 1991, nous avons pu le consulter à la Bibliothèque centrale de la Commission, ainsi qu’à la Bibliothèque du Conseil, à Bruxelles.

Partie I – Introduction

30

février 19929, complétées par le dépouillement des documents de travail, des comptes-

rendus analytiques des réunions et des rapports de la Commission institutionnelle du PE

ainsi que du Bureau du PE pour les 1e, 2e et 3e législatures10. Nous avons aussi pris en

compte pour le chapitre 2 les comptes-rendus des « conférences interinstitutionnelles »

qui réunissent pendant la CIG, à huit reprises, les douze représentants des États

membres et douze parlementaires11.

En plus de ces fonds d’archives officielles des institutions communautaires, nous

avons également pu avoir accès aux archives des deux principales

organisations européennes de partis actives à l’époque, le PPE et l’UPSCE. Les archives

du PPE, conservées au siège de l’organisation à Bruxelles, sont accessibles pour la

période de la codification sans restriction, mis à part les cartons classés

« confidentiels », ce qui nous a permis de dépouiller les comptes-rendus et les

documents de travail du Bureau du PPE12, de la Présidence13 mais aussi des Sommets

réunissant les leaders des partis nationaux, généralement à la veille des Sommets

européens14. Les archives du PSE n’étaient pas classées systématiquement à l’époque

où nous les avons consultées15, mais nous avons pu y trouver les documents de travail

des Bureaux et des Sommets de leaders pour la période 1990-199416, ainsi que des

9 Disponibles en ligne sur le site de l’Office des publications de l’Union européenne (OPOCE) : http://bookshop.europa.eu. Les débats disponibles sont ceux des sessions plénières depuis la 2e législature, mais nous nous sommes limités, pour des raisons de temps principalement, aux débats de la première moitié de la 3e législature qui correspondent à la période de préparation et de négociation des CIG ayant conduit au traité de Maastricht en 1990-1991. Différentes formulations possibles, outre celle finalement retenue dans l’article 138a, ont été testées et recherchées systématiquement pour chaque type de source : « partis politiques au niveau européen » ; « partis (politiques) européens » ; « partis politiques à l’échelle communautaire » ; « Europartis » ; « fédérations (européennes) de partis », mais aussi tout simplement « partis » et « fédérations » pour tenter de tenir compte au maximum de la « créativité lexicale » en termes de labels que nous mettrons en évidence plus clairement dans le chapitre 4. 10 Les recherches sur ce type de documents ont été réalisées sur la base de données du CARDOC (Centre Archivistique et Documentaire du Parlement européen) consultée du 21 au 24 mai 2011 à Luxembourg dans les locaux du CARDOC. Certains comptes-rendus du Bureau du PE, classés confidentiels, n’ont pas pu être consultés dans ces fonds, mais nous avons au moins pu avoir accès aux documents de travail de la Commission institutionnelle (créée en juillet 1981, avec Altiero Spinelli pour rapporteur-coordinateur), actuelle « Commission des affaires constitutionnelles » (depuis 1999 et le début de 5e législature, abrégée en « AFCO »). 11 Réunis grâce au Service d’accès aux documents du Conseil, qui conserve le compte-rendu de ces Conférences interinstitutionnelles entre le Conseil et le PE dans les archives de la CIG. 12 3 cartons pour la période 1990-1993. 13 1 carton pour la période 1989-1994. 14 4 cartons pour la période 1990-1993. 15 Janvier 2010. Le classement devait commencer en 2010-2011. 16 Avec néanmoins des lacunes.

Partie I – Introduction

31

documents relatifs aux comptes et au financement de l’organisation pour la même

période. Ces archives lacunaires ont été complétées par le dépouillement du fonds

d’archives du groupe socialiste du PE pour la période 1989-1992, conservé et classé par

les Archives Historiques de l’Union européenne (AHUE), à l’Institut universitaire

européen de Florence17.

Enfin, trois fonds d’archives privés d’acteurs individuels ont également pu être

consultés : ceux de John Fitzmaurice, fonctionnaire du secrétariat général de la

Commission (1973-2003), chargé pendant les années quatre-vingts et quatre-vingt-dix,

des relations entre la Commission et le PE (Bruxelles) ; de Anthony Beumer, secrétaire

général adjoint (1995 à 1999) puis secrétaire général (1999-2004) du PSE (Bruxelles) ;

de Pier Virgilio Dastoli, assistant parlementaire d’Altiero Spinelli de 1976 à 1986 puis

administrateur général du PE de 1988 à 2003 (AHUE).

Afin de compléter les informations recueillies dans ces fonds d’archives, nous avons

par ailleurs étudié un ensemble de sources journalistiques combinant les archives de

quatorze des principaux journaux européens de la presse écrite, quotidiens ou

hebdomadaires, de sept pays différents : Der Spiegel et Die Frankfurter Allgemeine

Zeitung pour l’Allemagne ; Le Soir et La Libre Belgique pour la Belgique ; El País et

ABC pour l’Espagne ; Le Monde et Le Figaro pour la France ; Corriere della Serra et

La Repubblica pour l’Italie ; De Telegraaf pour les Pays-Bas ; The Financial Times, The

Guardian et The Economist pour le Royaume-Uni. Outre des recherches thématiques

menées, pour la période 1989-1992, dans les archives disponibles en ligne pour certains

de ces journaux et portant sur différentes formules pouvant se rapporter à des « partis

européens » (dans les langues correspondantes), nous avons consulté de manière

systématique les archives complètes de ces journaux pour les mois de juillet et

décembre 1991, moments qui apparaissaient comme les périodes les plus probables

pour une mention éventuelle des « partis » au niveau européen, comme nous le

montrerons dans le cours de l’analyse.

Enfin, en plus de ces recherches dans les journaux nationaux, nous avons dépouillé

méthodiquement les archives en ligne de l’Agence Europe (notamment son « Bulletin

17 Fonds GSPE, 29 cartons dépouillés pour cette période.

Partie I – Introduction

32

quotidien » - abrégé en BQAE dans notre travail - et « Europe Documents »,

publications de documents officiels en version intégrale), pour la période couvrant les

travaux préparatoires et le déroulement des CIG, du Conseil européen de Strasbourg des

8-9 décembre 1989 à la signature du traité de Maastricht, le 7 février 199218. Il faut

distinguer dans les archives provenant de l’Agence Europe entre les dépêches

d’information, les documents officiels publiés et les éditoriaux quotidiens d’Emanuele

Gazzo (rédacteur en chef de 1953 à sa mort en 1994 et directeur général de l’Agence de

1980 à 1994), qui sont plus directement « engagés ».

Ces trois types de documents de l’Agence Europe ont chacun leur utilité et leur

usage, ne serait-ce que parce qu’ils fournissent la version « publique » quasi officielle

des actes analysés (certains acteurs la qualifiant eux-mêmes de « vrai service

d’information des Communautés européennes », selon le mot de Pierre Uri19) : en tant

que telle, l’Agence Europe est à la fois un moyen d’information pour les acteurs de

l’époque eux-mêmes, mais aussi une source primaire à analyser par le chercheur

désireux d’en savoir plus sur ces acteurs et leurs mobilisations20, à commencer par

celles d’E. Gazzo lui-même comme on y reviendra dans le chapitre 3.

Grâce à l’étude de ces différents types de sources, les mobilisations en faveur de la

codification, mais aussi les résistances éventuelles, pourront être repérées et articulées,

afin de tenter d’avoir une vue globale des espaces dans lesquels s’est produit

l’évènement discursif étudié.

18 Les archives de l’Agence Europe sont disponibles sur la base de données « Factiva » à partir de 1987, mais seulement en anglais pour la période qui nous concerne, de 1987 à 1992, ce qui explique que nous les citions dans cette langue quasi exclusivement. 19 Voir : URI, Pierre, « Conclusions », dans ASSOCIATION POUR L’ETUDES DES PROBLÈMES DE L’EUROPE (A.E.P.E.), dossier « Des partis à l’échelle européenne », Les Problèmes de l’Europe, n°64, 1974, p. 33-80 (ici p. 75). 20 BASTIN, Gilles, « L’Europe saisie par l’information (1952-2001) : Des professionnels du journalisme engagé aux content coordinators », dans GARCIA, Guillaume, LE TORREC, Virginie (dir.), L’Union européenne et les médias. Regards croisés sur l’information européenne, Paris, l’Harmattan, 2003 (p. 25).

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

33

Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht : des « partis » introuvables

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

34

Le 7 février 1992, le « traité sur l’Union européenne »1 signé à Maastricht par les

douze ministres des Affaires étrangères et les douze ministres de l’économie et des

finances des États alors membres des Communautés européennes2 contient, parmi les

articles nouvellement insérés dans le « traité instituant la Communauté économique

européenne » révisé, une disposition qui fait pour la première fois mention de « partis

politiques » dans les traités communautaires :

« Article 138a Les partis politiques au niveau européen sont importants en tant que facteur d'intégration au sein de l'Union. Ils contribuent à la formation d'une conscience européenne et à l'expression de la volonté politique des citoyens de l'Union. »3

La plupart des commentateurs du traité s’accordent pour dire que cette disposition

n’entraînait, en l’état, aucune conséquence juridique, comme nous l’avons vu dans

l’introduction générale avec l’exemple tiré du Commentaire article par article du traité

de Maastricht, dirigé par Vlad Constantinesco4. De même, Richard Corbett, à l’époque

fonctionnaire du Parlement européen (PE) et chargé du suivi des conférences

intergouvernementales (CIG) pour le groupe socialiste du PE5, juge que :

« Although the Treaty article [article 138a] has no direct legal consequences on the status of European political parties, its existence gives encouragement and legitimacy to the process, already underway (albeit very gradual), of strengthening the structures and procedures of transnational party political cooperation. »6

1 JOCE C 191 du 29 juillet 1992. 2 L’Allemagne, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la France, la Grèce, l’Irlande, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal et le Royaume-Uni. 3 JOCE C 191 du 29 juillet 1992, p. 30, article G 41 (« Traité sur l'Union européenne - Titre II : Dispositions portant modification du Traité instituant la Communauté économique européenne en vue d’établir la Communauté européenne ») et JOCE C 224 du 31 août 1992, p. 56 (« Version codifiée du traité instituant la Communauté européenne »). 4 CONSTANTINESCO, Vlad, KOVAR, Robert, SIMON, Denys (dir.), Traité sur l’Union européenne, signé à Maastricht le 7 février 1992. Commentaire article par article, Paris, Economica, 1995, p. 511. 5 Il est alors chef de la « Task Force » du secrétariat du Groupe socialiste au PE, chargée des CIG de 1991. Il sera plus tard élu député européen (de décembre 1996 à juin 2009). Pour les sources biographiques desquelles nous tirons les informations concernant les acteurs cités, nous renvoyons à notre annexe sur la question. 6 CORBETT, Richard, Representing the People, dans DUFF, Andrew, PINDER, John, PRYCE, Roy (dir.), Maastricht and Beyond. Building the European Union, Londres, Routledge / The Federal Trust, 1994 p. 207-228 (ici p. 219) (traduction : « Bien que l’article du traité n’ait pas de conséquences légales directes sur le statut des partis politiques européens, son existence encourage et légitime le processus, déjà

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

35

Dans cette perspective, l’article 138a n’a pas de conséquence juridique, mais il revêt

une dimension « symbolique ». Pour R. Corbett cette codification permet avant tout

d’« encourager » et de « légitimer » les organisations européennes de partis existantes7.

Cette idée traduit l’importance que les acteurs de l’époque peuvent accorder à la

reconnaissance juridique, conçue comme une ressource de plus dans l’entreprise

politique de structuration d’organisations européennes, quelles qu’elles soient. Mais

cette reconnaissance reste très limitée, ne serait-ce que parce qu’il n’est pas évident de

déterminer à quelles organisations on peut l’appliquer, comme on l’a vu. Cette

« disposition non normative », pour reprendre les termes de Vlad Constantinesco,

apparaît juridiquement comme une stipulation sans effet. Elle a pourtant été insérée

expressément dans le texte du traité négocié à Maastricht, ce qu’il faut pouvoir

expliquer.

Pour comprendre plus précisément la nature et les raisons de cette codification sans

contenu, il faut donc d’abord identifier tous les auteurs qui ont pu y participer, en

commençant par les arènes intergouvernementales qui ont négocié formellement le

traité dans lequel cet article a été inséré. Si l’on peut se contenter, juridiquement, de dire

que les auteurs d’un traité en sont abstraitement les « hautes parties contractantes »,

(qu’on parle de ses dispositions les plus lourdes de conséquences ou de ses articles les

plus anecdotiques), notre but est au contraire de déterminer quels sont les acteurs

particuliers, parmi les multiples intervenants ayant participé à la rédaction de ce traité,

qui ont pu être plus précisément investis dans la codification particulière qui nous

intéresse.

Le texte du traité de Maastricht dont fait partie l’article 138a a en effet été préparé et

négocié pendant plus d’un an, de décembre 1990 à janvier 19928, au cours de deux

conférences intergouvernementales (CIG) menées en parallèle par les représentants des

en cours (bien qu’il soit très graduel), de renforcement des structures et des procédures de la coopération transnationale des partis politiques »). 7 Même si, comme on l’a montré dans l’introduction générale, la nature des organisations qui peuvent prétende au « label » de « parti politique au niveau européen » reconnu à Maastricht n’a rien d’évident a priori . 8 Pour ce qui concerne les CIG proprement dites. On va voir que les négociations effectives au sujet de ces CIG elles-mêmes et de leurs ordres du jour ont commencé bien avant, depuis juin 1989 pour l’UEM au moins, et depuis juin 1990 pour l’UP.

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

36

douze États membres, l’une sur l’union économique et monétaire (UEM), l’autre sur

l’union politique (UP). Ces CIG ont été l’occasion d’une intense activité diplomatique

portant sur des problématiques à la fois très techniques, dans le cadre de la CIG UEM

principalement, mais aussi sur des questions comme la mise en place d’une « Union

européenne », l’accroissement des pouvoirs du PE ou l’instauration d’une citoyenneté

européenne et du droit de vote des ressortissants communautaires dans leur pays de

résidence, pour les élections locales et européennes. Si l’on veut tenter de comprendre la

codification particulière de l’article 138a, qui est notre objet précis, il faut donc

commencer par la réinsérer dans le contexte institutionnel et juridique dans lequel elle

est apparue (le processus de négociation général du traité de Maastricht), afin de

déterminer si, et dans quelle mesure, cet article a fait l’objet de négociations spécifiques

au cours de ces CIG.

Nous ne prétendons nullement pour cela (ré-)écrire l’histoire du traité de Maastricht,

qui a déjà fait l’objet de nombreux travaux auxquels nous renvoyons pour une

présentation globale des enjeux des deux CIG ou de telle question particulière9. En nous

appuyant en partie sur ces études, mais surtout sur le matériau empirique réuni pour les

besoins de ce travail, nous cherchons plus simplement à établir ce qui a été dit et ce qui

s’est fait précisément au sujet des /partis européens/ durant ces CIG.

Nos recherches pour ce chapitre ont ainsi porté, à partir des sources décrites en

introduction, à la fois : sur les négociations préalables ayant abouti à la décision de

convoquer deux CIG plutôt qu’une seule ; sur le déroulement et les négociations au sein

des CIG elles-mêmes (en se centrant sur la CIG sur l’union politique) ; sur le Conseil

européen de Maastricht des 9 et 10 décembre 1991 qui a vu l’adoption par les chefs

d’État et de gouvernement d’un texte provisoire de traité ; et enfin sur la période allant

9 Outre les ouvrages déjà cités, voir notamment les travaux suivants, qui sont pour beaucoup l’œuvre de diplomates et d’administrateurs ayant participé directement aux négociations, comme Joseph Weyland (représentant permanent du Luxembourg auprès des Communautés européennes) et Jim Cloos (conseiller à la représentation permanente du Luxembourg auprès des Communautés européennes), ou encore Richard Corbett et Yves Doutriaux que nous avons déjà évoqués : CLOOS, Jim, REINESCH, Gaston, VIGNES, Daniel, WEYLAND, Joseph, Le Traité de Maastricht, genèse, analyse, commentaires, Bruxelles, Bruylant, 1993 ; CORBETT, Richard, The Treaty of Maastricht. From Conception to Ratification : A Comprehensive Reference Guide, Harlow, Longman Current Affairs, 1993 ; DOUTRIAUX, Yves, Le Traité sur l’Union européenne, Paris, Armand Colin, 1992 ; LAURSEN, Finn, VANHOONACKER, Sophie (dir.), The Intergovernmental Conference on Political Union. Institutional Reforms, New Policies and International Identity of the European Community, Dordrecht, Martinus Nijhoff, 1992 ; MAZZUCELLI, Colette, France and Germany at Maastricht. Politics and Negociations to Create the European Union, New York / Londres, Garland Publishing, 1997.

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

37

du Conseil européen de Maastricht à la signature officielle du traité le 7 février, pendant

laquelle les « juristes-linguistes » du Conseil, sous la supervision des représentantions

permanentes des pays membres, ont donné au texte sa forme juridique définitive. A titre

de repère chronologique, nous donnons dans le tableau ci-dessous les dates des Conseils

européens – ou « Sommets européens » – de la période pendant lesquelles les décisions

institutionnelles commentées dans ce chapitre ont été prises.

Les Conseils européens, du Sommet de Madrid à la signature du traité de Maastricht

26-27 juin 1989 : Sommet de Madrid. Examen du rapport du « Comité Delors ». Début de la 1ère phase (libre circulation capitaux) fixée au 1er juillet 1990. Décision de convoquer des travaux préparatoires en vue d’une CIG pour fixer le calendrier des deux autres phases de l’UEM. 8-9 décembre 1989 : Sommet de Strasbourg. Soutien à la réunification allemande. Décision formelle de lancer une CIG sur l’UEM avant la fin de l’année 1990. 28 avril 1990 : 1er Sommet de Dublin, session extraordinaire du Conseil européen convoquée spécifiquement pour discuter la réunification allemande. 25-26 juin 1990 : 2e Sommet de Dublin. Décision de convoquer une CIG sur l’union politique en plus de la CIG sur l’UEM, pour le mois de décembre 1990. (1er juillet 1990 : entrée en vigueur de la première phase de l’UEM (libre circulation des capitaux) ; entrée en vigueur de l’UEM allemande entre la RDA et la RFA) 29-30 octobre 1990 : 1er Sommet extraordinaire de Rome. Confirmation de la création d’une monnaie unique (sans le Royaume-Uni) ; fixation au 1er janvier 1994 du début de la seconde étape de l’UEM ; esquisse du cadre de discussion de la CIG politique. 14-15 décembre 1990 : Sommet de Rome : définition du cadre exact donné à la CIG politique. (15 décembre 1990 : Ouverture officielle des deux CIG à Rome) 28-29 juin : Conseil européen de Luxembourg lundi 9- mercredi 11 décembre : Sommet de Maastricht. (7 février 1992 : signature du Traité de Maastricht à Maastricht)

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

38

I. Décider et préparer les conférences intergouvernementales (CIG) de

1989-1992 : des enjeux et un cadre institutionnel spécifiques

La convocation d’une CIG « politique » pour traiter de ces questions n’allait pas de

soi, comme le montrent les débats et les tensions que cette idée a pu susciter. Mais le

fait qu’elle ait eu lieu incite à se pencher plus précisément sur la préparation et la mise

en place de cette arène de négociation particulière pour y rechercher la trace éventuelle

de discussions sur la place des /partis européens/, thème qui dans la formulation même

de l’article 138a est étroitement lié à l’« intégration » européenne en général et en

particulier à l’« expression de la volonté politique des citoyens de l’Union ».

I.1. La décision de convoquer une, puis deux CIG

I.1.1 – Une procédure « ordinaire » de révision des traités presqu’inédite

Avant l’Acte unique européen (AUE) de 198510, les traités de Paris et de Rome

instituant les trois Communautés européennes11 n’avaient jamais fait l’objet d’une

« révision » à proprement parler12. Plusieurs traités ont certes apporté des modifications,

parfois très importantes, mais ce fut toujours sous la forme d’un nouveau traité

additionnel, négocié hors de la procédure prévue par les traités initiaux : le traité de

10 Négocié entre le 21 octobre 1985 et le 1er décembre 1985, signé le 17 février 1986 à Luxembourg et le 28 février 1986 à La Haye, entré en vigueur le 1er juillet 1987, JOCE L 169 du 29 juin 1987. Pour une synthèse des négociations précédant le Sommet de Milan de juin 1985, qui décide de la tenue d’une conférence intergouvernementale à la majorité, contre les voix britannique, danoise et grecque, ainsi que pour l’analyse et l’interprétation des négociations lors de la CIG (procédure qui a la particularité d’exclure le Parlement des négociations officielles, et d’exiger une décision à l’unanimité), voir notamment : MORAVCSIK, Andrew, « Negociating the Single European Act : national interests and conventional statecraft in the European Community », International Organization, vol. 45, n°1, 1991, p. 19-56. 11 Le traité de Paris instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) a été signé le 18 avril 1951 et est entré en vigueur le 23 juillet 1952 (expirant cinquante ans plus tard comme prévu dans le traité, la CECA ayant ainsi été formellement dissoute le 23 juillet 2002). Les traités de Rome instituant la Communauté économique européenne (CEE) et la Communauté européenne pour l’énergie atomique (CEEA ou « Euratom ») ont été signés ensemble à Rome le 25 mars 1957 et sont entrés en vigueur le 1er janvier 1958. 12 Voir à ce sujet notamment : KIRCHNER, Emil Joseph, Decision-Making in the European Community. The Council Presidency and European Integration, Manchester/New York, Manchester University Press, 1992.

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

39

Bruxelles ou « traité de Fusion » de 196513, qui unifie les trois Conseils des ministres en

un Conseil des ministres unique, ainsi que les deux Commissions de la CEE et de la

CEEA et la Haute Autorité de CECA en une Commission unique ; le traité « portant

modification de certaines dispositions budgétaires » de 197014 qui introduit des

ressources propres pour les Communautés ; ainsi que le traité « portant modification de

certaines dispositions financières » de 197515 qui donne au Parlement européen (PE) un

droit de regard sur le budget et son exécution par la Commission, tout en instituant la

Cour des comptes européenne comme organisme de contrôle. On peut ajouter à ces

« traités complémentaires » qui font partie du droit primaire (ou « originaire ») des

Communautés européennes, l’« Acte portant élection des représentants à l'Assemblée au

suffrage universel direct », annexé à une décision du Conseil des ministres du 20

septembre 197616, qui fournit la base aux premières élections « européennes » directes

de 1979.

La négociation de l’AUE inaugure ainsi, près de trente ans après la signature des

traités de Rome, la procédure « ordinaire » de révision régie par l’article 236 du traité

CEE17, qui implique notamment une consultation préalable des institutions

communautaires (dont l’Assemblée) et qui permet la convocation d’une CIG à la

majorité des membres du Conseil plutôt qu’à l’unanimité18. Avec l’AUE, du fait de la

procédure adoptée mais aussi du contenu de l’Acte (qui voit notamment l’extension du

vote à la majorité qualifiée au Conseil, l’instauration de la procédure de coopération

associant le PE, mais aussi la fixation l’« objectif 1992 » pour l’achèvement du marché

13 Signé le 8 avril 1965, entré en vigueur le 1er juillet 1967, JOCE 152 du 13 juillet 1967. 14 Signé le 22 avril 1970, entré en vigueur le 1er janvier 1971, JOCE L2 du 2 janvier 1971. 15 Signé le 22 juillet 1975, entré en vigueur le 1er juin 1977, JOCE L 359 du 31 décembre 1977. 16 Décision 76/787/CECA, CEE, Euratom du Conseil, JOCE L 278 du 8 octobre 1976, entrée en vigueur le 1er juillet 1978 après ratification par les neuf Etats membres de l’époque. Il faudrait ajouter pour être complet sur le droit primaire, les différents traités d’adhésion qui ont été signés pour chaque « nouvel entrant » dans les Communautés. 17 Qui correspond à l’article 96 du traité CECA et à l’article 204 du traité CEEA. Voici le texte de l’article 236 CEE : « Le Gouvernement de tout État membre ou la Commission peut soumettre au Conseil des projets tendant à la révision du présent traité. Si le Conseil, après avoir consulté le Parlement européen et, le cas échéant, la Commission, émet un avis favorable à la réunion d’une conférence des représentants des Gouvernements des États membres, celle-ci est convoquée par le président du Conseil en vue d’arrêter d’un commun accord les modifications à apporter au présent traité. Les amendements entreront en vigueur après avoir été ratifiés par tous les États membres en conformité de leurs règles constitutionnelles respectives ». 18 Voir pour un exemple de texte de « doctrine » juridique commentant et façonnant l’usage de l’article 236 et des autres procédures de révision des traités : LAMBERS, Hans Jürgen, « Les clauses de révision des traités instituant les Communautés européennes », Annuaire français de droit international, vol. 7, n°7, 1961, p. 593-631.

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

40

intérieur), on passe en apparence, comme le note quelque peu ironiquement Andrew

Moravcsik en 1991, de l’« eurosclérose » à l’« europtimisme » :

« The late 1970s and early 1980s were periods of « Europessimism » and « Eurosclerosis », when politicians and academics alike lost faith in European institutions. The current period is one of optimism and institutional momentum. The source of this transformation was the Single European Act (SEA), a document approved by European heads of government in 1986. »19

Or, cette procédure « communautaire » de révision des traités, qui n’avait jamais été

utilisée auparavant, va être utilisée coup sur coup deux fois en cinq ans20, semblant par

là prouver qu’il est de nouveau possible pour les gouvernements nationaux des pays

membres de se mettre d’accord dans les limites du cadre institutionnel communautaire.

Pourtant, il serait trompeur de voir dans la procédure des CIG en général le signe

d’un accord parfait entre représentants nationaux ou celui d’une

« communautarisation » significative du jeu politique européen. Comme le montre

A. Moravcsik dans le même article, ces CIG sont justement le moyen de contourner

provisoirement un désaccord sur un projet de réforme, en permettant la convocation

d’une réunion internationale à la majorité des chefs de gouvernement, c’est-à-dire

malgré l’opposition de certains d’entre eux. Certes, ceux-ci ne pourront finalement

aboutir à une révision effective qu’à l’unanimité, mais une fois les discussions ouvertes,

il est possible de négocier point par point la teneur exacte de la réforme finalement

accordée et plus « coûteux » de refuser tout en bloc. D’autre part, si les institutions

communautaires non intergouvernementales (Commission et Parlement) sont consultées

officiellement avant la convocation des CIG, et si elles obtiennent après Maastricht un

renforcement conséquent (notamment le PE du fait de la nouvelle procédure de

19 MORAVCSIK, Andrew, « Negociating the Single European Act : national interests and conventional statecraft in the European Community », International Organization, vol. 45, n°1, 1991, p. 19-56 (ici p. 19) (traduction : « La fin des années 1970 et le début des années 1980 furent des périodes d’ « europessimisme » et d’ « eurosclérose », alors qu’aussi bien les politiciens que les académiques avaient perdu la foi dans les institutions européennes. La période actuelle est un temps d’optimisme et de relance institutionnelle. La source de cette transformation fut l’Acte unique européen (AUE), un document approuvé par les chefs d’Etat et de gouvernement en 1986. ») 20 Et même moins de deux ans, si l’on considère que l’AUE n’entre en vigueur qu’en juillet 1987, et que la première des CIG ayant mené à Maastricht, celle sur l’UEM, est décidée en juin 1989 comme on va le voir.

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

41

« codécision » législative mise en place) leur rôle dans le déroulement des CIG dépend

de la place que les chefs d’Etat et de gouvernement veulent bien leur donner21.

Les CIG sont donc « contrôlées » de bout en bout par les représentants des Etats

membres aux différents niveaux, des chefs d’Etats et de gouvernement aux

représentants permanents auprès des Communautés européennes22, en passant par les

membres des délégations nationales chargées de négocier les divers points du traité.

Mais ces délégations peuvent également « mettre sur la table » une série de mesures ou

de propositions d’articles à discuter, comme le montrent d’ailleurs les nombreuses

contributions thématiques ou générales qui ont circulé pendant les CIG qui nous

concernent. Si l’on veut donc comprendre où et quand exactement la question de la

codification des /partis européens/ a pu être abordée dans ce processus de révision

spécifique, il faut passer en revue les différentes étapes qui ont mené au Sommet de

Maastricht et à l’insertion d’un « article des partis » dans le traité final.

I.1.2 – Demander et imposer une deuxième CIG sur l’« Union politique »

La convocation d’une CIG « politique » susceptible de traiter cette question n’était

pas prévue au départ, lorsque l’idée de tenir une CIG sur l’union économique et

monétaire commence à être discutée. En effet, le Conseil européen réuni à Madrid les

26 et 27 juin 1989, après avoir examiné le rapport du « Comité Delors »23 sur les

différentes étapes devant mener à l’UEM et malgré l’opposition manifestée par

Margaret Thatcher au nom du Royaume-Uni, demande :

21 Surtout pour le Parlement qui n’a aucun rôle officiel dans le déroulement des CIG (même si l’usage de faire intervenir son président « en ouverture » des Sommets s’est généralisé), ni aucun droit de regard sur les amendements apportés aux traités par les CIG ce qui fait d’ailleurs l’objet de revendications précises lors de la CIG de 1991. La Commission peut, quant à elle et en vertu de l’article 236 précédemment cité, faire des propositions en vue de la révision des traités, mais la décision de convoquer ou non une CIG sur la base de ces propositions appartient de toute manière au Conseil. 22 Sur le rôle général des représentations permanentes et sur celui de la représentation de la France en particulier, voir notamment Christian Lequesne : LEQUESNE, Christian, Paris-Bruxelles : comment se fait la politique européenne de la France, Paris, FNSP, 1993. 23 Voir COMMITTEE FOR THE STUDY OF ECONOMIC AND MONETARY UNION, Report on economic and monetary union in the European Community, Luxembourg, OPOCE, 1989, numéro de catalogue : CB-56-89-401-EN-C, consultable en ligne : http://ec.europa.eu/economy_finance/emu_history/documentation/chapter13/19890412en235repeconommetary_a.pdf

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

42

« [...] aux instances compétentes (Conseils « ECOFIN » et « Affaires générales », Commission, comité des gouverneurs des banques centrales, comité monétaire) : a) d’adopter les dispositions nécessaires au démarrage de la 1ère étape au 1er juillet 1990 ; b) de réaliser les travaux préparatoires en vue de réunir une conférence intergouvernementale pour établir les étapes ultérieures. »24

Ces « travaux préparatoires » sont menés sous présidence française, au sein

notamment du « groupe Guigou25 » chargé d’identifier les « principales questions

techniques institutionnelles et politiques à débattre dans la perspective d’un traité sur

l’UEM »26.

Au Conseil européen, qui se tient à Strasbourg les 8 et 9 décembre 1989, la décision

de convoquer une CIG pour l’UEM, annoncée dans les conclusions du Sommet de

Madrid, est prise formellement27, sur la base des travaux préparatoires évoqués, et ce

malgré l’opposition persistante de Margaret Thatcher, mais aussi de Poul Schlüter pour

le Danemark et de Konstantínos Mitsotákis pour la Grèce28. Pour contourner ces

oppositions, François Mitterrand, président en exercice du Conseil, fait alors constater

qu’il existe la majorité simple nécessaire pour convoquer une CIG avant la fin de

l’année 1990 menaçant par là de faire voter effectivement les membres du Conseil

européen, pratique inaugurée par le président du Conseil italien, Bettino Craxi, au

Conseil européen de Milan de 1985 pour décider l’ouverture de la CIG qui aboutira à

l’Acte unique européen. Plutôt que de risquer d’être de nouveau mis en minorité, les

24 Conclusions du Conseil européen de Madrid, disponibles en ligne sur le site Europa : http://europa.eu/rapid. 25 Elizabeth Guigou, conseillère technique dans le cabinet de Jacques Delors lorsqu’il était ministre de l’économie et des finances de la France (1982), est depuis 1985 secrétaire générale du comité interministériel pour les questions de coopération économique européenne (SGCI), jusqu’en octobre 1990, date à laquelle elle devient ministre déléguée aux Affaires européennes du gouvernement français et participera donc aux négociations proprement dites des CIG à ce titre. 26 Voir DOUTRIAUX, Yves, Le Traité sur l’Union européenne, Paris, Armand Colin, 1992, p.18 ; voir aussi CORBETT, Richard, The Treaty of Maastricht. From Conception to Ratification : A Comprehensive Reference Guide, Harlow, Longman Current Affairs, 1993, p. 12-13. 27 La présidence irlandaise, qui prend le relais de la présidence française en janvier 1990, lancera après le Sommet de Strasbourg la procédure décrite à l’article 236 du traité en envoyant formellement une proposition de révision des traités au secrétariat général du Conseil, le 21 février 1990, qui ne mentionne que l’UEM : « Il est proposé d’entreprendre une révision du traité instituant la Communauté économique européenne en vue des étapes finales de l’Union économique et monétaire », voir CONF-UP 4988/90, annexe, p. 2. La procédure de consultation du PE et de la Commission est enclenchée à partir de la réception de cette lettre par le secrétariat général du Conseil. 28 Tous trois conservateurs, leaders respectifs du Conservative party britannique, du Konservative Folkeparti (« Parti conservateur populaire ») danois et de la Néa Dimokratía (« Nouvelle démocratie ») grecque.

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

43

trois gouvernants réticents acceptent que la procédure officielle de convocation d’une

CIG soit lancée29.

Mais une fois entérinée l’idée d’une CIG, sur le modèle récent (et familier pour la

plupart des acteurs de l’époque)30 de la conférence de l’AUE, certains chefs d’Etats et

de gouvernement profitent alors des travaux préparatoires à l’ouverture de cette CIG

pour prendre position ouvertement en faveur de la convocation d’une deuxième CIG,

consacrée plus spécifiquement aux questions « politiques ».

L’idée d’une CIG spécifiquement consacrée à la création d’une « Union

européenne » qui soit aussi une union politique, dotée notamment d’une politique

étrangère et de sécurité commune et créatrice d’une citoyenneté à part entière n’est

évidemment pas apparue à ce moment-là. Depuis au moins le Sommet de Fontainebleau

de 1984 et les rapports des comités « Dooge » et « Adonnino »31, et après les résultats

29 Bettino Craxi avait fait procéder effectivement au vote pendant le Sommet de Milan des 28-29 juin 1985, mettant de fait en minorité les dirigeants britannique (M. Thatcher), danois (P. Schlüter) et grec (A.Papandreou). F. Mitterrand, en laissant anticiper qu’il pourrait en faire de même, joue sur ce précédent auquel tous les acteurs, ou presque (voir note précédente), du Sommet de Strasbourg on assisté quatre ans plus tôt, et force provisoirement la main de M. Thatcher et des deux autres leaders réticents, qui préfèrent accepter la convocation de la CIG plutôt que d’être mis une fois encore en minorité. Sur ce point précis, voir le témoignage d’Yves Doutriaux : DOUTRIAUX, Yves, Le Traité sur l’Union européenne, Paris, Armand Colin, 1992, p. 18-19. Voir aussi : OLIVI, Bino, GIACONE, Alessandro, L’Europe difficile. Histore politique de la construction européenne, Paris, 2007 (1998), p. 207-210. 30 Qui, cela a son importance, ont déjà majoritairement mené les négociations de l’AUE cinq ans auparavant. Sur les 12 (ou 10 si l’on excepte l’Espagne et le Portugal qui n’étaient pas des pays membres en 1985) chefs de gouvernement présents au Sommet de Dublin de juin 1990 qui décide de l’ouverture d’une deuxième CIG, 8 étaient déjà présents lors des négociations de l’Acte unique européen, que ce soit en tant que chef de gouvernement ou en temps que ministre des affaires étrangères (comme par exemple Giulio Andreotti, qui occupait ce poste en 1985-1986 dans le gouvernement de Bettino Craxi en Italie), auxquels il faut ajouter le président de la Commission Jacques Delors. Seuls Konstantinos Mitsotakis et Charles Haughey, respectivement premiers ministres grec et irlandais, n’étant pas à ce moment-là au gouvernement, John Major remplaçant par ailleurs Margaret Thatcher le 28 novembre 1990, entre le Sommet de Dublin et l’ouverture officielle des CIG en décembre. Cette familiarité concrète de la plupart des chefs de gouvernement avec la procédure des CIG (qu’on pourrait chercher à déterminer aussi pour les niveaux diplomatiques inférieurs), et l’interconnaissance acquise des uns et des autres, crée une « situation de jeu » particulière au moment des différents Sommets de la période qu’il faut prendre en compte, comme on y reviendra. 31 Créés par le Conseil européen de Fontainebleau des 25-26 juin 1984, pour répondre à la pression exercée par les députés européens, à travers le vote du « Projet Spinelli » (projet de traité instaurant une « Union européenne » avec un accroissement net des pouvoirs du PE, approuvé par le PE sur le rapport d’Altiero Spinelli au nom de la Commission institutionnelle le 14 février 1984 par 237 voix contre 31 et 43 abstentions), le « Comité Dooge » et le « Comité Adoninno », du nom de leurs présidents, avaient pour mission de faire le point sur les positions respectives des Etats membres au sujet de la coopération politique européenne, pour le premier, et de l’ « Europe des citoyens » pour le second. Mais leurs propositions, notamment celles de créer une « Union européenne » et une citoyenneté correspondante, ne furent pas reprises dans l’Acte unique. Sur les comités « Dooge » et « Adoninno », voir par exemple :

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

44

limités sur ces points de la CIG ayant conduit à l’AUE32, elle constitue un sujet

récurrent des discussions intergouvernementales, mais aussi comme nous le verrons

dans le chapitre suivant, des débats au PE.

La question resurgit ainsi entre le Sommet de Strasbourg de décembre 1989 et le

premier Sommet de Dublin du 28 avril 1990. Les chefs d’État et de gouvernement ne se

contentent pas, en effet, des réunions du Conseil européen pour faire connaître leurs

positions sur ce sujet et sur les autres. En faisant parvenir à leurs collègues du Conseil

européen des contributions publiques (et souvent très médiatisées) en vue de la

préparation de la CIG sur l’UEM, certains dirigeants, seuls ou en association, essayent

de peser sur les décisions collectives à venir en insistant sur la nécessité de compléter la

CIG sur l’UEM par une réflexion plus large sur les institutions politiques des

Communautés européennes.

Le 20 mars 1990, le gouvernement belge dirigé par Wilfried Martens envoie ainsi

un mémorandum sur l’approfondissement des institutions communautaires et la

coopération politique dans lequel il se déclare explicitement en faveur d’une nouvelle

CIG, mais aussi en faveur d’une réduction du « déficit démocratique » (« democratic

shortfall »), notamment par l’accroissement des pouvoirs du PE et par la mise en place

du droit de vote pour tous les ressortissants communautaires aux élections locales et

européennes :

« - The Parliament should be encouraged to draw up a uniform procedure for the European elections: this would also enable all Community citizens living in the Community to take part in the elections whatever their nationality. - Subject to certain residence conditions, the right to vote in local elections, which has been included in a proposal for a Directive, should be phased in for Community citizens throughout Community territory. » 33

OLIVI, Bino, GIACONE, Alessandro, L’Europe difficile. Histore politique de la construction européenne, Paris, 2007 (1998), p. 201-204. 32 Sur toute cette période et sur les différentes positions et attentes à ce sujet, voir notamment : MAGNETTE, Paul, La citoyenneté européenne, droits, politiques, institutions, Bruxelles, éd. de l’Université de Bruxelles, 1999 (notamment p. 48-58 sur la question des droits politiques ; p. 54-58 sur le comité « Adoninno » et p. 125-152 sur la question de la citoyenneté dans les CIG, de l’AUE à Maastricht). 33 Voir : doc. du Conseil 5519/90 et sa publication intégrale, en cinq parties, par l’Agence Europe le 30 mars 1990 : Europe Documents, « Belgian memorandum on institutional relaunch » (n°1/5 à 5/5), 30 mars 1990 (traduction : « - Le Parlement devrait être encouragé à mettre au point une procédure uniforme pour les élections européennes : cela pourrait aussi rendre possible, pour tous les citoyens communautaires vivant dans la Communauté, la participation aux élections quelle que soit leur nationalié ; - Suivant certaines conditions de résidence, le droit de vote aux élections locales, qui a été inclus dans une proposition pour une directive, devrait être introduit progressivement pour les citoyens communautaires à travers le territoire de la Communauté »).

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

45

Sans entrer dans les détails de ce texte34, on doit remarquer qu’il ne mentionne pas

explicitement la question des /partis européens/, malgré ses appels en faveur du droit de

vote et d’une procédure électorale uniforme aux élections européennes, alors qu’au

même moment W. Martens prépare déjà son accession à la président du PPE. En effet,

même s’il n’en est pas encore à ce moment-là officiellement le président, il est depuis

février 1990 le seul candidat déclaré à la succession de Jacques Santer et sera élu le 10

mai 199035, élection qui ne fait de doute pour personne au moment du mémorandum

évoqué, comme le montre l’éditorial qu’Emanuele Gazzo, le directeur de l’Agence

Europe, consacre au mémorandum belge le 23 mars :

« It had been coming for quite some time. It was « in the air », then it ripened in secret meetings at the level of the European federations of political parties (in particular, the EPP), in bilateral talks on the fringes of many Ministerial meetings, and in confidential conversations between leaders. [...] Lately, the roles have been handed out: it is Belgium that has taken on the role of the look-out, if not the locomotive or perhaps even the operational avant-garde. Thus the relaunch has begun: Prime Minister Martens (who will soon be President of the EPP) and Foreign Minister Mark Eyskens have solemnly announced it, separately but on the same day, and have provided great publicity. »36

On aura l’occasion de revenir dans le chapitre 3 sur ce document qui, pour Gazzo,

marque le début de la « relance » européenne en demandant que soit donné un « new

34 Pour un commentaire axé sur la question de la citoyenneté européenne, voir : MAGNETTE, Paul, La citoyenneté européenne, droits, politiques, institutions, Bruxelles, éd. de l’Université de Bruxelles, 1999, p. 128-133. 35 W. Martens raconte dans ses mémoires comment Thomas Jansen, qui est secrétaire général du PPE depuis 1983 l’a approché dès le mois de janvier ou février 1990 (en tout cas avant le Sommet de Pise du PPE, qui a lieu le 17 février) pour lui demander de se porter candidat, dans l’espoir de rétablir des relations tendues avec la CDU d’Helmut Kohl. Nous y reviendrons dans le chapitre 3. Sur ce point, voir : MARTENS, Wilfried, De memoires : Luctor et emergo, 2e édition, Tielt, Lannoo, 2010 (2006), p. 636-637 (dans la version néerlandaise, W. Martens précise qu’il a été élu grâce au « réseau européen » de Paul de Keersmaeker, membre lui aussi du CVP et qui est à l’époque son secrétaire d’Etat aux affaires européennes (et à l’agriculture) depuis 1981). 36 BQAE, 23 mars 1990, éditorial d’Emmanuele Gazzo (traduction : « Cela traînait depuis un certain temps. C’était « dans l’air », et puis cela a mûri dans les réunions secrètes au niveau des fédérations européennes de partis politiques (en particulier au PPE), dans des discussions bilatérales dans les coulisses de beaucoup de réunions ministérielles, et dans des conversations confidentielles entre leaders. [...] Dernièrement, les rôles ont été distribués : c’est la Belgique qui a endossé le rôle d’éclaireur, sinon de locomotive ou peut-être même d’avant-garde opérationnelle. Donc, la relance a commencé : le premier ministre Martens (qui sera bientôt le président du PPE), et le ministre des affaires étrangères Mark Eyskens l’ont solennellement annoncé, séparément mais le même jour, et lui ont donné grande publicité ».

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

46

stimulus towards political union »37. Mais il n’est pas le seul texte qui, durant la

période, en appelle à donner une nouvelle dimension politique, et non plus seulement

économique, aux Communautés européennes. On peut citer une autre initiative, plus

significative sans doute parce qu’elle affiche déjà un accord de principe entre deux

« grands » Etats membres : le chancelier allemand Helmut Kohl et le président français

François Mitterrand, rédigent, à quelques jours de la réunion extraordinaire du Conseil

européen qui doit se tenir à Dublin le 28 avril, une lettre commune datée du 19 avril

1990 et adressée au premier ministre irlandais Charles Haughey, alors président en

exercice du Conseil38. Dans cette lettre, Mitterrand et Kohl demandent explicitement au

Conseil européen de convoquer une nouvelle CIG sur l’Union politique39, avec quatre

objectifs assignés : « renforcer la légitimité démocratique de l’Union », « rendre plus

efficaces les institutions », « assurer l’unité et la cohérence de l’action de l’Union dans

les domaines économique, monétaire et politique » et enfin « définir et mettre en œuvre

une politique étrangère et de sécurité commune ».

Cette lettre intervient alors qu’une réunion extraordinaire du Conseil européen est

prévue à Dublin, le 28 avril 1990, pour discuter spécifiquement de la réunification

allemande. Une grande partie de la réunion est en fait consacrée à l’examen des

propositions belge et franco-allemande, qui debouche sur la demande, formulée dans les

conclusions, qui est faite aux ministres des Affaires étrangères d’examiner la « nécessité

d’apporter d’éventuelles modifications au traité en vue de renforcer la légitimité

démocratique »40. Entre les deux Conseils européens de Dublin, les travaux

préparatoires confiés aux ministres des Affaires étrangères sont menés par les

représentants personnels des ministres41 avant d’être discutés et finalisés par les

37 Ce sont les termes employés dans l’introduction du mémorandum belge du 20 mars 1990. 38 Voir pour le texte intégral de la lettre, par exemple : BQAE, 20 avril 1990, « Extraordinary Meeting In Dublin – Kohl and Mitterrand Address Taoiseach ». 39 Ibid. : « [...] we would like to see the European Council deciding as follows on 28 april : [...] 2. The European Council should initiate preparations for an intergovernmental conference on political union. » (traduction : « [...] nous aimerions voir le Conseil européen prendre une décision sur les sujets suivants : [...] 2. Le Conseil européen devrait initier des préparations pour une conférence intergouvernementale sur l’union politique). 40 Voir DOUTRIAUX, Yves, Le Traité sur l’Union européenne, Paris, Armand Colin, 1992, p. 31-32. 41 Comme l’explique Yves Doutriaux, ces représentants personnels sont en général les représentants permanents auprès des Communautés des États membres, mais peuvent aussi être des hauts fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères pour certains pays comme la France, le Danemark et l’Espagne, ou encore des fonctionnaires européens pour le représentant personnel du président de la Commission et pour le secrétaire général du Conseil qui coordonne les travaux des représentants

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

47

ministres eux-mêmes lors du « Gymnich42 » de Parknasilla des 19 et 20 mai43. Pendant

cette brève période, les gouvernements nationaux continuent de publier des documents

présentant leurs positions ou propositions concrètes : c'est le cas des gouvernements

néerlandais44, danois45 et grec46, qui publient chacun un « mémorandum » soulevant les

points qu’ils souhaitent voir débattus dans le cadre de la préparation d’une éventuelle

CIG politique. Ces mémorandums, plus ou moins détaillés, ont un point commun qui,

comme on le verra, concerne plus particulièrement notre sujet : ils mettent tous l’accent,

d’une manière ou d’une autre, sur le « déficit démocratique » déjà dénoncé dans le

mémorandum belge, et demandent que les discussions en cours ou futures débouchent

sur des mesures visant à le réduire47.

Ceux-ci commencent officiellement lorsque le deuxième Sommet de Dublin des 25

et 26 juin 1990 prend la décision formelle de convoquer une deuxième CIG sur l’union

politique, malgré l’opposition réitéré du Royaume-Uni48. Le soin est laissé, de nouveau,

aux ministres des Affaires étrangères de mener des travaux préparatoires afin de pouvoir

ouvrir, avant la fin de l’année 1990, les deux CIG maintenant prévues.

personnels avec l’aide d’un jurisconsulte du Conseil. Sur ces détails, voir DOUTRIAUX, Yves, Le Traité sur l’Union européenne, Paris, Armand Colin, 1992, p. 32-33. 42 Du nom du château situé dans la commune allemande d’Erfstatdt, où se tint en 1974 la première réunion de ce type : il s’agit d’une réunion informelle, sans conclusions officielles, des ministres des Affaires étrangères censée se tenir une fois par semestre. 43 Les travaux de mai et juin des ministres des Affaires étrangères débouchent par exemple sur une note de la présidence au Conseil européen prévu à Dublin les 25 et 26 juin, indiquant que la « plupart des États membres ont déjà indiqué qu’ils se prononceraient en faveur de la convocation de cette conférence » sur l’union politique, voir CONF-UP 7364/90, p. 1. 44 Mémorandum de mai 1990 (sans précision de date). 45 Mémorandum du 10 mai 1990. 46 Mémorandum du 15 mai 1990 47 Le mémorandum néerlandais mentionne ainsi par exemple la nécessité d’accroître « the democratic content of the Community decision-making process » ; le gouvernement danois, commentant « the democratic basis for political union », précise que « there must be greater democratic control over and openess in EC cooperation » ; pareillement, le gouvernement grec constate que « the relations between the institutions bear witness to an unstable imbalance, the origin of which is the « democratic deficit » of the Community » et propose à son tour le « reinforcement of the democratic basis of the Community » qui passe explicitement par le renforcement des pouvoirs du PE. 48 Inscrite dans les conclusions du Conseil européen. Faisant suite à ces conclusions, le gouvernement italien, qui prend la présidence de l’Union européenne le 1er juillet, envoie au secrétariat général du Conseil, conformément à l’article 236, la lettre proposant formellement la révision des traités, qui lance les procédures de consultation par le Conseil de la Commission et du PE, voir CONF-UP 7784/90.

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

48

I.2 – Les travaux préparatoires à l’ouverture des deux CIG

Ces travaux préparatoires menés sous présidence italienne du Conseil, sont donc

resserés sur un semestre (juin 1990-décembre 1990). Il est important de s’y arrêter car

on trouve dans les documents d’archive de ces travaux préalables l’une des seules

occurrences avérées à la question des /partis européens/ dans les arènes de négociation

intergouvernementales, avant le Sommet de Maastricht.

On peut d’abord revenir sur les acteurs « extragouvernementaux » qui ont pu peser

sur ces négociations préalables, menées par les représentants des gouvernements

nationaux mais dans lesquelles les positionnements institutionnels de la Commission et

du Parlement ont pu jouer un rôle. Ce « jeu communautaire » doit être, ensuite, remis

dans le contexte historique particulier dans lequel il se déroule, qui voit plusieurs

bouleversements historiques rapides influer sur le cours des négociations.

I.2.1 – Pressions extragouvernementales et contexte extracommunautaire

Avant même la décision officielle de juin 1990 de convoquer une CIG UP, les

membres du PE tentent de peser sur les négociations en cours en revendiquant, eux

aussi, la tenue d’une deuxième CIG consacrée aux questions politiques. Nous

reviendrons dans notre chapitre 2 sur les débats et les résolutions concrètes qui ont pu

être adoptées durant la période au sein de l’arène parlementaire49, mais il faut

mentionner ici au moins la « conférence interinstitutionnelle préparatoire » (CIP) entre

des délégations du PE, des États membres et de la Commission, qui a été mise en place

suite au Sommet de Madrid, sur demande des députés européens nouvellement élus50

dans leur résolution du 23 novembre 198951. Cette résolution demandait expressément

49 Pour une présentation globale du rôle et de l’action du PE au sujet de la CIG sur l’union politique, voir notamment : VANHOONACKER, Sophie, « The European Parliament and European Political Union », dans LAURSEN, Finn, VANHOONACKER, Sophie (dir.), The Intergovernmental Conference on Political Union. Institutional Reforms, New Policies and International Identity of the European Community, Dordrecht, Martinus Nijhoff, 1992, p. 215-225. 50 Les 3e « élections européennes » ont eu lieu du 15 au 18 juin 1989, et la première session plénière du nouveau PE s’est tenue du 25 au 28 juillet 1989, sous la présidence d’Enrique Barón, élu à ce poste en début de session. 51 « Résolution sur la conférence intergouvernementale décidée au Conseil européen de Madrid », 23 novembre 1989, JOCE C 323 du 27 décembre 1989, p. 111 (considérant H et point 1).

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

49

que le PE soit associé à la CIG programmée, sous la forme de cette conférence qui

permettrait aux députés européens de participer aux travaux préparatoires à la CIG sur

l’UEM, au moins informellement à défaut d’un rôle officiel dévolu dans les traités au

PE pour ces CIG.

Cette conférence réunit les représentants des douze Etats membres et douze

parlementaires, dont leur président, Enrique Barón, mais aussi des membres de la

Commission européenne, en fonction de l’ordre du jour. Elle tient sa première réunion

le 17 mai 199052, pendant laquelle les députés insistent pour que la convocation d’une

CIG politique soit effectivement décidée au prochain Conseil européen de Dublin. Ils

reçoivent en ce sens l’appui de plusieurs délégations nationales, dont les délégations

allemande et néerlandaise. Au total, la CIP se réunit cinq fois pendant la phase

préparatoire à la CIG, du 17 mai au 5 décembre 199053 et obtient des représentants

nationaux sa prolongation pendant la CIG de 199154. Comme nous allons y revenir,

l’importance de ces conférences réside pour nous ici dans le fait qu’elle permet de

relayer auprès des représentants des gouvernements55 les revendications du PE aux

débats de la CIG, exposées par ailleurs dans les nombreuses résolutions que nous

évoquerons dans le chapitre suivant. Parmi les revendications de la CIP, comme on le

détaillera dans le chapitre suivant, ne figure pas cependant la question de la

reconnaissance des /partis européens/56.

52 Voir doc. du Conseil 5510/90 du 21 mars 1990 et 8008/90 du 20 juillet 1990. 53 Voir notamment sur cette « conférence interinstitutionnelle » le témoignage de Richard Corbett : CORBETT, Richard, The Treaty of Maastricht. From Conception to Ratification : A Comprehensive Reference Guide, Harlow, Longman Current Affairs, 1993, p. 23-24. 54 Dès le premier Conseil européen de Rome des 27 et 28 octobre 1990, dont les conclusions institutionnalisent ces « réunions interinstitutionnelles », qui deviennent les « conférences interinstitutionnelles » (CI) pendant la CIG : « Des réunions interinstitutionnelles auront lieu durant les conférences. En plus des contacts réguliers entre le Président de la Conférence, le Président de la Commission et le Président du Parlement européen, ce dernier pourra demander d'être entendu par la conférence avant le début de certaines réunions de celle-ci ». 55 D’autant plus facilement que les parlementaires comptent avec le soutien de plusieurs délégations qui leur est acquis et qui reprennent elles-mêmes dans leurs documents certaines des propositions avancées par les parlementaires et discutées lors de ces CIP. Il s’agit notamment, comme on l’a déjà évoqué, des délégations allemande, néerlandaise, belge et luxembourgeoise. 56 L’analyse des comptes-rendus des CI montre que lors des quatre « conférences interinstitutionnelles » sur l’Union politique de la CIG, les revendications parlementaires portent sur les points suivants : le renforcement de la « légitimité démocratique » (ou dans une autre formulation fréquente « réduction du déficit démocratique »), ce qui est plusieurs fois explicitement assimilé à l’instauration d’une procédure de « co-décision », combinée avec l’investiture de la Commission par le PE et l’alignement de son mandat sur celui des parlementaires ; le renforcements général des pouvoirs du PE (en plus de la co-décision), ce qui correspond dans le discours des parlementaires au renforcement du contrôle budgétaire et à la mise en place d’un droit de pétition et d’un droit d’enquête ; la citoyenneté (sans d’autres précisions permettant d’indiquer que les députés y inclueraient la question de la reconnaissance éventuelle

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

50

Ces pressions parlementaires et ce travail de mobilisation sur les questions

institutionnelles sont appuyés par la Commission européenne, à commencer par son

président Jacques Delors, dont le mandat vient d’être renouvelé57 et qui, dans un

discours devant le PE dès le 17 janvier 1990, plaide lui aussi très explicitement pour

l’ouverture d’une deuxième CIG, en mentionnant les questions posées par le PE :

« Mais votre Parlement a posé d'autres questions sur l'introduction, dans la prochaine conférence intergouvernementale, du social, de l'environnement voire de l'éducation et de la culture. Pour ma part, et ma réflexion a évolué sur ce point, je pense que cette conférence devrait, sous une présidence unique, engager deux réflexions parallèles, l'une sur l'Union économique et monétaire et ses aspects institutionnels spécifiques et l'autre sur les autres questions, y compris la coopération politique, afin de dessiner pleinement le visage de la Communauté de demain. Le débat est de toute façon ouvert et je n'en ignore pas les risques.»58

Les prises de position de nombreux gouvernements nationaux et des institutions

communautaires en faveur d’une deuxième CIG consacrée à l’« intégration politique »,

tout comme le déroulement des CIG par la suite, ne peuvent évidemment être séparés du

contexte international de l’époque, qui est quasi systématiquement mis en avant par les

acteurs eux-mêmes59. Les événements en cours dans les deux Allemagne60, liés à ceux

de /partis européens/) ; la définition d’une hiérarchie des normes communautaires ; et le droit de ratifier les modifications apportées aux traités en vigueur. A ces revendications qui permettraient au PE, dans les mots de Karel De Gucht (5 mars), de « devenir un vrai Parlement », s’ajoutent ponctuellement le « rejet de toutes institutions nouvelles » (dans une allusion de Klaus Hänsch le 5 mars encore, explicitée par Karl Von Wogau le même jour comme le refus de voir instaurer un « Congrès européen » réunissant les parlementaires nationaux et européens) et la demande (formulée par Christopher Prout toujours le 5 mars) d’ouvrir au public les réunions du Conseil (ou au moins une partie d’entre elles). 57 Suite à l’accord intervenu entre les chefs d’État et de gouvernement au Conseil européen de Hanovre des 27 et 28 juin 1988. 58 « Discours du président Delors devant le Parlement européen à l'occasion de la présentation du programme de travail de la Commission pour 1990 » (référence : speech/90/1 du 17/01/1990. Consulté sur http://europa.eu/rapid/ le 11 avril 2011). 59 Voir par exemple, dans les conclusions du Conseil européen de Strasbourg du 9 décembre 1989 : « The European Council is conscious of the responsabilities weighing on the Community in this crucial period for Europe. The current changes and the prospects for development in Europe demonstrate the attraction which the political and economic model of Community Europe hilds for many countries » (traduction : Le Conseil européen est conscient des responsabilités qui pèsent sur la Communauté dans cette période cruciale pour l’Europe. Les changements en cours et les perspectives de développement en Europe démontrent l’attraction que le modèle économique et politique de l’Europe communautaire représente pour de nombreux pays ») ; dans les considérants de la résolution du PE du 23 novembre 1989, le considérant L (JOCE C 323 du 27 décembre 1989, p. 111) : « [...] whereas the upsurge of democracy in Central and Eastern Europe calls for a swift and significant strengthening of the democratic and political nature of the Community, both as guarantee of its political cohesion and as a model of credible political democracy and of genuinely democratic institutions » (traduction : « [...] alors que le surgissement de la

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

51

qui se déroulent à l’est de l’Europe61, jouent un rôle dans l’extension du soutien constaté

à l’idée de tenir une CIG politique complémentaire à celle sur l’UEM. L’actualité

internationale, plus largement, donne des arguments à ceux qui plaident pour un

renforcement de la coopération politique communautaire, et notamment pour la mise en

place d’une « politique étrangère et de sécurité commune », qui permettrait aux États

membres d’au moins coordonner leur action dans des « crises » telles que celle

provoquée par l’invasion du Koweït par l’Irak, le 2 août 1990, par exemple.

D’un autre côté, la réunification de l’Allemagne ainsi que les changements en cours

en Europe de l’est semblent rendre probable, aux yeux des observateurs contemporains,

un élargissement conséquent à moyen terme des Communautés européennes : si aucun

pays de l’est ne se porte encore officiellement candidat à l’adhésion durant l’année

1990, le programme PHARE a été institutionnalisé comme programme communautaire

en décembre 198962 et la Hongrie intègre le Conseil de l’Europe le 6 novembre. Depuis

le 17 juillet 1989, l’Autriche est, quant à elle, officiellement candidate à une adhésion

aux Communautés, suivie un an plus tard, les 4 et 16 juillet 1990, par Malte et Chypre.

L’exemple de la Turquie63 amène certes à relativiser ces considérations car il montre

qu’une demande d’adhésion, ou même une candidature officielle, ne présuppose ni des

démocratie en Europe centrale et orientale appelle un changement et un renforcement siginificatif de la nature démocratique et politique de la Communauté, à la fois comme une garantie de sa cohésion politique et comme un modèle de démocratie politique crédible, et d’institutions authentiquement démocratiques »). 60 La chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989 ayant débouché sur un plan préparé par le gouvernement de la RFA en vue d’une réunification allemande, présenté par Helmut Kohl au Bundestag le 23 novembre 1989. Le traité d’unification des deux Allemagne est ensuite signé le 31 août 1990 et entre en vigueur officiellement le 3 octobre 1990. 61 Par exemple, le 25 décembre 1989, Ceausescu et sa femme sont exécutés en Roumanie ; le 29 décembre, Vaclav Havel est élu président de la République en Tchécoslovaquie ; le 11 mars 1990, la Lituanie proclame son indépendance ; du 19 au 21 novembre 1990, la deuxième Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) se tient à Paris et débouche sur la signature d’un accord de désarmement entre les pays membres de l’OTAN et ceux du Pacte de Varsovie, ainsi que sur la signature de la « Charte de Paris pour une nouvelle Europe »…Sur le contexte international des négociations communautaires en 1989-1992, et pour un exemple de la perception qu’on pouvait en avoir en 1992-1993, voir par exemple : ZORGBIBE, Charles, Histoire de la construction européenne, Paris, PUF, 1993, notamment le chapitre 14, p. 331-364. Voir plus largement, par l’ancien porte-parole de la Commission : OLIVI, Bino, L’Europe difficile. Histoire politique de l’intégration européenne, Paris, Gallimard, 2001 (1998), plus particulièrement le chapitre XII, XIII et XIV, p. 436-537. 62 Le programme « Poland and Hungary Assistance for the Restructuring of the Economy » (PHARE), au départ initiative internationale du G7 lors de son sommet des 14-16 juillet 1989, a été institué en tant que programme communautaire officiel par le Règlement (CEE) n° 3906/89 du Conseil du 18 décembre 1989 (« relatif à l'aide économique en faveur de la République de Hongrie et de la République populaire de Pologne »). 63 Dont la demande d’adhésion officielle date du 14 avril 1987 mais qui a signé un accord d’association avec la C.E.E. mentionnant l’éventualité d’une adhésion depuis 1963.

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

52

délais courts ni même la réalisation effective de l’élargissement considéré. Il est

néanmoins raisonnable de penser que l’éventualité d’un élargissement prochain apparaît

comme plausible en 1989-1992 aux différents acteurs impliqués dans les relations

communautaires, pouvant par là influencer leurs actions.

Une illustration, particulièrement intéressante pour notre sujet, en est donnée par

l’étude réalisée pour le compte du groupe parlementaire PPE au PE, portant sur « Le

mouvement démocrate-chrétien en Europe centrale et en Europe de l’est »64. Publiée

début janvier 1991, cette brochure, qui compte parmi ses auteurs notamment le

secrétaire général en exercice du PPE Thomas Jansen, fait le recensement des partis

susceptibles, dans les pays de l’est, de constituer des interlocuteurs, voire des membres

futurs du PPE. Elle montre que la « démocratisation » de l’ancien bloc soviétique est

liée, dès 1990-1991, à la question de l’élargissement et de l’intégration de ces pays dans

les rassemblements de partis existants, ce qui passe par une réforme de la structure

institutionnelle des Communautés, que doit permettre la CIG politique.

I.2.2 – Apparition et disparition des /partis européens/

Les préparatifs pour l’ouverture de la CIG se font donc dans ce contexte particulier.

Les représentants personnels des ministres, sous présidence italienne65, poursuivent

leurs réunions sur un rythme hebdomadaire, soumettant les résultats de leurs discussions

aux ministres des Affaires étrangères qui les examinent régulièrement lors de leurs

réunions formelles (au sein de la formation « Affaires générales » du Conseil (CAG),

une fois par mois66) ou informelles. Les deux principaux rendez-vous du semestre,

prévus dès le début de la présidence italienne en juillet67, sont les deux sessions du

Conseil européen qui doivent se dérouler début novembre68 et mi-décembre69, à Rome.

64 DC Europe – Textes et documents, n°1, 18 janvier 1991. 65 A partir de septembre 1990. Voir DOUTRIAUX, Yves, Le Traité sur l’Union européenne, Paris, Armand Colin, 1992, p. 35. 66 Sauf au mois d’août. Pour le calendrier prévu des réunions du CAG, voir par exemple : BQAE du 6 juillet 1990, « Italian Presidency Sets Timetable for the Coming Half-Year ». 67 Voir BQAE, 4 juillet 1990 (« Working Meeting in Rome Confirms Ambitions of Italian Presidency ») et du 6 juillet déjà cité. 68 Prévue initialement le 3 novembre, cette session extraordinaire du Conseil européen se tient finalement les 29 et 30 octobre. 69 Le deuxième Conseil européen se tient comme prévu les 14 et 15 décembre.

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

53

Pour préparer ces réunions, certains gouvernements nationaux rédigent de nouvelles

contributions, qui peuvent prendre la forme de considérations globales sur les CIG ou

de propositions plus spécifiques sur tel ou tel sujet en discussion. Entre le Conseil

européen de Dublin des 25 et 26 juin 1990 et la session extraordinaire du Conseil

européen de Rome des 29 et 30 octobre de la même année, nous avons ainsi pu

retrouver les textes intégraux d’au moins neuf contributions, présentées au total par cinq

gouvernements nationaux70, auxquels il faut ajouter l’avis préalable à la convocation

d’une CIG que la Commission publie le 21 octobre. Entre les deux Conseils européens

de Rome, on a par ailleurs pu recenser sept nouveaux « mémorandums » nationaux ou

contributions, auxquels il faut ajouter les contributions des autres institutions

communautaires71.

Une de ces contributions intéresse plus particulièrement notre sujet : il s’agit de la

contribution de la délégation espagnole intitulée « Vers une citoyenneté européenne »,

du 24 septembre 1990. Ce document formalise la proposition déjà évoquée de Felipe

González dans sa lettre au président du Conseil du 4 mai 1990 : il s’agit d’insérer dans

le futur traité une partie consacrée à « la citoyenneté de l’Union » et qui mentionnerait

notamment, parmi les droits reconnus au « citoyen européen », la « libre participation à

70 Huit de ces contributions sont reprises dans un rapport de la présidence italienne, établi le 18 octobre 1990 sur la base des discussions du Groupe des représentants personnels, en vue du CAG du 22 octobre (doc. du Conseil 9233/90) : il s’agit de deux contributions sur le thème « Unité et cohérence de l’action de la Communauté sur la scène internationale » (du gouvernement italien sur une « Politique commune en matière de relations extérieures et de sécurité » (UEO) ; et du gouvernement britannique : « Réaliser l’unité et la cohérence de l’action de la Communauté sur la scène internationale ») ; de deux contributions sur le thème de la « légitimité démocratique » (du gouvernement britannique sur la « Responsabilité en matière financière » et du gouvernement italien sur la « Typologie des actes communautaires ») ; de deux contributions sur le thème de la « Réponse effective et efficace de la Communauté et de ses institutions » (du gouvernement britannique sur l’ « Exécution des arrêts de la CJCE » et du gouvernement allemand sur un « Organe des régions de la Communauté européenne ») ; et enfin de deux contributions sur l’ « Objectif général de l’union politique » (du gouvernement espagnol : « Vers une citoyenneté européenne » et du gouvernement allemand sur la « Subsidiarité »). On peut leur ajouter le mémorandum du gouvernement danois publié le 4 octobre 1990 (doc. du Conseil 9046/90). 71 Voir par exemple la lettre d’Ando Angioi, président de la Cour des comptes des Communautés européennes, au président du Groupe des représentants personnels, datée du 23 novembre 1990 et proposant au nom de la Cour un amendement à l’article 4 du traité CEE (doc. du Conseil 10720/90). Voir de même la lettre d’Ole Due, président de la Cour de justice des Communautés européennes, au président du Conseil Gianni De Michelis, datée du 12 décembre 1990 et proposant deux modifications aux dispositions du traité concernant le fonctionnement de la CJCE (doc. du Conseil 11120/90). On peut ajouter à ces deux exemples de contribution directe la transmission par le secrétaire général du Conseil de la « Résolution du Comité économique et social sur la Conférence intergouvernementale », adoptée lors de la session plénière du CES du 20 novembre 1990 et transmise aux délégations nationales le 22 novembre 1990 (doc. du Conseil 10208/90).

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

54

la vie politique dans le lieu de résidence » qui se traduirait, pour tout ressortissant

communautaire, par le droit de voter aux élections municipales et européennes dans son

État de résidence72. Par ailleurs, le gouvernement espagnol demande qu’une décision

soit prise pour mettre enfin en place la « procédure de vote uniforme » pour les élections

européennes, mentionnée depuis le traité de Rome à l’article 138, paragraphe 373. Enfin,

il propose également d’accorder aux « citoyens européens » l’ « assistance et la

protection diplomatique et consulaire » par tout État membre dans les pays tiers ainsi

que la création d’un « ombudsman », ou médiateur, chargé de veiller au respect de ces

droits et de répondre aux réclamations des « citoyens européens »74.

Si ce document ne fait pas explicitement référence à d’éventuels /partis européens/,

une indication dans la synthèse que fait la présidence du Conseil des débats que ce texte

a suscités, semble montrer qu’il en a été question dans les discussions entre

représentants personnels. En effet, résumant les discussions sur la question de la

« citoyenneté de l’Union » lors de la réunion du 18 octobre 1990 (préparatoire au CAG

du 22 octobre), le président du Groupe des représentants personnels75 écrit :

« L’idée d’introduire dans le traité une définition du concept de citoyenneté de l’Union a suscité un vif intérêt [...]. Certaines délégations ont estimé qu’il conviendrait d’accorder une attention particulière à l’extension aux citoyens d’autres États membres du droit de vote lors des élections locales et – à long terme – nationales dans leur pays de résidence, à la mise en place d’une procédure commune et d’un droit de vote au lieu de résidence pour l’élection du Parlement européen, au droit de résidence (allant au-delà des directives existantes) et à la complète liberté de circulation. On a mentionné la possibilité de prévoir expressément le droit pour les partis politiques d’intervenir au niveau communautaire. »76

Cette référence rapide reste assez vague et rien ne permet de dire que les discussions

ont évoqué la possibilité explicite de reconnaître dans le futur traité le rôle des /partis

européens/ : si l’on s’en tient au texte cité, les « partis politiques » auxquels il est fait

référence peuvent d’ailleurs très bien se limiter aux seuls partis nationaux auxquels on

reconnaîtrait officiellement un rôle dans le système communautaire. 72 Voir doc. du Conseil 9233/90 ADD 1, Annexe 7, p. 3. 73 Ibidem. 74 Doc. du Conseil 9233/90 ADD 1, Annexe 7, p. 4. 75 Federico di Roberto, en tant que représentant permanent de l’Italie auprès des Communautés européennes. 76 Doc. du Conseil 9233/90 du 18 octobre 1990, « Rapport de la présidence au CAG du 22 octobre 1990 », p. 23-24.

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

55

Mais dans tous les cas, cette mention est la seule que nos recherches ont permis de

mettre au jour dans les documents préparatoires officiels à la CIG sur l’union politique.

Aucune des autres contributions ni aucun des mémorandums nationaux qui font par la

suite référence à la « citoyenneté européenne » ou à la « légitimité démocratique », en

reprenant ou en élargissant les propositions espagnoles, ne mentionnent plus par la suite

la « participation à la vie politique » ni aucune forme de groupement politique, qu’ils

soient nationaux ou, à plus forte raison, « européens ».

Les deux CIG s’ouvrent donc, le 15 décembre 1990 à la suite du deuxième Conseil

européen de Rome des 14 et 15 décembre, sans qu’aucune mention officielle précise et

spécifique n’ait été faite à des /partis européens/, excepté la vague référence qu’on vient

de mentionner à la « possibilité de prévoir expressément le droit pour les partis

politiques d’intervenir au niveau communautaire ». La marginalité de cette question

dans les discussions préparatoires de la CIG n’a en soi rien d’étonnant, étant donné

l’importance et le nombre des thèmes abordés durant les discussions. L’intérêt de cette

unique référence apparaît en fait par contraste, lorsqu’on la compare aux négociations

officielles de la CIG qui, elles, ne l’aborderont plus.

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

56

II – Une année de négociations point par point, sauf sur les /partis

européens/

Le but de cette section n’est pas de rendre compte exhaustivement des CIG ouvertes

le 15 décembre 1990 et clôturées de fait par la signature du traité sur l’Union

européenne à Maastricht le 7 février 1992, déjà bien étudiées77, mais simplement de

déterminer si les /partis européens/ qu’on retrouve codifiés dans l’article 138a du traité

final et qui ont au moins été abordés indirectement pendant les travaux préparatoires,

sont mentionnés sous une forme ou une autre dans les documents de travail de la CIG

sur l’union politique (CIG UP)78.

Si l’on en croit les témoignages – vagues et contradictoires – de certains acteurs

directement impliqués dans les négociations et ayant écrit sur la question par la suite, la

question des /partis européens/ a bien été introduite dans la CIG (selon Richard

Corbett), mais elle ne fut abordée que « très tardivement » (d’après Joseph Weyland et

Jim Cloos79) :

« Article 138a of the Treaty refers explicitly to the importance of European political parties in developing European public opinion. This article was introduced following a letter from the presidents of the three « European party political federations » (Guy Spitaels for the then CSP, Wilfried Martens for the EPP, and Willy de Clercq for the ELDR) addressed to Jacques Delors and European Council President Lubbers in the closing months of the IGCs. Initially, it was agreed to incorporate this into the chapter on citizenship, but it was finally placed in the chapter on the European Parliament. »80

77 Nous renvoyons pour cela aux nombreuses études déjà citées tout au long de la première partie de ce chapitre. 78 Il n’est toutefois pas impossible que les réunions de la CIG consacrée à l’UEM aient pu y faire référence. Nous avons néanmoins fait l’hypothèse que tout accord sur la mention des /partis européens/ dans le traité, y compris dans le cadre de la CIG sur l’UEM, aurait au moins donné lieu à l’inscription, sous une forme ou une autre, de cette question dans un des documents préparatoires que nous avons analysés exhaustivement et qui présentent les différentes versions provisoires du texte général du traité ou des amendements proposés par les délégations. Mis à part ces projets de traités prévisionnels, que nous avons tous pu analyser, cette section se fonde donc plus précisément sur les 173 documents d’archives concernant la CIG politique que nous avons pu rassembler (sur les 217 documents d’archive fournis au total par le Service d’accès aux documents du Conseil). 79 Respectivement représentant permanent et conseiller à la représentation permanente du Luxembourg auprès des Communautés européennes en 1991, et en tant que tels membres de la délégation luxembourgeoise aux CIG. 80 CORBETT, Richard, « Representing the people », dans DUFF, Andrew, PINDER, John, PRYCE, Roy (dir.), Maastricht and Beyond. Building the European Union, Londres, Routledge, 1994, p. 207-228 (ici p. 218-219, dans la section intitulée « Role of European Political Parties ») (traduction : « L’article 138a du traité se réfère explicitement à l’importance des partis politiques européens pour le développement d’une opinion publique européenne. Cet article fut introduit à la suite d’une lettre des présidents des trois

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

57

« L’article 138a a été ajouté à un stade très avancé des travaux à la demande à la fois du Président du PE et des grandes familles politiques. La consécration du rôle des partis politiques au niveau européen va de pair avec le renforcement du rôle du PE et la création d’une citoyenneté européenne. »81

Il est important pour notre sujet de chercher à établir le plus clairement possible ce

qu’il en est réellement, en se fondant sur les archives disponibles de la CIG, car le fait

que la reconnaissance des /partis européens/ dans le traité ait été, ou pas, discutée

pendant les CIG peut nous fournir des informations significatives sur les acteurs

intergouvernementaux et les ressources mobilisées pour promouvoir la codification

étudiée, ainsi que sur les résistances éventuellement rencontrées.

Nous analyserons synthétiquement pour cela les travaux de la CIG UP en deux

temps. Tout d’abord, nous présenterons brièvement son organisation, telle qu’elle peut

être établie d’après les sources disponibles, afin de rendre plus « tangible » la densité

des négociations qui ont eu lieu durant toute l’année 1991 et le nombre de réunions dans

lesquelles, potentiellement, le sujet qui nous intéresse aurait pu être abordé. Puis nous

résumerons les principaux thèmes discutés pendant les négociations en nous centrant sur

le sujet de discussion qui semble le plus à même de donner lieu à une mention

éventuelle des /partis européens/ : la question de la « citoyenneté européenne ».

II.1. Organisation de la CIG UP

II.1.1 – Les différents niveaux et types de réunions de la CIG

Les deux CIG, sur le format des travaux préparatoires menés durant l’année 1990,

sont constituées à la fois de réunions des ministres des Affaires étrangères et de

réunions de leurs représentants désignés, qui forment le « Groupe des représentants

personnels ». Les réunions des représentants personnels sont quant à elles préparées par

« fédérations européennes de partis politiques » (Guy Spitaels pour l’USPCE, Wilfried Martens pour le PPE et Willy de Clercq pour l’ELDR), adressée à Jacques Delors et au président du Conseil européen Lubbers dans les derniers mois des CIG. Au départ, on s’accorda pour l’intégrer dans le chapitre sur la citoyenneté, mais il fut finalement placé dans le chapitre sur le PE »). 81 CLOOS, Jim, REINESCH, Gaston, VIGNES, Daniel, WEYLAND, Joseph, Le Traité de Mastricht. Genèse, Analyse, Commentaires, Bruxelles, Bruylant, 1994 (ici p. 367).

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

58

un groupe informel, dit « Groupe des amis de la présidence » qui se réunit plusieurs fois

par semaine pour discuter les points à l’ordre du jour des CIG82. Il faut ajouter à ces

réunions pluri-hebdomadaires les deux Conseils européens de la période83 qui tiennent

lieu de CIG au niveau des chefs d’États et de gouvernement. Toutes ces réunions sont

présidées à chaque niveau par le pays ayant la charge de la présidence semestrielle des

Communautés84. La Commission européenne est également représentée à chaque niveau

de réunion85.

Il faut ajouter à ces réunions intergouvernementales officielles, qui associent les

Etats membres et la Commission européenne, trois types de réunions qui sortent du

cadre strictement intergouvernemental dans la mesure où elles impliquent des membres

du PE. Il s’agit d’abord des « conférences institutionnelles » (CI) que nous avons déjà

évoquées, qui réunissent à la demande du PE des représentants des trois institutions

communautaires principales (Conseil, Commission et PE) et qui se réunit, pour ce qui

concerne la CIG UP, à quatre reprises entre mars et novembre 199186. Par ailleurs, la

82 Ce groupe, constitué de conseillers techniques des représentations permanentes nationales à Bruxelles, a été créé par la présidence italienne au deuxième semestre 1990 pour faciliter les travaux préparatoires préalables à l’ouverture des CIG. Il a ensuite été réactivé en janvier 1991 pour analyser les multiples contributions des délégations nationales à la CIG. Voir à ce sujet : DOUTRIAUX, Yves, Le Traité sur l’Union européenne, Paris, Armand Colin, 1992, p. 46-47. 83 Le Conseil européen de Luxembourg des 28 et 29 juin 1991, et le Conseil européen de Maastricht des 9-11 décembre 1991. 84 Le Luxembourg au premier semestre 1991, les Pays-Bas au second semestre. Outre Jacques Santer et Ruud Lubbers, chefs de gouvernement respectifs du Luxembourg et des Pays-Bas, présidents des deux CIG (UP et UEM) lors des Conseils européens, les quatre présidents spécifiques de la CIG UP sont donc les suivants : au premier semestre, J. Poos au niveau ministériel et J. Weyland pour le Groupe des représentants personnels ; au second semestre, H. van den Broek au niveau ministériel et P.C. Nieman pour le Groupe des représentants personnels. 85 Selon les conclusions du premier Conseil européen de Rome, des 27 et 28 octobre 1990, qui fixe par ailleurs l’organisation générale des deux CIG : « Organisation des travaux des conférences » : « La composition des délégations nationales sera décidée par les gouvernements des Etats membres. La Commission sera invitée à participer et disposera de son propre représentant. Conformément aux conclusions du Conseil Européen de Dublin, les 25 et 26 juin 1990, la cohérence nécessaire des travaux des deux conférences sera assurée par les ministres des Affaires étrangères. Les ministres des Affaires étrangères seront assistés dans cette tâche par leur représentant personnel à la conférence sur l'Union politique qui pourra également participer aux travaux de la conférence sur l'Union économique et monétaire. Le Président de la Commission désignera également son représentant à cet effet. La cohérence et le parallélisme des travaux seront aussi assurés par des contacts réguliers entre le Président de la Commission et la Présidence des deux conférences (Conférence sur l'Union politique et Conférence sur l'Union économique et monétaire). » 86 Ces conférences, initialement prévues pour se tenir une fois par mois avec un ordre du jour consacré alternativement à la CIG UEM et la CIG UP (voir CORBETT, Richard, The Treaty of Maastricht. From Conception to Ratification : A Comprehensive Reference Guide, Harlow, Longman Current Affairs, 1993, p. 23) se tiennent en définitive 8 fois, 4 réunions étant consacrées à chaque CIG. Les réunions concernant la CIG UP ont lieu : le 5 mars 1991 (BQAE du 6 mars 1991, « EP not Happy with IGC Discussion of Parliament's Role. »), le 15 mai 1991 (PE 150.308 et BQAE du 16 mai 1991, « MEPS and Member State Representatives Discuss Presidency Document at Inter-Institutional Conference »), le 1er octobre 1991

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

59

délégation du PE à la « conférence interinstitutionnelle »87 effectue en parallèle son

propre « tour des capitales » pour présenter ses requêtes directement aux chefs d’État et

de gouvernement et les inciter à s’accorder en faveur de l’accroissement des pouvoirs

du PE88. Enfin, le président de la Commission des affaires institutionnelles du PE invite

les présidents du Conseil en exercice et celui de la Commission à venir présenter devant

ses membres les discussions en cours dans les CIG, et plus particulièrement au sein de

la CIG UP, comme nous y reviendrons dans le chapitre suivant.

II.1.2 – Une série quasi continue de réunions

La CIG UP s’ouvre officiellement, à l’issue du deuxième Conseil européen de

Rome, des 14-15 décembre 1990, par une première réunion au niveau des ministres des

Affaires étrangères. Cette réunion ministérielle, la seule à être tenue sous présidence

italienne, permet surtout à la présidence luxembourgeoise qui lui succède de présenter le

programme de travail qu’elle a prévu pour le premier semestre 1991. Le calendrier des

réunions prévoit ainsi 5 réunions ministérielles de février à juin 1991, ainsi qu’une

réunion par semaine, en principe, pour les représentants personnels89. Entre le Conseil

européen de Rome des 14-15 décembre 1990 et le Conseil européen de Luxembourg des

28-29 juin 1991, les ministres des Affaires étrangères tiennent de fait 6 réunions

officielles (couplées aux CAG mensuels), auxquelles il faut ajouter 4 réunions (BQAE du 2 octobre 1991, « Political Union - At the IGC, EP President Baron Insists On The Treaty's Unity » et doc. du Conseil EP 10-10-1991 (ou PE 153.105), daté du 10 octobre 1991) et le 5 novembre 1991 (doc. du Conseil DOC_FR\CI\CI7.EN (ou PE 153.472)). 87 Composée, en plus du président du PE Enrique Barón Crespo, de douze députés : les présidents des cinq principaux groupes politiques (Jean-Pierre Cot, Egon Klepsch, Valéry Giscard d’Estaing, Christopher Prout, Adelaïde Aglietta), le président de la Commission institutionnelle (Marcelino Oreja Aguirre), les rapporteurs de la Commission insitutionnelle chargés de suivre la CIG sur l’UEM (Fernand Herman) et la CIG politique (David Martin) ainsi que quatre « prominent members » de la Commission institutionnelle et de la Commission des affaires sociales (Klaus Hänsch, Emilio Colombo, Karl Von Wogau, Martine Buron) : voir CORBETT, Richard, The Treaty of Maastricht. From Conception to Ratification : A Comprehensive Reference Guide, Harlow, Longman Current Affairs, 1993, p. 33. 88 La délégation du PE est à Madrid le 29 avril 1991 (BQAE du 1er mai 1991), à Bonn le 24 mai (BQAE du 25 mai 1991), à Rome le 28 mai (BQAE du 29 mai) ; à La Haye le 4 juin (BQAE du 6 juin) ; à Luxembourg le 20 juin (BQAE du 6 juin) ; à Athènes le 24 juin (BQAE du 6 juin) ; à Bruxelles le 5 juillet (BQAE du 6 juillet) ; à Londres le 19 septembre 1991 (BQAE du 20 septembre 1991) ; à Paris le 5 novembre (BQAE du 5 novembre) ; à Copenhague le 25 novembre (BQAE du 26 novembre) ; à Lisbonne le 29 novembre (BQAE du 26 novembre) et à Dublin le 5 décembre (BQAE du 26 novembre 1991). 89 Voir BQAE, 16 décembre 1990 (« Opening Session of Intergovernmental Conference on Political Union ») et du 29 décembre 1990 (« Intergovernmental Conferences to Start Work in First Half of January »).

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

60

informelles sous la forme de « Gymnich » ou de « conclaves »90. Les représentants

personnels tiennent quant à eux, sous présidence luxembourgeoise, 25 réunions entre le

8 janvier et le 20 juin 199191.

Sous la présidence néerlandaise, qui succède à celle du Luxembourg à partir du 1er

juillet 1991, le calendrier des réunions apparaît un peu plus irrégulier, à la fois du fait de

l’arrêt des activités pendant une partie du mois de juillet et tout le mois d’août, mais

également parce que la « rentrée » des CIG en septembre est retardée par rapport au

calendrier initialement prévu. Les deux premières réunions de septembre des

représentants personnels, prévues initialement le 5 septembre et durant la semaine du 12

septembre, sont ainsi annulées, officiellement du fait de l’actualité internationale92. Les

réunions du Groupe des représentants personnels ne reprennent en fait que le 26

septembre, après trois mois complets d’interruption, ce qui provoque une augmentation

de la fréquence des réunions en octobre et novembre pour permettre de finaliser les

90 Dénominations « indigènes » devant servir toutes deux à marquer le caractère en principe informel et non médiatisé de ces réunions. Le « conclave » semble se distinguer du « Gymnich » dans la mesure où le premier est strictement consacré à un programme de travail précis, alors que les « Gymnich » comportent une dimension d’agrément et d’ « affichage » symbolique, comme le montre l’exemple du « Gymnich » de Dresde des 2 et 3 juin, présenté comme « historique » car tenu pour la première fois sur le territoire d’un Land de l’est de l’Allemagne nouvellement unifiée, voir BQAE du 1er juin 1991 (« Special Meeting of Foreign Ministers in Dresden Focuses on Structure of The Treaty »). 91 Voir le tableau 1 des réunions de la CIG ci-dessous. Nous avons décompté deux réunions différentes lorsque les représentants personnels se réunissent deux jours de suite, chaque journée ayant, d’après les sources disponibles, un ordre du jour clairement attitré, différent et spécifique. Ce cas se présente sept fois, comme on le voit sur le tableau : les 5-6 février, les 25-26 mars, les 2-3 octobre, les 10-11 octobre, les 17-18 octobre, les 24-25 octobre et les 6-7 novembre. Les documents officiels disponibles pour ces sessions de deux jours divergent : alors qu’ils font parfois état de deux réunions différentes (voir par exemple doc. de la Commission SEC 91 1960 pour les réunions du 10 et 11 octobre, considérées comme les « 28ème et 29ème » - 31ème et 32ème dans notre décompte), ils ne parlent, dans d’autres cas, que d’une seule réunion (voir par exemple la note interne (sans numéro) de la Commission, datée du 25 octobre, « Compte rendu de la réunion des représentants personnels des 24 et 25 octobre 1991 », disponible sur http://ec.europa.eu/dorie/cardPrint.do?cardId=7070). Nous avons opté pour un dédoublement systématique des sessions de deux jours et décompté à chaque fois 2 réunions. 92 Marquée notamment par l’ouverture d’une conférence internationale sur la Yougoslavie, convoquée par les ministres des douze Etats membres pour le 7 septembre, à La Haye, ainsi que par les suites du coup d’État manqué en URSS contre Mikhaïl Gorbatchev des 19-22 août et les débats parmi les Etats membres sur la reconnaissance de l’indépendance des pays baltes. Sur ces éléments, voir par exemple : BQAE du 27 août 1991 (« Extraordinary Meeting of Foreign Ministers to Discuss Events in the USSR and Yugoslavia ») ; BQAE du 4 septembre 1991 (« Lord Carrington to Chair Conference on Yugoslavia ») ; GROSSER, Alfred (dir.), Les pays d’Europe occidentale, édition 1992, Paris, La Documentation française, 1992, notamment p. 109-110 et p. 303-307. La réunion prévue la semaine du 12 septembre a dû quant à elle être reportée car la présidence néerlandaise du COREPER tient à organiser cette semaine-là un voyage pour les représentants permanents (pour la plupart également représentants personnels à la CIG) sur l’île de Curacão, dans les Antilles néerlandaises. La programmation et le maintien de ce voyage, qui reprend une pratique courante sous chaque présidence, provoque des critiques et l’incompréhension de plusieurs délégations à la CIG du fait qu’on se trouve à moins de trois mois du Conseil européen de Maastricht qui doit aboutir sur le traité en discusssion : voir BQAE du 12 septembre 1991 (« Presidency Invites Permanent Representatives on a Minitrip to the Dutch Antilles »).

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

61

discussions en cours avant le Conseil européen de Maastricht des 14 et 15 décembre.

Les représentants se réunissent finalement 14 fois sous présidence néerlandaise, avant le

Conseil européen de Maastricht. Quant aux ministres des Affaires étrangères, ils se

réunissent formellement en tant que CIG 4 fois entre juillet et décembre 1991, en marge

des réunions officielles du CAG, réunions auxquelles on doit ajouter 3 rencontres

informelles93.

Entre la clôture du Conseil européen de Rome des 14 et 15 décembre 1990 et

l’ouverture du Conseil européen de Maastricht le 9 décembre 199194, les CIG se

réunissent donc un total de 39 fois au moins au niveau des représentants personnels95 et

17 fois au niveau ministériel96, comme cela est indiqué sur le tableau ci-dessous :

Les réunions officielles de la CIG sur l’union politique

Ministres des Affaires étrangères

Groupe des Représentants personnels

Conférences interinstitutionnelles

PE / Conseil (UP)

décembre 1990

1. 15 décembre 1990, Rome : Réunion d’ouverture de la CIG

janvier 1991

1. 8 janvier, Bruxelles 2. 16 janvier, Bruxelles 3. 22 janvier, Bruxelles 4. 31 janvier, Bruxelles

2. 4 février, Bruxelles : CAG + CIG

février 1991

5. 5 février, Bruxelles 6. 6 février, Bruxelles 7. 12 février, Bruxelles 8. 20 février, Bruxelles 9. 28 février, Bruxelles

3. 4 mars, Bruxelles : CAG + CIG

mars 1991

1. 5 mars Bruxelles

93 Le « Gymnich » de Haarzuilen en octobre, le « conclave » de Noordwijk en novembre et le « conclave » du Palais d’Egmont, à Bruxelles, en décembre. Voir tableau des réunions. 94 Soit 51 semaines au total. 95 Du fait des sources disponibles, ce décompte ne prétend pas être absolument exhaustif, et certaines réunions des représentants personnels ont pu nous échapper. L’essentiel pour notre sujet réside cependant dans le fait que ce nombre élevé de réunions documentées nous permet d’avoir une idée assez précise des débats qui se sont déroulés pendant la CIG et de leur contenu. Nous rappelons par ailleurs qu’il s’agit plus précisément de 39 « jours de réunions », du fait du dédoublement que nous avons effectué des sept sessions de deux jours consécutifs de réunions. En toute rigueur, nous pouvons donc faire état d’au moins 32 sessions du Groupe de représentants personnels, dont la durée varie de 1 à 2 jours. 96 A titre d’exemple, Richard Corbett, qui a pourtant suivi de près les négociations de la CIG en tant que fonctionnaire européen et membre du secrétariat du groupe socialiste au PE, mentionne seulement 10 réunions formelles et 2 réunions informelles au niveau des ministres, pour chaque CIG : voir CORBETT, Richard, The Treaty of Maastricht. From Conception to Ratification : A Comprehensive Reference Guide, Harlow, Longman Current Affairs, 1993, p. 30.

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

62

10. 6 mars Bruxelles 11. 13 mars Bruxelles 12. 20 mars Bruxelles 13. 25 mars, Bruxelles

4. 26 mars : « Gymnich » de Luxembourg (Château de Senningen)

14. 26 mars, Bruxelles

15. 11 avril, Bruxelles (fin de la première phase des négociations)

5. 15 avril, Luxembourg : CAG + CIG

16. 16 avril, Bruxelles (début de la seconde phase des négociations)

17. 24 avril, Bruxelles

6. 27-28 avril : « Gymnich » de Mondorf-les-Bains

avril 1991

18. 30 avril, Bruxelles 19. 6 mai, Bruxelles 7. 13-14 mai, Bruxelles : CAG

+ CIG

2. 15 mai Strasbourg mai 1991 20. 16 mai, Bruxelles

21. 28 mai, Bruxelles 22. 31 mai Bruxelles

8. 2-3 juin : « Gymnich » de Dresde

23. 6 juin, Bruxelles 24. 13 juin, Bruxelles

9. 17 juin, Luxembourg : CAG + CIG

25. 20 juin, Bruxelles 10. 23 juin : « Conclave » de

Luxembourg.

juin 1991

28-29 juin : Conseil européen de Luxembourg (CIG au niveau des chefs d’État et de gouvernement)

26. Semaine du 7 au 14 juillet,

Bruxelles (1ère sous présidence néerlandaise)

27. 18 juillet, Bruxelles

juillet 1991

11. 29 juillet, Bruxelles : CAG + CIG

28. 26 septembre, Bruxelles septembre

1991 12. 30 septembre, Bruxelles : CAG + CIG

3. 1er octobre Bruxelles 29. 2 octobre, Bruxelles

30. 3 octobre, Bruxelles

13. 5-6 octobre 1991 : « Gymnich de Haarzuilen ».

31. 10 octobre, Bruxelles 32. 11 octobre, Bruxelles 33. 17 octobre, Bruxelles 34. 18 octobre Bruxelles 35. 24 octobre, Bruxelles 36. 25 octobre Bruxelles

14. 28 octobre 1991, Bruxelles : CAG + CIG

octobre 1991

37. 30 octobre, Bruxelles

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

63

15. 4 novembre, Bruxelles : CAG + CIG

4. 5 novembre Bruxelles 38. 6 novembre, Bruxelles

39. 7 novembre, Bruxelles

novembre 1991

16. 12-13 novembre : « Conclave de Noordwijk »

17. 2-3 décembre : « Conclave du palais d’Egmont »

9-11 décembre : Conseil européen de Maastricht

(CIG au niveau des chefs d’État et de gouvernement)

décembre 1991

40. 19 décembre,

Bruxelles (examen des éventuelles modifications au protocole social proposées par Lubbers)

janvier 1992

(3 fév 1992 : le CAG prolonge le mandat des représentants personnels à la CIG pour qu’ils travaillent sur l’application des mesures de Maastricht en vue de l’entrée en vigueur du traité)

février 1992

7 février, Maastricht : Signature officielle du traité sur l’Union européenne

À ces 62 réunions officielles, en comptant les réunions de la CI et le Sommet de

Maastricht lui-même, il faut ajouter les réunions préparatoires informelles du « Groupe

des amis de la présidence », qui se tiennent plusieurs fois par semaine pendant toute la

durée de la CIG (mais qui sont par leur nature plus difficiles à documenter), ainsi que le

« tour des capitales » effectué, entre le 22 novembre 1991 et le Conseil européen de

Maastricht97, par les présidents en exercice de la CIG, le Premier ministre Ruud Lubbers

et son ministre des Affaires étrangères Hans van den Broek, pour faire le point sur les

positions de chacun avant le Conseil européen de Maastricht98.

97 Ce « tour des capitales » commence par une visite de Lubbers et van den Broek à Londres le 22 novembre 1991. 98 On peut mentionner d’autres rencontres parallèles qui, bien que n’étant pas spécifiquement consacrées aux CIG, permettent d’aborder certains des sujets qui y sont discutés. Il est impossible ici d’être exhaustif, et cela sortirait de notre sujet, mais on peut notamment citer pour mémoire le Sommet européen informel des chefs d’Etat et de gouvernement, tenu le 8 avril à Luxembourg, à la demande de la France, au sujet de la protection des Kurdes irakiens (voir BQAE du 10 avril 1991, « European Council Concentrates on Action to Deal with Kurdish Problem ») ou encore les nombreuses rencontres bilatérales qui ont lieu pendant la CIG entre les chefs d’Etat et de gouvernement des Etats membres ou leurs ministres des Affaires étrangères, et qui se multiplient à l’approche du Sommet de Maastricht : voir par exemple celle du 18 septembre entre John Major et Ruud Lubbers à La Haye (BQAE du 20 septembre 1991), celle du 26 octobre entre Felipe González et François Mitterrand dans le cadre de la deuxième réunion

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

64

Ces indications chronologiques détaillées ont pour but de permetre de situer les

débats tout en essayant, dans la mesure du possible, de rendre la densité des réunions de

travail consacrées d’une manière ou d’une autre aux CIG, et notamment à la CIG UP.

L’économie formelle générale du déroulement des CIG montre que le texte du traité sur

l’Union européenne a fait l’objet de débats longs et nourris, au cours desquels de très

nombreux sujets, parfois accompagnés de projets d’articles précis pour le futur traité,

ont été discutés en détail.

II.2 – Le contenu des discussions : silence sur les partis dans les archives

Le nombre des réunions de la CIG UP se traduit par une masse documentaire très

importante99 qui a déjà été en partie référencée100. Mais la grande majorité des

documents mentionnés et/ou commentés dans la « littérature » sur les négociations du

traité de Maastricht ne sont pas reproduits in extenso et ne constituent que des sources

ministérielle annuelle franco-espagnole et celle du 27 novembre entre Helmut Kohl et John Major à Bonn (The Economist, 30 novembre 1991, p. 30), celle du 28 novembre entre Helmut Kohl et Giulio Andreotti à Bonn (Reuters, 28 novembre 1991), celle du 1er décembre entre John Major, Douglas Hurd et Ruud Lubbers à La Haye (The Financial Times, 3 décembre 1991) ou encore celle du 2 décembre entre François Mitterrand et John Major à Londres. Par ailleurs, des réunions dans d’autres organismes internationaux peuvent aussi avoir des incidences dans la mesure où elles permettent de prendre position sur des questions concernant directement la CIG, comme par exemple, dans le cadre de l’OTAN, la réunion des ministres des Affaires étrangères des 6 et 7 juin 1991 qui traite de l’articulation entre l’OTAN et une éventuelle « politique étrangère et de sécurité commune » de la CEE, ou le Sommet de l’OTAN à Rome des 7 et 8 novembre, pendant lequel les Etats-Unis approuvent la position franco-allemande d’intégration de l’UEO à la CEE. 99 D’après R. Corbett, elle s’élèverait, pour les seules propositions spécifiques d’articles à modifier (sans compter donc les contributions plus générales ou les notes explicatives) à quelque 2000 pages de documents (CORBETT, Richard, The Treaty of Maastricht. From Conception to Ratification : A Comprehensive Reference Guide, Harlow, Longman Current Affairs, 1993, p. 31). 100 Voir les ouvrages déjà cités CORBETT, Richard, The Treaty of Maastricht. From Conception to Ratification : A Comprehensive Reference Guide, Harlow, Longman Current Affairs, 1993 ; DOUTRIAUX, Yves, Le Traité sur l’Union européenne, Paris, Armand Colin, 1992 ; CLOOS, Jim, REINESCH, Gaston, VIGNES, Daniel, WEYLAND, Joseph, Le Traité de Maastricht, genèse, analyse, commentaires, Bruxelles, Bruylant, 1993 ; voir aussi, entre autres : LAURSEN, Finn, VANHOONACKER, Sophie (dir.), The Intergovernmental Conference on Political Union. Institutional Reforms, New Policies and International Identity of the European Community, Maastricht, Martinus Nijhoff, 1992 ; ECOLE NATIONALE D'ADMINISTRATION (sous la direction de Jean Vidal), Mise en oeuvre du traité de Maastricht et construction européenne : rapports de séminaires établis par les élèves de la promotion Antoine de Saint-Exupéry (1992-1994), Paris, ENA - la Documentation française, 1994.

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

65

de « seconde main », que nous avons dû compléter par les documents d’archive

auxquels nous avons pu avoir directement accès101.

II.2.1 – Présentation des documents disponibles

Les conclusions de la présidence, suite au Conseil européen de Rome des 14 et 15

décembre 1990, fixaient le mandat général des représentants nationaux aux deux CIG,

en mettant l’accent, pour l’union politique, sur cinq grands sujets auxquels « le Conseil

européen [...] demande d’accorder une attention particulière » : la « légitimité

démocratique », la « politique commune en matière de relations extérieures et de

sécurité », la « citoyenneté européenne », l’ « extension et renforcement de l’action de

la Communauté » et enfin l’ « efficacité de l’Union »102. Même si d’autres sujets

peuvent être ponctuellement abordés, la plupart des ordres du jour de réunions ainsi que

les différentes contributions diffusées lors de la CIG suivent ces grandes lignes

thématiques.

Globalement, les réunions de la CIG UP sont divisées, par la présidence

luxembourgeoise du premier semestre 1991, en deux « phases ». La première,

s’étendant de la réunion des représentants personnels du 8 janvier à la réunion

ministérielle du 15 avril 1991, permet aux délégations de faire des propositions

concernant les thèmes qu’elles souhaitent voir abordés et discutés pendant la

conférence. La deuxième phase s’ouvre avec la réunion des ministres du 15 avril et

consiste à tenter de parvenir à des premiers compromis sur les thèmes soulevés, sur la

101 Voir la liste des sources utilisées présentée dans notre introduction à la première partie. 102 Doc. du Conseil SN 424/2/90 (p.2 à 8). Les différentes présidences des CIG se référent souvent, scrupuleusement, à ces conclusions dans la fixation de l’ordre du jour des réunions à chaque niveau de la CIG : voir par exemple SN 1032/91 (UP/5/91) du 16 janvier 1991, où la présidence luxembourgeoise du « Groupe des représentants personnels » présente les options « sur la table » au sujet de la légitimité démocratique, en commençant explicitement son texte par la phrase suivante : « Le Conseil européen de Rome II a demandé à la Conférence d’examiner l’association du Parlement européen à la nomination des membres de la Commission et de son président », ce qui reprend textuellement un passage des conclusions citées. Ce même document permet également de mettre en évidence la continuité entre les travaux préparatoires aux CIG effectués par les mêmes représentants personnels, et leurs travaux sous la forme de la CIG, puisque les trois options présentées sur ce sujet s’appuient sur un document du 9 octobre 1990 inclus en annexe (« The European Parliament’s Role in the Appointment of the President and Members of the Commission »).

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

66

base d’un non paper103 global dans lequel la présidence a essayé de synthétiser les

positions des différentes délégations et de proposer un premier projet de traité sur

l’union politique104. Les discussions et amendements à ce premier projet aboutissent à

un deuxième non paper qui constitue un projet de traité global105, discuté lors du

Conseil européen de Luxembourg (28 et 29 juin).

La présidence néerlandaise, au lieu d’organiser les discussions qui reprennent en

septembre sur la base du projet de traité luxembourgeois, comme cela avait été accordé

au Conseil européen de Luxembourg106, décide de préparer un nouveau projet107 qu’elle

dévoile le 24 septembre108 en vue de la réunion ministérielle prévue le 30 septembre109.

L’opposition quasi générale débouche, lors de la réunion du 30 septembre, sur un retrait

du texte néerlandais et un retour au projet luxembourgeois de juin110. Après ce premier

103 Les « non paper » désignent, dans des discussions internationales, les documents de synthèse ou propositions qui n’engagent pas les parties et que la présidence soumet aux différentes délégations lorsqu’elle souhaite que celles-ci prennent position sur des alternatives explicites, par exemple. 104 Doc. du Conseil 1800/91 (94 pages) daté du 17 avril 1991. L’Agence Europe fait mention d’une première version du projet soumis lors de la réunion ministérielle du 15 avril (pour lequel les archives consultées fournissent quelques extraits incomplets, voir les documents du Conseil SN 1919/91 et de la Commission SEC(91)743 et SEC (91)749). La présidence luxembourgeoise a ensuite fait modifier ce premier projet par la réunion des représentants personnels du 16 avril, en vue d’intégrer quelques remarques formulées par les ministres. C'est cette version modifiée qui est reprise dans le doc. du Conseil 1800/91 dont nous disposons en entier (voir BQAE, 17 avril 1991, « Presidency Submits Draft « Consolidated » Treaty to IGC »). 105 CONF-UP-UEM 2008/91 du 18 juin 1991. 106 Voir les conclusions de la présidence du Conseil européen du 29 juin 1991 (SN 151/2/91, p. 2). 107 L’objectif n’étant pas ici de revenir en détail sur le contenu des négociations et des divergences entre délégations, nous mentionnerons simplement qu’une des principales différences entre les deux projets de traité résidait dans le retour à une structure unitaire pour l’ « Union européenne » dans le projet néerlandais, qui s’opposait en cela à la structure « en piliers » que la présidence luxembourgeoise avait proposée afin de concilier les réticences de certaines délégations, et notamment de celle du Royaume-Uni, à « communautariser » certains sujets, notamment les aspects touchant aux relations extérieures, à la sécurité, à la justice et à l’immigration, entre autres. Cette structure en piliers avait été critiquée dès le premier projet de traité luxembourgeois du 15 avril 1991, notamment par la Commission, soutenue sur ce point par les délégations belge et néerlandaise, celle-ci prenant ensuite l’initiative de revenir sur le compromis trouvé au Conseil européen de Luxembourg de juin sur cette structuration, tout en incluant la plupart des dispositions du projet luxembourgeois. 108 Doc. de la Commission SEC(91)1778. 109 Les délégations britannique, danoise, française, grecque, irlandaise, italienne et luxembourgeoise sont en désaccord avec l’initiative néerlandaise aussi bien sur le fond (le rétablissement d’une structure unitaire pour le projet de traité, auquel s’oppose notamment la délégation britannique) que sur la forme (l’affichage d’un nouveau texte à onze semaines du Conseil européen de Maastricht, que contestent fortement sept délégations. Voir BQAE du 28 septembre 1991 (« Ministerial Session to Decide Basis for Negociation of Dutch and Luxembour Political Union Proposals »). 110 Pour tenter de minimiser le camouflet diplomatique infligé au ministre néerlandais des Affaires étrangères, Hans van den Broek, lors de cette réunion décrite par Jacques Delors comme « particulièrement pénible » (DELORS, Jacques, Mémoires, Paris, Plon, 2004, p. 446), son homologue italien Gianni De Michelis propose que le texte néerlandais reste sur la table et serve de « complément » au projet luxembourgeois (BQAE du 2 octobre 1991, « Political Union - Foreign Ministers Decide Luxembourg Draft Treaty Will Remain the Basis for Negotiation »). Mais le retrait du texte est

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

67

projet avorté, les discussions se poursuivent à un rythme accéléré, aussi bien au niveau

des représentants qu’à celui des ministres. Entre le 30 septembre et le Conseil européen

de Maastricht, deux nouveaux projets de traités globaux sur l’Union politique, reprenant

l’état des négociations, sont ainsi présentés par la présidence néerlandaise, le 8

novembre111 et le 4 décembre 1991112.

Ces discussions reprennent surtout les propositions des délégations nationales,

formalisées dans des contributions envoyées à la présidence ou au secrétariat général du

Conseil. Les représentants des Etats membres, comme ils l’avaient fait pendant les

travaux préparatoires de la CIG, continuent en effet de proposer des modifications aux

traités, qui peuvent porter sur des points très spécifiques113, accompagnés ou non de

documents explicatifs présentant une orientation générale à ce sujet114, ou prendre la

forme de propositions de déclarations générales de la CIG115. Nous avons ainsi pu

relever dans les archives consultées 82 propositions différentes116, qui constituent

l’intégralité des contributions des Etats membres à la CIG UP117. A ces 82 propositions,

néanmoins interprété rapidement comme un « carnage diplomatique » et un « lundi noir » pour la diplomatique néerlandaise (voir Le Monde du 6 décembre 1991 (« Six mois d’une présidence néerlandaise laborieuse et ingrate », p. 6) : « « En trente ans de carrière je n’ai jamais vu un tel carnage diplomatique » résume un fonctionnaire après avoir vécu de près ce qui a été immédiatement appelé dans la presse un « lundi noir » »). 111 CONF-UP 1845/91. 112 CONF-UP 1850/91. C'est ce projet qui sert de base aux discussions du Conseil européen des 9-11 décembre 1991. 113 On peut citer deux exemples opposés de ces propositions d’amendement : l’amendement belge à l’article B des dispositions communes du 12 juillet 1991 (qui ne modifie qu’un seul mot : voir CONF-UP 1831/91, 2 pages) ; le document danois du 21 mars 1991 qui transmet au secrétaire général du Conseil un ensemble de 32 modifications ou ajouts d’articles sur 32 sujets différents (voir CONF-UP 1777/91, 38 pages). 114 Comme, parmi beaucoup d’autre exemples, le « document de travail » de la délégation portugaise sur la « cohésion économique et sociale » du 22 mars 1991, CONF-UP 1784/91, 14 pages. 115 Voir par exemple les trois propositions de déclaration britanniques du 4 novembre 1991 relatives à la Cour des comptes, à l’attestation de comptabilité des propositions de la Commission avec la discipline budgétaire et celle « relative à la représentation des intérêts des territoires d’outre mer auxquels ne s’applique pas le traité CEE » (CONF-UP 1852/91, 2 pages ; 1853/91, 2 pages ; 1854/91, 2 pages) ou encore la proposition allemande du 28 novembre de déclaration « portant sur le rôle du Comité politique et du Comité permanent de la politique étrangère et de sécurité commune » (CONF-UP 1860-91, 4 pages). 116 Sur ces 82 propositions, 62 datent d’avant le 15 avril et ont donc été émises lors de la première « phase » de la présidence luxembourgeoise. 117 Ce chiffre correspond exactement, si l’on ajoute les quatre propositions de déclaration citées dans une note précédente, aux 78 propositions « thématiques » des Etats membres qu’Yves Doutriaux mentionne sans les détailler dans son ouvrage déjà cité (DOUTRIAUX, Yves, Le Traité sur l’Union européenne, Paris, Armand Colin, 1992, p. 53-55). Si l’on considère que Doutriaux était directement impliqué dans ces négociations, en tant que membre du groupe des « amis de la présidence » et « Antici », on peut supposer que nous disposons du texte intégral de l’ensemble des contributions nationales à la CIG UP.

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

68

il faut ajouter les différentes contributions soumises par les institutions et organes

communautaires118 ou les contributions informelles soumises par d’autres

organisations119.

La lecture de ces 116 documents de travail de la CIG UP, combinée à celle de tous

les non papers des deux présidences luxembourgeoise et néerlandaise dont nous

disposons (aussi bien les projets de traité globaux que nous avons évoqués que les

synthèses thématiques que les présidences font circuler régulièrement pour expliciter les

positions en présence) et complétée, surtout, par l’analyse des comptes-rendus de

réunions que nous avons pu rassembler120, permet de faire un constat simple à propos de

notre objet : il n’existe, de fait, dans les documents officiels des CIG aucune référence

écrite directe à des /partis européens/, quelle que soit l’appellation ou le « label »

considérés.

Alors que dans les travaux préparatoires, nous avions pu repérer une référence au

moins indirecte à des « partis politiques » qui interviendraient « au niveau

communautaire », rien de tel dans les travaux officiels de la CIG UP.

II.2.2 – Le thème de la « citoyenneté »

Cette absence est plus frappante encore lorsqu’on se penche en détail sur le contenu

des discussions officielles des CIG à propos de la thématique qui serait la plus

118 Nous disposons ainsi du texte de 32 contributions de ce type (ajouter ici les documents DORIE), dont 6 documents de la Commission européenne, un de la CJCE, un de la Cour des comptes européenne, un du Comité économique et social (CES), une lettre du président du Conseil consultatif des collectivités régionales et locales, 22 lettres du secrétaire général du PE, Enrico Vinci, transmettant une résolution du PE concernant plus ou moins directement la CIG et enfin une lettre du président du PE Enrique Barón Crespo datant de la période de « polissage » juridique du texte, entre le 11 décembre 1991 et la signature du traité le 7 février 1992. Toutes ces contributions n’ont pas le même statut juridique, les avis de la Commission, notamment, étant parfois émis sur la base de stipulations précises des traités. Néanmoins, toutes les contributions citées portent une numérotation officielle du type « CONF-UP », ce qui permet de dire qu’elles ont été prises en compte à ce titre dans les négociations de la CIG. 119 Comme par exemple l’UNICE et l’UEO dans nos archives (CONF-UP 1792/91 du 2 avril 1991 et CONF-UP 1799/91 du 15 avril 1991). 120 Les archives auxquelles nous avons pu avoir accès contiennent ainsi les comptes-rendus détaillés des discussions et positions des différentes délégations pour 10 des 39 réunions des représentants personnels, 2 des 17 réunions ministérielles, ainsi que pour 2 réunions du groupe des « amis de la présidence ». On peut leur ajouter les comptes-rendus analytiques des quatre conférences interinstitutionnelles.

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

69

susceptible de renvoyer, d’une manière ou d’une autre, à la notion de /partis

européens/ : celle de la « citoyenneté de l’Union »

En effet, on pourrait s’attendre à trouver une mention, même très allusive, à ce type

d’organisation dans les documents de la CIG qui traitent spécialement de la

« citoyenneté communautaire », puisque le document préparatoire du Conseil, qui

contient la référence relevée avant l’ouverture des CIG, porte justement sur ce thème.

Or, comme nous l’avons déjà dit, on ne trouve aucune référence à d’éventuels « partis »

dans les archives disponibles des documents de travail de la CIG, y compris ceux qui

traitent spécifiquement de la citoyenneté européenne et des droits – et devoirs – que

cette notion devrait recouvrir. Les 12 documents qui y consacrent des développements

et dont nous disposons pour la CIG UP énoncent bien toute une série de « droits

fondamentaux » sur lesquels l’accord semble se faire assez vite entre délégations, mais

ils ne mentionnent jamais explicitement de quelconques /partis européens/.

Ainsi, la contribution de la Commission du 28 février 1991, intitulée « La

citoyenneté de l’Union »121 et qui s’appuie en grande partie sur le mémorandum

espagnol du 24 septembre 1990122, liste déjà la plupart des droits qui seront repris dans

une partie nouvelle du traité définitif, la partie II consacrée exclusivement à la

« citoyenneté de l’Union »123 : le « droit de circuler et séjourner librement et sans

limitation de durée sur le territoire de l’Union [...] »124 ; le « droit de vote et d’éligibilité

aux élections municipales et aux élections européennes au lieu où il réside [...] »125 ; le

droit de bénéficier « sur le territoire des pays tiers de la protection de l’Union ainsi que

de celle de toute État membre dans les mêmes conditions que les nationaux de cet

État »126 ; la mention d’un « médiateur » ou « ombudsman » auquel les « citoyens de

l’Union peuvent recourir dans la défense des droits qu’ils tirent du présent traité » (mais

qui est à ce stade évoqué comme instance nationale que chaque État membre doit mettre

en place)127. Ce document fait par ailleurs état d’autres propositions qui ne seront pas

121 CONF-UP 1740/91 du 28 février 1991, reprise dans CONF-UP 1788/91 du 30 mars 1991. 122 Repris dans le rapport de la présidence en vue du CAG du 22 octobre, CONF-UP 9233/90 (annexe 7) et, dans le cadre de la CIG UP, dans la proposition espagnole numérotée CONF-UP 1731/91. 123 Deuxième partie, articles 8 à 8e, voir JOCE C 191 du 29 juillet 1992. 124 CONF-UP 1788/91, article X4 (article 8a du traité définitif). 125 CONF-UP 1788/91, article X5 (article 8b du traité définitif). 126 CONF-UP 1788/91, article X8 (article 8c du traité définitif). 127 CONF-UP 1788/91, article X9 (article 8d, alinéa 2 du traité définitif).

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

70

reprises sous cette forme128, et n’évoque pas certains droits qui seront introduits par la

suite129.

L’important pour notre sujet est que ce document, déjà très complet par rapport à ce

qui sera la version finale de la partie sur la « citoyenneté de l’Union », ne fait référence

qu’à un droit général à « participer à des associations et groupements politiques » dans

l’article X5 qui évoque le droit de vote aux élections municipales et européennes, sans

autre précision, ce qui semble faire référence aux partis nationaux plutôt qu’à

d’éventuels /partis européens/ . D’ailleurs, cette formulation sera supprimée dans les

projets de traités globaux successifs des présidences, et ce dès le premier projet

luxembourgeois du 15 avril, qui reprend en revanche la plupart des autres dispositions

de ce premier document130.

En résumé131, les documents disponibles qui rendent compte des discussions

officielles au sein de la CIG UP sur la question de la « citoyenneté de l’Union », ne font

aucune référence directe à ces « partis politiques au niveau européen » qu’on trouvera

néanmoins le 7 février dans la version définitive du traité sur l’Union européenne, à

l’article 138a. Cette absence est mise en relief par le fait que les futurs articles 138d et

138e de la cinquième partie, qui mentionnent respectivement le droit de pétition et le

médiateur, sont quant à eux discutés précisément, au contraire des /partis européens/,

pendant la CIG UP.

En définitive, les témoignages en partie contradictoires132 qui semblent indiquer que

la question des /partis européens/ aurait pu être discutée avant le Sommet de Maastricht

128 Voir CONF-UP 1788/91, article X2 qui mentionne la reconnaissance de la « Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales », l’article X3 qui interdit « toute discrimination exercée en fonction de la nationalité » ; l’article X6 qui mentionne le « droit de participer à l’expression de sa culture » ; l’article X7 qui évoque le « droit à un environnement sain et le devoir de contribuer à sa protection » ; et l’article X11 qui fait référence aux droits « à l’égalité des chances et de traitement », au « bénéfice de droits sociaux pour tout citoyen », à une « obligation de solidarité » et au droit à la « protection de la santé ». 129 Surtout le « droit de pétition » des citoyens auprès du PE, qui sera l’objet de l’article 8d du traité définitif. 130 Voir CONF-UP 1800/91 du 17 avril 1991, articles A à G (p. 13-15) et sur ce point l’article C. Voir aussi par exemple le projet néerlandais du 8 novembre 1991 (CONF-UP 1845/91, p. 20, articles A à F, plus précisément l’article C de nouveau). 131 Pour plus de détails sur l’introduction de la partie sur la « citoyenneté de l’Union » dans le traité, voir notamment DOUTRIAUX, Yves, Le Traité sur l’Union européenne, Paris, Armand Colin, 1992, p. 112-119. 132 Nous renvoyons à ceux que nous avons déjà cités, de Joseph Weyland, Jim Cloos et Richard Corbett, mais aussi à l’entretien que nous avons eu avec Yves Doutriaux, le 7 avril 2011. Celui-ci nous a déclaré

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

71

dans le cadre officiel des CIG sont infirmés par l’étude des sources disponibles, qui

montre que cette question, qui a peut-être été évoquée informellement entre les acteurs

impliqués dans les CIG, n’a en tout cas jamais fait l’objet d’une mise par écrit qui

l’incluerait formellement dans les discussions.

Cette section a donc paradoxalement pour principal résultat de mettre en évidence

une « absence », celle des /partis européens/, dans les négociations

intergouvernementales officielles. C’était là une étape préalable nécessaire à la

compréhension de la forme et des espaces empruntés par les mobilisations effectives en

faveur de la codification étudiée, qui permet de prendre en compte les éventuelles

résistances, contrairement aux travaux qui se concentrent exclusivement sur le Sommet

de Maastricht.

se souvenir que la formulation de l’article 138a avait été proposée par Pierre de Boissieu, représentant personnel du ministre des Affaires étrangères français pour la CIG UP : « On se demandait comment formuler la chose : c'est Pierre de Boissieu qui a sorti ça, en prenant le texte de la Constitution française ». Néanmoins, Yves Doutriaux n’a pas pu nous dire à quel moment cela se serait produit, ni expliquer l’absence de toute formulation explicite de l’article 138a dans les documents de travail de la CIG avant le Conseil européen de Maastricht des 9-11 décembre. Nous supposons donc que cela a dû se produire après le Conseil européen, une fois la mention aux /partis européens/ accordée à Maastricht entre les chefs d’Etat et de gouvernement, comme il le suggère d’ailleurs lui-même dans l’ouvrage qu’il a consacré aux négociations du traité, déjà cité, dans lequel il précise que l’article a été introduit « à la demande de la Belgique lors du Conseil européen de Maastricht. » (DOUTRIAUX, Yves, Le Traité sur l’Union européenne, Paris, Armand Colin, 1992, p. 183). Il y précise aussi que, selon lui, « la reconnaissance du rôle des partis politiques s’inspire de la disposition de la Constitution française de 1958 qui prévoit que les partis politiques concourent à l’expression des suffrages ». On sera amené à y revenir lorsqu’on parlera des différentes sources d’inspiration supposées de l’article, dans le chapitre 3 et dans la deuxième partie.

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

72

III – Le Sommet de Maastricht, ou la codification des /partis européens/

III.1 – Ce qu’il s’est dit à Maastricht sur les /partis européens/

Malgré la densité des discussions menées pendant ces négociations qui durent plus

d’un an, et malgré une mention (vague) du rôle des « partis politiques » dans les

documents préparatoires à ces CIG, l’« article des partis » constitue donc une

disposition qui n’a pas été négociée formellement par les représentants nationaux,

jusqu’au moment où s’ouvre le Conseil européen de Maastricht le 9 décembre 1991.

Contrairement aux autres articles du traité, l’article 138a de la version définitive du

texte n’est pas « annoncé » ni discuté auparavant et il n’apparaît pas avant les

conclusions de la présidence du 11 décembre 1991, à l’annexe II du projet de traité

définitif, dans une « référence aux partis européens à inclure dans le traité » :

« Référence aux partis européens à inclure dans le traité La Conférence convient de faire figurer dans le traité une référence aux partis européens soulignant qu’ils sont indispensables en tant que facteur d’intégration au sein de l’Union. Ils contribuent à la formation de consensus et à l’expression de la volonté des citoyens de l’Union. Le libellé précis de cette référence et sa place dans le traité seront déterminés ultérieurement. »133

Sa place dans le traité (qui n’est justement pas encore définie à ce moment-là), la

formulation de cette référence provisoire (qui est encore à préciser) et le fait qu’elle ait

été introduite au dernier moment lors du Sommet de Maastricht confirment, mais

désormais de manière établie, le témoignage de certains des acteurs les plus directement

impliqués, à commencer par Wilfried Martens lui-même, qui raconte dans ses mémoires

133 Doc. du Conseil SN 271/1/91 du 11 décembre 1991 (« conclusions de la présidence », p. 22), reprenant le doc. du Conseil SN 252/1/91 (projet de traité sur l’Union européenne). L’annexe II se trouve en effet dans le projet de traité établi pendant le Sommet et numéroté SN 252/1/71, qui a été inclus, mais pas systématiquement, dans certaines version des conclusions de la présidence (numérotées 271/1/91). Il existe en effet plusieurs versions différentes de ces conclusions, en fonction des archives consultées et toutes ne contiennent pas cette « annexe II ». Ainsi, par exemple, alors que le Bulletin des Communautés de la Commission inclus l’annexe II dans les conclusions qu’il reprend du Conseil européen de Maastricht (comme nous avons pu le vérifier dans les archives du Bulletin conservées à la Bibliothèque centrale de la Commission à Bruxelles), ce n’est pas le cas du document conservé dans les archives du Service de presse du Conseil de l’Union (qui reprend les mêmes conclusions, sans l’annexe II, comme nous avons pu là encore le vérifier à Bruxelles). Ce détail administratif n’en est pas moins intéressant car il confirme à la fois le caractère nouveau et improvisé de cette disposition au moment de Maastricht, qui n’a pas été incluse directement dans toutes les versions des conclusions qui ont pu circuler juste après.

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

73

comment il fut désigné « porte-parole » du PPE sur cette question, lors des conférences

de leaders organisées avant Maastricht :

« I was in charge of a working group of staff of the EPP government leaders. In addition, the EPP Summit met three times : on the fringes of the NATO summit in Rome on 8 November 1991 ; at Stuyvenberg Castle in Brussels on 26 November and in the Hague on 6 December. There I was also designated as EPP spokesperson to introduce the treaty article on the recognition of European political parties during the European Council. »134

III.2 – Ce qu’il ne s’est pas dit à Maastricht sur les /partis européens/

III.2.1 - Une formulation qui n’est pas fixée définitivement

S’il est désormais incontestable que la proposition d’un « article des partis » a bien

été introduite dans les CIG, pour la première fois, au moment du Sommet de Maastricht,

la formulation de cet article n’en est pas pour autant fixée à ce moment-là. L’article

définitif qui sera adopté dans le traité final présente, en effet, de légères différences avec

la proposition avancée initialement par W. Martens, variations qui ne sont pas sans

signification :

« Référence aux partis européens à inclure dans le traité La Conférence convient de faire figurer dans le traité une référence aux partis européens soulignant qu’ils sont indispensables en tant que facteur d’intégration au sein de l’Union. Ils contribuent à la formation de consensus et à l’expression de la volonté des citoyens de l’Union. » « Article 138a Les partis politiques au niveau européen sont importants en tant que facteur d'intégration au sein de l'Union. Ils contribuent à la formation d'une conscience européenne et à l'expression de la volonté politique des citoyens de l'Union. »

134 MARTENS, Wilfried, I struggle, I overcome, Dordrecht, Springer, 2008, p. 104 (p. 627 de la version néerlandaise de 2006, précisant simplement que le groupe de travail dont il est question fut réuni « à la demande » de W. Martens, et qu’il se réunissait « périodiquement » à Bruxelles). (traduction : « J’étais en charge d’un groupe de travail de collaborateurs des chefs de gouvernement du PPE. En outre, le Sommet du PPE se réunit trois fois : aux marges du Sommet de l’OTAN à Rome le 8 novembre 1991 ; au château de Stuyvenberg à Bruxelles le 26 novembre et à la Haye le 6 décembre. Là, je fus désigné comme porte-parole du PPE pour introduire l’article du traité sur la reconnaissance des partis politiques européens pendant le Conseil européen »).

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

74

D’« indispensables », les /partis européens/ sont devenus dans le traité final

simplement « importants », ce qui les rend logiquement toujours souhaitables, mais plus

nécessaires. Ils ne contribuent plus à la « formation de consensus », mais à celle, plus

vague, d’une « conscience européenne » qui, on en conviendra, est moins facile à

définir que l’accord observable entre différentes parties que dénote le terme de

« consensus ». Le passage de « volonté » à « volonté politique » restreint encore un peu

plus le domaine d’activité potentielle, les « fonctions », de ces « partis » qui, et c’est là

un changement plus important qu’il n’y paraît au premier abord, ne sont plus seulement

« européens », mais ont été rallongés en « partis politiques au niveau européen ».

En résumé, ce que montre la comparaison purement textuelle des deux versions

différentes135 de la référence aux /partis européens/, c’est qu’entre le Sommet de

Maastricht et la signature du traité final, les choses ne sont pas fixées complètement, et

que Martens, au sens propre comme au figuré, ne peut pas en toute rigueur être

considéré comme ayant eu le dernier mot.

La formulation et la place de la référence aux /partis européens/ ont donc été

avancées au dernier moment136, et ne sont pas établies définitivement lors du Conseil

européen de Maastricht, ce que l’annexe II du document SN 252/1/91 précise

expressément (« le libellé précis de cette référence et sa place dans le traité seront

135 Nous n’entrons pas ici dans les détails des diverses versions du traité qui ont pu circuler entre celles que nous mentionnons ici (qui sont les deux formulations extrêmes, au sens chronologique du terme). On pourrait par exemple montrer comment la formulation définitive s’est peu à peu consolidée, à partir de l’analyse des projets intermédiaires, comme par exemple le projet de traité dans sa version du 13 décembre 1991 (numérotée CONF-UP 1862/91) qui mentionne la référence aux /partis européens/ (en annexe I, cette fois), les considérant déjà comme « importants » plutôt qu’« indispensables », mais les faisant toujours contribuer à la formation de « consensus » et à l’ « expression de la volonté des citoyens », sans précision « politique ». L’important n’est pas l’exhaustivité de ces rapides analyses de « génétique textuelle », mais simplement l’existence même de ces variations qui sont, on le voit, apportées par retouches successives et non d’un seul coup, ce qui souligne la dimension négociée de la formulation après Maastricht et le fait qu’elle est encore longtemps discutée par les diplomates et administrateurs. 136 Simon Hix parle, il est vrai (HIX, Simon, « The Emerging EC Party System ? The European Party Federations in the Intergovernmental Conferences », Politics, vol. 13, n°2, 1993, p. 38-46) d’un « deuxième projet néerlandais » de traité dans lequel les /partis européens/ auraient été inclus avant le traité de Maastricht. Les archives ne permettent pas de confirmer cette référence imprécise qui renvoie peut-être simplement aux différents projets de traité qui ont pu circuler entre les délégations pendant le Sommet Maastricht, faisant le point au fur et à mesure sur les accords partiels obtenus par la présidence du Conseil. L’accord sur les /partis européens/ ayant été obtenu, d’après W. Martens (comme il nous l’a confirmé lors de notre entretien, le 15 mars 2010) au tout début du Sommet. Dès l’ouverture, tous les projets de traités qui ont circulé pendant le Sommet portaient donc vraisemblablement la marque de cet accord et incluaient la référence.

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

75

déterminés ultérieurement »). Un travail de mise en forme et de traduction de

l’ensemble du traité est en effet prévu pour mettre le traité aux normes juridiques et

linguistiques en vigueur, confié à un « comité de juristes-linguistes » (CJL) du Conseil

qui se réunit, sous la vigilance des représentants permanents des Etats membres, entre le

Conseil européen de Maastricht et la signature du traité le 7 février137. On dispose là

encore de traces documentaires de ce travail de mise en forme, qui ne semble pas aller

de soi, comme le montrent les hésitations sur la place à donner à cette référence dans le

traité.

Ainsi, un premier document du 18 décembre 1991 intègre la référence dans la partie

sur la « citoyenneté de l’Union », tout en modifiant déjà la formulation accordée à

Maastricht :

« Article 8c « Les partis politiques au niveau européen sont importants en tant que facteur d’intégration au sein de l’Union. Ils contribuent à la formation d’une conscience européenne et à l’expression de la volonté politique des citoyens de l’Union. »138

Ce document, qui présente déjà le texte exact du futur article 138a, est ainsi le

premier texte, à notre connaissance, dans lequel la formulation de « partis politiques au

niveau européen » remplace explicitement celle de « partis européens »139.

Dans l’état des archives disponibles, il faut attendre le 1er février pour trouver un

document dans lequel cet article est inséré à la place qu’il gardera dans la version

définitive, à savoir dans la cinquième partie intitulée « Les institutions de la

Communauté », parmi les dispositions consacrées au PE140.

137 Voir sur ce point : DOUTRIAUX, Yves, Le Traité sur l’Union européenne, Paris, Armand Colin, 1992, p. 73. 138 CONF-UP 2017/91 du 18 décembre 1991 (p. 18). 139 Cette différence peut s’appuyer, du point de vue des acteurs impliqués, sur des considérations juridiques aussi bien que linguistiques : la distinction purement lexicale entre « partis européens » et « partis politiques au niveau européen » pourrait renvoyer au souci d’éviter la confusion entre « partis politiques européens » organisés transnationalement et « partis politiques européens », entendus comme les différents partis politiques nationaux d’Europe. Certains entretiens réalisés fournissent des informations en ce sens, confirmées en l’espèce par le fait que le « comité de juristes-linguistes » n’a pas que des attributions linguistiques, mais peut effectivement intervenir sur la forme juridique des textes qu’on lui confie (les fonctionnaires du comité sont d’ailleurs rattachés au service juridique du secrétariat général du Conseil de l’Union européenne). Il n’en reste pas moins que cette modification de la proposition initiatle témoigne bien de contraintes extérieures à la simple « intentionalité » des promoteurs de la référence de l’annexe II. 140 CONF-UP 2002/92 du 1er février 1992 (p. 82).

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

76

L’article 138a ne s’est donc pas fait en un jour, ou en une nuit, lors du Sommet de

Maastricht. Il a été modifié et à proprement parler rédigé définitivement par les

administrateurs du CJL, mais toujours sous la supervision permanente des

représentations des Etats membres, présents lors de toutes leurs réunions comme nous

l’a confirmé en entretien celui qui était alors le chef du CJL141.

Ce sont donc les représentants nationaux, et plus précisément les diplomates de la

représentation permanente de chaque Etat membre, qui reprennent la main dans cette

dernière période. Ceux-là mêmes qui ont négocié pendant un an le reste du traité et qui

apportent ici quelques retouches à cet article qu’on ne leur avait jamais présenté

officiellement auparavant. Ce point soulève ainsi une autre question posée par le choix

fait par W. Martens et ses soutiens d’attendre le dernier moment pour introduire cette

proposition de la reconnaissance des /partis européens/ : pourquoi ne l’a-t-il pas fait

avant, alors qu’il en avait la possibilité ?

III.2.2 – L’indice de résistances ?

W. Martens, en sa qualité de Premier ministre de Belgique, a en effet émis, ou fait

émettre par ses ministres et son administration, des propositions concrètes et identifiées

pendant les travaux préparatoires et pendant les CIG elles-mêmes. Le mémorandum du

20 mars 1990142 que nous avons commenté antérieurement est un bon exemple de ces

documents, souvents très détaillés, abordant dans ce cas précis des thématiques comme

la procédure électorale et le droit de vote aux élections européennes qui auraient pu

logiquement contenir, parmi toutes les mesures proposées, une référence même allusive

aux /partis européens/ qu’il propose quelques mois plus tard à Maastricht.

L’explication de ce « décalage » peut suivre deux pistes différentes, qui se

combinent et qu’il faut prendre en compte si l’on veut comprendre comment et pourquoi

s’est produite finalement la codification étudiée.

141 Entretien avec Micail Vintsentzatos, le 24 février 2010 (fonctionnaire européen au service juridique du Conseil de l’Union européenne, chef du comité de juristes-linguistes réuni entre le Sommet de Maastricht et la signature du traité). 142 Doc. du Conseil 5519/90.

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

77

Tout d’abord, le fait que W. Martens n’introduise pas sa proposition dans le cours

des négociations, confiées principalement aux diplomates des représentations

permanentes, peut être la trace de réticences parmi ces acteurs particuliers à l’idée

même de /partis européens/, ou à ce qu’elle pourrait impliquer. C’est ce que confirme

indirectement Philippe de Schoutheete de Tervarent, représentant permanent de la

Belgique pendant les CIG de 1991, en réponse à notre questionnaire :

« Avez-vous eu connaissance d’une mention quelconque de « partis européens » lors des débats de la CIG, que ce soit au niveau des représentants personnels ou des ministres (ou dans d’autres cadres, je pense par exemple aux réunions de la conférence interinstitutionnelle) ? Si oui, sous l’impulsion de qui et dans quels termes a été faite cette mention ? Philippe de Schoutheete de Tervarent : « J’étais conscient dans les derniers mois de la CIG qu’un texte de ce genre pouvait apparaître. Martens m’en avait parlé. J’ai compris à l’époque que le PPE en était très partisan et que Martens souhaitait lui donner satisfaction, peut-être pour conforter sa propre position au sein du parti. Ma réaction avait été de dire qu’un texte de ce genre passerait sans problème à condition qu’il soit formulé en termes généraux et sans conséquences financières. Je ne me souviens pas de débats entre représentants personnels sur ce sujet mais je pense avoir échangé des informations avec mes collègues des Pays Bas et du Luxembourg (présidences successives), qui étaient au courant d’une telle possibilité, peut être aussi avec l’allemand. Il faut bien voir que les représentants personnels concentrent naturellement leur attention sur les propositions qui font, ou pourraient faire, difficulté. Ce n’était pas le cas de celle-ci. »143

Martens semble ainsi avoir « testé » sa proposition auparavant : il en a au moins

parlé à son représentant permanent, en charge des négociations de la CIG pour la

Belgique, ce qui semble indiquer qu’il était prêt à envisager de l’inclure dans les

discussions officielles. Il est d’autant plus étonnant qu’il ne l’ait finalement pas fait que,

d’après le témoignage ci-dessus, cette disposition ne semblait pas de nature à faire

problème parmi les diplomates et administrateurs, à condition toutefois qu’elle soit

formulée « en termes généraux et sans conséquences financières ». Cette précision est

importante, car elle indique en quelque sorte la « limite diplomatique » qu’une

proposition de ce genre ne pouvait pas espérer franchir pendant les négociations

officielles : pour faire reconnaître les /partis européens/ dans les textes, il fallait

abandonner toute prétention financière et se contenter d’un texte vague et sans

143 Entretien par questionnaire, 5 avril 2011.

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

78

définition précise de ce qu’il faut entendre concrètement par « partis européens » ou

« partis politiques au niveau européen » (définition qui aurait pu servir de base juridique

concrète à des revendications concrètes d’organisations pouvant s’en réclamer).

L’existence d’une sorte de « ligne rouge » diplomatique est d’ailleurs confirmée par

les réponses de Thomas Jansen à notre questionnaire. Le secrétaire général du PPE à

l’époque mentionne aussi des réticences, au niveau des ministres des affaires étrangères

comme au niveau des diplomates :

« How many meetings were necessary to achieve a common position on this matter? Thomas Jansen : « It was easy to get the article into the Maastricht Treaty. There was no opposition on the level of the Heads of government. But on the level of the Foreign Ministers and Diplomats, one tried to water down the significance of the article. »144

On voit ici transparaître, dans les témoignages des acteurs impliqués à un titre ou à

un autre, une distinction importante au sein des « cercles » intergouvernementaux qui

négocient pendant les CIG : il n’est en effet pas équivalent de faire adopter l’« article

des partis » dans le cercle réduit des décideurs politiques « en dernier ressort » du

Conseil européen, que de le faire discuter par les délégations nationales

d’administrateurs et diplomates chargés de trouver un accord sur tous les détails et

toutes les implications juridiques et financières éventuelles d’un tel texte. Comme le dit

euphémistiquement, en réponse à notre questionnaire, un autre acteur dont le rôle sera

analysé dans le chapitre suivant, le président du PE Enrique Barón : « aux niveaux

secondaires des fonctionnaires et des diplomates, l’idée [d’une référence aux /partis

européens/] ne jouissait pas d’un enthousiasme majoritaire »145.

Il se peut donc que ces réticences perceptibles par les acteurs impliqués dans les

CIG aient joué dans la décision de W. Martens et de ses collègues chefs de

gouvernement du PPE de « court-circuiter », pour cette disposition précise, les autres

144 Thomas Jansen, réponses à notre questionnaire écrit (11 décembre 2010) (traduction : « Combien de réunions furent-elles nécessaires pour parvenir à une position commune sur cette question ? T. Jansen : « Ce fut facile d’introduire l’article dans le traité de Maastricht. Il n’y avait pas d’opposition au niveau des chefs de gouvernement. En revanche, au niveau des ministres des affaires étrangères et au niveau des diplomates, on essaya de diluer la signification de l’article. » 145 « En los segundos niveles funcionariales y diplomáticos la idea no gozaba de un entusiasmo mayoritario », entretien par questionnaire (3 mars 2010).

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

79

niveaux de négociation et notamment celui des représentants personnels146. Mais ces

considérations sont un indice du fait que l’introduction de la référence aux /partis

européens/ et sa codification dans l’article 138a du traité de Maastricht n’ont peut-être

pas été aussi « faciles » ou aussi « naturelles » que les acteurs politiques – ou savants –

ne semblent parfois le considérer.

146 Les réticences des ministres des affaires étrangères évoquées par Thomas Jansen pourraient quant à elles êtres dues au fait que près d’une moitié de ces ministres à l’époque (5 sur 12) appartiennent à un parti national différent de celui de leur chef de gouvernement, du fait de coalitions gouvernementales. Ceci pourrait avoir provoqué des tensions politiques internes à chaque gouvernement sur la question, même si comme on va le préciser dans le chapitre 3, l’initiative de W. Martens est soutenue en principe par les présidents des deux autres grandes « familles » politiques européennes. Mais les alliances au niveau européen n’impliquent pas forcément les alliances équivalentes au niveau national. Les pays qui comptent un chef de gouvernement et un ministre des affaires étrangères de deux partis différents à Maastricht sont les suivants : l’Allemagne (Helmut Kohl de la CDU, Hans-Dietrich Genscher du FDP), l’Italie (Giulio Andreotti de la DC, Gianni de Michelis du PSI), le Luxembourg (Jacques Santer du PCS, Jacques Poos du POSL), le Danemark (Poul Schlüter du parti conservateur, Uffe Ellemann-Jensen du parti libéral) et on peut inclure les Pays-Bas, si l’on considère que Hans van den Broek, ministre des affaires étrangères démocrate-chrétien, appartenant au CDA comme le Premier ministre Ruud Lubbers, laisse sa place dans les négociations de la CIG la plupart du temps (du fait de son accaparement par sa mission diplomatique dans l’affaire yougoslave) au ministre des affaires européennes socialiste, Piet Dankert, du PvdA.

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

80

Conclusion du chapitre 1

L’absence de discussions officielles sur ce point précis qu’est la proposition d’un

« article des partis » constitue donc, paradoxalement, un premier résultat positif de notre

enquête : ce « vide », ce silence des archives des CIG sur les /partis européens/ indique

plutôt des réticences concrètes qu’une simple inexistence ou indifférence, et constitue la

trace, jamais relevée jusqu’ici, de divergences réelles sur la question qui doivent

cependant être précisées, en sortant à présent des seules arènes institutionnelles de

négociation du traité de Maastricht.

Le résultat effectivement et juridiquement enregistré de la codification d’un « article

des partis » dans le traité de Maastricht ne doit pas conduire à conclure hâtivement que

celui-ci a la forme qu’il devait avoir et qu’il n’aurait pas pu se présenter autrement. Le

risque que courent les analyses les plus courantes de cet évènement discursif

(l’accession des /partis européens/ à l’ordre des normes), en se fondant uniquement sur

le témoignage des acteurs et sur le texte final du traité, est de considérer que tout s’est

passé « comme il était prévu », en s’interdisant de prendre en compte les formulations

avortées et les échecs éventuels. Le simple exemple du changement, en apparence

minime, du label partisan européen entre la référence de l’annexe II et l’article final

montre que les promoteurs principaux de l’« article des partis », à commencer par

Wilfried Martens, n’ont pas forcément fait exactement « ce qu’ils voulaient », comme

eux-mêmes sont d’ailleurs prêts à le reconnaître lorsqu’on les interroge précisément

dans cette direction, comme nous le montrerons par la suite.

A la lumière des quelques pistes tracées ici, on voit donc ce que ce détour par la

négotiation du traité de Maastricht et, plus généralement, le croisement des sources

différentes qui sert de base à notre enquête, peuvent apporter à notre étude une mise à

distance des évidences trop voyantes et des lignes d’explication trop simplistes qui se

contentent de l’« illusion étiologique » de l’explication par la seule intentionnalité des

acteurs147.

147 Sur cette deuxième « illusion » de l’explication sociologique, qui s’ajoute aux illusions « héroïque » et de l’ « histoire naturelle » déjà évoquées en introduction, voir : DOBRY, Michel, Sociologie des crises politiques, Paris, PFNSP, 2009 (1986), p.46-58.

Partie I. Chapitre 1 – Les négociations officielles du traité de Maastricht

81

Certes, Wilfried Martens, soutenu par ses collègues du Conseil européen et

notamment les membres du PPE, apparaît comme l’acteur central le plus visible de la

codification étudiée, principalement parce qu’il en a été le « porteur » dans l’arène

institutionnelle qui a permis de la concrétiser. Mais ce rôle d’intermédiaire privilégié

entre la revendication politique et sa codification juridique n’épuise pas le sujet,

puisqu’on a vu que l’action même de W. Martens avait vraisemblablement été

contrainte, au moins partiellement, par celles d’autres acteurs de ces arènes. Celles-ci

sont certes moins visibles, notamment parce qu’elles ont été moins « médiatisées » que

celle de W. Martens : on verra au chapitre 3 comment son action lors du traité de

Maastricht a été expressément et constamment mise en récit, diffusée et valorisée, que

ce soit par lui-même ou par d’autres acteurs directement impliqués comme le secrétaire

général du PPE, Thomas Jansen.

Il est donc insuffisant de s’en remettre aux témoignages de ces acteurs précis et à

leurs discours de légitimation, sous peine de les reprendre à son compte, comme le font

par exemple les rares auteurs qui, jusqu’ici, se sont intéressés de près à cet « épisode »

de la codification de l’ « article des partis », K.M. Johansson et P. Zervakis148. Ne

considérant dans leur description que le Sommet de Maastricht, la coordination des

chefs de gouvernement du PPE et l’action de Wilfried Martens, ils décrivent ce dernier

en ces termes : « Wilfried Martens – more than anyone else the « founding father » of

the party article [...] »149.

Il faut aller plus loin et prendre en compte non seulement l’éventualité d’une

« paternité difficile » (moins naturelle en tout cas que ce qu’il est souvent admis a

priori ), mais également les autres acteurs qui, avec ou autour de W. Martens, se sont

investis dans cette codification des /partis européens/, afin de comprendre exactement

l’articulation des différentes mobilisations qui l’ont rendue possible, mais aussi les

résistances pouvant expliquer les différences entre les revendications initiales et le

résultat effectivement « enregistré » dans l’article 138a.

148 Qui s’apppuient exclusivement sur des entretiens avec des membres du PPE et sur des archives de cette organisation, comme on l’a dit en introduction à la première partie (JOHANSSON, Karl Magnus, ZERVAKIS, Peter (dir.), European Political Parties between Cooperation and Integration, Baden-Baden, Nomos, 2002). 149 JOHANSSON, Karl Magnus, ZERVAKIS, Peter, « Historical-Institutional Framework », dans JOHANSSON, Karl Magnus, ZERVAKIS, Peter (dir.), European Political Parties between Cooperation and Integration, Baden-Baden, Nomos, 2002 p. 11-28 (p.15) (traduction : « Wilfried Martens – plus que tout autre le « père fondateur » de l’article des partis »).

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

82

Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

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On connaît deux exemples de mention de l’idée de /partis européens/ au sein du PE

avant les CIG qui nous occupent1. Ainsi, dès 1953, lors de la deuxième session de

l’« Assemblée ad hoc chargée d’élaborer un projet de traité instituant une communauté

politique européenne »2, l’alors président du MRP et « multi-député » (national et

européen) Pierre-Henri Teitgen mentionne au cours des débats sur l’élection au suffrage

universel de l’Assemblée, le problème de l’existence de /partis européens/ :

« On nous dit qu’il ne faut pas faire d’élections au suffrage universel et direct dans l’immédiat parce que nous n’avons pas de partis politiques européens [...] Il n’y aura pas de partis européens tant qu’il n’y aura pas d’élections européennes et si l’on attend d’avoir des partis européens pour organiser des élections, on n’organisera jamais d’élections européennes. C’est seulement quand nous aurons ces élections au suffrage universel et direct dans les territoires européens que nous aurons alors des partis qui s’organiseront sur la base européenne. »3

Cette mention rapide, qui n’est reprise dans aucun document officiel si ce n’est le

compte-rendu in extenso de ces séances, est pourtant instructive sur les débats qui

règnent, déjà, sur la question de la mise en place de /partis européens/ en lien avec celle

de l’élection directe du PE4.

1 Il est évidemment impossible de garantir que ces deux exemples, cités par certaines des publications savantes du corpus que nous étudions spécifiquement dans la deuxième partie, soient les seuls à être intervenus historiquement au sein des différentes assemblées parlementaires européennes. Mais le travail réalisé sur notre corpus, qui comprend des références allant de 1954 à 1992, ainsi que le dépouillement des documents de travail de la commission institutionnelle à partir de sa création en 1981, permet de supposer que la probabilité est faible qu’une référence importante nous ait échappé. 2 Cette assemblée, composée de membres de l’Assemblée commune de la CECA et d’observateurs du Conseil de l’Europe, fut créée le 10 septembre 1952 par le Conseil des ministres de la CECA (le jour même de la première session historique de l’Assemblée commune de la CECA), afin d’élaborer un projet de « Communauté politique européenne ». Voir le fonds « AH – Assemblée ad hoc » des AHUE, conservé à l’EUI de Florence. 3 TEITGEN, Pierre-Henri, Intervention lors de la Séance du 9 janvier 1953, dans ASSEMBLÉE AD HOC CHARGÉE D’ÉLABORER UN PROJET DE TRAITÉ INSTITUANT UNE COMMUNAUTÉ POLITIQUE EUROPÉENNE, Débats. Compte-rendu in extenso des séances, Strasbourg, Imprimerie des Dernières nouvelles de Strasbourg, 1953 (ici p. 166). 4 Une (très longue) bibliographie existe sur la question spécifique de l’élection directe du PE. On peut renvoyer, entre autres, aux ouvrages suivants : BURBAN, Jean-Louis, Le Parlement européen et son élection, Bruxelles, Bruylant, 1979 ; COLLECTIF, La signification politique de l’élection du Parlement européen au suffrage universel direct, Nancy, Publications de l’Université de Nancy, 1978 ; DELWIT, Pascal, DE WAELE, Jean-Michel, « Les élections européennes et l’évolution des groupes politiques au Parlement européen », dans TELÒ, Mario, Démocratie et construction européenne, Bruxelles, éditions de l’Université de Bruxelles, 1995, p. 277-291 ; PARLEMENT EUROPEEN (DG de la documentation parlementaire et de l’information), Pour l’élection du PE au suffrage universel direct. Recueil de

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

84

Une autre occurrence montre que cette question resurgit ponctuellement, toujours en

relation avec l’élection directe, dans le cours des travaux du PE mais qu’elle provoque

visiblement des débats. Ainsi, Schelto Patijn5, dans l’explication de son rapport ayant

servi de base à la « Résolution du Parlement européen portant adoption d’un projet de

convention instituant l’élection des membres du Parlement européen au suffrage

universel direct »6, adoptée le 14 janvier 1975 (en remplacement du projet de

convention du 17 mai 1960 adopté sur la base du Rapport de Fernand Dehousse7),

mentionne-t-il à la fois l’importance à ses yeux de la question de la reconnaissance

éventuelle des /partis européens/, et la nécessité de l’écarter provisoirement faute

d’harmonisation entre les législations nationales :

« Le Parlement européen se compose, à l’heure actuelle, de députés représentant 53 partis différents. Aussi longtemps que la procédure électorale n’aura pas été complètement unifiée, il ne semble pas nécessaire d’insérer dans le projet de convention des dispositions relatives au rôle des partis dans les élections au suffrage direct. [...] Le Parlement européen souligne toutefois l’importance du rôle qui incombe aux partis dans le déroulement des élections européennes. Ce n’est que si l’on réussit, dans le cadre de la Communauté, à établir des relations étroites entre les différents partis, à élaborer des programmes communs et à créer des structures de partis supranationales que les élections directes au Parlement européen pourront constituer un élément essentiel du processus d’intégration politique. »8

On voit donc que, même si aucun acte officiel du PE n’a jamais fait de la

reconnaissance de /partis européens/ une revendication spécifique, des références

ponctuelles sont faites néanmoins aux /partis européens/ dans l’arène parlementaire. On

a là une première incitation qui pousse à l’examen de cette arène à la recherche

d’occurrences nouvelles des /partis européens/ entre 1989 et 19929. L’objectif de ce

documents, Luxembourg, OPOCE, 1969 ; PARLEMENT EUROPEEN (Secrétariat – DG Recherche et documentation), Election du PE au Suffrage universel direct. Rapport, résolution et débats du PE, Luxembourg, OPOCE, 1977 ; POLITICAL AND ECONOMIC PLANNING, Direct elections and the European Parliament, Occasional Paper n°10, London, Political and Economic Planning, 1960. 5 Député européen (PvdA, Pays-Bas) de 1973 à 1979. Rapporteur de la Commission politique sur ce projet de convention. 6 JOCE C 32, 11 février 1975, p. 15. 7 JOCE n°37 du 2 juin 1960, p. 834/60. 8 « Exposé des motifs », en commentaire de l’article 8 du projet de convention : PARLEMENT EUROPEEN (SG, Direction générale de la Recherche et de la Documentation), Election du Parlement Européen au suffrage universel direct, Luxembourg, OPOCE, juillet 1977, p. 26. 9 C’est-à-dire du Sommet de Madrid de fin juin 1989, qui coïncide avec le début de la 3e législature du PE, dont la première séance se tient le 25 juillet 1989, jusqu’à la signature officielle du traité de Maastricht le 7 février 1992.

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

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chapitre est donc de déterminer si la question de la reconnaissance des /partis

européens/ a été abordée spécifiquement par les députés européens à ce moment-là.

Notre but n’est pas ici de contribuer à l’étude en tant que telle du PE et de ses membres,

ni à celle de la nature de ses délibérations ou de l’impact de ses décisions, domaines

déjà bien couverts10, mais plutôt de déterminer si, et dans quelle mesure, des députés

européens se sont mobilisés en faveur de l’inscription des /partis européens/ dans le

droit communautaire.

Pour cela, il faut d’abord s’intéresser aux actes officiels du PE en tant qu’institution

durant cette période. A partir des sources à notre disposition, décrites dans

l’introduction de la partie, nous avons donc examiné les résolutions non législatives (ou

résolutions d’initiative) du Parlement pour la période de la préparation et du

déroulement des CIG, c’est-à-dire la première moitié de la 3e législature (de juillet 1989

à janvier 1992)11. Nous avons également consulté les documents de travail, les comptes-

rendus analytiques des réunions et les rapports de la commission institutionnelle depuis

sa création, en juillet 198112, commission qui constitue la commission thématique la

plus logiquement concernée par des débats sur la question des /partis européens/.

Comme le montre l’intervention de P.-H. Teitgen, il est également important de

s’intéresser aux débats des sessions plénières qui permettent aux députés d’exprimer

leurs positions personnelles, alors que les documents cités plus haut ne sont que le

résultat final et négocié de multiples initiatives, discussions, conflits et concessions

10 Nous renvoyons à ce sujet aux très nombreux travaux qui portent sur ces questions et notamment à : COSTA, Olivier, Le Parlement européen, assemblée délibérante, Bruxelles, éditions de l’Université de Bruxelles, 2001 ; DELWIT, Pascal, DE WAELE, Jean-Michel, MAGNETTE, Paul, À quoi sert le Parlement européen ?, Bruxelles, Complexe, 1999. 11 Nous avons ici pris en compte les résolutions non législatives votées par le PE, telles qu’elles sont répertoriées dans les « Tables méthodologiques des débats », établies par le SG du PE (voir sur le site www.europarl.europa.eu/cre/pdf/3tome3_fr.pdf). Nous ne prenons en compte ni les résolutions législatives découlant de la procédure de coopération mise en place par l’Acte unique européen, ni les « avis conforme » délivrés par le PE dans le cadre de cette procédure, ni les autres types d’actes que le PE peut être amené à prendre, comme les « décisions » ou les « propositions » diverses). Les résolutions non législatives, ou « résolutions d’initiative » sont prises sur initiative de tout député, qui a la possibilité de formuler des « propositions de résolution ». Après examen par la commission parlementaire compétente, ces résolutions peuvent être discutées et, le cas échéant, adoptées par le PE en séance plénière. Sur les différents types de résolutions et d’actes du PE, voir notamment : COSTA, Olivier, Le Parlement européen, assemblée délibérante, Bruxelles, éd. de l’Université de Bruxelles, 2001 (notamment pour les « résolutions d’initiative » : p. 210-211 et 402-403. 12 Les recherches sur ce type de documents ont été réalisées sur la base de données du CARDOC (Centre Archivistique et Documentaire du Parlement européen), voir notre description des sources dans l’introduction de la première partie.

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

86

mutuelles entre députés aux positions différentes, qui cachent parfois des désaccords ou

des références à la question qui nous intéresse.

Enfin, l’action des députés européens n’est pas limitée à l’enceinte même du PE. Il

faut aussi, grâce aux différents types de sources rassemblés pour notre étude, tenter de

déterminer si certains se sont mobilisés par ailleurs en dehors de cette arène

institutionnelle.

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

87

I – Une mesure non délibérée par l’ « Assemblée délibérante »

L’étude des actes officiels du PE pour la période considérée ici montre que les

députés européens ne se sont jamais prononcés collectivement, en tant qu’institution,

sur la question des /partis européens/. Pourtant, quelques mentions plus précises, parfois

éphémères, montrent que la question de leur émergence, voire de la reconnaissance

juridique de cette notion, traverse les débats menés dans cette enceinte, et laissent

deviner des divisions parmi les députés des divers groupes.

I.1 – Les actes officiels du PE pendant les CIG : absence et compromis

I.1.1 – Les résolutions du PE

Comme on l’a vu dans le chapitre précédent, le PE n’exerce qu’un rôle réduit

pendant la préparation et le déroulement des CIG, mais qui est néanmoins officiel. La

procédure de révision « ordinaire » décrite à l’article 236 du traité CEE impose ainsi au

moins au Conseil de « consulter » le PE avant de décider la convocation d’une CIG.

L’avis du PE n’est pas contraignant et il ne peut pas non plus influer directement sur le

déroulement des CIG même si les gouvernements nationaux ont accepté de prolonger

les « conférences interinstitutionnelles préparatoires » et de réunir à intervalles réguliers

les quatre « conférences interinstitutionnelles » (CI) déjà évoquées. De plus, les députés

européens ne se contentent pas de cet espace concédé par les membres du Conseil et du

Conseil européen et, par l’intermédiaire des résolutions qu’ils votent de leur propre

initiative durant toute la période, ils tentent de faire endosser par les délégations

nationales, les positions majoritaires qui se dégagent au PE.

Au sein du PE lui-même, 830 résolutions non législatives sont votées entre juillet

1989 et février 1992. Parmi elles 13 résolutions portent nominalement sur l’une des

deux CIG au moins, nombre qu’on peut étendre à 42 si l’on prend en compte en plus les

résolutions qui, sans porter directement sur les CIG, traitent des résultats des différents

Conseils européens de la période.

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

88

Les résolutions concernant les CIG, mais aussi d’autres résolutions contenant des

prises de positions générales ou sectorielles du PE sur divers sujets, ont été transmises

par le secrétariat général du PE au secrétariat général du Conseil, afin que celui-ci se

charge de les diffuser pendant les travaux préparatoires, puis pendant les CIG, aux

délégations nationales des Etats membres. Nous avons pu consulter, parmi les

documents d’archives des CIG rassemblés déjà décrits, 20 résolutions officiellement

intégrées, ne serait-ce que par la numérotation officielle, dans les documents de travail

des CIG, ce qui prouve que les délégations nationales ont au moins été invitées par la

présidence du Conseil à prendre en compte les résolutions envoyées par le PE.

Aucune de ces résolutions ne porte directement et spécifiquement sur notre sujet,

mais certaines s’en rapprochent, car elles traitent de domaines dans lesquels il aurait été

envisageable de faire une référence à des /partis européens/.

On trouve de fait, dans deux résolutions, des références vagues et indirectes à des

« partis politiques », mais sans véritable qualification ou caractérisation : il s’agit de la

« résolution sur la citoyenneté communautaire » du 14 juin 199113 et de la « résolution

sur la citoyenneté de l’Union » du 21 novembre 199114. La résolution du 14 juin,

transmise le 1er juillet au secrétaire général du Conseil par le secrétaire général du PE,

« demande instamment que les citoyens soient totalement libres de participer à la vie politique, tant au niveau des États membres qu’à celui de l’Union, par le biais des organisations sociales, des partis politiques, des organisations syndicales et de toute autre formation compatible avec le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. »15

Quant à celle du 21 novembre (transmise de la même manière le 2 décembre), elle

cite, parmi les articles « relatifs à la citoyenneté de l’Union » qu’elle propose d’insérer

dans le traité, la disposition suivante :

« e) Les citoyens de l’Union exercent les pouvoirs que leur attribue le présent traité dès lors qu’ils sont la source de la légitimité de la Communauté et peuvent participer à l’activité politique dans les États membres et au sein de l’Union par le biais des organisations sociales, des partis politiques, des organisations syndicales et sous toute autre forme compatible avec le respect

13 JOCE C 183 du 15 juillet 1991, p. 473-476 (doc. A3 - 139/91). 14 JOCE C 326 du 16 décembre 1991, p. 205 (doc A3-300/91). 15 CONF-UP 2010/91, point 7 (p.4).

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

89

des droits et des libertés fondamentaux et conformément aux dispositions constitutionnelles et législatives de l’Etat dans lequel ces activités se déroulent. »16

De même que la référence allusive que nous avions repérée dans les documents

préparatoires des réunions entre représentants personnels des Etats membres, on

constate ici que les seules mentions qui sont faites à des « partis politiques » restent très

vagues et peuvent concerner tout simplement les partis nationaux : dans l’éventualité où

la « citoyenneté communautaire » ou « européenne » dont il est question dans ces deux

résolutions soit effectivement mise en place, ces partis devraient être prêts à accueillir

des ressortissants communautaires d’autres pays membres dans leurs rangs, puisqu’il est

envisagé de donner à ceux-ci le droit de vote et d’éligibilité aux élections locales et

européennes17. Rien ne permet de prendre ces références rapides comme la trace

quelconque d’une revendication explicite en faveur de la reconnaissance de /partis

européens/, organisés autrement que nationalement.

Ainsi, pas plus que les délégations gouvernementales nationales, le PE ne fait de la

reconnaissance des /partis européens/ une revendication officielle. On pourrait arguer du

caractère anecdotique ou limité de cette question eu égard aux autres enjeux de

l’époque, non seulement communautaires comme la réunification allemande ou la mise

en place de l’UEM, mais aussi extracommunautaires comme la guerre du Golfe ou la

situation des droits de l’homme dans le monde, qui font l’objet de la majeure partie des

830 résolutions non législatives recensées durant la période. Pourtant, le PE prend des

résolutions très diverses pendant les CIG, parfois sur des points très précis comme

l’expo 2000 à Venise18 ou encore, par exemple, une demande de grâce d’un capitaine de

navire espagnol emprisonné en Iran suite au naufrage de son bateau19. Ceci rend

improbable que les /partis européens/ soient absents des actes du PE simplement pour

des raisons de hiérarchisation des enjeux politiques. D’autres initiatives

institutionnelles, innovantes et spectaculaires, sont prises pour défendre des

16 CONF-UP 2018/91, point 1.e) (p. 2 de l’annexe). 17 Voir aussi : MAGNETTE, Paul, La citoyenneté européenne, droits, politiques, institutions, Bruxelles, éd. de l’Université de Bruxelles, 1999, p. 125-152. 18 « Résolution sur l’EXPO 2000 à Venise », JOCE C 149 du 18 juin 1990, p. 134. 19 « Résolution sur la grâce du capitaine espagnol Jesús Manuel Rosales López » du 18 avril 1991, JOCE C 129 du 20 mai 1991, p. 127.

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

90

revendications en lien avec la question de la représentation et la démocratie européenne,

comme notamment les « Assises parlementaires »20 réunissant représentants des

parlements nationaux et du PE pour demander des mesures contre le « déficit

démocratique ». Ceci montre que les députés européens étaient mobilisés, dans

l’ensemble, pour accroître leurs prérogatives politiques. Il était donc du domaine du

pensable que le PE adopte une résolution mentionnant l’idée de la reconnaissance des

/partis européens/ qui, comme on va le voir dans les sections suivantes, a pu être par

ailleurs défendue individuellement par certains députés.

I.1.2 – Un rapport modifié : des « partis-tabous » au PE ?

Cette absence des /partis européens/ dans les résolutions du PE n’indique pas

forcément un désintérêt de tous les députés par rapport à cette question.

C’est ce que montre plus clairement l’exemple particulièrement intéressant du

rapport d’initiative parlementaire dit « rapport de Gucht »21 d’octobre 1991, pour le

compte de la commission institutionnelle du PE. Ce rapport a conduit à l’adoption d’une

résolution du PE pendant les CIG, la « Résolution sur les orientations du Parlement

européen relatives au projet de procédure électorale uniforme pour les membres du

Parlement européen », le 10 octobre 199122.

Cette résolution23 vise une nouvelle fois à concrétiser l’idée (inscrite dès le traité

CECA de 195124) d’une procédure commune harmonisée pour l’élection des

20 Ces « Assises » se tiennent à Rome du 27 au 30 novembre 1990. Elles rassemblent pendant trois jours 258 représentants des différents parlements (173 députés nationaux et 85 députés européens), sous la présidence conjointe d’Enrique Barón, président du PE, et des deux présidents des chambres italiennes qui accueillent ces « Assises ». A aucun moment dans la déclaration finale, qui traite pourtant longuement des questions relatives au « déficit démocratique », il n’est fait mention des /partis européens/ sous quelque forme que ce soit. 21 Du nom du belge Karel De Gucht, actuel commissaire européen au commerce, député européen libéral de 1980 à 1994. 22 « Résolution sur les orientations du Parlement européen relatives au projet de procédure électorale uniforme pour les membres du Parlement européen », JOCE C 280 du 28 octobre 1991, p. 141 (doc. A3-0152/91). 23 Qui sera complétée plus tard par une deuxième résolution votée à partir du même rapport, complétée de quelques ajouts, le 10 mars 1993 : « Résolution sur le projet de procédure électorale uniforme pour l’élection des membres du Parlement européen » du 10 mars 1993 (A3-0381/92), JOCE C 115 du 26 avril 1993, p. 121-122. 24 Article 21, paragraphe 3 : « L'Assemblée élaborera des projets en vue de permettre l'élection au suffrage universel direct selon une procédure uniforme dans tous les États membres ».

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

91

parlementaires européens et s’inscrit dans une série de textes consacrés à cette question

mais non suivis d’effet à cause des résistances des gouvernements nationaux – et des

députés eux-mêmes – comme notamment le rapport Seitlinger (10 mars 1982)25, ainsi

que le rapport Bocklet de 1985-1986 qui ne fut même pas soumis en plénière du fait des

désaccords qu’il soulevait au sein du PE26.

La comparaison d’une version préliminaire du rapport de Gucht, en date du 21 mars

199027 avec le rapport final et la résolution auxquels il a abouti le 10 octobre 1991 est

éclairante. La version initiale mentionne ainsi explicitement la notion de partis

politiques « véritablement européens » :

« d) à la fin de la période de transition, la procédure électorale est uniforme. Afin de conférer un caractère véritablement communautaire aux élections européennes, on pourra à partir de cette période prévoir qu’une centaine de sièges supplémentaires seraient créés et seraient répartis sur la base de listes européennes présentées par les partis politiques à l’occasion des élections européennes sur l’ensemble des électeurs de la Communauté afin d’assurer l’émergence de partis politiques véritablement européens et de situer le débat sous un angle véritablement européen et non plus seulement national. »28

Au contraire, dans la résolution votée le 10 octobre 1991, toute référence précise à

des /partis européens/ a disparu du considérant qui reprend et réécrit le passage ci-

dessus, et l’on se contente de formulations plus générales :

« D. considérant par ailleurs que l'introduction d'une procédure électorale uniforme, selon des modalités qui favorisent l'expression de volontés politiques communes au niveau européen, notamment par des modes de représentation

25 JOCE C 87 du 5 avril 1982. 26 On peut ajouter également une proposition d’ « acte établissant une procédure électorale uniforme pour l'élection des membres du Parlement européen » formulée le 10 décembre 1986 par un groupe de travail « intergroupes » (document PE 111.992), mais qu’aucun des groupes politiques n’adopta finalement. Sur la question beaucoup plus large de l’élection directe elle-même, avant que sa mise en place ne soit décidée, il faut rappeler ici les rapports Dehousse (17 mai 1960, JOCE 37 du 2 juin 1960) et Patijn (14 janvier 1975, JOCE C 32 du 11 février 1975), qui traitent également la question de la procédure électorale uniforme. Le rapport de Gucht, d’ailleurs, qui ne fut pas lui-même suivi d’effet, n’est pas non plus le dernier à traiter de cette question spécifique, puisque le récent rapport Duff du 28 avril 2011 cherchait de nouveau à faire adopter une procédure électorale uniforme, sans y parvenir non plus du fait des réticences parmi les députés européens (notamment dans le groupe du PPE) qui ont fait retirer, en mars 2012, le rapport de l’ordre du jour de la séance plénière où on aurait dû voter la résolution proposée. 27 « Proposition de résolution intérimaire sur les orientations du Parlement européen relatives au projet de procédure électorale uniforme pour les membres du Parlement européen », PE 140.107, disponible sur DORIE : http://ec.europa.eu/dorie/cardPrint.do?cardId=106223 (consulté le 15 avril 2011). 28 Point 4. d) (p. 2-3).

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

92

communs, constitue un élément fondamental pour renforcer le sentiment du citoyen d'appartenir à une société européenne unique. » 29

Même si la première version ne revendiquait pas directement l’idée d’une

reconnaissance juridique, elle n’en appelait pas moins à « l’émergence de partis

politiques véritablement européens », qui disparaissent complètement du texte final. Il

est cependant intéressant de constater que les formulations retenues, notamment l’idée

d’« expression de volontés politiques communes » ou encore le passage de l’adjectif

simple « européen » à la locution adjectivale « au niveau européen », se rapprochent

formellement des « éléments de langage » qui seront retenus dans la version finale de

l’article 138a lui-même. Dans les deux cas, on observe une euphémisation du propos,

qui va ici jusqu’au recentrage exclusif sur la procédure électorale et la disparition

complète de toute référence à des /partis européens/, comme si le rapporteur avait

rompu une sorte de tabou politique dans sa première version et qu’il lui avait été

demandé de se dédire.

De fait, les débats qui ont lieu en séance plénière sur la dernière version du texte, le

8 octobre 1991, ainsi que les explications de vote du 10 octobre30, montrent que la

rédaction de ce rapport, qui s’est étalée sur plus de deux ans, a provoqué de nombreuses

critiques et des tensions entre les députés, y compris au sein du propre groupe de K. de

Gucht, le groupe « libéral, démocratique et réformateur » (LDR). Ainsi, une vice-

présidente du groupe LDR, la députée libérale luxembourgeoise Lydie (Wurth-)Polfer,

annonce-t-elle en séance qu’elle s’opposera à ce rapport, pour des raisons qui tiennent à

son appartenance nationale : elle met en avant le problème que poserait pour le

Luxembourg la diminution probable du nombre de ses sièges au PE (passant de 6 à 3,

qui serait le minimum dans le nouveau système), et elle refuse le principe de l’octroi du

droit de vote aux ressortissants communautaires, particulièrement nombreux au

Luxembourg31. De même, les principaux intervenants dans le débat demandent à K. de

29 Considérant « D », JOCE C 280 du 28 octobre 1991, p. 141 (doc. A3-0152/91). 30 Débats en séance du 8 octobre 1991, JOCE, annexe n°3-409, p 86-96, puis p. 111-113 (suite à une interruption de séance) et explications de vote, lors de la séance du 10 octobre 1991, JOCE annexe n°3-409, p. 301-304. 31 Presque 30% de la population à l’époque, comme le souligne P. Magnette dans son étude sur la « citoyenneté européenne » dans laquelle il détaille les dérogations particulières que le Luxembourg obtiendra par la suite en vue de l’entrée en vigueur du traité de Maastricht et de la « citoyenneté

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

93

Gucht « de faire encore un effort de compréhension pour mener à bien cette question »32

ou au contraire déplorent « que ce rapport n’arrive à retenir dans ses filets, dans ses

mailles, que peu d’éléments communs »33, tout en soulignant être « conscients du fait

que ce point est extrêmement problématique, en particulier à la lumière du débat qui

s'est déroulé jusqu'à présent »34. Une membre de la commission institutionnelle, la

députée française du « Groupe des Verts au PE », Solange Fernex, souligne en séance

les difficultés qui ont accompagné la rédaction de ce rapport en commission, en

précisant que :

« La commission institutionnelle a tenu douze réunions sur ce thème et le rapporteur a tenu d'innombrables réunions de travail pour essayer de mettre d'accord les groupes politiques. Or, il n'a pu nous présenter qu'un rapport que nous trouvons assez vague et vraiment timide dans les termes. »35

En résumé, même si ce rapport fut adopté le 10 octobre36, c’est au terme de

multiples discussions et modifications du texte initial. Et si les critiques observables ne

portent jamais nommément sur le passage évoquant des « partis politiques véritablement

européens », on peut supposer que la suppression de cette référence fait partie des

multiples « euphémisations » décidées et négociées au fur et à mesure pour parvenir à

un texte susceptible de rallier le plus de députés possibles.

Le fait qu’on puisse trouver une mention des /partis européens/ dans un rapport

préliminaire prouve que la notion fait partie de l’espace des discours parlementaires et

qu’elle n’est pas absente du champ des prises de position européen pendant les CIG,

même si elle n’y fait qu’une apparition fugace et, vraisemblablement, contestée.

On devine là des désaccords sur l’opportunité de mettre en avant cette question,

malgré les tentatives faites en ce sens. Il serait cependant intéressant d’examiner plus

européenne ». Voir : MAGNETTE, Paul, La citoyenneté européenne, droits, politiques, institutions, Bruxelles, éd. de l’Université de Bruxelles, 1999, p. 165-172. 32 Carlos María Bru Purón, groupe socialiste, espagnol, membre de la commission institutionnelle, débats en séance du 8 octobre 1991, JOCE, annexe n°3-409, p. 87. 33 Jean-Louis Bourlanges, groupe du PPE, français, membre de la commission des transports et du tourisme, débats en séance du 8 octobre 1991, JOCE, annexe n°3-409, p. 88. 34 Roberto Barzanti, groupe de la Gauche unitaire européenne, italien, président de la commission de la jeunesse, de la culture, de l'éducation, des médias et des sports, débats en séance du 8 octobre 1991, JOCE, annexe n°3-409, p. 90. 35 Débats en séance du 8 octobre 1991, JOCE, annexe n°3-409, p. 90. 36 Par 150 voix contre 26 et 19 abstentions du fait notamment du recours au vote libre par plusieurs groupes politiques.

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

94

précisément l’espace des discours parlementaires durant cette période, pour déterminer

si, malgré cette absence ou cette difficulté à trouver place dans les actes officiels du PE,

les /partis européens/ ne font tout de même pas l’objet de débats plus nourris en séance

ou de prises de position individuelles plus nettes lors d’interventions en plénière,

pendant lesquelles la parole de chaque député est plus libre que lorsqu’il rédige un

rapport soumis à négociation permanente, comme on vient de l’entrevoir en se référant

aux débats particuliers sur le rapport de Gucht.

I.2 – Les débats en séance plénière, avant et après Maastricht

Profitant des sources disponibles, et notamment des comptes-rendus in extenso des

débats dans l’enceinte parlementaire lors des séances plénières37, on a pu constater qu’il

existait quelques références aux /partis européens/ dans les discours publics tenus au

PE. Il faut dès lors s’attacher à mettre en évidence les auteurs de ces références et les

moments où elles apparaissent.

Mais il faut relier ces identifications à une analyse de contenu plus précise qui

permet de montrer, malgré la rareté des occurrences, que tous ceux qui évoquent les

/partis européens/ en parlent dans une même « formation discursive »38. L’analyse de

ces références montre en effet certaines récurrences et régularités qui peuvent apparaître

dans l’espace des discours parlementaires. Les /partis européens/ y sont ainsi toujours

reliés aux mêmes thématiques dans des configurations similaires qui les rapprochent.

Pourtant, leurs définitions et les organisations concrètes qu’ils labellisent ainsi peuvent

être différentes, ce qui renvoie à la logique des « points de choix » évoquée en

introduction (et que nous développerons plus précisément par l’étude des discours

savants au chapitre 4) : les choix imposés par le discours même sur ces objets

expliquent leur ressemblance, mais ces alternatives forcées peuvent être résolues

différemment par chacun.

37 Nous renvoyons à la présentation des sources au début de la première partie pour le détail des sources utilisées ici. 38 Voir notre introduction générale et notre chapitre 4.

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

95

I.2.1 – La rareté des occurrences constatées

L’analyse des interventions individuelles des députés en séance confirme que les

/partis européens/ ne font pas l’objet de débats spécifiques au PE. Sur l’ensemble des

séances qui se sont tenues de juillet 1989 à février 1992, on ne trouve en effet, en tout et

pour tout39, que 9 mentions explicites des /partis européens/, sous différents labels. On

doit par ailleurs faire une distinction entre deux types de références, avant de les

commenter en détail.

D’un côté, on trouve en effet des références aux /partis européens/ dans des

interventions qui précèdent le Sommet de Maastricht et donc la première formulation

officielle de la « référence aux partis européens à inclure dans le traité » : il s’agit des 4

interventions des députés Ejner Hovgård Christiansen (socialiste danois) le 11 juillet

1990, de Derek Prag (conservateur britannique) le 8 octobre 1991 et de Marco Pannella

(à deux reprises, le 12 octobre 1990 et le 19 novembre 1991).

De l’autre côté, 5 références interviennent au lendemain même du Sommet, lors de

la séance du 12 décembre qui est consacrée à l’exposé du bilan du Conseil européen de

Maastricht par les présidents du Conseil européen et de la Commission40, suivi des

interventions de 57 députés européens différents au cours du débat qui s’ensuit41. Lors

de cette séance, cinq intervenants dont trois députés font explicitement référence à la

reconnaissance des /partis européens/ pour s’en féliciter : il s’agit du président du

Conseil européen, Ruud Lubbers ; du président de la Commission européenne, Jacques

Delors ; du président du groupe socialiste, Jean-Pierre Cot ; et de deux vice-présidents

39 Les comptes-rendus in extenso des 36 sessions plénières de cette période représentent un ensemble documentaire de 10 468 pages au total pour la version française, que leur numérisation permet de traiter de manière semi-automatisée pour y effectuer des recherches lexicales précises, selon la méthode expliquée dans l’introduction à cette partie. 40 Déclarations auxquelles s’ajoute celle du président en exercice du Conseil, Hans Van den Broek, sur le bilan du semestre de présidence néerlandaise. 41 Les 11 présidents de groupe interviennent les premiers, suivis d’une réponse du président du Conseil européen Lubbers. Après un rappel au règlement et une brève question du député de Vries à laquelle Lubbers répond très rapidement, 46 députés interviennent plus brièvement sur des points plus spécifiques Au total, 18 orateurs interviennent pour le groupe socialiste, 12 pour le groupe PPE, 5 pour le groupe LDR, 4 pour le groupe ED, 3 pour le groupe GUE, 3 pour le groupe Vert, 2 pour le groupe RDE, 3 pour le groupe ARC, 2 pour le groupe CG, 1 pour le groupe DR et 3 pour le groupe des non-inscrits (NI). Pour les détails sur l’organisation des séances et notamment la répartition de temps de parole, voir : COSTA, Olivier, Le Parlement européen, assemblée délibérante, Bruxelles, éditions de l’Université de Bruxelles, 2001.

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

96

du groupe socialiste, le député espagnol Luis Planas Puchades et le député portugais

Luís Marinho.

Ce premier constat confirme que l’idée de /partis européens/ est presque totalement

absente de l’arène parlementaire comme l’a vu également pour l’arène des négociations

intergouvernementales avant le Conseil européen de Maastricht.

Mais il ne suffit pas de conclure de ce quasi silence qu’il est la preuve d’un

désintérêt total pour la question, ou que les /partis européens/ ne sont pas un « sujet »

pour les parlementaires : tous les silences ne se valent pas et ne sont pas toujours

inexpressifs, comme on a pu le voir avec l’exemple du rapport de Gucht.

Les quelques occurrences qui, dans l’arène parlementaire, rompent cet apparent

désintérêt quasiment unanime montrent, justement, que les /partis européens/ peuvent

constituer un sujet de revendication ou de critique, ou encore parfois de glorification,

qu’il faut aussi analyser pour elles-mêmes. Le reste de cette section sera donc consacré

à l’étude de ces neuf références uniques dans le cadre institutionnel de l’arène

parlementaire, en essayant de relier toujours le contenu des discours aux positions des

acteurs.

I.2.2 – Parler des /partis européens/ au PE avant Maastricht

La mise au jour de formations discursives

Dans l’analyse des quatre occurrences pré-Maastricht, on constate tout d’abord que

les /partis européens/ sont très souvent liés aux concepts plus larges d’intégration et de

démocratie européennes.

La première occurrence repérée parle ainsi de « partis » servant à la « fusion

européenne » et à l’« intégration » dans les débats parlementaires. Elle a lieu lors de la

séance du 11 juillet 1990, dans une intervention du député socialiste danois Ejner

Hovgård Christiansen, qui fait remarquer42 :

42 Pour les débats parlementaires, qui sont traduits et disponibles dans toutes les langues officielles des Communautés, nous avons utilisé prioritairement la version française. Pour chaque occurrence dans la version française, nous sommes par ailleurs allés contrôler le texte dans la langue originale d’énonciation et son contexte, s’il s’agissait d’une intervention faite dans une autre langue que le français. Nous gardons la version française des débats pour la présentation (avec la version originale en note), sauf s’il nous

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« [...] qu'il serait sage que le Parlement européen concentre ses réflexions stratégiques sur ce que nous pourrons soutirer des prochaines conférences intergouvernementales en vue d'améliorer la situation démocratique de la Communauté [...]. Les parlements démocratiquement élus des États membres auraient dû être les premiers à dire [...] que la fusion européenne, l’intégration, devaient reposer sur des principes de base démocratiques. Et ces principes de base consistent à dire qu'on ne peut parler de réelle démocratie que lorsque le pouvoir repose sur la participation la plus directe possible des citoyens, tant par l'intermédiaire d'organes politiques que par l'entremise de partis et d'organisations professionnelles. La participation de la population à la vie politique représente un élément essentiel de la démocratie. »43

« Participation » des citoyens « à la vie politique », « démocratie » et « partis » sont

ainsi mis en rapport, aussi bien au niveau européen qu’au niveau national et

E.H. Christiansen mentionne explicitement dans son intervention qu’il parle ici des

demandes que le PE, en tant qu’institution, pourrait exiger, voire « soutirer » des CIG

qui se préparent à cette époque. Cette simple référence montre que la possibilité d’une

résolution du PE qui inclurait, entre autres, une référence à des « partis » agissant au

niveau européen est bel et bien envisagée concrètement pendant les débats

parlementaires, dès juillet 1990.

L’association de termes constatée ici repose ainsi sur une formation discursive plus

vaste qui inclut le lien, déjà souligné, entre /partis européens/ et élection directe du PE,

comme le confirme une autre mention « pré-Maastricht » des /partis européens/, dans

laquelle ceux-ci apparaissent cette fois sous un label spécifique. Le député conservateur

britannique Derek Prag mentionne le 8 octobre 1991 explicitement l’idée (mais pour

dire qu’elle n’est pas immédiatement praticable) de « Community-wide political

parties » :

« For me, the long-term aim has got to be genuine Community elections. Mr. Patterson would, if he had been able to obtain sufficient signatures, have tabled an amendment which would have given us a real Community system, with Community-wide political parties. It would be based on the system used for elections to the Bundestag, [...]. I believe we shall come to that one day as

semble y avoir une ambiguïté possible du fait de la traduction, auquel cas nous donnons d’abord la version originale dans le texte. 43 JOCE, annexe n°3-392, Débats du Parlement européen, Session 1990-1991, Compte-rendu in extenso des séances du 9 au 13 juillet 1990, p. 164 de la version française et p. 166 de la version danoise, qui ne fait mention en effet que de « politiske organer » et de « partier » : « Og disse grundprincipper er, at virkeligt demokrati bliver der kun tale om, når magten hviler på folkets deltagelse så direkte som muligt og såvel gennem politiske organer som gennem medvirken af partier og organisationer. Et væsentligt element i demokratiet består i høj grad af folkets deltagelse i det politiske liv ».

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the only really fair, effective and genuinely European system. The sooner, the better. But unfortunately we are not there yet. »44

Ce texte est d’abord la confirmation que les /partis européens/ peuvent donner lieu à

des revendications précises au sein du PE, comme le montre l’allusion de D. Prag à une

proposition d’amendement refusée45 : le silence documentaire les concernant n’est vrai

que pour les documents officiels et actés, mis au point par concessions et touches

successives dans le cours du jeu politique. Le travail sur archives, pour peu qu’on ne se

contente pas des documents les plus officiels, permet cependant de reconstruire une

partie des tentatives avortées et des « coups » qui n’ont pas trouvé à se consolider dans

les textes les plus visibles et les plus accessibles.

Ce passage nous permet par ailleurs de poursuivre la mise au jour d’une formation

discursive plus vaste dans laquelle sont pris les /partis européens/, en établissant la

continuité thématique avec la référence précédente mais également avec les deux

exemples plus anciens donnés en introduction de ce chapitre. Comme P.H. Teitgen dans

son intervention de 1953, en effet, D. Prag fait de l’émergence de /partis européens/ la

conséquence des élections européennes, ou « communautaires ». Sauf qu’entretemps,

l’élection directe qu’appelait de ses vœux P.H. Teitgen a été officiellement mise en

place : il semble donc que ces « élections européennes » ne constituent pas aux yeux de

D. Prag des « genuine Community elections », et que les organisations européennes de 44 JOCE, annexe n°3-409, p. 82 de la version anglaise. Nous donnons ici la version anglaise car la version française modifie le sens du discours original et peut induire en erreur. La traduction, que l’on donne à la fin de cette note, rajoute en effet un élément absent en anglais (la notion de « large représentation » des « partis politiques »), qui introduit du coup une ambiguïté, puisqu’il n’est plus possible de décider si la locution adjectivale « à l’échelon européen » s’applique alors aux « partis politiques » mentionnés, ou à la « large représentation » de ces « partis politiques » (qui pourraient désigner simplement les partis nationaux dans cette version). Cet exemple en apparence anecdotique est intéressant à double titre : il confirme d’abord l’utilité qu’il peut y avoir à aller vérifier, toutes les fois que c’est possible, les versions originales des discours et des textes commentés ; il montre aussi que le rôle des traducteurs n’est jamais totalement neutre. Voici la version française du passage cité ici (p. 89 de l’annexe du JOCE cité, c’est nous qui soulignons) : « Je considère pour ma part que des élections communautaires authentiques doivent constituer notre objectif à long terme. M. Patterson, s'il avait pu recueillir un nombre suffisant de signatures, aurait déposé un amendement qui nous aurait dotés d’un véritable système communautaire avec la garantie d'une large représentation des partis politiques à l'échelon communautaire. Il serait fondé sur le système utilisé pour les élections au Bundestag, [...]. Je crois que nous finirons un jour ou l'autre par reconnaître cette procédure comme étant le seul système véritablement équitable, efficace et authentiquement européen, le plus tôt sera le mieux. Malheureusement, nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir. » 45 Nous ne pouvons dire avec certitude s’il s’agissait d’un amendement visant leur reconnaissance explicite, ou mentionnant simplement leur rôle dans les élections européennes, car il a été impossible de retrouver dans les sources disponibles l’amendement mentionné, déposé par Ben (George Benjamin) Patterson, député conservateur britannique du groupe de Derek Prag, membre en 1991 de la commission économique, monétaire et de la politique industrielle du PE.

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

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partis qui se sont formées dans les années 70 ne constituent pas non plus des

« Community-wide political parties », contrairement à l’appellation de certaines d’entre

elles, comme le « Parti populaire européen ».

D. Prag l’explique justement par l’absence d’une procédure électorale uniforme,

renvoyant par là au deuxième exemple cité, celui de l’exposé des motifs du rapport

Patijn, pour qui, on le rappelle, « aussi longtemps que la procédure électorale n’aura pas

été complètement unifiée, il ne semble pas nécessaire d’insérer dans le projet de

convention des dispositions relatives au rôle des partis dans les élections au suffrage

direct »46.

Cet exemple permet de comprendre pourquoi le thème de la reconnaissance des

/partis européens/ n’est que très peu abordé au sein du PE. Tant que les élections

peuvent être considérées comme des « second-order elections » (pour reprendre le titre

de l’article célèbre de Karlheinz Reif et Hermann Schmitt, sur lesquels nous reviendrons

dans notre deuxième partie)47, du fait par exemple de l’absence d’une procédure

électorale commune, ou du manque de circonscriptions transnationales, ou encore de la

maîtrise de la constitution des listes électorales par les partis nationaux, il est possible

de mettre en quelque sorte les /partis européens/ « en attente » : ils viendront, prédit-on,

mais plus tard, comme le résultat presque mécanique d’un « engrenage » fonctionnel et

institutionnel (un « spill-over ») particulier, celui du changement des modes de scrutin

et des procédures d’élection48. Mais cette option n’en est qu’une des deux possibles,

comme les discours de P.H. Teitgen et D. Prag le montrent « en creux » : l’opinion

inverse, qui fait de /partis européens/ « authentiques » non l’effet mais la cause et le

préalable nécessaire à de « genuine » élections européennes, est formée à partir du

même « point de choix » logique, qui demande de choisir forcément l’une ou l’autre de

46 « Exposé des motifs », en commentaire de l’article 8 du projet de convention : PARLEMENT EUROPEEN (SG, Direction générale de la Recherche et de la Documentation), Election du Parlement Européen au suffrage universel direct, Luxembourg, OPOCE, juillet 1977, p. 26. 47 REIF, Karlheinz, SCHMITT, Hermann, « Nine Second-Order National Elections – A Conceptual Framework for the Analysis of European Election Results », European Journal of Political Research, vol. 8, n°1, 1980, p. 3-44. 48 On peut remarquer au passage que D. Prag et, apparemment, G.B. Patterson se référent au modèle allemand de scrutin pour les élections au Bundestag, ce qui, comme on le verra dans la suite de ce travail, n’est pas anodin.

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

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ces options, à partir du moment où on établit un lien entre les « élections européennes »

et développement des /partis européens/ en général49.

Certains députés parlent donc, au PE, des /partis européens/ en reprenant des

associations conceptuelles qui constituent les formations discursives sur lesquelles nous

reviendrons longuement dans notre deuxième partie.

Mais les quelques occurrences repérables montrent aussi certaines différences dans

les discours sur les /partis européens/, qui concernent les référents pris en compte. C’est

ce qu’on entrevoit dans les deux autres mentions, encore plus allusives, repérées dans

deux interventions du député italien Marco Pannella50 des 12 octobre 1990 et 19

novembre 1991 :

« [...] A vous croire et à vous entendre, [...] je devrais dire que seul celui qui est capable de concevoir en politique un nouveau possible peut faire que tout ce que vous racontez avec vos partis, vos gouvernements, vos internationales — socialistes, PPE, etc. — vos églises, et tout le reste, produise autre chose que la confirmation de ce sur quoi vous pleurez. » (12 octobre 1990)51 « Ecoutez, je crois que le chemin que vous avez parcouru est un chemin aveugle. Au-delà du conflit, du dialogue et des luttes, au-delà du drame entre le tiers-état, le quart-état et les autres, au-delà d'une vision conflictuelle de la société, il y a les partis politiques et les syndicats qui s'organisent d'une façon transnationale comme les multinationales qui sont vivantes et agissantes !» (19 novembre 1991)52

Pour mieux comprendre cette double référence, à un an d’intervalle, il est utile de

savoir que Marco Pannella est le chef du Partito radicale italien, qui depuis 1989 se

dénomme officiellement « Partito Radicale Nonviolento Transnazionale e

Transpartito » ou « Transnational Radical Party » en 1988-1989 : à partir de cette date,

cette « association de citoyens »53, qui s’est fait reconnaître par le Conseil économique

49 C’est sur cette base que se fonde notre deuxième partie, comme nous l’expliquerons en temps voulu, dans la lignée des réflexions de Michel Foucault sur ces questions : « Plutôt que de rechercher la permanence des thèmes, des images et des opinions à travers le temps, plutôt que de retracer la dialectique de leurs conflits pour individualiser des ensembles énonciatifs, ne pourrait-on pas repérer plutôt la dispersion des points de choix, et définir en deçà de toute préférence thématique un champ de possibilités stratégiques ? », FOUCAUL, Michel, L’archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969, p. 55. 50 Non-inscrit, membre de la commission institutionnelle. 51 JOCE, annexe n°3-394, p. 381-382 de la version française, version originale de l’intervention du député. 52 JOCE, annexe n°3-411, p. 98 de la version française, version originale de l’intervention du député. 53 Voir sa présentation sur son site Internet, notamment : http://www.radicalparty.org/it/chi-siamo.

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

101

et social de l’ONU (Ecosoc) comme ONG en 199554, n’a plus participé aux élections

nationales mais seulement aux élections européennes, et ses membres militent plus

largement pour une politique transnationale. Les critiques de Marco Pannella à

l’encontre des organisations européennes de partis existantes, qu’il qualifie

d’ « internationales » tout en désignant notamment le PPE55, s’inscrivent donc dans la

lutte politique qui l’oppose aux « grands » /partis européens/, contre lesquels il tente

d’affirmer sa propre conception et son propre label de « parti transnational ». Malgré le

faible poids politique de cette formation, qui ne compte que M. Pannella comme élu au

PE à cette époque56, l’activisme de ce dernier57 et son rôle de chef du groupe technique

des non-inscrits lui donne une « visibilité » à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de

l’enceinte parlementaire, qui ne laisse pas indifférents les dirigeants du PPE, par

exemple. Dans une lettre de Thomas Jansen au directeur de l’Agence Europe, Emanuele

Gazzo, sur laquelle nous reviendrons dans le chapitre suivant, le secrétaire général juge

ainsi l’action de M. Pannella :

« The attempt a few years ago by Marco Panella [sic] to found a « transnational » federated party was based on a false notion of federalism and ended up, as might have been predicted, as little more than a propaganda slogan. This would have been a party of European unity which any European could have joined irrespective of nationality or membership of a national party. Federalism undoubtedly does not mean, as Panella thought, an imposed kind of unity in which all the differences which it encompasses can just be

54 Elle est toujours en 2011 l’une des 144 ONG à statut consultatif général reconnues par l’Ecosoc (au dernier « recensement » annuel de novembre 2011 : voir document « List of non-governmental organizations in consultative status with the Economic and Social Council as of 1 September 2011 » (E/2011/INF/4), sur le site de l’Ecosoc : http://csonet.org). 55 Qui bien que lié à elle, est une entité distincte de l’Union mondiale des démocrates-chrétiens (UMDC) parfois appelée « Internationale démocrate-chrétienne », créée en juillet 1961. M. Pannella joue vraisemblablement ici sur la confusion des labels. Voir par exemple : PAPINI, Roberto, L’Internationale démocrate-chrétienne. La coopération internationale entre les partis démocrates chrétiens de 1925 à 1986, Paris, éd. du Cerf, 1988. 56 Il en a compté trois dans les deux législatures précédentes. 57 M. Pannella, parfois qualifié dans la presse internationale de « maverick » (voir par exemple Financial Times, 20 janvier 1987, « Anti-British Feeling Could Sink Plumb Bid / European Parliament presidential election », Financial Times, 8 novembre 1988, « Rome Split on Euro-Commission Nominees » ; Reuters, 23 décembre 1993) a une longue carrière d’ « agitateur » derrière lui, ponctuée de multiples opérations médiatiques qui combinent mobilisations en faveur des droits de l’homme et campagnes « anti-establishment » dirigées contre les « grands » partis italiens. Il a été arrêté et jugé plusieurs fois pour « offenses politiques » et désobéissance civile en Italie, a mené de nombreuses grèves de la faim pour diverses causes et a été le promoteur et le co-promoteur, avec le Partito radicale de nombreux référendums de 1975 à 1996, dont une campagne en faveur du divorce qui a débouché sur un référendum positif en 1975, et celui sur l’avortement à la fin des années 1970.

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

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swept away; federalism is more a process in which several independent parts converge and, without giving up their own identity, work together in unity. »58

Cette lettre de Thomas Jansen, elle-même instrument de « propagande » auprès de

l’Agence Europe en faveur du PPE comme on le verra, montre que Marco Pannella et

ses initiatives sont suffisamment visibles dans le jeu politique communautaire pour

mériter dénégation et condamnation, au nom de conceptions différentes de ce que doit

être un « parti fédéral » européen. L’ensemble illustre un usage différent de la référence

aux /partis européens/ qui est un usage « référentiel » : chaque label (« internationales »,

« partis politiques qui s'organisent d'une façon transnationale », « party of European

unity ») renvoie à des référents particuliers identifiables, le PPE ou le Partito

transnazionale, par exemple, qui existent de fait et qu’on peut donc décrire et,

éventuellement comme ici, critiquer.

On remarque pour l’instant que les rares références pré-Maastricht au PE révèlent à

la fois des similitudes (l’idée de participation citoyenne, à travers l’organisation de

partis ou d’élections qui soient « européens ») mais aussi des choix de référent

différents, « formations discursives » et « points de choix » que nous chercherons à

mieux comprendre à partir d’un corpus de textes beaucoup plus vaste dans la deuxième

partie. Mais on constate surtout que les députés qui parlent des /partis européens/ au

sein du PE sont finalement très peu nombreux, et situés qui plus est dans des positions

particulières qui les rapprochent, bien qu’ils fassent partie de trois groupes

parlementaires différents.

58 Thomas Jansen, « Le développement des partis européens transnationaux, une initiative importante », 1er janvier 1992, AHUE, EG.B.A-03.01, « Populaires et conservateurs au Parlement européen », EG-68, disponible sur www.ena.lu (traduction : « La tentative de Marco Panella [sic] de fonder il y a quelques années un parti fédéré « transnational » était basée sur une fausse notion du fédéralisme et se résuma, comme on aurait pu le prédire, à peu de chose près à un slogan de propagande. Celui-ci aurait été un parti d’union européenne que n’importe quel européen aurait pu rejoindre sans considération de nationalité ou d’appartenance à un parti national. Le fédéralisme ne veut sûrement pas dire, comme Panella l’a pensé, un type d’unité imposé dans laquelle toutes les différences qu’elle englobe peuvent simplement être balayées, le fédéralisme est plutôt un processus dans lequel plusieurs parties indépendants convergent et, sans renoncer à leur identité, travaillent ensemble dans l’unité »).

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

103

Positions

On a vu que Marco Pannella occupait une position relativement isolée dans

l’assemblée européenne, du fait de son appartenance au groupe des non-inscrits mais

aussi du fait de ses positionnements souvent provocateurs59, même si sa présence au PE

depuis 1976, et son engagement aux côtés de son compatriote Altiero Spinelli, lui ont

valu par exemple la vice-présidence de la Commission institutionnelle de 1982 à 1984,

commission dont il est membre de nouveau de 1989 à 1994.

Ejner Hovgård Christiansen est lui aussi isolé au moment où il intervient en faveur

du rôle des partis dans l’ « intégration » et la « fusion européenne ». Il se trouve en 1990

en effet à la fois en rupture avec son parti national (Socialdemokratiet au Danemark)

alors qu’il en a été le secrétaire national pendant 14 ans, de 1971 à 198460, et en rupture

avec le groupe socialiste au PE dont il a pourtant été un des vice-présidents pendant

toute la seconde moitié de la deuxième législature (octobre 1986 - juin 1989). Mais il

n’est pas reconduit dans cette fonction, malgré sa réélection au PE en 198961, et

n’occupe donc plus aucune position de responsabilité dans son pays, ni dans son parti ni

au PE, à partir de cette date62. À cette trajectoire « déclinante » de la fin des années

1980, on peut ajouter le constat qu’il n’a jamais occupé, malgré treize ans passés à la

59 Comme l’indique, par exemple, le jugement porté par Jans-Peter Bonde, député danois eurosceptique membre de 1979 à 1984 du « Groupe de coordination technique et de défense des groupes et des parlementaires indépendants » dirigé par Pannella : « After the first five years there was one thing all members agreed on: we would never join a group again with Marco Pannella. » (BONDE, Jans-Peter, Mamma Mia. On 25 Years of Fighting for Openness in the EU, Borgen, Vindrose / Notat, 2004, p. 57, traduction : « Après les cinq premières années il y avait une chose sur laquelle tous les membres étaient d’accord : nous ne rejoindrions plus jamais un groupe dans lequel Marco Pannella se trouvait »). 60 La fin de son mandat comme Secrétaire général de Socialdemokratiet, alors qu’il vient d’être élu député européen lors des élections de juin, semble plutôt s’expliquer en grande partie par la défaite globale de son parti lors des élections législatives et européennes de 1984 : les sociaux-démocrates passent au Folketing de 38,3 % des voix en 1979 à 31,6 % (contre une progression de 12,5 à 23,4 % des conservateurs), et de 21,9 à 19,4 % des voix aux élections européennes (contre une progression de 14,1 à 20,8 % pour les conservateurs). Voir : JUHL, Tania Maria, L’élection européenne au Danemark : le vote eurosceptique, Mémoire de M2 en science politique, sous la direction de Jean-Claude Colliard, Université de Paris 1, 2009, p. 21. 61 Mais celle-ci fut difficile : son parti l’avait en effet placé en dernière position de sa liste électorale, ce qui ne lui laissait que peu de chances d’être effectivement élu. Il aurait dû sa réélection, selon un permanent de Socialdemokraterna (le nouveau nom de Socialdemokratiet depuis 2002) que nous avons interrogé par mail, à une campagne « agressive » engagée sur ses propres fonds, et au soutien de « vieux cadres » des syndicats. 62 Responsabilités qui lui assuraient par ailleurs des positions au sein des structures de coordination internationales et européennes des socialistes, comme celle de membre du Bureau de l’Internationale socialiste (1971-86) et de membre du directoire de l’UPSCE (1972-89). Son poste de vice-président du groupe au PE sanctionne également, et rend possible, le maintien provisoire de ces fonctions, qui ne vont cependant pas au-delà de 1989, là non plus.

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

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tête de son parti, de position gouvernementale ou élective, autre que celle de conseiller

municipal de la ville de Rødovre (1970-1974). Cette situation contribue sans doute à

expliquer que le « détour » européen soit finalement devenu pour lui une « voie de

garage », matérialisée par la démission et de son parti et du groupe socialiste au PE en

décembre 1992, date à partir de laquelle il commence à siéger comme « non-inscrit » au

PE.

Cet exemple significatif est conforté, enfin, par la situation du dernier intervenant,

Derek Prag. Celui-ci est, en 1991, incontestablement mieux placé que les deux autres au

sein du PE, notamment en tant que vice-président de la commission institutionnelle

depuis 1989, mais la position qu’il occupe au sein de sa propre formation est, semble-t-

il, assez fragile. Militant fédéraliste au sein des conservateurs britanniques, il fait partie

d’une « distinct minority within the parliamentary and extra-parliamentary party »63.

Même si cette minorité fédéraliste paraît influente au sein du « groupe des démocrates

européens »64, la position personnelle de Derek Prag n’est pas prédominante au sein du

groupe, et se fragilise encore avec l’adhésion des « démocrates européens » au groupe

du PPE, en cours de négociation en 1991. La meilleure illustration en est peut-être son

élection « ratée » à la présidence de la commission institutionnelle, le 29 juin 1993 : il

doit démissionner deux semaines plus tard, le 14 juillet 1993, du fait de pressions

internes de son propre parti, que Prag lui-même décrit comme « pretty merciless »65, et

laisser sa place à José María Gil Robles66, contre lequel il avait été élu le 29 juin par 16

voix contre 1167. Ces tensions68 montrent que Derek Prag, malgré son élection formelle

par les membres de la Commission institutionnelle, ne parvient pas à s’imposer à son

propre groupe politique.

63 ASHFORD, Nigel, « The Political Parties », dans GEORGE, Stephen (dir), Britain and the European Community : the Politics of Semi-Detachment, Oxford, Clarendon Press, 1992, p. 119-148 (p. 140). 64 Ibid., p. 140. 65 Voir : BQAE, 30 juin 1993, « Prag Elected Chairman of EP Institutional Affairs Committee » et BQAE, 15 juillet 1993, « Derek Prag Resigns as Chairman of Committee on Institutional Affairs ». 66 José María Gil Robles est membre du Partido popular espagnol, dont les députés ont rejoint le groupe du PPE récemment aussi, au moment des élections de juin 1989 (le Partido popular devenant membre à part entière du PPE en 1991). 67 L’élection de José María Gil Robles le 14 juillet se fait par 19 voix, contre 5 abstentions et 5 votes blancs. 68 Qui renvoient plus largement aux tensions entre délégations nationales et à celles provoquées par l’élargissement du groupe du PPE dans les années 1980 et 1990, et dépassent donc la seule personne de Derek Prag.

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

105

Si on ajoute à ces considérations le fait que tous les trois sont ou ont été engagés

dans des mouvements politiques transnationaux – les mouvements fédéralistes pour

D. Prag69 et M. Pannella et l’organisation de jeunesse de l’Internationale socialiste

l’IUSY 70 pour E.H. Christiansen71 – on entrevoit ce que pourraient être deux

caractéristiques communes de ces trois députés qui « osent » parler des /partis

européens/ : tous trois disposent à la fois d’une expérience précoce de l’engagement

politique « extranational », et se trouvent surtout en situation « de rupture » ou en tout

cas en position politique isolée72. Cette situation explique peut-être en partie qu’ils

soient prêts, contrairement à d’autres, à « rompre le tabou » des /partis européens/ dans

l’hémicycle.

Cette situation particulière des trois orateurs « pré-Maastricht » qui mentionnent les

/partis européens/ est confirmée, par contraste, lorsqu’on les compare aux 5 orateurs de

la séance du 12 décembre qui fait le bilan du Sommet de Maastricht.

I.2.3 – « Partis-totems » et « algorithmes discursifs » ? Ceux qui parlent au PE

des « partis » reconnus

Le tableau ci-dessous présente les cinq occurrences de la séance du 12 décembre

1991, situées dans le passage dans lequel elles apparaissent :

69 D. Prag a par ailleurs été fonctionnaire au Service de l’Information de la Commission européenne, de 1955 à 1973, sous la direction de Jacques-René Rabier. 70 International Union of Socialist Youth. 71 Qui a fait partie de son Bureau de 1962 à 1967. 72 Même D. Prag, fédéraliste parmi les conservateurs britanniques. Même si la délégation parlementaire britannique est, comparativement, moins « eurosceptique » que les élus nationaux, D. Prag n’en reste pas moins minoritaire au sein de son parti.

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

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Références aux /partis européens/ lors de la séance plénière du PE du 12 décembre 1991

auteur texte de la référence

LUBBERS, Ruud Premier ministre néerlandais président en exercice du Conseil européen membre du CDA néerlandais (parti membre du PPE)

« Voorzitter, daar is voorts de kwestie van het Europa van de burger. Er is echter een terrein dat ligt tussen het Europa van de burgeren tussen uw Parlement in, en dat is het vraagstuk van de erkenning in ons nieuwe Verdrag van de betekenis van politieke partijen op Europees niveau. De Europese Raad heeft zich hierover uitgesproken en het wenselijk geacht te bevorderen dat dit in een verdragsbepaling vastgelegd wordt. Dat zal naar de toekomst toe een belangrijk element blijken, te weten de principiële keus om politieke partij vorming op Europees niveau te zien als een integrerend en belangrijk onderdeel van het politieke proces. »73

DELORS, Jacques président de la Commission européenne membre du PS français (parti membre de l’UPSCE)

« Vous me pardonnerez d'avoir été un peu long, mais je pense que tout cela devait être dit pour que vous puissiez d'ores et déjà apprécier ce qui a été fait pour renforcer les pouvoirs du Parlement européen, car ce renforcement est un élément essentiel. C'est l’élément essentiel de la démocratisation, avec la citoyenneté. Il ne faut pas oublier les dispositions du Traité qui lui sont consacrées, sur une initiative espagnole, et aussi la déclaration sur les partis européens. »74

COT, Jean-Pierre député européen Président du groupe socialiste au PE Membre du PS français (parti membre de l’UPSCE) Commission des budgets du PE

« Sur le fond, nous ne sommes pas en état de nous prononcer, nous n'y voyons pas encore assez clair. Certes, nous saluons les progrès accomplis et ils ne sont pas minces, vous l'avez souligné, Monsieur le Président Delors l’a souligné. Je les cite. [...] Les fondements d'une Europe des citoyens, comprenant notamment le droit de vote aux élections locales et régionales [...] Le renforcement sensible de la légitimité démocratique des institutions communautaires : la reconnaissance des partis politiques européens, l'investiture démocratique de la Communauté, la coïncidence des mandats de la Commission et du Parlement [...] »75

PLANAS PUCHADES, Luis député européen Vice-président du groupe socialiste au PE Membre du PSOE espagnol (parti membre de l’UPSCE) Commission politique

« Los progresos en materia de Unión Económica y Monetaria, la cohesión económica y social, la política exterior y de seguridad, el establecimiento de una ciudadanía europea y el aumento de los poderes de este Parlamento delimitados —particularmente la coincidencia del mandato del Parlamento y de la Comisión— y la mención a los partidos europeos como instrumentos de participación política de los ciudadanos, tienen un significado claro que debemos señalar »76

73 Voici la traduction française officielle : « Monsieur le Président, il y a aussi la question de l'Europe du citoyen. Il existe cependant un domaine se situant entre l'Europe du citoyen et le Parlement : c'est le problème de la reconnaissance par le nouveau Traité de l'importance des partis politiques au niveau européen. Le Conseil européen a pris position sur ce point et estime souhaitable qu'une disposition du Traité soit prévue à cet effet. Il s'agit là, pour l'avenir, d'un élément crucial, car c'est le choix de principe, de considérer la formation des partis politiques au niveau européen, comme une partie intégrante et importante du processus politique. » Cf. Annexe n°3-412 du JOCE, p. 225-226 de la version néerlandaise et p. 249-250 de la version française. 74 Ibid., p. 253. 75 Ibid., p. 257. 76 Voici la traduction française officielle : « Les progrès accomplis sur la voie de l'union économique et monétaire, la cohésion économique et sociale, la politique extérieure et de sécurité, les fondements d'une Europe des citoyens et les pouvoirs accrus et délimités de ce Parlement — particulièrement la coïncidence des mandats de la Commission et du Parlement — et la reconnaissance des partis politiques européens ont

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MARINHO, Luís député européen Vice- président du groupe socialiste au PE Membre du PS portugais (parti membre de l’UPSCE) Commission institutionnelle

« Não é de esquecer a importância do reconhecimento dos partidos políticos europeus, quando uma certa onda negra de nacionalismo e xenofobia recrudesce na Europa, ou o reforço da legitimidade democrática da união pela investidura parlamentar da Comissão, pela coincidência de mandatos executivos e parlamentares, pela atribuição do direito de voto aos europeus em eleições regionais e europeias. » 77

Comme on peut le constater, et contrairement aux trois occurrences précédant

l’introduction d’une « référence aux partis européens » au Sommet de Maastricht,

celles-ci sont le fait d’acteurs politiques prééminents, qui occupent tous à ce moment-là

des positions de responsabilité de premier plan, qu’elles soient extraparlementaires (le

président du Conseil européen en exercice et Premier ministre néerlandais Ruud

Lubbers et le président de la Commission européenne, Jacques Delors) ou que ce soit au

PE même (au groupe socialiste uniquement, puisque son président et deux de ses vice-

présidents mentionnent les /partis européens/ lors de leur intervention).

La particularité de cette séance, en effet, est qu’elle réunit les parlementaires et les

présidents du Conseil européen ainsi que de la Commission venus présenter les

conclusions du Sommet de Maastricht et de la CIG aux députés, comme c’est d’usage.

Plusieurs constats intéressants pour notre sujet peuvent être faits ici, qui tiennent à la

fois à la nature des intervenants et au contenu de leurs interventions.

Positions

Tout d’abord, il est intéressant de constater qu’aucun des députés cités

précédemment ne fait partie de ces orateurs post-Maastricht. Cela est dû, en partie, à la

nature du débat, qui voit intervenir principalement les responsables politiques des

groupes, du fait de la présence dans l’hémicycle des autorités communautaires et du fait

une signification évidente que nous devons signaler. » Cf. ibid., p. 251 de la version espagnole et p. 285 de la version française. 77 Voici la traduction française officielle : « Il ne faut pas oublier l'importance de la reconnaissance des partis politiques européens alors que l’on assiste à une marée noire de nationalismes et une recrudescence de la xénophobie en Europe ni le renforcement de la légitimité démocratique de l'Union par l'investiture parlementaire de la Commission ou par la coïncidence des mandats exécutifs ou parlementaires, par l'attribution du droit de vote aux Européens, par des élections régionales et européennes. » Cf., ibid., p. 326 de la version portugaise et p. 290 de la version française.

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

108

de l’importance du bilan d’un Sommet européen, à plus forte raison celui de Maastricht.

Mais certains des députés repérés dans les sections précédentes (les mieux intégrés à un

des groupes : Karel de Gucht, Derek Prag et Ben Patterson) interviennent tout de même,

mais sans plus faire aucun commentaire sur les /partis européens/ qui viennent d’être

reconnus. On pourrait certes l’expliquer par l’importance des autres sujets abordés, qui

font des /partis européens/ une annexe non prioritaire par rapport aux résultats globaux

de Maastricht. Pourtant, le fait que trois députés, mais aussi les présidents du Conseil

européen et de la Commission eux-mêmes, prennent le temps de les mentionner dans

l’énumération des « réussites » et des résultats positifs du Sommet et de la CIG, prouve

qu’il n’était pas incompatible de souligner les apports ou les problèmes majeurs du

projet de traité, tout en mentionnant rapidement des éléments comme la « référence aux

partis européens à inclure dans le traité ».

Inversement, aucun des trois députés qui parlent lors de cette séance des /partis

européens/ n’étaient intervenus auparavant au PE, ne serait-ce que pour les mentionner

en passant. Le fait qu’ils soient par ailleurs tous les trois socialistes est à cet égard un

indice, peut-être, de leur « sensibilité » particulière au sujet. Non pas parce qu’on

considèrerait ici que la promotion des /partis européens/ aurait principalement une

motivation idéologique (on verra qu’elle est défendue et à la fois combattue dans tous

les camps), mais plutôt du fait de la situation particulière des socialistes à ce moment-

là : comme on va le voir dans la section suivante, certains députés du groupe (dont leur

président Jean-Pierre Cot) sont en effet, en 1991, au cœur d’initiatives médiatisées

(mais discutées dans leurs propres partis) en vue de la transformation de l’UPSCE en

« Parti socialiste européen », à l’extérieur du PE78. Intervenant dans le cours du débat

sur les résultats de Maastricht, ils ont pu voir dans la reconnaissance désormais prévue

des /partis européens/ un argument et une ressource de plus dans leurs propres luttes

internes.

Mais cette référence du Sommet de Maastricht peut aussi devenir un « trophée »

politique de plus à ajouter à la liste des avancées présentées par ceux qui ont « fait »

Maastricht : que le président du Conseil européen Ruud Lubbers et le président de la

Commission Jacques Delors mentionnent eux-mêmes cette « petite » mesure prouve

qu’elle n’est pas tout à fait anodine, ne serait-ce que parce que toute disposition pouvant

78 BQAE, 17 mai 1991, « Socialist Group Puts Forward Proposals for New Party ».

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

109

apparaître comme une avancée est bonne à prendre dans le bilan d’une action

politique79.

D’autant plus que le PE, doit encore se prononcer officiellement sur les résultats de

Maastricht, et que plusieurs orateurs soulignent que le choix de leur groupe n’est pas

encore fait. C’est par exemple le cas de Jean-Pierre Cot au nom du groupe socialiste.

S’il cite par ailleurs les /partis européens/ dans la liste systématique de toutes les

mesures constituant à ses yeux un progrès, c’est pour mieux souligner par contraste les

critiques qu’il a à faire sur les insuffisances des résultats de Maastricht. Si l’avis du PE

sur le résultat final des CIG n’a rien de contraignant officiellement dans la procédure

d’adoption des révisions du traité, comme on l’a dit, il n’en reste pas moins une prise de

position attendue, d’autant plus que certains parlements nationaux, qui doivent pour le

coup ratifier formellement le traité pour qu’il puisse entrer en vigueur, ont soumis

pendant les CIG leur approbation à celle, symbolique, du PE. C’est le cas de la

Chambre des députés italienne qui a adopté une résolution dès le 20 novembre 1990

annonçant qu’elle n’autoriserait « la ratification des résultats des Conférences

intergouvernementales qu’après approbation par le Parlement européen ». Cet exemple

a été suivi par la Chambre des représentants belge qui, le 27 juin 1991, prend la même

position80.

La comparaison des orateurs pré- et post-Maastricht au PE permet donc de préciser

les caractéristiques avancées jusqu’ici : si les /partis européens/ ne sont pas un sujet

courant dans les débats parlementaires, ils peuvent néanmoins servir, en fonction des

situations et des intérêts particuliers, de (petit) « trophée » politique ou d’élément de

légitimation supplémentaire des résultats de la CIG, parmi d’autres.

79 Une autre preuve du caractère « remarqué » de la reconnaissance à Maastricht des /partis européens/ est le compte-rendu de la séance plénière du PE du 12 décembre que fait l’Agence Europe. Il y est ainsi fait état spécifiquement de la mention par Ruud Lubbers de cette question (BQAE, 13 décembre 1991, « Maastricht – Commission’s Verdict is on the Whole Positive »). 80 Voir sur ce point la résolution du PE adoptée le 18 avril qui annonce « le rejet de tout résultat des Conférences n’appliquant pas les principes énoncés ci-dessus » (CONF-UP 1814/91, point 9, p. 2), visant notamment à accroître les pouvoirs du PE et à réduire le « déficit démocratique » (principes parmi lesquels se trouve déjà celui de la « participation à la vie politique de la Communauté » (point 6, dernier tiret, p. 2).

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

110

Des formations aux « algorithmes discursifs »

Ces références, en effet, vont toutes dans le même sens et continuent d’illustrer la

formation discursive dans laquelle est prise l’idée de /partis européens/, quel que soit le

label utilisé pour les désigner.

C’est là un premier point intéressant qui montre la « labilité du label » introduit à

Maastricht. On trouve ainsi dans ces 5 interventions au moins 3 labels différents pour

désigner l’idée de /partis européens/, sans tenir compte ici des langues. On a ainsi des

« partis politiques au niveau européen » ou « se formant au niveau européen », pour

Ruud Lubbers ; des « partis européens » pour Jacques Delors et Luis Planas Puchades ;

et des « partis politiques européens » pour Jean-Pierre Cot et Luís Marinho. Ce qui peut

paraître ici un détail prendra une tout autre ampleur lorsque, dans notre chapitre 4, on

montrera que ces labels ne sont qu’une infime partie des appellations circulant pour

désigner l’idée des /partis européens/81. Comme on l’a vu avec l’exemple de 2005 donné

dans l’introduction générale, ces problèmes de vocabulaire et de labels distincts en

circulation ne seront d’ailleurs en rien réglés par la codification juridique théorique d’un

seul et unique label dans le traité final du 7 février 1992.

Les formes et les formulations, ou plutôt les variations et les différences constatées

dans leur utilisation, ont une signification. Celle-ci est souvent difficile à interpréter,

mais elle ne doit pas être laissée de côté pour autant : ici, par exemple, on pourrait faire

l’hypothèse que le label utilisé par Lubbers, qui sera celui retenu finalement dans le

traité, peut être induit par sa position de président du Conseil européen, déjà mis au

courant par ses services administratifs des problèmes linguistico-juridiques qui seront

soulevés quelques jours plus tard par le Comité de juristes-linguistes chargé de « lisser »

le traité. On pourrait aussi noter qu’il se rapproche de celui qu’utilisait Derek Prag en

séance, déjà le 8 octobre, parlant de « Community-wide political parties » ou, dans la

traduction officielle, de « partis politiques à l’échelon communautaire », ce qui prouve

qu’on n’a pas attendu Maastricht pour utiliser différents labels. Mais dans tous les cas,

cette diversité doit être prise en compte, comme nous essaierons de le faire de manière

plus systématique dans le chapitre 4.

81 Et on verra que ce point de vocabulaire, réglé en apparence juridiquement le 7 février 1992 par la reconnaissance d’un seul et unique label dans le traité définitif, n’est pas du tout fixé alors.

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

111

De manière plus générale, ces références aux /partis européens/, quelle que soit la

formulation adoptée, sont mises en relation avec les différents thèmes officiels qui

avaient été définis pour les négociations des CIG : la « légitimité démocratique », la

« politique commune en matière de relations extérieures et de sécurité », la

« citoyenneté européenne », l’ « extension et renforcement de l’action de la

Communauté » et enfin l’ « efficacité de l’Union »82, les cinq intervenants s’attachant à

montrer les avancées réalisées, de leur point de vue, pour chacun de ces thèmes.

Or, la référence aux /partis européens/ semble assez difficile à « caser » parmi ces

thèmes pour les orateurs. On pourrait en effet s’attendre simplement à trouver les

passages sur les /partis européens/ dans les discours du 12 décembre sous la rubrique

« citoyenneté de l’Union » des différents bilans, puisque, comme on l’a vu dans le

chapitre 1, les différents projets de traité de décembre 1991 commencent par inscrire

cette référence dans un « article 8c », inséré dans la partie consacrée spécifiquement à la

« citoyenneté de l’Union »83. De fait, le thème de la « citoyenneté européenne » apparaît

effectivement presque toujours84 à proximité, même si celle-ci ne lui est explicitement

associée qu’une seule fois, dans le discours de Luis Planes Puchades qui parle des

« partis européens comme instruments de participation politique des citoyens »85. Ce

n’est pas le cas dans le discours de Jean-Pierre Cot, par exemple, pour lequel la

« reconnaissance des partis politiques européens » ne relève pas tant de l’ « Europe des

citoyens » que du « renforcement sensible de la légitimité démocratique ».

Jacques Delors, quant à lui, semble mentionner de justesse les /partis européens/, à

la fin d’un long passage sur l’accroissement des pouvoirs du PE. Il s’est en effet attardé

sur les acquis dans ce domaine qui constitue, dans son discours, l’« élément essentiel de

la démocratisation » des Communautés européennes86. Le président de la Commission

82 Ces thèmes ont été définitivement fixés dans les conclusions de la présidence suite au Conseil européen de Rome des 14 et 15 décembre 1990, comme nous l’avons vu dans le chapitre 1. 83 CONF-UP 2017/91 du 18 décembre 1991 (p. 18). 84 Seul Luís Marinho ne cite pas explicitement la notion de « citoyenneté » dans son intervention. S’il fait néanmoins référence à l’ « attribution du droit de vote aux européens » pour les élections locales et européennes, une des principales mesures adoptées sous la rubrique officielle de la « citoyenneté européenne », il l’intègre pour sa part dans le domaine de la « légitimité démocratique ». 85 Encore faut-il aller chercher cette référence explicite aux « citoyens » dans la version originale du texte, la traduction officielle en français escamotant purement et simplement la deuxième partie de la phrase qui les mentionne. On a là un exemple précis d’écart de traduction. 86 Le droit d’investir le président de la Commission et son collège ; la simultanéité des mandats de la Commission et du PE ; l’accroissement des moyens de contrôle de la Commission par le PE ; l’instauration d’une procédure de codécision ; l’extension du domaine de l’avis conforme et de la

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

112

précise néanmoins qu’à ses yeux, cette « démocratisation » est complétée et renforcée

par un autre résultat des négociations de la CIG : l’instauration d’une « citoyenneté » de

l’Union. C'est alors qu’il mentionne les /partis européens/, cette référence paraissant à la

fois provoquée par l’idée de « citoyenneté », mais également distinguée de cette

thématique, dans un ultime rajout final, une hyperbate à la limite de la correction

grammaticale :

« Vous me pardonnerez d'avoir été un peu long, mais je pense que tout cela devait être dit pour que vous puissiez d'ores et déjà apprécier ce qui a été fait pour renforcer les pouvoirs du Parlement européen, car ce renforcement est un élément essentiel. C'est l’élément essentiel de la démocratisation, avec la citoyenneté. Il ne faut pas oublier les dispositions du Traité qui lui sont consacrées, sur une initiative espagnole, et aussi la déclaration sur les partis européens. »

Ces hésitations font que la référence aux /partis européens/ est souvent citée comme

une avancée un peu à part, isolée des thématiques officielles identifiées : ainsi, pour

Lubbers, la « question de la reconnaissance dans le traité de l’importance des partis

politiques au niveau européen » se situe « entre l’Europe du citoyen et le Parlement » et

constitue une « partie intégrante et importante du processus politique »87. De même,

pour Luís Marinho, la « reconnaissance des partis politiques européens » constitue un

acquis explicitement séparé du « renforcement de la légitimité démocratique », domaine

cité à part.

procédure de coopération ; le rôle consultatif du PE dans le domaine de la politique extérieure et de sécurité commune. (Annexe n°3-412, p. 252-253). 87 On peut signaler que des divergences dans les différentes versions du texte posent, ici encore, problème : la locution verbale « inliggen tussen…tussen (ou en…) », qui signifie en néerlandais « se trouver entre…et…» semble en effet difficile à traduire, car elle peut renvoyer à la fois à l’idée de séparation ou au contraire de réunion. En comparant les cinq versions de l’annexe n°3-412 que nous avons utilisées, on voit que les traductions française et portugaise du texte original la prennent au second sens, faisant de la question des « partis politiques au niveau européen » un « domaine » (de réflexion) intercalé entre deux autres et qu’il vient compléter, alors que les versions anglaise et espagnole, choisissent de traduire en indiquant un espace de séparation entre l’ « Europe des citoyens » et le Parlement, sans qu’on comprenne très bien si les « partis politiques au niveau européen » matérialisent cet espace ou sont censés, au contraire, aider à combler ce « déficit ». La version anglaise, qui semble la plus éloignée de la version originale néerlandaise puisqu’elle pourrait impliquer que la reconnaissance des /partis européens/ pose en fait un problème (connotation absente de la version originale), traduit par exemple comme suit : « Mr President, we must also consider the people's Europe. There is one issue which separates the people's Europe and your Parliament and that is the recognition in our new treaty of the significance of political parties at European level » (p. 231 de la version anglaise de l’annexe n°3-412).

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

113

Ces variations de détail prouvent à la fois qu’il ne faut pas trop se fier aux

classifications officielles, mais elles confirment aussi et surtout que la question précise

des /partis européens/ a bien été traitée en dehors des thèmes officiels de négociation de

la CIG, et donc en dehors de la CIG (en tout cas des réunions au niveau des diplomates

à qui l’on avait donné mandat pour négocier selon ces termes accordés par les chefs de

gouvernement).

Si la « place logique » des /partis européens/ n’est pas identifiée précisément, elle

semble se situer quelque part entre la « citoyenneté de l’Union » et la « légitimité

démocratique ». En règle générale, dans ces exemples, citoyenneté et /partis européens/

sont en effet rapprochés du renforcement des pouvoirs du PE pour former, ensemble, les

éléments essentiels d’une légitimation démocratique accrue, ou d’une

« démocratisation » comme le dit Delors dans son intervention. Si l’on tentait de

schématiser le « montage sémantique » qui transparaît, par exemple, dans le discours du

président de la Commission européenne, on pourrait sans doute écrire la relation

suivante :

renforcement du PE + (citoyenneté + partis européens) = « légitimité démocratique »

Cette « opération » n’est pas là pour signifier une relation mathématique ou logique

réelle, évidemment illusoire, entre les termes de cette équation, mais pour introduire la

notion métaphorique d’« algorithme discursif »88. Comme nous l’évoquions, en effet,

dans l’introduction générale, l’important n’est pas pour nous de chercher à « définir » le

sens qu’il faut donner aux /partis européens/, si tant est que ce soit possible. L’essentiel

est bien d’observer et d’expliquer les usages qui sont faits objectivement du lexique

politique : ces pratiques, empiriques et tatonnantes, tendent à produire des

« configurations textuelles » plus ou moins figées qui peuvent devenir de véritables

88 Que nous empruntons à Bernard Lacroix. Voir : LACROIX, Bernard, « Ordre politique et ordre social : Objectivisme, objectivation et analyse politique », dans GRAWITZ, Madeleine, LECA, Jean, Traité de science politique, tome 1, Paris, PUF, 1985, p. 469-565 (p. 502-503) : « On ne peut donc espérer échapper à l’espèce de naturalisme dans lequel les catégories d’énonciation enferment [...] qu’en prêtant attention moins à ce qu’elles disent qu’à la manière dont elles le disent ; moins au contenu qu’à l’énonciation ; moins à la référence qu’aux usages ; moins au lexique qu’aux modes spécifiques selon lesquels ces usages se forment et se déplacent, explicitement d’abord sous l’espèce de thématiques, puis insidieusement ensuite, comme algorithmes discursifs, jusqu’à disparaître sur le registre de l’implicite, comme conditions de possibilité et comme grammaires de formations discursives. Ce déplacement du regard commande d’étudier comment tel ou tel catégorème – Etat, parti, ou syndicat – s’invente, se formalise et se vulgarise dans des luttes spécifiques dont l’enjeu est l’imposition d’un sens commun défini et reconnu. »

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

114

« algorithmes discursifs » quand ils se mettent à fonctionner comme des pseudo-

opérateurs logiques, indiscutables car indiscutés, le degré de contrainte exercée par ces

« algorithmes » et la capacité à les façonner variant bien sûr en fonction des positions et

des ressources de ceux qui les produisent ou les utilisent.

Cet algorithme reste néanmoins assez souple, comme le montrent déjà les divers

exemples repérés et comme le confirmera l’analyse systématique que nous ferons, dans

le chapitre 4, des éléments textuels qui le composent et qu’on peut combiner dans

différentes configurations : « renforcement des pouvoirs du PE », « citoyenneté

européenne », « élections européennes », /partis européens/, contribuant ensemble à la

« légitimité » de la « démocratie européenne ». Mais cette souplesse cache comme on le

verra des « points de choix » obligés qui organisent la diversité des prises de position

particulières, tout en assurant leur « intercompréhension ».

Ces considérations sur les quelques rares références documentées aux /partis

européens/ dans l’enceinte du PE permettent de montrer principalement deux choses.

D’une part, malgré leur rareté et leur caractère visiblement secondaire, les énoncés

dans lesquels on peut repérer l’une ou l’autre des formulations renvoyant à la notion de

/partis européens/, permettent déjà de dégager la trace d’une formation et

d’ « algorithmes discursifs » dans les prises de position à ce sujet. Nous montrerons par

la suite comment ce matériau symbolique a été mis en forme depuis longtemps dans des

discours savants.

D’autre part, cette section confirme qu’il n’y a jamais eu, au PE comme dans l’arène

des négociations intergouvernementales des CIG, de revendication concrète en faveur

de la reconnaissance de /partis européens/, ni même de débat spécifique sur la question.

Qu’on interprète ce silence comme le signe d’un tabou politique concernant la

codification des partis politiques, ou comme le signe du fait que leur existence (effective

ou attendue) va tellement de soi qu’elle est indiscutable, cela revient finalement au

même : des /partis européens/, on ne discute pas. Et c’est seulement une fois qu’ils ont

été reconnus, par des acteurs différents et pour des raisons qu’il faut à présent mettre en

évidence, qu’on peut tout à coup s’emparer de ces partis-totems entrés dans le discours

officiel et dont on peut (et peut-être même on doit) maintenant parler.

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

115

Dans tous les cas, la référence à des /partis européens/ introduite à Maastricht n’a

jamais été délibérée par l’« Assemblée délibérante » européenne, ce qui semble d’autant

plus surprenant qu’on trouve pourtant, hors de l’enceinte du PE, des mobilisations sur

cette question de certains députés européens, à commencer par le « premier » d’entre

eux, le président Enrique Barón.

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

116

II – Des députés qui jouent à l’extérieur

Si les députés ne parlent pas, ou parlent très peu, des /partis européens/ au sein du

PE, certains parmi eux se révèlent très actifs et mobilisés sur la question pendant les

CIG, mais ils « jouent les partis » sur des terrains politiques toujours extérieurs au PE et

de manière informelle.

C’est le cas notamment du président du PE, Enrique Barón, qui apparaît dans les

sources et dans ses propres témoignages comme un des promoteurs de la question dans

le traité, même s’il se pourrait que son rôle soit en partie exagéré. C’est le cas également

de certains députés socialistes, à commencer par le président du groupe Jean-Pierre Cot,

qui se mobilisent (toujours à l’extérieur) pour les /partis européens/, à la faveur d’un

combat interne spécifique pour la création d’un « Parti socialiste européen ».

Nous analysons précisément ces deux seuls exemples documentés de mobilisations

organisées en faveur de la reconnaissance de /partis européens/ pendant les CIG hors du

Parlement, en montrant à la fois ce qui a été dit (ou pas), et en essayant de rapporter ces

discours aux positions et à la situation de chacun.

II.1 – Le président E. Barón en porte-parole des /partis européens/

Le 12 décembre 1991, lors de la séance que nous venons d’analyser, le député

socialiste espagnol Enrique Barón préside pour la dernière fois les débats du PE89. Il y

assiste au bilan du Sommet de Maastricht par le président Lubbers et le président

Delors, et aux réactions des 57 députés dont celles qui font état de la reconnaissance des

/partis européens/, sans relever lui-même cette question dans aucune des interventions

qu’il fait personnellement en séance. Pourtant, le jour même, E. Barón donne en

conférence de presse sa propre évaluation du Sommet de Maastricht, en mentionnant

explicitement cette reconnaissance des /partis européens/ parmi les avancées de

89 Le mandat d’E. Barón s’achève en effet fin décembre, à mi-législature comme accordé entre le PPE et le PSE. La fin de la séance du 12 décembre et celle du 13 décembre seront ensuite présidées par un vice-président en son absence, et la session plénière suivante, qui commence le 13 janvier 1992, est présidée par le doyen d’âge qui procède à l’élection du nouveau président du PE. Voir JOCE, n°3-413, p. 1.

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

117

Maastricht, qui devraient permettre selon lui de pouvoir réellement commencer à

« jouer le jeu politique communautaire » :

« In a first reaction to the Maastricht Summit before the press, the President of the European Parliament, Enrique Baron, said that his warning to the European Council participants had been « partially heard » He welcomed the approval of a European Union Treaty that is not merely a « Single Act, part two », but that provides provisions on European citizenship, the double investiture of the Commission by the EP, the simultaneous renewal of the Commission and the EP and the recognition of political parties at the European level. Thus, he noted, we shall begin to « be able to play the Community political game ». »90

Il mentionne aussi dans ses déclarations explicitement « son avertissement » (« his

warning ») au Conseil européen, qui selon lui a au moins été entendu sur ces quelques

points-là. Cette dépêche de l’Agence Europe du 12 décembre pose cependant deux

questions sur l’attitude d’E. Barón pendant les CIG à propos de notre sujet. Comment se

fait-il, tout d’abord, qu’il n’ait à aucun moment pris la parole, pendant les débats du PE,

pour défendre cette idée qu’il met ici en avant, y compris lors de la séance de bilan du

12 décembre ? Et quelle a été la teneur réelle, ensuite, de l’« avertissement » lancé par

E. Barón aux chefs de gouvernement ?

Sur le premier point, on pourrait certes penser que ce silence en séance est dû

justement à sa position de président, qui lui imposerait une posture de relative neutralité

vis-à-vis des questions abordées. Il suffit pourtant de se référer aux minutes des débats

du 12 décembre pour constater qu’Enrique Barón, s’il se contente de cette position de

« modérateur » pendant la quasi-totalité de la séance, n’en prend pas moins parfois

position de manière plus tranchée et personnelle.

Ainsi par exemple, dans une intervention supposée rappeler seulement un point de

règlement, Barón en profite en fait pour souligner quelques éléments « de fond » qui lui

paraissent essentiels, ayant d’abord rappelé que le Conseil devait encore procéder

jusqu’en février à l’harmonisation des textes décidés à Maastricht. Il demande, par 90 BQAE, 12 décembre 1991, « European Council Judges Maastricht Outcome With Cautuion [sic] » (traduction : « Dans une première réaction au Sommet de Maastricht devant la presse, le Président du Parlement européen, Enrique Barón, a déclaré que son avertissement aux participants du Conseil européen avait été « partiellement entendu ». Il a accueilli favorablement l’approbation d’un Traité sur l’Union européenne qui n’est pas simplement un « Acte unique, acte deux », mais qui fournit des dispositions sur la citoyenneté européenne, la double investiture de la Commission par le PE, le renouvellement simultané de la Commission et du PE et la reconnaissance des partis politiques au niveau européen. En conséquence, a-t-il noté, nous devrions pouvoir commencer à « être en mesure de jouer le jeu politique communautaire » »).

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

118

exemple, qu’une nouvelle « conférence interinstitutionnelle soit convoquée pour

débattre de cette harmonisation »91. Surtout, il précise que le PE doit à son avis « se

préparer activement aux nouvelles responsabilités qui lui seront conférées », qu’il liste

rapidement. Il cite explicitement alors la « mission de contrôle » du PE et les « six

procédures législatives différentes » auxquelles il est désormais associé, en mentionnant

précisément trois politiques particulières : la politique sociale, la politique économique

et monétaire et la politique extérieure, de sécurité et de défense. Plus proche de notre

objet, il déclare que :

« En vue de préparer la législature prochaine, je suis d'avis que, pour inaugurer un système parlementaire pleinement communautaire, il convient d'étudier à fond l'ensemble de la procédure d'investiture de la Commission, la loi électorale européenne, le statut des parlementaires et la composition définitive du Parlement européen. »92

Il finit enfin, dans ceux qui sont les derniers mots qu’Enrique Barón prononce en

séance en tant que président du PE, par une péroraison sur la démocratie européenne :

« Je terminerai en vous remerciant pour votre coopération et la patience que vous avez témoignée à mon égard, en tant que Président. Si j'ai un jour offensé quelqu'un, je demande d'ores et déjà son pardon et je vous invite tous à poursuivre nos efforts pour l'avènement d'une Europe unie, fondée sur une authentique démocratie. (Applaudissements prolongés). »93

Ce silence en séance devient sonore, si l’on peut dire, quand on le compare par

contraste aux actes et aux discours d’E. Barón en faveur de cette reconnaissance, à

l’extérieur du PE.

II.1.1 – Ce que dit publiquement le président pendant les CIG

S’il est relativement aisé d’avoir accès aux actes officiels et « semi-officiels » du

PE, grâce aux différents documents utilisés dans la section précédente, il est plus

compliqué de chercher à reconstruire les discours et les actes que les députés peuvent

91 Précisant qu’il « suppose que la présidence est habilitée à adresser pareille demande à la présidence du Conseil ». JOCE, annexe n°3-412, p. 300. 92 Ibid., p. 300. 93 JOCE, annexe n°3-412, p. 300.

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

119

réaliser à l’extérieur. C’est néanmoins possible dans une certaine mesure, d’autant

mieux pour E. Barón que le président du PE produit et provoque de nombreux

commentaires médiatisés, notamment par l’Agence Europe94.

Le dépouillement systématique des archives de l’Agence que nous avons réalisé

pour la période des CIG (et des travaux préparatoires) permet ainsi de mettre en

évidence trois interventions concrètes de Barón en faveur des /partis européens/ : son

discours en ouverture du « conclave d’Egmont », le 2 décembre 1991 ; un discours au

Collège de Bruges le 4 décembre 1991 ; et enfin son intervention au début du Conseil

européen de Maastricht le 9 décembre 1991.

Le « conclave d’Egmont » des 2 et 3 décembre, réunissant les ministres des affaires

étrangères, est la dernière réunion officielle des CIG avant le Conseil européen. Le

président du PE est convié, comme lors de toutes les réunions ministérielles des CIG, à

présenter les vues et les positions des parlementaires95. Dans le discours général qu’il

fait sur les demandes du PE en vue Sommet conclusif de Maastricht, il intègre une

référence rapide au « renforcement des partis politiques au niveau européen », en lien

avec la question de l’ « européanisation » des élections « européennes » :

« Judging it indispensable to give to « the electoral campaign a European perspective » (and, therefore, « to strengthen the role of the political parties at Community level »), Mr. Baron also stressed the EP's sympathy for the Danish amendment defending the need for a public proceeding when the Council « debates in the function f their legislative duties » [...]. »96

94 Voir en introduction de la partie les détails et les précautions d’utilisation nécessaires pour les sources de l’Agence Europe. 95 C’est là un usage informel qui a été pris avec l’élection du PE au suffrage universel (et les demandes insistantes des parlementaires de se voir accorder au moins ce « tour de parole » devant les représentants nationaux, qui peuvent ensuite en disposer à leur guise). Si nous n’avons pas traité dans le premier chapitre des discours du président du PE, c’est que ceux-ci ne sont pas répertoriés en tant que tels dans les archives des CIG, et ne sont donc accessibles que par le compte-rendu qu’en donne la presse, et plus particulièrement l’Agence Europe. E. Barón nous a indiqué par ailleurs qu’il avait confié « l’essentiel de [ses] archives de l’époque » à Rogelio Pérez Bustamante, professeur à l’Université Rey Juan Carlos de Madrid, que nous n’avons malheureusement pas réussi à joindre à ce jour. Cette étude pourrait donc être complétée par l’étude des archives personnelles du président du PE. 96 BQAE, 3 décembre 1991, « Debate in « Conclave » Over a New Rehash of Draft Raises Other Perplexities » (traduction : « Jugeant indispensable de donner à « une perspective européenne à la campagne électorale » (et par suite « de renforcer le rôle des partis politiques au niveau communautaire »), M. Barón a aussi souligné la sympathie du PE pour l’amendement danois défendant le besoin d’une procédure publique quand le Conseil « débat dans le cadre de ses fonctions leurs devoirs législatifs » [...] »).

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

120

S’il est significatif que Barón intègre dans son discours l’évocation des /partis

européens/, rien ne permet de dire que cette référence ait été reprise ou discutée au sein

du conclave, dont l’ordre du jour très chargé comportait des points aussi conflictuels

que la question de la cohésion économique et sociale – que le ministre britannique

s’attache à bloquer – ou celle de la « défense commune », opposant les délégations

favorables à cette idée (France, Allemagne, Belgique, Luxembourg, Espagne et Grèce)

et les délégations qui lui sont hostiles (Royaume-Uni, Pays-Bas, Danemark, Portugal)97.

Il n’y a en tout cas pas d’autre trace, à notre connaissance, de cette intervention que sa

mention dans la dépêche de l’Agence Europe.

Le discours au Collège de Bruges, que Barón prononce le 4 décembre 1991, lui

permet de réaffirmer les principales revendications des parlementaires européens, dans

un cadre moins protocolaire et plus « ouvert », si on le compare au huis clos du

conclave. Quelques précédents très remarqués et abondamment commentés, comme par

exemple le discours de Margaret Thatcher du 20 septembre 1988 lors de la 39e rentrée

académique du Collège de Bruges98, permettent de se rendre compte de la résonnance

médiatique que peut atteindre un discours dans cette enceinte symbolique. Ou plutôt

(car l’écho de ce discours particulier est en fait dû aux prises de position radicales du

premier ministre britannique), cet exemple montre que le Collège de Bruges constitue

une enceinte possible – et déjà précédemment utilisée – pour des prises de position

politiques qu’on veut voir relayées largement. Il n’est donc pas étonnant de retrouver

dans le discours du président du PE les revendications essentielles portant sur le

renforcement du PE et sur la citoyenneté européenne, principaux thèmes avancés par les 97 Sur le « conclave d’Egmont » et les autres réunions ministérielles, voir les ouvrages déjà cités : DOUTRIAUX, Yves, Le Traité sur l’Union européenne, Paris, Armand Colin, 1992 ; CORBETT, Richard, The Treaty of Maastricht. From Conception to Ratification : A Comprehensive Reference Guide, Harlow, Longman Current Affairs, 1993. Voir aussi l’édition du journal El País du 5 décembre 1991. 98 Du journal Le Soir au New York Times, du Financial Times au Sydney Morning Herald, entre beaucoup d’autres, le « discours choc » de Margaret Thatcher est largement repris et commenté dans de nombreux quotidiens : « Thatcher : Discours Choc » (Le Soir, 21 septembre) ; « Thatcher on Attack : College of Europe in Bruges » (The Times, 20 septembre) ; « Thatcher on Europe » (The Washington Post, 21 septembre) ; « British Prime Minister Mrs Thatcher Makes a Stand for the Nation State in Europe » (Financial Times, 21 septembre) ; « Rare Speech » (Financial Times, 21 septembre) ; « Thatcher’s View of Europe Draws Attacks From Press, Officials » (Reuters News, 21 septembre) ; « Thatcher Sets Face Against United Europe » (Guardian Unlimited, 21 septembre) ; « A Bruges Mme Thatcher a plaidé pour une Europe des patries et libérale » (Le Monde, 22 septembre) ; « Thatcher Stirs Storm With Anti-EC Comments » (The Globe And Mail, 22 septembre) ; « Thatcher Opposes Borderless Europe » (Houston Chronicle, 22 septembre) ; « Thatcher Digs in Against United States of Europe » (Sydney Morning Herald, 22 septembre) ; « Taking Stand for Europe, Thatcher Says » (The New York Times, 22 septembre) ; « The Economist Defends Mrs Thatcher's Maverick European Vision » (The Economist, 24 septembre) ; « United Europe: Dreamers Awake » (Sydney Morning Herald , 23 septembre).

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

121

parlementaires pendant la CIG, comme on l’a vu dans le premier chapitre avec l’analyse

des « conférences interinstitutionnelles » (CI). Mais Barón réitère en plus dans ce

discours la référence à des /partis européens/ :

« In his comments, Mr. Baron emphasized European citizenship as the « source of all legitimacy » and the role the EP should play to strengthen this legitimacy. « Will we have to make the fourth election for the European Parliament by direct universal suffrage the new crusade for its powers? » [...] he wondered. According to Mr. Baron, this fourth legislature must come into existence « at the conclusion of the first genuine European political debate. » This is why Mr. Baron will propose in Maastricht (« at the request of the Christian-Democrat, Socialist and Liberal chairmen at European level », he said) the recognition of the role of the federations of parties of the Community in the annexes to the Treaty. Voters « will finally be able to decide in terms of European choices ». »99

Cet extrait est intéressant d’abord parce qu’on y retrouve réunis de nouveau tous les

éléments de la formation discursive dégagée précédemment dans l’espace des discours

parlementaires : citoyenneté européenne, légitimité, rôle du PE, élections européennes,

/partis européens/. Mais l’essentiel ici est à la fois qu’il annonce clairement son

intention de demander à Maastricht la reconnaissance du rôle de ces « federations of

partis of the Community », et qu’il précise que cette action est entreprise « à la

demande » des trois présidents partisans, dont on a vu qu’ils avaient en effet envoyé

leur lettre du 1er juillet 1991 aux présidents des trois institutions communautaires.

E. Barón semble donc bien s’être investi, avant Maastricht, dans la « publicisation »

de cette revendication des trois présidents partisans, qu’il adopte et dont il se fait le

porte-parole à Maastricht, comme le confirme la dernière dépêche repérée de l’Agence

Europe, qui rapporte, au deuxième jour du Sommet de Maastricht, le discours

d’ouverture de Barón qui reprend cette demande :

« Mr. Baron pointed out that the chairman of the European Federations of the Socialist, Christian-Democrat and Liberal Parties have called for the

99 BQAE, 5 décembre 1991, « Mr. Baron Announces Proposal on Recognition of Federations of European Parties » (traduction : « Dans ses commentaires, M. Baron a mis l’accent sur la citoyenneté européenne comme « source de toute légitimité », et sur le rôle que devrait jouer le PE pour renforcer cette légitimité. « Devrons-nous faire de la quatrième élection du PE au suffrage universel direct une nouvelle croisade pour ses pouvoirs ? », [...] a-t-il demandé. Selon M. Baron cette quatrième législature doit naître « à la fin du premier débat authentiquement européen ». C’est pourquoi M. Baron entend proposer à Maastricht (« à la demande des présidents chrétien-démocrate, socialiste et libéral au niveau européen », dit-il), la reconnaissance du rôle des fédérations de partis de la Communauté dans les annexes du traité. Les électeurs « seront enfin en mesure de décider en termes européens. » »

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

122

« recognition of political parties and their democratic role in the treaties », said Mr. Baron. »100

Néanmoins, cet investissement personnel d’E. Barón et ce rôle assumé de porte-

parole des « European federations » (un label de plus encore) apparaissent comme

relativement limités, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, ses initiatives en vue de

médiatiser cette notion n’apparaissent que très tardivement. Ses trois (uniques) discours

publics contenant une référence à la reconnaissance des /partis européens/ ont lieu dans

la dernière semaine avant le Sommet de Maastricht, entre le 2 et le 9 décembre 1991,

alors même qu’il est un des destinataires de la lettre des trois présidents partisans qui

l’informent de cette revendication au moins au 1er juillet.

Deuxièmement, l’importance de ces discours qui portent la trace, dans leur contenu,

de la formation discursive déjà mise en évidence, doit néanmoins être nuancée. D’une

part, parce que la « couverture médiatique » effective qui en est donnée est très faible

sur le moment, puisqu’on n’en trouve mention que dans les archives de l’Agence

Europe101. A titre d’exemple, le journal espagnol El País, qu’on pourrait supposer plus

enclin que d’autres à rendre compte d’une intervention du président espagnol du PE,

n’en fait aucune mention, alors même qu’il consacre un dossier de plusieurs pages à la

préparation du Conseil européen de Maastricht dans son édition du 5 décembre. Bien

plus, dans l’édition du lendemain, le 6 décembre 1991, on trouve une tribune d’Enrique

Barón lui-même, intitulée « Pour une Communauté cohésive »102 centrée sur la question

des fonds de cohésion communautaires. Dans cette tribune, Enrique Barón cite la

question de la citoyenneté, mais sans mentionner cette fois-ci précisément les /partis

européens/. De même, alors que le Collège de Bruges conserve sur son site Internet le

texte intégral de 87 discours prononcés en son sein par des « personnalités

100 BQAE, 10.12.91, « Maastricht - President Baron Proposes Extending Mechanism for Budgetary Decisions to the Legislative Field » (traduction : « M. Baron a souligné que les présidents des fédérations européennes des partis socialistes, chrétiens-démocrates libéraux ont appelé à la « reconnaissance des partis politiques et de leur rôle démocratique dans les traités », a dit M. Baron »). 101 Qui a la particularité d’être quasi exhaustive sur les dits et actes des institutions communautaires, comme on l’a vu. Par contraste, les 14 journaux étudiés (voir en introduction de cette partie la présentation de nos sources), notamment durant les deux semaines qui précèdent le Sommet de Maastricht, ne mentionnent à aucun moment le discours de E. Barón. 102 BARÓN, Enrique, « Por una Comunidad cohesionada », El País, 6 décembre 1991, p. 11 (rubrique « Opinión »).

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

123

européennes » depuis le 15 octobre 1973 (dont, par exemple, ceux de deux autres

présidents du PE, Simone Veil et Klaus Hänsch), celui de Barón n’y figure pas103.

D’autre part parce que l’importance et l’efficacité même de ces discours n’est pas

évidente, contrairement à ce que semble penser E. Barón lui-même.

II.1.2 – Ce qu’il dit avoir dit et ce qu’il ne dit pas

S’il n’est évidemment pas anodin et négligeable que le président du PE ait

mentionné à deux reprises, en ouverture de deux réunions officielles de la CIG (le

conclave d’Egmont et le Sommet de Maastricht lui-même), la revendication de la

reconnaissance des /partis européens/, il faut prendre garde à exagérer la portée et

l’efficacité propres à ces discours, comme il semble avoir tendance à le faire lui-même a

posteriori, dans la mise en récit de ses propres actions.

Par exemple, il qualifie d’évènement « historique » son discours à Maastricht, dans

une interview donnée en 2009 au « Cercle des Européens » :

« Je peux dire que j’ai fini la négociation de la codécision sur la ligne du pouvoir budgétaire partagé, la citoyenneté et les partis, je l’ai finie un peu au téléphone avec le président du conseil, le premier ministre hollandais Lubbers. J’ai fini la négociation le soir avant le conseil de Maastricht. Qui était un jour très émouvant ! On a obtenu pleinement satisfaction. Vous savez, à chaque jour suffit sa peine. Moi je crois qu’on a fait un bond très important. Ce qui est intéressant, c'est que depuis ce moment là…Je me rappelle du, du, du…j’ai fait un discours à Maastricht, enfin c'était à huis clos ! mais je crois que je peux dire que, que lorsque j’ai fini mon intervention, j’ai été applaudi par la plu…par, euh… par je dirais la majorité des membres du Conseil européen. Je crois que ça c’est…c’est une, euh, c’est…ça a été un évènement historique. »104

103 Voir le site du Collège d’Europe : http://www.coleurope.eu/template.asp?pagename=speeches (consulté le 25 juillet 2011). La plupart des 87 discours conservés sont les traditionnels discours d’ouverture de l’année académique, catégorie dans laquelle n’entre pas celui de Barón. Mais d’autres discours, y compris ceux de Klaus Hänsch, président du PE, le 4 octobre 1995, ne sont pas non plus des « discours de rentrée » officiels. 104 Interview filmée, donnée en français au « Cercle des Européens », le 10 février 2009 (section « 1990-1992 : La négociation du Traité de Maastricht, une réforme fondatrice », repère : 4min 18s). Disponible sur : http://www.ceuropeens.org/Enrique-Baron-Crespo,448.html.

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

124

On peut comparer cette « lecture » enthousiaste que Barón fait de l’accueil donné

par les chefs de gouvernement à son discours, à celle de deux autres acteurs directs du

Conseil européen, John Major, d’une part, et Wilfried Martens, de l’autre. Voici

comment Major décrit, dans ses mémoires, l’ouverture du même Conseil européen et

l’intervention liminaire du président du PE :

« The conference began at the Provincienhuis in Maastricht on 9 December, with a brief speech from the President of the European Parliament. This was a traditional address to summits and, as was so often the case, it was listened to with only sufficient interest to avoid bad manners. Ruud Lubbers coaxed a few perfunctory questions from the taciturn heads of government before the President departed. The heads visibly perked up; battle was about to begin. »105

Cette mise en récit par un acteur qui s’opposait, sur de nombreux sujets, aux

positions défendues alors par Enrique Barón, doit évidemment être prise avec

précaution. Elle indique néanmoins que tout le monde n’a pas forcément perçu, ou

voulu percevoir en tout cas, de dimension particulièrement marquante à ce discours.

De même, à la question que nous lui avons posée en entretien de savoir quand et

comment a été introduite la référence aux /partis européens/ à Maastricht, et si Enrique

Barón y a joué un rôle, Wilfried Martens répond pour sa part :

« C'était le premier point à l’ordre du jour du fameux sommet de Maastricht ; Crespo était président du Parlement ? Ce n’est pas exclu et vous pouvez le vérifier que dans son…. Le premier point était en fait l’introduction du président du PE, et puis il disparaît. Donc peut-être que vous retrouverez dans son discours le fait qu’il a mentionné la nécessité de les reconnaître.»106

Le président du PE de l’époque et son discours ne semblent pas avoir

particulièrement marqué les « taciturnes »107 membres du Conseil européen, à tel point

105 MAJOR, John, The Autobiography, Londres, Harper Collins Publishers, 1999, p. 278. (traduction : « La conférence commença au Provincienhuis de Maastricht, le 9 décembre 1991, par un bref discours du Président du Parlement européen. C’était un exposé traditionnel des Sommets et, comme c’était si souvent le cas, on ne l’écouta qu’avec un intérêt simplement suffisant à ne pas paraître impoli. Ruud Lubbers extirpa quelques questions superficielles des taciturnes chefs de gouvernement avant que le président du PE ne sorte. Alors les têtes se redressèrent ostensiblement ; le combat était sur le point de commencer »). 106 Entretien avec Wilfried Martens, Bruxelles, siège du PPE, 15 mars 2010. 107 Adjectif qui revient souvent pour qualifier les représentants nationaux dans la bouche des députés européens eux-mêmes, comme le montre cette remarque agacée du député belge démocrate-chrétien Fernand Herman, rapportée dans le compte-rendu d’une des réunions de la « conférence interinstitutionnelle » : « M. HERMAN, membre du Parlement européen, constate tout d'abord qu'il n'est pas facile de prendre la parole en présence de représentants nationaux taciturnes [...] » (Troisième

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

125

que Martens doute même de son identité précise108. Là encore, la remarque doit être

nuancée par le fait que, comme on commence à le voir et comme on y reviendra,

Martens se trouve en quelque sorte en concurrence politique et personnelle directe avec

Barón pour la « paternité » de l’initiative visant à introduire des /partis européens/ dans

le traité.

Barón semble « réécrire » a posteriori également certaines initiatives parlementaires

des CIG dans le « sens de l’histoire » (de la reconnaissance des /partis européens/).

E. Barón revendique ainsi l’introduction de la reconnaissance des /partis européens/

dans la « short list » établie par la délégation du PE pendant les réunions de la

« conférence interinstitutionnelle » :

« Pour nous il y avait quelques questions essentielles, l’une c'était la citoyenneté. Et on a proposé…moi, j’ai proposé au nom du Parlement, la création d’une conférence interinstitutionnelle préparatoire qui était une plateforme où pour la première fois nous nous sommes assis ensemble, 12 députés et les 12 ministres [...] Et je dirais que ça a été très très très fructueux. Aussi on a fait les assises à Rome avec les parlements nationaux qui ont joué un rôle très actif. Et on a fait ce qu’on a appelé une « short list », une liste courte, qu’on a réussi à inclure au traité de Maastricht. [...] C'était une liste courte, il y avait pas beaucoup de demandes, mais des questions comme la codécision qui a transformé profondément la structure démocratique de l’Union ; l’association de l’élection de la commission, de la nomination de la commission, au résultat des élections ; la citoyenneté européenne et la reconnaissance des partis politiques européens. [...] »109

Or, l’analyse des comptes-rendus de ces quatre rencontres ne fournit aucune trace de

l’inclusion de cette dernière question dans la « short list », que l’on possède

effectivement et que Barón a en effet formalisée lors de la réunion de la « conférence

interinstitutionnelle » du 1er octobre110. Il s’agit d’une liste des « questions

prioritaires pour le Parlement européen » qui contient quatre exigences exprimées, mais

aucune mention des /partis européens/ (ni de la citoyenneté européenne évoquée ci-

dessus) :

« Conférence interinstitutionnelle » sur l’Union politique, 1er octobre 1991 (Bruxelles) : cf. PE 153.105, p. 3). 108 A titre anecdotique, on peut aussi signaler qu’il ne mentionne à aucun moment de rencontre ou de séance de travail avec Barón pour discuter de la proposition, contrairement à ce qu’on va voir de la part de Barón. 109 Interview filmée déjà citée, donnée au « Cercle des Européens », le 10 février 2009. 110 Voir document d’archive en annexe.

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

126

« Les questions prioritaires pour le Parlement européen sont les suivantes : - l’unicité du traité dans la perspective fédérale111 et dans le respect de l’acquis communautaire ; - un véritable équilibre institutionnel qui suppose :

- l’investiture de la Commission par le Parlement, les deux institutions ayant un mandat simultané ; - la codécision sur les domaines communautaires [...] ; un certain nombre de domaines doivent être communautaires : fiscalité, environnement, social, recherche, et sur lesquels il faut statuer à la majorité qualifiée ; - le Parlement doit disposer d’un droit de ratifier les modifications des traités (article 236). »112

En définitive, Barón semble donc avoir « réécrit » après coup cette short list, en

écartant les revendications parlementaires non approuvées à Maastricht et en y ajoutant

la reconnaissance des /partis européens/ qui, si elle a bien été évoquée par Barón lui-

même dans les trois discours mentionnés, n’a jamais fait partie d’une liste « officielle »

de revendications du PE113. En ajustant au plus près, et a posteriori, ses attentes

affichées aux possibilités effectivement réalisées, Barón se place de fait, mais

artificiellement, en position de déclarer que le PE « a obtenu pleinement satisfaction à

Maastricht » comme il le fait dans l’interview du 10 février 2009114.

Enfin, concernant la formulation et la codification de la revendication au moment du

Sommet de Maastricht, E. Barón souligne son propre rôle, mais son importance réelle

est difficile à déterminer, étant donné qu’on ne dispose que de son propre témoignage

111 Ce qui est une prise de position nette contre la structure « en piliers » proposée par la présidence luxembourgeoise, sur laquelle la présidence néerlandaise a tenté de revenir par son texte de septembre, durement rejeté comme nous l’avons vu, par la quasi-totalité des délégations nationales (voir les remarques sur le « lundi noir » de la diplomatie néerlandaise dans le chapitre 1). 112 Troisième « Conférence interinstitutionnelle » sur l’Union politique, 1er octobre 1991 (Bruxelles) : cf. PE 153.105, p. 4-5. 113 On peut citer un article de Barón dans le mensuel fédéraliste Crocodile, qui confirme cette absence. Dans cet article paru en novembre 1991, il énonce les « priorités » et les « préoccupations essentielles » pour le Parlement européen, qui reprennent très exactement la « short list » du 1er octobre : une « structure unitaire et cohérente » pour le nouveau traité ; la « légitimité démocratique », avec « au centre de celle-ci, la co-décision » ; l’ « avis conforme sur l’article relatif à la citoyenneté, aux ressources propres de la Communauté, et surtout aux modifications du Traité » ; l’ « investiture » de la Commission par le PE et la « simultanéité des mandats », ainsi que le refus de tout « « Congrès » ou « Conférence » de la Communauté » (BARÓN CRESPO, Enrique, « Maastricht : créer l’irréversible », Crocodile, novembre 1991, p. 3-5, disponible sur le site www.ena.lu). A aucun moment Barón n’évoque, directement ou indirectement, la question de la reconnaissance de /partis européens/ dans cet article, pourtant signé en son nom, semblant réserver cette référence particulière à ses discours oraux. 114 Alors qu’il ne concédait qu’un avertissement « partially heard » lors de sa conférence de presse du 12 décembre rapportée par l’Agence Europe, comme on a vu plus haut.

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

127

sur la question. Ainsi, par exemple, dans un ouvrage autobiographique publié en 1994,

Enrique Barón revient sur cet épisode à deux reprises :

« Certaines question importantes, comme la reconnaissance des partis politiques européens, furent traitées au dernier moment, par entretiens téléphoniques, avec le Président du Conseil, le Premier ministre Lubbers [...] » « De plus, il faut mettre en exergue le fait que, pour la première fois, apparaissent dans le TUE les personnes, les acteurs qui doivent s’occuper et se servir des institutions pour que celles-ci ne soient pas un simple décor ou un projet architectural. En vertu du Traité, le rôle des partis politiques est reconnu à l’échelle européenne, lesquels « constituent un facteur d’intégration, etc. » Grâce au travail que je réalisai conjointement avec les dirigeants belges des trois familles – Wilfried Martens pour les chrétiens-démocrates, Guy Spitaels pour les socialistes et Willy Declercq pour les libéraux – grâce à l’appui décisif du Président Lubbers, l’article mentionné ci-dessus fut inclus, au dernier moment, dans le Traité. » 115

On peut rapprocher ces deux passages d’un extrait postérieur, qui se trouve dans la

thèse de doctorat (en droit public) qu’Enrique Barón Crespo soutient « sur le tard » (en

2005) et qui porte sur la Constitutionnalisation du pouvoir législatif dans l’Union

européenne :

« Jusqu’à présent, malgré la reconnaissance dans le Traité de Maastricht de leur rôle en tant que « facteur important de l’intégration dans l’Union » dans la mesure où ils « contribuent à la formation de la conscience politique des citoyens de l’Union », proposition que je négociai en tant que Président du PE, au nom des trois familles politiques (démocrates-chrétiens, socialistes et libéraux) avec le Président du Conseil des ministres, le hollandais Lubbers, il manquait la base juridique, fondement indispensable pour passer de la déclaration à la décision. »116

Barón ne s’attribue pas de manière exclusive la mesure, comme on le voit. Mais la

place qu’il occupe dans sa « mise en récit » de l’évènement n’en est pas moins centrale

et repose sur sa position de président du PE, qui le situe sur le même plan que celle du

115 BARÓN CRESPO, Enrique, Europe, à l’aube du millénaire, Paris, Kimé, 1998, p. 103 et p. 111 (Europa en el alba del milenio, Madrid, Acento, 1994). 116 BARÓN CRESPO, Enrique, Constitucionalización del poder legislativo en la unión europea, Thèse de doctorat inédite (envoyée par l’auteur), Faculté de droit, Universidad Complutense de Madrid, soutenue le 5 décembre 2005 : « Hasta ahora, a pesar del reconocimiento en el Tratado de Maastricht de su papel como « importante factor para la integración en la Unión » ya que « contribuyen a la formación de la conciencia política de los ciudadanos de la Unión », propuesta que pacté como Presidente del PE en nombre de las tres familias políticas tradicionales (democratacristianos, socialistas y liberales) con el Presidente del CM, el holandés Lubbers, faltaba la base jurídica, zócalo indispensable para pasar de la declaración a la decisión. » (p. 209).

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

128

président de l’« institution concurrente » qu’est le Conseil (européen), Ruud Lubbers. Si

les trois présidents des « familles » politiques principales sont mentionnés, la décision,

qui est prise « au dernier moment », dépend dans son discours, finalement, surtout de

l’entente entre les deux présidents reconnus institutionnellement, celui du PE et celui du

Conseil.

On peut se référer, en complément de ces écrits autobiographiques, aux réponses au

questionnaire particulier que nous lui avons fait parvenir dans le cours de nos

recherches :

« 5. Qui, et à quel moment, a formulé en détail la mention aux « partis politiques européens » qui deviendrait par la suite l’article 138a ? Réponse : Elle se trouvait dans l’écrit conjoint des Présidents des trois familles politiques européennes, démocrates-chrétiens, sociaux-démocrates et libéraux, qui envoyèrent une lettre sur la base d’un brouillon préparé par leurs secrétariats avec le mien. L’accord fut conclu lors d’un repas à mon domicile, à Bruxelles. [...] 8. Quel fut le rôle respectif du PPE et du PSE dans cette réussite ? [...] Réponse : Ce fut un accord conjoint des trois familles politiques dans la lignée des propositions avancées par la délégation du PE lors des Conférences interinstitutionnelles préparatoires que j’avais créées comme moyen de contact avec le Conseil et les CIG. Il existe des comptes-rendus de ces réunions qui durèrent deux ans. »117

D’après tous ces témoignages d’E. Barón, l’introduction de l’article 138a apparaît

donc comme une « action conjointe » qui engage au moins : les présidents des trois

organisations partisanes concrètes actives à l’époque au niveau européen (Wilfried

Martens pour le PPE, Guy Spitaels pour l’UPSCE et Willy De Clercq pour les

libéraux) ; les membres de leurs secrétariats ; le président en exercice du Conseil

européen Ruud Lubbers ; les membres de la délégation du PE aux conférences

117 Questionnaire écrit du 3 mars 2010, en espagnol : « 5. ¿Quién y en qué momento formuló en detalle la mención de los “partidos políticos europeos” que se convertiría luego en el artículo 138a? Enrique Barón : Constaba en el escrito conjunto de los Presidentes de las tres familias políticas europeas, democristianos, socialdemócratas y liberales, que enviaron una carta sobre la base de un borrador preparado por sus secretarías con la mía. El acuerdo se selló en un almuerzo en mi domicilio de Bruselas. [...] 8. ¿Cuál fueron los papeles respectivos del PPE y del PSE en este logro? [...] Enrique Barón : Fue un acuerdo conjunto de las tres familias políticas en la línea de las propuestas planteadas por la delegación del PE a las Conferencias Interinstitucionales preparatorias que creé como medio de interlocución con el Consejo y la CIG. Existen actas de estas reuniones que se extendieron durante dos años. »

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

129

interinstitutionnelles tenues pendant la CIG ; et enfin, lui-même, président du PE, et les

membres de son secrétariat.

On vient pourtant de voir que les conférences interinstitutionnelles préparatoires

mentionnées ici encore par E. Barón n’ont pas fait de la reconnaissance des /partis

européens/ une revendication officielle. Quant aux réunions de travail entre E. Barón et

les trois présidents partisans, il a été impossible de confirmer le témoignage du

président du PE par celui des autres acteurs impliqués118 : Wilfried Martens en tout cas

ne s’en souvient apparemment pas, ou n’a pas voulu les mentionner lorsque nous

l’avons interrogé en entretien sur le rôle d’E. Barón119.

Il semble probable que E. Barón ait de toute manière discuté de la question avec au

moins Ruud Lubbers, président du Conseil en exercice, vraisemblablement début

décembre quand il reprend lui-même l’idée dans les médias. Peut-être que des réunions

ont eu lieu auparavant avec les trois présidents partisans mais, quoi qu’il en soit, le

président du PE n’a ni fait état de ses réunions publiquement (avant le 2 décembre), ni

surtout tenté d’utiliser les ressources institutionnelles à sa disposition pour faire inscrire,

par exemple, cette revendication dans une résolution du PE ou encore dans la « short

list » des conférences interinstitutionnelles. Que peut-on tirer comme conclusions de ce

« timing » particulier et de cette manière de faire ?

II.1.3 – Ce que cela nous dit de ce qu’il dit

L’exemple des mobilisations du président du PE sur notre sujet montre que celles-ci

sont doublement « décalées » (ou doublement sélectives) : à la fois temporellement,

puisqu’il ne commence à parler publiquement des /partis européens/ que le 2 décembre

contrairement aux présidents partisans que nous étudierons dans le prochain chapitre ;

mais aussi spatialement, puisqu’il n’en parle qu’à l’extérieur du PE et malgré les

diverses ressources à sa disposition se contente de discours informels pour tenter de les

118 Des trois présidents partisans de l’époque, nous n’avons en effet pu interroger que W. Martens, malgré des demandes auprès de Willy de Clerc et Guy Spitaels avant leur décès (respectivement en octobre 2011 et en août 2012). 119 Voir l’extrait présenté plus haut : à la mention d’E. Barón, W. Martens souligne seulement qu’il ne se souvient pas si c’était bien lui qui était à l’époque président du PE, pour enchaîner ensuite sur l’action des membres du PPE que nous commenterons dans le chapitre suivant.

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

130

promouvoir. Pour terminer l’analyse de cet exemple, nous voudrions tenter de

comprendre, par quelques hypothèses, ce qui a pu le pousser à agir ainsi. Cela peut nous

aider plus largement à mieux comprendre les enjeux particuliers de la codification des

/partis européens/ pour les acteurs de l’époque.

Il faut d’abord se demander pourquoi, tout simplement, E. Barón a repris à son

compte, pour s’en faire le porte-parole au moins informel, la revendication des

présidents partisans sur cette question. Cela peut tenir principalement à deux séries de

raisons, qui tiennent à ses positions passées et présentes.

Tout d’abord, E. Barón a lui-même occupé des responsabilités « en vue » au sein de

sa propre organisation européenne de partis ainsi qu’au sein des mouvements

fédéralistes européens. Il est ainsi chargé, au sein de l’UPSCE, de diriger à partir

d’octobre 1987 la « Commission Manifeste », comité interne qui doit élaborer la plate-

forme électorale commune des partis socialistes et sociaux-démocrates en vue des

élections européennes de juin 1989. L’arrivée de Guy Spitaels à la tête de l’UPSCE120 le

10 janvier 1989 permet d’ailleurs de souligner que E. Barón et lui ont déjà travaillé

ensemble au sein de l’UPSCE avant l’« épisode » de la revendication au sujet des /partis

européens/. Par ailleurs, il est en même temps président du Mouvement européen

international (MEI) de 1987 à 1989, ce qui le place dans une position « transpartisane »

(le Mouvement européen rassemble justement des organisations politiques de tous

bords)121 et doublement « européenne », puisqu’à la fois il représente un mouvement

fédéraliste transpartisan, et qu’il s’occupe, au sein de sa propre formation, de la

préparation du manifeste pour les prochaines élections au PE.

E. Barón est donc bien placé pour reprendre une proposition faite par les trois

principales organisations européennes de partis, visant à faire inscrire les /partis

européens/ dans le traité en négociation, alors que lui-même est devenu entretemps

président du PE, position dans laquelle il doit afficher en permanence une capacité à 120 En remplacement de Vitor Constâncio, ancien leader démissionnaire en octobre 1988, du Partido socialista portugais, qui préside l’UPSCE depuis 1987. 121 Mais justement pas l’UPSCE qui ne compte pas parmi les organisations membres du MEI en 1991, ce qui apparaît problématique pour ses responsables, comme le montre la correspondance échangée en 1994 entre Gian Piero Orsello (secrétaire général du MEI ayant succédé en 1993 à Bob Molenaar) et les dirigeants du PSE (Willy Claes, alors président du PSE, et le secrétaire général Axel Hanisch). Orsello, arguant notamment de la présence déjà importante de membres socialistes individuels au MEI, les presse en effet de faire adhérer le PSE en tant qu’organisation, afin de renforcer la représentativité du MEI (AHUE, fonds du Groupe socialiste au PE, GSPE-000159).

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

131

concilier les différentes familles politiques122, considérant lui-même que « polarisation

is bad, either on the left or right »123 et que « le président doit donc très souvent jouer

un rôle de « pater familias » pas très confortable »124. Cette exigence pratique est

d’autant plus forte qu’il n’est élu président du PE qu’au terme d’une entreprise de

conquête politique qui s’étale sur plus de trois ans, de janvier 1986 à juillet 1989, et

nécessite que les principales forces politiques du PE puissent se mettre d’accord sur son

nom125.

E. Barón est donc à la fois dans une position – celle de président du PE – qui

démontre ses capacités et le contraint en même temps à la conciliation entre « familles

politiques », tout en ayant l’expérience pratique des organisations européennes de partis

et des mouvements fédéralistes européens. S’il n’est vraisemblablement pas à

l’initiative de la revendication de faire inscrire les /partis européens/ dans le traité en

négociation en 1991, on s’explique mieux qu’il en soit un porte-parole actif. Mais

pourquoi intervient-il alors si tard dans le processus ?

122 Qui semble être une disposition ancienne de Barón, dont l’activité syndicale et politique (à la faveur des mobilisations anti-franquistes des années 1960 et 1970) a souvent été menée en milieu « multi-partisan », voire « multiconfessionnel » : il est ainsi dans les années 60 à la fois militant de la FUDE d’inspiration communiste, puis du syndicat USO d’inspiration chrétienne, puis leader socialiste tout en étant membre du comité de rédaction de Cuadernos para el diálogo (« Cahiers pour le dialogue »), revue politique d’opposition au franquisme fondée en 1963 par Joaquín Ruiz-Giménez Cortés, ex-ministre franquiste de l’éducation de 1951 à 1956, ex-ambassadeur au Vatican (1948-51) et ancien président de l’organisation étudiante « Pax Romana » (1939-1946), intellectuel phalangiste passé au cours des années 50 dans l’opposition démocrate-chrétienne. A titre d’exemple, sa publication de 1971, La civilización del automóvil, constitue le n°18 de la collection de suppléments de Cuadernos para el diólogo. 123 Financial Times, 26 juillet 1989, « Spanish Socialist Elected President of the European Parliament ». 124 Le Soir, 14 janvier 1992, « Un « pater familias », porte-parole des états d’âme des siens ». 125 Député depuis janvier 1986, d’abord nommé quand l’Espagne adhère formellement aux Communautés européennes, puis élu en juin 1987 lors des premières élections européennes espagnoles, E. Barón est le chef de la délégation espagnole du groupe socialiste et il se lance dès son arrivée au PE dans la campagne pour l’élection du président du PE qui doit être renouvelé en janvier 1987. Alors que le conservateur britannique Lord Henry Plumb (président du groupe DE) est donné largement favori pendant l’année 1986, du fait notamment de l’accord entre son groupe et le groupe PPE, la campagne de Barón – soutenue par le groupe socialiste, majoritaire au PE, dans lequel la délégation espagnole est elle-même majoritaire – ainsi que par les réticences de certains députés, notamment du groupe libéral devant l’élection d’un membre du parti de Margaret Thatcher, le place en position de contester efficacement l’élection de Plumb. Il faut ainsi trois tours de scrutins, le 19 janvier 1987, et le vote blanc ou nul de 16 députés, pour permettre l’élection de Henry Plumb, par 5 voix d’avance. Barón est néanmoins élu vice-président, occupant dès lors une position déjà prestigieuse au sein du PE, et sera élu président sans problème en juillet 1989 dans la mesure où le groupe socialiste et le groupe démocrate-chrétien se sont accordés au préalable. Voir notamment : Reuters, 12 juillet 1989, « Spanish Socialist Emerges as Likely Europarliament President » ; Reuters, 20 juillet 1989, « Giscard not Standing for President of European Parliament » ; The Independent, 24 juillet 1989, « Strasbourg to Elect New Man for Plumb’s Job » ; Financial Times, 26 juillet 1989, « Spanish Socialist Elected President of the European Parliament »

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

132

Cette particularité peut sans doute être expliquée par la seconde série de raisons

évoquée qui tient à la situation dans laquelle il se trouve au moment où il reprend cette

idée. Enrique Barón est certes le président du PE pendant les CIG, mais il s’agit d’un

président « sur le départ », notamment au moment de Maastricht puisqu’il est sur le

point de laisser sa place. Elu au début de la troisième législature, le 25 juillet 1989126,

grâce à un accord informel entre les deux principaux groupes politiques de l’assemblée

(le groupe socialiste et le groupe PPE), il est prévu qu’il laisse sa place à un candidat du

groupe PPE à mi-législature, au début de la session de janvier 1992.

En décembre 1991, c’est donc l’heure du bilan pour sa présidence. On peut

appliquer à la présidence « tournante » du PE (le partage du temps de mandature entre

les deux grands groupes du PE, toujours en vigueur aujourd'hui), la réflexion que nous a

faite en entretien un administrateur du Conseil127, au sujet de la présidence tournante du

Conseil : « C’est un mécanisme pervers, chaque présidence veut son tableau de chasse.

Il faut montrer des résultats ». Le mandat de 2 ans et demi du président du PE est certes

bien plus long que les 6 mois de présidence du Conseil, à l’époque, mais il implique

comme tout mandat, qu’on puisse rendre des comptes et faire le bilan de l’action menée.

En ce sens, tout résultat peut être utile pour garnir un peu plus le « tableau de chasse », à

condition qu’on soit sûr de ce résultat, ce qui est le cas à partir de décembre 1991. En

effet, une fois les principaux membres du Conseil européen d’accord entre eux sur cette

question (les chefs de gouvernement du PPE sont majoritaires au Conseil européen et

préparent à l’avance les revendications prioritaires pour eux, dont celle sur les /partis

européens/ comme on va le voir dans le chapitre suivant), il devient sans risque de

rajouter, au dernier moment, un élément de plus à sa « short list » d’exigences. Comme

ce dernier est par ailleurs un des rares à être adopté finalement lors du Sommet de

Maastricht, il peut être d’autant plus important, après coup, de valoriser cette mesure, ce

totem, et de tenter de s’en faire l’un des « pères ».

126 Par 301 voix sur 475 exprimées au 1er tour de scrutin. Voir PE, « Note de synthèse – Election du Président du PE », mise à jour le 11.01.2002 : http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+PRESS+BI-20020111-1+0+DOC+XML+V0//FR&language=FR#SECTION1. 127 Qui souhaite garder l’anonymat.

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

133

Enrique Barón a donc effectivement participé personnellement à la mobilisation de

la notion de /partis européens/ dans l’espace des discours juste avant le Sommet de

Maastricht, mais toujours de manière informelle et sans jamais avoir cherché à faire de

cette question une revendication officielle du PE dans les arènes institutionnelles. Le

retard avec lequel il reprend la revendication exprimée dès le 1er juillet 1991 et la

manière dont il en parle permettent de le penser.

Il reste néanmoins étrange qu’il n’ait pas utilisé les ressources dont il disposait en

tant que président du PE, pour « importer » la notion dans l’arène parlementaire. Il

semble qu’il n’ait pas pu le faire pour des raisons qui deviennent plus claires si l’on

s’attache à étudier le groupe de députés qui, en parallèle d’E. Barón, se mobilisent

autour de la notion de /partis européens/ en dehors du PE également, et qui sont eux

aussi socialistes.

II.2 – Des députés socialistes divisés : mobilisations et résistances autour de la création d’un « Parti socialiste européen »

Les mobilisations en faveur des /partis européens/ durant la période ne concernent

pas seulement cette idée mise au pluriel : on trouve aussi des initiatives spécifiques à

certaines « familles » politiques visant à l’affirmation d’un /parti européen/ au singulier,

en l’occurrence le « parti socialiste européen ». L’intérêt de ces débats internes aux

socialistes réside dans le fait qu’ils se déroulent en grande partie durant la période des

CIG, et dans le fait qu’ils s’articulent à la promotion plus générale des /partis européens/

au pluriel.

II.2.1 – L’engagement des députés socialistes du PE pour un /parti européen/

au singulier

Le chapitre a montré que les députés socialistes semblaient tendanciellement, et

malgré la rareté des occurrences constatées, plus mobilisés que les autres sur la question

des /partis européens/ : quatre députés qui mentionnent en séance plénière les /partis

européens/ sont socialistes, ainsi que le président du PE à l’époque, E. Barón. Mais

plutôt que de postuler hâtivement une correspondance « idéologique » entre

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

134

mobilisations et appartenance politique128, il est intéressant de se pencher plus en détail

sur la situation et les enjeux politiques particuliers de la période pour ce groupe.

Un élément qui pourrait expliquer cette apparente surreprésentation des socialistes

peut tenir à l’histoire des relations entre le groupe socialiste au PE, les partis nationaux

et l’UPSCE. En effet, certains députés européens du groupe, dont notamment leur

président Jean-Pierre Cot, militent au moins depuis le début de l’année 1990 pour que

l’UPSCE (« Union des partis socialistes des Communautés européennes ») change de

nom et devienne le « Parti socialiste européen » (PSE). Cette proposition a déjà été

débattue et rejetée une première fois, lors du 17e Congrès de l’UPSCE, les 8 et 9 février

1990 à Berlin129. Elle sera finalement adoptée au Congrès suivant, tenu à la Haye les 9

et 10 décembre 1992. Mais il aura fallu presque trois ans et des débats tendus au sein

des structures communes130 pour faire accepter ce changement de nom131.

Les mentions faites par certains députés socialistes en faveur d’un Parti socialiste

européen peuvent être documentées à la fois par les sources journalistiques, mais aussi

grâce au fonds spécifique du groupe socialiste au PE, déposé dans les archives

historiques de l’Union européenne132.

128 Comme le fait, dans l’autre sens, Karl Magnus Johansson en faisant des « valeurs » démocrates-chrétiennes et de l’idéologie fédéraliste le principal moteur de l’action des démocrates-chrétiens à Maastricht. Voir l’introduction à la première partie et : JOHANSSON, Karl Magnus, « Party Elites in Multilevel Europe. The Christian Democrats and the Single European Act », Party Politics, juillet 2002, vol. 8, n°4, p. 423-440 ; JOHANSSON, Karl Magnus, « Another Road to Maastricht : the Christian Democrat Coalition and the Quest for European Union », Journal of Common Market Studies, décembre 2002, vol. 40, n°5, p. 871-893. 129 Voir l’histoire « officielle » du PSE écrite par Simon Hix lorsqu’il était stagiaire au PSE en 1995 (et mise à jour en 2002 par un autre stagiaire, Urs Lesse): HIX, Simon, Shaping a Vision. A History of the Party of European Socialists. 1957-1995, Brussels, PES, 1995, p. 54. 130 Simon Hix parle de « heated exchanges » à ce sujet au sein des instances politiques de l’UPSCE pendant toute l’année 1990 et encore 1991 : HIX, Simon, ibid., p. 54. 131 Ces débats durent d’ailleurs depuis bien plus longtemps et d’autres députés européens comme le néerlandais Henk Vredeling dans les années 1960 et 1970 avaient déjà soulevé la question. On sera amené dans la deuxième partie à étudier plus en détail ces « investissements » particuliers, mais cette remarque prouve déjà que l’émergence des /partis européens/, au singulier comme au pluriel, s’est faite sur une longue période et ne peut donc être seulement appréhendée depuis les mobilisations « courtes » autour des CIG de 1989-1992. Voir les publications suivantes du corpus utilisé en 2e partie : VREDELING, Henk, « Vers un parti progressiste européen », traduction d’un article paru dans la revue du PvdA Socialisme en Demokratie, 1970, n°3, Fonds du Groupe socialiste du PE, AHUE, GSPE 051, doc n° PE/GS/21/70, 13 p. ; VREDELING, Henk, « The Common Market of Political Parties », Government and Opposition, vol. 6, n°4, 1971, p. 448-461 ; MAY, James, « Co-operation Between Socialist Parties », dans PATERSON, William, THOMAS, Alastair, (dir.) Social Democratic Parties in Western Europe, London, Croom Helm, 1977, p. 408-428 ; KÖHNEN, Helga, « Die Zusammenarbeit der sozialistischen Parteien in der europäischen Gemeinschaft », die Neue Gesellschaft, , 23e année, n°6, 1976, p. 511-515. 132 Fonds « GSPE » des AHUE, EUI. Voir notre description des archives en début de partie.

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

135

Des initiatives spécifiques sont ainsi mises en œuvre par des députés de la

délégation britannique133, par exemple dans le journal trimestriel que publient en son

nom Ken Coates et Peter Crampton : European Labour Forum. Le numéro 2 qui paraît

en septembre 1990 est ainsi en grande partie consacré, sous le thème « Uniting

Europe », aux thématiques que les députés travaillistes voudraient voir discutées au sein

des CIG qui doivent s’ouvrir en décembre. Il contient notamment des articles des

députés européens David Martin, Glyn Ford, Carol Tongue et Hugh McMahon, mais

aussi du commissaire européen pour le Royaume-Uni, Bruce Millan134. Tous ces articles

sont introduits et résumés dans l’éditorial de Ken Coates, député européen et directeur

du journal, intitulé « Towards a European Socialist Party ? ».

Par ailleurs, le président français du groupe socialiste, Jean-Pierre Cot est à

l’initiative d’une motion sur la question, dont l’Agence Europe se fait l’écho dans un

Bulletin du 17 mai 1991 :

« The Socialist group today called on the Congress of the leaders of the Socialist Parties of the Community, to be held in Luxembourg on June 3 to create a European socialist Party. The motion stresses that the existing Confederation of Socialist Parties of the EC « is still far from the Party Federation organisation which is needed to meet the challenges European Democratic Socialism is facing » [...] » 135

Le bulletin insiste plus particulièrement sur le rôle joué par le président du groupe

socialiste, Jean-Pierre Cot, et son engagement en faveur de cette motion :

« The Chairman of the Socialist Group, Jean-Pierre Cot said: « if we are serious about political union then we must have political parties at European level ». According to the group's Vice-Chairman, Glyn Ford, « it is essential that we move towards that objective, especially given the fact that the Conservative Parties in Europe are already a step ahead ». [...]

133 Délégation qui dans son ensemble a un poids particulièrement important au sein du groupe socialiste au PE puisqu’elle représente 46 députés sur 180 (en comptant John Hume du Socialist and Democratic Labour Party (SDLP) d’Irlande du Nord qui fait lui aussi partie du groupe socialiste). 134 Ainsi qu’un article de Richard Corbett (« The Architecture of a Future Europe ? », p.17-20), l’auteur de l’ouvrage déjà cité plusieurs fois sur le traité de Maastricht, qui n’est alors pas encore député européen mais fonctionnaire au PE. 135 BQAE, 17 mai 1991, « Socialist Group Puts Forward Proposals for New Party ». (traduction : « Le groupe socialiste a appelé aujourd'hui le Congrès des leaders des partis socialistes de la Communauté, qui doit se tenir à Luxembourg le 3 juin, à créer un Parti socialiste européen. La motion souligne que l’actuelle Confédération des partis socialistes de la CE « est encore loin de l’organisation partisane fédérale qui est nécessaire pour relever les défis que le socialisme démocratique européen affronte actuellement » »).

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

136

Jean-Pierre Cot: « Political Union demands Parties on a European scale ». The leader of the Socialist group in the European Parliament, Jean-Pierre Cot, commented on the initiative in the presence of some journalists, saying that a political union cannot be imagined without truly organised political Parties of European scale. [...]. Mr. Cot thus thinks that a working group should make precise proposals by the end of the year, so that the Socialist Party and the Social-Democrat Party can be « operational » for the European elections of 1994. At a time when « wide coalitions to the Right, grouped around the PPE, are starting to take shape », the Socialist Parties should not be left behind, said Mr. Cot. »136

Jean-Pierre Cot, soutenu par d’autres députés du groupe qu’il dirige, s’engage ainsi

au printemps 1991 activement et publiquement en faveur du changement de nom de

l’UPSCE au nom de l’émergence plus générale de « partis politiques au niveau

européen » ou « à l’échelle européenne ». On aurait dès lors pu imaginer que J.-P. Cot et

ses soutiens tentent d’« importer » l’idée dans l’hémicycle au même moment, ce qu’ils

n’ont pas fait.

Mais pourquoi ne pas être intervenu directement dans l’enceinte parlementaire avant

le 12 décembre 1991, quand J.-P. Cot intervient pour saluer la reconnaissance des

/partis européens/ à Maastricht ? Comme dans le cas de Barón, on pourrait l’expliquer

par le fait que cette idée est une ressource qu’on n’utilise que lorsqu’on est sûr de sa

réussite, c’est-à-dire de son inscription effective dans le traité, codification qui lui donne

l’autorité de la chose décidée (et juridiquement enregistrée). Confrontés à des

résistances importantes dans le projet de faire de l’UPSCE un « Parti socialiste

européen », Jean-Pierre Cot et les deux vice-présidents du groupe socialiste qui

interviennent le 12 décembre 1991 sont tout disposés à repérer et utiliser ce résultat

précis et marginal du Conseil européen de Maastricht, afin d’en faire un argument de

plus dans leurs débats internes. S’ils en soulignent l’importance, c’est surtout pour

136 BQAE, 17 mai 1991, « Socialist Group Puts Forward Proposals for New Party » (traduction : « Le président du groupe socialiste, Jean-Pierre Cot a déclaré : « si nous sommes sérieux au sujet de l’union politique, alors nous devons avoir des partis politiques au niveau européen ». Selon le vice-président du groupe, Glyn Ford, « il est essentiel que l’on avance vers cet objectif, d’autan plus étant donné le fait que les partis conservateurs ont déjà une étape d’avance » [...]. Jean-Pierre Cot : « L’union politique exige des partis à l’échelle européenne ». Le leader du groupe socialiste au Parlement européen, Jean-Pierre Cot, a commenté l’initiative en présence de quelques journalistes, déclarant qu’une union politique ne peut être imaginée sans des partis politiques vraiment organisés à l’échelle européenne. [...] M. Cot pense ainsi qu’un groupe de travail devrait faire des propositions précises pour la fin de l’année, de sorte que le Parti socialiste et le Parti social-démocrate puissent être « opérationnels » pour les élections européennes de 1994. Au moment où « de larges coalitions à droite, groupées autour du PPE, commencent à prendre forme », les partis socialistes ne doivent pas rester en arrière, a dit M. Cot. »)

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

137

appuyer leur revendication plus précise de formation d’un « parti socialiste

européen ». La question des /partis européens/ n’apparaît pas dans leurs discours

comme une demande institutionnelle, mais plutôt comme une justification plus abstraite

de leur revendication particulière. Or, celle-ci ne s’adresse pas aux CIG, mais bien au

« Congrès des leaders » des partis socialistes nationaux qui se réunit à Luxembourg le 3

juin 1991. C’est un débat qu’on préfère sans doute avoir « en famille » politique.

Une série de documents permet de percevoir que la création d’un « parti socialiste

européen » relève en grande partie de la stratégie politique et pas seulement de positions

affichées en faveur de la « démocratisation » ou de la « politisation » de l’Union

européenne. Aussi bien Cot que Ford soulignent ainsi, dans leurs déclarations publiques

suivant l’adoption de la motion du groupe de mai 1991, que cette évolution

organisationnelle est rendue d’autant plus pressante que « wide coalitions to the Right,

grouped around the PPE, are starting to take shape » (Cot) et que « the Conservative

Parties in Europe are already a step ahead » (Ford)137.

Dans son éditorial intitulé « Towards a European Socialist Party ? », cité plus haut,

Coates met quant à lui l’accent sur la nécessité de mettre en place un « parti politique

international » socialiste, qui représente pour lui l’un des instruments favorisant

l’émergence d’une « démocratie plus démocratique », ce qui rappelle les « éléments de

langage » de la formation discursive que nous avons mis en évidence dans :

« As European institutions crystallise, how much longer will it be before the socialists of Europe begin to explore the mechanics of their own unity ? The day of the European Socialist Party can hardly been delayed [...] It is time to think about how our Europe can enable a more democratic democracy to emerge. »138

De même, dans une longue lettre privée de juillet 1991 à Björn Engholm, président

du SPD allemand récemment élu (qu’on trouve dans le fonds d’archives du groupe

137 BQAE, 17 mai 1991. 138 COATES, Ken, « Editorial : Towards a European Socialist Party ? », European Labour Forum, automne 1990, n°2, p. 1 (traduction : « Alors que les institutions européennes se cristallisent, combien de temps encore tarderont les socialistes d’Europe à commencer à explorer les mécanismes de leur propre unité ? La naissance du Parti socialiste européen peut difficilement être remise à plus tard [...] Il est temps de réfléchir à comment notre Europe peut rendre l’émergence d’une démocratie la plus démocratique possible »).

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

138

socialiste spécifiquement consacré à la « création d’un parti socialiste européen »139)

Jean-Pierre Cot précise les trois raisons principales qui l’ont conduit à soutenir et

promouvoir l’idée d’un « parti socialiste européen ». Outre une vague nécessité « to

match the institutional and economic integration process »140, Cot avance deux

arguments beaucoup plus détaillés dans sa lettre, dont celui du problème que pose

l’élargissement en cours du PPE :

« Secondly, these lessons are already being clearly learned on the Right. Although I do not believe that there will be rapid progress towards a monolithic European Conservative Party – the gestation period looks like being long and uncomfortable – it certainly seems to be Chancellor Kohl’s aim to create a right-wing European force as the first force within the European Community [...]. I am genuinely concerned that such a Group could, if well-organised, be the major political force in Europe in the second half of this decade [...] »141

Le PPE, malgré son affichage « démocrate-chrétien », a en effet déjà intégré (depuis

le début des années 1980) des partis n’ayant jamais été positionnés comme tels : la

Nouvelle Démocratie grecque (Néa Dimokratía - ND) en 1983, et plus récemment, en

1991, le Parti populaire espagnol (Partido Popular - PP). Cette dernière admission,

mais plus encore les demandes réitérées des conservateurs britanniques du PE d’être

intégrés au groupe du PPE142, qui ont été abondamment médiatisées notamment par

139 Voir les fonds GSPE-129 et GSPE-130 : « Suivi au sujet de la création d'un parti socialiste et social démocratique européen ; 01/08/1991 - 30/08/199 » des Archives historiques de l’Union européenne. 140 Voir COT, Jean-Pierre, lettre à Björn Engholm du 4 juillet 1991, AHUE, fonds GSPE, GSPE-130, 3 pages. Il précise aussi à ce sujet : « To put it crudely, how can you operate a political union without political organisations working effectively at Community level ?». (traduction : « Pour le dire tout net, comment pouvez-vous faire fonctionner une union politique sans des organisations politiques travaillant effectivement au niveau communautaire ? »). 141 Ibid., p.1-2. (traduction : « Deuxièmement, ces leçons sont déjà en train d’être clairement apprises à droite. Même si je ne crois pas qu’il y aura un progrès rapide vers un Parti conservateur européen monolithique – la période de gestation semble être longue et douloureuse – le but du chancelier Kohl semble avec certitude être de créer une force européenne orientée à droite comme la première force à l’intérieur de la Communauté européenne. [...] Je suis vraiment inquiet qu’un tel groupe puisse, s’il est bien organisé, devenir la force politique majeure en Europe dans la deuxième moitié de cette décennie »). 142 Les députés européens britanniques souhaitaient dès juin 1989 être intégrés au groupe PPE, mais le bureau politique du groupe avait alors estimé que c'était une mesure prématurée, et avait donc « gelé » la question pour deux ans. Le 28 février 1991, Christopher Prout, chef de la délégation britannique au PE, écrit à Wilfried Martens pour lui réitérer cette demande, lui précisant bien qu’il ne s’agit pour l’instant que d’une intégration au groupe parlementaire et que cela n’implique pas « du moins pour l’instant, que le parti conservateur adhère à l’organisation de parti du PPE ». Voir PROUT, Christopher, Lettre à Wilfried Martens du 28 février 1991, AHUE, fonds Emanuele Gazzo, EG.B.A-03.01, disponible en ligne sur le site www.ena.lu.

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

139

l’Agence Europe143, nourrissent les craintes des socialistes de voir le PPE rattraper son

retard électoral avant même les prochaines élections européennes, par simple

« extension organisationnelle », avec l’adhésion de nouveaux partis ou députés

européens144.

Le troisième argument est encore plus intéressant pour notre sujet, dans la mesure

où il expose concrètement la conception du « parti européen » que Cot défend, qui est

celle d’un « parti fédéral » (par opposition à un « centralised political party » que Cot

rejette) qui aurait pour principale vocation de donner des « clear guidelines » aux

députés européens des partis membres :

« The third point is a subtler point unrelated to the organisation of the political institutions, but a genuine one nonetheless. The Socialist Group of the EP acts, and is obliged to act, as a parliamentary party with all the trappings. It meets regularly – almost constantly – and has to react quickly on a vast number of issues. At the moment, we do this without clear guidelines from our parties at national level – unable to keep up with the speed of Community developments – or from the Confederation. It is small wonder, therefore, that at times we are moving forward beyond what is acceptable to the national parties and not infrequently in a fairly disorganised fashion. We have seen time and time again over the last two years, how helpful it would have been to have had proper guidelines on a range of issues from our parties. [...] We had to search our party positions for ourselves, in the absence of clear guidelines from the national capitals or from the Confederation. In the long run, the case for a European level socialist movement is very strong : we are not talking about a centralised political party but a federal one in which national parties retain full autonomy for their domestic affairs. »145

143 Outre différents articles mentionnant les négociations en cours, Emanuele Gazzo a par exemple consacré 4 éditoriaux consécutifs du Bulletin Europe à cette question : voir les éditions du 16 au 20 avril 1991 et leurs éditoriaux, respectivement intitulés : « Political Parties and Europe - (1) Towards a Copernican Change? » ; « Political parties and Europe - (2) Coalitions to what purpose? » ; « Political Parties and Europe - (3) Union is not Centralism » ; « Political Parties and Europe - (4) Two Levers: Coherence and Courage ». 144 En fait, les socialistes resteront le premier groupe lors des élections suivantes de 1994 (34,7 % des sièges du Parlement contre 23,4 % au PPE), mais verront en effet le PPE passer devant eux en 1999 (37,2 % pour le PPE contre 28,8 % au PSE), confirmant la prédiction ou le calcul de Jean-Pierre Cot dans sa lettre à Björn Engholm. Pour des analyses électorales des élections de 1994 et 1999, voir notamment : PERRINEAU, Pascal (dir.), Le vote des douze. Les élections européennes de juin 1994, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1994 ; GRUNBERG, Gérard (dir.), Le vote des quinze. Les élections européennes du 13 juin 1999, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1999. 145 COT, Jean-Pierre, lettre à Björn Engholm du 4 juillet 1991, p. 2. (traduction : « Le troisième point, plus subtil, n’est pas lié à l’organisation des institutions politiques, mais il est néanmoins authentique. Le groupe socialiste du PE agit, et est obligé d’agir, comme un parti parlementaire avec tous les pièges que cela comporte. Il se réunit régulièrement – presque constamment – et doit réagir rapidement sur un grand nombre de problèmes. Pour le moment, nous le faisons sans des directives claires de la part de nos partis au niveau national – qui ne sont pas en mesure de suivre le rythme des développements de la Communauté – ou de la part de la Confédération. Il n’est donc pas très surprenant que, parfois, nous

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

140

Ce troisième argument n’est pas simplement « subtler », selon le terme employé par

Cot, du fait de la conception stratégique qu’il véhicule, mais également parce que c'est

le seul point qui n’est pas affiché ni médiatisé ouvertement par le président du groupe

socialiste dans ses explications aux journalistes sur la motion adoptée. Il est surtout

significatif pour notre objet, parce qu’il démontre qu’on peut tout à fait défendre la mise

en place d’un « parti (socialiste) européen », tout en le présentant comme un instrument

du renforcement des partis nationaux au niveau européen. Le fait qu’il s’adresse ici à un

chef de parti national, aussi important par sa position et son poids symbolique et

financier que ne l’est celui de la SPD, peut expliquer en partie l’argumentation de Cot.

Il n’en reste pas moins que celle-ci peut servir de base au soutien par d’autres chefs de

partis nationaux d’une proposition qui pourrait sembler au premier abord, au contraire,

conduire à réduire leur marge de manœuvre.

Cette argumentation semble dirigée directement vers les résistances suscitées par la

proposition émanant du groupe parmi certains leaders nationaux, et qui ont provoqué le

nouveau refus de l’entériner lors de la conférence socialiste du 3 juin 1991.

II.2.2 – L’importance des terrains nationaux : l’exemple du Labour

En effet, l’idée de créer un « parti socialiste européen » se heurte à des oppositions

importantes de la part de certains chefs de partis nationaux, notamment Neil Kinnock du

Labour et Bettino Craxi du PSI, ainsi que le Luxembourgeois Ben Fayot relayées

largement dans la presse après l’échec du 3 juin à Luxembourg146.

allions plus loin que ce qui est acceptable par les partis nationaux et, pas peu fréquemment, d’une manière assez désorganisée. Nous avons pu voir à de nombreuses reprises durant les deux dernières années, combien profitable c’eût été d’avoir eu de vrais directives sur une séries de problèmes de la part de nos partis. [...] Nous devons trouver les positions de nos partis par nous-mêmes, dans l’absence de directives claires des capitales nationales ou de la Confédération. Sur le long terme, l’argumentaire en faveur d’un mouvement socialiste de niveau européen est très fort : nous ne sommes pas en train de parler ici d’un parti politique centralisé, mais d’un parti fédéral dans lequel les partis nationaux retiendraient la pleine autonomie pour leurs affaires domestiques »). 146 Voir par exemple : The Guardian, 17 mai 1991, « Labour Doubtful About Single European Party » ; BQAE, 4 juin 1991, « Socialist Parties - Kinnock Opposed to the Creation of a European Social-Democrat Party » ; Le Monde, 5 juin 1991, « A Luxembourg le projet de PS européen de M. Cot se heurte à l'hostilité de M. Kinnock » ; Le Soir, 5 juin 1991, « Sommet des partis socialistes de la CEE : la rose europeenne tarde a fleurir » ; BQAE, 5 juin 1991, « Socialist Party not Likely to Be Formed Overnight ». L’Agence Europe mentionne aussi, plus tardivement, l’opposition du dirigeant autrichien du

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

141

Les réticences du leader britannique sont particulièrement mises en relief, dans la

mesure où la proposition du groupe a été publiquement et fortement soutenue, au

contraire, par les députés européens du Labour, et particulièrement par le chef de leur

délégation, Glyn Ford. Mais d’autres députés britanniques prennent également

ouvertement position en faveur d’un parti « supranational », ce qui revient à s’opposer

en pleine connaissance de cause à la direction nationale de leur parti, comme le montre

l’article que The Guardian publie le lendemain de l’adoption de la motion par le

groupe :

« In contrast to the reservations of Neil Kinnock and his national executive, a group of leftwing Labour MEPs in Strasbourg has led the campaign for the creation of a supra-national European socialist party for the past two years. [...] The Labour Party executive will also be unhappy that the controversial motion is being backed by the leader of the British Labour group of MEPs, Glyn Ford. [...] Another Labour MEP, Peter Crampton, said: « I do not suppose the national executive committee will be very keen on this. But whether they are or not, we shall continue to fight for it ». »147

Ces réticences s’expliquent sans doute par le fait que Neil Kinnock doit composer

avec les différentes tendances qui s’expriment en son sein sur l’intégration européenne

en général, et les CIG en cours en particulier. Celles-ci sont par ailleurs influencées par

le contexte et le calendrier politique national. Dans l’opposition depuis 1979, les

travaillistes britanniques se trouvent en effet au début d’une campagne électorale

générale148 qui radicalise les tendances et rend beaucoup plus coûteuse toute prise de

position trop tranchée sur des sujets qui, comme l’Europe, divisent les grands partis en

SPÖ, Franz Vraniztky (BQAE, 22 avril 1992, « Lagorio Says Agreement Between PSI and PDS is Needed to Create Large European Socialist Party »). 147 The Guardian, 17 mai 1991 (traduction : « Contrairement aux réserves de Neil Kinnock et de son exécutif national, un groupe de députés européens de l’aile gauche du Labour à Strasbourg a conduit la campagne pour la création d’un parti socialiste européen supranational depuis deux ans [...]. L’exécutif du Labour Party sera aussi mécontent d’apprendre que la motion controversée est appuyée par le leader du groupe britannique du Labour, Glyn Ford [...] Un autre député européen du Labour, Peter Crampton, a déclaré : « Je ne pense pas que le comité exécutif national sera très favorable sur cette question. Mais qu’ils le soient ou pas, nous devons continuer à nous battre pour elle » »). 148 La date définitive des élections générales, qui auraient d’abord dû avoir lieu en juin 1991, n’est pas encore fixée en mai-juin 1991 : alors que certains poussent pour leur maintien en juin, notamment parmi les travaillistes du fait de leur victoire aux élections locales de mai, les conservateurs disent vouloir les retarder, d’abord pour octobre, puis finalement pour début 1992. Elles ont finalement lieu le 9 avril 1992 et se soldent par la quatrième victoire d’affilée des conservateurs, entraînant la démission de Neil Kinnock qui connaît là sa deuxième défaite électorale consécutive en tant que chef du parti travailliste.

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

142

interne. Aspirant premier ministre, N. Kinnock évite d’aller trop loin dans l’affichage de

positions qui pourraient être interprétées comme « intégrationnistes » ou

« supranationalistes », ce qui évidemment ne préjuge en rien de ses propres convictions

personnelles sur l’Europe et sur la coopération socialiste à ce niveau. Que son premier

mouvement politique, après sa défaite du 9 avril 1992 face à J. Major, soit de poser sa

candidature à la succession de Guy Spitaels à la tête de l’UPSCE149, prouve encore une

fois qu’il peut être hasardeux de tenter d’inférer des croyances quelconques des prises

de position dans le « jeu » politique150.

Le cas du Labour est intéressant dans la mesure où, il permet de souligner

l’importance du contexte national dans les prises de position sur les affaires

européennes, en l’occurrence la question de la création d’un /parti européen/.

D’après les sources disponibles, deux autres leaders nationaux, mis à part Neil

Kinnock, se sont ouvertement prononcés contre pendant l’année 1991: il s’agit de

Bettino Craxi, président du PS italien et de Ben Fayot, le président du POSL, qui

exprime a posteriori des réticences sur la création d’un « parti socialiste européen »,

malgré un soutien de principe151. Il n’est pas possible ici d’entrer dans le détail des

différentes configurations politiques nationales, mais on peut au moins remarquer que

les positions tactiques de ces différents acteurs dans leur champ politique national

respectif ne sont pas analogues à celle de Kinnock, si on les considère du point de vue

de leur rapport au gouvernement en place. Alors que le dirigeant britannique se trouve à

149 The Times, 11.05.1992, « Kinnock Opts for Brussels - Labour Leader Likely to Head Confederation of European Socialists ». 150 Les suites de cet épisode sont d’ailleurs, a posteriori, une confirmation de la « validité » politique de la prudence de Kinnock sur les questions européennes : alors qu’il a déposé sa candidature pour la présidence de l’USPCE, le Danemark rejette la ratification du traité de Maastricht par référendum, le 2 juin 1992. Les enjeux des ratifications en cours dans les autres Etats membres changent alors, le rejet par un Etat membre fournissant aux opposants au traité (et aux gouvernements en place qui le soutiennent) arguments et visibilité. Alors que le Royaume-Uni doit prendre la présidence tournante de l’Union européenne en juillet 1992, et que Kinnock doit laisser officiellement sa place de chef du Labour party au même moment, il retire sa candidature à la présidence de l’UPSCE, prétextant l’opposition désormais prévisible de son parti à la ratification. Ce retrait, s’il est sans doute en partie conditionné par le contexte politique national, lui évite aussi surtout de risquer le véto annoncé de certains leaders de l’UPSCE, mécontents de voir l’opposant à la transformation en cours de leur organisation en « parti socialiste européen », briguer malgré tout sa présidence. Voir sur ce point entre autres : The Guardian, 11.06.1992, « Left Blocks British Labour Party leader’s Socialist Presidential Candidacy » ; The Independent, 16.06.1992, « Major Warning to Tory Rebels - Prime Minister's Efforts on Maastricht Treaty » ; The Times, 16.06.1992, « Kinnock Ends Bid to Lead Euro Group - Confederation of European Socialist Parties » ; The Guardian, 16.06.1992, « Kinnock Turns Down European Role ». 151 Voir Lettre de Ben Fayot à Jean-Pierre Cot du 30 juillet 1991, GSPE-129, AHUE.

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

143

la tête d’un parti d’opposition en campagne, Craxi et Fayot sont tous les deux présidents

de partis qui se trouvent au gouvernement, en coalition avec leur principal partenaire

politique : le PSI de Craxi avec la Démocratie chrétienne d’Andreotti et le POSL de

Fayot avec le CSV de Jacques Santer. On ne peut donc pas interpréter leur réticence à

endosser la création d’un « parti socialiste européen » par une simple stratégie

d’opposition électoraliste. Au contraire, des leaders nationaux comme Björn Engholm

(pourtant dans l’opposition au niveau fédéral en Allemagne) se montrent très favorables

à cette idée qu’il défend, en effet, lors de son discours d’investiture comme nouveau

président du SPD au Congrès de Brême152.

La variété discernable des raisons possibles pour soutenir ou, au contraire, rejeter la

proposition de créer un « parti socialiste européen » prouve qu’il n’y a pas de « sens »

univoque déterminable à des prises de position qui ont en apparence le même contenu :

chacune doit être replacée en contexte et il faut en revenir toujours à l’acteur qui la

prend et aux configurations qu’il occupe si l’on veut être en mesure de comprendre et

d’expliquer telle prise de position particulière.

Il n’en reste pas moins que ces variations pointent toutes vers un point de

coordination tacite observable : aucun des députés engagés dans ces luttes internes à la

création d’un « parti socialiste européen » n’est jamais intervenu au PE pour soulever la

question plus générale de la reconnaissance des /partis européens/, pas même Jean-

Pierre Cot dont on a pourtant vu qu’il mentionnait lui-même des « partis politiques au

niveau européen » comme un impératif et une nécessité pour parvenir à faire l’ « union

politique ». En rentrant un peu dans les détails du jeu politique « à plusieurs terrains »

dans lequel se déroulent simultanément ces luttes internes, on comprend mieux que les

résistances et divisions internes aient été gardées au niveau informel, plutôt que de

risquer d’afficher publiquement ces divisions et plutôt que de les consolider en

demandant, par exemple, le vote d’une résolution à ce sujet.

152 Voir lettre de Jean-Pierre Cot pré-citée et : HIX, Simon, Shaping a Vision. A History of the Party of European Socialists. 1957-1995, Brussels, PES, 1995, p.51.

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

144

II.3 – Faire sens d’une codification : les articles de Maurice Duverger sur l’« article des partis »

Maurice Duverger153 est, comme Jean-Pierre Cot, agrégé de droit154, professeur de

science politique à l’Université de Paris 1155, et député européen à cette époque, mais

dans le groupe de la gauche unie européenne. Membre de la commission

institutionnelle, et rapporteur notamment de la résolution du PE proposant la

convocation des « Assises » de Rome dont on a parlé156, Maurice Duverger n’est pas

resté inactif dans l’hémicycle européen pendant les CIG : il intervient d’ailleurs lui aussi

dans le débat du 12 décembre 1991 sur le bilan de Maastricht, mais sans mentionner

pourtant les /partis européens/157 dont il commentera longuement la codification et le

sens quelques jours plus tard dans El País.

Il publie en effet, dès décembre 1991 et janvier 1992, deux articles d’analyse

consacrés spécifiquement aux /partis européens/ : il s’agit d’une tribune parue dans les

pages « International » de El País daté du 17 décembre 1991, intitulée « Los partidos

europeos después de Maastricht » (« Les partis européens après Maastricht »)158 ; et

d’un article paru dans les pages « Politique » du journal Le Monde daté du 25 janvier

1992, intitulé « Vers des partis européens »159. Ces articles, publiés par deux journaux

nationaux majeurs, exposent tous les deux les réflexions détaillées d’un chroniqueur

régulier de ces quotidiens160, qui présente par ailleurs la particularité d’être un

spécialiste reconnu – du fait de sa position académique, de ses écrits et de ses prises de

position – de la vie politique en général et des partis politiques en particulier.

153 Maurice Duverger a été élu en tant que candidat indépendant sur une liste du PDS (ancien PCI) italien lors des élections européennes de juin 1989. Il est à l’époque membre du groupe de la Gauche unie européenne (GUE) au PE et membre de la commission institutionnelle du PE, pour laquelle il a notamment été rapporteur de la résolution proposant la tenue des « Assises » parlementaires finalement organisées en novembre 1990. 154 En 1942. 155 De 1955 à 1985. 156 Résolution du 12 juillet 1990 « sur la préparation de la rencontre avec les parlements nationaux sur l'avenir de la Communauté (« Assises ») », JOCE C 231 du 17 septembre 1990, p. 165. 157 Voir JOCE, annexe n°3-412, p. 278 de la version française. 158 El País, 17 décembre 1991 « Los partidos europeos después de Maastricht ». 159 Le Monde, 25 janvier 1992, « Vers des partis européens ». 160 Maurice Duverger publie régulièrement des chroniques dans Le Monde depuis 1947, mais aussi, depuis 1987, dans El País et dans le journal italien Il Corriere della Sera.

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

145

Avant même le 17 décembre, M. Duverger avait déjà publié un premier article sur

Maastricht, le 9 décembre, premier jour du Conseil européen de Maastricht. Cet article

ne contient pas de référence explicite aux « partis européens », qui n’ont pas encore été

reconnus à ce moment-là. Cette tribune, intitulée « Le déficit démocratique de la

CE »161 met surtout l’accent sur le manque de pouvoirs du PE par rapport aux

parlements nationaux, en insistant notamment sur « l’absence de contrôle réel du

Parlement sur les gouvernements »162. Mais dès le 17 décembre, soit une semaine après

la première objectivation du label à Maastricht, M. Duverger publie un article qui leur

est consacré. L’article du 17 décembre trace deux parallèles théoriques intéressants. Le

premier compare explicitement les députés nationaux et européens, expliquant :

« Leur exemple [des parlements nationaux] pourrait inspirer les représentants de Strasbourg. Pour développer le pouvoir des députés nationaux de voter les lois et de contrôler l’exécutif, les réformes institutionnelles ont été moins importantes que l’action des partis politiques. » 163

La comparaison de ces deux articles164 confirme et précise l’« algorithme discursif »

que nous avons déjà commencé à mettre en évidence et qu’on pourrait reformuler ainsi :

s’il existe un « déficit démocratique » au niveau européen, c'est parce que le PE ne

contrôle pas le « gouvernement », contrairement au niveau national. Or, si le PE ne

contrôle pas le gouvernement au niveau européen, c'est parce que les partis politiques ne

sont pas suffisamment forts à ce niveau. La solution est donc de développer les /partis

européens/ sur le modèle national.

Ce raisonnement est confirmé dans l’article publié dans Le Monde le 25 janvier

1992, qui commence par le texte du futur article 138a et enchaîne immédiatement :

« En apparence anodin puisqu'il ne comporte aucun effet juridique, ce texte (qui ne sera définitivement établi que dans quelques semaines) a le mérite de rappeler l'influence essentielle des partis dans le développement de la démocratie. [...] L'absence d'organisation politique du même type dans le cadre de la Communauté est la source principale de son déficit en démocratie, bien plus que l'insuffisance à cet égard des traités qui lui servent de Constitution. »165

161 El País, 9 décembre 1991, « El déficit democrático de la CE ». 162 Ibid., « La ausencia de un control real del Parlamento sobre los Gobiernos ». 163 El País, 17 décembre 1991 « Los partidos europeos después de Maastricht ». 164 Et de beaucoup d’autres textes académiques que nous n’avons ici pas la place de détailler. 165 Le Monde, 25 janvier 1992, « Vers des partis européens ».

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

146

Le lien entre le « déficit démocratique » dont souffrirait la Communauté européenne

et ce « chaînon politique manquant » que sont les « partis européens » est ici très

clairement posé.

Mais cet exemple est également intéressant parce qu’il montre des usages, quasi

immédiats, qui sont fait de la référence de l’annexe II introduite à Maastricht : alors

qu’il n’est intervenu à aucun moment au PE pour revendiquer ou promouvoir la

reconnaissance de ces /partis européens/ qu’il défend dans ses articles post-scriptum

(par rapport à l’annexe II), M. Duverger reprend à son compte le label reconnu à

Maastricht pour tenter de lui donner un sens malgré le fait qu’il considère qu’il « ne

comporte aucun effet juridique ». Les « luttes savantes » pour la définition du label

partisan européen codifié ont commencé. Mais, comme on le verra dans notre deuxième

partie, et comme on le perçoit par la mise en évidence de la formation discursive qui

englobe tous les discours évoqués faisant référence aux /partis européens/, ces

« investissements savants » dans la définition des /partis européens/ sont loin d’avoir

attendu le Sommet de Maastricht pour se manifester.

Les mobilisations des quelques députés qui se déclarent en faveur de la

reconnaissance des /partis européens/, aussi bien avant Maastricht que juste après,

mettent donc surtout l’accent sur une deuxième absence, un deuxième « vide »

institutionnel, après celui constaté dans les arènes intergouvernementales des CIG : les

/partis européens/ reconnus dans l’« article des partis » n’ont quasiment jamais été

mentionnés dans l’enceinte parlementaire avant le Sommet de Maastricht. Les rares fois

où un député y a fait référence, c’était dans une intervention rapide qui ne portait pas

spécifiquement sur eux et qui n’appelait pas de débat sur la question, comme si celle-ci

formait une sorte de « tabou » politique jusqu’au moment où elle se voit officialisée par

le Sommet de Maastricht. Ce « vide » témoigne, comme on l’a vu, de certaines

résistances et de certaines divisions, qui doivent être prises en compte dans l’analyse si

l’on veut comprendre les formes spécifiques qu’ont prises les mobilisations de 1989-

1992 en faveur de la reconnaissance des /partis européens/.

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

147

Conclusion du chapitre 2

Les députés européens, ou plutôt les rares députés qui se réfèrent à l’idée de /partis

européens/, au pluriel comme au singulier, semblent donc avoir des mobilisations

« décalées » par rapport au constat de la codification adoptée dans le traité de

Maastricht. Lorsqu’elles existent, celles-ci se déroulent en effet exclusivement à

l’extérieur du PE, qui recèle pourtant des ressources institutionnelles qui pourraient

contribuer à faire avancer l’idée qu’on cherche à promouvoir.

L’étude des mobilisations des députés européens sur la question des /partis

européens/ pendant la période montre ainsi que ceux-ci constituent de fait une sorte de

tabou localisé, un « interdit » politique dans les arènes institutionnalisées qui n’a pas

besoin d’être expliqué par des raisons psychologiques : c’est surtout parce que les

leaders nationaux prennent position collectivement contre l’idée d’un « parti socialiste

européen » le 3 juin 1991, lors d’un sommet de l’UPSCE, que les députés mobilisés du

groupe socialiste, pour reprendre leur exemple, ne peuvent prendre le risque politique de

forcer tout le groupe à se prononcer sur cette question qui divise. De même, c’est bien

parce que le président du PE, Enrique Barón, est très au fait des divisions que provoque

la question plus large de la procédure électorale uniforme (qui conduit par exemple, et

comme par ricochet, au « repentir » que nous avons pu constater dans l’exemple du

rapport de Gucht), qu’il ne prend aucune initiative au sujet des /partis européens/ dans

l’enceinte qu’il préside, alors qu’il n’hésite pas, une fois qu’il peut être sûr que cette

mesure sera bien adoptée, à reprendre à son compte la proposition des trois présidents

partisans et de Ruud Lubbers à la veille de Maastricht. La revendication de la

reconnaissance des /partis européens/ semble ainsi indiscutée au PE parce

qu’indiscutable, en général, dans les arènes institutionnalisées où le jeu politique

consiste à trouver des consensus et à créer des accords, tout en évitant de créer des

dissensions dans les groupes et alliances constitués.

La reconnaissance des /partis européens/ est donc un « résultat » qui n’a jamais été

demandé publiquement dans aucune arène politique institutionnalisée de l’Union

européenne, ni les CIG, ni le PE. A ce stade, la codification établie dans l’article 138a

apparaît donc comme une « solution sans problème », une mesure de « politique

publique institutionnelle » sans contenu précis et qui n’a jamais été inscrite à aucun

Partie I. Chapitre 2 – Les revendications décalées de quelques députés européens

148

agenda officiel des communautés européennes, puisqu’il n’y a eu ni débat ni même

revendication ponctuelle sur cette question dans le cadre communautaire. Il existe

pourtant des positions (et des intérêts afférents) très spécifiques, ceux des organisations

européennes de partis existantes, depuis lesquels l’affirmation de /partis européens/ dans

le droit communautaire pouvait sembler, en revanche, constituer une solution à des

problèmes bien précis. Comme on va le voir dans le chapitre suivant, ces « raisons

d’agir » sont plus concrètes et matérielles que celles avancées en général dans les

discours de justification produits pour promouvoir, dans le cadre des formations

discursives que nous avons commencé à mettre en évidence, la reconnaissance de /partis

européens/.

Ce long détour par les arènes institutionnelles, pour y constater l’absence de la

revendication étudiée, permet ainsi de mettre en évidence que les /partis européens/

n’ont fait une entrée ni juridiquement préparée ni officiellement débattue dans le droit

communautaire : ils y ont fait irruption. Mais cette irruption a néanmoins été longtemps

préparée par une série de mobilisations « extra-institutionnelles » qu’on détaillera dans

le chapitre suivant, et elle n’est devenue « pensable » qu’après un long travail de la

notion de /partis européens/, comme on y reviendra dans la deuxième partie.

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

149

Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification : le pari en partie raté de l’« article des partis »

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

150

Les deux premiers chapitres ont permis d’établir que la « référence aux partis

européens » de l’annexe II des conclusions du Conseil européen de Maastricht n’avait

été ni négociée au cours de la CIG sur l’union politique, ni réellement débattue par les

députés européens, malgré quelques prises de position « décalées ».

On a vu aussi que les acteurs centraux, ou en tout cas les plus « visibles », s’étant

mobilisés en faveur de la reconnaissance des /partis européens/ étaient d’abord les

membres du PPE et surtout le président de cette organisation européenne de partis

particulière, Wilfried Martens qui est présent à Maastricht en tant que Premier ministre

belge.

Si l’on veut tenter de comprendre comment cette référence a été introduite dans le

traité – et expliquer pourquoi elle l’a été –, il faut à présent s’intéresser de plus près aux

mobilisations des membres du PPE et de leurs « associés-rivaux » de l’UPSCE et de

l’ELDR, en dehors des arènes intergouvernementale et parlementaire, où l’on a pu

constater l’absence quasi totale de cette revendication.

Ce chapitre est ainsi consacré aux actes et aux discours des membres dirigeants (qui

sont en fait les seuls membres de ces organisations sans militants1) du PPE, l’UPSCE et

l’ELDR 2.

1 La question de l’« adhésion individuelle » à ces organisations se pose de manière récurrente et se trouve résolue statutairement différemment selon les époques et les organisations. Il arrive en effet, comme au PPE dès le début des années 1980, que les statuts de ces organisations reconnaissent formellement la possibilité pour des membres individuels d’adhérer directement, sans passer par la médiation d’une adhésion première à un parti national. Il faut néanmoins nuancer cette autorisation statutaire car elle n’est souvent que partielle, soit parce qu’elle est limitée aux députés européens du groupe politique correspondant (PPE, art. 5) ou à des élus (Alliance libre européenne - ALE, art. 5.c), soit parce qu’elle est explicitement mentionnée comme « expérimentale », « temporaire » et laissée à l’appréciation de chaque parti national membre (PGE, art. 6.7). Pour plus de détails sur cette question et sur l’organisation générale des principaux « partis politiques au niveau européen » existants aujourd’hui, nous nous permettons de renvoyer à notre étude : ROA BASTOS, Francisco, Des « partis politiques au niveau européen » ? – Etat des lieux à la veille des élections européennes de juin 2009, « Notre Europe », étude n°71, disponible en ligne : http://www.notre-europe.eu/011-1861-Des-partis-politiques-au-niveau-europeen-Etat-des-lieux-a-la-veille-des-elections-europeennes-de-jui.html. 2 L’ELDR sera traité de manière plus allusive, principalement parce qu’il nous a été impossible de consulter les archives de cette organisation particulière, conservées en Allemagne et non à Bruxelles comme celles du PPE et de l’UPSCE.

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

151

I – Qui a fait l’« article des partis » ? Les investissements différenciés de trois équipes politiques

Les travaux qui portent sur les /partis européens/ mettent souvent l’accent3 sur une

lettre adressée, le 1er juillet 1991, par les « trois présidents partisans » du PPE (Wilfried

Martens), de l’UPSCE (Guy Spitaels) et de l’ELDR (Willy de Clercq) aux présidents du

Conseil européen (Ruud Lubberts), du Conseil de l’Union européenne (Hans Van den

Broek), de la Commission (Jacques Delors) et du Parlement européen (Enrique Barón),

afin de leur demander la reconnaissance des /partis européens/.

On réduit souvent le processus ayant conduit à l’adoption de l’article 138a à un

enchaînement en apparence simple : les trois présidents partisans, s’étant concertés et

mis d’accord, auraient soumis une proposition d’ « article des partis » reprise quasiment

telle quelle à Maastricht grâce à la présence de Wilfried Martens et au soutien des

quatre destinataires de la lettre. Cette « explication standard » est sans doute un

raccourci réducteur compréhensible, si l’on veut aller vite et parler d’autre chose. Mais,

outre qu’elle ne dit rien de la forme précise qu’a prise ce processus, et notamment des

formes concrètes de la coopération entre les trois organisations européennes de partis,

elle risque d’induire en erreur sur l’objet qu’elle prétend expliquer, pour deux raisons

principales : elle semble en effet indiquer que l’« article des partis » a été adopté sans

résistances d’aucune sorte, d’une part, et, d’autre part, qu’il correspond dans sa forme

finale exactement à ce que voulaient les acteurs qui en sont à l’initiative.

Il serait pourtant hâtif de conclure que tout s’est passé comme cela devait se passer,

sans heurts et harmonieusement, et que les apparences suffisent à expliquer le résultat 3 Avec des variantes, comme on l’a montré en introduction à cette partie. Voir : CORBETT, Richard, Representing the People, dans DUFF, Andrew, PINDER, John, PRYCE, Roy (dir.), Maastricht and Beyond. Building the European Union, Londres, Routledge / The Federal Trust, 1994 p. 207-228 (p. 218) ; HIX, Simon, LORD, Christopher, Political Parties in the European Union, Londres, Macmillan, 1997 (p. X et p. 190) ; HIX, Simon, « The Party of European Socialists », dans LADRECH, Robert, MARLIERE, Philippe (dir.), Social-democratic Parties in the European Union. History, Organization, Policies, Londres, Macmillan, 1999, p. 204-217 (p. 205). La version à notre connaissance la plus « complète » de l’épisode de la codification des /partis européens/ à Maastricht a été donnée à ce jour dans l’étude du PE de 2003, réalisée par Ramona Coman (alors stagiaire au SG du PE) sous la direction de Wilhelm Lehmann (administrateur à la direction générale des études du PE) : PARLEMENT

EUROPÉEN. Statut et financement de partis politiques européens, Document de travail de la Direction générale des Etudes, Série « Affaires constitutionnelles », AFCO 105FR, novembre 2003 (PE 337.295), p. 2-3. Ramona Coman y mentionne, mais sans entrer dans les détails, certains des éléments importants qui n’avaient pas été aperçus avant, par exemple l’absence d’article préparatoire dans les versions pré-Maastricht du traité en négociation. Mais elle n’étudie ni le PE, ni en général le détail des mobilisations, et ne mentionne pas des éléments importants comme la position spécifique des membres du PPE, sur laquelle nous allons insister ici.

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

152

constaté. Nous allons revenir sur les circonstances exactes et les effets observables de

cette lettre, plus limités qu’on n’a pu le dire, ainsi que sur les acteurs effectivement

impliqués, qui ne se réduisent pas aux trois présidents.

I.1 – Une lettre et trois présidents partisans diversement mobilisés

L’analyse de la lettre du 1er juillet 1991 en fournit un bon exemple, dans la mesure

où, contrairement à ce qu’on semble croire parfois, elle n’a en fait eu à l’époque – et

littéralement – aucun « retentissement »4 : qu’elle soit devenue aujourd'hui la preuve

ultime de la réussite programmée d’une initiative tripartite, parce qu’on retrouve de fait

une partie de son texte codifié à Maastricht, relève d’une reconstruction historique a

posteriori qu’il faut mettre en évidence.

On peut le montrer en comparant, d’une part, le texte original de la lettre du 1er

juillet et l’article 138a, mais aussi la manière dont cette lettre a été préparée et l’usage

que chacun des présidents a fait, après coup, de cette initiative conjointe.

I.1.1 - La lettre des trois présidents, et ce qu’il en est resté dans l’article 138a

On dispose du texte complet de cette lettre dont une copie a été conservée dans le

fonds « Emanuele Gazzo » (on verra pourquoi) des archives historiques de l’Union

européenne. Nous la reproduisons entièrement ici, du fait de son importance pour notre

sujet et parce qu’elle est très rarement reproduite intégralement5 :

4 Mathieu Monot explique ainsi, par exemple, que la « lettre commune » du 1er juillet 1991 « aura un vrai retentissement » (MONOT, Mathieu, Socialistes et democrates-chrétiens et la politisation de l’Europe, Paris, l’Harmattan, 2010, p. 90). Mais il ne suffit pas de constater qu’on retrouve des termes identiques dans la lettre du 1er juillet et dans l’article 138a pour conclure à la « convertibilité » automatique et évidente de l’une dans l’autre et à l’effet direct de cette lettre dans l’ordre des normes. 5 Sauf, justement, dans l’étude citée ci-dessus qui est la seule qui la reproduise intégralement, mais sans analyser en détail les modifications intervenues entre cette lettre et l’article 138a : MONOT, Mathieu, Socialistes et democrates-chrétiens et la politisation de l’Europe, Paris, l’Harmattan, 2010, p. 90-91.

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

153

Le texte de la lettre du 1er juillet 19916

Aux Présidents MM. Ruud Lubbers, Hans Van den Broek, Enrique Baron Crespo, Jacques Delors Bruxelles, 1.7.1991 Monsieur le Président, Nous vous demandons de bien vouloir veiller à ce que soit inscrit, dans le traité sur l'Union politique, un article concernant la contribution des « partis européens » à la formation du consensus et de la volonté politique, reconnaissant ainsi le rôle des « partis européens » dans le processus d'intégration et dans la démocratisation du système politique de l'Union européenne. Pour cette stipulation explicite, nous vous proposons la formulation suivante : « Des partis européens sont indispensables en tant que facteur d'intégration au sein de l'Union. Ils contribuent à la formation de consensus et à l'expression de la volonté des citoyens de l'Union. Sont considérés comme partis européens, les associations fédératives de partis nationaux, existant dans la majorité des Etats membres de la CE, qui ont les mêmes orientations et objectifs et qui constituent au Parlement Européen un Groupe unique. Ils doivent justifier publiquement l’origine de leurs revenus. » Nous sommes convaincus que sans une contribution des partis européens, l'Union politique n'est ni pensable, ni viable. Pour cela, nous vous demandons de faire vôtre notre proposition afin de rendre possible à moyen terme et de manière analogue à la politique nationale, une législation européenne pourvoyant un cadre de travail pour les partis européens. Nous vous prions d'agréer l'assurance de nos sentiments les meilleurs. Willy De Clercq Président Fédération des Libéraux Démocrates et Réformateurs Européens Wilfried Martens Président Parti Populaire Européen Guy Spitaels Président Union des Partis Socialistes de la CE

6 AHUE, fonds Emanuele Gazzo (EG), EG-68, consultée en ligne sur le site www.ena.lu.

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

154

Cette lettre ne se contente pas de présenter une vague revendication des trois

présidents en faveur de la reconnaissance symbolique de l’existence et du rôle

« intégrateur » et « démocratisant » des « partis européens », comme ce sera le cas dans

l’article 138a. Elle contient en plus une définition précise de ce qu’ils entendent sous ce

terme et elle semble impliquer, implicitement, des ressources substantielles puisqu’elle

demande aux destinataires d’agir pour « rendre possible à moyen terme et de manière

analogue à la politique nationale, une législation européenne pourvoyant un cadre de

travail pour les partis européens ». Il s’agit bien ici de reconnaître officiellement dans

le traité et d’assurer aux « partis européens », sur le modèle de ce qui se fait dans « la

politique nationale », un « cadre de travail » juridiquement fondé, c'est-à-dire les

moyens nécessaires à leur action. En d’autres termes encore, il s’agit de mettre en place

les conditions rendant possible un financement public de /partis européens/. C'est bien à

cette question que renvoie implicitement l’expression euphémisée de « cadre de

travail » (que confirme la précision selon laquelle ces « partis » doivent « justifier

publiquement l'origine de leurs revenus »), comme nous y reviendrons dans les sections

suivantes.

La définition avancée, à laquelle répondent sans surprise les trois organisations des

auteurs de la lettre, ne va cependant pas sans poser plusieurs difficultés. Il est précisé,

dans la formulation proposée, que les « partis européens » sont aux yeux de leurs

promoteurs des « associations fédératives de partis nationaux, existant dans la majorité

des Etats membres de la CE, qui ont les mêmes orientations et objectifs et qui

constituent au Parlement Européen un Groupe unique ». Malgré leur généralité, chacun

des critères peut néanmoins poser certains problèmes d’interprétation, tout comme le

fait de savoir quelle doit être l’instance chargée de vérifier le respect de ces critères. En

effet, qui doit déterminer, et comment, ce qu’est une association de partis nationaux

« fédérative » ? A partir de quel moment, par ailleurs, peut-on dire que des partis

partagent les mêmes « orientations et objectifs » ? Les difficultés rencontrées (et les

solutions adoptées) pour s’accorder sur des programmes communs pour les élections

européennes depuis 1979 semblent prouver que les choses ne sont pas si simples. Enfin,

le critère du groupe unique, s’il est bien respecté par les libéraux, démocrates-chrétiens

et socialistes en 1991, pourrait néanmoins poser également problème à très court terme,

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

155

comme le montrent les tractations en cours entre conservateurs et démocrates-chrétiens

pour les faire adhérer au groupe PPE parlementaire, sans pour autant accepter

l’adhésion formelle de leur parti au PPE extraparlementaire7 : le PPE aurait alors bien

un groupe unique de députés au PE, mais dont les membres n’appartiendraient pas tous

à des partis nationaux adhérant au « parti européen » PPE8.

Ces problèmes, combinés aux réticences que nous avons évoquées dans les chapitres

précédents, expliquent sans doute qu’on ait finalement choisi de laisser de côté

provisoirement la question de la définition des /partis européens/. Mais cette omission

confirme déjà que l’article accordé à Maastricht n’est pas simplement le « décalque » de

cette lettre du 1er juillet et qu’il est, quoiqu’on en dise, en-deçà des attentes affichées au

départ par les trois présidents partisans.

La comparaison des trois principaux textes évoqués jusqu’ici (lettre du 1er juillet,

annexe II et article 138a) permet de préciser ces premières remarques, en mettant en

évidence les différents « manques » et modifications que l’article 138a apporte aux

formulations proposées dans les deux textes précédents :

7 C'est ce qu’explique très clairement, par exemple, le conservateur britannique Christopher Prout, président du groupe DE, dans une lettre adressée à Wilfried Martens, le 28 février 1991 : « En juin 1989, les 32 députés conservateurs britanniques au Parlement européen ont demandé à devenir membres apparentés du groupe du PPE au Parlement européen [...]. Cette initiative a été prise avec l’approbation des dirigeants du parti conservateur britannique mais n’impliquait pas, du moins pour l’instant, que le parti conservateur adhère à l’organisation de parti du PPE. [...] Sans avoir été examinée au groupe PPE, notre demande a été renvoyée pour avis au bureau politique de l’organisation du parti. Le bureau politique a décidé en juillet 1989 de reporter à deux ans l’examen de la demande, recommandant pour l’intervalle une coopération renforcée entre les deux groupes au niveau parlementaire. Nous souhaiterions à présent obtenir une décision claire sur notre demande d’adhérer au groupe du parti populaire européen » (AHUE, EG-68, disponible sur le site www.ena.lu). 8 C'est en effet la solution provisoire qui sera adoptée à partir de mai 1992, lorsque la demande des conservateurs britanniques sera finalement acceptée par le PPE.

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

156

De la lettre du 1er juillet à l’article 138a

Lettre du 1er juillet 1991 Annexe II du 11 décembre

1991 (Conseil européen de Maastricht)

Article 138a du 7 février 1992 (traité définitif)

Des partis européens sont indispensables en tant que facteur d'intégration au sein de l'Union. Ils contribuent à la formation de consensus et à l'expression de la volonté des citoyens de l'Union.

Sont considérés comme partis européens, les associations fédératives de partis nationaux, existants dans la majorité des Etats membres de la CE, qui ont les mêmes orientations et objectifs et qui constituent au Parlement Européen un Groupe unique. Ils doivent justifier publiquement l'origine de leurs revenus.

La Conférence convient de faire figurer dans le traité une référence aux partis européens soulignant qu’ils sont indispensables en tant que facteur d’intégration au sein de l’Union. Ils contribuent à la formation de consensus et à l’expression de la volonté des citoyens de l’Union.

Les partis politiques au niveau européen sont importants en tant que facteur d'intégration au sein de l'Union. Ils contribuent à la formation d'une conscience européenne et à l'expression de la volonté politique des citoyens de l'Union.

Les euphémisations entre l’annexe II et l’article 138a, déjà évoquées dans le

chapitre 1, sont ici confirmées et éclairées par le texte de la lettre du 1er juillet. Le texte

de la référence du Sommet de Maastricht, significativement, est littéralement identique

à celui de la lettre du 1er juillet, sauf qu’il ne reprend déjà plus la définition des « partis

européens » proposée. C’est donc encore le libellé des présidents partisans qui arrive à

Maastricht, mais amputé de la partie la plus problématique de la définition, qui pourrait

prêter à débat et donc à opposition.

La lettre du 1er juillet semble donc bien avoir eu certains « effets », puisqu’une

partie au moins de l’article qu’elle proposait arrive jusqu’à Maastricht et s’y trouve

« officialisée » sans changements. Mais cette efficacité, contrairement à ce qu’on

pourrait penser, ne tient pas au « retentissement » de la lettre.

I.1.2 – Des réunions médiatisées pour une lettre non diffusée

La lettre du 1er juillet 1991 a été préparée par plusieurs réunions préalables des trois

présidents partisans. Si l’épisode rapporté par Barón du repas commun à son domicile

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

157

bruxellois (ainsi que la contribution de son secrétariat à la rédaction finale de la lettre)

n’est mentionné que par lui-même et n’a pas pu être vérifié par ailleurs, on trouve en

revanche plusieurs traces documentaires d’au moins trois réunions préparatoires

réunissant W. De Clercq, W. Martens et G. Spitaels9.

Les deux premières ont lieu le 18 septembre 1990 et le 13 décembre 1990, alors que

les CIG ne sont pas encore officiellement ouvertes. La réunion du 18 septembre est

rapportée à la fois par le jounal belge Le Soir10 et par l’Agence Europe11, celle du 13

décembre uniquement par l’Agence Europe12. Evoquant la rencontre du 18, Le Soir met

l’accent sur la coopération entre politiciens belges13, alors que l’Agence Europe

mentionne déjà la question du « development of the role of the European parties or

federations of parties in the Community's political system ». Les deux articles

commentant la réunion du 18 septembre reprennent également une phrase intéressante

du communiqué publié à cette occasion qui fait référence au « bon fonctionnement de la

démocratie » et selon laquelle :

« Les trois partis européens ou fédérations de partis affirment leur responsabilité commune dans le bon fonctionnement de la démocratie et en vue du succès de l'Union européenne » (Le Soir) « The three European political personalities - and Belgian - exchanged views [...] affirming « their joint responsibility in the correct functioning of democracy and with a view to the success of the European Union » » (Agence Europe)

La troisième et dernière réunion a lieu le 17 juin 1991, deux semaines précisément

avant l’envoi de la lettre du 1er juillet. On dispose pour cette réunion à la fois d’un

9 Voir notamment : JANSEN, Thomas, « Zur Entwicklung supranationaler Europäischer Parteien », dans GABRIEL, Oscar W., SARCINELLI, Ulrich, SUTOR, Bernahrd, VOGEL, Bernhard (dir.), Der demokratische Verfassungsstaat. Theorie, Geschichte, Probleme, Festschrift für Hans Buchheim zum 70. Geburtstag, Munich, R. Oldenbourg Verlag, 1992, p. 241-256 ; JANSEN, Thomas, Die Entstehung einer Europäischen Partei : Vorgeschichte, Gründung und Entwicklung der EVP, Bonn, Europa-Union Verlag, 1996 ; JANSEN, Thomas, « Pan-European Political Parties », European Essay 14, London, Federal Trust, 2001 ; JANSEN, Thomas, « The Emergence of a Transnational European Party System », European view, vol. 3, 2006, p. 45-56 ; JANSEN, Thomas, VAN HECKE, Steven, At Europe’s Service, Heidelberg, Springer, 2011. 10 Le Soir, 19 septembre 1990, « Une troïka belge pour l'Union européenne ». 11 BQAE, 19 septembre 1990, « Parties; Meeting of EPP, Socialist and Liberal Chairmen ». 12 BQAE, 14 décembre 1990, « Political Groups Converge Regarding Political and Economic Union ». 13 « Hier, les trois hommes se sont rencontrés. C'était une première, et il y en aura d'autres. Leurs instances dirigeantes respectives se réunissent ces prochains mois, après quoi la troïka belge s'attellera à dégager des positions communes avant les conférences intergouvernementales de fin d'année ».

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

158

compte-rendu par l’Agence Europe14 et du communiqué original envoyé par Thomas

Jansen au sujet de la rencontre15. Or ces documents contiennent déjà plusieurs éléments

du texte littéral de la lettre qui sera envoyée le 1er juillet. Ainsi, l’Agence Europe,

reprenant explicitement le communiqué du PPE, rapporte :

« On this occasion, they said they were convinced, according to a communique of the EPP Secretary General, Thomas Jansen, that « without contribution from the European parties, Union is neither thinkable nor viable ». The European parties, in fact, have an integration role to play in the future Union, their main task being to contribute to the « formation of political will » and to thus make it possible to achieve consensus. According to the communique, « this essential contribution should be recognised explicitly in the new treaty on Political Union », and also in the future constitution of the European Union, « in order to make possible, at medium term and in a way similar to national policy, a European legislation that provides for a working framework for European parties. »16

On constate donc qu’une partie du texte de la lettre des trois présidents est présente

dans l’espace médiatique avant cette date, ou pour mieux dire, la lettre du 1er juillet

n’est finalement que la reprise du texte du 17 juin, mais adressée personnellement aux

quatre présidents communautaires. Pourtant, alors que la rencontre du 17 juin et les

deux précédentes font l’objet d’un communiqué détaillé, l’envoi de la lettre du 1er juillet

semble, selon toute apparence, avoir été tenu secret, du moins à ce moment-là, car elle

ne reçoit aucun écho médiatique.

Il est en effet impossible de retrouver dans les sources journalistiques dépouillées17

une quelconque mention de la lettre du 1er juillet, alors qu’au contraire les trois réunions

évoquées ci-dessus ont donné lieu à un communiqué de presse repris, au minimum, par

l’Agence Europe.

14 BQAE, 19 juin 1991, « European Political Parties Discuss Their Role in The Future Treaty ». 15 Archives du PPE, Carton 4.2.1 : Sommets 1991, « Pressemitteilung » (responsable : Thomas Jansen). 16 Traduction : « A cette occasion, ils ont déclaré être convaincus, d’après un communiqué du secrétaire général du PPE, Thomas Jansen, que « sans la contribution des partis européens, l’Union n’est ni pensable, ni viable ». Les partis européens, de fait, ont un rôle à jouer dans la future Union, leur principale tâche étant de contribuer à la « formation de la volonté politique » et ainsi de rendre possibles des consensus. Selon le communiqué, « cette contribution essentielle devrait être reconnue explicitement dans le nouveau traité sur l’Union politique », ainsi que dans la future constitution de l’Union Européenne, « afin de rendre possible, à moyen terme, et dans des formes similaires à la politique nationale, une législation européenne pourvoyant un cadre de travail pour les partis européens ». 17 C’est-à-dire les archives de l’Agence Europe mais aussi de quatorze journaux européens, examinés systématiquement pour les deux premières semaines de juillet. Voir notre introduction à la partie 1 pour les détails sur nos sources.

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

159

On pourrait penser que ce silence est dû, par exemple, à l’actualité européenne

autrement plus « brûlante » du début juillet 1991 plutôt qu’à l’absence de

communication des organisations partisanes sur leur initiative. La consultation des

journaux de l’époque montre comment les proclamations d’indépendance de la Slovénie

et de la Croatie (25 juin 1991) et leurs suites occupent un espace particulièrement

important, tout comme la décision prise au Conseil européen de Luxembourg des 28 et

29 juin d’envoyer une « troïka européenne » à Belgrade pour tenter de parvenir à un

accord de cessez-le-feu entre les autorités fédérales et les républiques autoproclamées18.

Pourtant, ces évènements n’empêchent ni l’Agence Europe ni les quotidiens nationaux

consultés de rendre compte d’informations d’apparence plus mineure ou en tout cas bien

moins dramatique que la guerre, qui vont du simple fait divers survenu à l’étranger aux

informations communautaires les plus « techniques ». A titre d’exemples anecdotiques,

le Corriere della Sera rapporte, dans les « brèves » de son édition du 4 juillet, un

incendie ayant eu lieu à Paris et s’étant soldé par la mort de cinq frères19 ou encore, le 5

juillet, l’action de la CEE contre le harcèlement sexuel20. L’Agence Europe, quant à

elle, fait état, dans ses éditions des 2 et 3 juillet, d’informations détaillées sur des sujets

aussi divers que la réaction du Mouvement européen au Conseil européen de

Strasbourg21, la tenue de deux journées d’étude sur la politique méditerranéenne de la

CEE par le groupe GUE du PE22, une intervention télévisée du secrétaire général du

Parti communiste chinois du 1er juillet23, une législation anti-dumping contre les

espadrilles chinoises24, des nominations à l’agence d’approvisionnement de

l’EURATOM 25 ou encore la tenue d’une « conférence européenne sur la presse » à

18 Le 31 juin, la « troïka » composée des ministres des affaires étrangères du pays en cours de présidence de la Communauté européenne (Jacques Poos pour le Luxembourg), de son prédecesseur (Gianni de Michelis pour l’Italie) et de son successeur (Hans van den Broek pour les Pays-Bas), part pour Belgrade et pense avoir obtenu dans un premier temps un cessez-le-feu, largement relayé le 1er juillet dans la presse. L’attaque de la Solvénie par l’armée fédérale yougoslave le 2 juillet 1991 remet rapidement en cause ce succès affiché des diplomates communautaires. Voir, entre beaucoup d’autres : BQAE, 2 juillet1991, « Two Missions by the Community Troika to Yugoslavia Get Concrete Results » et les éditions des 1er, 2 et 3 juillet 1991 des quatorze journaux qui constituent notre corpus journalistique. 19 Corriere della Sera, 4 juillet 1991, « Francia : Incendio in una casa ». 20 Corriere della Sera, 5 juillet 1991. 21 BQAE, 2 juillet 1991, « European Movement Reaction To The Summit In Luxembourg. ». 22 BQAE, 2 juillet 1991, « EP's Unitarian Left Group Holds Study Days on Mediterranean Policy ». 23 BQAE, 2 juillet 1991, « The Secretary-General of the Communist Party Reaffirms the Dictatorship of the Proletariat ». 24 BQAE, 2 juillet 1991, « Commission Imposes an Anti-Dumping Duty on Chinese Espadrilles ». 25 BQAE, 3 juillet 1991, « Council Appoints New Members to Euratom Supply Agency ».

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

160

Luxembourg26. Mais à aucun moment la lettre envoyée par les trois présidents partisans

n’est mentionnée, pas même dans une brève27.

Autrement dit, les trois présidents ont tenu trois réunions conjointes de septembre

1990 à juin 1991 pour concrétiser leur coopération, après lesquelles un communiqué a

systématiquement été émis – et a toujours été repris par l’Agence Europe28 – mais la

lettre du 1er juillet, quant à elle, n’a donné lieu visiblement à aucun communiqué et à

aucune diffusion par voie de presse, alors même que le texte quasi littéral de cette lettre

est déjà dans le communiqué émis après la dernière réunion des trois présidents, le 17

juin. Deux différences notables séparent pourtant ces deux textes : d’une part, le

communiqué du 17 juin ne contient aucune définition précise des « partis européens »

mentionnés, comme si l’on voulait éviter d’en dire trop et de susciter le débat sur cette

définition ; d’autre part, la lettre n’est pas un communiqué « lancé » dans l’espace

public, mais bien une lettre personnelle adressée aux autorités communautaires. Ne pas

la rendre publique semble indiquer qu’on a voulu éviter d’apparaître comme faisant

directement pression sur les autorités communautaires pour faire avancer ses propres

intérêts.

La lettre du 1er juillet reste donc « secrète », non pas tant dans son contenu, qui est

disponible dans la presse auparavant, mais dans la manière d’agir dont elle témoigne.

Ce lobbying partisan reste ainsi discret.

Une autre manière relativement simple de faire avancer le « processus d'intégration

et [...] la démocratisation du système politique de l'Union européenne » que la lettre du

26 BQAE, 3 juillet 1991, « European Conference on the Press Begins in Luxembourg ». 27 Le 1er juillet tombe, en 1991, un lundi. Or on sait que l’Agence Europe fait paraître son Bulletin quotidien du mardi au samedi. Au vu des exemples de sujets auxquels l’Agence consacre, ne serait-ce que quelques lignes, dans son édition du mardi 2 juillet, on ne peut cependant pas arguer d’un quelconque « besoin de rattrapage » qui aurait poussé les rédacteurs de l’Agence Europe à « sacrifier » des dépêches moins « importantes » en comparaison de la lettre des trois présidents partisans, du fait d’évènements plus importants survenus le lundi 1er juillet. 28 On dispose par ailleurs de dépêches de l’Agence Europe, pour la même période, qui mentionnent d’autres initiatives du même genre et rendent improbable que cette agence ait « laissé passer » un communiqué ou une information disponible à ce moment-là sur la lettre du 1er juillet. Voir par exemple : BQAE, 20 juin 1991, « European Federalists Write a Letter to John Major » ; BQAE, 9 juillet 1991, « News of the Week 1 to 7 July 1991 » (à propos d’une lettre adressée par des députés belges au président du PE, Enrique Barón). Ces exemples permettent d’affirmer sans trop de risque que si la lettre du 1er juillet avait fait l’objet d’une quelconque publicité, cela aurait vraisemblablement laissé une trace dans les articles de l’Agence.

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

161

1er juillet mentionne aurait été d’introduire directement cette revendication dans les CIG

en cours.

Certains exemples de contributions non gouvernementales prouvent en effet qu’il

n’était pas nécessaire d’obtenir le « parrainage » de l’un des quatre présidents

communautaires en exercice pour pouvoir proposer des mesures aux CIG. En effet,

outre les contributions des délégations nationales et celles des institutions ou organes

communautaires qui ont pu être suscitées directement par le groupe des représentants

personnels29, il existe également des contributions « spontanées » envoyées

officiellement aux CIG sur initiative propre des responsables de divers organismes.

Celles-ci peuvent être rédigées par les représentants d’organes communautaires

soucieux de préserver ou d’accroître leurs compétences dans les futurs traités30. Mais il

arrive aussi qu’elles émanent d’organisations privées, comme par exemple du syndicat

patronal UNICE (Union des Confédérations de l’Industrie et des Employeurs d’Europe).

Son président, Carlos Ferrer, adresse ainsi le 21 mars 1991 au président de la CIG (qui

est alors le ministre des affaires étrangères luxembourgeois Jacques Poos) deux

« Contributions de l’UNICE à la Conférence Intergouvernementale sur l’Union

politique ». Ces contributions sont transmises officiellement au secrétaire général du

Conseil, Niels Ersbøll, par le secrétaire général de l’UNICE, Zygmunt Tyszkiewicz, le 2

avril 1991. Celui-ci explique dans sa lettre de présentation :

« J’ai l’honneur de vous transmettre ci-joint deux documents envoyés par l’UNICE, comme sa contribution aux travaux de la Conférence sur l’Union politique. [...] l’UNICE fait savoir qu’elle continue à étudier le rôle futur des Partenaires Sociaux au niveau communautaire et se réserve le droit de

29 Voir par exemple, dans les archives de la CIG disponibles, les documents du Conseil 1120/90 (lettre du président de la CJCE, Ole Due, du 12 décembre 1990 expliquant, sur demande du président du COREPER, « quelles seraient, selon le point de vue officieux de la Cour de justice, les modifications qu’il serait souhaitable d’apporter au traité CEE [...] ») ; 1761/91 (proposition du Conseil économique et social du 28 février 1991, à la demande du COREPER, sur les « modifications à apporter au Traité CEE en ce qui concerne le Comité économique et social ») ; 1781/91 (contribution de la CJCE du 21 mars 1991, sur demande du groupe des représentants personnels, à propos de la modification de l’article 168 A du traité CEE). 30 Voir par exemple : documents du Conseil 1812/91 du 3 mai 1991 (lettre du président du Tribunal de Première Instance des CE, José Luis da Cruz Vilaça, à l’ambassadeur Joseph Weyland, représentant permanent du Luxembourg et président du groupe des représentants personnels au premier semestre 1991, objet « CIG sur l’Union politique ») ; document du Conseil 1829/91 du 19 juillet 1991 (lettre du président du Conseil consultatif des collectivités régionales et locales John Chatfield, datée du 6 juin, adressée au « président de la Conférence des représentants des gouvernements des Etats membres – Union politique », concernant la « CIG sur l’Union politique »).

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

162

soumettre son avis sur ce thème au moment opportun à la Conférence intergouvernementale. Nous vous remercions de l’attention que vous pourriez prêter aux recommandations formulées dans ce document au nom des milieux d’affaires européens. »31

Rien ne semble donc empêcher, au vu de cet exemple, les présidents de la fédération

ELDR, du PPE et de l’UPSCE de procéder de la même manière et de faire parvenir

directement aux représentants de la CIG la « stipulation explicite » qu’ils souhaitent

faire insérer dans le traité en cours de négociation. Pourtant, la lettre du 1er juillet ne

mentionne ni les CIG en cours ni la possibilité de faire diffuser cette proposition aux

délégations nationales qui y sont engagées.

Bien plus, on l’a déjà mentionné, les trois présidents ont également à leur

disposition, dans leur « répertoire d’action » commun du moment, les ressources

intergouvernementales que leur offrent le fait que Wilfried Martens soit en même temps

Premier ministre de Belgique à cette époque. W. Martens est même le « vétéran » des

membres du Conseil européen suite à la démission de Margaret Thatcher le 22

novembre 1990. Martens participe donc aux différents Conseils européens qui fixent les

priorités et tranchent les problèmes apparus pendant les négociations menées au niveau

des Ministres et des représentants personnels. Il dispose ainsi d’un « accès personnel »,

mais aussi en même temps d’un « accès délégué » aux CIG, par l’intermédiaire de son

Ministre des affaires étrangères, Mark Eyskens, et du représentant permanent de la

Belgique auprès des Communautés européennes, Philippe de Schoutheete, qui a

également été désigné « représentant personnel » du ministre pour mener les

négociations de la CIG politique. On pourrait citer aussi l’un des vice-présidents de

l’ELDR à cette époque, Uffe Ellemann-Jensen, qui est en même temps ministre des

affaires étrangères du Danemark et se trouve également engagé dans les CIG à ce titre.

Il aurait donc été tout à fait envisageable de compléter la lettre du 1er juillet par une

proposition plus formelle au sein de la CIG, sur le modèle du « mémorandum » belge du

20 mars 1990 évoqué dans le chapitre 1. Pourtant, paradoxalement, tout est fait pour

éviter d’inscrire formellement cette demande dans le cadre officiel, comme l’ont montré

nos observations dans les chapitres précédents.

31 Document du Conseil 1792/91.

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

163

Pourquoi W. De Clercq, W. Martens et G. Spitaels n’ont-ils pas choisi la voie

officielle ? Et pourquoi n’ont-ils plus donné la moindre suite à leurs réunions et à leur

lettre commune du 1er juillet après cette date ? Le comprendre implique de rentrer dans

les détails de leurs positions relatives et de leur évolution à l’époque, à la fois dans

l’espace politique européen et dans leur espace politique national commun.

I.1.3 – Trois présidents semblables et différents

Une coopération transpartisane revendiquée ?

L’observation précise des prises de position publiques se rapportant à la coopération

entre les trois présidents partisans montre en effet que celles-ci varient sensiblement,

semblant indiquer à la fois une différence d’investissement important entre les trois,

mais aussi une « rupture de publicité commune » après le 17 juin 1991. Le tableau ci-

dessous reprend les documents des différentes organisations européennes de partis qui

mentionnent soit les réunions tripartites, soit les /partis européens/ durant la période,

précise leur contenu et indique si ces documents (communiqués, déclarations) ont été

repris dans la presse et sous quelle forme :

Rencontres des trois présidents partisans et revendications publiques

ELDR PPE UPSCE Texte

Mention coopération tripartite ?

Couverture presse ?

juill

août 1990

sept

18.09 1ère rencontre

des 3 présidents Communiqué

PPE ? 32

« [...] exchanged view on the development of

the role of the European parties or federations of

parties »33

oui 19.09

BQAE, Le Soir

32 Nous n’avons pas pu retrouver le communiqué original dans les archives consultées, mais la formulation de la dépêche de l’Agence Europe, qui cite explicitement plusieurs passages d’un document de référence, atteste de son existence. La teneur de la dépêche mettant clairement en valeur le rôle de Wilfried Martens, nous avons supposé qu’il s’agissait d’un communiqué du PPE, sans pouvoir néanmoins en être certains : « In his function as chairman of the European People's Party, Belgian Prime Minister Wilfried Martens met, on his initiative, Guy Spitaels, chairman of the union of socialist parties of the European Community and Willy De Clercq, chairman of the European liberal, democrat and reformist

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

164

oct

nov

déc 13.12

2e rencontre des 3 présidents Conférence de presse conjointe

_ _ 14.12 BQAE

jan

fév

mars

avr

mai

juin

17.06 3e rencontre des

3 présidents Communiqué

« Les partis européens sont indispensables en

tant que facteur d’intégration [...] »

oui 19.06 BQAE

1991

juill

août

sept

oct

18.10 Résolution du

Bureau Communiqué

« 4. Ausbau des politischen Systems :

Einfügung eines Paragraphen, die Rolle

der « europäischen Parteien [...] »34

non 23.10 BQAE

nov

04.12 Sommet des

leaders ELDR

Communiqué

« a reference in the Treaty of the role of the

political parties as integration factors

within the Union »35

non 06.12 BQAE

déc

06.12 Sommet des leaders PPE Communiqué

« Inscription d’un paragraphe concernant

le rôle des « partis européens » : « des

partis européens sont indispensables [...] »

non

10.12 BQAE

(reprend le communiqué sans mention

des /partis européens/)

federation. » (traduction : « Dans sa fonction de président du Parti populaire européen, le Premier ministre belge Wilfried Martens a rencontré, sur son initiative, Guy Spitaels, président de l’Union des partis socialistes de la Communauté européenne et Willy De Clercq, président de la fédération européenne libérale, démocrate et réformatrice »). 33 Traduction : « [...] ont échangé des vues sur le développement du rôle des partis européens ou fédérations de partis ». 34 Traduction : « 4. Renforcement du système politique : insertion d’un paragraphe concernant les « partis européens » [...] ». 35 Traduction : « Une référence dans les traités au rôle des partis politiques comme facteurs d’intégration dans l’Union ».

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

165

13.12 Réunion du

Bureau Communiqué

« Le PPE [...] se réjouit particulièrement que la reconnaissance du rôle et de la fonction des

partis européens dans le Traité, leur offre une

base constitutionnelle »

non

14.12 BQAE

(reprend le communiqué sans mention

des /partis européens/)

jan

1992 fév

Plusieurs éléments intéressants sont mis en lumière par ce tableau. Tout d’abord, des

différences notables apparaissent selon les organisations partisanes. On constate ainsi

que la présidence de l’UPSCE n’a jamais revendiqué officiellement et publiquement la

reconnaissance des /partis européens/, malgré la participation de Guy Spitaels aux trois

rencontres évoquées. Parallèlement, il n’existe qu’une seule et unique prise de position

attestée des instances de la fédération ELDR en faveur de cette reconnaissance, qui est

tardive (4 décembre 1991) et qui ne mentionne pas les rencontres inter-partisanes.

De leur côté et au contraire, les dirigeants du PPE manifestent plusieurs fois leur

engagement sur cette question, en l’évoquant dans au moins quatre prises de position

publiques « labellisées PPE »36 et en mentionnant explicitement la coopération

tripartite. La simple description des prises de position publiques à ce sujet semble donc

indiquer une différence importante d’ « investissement revendicatif » entre les trois

présidents, et singulièrement un activisme marqué de la part des membres du PPE.

Cette distinction entre les attitudes des trois présidents est par ailleurs « consolidée »

par le fait qu’il n’existe en fait aucune revendication conjointe attestée à propos de la

reconnaissance des /partis européens/, qui serait assumée publiquement par les trois

présidents en même temps. Les communiqués qui en parlent sont tous des communiqués

séparés de l’une ou l’autre de ces organisations. La seule trace matérielle de cette

revendication qui soit signée conjointement – la lettre du 1er juillet 1991 – n’a en effet

pas été rendue publique en tant que telle, comme on l’a montré. Quant au compte-rendu

par l’Agence Europe de la conférence de presse du 13 décembre 1990, moment

apparemment unique d’« affichage » public commun, il fait état de nombreuses

36 Et peut-être une cinquième si l’on accepte l’hypothèse d’un communiqué du PPE à l’issue de la première rencontre des présidents, le 18 septembre 1990, rendue d’autant plus probable de par les communiqués répétés du PPE de son côté par la suite.

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

166

propositions et revendications des trois présidents à la veille de l’ouverture des CIG37,

mais aucune ne porte sur une reconnaissance officielle des /partis européens/.

Ainsi, si l’on s’en tient strictement aux prises de position publiques observables, on

voit que les seules qui évoquent à la fois une coopération entre les trois « familles »

politiques et la question particulière de la reconnaissance de /partis européens/

proviennent de communiqués spécifiques du PPE.

Enfin, même ces prises de position semblent connaître une évolution dans le temps,

en ce qui concerne surtout la mention des « partenaires » partisans : après la troisième

rencontre du 17 juin 1991, aucune des trois prises de position des chrétiens-démocrates

repérées ne mentionne plus la coopération tripartite, alors que c'était le cas auparavant.

De même, la seule occurrence de la question chez les libéraux, qui apparaît durant la

même période, la passe également sous silence. Il semblerait donc que les présidents, et

notamment celui du PPE, n’ont plus le même intérêt à « afficher » leur collaboration à

partir de l’été 1991.

Ce silence contraste avec l’attitude du président du PE, comme on l’a vu dans la

section précédente. Dans les mentions qu’il fait à cette initiative, du 2 au 12 décembre

1991, E. Barón s’attache au contraire à mettre en avant cette coopération « tripartisane »

dont il cherche à se faire le porte-parole et le représentant. Cette insistance d’E. Barón,

qui précise quasiment systématiquement qu’il s’agit d’une initiative commune des trois

présidents partisans, rend significatif a contrario le silence des trois présidents

concernés, W. De Clercq et G. Spitaels durant toute la période, W. Martens plus

précisément à partir de juillet 1991.

37 Outre des revendications sur l’UEM (par exemple celles d’une monnaie unique et d’une banque centrale européenne indépendante), Willy De Clercq demande la fixation de « peremptory deadlines » (« délais péremptoires ») pour la mise en place de l’Union politique et la réunion des institutions européennes dans une même ville, tandis que Wilfried Martens « recommended, on behalf of the EPP, the creation of a council of foreign ministers on security and defence questions ». (« recommanda, au nom du PPE, la création d’un conseil des ministres des Affaires étrangères sur les questions de sécurité et de défense »). Spitaels insiste quant à lui sur une « greater social cohesion » (« plus grande cohésion sociale ») et sur la charte sociale. Les trois présidents demandent que le PE devienne « the « second branch » of legislative power as soon as possible » (« la seconde branche du pouvoir législatif aussi vite que possible ») et qu’on lui donne « the power to take legislative initiatives [...] and a right of co- decision with the Council of Ministers » (« le pouvoir de prendre des initiatives législatives […] et un droit de codécision avec le Conseil des ministres ») (BQAE, 14 décembre 1990, « Political Groups Converge Regarding Political and Economic Union »).

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

167

Comment expliquer le fait que les trois présidents partisans ne revendiquent

ouvertement que très rarement – ou jamais pour W. De Clercq et G. Spitaels - leur

collaboration au niveau européen ? Il semble que ces différences d’attitude dans le

champ des prises de position européen doivent être rapportées à leur positionnement

relatif dans leur espace national commun.

Des associés-rivaux

Le fait que les trois présidents des organisations européennes de partis en 1991

soient de nationalité belge a déjà souvent été relevé, sur le mode anecdotique, faisant de

cette co-nationalité un facteur explicatif de leur coopération « au niveau européen ». Les

trois hommes, qui possèdent d’autres caractéristiques similaires38, se connaissent en

effet depuis longtemps et ont participé ensemble à des gouvernements tout au long des

années 80. W. De Clercq et G. Spitaels, qui, en 1991, sont respectivement député

européen et président du Parti socialiste francophone belge, ont ainsi tous les deux –

mais à des moments différents – participé à un ou plusieurs des gouvernements

Martens : Guy Spitaels a été vice-premier Ministre et Ministre du Budget dans les

gouvernements « Martens I » et « Martens II »39, ainsi que vice-premier Ministre et

Ministre des Communications dans les gouvernements « Martens III » et

« Martens IV »40. Willy De Clercq a été vice-premier Ministre, ainsi que Ministre des

Finances et du Commerce extérieur dans le gouvernement « Martens V »41.

Ces différents éléments ont pu être interprétés par certains acteurs et observateurs

comme des « facilitateurs » de la coopération personnelle des trois présidents. C’est le

cas par exemple de Guy Korthoudt, secrétaire adjoint du PPE en 1991, qui mentionne la

nationalité des trois présidents dès sa première réponse en entretien :

38 Tous les trois sont par exemple docteurs en droit, Spitaels et De Clercq ayant par ailleurs longtemps enseigné, en parallèle de leur carrière politique, à l’Université libre de Bruxelles (ULB). Ces éléments, on le verra dans la deuxième partie, peuvent être importants à signaler. 39 Du 3 avril 1979 au 16 janvier 1980 pour Martens I et du 23 janvier 1980 au 9 avril 1980 pour Martens II. 40 18 mai 1980 - 7 octobre 1980 et 22 octobre 1980 - 2 avril 1981 respectivement. 41 17 décembre 1981-14 octobre 1985.

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

168

« Question : Quels sont pour vous les acteurs principaux de l’institutionnalisation des « partis politiques au niveau européen » ? Guy Korthoudt : « Le plus grand acteur, c'est Martens. Il faut dire aussi qu’à l’époque, en 1990, les 3 présidents des 3 principaux partis politiques au niveau européen sont non seulement belges, mais en plus flamands : Martens, De Clercq et Claes42. Et deux gantois, Martens et De Clercq ! (rires) Il y a donc eu des contacts politiques, c'était plus facile pour trouver des accords politiques. »43

Mais il faut prendre garde de ne pas sur-interpréter cette proximité apparente.

Certes, W. Martens, W. De Clercq et G. Spitaels se connaissent et, certes, le champ

politique belge est caractérisé par l’alternance de coalitions changeantes qui entraîne

régulièrement la coopération gouvernementale des principales figures politiques belges.

Mais, justement, cette coïncidence à la tête des organisations européennes de partis au

même moment constitue vraisemblablement plutôt un élément susceptible de freiner les

coopérations interpartisanes en 1991, ce qui a été beaucoup moins souvent noté.

En effet, les trois hommes politiques belges sont principalement des opposants

politiques dans leur espace national. Membres de trois partis concurrents dans le jeu

politique fédéral, W. Martens (pour les chrétiens-démocrates flamands du CVP), W. De

Clercq (pour les libéraux flamands du PVV) et G. Spitaels (pour les socialistes

francophones du PS, qu’il préside par ailleurs depuis 1981) sont en compétition directe.

Cette concurrence est d’autant plus importante à prendre en compte en 1991 que la

perspective d’élections générales dans l’année qui suit pèse sur les calculs des acteurs :

les législatives belges doivent se dérouler, si la législature parvient à son terme, au

printemps 1992. Le premier semestre 1991 constitue donc déjà, en quelque sorte, une

période de « pré-campagne » électorale peu favorable à l’affichage médiatique

d’initiatives communes entre acteurs censés s’affronter très bientôt. Mais le contexte

devient encore moins favorable après l’été, du fait de la démission des ministres de la

42 Il s’agit en fait de Spitaels qui n’est pas flamand mais bien francophone. Willy Claes, membre du parti socialiste flamand (SP) succède en effet à Spitaels en 1992 à la tête de l’UPSCE (qui devient en même temps le « Parti socialiste européen »), mais il ne l’est pas encore à cette époque. Claes fait néanmoins partie, en 1991, des gouvernements « Martens VIII » et « Martens IX » en tant que Vice-premier ministre. Cette confusion de Korthoudt est intéressante car elle semble indiquer une « surinterprétation » a posteriori par Guy Korthoud de l’importance des liens communautaires dans l’affirmation des « partis politiques au niveau européen », qui le pousse inconsciemment à en faire le résultat d’une coopération tripartite flamande (Guy Korthoud lui-même est flamand, né à Anvers en 1950). 43 Entretien avec Guy Korthoudt (23 février 2010).

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

169

Volksunie du gouvernement « Martens VIII » fin septembre 199144. La rupture de la

coalition provoque l’annonce de la tenue d’élections législatives anticipées pour le 24

novembre, deux semaines avant le Sommet de Maastricht, ce qui précipite la campagne

électorale dans les semaines qui suivent la troisième rencontre de W. De Clercq,

W. Martens et G. Spitaels le 17 juin.

Dans ce contexte, les oppositions politiques s’exacerbent, d’autant plus qu’une

« affaire » éclate également en septembre 1991, qui oppose notamment, par déclarations

interposées à la presse, Wilfried Martens et Willy De Clercq : il s’agit de l’affaire dite

du « groupe de Poupehan ». Le journaliste Hugo De Ridder révèle en effet, dans un

livre intitulé Le cas Martens qui paraît début septembre 199145, que la dévaluation très

discutée et lourde de conséquences du franc belge de 1982 avait été en fait mise au point

au préalable, secrètement, par les chrétiens-démocrates avant toute discussion au sein de

la coalition gouvernementale, composée alors des chrétiens-démocrates (CVP et PSC)

et des libéraux (PVV et PRL46). Willy de Clercq, qui était Ministre des Finances en

1982, accuse alors W. Martens et les membres du CVP de l’avoir tenu à l’écart des

premières discussions, de lui avoir laissé croire que la décision n’était pas encore prise

quand il a eu connaissance de cette éventualité et, indirectement, de lui avoir fait

assumer la responsabilité publique majeure de cette dévaluation très impopulaire,

décidée en fait par W. Martens et le CVP. Cette affaire, dont l’importance reste

néanmoins faible si on la compare aux scandales politiques que connaîtra la Belgique

par la suite47, fournit cependant une occasion aux opposants politiques de W. Martens, à

commencer par W. De Clercq lui-même, de prendre position clairement contre lui et son

44 Le parti nationaliste flamand de la Volksunie comptait trois ministres dans le gouvernement « Martens IX » : Hugo Schiltz, André Geens et Jef Valkeniers. Ceux-ci s’opposent en septembre 1991 au renouvellement des licences d’exportation d’armes, qui concernent des entreprises wallones, ce qui entraîne la rupture de la coalition de gouvernement et la présentation par Martens de la démission de son gouvernement le 29 septembre. 45 DE RIDDER, Hugo, Le cas Martens, Louvain-la-neuve / Paris, Duculot, 1991. 46 Parti réformateur libéral. 47 Et notamment l’affaire Agusta-Dassault, qui éclate un an après Maastricht, en janvier 1993, et dans le cadre de laquelle Guy Spitaels, mais aussi Willy Claes, son successeur à la tête de l’UPSCE, seront condamnés en 1998. Au cours de cette affaire, Guy Spitaels sera d’ailleurs accusé, sans que cela ne soit finalement prouvé, d’avoir « échangé » sa présidence de l’UPSCE en janvier 1989 à Bettino Craxi contre l’obtention du marché public de la Défense – des hélicoptères – par la firme italienne Agusta (voir Le Soir, « Spitaels : l’auteur de cette fable ignore que... Spitaels esquive la salve van der Biest-Pirot », 30 juillet 2007).

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

170

gouvernement48. Ainsi, interrogé par Jean-Pierre Stroobants pour le journal Le Soir du

14 septembre 1991, Willy De Clercq se déclare « choqué » par ces révélations et attaque

le gouvernement Martens :

« J.-P. Stroobants : Jean Gol49 dit de ces révélations qu'elles confirment le rôle de la « machine CVP » et la confusion des pouvoirs en Belgique... Willy De Clercq : Il a raison. Une démocratie fonctionne bien si elle connaît l'alternance. Or, en Belgique, un parti se maintient envers et contre tout au pouvoir, quel que soit le résultat des élections. [...] JPS : Ce livre servira-t-il au PVV de machine de guerre électorale contre Martens? WDC : C'est l'ensemble de l'activité du gouvernement Martens VIII qui n'est pas convaincante. Je remarque, en tant qu'élu européen, que le prestige de la Belgique a été largement entamé sous cette législature. »50

Cet exemple est une illustration des tensions qui existent en septembre 1991 entre

les figures de l’opposition comme W. De Clercq et les membres du gouvernement,

notamment Martens. A partir de la démission de « Martens VIII » le 29 septembre et

jusqu’aux élections du 24 novembre, qui aboutissent à la défaite relative des principaux

partis de gouvernement51, les divergences et les oppositions se généralisent et

s’exacerbent entre les membres de la coalition qui reste chargée des affaires courantes

jusqu’en mars 1992, le temps qu’un nouveau gouvernement soit formé52.

On comprend sans doute un peu mieux pourquoi le caractère « tripartite » de

l’initiative « européenne » des trois présidents belges n’est ni assumé ni affiché comme

tel par aucun des trois hommes politiques en campagne. Parmi les prises de positions

repérées, effectuées au nom de l’une de ces trois organisations, seul le PPE mentionne,

avant l’été, les autres présidents : mais à partir du mois de juillet, plus aucun des trois

communiqués dont on dispose n’y fait référence. Les dirigeants du PPE continuent 48 C'est évidemment beaucoup plus simple pour W. De Clercq, dont le parti n’appartient pas à la coalition gouvernementale de 1991, que pour Spitaels qui a accepté que le PS qu’il préside en fasse partie depuis 1988. 49 Chef du PRL en 1991 et Vice-premier ministre comme W. De Clercq dans le gouvernement « Martens V » en 1982. 50 Le Soir, 14 septembre 1991, « Willy De Clercq. Sur les révélations concernant la dévaluation du franc en 1982 ». 51 Les quatre partis de la coalition en place, qui reformeront par la suite la même coalition, perdent tous des voix et des sièges lors des élections du 24 novembre, dont le résultat le plus remarqué est le score du Vlaams Block en Flandre, qui passe au niveau national de 2 à 12 sièges à la Chambre (et dans une moindre mesure, du parti écologiste « Ecolo » en Wallonie, qui passe de 3 à 10 sièges à la Chambre). Voir notamment : Courrier hebdomadaire du C.R.I.S.P. (sous la direction de Xavier Mabille, Evelyne Lentzen et Pierre Blaise), n°1335-1336, numéro spécial, novembre 1991. 52 Qui entre en fonction le 7 mars 1992 seulement, avec Jean-Luc Dehaene à la tête d’une coalition regroupant les quatre mêmes partis (CVP, PSC, PS et SP).

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

171

d’appeler à la reconnaissance de /partis européens/, mais en se gardant bien d’évoquer le

rôle ou le soutien des libéraux ou des socialistes. Les libéraux, de même, mentionnent la

revendication dans le communiqué du 4 décembre suivant leur conférence de leaders,

mais sans faire allusion aux « familles » politiques rivales. Quant aux dirigeants

socialistes de l’UPSCE, on l’a dit, ils ne prennent jamais publiquement position sur la

question et ne font jamais référence aux rencontres tripartites, comme s’ils voulaient

éviter tout risque de se voir assimilés, d’une manière ou d’une autre, à leurs opposants

politiques.

Ainsi, alors même qu’ils se rencontrent à trois reprises et qu’ils rédigent une lettre

commune demandant la reconnaissance de leurs organisations, tout se passe comme si

les trois présidents partisans veillaient à ne pas trop « communiquer » sur leur entente

ponctuelle, notamment W. De Clercq et G. Spitaels qui ne la mentionnent jamais

publiquement, sauf lorsqu’ils apparaissent en conférence de presse avec W. Martens le

13 décembre 1990, à la veille de l’ouverture des CIG. Même Martens ne fait plus

référence à la coopération inter-partisane après leur dernière rencontre du 17 juin 1991,

et se recentre comme on va le voir sur la coordination au sein de sa propre « famille »

politique.

Ce décalage notable entre les mobilisations effectives des acteurs et leurs prises de

position affichées est intéressant car il montre à quel point ces acteurs multipositionnés

(au niveau national et au niveau européen) se trouvent soumis à – au moins – deux

tendances contradictoires. En compétition directe sur la plan national depuis au moins

quinze ans, et plongés à partir de septembre 1991 dans une campagne électorale

acrimonieuse53, W. De Clercq, W. Martens et G. Spitaels ont tendance à minimiser,

voire à passer sous silence leur coopération tripartite dans l’espace politique européen.

En revanche, se trouvant tous les trois dans une position « européenne » homologue, ils

partagent des intérêts communs qui les poussent à tenter de faire reconnaître

juridiquement dans le droit communautaire les organisations qu’ils président. Ces

associés-rivaux jouent donc le même jeu européen, d’autant plus facilement qu’ils sont

53 Voir, avant même la démission du gouvernement « Martens VIII », les « attaques » abondamment rapportées dans la presse, comme entre autres exemples, Le Soir, 16 septembre 1991, « Martens et Van Rompuy dénoncent le coup dans le dos du PVV et le désespoir idéologique des socialistes flamands » : « Le CVP déclare la guerre électorale au SP ».

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

172

tous les trois depuis longtemps « socialisés à l’Europe »54. Mais seulement tant que les

impératifs et les jeux nationaux ne reprennent pas le dessus.

Ces considérations permettent de mieux comprendre également ce que la position de

de Premier ministre de W. Martens a de spécifique en 1991 et en quoi cela peut

contribuer à expliquer son investissement particulier, par rapport à ses homologues, en

faveur de la reconnaissance des /partis européens/. On a déjà noté que sa position lui

donnait accès à la CIG et plus encore au Sommet de Maastricht pendant lequel il a

proposé cette reconnaissance. Combinant positions de chef de gouvernement et de

leader du PPE, W. Martens a donc à la fois la possibilité d’agir en ce sens, et des

raisons pour le faire, puisque l’organisation qu’il préside pourrait prétendre au label

dont il demande la codification.

Mais sa position de Premier ministre est fragilisée à l’époque, même avant les

élections de novembre. En effet, Wilfried Martens est certes Premier ministre en 1989-

1992, mais il occupe déjà ce poste quasiment sans interruption55 depuis le 3 avril 1979.

Cette « longévité » politique sans précédent paraît fragile aux observateurs56, alors que

des élections générales sont prévues pour janvier 1992. Comme on vient de le voir,

celles-ci sont même anticipées au 24 novembre 1991, et la défaite relative des grands

partis, à commencer par le CVP de Martens57 rend peu probable qu’il soit reconduit,

quels que soient les résultats des tractations qui s’ouvrent en novembre pour former le

nouveau gouvernement.

W. Martens est donc un Premier ministre dans une situation particulière : à partir de

septembre 1991, il est en campagne puis, après sa défaite du 24 novembre 1991, c’est

54 Guy Spitaels est par exemple diplômé du Collège de Bruges. Willy De Clercq, de son côté, a une véritable « carrière européenne » derrière lui, puisqu’il a été successivement député européen (1979-1984), Commissaire européen au commerce (1984-1989), puis de nouveau député européen à partir de 1989. Il a par ailleurs déjà été une première fois président de la fédération ELDR en 1980-1981, avant de le redevenir à partir du 8 juin 1990. Enfin, De Clercq est également en 1991 président de l’Union Européenne des Fédéralistes (UEF) pour la Belgique. Quant à Martens, on va le voir, il est depuis longtemps considéré et décrit comme particulièrement attiré par une carrière européenne qui lui permettrait de se « reconvertir », comme en attestent des articles tels que celui du journal Le Soir du 11 mai 1990, au moment de son élection à la tête du PPE : « Martens l’Européen a la tête dans les étoiles ». 55 Pendant 6 mois en 1981 (d’avril à septembre), Martens dut laisser sa place à Mark Eyskens, membre du CVP également. 56 Voir par exemple Le Soir, 11 mai 1990 : « Martens l’Européen a la tête dans les étoiles ». 57 Qui passe de 19,5 % des voix en 1987 à 16,8% et de 43 à 39 sièges à la Chambre. Voir : Courrier hebdomadaire du C.R.I.S.P. (sous la direction de Xavier Mabille, Evelyne Lentzen et Pierre Blaise), n°1335-1336, numéro spécial, novembre 1991.

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

173

un Premier ministre sortant, chargé des affaires courantes dans son pays, qui se rend à

Maastricht, pour ce qui sera sans aucun doute son dernier Conseil européen. Sa position

de Premier ministre, quand on la met en perspective, n’est donc plus très « solide » en

1991, y compris avant l’annonce des élections, et alors même qu’il ne semble pas en

position de force au sein de son propre parti, le CVP58.

Parallèlement, depuis son élection à la tête du PPE le 10 mai 1990, Martens occupe

une position « européenne » qu’il a lui-même, selon le témoignage de Thomas Jansen59,

fait solliciter par son ami et ministre Paul de Keersmaeker60 :

« The proposal was first made by Paul De Keersmaker, who had been Minister for Agriculture and for European Affairs. He contacted me in 1989 when it was more or less clear that Martens could not stay much longer in his office as Prime Minister. He argued that it would be a pity that such a man with his great experience would then be without political job. »61

De nombreux observateurs lui prêtent par ailleurs des prétentions sur la présidence

de la Commission européenne62, que Jacques Delors est initialement censé quitter en

1992. Même sa décision, très discutée au sein de son propre parti, de se présenter plutôt

à Bruxelles qu’à Gand pour les élections de 1991 semble traduire un « tropisme »

européen affiché63.

Les positions relatives de W. De Clercq et G. Spitaels sont en comparaison plus

dépendantes de l’espace national, notamment pour G. Spitaels qui est président du PS

francophone belge et ne détient pas d’autre position « européenne » que celle de

58 Qu’il ne préside plus depuis son accession au poste de Premier ministre, en avril 1979 et au sein duquel il est mis plusieurs fois en minorité dans les débats internes : voir par exemple, Le Soir, 18 avril 1991, « La gaffe de Martens » (« Pas banal de voir un Premier ministre se faire engueuler par son propre parti [...] »). C'est Herman Van Rompuy qui préside le CVP en 1991. 59 Qui concorde avec la version (néerlandaise) des mémoires de W. Martens qui mentionnent également Paul de Keersmaeker comme l’acteur central de son élection : voir chapitre 1. 60 Ami personnel, membre lui aussi du CVP et qui est son secrétaire d’Etat aux affaires européennes (et à l’agriculture) depuis 1981. 61 Voir notre entretien avec Thomas Jansen, par questionnaire (11 décembre 2010) (traduction : « La proposition fut d’abord faite par Paul De Keersmaeker, qui était Ministre de l’Agriculture et des Affaires européennes. Il me contacta en 1989, quand il était plus ou moins clair que Martens ne pourrait pas rester beaucoup plus longtemps en poste en tant que Premier ministre. Il argumenta que ce serait fort dommage qu’un homme avec une telle expérience soit à ce moment-là sans activité politique »). 62 Voir par exemple : Le Soir, 26 octobre 90, « La succession de Delors proposée à Martens ? Ernest Glinne et ses confidences ». 63 D’autant plus que Martens lie ce changement de circonscription à ses positions réitérées en faveur d’un rassemblement des institutions européennes sur le seul site bruxellois : voir par exemple Le Soir, 4 avril 1991, « Martens à et pour Bruxelles coeur de l'Europe ».

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

174

président de l’UPSCE64. W. De Clercq est certes également député européen65, mais il a

déjà une carrière « européenne » derrière lui, ayant été Commissaire au commerce de

1985 à 1989, mais non renouvelé par le gouvernement belge (de W. Martens) à

l’époque.

Les perspectives de W. Martens, à divers égards, semblent donc plus « ouvertes » à

l’époque du côté de l’espace politique européen, alors qu’elles se referment de plus en

plus au niveau national, ce qui pourrait expliquer qu’il s’investisse comparativement

plus que ses homologues pour la reconnaissance des /partis européens/, label auquel

l’organisation qu’il dirige depuis mai 1990 peut prétendre.

Il serait pourtant trompeur de réduire l’émergence de la revendication en faveur des

/partis européens/ aux relations entre les trois présidents partisans et à la position

particulière de Wilfried Martens, ne serait-ce que parce que la coopération entre

organisations européennes de partis, y compris sur cette question particulière, a été

préparée et lancée avant même l’élection de certains d’entre eux, et notamment de

W. Martens, par leurs « équipes » partisanes, c’est-à-dire les membres permanents des

trois organisations.

I.2 – Equipes et hérauts

I.2.1 – Les administrateurs partisans, professionnels de l’« Europe des partis »

Si les présidents de l’ELDR, du PPE ou de l’UPSCE sont les figures les plus

« visibles » de ces organisations, et donc celles à qui l’on a tendance à imputer le plus

facilement l’action et les réalisations de celles-ci, ce sont leurs administrateurs et

notamment les secrétaires généraux qui assurent la gestion quotidienne et la continuité

de ces organisations. Pour reprendre les termes employés par les acteurs eux-mêmes, en

l’occurrence le secrétaire général de l’ELDR et le président du PPE :

64 Qu’il abandonne de plus dès janvier 1992, avant la fin de son mandat, pour devenir président de la Région wallone. 65 Et président de la Commission des relations économiques extérieures en 1991, ainsi que vice-président de son groupe libéral.

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

175

« 5. How would you define the role of the Secretary General (SG) of the ELDR Party, compared for example with the role of the President ? Christan Ehlers : « Both were crucial: the President as the « face » of the Federation [...] the SG as the organisational spine. » »66 « In fact, since the foundation of the EPP in 1976, the role of President had been merely ceremonial. [...] The statutes limited the President’s duties to chairing congresses, meetings of the Political Bureau and EPP summits. In fact, the EPP was run by the Secretary-General because he or she was available on a permanent basis and lived in Brussels. »67

Ces « épines dorsales » administratives que sont les secrétaires généraux de ces

organisations sont en effet souvent plus permanentes que leurs présidents, que ce soit

par le nombre de leurs mandats68 ou plus fondamentalement parce qu’ils dirigent « à

temps plein » ces organisations, contrairement aux présidents qui ont, en tout cas à cette

époque, le plus souvent des responsabilités nationales généralement importantes en

même temps. Le cas le plus emblématique pour notre période est évidemment celui du

PPE, où Wilfried Martens succède, en mai 1990, et alors qu’il est Premier ministre de

Belgique, à Jacques Santer, chef du gouvernement luxembourgeois durant toute sa

présidence (de 1987 à 1990). W. Martens mentionne d’ailleurs le problème que ce

66 Entretien par questionnaire avec Christian Ehlers, secrétaire général (SG) de l’ELDR de 1991 à 1999, (10 août 2011). (traduction : « Comment définiriez-vous le rôle du secrétaire général (SG) du parti ELDR, en comparaison par exemple avec le rôle du Président ? / Christian Ehlers : « Tous les deux sont cruciaux : le Président en tant que « visage » de la Fédération [...] le SG en tant qu’épine dorsale organisatrice »). 67 MARTENS, Wilfried, I struggle I Overcome, Heidelberg, Springer, 2008, p. 110. (traduction : « En fait, depuis la fondation du PPE en 1976, le rôle du Président était purement cérémonial. [...] Les statuts limitaient les devoirs du président à la présidence des congrès, aux réunions du Bureau politique et aux Sommets du PPE. En fait, le PPE était dirigé par le secrétaire général, parce qu’il ou elle était disponible de façon permanente et qu’il habitait Bruxelles »). 68 En 1991, Thomas Jansen est ainsi secrétaire général du PPE depuis 1983 et a connu trois présidents différents du PPE, Leo Tindemans, Jacques Santer et Wilfried Martens. Au total, il restera 11 ans à ce poste, jusqu’en 1994. Christian Ehlers, secrétaire général de l’ELDR, vient d’arriver puisqu’il a été nommé en mars 1991, mais il restera à ce poste jusqu’en 1999 (son prédécesseur, Mario David, était resté trois ans). Axel Hanisch, le secrétaire général du PSE en 1991, est resté en poste 5 ans et demi, d’octobre 1989 à mars 1995, son prédécesseur Mauro Giallombardo 7 ans (de novembre 1982 à octobre 1989). Il faut cependant relativiser cette donnée dans la mesure où certains présidents ont eux aussi une « longévité » importante à la tête de ces organisations. Joop den Uyl est ainsi resté président de l’UPSCE de mars 1980 à mai 1987, d’autres présidents socialistes ne terminant pas toujours leur mandat, comme les prédécesseurs et successeur de Joop den Uyl, Robert Pontillon (1979-1980) et Vitor Constâncio (1987-1989). Les libéraux sont plus réguliers, puisque depuis Gaston Thorn en 1976, ils se sont succédés tous les 5 ans, Willy de Clercq lui-même occupant une première fois ce poste de 1981 à 1985, avant de le retrouver de 1990 à 1995. Au PPE, le premier président Leo Tindemans est resté à ce poste 9 ans, de 1976 à 1985, deux autres présidents lui succédant plus rapidement (le néerlandais Piet Bukman de 1985 à 1987 et le luxembourgeois Jacques Santer de 1987 à 1989). Wilfried Martens, lui-même élu en mai 1990, et qui vient d’être réélu à la tête du PPE le 17 octobre 2012 pour un huitième mandat de 3 ans, se trouve donc fin 2012 à la tête du PPE depuis 22 ans.

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

176

cumul de fonctions pouvait poser, y compris pour lui-même avant qu’il ne quitte la vie

politique nationale :

« I was taking over from Jacques Santer who had presided over the EPP since 1987. As he was Prime Minister and lived in Luxembourg he was unable to dedicate himself to the position. This caused considerable dissatisfaction as a result. He was accused of lacking initiative, for exemple. During the EPP Congress in Luxembourg in 1988, Kohl made some extremely critical remarks to the heads of government present about how badly the congress was run. [...] When I became President in 1990, it was war from obvious that I could be actively involved, as I was still Prime Minister of Belgium at the time. But because I lived in Brussels on a permanent basis, it was easier for me to take up both positions. »69

Les administrateurs, à commencer par les secrétaires généraux, occupent donc une

place centrale dans la conception, la préparation et l’exécution des tâches et des activités

de ces organisations qu’ils font vivre, et qui les font vivre. Car ces administrateurs, qui

n’ont pas de responsabilité politique ou élective70 (même s’ils sont toujours engagés

politiquement dans un des partis membres de l’organisation qu’ils dirigent), sont

pourtant les seuls véritables « professionnels de la politique européenne », plus encore

que les députés européens. Plus encore que ces derniers, qui peuvent avoir des mandats

politiques nationaux simultanés71 et dépendent de toute manière pour leur élection

exclusivement de logiques politiques nationales, les administrateurs des organisations

européennes de partis vivent politiquement « pour l’Europe (des partis) et de l’Europe

(des partis) », et sont donc plus directement intéressés à la consolidation et à

69 MARTENS, Wilfried, I struggle I Overcome, Heidelberg, Springer, 2008, p. 110. (traduction : « Je succédais à Jacques Santer qui avait présidé le PPE depuis 1987. Comme il était Premier ministre et qu’il habitait à Luxembourg, il n’était pas en mesure de se consacrer personnellement au poste. Cela causa de grands mécontentements. Il était accusé de manquer d’initiative, par exemple. Pendant le Congrès du PPE à Luxembourg, en 1988, Kohl fit des critiques extrêmement sévères aux chefs de gouvernement présents sur la façon terrible dont était dirigé le Congrès. [...] Quand je suis devenu président du PPE en 1990, il était loin d’être évident que je pourrais être activement impliqué, puisque j’étais toujours Premier ministre de Belgique à ce moment-là. Mais comme je vivais en permanence à Bruxelles, il était plus facile pour moi de prendre en charge les deux postes »). 70 En tout cas pendant la durée de leur mandat en tant que secrétaire général. Certains peuvent certes occuper ensuite des mandats électifs, mais c’est bien après leur passage par ce poste : Mario David, l’ancien secrétaire général de l’ELDR jusqu’en 1991, est ainsi devenu député européen en 2009. 71 En tout cas, tant qu’a duré la compatibilité des mandats entre député européen et député national, qui était avant l’élection directe de 1979 une obligation de fait, et qui est restée une possibilité jusqu’à l’abrogation de l’article 5 de l’Acte du 20 septembre 1976 (« La qualité de représentant au Parlement européen est compatible avec celle de membre du parlement d'un État membre »), par la décision du Conseil du 25 juin 2002 et du 23 septembre 2002, modifiant l'acte portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct, annexé à la décision 76/787/CECA, CEE, Euratom (2002/772/CE, Euratom), avec une exception pour le Royaume-Uni et l’Irlande jusqu’aux élections de 2009.

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

177

l’institutionnalisation de ces organisations que tous les acteurs politiques rencontrés

jusqu’ici. Comme le faisait déjà remarquer Michael Steed72 en 1977, les administrateurs

de ces organisations sont les premiers intéressés, et les mieux placés, dans le

développement des organisations européennes de coopération et d’« intégration »

partisane :

« Questi staffs costituiscono sia una risorsa che un gruppo di pressione. [...] Inoltre hanno personali interessi di carriera nel succeso dell'integrazione [dei partiti politici nazionali], molto più dei parlamenteari che hanno anche carriere parlamentari nazionali da perseguire. »73

L’institutionnalisation des organisations européennes de partis, qui pourrait apporter

un peu plus d’autonomie à leurs administrateurs, semble d’autant plus importante pour

eux qu’ils sont doublement dépendants des groupes politiques du PE de leur « famille »

politique, à la fois en tant que gestionnaires de structures extraparlementaires qui

dépendent très largement des ressources que leurs fournissent ces groupes, mais aussi

personnellement, puisqu’ils en sont eux-mêmes (presque) toujours directement issus.

I.2.2 – Permanents partisans ou fonctionnaires européens ?

Il est extrêmement difficile d’obtenir des informations précises sur le personnel

permanent des organisations étudiées, pour plusieurs raisons différentes.

D’abord, parce que ces structures étaient à l’époque (et pour certaines restent encore

aujourd'hui) des administrations de taille très réduite et au fonctionnement quasi

« artisanal », en tout cas en ce qui concerne les tâches les moins prioritaires dans la

gestion quotidienne de ces organisations, comme par exemple le classement et

l’archivage de dossiers personnels des permanents qui s’y sont succédés.

Deuxièmement, parce que ces dossiers, même lorsqu’ils existent, contiennent des

informations personnelles protégées qui ne sont pas communicables en l’état. Mais, et

72 Lui-même professionnel de la politique, mais au niveau national, puisqu’il est président du Liberal Party britannique en 1978-1979 (tout en ayant une carrière académique, au titre de laquelle il se retrouve d’ailleurs dans notre corpus d’auteurs savants, en deuxième partie). 73 STEED, Michael, « Integrazione europea dei partiti nazionali », Biblioteca della Libertà, n°64, 1977, p. 57-78 (ici p. 64) (traduction : « Ces membres du staff sont une ressource et à la fois un groupe de pression. [...] De plus, ils sont personnellement et professionnellement intéressés au succès de l’intégration, beaucoup plus que des parlementaires qui ont aussi des carrières nationales à mener »).

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

178

c’est la troisième raison, même une simple liste anonymisée des statuts et des fonctions

exactes des permanents de l’époque nous a été dans chaque cas refusée, pour la raison,

explicitement exprimée, que ces informations sont trop sensibles pour l’organisation

elle-même.

En effet, durant toutes les années 1970, 1980 et 1990 et jusqu’au rapport spécial de

la Cour des comptes européennes de juin 200074, le financement et le fonctionnement

des organisations extraparlementaires a reposé sur une tolérance des autorités

communautaires envers les irrégularités commises vis-à-vis du règlement financier par

les groupes du PE. Ce « problème », qui n’était pas forcément perçu comme tel à

l’époque, tant il était de notoriété publique et tant le financement effectif des premières

campagnes électorales européennes sur fonds communautaires pouvait sembler

naturel75, touche donc les trois principales organisations européennes de partis engagées

dans la reconnaissance des /partis européens/ dans le traité en cours de négociation en

1991. Nous reviendrons précisément dans la section suivante sur cette question et sur

les ambiguïtés du financement « paralégal » de ces organisations, mais on peut pour

l’instant en souligner l’une des plus évidentes, qui consistait justement dans le

détachement systématique de fonctionnaires européens normalement attachés au

secrétariat du groupe, auprès des organisations extraparlementaires, comme nous le

confirment les administrateurs de l’époque avec lesquels nous avons pu nous

entretenir76.

74 Nous aurons l’occasion d’y revenir. Voir : COUR DES COMPTES EUROPEENNE, Rapport spécial nº 13/2000 relatif aux dépenses des groupes politiques du Parlement européen, accompagné des réponses du Parlement européen, JOCE C 181 du 28 juin 2000 p. 1-16 (adopté le 25 mai 2000). 75 Voir entre autres exemples : FITZMAURICE, John, The European Parliament, Farnborough, Saxon House, 1978, p. 98 ; PRIDHAM, Geoffrey, PRIDHAM, Pippa, « Transnational Parties in the European Community II : The Development of European Party Federations », dans HENIG Stanley, Political Parties in the European Community, London, George Allen & Unwin, 1979, p. 278-298 (p. 279) ; KARNOFSKY, Eva-Rose, Parteienbünde vor der Europa-Wahl 1979. Integration duch gemeinsame Wahlaussagen, Bonn, 1982 (p. 12) ; KOHLER, Beate, MYRZIK, Barbarda, « Transnational party links », dans MORGAN, Roger, SILVERSTRI, Stefano (dir.), Moderates and Conservatives in Western Europe, Londres, Heinemann, 1982, p. 193-223 (p. 203-204) ; PAPINI, Roberto, L’Internationale démocrate-chrétienne. La coopération internationale entre les partis démocrates chrétiens de 1925 à 1986, Paris, éd. du Cerf, 1988, (p. 116) 76 Pour la période qui nous concerne dans cette partie plus spécifiquement, 1989-1992, nous n’avons pas pu nous entretenir avec le secrétaire général de l’UPSCE à l’époque, Axel Hanisch, que nous n’avons pas réussi à contacter. En revanche, nous avons pu avoir un entretien avec Antony Beumer, qui était déjà membre du « staff » de l’UPSCE en 1991, et fut par la suite secrétaire général adjoint et secrétaire général. Nous avons pu également interroger, en entretien, le secrétaire général adjoint en 1991 du PPE, Guy Korthoudt, ainsi que, par questionnaire, les deux secrétaires généraux en 1991 du PPE et de l’ELDR : Thomas Jansen et Christian Ehlers.

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

179

Guy Korthoud, secrétaire général adjoint du PPE en 1991 :

« Je suis entré au PPE, en 1981. Le budget du parti était d’à peu près 6 millions de francs belges, rien du tout. Quelque chose comme 150 000 euros….En 1980, Egon Klepsch, le chef du groupe PPE au Parlement européen, assure à Tindemans que le PPE peut disposer de quatre permanents sur le budget du groupe PPE : moi, j’étais fonctionnaire du groupe PPE, et je suis comme ça entré au service du PPE. »

Christian Ehlers, secrétaire général de l’ELDR en 1991 :

« 1. You were appointed Secretary-General of the ELDR party in march 1991. How did it happen exactly ? Christian Ehlers : « I believe my predecessor obtained a different position in the parliamentary group. At that time SGs of the ELDR Federation were employees of the group in the EP as the finances of the Federation did not provide for a proper employment. »77

Antony Beumer, administrateur de l’UPSCE en 199178 :

« Before 2003, the secretary of the party was a sort of integral part of the secretariate of the group, that was one of the problems, one of the reasons why we needed a statute. So I was a staff member of the group, even more, I was a « fonctionnaire » of Parliament, so I was a « fonctionnaire » of Parliament being detached to a political group and within that group, I was Secretary general of the party, so I was embodying what…the situation which had to change. »79

Dans les trois « familles » politiques, la dépendance « personnelle » de

l’organisation extraparlementaire vis-à-vis du groupe est donc totale80, vu que les

quelques membres permanents, très peu nombreux puisqu’ils se résument parfois au

secrétaire général uniquement81, sont tous des fonctionnaires européens du groupe, ce

77 Traduction : « Vous avez été nommé secrétaire général du parti ELDR en mars 1991. Comment cela s’est-il passé exactement ? / Christian Ehlers : « Je crois que mon prédécesseur a obtenu une position différente au groupe parlementaire. A cette époque, les SG de la Fédération ELDR étaient des employés du groupe au PE, car les finances de la Fédération n’étaient pas suffisantes pour pourvoir à un emploi à part entière » (entretien par questionnaire, 10 août 2011). 78 Puis secrétaire général adjoint en 1995 et secrétaire général en 1999. 79 Traduction : « Avant 2003, le secrétariat du parti était une sorte de partie intégrante du secrétariat du groupe, c’était l’un des problèmes, une des raisons pour lesquelles nous avions besoin d’un statut. Donc, j’étais membre du staff du groupe, et même plus, j’étais « fonctionnaire » du Parlement, donc j’étais un « fonctionnaire » du Parlement détaché auprès d’un groupe politique, et au sein de ce groupe, j’étais secrétaire général du parti, donc j’incarnais ce que…la situation qui devait changer ». 80 A tel point que le secrétaire général du groupe devient parfois lui-même secrétaire général du « parti », comme c’est le cas par exemple de Mario David qui occupe ces deux postes à l’ELDR entre 1988 et 1991. 81 Thomas Jansen parle de quatre permanents au moment où il arrive en poste au PPE, en 1983 (entretien par questionnaire, 11 décembre 2010). Christian Ehlers signale qu’il est le seul permanent de l’ELDR en 1991, aidé de quelques stagiaires : « The « seat » of the party was my office in the EP; no employees, only interns, beefed-up with temporary staff for congresses. » (traduction : « Le « siège » du parti était mon bureau au PE. Pas de salariés, seulement des stagiaires, renforcés par quelques extras temporaires pour les congrès », entretien par questionnaire, 10 août 2011).

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

180

qui constitue même, selon C. Ehlers, une sorte de pré-requis pour devenir secrétaire

général de l’ELDR, en plus de l’appartenance à un parti national :

« 2. Was there some explicit pre-requisite at that time to become SG of the ELDR ? Christian Ehlers : « You had to belong to a national member party, and, effectively, be employed by the EP group. »82

On comprend donc mieux que, dans les affrontements récurrents, et soulignés par

tous les acteurs83, entre le groupe au PE et l’organisation extraparlementaire (dans

chaque famille), ce soit toujours le groupe qui l’emporte : non seulement il fournit une

très grande partie des ressources matérielles84, mais tous les administrateurs de la

structure extraparlementaire sont en fait des fonctionnaires qui viennent du groupe, et

qui sont appelés à y retourner. Si cela n’empêche pas certains conflits, parfois violents,

d’éclater quand même85, on peut supposer que cela rend les administrateurs des

organisations extraparlementaires plus sensibles aux arguments qui peuvent être

opposés, de la part des dirigeants du groupe, aux initiatives éventuelles visant à

accroître l’autonomie et la visibilité du « parti »86.

Il est pourtant une exception à ces permanents partisans qui sont d’abord des

fonctionnaires du PE : Thomas Jansen, secrétaire général du PPE de 1983 à 1994, qui

n’est pas – et n’a jamais été – dans sa carrière rattaché au groupe démocrate-chrétien au

PE87, ce qui lui donne une position relative particulière dans la configuration d’acteurs

82 Traduction : « Y avait-il des pré-requis à ce moment-là pour devenir SG de l’ELDR ? / Christian Ehlers : « Vous deviez être adhérent d’un parti national membre et être, de fait, employé par le groupe du PE. » (entretien par questionnaire, 10 août 2011). 83 Voir plus loin sur la question spécifique de la revendication sur les /partis européens/. 84 50 % dans le cas de l’UPSCE, par exemple, comme on le détaillera plus loin. 85 Voir par exemple celui que décrit Mathieu Monot entre le secrétaire général de l’UPSCE Mauro Giallombardo (1982-1989) et le président du groupe socialiste au PE, Rudi Arndt (1984-1989), en 1985, lorsque M. Giallombardo tente d’augmenter les cotisations des partis membres pour gagner en autonomie vis-à-vis du groupe, qui va jusqu’à la demande de démission de M. Giallombardo énoncée par R. Arndt : MONOT, Mathieu, Socialistes et democrates-chrétiens et la politisation de l’Europe, Paris, l’Harmattan, 2010, p. 122-123. 86 En tout cas pour ceux qui veulent continuer à « faire carrière » au PE. Le contre-exemple de Mauro Giallombardo pourrait d’ailleurs paradoxalement le confirmer : redevenant officiellement fonctionnaire au PE après son départ du poste de secrétaire général de l’UPSCE en 1989, M. Giallombardo devient alors conseiller du secrétaire général du PE, Enrico Vinci. Mais celui-ci expliquera plus tard, au cours des développements de l’affaire Mani pulite en Italie, dans laquelle tous deux se retrouvent impliqués, que M. Giallombardo n’était jamais au PE, parce qu’il était toujours avec Bettino Craxi ». Voir fonds GSPE, AHUE, Fonds Paolo Maria Falcone (PF-13 03/1993 - 07/1993) ; Le Soir, 15 janvier 1994, « Arrestation de Mauro Giallombardo : la juge Ancia veut interroger « l’homme de Bettino Craxi » ». 87 Mais qui a été au début de sa carrière assistant parlementaire au groupe parlementaire national de la CDU au Bundestag, de Walter Hallstein (1970-1971) puis de Rainer Barzel (1972-1975). Par la suite, il

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

181

ayant participé à la mise en forme de la revendication sur la reconnaissance des /partis

européens/.

I.2.3 – La position et l’action spécifiques de Thomas Jansen, secrétaire général

du PPE

Des trois secrétaires généraux et de tous les administrateurs des organisations

européennes de partis en 1991, Thomas Jansen est donc le seul à n’être ni fonctionnaire

européen, ni lié statutairement au groupe parlementaire de sa « famille politique »88.

Paradoxalement, cette position lui donne des marges de manœuvre plus importantes

pour prendre des initiatives, tout en l’incitant à consolider l’organisation qui lui fournit

à cet instant sa seule position et ses meilleures perspectives possibles de carrière.

Précisons avant de poursuivre qu’on n’entend évidemment pas ici nier toute

dimension « idéelle » ou « idéologique » à l’action de Thomas Jansen, comme à celle

des autres acteurs impliqués dans ces processus. T. Jansen, de fait, est aussi engagé

depuis longtemps dans les milieux fédéralistes : il a par exemple été secrétaire général

de la branche allemande de l’Union européenne des fédéralistes (UEF), Europa-Union

Deutschland89, de 1977 à 1981, ou encore secrétaire général du Mouvement européen

international (MEI) de 1981 à 1983, ce qui témoigne d’une constance dans

l’engagement militant en faveur d’une Europe fédérale et d’une intégration politique

plus poussée. Il est par ailleurs fortement impliqué dans les milieux catholiques

allemands, dont il deviendra à la fin des années 1990 l’un des porte-parole90. Mais les

éventuelles croyances accompagnant ces différents engagements (sur lesquels nous

reviendrons dans le chapitre 5) ne nous sont pas accessibles, ce qui fait une première

bonne raison d’essayer d’en faire l’économie. Et puis, d’autre part, ces valeurs ne sont travaillera dans les institutions communautaires mais jamais au PE : il sera ainsi conseiller (responsable des relations avec les églises européennes) à la « cellule prospective » de la Commission européenne, de 1995 à 2000, et directeur de cabinet du président du Conseil économique et social, Göke Friedrichs, de 2001 à 2004. 88 Et à n’occuper par ailleurs aucune responsabilité politique ou élective, ce qui le distingue de son prédécesseur à ce poste, le français Jean Seitlinger, secrétaire général du PPE de sa création en 1976 à 1983. Celui-ci n’était pas non plus fonctionnaire européen du groupe, mais il était à la fois député national et, de 1979 à 1984, député européen. 89 Sur laquelle nous reviendrons dans le chapitre 5. 90 Il est ainsi, après son départ du PPE en 1994, porte-parole aux Affaires européennes du « Comité central des catholiques allemands » (Zdk - Zentralkomitee der deutschen Katholiken).

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

182

pas incompatibles, quel que soit leur degré de « sincérité » ou d’ « affichage » explicite,

avec des séries stratégiques de coups destinés à s’assurer les positions à partir

desquelles, éventuellement, on pourrait continuer à les défendre.

En résumé, l’initiative de proposer une coopération inter-partisane autour de l’idée

de reconnaissance juridique des /partis européens/ convient à la fois aux engagements

passés connus de Thomas Jansen, à sa position de secrétaire général d’une des

organisations pouvant prétendre à ce label, et à sa position relative particulière, parmi

ses homologues, d’administrateur partisan exclusivement rattaché au PPE, et non au

groupe parlementaire.

Il doit certes tenir compte des tensions toujours latentes entre le groupe et

l’organisation extraparlementaire du PPE, comme il le concède lui-même :

« 4. How would you qualify the relations between the EPP and the Christian-Democrat political group in the European Parliament during the 80’s and mid-90’s? Thomas Jansen : « These relations were not always easy, because there exists a natural tension between the two bodies. The reason is to be found in the different rhythm of activities as well as in sometimes conflicting interests. [...] Beside that, at that time, the (poor) Party depended in many respects from the (rich) Group which offered to the Party infrastructure, manpower, financial contributions etc. But there were also more and more problems and situations which obliged the leadership of the parliamentary Group to follow the advice of Party bodies. »91

Mais ces remarques montrent qu’il y avait néanmoins sur certains problèmes des

marges d’action et d’influence (supposées ou réelles92) pour les instances dirigeantes du

91 Traduction : « Comment qualifieriez-vous les relations entre le PPE et le groupe politique chrétien-démocrate au PE durant les années 80 et 90 ? / Thomas Jansen : « Ces relations n’étaient pas toujours faciles, car il existe une tension naturelle entre les deux entités. La raison doit en être cherchée dans des rythmes d’activité différents, ainsi que dans des intérêts parfois opposés [...] De plus, à cette époque, le parti (pauvre) dépendait dans beaucoup de domaines du groupe (riche) qui offrait au parti une infrastructure, des ressources humaines, des contributions financières, etc. Mais il y avait aussi de plus en plus de problèmes et de situations qui obligent les leaders du groupe parlementaire à suivre les conseils des organes du parti. » (entretien par questionnaire, 11 décembre 2010). 92 Le témoignage de Thomas Jansen ne doit évidemment pas être pris au pied de la lettre : l’important pour nous n’est pas tant de savoir si les marges de manœuvre, ou l’influence du « parti » sur le « groupe » dont parle T. Jansen, étaient bien réelles ou pas à l’époque, mais plutôt de constater que cela lui semblait le cas (ce que l’éviction de Thomas Jansen sur demande d’Helmut Kohl en 1994, telle que rapportée par lui-même, semble d’ailleurs remettre en cause, comme s’il avait voulu aller trop loin dans l’affirmation du /parti européen/ « PPE » : « Kohl himself had asked me to do the job. But it is true that I had same problems with the Chancellor [...] I was accused not to defend the interest of the CDU (which off course was not my business, as I had to defend the interest of the EPP). [...] It is also true that [...] Kohl asked Martens (in 1993) to present immediately another candidate for my position. When Martens informed the

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

183

PPE, c’est-à-dire – en 1991 – principalement pour T. Jansen et ses quelques

collaborateurs dans la mesure où W. Martens, de son propre aveu, était encore

principalement accaparé par sa fonction de Premier ministre de Belgique.

Thomas Jansen apparaît donc comme l’acteur central du PPE dans la reprise des

consultations inter-partisanes (qui avaient déjà connu un premier « épisode » en 1976-

1980 en rapport avec les premières élections européennes93), d’autant plus que ces

consultations commencent sur iniative des secrétaires généraux et dès 1989, avant

même que W. Martens ne soit élu président du PPE, si l’on en croit T. Jansen lui-

même :

« The successful initiative by the three party leaders did not fall out of the sky. It matured over a fairly long period, thank to joint efforts. In 1989, the secretaries-general of the three party federations had begun meeting from time to time to talk about common problems and to exchange experiences. The result of these conversations was the idea of bringing their party presidents together and starting joint discussions on « the development and role of European parties or party federations in the Community’s political system », and on « relations with the groups in the European Parliament ». »94

leaders of the member parties about Kohls request, he met a general opposition. I then offered Martens my resignation for the time after the imminent European elections (1994) because I was aware of the fact that it was impossible for me to continue longer without the backing of my own party » (entretien par questionnaire, 11 décembre 2010). (traduction : « Kohl lui-même m’avait demandé de prendre le poste. Mais il est vrai que j’ai eu quelques problèmes avec le Chancelier. [...] J’ai été accusé de ne pas défendre l’intérêt de la CDU (ce qui bien sûr n’était pas mon affaire, puisque je devais défendre l’intérêt du PPE). [...] Il est vrai également que [...] Kohl demande à Martens (en 1993) de présenter immédiatement un autre candidat pour mon poste. Quand Martens informa les leaders des partis membres de la demande de Kohl, il rencontra une opposition générale. J’ai donc offert alors ma démission à Martens pour après les élections européennes (1994) car j’étais conscient du fait qu’il était impossible pour moi de continuer plus longtemps sans le soutien de mon propre parti »). 93 Il s’agissait, dans la perspective des élections européennes, de promouvoir déjà l’idée d’un statut et d’un financement de /partis européens/, menées par les dirigeants de l’UPSCE, de l’ELDR et du PPE en 1976-1980, respectivement les présidents Wilhelm Dröscher, Robert Pontillon et Joop den Uyl pour l’UPSCE, Gaston Thorn pour l’ELDR et Leo Tindemans pour le PPE ; ainsi que les secrétaires généraux successifs de l’USPCE Manfred Michel et Dick Toornstra, Florus Wijsenbeek de l’ELDR et Jean Seitlinger du PPE. Voir : HIX, Simon, Shaping a Vision. A History of the Party of European Socialists. 1957-1995, Brussels, PES, 1995, p. 54 ; FITZMAURICE, John, The European Parliament, Farnborough, Saxon House, 1978, p. 98. 94 JANSEN, Thomas, « The Emergence of a Transnational European Party System », European view, vol. 3, 2006, p. 50. (traduction : « L’initiative couronnée de succès des trois leaders de parti ne tomba pas du ciel. Elle avait mûri sur une assez longue période, grâce à des efforts conjoints. En 1989, les secrétaires généraux des trois fédérations de partis avaient commencé à se rencontrer de temps en temps pour parler de problèmes communs et pour des échanges d’expérience. Le résultat de ces conversations fut l’idée d’amener les présidents de partis à se rencontrer pour commencer des discussions sur « le développement et le rôle des partis européens ou fédérations de partis dans le système politique de la Communauté » ainsi que sur « les relations avec les groupes au Parlement européen » »).

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

184

Selon ce témoignage95, ce sont donc les trois secrétaires généraux de l’époque qui

coopèrent d’abord, avant l’élection de W. Martens à la tête du PPE (mai 1990) et avant

celle de Willy De Clercq à la tête de l’ELDR (juin 1990), quand ce sont encore

respectivement Jacques Santer (1987-1990) et Colette Flesch (1985-1990), deux

luxembourgeois, qui président ces deux formations. Guy Spitaels est déjà président de

l’UPSCE à ce moment-là, depuis janvier 1989, ainsi que son secrétaire général Axel

Hanisch à partir d’octobre 1989 (et son prédécesseur Mauro Giallombardo avant cela).

Du côté des libéraux, Christian Ehlers n’est nommé qu’en mars 1991, ce qui fait de son

prédécesseur Mario David le principal artisan des débuts de la coopération inter-

partisane du côté de l’ELDR. Si la première rencontre des trois présidents partisans a

lieu en septembre 1990, une fois W. Martens et W. de Clercq en place, elle est en fait

préparée en amont depuis plus d’un an, faisant des secrétaires généraux les principaux

initiateurs d’une coopération qui va, ensuite, prendre pour visage celui des trois

associés-rivaux belges.

Ce sont donc bien des « efforts conjoints » qui ont assuré la coopération des trois

organisations entre 1989 et 1991. Mais dans cette configuration « mouvante », les

secrétaires généraux ont l’initiative et, parmi eux, Thomas Jansen apparaît encore dans

une position spécifique par rapport à ces collègues. Tout d’abord, il est le « vétéran »

des administrateurs partisans, puisqu’il est en place depuis 1983, ce qui fait notamment

de lui le seul dirigeant à avoir connu, à cette même position, la CIG d’octobre-décembre

1985 ayant mené à l’Acte unique européen (W. Martens en ayant été un acteur lui aussi

mais en tant que Premier ministre). S’il ne faut pas exagérer cette particularité, elle lui

confère au moins une expérience de ce que peut être la procédure de révision générale

des traités, des contraintes et des initiatives qu’elle permet ou non.

Plus fondamentalement, Thomas Jansen est parmi tous les secrétaires généraux le

plus « revendicatif » dans l’espace des discours. Les communiqués au nom du PPE

analysés dans la section précédente, qui témoignaient d’un « investissement

95 Qui semble crédible dans la mesure où, comme nous venons de l’évoquer, d’autres épisodes de coopération transpartisane sont connus antérieurement et surtout dans la mesure où nous disposons de documents d’archives datant de 1990, que nous commenterons plus loin, dans lesquels les contacts entre organisations européennes de partis sont explicitement mentionnés. Voir le commentaire de la « Note confidentielle concernant le financement communautaire des Fédérations européennes de partis (partis européens) » de Guy Korthoudt (Archives du PPE, carton 4.2.1).

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

185

publicitaire » et discursif plus intense, sont signés par T. Jansen lui-même. Mais

T. Jansen ne se contente pas des communiqués émis au nom du PPE pour se faire le

« héraut » des /partis européens/ et de ceux qui cherchent à les promouvoir. Il utilise les

autres moyens à sa disposition pour faire la promotion de cette promotion, témoignant

d’un engagement particulier sur la question, qui se poursuit d’ailleurs après le Sommet

de Maastricht.

Ainsi, le secrétaire général du PPE adresse-t-il directement le 1er janvier 1992 à

Emanuele Gazzo, le directeur de l’Agence Europe, la copie d’un article qu’il a publié

dans le journal italien chrétien Il Popolo, intitulé « Sviluppo di partiti europei

sopranazionali un'iniziativa importante »96. Dans cet article, le secrétaire général du

PPE évoque la « déclaration commune » de la lettre du 1er juillet 199197, dans laquelle

les trois présidents partisans :

« hanno chiesto che nel nuovo trattato sull’Unione Politica venga inserito un articolo sul contributo dei « Partiti Europei » alla formazione del consenso e della volontà politica. L'iniziativa per questa lettera comune era partita dal Presidente del Partito Popolare Europeo, il primo ministro belga Wilfried Martens, che non ha avuto difficoltà a convincere entrambi i colleghi e connazionali, il liberale Willy De Clerq e il socialista Guy Spitaels, dell'importanza della sua proposta. Egli persegue, nel documento sopra citato, « l'espresso riconoscimento del ruolo dei Partiti Europei nel processo d'integrazione e di democratizzazione del sistema politico dell'Unione Europea ». »98

Il n’est pas difficile de reconnaître dans ce texte les formulations de la lettre du 1er

juillet qui y sont reprises quasiment telles quelles. Mais l’article explicite aussi ce que

les auteurs de cette lettre attendent précisément de cette reconnaissance :

« In questa logica, i capi di partito europei si attendono che, realizzandosi la loro proposta, « divenga possibile a medio-lungo termine, conformemente alla

96 « Le développement des partis européens supranationaux, une initiative importante ». Disponible en ligne sur le site du CVCE (Centre Virtuel de la Connaissance sur l’Europe), www.ena.lu, consulté le 7 décembre 2008 et le 25 juillet 2011. 97 La version en ligne porte en fait la date erronée du 10 juillet dans la lettre (c’est bien le 1er juillet 1991 qui figure comme date exacte sur la lettre elle-même). 98 Traduction : « ont demandé qu’un article sur la contribution des « partis européens » dans la formation d’un consensus et d’une volonté politique soit inclus dans le nouveau traité sur l’union politique. L’initiative de cette lettre commune est venue du Président du Parti populaire européen, le Premier ministre belge, Wilfried Martens, qui n’a pas eu de difficulté à convaincre ses collègues et compatriotes, le libéral Willy De Clercq et le socialiste Guy Spitaels, de l’importance de sa proposition. Dans cette déclaration, il appelle à « la reconnaissance expresse du rôle joué par les partis européens dans le processus d’intégration et dans la démocratisation du système politique de l’Union europénne ».

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

186

prassi nazionale, una legislazione europea che offra ai Partiti Europei un inquadramento per la loro operatività » [...] mancano per il momento alle federazioni di partiti esistenti e ai loro organismi tutte le condizioni di natura giuridica per il loro funzionamento. Di conseguenza, esse non esistono neppure come persona giuridica: non possono assumere direttamente collaboratori, concludere accordi, e neppure, per fare un esempio, rilasciare una ricevuta, così che per poter assolvere ai loro compiti devono agire sotto la tutela dei loro Gruppi nel Parlamento Europeo o delle singole associazioni nazionali. Condizione tutt'altro che ottimale, perché ne va della mobilità e della reattività indispensabili alla coesione e alla presa di coscienza politica nel processo di integrazione che essi perseguono. »99

Ce passage confirme l’interprétation que l’on avait donnée de la lettre du 1er juillet

comme demandant un cadre légal pour les /partis européens/ évoqués : pour Thomas

Jansen, la revendication de l’introduction d’un « article des partis » dans le traité de

Maastricht vise très explicitement la mise en place d’une législation spécifique qui

permette aux « partis européens » d’exister juridiquement et de « fonctionner ». Sans le

dire, cette formulation suggère la possibilité de subventions publiques pour ces

organisations, d’autant plus que, un peu plus loin dans le même article, T. Jansen cite

explicitement l’exemple de l’article 21 de la Grundgesetz (« Loi fondamentale »)

allemande de 1949 et le rôle des partis nationaux100, dont le « cadre de travail » compte

de plus en plus généralement, comme on va le voir dans la section suivante, un

financement public spécifique pour les partis. Les attentes exprimées ici par Thomas

Jansen au nom des trois présidents partisans, on le sait, ne seront pas remplies avant

longtemps, ce qui constitue déjà une première raison de considérer que l’article 138a

est, au moins partiellement, un pari raté.

99 Traduction : « En ce sens, les chefs de parti européens attendent que, si leur proposition est acceptée, « il sera possible d’adopter une législation européenne à moyen ou long terme qui, dans le respect des pratiques nationales, procurerait aux partis européens un cadre pour les rendre opérationnelles ». [...] Actuellement, les fédérations de partis existantes et leurs organes n’ont aucune des bases légales dont ils ont besoin pour fonctionner. Ils n’existent pas, par exemple, en tant que personnes légales : ils ne peuvent pas recruter des salariés directement ou conclure des contrats, et ne sont pas en mesure, par exemple, d’émettre une facture, avec la conséquence qu’ils doivent agir sous la tutelle de leurs groupes au Parlement européen, ou de leurs associations nationales pour pouvoir mener à bien ces tâches. C’est là une situation qui n’est pas du tout optimale, car cela empêche la mobilité et la réactivité nécessaire pour une approche cohérente et politiquement consciente de l’intégration qu’ils recherchent ». 100 « « La prima parte di questa formulazione, foggiata sul modello del-l'art. 21 della Costituzione della Repubblica Federale di Germania, evidenzia che ai Partiti Europei viene attribuito nel sistema politico della CE (o meglio dell'Unione Europea) essenzialmente, lo stesso ruolo che svolgono i partiti nei sistemi nazionali » » (traduction : « La première partie de cette formulation, imitée des termes de l’Article 21 de la Constitution de la République fédérale allemande, énonce clairement que les partis européens se voient attribuer, dans le système de la CE (ou plutôt de l’Union européenne), essentiellement le même rôle que les partis dans les systèmes nationaux »).

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

187

Mais au-delà du contenu précis de l’article, c’est le fait même de l’avoir envoyé à

Emanuele Gazzo qui nous intéresse ici. En essayant d’attirer l’attention du directeur et

du rédacteur en chef de l’Agence Europe, T. Jansen cherche désormais à obtenir une

publicité maximale dans l’espace politique communautaire pour l’initiative dont il est

l’un des artisans principaux, en touchant l’organe d’information quasi officiel dans cet

espace. Et il y parvient en partie, comme le montre la reprise par E. Gazzo de certaines

informations fournies par T. Jansen dans un éditorial, postérieur à la signature du traité

de Maastricht, du 26 février 1992 :

« We have had more than one occasion to draw readers’ attention to the importance of the creation of European-scale political parties (Editorial of 27 January). [...] A reader in a position to know, Mr. Thomas Jansen, Secretary General of the European People's Party, has provided us with very interesting additional information. As early as 1 July 1991 Presidents Willy De Clercq (Federation of European Liberals, Democrats and Reformers), Wilfried Martens (European People's Party) and Guy Spitaels (Union of Socialist Parties of the European Community) met Mr. Ruud Lubbers, who had just taken over the Presidency of the Council and thus of the Intergovernmental Conferences, along with Messrs Hans van den Broeck, Enrique Baron and Jacques Delors, to ask them that an article with this wording be included in the draft under preparation. [...] Since Mr. Lubbers took no further action on this suggestion, Belgian Prime Minister Wilfried Martens, with backing from the other EPP Heads of Government, personally insisted at the final meeting of the Maastricht conference in order to obtain satisfaction. »101

Plus que les détails de cet éditorial102, c’est l’indice du travail de lobbying de

Thomas Jansen que nous souhaitons souligner ici : ce texte montre qu’une fois

101 BQAE, éditorial, « « European » Parties, Parliamentary Groups, Marriages and Cohabitation », 26 février 1992 (traduction : « Nous avons eu l’occasion à plusieurs reprises d’attirer l’attention du lecteur sur l’importance de la création de partis politiques à l’échelle européenne (éditorial du 27 janvier). [...] Un lecteur en position d’être bien informé, M. Thomas Jansen, secrétaire général du Parti populaire européen, nous a fourni des informations complémentaires très intéressantes. Dès le 1er juillet 1991, les présidents Willy de Clercq (Fédération des Européens, Libéraux, Démocrates et Réformateurs), Wilfried Martens (Parti populaire européen) et Guy Spitaels (Union des partis socialistes de la Communauté européenne) ont rencontré M. Ruud Lubbers, qui venait juste de prendre la Présidence du Conseil et donc des Conférences intergouvernementales, ainsi que MM. Hans van den Broeck, Enrique Baron et Jacques Delors, pour leur demander qu’un article avec la formulation suivante soit inclus dans le projet de traité en préparation : [...]. Puisque M. Lubbers ne prit pas d’initiative dans le sens de cette suggestion, le Premier ministre belge Wilfried Martens, avec le soutien des chefs de gouvernement PPE, insista personnellement lors de la réunion finale de la conférence à Maastricht pour obtenir satisfaction. »). 102 Les quelques éléments discordants par rapport à ce qui a été dit jusqu’ici (l’affirmation de Gazzo selon laquelle les présidents partisans et institutionnels se sont tous rencontrés, ou l’incohérence apparente qui semble exclure Ruud Lubbers du groupe des « chefs de gouvernement PPE ») sont superficiels et ne se trouvent que dans cet éditorial. Ces éléments montrent surtout qu’il y a déjà, à l’époque, plusieurs versions en circulation et que l’établissement des acteurs investis dans cette initiative peut être un enjeu.

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

188

Maastricht passé et l’« article des partis » adopté, l’entreprise de promotion et la lutte

pour son appropriation symbolique continue.

Car le fait que T. Jansen écrive à E. Gazzo pour lui « fournir des informations » en

janvier 1992 ne s’explique pas seulement par l’importance générale de l’Agence Europe

dans le système d’information européen et par le souci désintéréssé d’un lecteur informé

de contribuer au savoir journalistique : on peut y voir aussi la réaction d’un « lecteur »

très attentif – parce que très concerné – à la teneur de l’information diffusée par cette

agence, ainsi qu’une tentative d’influer sur la « mise en récit » de l’événement discursif

auquel il a participé.

Cela semble d’autant plus important pour ce « professionnel de l’Europe » que

l’Agence Europe, parce que ses dépêches sont lues par ceux qui « font l’Europe »,

contribue justement elle aussi à la faire, en étant un des organes qui lui donnent formes

et mémoire, et en faisant en quelque sorte « parler » l’Europe103. Or, si l’on analyse de

près ses archives pour l’année 1991 en y cherchant les références qui ont pu y être faites

à la revendication qui nous occupe, on s’aperçoit que le PPE et les présidents partisans

en général y occupent une place réduite à la portion congrue.

Les dépêches de l’Agence Europe semblent en effet privilégier un autre acteur dans

la « recherche de paternité » implicite qui s’instaure autour de la reconnaissance de

l’annexe II à cette période. Voici un tableau récapitulatif des neuf articles de l’Agence

Europe dans lesquels la reconnaissance de /partis européens/ dans le traité, par

l’introduction d’un article spécifique, est mentionnée entre le 23 octobre 1991 et le 7

février 1992104 :

103 On peut reprendre ici l’image de « ventriloquie sociale », employée par Patrick Lehingue pour décrire les processus de fabrication du sens d’un scrutin, pour l’employer plus largement au processus d’explicitation et de construction du sens des « affaires européennes » par l’Agence Europe. Voir : LEHINGUE, Patrick, « Mais qui a gagné ? Les mécanismes de production des verdicts électoraux (le cas des scrutins municipaux) », dans LAGROYE, Jacques, LEHINGUE, Patrick, SAWICKI, Frédéric, (dir.), Mobilisations électorales, Paris, PUF, 2005, p. 323-360 ; LEHINGUE, Patrick, « Les interprétations polyphoniques d’un scrutin. Le « non » français à la Constitution européenne (mai 2005) », dans COHEN, Antonin, VAUCHEZ, Antoine (dir.), La Constitution européenne. Elites, mobilisations, votes, Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles, 2007, p. 237-270. 104 Il existe 10 autres occurrences de la notion de /partis européens/ dans les « Bulletins Europe » avant le 23 octobre 1991, mais dans lesquels cette idée est envisagée, au plus, comme un objectif à moyen terme, sans plus de précision. Nous ne reprenons dans ce tableau que les occurrences qui spécifient la demande d’un « article des partis » dans le traité en cours de négociation.

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

189

L’idée d’un article spécifique sur les /partis européens/ dans les archives de l’Agence Europe

(1989-1992)

Date Titre Type Occurrence

23 octobre

1991

« EPP Political Bureau Adopts Resolution on Institutional Priorities »

Dépêche (282 mots)

« The EPP stresses four points: [...] (4) Development of the political system, with an article on the role of « European Parties » written into the treaty. »

3 décembre

1991

« Debate in « Conclave » Over a New Rehash of Draft Raises Other Perplexities »

Dépêche (780 mots)

« As for the Commission's investiture, Mr. Baron said that the only stumbling block in the agreement between the IGC and Parliament was concomitance of the mandates of the two institutions [...]. Judging it indispensable to [sic] « the electoral campaign a European perspective » (and, therefore, « to strengthen the role of the political parties at Community level ») ».

5 décembre

1991

« Mr. Baron Announces Proposal on Recognition of Federations of European Parties »

Dépêche (245 mots)

« This is why Mr. Baron will propose in Maastricht (« at the request of the Christian-Democrat, Socialists and Liberal chairmen at European level, » he said) the recognition of the role of the federations of parties of the Community in the annexes to the Treaty. »

6 décembre

1991

« Maastricht Summit - Liberal Parties in Favour of a Meeting to Develop the « Federal Characteristics » »

Dépêche (605 mots)

« the Liberals [...] called for: [...]- a uniform electoral procedure based on the principle of proportionality, particularly in the UK, at the European elections of 1994; - a reference in the Treaty of the role of the political parties as integration factors within the Union. »

6 décembre

1991

« Will the European Parties Become the Interlocutors of the European Council ? »

Editorial signé de Gazzo

(631 mots)

« This is why support should be lent to the request made to the Maastricht European Council by Mr. Baron for a protocol to include the recognition of the role of the federations of parties in the Community »

Conseil européen de Maastricht

10 décembre

1991

« Maastricht - President Baron Proposes Extending Mechanism for Budgetary Decisions to the Legislative Field »

Dépêche (746 mots)

« (4) Democratisation. According to Mr. Baron, the « key-element » is missing here, that is simultaneity in the EP and Commission's mandate. Moreover, there will need to be a real European political debate, and Mr. Baron pointed out that the chairman of the European Federations of the Socialist, Christian-Democrat and Liberal Parties have called for the « recognition of political parties and their democratic role in the treaties », said Mr. Baron ».

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

190

12 décembre

1991

« European Council Judges Maastricht Outcome With Cautuion »

Dépêche (582 mots)

« In a first reaction to the Maastricht Summit before the press, the President of the European Parliament, Enrique Baron, said that his warning to the European Council participants had been « partially heard. » He welcomed the approval of a European Union Treaty that is not merely a "Single Act, part two," but that provides provisions on European citizenship, the double investiture of the Commission by the EP, the simultaneous renewal of the Commission and the EP and the recognition of political parties at the European level. Thus, he noted, we shall begin to « be able to play the Community political game ». »

13 décembre

1991

« Maastricht - Commission's Verdict is on the Whole Positive »

Dépêche (1823 mots)

« The Dutch Prime Minister found it « regrettable that the Summit had not managed to abolish, in the codecision procedure, the third reading which Parliament does not want and, at a more general level, he called on Parliament in the future to use all the possibilities at its disposal to the full » (in particular, he stressed the importance of recognising the roles of the political parties at European level). »

28 janvier 1992

« Why Have Political Parties at European Level ? »

Editorial signé de Gazzo

(700 mots)

« « Political parties at European level are important as a factor of integration within the Union. They contribute to forming a European awareness and to expressing the political will of the citizens of the Union ». [...] It is to be remembered that - as we stressed in our Editorial of 6 december - it was because of the way in which Mr. Baron, President of the European Parliament, approached the European Council on the eve of Maastricht that this passage was included in the Treaty. »

6 février 1992

« Before Signing the Treaty « on European Union » »

Editorial signé de Gazzo

(667 mots)

« Meanwhile it should be noted that, in the « legal cleansing » phase, the governments managed to make the texts worse rather than improving them. This is how they displaced the article on « the importance of political parties at European level » which was in the section on citizenship (see Editorial of 27-28/1) to make of it Art. 138a under « European Parliament », which changes the optic chosen. »

Comme on peut le voir dans le tableau, les références à des /partis européens/ se

concentrent dans la première quinzaine de décembre, autour du Conseil européen des 9-

11. En dix jours, l’Agence Europe est amenée à parler sept fois de la revendication

d’inclure des /partis européens/105 dans le traité. Sur ces sept occurrences, cinq sont

directement attribuées au président du PE, Enrique Barón, c'est-à-dire en fait la totalité

d’entre elles à l’exception du compte-rendu de la conférence des leaders de la

fédération ELDR du 4 décembre et de celui de la séance plénière du 12 décembre, qui

105 Dans différentes formulations du « label ».

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

191

mentionne l’évocation par Ruud Lubbers des « partis politiques au niveau

européen »106. Certes, par deux fois, le rôle des trois présidents partisans de l’ELDR, du

PPE et de l’UPSCE est aussi mentionné (les 5 et 10 décembre), mais toujours dans une

citation attribuée à E. Barón, celui-ci apparaissant dans les deux cas comme le porteur

de fait de cette revendication.

Plus intéressant, on constate une différence de traitement, dans les articles de

l’Agence Europe qui mentionnent cette initiative, entre les simples dépêches « neutres »

et les éditoriaux plus « engagés » d’Emanuele Gazzo. Les présidents des organisations

partisanes sont mentionnés deux fois, à chaque fois dans des dépêches et dans une

citation rapportée d’Enrique Barón. A l’inverse, les trois éditoriaux de Gazzo évoquant

les /partis européens/ pendant la période ne mentionnent aucun autre acteur

qu’E. Barón, faisant très explicitement de lui le « père » de cette initiative et l’artisan

unique de sa réussite. L’« édito » du 6 décembre est particulièrement significatif, dans la

mesure où il laisse de côté à la fois la référence aux trois présidents de partis faite par

E. Barón la veille et la résolution de la fédération ELDR, pour ne plus mentionner que

le président du PE. De même, les éditoriaux du 28 janvier et du 6 février 1992107

expliquent que l’article 138a a été adopté « because of the way in which Mr. Barón,

President of the European Parliament, approached the European Council on the eve of

Maastricht »108.

En définitive, on constate donc un net « tropisme » de l’Agence Europe en faveur

d’une explication de l’introduction de l’annexe II par l’initiative personnelle d’Enrique

Barón, le président du PE. Malgré la faiblesse de l’échantillon considéré, cette tendance

ne peut être sous-estimée dans la mesure où, comme on l’a dit, les Bulletins de l’Agence

Europe, et notamment les éditoriaux d’Emanuele Gazzo constituent une référence

médiatique saillante dans le « monde » communautaire.

La lettre que Thomas Jansen envoie à Emanuele Gazzo pour lui « fournir des

informations » apparaît donc, après ce détour par la manière dont l’Agence Europe a

106 Alors même, comme on s’en souvient, que Ruud Lubbers est seulement un des cinq intervenants à avoir fait référence au PE à l’annexe II : mais c'est le plus « titré » des cinq, si l’on peut s’exprimer ainsi, en tant que Président du Conseil européen en exercice et premier ministre néerlandais. 107 Ce dernier ne mentionnant pas explicitement d’ « auteur » de la mesure, mais renvoyant directement à l’éditorial du 28 janvier. 108 BQAE, « Why Have Political Parties at European Level ? », 28 janvier 1992 (traduction : « grâce à la façon selon laquelle M. Barón, Président du Parlement européen, aborda le Conseil européen à la veille de Maastricht »).

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

192

rapporté les initiatives visant à faire reconnaître des /partis européens/, plutôt comme un

droit de réponse que comme une série d’« informations complémentaires », qui sont les

termes, presqu’ironiques, d’E. Gazzo dans son éditorial du 26 février 1992. Face à la

tendance, qu’elle soit volontaire ou non, de l’Agence Europe à mettre en avant le rôle

du président du PE, T. Jansen tente de rééquilibrer les choses en insistant sur le rôle des

présidents partisans mais surtout, on le voit bien dans le passage cité de son article dans

Il Popolo, sur l’initiative personnelle de Wilfried Martens : c’est lui qui persuade ces

collègues « of the importance of his proposal ». C’est bien W. Martens, et non un autre,

qui est dans le discours de T. Jansen le véritable « père » de l’ « article des partis ».

T. Jansen se fait donc le « héraut » de son président et du PPE en général, mais

aussi, plus indirectement, de sa propre action en tant que dirigeant effectif de cette

organisation et en tant qu’artisan principal de l’initiative dont la paternité semble ici en

jeu. Par son article dans Il Popolo, par son lobbying auprès d’E. Gazzo et de l’Agence

Europe, T. Jansen s’investit directement et personnellement dans la lutte pour la

définition du sens qu’il faut donner à la codification de l’« article des partis » et aux

/partis européens/ qui y sont mentionnés, d’autant plus essentielle qu’aucune définition

de ce qu’il faut entendre par là n’a finalement été retenue dans l’article, contrairement à

ce qui avait été demandé. Et il n’est pas le seul sur les rangs.

En effet, comme on l’a évoqué dans le chapitre précédent, cette codification « en

train de se faire » (en décembre-janvier 1991-1992) provoque dès les jours suivant

Maastricht des tentatives de mise en forme savante, visant à faire sens de cette

« référence aux partis européens à inclure dans le traité » et à la mettre en cohérence

avec l’ensemble des discours tenus depuis longtemps par les spécialistes des « partis

politiques ». On a vu comment le « député politiste » Maurice Duverger lui-même,

publiait dès le 17 décembre 1991, dans El País, puis le 25 janvier dans Le Monde, des

articles consacrés spécifiquement aux /partis européens/, qui sont immédiatement repris

par Emanuel Gazzo et l’Agence Europe, dans l’éditorial déjà cité du 28 janvier 1992109.

C’est à ce moment-là que Thomas Jansen intervient, pour donner sa version de

l’initiative politique qui a mené à cette codification, mais aussi sa version du sens et de

la définition qu’il faut donner aux /partis européens/ qu’elle institue. Ce travail ne fait

109 BQAE, 28 janvier 1992, « Why Have Political Parties at European Level ? ».

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

193

d’ailleurs que commencer, puisque T. Jansen continuera de publier régulièrement toute

une série d’articles et d’ouvrages dans les années 1990 et jusqu’à aujourd’hui, qu’il

s’attache à éloigner au maximum du genre autobiographique en adoptant les formes

reconnues des publications scientifiques110.

« Faire l’article des partis », pour Thomas Jansen, passe donc par deux « façons de

faire » différentes, nourries de deux « savoir-faire » complémentaires acquis par une

longue expérience : d’un côté, l’action politique qu’il mène en tant que secrétaire

général du PPE et principal artisan de la reconnaissance juridique des /partis européens/,

et qui lui permet d’influer sur l’ordre des normes communautaires, au moins

marginalement ; d’un autre côté, l’investissement discursif dans la définition et la

diffusion d’une version particulière de cet évènement et de son sens, qui ne commence

pas avec l’épisode de la reconnaissance des /partis européens/ à Maastricht, comme on

le verra dans la deuxième partie : Thomas Jansen a depuis longtemps écrit, avec

beaucoup d’autres, au sujet des /partis européens/, contribuant ainsi à la mise en forme

savante de la notion que nous analyserons dans le chapitre suivant.

C’est peut-être cet investissement particulier dans la codification qui nous occupe, et

dans sa promotion ultérieure, qui explique qu’il soit lui-même entré, après quelques

années, dans la « querelle de paternité » symbolique autour de l’article 138a qu’il avait

contribué à créer. Quand on demande aujourd'hui à Thomas Jansen comment cette

proposition a émergé, il ne répond en effet plus de la même manière que dans l’article

du journal Il Popolo, ni dans ses autres écrits, jusqu’en 2006111 :

110 JANSEN, Thomas, « Zur Entwicklung supranationaler Europäischer Parteien », dans GABRIEL, Oscar W., SARCINELLI, Ulrich, SUTOR, Bernahrd, VOGEL, Bernhard (dir.), Der demokratische Verfassungsstaat. Theorie, Geschichte, Probleme, Festschrift für Hans Buchheim zum 70. Geburtstag, Munich, R. Oldenbourg Verlag, 1992, p. 241-256 ; JANSEN, Thomas, « Zur Entwicklung eines europäischen Parteiensystems », Integration, 1995, 18e année, n°3, p. 157-165 ; JANSEN, Thomas, Die Entstehung einer Europäischen Partei : Vorgeschichte, Gründung und Entwicklung der EVP, Bonn : Europa-Union Verlag, 1996 ; JANSEN, Thomas. The European People’s Party ; Origins and Development, Basingstoke, MacMillan, 1998 ; JANSEN, Thomas, « Die europäischen Parteien », dans WEIDENFELD, Werner, WESSELS, Wolfgang (dir.), Jahrbuch der Europäischen Integration 1995-96, Bonn, Europa Union Verlag / Institut für Europäische Politik, 1994-1995, 1995-1996 et 1996-1997 ; JANSEN, Thomas, « Pan-European Political Parties », European Essay 14, London, Federal Trust, 2001 ; JANSEN, Thomas, « The Emergence of a Transnational European Party System », European view, vol. 3, 2006, p. 45-56 ; JANSEN, Thomas, VAN HECKE, Steven, At Europe’s Service, Heidelberg, Springer, 2011. 111 On a vu en effet comment il mentionnait en 2006 le rôle spécifique des secrétaires généraux, mais cette remarque rapide restait évasive : JANSEN, Thomas, « The Emergence of a Transnational European Party System », European view, vol. 3, 2006, p. 45-56.

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

194

« 11. When did the idea of the « Europarties article » proposal (the future art. 138 of the Maastricht Treaty) arise and how exactly? Thomas Jansen : « It was my idea to propose such an article, I think it was in 1990, inspired by article 21 of the German constitution (Grundgesetz). I discussed the idea with Martens who agreed. Then I took the initiative to present the idea to my colleagues from the Liberal and the Socialist parties and we agreed to organise a meeting with our three Presidents and to make them sign and forward, in the perspective of the imminent Governmental conference, a joint letter to the Presidents of the Council, the Commission and the Parliament. [...] Finally the proposal such as drafted by myself and approved on the different stages was taken directly to the Intergovernmental Conference by Martens in his capacity of Belgian Prime Minister. »112

Le « héraut » est en quelque sorte devenu le « héros » principal de l’épisode, avec

quelques années de retard113. De fait, Thomas Jansen occupe bien une place particulière

dans les mobilisations que nous avons analysées autour de la reconnaissance de /partis

européens/ dans les traités communautaires. Mais il faut se garder pourtant de faire de

lui, ou de n’importe quel autre acteur d’ailleurs, le « champion » de la codification, ce

qui est le risque encouru si l’on cherche absolument à attribuer à un acteur individuel la

« paternité » d’une codification qui résulte en fait d’une rencontre de séries causales

beaucoup plus nombreuses et beaucoup plus vastes, comme on a pu le voir et comme on

va continuer à s’en rendre compte.

Si l’on commence à avoir une meilleure idée des acteurs impliqués dans ces

mobilisations et de leurs raisons d’agir vraisemblables, il nous reste à nous demancer ce

qui a pu les pousser à agir, de cette manière, et à ce moment-là.

112 Traduction : « Quand l’idée d’une proposition d’un « article des partis » (le futur art. 138 du traité de Maastricht) a-t-elle émergé, et comment exactement ? / Thomas Jansen : « C’était mon idée de proposer un tel article, je pense que c’était en 1990, inspiré par l’article 21 de la constitution allemande (Grundgesetz). Je discutai l’idée avec Martens qui l’approuva. Alors, je pris l’initiative de présenter l’idée à mes collègues des partis libéral et socialiste, et nous nous mîmes d’accord pour organiser une réunion avec nos trois présidents, et pour les faire signer et envoyer, dans la perspective des imminentes conférences gouvernementales, une lettre conjointe aux présidents du Conseil, de la Commission et du Parlement. […] Finalement, la proposition telle que rédigée par moi-même, et approuvée aux différents niveaux, fut directement introduite dans la Conférence intergouvernementale par Martens en sa qualité de Premier ministre belge ». 113 Que ce changement dans la « mise en récit » personnelle intervienne après l’entrée en vigueur du règlement n°2004/2003 en 2004 n’est sans doute pas un hasard, les /partis européens/ étant désormais dotés du statut et du financement « ratés » à Maastricht : a posteriori, l’épisode de la codification de l’article 138a prend d’autant plus de valeur pour ceux qui peuvent revendiquer y avoir participé et joué un rôle central.

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

195

II – La bourse et la vie : les deux paris ratés de l’« article des partis »

Les sections qui précèdent ont mis en évidence les rôles différenciés des membres

des organisations partisanes qui sont intervenus dans le processus ayant mené à

l’introduction de l’« article des partis » dans le traité de Maastricht. Cela nous a permis

de distinguer à chaque fois, pour les acteurs les plus impliqués notamment, des raisons

particulières d’agir et certaines caractéristiques des positions occupées qui les rendaient

plus à même de s’investir dans ce type d’entreprise partisane spécifique qui consiste à

faire labelliser et codifier ses organisations dans le droit.

Mais ces raisons « personnelles » ne suffisent pas à expliquer que cette codification

ait effectivement eut lieu, ni qu’elle ait lieu dans les formes qu’elle a prise. Il faut pour

cela tenter de remonter un plus loin les séries causales qui se croisent à Maastricht, en

élargissant notre point de vue pour englober, d’un côté, les problèmes généraux qui

peuvent toucher ces organisations – et qui tiennent principalement à un déficit croissant

de ressources – ainsi que, d’un autre côté, les modèles communs qui ont pu pousser ces

acteurs à choisir le droit comme instrument d’action politique. On verra alors que la

promotion de l’ « article des partis » repose en fait sur un double pari raté, celui du

financement public et celui de la légitimation.

II.1 – Un problème de fonds

Les organisations européennes de partis ne peuvent compter que sur les ressources

de leur groupe et de leurs partis membres. On a vu plus haut comment le groupe

parlementaire constituait d’abord le « vivier » quasi exclusif dans lequel sont choisis (et

grâce auquel sont rémunérés) les administrateurs de ces structures extraparlementaires.

Mais les groupes financent aussi, en complément des cotisations des partis nationaux

membres, toutes les dépenses de fonctionnement de ces organisations, du timbre poste à

l’organisation des Congrès.

Or ces deux sources de financement connaissent, dans la deuxième moitié des

années 1980, un brusque tarissement qui, s’il n’est pas total, pose néanmoins de graves

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

196

problèmes de gestion aux administrateurs des organisations européennes de partis114 et

constitue un des éléments, explicitement présentés comme tels par certains acteurs,

ayant conduit à la revendication de la reconnaissance de /partis européens/.

II.1.1 – Ressources en baisse et besoins en hausse

La mise en place des élections directes au milieu des années 1970115 avait suscité,

par anticipation, la transformation des différentes instances de coordination partisane,

existantes auparavant, en organisations plus formalisées, qui étaient chargées

principalement de coordonner les partis nationaux membres dans la perspective de ces

élections, et notamment en vue de préparer un manifeste électoral commun.

L’accomplissement des tâches afférentes (déplacements, réunions de travail et autres

besoins pour préparer et diffuser le manifeste ou tout autre matériel d’information),

demandait des fonds importants que les groupes du PE116 ont supporté d’autant plus

114 Comme nous l’avons déjà souligné, nous ne pouvons nous baser pour notre enquête que sur les sources archivistiques du PPE et de l’UPSCE, n’ayant pu consulter celles de l’ELDR. Nous verrons néanmoins, grâce à d’autres types de sources, que cette organisation connaît le même type de problèmes. 115 On rappelle que la décision formelle instituant l’élection directe au suffrage universel pour les membres de l’ « Assemblée parlementaire européenne » est l’« Acte portant élection des représentants à l'Assemblée au suffrage universel direct », annexé à la décision 76/787/CECA, CEE, Euratom du Conseil, JOCE L 278 du 8 octobre 1976, entrée en vigueur le 1er juillet 1978 après ratification par les neuf Etats membres de l’époque. La décision informelle en avait été prise lors du Sommet de Paris de décembre 1974. 116 Mais aussi en partie la Commission européenne : le budget des Communautés pour 1977 prévoit ainsi un poste 2729 pour des « mesures d’information en rapport avec l’élection directe du PE » grâce auquel la Commission peut subventionner tout type de mouvements européens ou organisations actives en vue des élections européennes, subventions qui ont pu bénéficier en partie aux organisations partisanes extraparlementairs créées pour l’occasion. Voir : WIVENES, Georg, « Fraktions- und Parteienfinanzierung durch das Europäische Parlament », dans TSATSOS, Dimitris Th. (dir.), Parteienfinanzierung im europäischen Vergleich. Die Finanzierung der politischen Parteien in den Staaten der Europäischen Gemeinschaft, Baden-Baden, Nomos Verlagsgesellschaft, 1992, p. 455-480 (notamment p. 461). Le débat pour savoir quelle institution communautaire doit être chargée du financement et du contrôle du statut des /partis européens/ reviendra au moment du vote du règlement n°2004/2003 du 4 novembre 2003, certains députés estimant qu’il est préférable que le PE n’aie pas à connaître de ces questions où il est juge et partie, d’autres trouvant dangereux de confier à une instance « technocratique » la décision d’accorder ou pas ces fonds, les administrateurs de la Commission eux-mêmes insistant pour ne pas être chargés de la question, de peur de paraître partisans. Sur ce point, voir notre entretien avec Jürgen Müller (2 décembre 2009), administrateur au SG de la Commission chargé des relations entre le PE et la Commission au moment du vote du règlement n°2004/2003 : « Le budget de toute façon c'est le budget du Parlement…ça on a toujours insisté. Même déjà quand la première, le premier règlement a été créé, euh, la première fois le Parlement l’avait inscrit dans le budget de la Commission [...]. On a bien insisté que ce soit le parlement. Et pour la Commission c'est aussi la seule façon de faire. Parce que si la Commission doit se mêler…euh…et là on avait le problème [...] »).

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

197

facilement que le budget communautaire prévoit, dès 1974, de nouvelles ressources à

cet effet.

Les groupes politiques du PE disposent ainsi depuis le budget 1974 d’un

financement spécifique pour leurs activités « politiques » (le poste 3706 du budget

communautaire) : c’est sur la base de ce dernier qu’ont été financées indirectement les

premières campagnes européennes des structures extraparlementaires117 (et parfois de

certains partis nationaux118) même si juridiquement cette ligne budgétaire ne doit en

théorie servir qu’à des activités du groupe lui-même dans le cadre de son travail

parlementaire119. Cette irrégularité fondée sur une différence d’interprétation juridique a

d’ailleurs provoqué de nombreuses critiques dès les élections de 1979, comme le

rapportent Kurt Menke et Ian Gordon :

« During the years 1977 to 1979, the EP contributed considerable funds to political parties for their various informational activities. The total allocated in these years was approximately 15 million ECU and was divided among the six party groups in the EP according to their relative size. The party groups distributed the money either directly or via the European party federations, which retained a part of the allocation for their transnational campaign and informational activities. These Parliamentary allocations became a campaign issue in Luxembourg where, among the total of eight political parties contesting the European elections, only the three large parties received a share of the available funds [...]. A similar situation prevailed in the Netherlands, where funds were distributed only to those three parties affiliated with party federations. Here the smaller parties strongly condemned the practice whereby

117 Voir le témoignage de Pascal Fontaine, à l’époque fonctionnaire européen au PE et administrateur rattaché au secrétariat du groupe PPE : FONTAINE, Pascal, Voyage au cœur de l’Europe. 1953-2009. Histoire du Groupe Démocrate-chrétien et du Parti populaire européen au Parlement européen, Bruxelles, Racine, 2009 : « Le groupe, qui dispose [en 1979] de moyens financiers qui lui sont attribués par le budget du Parlement européen et qui sont proportionnels à son importance numérique, peut aider le jeune Parti PPE. 40 millions de FB, soit 1 million d’euros, sont versés au Parti pour publier le matériel de campagne, notamment des publications diffusant la plateforme électorale adoptée par le Congrès des 22 et 23 février 1979 ». (p. 157) 118 A titre d’exemple, Kurt Menke et Ian Gordon, ou encore Geoffrey et Pippa Pridham, décrivant la même anecdote, montrent comment le groupe socialiste du PE, par l’intermédiaire de l’UPSCE, finance pendant la campagne de 1979 l’impression d’une brochure pour le Labour Party à hauteur de 250 000 (pour les premiers) ou 300 000 (pour les seconds) livres sterling. Voir : MENKE, Kurt, GORDON, Ian, « Differential Mobilisation for Europe: a Comparative Note on some Aspects of the Campaign », European Journal Of Political Research, vol. 8, n°1, mars 1980, p. 63-89 (sur cet exemple, voir p. 83-84) ; PRIDHAM Geoffrey, PRIDHAM Pippa, Transnational Party Co-operation and European Integration. The process towards direct elections, Londres, Allen & Unwin, 1981, p. 240. 119 Voir sur ce point : PARLEMENT EUROPÉEN. Statut et financement de partis politiques européens, Document de travail de la Direction générale des Etudes, Série « Affaires constitutionnelles », AFCO 105FR, novembre 2003 (PE 337.295), p. 49-50 ; COUR DES COMPTES EUROPEENNE, Rapport spécial n° 13/2000 relatif aux dépenses des groupes politiques du Parlement européen, accompagné des réponses du Parlement européen, JOCE C 181 du 28 juin 2000, p. 1-16.

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

198

large parties were placed at an advantage. The Democrats’66 criticised the practice in an open letter to the President of the EP. »120

Ces critiques entraînèrent la mise en place d’un nouveau poste budgétaire en 1982,

dans la section du budget communautaire consacrée au PE, intitulé « dépenses

d’information » et numéroté 3708, qui fut rajouté aux budgets 1982, 1983 et 1984. Cette

nouvelle ligne de budget (qui représente au total 7 millions d’ECU à répartir entre les

groupes121) devait permettre de distinguer les activités qui relevaient spécifiquement du

groupe et celles qui étaient destinées à l’« information » générale du public, et plus

particulièrement dans le cadre de la campagne pour les élections européennes de 1984 :

dans les faits, les crédits du poste 3708 furent en majorité alloués à des activitités de

propagande partisane, ce qui fut dénoncé par de nombreux partis et notamment par le

parti « Les Verts » en France, qui parvint à faire annuler en 1986 par la Cour de justice

des Communautés européennes (CJCE) deux décisions du PE sur la répartition de ces

crédits122, arguant d’une rupture d’égalité face à ce qui s’apparentait à la mise en place

d’un système de remboursement de frais électoraux123.

L’arrêt de la CJCE « Les Verts / Parlement européen » du 23 avril 1986 a eu un

grand retentissement juridique, non pas tant par son contenu précis que parce qu’il

constituait la première reconnaissance de l’opposabilité des actes du Parlement, sur le

120 MENKE, Kurt, GORDON, Ian, « Differential Mobilisation for Europe: a Comparative Note on some Aspects of the Campaign », European Journal Of Political Research, vol. 8, n°1, mars 1980, p. 63-89 (p. 83-84 ici) (traduction : « Pendant les années 1977 à 1979, le PE distribua des fonds considérables aux partis politiques pour leurs différentes activités. Le total alloué durant ces années fut d’approximativement 15 millions d’ECU, qui fut divisé parmi les six groupes au PE en fonction de leur taille respective. Le groupe distribua l’argent soit directement, soit par l’intermédiaire des fédérations européennes de partis, qui retinrent une partie du montant pour leurs campagnes transnationales. Ces subventions parlementaires devinrent des polémiques de campagne au Luxembourg où, seuls les trois plus grands partis, parmi les huit à participer aux élections européennes, reçurent une part du montant disponible [...] Une situation similaire prévalut aux Pays-Bas, où des fonds furent distribués seulement aux trois partis affilés à des fédérations de partis. Ici, les plus petits partis condamnèrent fortement cette pratique qui donnait un avantage aux grands partis. Les « Democrats’66 » critiquèrent cette pratique dans une lettre ouverte au Président du PE »). 121 Pour l’exercice 1983 : voir JOCE C 149 p. 72 du 14 juin 1982 (« Résolution sur le projet d'état prévisionnel des recettes et des dépenses du Parlement européen pour l'exercice 1983 »). 122 CJCE, « Parti écologiste « Les Verts » contre Parlement européen. Recours en annulation – Campagne d’information pour l’élection du Parlement européen », Affaire 294/83, recueil de jurisprudence 1986, p. 1339 (disponible en ligne sur le site Eur-lex : http://eur-lex.europa.eu ; n°CELEX : 61983J0294). 123 Voir l’arrêt de la CJCE ci-dessus, point 48 : « Il convient cependant de souligner que ces règles ne suffisent pas pour lever l’ambiguïté sur la nature de l’information donnée. [...] Il est manifeste que, dans une campagne d’information de ce type, que le Parlement européen qualifie de contradictoire, information sur le rôle du Parlement européen et propagande partisane sont indissociables. Le Parlement européen a d’ailleurs reconnu à l’audience qu’il n’était pas possible à ses membres de faire le départ entre le propos strictement électoral et le propos d’information ».

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

199

même plan que ceux du Conseil et de la Commission, et parce qu’il qualifiait pour la

première fois les traités communautaires de « charte constitutionnelle »124. Mais il a eu

aussi de grandes conséquences financières et politiques pour les groupes et les

organisations européennes de partis : pour se conformer à cet arrêt, le Bureau du PE a

en effet décidé que les crédits du poste 3708 ne pourraient plus servir aux dépenses des

campagnes électorales européennes125.

L’ELDR, le PPE et l’UPSCE se voient ainsi, indirectement, privés d’une manne

financière représentant au moins plusieurs centaines de milliers d’ECU, ce qui

représente un problème clairement perçu à l’époque par les observateurs. Ainsi, Rudolf

Hrbek126 note-t-il en 1987, dans la rubrique annuelle qu’il tient sur les /partis européens/

dans le Jahrbuch der europäischen Integration 1986-1987 publié depuis 1979 par

l’ Institut für europäische Politik, l’importance de ce jugement de la CJCE et les

problèmes financiers qu’il peut causer aux organisations de partis :

« Ein für alle Parteiföderationen wichtiger Vorgang war 1986 das Urteil des Europäischen Gerichtshofs, wonach die Verwendung von Geldern des Europäischen Parlaments, die den politischen Fraktionen und den Abgeordneten bewilligt worden waren, durch die Parteibünde als nicht rechtmäßig erklärt wurde. Das Urteil des EuGH verlangt zwar keine Rückzahlung durch die Parteiföderationen, sperrt ihnen aber für die Zukunft Finanzquellen, die für die Durchführung von Aktivitäten notwendig waren. Für die Parteiföderationen stellt sich die Frage, wie sie mit den Konsequenzen dieses Urteils fertig werden sollen. Die intensive Diskussion darüber bestätigt, wie überaus bedeutsam diese Finanzmittel für die Aktivitäten der Parteiföderationen waren. Die Folgen des Urteils werden erst in ein bis zwei Jahren sichtbar werden. »127

124 Voir : DEHOUSSE, Renaud, La Cour de justice des Communautés européennes, Paris, Montchrestien, 1994 (p. 26-27). 125 Art. 3 de la « Réglementation portant modalités d'utilisation des crédits prévus au poste 3708 du budget du Parlement européen et visant les actions d'information », Doc. PE 107.089/BUR (et Annexe 2). 126 Professeur à l’Université de Tübingen depuis 1976 et dont nous reparlerons dans notre deuxième partie car il a été un des chercheurs les plus investis dans le travail savant sur de la notion de /partis européens/ avant 1992. 127 HRBEK, Rudolf, « Die europäischen Parteienzusammenschlüsse », dans WEIDENFELD, Werner, WESSELS, Wolfgang (dir.), Jahrbuch der europäischen Integration 1986-1987, Baden-Baden, Nomos (& IEP), 1987, p. 279-287 (ici p. 279). (traduction : « Un évènement plus important pour toutes les fédérations de partis a été en 1986 le jugement de la Cour de justice européenne, par lequel l’utilisation par les confédérations de partis des financements du Parlement européen, qui étaient mis à disposition des groupes politiques et des députés européens, a été déclarée illégale. Le jugement de la CJCE n’exige certes aucun remboursement des sommes perçues par les fédérations de partis, mais leur supprime à l’avenir des sources de financement, qui étaient nécessaires à l’accomplissement de leurs activités. La question se pose pour les fédérations de partis de savoir comment elles vont pouvoir assumer les conséquences de ce jugement »).

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

200

Les « fédérations de partis » (un label de plus) doivent donc trouver de nouvelles

sources de financement si elles veulent ne serait-ce que maintenir le niveau de leurs

recettes et de leurs activités, sans parler des projets divers d’extension éventuelle.

Car la deuxième moitié des années 1980 est en effet un moment de redéfinition de

ces organisations, au moins dans leur périmètre, du fait des élargissements des

Communautés européennes qui ont lieu successivement en 1981 et 1986 : les entrées de

la Grèce, de l’Espagne et du Portugal entraînent des discussions, parfois prolongées,

avec les partis candidats à l’adhésion à chacune des organisations européennes de partis.

Comme évoqué dans le chapitre 2, le PPE, par exemple, intègre la Nouvelle Démocratie

grecque (Néa Dimokratía - ND) en 1983, puis un peu plus tard le Parti populaire

espagnol (Partido Popular - PP), en 1991. Mais des discussions sont aussi en cours dès

1986 avec le Parti social démocrate (Partido Social Democrata) portugais, qui

deviendra membre à part entière en 1996. A l’UPSCE, les partis socialistes espagnol et

portugais ont été intégrés dès le début des années 1980, avant même leur adhésion

officielle aux Communautés, et le PASOK grec devient membre en 1989.

Evidemment, la chute du mur de Berlin et la fin de la guerre froide rendent les

perspectives d’élargissement à l’est très actuelles, du fait des éléments que nous avons

déjà signalés dans le chapitre 1 : la mise en place du programme PHARE par les

Communautés européennes en décembre 1989128, mais aussi les candidatures officielles

de l’Autriche (le 17 juillet 1989), de Malte et de Chypre (les 4 et 16 juillet 1990) à

l’adhésion aux Communautés.

Mécaniquement, les besoins en ressources des organisations européennes de partis

augmentent avec ces perspectives et ces extensions effectives129. Face au tarissement

des ressources communautaires, la seule possibilité qui s’offre à elles est donc de

demander à leurs partis membres d’accepter des augmentations de cotisation.

128 Règlement (CEE) n° 3906/89 du Conseil du 18 décembre 1989. 129 On peut citer comme exemple d’initiative concrète en coopération avec les partis de l’est le « Congrès des partis démocrates-chrétiens d’Europe centrale et d’Europe de l’est, organisé par le groupe du PPE et le PPE à Budapest du 2 au 4 mars 1990. Voir : GROUPE PPE DU PARLEMENT EUROPÉEN (Andreas-R. Hartmann, Thomas Jansen, Karl Bruhn, Werner de Crombrugghe), « Le mouvement démocrate-chrétien en Europe centrale et en Europe de l’est », DC Europe – Textes et documents, 1991, n°2, 18 janvier 1991.

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

201

II.1.2 – L’exemple du budget du PPE pour 1992

Or, les partis membres, dans chaque famille, se révèlent extrêmement réticents à ce

sujet, notamment les plus riches d’entre eux pour des raisons bien évidentes : la CDU, le

SPD, le FDP allemands, qui sont les premiers financeurs de leur organisation

respective130, opèrent en 1989-1990 un recentrement de leur priorités budgétaires et

politiques de court et moyen terme du fait la réunification allemande131 qui implique la

reconstruction complète du système de partis de l’ex-RDA par les partis de l’ouest132,

ainsi que l’organisation immédiate des premières élections législatives de l’Allemagne

réunifiée133.

Dans chaque famille, les tentatives qui sont faites en vue d’augmenter les cotisations

nationales se heurtent à des rejets complets. On a déjà évoqué le conflit qui oppose à ce

sujet entre 1985 et 1989 le secrétaire général de l’UPSCE, Mauro Giallombardo (1982-

1989) et le président du groupe socialiste au PE, Rudi Arndt (1984-1989)134. On peut

prendre ici un exemple plus détaillé qui repose sur l’étude des archives du PPE et qui

130 Avec le Labour britannique en ce qui concerne l’USPCE, d’après les livres de compte de cette organisation consultés dans les archives. En 1992, le Labour contribue par exemple à hauteur de 1 446 000 francs belges (35 000 euros à peu près), le SPD pour 1 026 000 FB (25 500 euros environ). 131 A laquelle peuvent s’ajouter ponctuellement, selon les « familles » politiques, des tensions plus spécifiques qui peuvent lui être néanmoins liées sans le dire : Wilfried Martens raconte ainsi comment Helmut Kohl avait décidé, juste avant son élection à la tête du PPE au début de l’année 1990, c’est-à-dire au moment où se jouait la réunification allemande, qu’il ne paierait plus la cotisation de la CDU au PPE, prétextant qu’il n’était pas satisfait de ce qui s’y faisait. MARTENS, Wilfried, I Struggle, I Overcome, New York, Springer, 2008 : « Helmut Kohl had promoted Jansen to secretary-General but during the late 1980s had become increasingly dissatisfied with the state of affairs within the EPP. Kohl had decided, therefore, that the CDU would no longer pay its membership dues. This would have been fatal for the operation and credibility of the EPP. Jansen hoped that if I were President, given the fact that I was on such friendly terms with Bonn, relations between the CDU and EPP would become normal again, and that the practical problems regarding the cost of membership would be solved. » (p.109). (traduction : « Helmut Kohl avait promu Jansen secrétaire Général mais à la fin des années 1980 était devenu de plus en plus mécontent de l’activité du PPE. Kohl avait donc décidé que la CDU ne paierait plus sa cotisation. Cela aurait été fatal pour l’activité et la crédibilité du PPE. Jansen espérait que si j’étais Président, étant donné le fait que j’étais en si bons termes avec Bonn, les relations entre la CDU et le PPE redeviendraient normales, et que le problème pratique concernant le coût de l’adhésion serait résolu »). 132 Voir sur ces questions : DE WAELE, Jean-Michel, « Les relations entre les partis politiques des pays d’Europe centrale et orientale et les fédérations européennes de partis », dans ROGER, Antoine (dir.), Des partis pour quoi faire ? La représentation politique en Europe centrale et orientale, Bruxelles, Bruylant, 2003 ; DE WAELE, Jean-Michel, DELWIT, Pascal (dir.), La démocratisation en Europe centrale. La coopération paneuropéenne des partis politiques, Paris, l’Harmattan, 1998. 133 Le traité de réunification des deux Allemagne entre en vigueur le 3 octobre 1990, entraînant l’élargissement de fait des Communautés à l’ex-RDA. Les premières élections du nouveau Bundestag ont lieu le 2 décembre (et voient une nette victoire de la CDU/CSU avec 43,80 % des voix). 134 MONOT, Mathieu, Socialistes et democrates-chrétiens et la politisation de l’Europe, Paris, l’Harmattan, 2010, p. 122-123.

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

202

rend patents les problèmes que pose le manque de ressources à la fin des années 1980 et

au début des années 1990.

Le PPE connaît en effet à la fin 1991 une situation financière et budgétaire difficile,

ce dont les dirigeants du PPE présents au Sommet de Maastricht semblent très

conscients : le dépouillement des archives des réunions du Bureau du PPE lors de

l’année 1991 montre que des tensions assez vives existent entre les dirigeants des

différents partis membres au sujet de l’augmentation ou même du simple maintien du

budget de l’organisation. Ainsi, une lettre de Erwin Huber, secrétaire général de la CSU

bavaroise, à Thomas Jansen, du 9 octobre 1991 précise très fermement qu’il refuse de

voir augmenter les cotisations des partis membres du PPE de plus du taux d’inflation en

Belgique135. D’autres lettres similaires conduisent le secrétaire général adjoint du PPE,

Guy Korthoudt, à rédiger deux mois avant le Conseil européen de Maastricht une

« Note / prévisions budgétaires du PPE » à l’attention des membres du Bureau du PPE,

dans laquelle il indique clairement l’alternative devant laquelle ils se trouvent : doubler

les cotisations des partis membres (ce qui semble impossible au vu des premières

réactions) ou trouver d’autres ressources, comme par exemple un « financement

public » :

« Ceci pose un problème pour élaborer le budget 1992 : nous ne pourrons ni intégrer, ni augmenter le budget « Europe de l’Est », nous ne pourrons pas accepter la création d’une association des Aînés aux mêmes conditions que les associations existantes et le Bureau politique devra s’abstenir de proposer des réunions, colloques, etc. supplémentaires pour lesquels on ne dispose pas de l’infrastructure du Parlement européen. A moyen terme, la seule issue qui se présente est l’espoir d’un financement public, mais tout laisse à prévoir que ce sera un travail de longue haleine. »136

L’annexe II du Sommet de Maastricht pourrait ainsi être interprétée comme un

premier résultat de ce « travail de longue haleine » destiné à obtenir un financement

communautaire, évoqué par les administrateurs du PPE.

135 Lettre du 9 octobre 1991 (carton 3.2.1 : « Bureau politique PPE mai 1991 – novembre 92 »). 136 Note rédigée en vue de la réunion du Bureau politique du 15 octobre 1991 et jointe aux documents préparatoires du budget 1992 (carton 3.2.1 : « Bureau politique PPE mai 1991 – novembre 92 »).

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

203

En effet, le travail de promotion en faveur de la reconnaissance de /partis européens/

a commencé bien avant cette note d’octobre 1991, à en croire un autre document de Guy

Korthoudt, découvert dans les mêmes archives et intitulé « Note confidentielle

concernant le financement communautaire des Fédérations européennes de partis (partis

européens) »137. Ce document est essentiel pour au moins trois raisons.

Premièrement, il prouve que la mise en place d’un financement communautaire pour

les « fédérations européennes de partis » était un objectif prioritaire et essentiel pour les

administrateurs du PPE depuis plusieurs années :

« 3. Proposition Pour stimuler la formation de partis européens et la fonction intégrante des fédérations européennes, un financement direct (par le budget de la Communauté) des frais de fonctionnement est indispensable. Dans une majorité d’Etats membres, il existe d’ailleurs un système de financement public des partis politiques. »

On retrouve donc déjà dans cette note l’objectif principal de la proposition des trois

présidents partisans exprimé dans la lettre du 1er juillet 1991, à savoir la mise en place

d’un financement pour les /partis européens/, et pas seulement la reconnaissance

symbolique du rôle de ces organisations politiques. De ce point de vue, la réussite

apparente de l’introduction d’un « article des partis » dans le traité de Maastricht est en

fait plutôt un échec, car les dirigeants du PPE et Martens au premier chef ne sont pas

parvenus à atteindre l’objectif financier initial qui était le financement public pour ces

organisations.

Deuxièmement, ce document apporte des éléments de nature à éclairer l’algorithme

discursif utilisé par les membres du PPE pour penser et justifier leur demande de

financement communautaire. Guy Korthoudt énonce ainsi quatre arguments principaux

sous la rubrique « motivation » de sa note confidentielle. Pour G. Korthoudt, les

« fédérations européennes de partis » sont d’abord la « « conscience européenne » de

leurs partis membres », en les maintenant « en contact constant avec l’Europe ». Puis,

G. Korthoudt avance l’argument « démocratique » du lien a priori entre partis

137 Archives du PPE, carton 4.2.1. – « Summits 1991 » : « Note confidentielle concernant le financement communautaire des Fédérations européennes de partis (partis européens) », non datée mais commentant le budget 1990 en cours d’exécution du PPE.

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

204

politiques et démocratie, que l’on a déjà retrouvé à plusieurs reprises dans la mise en

évidence des algorithmes discursifs concernant les /partis européens/ :

« Une démocratie parlementaire et pluraliste demande des partis politiques. Les fédérations sont les précurseurs de vrais partis politiques européens. Il est clair que les fédérations européennes de partis assument une fonction d’intégration importante, fonction que les groupes politiques au PE ne peuvent assumer sous cet angle. »138

Le troisième argument concerne la contribution programmatique que les fédérations

européennes sont censées apporter à leur groupe politique respectif, en tant que

« laboratoire » et « pierre de touche », pour reprendre les mots de Guy Korthoudt.

Enfin, les fédérations, pour G. Korthoudt, « informent et sensibilisent aussi l’opinion

publique »139.

Cette argumentation reprend les principaux « éléments de langage » que nous avons

déjà pu dégager, dans des formules qu’on retrouvera pour certaines telles quelles dans la

lettre du 1er juillet 1991 des trois présidents partisans et la référence de l’annexe II à

Maastricht, comme la « fonction d’intégration » ou la « conscience européenne » que

représenteraient les « fédérations européennes de partis ». Ces « éléments de langage »

semblent ici synthétisés et fournis aux dirigeants du PPE pour leur permettre de

défendre publiquement la proposition avancée dans cette note confidentielle, plutôt que

comme une justification théorique substantielle du rôle et de l’importance de ces

organisations.

C'est d’autant plus probable que cette note confidentielle, et c'est la troisième raison

pour laquelle elle nous semble essentielle, s’achève sur des considérations visant

explicitement la « stratégie » à mettre en œuvre pour parvenir à l’application concrète

de cette mesure :

« 4. Stratégie Pour réaliser cet objectif, il faudra réunir les forces. Les deux instances principales sont d’un côté, le Bureau du Parlement, la Commission budgétaire et les Questeurs du PE, et de l’autre le Conseil européen et le Conseil des Ministres des Finances. Les trois fédérations existantes en ce moment devront donc mener une double action : auprès de leur groupe parlementaire au PE et de leurs partis membres nationaux et auprès de leurs Premiers Ministres, Ministres des Affaires

138 Ibid., p. 1. 139 Ibid., p. 1.

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

205

Etrangères et Ministres des Finances de leurs partis membres qui sont au gouvernement. En ce moment, les trois fédérations ont des représentants dans 11 des 12 Etats membres. C'est donc une question de volonté politique. Pour ce faire, une concertation des trois fédérations est donc nécessaire. Par conséquent, je propose que se tienne une réunion entre les Présidents des trois fédérations. Cette réunion devrait être préparée au préalable par une réunion des trois secrétaires généraux. »140

La stratégie « inter-partisane » est ici clairement énoncée par le secrétaire général

adjoint du PPE141, qui pose le principe des réunions analysées plus haut, qui aboutiront

à la lettre conjointe du 1er juillet, d’une part, et à la proposition de Wilfried Martens au

Sommet de Maastricht, d’autre part.

Ce « travail de longue haleine » n’a cependant pas débuté non plus en 1990-1991. Il

est en fait impossible, et assez vain, de rechercher une « origine » absolue ou un auteur

premier de l’idée de cette initiative. Dès 1980, par exemple, la question du financement

public était déjà posée par les membres du PPE, lors de leur 3e Congrès, comme le note

encore Rudolf Hrbek, dans sa rubrique du Jahrbuch de 1981 :

« In diesem Zusammenhang wurde die ganz konkrete Frage der für eine handlungsfähige Parteiorganisation erforderlichen Finanzmittel aufgeworfen, die noch nicht befriedigend gelöst sei. Aus einzelnen Äußerungen ergibt sich, daß die einzige Lösung in Zuwendungen seitens der Gemeinschaft — im Sinne einer öffentlichen (Teil-)Finanzierung von Parteien — gesehen wird. »142

Ainsi, les membres du PPE (et vraisemblablement des autres organisations

européennes de partis) sont tous conscients depuis longtemps que la seule source

possible de financements qui s’ouvre à eux, face aux résistances de leur groupe au PE et

à celles des leaders de leurs partis membres, est celle d’un financement public

communautaire. En 1982, la création du poste budgétaire 3708 en faveur du PE et des

activités d’« information » semblent répondre une première fois à ce souhait. Si l’arrêt

140 Ibid., p. 4. 141 Qui pourrait donc être rajouté à la liste des « prétendants » potentiels au titre de « père des partis », si l’on voulait jouer le jeu de la querelle de paternité décelée dans les discours successifs des acteurs. 142 HRBEK, Rudolf, « Die europäischen Parteienzusammenschlüsse », dans WEIDENFELD, Werner, WESSELS, Wolfgang, Jahrbuch der europäischen Integration 1980, Baden-Baden, Nomos (& IEP), 1981, p. 255-264 (traduction : « Dans ce cadre fut soulevée la question très concrète des moyens financiers nécessaires à une organisation partisane capable d’agir, qui n’a pas encore été résolue de manière satisfaisante. D’après les interventions individuelles, il apparaît que la seule solution envisagée est celle de subventions de la part de la Communauté – dans le sens d’un financement (partiel) public des partis »).

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

206

de la CJCE d’avril 1986 y met fin, c’est plus pour des questions d’irrégularité sur la

forme et pour des questions d’inégalités entre formations partisanes que par une remise

en cause du principe même de financement public de /partis européens/ éventuels. Il

semble dès lors possible de continuer à « parier » sur ce précédent, à condition de lui

donner une nouvelle forme juridique qui lui garantisse une pérennité plus grande.

II.2 – Parier sur une codification « constitutionnelle »

Le précédent de 1982-1986 semble en effet avoir servi de leçon, au sens propre, aux

acteurs de 1989-1992 qui étaient déjà en poste à ce moment, à savoir les administrateurs

du PPE Thomas Jansen (secrétaire général depuis 1983) et Guy Korthoudt (secrétaire

général adjoint depuis 1981). Plutôt que de se contenter d’une ligne budgétaire toujours

contestable juridiquement, comme l’a prouvé l’arrêt « Les Verts / PE », il faut viser plus

haut dans l’ordre des normes, si et quand l’occasion en est donnée.

II.2.1 – Accéder au traité directement pour « constitutionnaliser » les /partis

européens/

Or, on l’a vu dans le chapitre 1, les deux CIG de 1985 et de 1989-1992 se succèdent

dans un intervalle très court, puisque la CIG sur l’UEM est décidée au Sommet de

Madrid de juin 1989 et que la CIG sur l’union politique devient très vite une

revendication de plusieurs gouvernements, de la Commission et du PE, comme on l’a

vu, jusqu’à la décision formelle au Sommet de Dublin de juin 1990 de lancer une CIG

chargée de réviser globalement les traités en traitant spécifiquement les questions

« politiques » avant la fin de l’année.

La préparation et les premières réunions des trois présidents partisans ont donc lieu

dans ce cadre et il est probable que les administrateurs et les présidents des

organisations européennes de partis aient vite compris que la situation institutionnelle

allait fournir une occasion de concrétiser l’idée d’un financement public pour leurs

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

207

organisations, perdu en 1986 avec l’arrêt de la CJCE – et donc après la CIG sur

l’AUE – mais de nouveau envisageable concrètement en 1989-1992.

La perspective d’une révision globale des traités et les thématiques décidées pour les

négociations de la CIG politique, notamment celles de la « légitimité démocratique » et

de la « citoyenneté européenne »143, semblent en effet pouvoir justifier, aux yeux des

acteurs engagés, la prise en compte du rôle d’éventuels /partis européens/ qui pourraient

exercer, au niveau européen, les « fonctions » qu’on a pris l’habitude de voir exercer par

les partis politiques au niveau national. L’évidence de ce lien quasi « naturel » entre

partis politiques et démocratie, ou démocratisation, est d’ailleurs exprimée à plusieurs

reprises pendant les mobilisations des présidents et des administrateurs partisans. Le

communiqué suivant la deuxième rencontre du 13 décembre 1990 énonce par exemple :

« All three European parties or federations of parties stress their common responsibility for the proper functioning of democracy and for the success of the European Union. To that end, they are working closely with their different political groups in the European Parliament. [...] They take it as read that, without parties to express the political will of the citizens, there is no democracy! This holds good at all levels of political representation, and logically for the European Community as well, and above all for the European Union. »144

On voit ici réapparaître l’algorithme discursif que nous avons dégagé

précédemment : si les membres des organisations européennes de partis peuvent « take

as read » le lien entre démocratie et partis politiques, on verra dans la deuxième partie

que c’est aussi au sens littéral, puisque c’est une combinaison qui est souvent écrite – et

donc lue – dans les formations discursives dans lesquelles émerge la notion de /partis

européens/.

C’est une chose, cependant, d’affirmer unilatéralement – ou même d’exclamer

comme ici – l’évidence du lien entre démocratie et partis politiques, et autre chose de

143 Voir chapitre 1. 144 Archives du PPE, Carton 4.2.1 : Sommets 1991 (traduction : « Les trois partis européens ou fédérations de partis soulignent leur responsabilité commune pour le fonctionnement approprié de la démocratie et pour le succès de l’Union européenne. A cette fin, ils travaillent étroitement avec leurs différents groupes politiques au Parlement européen. [...] Ils prennent pour un fait acquis que, sans les partis pour exprimer la volonté politique des citoyens, il n’y a pas de démocratie ! Cela vaut à tous les niveaux de la représentation politique, et logiquement pour la Communauté européenne également, et plus encore pour l’Union européenne »).

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

208

parvenir à un accord négocié entre délégations nationales et factions partisanes (du

Conseil ou du PE), sur la définition, le rôle et les moyens concrets à donner à ces /partis

européens/. On se souvient de ce que nous a déclaré un des négociateurs directs du

traité, le représentant permanent de la Belgique à l’époque :

« J’étais conscient dans les derniers mois de la CIG qu’un texte de ce genre pouvait apparaître. Martens m’en avait parlé. J’ai compris à l’époque que le PPE en était très partisan et que Martens souhaitait lui donner satisfaction, peut-être pour conforter sa propre position au sein du parti. Ma réaction avait été de dire qu’un texte de ce genre passerait sans problème à condition qu’il soit formulé en termes généraux et sans conséquences financières. »145

Les réticences parmi les diplomates146 à toute formulation qui pourrait entraîner des

conséquences financières remettent donc en cause concrètement le but affiché des

administrateurs partisans, qui est au contraire de garantir à leurs organisations un

financement public en fournissant à celui-ci une « base juridique ».

On comprend ici à la fois que les promoteurs de la reconnaissance des /partis

européens/ aient choisi d’attendre Maastricht pour tenter d’introduire au dernier moment

leur revendication, et en même temps que celle-ci n’ait malgré tout pas pu être autre

chose qu’une vague « référence » sans définition précise. D’une part, les démocrates-

chrétiens (qui en sont les acteurs principaux) sont en position collective de force au

Conseil européen de Maastricht, en tant que « majorité » coordonnée147 disposant, qui

plus est, de la présidence et donc de la maîtrise de l’ordre du jour : cela leur donne un

cadre d’action idéal pour accéder au traité directement, sans passer par les négociations

entre administrations et diplomaties nationales qui risqueraient de rejeter en bloc toute

mention, même symbolique et générale, par manque de consensus sur les détails de

145 Philippe de Schoutheete de Tervarent, entretien par questionnaire (5 avril 2011). 146 Confirmées par les réponses d’Enrique Barón à notre questionnaire : « En los segundos niveles funcionariales y diplomáticos la idea no gozaba de un entusiasmo mayoritario » (traduction : « Aux niveaux secondaires des fonctionnaires et des diplomates, l’idée [d’une référence aux /partis européens/] ne jouissait pas d’un enthousiasme majoritaire »). 147 Six des douze chefs de gouvernement sont alors membres à part entière du PPE (G. Andreotti, H. Kohl, R. Lubbers, W. Martens, K. Mitsótakis, J. Santer) et deux autres sont leaders de partis en cours de négociation pour y adhérer (A. Cávaco Silva et P. Schlüter). Parmi ces huit membres du Conseil européen, on trouve les deux présidents successifs des CIG, Jacques Santer et Ruud Lubbers, qui maîtrisent l’ordre du jour à Maastricht.

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

209

définition et d’application. On a vu que les premières tentatives en ce sens, durant les

travaux préparatoires des CIG148, n’avaient jamais été poursuivies.

A Maastricht, au contraire, les chefs de gouvernement sont entre eux et ils peuvent

donc espérer faire passer l’« article des partis » sans difficulté dans le traité, voire sans

débat, mais leurs chances de succès sont d’autant plus grandes alors, que le texte est

moins précis et qu’il ne contient, par exemple, aucune définition claire des « partis

européens ». Cette concession pouvait sembler à la fois nécessaire, d’après les

indications que Philippe de Schoutheete donna à Wilfried Martens à l’époque, mais

aussi sans véritable conséquence, dans la mesure où elle permettait d’obtenir au moins

une base juridique dans le traité qui servirait de fondement par la suite à une législation

plus précise réglant les détails. L’important était de saisir l’occasion unique qui se

présentait pour faire inscrire une mention, même très vague, dans ce traité que la CJCE,

dans l’arrêt même où elle condamnait en 1986 la première forme de financement public

obtenu par les organisations européennes de partis, avait qualifié de « charte

constitutionnelle » des Communautés.

Or les choses ne se passeront pas comme l’avaient sans doute prévu les promoteurs

de l’« article des partis », ou pas aussi vite, malgré la réussite apparente que constitue la

simple codification effective de l’article 138a, comme le dit Wilfried Martens en

entretien, exprimant sa « rage » contre les ambassadeurs permanents qui selon lui

étaient très conscients que la vague référence adoptée ne servait en fait à rien :

« C’était le premier point à l’ordre du jour du fameux sommet de Maastricht [...] : j’ai pris la parole, nous avions d’ailleurs préparé le texte, sur base d’une disposition d’un article de la constitution fédérale d’Allemagne, ce qui était d’ailleurs une erreur, mais je vais expliquer pourquoi, et donc immédiatement tout le monde (Cavaco Silva dans mon souvenir a fait des observations, si je me souviens bien, qu’il était pas tout à fait convaincu, etc., mais finalement il a donné son accord) et tout le monde a été d’accord. Evidemment cet article est dans la Constitution allemande, et nous avons cru… je dis en anglais dans mon livre I Struggle I overcome, c'était terrible ! Pendant des années les choses étaient bloquées, et finalement le service juridique du PE a éclairé la situation. Parce que dans les Etats membres, les parlements disposent de la plénitude du pouvoir. Et donc cet article que nous avons imité de la Constitution allemande est basé sur la Constitution, ce qui veut dire que quand on évoque ce principe, le parlement de ce pays peut immédiatement

148 Voir chapitre 1 et doc. du Conseil 9233/90 du 18 octobre 1990, « Rapport de la présidence au CAG du 22 octobre 1990 », p. 23-24.

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

210

prendre les mesures légales et une loi. Evidemment, du côté européen, ça… c'était plus compliqué [...]. Le PE n’a pas ce pouvoir, il faut un mandat exprès, et plus spécialement sur le plan fiscal et financier. Et donc ça c'est…comment dirais-je…ma rage contre les technocrates et les ambassadeurs qui le savaient très bien, qui l’ont accepté, et c'est une formulation de principe sans conséquence.

Question : Vous dites que les ambassadeurs permanents avaient conscience que… WM : Ça c'est ma conviction. Mais je me demande comment…on a après discuté pendant des années et des années jusqu’au moment où le service juridique a dit « mais il manque un élément dans le traité » [...]. En fait je me suis demandé plus tard comment nos secrétaires généraux n’étaient pas conscients que la disposition allemande n’était pas applicable comme telle dans le cadre européen, qu’il fallait un mandat. Mais les ambassadeurs permanents le savaient, ça c'est ma conviction. Enfin ! c’est finalement un petit service juridique européen qui a fait le point. »149

Cet entretien permet de comprendre que l’introduction des /partis européens/ dans le

traité était bien perçue par ses principaux promoteurs comme une manière de

« constitutionnaliser » ces organisations politiques, mais qu’ils espéraient en même

temps beaucoup plus de cette codification qu’une simple reconnaissance de principe,

ces espoirs se fondant principalement sur le modèle de la Constitution allemande

souvent cité.

II.2.2 – Le précédent allemand et la diffusion de son modèle

Les commentateurs académiques de l’article 138a mentionnent souvent le fait qu’il

aurait été mimétiquement « inspiré » de l’article 21 de la Grundgesetz allemande de

1949, ce qui est confirmé (ou plutôt inversement suggéré, comme on l’a vu en évoquant

le rôle de commentateur-acteur endossé par Thomas Jansen lui-même) par les acteurs

qui en sont à l’initiative :

« It was my idea to propose such an article, I think it was in 1990, inspired by article 21 of the German constitution (Grundgesetz) […] because art. 21 of the Grundgesetz was my inspiration, and it was a good example to follow. I did not know the relevant articles in the constitutions of other member states. The

149 Wilfried Martens, entretien réalisé le 15 mars 2010.

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

211

German constitution said clearly what we wanted to see as a disposition in the European Treaty. It had just to be copied. »150

Thomas Jansen, comme dans diverses interventions déjà recensées, précise qu’il

s’est inspiré de l’article 21 de la Constitution allemande qu’il lui a même suffi de

copier. Or, que dit exactement cet article ?

« Artikel 21 1. Die Parteien wirken bei der politischen Willensbildung des Volkes mit. Ihre Gründung ist frei. Ihre innere Ordnung muß demokratischen Grundsätzen entsprechen. Sie müssen über die Herkunft und Verwendung ihrer Mittel sowie über ihr Vermögen öffentlich Rechenschaft geben. 2. Parteien, die nach ihren Zielen oder nach dem Verhalten ihrer Anhänger darauf ausgehen, die freiheitliche demokratische Grundordnung zu beeinträchtigen oder zu beseitigen oder den Bestand der Bundesrepublik Deutschland zu gefährden, sind verfassungswidrig. Über die Frage der Verfassungswidrigkeit entscheidet das Bundesverfassungsgericht. 3. Das Nähere regeln Bundesgesetze »151

On retrouve dans la formulation proposée de l’ « article des partis » dans la lettre du

1er juillet, les notions de volonté des citoyens (mais la précision « politique » ne sera

ajoutée que plus tard, comme on l’a vu), ainsi que l’idée de rendre des comptes des

revenus et des ressources. L’article allemand insiste par ailleurs explicitement sur le

respect des principes et des règles démocratiques, contrôle par le tribunal

constitutionnel, contrairement à l’article « européen ».

Cependant, ce n’est pas tant le détail de cette comparaison qui nous intéresse que le

troisième paragraphe souvent oublié de l’article 21, qui mentionne la nécessité de

compléter cet article par une loi fédérale ultérieure pour la fixation des « détails »

impliqués par cette reconnaissance constitutionnelle. Car c’est là l’essentiel pour notre

150 Questionnaire personnel, 11 décembre 2010 (traduction : « Ce fut mon idée de proposer un tel article, je pense que c’était en 1990, inspiré par l’article 21 de la constitution allemande (Grundgesetz) [...] parce que l’art. 21 de la Grundgesetz était ma source d’inspiration, et que c’était un bon exemple à suivre. La Constitution allemande disait clairement ce que nous voulions voir adopter comme disposition du traité européen. Il n’y avait qu’à la copier. »). 151 Traduction : « Article 21 : 1) Les partis contribuent à la formation de la volonté politique du peuple. Leur formation est libre. Leur ordonnancement interne doit répondre aux principes démocratiques. Ils doivent tenir des comptes publics sur l’origine et l’utilisation de leurs ressources et de leurs avoirs. 2) Les partis qui par leurs buts ou par le comportement de leurs adhérents entravent ou menacent l’ordre établi libéral et démocratique, ou qui mettent en danger l’existence de la République fédérale allemande sont anticonstitutionnels. La décision sur leur anticonstitutionnalité revient au tribunal constitutionnel fédéral. 3) Les dispositions précises sont prises dans une loi fédérale » (voir le site du Parlement allemand pour le texte intégral de la Grundgesetz : http://www.bundestag.de/bundestag/aufgaben/rechtsgrundlagen/ grundgesetz/index.html).

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

212

sujet et pour les promoteurs de ce qui, à leurs yeux, représente la

« constitutionnalisation » des /partis européens/ à Maastricht : l’article 21 de 1949

stipule et appelle une loi qui le complète, par laquelle sera de fait mis en place le

financement public des partis politiques en Allemagne, dix-huit ans plus tard, par la loi

du 24 juillet 1967. Il n’est pas nécessaire de rentrer ici dans les détails du système mis

en place en Allemagne152, car ce qui nous importe est plutôt le précédent historique

qu’il a créé et en quelque sorte le « modèle » qui sera repris et diffusé en Europe : celui

d’une reconnaissance constitutionnelle explicite des partis politiques, accompagnée

d’une législation prévoyant et réglant leur financement sur fonds publics153.

Ce modèle de réglementation se répand dans le courant des années 1980 en Europe,

suite notamment aux nombreux scandales financiers et aux affaires de corruption154

ayant éclaté notamment en Allemagne155 et encore tout récemment alors en France156.

152 Sur l’histoire et le système de financement allemand des partis politiques, voir par exemple : DOUBLET, Yves-Marie, Le financement des partis politiques en République fédérale d’Allemagne, Paris, Economica, 1991 ; KOENIG Pierre, « Du statut des partis politiques en France et en Allemagne », Revue d’Allemagne et des Pays de langue allemande, tome 19, n°2, avril-juin 1987, p. 146-162 ; LANDFRIED, Christine, Parteifinanze und politische Macht. Eine vergleichende Studie zur Bundesrepublik Deutschland, zu Italien und den USA, Baden-Baden, Nomos, 2e édition, 1994. 153 Pour les questions ayant trait à l’histoire comparée du financement des partis politiques, nous renvoyons aux travaux suivants : DOUBLET, Yves-Marie, Le financement de la vie politique, 2ème édition, Paris, PUF, 1997 ; FISHER, Justin, EISENSTADT, Todd A., « Introduction : Comparative Party Finance. What is to be Done ? », Party Politics, vol. 10, n°6, 2004, p. 619-626 ; HOPKIN, Jonathan, « The Problem with Party Finance. Theoretical perspectives on the Funding of Party Politics », Party Politics, vol. 10, n°6, novembre 2004, p. 627-651 ; NASSMACHER, Karl-Heinz, Foundations of Democracy. Approaches to Comparative Political Finance, Baden Baden, Nomos, 2001 ; PINTO-DUCHINSKY, Michael, « Financing Politics : A Global View », Journal of Democracy, vol. 13, n°4, octobre 2002, p. 69-86 ; PIERRE, Jon, SVASÅND, Lars, WIDFELDT, Anders, « State Subsidies to Political Parties : Confronting Rhetoric with Reality », West European Politics, n°23, 2000, p. 1-24. 154 Voir à ce sujet entre autres : CONSEIL de L’EUROPE (Programme d’action contre la corruption), Le trafic d’influence et le financement illégal des partis politiques, Strasbourg, éditions du Conseil de l’Europe, 2000 ; DELLA PORTA, Donatella, MÉNY, Yves (dir.), Démocratie et corruption en Europe, Paris, La Découverte, 1995 ; DEYSINE, Anne, KESSELMAN, Donna (dir.), Argent, politique et corruption, Nanterre, Université Paris X-Nanterre, 1999 ; CALVI, Fabrizio, SISTI, Léo, Les nouveaux réseaux de la corruption. L’Europe de la combine et des pots-de-vin, Paris, Albin Michel, 1995. 155 Par exemple la retentissante « Flick-Affäre » en Allemagne (1981-1984), qui touche la totalité des partis. Voir : DANIEL, Justin, « Les démocraties pluralistes face aux scandales politiques : l’Irangate, les « affaires » Flick et Carrefour du développement », Revue française de science politique, 42e année, n°6, 1992, p. 981-1007. 156 En France, par exemple, le procès de ce qui allait devenir l’ « Affaire Urba » s’ouvre ainsi par exemple le 27 novembre 1991, et une commission d’enquête de l’Assemblée nationale a déjà été créée le 14 mai sur le financement des partis politiques et des campagnes élecorales sous la Ve République. Sur les affaires des années 1980 liées au financement des partis, voir les travaux cités dans la note précédente ainsi que : GARRIGOU, Alain, « Pourquoi n’en avons-nous jamais fini avec la corruption ? », dans DEYSINE, Anne, KESSELMAN, Donna (dir.), Argent, politique et corruption, Nanterre, Université Paris X-Nanterre, 1999, p. 119-132.

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

213

Ces scandales ont conduit à la multiplication des lois de financement public des partis

politiques, comme par exemple les trois lois régissant le financement public de la vie

politique en France qui ont été votées le 11 mars 1988 (lois n°88-226 et 88-227) et le 15

janvier 1990 (loi n°90-55), censées permettre une plus grande transparence, question qui

prend à l’époque une importance inédite, comme le fait remarquer Alain Garrigou :

« La prolifération des scandales politiques a donné un tour nouveau à la question des relations entre argent et politique : on n’envisage plus guère l’inégalité des ressources financières des partis politiques accusée de fausser la concurrence sinon d’interdire tout verdict démocratique tandis que l’attention se porte sur la légalité des financements politiques. »157

L’essentiel pour notre sujet est de voir que les différentes lois de financement public

qui ont été adoptées dans de nombreux Etats membres au cours des années 80 et

jusqu’au début des années 1990, servent vraisemblablement de point de référence aux

rédacteurs de la note de la lettre du 1er juillet et plus largement aux acteurs mobilisés,

mais aussi aux autres, car même pour ceux qui ne le revendiquent pas explicitement, le

financement public de /partis européens/ paraît devenir une solution envisageable pour

répondre, par exemple, aux griefs de la CJCE dans l’arrêt d’avril 1986. On peut

d’ailleurs indiquer à cet égard un élémént significatif : la Direction générale des études

du secrétariat général du PE publie justement, en 1986, le numéro 12 de sa « série

politique » intitulé Le financement des partis politiques dans les Etats membres de la

Communauté européenne158. Cette première édition est suivie d’une deuxième, révisée

et mise à jour, qui paraît en septembre 1991159. Cette étude présente, Etat par Etat, l’état

des lieux des différentes législations nationales sur cette « question délicate des

ressources financières des partis politiques », comme l’énonce l’avant-propos de cette

brochure qui met justement en avant les nouvelles préoccupations provoquées par les

scandales politiques et soulignées par Alain Garrigou :

« La question délicate des ressources financières des partis politiques à régulièrement alimenté les débats dans divers Etats membres de la Communauté européenne. De fait, l’implication de certains partis dans des

157 GARRIGOU, Alain, « Pourquoi n’en avons-nous jamais fini avec la corruption ? », dans DEYSINE, Anne, KESSELMAN, Donna (dir.), Argent, politique et corruption, Nanterre, Université Paris X-Nanterre, 1999, p. 119. 158 Luxembourg, OPOCE, 1986, p. 2. 159 Luxembourg, OPOCE, 1991.

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

214

affaires de corruption a mis en évidence la nécessité d’une législation nationale règlementant les revenus et les dépenses des partis. »160

La question du financement public des partis politiques est donc à l’époque, dès les

lendemains de l’arrêt de la CJCE d’avril 1986, discutée dans les milieux européens et

fait l’objet d’études précises, dans le cadre desquelles les revendications formulées par

les administrateurs et présidents des organisations européennes de partis se

comprennent mieux et paraissent plus « réalistes », ce qui rend d’autant plus décevant

pour eux le fait que l’article 138a n’ait pas réussi, malgré tout, à l’imposer.

160 PARLEMENT EUROPEEN (SG, Direction générale des études), Le financement des partis politiques dans les Etats membres de la Communauté européenne, Luxembourg, OPOCE, 1986, p. 2.

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

215

Conclusion du chapitre 3

Les tentatives menées en 1989-1992 pour faire reconnaître les /partis européens/

afin de leur assurer un financement public n’ont ainsi pas débouché rapidement, et

l’article 138a n’apparaît en définitive que comme la trace, dans le traité, de

mobilisations en grande partie ratées.

Il est certes possible, a posteriori, de considérer aujourd'hui, parce que l’on connaît

le règlement n°2004/2003 du 4 novembre 2003 ayant de fait mis en place un statut et un

financement pour les « partis politiques au niveau européen » reconnus à Maastricht,

que l’article 138a fut une « étape », un jalon nécessaire dont ceux qui militaient pour un

financement public ne pouvaient pas se passer. Il a effectivement servi non pas tant de

« base juridique » que de base de mobilisation et de ressource symbolique aux

initiatives ultérieures qui ont obtenu cette nouvelle codification et ce financement

effectif en 2003. On pourrait d’ailleurs considérer que les choses, au final, furent assez

rapides si l’on compare les 12 ans d’intervalle entre l’article 138a et le statut de 2003

aux 18 ans entre l’article 21 de la Grundgesetz allemande et la loi de financement des

partis de 1967. Mais pas plus que pour l’article 138a, le statut et le financement du

règlement de 2003 ne découlent « automatiquement », et par affirmation graduelle et

progressive, de cette reconnaissance première dans le droit communautaire : celle-ci

nécessitera plusieurs tentatives, dont certaines avortées, et une conjoncture très

particulière161.

161 Celle de l’ « après-démission » de la Commission Santer, en mars 1999. C’est dans l’année qui suit ce « scandale » politique, et les effets de « fluidification » de la conjoncture politique qui l’ont entraîné début 1999 (voir sur ce point : GEORGAKAKIS, Didier, « La démission de la Commission européenne : scandale et tournant institutionnel (octobre 1998 - mars 1999) », Cultures & Conflits, n°38-39, 2000, p. 39-72), que la Cour des comptes européenne prépare et publie un rapport consacré aux dépenses « irrégulières » des groupes politiques du PE, en faveur des organisations européennes de partis extraparlementaires (COUR DES COMPTES EUROPÉENNE, « Rapport spécial nº 13/2000 relatif aux dépenses des groupes politiques du Parlement européen, accompagné des réponses du Parlement européen. », JOUE C 181 du 28 juin 2000, p. 1-16, adopté le 25 mai 2000). Cette intervention de l’institution judiciaire fournit d’abord aux acteurs revendiquant la mise en place d’un statut officiel et d’un financement propre aux « partis politiques au niveau européen », des arguments supplémentaires pour leurs discours de légitimation. Mais elle agit surtout comme une contrainte situationnelle décisive pour les acteurs opposés à ce statut, en constituant l’indice visible d’une remise en cause du « consensus permissif » (ou des « transactions collusives ») qui avaient cours depuis l’arrêt d’avril 1986 de la CJCE. Or l’intervention de la Cour des comptes européenne « tombe » en pleine CIG chargée de la nouvelle révision des traités qui conduira au traité de Nice (décembre 1999-décembre 2000), pendant laquelle les « logiques de situation » de 1989-1992 se retrouvent en partie réunies. L’ajout du deuxième alinéa de l’ « article des partis » en 2000 (ou plutôt, l’accord trouvé pour décider de cette question à la majorité

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

216

Il faut de plus se remettre un instant dans la perspective des promoteurs de

l’ « article des partis » eux-mêmes : alors que leurs organisations connaissent des

problèmes financiers et budgétaires et alors qu’ils sont à la recherche de nouvelles

ressources, la codification de ces « partis politiques au niveau européen », qui semblait

leur promettre l’ouverture d’une nouvelle manne financière, ne leur sert finalement pas

à grand-chose – tous comptes faits. En ce qui concerne le financement lui-même, elle

n’apporte rien, puisque les discussions qui s’engagent juste après Maastricht entre les

administrateurs de l’ELDR, du PPE et de l’UPSCE162 mettent rapidement en évidence

que l’article 138a ne peut en aucun cas servir de base juridique et qu’il faudrait une

nouvelle modification des traités pour concrétiser cette idée.

Quant au gain en termes de légitimation symbolique que cet article pourrait apporter

à des organisations en manque de visibilité politique et médiatique, mais également en

manque d’autonomie, il paraît très faible : le label de « partis politiques au niveau

européen » qui est finalement reconnu à Maastricht n’est même pas celui, plus simple et

plus « parlant », que les artisans de la proposition avaient constamment avancé (« partis

européens »). Par ailleurs, le rejet de toute tentative de définition des référents concrets

que désigne ce label conduit aux malentendus et aux hésitations que nous avons relevés

à plusieurs reprises sur la nature exacte de ces « partis politiques au niveau européen ».

En définitive, le double pari des promoteurs de l’ « article des partis » se solde par un

double échec et, en somme, tout est pour eux à refaire.

On pourrait néanmoins arguer, à ce stade de l’analyse, que ces promoteurs de

l’article 138a ont réussi à inscrire dans le droit communautaire un principe, celui de

l’importance des /partis européens/ (quel que soit le label utilisé) pour la

démocratisation de l’Union européenne et l’expression politique de ces nouveaux

qualifiée et non plus à l’unanimité, ce qui permet de passer outre les quelques oppositions nationales persistantes) n’est donc pas plus « naturel » que la codification de l’article 138a. Il arrive de plus après d’autres tentatives avortées, notamment celle du député grec Dimitris Tsatsos et du gouvernement grec lors de la CIG de 1996, qui proposèrent conjointement une modification de l’article 138a afin de donner une base juridique pour un financement des « partis politiques au niveau européen », mais se heurtèrent, dans une conjoncture différente, à la résistance de plusieurs gouvernements nationaux. Voir sur cet exemple précis : PARLEMENT EUROPÉEN (LEHMANN, Wilhelm, COMAN, Ramona), « Statut et financement de partis politiques européens », Document de travail de la Direction générale des Etudes (DG IV), Série « Affaires constitutionnelles », (AFCO 105FR, PE 337.295), décembre 2003. 162 Entretien avec Thomas Jansen (11 décembre 2010).

Partie I. Chapitre 3 – Les promoteurs partisans de la codification

217

« citoyens communautaires » que l’on vient de créer avec eux. C’est vrai, mais cet

« évènement discursif » (l’inscription d’une notion et d’un raisonnement dans l’ordre

des normes) est loin d’avoir été forgé seulement à Maastricht, ou même dans les années

de mobilisation de 1989-1992 des acteurs analysés jusqu’ici. Le sens de ces

mobilisations et du résultat auquel elles parviennent (qui s’il est raté du point de vue des

promoteurs de l’article, n’en est pas moins un résultat concret qu’il faut expliquer

effectivement) vient de beaucoup plus loin et a été forgé dans un entrecroisement

d’entreprises discursives collectives beaucoup plus larges, parmi lesquelles certains des

acteurs « politiques » mentionnés dans cette première partie ont également joué un rôle,

mais depuis d’autres positions.

Ceux-ci en ont d’ailleurs plus ou moins conscience lorsque, comme Thomas Jansen,

ils expriment le sentiment que l’idée des /partis européens/ était en quelque sorte « dans

l’air » en 1989-1992, et à Maastricht :

« 12. Was it difficult to convince the PES and the ELDR to participate? Why? Thomas Jansen : « Not at all, because the idea was in the air and the proposal was convincing in itself. It did not need long discussions ». »163

Si l’on veut comprendre comment ce sentiment d’évidence et cet accord (quasiment)

sans concertation ont pu être forgés, il faut remonter en amont la trame d’émergence de

cette idée des /partis européens/ et se pencher à présent de manière beaucoup plus

détaillée sur l’espace des discours et les producteurs des formations discursives qui ont

rendu tout simplement pensable, et énonçable, l’« article des partis ».

163 Questionnaire (11 décembre 2010) (traduction : « Fut-ce difficile de convaincre le PSE et l’ELDR de participer ? Pourquoi ? Thomas Jansen : « Pas du tout, parce que l’idée était dans l’air et que la proposition était convaincante en elle-même. Cela ne nécessita pas de longues discussions »).

Partie II – Introduction

218

PARTIE II

Il n’y a pas d’« idée dans l’air » :

les investissements savants

dans la construction des /partis européens/

Introduction à la deuxième partie

« La science sociale a affaire à des réalités déjà nommées, déjà classées, porteuses de noms propres et de noms communs, de titres, de signes, de sigles. Sous peine de reprendre à son compte sans le savoir des actes de constitution dont elle ignore la logique et la nécessité, il lui faut prendre pour objets les opérations sociales de nomination et les rites d’institution à travers lesquelles elles s’accomplissent. Mais, plus profondément, il lui faut examiner la part qui revient aux mots dans la construction des choses sociales » (BOURDIEU, Pierre, Langage et pouvoir symbolique, Paris, Seuil, 2001, p. 155) « Cet ensemble d’éléments, formés de manière régulière par une pratique discursive et qui sont indispensables à la constitution d’une science, bien qu’ils ne soient pas destinés nécessairement à lui donner lieu, on peut l’appeler savoir. Un savoir, c’est ce dont on peut parler dans une pratique discursive qui se trouve par là spécifiée : le domaine constitué par les différents objets qui acquerront ou non un statut scientifique [...] ; un savoir, c’est aussi l’espace dans lequel le sujet peut prendre position pour parler des objets auxquels il a affaire dans son discours [...] ; un savoir, c’est aussi le champ de coordination et de subordination des énoncés où les concepts apparaissent, se définissent, s’appliquent et se transforment [...] ; enfin, un savoir se définit par des possibilités d’utilisation et d’appropriation offertes par le discours » (FOUCAULT, Michel, L’archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969, p. 246-247).

Les chapitres précédents avaient pour but de mettre en évidence les mobilisations

qui ont entraîné, dans les années 1989-1992, la codification dans le traité de Maastricht

d’un « article des partis », l’article 138a. Nous avons ainsi pu dégager et documenter le

rôle central joué dans ces mobilisations par certains acteurs individuels appartenant aux

instances dirigeantes du PPE à l’époque, en particulier son président Wilfried Martens

et son secrétaire général Thomas Jansen. Ceux-ci, même s’ils ne sont pas les seuls

acteurs mobilisés, occupent des positions particulières qui leur ont donné la possibilité

concrète, mais aussi des raisons stratégiques, de faire introduire dans les traités

communautaires les « partis politiques au niveau européen ».

Mais, comme on l’a vu, ce label n’apparaît pas ex nihilo dans les conclusions de la

présidence à la fin du Sommet de Maastricht : les divers communiqués de presse ou

articles analysés, ainsi que la lettre du 1er juillet 1991 des trois présidents partisans,

montrent que l’idée de /partis européens/, quel que soit le label utilisé pour la

matérialiser, avait déjà cours dans l’espace des discours avant son introduction formelle

Partie II – Introduction

220

dans les traités. D’après les mots de Thomas Jansen déjà cités, il semble que « the idea

was in the air »1.

C’est ce sentiment exprimé par certains acteurs de l’époque que cette partie vise à

explorer, et à expliquer, en montrant que si l’idée des /partis européens/ semble flotter

« dans l’air » à l’époque, comme en apesanteur, c’est parce qu’elle est au contraire

fortement enracinée, ancrée qu’elle est dans les discours qui l’ont fait émerger peu à

peu. L’« air » dans lequel paraissent flotter les /partis européens/ aux yeux de certains,

n’a rien d’un monde éthéré des idées, immatériel et invisible : il a sa densité propre. Et

sa composition, comme ses courants, peuvent être analysés.

Car les idées ont un « milieu » et une histoire qui sont ceux de l’univers très concret

des discours. Ou pour mieux dire : les idées ont des histoires, multiples, dont on peut

retracer, plus ou moins précisément, les parcours et les rencontres pour en faire la

généalogie. Deux exemples introductifs montreront tout l’intérêt qu’il peut y avoir à

chercher de la sorte la trace des « partis politiques au niveau européen » du traité de

Maastricht dans une « archéologie » des discours, dans la voie indiquée par Michel

Foucault, à condition de rapporter ces discours à leurs auteurs et à leurs conditions

sociales de possibilité2.

Tout d’abord, on a déjà noté dans notre première partie la modification lexicale qui

était intervenue entre le Sommet de Maastricht de décembre 1991 et la signature du

traité définitif le 7 février : les « partis européens » de l’Annexe II des conclusions de la

présidence deviennent dans l’article 138a définitif des « partis politiques au niveau

européen ». Si l’on s’en tient aux mobilisations des années 1989-1992 et aux discours

1 Entretien par questionnaire avec Thomas Jansen, envoyé le 15 novembre 2010, retourné le 11 décembre 2010 : « 12. Was it difficult to convince the PES and the ELDR to participate? Why? Thomas Jansen : « Not at all, because the idea was in the air and the proposal was convincing in itself. It did not need long discussions » (traduction : A-t-il été difficile de convaincre le PSE et l’ELDR de participer ? Pourquoi ? Thomas Jansen : « Pas du tout, parce que l’idée était dans l’air et que la proposition était convaincante en elle-même. Cela ne nécessita pas de longues discussions »). 2 Cette partie tente, dans le chapitre 4, de mettre en pratique la méthodologie et le système de concepts développés par Michel Foucault dans Les mots et les choses (Paris, Gallimard, 1966) et, surtout, dans L’archéologie du savoir (Paris, Gallimard, 1969), malgré les difficultés qui surviennent, comme Foucault l’explique lui-même, lorsqu’on tente d’analyser l’« Archive » dans laquelle on est soi-même pris, à divers titres. Cette approche nous a cependant parue la mieux à même de nous permettre une analyse fructueuse de l’ensemble de discours réunis ici, qui soit distincte d’une simple analyse de contenu. Mais il nous semble nécessaire, cependant, d’articuler cette étude des formations discursives dans lesquelles s’insèrent ces discours, avec une étude de leurs auteurs, dans les diverses configurations sociales et historiques qu’ils forment et dans lesquels ils sont pris, ce qui est entrepris dans le chapitre 5.

Partie II – Introduction

221

qui les accompagnent, on peut être surpris par ce changement qui semble introduit par

les relecteurs juridiques du traité, lors des réunions du « comité des juristes-linguistes »

chargé de lisser le langage et la forme des traités avant signature.

Pourtant, et c’est là notre deuxième exemple, la formulation précise du label sous

cette forme existe depuis au moins 1965 dans l’ouvrage, très souvent cité dans les

travaux de recherche sur notre objet, de Guy Van Oudenhove, The Political Parties in

the European Parliament :

« The proposal [d’attribuer des crédits propres aux groupes politiques du PE] found some ardent supporters. Mr. Sassen accentuated the point that the absence of political parties at the European level made it necessary for credits to be voted by the Assembly. » 3

Certes, ce passage dans lequel apparaît la formule qui sera retenue pour l’article

138a est ambigu, car il constate l’inexistence de ces « partis » au moment de l’étude

mais, comme on le montrera au cours du chapitre, l’utilisation d’un label, même pour

contester le fait qu’il corresponde à un référent concret, actuel, n’en demeure pas moins

une affirmation positive dans l’espace des discours, et doit être considérée comme

contribuant à la consolidation de l’idée qu’il labellise.

Cette occurrence est intéressante pour elle-même, mais elle n’est pas isolée. Ainsi,

d’autres publications reprennent cette formulation particulière, seule ou en concurrence

avec d’autres formes du label. La 27e table ronde de l’Association pour l’étude des

problèmes de l’Europe (A.E.P.E.)4, en 1974, est ainsi consacrée spécifiquement au

thème : « Des partis à l’échelle européenne »5. Parmi les orateurs participant à ce

colloque6, plusieurs reformulent le label partisan utilisé comme titre de la table ronde

3 VAN OUDENHOVE, Guy, The Political Parties in the European Parliament. The First Ten Years (September 1952 - September 1962), Leyden, Sijthoff, 1965, p. 25. Ce livre est tiré d’une thèse de doctorat soutenue en juillet 1963 à la Rijksfakulteit de l’Université de Gand : De politieke partijen in het Europese Parlament. Een Tienjarig experiment (september 1952-september 1962). 4 Association franco-italienne créée le 26 septembre 1958 par Giuseppe Vittorio Sampieri (écrivain et cinéaste italien) et présidée successivement, jusqu’en 1974, par Edgar Faure, Fernand Dehousse, Hans-Joachim Von Merkatz, Johan W. Beyen et le marquis Cittadini-Cesi. L’A.E.P.E. organise deux tables rondes par an sur des thématiques européennes, dont les comptes-rendus sont publiés dans sa revue Les Problèmes de l’Europe. 5 A.E.P.E., « Des partis à l’échelle européenne », Les Problèmes de l’Europe, dossier spécial n°64, 1974, p. 33-80 et n°65, 1974, p. 17-148. 6 Parmi lesquels apparaissent un nombre important d’acteurs que l’on retrouvera ensuite dans les mobilisations concernant notre objet, comme notamment Emanuele Gazzo, Norbert Gresch, Josef Leinen, Nicole Loeb(-Mayer) et Wolfgang Wessels.

Partie II – Introduction

222

pour parler, comme Van Oudenhove dix ans plus tôt, de « partis politiques au niveau

européen ». C’est le cas notamment de Sicco Mansholt (dans son rapport préliminaire

intitulé « L’organisation des partis politiques au niveau européen ») ou encore de Gianni

Bonvicini (qui utilise alternativement cette formulation ou celle d’« organisations

européennes des partis politiques »).

On le voit, l’idée de /partis européens/, y compris sous le label exact qu’elle

adoptera dans l’article 138a de février 1992, est bien en circulation depuis au moins le

milieu des années 1960 dans l’espace des discours, et plus spécifiquement dans l’espace

des discours savants. Les exemples que nous venons de citer justifient ainsi à eux seuls

une enquête plus approfondie, à la recherche des /partis européens/ dans cet espace des

publications et des colloques, des thèses et des articles qui, depuis les débuts des

différents processus d’« intégration européenne », accompagnent de leurs

« investissements savants » les diverses constructions institutionnelles ayant vu le jour

en Europe.

***

Cette partie présente ainsi une étude de cas particulière, qui s’insère à la suite des

travaux récents en sociologie politique des études européennes ayant mis en évidence le

rôle de l’« Académie européenne »7 dans les processus de construction politique.

Dans notre cas d’espèce, cela implique de remonter, bien en amont, le processus de

la genèse et de l’inscription dans l’espace des discours et donc dans l’espace du

pensable, des /partis européens/ sous leurs différentes appellations. Cette enquête nous

permettra ainsi d’explorer plusieurs champs sociaux spécifiques, à commencer par le

champ académique8 auquel on pense le plus spontanément quand on parle de discours

savants. Mais nous verrons rapidement que ses « frontières » avec le champ politique ou

avec le champ administratif, par exemple, sont particulièrement poreuses. L’étude des

auteurs qui tiennent ces discours, en effet, montre qu’ils évoluent pour la plupart –

7 Pour reprendre le titre du dossier de Politix récemment consacré à cette question et coordonné par Cécile Robert et Antoine Vauchez : Politix, vol. 23, n°89, 2010. Voir particulièrement : ROBERT, Cécile, VAUCHEZ, Antoine, « L’Académie européenne. Savoirs, experts et savants dans le gouvernement de l’Europe », p. 9-34. 8 Nous entendons par « académique » ce qui concerne les institutions de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique.

Partie II – Introduction

223

successivement ou simultanément – dans plusieurs champs à la fois. C’est depuis ces

positions dispersées et souvent combinées qu’ils ont investi et se sont investis à des

degrés divers dans la production de discours savants spécialisés sur les

/partis européens/. Et c’est parce que l’idée de /partis européens/ a été beaucoup et

longtemps travaillée – à la fois au sens d’étudiée et de façonnée – qu’il est devenu

pensable et possible de la faire reconnaître juridiquement.

On peut ainsi retracer la genèse du sentiment selon lequel l’idée des /partis

européens/ serait « dans l’air » en 1989-1992, en montrant qu’il se fonde en fait sur des

actes de discours objectifs qu’on peut répertorier et rattacher à des auteurs particuliers,

formant eux-mêmes des réseaux cartographiables. Nous complèterons ainsi l’étude des

différentes séries causales partiellement indépendantes qui se rencontrent, en partie par

hasard, dans la codification de l’article 138a et en sont autant de conditions de

possibilités.

Cette partie se propose donc d’étudier, sur une période beaucoup plus large, un

nouvel ensemble de documents : celui des publications savantes mentionnant d’une

manière ou d’une autre les /partis européens/ avant le 7 février 1992, jour de la

signature officielle du traité de Maastricht. Il nous semble essentiel en effet d’inclure ce

type de sources dans notre étude, puisque nous cherchons à faire la sociogenèse d’une

codification juridico-politique qui se présente, d’abord, sous la forme d’un évènement

discursif. Or, dans les luttes spécifiques qui opposent les acteurs sociaux pour « le

monopole du droit à dire le droit »9 et plus largement pour la maîtrise du droit à définir

la « vision des choses » considérée comme légitime, les savants jouent un rôle majeur.

Leur activité principale, en effet, consiste à intervenir, de manière plus ou moins

autonome, dans et sur l’espace des discours, en produisant justifications et

argumentations, définitions et exégèses, jugements et interprétations…Tel est le

travail10 spécifique des « producteurs de savoir », qu’ils exercent leur activité

intellectuelle depuis les positions du champ académique ou depuis d’autres champs :

9 BOURDIEU, Pierre, « La force du droit », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 64, n°1, 1986, p. 4. 10 Voir à ce propos l’exemple de la définition du travail universitaire et du travail de recherche, donnée par Michel Foucault, Jean-Claude Milner, Paul Veyne et François Ewald pour la collection « Des travaux » du Seuil, fondée en 1982 : « Travail : ce qui est susceptible d’introduire une différence significative dans le champ du savoir, au prix d’une certaine peine pour l’auteur et le lecteur, et avec l’éventuelle récompense d’un certain plaisir, c'est-à-dire d’un accès à une autre figure de la vérité. » (Texte repris dans FOUCAULT, Michel, Dits et Ecrits, IV, Paris, Gallimard, 1994, p. 367).

Partie II – Introduction

224

leur activité – notre activité – consiste, principalement, à tenter de « faire sens », tissant

une toile de significations pour notre monde et ce que nous y faisons.

***

Nous avons ainsi pour cette partie rassemblé un corpus empirique spécifique, qui a

servi de matériau à la fois pour l’archéologie des discours du chapitre 4 et pour l’étude

des acteurs au chapitre 5. Ce corpus ne constitue pas seulement un addendum à l’état de

la recherche que nous avons décrit dans l’introduction générale. Les critères qui ont

présidé à sa constitution et le but dans lequel il a été constitué font de ce corpus un outil

de recherche foncièrement différent des considérations sur l’état actuel des études sur

les /partis européens/. Il s’agit ici non pas de présenter des « résultats » scientifiques, de

les discuter ou de les utiliser comme instrument d’analyse pour notre propre recherche,

mais bien de montrer comment ces résultats peuvent, et même doivent devenir eux-

mêmes objet d’analyse, dans la mesure où ils ont contribué historiquement à construire

et à consolider l’idée de /partis européens/11.

Une autre raison fait de ce corpus un ensemble de référence radicalement distinct de

ce que peut être une bibliographie. Si nous parlons de discours « savants » ici, c’est que

nous n’entendons justement pas limiter l’étude aux productions des seuls titulaires de

postes académiques : ce serait clore le champ d’étude avant même que de l’avoir ouvert.

Les productions « savantes » ne se trouvent ni forcément ni exclusivement dans les

« lieux de savoir » académiques. Bien sûr, ces lieux légitimés de production et de

11 Sur le modèle, par exemple, du déplacement effectué pour la catégorie des « cadres » par Luc Boltanski : « La « typologie » des groupes, que l’on parle de « classes sociales » ou de « catégories socio-professionnelles », est utilisée [communément] comme un donné préexistant aux pratiques politiques, qui constitue par là, pour le politologue, un instrument d’analyse mais non un objet d’analyse. [...] La formation des groupes et leur institutionnalisation sont aussi le produit d’un travail social qui a beaucoup de traits communs avec le travail proprement politique et la définition même des groupes sociaux constitue l’un des enjeux fondamentaux de la lutte politique » (cf. BOLTANSKI, Luc, « Une réussite : la mobilisation des « cadres » », dans LAVAU, Georges, GRUNBERG, Gérard, MAYER, Nonna (dir.), L’univers politique des classes moyennes, Paris, PFNSP, 1983, p. 156). Pour un exemple d’application de cette distinction à l’étude des partis politiques : OFFERLÉ, Michel, Les partis politiques, Paris, PUF, 1987 : « Les partis comme les Etats existent : dotés de la personnalité morale ils sont susceptibles d’agir, de parler, de penser comme un seul homme, le résultat de ces actions étant imputé à une entité. [...] Mais en réifiant ainsi l’objet à étudier l’on transforme le parti en un acteur doté de réalité et de volonté : faire agir des groupes sans se poser la question préjudicielle de leur mode de constitutions et de leur mode d’existence, c'est recevoir sans inventaire des objets prédéfinis par ceux qui parlent de ces groupes ou en leur nom. Le parti ainsi réifié devient une variable, un facteur, « un instrument d’analyse au lieu d’être un objet d’analyse ». » (p. 8-9).

Partie II – Introduction

225

diffusion du savoir doivent être pris en compte prioritairement : mémoires et thèses

(publiés ou pas), actes de colloque, articles parus dans des revues scientifiques,

ouvrages scientifiques de diverses natures (monographies, manuels, ouvrages collectifs,

etc.). Mais à ces productions académiques, il faut aussi ajouter d’autres types de

supports qui contribuent tout autant – et peut-être parfois davantage – au modelage des

catégories politiques (de pratique ou d’analyse) en vigueur à un moment ou dans une

épistémè donnée : rapports commandés par des institutions publiques ou privées non

universitaires, ou encore études à prétention générale publiées dans différents médias

notamment ceux des organisations politiques elles-mêmes12. En résumé, et pour donner

notre définition de ce que l’on entend ici par discours « savant », aucune référence n’a

été exclue a priori de la constitution d’un tel corpus, à partir du moment où elle tenait

un discours présentant une réflexion argumentée sur les /partis européens/ en tant que

catégorie générique et prétendant à une validité générale et réfutable13.

Comment établir un corpus précis à partir d’un domaine de recherche potentiel si

vaste ? Pour tenter de circonscrire un peu notre objet, nous avons tout d’abord défini

une période de recherche, marquée simplement par une borne chronologique en aval,

qui limite notre enquête aux publications ou discours édités ou prononcés14 avant le 7

février 1992. Cette délimitation particulière permet de repérer, sans préjuger d’une

origine unique, les principales « filières discursives » des /partis européens/, leurs

producteurs, et de comprendre les logiques qui les articulent : ce que nous cherchons,

dans le fonds sans contours des discours de l’Archive, n’est pas un moment unique ou

une « naissance » verbale, mais plutôt une trame d’émergence, celle du processus de

12 Notre corpus compte ainsi par exemple plusieurs références tirées de revues partisanes allemandes comme Die Neue Gesellschaft, liée au SPD, ou Politische Studien, revue de la CSU. Mais aussi des articles de La Nouvelle revue socialiste du PS français ou du Christlich-demokrtaisches Panorama, mensuel de l’UEDC. 13 Au moins dans une partie conséquente de la référence, et sans que cela n’exclue des références qui contiendraient, par exemple, des jugements de valeurs ou une appréciation positive ou négative sur l’objet dont elles traitent. Nous y reviendrons dans le cours du chapitre 4, mais nous voulions préciser ici que la « neutralité axiologique », par exemple, n’a pas été un critère de sélection spécifique (ce qui nous aurait d’ailleurs conduit, paradoxalement, à devoir exclure de notre corpus un nombre important de publications réputées « scientifiques »). 14 Dans certains cas, nous avons pris en compte non pas la date affichée de publication, mais la date à laquelle une communication, par exemple, a été prononcée lors d’un colloque, ce qui a conduit à inclure dans notre corpus des publications officiellement postérieures au 7 février 1992, mais reprenant en fait des discours antérieurs à cette date.

Partie II – Introduction

226

consolidation d’un discours général sur les /partis européens/, qui a créé la possibilité de

la codification étudiée.

C’est pourquoi, même si l’objectif était de constituer le corpus le plus complet

possible, nous n’avons pas recherché l’exhaustivité à tout prix. Dans cette masse

considérable de discours, il fallait faire des choix, car il était impossible d’explorer en

détail l’ensemble des documents existants, à la recherche d’une mention quelconque de

l’idée de /partis européens/. Nous avons donc dans un second temps réduit le domaine

de recherche en excluant de notre enquête empirique initiale deux types de sources.

D’un côté, les journaux et revues d’information « grand public » dans la mesure où les

archives numérisées de ces publications ne remontent quasiment jamais au-delà des

années 1980 et ne permettent donc pas des recherches à grande échelle sur la période

qui nous intéresse. D’un autre côté, nous n’avons pas effectué non plus de recherche

systématique dans la « littérature » partisane de propagande, là encore peu accessible et

qui impliquerait le dépouillement de très nombreux fonds d’archives dispersés en

Europe pour obtenir une visibilité suffisante sur ce type de sources. En revanche, des

références non publiées (comme des mémoires ou thèses non publiés, des

communications dans des colloques sans actes, mais aussi des rapports ou des notes

semi-confidentielles retrouvées dans des archives15) ont pu être inclues si et seulement

si les descriptions disponibles pour ces travaux (titres, résumés, notices et comptes-

rendus éventuels de lecture) faisaient référence de manière suffisamment spécifique à

une des appellations possibles des /partis européens/.

Une fois ces critères définis, l’enquête empirique pour cette partie a été menée en

deux étapes. Une première étape a consisté à repérer les références susceptibles de

présenter des développements quelconques sur les /partis européens/. Les critères ayant

présidé à cette première étape de sélection ont volontairement été fixés très largement :

outre les travaux faisant explicitement référence aux /partis européens/ dans leur

contenu affiché (titre, résumés, comptes-rendus éventuels), nous avons également retenu

pour vérification ultérieure des études susceptibles par leur thème de contenir des

15 Par exemple les n°34 et 41 du corpus. Ces numéros renvoient à la liste des références de notre corpus, donnée en annexe.

Partie II – Introduction

227

sections plus ou moins développées sur la question. Dans ce deuxième cas, il s’agit

essentiellement de références traitant :

- des formations et systèmes partisans en Europe ainsi que de

l’ « européanisation » des partis politiques ;

- des groupes politiques au PE ou dans d’autres assemblées « européennes »

(CECA, Conseil de l’Europe, UEO, OTAN) ;

- de la mise en place de l’élection directe du PE et des différentes élections

européennes ;

- de la vie politique « européenne » en général (European politics) ;

- des thèmes du « déficit démocratique », de la « démocratisation » et de la

« parlementarisation » des institutions communautaires ;

- de la construction d’une citoyenneté européenne.

Nous renvoyons à l’encadré ci-dessous pour le détail des catalogues et répertoires

bibliographiques utilisés pour la constitution de cette présélection.

Outils de recherche pour la constitution du corpus16

Catalogues de bibliothèques nationales :

- Bibliothèque nationale de France (BnF) : http://catalogue.bnf.fr

- Bibliothèque de l’IEP de Paris : http://catalogue.sciences-po.fr/

- British Library : http://www.bl.uk/

- Deutsche Nationalbibliothek (DNB) : http://www.dnb.de/DE/Home/home_node.html

- Staatsbibliothek zu Berlin (SBB) : http://staatsbibliothek-berlin.de/

- Servizio Bibliotecario Nazionale (SBN) : http://www.sbn.it/opacsbn/opac/iccu/free.jsp

- Biblioteca nacional española (BNE) : http://catalogo.bne.es/uhtbin/webcat

Catalogue des bibliothèques de la Commission européenne :

- ECLAS (European Commission Libraries Catalogue) : http://ec.europa.eu/eclas/

16 Cet encadré liste tous les outils utilisés dans la constitution du corpus. Pour chacun d’entre eux et dans les différentes langues concernées, des recherches portant sur toutes les formulations possibles du label partisan européen, ont été effectuées, ainsi que des recherches par sujet pour répondre aux critères thématiques exposés plus haut.

Partie II – Introduction

228

Méta-catalogues :

- SUDOC (Système universitaire de documentation) : http://www.sudoc.abes.fr

- WorldCat : http://www.worldcat.org/

Bases de données et moteurs de recherche :

- Google (http://www.google.com), Google books (http://books.google.fr/), Google scholars

(http://scholar.google.com/)

- CAIRN : http://www.cairn.info/

- HAL-Archives ouvertes : http://hal.archives-ouvertes.fr/

- ISIDORE : http://www.rechercheisidore.fr/

- JSTOR : http://www.jstor.org/

- Wiley : http://onlinelibrary.wiley.com/advanced/search?edit=true (indexant notamment les revues

European Journal of Political Research, Journal of Common Market Studies,Government & Opposition)

Répertoires de travaux universitaires et bibliographies spécialisées :

- INSTITUT DE LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE POUR LES ÉTUDES UNIVERSITAIRES,

Bulletins « Recherches / Etudes universitaires sur l’intégration européenne » : n°1 (1963) ; n°2 (1965) ; n°3

(1966) ; n°4 (1967), n°5 (1969) ; n°6 (1970) ; n°7 (1972) ; n°8 (1974) ; n°9 (1977) ; n°10 (1978) ; n°12 (1982) ;

n°13 (1985) ; n°14 (1987).

- KUJATH, Karl, Bibliographie zur Europäischen Integration, Bonn, Europa Union Verlag, 1977.

- PARLEMENT EUROPEN, DG de la Recherche et de la Documentation, Bibliographie 1970-78 ;

Bibliographie 1979 ; Bibliographie 1980 ; Bibliographie 1981 ; Bibliographie 1982 ; Bibliographie 1983 ;

Bibliographie 1984 ; Bibliographie 1990-97.

- SIEMERS, J.P., SIEMERS-HIDMA, E.H., Intégration européenne. Bibliographie internationale sélective

de thèses et mémoires. 1957-1977, Alphen aan den Rijn, Sijthoff & Noordhoff, 1979.

- ZELLENTIN, Gerda, Bibliographie zur Europäischen Integration, Bonn, Europa Union Verlag, 1970.

En parallèle à l’utilisation de ces outils de recherche très généraux, nous avons

également dépouillé les bibliographies particulières des ouvrages les plus

spécifiquement consacrés aux « partis politiques au niveau européen »17, afin de

17 Pour la période avant 1992, un relevé systématique des références bibliographiques éventuellement citées par les travaux sélectionnés (à la fois en note de bas de page et dans la bibliographie finale) a de toute manière été réalisé, ce qui a permis d’étoffer un peu plus le corpus par des références non aperçues préalablement grâce aux outils de recherche décrits. Pour la période après 1992, il s’agit des ouvrages suivants : HIX, Simon, LORD, Christopher, Political Parties in the European Union, London, Macmillan Press Ltd, 1997 ; JOHANSSON, Karl Magnus, ZERVAKIS, Peter (dir.), European Political Parties between Cooperation and Integration, Baden-Baden, Nomos, 2001 ; DELWIT, Pascal., KÜLAHCI, Erol, VAN DE WALLE, Cédric (dir.), Les fédérations européennes de partis : Organisation et influence, Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles, 2001 ; HANLEY, David, Beyond the Nation State. Parties in the era of European Integration, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2007 ; POIRMEUR, Yves, ROSENBERG, Dominique, Droit européen des partis politiques, Paris, ellipses, 2007.

Partie II – Introduction

229

compléter nos références par celles explicitement répertoriées par les publications

spécialisées les plus récentes, et qui nous auraient échappé par la première méthode.

La deuxième étape de la constitution du corpus a ensuite consisté à consulter une par

une chacune des références ainsi recueillies – lorsqu’elles étaient accessibles18 – afin de

vérifier si, oui ou non, elles concernaient les /partis européens/. Nous avons ainsi retenu

les travaux qui leur étaient soit spécifiquement et entièrement dédiés, sous une forme ou

une autre, soit ceux qui leur consacraient au moins un développement quelle que soit sa

longueur (de quelques lignes à plusieurs chapitres19).

Après ces différentes étapes, le corpus définitif que nous avons construit20 compte

au total 285 références21, qui sont le fait de 170 auteurs différents. Parmi ces 285

références, nous comptons les références non accessibles déjà évoquées. Ces références,

au nombre de 108 au total, ont évidemment un statut particulier dans notre corpus et

sont signalées comme telles. S’il est impossible de les traiter sur le même plan que les

autres pour l’analyse de contenu, puisqu’elles n’ont pas pu être consultées, elles

conservent néanmoins un intérêt du fait de leur existence même et il reste possible de

les prendre en compte pour la description des temporalités et des lieux d’émergence du

discours sur les /partis européens/. L’analyse de contenu des schémas discursifs les

concernant se fonde donc sur les 177 références restantes, ce qui constitue 62,1 % du

18 Il s’agit soit des références qui n’ont jamais été publiées (mémoires ou thèses non publiés, communications dans des colloques sans actes) mais dont l’existence est référencée (dans des catalogues, des bibliographies, des listes de communications à un colloque…), soit de références publiées mais non disponibles dans les bibliothèques à notre portée. Ces deux types de références non accessibles ont néanmoins été maintenus dans le corpus, avec une identification spéciale, dans la mesure où leur contenu se rapportait, par le titre ou le résumé, de manière tout à fait claire à notre objet. 19 Sachant que les chapitres traitant spécifiquement des /partis européens/ dans des ouvrages collectifs à la thématique plus large ont été traités comme des publications à part. 20 Nous insistons sur le fait qu’il s’agit évidemment là d’un « artefact » de recherche, construit dans le but de nous fournir un outil d’entrée dans l’univers des discours savants sur notre objet. Le corpus ainsi constitué ne prétend pas à l’exhaustivité et pose des problèmes méthodologiques d’exploitation dont nous espérons avoir pris conscience le plus possible pour tenter de les réduire au minimum. Malgré ces défauts, et peut-être en partie grâce à eux s’il est vrai que « faire sans savoir complètement ce que l’on fait, c’est se donner une chance de découvrir dans ce que l’on a fait quelque chose que l’on ne savait pas » (BOURDIEU, Pierre, Homo academicus, Paris, éd. de Minuit, 1984, p. 17), il nous semble constituer un outil d’objectivation et de mise à distance relativement efficace de la partie du monde social étudiée, d’autant plus nécessaire qu’un doctorant en science politique, travaillant lui-même sur les /partis européens/, a forcément partie liée, si ce n’est pas « parti » lié, avec cette partie du monde social. 21 Après vérification des 519 références présélectionnées dans le « corpus de travail » initial. Voir la liste en annexe des références finalement retenues dans le corpus.

Partie II – Introduction

230

corpus total et représente plus de 4000 pages22 imprimées de texte spécifiquement

consacré aux /partis européens/

***

Un premier constat peut donc être fait : les travaux sur les /partis européens/ sont

loin d’être rares dans l’espace des discours et qu’ils mobilisent, mais à des degrés très

divers comme on le verra, un nombre important d’auteurs.

Un deuxième constat concerne la périodisation du corpus, qui est marquée par une

concentration importante du nombre de travaux autour de la première « élection

européenne » de 1979. Les 285 références de notre corpus ne se répartissent pas

uniformément, comme on pouvait s’y attendre. Le graphique ci-dessous montre ainsi

une très forte concentration dans les années 1976-1980, avec un maximum de 45

références en 1979, soit 15,8 % du total des références du corpus pour cette seule année.

22 Il n’est question ici que des pages spécifiquement consacrées à notre objet dans chaque publication ou référence. Pour l’ensemble des publications du corpus, en incluant les sections qui ne traitent pas spécifiquement des /partis européens/, nous avons ainsi au total dépouillé et lu plus de 11 600 pages de texte pour constituer ce corpus.

Partie II – Introduction

231

3

0 02

42 2

31

5

1 23

1

56 6

1

4 5

11

7

22

16

8

4

7

13

5

2 2

5 4

75

6

28

32

45

19

54

19

55

19

56

19

57

19

58

19

59

19

60

19

61

19

62

19

63

19

64

19

65

19

66

19

67

19

68

19

69

19

70

19

71

19

72

19

73

19

74

19

75

19

76

19

77

19

78

19

79

19

80

19

81

19

82

19

83

19

84

19

85

19

86

19

87

19

88

19

89

19

90

19

91

19

92

Nombre de publications

repérées corpus total = 285

références

En élargissant un peu le segment chronologique pour inclure les années 1975 et

1980 (si l’on prend comme bornes chronologiques, d’une part, la décision « politique »

de mettre en œuvre l’élection directe au Sommet de Paris de décembre 1974 par les

chefs d’Etat et de gouvernement23 en amont et, d’autre part, les publications d’analyses

des résultats et des effets de la première élection directe en aval), on observe ainsi que

les années 1975-1980 voient apparaître 150 références sur les 285 que compte notre

corpus, soit 52,6 % des travaux du corpus, sur seulement 6 des 42 années couvertes au

total (14,3 % de la période)24.

23 « Communiqué final de la réunion des chefs de gouvernement de la Communauté (Paris, 9 et 10 décembre 1974) », Bulletin des Communautés européennes, décembre 1974, n° 12, point n°12 : « Les chefs de gouvernement ont constaté que l'objectif fixé par le traité, de l'élection au suffrage universel de l'Assemblée, devrait être réalisé le plus tôt possible. Sur ce point, ils attendent avec intérêt les propositions de l'Assemblée, sur lesquelles ils souhaitent que le Conseil statue en 1976. Dans cette hypothèse, l'élection au suffrage universel direct devrait intervenir à partir de 1978 ». Confirmée par le règlement du Conseil des ministres du 20 septembre 1976 « Acte portant élection des représentants à l'assemblée au suffrage universel direct », J.O.C.E. n°L 278 du 8 octobre 1976, p. 5–11. 24 Le fait que notre corpus ait été constitué notamment à partir d’un dépouillement systématique de la littérature ayant trait à ces élections « européennes » pourrait sembler expliquer cette surreprésentation : mais ce biais peut être évacué après vérification, car lorsque l’on considère seulement les publications dont le titre renvoie explicitement aux /partis européens/ (et qui auraient donc été repérés de toute manière, même sans dépouillement spécifique des publications portant sur les élections européennes sans

Partie II – Introduction

232

Les années de préparation et d’« évaluation » des premières élections européennes

constituent donc bien un moment particulièrement marqué d’investissements savants sur

la question des /partis européens/, ce qui est confirmé par un nouveau « pic » relatif,

quoique bien plus restreint, en 1984 au moment de la deuxième élection du PE au

suffrage universel direct. L’effet semble ensuite se tasser, les années 1989-1992 ne

représentant pas d’augmentation notable du nombre de références par rapport aux

années précédentes ou suivantes. Cette concentration au moment des premières

élections européennes n’est pas surprenante dans la mesure où celles-ci constituent

un horizon d’attente particulièrement structurant du discours sur les /partis européens/.

Cet effet peut s’expliquer notamment par l’importance du lien discursif déjà remarqué

entre les élections européennes et les /partis européens/ dans le système de présupposés

et d’ « algorithmes discursifs » qu’on a commencé à mettre en évidence.

***

L’étude du corpus ainsi rassemblé présente dès lors un double enjeu. Premièrement,

l’analyse du contenu comparé de ces références permet de montrer comment, en

parallèle des évolutions historiques concrètes, c’est toute une série de schémas et

d’« algorithmes discursifs » communs qui émerge et se consolide petit à petit. Au-delà

des différences de détail d’une référence à l’autre, chacune vient ainsi s’insérer comme

on va voir, à partir de sources communes, dans des formations discursives plus larges et

bien antérieures, construisant l’espace discursif de la catégorie des /partis européens/ et

rendant sa codification possible, d’autant que l’on a pu voir que les promoteurs de cette

codification en 1989-1992 justifiaient leur action en recourant aux mêmes « algorithmes

discursifs ».

Deuxièmement, le corpus renvoie à un nombre limité d’auteurs identifiés dont il

devient possible de décrire les caractéristiques sociales, les trajectoires, mais aussi les

relations mutuelles. En construisant le réseau des auteurs impliqués dans l’émergence

discursive des /partis européens/, on est en mesure de tester, d’abord, si les variations

autre précision), la concentration est encore plus nette : les années 1975-1979 représentent ainsi, en effet, 50 % des références « à titre explicite » (122 sur 244, dont 39 pour la seule année 1979), et le pourcentage monte à 53,7 % pour les publications de ce type sur la période 1975-1980. Il n’y a donc pas d’effet de surreprésentation de cette période liée à la méthode de constitution de notre corpus qui, au contraire, a tendance à faire diminuer, très marginalement, son importance.

Partie II – Introduction

233

dans le champ des prises de position correspondent, et dans quelle mesure, à des

variations dans les dispositions et les positions occupées. Plus important ici, le repérage

d’éventuels groupes d’acteurs plus investis dans la production de cette trame

d’émergence, permettrait d’identifier les lieux et les « milieux savants » centraux pour

notre sujet. Il ne resterait plus, alors, qu’à tracer les liens qui relient ces derniers aux

acteurs politiques des mobilisations de 1989-1992 pour repérer, par recoupement, les

éléments qui font l’articulation entre l’espace des discours et l’espace des positions, par

lesquelles notre objet, la codification de l’article 138a, est devenu possible.

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

234

Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/ : pour une archéologie du savoir politique

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

235

L’analyse du contenu des références du corpus permet de comparer les définitions et

conceptualisations de l’idée de /partis européens/ qui ont été successivement ou

parallèlement développées dans l’espace des discours. L’étude du contenu précis de

chacune de ces références montre qu’il existe de fait une très grande variété, non

seulement dans la manière de nommer les /partis européens/, mais également dans la

manière de les concevoir et de les référencier, c'est-à-dire dans la manière de les définir

et dans celle de les rapporter aux diverses organisations concrètes existantes qui, comme

on va le voir, sont autant de référents potentiels. On s’aperçoit ainsi que les manières de

penser les /partis européens/ sont très diverses, voire contradictoires, y compris pour

une même période historique. A tel point qu’il peut sembler parfois que personne ne

parle vraiment « de la même chose » quand il parle de /partis européens/1.

Pourtant, malgré ces différences, ou plutôt à travers elles, des points communs

apparaissent qui dessinent la trame d’émergence discursive des /partis européens/.

Autrement dit, ces différences semblent en quelque sorte « organisées », d’abord autour

de quelques points de divergence, qui indiquent les « points de choix » impossibles à

contourner lorsqu’on veut parler des /partis européens/ ; mais organisées, aussi, autour

de quelques schèmes théoriques et présupposés communs. Ces « formations

discursives » particulières sont la base sur laquelle sont construits les « algorithmes

discursifs » que l’on a pu déceler dans les discours des promoteurs de la codification de

1989-1992. Elles forment le fonds commun qui peut donner à Thomas Jansen, et aux

autres acteurs politiques, le sentiment que l’idée des /partis européens/ est « dans l’air ».

1 Cette impression n’est pas propre à la période d’avant la codification de Maastricht, comme le montre clairement l’exemple, donné en introduction, tiré du Dictionnaire des élections européennes (DELOYE, Yves, Dictionnaire des élections européennes, Paris, Economica, 2005), dans lequel on trouve deux entrées et deux « labels » différents pour parler des mêmes référents. Voir les entrées « Fédérations européennes de partis politiques », par Pascal Delwit (p. 301-305), et « Partis politiques européens », par Daniel-Louis Seiler (p. 536-542).

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

236

I – Les matérialités multiples du discours sur les /partis européens/

Lorsque l’on considère le corpus dans sa globalité, le premier constat évident est

celui de la dispersion extrême des discours. La manifestation la plus concrète et la plus

simple de cet éclatement est d’abord donnée par la diversité des supports, des langues et

des labels utilisés pour parler des /partis européens/.

I.1 – Supports et langues

I.1.1 – Des « patrons » divers : multiplicité des supports

Le corpus que nous avons constitué est un ensemble hétéroclite de travaux de nature

et de taille très diverses. Avant même de rentrer dans le détail du contenu de ces

publications, la simple observation des types de supports montre déjà qu’il n’y a aucun

« gabarit » privilégié par les discours savants concernant les /partis européens/.

Les références de notre corpus relèvent ainsi de types de supports très divers, allant

de l’article de revue à la thèse publiée, de l’étude pour think tank à l’ouvrage collectif,

de la communication en colloque au rapport officiel…Au total, il est possible de classer

ces références en 33 rubriques différentes. Si le nombre d’articles de revue est

particulièrement important (98 sur 285, soit 34,4 % du total), d’autres types de supports

sont eux aussi très bien représentés, comme le montre le tableau de synthèse ci-dessous,

où les 33 catégories initiales ont été regroupées en 11 rubriques plus larges :

Types de supports principaux

Type de support Nombre de références

articles 98 colloques 52 chapitres, ouvrages spécialisés 55 thèses, mémoires 32 manuels, cours 21 projets de recherche 5 tribunes, conférences 4 rapports d’enquête 3

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

237

études pour think tank2 3 rapports officiels 2 autres 10 Total 285

Il n’y a donc pas de support unique et même la catégorie des « articles », qui semble

largement majoritaire à première vue, est illusoirement unificatrice dans la mesure où

ceux-ci peuvent eux-mêmes relever de types très différents, de l’article formaté d’une

revue universitaire à l’article d’opinion dans une revue partisane. Cette première

classification, comme tout classement, ne signifie donc rien en elle-même. Néanmoins,

malgré son réductionnisme, elle permet de rendre apparente sous un premier aspect la

diversité des supports d’émergence des /partis européens/3.

I.1.2 – Des /partis européens/ d’abord allemands ?

Outre les types de supports, la variété des langues employées constitue une autre

donnée fondamentale4, mais pour laquelle l’effet de dispersion est plus limité5.

2 Nous rassemblons sous ce terme générique toutes les associations ou fondations privées n’étant statutairement liées ni à une institution publique (administration, université, etc.), ni à une organisation partisane. 3 Diversité confirmée par le simple décompte du nombre de pages consacrées spécifiquement, dans chaque référence, aux /partis européens/ : parmi les publications qu’il nous a été possible de consulter, la dimension de l’espace qui leur est consacré peut varier de quelques lignes à 426 pages imprimées (dans le cas de l’étude collective publiée par l’Institut für europäische Politik (IEP) en 1976 (IEP, Zusammenarbeit der Parteien in Westeuropa. Auf dem Weg zu einer neuen politischen Infrastruktur ?, Bonn, Europa Union Verlag (« Europäische Schriften des IEP », Band 43/44), 1976), cet espace représentant lui-même entre 0,1 et 100 % de chaque publication. Autrement dit, c’est là encore le constat de l’éclatement qui s’impose (même si le nombre de publications consacrées totalement et exclusivement aux /partis européens/ est majoritaire à plus de 55 % dans le corpus). 4 Et plus évidente encore, mais nous avons préféré commencer par les supports et les « gabarits » avant de prendre en considération les langues, car nous rentrons ici dans l’analyse de contenu proprement dite. 5 Ce qui est dû en partie au biais propre aux connaissances linguistiques de l’enquêteur, mais pas seulement : les recherches effectuées en vue de constituer le corpus l’ont été systématiquement dans les langues officielles des douze pays membres au 7 février 1992, excepté le grec et le danois (français, anglais, allemand, néerlandais, italien, espagnol, portugais). Si l’absence de référence en grec ou en danois dans le corpus peut s’expliquer de cette manière, l’absence de référence en espagnol ou en portugais ne tient donc pas à ce biais subjectif et semble confirmer l’effet de concentration constaté.

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

238

Langues des discours

Langue employée Nombre de références % du total

allemand 131 46,0 % anglais 69 24,2 % français 60 21,1 % italien 16 5,6 % néerlandais 8 2,8 % suédois 1 0,4 % Total 285 100,0 %

Ainsi, on constate d’abord sans surprise une très forte concentration des références

du corpus dans les langues les plus parlées dans l’Union européenne (allemand, anglais,

français, italien), les trois langues de travail des Communautés représentant à elles

seules 91,2 % du total. Mais de manière peut-être moins attendue6, ce n’est pas l’anglais

qui domine dans notre corpus, mais bien l’allemand, qui est la langue employée par près

de la moitié des références de notre corpus7.

Cette prépondérance de l’allemand est logiquement confirmée par le recoupement

du tableau des langues employées dans le corpus avec celui des pays de provenance,

dans lequel l’Allemagne, plus précisément la République fédérale d’Allemagne

(R.F.A.)8, occupe, et de loin, la première place :

Pays de provenance des références du corpus

Pays 9 Nombre de références % du total

Allemagne (R.F.A.) 130 44,8 % Royaume-Uni 42 14,5 % France 28 9,7 %

6 Si l’on pense à la domination de l’anglais dans la production scientifique internationale, notamment en science politique. Ce constat est pourtant moins surprenant si on le met en rapport avec la répartition des éditeurs que nous analyserons dans le chapitre suivant : l’importance finalement toute relative des publications à destination scientifique et la présence au contraire massive des éditeurs « politiques », dont l’audience recherchée est, par hypothèse, plutôt composée de « décideurs » ou de « leaders d’opinions » nationaux, permet sans doute à des publications dans d’autres langues que l’anglais d’être mieux représentées dans le corpus. 7 Nous ne considérons ici que les langues originales des références du corpus, même si, dans neuf cas, nous n’avons pu les consulter qu’en traduction. 8 Pour la période antérieure à la réunification allemande, une seule publication du corpus provient de R.D.A. (HAUPT, Lucie, « Die westeuropäische Parteibünde und das Parlament der europäischen Gemeinschaft im kapitalistischen Integrationsprozess », Staat und Recht, n°7, 1980, p. 643-652). 9 Il s’agit du pays de publication pour les références publiées du corpus, ou du pays dans lequel une référence non publiée a été rédigée ou prononcée.

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

239

Italie 28 9,7 % Pays-Bas 17 5,9 % Belgique 14 4,8 % Etats-Unis 10 3,4 % Canada 4 1,4 % Communautés européennes 3 1,0 % Suisse 3 1,0 % Espagne 2 0,7 % Conseil de l’Europe 1 0,3 % Luxembourg 1 0,3 % Nouvelle-Zélande 1 0,3 % Allemagne (R.D.A.) 1 0,3 % Suède 1 0,3 % ? 4 1,4 % Total 290 100,0%

Total supérieur à 285 car 5 publications ont eu lieu à la fois en France et en Italie.

Ce simple constat éclaire d’un jour un peu différent les remarques déjà faites sur

l’ « inspiration allemande » de l’article 138a inséré dans le traité de Maastricht, tout en

la confirmant. Il semble en effet que cette « inspiration » souvent constatée puisse être

fondée beaucoup plus largement que sur la simple comparaison des textes juridiques

codifiant les « partis politiques » en Allemagne et dans les Communautés européennes

qui sert de base à ce constat. La prépondérance du « discours allemand » pour parler des

/partis européens/ ne se résume ainsi aucunement à un « mimétisme » juridique

ponctuel, intervenu au moment de Maastricht : c’est un facteur de structuration bien

plus constant et essentiel de la trame d’émergence de notre objet, comme le montreront

l’analyse à venir du contenu et celle des auteurs concrets de ce corpus.

I.2 – Une ribambelle de labels parallèles

Par la prise en compte des langues utilisées dans notre corpus, nous sommes déjà

entrés dans l’analyse de contenu proprement dite. La « question linguistique » se

prolonge par l’étude plus détaillée des « signifiants », autrement dit des labels utilisés,

dans chaque langue, pour nommer les /partis européens/. Or, si l’« éclatement »

linguistique du corpus est encore assez faible eu égard au nombre de langues utilisées, il

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

240

n’en va pas de même en ce qui concerne le nombre des appellations constatées dans

chacune de ces langues, qui est d’une diversité extrême10.

Ainsi, nous avons pu relever dans les titres ou les sections spécifiquement

consacrées aux /partis européens/ de chaque référence accessible (c’est-à-dire 177 sur

les 285 références du corpus), un total de 583 occurrences d’une forme quelconque du

label partisan européen, dans les six langues représentées dans le corpus, sans compter

évidemment les répétitions d’un label à l’intérieur d’un même texte, mais sachant qu’un

même auteur peut utiliser des labels différents11. Après regroupement des appellations

présentant exactement la même forme12, il reste au total 400 formes différentes du label

partisan européen, avec la répartition suivante :

- 165 formes différentes en allemand (pour 131 références) ;

- 119 formes différentes en anglais (pour 69 références) ;

- 99 formes différentes en français (pour 60 références) ;

- 12 formes différentes en italien (pour 16 références) ;

- 4 formes différentes en néerlandais (pour 8 références) ;

10 Et qui dépasse de beaucoup le nombre de labels différents que notre enquête avait originellement « testés » pour la constitution de notre corpus. Ces recherches se fondaient au départ sur quelques combinaisons et permutations lexicales relativement simples autour du syntagme « partis politiques au niveau européen », dans le maximum de langues possibles. La lecture des publications repérées a prouvé que la créativité syntaxique individuelle et collective des auteurs du corpus était bien plus prolifique ! Par souci d’exhaustivité, nous avons dès lors testé également les appellations ainsi recueillies et que nous n’avions pas préalablement imaginées. 11 On trouve dans certaines publications du corpus plus de 10 labellisations distinctes (avec un maximum de 18 labellisations différentes dans le même texte, atteint dans le n°236 du corpus : SEILER, Daniel-Louis, « Les fédérations de partis au niveau communautaire », dans HRBEK, Rudolf, JAMAR, Joseph, WESSELS, Wolfgang (dir.), Le Parlement européen à la veille de la deuxième élection au suffrage universel : Bilan et perspectives. Actes du Colloque organisé par le Collège d’Europe et l’Institut für Europäische Politik (Bruges, les 16, 17 et 18 juin 1983), Bruges, Tempelhof, 1984, p. 459-507). Il n’y a qu’un nombre réduit de publications qui présente une harmonisation complète ou quasi complète des labellisations utilisées pour les /partis européens/ (23 références publiées n’utilisent qu’une seule forme du label, soit moins de 10 % des références publiées, le pourcentage monte à 26,7 % si l’on ajoute les publications utilisant 2 formes seulement). Ce comptage, malgré son caractère approximatif, confirme l’impression de dispersion dans l’entreprise de nomination, non seulement à travers le corpus mais même à l’intérieur d’une même référence, ce qui renvoie, comme on va le voir, à la difficulté posée par la question de la référenciation et de la définition. 12 Nous avons pour cela réuni les labels qui, dans chaque langue, étaient exactement identiques à tous points de vue, en tenant compte de la moindre variation morpho-lexicale (et après une lemmatisation sommaire visant à passer chaque forme rencontrée au pluriel). En revanche, plusieurs formulations très proches mais différant ne serait-ce que d’un trait syntaxique minimal, ont été comptées séparément (comme Parteiföderationen, Parteienföderationen et Parteien-Föderationen, ou encore partis européens et partis politiques européens), considérant qu’il s’agissait en toute rigueur de labellisations différentes, quoique quasi identiques. De même, deux appellations identiques mais dont l’une utilise des guillemets, ont été comptées séparément, considérant qu’il n’est pas linguistiquement anodin d’employer un label avec ou sans guillemets. Par exemple, Europa parteien et « Europa Parteien » comptent pour deux labels différents dans notre tableau final.

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

241

- 1 forme en suédois (pour 1 référence).

Nous avons regroupé ci-dessous, pour illustration, les 15 formes qui comptent au

moins quatre occurrences dans le corpus, toutes langues confondues13 :

Labels les plus utilisés

Formulation du label partisan européen 14

nombre d’occurrences

de la formulation

langue

europäische Parteien 23 allemand europäische Parteienzusammenschlüsse 14 allemand partis européens 14 français partis politiques européens 13 français European party federations 8 anglais Parteibünde 7 allemand European political parties 5 anglais Parteienföderationen 5 allemand Parteiföderationen 5 allemand transnational party federations 5 anglais transnationale Parteibünde 5 allemand europäische Parteiföderationen 4 allemand transnational party groups 4 anglais transnationale Parteien 4 allemand transnationale Parteiorganisationen 4 allemand

13 L’essentiel est en fait ce que ce tableau montre en négatif, on l’aura compris : on voit ainsi qu’en dehors des 15 formulations précises qui y sont répertoriées, il existe par ailleurs 385 autres formes du label partisan européen qui ne comptent pas plus de 3 occurrences chacune dans notre corpus. Plus encore : 326 formes du label parmi celles-ci ne comptent même qu’une seule occurrence chacune. 82 % du nombre total des labels existant dans l’espace des discours ne sont ainsi utilisés qu’une seule et unique fois dans notre corpus. Même si certaines de ces formulations peuvent être regroupées, à partir des correspondances que l’on peut faire de langue à langue et qu’on développera plus loin, on prend ici la mesure de la multiplicité des façons de nommer notre objet. 14 Evidemment, la forme du label la plus simple (europäische (politische) Parteien, partis (politiques) européens, European (political) parties) peut prêter à confusion quand on la sort de son contexte : parler de « partis européens » dans le langage courant peut ainsi tout simplement renvoyer aux différents partis nationaux de pays européens, sans impliquer aucune dimension transnationale. Il va de soi que nous n’avons pas retenu dans le corpus les publications qui utilisaient ce label uniquement en ce sens, et qu’au contraire nous les y avons inclues s’il était possible de déterminer que cette formulation était bien une forme du « label partisan européen », c'est-à-dire qu’elle impliquait une forme quelconque de rapprochement extranational entre organisations partisanes.

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

242

L’intérêt de cette présentation purement formelle, et même formaliste15, des

différentes manières de nommer le phénomène de rapprochement structuré entre

organisations partisanes nationales, réside moins dans la répartition de ces labels précis,

que dans ce qu’elle permet de révéler des caractéristiques de l’espace des discours et de

ses rapports avec les mobilisations auxquelles il prête ses formes discursives. Dans

notre cas, deux enjeux principaux émergent de ce simple « comptage » linguistique des

400 façons de « dire » les /partis européens/.

Premièrement, cette dispersion lexicale des possibles manières de nommer notre

objet dit quelque chose de ce qu’est, ou plutôt de ce que n’est pas, une codification

juridique telle que celle étudiée ici. Contrairement à une conception répandue du droit,

un texte juridique ne se contente jamais de « sanctionner » ou d’« enregistrer » des

évolutions « sociétales » et les mots qu’on utilise le plus communément pour le dire.

Ainsi, le label partis politiques au niveau européen16 qui est codifié dans l’article 138a

du traité de Maastricht est loin d’être majoritaire dans notre corpus, même s’il est

présent dans l’espace des discours au moins depuis 196317 : entre 1963 et 1992, cette

15 Qui n’a aucune prétention linguistique au sens scientifique du terme. On s’est néanmoins inspiré ici, pour distinguer par exemple les niveaux du label, du référent et de la conceptualisation, de différents travaux menés en analyse linguistique, comme par exemple ceux de Bernard Pottier. Voir notamment : POTTIER, Bernard, Linguistique générale, Paris, Klincksieck, 1985 ; POTTIER, Bernard, Théorie et analyse en linguistique, Paris, Hachette, 1992 (2e édition revue et corrigée), notamment chapitre V « Le signe linguistique », p. 46-61 et chapitre VI, « Fondements du niveau conceptuel », p. 65-72. 16 Et ses équivalents dans les autres langues des Communautés européennes : politische Parteien auf europäischer Ebene, political parties at the European level, partiti politici a livello europeo, politieke partijen op Europees niveau pour prendre les langues principales de notre corpus. 17 Dans la thèse déjà évoquée de Guy Van Oudenhove, dont la traduction anglaise emploie « political parties at the European level » pour traduire le néerlandais « politieke partijen op Europees niveau » (VAN OUDENHOVE, Guy, The Political Parties in the European Parliament. The First Ten Years (September 1952 - September 1962), Leyden, Sijthoff, 1965, p. 25).

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

243

formulation précise du label18 n’apparaît dans notre corpus que neuf fois au total, toutes

langues confondues19, dont une seule occurrence après 1979 :

Occurrences du label reconnu dans l’article 138a du traité de Maastricht

n° de corpus année label

22 1963 politieke partijen op Europees niveau 54 1973 political parties at the European level 57 1974 partis politiques au niveau européen 63 1974 partis politiques au niveau européen 65 1974 partis politiques au niveau européen 91 1976 politische Parteien auf der europäischen Ebene

169 1979 Parteien auf europäischer Ebene 200 1979 Parteien auf europäischer Ebene 258 1987 political parties at the European level

Si on rapporte ces 9 occurrences aux 59 de « partis (politiques) européens » par

exemple (dont 7 dans les années 80 et 3 entre 1990 et 1992) 20, on devine que la surface

occupée avant 1992 dans l’espace des discours21 par le label finalement inscrit dans

l’article 138a était bien plus réduite que celle d’autres avant cette date, et notamment

que celle du label que tentent d’imposer, comme on l’a vu dans le chapitre précédent,

18 Dans une forme que Benvéniste a caractérisée linguistiquement comme une « synapsie ». Voir la définition qu’il en donne dans Problèmes de linguistique générale, tome II (p. 171-172 de l’édition Gallimard de 1974) : « « synapsie » du gr. synapsis, « jonction, connexion, collection de choses jointes ». [...] Ce qui caractérise la synapsie est un ensemble de traits dont les principaux sont : 1° la nature syntaxique (non morphologique) de la liaison entre les membres ; 2° l’emploi de joncteurs à cet effet, notamment de et à ; 3° l’ordre déterminé + déterminant des membres ; 4° leur forme lexicale pleine, et le choix libre de tout substantif ou adjectif ; 5° l’absence d’article devant le déterminant ; 6° la possibilité d’expansion pour l’un ou l’autre membre ; 7° le caractère unique et constant du signifié. » On comprendra dans la section suivante que le « caractère unique et constant du signifié » évoqué au point 7 de cette définition n’est pas aussi évident dans la réalité. 19 7 fois si l’on est vraiment formaliste et qu’on distingue politische Parteien auf europäischer Ebene et Parteien auf europäischer Ebene. 20 Cette combinaison lexicale simple du substantif partis et de l’adjectif européens (complétés éventuellement par l’adjectif politiques) est la plus courante dans toutes les langues de notre corpus qui comptent un nombre significatif de publications : 24 occurrences en allemand pour europäische (politische) Parteien (contre 14 pour le deuxième label le plus répandu, europäische Parteienzusammenschlüsse) ; 27 en français pour partis (politiques) européens (contre 3 pour le deuxième plus répandu, fédérations européennes) ; 8 en anglais pour european (political) parties (à égalité avec le deuxième plus répandu European party federations). 21 Qui ne se réduit évidemment pas à notre corpus ni même à l’espace des « discours savants » ici pris en compte. Celui-ci semble néanmoins représentatif de l’espace général des discours, si l’on en juge par la dispersion toute aussi grande des labels, quand ils existent, dans les autres types de sources analysés précédemment. Si l’on se reporte par exemple au tableau du chapitre 3 présentant les occurrences des /partis européens/ dans les archives de l’Agence Europe pendant la CIG de 1989-1992, on peut voir qu’on trouve 5 formulations différentes du label pour 10 occurrences, et que partis politiques au niveau européen n’apparaît qu’après le sommet de Maastricht.

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

244

les acteurs mobilisés pendant la CIG de 199122. En définitive, pourtant, c’est la synapsie

plus complexe « partis politiques au niveau européen » qui sera retenue dans le traité, ce

qui témoigne comme on l’a vu de certaines réticences dans les administrations des pays

membres23.

On voit donc que ces considérations, en apparence anodines, sur les formes de

labellisation différentes permettent de mettre en évidence que le libellé précis de

l’article 138a ne découle pas d’un processus « naturel » qui irait de soi : le label qui

s’impose finalement n’est pas celui qu’on trouve le plus souvent dans l’espace des

discours à ce moment-là et il ne peut s’imposer que parce qu’il s’est trouvé des

promoteurs en position de l’imposer24. La codification des « partis politiques au niveau

européen » est le résultat indirect et en toute rigueur imprévisible25 d’un travail

d’expérimentation de formulation, certes de longue durée. Mais celui-ci n’a rien de

linéaire ou de continu : cette codification ne va pas de soi et n’obéit à aucun effet de

« spill-over » ou d’engrenage linguistique qui ferait d’elle l’aboutissement d’un

phénomène de progressif « figement lexical »26. En d’autres termes, cette étude de cas

confirme une fois de plus qu’il n’y a pas d’autonomie réelle du champ des prises de

position par rapport au champ des positions, ou plutôt, que si le champ des prises de

22 C’est bien de « partis européens » dont parle la lettre du 1er juillet 1991, ainsi que la référence insérée en annexe des conclusions du Sommet de Maastricht le 11 décembre 1991. 23 On l’a dit, le changement de dernière minute qui transforme « partis européens » en « partis politiques au niveau européen » après le Sommet de Maastricht a été imposé par le Comité de juristes-linguistes du Conseil, chargé de revoir le texte accordé pendant le Sommet lors de plusieurs réunions en janvier 1992. Ce comité, comme nous l’a confirmé l’administrateur qui en était le président à ce moment-là (Micail Vintsentzatos) se réunissait sous la supervision des fonctionnaires des représentations permanentes des Etats membres, seuls habilités à opérer les changements envisagés sur le texte. 24 Cette remarque ouvre par ailleurs deux pistes intéressantes qui seront exploitées par la suite. Tout d’abord, on constate que les « promoteurs à succès » de labels ne sont pas forcément les acteurs qui se trouvent dans les positions les plus centrales : alors que la formulation partis européens avait emporté l’accord des chefs d’Etat et de gouvernement à Maastricht, c’est bien partis politiques au niveau européen qui s’impose au niveau des administrateurs. Ensuite, il faut prendre garde à ne pas croire trop facilement en la puissance éventuelle d’une codification quelconque : même si c’est partis politiques au niveau européen qui se retrouve dans le traité de Maastricht, ce n’est pas forcément cette formulation qui s’imposera tendanciellement après 1992, on le verra. 25 Car le fait qu’on ait reconnu un label partisan européen à Maastricht, quel qu’il soit, n’a rien d’évident a priori, ce n’est pas un fait nécessaire et ce n’est qu’a posteriori qu’on peut tenter de chercher les filières discursives et les mobilisations pratiques qui l’ont imposé, en prenant soin de ne pas tomber dans une illusion téléologique rétrospective. Avant la codification effectivement constatée, il est ainsi impossible de prévoir ou de prédire non seulement quel label sera codifié, mais tout simplement si un label sera codifié. 26 Voir par exemple : ANSCOMBRE, Jean-Claude, MEJRI, Salah (dir.), Le figement linguistique : la parole entravée, Paris, Honoré Champion, 2011.

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

245

position dispose d’une relative autonomie (les possibilités combinatoires linguistiques

mêmes), il reste radicalement « hétérodynamique »27.

Le deuxième enjeu important que permet de saisir ce comptage des multiples labels

parallèles, tient justement à la nature de ces « prises de positions ». Celles-ci doivent

être considérées comme de véritables « prises de parti », plus ou moins conscientes et

plus ou moins explicites, qui manifestent un jugement, et qui commencent dès qu’on

tente de donner ne serait-ce qu’un nom à un phénomène28.

Ainsi, les différentes formes du label partisan européen ne sont jamais simplement

des « formulations » neutres, des objectivations « objectives » (au sens d’impartiales).

Le moindre nom, en tant qu’acte de nomination, n’est pas seulement un « mot » ou un

« lexème » qu’on peut sortir de son contexte : il est déjà et toujours un « praxème » au

sens que la linguistique praxématique donne à ce terme29.

Certains labels du corpus rendent très clairement apparent le jugement qu’ils

impliquent sur la nature et le degré d’« authenticité » des /partis européens/ considérés,

qu’il s’agisse d’une appréciation positive (partis politiques authentiquement européens,

true European parties, echte europäische Parteien30…) ou négative (cosidetti partiti

27 C’est-à-dire qu’il ne possède pas le principe de sa propre dynamique. Voir : BOURDIEU, Pierre, « La force du droit », Actes de la recherche en sciences sociales, 1986, vol. 64, n°1, p. 4 (« [...] l’ordre proprement symbolique des normes et des doctrines (c'est-à-dire le champ des prises de position ou espace des possibles) [...] enferme des potentialités objectives de développement, voire des directions de changement, mais [...] ne contient pas en lui-même le principe de sa propre dynamique »). 28 Nous n’ignorons pas que la question du rapport entre réel et langage, et plus spécifiquement la question de la nature de la perception (jugement indirect ou sensation directe) a suscité et suscite toujours de très nombreux débats en philosophie de la connaissance. Puisque la dimension et la nature de notre étude ne permettent pas de les discuter en détail, qu’il nous soit permis ici de prendre position simplement en faveur de la thèse du jugement, conditionné par le langage et par toutes nos autres circonstances sociales, et de renvoyer pour une discussion philosophique du problème aux travaux de Jacques Bouveresse et notamment : BOUVERESSE, Jacques, Langage, perception et réalité, tome 1, La perception et le jugement ; tome 2, Physique, phénoménologie et grammaire, Paris, éd. Jacqueline Chambon, 1995 et 2004. 29 Sur la praxématique et la « linguistique de l’énonciation » qu’elle développe en opposition à la distinction saussurienne entre langue et parole, nous renvoyons aux travaux de Robert Lafont et de ses continuateurs, notamment Paul Siblot. De façon générale, la praxématique insiste sur la dimension construite des discours et de la « production du sens » à partir d’une prise en compte systématique des conditions de production et des producteurs des énoncés discursifs qu’elle analyse. Elle opère ainsi un « déplacement du regard » dans la lignée de la sociolinguistique, en considérant les « lexèmes » de l’analyse structurale classique et de la lexicologie comme des « praxèmes », n’existant que dans et par une actualisation toujours contextualisée. Voir surtout : LAFONT, Robert, Le travail et la langue, Paris, Flammarion, 1978 ; BARBERIS, Jeanne-Marie, BRÈS, Jacques, GARDÈS-MADRAY, Françoise, LAFONT, Robert, SIBLOT, Paul, Concepts de la praxématique. Bibliographie indicative, Montpellier, Publications de l’Université de Montpellier, 1989. 30 Labels utilisés respectivement dans les références n°217 (1980), n°11 (1959), n°234 (1983) du corpus.

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

246

europei, pseudo-partis communautaires, simulacres de partis politiques31…). D’autres

prennent plutôt position sur le degré de développement de ces organisations (protopartis

européens, emergent supranational parties, embryons de fédérations communautaires

de partis, precursors of federal parties32…). D’autres encore évaluent d’un adjectif le

degré de cohésion de ces organisations (homogene Parteien, cohesive parties, partis

unitaires33…). Toutes ces labellisations sont ainsi, déjà et toujours, à la fois indice et

expression d’une conceptualisation particulière de l’objet auquel on les applique, et

fournissent une trace condensée et formalisée de ses jugements de valeurs. Ces labels

affirment un positionnement et un point de vue sur l’objet qu’ils « baptisent » en lui

donnant un nom34.

En comparaison, d’autres labels, comme le très répandu partis politiques européens

par exemple, semblent au contraire beaucoup plus « neutres » au premier abord, dans la

mesure où ils ne dénotent, en apparence, aucun jugement de valeur explicite. Pourtant,

comme on va le voir, eux aussi prennent position, à leur façon, sur l’existant et l’idéal,

selon des modalités diverses. Il faut pour cela remettre l’ensemble de ces labels dans le

« cotexte »35 plus large des discours qui les spécifient, et étendre à présent l’analyse de

contenu de notre corpus au cadre discursif général dans lequel ils apparaissent.

31 N°215 (1980), n°236 (1983), n°236 (1983). 32 N°154 (1978 + occurrences identiques dans les n°217, 224, 236, 267, en 1980, 1981, 1983 et 1989), n°172 (1979), n°34 (1968), n°8 (1958). 33 N°234 (1983), 13 (1960), 124 (1977). 34 Sur la question de la nomination plus particulièrement, voir l’entrée correspondante dans DETRIE, Catherine, SIBLOT, Paul, VERINE, Bertrand, Termes et concepts pour l’analyse du discours. Une approche praxématique, Paris, Honoré Champion, 2001 : « La nomination est un acte de catégorisation, une praxis qui est simultanément sociale et linguistique [...]. On dira que la nomination est l’acte par lequel un sujet nomme en discours, autrement dit catégorise un référent en l’insérant dans une classe d’objets identifiée dans le lexique, à moins qu’il ne veuille innover avec un néologisme. La dimension performative de ce geste originaire de nomination est alors manifeste et les sémanticiens parlent, comme en langue courante, d’acte de baptême. », p. 205. 35 Selon la praxématique, le « cotexte » renvoie au contexte verbal d’apparition et d’existence dans l’univers des discours. Le « contexte » au sens propre, extralinguistique, sera pris en compte dans le chapitre suivant qui passera du plan des discours au plan des acteurs et de leurs relations.

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

247

II – Les /partis européens/ en ordre dispersé : référents, postures et points

de choix

On devine à travers l’analyse de la « dispersion générale » des manières de nommer

les /partis européens/, l’existence de plusieurs façons principales de les concevoir. Il

n’est en effet pas équivalent de parler des /partis européens/ en les qualifiant de vrais

partis européens36, de pre-federations37 ou de protopartis38 que d’employer des

périphrases comme fédérations de partis œuvrant au niveau de la Communauté

européenne39 ou encore transnational extra-parliamentary organization links between

political parties of the same ideology or tendency40. Toute nomination est donc une

prise de position au sens propre, en ce qu’elle exprime certains choix concrets.

Le premier de ces choix est celui du « référent » qu’on désigne par le label utilisé : à

quel type d’organisation précis veut-on faire référence quand on parle de /partis

européens/ ? On a vu dans les chapitres précédents que les promoteurs de l’article 138a

dans le traité de Maastricht entendaient désigner, logiquement, sous le label de « partis

européens » les organisations dont ils sont membres, qu’ils définissent explicitement

comme :

« des associations fédératives de partis nationaux, existant dans la majorité des Etats membres de la CE, qui ont les mêmes orientations et objectifs et qui constituent au Parlement Européen un Groupe unique. »41

Mais nous allons voir que cette définition n’a rien d’évident et que d’autres

référents, très divers, sont possibles dans l’espace des discours savants, ce qui explique

sans doute que l’absence de définition dans l’article 138a ait provoqué les malentendus

et les hésitations que nous avons signalés.

Plus largement, les discours sur les /partis européens/ peuvent témoigner de

« postures discursives » différentes, parmi lesquelles la posture « prescriptive » des

36 N°195 (1979). 37 N°12 (1960, anglais). 38 N°154 (1978 + occurrences identiques dans les n°217, 224, 236, 267, en 1980, 1981, 1983 et 1989). 39 N°236 (1983). 40 N°190 (1979). 41 Voir chapitre 3, lettre des trois présidents partisans du 1er juillet 1991.

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

248

promoteurs de la codification étudiée, qui est parfois explicitement assumée par les

auteurs les plus académiques.

En définitive, les discours sur les /partis européens/ sont divers, mais ils répondent à

des « points de choix » communs, qui donnent aux divers discours savants, mais aussi à

ceux qui les utilisent à des fins plus pragmatiques comme la codification, une parenté

certaine.

II.1 – Référents actuels ou virtuels ? Décrire l’existant, définir l’idéal

Les travaux rassemblés ont certes tous au moins un point commun, qui a servi de

principe à la constitution de notre corpus : ils prennent tous pour objet, exclusif ou

partiel, une conception particulière des /partis européens/, c'est-à-dire du phénomène de

rapprochement et de coopération, plus ou moins formalisé, entre partis politiques

nationaux en Europe42, auquel ils appliquent une des formes constatées du label partisan

européen. Mais ce que ce label désigne dans chaque cas concret repose sur des choix de

référent qui peuvent s’avérer très divers. Au-delà de l’acte de nomination, il n’est en

effet pas équivalent, et quels que soient les labels utilisés par chaque auteur,

d’entreprendre la description d’une réalité concrète existante (à travers une

« référenciation »43 plus ou moins précise) que de développer une définition idéale ou

idéaltypique de /partis européens/ virtuels. Chaque référence du corpus pouvant

d’ailleurs évidemment combiner les deux postures dans des proportions diverses. Cette

42 C’est là, si l’on veut utiliser les termes des sémanticiens, l’ « archisémème » de tous les labels partisans européens repérés, c'est-à-dire leur unité de sens commune, obtenue par recoupement des unités de sens (« sèmes ») composant ensemble le sens (ou le « sémème ») de chaque label particulier. Voir POTTIER, Bernard, Linguistique générale. Théorie et description, Paris, Klincksieck, 1974 : « Chaque trait considéré comme distinctif relativement à un ensemble est un sème. L’ensemble des sèmes caractérisant un morphème est un sémème [...]. Si l’on fait l’intersection des sémèmes d’une série, on a un archisémème, qui peut avoir dans la langue un signe caractérisé par cette même substance » (p. 62-63). 43 Voir les entrées « Référenciation » et « Référent » dans DETRIE, Catherine, SIBLOT, Paul, VERINE, Bertrand (dir.), Termes et concepts pour l’analyse du discours. Une approche praxématique, Paris, Honoré Champion, 2001 : « Référenciation. Acte qui consiste, pour un énonciateur, à désigner un référent à travers l’actualisation d’une séquence linguistique, et résultat de cet acte » ; « Référent. Le référent est la réalité extralinguistique désignée par le signe en usage. Saussure en fait un troisième terme, dissocié du noyau dur signifiant / signifié. Mais il se laisse aller, à plusieurs reprises, à confondre signifié et référent, comme le fait remarquer Benvéniste [...] Le référent, par ailleurs, s’il est nécessairement autre chose que le signe, n’est pas forcément une réalité du monde : le terme chimère par exemple renvoie à une réalité référentielle mais non à une réalité objectale. » (p. 293).

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

249

double posture possible à l’égard des /partis européens/ – description d’un référent

existant, d’un côté, et, de l’autre, définition idéale ou idéaltypique, qui va parfois

jusqu’à la prescription – transparaît ainsi à la fois dans les labels utilisés et dans les

discours qu’on tient à leur propos et par lesquels chaque auteur peut chercher, dans des

mesures diverses, à prendre ou au contraire à donner la mesure de l’objet considéré. Au

total, les 583 labellisations repérées dans les 177 références accessibles de notre corpus

se répartissent comme suit : 380 ont un référent « actuel » (65,2 %) et 203 (34,8 %) un

référent « virtuel »44.

Il faut cependant souligner que, si les référents existants ou « actuels » sont

majoritaires, ils peuvent renvoyer à des organisations très diverses, parlementaires ou

extraparlementaires, par exemple. Dans le premier cas, il peut s’agir des groupes

politiques organisés dans les différentes assemblées parlementaires transnationales

mises en place en Europe depuis 194945 : « Assemblée consultative » du Conseil de

l’Europe46 ; « Assemblée commune » de la Communauté européenne du Charbon et de

l’acier (CECA)47 puis « Assemblée parlementaire européenne »48 ; « Assemblée » de

44 Nous empruntons à Jean-Claude Milner la distinction lexicale entre « référence actuelle » et « référence virtuelle », mais nous lui donnons un sens différent ici. Pour Milner, chaque unité lexicale possède à la fois une « référence actuelle » (le « segment de réalité », concret ou abstrait, qu’elle désigne) et une « référence virtuelle » (l’ensemble des conditions que doit satisfaire ce segment de réalité pour pouvoir servir de référence actuelle à l’unité lexicale en question). Voir à ce sujet : MILNER, Jean-Claude, « Réflexions sur la référence et la coréférence », dans MILNER, Jean-Claude, Ordres et raisons de langue, Paris, Seuil, 1982, p. 9-17. 45 On ne cite pas dans cette liste les assemblées de type parlementaires du « Conseil nordique » et du « Benelux », dont certaines publications néanmoins font mention dans notre corpus (n°286 par exemple). Sur l’importance de prendre en compte l’ensemble des assemblées parlementaires instituées en Europe à partir de 1949, voir notamment : COHEN, Antonin, « L’autonomisation du « Parlement européen ». Interdépendance et différenciation des assemblées parlementaires supranationales (années 1950-années 1970) », Cultures & Conflits, n°85-86, 2012, p. 13-33 ; COHEN, Antonin, « De congrès en assemblées. La structuration de l’espace politique transnational européen au lendemain de la guerre », Politique européenne, n°18, 2006, p. 105-125. 46 Qui tient sa première session le 10 août 1949. 47 Première session le 10 septembre 1952. 48 Première session le 19 mars 1958, l’ « Assemblée parlementaire européenne », organe commun aux trois communautés (CECA, CEE et CEEA), remplaçant alors l’ « Assemblée commune » de la CECA. L’ « Assemblée parlementaire européenne » prend le nom de « Parlement européen » sur décision de ses membres en mars 1962, « agoronyme » qui ne sera reconnu officiellement dans les traités communautaires que par l’Acte unique européen du 17 février 1986. Sur le néologisme « agoronyme » et un exemple d’étude onomastique des appellations des assemblées parlementaires, voir : BACOT, Paul, « La légitimation par la dénomination. L’agoronyme comme discours argumentatif », dans BACOT, Paul, La construction verbale du politique. Etudes de politologie lexicale, Paris, L’Harmattan, 2011, p. 145-168.

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

250

l’Union de l’Europe occidentale (U.E.O.)49 ; ou encore « Assemblée de l’Atlantique

nord »50. Dans le deuxième cas, il peut s’agir, selon la publication considérée51 : des

« Internationales » de partis52 ; des différentes instances partisanes régionales53 de

coopération politique généraliste54 ; des mouvements « fédéralistes » ou « européistes »,

militant spécifiquement pour une unification européenne, qu’ils soient transpartisans55

49 Dont la première session a lieu le 5 juillet 1955, et qui est composée des représentants des parties signataires du Traité de Bruxelles créant l’U.E.O. à l’Assemblée consultative du Conseil de l’Europe. 50 Cette assemblée, qui n’a pas de lien officiel avec l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (O.T.A.N.), a été créée sur initiative des parlements nationaux des pays membres de l’O.T.A.N. en 1955, sous la forme d’une « Conférence des membres des parlements des pays de l’O.T.A.N. ». Ces conférences annuelles ont été institutionnalisées à partir de 1966 sous le nom d’ « Assemblée de l’Atlantique nord ». 51 Et sans que l’appartenance de chaque référent à l’une des catégories suivantes ne soit toujours exclusive, certains pouvant relever, selon les époques, de l’une et de l’autre. 52 Sous ce vocable, les publications font référence à une ou plusieurs des organisations suivantes : l’ « Union mondiale des partis libéraux », créée en avril 1947 ; l’ « Internationale socialiste » refondée par la Charte de Francfort du 3 juillet 1951 ; l’ « Union mondiale démocrate chrétienne », fondée en juillet 1961. 53 La « région » européenne peut être, selon les référents considérés, plus ou moins large : certains regroupements concernent ainsi l’Europe « communautaire » définie par l’appartenance à l’ensemble CECA-CEE-CEEA. D’autres, plus larges, renvoient à l’ « Europe » du Conseil de l’Europe, plus ou moins exactement. 54 Les principaux référents de ce type dans le corpus concernent les « familles » démocrate chrétienne et socialiste/social-démocrate. Comme déjà évoqué dans l’introduction générale, il s’agit pour les démocrates chrétiens des « Nouvelles équipes internationales », créées en mars 1947 et transformées en décembre 1965 en « Union européenne des démocrates chrétiens » (UEDC), ainsi que de la « Conférence des présidents et secrétaires généraux des partis démocrates-chrétiens », créée en 1958 et remplacée à partir d’avril 1970 par une « Conférence des groupes parlementaires et des partis démocrates-chrétiens des Six Etats membres des Communautés Européennes », qui servira de base organisationnelle à la création du PPE en 1976 ; pour les socialistes et sociaux-démocrates, il s’agit du « Bureau de liaison des partis socialistes de la Communauté économique européenne », créé en janvier 1957 qui devient en avril 1974 l’Union des partis socialistes de la Communauté européenne (UPSCE) , ainsi que du « Congrès des partis socialistes et sociaux-démocrates de la Communauté européenne » qui se réunit à peu près tous les deux ans à partir de juin 1957. 55 Au premier rang desquels le « Mouvement européen » de Duncan Sandys et Józef Hieronim Retinger, formalisé en octobre 1948 suite au Congrès de la Haye, qui tient évidemment une place centrale, avec dans une moindre mesure l’Union européenne fédéraliste (UEF) de Denis de Rougement, Alexandre Marc et Altiero Spinelli, créée en décembre 1946. Mais d’autres mouvements « européistes » transpartisans sont également mentionnés explicitement dans notre corpus en tant qu’éléments non plus des mais plutôt du « parti européen » (on verra plus loin quelle différence est faite entre le singulier et le pluriel) : le « Comité d’Action pour les Etats-Unis d’Europe » de Jean Monnet, par exemple, créé en octobre 1955 ; l’ « Union pan-européenne » fondée en 1926 par Richard Coudenhove-Kalergi et relancée en 1947 par la création de l’ « Union parlementaire européenne » ; la « Ligue européenne de coopération économique » (LECE), créée en 1947 par Paul Van Zeeland et Jósez Hieronim Retinger.

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

251

ou au contraire structurés par affinités idéologiques56 ; ou, encore, de tentatives de

structuration organisationnelle autonome par rapport aux partis nationaux existants57.

Notre but n’est pas ici de faire l’histoire générale de ces organisations

parlementaires ou extraparlementaires, mais de montrer que les potentiels référents

« actuels » pour les /partis européens/ sont légion. Un autre intérêt du recensement des

différents types de référents concrets possibles, réside dans ces « référents oubliés » que

la codification particulière de Maastricht a conduit à évincer plus ou moins

complètement de toute réflexion postérieure sur les /partis européens/, selon un

processus désormais bien étudié de « rationalisation historique » a posteriori58. En

mettant en évidence la diversité des référents possibles, y compris ceux que la

codification de Maastricht n’a pas permis de « retenir », cette étude rend ainsi apparent

le processus permanent de « réglage du sens »59 des catégories du langage, qui

s’applique de la même manière aux catégories du langage « politique »60. Celles-ci sont

loin d’être des « données » naturelles qui exprimeraient une réalité univoque : elles sont

toujours le produit instable, et incertain, d’un processus constant de construction

langagière, et donc sociale.

Bien sûr, le choix du ou des référents « actuel(s) » dans chaque publication dépend

en partie de leur « disponibilité » historique. Pour qu’on puisse se référer aux groupes

politiques du PE, par exemple, sous l’un des labels partisans européens, encore faut-il

56 Principalement le « Mouvement pour les Etats-Unis socialistes d’Europe », créé en février 1947, transformé en novembre 1948 en « Mouvement socialiste pour les Etats-Unis d’Europe » (MSEUE), puis en 1961 en « Mouvement de la gauche européenne » ; et le « Mouvement libéral pour une Europe unie », créé en 1952 comme organisation autonome, puis intégré à l’ « Union mondiale des partis libéraux » en 1972 en tant que groupe régional. 57 Comme par exemple la tentative menée par le député travailliste néerlandais du PvdA, Henk Vredeling, de structurer un « Parti progressiste européen » entre 1968 et 1972, sur laquelle on reviendra. 58 « Processus d’amnésie » omniprésent et décrit, par exemple, par Alain Garrigou dans son étude de l’instauration de l’isoloir (GARRIGOU, Alain, « Le secret de l’isoloir », Actes de la recherche en sciences sociales, 1988, vol. 71-72, p. 22-45). Ces « rationalisations historiques » sont opérées a posteriori par les acteurs en position d’imposer « un récit des origines » standard, comme le montrent bien, sur des terrains différents, Brigitte Gaïti (GAÏTI, Brigitte, De Gaulle prophète de la Cinquième République, Paris, Presses de Sciences Po, 1998, p. 53 et suivantes) et Antonin Cohen (COHEN, Antonin, « Le « père de l’Europe ». La construction sociale d’un récit des origines », Actes de la recherche en sciences sociales, n°166-167, 2007, p. 19 et suivantes). 59 Voir DETRIE, Catherine, SIBLOT, Paul, VERINE, Bertrand, Termes et concepts pour l’analyse du discours. Une approche praxématique, Paris, Honoré Champion, 2001, entrée « Réglage du sens ». 60 On commence également à percevoir la difficulté qu’il peut y avoir à distinguer encore « catégories de la pratique » et « catégories d’analyse » lorsque, comme pour notre objet, langage « indigène » et « savant » se trouvent si étroitement imbriqués. On le verra plus clairement quand on se penchera dans le chapitre suivant sur les caractéristiques et les positions des acteurs qui tiennent ces discours.

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

252

(cela semble peut-être évident) que cette assemblée particulière existe de fait et que des

groupes politiques y aient été constitués. De manière plus générale, le choix des

référents pourrait ainsi sembler « dicté » en quelque sorte par les évolutions historiques

des systèmes politiques considérés, certains référents étant de ce fait plus « indiqués »

que d’autres à une époque donnée. Les choses sont pourtant, encore une fois, plus

compliquées qu’elles n’en ont l’air en première approche.

D’abord, parce qu’on constate que des auteurs utilisent, au même moment, un label

identique pour désigner des organisations concrètes de nature et de type très différents.

En 1970, par exemple, deux publications61 emploient une forme équivalente du label

partisan européen en allemand et en français (europäische Parteien et partis européens)

pour désigner respectivement (et exclusivement) les groupes politiques du « Parlement

européen », d’un côté, et des organisations extraparlementaires62, de l’autre, tandis que

deux autres63 utilisent encore le même label, en anglais et en français (European parties

et partis européens) pour désigner l’association de ces deux types d’organisations

parlementaires et extraparlementaires.

De même, un seul référent peut être désigné, au même moment, par des labels

multiples64. En 1980, pour citer un exemple postérieur aux premières élections

européennes de 1979 et à la constitution de l’« union des partis socialistes de la

Communauté européenne (UPSCE), de la « fédération des partis libéraux et

démocrates » (LDE) et du « parti populaire européen » (PPE) entre 1974 et 1976, ces

organisations extraparlementaires peuvent être regroupées sous des labels partisans

61 N°43 et n°46. 62 Qui seraient autonomes des partis nationaux, sur le modèle du « Parti progressiste européen » décrit par le député européen néerlandais Henk Vredeling dans la publication n°47. 63 N°47 et n°48. La publication n°46 et n°47 ont le même auteur, Henk Vredeling, ce qui montre qu’il peut exister une indétermination y compris chez un même auteur et à une même date. 64 Qui peuvent être très différents, y compris chez le même auteur. On trouve par exemple, pour désigner les mêmes groupes politiques à l’ « Assemblée parlementaire européenne », deux labels distincts chez Ernst Haas, la même année : supranational political parties (n°7 du corpus : HAAS, Ernst, « The Challenge of Regionalism », International Organization, XII, 1958, p. 440-458) et Assembly parties (n°8 : HAAS, Ernst, The Uniting of Europe : Political, Social and Economical Forces, 1950-1957, Londres, Stevens & Sons, 1958). Lui-même utilise encore un autre label (political groups, sans autre précision) en 1960 (n°12 : HAAS, Ernst, Consensus Formation in the Council of Europe, Berkeley, University of California Press, 1960). D’autres labels circulent pour le même objet au même moment, comme politieke partijen op europese niveau et son équivalent anglais political parties at the European level, utilisés par Guy Van Oudenhove dans sa thèse de doctorat (n°22 : VAN OUDENHOVE, Guy, De politieke partijen in het Europese Parlament. Een Tienjarig experiment (september 1952-september 1962) ou encore supranational parliamentary parties (n°29 : ZELLENTIN, Gerda, « Form and Function of the Opposition in the European Communities », Government and Opposition, vol. 2, n°3, 1967, p. 416-435).

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

253

divers65, tout en ne monopolisant pas les labels partisans européens qui continuent à

renvoyer également à l’association de ces organisations avec les groupes parlementaires

du PE66 ou même simplement aux partis nationaux des différents Etats « européens »67.

Le même label peut donc « étiqueter » au même moment divers référents, prouvant

par là que les évolutions institutionnelles et sociales ne créent pas d’elles-mêmes,

« naturellement », la manière dont on parle d’elles.

Une deuxième raison pour laquelle le processus de labellisation des /partis

européens/ doit être largement « déconnecté » des évolutions historiques des institutions

concrètes étudiées tient à une différence plus essentielle. En effet, comme nous l’avons

déjà souligné, toutes les labellisations ne renvoient pas forcément à des entités concrètes

qui existent au moment où on en parle : de nombreux auteurs ne font ainsi pas référence

directement à des /partis européens/ concrets, « actuels », mais bien à des /partis

européens/ abstraits, « virtuels ». Si on choisit un référent « virtuel », le label partisan

européen utilisé désignera donc un type abstrait d’organisation « idéaltypique ».

Il est ainsi très courant de prendre pour référent une virtualité politique, qui n’existe

qu’au conditionnel au moment où l’on parle, dans la mesure où l’on cherche à définir

les conditions auxquelles elle devrait répondre. Un même label peut d’ailleurs, selon les

cas, renvoyer à des organisations existantes ou bien caractériser un idéaltype des /partis

européens/ qu’on cherche à définir. Ainsi, la formulation française partis européens (ou

sa variante partis politiques européens) est utilisée 23 fois dans un sens idéaltypique68

dans notre corpus contre 4 fois seulement pour désigner l’existant69.

On constate néanmoins que les labellisations « à référent virtuel » tendent à

diminuer progressivement tout au long de la période, passant de plus de 60 % en

moyenne annuelle des labellisations repérées de 1954 à 1973, à 32,5 % de moyenne

annuelle entre 1973 et 1983, et finalement 16,7 % en moyenne entre 1983 et 1992. Mais

65 N°215 (labels utilisés : confederazioni partitiche europee et cosidetti partiti europei) et n°216 (label utilisé : transnational party federations). 66 N°217 (label utilisé : fédérations européennes et protopartis). 67 N°218 (label utilisé : europäische Parteien pour les partis nationaux / europäische Parteiföderationen pour les organisations extraparlementaires existantes à qui l’auteur dénie explicitement le « titre » de « parti européen »). 68 Dans les 21 publications du corpus suivantes : n°5, 15, 25, 34, 48, 51, 57, 58, 65, 66, 67, 76, 124, 135, 154, 197, 224, 236, 263, 266, 267. 69 Dans les publications n°153, 154, 195, 197.

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

254

le nombre de labellisations « à référent virtuel » est toujours relativement important à la

fin des années 1980 et jusqu’à la codification de 1992, malgré l’uniformisation

progressive des usages induite par la visibilité nouvelle des organisations existantes

(extraparlementaires et parlementaires) du fait de l’élection directe du PE à partir de

1979.

La variété constatée des référents exprime ainsi une différenciation des

conceptualisations possibles des /partis européens/ dans les discours savants. La

distinction entre référent actuel et virtuel pourrait laisser penser que ces discours se

résument à deux points de vue, ou à deux « postures » principales, compatibles avec ce

qu’on peut attendre d’un discours à prétention « scientifique » : d’un côté, la description

axiologiquement neutre de référents actuels observables ; de l’autre, la définition

abstraite de référents virtuels idéaltypiques. Pourtant, l’étude plus détaillée des

différentes manières de parler de ces deux types de référents montre que les postures

effectives sont plus nombreuses et que certaines se rapprochent grandement de la

posture revendicative constatée chez les acteurs politiques de la promotion de l’article

138a.

II.2 –Postures du discours sur les /partis européens/ :

description, définition, prescription, appréciation et prévision

L’analyse générale du contenu du corpus montre que les discours sur les /partis

européens/ peuvent adopter, exclusivement ou en combinaison, l’une ou l’autre des

postures suivantes : description, définition, prescription, appréciation et prévision. Ce

constat repose sur une lecture « qualitative » des 177 publications accessibles du corpus,

qu’il est difficile de « quantifier » dans des décomptes généraux puisque beaucoup de

publications combinent des traits qui relèvent de plusieurs de ces modalités. On peut

néanmoins donner, à titre indicatif, le tableau de répartition suivant70 :

70 Ont été placées dans les trois premières rubriques les publications qui relèvent exclusivement ou quasi exclusivement de la posture indiquée.

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

255

Les postures du discours sur les /partis européens/

posture discursive nombre de publications

description 74

définition 32

prescription 31

combinaisons diverses (dont prévision et appréciation)

40

Total 177

Comme on le voit, la posture de description « pure » est largement majoritaire

(41,8 %), les postures relevant exclusivement de la définition et de la prescription

regroupant de leur côté une proportion équivalente de publications. Diverses

combinaisons entre ces trois postures existent néanmoins dans un nombre important de

publications, parmi lesquelles apparaissent également, à la lecture, deux autres postures

qui n’existent pas isolément : l’appréciation et la prévision. Celles-ci, comme on va le

voir, ne peuvent logiquement que venir compléter un discours qui est déjà forcément

descriptif, définitionnel ou prescriptif.

Ces cinq types de postures développés sur les /partis européens/ par les auteurs de

notre corpus peuvent être décrits sur le modèle, métaphorique, des temps et modes

verbaux, ce qui permet de mieux fixer les différences entre ces postures, sans pour

autant les réifier. Par l’analyse de ces différentes postures, on entend montrer que le

positionnement des promoteurs de l’article 138a, perceptible dans les discours de

justification analysés dans la première partie pourrait être décrit sur ce modèle comme

un positionnement prescriptif fondé sur une évaluation fortement positive d’un référent

à la fois actuel et virtuel (les « partis européens » tels que définis dans la lettre du 1er

juillet 1991). Mais, plus largement, nous voudrions montrer comment cette posture

particulière s’intègre dans une formation discursive plus vaste, révélée par le corpus de

discours savants étudiés, et dont elle n’est qu’une des variantes, la lutte pour la

codification de la catégorie de /partis européens/ étant engagée depuis bien plus

longtemps dans l’espace des discours.

L’ indicatif de la posture descriptive, tout d’abord. Celle-ci est la plus simple à isoler

en apparence, puisque, dans sa forme « pure », elle se contente de choisir, d’indiquer un

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

256

référent existant pour en donner les traits qui paraissent les plus essentiels à l’auteur,

l’histoire, les fonctions et éventuellement fournir une explication de son apparition.

Fondée sur l’observation de /partis européens/ labellisés comme tels, elle les désigne à

notre attention et se propose d’en rendre compte et d’en retracer le passé et le présent71 :

« La collaboration des partis politiques s’est développée d’une part au plan international et d’autre part au plan européen. Ces groupes de promotion partisans ont permis aux partis politiques, à leurs états-majors, et à leurs dirigeants et militants, de prendre une part active à la promotion de l’idée européenne. Quel est le rôle actuel de ces mouvements partisans ? Note-t-on une tendance des partis à se doter – en particulier au sein de la Communauté – d’une organisation plus solide ? Les partis socialistes disposent d’une organisation structurée à plusieurs étages : le Congrès des partis socialistes de la CE, le Bureau de liaison des mêmes partis, ainsi que le groupe socialiste du PE, son bureau et son secrétariat. Une tendance similaire bien que moins affirmée s’observe dans la collaboration des partis démocrates-chrétiens de la CE. Ces nouvelles structures se sont constituées à partir de la collaboration au sein des groupes parlementaires du PE. Ces diverses formes de collaboration organisée seraient-elles des embryons de fédérations communautaires de partis ou de partis européens ? La réponse à cette dernière question tient d’avantage de la prospective que de l’observation. »72

On le voit par cet exemple représentatif, la posture descriptive observe et interroge

le réel en rejetant, implicitement ou comme ici explicitement, la posture « prospective ».

Elle compare des faits et pose des problèmes, auxquels d’ailleurs elle ne cherche pas

forcément à répondre.

Parallèlement à cette « manière de dire » qui décrit un état de fait, on trouve une

autre posture, complémentaire, qui adopte un point de vue différent ainsi qu’un autre

mode verbal, le conditionnel. Plutôt qu’observer, elle pose ; et plutôt que décrire des

faits, elle définit des conditions générales que doivent remplir des organisations, quelles

qu’elles soient, pour pouvoir « mériter » le label de /partis européens/, label qui devient

dans cette posture une sorte de « titre d’authenticité », de marque de conformité, comme

le montrent les exemples ci-dessous :

71 Et éventuellement le futur, mais nous avons choisi de mettre les futurs de la prévision dans une catégorie à part, comme on va l’expliquer plus bas. 72 N°34 du corpus : SIDJANSKI, Dusan, « Les partis politiques et l’intégration européenne », Comunicación social e integración europea, Barcelona, Instituto de Ciencias sociales, 1968, p. 387-402 (ici p. 394).

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

257

« However, if these parliamentary groupings are to develop into real European political parties, their activities will have to be coordinated with those of electoral parties organized on European and not national lines. »73

« Sozialistischen Fraktion des EP, in der wohl die integrierteste Form einer transnationalen Zusammenarbeit zwischen Parteien erreicht worden ist und die sich am ehesten dem Idealtypus einer föderalistischen Partei annähert [...]. »74 « A nouvelle fonction, nouvelle organisation. On supposera raisonnablement que les divers groupes à l’Assemblée élargiraient leurs organisations communes qui tendraient à intégrer les partis nationaux dans des espèces de fédérations européennes. Ces organismes supranationaux seraient une projection des trois grandes tendances qui caractérisent l’Assemblée, ainsi que la physionomie de la Communauté. »75

On retrouve ici les modalisateurs adjectivaux (real, véritables, proto-) de certains

labels qui évaluent la conformité à un modèle, à une définition générale de ce que serait

l’ idéaltype des /partis européens/, qui n’existent ici qu’au conditionnel. Dans cette

posture, les organisations existantes ne constituent en fait pas l’objet du discours : celui-

ci porte plutôt sur la définition des conditions à satisfaire, dans l’absolu, pour pouvoir

être qualifié « légitimement » de /parti européen/. L’enjeu de ces textes n’est donc pas

tant l’observation que la modélisation, comme on le voit bien par exemple dans

certaines publications du corpus, comme la thèse de Norbert Gresch76 ou celle d’Oscar

Niedermayer77, qui visent explicitement à mettre au point un modèle théorique général

73 N°20 du corpus : LINDBERG, Leon, The Political Dynamics of European Economic Integration, Stanford, Stanford University Press, 1963, p. 91 (Lindberg cite l’ouvrage de Maurice Duverger, Les partis politiques, à l’appui de sa proposition conditionnelle) (traduction : « Cependant, si ces groupements parlementaires devaient se développer pour devenir de réels partis politiques européens, leurs activités devraient être coordonnées avec celles de partis électoraux organisés sur des lignes européennes et non nationales »). 74 N°79 : GRESCH, Norbert, « Zwischen Internationalismus und Nationaler Machtbehauptung – die europäische Zusammenarbeit der Sozialdemokratischen Parteien », dans IEP, Zusammenarbeit der Parteien in Westeuropa. Auf dem Weg zu einer neuen politischen Infrastruktur ?, Bonn, Europa Union Verlag, 1976. p. 143-249 (ici p. 161). (traduction : « Le groupe socialiste au PE, par lequel a été atteinte la forme de loin la plus intégrée d’une coopération transnationale entre partis, et qui se rapproche au plus près de l’idéaltype d’un parti fédéraliste [...] »). 75 N°16 : SIDJANSKI, Dusan, « Où va la démocratie européenne? », Politique - Revue internationale des doctrines et des institutions, n°15, 1961, p. 241-253 (ici p. 248) 76 N°105 : GRESCH, Norbert, Transnationale Parteienzusammenarbeit in der Europäischen Gemeinschaft, Baden-Baden, Nomos, 1978 (voir notamment p. 77 pour une définition « idéaltypique minimale » (« idealtypische Minimaldefinition ») de ce que l’auteur entend par transnationale Parteienkoalitionen (« coalition de partis transnationales »), l’un des 11 labels différents qu’il utilise dans sa thèse pour désigner les /partis européens/ qu’il étudie). 77 N°233 du corpus : NIEDERMAYER, Oskar, Europäische Parteien ? Zur grenzüberschreitenden Integration politischer Parteien im Rahmen der Europäischen Gemeinschaft, Francfort s/ le Main, Campus, 1983.

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

258

qui permette de juger du degré de conformité des organisations présentes à des /partis

européens/ qui seraient authentiquement « intégrés »78.

La posture de la définition pose ainsi une série de critères à respecter si l’on veut

pouvoir parler de « vrais » /partis européens/. Mais l’énoncé de ces conditions créé une

possibilité discursive corrélative : une fois ces conditions posées, il devient79 en effet

pensable de chercher à les imposer, de faire des /partis européens/ un impératif80 :

« However, the parties’ role must be active as well as passive. [...] The diverse interests must be aggregated and a degree of consensus established. This is a function that in West European society must fall heavily on political parties. The closer Europe moves towards unity, the greater the need for parties to establish close and institutionalized links with their equivalents in other countries. »81 « Die Parteien sind ein Grundelement des modernen Staates und der modernen Demokratie. Wenn Europa entstehen sollen, müssen sich die Parteien von nationalen zu europäischen Willensbildunginstrumenten transformieren. »82

« Les partis ne prennent guère d’initiative en vue de leur regroupement, s’opposant même aux tentatives faites dans ce sens. Ceci est vrai pour les socialistes comme pour les autres. [...] Il faut donc repartir de la base pour créer

78 Nous nous permettons de renvoyer pour plus de détails, et notamment l’explication du modèle des trois « stades d’intégration », à une étude qui présente le « modèle Niedermayer » : ROA BASTOS, Francisco, « Des « partis politiques au niveau européen » ? Etat des lieux à la veille des élections européennes de juin 2009 », étude pour « Notre Europe », Etudes & Recherches, n°71, mai 2009, disponible en ligne, (http://www.notre-europe.eu/fr/axes/democratie-en-action/travaux/publication/des-partis-politiques-au-niveau-europeen-etat-des-lieux-a-la-veille-des-elections-europeennes-de/). 79 Il est en fait tout à fait possible de prescrire avant de définir ou même de prescrire sans jamais définir : l’antériorité qui semble impliquée ici n’est en fait qu’une antériorité logique dans l’espace-temps verbal du discours produit, et non une antériorité chronologique dans l’espace-temps social de la production des discours. 80 On ne trouve pas, grammaticalement parlant, de verbes « à l’impératif » proprement dit dans les discours prescriptifs de notre corpus, mais comme les exemples ci-dessous le montrent, la valeur modale d’obligation et / ou de devoir (que l’impératif exprime principalement) y est très présente et nous permet de filer la métaphore des modes verbaux engagée ci-dessus. 81 N°37 : HENIG, Stanley, « Introduction » et « Conclusion », dans HENIG, Stanley, PINDER, John (dir.), European Political Parties. A Handbook, New York, Washington, Political and Economic Planing PEP / Praeger Publishers, 1969, p. 11-20 et p. 500-528 (ici p. 19). (traduction : « Cependant, le rôle des partis doit être actif aussi bien que passif. [...] Les intérêts divers doivent être agrégés et un degré de consensus établi. Voilà une fonction qui, dans la société d’Europe de l’Ouest, doit reposer largement sur les partis politiques. Plus l’Europe s’avance vers l’unité, plus la nécessité pour les partis d’établir des liens étroits et institutionnalisés avec leurs homologues dans d’autres pays s’accroît »). 82 N°43 : PÖHLE, Klaus, « Die Notwendigkeit europäischer Parteien auf dem Wege zur europäischen Sozialdemokratie », Internationales Europaforum, 1970, n°2, p. 89-93 (ici p. 89). (traduction : « Les partis sont un élément fondamental de l’Etat moderne et de la démocratie moderne. Si l’Europe veut advenir, les partis doivent se transformer et passer d’instruments nationaux de formation des volontés à instruments européens »).

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

259

ce parti socialiste supranational, lui donner un souffle et une légitimation populaire. »83

Qu’on préconise comme nécessaire la création de « partis européens »84 ou qu’on

refuse d’en faire un « objectif immédiat » pour au contraire avancer d’autres

impératifs85, on se place ici dans une nouvelle posture. L’adopter, c’est non plus

chercher seulement à délimiter des conditions de faisabilité, mais bien prescrire (ou

proscrire) les moyens de les rendre opératoires et opérationnelles. De l’affirmation des

conditions de nécessité théorique pour rendre pensables les /partis européens/, on passe

ici à une nécessité de faire (ou de ne pas faire) ces /partis européens/.

Indicatif, conditionnel et impératif : voilà donc trois modalités de composition du

« savoir » qui expriment des « prises de position » différentes sur les /partis européens/,

tout en contribuant, ensemble, à les construire et à consolider leur position dans

l’univers des discours. Mais pour être complet sur la diversité des nuances

d’énonciation des discours sur les /partis européens/, il faut encore rajouter deux types

de modalisations qui sont un peu particulières, dans la mesure où elles se combinent à

ces trois formes premières : l’appréciation et la prévision.

Prolongeant un peu plus notre « concordance des temps » métaphorique, on pourrait

assimiler l’appréciation (ou évaluation), au mode subjonctif. Comme lui, la posture

appréciative porte la marque d’une subjectivité et se trouve subordonnée à l’une des

trois postures principales que nous avons dégagées. Qu’il porte sur une description, une

définition ou une prescription, le discours appréciatif dénote en effet une nuance

83 N°40 du corpus : MONTAUT, René, « Comité d’initiative pour la création d’un Parti socialiste européen – Rapport sur la stratégie », Note dactylographiée datée du 31 mai 1969 à Agen, Fonds Otto Molden, carton OM-85, Archives Historiques de l’Union européenne (AHUE), p. 6. 84 « [Les partis politiques européens] sont nécessaires à la fois pour sensibiliser l’opinion, mais aussi pour maintenir une certaine logique ou cohésion politique entre la Communauté et ses Etats membres », N°92 : SCHWED, Jean-Joseph, « Le Parlement européen et son élection au suffrage universel direct », Revue du Marché Commun, n°192, 1976, p. 20-27 (ici p. 26). 85 « Ainsi à mon avis tout converge pour détourner l’action européenne de faire de la création de « partis européens » un objectif immédiat dans les circonstances présentes. Il faut continuer à maintenir dans les partis nationaux une « conspiration européenne » enjambant les frontières de nations et de partis. Cette « conspiration » doit avoir pour premier objectif de réaliser l’élection au suffrage universel prévue par les Traités. La bataille électorale doit se faire dans le cadre des partis nationaux [...] », n°67 : VEDEL, Georges, « Le problème des partis politiques à l’échelle européenne », dans A.E.P.E., « Des partis à l’échelle européenne », Les Problèmes de l’Europe, n°64, 1974, p. 50-53 (ici p. 52).

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

260

affective sur ce qui est dit des /partis européens/ en exprimant un jugement de valeur

évaluatif, il donne à voir une « attitude d’approbation ou de désapprobation »86 :

« Da der Verfasser von der Prämisse ausgeht, daß « Integration » [...] potentiell friedensfördernd und transnationale Koalitionsbildung von Parteien ein Teil von politischer Integration ist – und vor allem zu ihrer demokratischen Legitimation beiträgt, wurde das Erreichen einer solchen transnationalen Koalition als positive Norm angesehen, von der sich die in die Darstellung einfließenden Wertungen des Verfassers ableiten. »87 « D'aucuns s'étonneront du ton provocateur de notre communication. [...] Le propos de ce texte est de formuler – à partir de la science politique – une interpellation aux euro-députés et aux animateurs des fédérations européennes de partis. [...] C’est que l’unité européenne revêt pour nous une charge émotive qui nous interdit la distance critique qu'impose notre théorie habituelle. »88 « Such transnational links and organisations form one component in the socio-political infrastructure of the EC. This is a remarkable asset for the Community and EC integration, irrespective of the list of weaknesses and restrictions mentioned above. »89

Cette posture subjective montre que le discours savant sur les /partis européens/ peut

s’écarter, de manière plus ou moins assumée, de l’affichage « axiologiquement

neutre »90 qui est celui d’un discours revendiquant le passage du « seuil de

86 « [...] nous entendons par « évaluation » [Wertung], l’appréciation [Bewertung] pratique d’un phénomène sur lequel notre activité peut exercer une influence en adoptant à son égard une attitude d’approbation ou de désapprobation », WEBER, Max, « Le sens de la « neutralité axiologique » », dans WEBER, Max, Essais sur la théorie de la science, Paris, Plon, 1965, p. 401-477 (ici p. 401). 87 N°105 : GRESCH, Norbert, Transnationale Parteienzusammenarbeit in der Europäischen Gemeinschaft, Baden-Baden, Nomos, 1978 (ici p. 19-20). (traduction : « Puisque l’auteur part de la prémisse que l’ « intégration » [...] est potentiellement porteuse de paix et que la construction de coalitions transnationales de partis est une partie de l’intégration politique – et contribue surtout à sa légitimation démocratique – le fait de parvenir à de telles coalitions a été considéré comme un précepte positif qui dérive des valeurs ancrées dans la représentation de l’auteur ». 88 N°236 : SEILER, Daniel-Louis, « Les fédérations de partis au niveau communautaire », dans HRBEK, Rudolf, JAMAR, Joseph, WESSELS, Wolfgang (dir.), Le Parlement européen à la veille de la deuxième élection au suffrage universel : Bilan et perspectives. Actes du Colloque organisé par le Collège d’Europe et l’Institut für Europäische Politik (Bruges, les 16, 17 et 18 juin 1983), Tempelhof, 1984, p. 459-507 (ici p. 460). 89 N°262 : HRBEK, Rudolf, « Transnational links : the ELD and Liberal Party Group in the European Parliament », dans KIRCHNER, Emil J. (dir.), Liberal parties in Western Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 1988, p. 455-469 (ici p. 468). (traduction : « De tels liens transnationaux et de telles organisations forment une composante de l’infrastructure socio-politique de la CE. C’est un atout remarquable pour la Communauté et pour l’intégration communautaire, nonobstant la liste de faiblesses et restrictions mentionnées plus haut »). 90 WEBER, Max, « Le sens de la « neutralité axiologique » », dans WEBER, Max, Essais sur la théorie de la science, Paris, Plon, 1965, p. 401-477.

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

261

scientificité »91, et qu’il répond, au moins partiellement, à d’autres critères de validité, y

compris chez des titulaires de positions académiques reconnues92. Ces « écarts » à la

norme académique93 ne font que confirmer que les discours savants sur les /partis

européens/ mêlent différents types de savoirs et d’attitudes pratiques vis-à-vis de cet

objet.

Enfin, la prévision occupe elle aussi une place à part dans notre tableau des discours

savants sur les /partis européens/, dans la mesure où elle peut y figurer à divers endroits,

s’ajoutant comme l’appréciation aux précédentes postures isolées. Formellement, elle

correspond en fait au futur de l’indicatif et devrait dès lors être rattachée en priorité à la

posture descriptive : prévoir le futur des /partis européens/, c’est d’abord décrire leur

état à venir probable. Mais imaginer le futur des /partis européens/ peut également

constituer une dimension constitutive d’une définition de cet objet. Quand un auteur de

notre corpus pose les conditions d’existence des /partis européens/, c’est qu’il considère

qu’ils n’existent pas encore, mais le pourront selon une conception

développementaliste, sur laquelle on va revenir :

« Transnational links are a fact ; they have developed in the EC system and will continue to develop. »94

91 Sur les différents « seuils » que peut franchir une formation discursive, voir : FOUCAULT, Michel, L’archéologie du savoir, Paris, Gallimard, p. 252-253. 92 Rudolf Hrbek et Daniel-Louis Seiler sont tous les deux professeurs de science politique au moment de ces deux publications (respectivement à l’Université de Tübingen et à l’Université du Québec à Montréal). Norbert Gresch, s’il n’a pas de position statutaire dans le secteur académique à ce moment-là, vient néanmoins d’obtenir un doctorat. Le passage cité est tiré de l’avant-propos de sa thèse, qu’il vient de terminer sous la direction justement de Rudolf Hrbek, à l’Université de Tübingen. Nous reviendrons sur ces données dans le chapitre suivant. 93 Ce constat n’implique évidemment de notre part aucun jugement de valeur moral sur ces options personnelles, qui relèvent d’évaluations pratiques propres à chacun et qui, comme le dit Weber, font que « cette question ne se laisse pas discuter scientifiquement » (WEBER, Max, Essais sur la théorie de la science, Paris, Plon, 1965, p. 401). Ils ne nous apparaissent d’ailleurs comme des « écarts » que du fait de nos propres choix pratiques, tout aussi subjectifs. Nous choisissons simplement de poser avec Weber (et avec beaucoup des auteurs de notre corpus eux-mêmes, comme le montre l’exemple de Norbert Gresch ci-dessus) comme exigence « intellectuelle » minimale « que le professeur se fasse dans chaque cas particulier un devoir inconditionnel de faire prendre conscience clairement et sans faiblesse à son auditoire, et chose capitale, de prendre surtout lui-même conscience de ce qui dans son exposé résulte d’un raisonnement purement logique ou d’une constatation purement empirique des faits et de ce qui relève d’une évaluation pratique. » (ibid., p. 403). 94 N°262 : HRBEK, Rudolf, « Transnational links : the ELD and Liberal Party Group in the European Parliament », dans KIRCHNER, Emil J. (dir.), Liberal parties in Western Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 1988, p. 455-469 (ici p. 468) (traduction : « Les liens transnationaux [entre partis européens] sont un fait ; ils se sont développés dans le système communautaire et vont continuer de se développer »).

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

262

« Mit der Direktwahl [...] werden [die Parteibünde] jedoch zur alltäglichen Wirklichkeit gehören. »95 « Dans ces conditions, on peut raisonnablement supposer que les divers partis actuellement réunis en groupes politiques élargiront leur organisation commune en créant des espèces de fédérations politiques européennes. Ces organisations communes seront probablement chargées de définir un programme européen minimum tout en sauvegardant les diversités nationales et surtout régionales, ainsi que de coordonner la campagne électorale et les moyens mis en œuvre [...] Mais du même coup, [cela] donnera une nouvelle impulsion à l’effort d’organisation supranationale des partis politiques qui tendront à se rapprocher des partis fédéraux voire à constituer des partis européens. »96

« Eine europäische politische Partei ist gewissermaßen das Endziel der strukturellen Entwicklung, in die die Zusammenarbeit der nationalen Parteien in den letzten Jahren eingetreten ist. [...] Die europäische politische Partei wird am Anfang ein Verband von nationalen Organisationen sein, die gewissermaßen eine eng zusammenarbeitende Dachorganisation, eine Föderation, eine organisch zusammenwachsende Bewegung ist, die den einzelnen nationalen Parteien noch nicht sofort ihre Grundlage entzieht, sondern sie allmählich einbaut in eine übergreifende Bewegung. »97

On comprend pourquoi le fait de prévoir le futur des /partis européens/ est enfin

également, et toujours, lié plus ou moins explicitement à la posture prescriptive : tout

impératif, tout appel à l’action implique par définition le futur qui permettra d’agir et de

faire advenir le changement qui pourrait aboutir sur l’avènement de /partis européens/ :

« En définitive, il faut une mobilisation des individus pour que l’Europe des citoyens vienne insuffler à l’Europe des gouvernements, des fonctionnaires, des affaires ou des partis, l’indispensable supplément d’âme qui lui manque encore. Seule l’élection répétée du PE permettra semblable mobilisation politique. »98

95 N°144 : MAGIERA, Siegfrid, « Organisationsformen der politischen Parteien auf Gemeinschaftsebene und ihre Funktion bei der politischen Willensbildung », Europarecht, n°4, 1978, p. 311-332 (ici p. 332) (traduction : « Avec l’élection directe, les confédérations de partis appartiendront pourtant à la réalité quotidienne »). 96 N°15 : SIDJANSKI, Dusan, « Partis politiques face à l’intégration européenne », Res Publica, Vol. 3, n°1, mars 1961, p. 43-65 (ici p. 58) 97 N°80 : HAHN, Karl Josef, FUGMANN, Friedrich, « Die europäïsche Christlich-Demokratische Union zwischen europäischem Anspruch und nationalen Realitäten », dans IEP, Zusammenarbeit der Parteien in Westeuropa. Auf dem Weg zu einer neuen politischen Infrastruktur ?, Bonn, Europa Union Verlag, 1976, p. 251-339 (ici p. 330). (traduction : « Un parti politique européen est en quelque sorte l’objectif final du développement structurel dans lequel la coopération des partis nationaux s’est engagée ces dernières années. [...] Le parti politique européen sera au début une association d’organisations nationales, qui est en quelque sorte une « organisation parapluie » de coopération étroite, une fédération, un mouvement organique fusionnant, qui ne prive pas tout de suite les partis nationaux de leur fondement, mais qui les incorpore progressivement dans un mouvement global »). 98 N°224, RABIER, Jacques-René, SEILER, Daniel-Louis, « Les autres forces systémiques de la Communauté : opinion publique, partis politiques, groupes de pression », dans LASOK, Dominik,

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

263

On peut donc prévoir à tous les modes99 : futur hypothétique conditionné par des

possibilités théoriques à confirmer ou futur prescrit par des considérations subjectives,

voilà deux manières de « prendre parti » – et de « prendre les paris »100 – sur l’avenir

des /partis européens/.

Cette multiplicité des points de vue exprimés par ceux qui entreprennent de produire

un savoir à propos des /partis européens/ explique en partie les différences constatées de

labels et référents dans notre corpus, que ce soit diachroniquement (sur l’ensemble de la

période et du corpus) ou synchroniquement (pour une même période). Elle montre que

parmi ces discours savants sur les /partis européens/, une quantité non négligeable porte

un jugement normatif sur cet objet, ce qui fait de ces discours des discours « pour

l’action » qui se rapprochent des discours de justification accompagnant les

mobilisations étudiées dans la première partie. Cette diversité des discours concurrents

et co-occurrents sur les /partis européens/, donne l’impression cacophonique que

personne ne parle jamais vraiment de la même chose. Ceci entraîne deux remarques à ce

stade.

Tout d’abord, ce désaccord général des discours savants sur les /partis européens/

vient confirmer que la codification qui intervient en 1992 et qui impose une labellisation

officielle, n’a rien de l’enregistrement passif d’un chorus consensuel. Au contraire, c’est

SOLDATOS, Panayotis (dir.), Les Communautés européennes en fonctionnement, Bruxelles, Bruylant, 1981, p. 116-146 (ici p. 143). 99 En ce sens, la question souvent âprement débattue du caractère « scientifique » ou au contraire « mystificateur » de la prévision en sciences sociales ne se pose pas. Celle-ci peut s’avérer scientifique ou pas, en fonction de ses conditions de mise en œuvre : qu’elle fonde ses hypothèses sur des faits et des observations faites à partir d’une posture indicative rigoureuse, et elle pourrait bien tomber « juste », à condition d’avoir recueilli et analysé convenablement l’ensemble des données empiriques et des variables nécessaires à la prédiction scientifique (dont le nombre illimité en sciences sociales pose, on le devine, le véritable problème d’une prévision scientifique ajustée). Qu’elle s’aventure au contraire au-delà du mode indicatif pour chercher à prévoir l’avenir à travers des conditions de définition abstraites ou des impératifs personnels, et elle peut vite tomber dans la prophétie de la futurologie. Ni astronomie objectivement réglée, ni astrologie subjectiviste, la science sociale est plutôt dans la position d’une météorologie qui sait mieux expliquer a posteriori des séries causales que prévoir a priori et à long terme l’infinité des résultats possibles de leurs rencontres aléatoires. 100 Car une prévision, si elle tombe juste, peut « distinguer » son auteur, ce qui apparaîtra plus clairement encore quand on analysera l’état du champ et des luttes entre producteurs savants de ces discours, dans le chapitre suivant.

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

264

bien un « coup de force » symbolique101, qui impose une formulation particulière et les

représentations qu’elle véhicule, parmi d’autres formulations possibles.

Pourtant, ces différences constatées et apparemment aléatoirement réparties sont en

fait bien plus « accordées » qu’elles n’en ont l’air, pour reprendre la métaphore de

l’« orchestration sans chef d’orchestre ». En effet, ces différences sont le produit

observable de toute une série de « choix contraints » pour les auteurs de notre corpus.

Ceux-ci s’expriment, au premier niveau que l’on vient de décrire, par la création d’un

label, par le repérage d’un référent partisan, et par la posture adoptée pour en parler.

Mais ces choix concernent aussi le contenu même de chaque discours sur tel référent,

désigné par tel label, depuis telle posture. A travers la dispersion générale des discours

sur les /partis européens/, c’est en fait un système organisé d’alternatives et de « points

de choix » conceptuels qui se donne à voir et qu’on peut mettre au jour plus clairement,

comme y invite Michel Foucault :

« Plutôt que de rechercher la permanence des thèmes, des images et des opinions à travers le temps, plutôt que de retracer la dialectique de leurs conflits pour individualiser des ensembles énonciatifs, ne pourrait-on pas repérer plutôt la dispersion des points de choix, et définir en deçà de toute préférence thématique un champ de possibilités stratégiques ? »102

II. 3 – Une dispersion organisée en systèmes de différences : les « points de choix » du discours sur les /partis européens/

La présentation des différents types de labels, de référents et de postures a permis

d’apercevoir le foisonnement discursif sur les /partis européens/. Cette profusion

s’organise en fait selon une série de « points de choix »103 qui marquent autant

d’alternatives contraignantes et de décisions plus ou moins explicites.

101 Et à la fois un « tour de force » verbal, puisqu’elle parvient à relever en même temps des cinq modalités que nous avons isolées : à la fois description, définition, prescription, appréciation et prévision. 102 FOUCAULT, Michel, L’archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969, p. 55. 103 « Ces points se caractérisent d’abord comme points d’incompatibilité : deux objets, ou deux types d’énonciation, ou deux concepts peuvent apparaître, dans la même formation discursive, sans pouvoir entrer – sous peine de contradiction manifeste ou inconséquence – dans une seule et même série d’énoncés. Ils se caractérisent ensuite comme points d’équivalence : les deux éléments incompatibles sont formés de la même façon et à partir des mêmes règles ; leurs conditions d’apparition sont identiques ; ils se situent à un même niveau ; et au lieu de constituer un pur et simple défaut de cohérence, ils forment

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

265

Les divergences de « points de vue » des auteurs savants qui traitent des /partis

européens/ traduisent en fait une série de dilemmes communs, qui ne sont pas exclusifs

aux discours savants : tous les discours analysés et tous les discours possibles sur les

/partis européens/, y compris ceux qui sont tenus dans le cours des mobilisations

pratiques lors des CIG de 1989-1992, participent ainsi d’une même formation discursive

qui leur offre, et à la fois leur impose, une série de « points de choix » à partir desquels

le discours sur les /partis européens/ s’organise en un « arbre de dérivation

énonciatif »104.

II. 3.1 – Clivages européens transpartisans ou clivages partisans transeuropéens ?

Une première alternative correspond à la dimension « partitive » des /partis

européens/, qui sont censés représenter des divisions de l’espace idéologique en options

concurrentes, « plurielles ».

Cette question pourrait paraître facile à trancher en première analyse : les /partis

européens/ ne seraient-ils pas tout simplement des réunions de partis nationaux

idéologiquement proches, selon les mêmes clivages « classiques » en vigueur au niveau

national, comme le défendent d’ailleurs la plupart des auteurs du corpus ? Or cette

position (qui ne semble de bons sens que parce que c’est celle qui s’est aujourd'hui

imposée), ne fait cependant pas l’objet d’un accord unanime. Une claire distinction

apparaît entre ceux qui constatent (ou préconisent)105 une partition sur clivages

une alternative : même si, selon la chronologie, ils n’apparaissent pas en même temps, même s’ils n’ont pas eu la même importance, et s’ils n’ont pas été représentés de façon égale dans la population des énoncés effectifs, ils se présentent sous la forme du « ou bien…ou bien ». Enfin, ils se caractérisent comme points d’accrochage d’une systématisation : à partir de chacun de ces éléments à la fois équivalents et incompatibles, une série cohérente d’objets, de formes énonciatives, de concepts ont été dérivés (avec, éventuellement, dans chaque série, de nouveaux points d’incompatibilité). » (FOUCAULT, Michel, L’archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969, p. 91-92). 104 FOUCAULT, Michel, L’archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969, p. 199-202. Il ne faut pas voir dans cet « arbre » un cheminement imposé chronologiquement, mais bien une « trame » discursive, qui peut être « parcourue » dans tous les sens, voire combiner ses différents motifs dans des productions simultanées. 105 Comme pour la suite de cette section, il s’agit à chaque fois ici d’alternatives qui concernent aussi bien les discours portant sur des référents existants que les discours portant sur des référents idéaltypiques.

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

266

« classiques » déjà présents au niveau national106 qu’on se contenterait de « transférer »

au niveau européen107, et ceux qui constatent (ou préconisent) une partition sur clivages

« européens » spécifiques (fédéralistes contre nationalistes, par exemple) qui

recomposeraient les divisions partisanes existantes. Les publications qui défendent

l’option « européiste » des clivages sont certes très minoritaires (10 sur les 180

publications accessibles, soit 5,6 %), mais elles représentent néanmoins une option

explicite et exclusive :

« This restructuring of the party system would require the creation of communitywide parties, with communitywide programmes, appropriate to community issues and supported by communitywide organisations [...] Other parties of a purely local character would continue to exist without a European vocation, in that they would not articulate any « European » issues. »108 « Il aurait fallu que se constituent des regroupements autour d’enjeux européens spécifiques [...] La Confédération européenne des syndicats, regroupant socialistes de la CISL et chrétiens de la CMT, donne l’exemple, au plan social, de ce qu’aurait pu être un vrai parti européen. »109 « Les concrétions politiques que nous observons ne sont que les émanations directes des partis politiques locaux et [...], à ce titre, elles traduisent des clivages nationaux et non européens. »110

106 Selon les auteurs, les clivages partisans « classiques » sont eux-mêmes définis et labellisés différemment et les résumer à un clivage « gauche » contre « droite » pose évidemment de nombreux problèmes, qui dépassent le cadre de cette étude. Pour une mise au point récente sur l’émergence et la consolidation du clivage « gauche » / « droite », par exemple, voir : LE BOHEC, Jacques, LE DIGOL, Christophe (dir.), Gauche / Droite. Genèse d'un clivage politique, Paris, PUF, 2012. 107 Un exemple parmi beaucoup d’autres : n°119, STAMMEN, Theo, Parteien in Europa: nationale Parteiensysteme, transnationale Parteienbeziehungen, Konturen eines europäischen Parteiensystems, Munich, Bayerische Landeszentrale für politische Bildungsarbeit, 1977 : « Echte europäische Parteien wird es nur aufgrund von direkten multinationalen Beziehungen und Verknüpfungen zwischen den nationalen Parteien ähnlicher oder gleicher politischer Ausrichtung geben können » (p. 241) (traduction : « Il ne pourra y avoir d’authentiques partis européens que du fait de relations multinationales directes et de liens entre des partis nationaux ayant une même ou similaire orientation politique »). 108 N°69 : FITZMAURICE, John, The Party Groups in the European Parliament, Farnbourough, Saxon House, 1975 (p. 211) (traduction : « Cette restructuration du système de partis requerrait la création de partis à l’échelle communautaire, avec des programmes à l’échelle communautaire, appropriés aux problèmes communautaires et soutenus par des organisations à l’échelle communautaire. [...] D’autres partis à dimension purement locale continueraient à exister sans vocation européenne, dans le sens où ils ne traiteraient aucun problème « européen » »). 109 N°195 : SEILER, Daniel-Louis, « Les équivoques de l’élection européenne », La revue nouvelle, n°4, avril 1979, p. 359-373 (ici p. 373). 110 N°224 : RABIER, Jacques-René, SEILER, Daniel-Louis, « Les autres forces systémiques de la Communauté : opinion publique, partis politiques, groupes de pression », dans LASOK, Dominik, SOLDATOS, Panayotis (dir.), Les Communautés européennes en fonctionnement, Bruxelles, Bruylant, 1981, p. 116-146 (ici p. 138).

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

267

La définition exacte de ce que pourraient être ces clivages spécifiquement

« européens » n’est pas toujours très claire, ni même explicitée. Mais elle recoupe

souvent une partition simplement organisationnelle entre structures à vocation

« transpartisane », comme les différents mouvements fédéralistes, plus ou moins

formalisés, et structures partisanes au sens strict, à commencer par les partis nationaux :

« La seconde objection concerne le caractère artificiel de partis politiques à l’échelle européenne. Un parti est un groupement ayant pour objet la conquête et l’exercice du pouvoir. Il faut donc qu’il y ait un pouvoir à prendre. Où se trouve le pouvoir à l’échelle européenne ? Un parti européen ne pourrait être qu’une « conspiration » supra-nationale en vue de la conquête des pouvoirs nationaux. Et, de fait, il a bien existé une sorte de « conspiration » dans les deux occasions décisives pour l’Europe du Traité CECA et des traités de Rome. Mais une telle « conspiration » se coule mal dans le cadre d’un parti ; elle est même son contraire. [...] Et de fait, les « mouvements » ou « groupes de pression » pro-européens s’efforcent, autant qu’ils le peuvent, d’échantillonner le plus possible entre le centre, la gauche et la droite, leurs militants et leurs dirigeants. C’est une technique de groupe de pression – désintéressé, certes, mais de groupe de pression – qui recherche moins l’exercice du pouvoir que l’obtention de certains résultats par l’influence exercée sur le pouvoir. »111

Au cours du même colloque, pendant que Georges Vedel affirme comme seul

« parti » possible (et souhaitable112) ce « parti de l’Europe » transpartisan113, d’autres

continuent de préconiser, au contraire, l’organisation de structures politiques

européennes par affinités idéologiques114. La question n’est pas ici de savoir qui a tort

111 N°67 : VEDEL, Georges, « Le problème des partis politiques à l’échelle européenne », dans A.E.P.E., « Des partis à l’échelle européenne », Les Problèmes de l’Europe, n°64, 1974, p. 50-53 (ici p. 51). 112 Ibid., p. 52 : « Ce serait folie, au moins me semble-t-il, en France, en Allemagne, et en Grande-Bretagne [...] que d’essayer de présenter aux électeurs des « partis européens » ». 113 Ce « parti européen » au sens « parti de l’Europe » (formulation que nous n’avons pas incluse systématiquement dans nos recherches en vue de la constitution de notre corpus) est vraisemblablement une figure courante du discours politique et économique sur l’unification européenne. A titre d’exemple, voir cette occurrence très intéressante chez Walter Lippmann, journaliste américain et l’un des « inventeurs » du néo-libéralisme, mentionnée par François Denord et Antoine Schwartz (DENORD, François, SCHWARTZ, Antoine, « L’économie (très) politique du traité de Rome », Politix, vol. 23, n°89, 2010, p. 35-56), qui parle du « parti européen présent dans chacun des pays membres de la communauté » (LIPPMANN, Walter, L’unité de l’Occident et le Marché commun, Paris, Julliard, 1962, p. 41). 114 « Les représentants qualifiés des trois principales tendances politiques ont fort heureusement souligné la nécessité d'une coopération organique des partis nationaux au niveau européen » (n°57 : FRISCH, Alfred, « Comment mobiliser les peuples d'Europe ? », dans A.E.P.E., « Des partis à l’échelle européenne », Les Problèmes de l’Europe, n°64, 1974, p. 6-17 (ici, p. 9) ; « Actuellement, tout est embryonnaire, et tout est en mutation. L’idéologie qui aurait, avant les autres, le courage et la possibilité de « faire le saut » et de s’organiser sur le plan européen, non seulement donnerait l’exemple [...] mais elle prendrait sur les autres une avance considérable, en « occupant » pour ainsi dire, un terrain qui n’appartient encore à personne. » (n°61 : GAZZO, Emanuele, « Pourquoi des partis à l’échelle

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

268

ou qui a raison, mais de montrer que l’alternative clivages européens / clivages

nationaux est un élément structurant du débat « savant » sur la nature des /partis

européens/, sur lequel chaque publication doit prendre position, ne serait-ce que parce

que cette décision implique le choix d’un référent particulier.

II.3.2 – « Européens », mais de quelle Europe ?

Le deuxième « dilemme » autour duquel s’organisent les discours sur les /partis

européens/ concerne cette fois-ci l’extension géographique à leur donner : quel que soit

le type de clivage, de divisions idéologiques qu’on leur demande de représenter, quel est

l’espace exact qu’ils « partagent » ? En d’autres termes, dans quel sens ces

« partis européens » sont-ils « européens » 115 ? Tout discours sur notre objet implique

en effet, au moins implicitement, qu’on décide ce qu’on entend par « Europe », puisque

l’« archisémème »116 des / partis européens/, comme nous l’avons expliqué plus haut,

comprend l’idée de rapprochement transnational entre organisations partisanes des pays

« européens »117.

Faut-il considérer une « Europe élargie », extensive, ce qui permet par exemple à

certains de choisir comme référent (existant ou idéaltypique) des mouvements

fédéralistes présents dans des pays « non communautaires »118 ou encore les groupes

politiques du Conseil de l’Europe119 ? Ou bien faut-il au contraire choisir un référent qui

soit strictement cantonné à l’« Europe communautaire », comme les groupes politiques

européenne ? », dans A.E.P.E., « Des partis à l’échelle européenne », Les Problèmes de l’Europe, n°64, 1974, p. 55-57 (ici p. 56). 115 On peut remarquer en passant que 308 formulations du label sur 583 (52,8 %) contiennent l’adjectif « européen » ou l’un de ses allomorphes et impliquent donc, dès l’instant de la nomination, un choix au moins implicite sur ce que cette adjectivation recouvre. 116 C'est-à-dire l’ensemble de traits de signification commun à toutes les labellisations particulières repérées. 117 C’est d’ailleurs ce qui fait la différence sémantique entre le syntagme « partis européens » lorsqu’il désigne différents partis nationaux isolés, mais actifs dans des pays européens, et le syntagme « partis européens » lorsqu’il désigne des organisations formalisant le rapprochement d’un ou de plusieurs de ces partis nationaux. 118 Par exemple n°6 ou encore n°27 du corpus (CENTRE EUROPEEN DE LA CULTURE, « Méthodes et mouvements pour unir l’Europe », Bulletin du centre européen de la culture, 6e année, n°2, 1958, p. 43-67 ; SPINELLI, Altiero, The Eurocrats. Conflict and Crisis in the European Community, Baltimore, The John Hopkins Press, 1966 (1ère édition en italien : Rapporto sull’Europa, Milan, Comunità, 1965). 119 Par exemple n°12 du corpus (HAAS, Ernst, Consensus Formation in the Council of Europe, Berkeley, University of California Press, 1960).

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

269

du PE ou, comme cela devient possible à partir de 1974-1976, les organisations de

partis « communautaires » telles l’UPSCE, le PPE et la fédération LDR120 ? Là encore,

les choix varient selon les auteurs et les publications, mais aucune ne peut se passer

d’une décision ne serait-ce qu’implicite au sujet de l’extension qu’il convient de donner

à la coopération transpartisane européenne, quitte à l’inclure beaucoup plus largement

dans une coopération « internationale »121.

On accède par là à une propriété intéressante du système de choix concernant les

/partis européens/. L’analyse des choix des auteurs face à ces alternatives du discours à

leur sujet montre en effet qu’il semble exister certaines impossibilités logiques : toutes

les combinaisons ne paraissent pas possibles. Il semble ainsi inenvisageable (et le cas

est en tout cas inobservé dans notre corpus) qu’on fasse à la fois des /partis européens/

des mouvements organisés selon des clivages spécifiquement « européens » et qu’on

limite néanmoins explicitement leur coopération au cadre communautaire. Le « parti de

l’Europe » qu’on a dégagé plus haut, quel que soit par ailleurs son degré de

formalisation organisationnelle (observé ou souhaité), rassemble des militants de

l’unification européenne la plus large possible. Il ne peut donc logiquement pas

s’accommoder d’une Europe réduite, que ce soit l’ « Europe des Six » des années 50 et

60 (jusqu’à l’entrée du Royaume-Uni, de l’Irlande et du Danemark dans les trois

communautés), ou que ce soient les différentes « numérotations » ultérieures (« des

Neuf », « des Douze », « des Quinze »…), ne serait-ce que du fait de l’exclusion de fait,

durant toute notre période, de l’« Europe de l’Est » hors de cette « Europe

communautaire ».

On commence donc à percevoir que certains choix liés à un « point de diffraction »

ne sont pas sans conséquence pour les autres dilemmes : selon l’embranchement choisi,

120 Voir plus haut le tableau de répartition des publications du corpus par référent. 121 Voir par exemple n°72 : PRIDHAM, Geoffrey, « Transnational Party Groups in the European Parliament », Journal of Common Market Studies, vol. XIII, n°33, mars 1975, p. 266-279 (« Most of the party groups do have external international links [...]. The Socialists have the strongest international link through the European Liaison Office, which connects their group in the EP with affiliated parties and the Socialist Group in the Council of Europe’s Consultative Assembly. » (p. 278). Traduction : « La plupart des groupes partisans ont bien des liens internationaux extérieurs [...]. Les socialistes ont le lien international le plus fort à travers le Bureau européen de Liaison, qui connecte leur groupe au PE avec les partis affiliés et le groupe socialiste à l’Assemblée consultative du Conseil de l’Europe. »)

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

270

à chaque alternative, des possibilités se ferment et d’autres s’ouvrent selon un principe

de cohérence interne qu’on ne peut ignorer122.

II. 3.3 – Entrer au(x) Parlement(s) ou en sortir ?

Le troisième « point de choix » pose la question, déjà évoquée également au

moment de l’analyse des différents référents possibles pour les /partis européens/, du

type d’organisation partisane considéré. Principalement, l’alternative réside ici dans le

choix entre un référent parlementaire ou extraparlementaire, décision qui dépend en

grande partie de la réponse apportée à chacun des deux dilemmes précédents. Car il

existe en effet, en cet endroit de l’ « arbre de dérivation », une deuxième impossibilité

théorique : celle qui associerait clivages spécifiquement « européens » et organisations

de type strictement parlementaire.

Empiriquement, les groupes parlementaires organisés dans les différentes

assemblées européennes depuis 1949 ne répondent de fait qu’à deux modèles de

clivages : les clivages du spectre politique « classique » décrit plus haut (principalement

« gauche »/ « droite ») ou une répartition « non clivée », par délégations nationales.

Tous les exemples tirés de notre corpus, pour lesquels le référent désigné par le label

partisan européen est exclusivement parlementaire, confirment que même lorsque les

auteurs envisagent un référent idéaltypique, la combinaison groupe parlementaire /

clivages européens n’apparaît jamais.

Cela ne veut évidemment pas dire que les mouvements fédéralistes n’aient pas de

ramifications parlementaires identifiées, parfois fortement institutionnalisées comme le

prouve l’exemple de l’ « intergroupe fédéraliste » créé par Altiero Spinelli au PE en

1980. Mais c’est toujours en lien avec un mouvement fédéraliste extraparlementaire123

122 L’étude textuelle « internaliste » des discours, dans leur logique propre, montre donc, tout simplement, qu’« on ne peut pas tout dire ». Cette remarque ne remet pas en cause pour autant l’analyse sociologique « externaliste » de l’univers des discours : elle la complète, en montrant que si celui-ci ne « possède pas le principe de sa propre dynamique », ce champ des prises de position possède néanmoins un certain degré de « résistance », voire une autonomie propre puisque, selon le « point de diffraction » par lequel on entre dans une formation discursive, on ne pourra pas parcourir discursivement tout l’espace théorique des possibles. 123 En l’occurrence l’UEF, et le MEI dont cette dernière est membre.

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

271

et quand un auteur mentionne un « mouvement » parlementaire spécifiquement « pro

européen », c’est pour préciser qu’il n’est pas encore vraiment « partisan » :

« Una ipotesi non inverosimile è che, in attesa degli eventuali sviluppi in direzione partitica del « movimento » parlamentare per l’Unione europea, le attuali confederazioni partitiche si attivino [...] principalmente quali « macchine » elettorali. [...] Mi sembra pertanto più appropriato, allo stato attuale delle cose, parlare di un « movimento parlamentare per l’Unione europea », da cui potrebbero eventualmente prendere origine, nel lungo periodo, due o più partiti genuinamente europei. »124

Un mouvement fédéraliste « parlementaire », sans organisation extérieure lui

permettant d’échapper aux clivages partisans « classiques » régnant dans les assemblées

européennes, constitue donc une deuxième « impasse » théorique dans notre « arbre de

dérivation énonciatif ».

II.3.4 – Autonomie et dépendances

La dernière alternative concerne le degré d’autonomie des /partis européens/ vis-à-

vis des partis nationaux. Comme on a pu le constater tout au long du chapitre, et comme

on y reviendra lors de l’analyse des présupposés méthodologiques de ces discours, les

/partis européens/ sont toujours pensés comparativement au « modèle » national des

partis nationaux. Les trois « dilemmes » précédents en portent la trace : le choix du type

de clivages, la définition de ce que l’on entend par « européen » ou le type

d’organisation choisi comme référent (parlementaire ou extraparlementaire) renvoient

forcément à l’ « expérience partisane » nationale.

124 N°215 : PAPISCA, Antonio, « Partiti e coalizioni nel « nuovo » Parlamento europeo », Rivista Italiana di Scienza Politica, 10e année, n°2, 1980, p. 241-264 (ici p. 263) (traduction : « Une hypothèse qui n’est pas invraisemblable serait que, dans l’attente d’éventuels développements dans un sens plus partisan du « mouvement » parlementaire pour l’Union européenne, les actuelles confédérations partisanes s’activent [...] principalement en tant que « machines » électorales [...] Il me semble par conséquent plus approprié, au stade où en sont les choses, de parler d’un « mouvement parlementaire pour l’Union européenne », qui pourrait éventuellement constituer l’origine, à long terme, de deux ou plusieurs partis authentiquement européens »).

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

272

Concernant les liens entre partis nationaux et /partis européens/, on observe dans le

corpus un continuum qui va d’une autonomie totale vis-à-vis des partis nationaux125 au

rejet de toute organisation formelle de /partis européens/ différente des partis nationaux

eux-mêmes126. Toutes les nuances redeviennent ici envisageables excepté, de nouveau,

une impossibilité théorique : il est impossible de parler d’organisations parlementaires

extracommunautaires fortement autonomes et d’organisations extraparlementaires à

clivage classique fortement autonomes.

On observe donc, malgré la divergence de labels, référents ou points de vue, une

communauté des points de choix à partir desquels sont appréhendés à chaque fois les

/partis européens/. Tous les discours qui les concernent, quelle que soit la posture

choisie127, doivent répondre aux mêmes questions et aux mêmes alternatives. Cette unité

des dilemmes forme une « unité de distribution qui ouvre un champ d’options possibles

et permet à des architectures diverses et exclusives les unes des autres d’apparaître côte

à côte ou à tour de rôle »128. Elle constitue à la fois la cause de cette pluralité et son

« plus petit dénominateur commun ». La dispersion extrême observée au départ apparaît

ainsi finalement comme un ensemble de « systèmes de dispersion », de nature certes

diverse, mais qui structurent par leur action commune cette pluralité des discours en une

configuration discursive contrainte et contraignante.

C’est d’ailleurs à ces contraintes que répond très explicitement la définition donnée

par la lettre des trois présidents partisans du 1er juillet 1991, déjà évoquée :

125 On peut citer ici surtout les deux publications du corpus faisant état de la proposition du député travailliste Henk Vredeling de créer un « Parti européen progressiste », indépendant des partis nationaux et visant à les « absorber ». Voir n°46 et n°47 : VREDELING, Henk, « Vers un partit progressiste européen », traduction d’un article paru dans la revue du PvdA Socialisme en Demokratie, n°3, 1970 : document retrouvé dans les archives du Groupe socialiste du PE, AHUE, GSPE 051, doc n°PE/GS/21/70 ; VREDELING, Henk, « The Common Market of Political Parties », Government and Opposition, vol. 6, n°4, 1971, p. 448-461. Mais voir également les publications qui prédisent ou préconisent, à terme, des /partis européens/ totalement autonomes : n°46, 50, 54, 69, 119, 187, 195, 205, 215, 224, 236. 126 Voir les publications n°165, 167, 218, 274, 278. 127 Même la description la plus « neutre » en apparence doit choisir son référent parmi la pluralité des référents possibles, et répondre pour cela aux quatre questions de ce système d’alternative. 128 FOUCAULT, Michel, L’archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969, p. 92.

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

273

« des associations fédératives de partis nationaux, existant dans la majorité des Etats membres de la CE, qui ont les mêmes orientations et objectifs et qui constituent au Parlement Européen un Groupe unique. »129.

Cette définition précise identifie clairement quatre choix clairs pour chacune des

alternatives dégagées ici : l’Europe dont il s’agit est clairement communautaire ;

l’association entre organisations extraparlementaires et parlementaires est explicitement

évoquée ; le degré d’autonomie est mesuré par la double référence nationale et

fédérative ; quant aux clivages, on défend bien plusieurs organisations structurées par

des orientations différentes, et non pas un grand mouvement pro-européen intégré. Ce

texte, conçu pour servir de disposition au traité en négociation, concentre donc en

quelque sorte en quelques mots les quatre « points de choix savants » de tout discours

sur les /partis européens/. La codification définitive de l’article 138a ne retiendra

finalement que la première partie de l’article, qui se contente d’éléments beaucoup plus

vagues et, justement, non clivants :

« Les partis politiques au niveau européen sont importants en tant que facteur d’intégration au sein de l’Union. Ils contribuent à la formation d’une conscience européenne et à l’expression de la volonté politique des citoyens de l’Union. »

Le choix communautaire et, implicitement, la dimension partisane des clivages sont

bien maintenus, mais il est beaucoup plus difficile de déterminer à la seule lecture de ce

texte, ce qu’il désigne comme référent et quel est son degré d’autonomie vis-à-vis des

partis politiques nationaux. Mais ces variations, comme on l’a vu dans les chapitres

précédents, sont dues aux alea et aux contraintes de l’action pratique visant à imposer

une manière de conceptualiser les /partis européens/ : quel que soit le résultat final de

ces luttes pratiques, les discours qui les accompagnent, comme le montre la formulation

de la lettre du 1er juillet, expriment la même série de choix que les discours savants

étudiés ici, série qui fait participer ces deux types d’énoncés des mêmes formations

discursives.

Mais au-delà même de ces systèmes de différences qui organisent la dispersion des

contenus particuliers, les discours sur les /partis européens/ partagent plus

129 Voir chapitre 3, lettre des trois présidents partisans du 1er juillet 1991.

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

274

essentiellement des présupposés méthodologiques et théoriques qu’il faut mettre au jour

si l’on veut comprendre en quoi ils constituent un « savoir » commun, relevant d’une

formation discursive particulière et partagée par tous les acteurs qui mobilisent ses

« éléments de langage ».

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

275

III – Présupposés méthodologiques et « épistémologie spontanée » des discours sur les /partis européens/

Pour terminer cette étude des discours produits, avant de passer à celle de ses

producteurs, nous voudrions montrer que ces systèmes de dispersion divers sont eux-

mêmes structurés par des principes plus généraux encore, qui font de cet ensemble de

discours non seulement un système organisé, mais plus encore une formation discursive

épistémique, c'est-à-dire dépendant d’une épistémè commune à d’autres savoirs que le

simple discours sur les /partis européens/.

Le système de choix à quatre alternatives que nous venons d’analyser donne les

règles de formation de tout discours possible sur les /partis européens/. Il permet d’en

expliquer la forme et le contenu. Mais ce système de choix est lui-même produit par un

ensemble de présupposés méthodologiques et théoriques qui caractérisent ces discours

et qui sont également au fondement des « algorithmes discursifs » que nous avons

dégagés dans le cadre des mobilisations de 1989-1992. En d’autres termes, lorsqu’on

utilise les « règles du jeu » énonciatif des discours sur les /partis européens/, c’est

d’abord qu’on a choisi, au moins implicitement, de jouer justement le « jeu des partis »,

d’entrer dans l’arbre de dérivation discursive qu’il implique et donc d’en respecter la

méthodologie implicite et l’épistémologie « spontanée », qu’il faut faire ressortir à

présent pour terminer cette analyse de discours.

III.1 – Présupposés méthodologiques : comparaisons, modèles et idéaltypes

Commençons par une évidence. Les auteurs qui s’intéressent aux /partis européens/

construisent tous leur objet, de manière plus ou moins explicite, par comparaison avec

les partis nationaux et leur histoire, et donc en référence à différents modèles

partisans130 :

130 De nombreux débats et discussions, on le sait, divisent la « théorie des partis politiques » en science politique sur la question des modèles de partis. Pour des synthèses utiles de l’état de ces débats à différentes époques, on pourra se reporter par exemple à : SARTORI, Giovanni, Parties and party systems (vol.1), Cambridge, Cambridge University Press, 1976 ; OFFERLÉ, Michel, Les partis politiques, Paris, PUF, 1987 ; CHARLOT, Jean, « Partis politiques, pour une nouvelle synthèse théorique », dans MÉNY, Yves, Idéologies, partis politiques et groupes sociaux, Paris, Presses de la FNSP, 1989, p. 285-295 ; DELWIT, Pascal, DE WAELE, Jean-Michel, KÜLAHCI, Erol, VAN DE

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

276

« Lo strumento di cui ci serviremo sarà l’analisi dei sistemi partitici; proveremo a trasferire questa analisi - sviluppata nell’ambito della scienza politica per il livello nazionale - al livello transnazionale. »131 « The first and most obvious reason why the party groups lack much of the vigour of their national counterparts is that they have no following of organization outside the Parliament. There is no electorate to be wooed and there are no elections to be won. The groups are, to use the German term, Fraktionen, not full-blooded parties. [...] »132

Cette démarche peut paraître « aller de soi », dans la mesure où les partis politiques

nationaux constituent le seul précédent auquel on puisse se référer pour penser le

« phénomène partisan » au niveau européen133 : pour parler de cette expérience

partisane nouvelle, il semble donc naturel de la rapporter à l’expérience nationale,

mieux connue134. Pourtant, cet a priori méthodologique, point de départ apparemment

WALLE, Cédric, « Les fédérations européennes de partis : des partis dans le processus décisionnel européen ? », dans MAGNETTE, Paul, REMACLE, Eric (dir.), Le nouveau modèle européen, vol.1, Institutions et gouvernance, Bruxelles, éd. de l’Université de Bruxelles, 2000, p. 125-138 ; LEMIEUX, Vincent, Les partis et leurs transformations, le dilemme de la participation, Québec, Presses de l’Université Laval, 2005. 131 N°125 : ATTINÀ, Fulvio, « Interpretazioni e Ipotesi sul Sistema dei Partiti del Parlamento europeo », Rivista Italiana di Scienza Politica, n°2, 1978, p. 273-291 (ici p. 275). Traduction : « L’outil dont nous nous servirons sera l’analyse des systèmes partisans ; nous essaierons de transférer cette analyse – développée dans le cadre de la science politique pour le niveau national – au niveau transnational. » 132 N°36 : FORSYTH, Murray « European Assemblies », dans HENIG, Stanley (dir.), European Political Parties. A Handbook, New York, Washington, Political and Economic Planing (PEP) / Praeger Publishers, 1969, p. 465-499 (ici p. 495) (traduction : « La raison principale et la plus évidente pour laquelle les groupes partisans n’ont pas la vigueur de leurs homologues nationaux tient à ce qu’ils n’ont pas d’organisation de suivi en dehors du Parlement. Il n’y a pas d’électorat à courtiser et il n’y a pas d’élections à gagner. Les groupes sont, pour utiliser le terme allemand, des Fraktionen, et non des partis « bien bâtis » [full-blooded]. »). 133 On pourrait objecter que les partis nationaux (et leurs groupes parlementaires au niveau national) n’épuisent pas les « modèles » disponibles d’organisations partisanes, si l’on pense par exemple aux Internationales de partis que nous avons déjà rencontrées dans le corpus. Le débat existe d’ailleurs dans le corpus pour savoir si on peut ou pas considérer les Internationales comme des organisations « partisanes ». Néanmoins, comme on l’a vu plus haut, même ceux qui répondent par l’affirmative ne peuvent faire autrement que les penser en référence aux partis qui les composent, par rapport auxquels elles n’ont (et ne peuvent avoir, dans notre arbre de dérivation) qu’une très faible autonomie. De même, les mouvements fédéralistes, qui sont parfois qualifiés de /partis européens/ dans notre corpus, ne sont pas envisageables indépendamment de la référence aux partis nationaux : soit parce que leur rôle est justement d’ « infiltrer » ces partis qui disposent, seuls, du réel pouvoir de gouverner ; soit parce qu’ils sont censés préparer la voie, en tant que « parti de l’Europe », à la venue de « vrais » partis européens, une fois qu’ils auront permis le développement d’un système politique européen indépendant et doté de centres de pouvoir réels pour des partis à leur échelle. Pour la quasi totalité des auteurs, ce sont donc les différents partis nationaux qui sont les « unités de signification minimale » du phénomène partisan européen. Voir l’exemple déjà cité plus haut de Georges Vedel (n°67). 134 Et d’autant mieux que les auteurs de notre corpus sont pour la plupart bien informés, puisqu’on compte parmi eux des spécialistes reconnus de la « théorie des partis ». Nous y reviendrons dans le chapitre suivant, mais citons notamment : Jean Blondel, Maurice Duverger, Daniel-Louis Seiler, Gerda

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

277

obligé mais inoffensif puisqu’il semble se contenter de « régler la focale », pose

cependant de nombreux problèmes135 qui conduisent le discours sur les /partis

européens/ à tourner en rond, pris dans deux cercles tautologiques.

En effet, deux options, tout aussi problématiques l’une que l’autre, s’ouvrent à qui

veut tenter la « quête des partis politiques communautaires »136 sur le modèle des partis

nationaux137. Premièrement, on peut tenter de rapprocher les /partis européens/

(observés ou imaginés) du « modèle » de parti qu’on estime le plus proche ou le plus

approprié au système politique « européen ». On voit ainsi de nombreuses contributions

du corpus tenter des comparaisons avec différents exemples de « partis fédéraux »,

actuels ou virtuels :

« A federation-wide political party, typically, is made up of strongly autonomous – if not independent – state and local units. The local rather than the central organization tends to predominate. The federal party enjoys no direct contact with the citizens. It follows that locally defined conceptions of interest and value prevail within the party. [...] The major indices of behaviour make ECSC parties quite similar to the American or Canadian prototypes. »138

Zellentin, François Borella, Peter Merkl, William Paterson, Hugues Portelli, Geoffrey Pridham, Dusan Sidjanski, Michael Steed, Dimitris Tsatsos, Fulvio Attinà , Luciano Bardi. 135 Dont le moindre n’est pas celui du choix du modèle théorique auquel on se réfère : la concurrence est grande entre modèles théoriques et historiques pour penser les « partis », de la distinction « partis de masse » / « partis de cadres » de Duverger (DUVERGER, Maurice, Les partis politiques, Paris, Armand Colin, 1951) aux théorisations sur le « parti stratarchique » (ELDERSVELD, Political Parties : A Behavioral Analysis, Chicago, Rand McNally, 1964), le « catch-all-party » (KIRCHHEIMER, Otto, «The Transformation of the Western European Party Systems», dans LA PALOMBARA, Joseph, WEINER, Myron (dir.), Political parties and political development, Princeton, Princeton University Press, 1966, p. 177-200) ou encore le « cartel party » (KATZ, Richard S., MAIR, Peter, « Changing Models of Party Organization and Party Democracy. The Emergence of the Cartel Party », Party Politics, janvier vol. 1, n°1, 1995, p. 5-28), en passant par la théorie des clivages et (LIPSET, Seymour, ROKKAN, Stein, Party Systems and Voter Alignments. Cross national perspectives, New York, Free Press, 1967). 136 Selon l’expression de Daniel-Louis Seiler (n°236 du corpus, 1983), qui construit pour cela dans cet article l’ « idéaltype wébérien du système communautaire de partis en se fondant sur le paradigme des quatres clivages fondamentaux » (selon le modèle de Lipset et Rokkan : LIPSET, Seymour, ROKKAN, Stein, Party Systems and Voter Alignments. Cross national perspectives, New York, Free Press, 1967). 137 Difficultés dont les auteurs qui s’investissent dans cette « quête » sont souvent eux-mêmes bien conscients : il ne s’agit évidemment pas ici de remettre en cause la capacité des auteurs du corpus à percevoir eux-mêmes, de manière parfois très précise, les problèmes méthodologiques et théoriques que pose l’étude des /partis européens/. Il s’agit plutôt de montrer que les types de solutions qu’on tente d’apporter, par leur nature même, ne font que renforcer encore ces problèmes. 138 N°8 : HAAS, Ernst, The Uniting of Europe : Political, Social and Economical Forces, 1950-1957, Londres, Stevens & Sons, 1958 (p. 395). Traduction : « Un parti politique à l’échelle fédérale, normalement, est formé d’unités étatiques et locales fortement autonomes – si ce n’est indépendantes. C’est l’organisation locale plutôt que centrale qui tend à prédominer. Le parti fédéral ne jouit d’aucun contact direct avec les citoyens. Les principaux indices de comportement rendent les partis de la CECA très similaires aux prototypes américains ou canadiens ».

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

278

« La Communauté constitue un système politique apte à secréter l’efflorescence de projets politiques. [...] L’idéaltype du système de parti animé par la logique du projet amène ipso facto à construire un idéaltype d’organisation ignorant des contraintes nationales et donc de la logique des partis nationaux. On pourrait le qualifier de « modèle canadien », en ce sens qu’il se base sur l’architecture des partis existant au Canada. [...] Le « modèle américain » s’entend [...] comme l’illustration d’un système efficace composé de partis-machines [...]. Qu’en est-il du « modèle suisse » ? [...] Comme le Professeur Sidjanski, nous pensons que la Communauté européenne peut se doter progressivement d’un système de partis analogue à celui qui fonctionne en Suisse. »139.

La deuxième option consiste à estimer au contraire que les /partis européens/

constituent un modèle de parti « à part », ad-hoc140 ou sui generis, qu’il faut analyser

pour lui-même, en sortant de la comparaison considérée comme galvaudée et trompeuse

avec certains modèles de partis nationaux :

« One major weakness of the US analogy is that it offers no more than a « still-life » model, for it attempts to compare non-comparables when viewed at the dynamic level. [...] There is, above all, no historical parallel for equating modern European nations with the pre-history of the USA up to the 1780s. The sui generis nature of the « political system » of the EC demands approaching this investigation by using initially at least the criteria of European party development for reasons of historical background. »141

Analysons chacune de ces options repérées dans le corpus pour montrer d’une part,

qu’elles se rejoignent et, d’autre part et surtout, qu’elles débouchent sur une double

impasse à l’heure de rendre compte du « phénomène partisan européen ».

139 N°236 : SEILER, Daniel-Louis, « Les fédérations de partis au niveau communautaire », dans HRBEK, Rudolf, JAMAR, Joseph, WESSELS, Wolfgang (dir.), Le Parlement européen à la veille de la deuxième élection au suffrage universel : Bilan et perspectives, Bruges, Tempelhof, 1984, p. 459-507 (ici p. 476-481). 140 Karl-Heinz Nassmacher, par exemple (n°49 : NASSMACHER, Karl-Heinz, Demokratisierung der Europäischen Gemeinschaften, Bonn, Europa-Union Verlag, 1972) évoque par exemple l’idée d’alliances ponctuelles électorales (« ad-hoc Parteien für Wahlen zum EP », p. 127). 141 N°223 : PRIDHAM Geoffrey, PRIDHAM Pippa, Transnational Party Co-operation and European Integration. The process towards direct elections, Londres, Allen & Unwin, 1981, p. 7 (traduction : « Une faiblesse majeure de l’analogie américaine est qu’elle n’offre qu’un modèle de « nature morte », car elle tente de comparer l’incomparable sur le plan dynamique. [...] Il n’y a surtout aucun parallèle historique pour rapprocher les nations européennes modernes de la pré-histoire des Etats-Unis jusqu’aux années 1780. La nature sui generis du système politique de la CE requiert qu’on aborde cette recherche en utilisant, au moins au début, le critère du développement partisan spécifiquement européen pour des raisons d’arrière-plan historique. »).

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

279

III.1.1 – Le développementalisme spontané de l’option comparative, et ses

problèmes

La première option – la comparaison avec un « modèle » de parti préalable, quel

qu’il soit – débouche sur un constat d’« échec » dans tous les cas, tout simplement parce

qu’on y cherche en fait des identités plutôt que des ressemblances.

Tous les auteurs qui procèdent explicitement à ce type de comparaisons concluent

en effet, invariablement, au caractère « inachevé » des /partis européens/ par rapport à

leurs « homologues » nationaux, comme en atteste empiriquement notre corpus : on n’y

trouve aucun texte qui soutienne l’idée que les /partis européens/ constituent un « bon »

exemple d’un modèle partisan quelconque142 et ce constat débouche chez certains

auteurs, comme on a pu le voir, sur des labels plus ou moins explicitement critiques

pour désigner ces ébauches de partis européens, ces embryons de fédérations

communautaires de partis, qu’on les qualifie de precursors ou de prä-föderaliste, voire

de protopartis143.

Pourtant, le repérage de différences entre comparé (les /partis européens/) et

comparant (l’exemple ou le modèle de /parti/ choisi) n’a en théorie rien de

problématique en soi : une comparaison n’est pas faite pour établir des identités exactes,

impossibles en toute hypothèse, mais pour mettre au jour des similitudes et, justement,

des différences, qui permettent de mieux comprendre l’objet comparé (et parfois le

comparant)144. Mais dans le cas des /partis européens/, cette impossibilité à les

« classer » dans une catégorie connue conduit, plutôt qu’à tenter de nouvelles

142 Une seule exception apparente, mais qui s’estompe après une lecture attentive : l’article de Jean-Paul Jacqué sur les programmes électoraux pour la première élection directe (n°39 : JACQUÉ, Jean-Paul, « The Institutional Problem in the Programs drawn up by the Political Parties for the Elections of the European Parliament by Direct Universal Suffrage », Lo Spettatore Internazionale, 1978, n°13, p. 131-142) semble prendre pour acquis l’existence des /partis européens/ sans chercher à les ramener à un modèle organisationnel ou fonctionnel quelconque. Ses considérations sur leurs programmes et les « problèmes » qu’ils posent, prouvent néanmoins qu’il les compare précisément à un référent préalable, forgé sur le modèle des programmes électoraux des partis nationaux. 143 Respectivement : n°266 (1989), n°34 (1968), n°8 (1958), n°76 (1976), n°154-217-224-236-267 (1978, 1980, 1981, 1983 et 1989). 144 Nous renvoyons ici aux considérations méthodologiques que Patrick Hassenteufel a consacrées à la question. Voir notamment : HASSENTEUFEL, Patrick, « Deux ou trois choses que je sais d’elles. Remarques à propos d’expériences de comparaison européennes », dans C.U.R.A.P.P., Les méthodes au concret, Paris, PUF, 2000, p. 105-124.

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

280

comparaisons145, à les considérer comme des partis « inachevés » ou « en progrès ».

Plutôt que de tout simplement changer de questionnement à leur égard, pour essayer

d’expliquer le phénomène, on reste pris dans le discours plus général sur les partis. On

est dès lors forcé d’adopter une posture développementaliste circulaire, consistant à dire

que les /partis européens/ ne correspondent pas encore à un modèle, mais qu’ils y

correspondront un jour repoussant simplement le problème, toujours recommencé.

On comprend, en passant, les liens qu’entretient ce développementalisme avec celui

qui fait de l’ « intégration européenne » un processus « en cours » qui n’aurait pas

encore atteint son stade final de développement. Si les /partis européens/ ne répondent

pas encore au modèle du parti traditionnel, c'est que ce processus n’a pas achevé sa

« maturation » politique. L’intégration européenne est ainsi conçue comme un

processus progressif et plus ou moins linéaire, avançant par étapes, mais qui n’est pas

encore arrivé « à maturité ». Il est donc normal, selon cette perspective, que les /partis

européens/ ne soient pas, eux non plus, achevés : ils n’auraient franchi que les premières

étapes qui les mènent à « maturité politique », par adéquation finale à une « essence »

partisane :

« It is a premise of this study [...] that the existence of political parties and the dominance of the political process by the party system is an inevitable fact of modern political life. In so far that this premise is accepted, the development of a latent party system within the EP must be judged a positive and propitious step [...]. [Such a system] is a measure of the political power and maturity of [an] institution [...]. It is therefore essential, and one of the major aims of this study, to examine the cohesion, unity and political maturity of the European political groups. »146

145 A deux exceptions près qui ne remettent pourtant pas cette conclusion en cause : Georges Vedel, on l’a vu, parle du « parti européen » comme d’un groupe de pression, mais c’est pour mieux nier l’existence de toute organisation politique formalisée, et formalisable, au niveau européen (n°67 du corpus, 1974). Dusan Sidjanski propose également, dans plusieurs textes, la comparaison avec les groupes de pression ou de « promotion », mais il précise à chaque fois : soit qu’il s’agit bien de « partis » (« les partis agissent parfois en groupes de pression dans la Communauté », n°16, 1961), soit que ces groupes de promotion peuvent être éventuellement envisagés, dans une « vision prospective », comme des « embryons de fédérations communautaires de partis ou de partis européens » (n°34, 1968,). Le « paradigme » partisan est donc bien toujours présent comme arrière-plan discursif incontournable. 146 N°69 : FITZMAURICE, John, The Party Groups in the European Parliament, Farnbourough, Saxon House, 1975, p. VII (traduction : « Une prémisse de cette étude est que l’existence de partis politiques et la domination du processus politique par le système partisan est un fait inévitable de la vie politique moderne. Dans la mesure où l’on accepte cette prémisse, le développement d’un système partisan latent au sein du PE doit être jugé comme une étape positive et favorable. Un tel système est la mesure du pouvoir politique et de la maturité d’une institution. [...] Il est donc essentiel, et c’est l’un des buts

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

281

On perçoit le problème que pose une telle vision : elle tend à considérer l’histoire

des /partis européens/ et celle de l’intégration européenne comme une « histoire

naturelle »147, qui se déploierait dans une direction définie a priori, quelle qu’elle soit,

et vers laquelle elle se dirigerait inexorablement, sans tenir compte des contingences

historiques. Les /partis européens/, d’ailleurs, apparaissent dans cette conception à la

fois comme une étape nécessaire sur cette route et un accélérateur du processus

d’intégration, sorte de « catalysateur » chimique du « précipité européen »148. On voit

apparaître ici, dans les discours d’avant 1992, le rôle « intégrateur » des /partis

européens/, qu’on retrouvera dans le texte de la codification de l’article 138a :

« Sieht man einmal von der Entstehung von Integrationsakteuren wie Supranationalen Konzernen und Gewerkschaften ab, ist vor allem mit der ersten Direktwahl zum Europäischen Parlament ein neuer Typ von integrationsrelevanten Akteuren entstanden. Es handelt sich dabei um die Parteienföderationen wie z.B. den Bund der Sozialdemokratischen Parteien der EG, die Europäischen Liberalen Demokraten und die Europäische Volkspartei. »149

Finalement, le choix de la comparaison « à tout prix » avec le modèle et l’histoire

des partis politiques nationaux se fait donc au prix d’une tautologie qu’on pourrait

résumer ainsi : « les /partis européens/ ne sont pas encore des partis, mais ils le

deviendront quand ils le seront devenus, puisqu’ils sont destinés à le devenir ».

principaux de cette étude, d’examiner la cohésion, l’unité et la maturité politique des groupes politiques européens. »). 147 Voir la critique décisive qu’a donnée Michel Dobry de cette « illusion de l’histoire naturelle » : DOBRY, Michel, Sociologie des crises politiques, Paris, FNSP, 1986 (p. 61-76). Voir aussi ses réflexions sur les impasses de la « transitologie » en général, et des théories de la path dependence en particulier : DOBRY, Michel, « Les voies incertaines de la transitologie. Choix stratégiques, séquences historiques, bifurcations et processus de path dependence », Revue française de science politique, vol. 50, n°4-5, 2000, p. 585-614. 148 Geoffrey et Pippa Pridham parlent ainsi du « « chemical » or galvanising effect » provoqué par l’entrée des « partis transnationaux » sur la scène européenne, à l’occasion des élections directes de 1979, et qui a contribué au passage à une nouvelle phase de l’histoire communautaire, d’intégration « positive » plutôt que « négative » : voir n°223 : PRIDHAM Geoffrey, PRIDHAM Pippa, Transnational Party Co-operation and European Integration. The process towards direct elections, Londres, Allen & Unwin, 1981, p. 29 et p. 278-279. 149 N°235 : SEIDELMANN, Reimund, « Der Bund der Sozialdemokratischen Parteien der EG und die westeuropäische Integration », Aus Politik und Zeitgeschichte, n°12/83, 1983, p. 16-25 (ici p. 16) (traduction : « Mis à part l’émergence d’acteurs de l’intégration comme les entreprises supranationales et les syndicats, un nouveau type d’acteurs importants pour l’intégration est apparu. Il s’agit des fédérations de partis comme par exemple l’Union des partis sociaux-démocrates de la CE, les Européens Libéraux et Démocrates et le Parti populaire européen »).

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

282

Cette position extrême, on le comprend, n’est jamais explicitée aussi clairement

dans notre corpus. Elle constitue pourtant l’aboutissement logique de tout

développementalisme qui serait conséquent avec lui-même. Or, le constat que des

/partis européens/ sont destinés à advenir dans le cours de l’intégration européenne,

mais qu’ils sont en quelque sorte « en retard », peut conduire à s’engager concrètement

pour tenter d’accélérer leur venue. On retrouve par là la posture prescriptive des acteurs

de la promotion de l’ « article des partis », sur laquelle peuvent se retrouver, que ce soit

dans les discours ou dans les mobilisations pratiques, certains auteurs et acteurs étudiés.

III.1.2 – Le fonctionnalisme implicite de l’option sui generis, et ses problèmes

Plutôt que de tenter de rapprocher les /partis européens/ d’un modèle de parti

existant, on peut en effet choisir d’en faire un modèle à part, sui generis. Les /partis

européens/ seraient ainsi des partis « par exception », reprenant certaines

caractéristiques communes et en développant d’autres qui leur seraient propres.

Cette option ne veut pas dire qu’on renonce à la comparaison, bien au contraire. Si

les partis européens sont « exceptionnels », c’est qu’ils ne correspondent à aucun des

modèles envisageables de /parti national/. Mais ceux-ci doivent d’abord être posés,

implicitement ou explicitement, pour pouvoir être « dépassés » dans la construction

d’un idéaltype du /parti européen/ :

« On construira l’idéaltype wébérien du système communautaire de partis en se fondant sur le paradigme des quatre clivages fondamentaux ; c'est-à-dire que l’on analysera les options communautaires – apport de l’innovation – suivant la logique qui présida à la genèse des systèmes de partis en Europe – apport de la tradition. »150

En d’autres termes, si les /partis européens/ « innovent », c’est par rapport à une

« tradition » politique bien établie et identifiable. Imaginer des partis d’un nouveau

type, c’est encore imaginer des partis.

150 N°236 : SEILER, Daniel-Louis, « Les fédérations de partis au niveau communautaire », dans HRBEK, Rudolf, JAMAR, Joseph, WESSELS, Wolfgang (dir.), Le Parlement européen à la veille de la deuxième élection au suffrage universel : Bilan et perspectives, Bruges, Tempelhof, 1984, p. 459-507 (ici p. 472).

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

283

Mais en quoi ces « partis nouveaux » sont-ils toujours des « partis » ? A quel niveau

situer leurs différences, à quel niveau leurs ressemblances ? Car malgré leur caractère

sui generis, il faut bien que ces partis spéciaux ressemblent en quelque chose à tous les

autres pour qu’on puisse parler de « phénomène partisan » à chaque fois. En d’autres

termes, pour pouvoir parler de « partis » dans chaque cas, on est obligé de postuler qu’il

y a quelque chose comme une « essence partisane »151 qui permettrait de rapprocher,

malgré tout, des partis aussi différents que les « partis canadiens », les « partis

allemands », les « partis suisses » ou les « partis européens ». Sans nous attarder ici sur

les problèmes que pose l’idée d’une « essence » partisane et la réification de chacune de

ces catégories152, on voit bien que, dans cette logique, chaque type spécifique de

« parti » doit néanmoins continuer d’appartenir au moins partiellement à une catégorie

151 On a même forgé, en anglais, le concept de partyness pour tenter d’appréhender cette essence partisane qui serait commune aux « vrais partis », ou en tout cas à l’aune de laquelle on pourrait mesurer le degré de proximité de telle ou telle organisation par rapport à un modèle partisan idéal. Voir surtout : KATZ, Richard S., « Party Government : a Rationalistic Conception », dans CASTLES, Francis G., WILDENMANN, Rudolf (dir.), Visions and Realities of Party Government, Berlin, de Gruyter, 1986, p. 31-71, plus particulièrement « II. Conceptual Problems : A. Party and Partyness » (p. 37-42) : « More generally, organisations can vary in the degree to which they satisfy each of these requirements. This implies that one should be concerned with the level of partyness of a group, that is with the degree to which a group approximates the party ideal type, rather than with the dichotomous choice of whether or not to call the group a party. » (p.42) (traduction : « Plus généralement, les organisations peuvent se différencier selon le degré auquel elles satisfont chacune de ces exigences. Cela implique qu’il faut s’interroger sur le niveau de « partisanité » d’un groupe, c’est-à-dire le degré auquel un groupe se rapproche du type idéal du parti, plutôt que sur le choix dichotomique de savoir s’il faut appeler « parti » ou pas ce groupe »). Voir aussi : KATZ, Richard S., KOLODNY, Robin, « Party Organization as an Empty Vessel : Parties in American Politics », dans KATZ, Richard S., MAIR, Peter (dir.), How Parties Organize. Change and Adaptation in Pary Organizations in Western Democracies, Londres, Sage, 1994, p. 23-50. 152 Peut-on vraiment parler de « modèle canadien » de partis politiques ? des « partis allemands » ? C’est la question beaucoup plus vaste et essentielle des dangers de la réification et de la « substantivation » en science sociale qui est posée par là. Comme le dit Michel Dobry à propos de la catégorie pratique de « crise » : « En ce point, nous sommes définitivement en présence de l’une des plus communes, des plus récurrentes, des plus stérilisantes, et des plus grossières aussi, des erreurs auxquelles s’exposent les sciences sociales, qui consiste à vouloir déduire des usages « naturels » d’un substantif – ici « crise » – une substance commune et, ultimement, l’ « essence » des choses, des phénomènes multiples auxquels correspond le substantif ». Voir DOBRY, Michel, « Brève note sur les turpitudes de la « crisologie » : que sommes-nous en droit de déduire des multiples usages du mot « crise » ? », Cahiers de la sécurité intérieure, n°7, novembre 1991-janvier 1992, p. 289-294, ici p. 291. Voir aussi : LACROIX, Bernard, « Ordre politique et ordre social : Objectivisme, objectivation et analyse politique », dans GRAWITZ, Madeleine, LECA, Jean, Traité de science politique, tome 1, Paris, PUF, 1985, p. 469-565 : « [...] une catégorie donne une forme à un phénomène qui finit, de ce fait, par échapper à la diversité de ses manifestations [...] cette forme transcendante à son tour transforme le phénomène pour lui donner une « réalité » qu’elle présente sous le mode de la chose et lui conférer une consistance particulière, dure, pleine et incontournable » (p. 482). Pour une discussion étendue du problème, voir : ELIAS, Norbert, Qu’est-ce que la sociologie ?, La Tour d’Aigues, éd. de l’aube, 1991 (1970), p. 7-8 ou p. 133-135 notamment.

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

284

générique de « parti » qui permette de les rapprocher, ne serait-ce que pour marquer

leurs différences.

Or, si ces partis se distinguent, dans les comparaisons qui sont faites, par leur forme

particulière, par leurs structures organisationnelles, ils semblent pouvoir être rapprochés

par les « fonctions » dont on les charge. Le débat sur les « fonctions partisanes » est

aussi ancien et foisonnant que celui sur les modèles organisationnels des partis

politiques153. La question n’est pas ici de prendre position théoriquement sur le sujet,

mais bien de montrer en quoi ce fonctionnalisme implicite peut poser problème.

Tout d’abord, la question se pose de savoir lesquelles des fonctions

traditionnellement dévolues aux organisations partisanes, les /partis européens/ peuvent

remplir. Parmi elles154, il y en a deux qui sont systématiquement écartées : celle de la

socialisation politique (du fait de l’absence d’adhérents individuels quel que soit le type

de référent considéré) et celle du gouvernement ou de la coordination des organes

gouvernementaux qui est au mieux considérée comme une perspective à long terme :

« On est fondé à se demander si les partis politiques n’ont pas perdu au plan communautaire et européen, du moins dans une large mesure, leur vocation fondamentale à participer au gouvernement et à contrôler la gestion publique [...]. »155

« As long as European elections do not, in practice, designate a European Government or at least an Assembly which has a real say in EC legislation, we do not see much hope for political parties at the European level playing what is their essential role in any democracy: to offer teams of political leaders who,

153 Comme pour les modèles de partis en général, l’objet de cette thèse n’est pas de revenir sur ces débats théoriques, pour lesquels on pourra se reporter, par exemple, à : SCHATTSCHNEIDER, Elmer Eric, Party Government, New York, Holt, 1942 ; LAVAU, Georges, « Partis et systèmes politiques interactions et fonctions », Revue canadienne de science politique, vol. 2, n°1, 1969, p. 18-44 ; LAVAU, Georges, A quoi sert le parti communiste français ?, Paris, Fayard, 1981 ; MERKL, Peter (dir.), Modern Comparative Politics, New york, Holt, Rinehart and Winston, 1970 ; SARTORI, Giovanni. Parties and Party Systems : A Framework of Analysis, Cambridge, Cambridge University Press, 1976, notamment p. 27-28. 154 On peut par exemple s’inspirer du modèle développé par Peter Merkl, qui appartient justement à notre corpus et qui dégage, dans l’ouvrage cité six principales fonctions pour les partis : intégration sociale, socialisation politique, recrutement et sélection des élites, mobilisation de soutien, coordination et contrôle des organes gouvernementaux, établissement de programmes et de politiques pour le gouvernement : MERKL, Peter (dir.), Modern Comparative Politics, New York, Holt, Rinehart and Winston, 1970. 155 N°34 : SIDJANSKI, Dusan, « Les partis politiques et l’intégration européenne », dans Comunicación social e integración europea, Barcelona, Instituto de Ciencias sociales, 1968, p. 387-402 (ici p. 388).

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

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by competing with each other, offer a meaningful choice among alternatives policies. »156 « [...] there are no strong ties between the assembly parties and their national counterparts in the member countries. But even though these ties may be weak, the rise and growth of these parties has significance as an important part of the institutional framework that may one day become part of the central government of the United States of Europe. »157

Principalement, on a pu s’en apercevoir tout au long du chapitre par le contenu des

exemples tirés du corpus, les fonctions que les /partis européens/ pourraient remplir

selon les auteurs du corpus, et à plus ou moins brève échéance, se résument surtout à

l’organisation des élections « européennes »158 et à la légitimation démocratique du

système politique communautaire159. Or, pour tous les auteurs du corpus, ces deux

fonctions sont liées de manière nécessaire à la mise en place des élections européennes

directes, prévues pour la communauté européenne dès le traité de Paris instituant la

CECA, mais qui reste une virtualité imprécise jusqu’au milieu des années 1970160 :

« L’élection européenne nécessite des programmes communs, des programmes politiques. [...] Et si l’on veut vraiment créer l’Europe, il est nécessaire que s’exprime la force des partis politiques. »161

156 N°258 : NIEDERMAYER, Oscar, REIF, Karlheinz, « The European Parliament and the Political Parties », Journal of European Integration / Revue d’intégration européenne, vol. 10, n°2-3, 1987, p. 172. Traduction : « Aussi longtemps que les élections européennes ne désignent pas, en pratique, un gouvernement européen, ou au moins une Assemblée qui ait vraiment son mot à dire sur la législation de la CE, nous ne voyons pas beaucoup d’espoir pour les partis politiques au niveau européen de jouer ce qui est leur rôle essentiel en démocratie : offrir des équipes ou des leaders politiques qui, en rivalisant les uns avec les autres, offrent un choix significatif parmi des politiques alternatives ». 157 N°17, MERKL, Peter, « European Assembly Parties and national delegations », The Journal of Conflict Resolution, vol. 8, n°1, mars 1964, p. 50-64 (ici p. 50). (traduction : « Il n’y a pas de liens forts entre les partis d’assemblée et leurs équivalents nationaux dans les pays membres. Mais même si ces liens sont faibles, l’émergence et la croissance de ces partis a une signification en tant que composante importante du cadre institutionnel qui pourrait devenir un jour partie intégrante du gouvernement central des Etats-Unis d’Europe »). 158 Qui pourrait réunir selon la classification de Merkl, les fonctions de recrutement et sélection des élites, de mobilisation de soutien, et surtout de l’établissement de programmes. 159 Qui renvoie à la fonction d’ « intégration sociale » dans la typologie de Merkl. 160 Inscrite à l’article 21 du traité de Paris du 18 avril 1951 créant la CECA, la possibilité de recourir au suffrage universel pour la nomination des députés européens est restée pendant 25 ans « lettre morte », malgré le travail de « lobbying » des députés européens eux-mêmes et d’une série d’acteurs politiques et académiques de différents pays. C’est seulement lors du Sommet de Paris de décembre 1974, puis par un Acte règlementaire du Conseil de l’Union du 20 septembre 1976 que la décision de modifier le mode de nomination des députés de l’assemblée parlementaire européenne a été adoptée et que les « élections européennes » ont pu avoir lieu, pour la première fois, en juin 1979. 161 N°87 : MANSHOLT, Sicco L., « L’élaboration, par les partis se réclamant d’une même idéologie, de programmes européens communs », dans I.E.J.E., Le Parlement européen. Pouvoirs – Election – Rôle

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

286

« The business of rectifying the « democratic deficit » in the EC is therefore no longer merely a vague desired aim, but also a functional necessity. New European-level party political pressures are emanating from the event of direct elections, so that it is viable to regard developments in the 1970s as representing an important new historical phase in transnational party co-operation. »162 « In theory their main function is precisely to promote and intensify links between the national and European systems as a contribution towards strengthening the EC as a democratic institution. »163

Du coup, les /partis européens/ voient les deux grandes fonctions qu’ils pourraient

remplir164 dépendre d’une élection qui, jusqu’en 1974-1976 n’a aucune certitude d’être

mise en place et qui, après les premières élections de 1979, apporte une vague de

déception et de « désillusion » très marquée dans notre corpus :

« Die intensivierten Aktivitäten im Vorfeld der ersten Direktwahl zur Programmerstellung und zur Koordinierung des Wahlkampfes schienen darauf hinzudeuten, dass in Zukunft auf europäischer Ebene verstärkt auch mit den europäischen Parteienzusammenschlüsse als politisch handlungsfähigkeit Akteuren rechnen sein würde. Diese Erwartungen haben sich [...] offensichtlich nicht erfüllt. »165 « In Ansätzen der Integrationstheorie ist die Vorstellung impliziert, Parteienföderationen könnten als neue politische Akteure dem

futur (Actes du 8e colloque de l’Institut d’études juridiques européennes, organisé à Liège les 24, 25 et 26 mars 1976), Liège, IEJE, 1976, p. 163-171 (ici p. 168). 162 N°191 : PRIDHAM, Geoffrey, PRIDHAM, Pippa, Towards Transnational Parties in the European Community, Londres, PSI, 1979, p. 3 (traduction : « Le travail de rectifier le « déficit démocratique » dans la CE n’est donc plus seulement un vague objectif souhaité, mais aussi une nécessité fonctionnelle. De nouvelles pressions de partis politiques au niveau européen émanent de cet évènement des élections directes, de telle sorte qu’il est plausible d’envisager les développements des années 1970 comme représentant une nouvelle phase historique dans la coopération partisane transnationale »). 163 N°258 : NIEDERMAYER, Oscar, REIF, Karlheinz, « The European Parliament and the Political Parties », Journal of European Integration / Revue d’intégration européenne, vol. 10, n°2-3, 1987, p. 166. (traduction : « En théorie, leur fonction principale est justement de promouvoir et d’intensifier les liens entre les systèmes national et européen, en tant que contribution vers le renforcement de la CE comme institution démocratique ».) 164 La légitimation démocratique qu’ils sont censés pouvoir apporter est indissociable, dans tous les discours, de l’élection européenne elle-même. 165 N°234 : SCHMUCK, Otto, « Neue Ergebnisse der EUropäischen Parteienforschung », Integration, n°2, avril 1983, p. 85-90 (ici p. 85) (traduction : « L’intensification des activités en prévision des premières élections directes, en vue d’établir des programmes et de coordonner les campagnes électorales semblait indiquer que dans le futur il faudrait compter également avec les associations de partis renforcées au niveau européen, en tant qu’acteurs politiques à part entière. Ces attentes n’ont visiblement pas été comblées »).

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

287

Integrationsprozess Impulse geben und Integrationsfortschritt förden. Die bisherige Bilanz ergibt, dass davon noch keine Rede sein kann.. »166

Dans les deux cas, les /partis européens/ sont des partis « en attente ». Soit parce

qu’ils ne prennent sens que par rapport à un évènement qui ne s’est pas encore produit,

leur fonctionnalité étant soumise au « test » anticipé, mais non vérifiable encore, de leur

rôle et activité pendant ces élections.

« Si avvia cosí un processo – certo lungo e complesso – al termino del quale la politica comunitaria si trasformerà da politica intergovernative in politica partitica. »167

Soit parce que les résultats des premières élections européennes s’avèrent

explicitement décevants pour de nombreux auteurs, les « tests » de 1979, 1984 et 1989

n’ayant pas apporté les bouleversements prédits ou espérés par la plupart des auteurs de

notre corpus. Certains auteurs en viennent à constater, après coup, que les attentes

étaient trop hautes :

« Party adaptation to EC integration has taken two major forms : the so-called federations and the electoral alliance accords [...] Federations were expected to provoke a real party integration and to provide a channel for selecting the EC political leadership, but – to say it smoothly – they have not performed very well in these fileds. »168

166 N°239 : HRBEK, Rudolf, « Europäische Parteienföderationen, dans WOYKE, Wichard (dir.), Europäische Gemeinschaft : Problemfelder - Institutionen - Politik, Munich, Piper, 1984, p. 221-226 (p.226) (traduction : « Dans les approches de la théorie de l’intégration est impliquée l’idée que les fédérations de partis pourraient donner un élan au processus d’intégration en tant que nouveaux acteurs et favoriser une avancée dans l’intégration. D’après le bilan que l’on peut dresser jusqu’ici, on voit qu’il ne peut pas encore en être question »). 167 ATTINÀ, Fulvio, « Interpretazioni e Ipotesi sul Sistema dei Partiti del Parlamento europeo », Rivista Italiana di Scienza Politica, 1978, n°2, p. 273-291 (273) : (traduction : « Un processus se rapproche ainsi – certes long et complexe – au terme duquel la politique communautaire se transformera de politique intergouvernementale en politique partisane »). 168 N°275 : ATTINÀ, Fulvio, « Parties, Party Systems and Democracy in the European Union », The International Spectator, vol. 27, n°3, 1992, p. 67-86 (traduction : « L’adaptation partisane à l’intégration communautaire a pris deux formes principales : ce qu’on appelle les fédérations et les accords d’alliance électorale [...] Les fédérations étaient supposées provoquer une intégration partisane réelle et fournir un canal pour la sélection du leadership politique communautaire, mais – pour le dire de manière atténuée – elles n’ont pas très bien réussi dans ces domaines »).

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

288

On pourrait presque parler ici d’ « échec d’une prophétie », pour reprendre le titre de

la célèbre étude de Festinger169, même si ce rapprochement doit être nuancé dans la

mesure où très peu d’auteurs sont présents à la fois avant et après les élections de 1979

dans notre corpus, ce qui empêche d’étudier précisément les réactions individuelles de

chacun de ceux qui ont pu contribuer à faire de l’élection européenne cet « horizon

d’attente » si important. Certains mécanismes mis au jour par Festinger et son équipe se

retrouvent néanmoins ici. Ainsi, face à la situation de « dissonance cognitive » que

provoque le « déclassement » de ces élections, tant attendues et tant annoncées, en

« élections de second ordre »170, l’une des solutions couramment adoptées consiste par

exemple à tenter de « remotiver » la prédiction avortée en reportant simplement le

moment annoncé de sa réalisation, ou en modifiant les conditions de validation de la

prédiction, en mettant en avant, par exemple, un nouvel objectif à remplir pour que la

prophétie s’accomplisse, comme notamment celui de la mise en place préalable d’une

procédure électorale uniforme :

« Les fédérations communautaires de partis se mueront en partis européens quand l’élection du PE sera vraiment une élection européenne et non plus une série de scrutins à « prétexte européen ». »171

« It is possible that, without the immediate stimulus and practical pressures from these elections, the long-term or principled arguments resulting from overall politicisation in the Community and relating to the democratising of its structure, would not have sufficed to catalyse this party-political institutionalisation » [...] « The one area where some breakthrough could occur in their acquisition of a more political role at the European level would be in the event of a uniform electoral law throughout the EC, necessitating greater European co-ordination in the next elections for the EP. »172

169 Qui permet de comprendre comment la non réalisation d’une prédiction renforce, plutôt qu’elle ne délite, la « croyance » d’un groupe de fidèles : FESTINGER, Leon, RIECKEN, Hank, SCHACHTER, Stanley, L’échec d’une prophétie. Psychologie sociale d’un groupe de fidèles qui prédisaient la fin du monde, Paris, PUF, 1993 (1956). 170 On remarquera au passage que les auteurs de cet article marquant des « études européennes » (REIF, Karlheinz, SCHMITT, Hermann, « Nine Second-Order National Elections – A Conceptual Framework For The Analysis Of European Election Results », European Journal Of Political Research, vol. 8, Issue 1, 1980, p. 3-44) se retrouvent justement dans notre corpus et jouent un rôle non négligeable dans les « réseaux » d’acteurs que nous analyserons dans le chapitre suivant. 171 N°236 : SEILER, Daniel-Louis, « Les fédérations de partis au niveau communautaire », dans HRBEK, Rudolf, JAMAR, Joseph, WESSELS, Wolfgang (dir.), Le Parlement européen à la veille de la deuxième élection au suffrage universel : Bilan et perspectives, Bruges, Tempelhof, 1984, p. 459-507 (ici p. 460). 172 N°223 : PRIDHAM Geoffrey, PRIDHAM Pippa, Transnational Party Co-operation and European Integration. The process towards direct elections, Londres, Allen & Unwin, 1981, p. 110 et 284 (traduction : « Il est possible que, sans le stimulus immédiat et les pressions pratiques de ces élections, les vieux arguments de principe – résultat d’une politisation générale dans la Communauté ou reliés à la

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

289

En fait, on le voit, le présupposé fonctionnaliste qui découle de la considération des

/partis européens/ comme des partis sui generis en revient finalement au

développementalisme de la première option décrite et débouche sur la même impasse :

si les /partis européens/ sont des « partis », c’est qu’ils en rempliront potentiellement les

fonctions un jour, peut-être. En définitive, les /partis européens/ sont des partis sui

generis tout simplement parce qu’ils ont la particularité étonnante d’être des partis qui

ne sont pas encore des partis. S’il fallait vraiment donner un nom à ce nouveau

« modèle partisan », on pourrait les appeler les « stand-by parties » : à la fois « partis

dormants » qu’on a mis en attente et « partis-pris » qu’on n’abandonne jamais, quelles

que soient les difficultés rencontrées.

Dans tous les cas, les discours sur les /partis européens/ s’interdisent en général de

rendre compte de l’existant, puisqu’ils repoussent le moment de l’explication en tant

que telle dans un avenir incertain et indéterminé, jusqu’au moment où ces partis seront

peut-être devenus de « vrais » partis, remplissant leurs « vraies » fonctions. Ces

discours savants sur les /partis européens/ sont en ce sens finalement, plutôt qu’une

prophétie, des sortes de discours d’anticipation – de science (politique) fiction – qui ont

leur cohérence et leur intérêt propres, mais qui détournent le regard du présent.

III. 2 – Les « algorithmes discursifs » communs du discours sur les /partis européens/ et leur place dans le savoir politique européen :

partis, élections et démocratie

Avant de clore ce chapitre, nous aimerions revenir rapidement sur ce que nous avons

qualifié d’« épistémologie spontanée » de ces discours et ouvrir des pistes de recherche

qui dépassent le cadre de cette thèse et ouvrent sur l’analyse plus vaste – l’archéologie –

de la formation du savoir politique européen.

démocratisation de ses structures – n’auraient pas suffi pour catalyser l’institutionnalisation des partis politiques. [...] Un domaine dans lequel quelques changements pourraient apparaître au sujet de leur acquisition d’un rôle plus politique au niveau européen serait l’éventualité d’une procédure électorale uniforme à travers toute la CE, nécessitant plus de coopération pour les prochaines élections du PE ».

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

290

Le pseudo modèle ironique de « stand-by party » sur lequel a débouché notre

analyse permet en fait d’entrevoir une caractéristique essentielle des discours sur les

/partis européens/. Les constructions savantes autour de ces partis « en attente », qu’on

tient prêts à entrer en action mais qui sont toujours en suspens, reposent précisément sur

des prises de position qui lient indissociablement les partis politiques à tout système

politique « moderne » qu’on prétendrait démocratique.

L’idée centrale qui parcourt l’espace des discours sur les /partis européens/, à toutes

les époques et dans toutes les langues, est en effet que les partis politiques sont un

élément nécessaire à toute démocratie, un attribut sans lequel celle-ci n’est pas

pensable :

« Une des grandes innovations des organisations européennes, c’est précisément d’avoir institutionnalisé l’activité des partis politiques sur le plan international. Elles ont entamé le processus de « démocratisation » des relations internationales. Le Conseil de l’Europe et l’Union de l’Europe occidentale flanqués de leurs Assemblées consultatives ; les Communautés européennes (CECA, MC et Euratom) pourvues d’une assemblée parlementaire, légalisent ainsi l’action des partis. »173 « It is a premise of this study [...] that the existence of political parties and the dominance of the political process by the party system is an inevitable fact of modern political life. In so far that this premise is accepted, the development of a latent party system within the EP must be judged a positive and propitious step : [...] this premise may be extended to encompass the view that a well developed party system is indispensable to the proper functioning of a representative democracy. »174 « On conçoit mal, dans les sociétés industrielles libérales d’Occident, le système représentatif fonctionnant sans partis politiques [...] Le trinôme Parlement-élections-partis politiques s’affirme aux yeux des Européens comme une Gestalt unique. »175

173 N°15 : SIDJANSKI, Dusan, « Partis politiques face à l’intégration européenne », Res Publica, vol. 3, n°1, mars 1961, p. 43-65 (ici p. 43). 174 N°69 : FITZMAURICE, John, The Party Groups in the European Parliament, Farnbourough, Saxon House, 1975 (ici p. VII). (traduction : « C’est un présupposé de cette étude que l’existence des partis politiques et la domination du processus politique par le système de partis est un fait inévitable de la vie politique moderne. Dans la mesure où ce présupposé est accepté, le développement d’un système de partis latent à l’intérieur du PE doit être jugé comme une étape positive et favorable : [...] ce présupposé peut être étendu pour englober l’idée qu’un système de partis bien développé est indispensable pour le fonctionnement correct d’une démocratie représentative »). 175 N°239 : SEILER, Daniel-Louis, « Les fédérations de partis au niveau communautaire », dans HRBEK, Rudolf, JAMAR, Joseph, WESSELS, Wolfgang (dir.), Le Parlement européen à la veille de la deuxième élection au suffrage universel : Bilan et perspectives. Actes du Colloque organisé par le Collège d’Europe et l’Institut für Europäische Politik (Bruges, les 16, 17 et 18 juin 1983), Bruges, Tempelhof, 1984, p. 459-507 (p. 460).

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

291

« Dal punto di vista teorico della logica sistemica e da quello della deontologia democratica, la necessità dei partiti politici, o di strutture omologhe, per la Comunità è dunque fuori discussione. »176 « Als sozio-politische Vermittlungsstrukturen stellen handlungsfäihge europäische Parteienbünde eine unter demokratietheoretischn Gesichtspunkten dringend notwendige Ergänzung des intergouvernemental ausgerichteten rudimentären politischen Systems der EG dar. »177

On aura compris qu’un autre topos récurrent des discours savants « européens » se

dessine ici en creux, celui du « déficit démocratique » dont souffrirait l’Union

européenne et qui peut être très explicitement relié, dans le corpus, au thème de

l’émergence de /partis européens/ qui représentent à ce titre l’espoir d’une réduction de

ce déficit :

« Le fait s’avère désormais acquis : les partis politiques constituent le véhicule obligé de la démocratie. [...] Qu’on le loue ou qu’on le déplore, la vie politique ne se conçoit plus en 1977 sans partis politiques, certains auteurs italiens qualifièrent même cette situation de partitocrazia [...]. »178 « The reasons for their establishment (federations) were broadly the following three : an awareness of the implications of growing politicisation in the EC; the desire to meet the argument about the « democratic deficit » in the evolving system of the EC; and the very pressures exerted in favour of closer European co-operation by prospective direct elections. »179

176 N°215 : PAPISCA, Antonio, « Partiti e coalizioni nel « nuovo » Parlamento europeo », Rivista Italiana di Scienza Politica, 10e année, n°2, 1980, p. 241-264 (ici p. 247). (traduction : « Du point de vue théorique de la logique systémique et de celui de la déontologie démocratique, la nécessité des partis politiques, ou de structures homologues, pour la Communauté est donc sans discussion »). 177 N°252 : NIEDERMAYER, Oscar, « Zehn Jahre Europäische Parteienbünde: Kein Integrationsschub », Integration, vol. 8, n°4, 1985, p. 174-181 (ici p. 175). (traduction : « En tant que structures socio-politiques de la médiation, des confédérations européennes de partis viables représentent, du point de vue de la théorie de la démocratie, un complément nécessaire urgent au système politique rudimentaire de la CE orienté vers l’intergouvernemental »). 178 N°154 : SEILER, Daniel-Louis, Les partis politiques en Europe, Paris, PUF, 1978, p. 103-124 (ici p. 1-3). 179 N°223 : PRIDHAM Geoffrey, PRIDHAM Pippa, Transnational Party Co-operation and European Integration. The process towards direct elections, Londres, Allen & Unwin, 1981, p. 106-107 (traduction : « Les raisons de leur fondation (des fédérations) étaient globalement les trois suivantes : une conscience des implications de la politisation croissante dans la CE ; le désir de répondre à l’argumentation du « déficit démocratique » dans le système en évolution de la CE ; et les pressions mêmes exercées en faveur d’une coopération européenne plus étroite par la perspective de l’élection directe »).

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

292

C’est là la fonction de légitimation démocratique que les /partis européens/ sont

appelés à remplir, comme on l’a vu plus haut. L’idée que les partis politiques, en

général, sont un attribut démocratique essentiel, n’est pas une invention des études

européennes, bien entendu. Dans la dichotomie établie par Seiler entre les apports de

l’innovation et de la tradition pour penser le système de partis communautaire180, cette

indissociabilité entre partis et démocratie remonte au contraire à la très ancienne

« tradition », forgée notamment en Allemagne181, des débats théoriques sur le

Parteienstaat à partir, d’abord, des remarques de Max Weber sur la question et, ensuite,

du « réinvestissement » de cette question par (l’autrichien) Hans Kelsen, notamment :

« Ces nouvelles formations [la structure et l’organisation modernes des partis] sont des enfants de la démocratie, du suffrage universel, de la nécessité de recruter et d’organiser les masses de l’évolution des partis vers l’unification de plus en plus rigide au sommet et vers la discipline la plus sévère aux divers échelons. »182 « La démocratie moderne repose entièrement sur les partis politiques [...]. On comprend par suite les tendances - sans doute très faibles jusqu’à présent – à donner aux partis politiques une base dans la Constitution, un statut juridique qui réponde au rôle qu’ils tiennent en fait depuis longtemps, le rôle d’organes de formation de la volonté étatique. C’est en effet illusion ou hypocrisie que soutenir que la démocratie est possible sans partis politiques. Car il est trop clair que l’individu isolé, ne pouvant acquérir aucune influence réelle sur la formation de la volonté générale, n’a pas, du point de vue politique, d’existence véritable. La démocratie ne peut, par suite, sérieusement exister que si les individus se groupent d’après leurs fins et affinités politiques, c’est-à-dire que si, entre l’individu et l’Etat viennent s’insérer ces formations collectives dont chacune représente une certaine orientation commune à ses membres, un parti politique. La démocratie est donc nécessairement et inévitablement un « Etat de partis » [Parteienstaat]. »183

La « tradition savante » allemande n’est pas la seule « filière discursive » à avoir

mis l’accent sur le lien entre partis et démocratie représentative. Mais c’est néanmoins

180 N°236 : SEILER, Daniel-Louis, « Les fédérations de partis au niveau communautaire », dans HRBEK, Rudolf, JAMAR, Joseph, WESSELS, Wolfgang (dir.), Le Parlement européen à la veille de la deuxième élection au suffrage universel : Bilan et perspectives, Bruges, Tempelhof, 1984, p. 472. 181 Ou en tout cas en allemand, si l’on considère que Hans Kelsen, l’un de ses fondateurs, était autrichien. On comprend peut être différemment à présent la prépondérance de l’allemand dans notre corpus, sur laquelle nous reviendrons dans le chapitre suivant. 182 WEBER, Max, Le savant et le politique, Paris, éd. 10/18, 2004 (1919), p. 171. 183 KELSEN, Hans, La démocratie. Sa nature – Sa valeur, Paris, Economica, 1988 (1929), p. 30-31.

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

293

en Allemagne, et principalement à partir des théorisations de Hans Kelsen184, que s’est

développée l’idée d’un lien « constitutionnel » entre partis et démocratie et que s’opère

le « transfert » de l’idée sociologique d’un lien inévitable entre les deux à l’idée

juridique d’un lien nécessaire, et souhaitable. Des sociologues comme Weber ou

Michels, par exemple, décrivent encore une corrélation matérielle, due au fait que le

nouveau système de domination qui se met en place, l’Etat démocratique, organise des

élections au suffrage universel : les partis sont nécessaires, mais ils ne contribuent pas,

dans cette logique, à la démocratie en tant que telle. Avec l’importation en droit public

de la notion de /parti politique/, notamment par Kelsen, on passe à l’idée que celle-ci a

une « valeur » positive intrinsèque et qu’elle permet, au contraire, la démocratie. Il

devient possible de penser que si « la démocratie est donc nécessairement et

inévitablement un « Etat de partis » », ce n’est plus seulement parce qu’elle est

« condamnée à l’être », malgré les périls oligarchiques qu’il recèle, c’est en plus qu’elle

se doit de l’être.

Il faudrait aller beaucoup plus loin dans l’analyse. Ce qui s’ouvre ici, c’est une

nouvelle piste de recherche, qui consisterait à étudier l’espace des discours portant, non

plus seulement sur les /partis européens/, mais plus généralement sur les /partis

politiques/. On pourrait peut-être par là montrer comment ces deux configurations

discursives sont imbriquées et relèvent, toutes deux, d’une même formation discursive,

d’un même « savoir politique européen » dont il est possible de faire l’archéologie185.

184 Qui bien qu’Autrichien, a enseigné en Allemagne au début des années 1930 (voir note suivante) comme on l’a vu plus haut. Mais il faudrait replacer les théorisations de H. Kelsen beaucoup plus généralement dans le droit public de l’époque. Les débats entre Hans Kelsen et Heinrich Triepel, notamment sur le droit des partis, et la place de cette notion dans la doctrine juridique en général sont là encore des pistes de recherche qui pourraient venir compléter le travail de cette thèse en montrant concrètement comment l’idée de /parti politique/ et ses rapports avec l’organisation de la démocratie, par exemple, a circulé en Europe depuis la première moitié du 20e siècle. 185 Et cette archéologie du savoir politique européen, comme nous tentons de le faire précisément ici pour les /partis européens/, ne pourrait faire l’économie d’une étude détaillée de l’articulation entre discours produits et producteurs de ces discours. Quand on connaît la « trajectoire » personnelle de Hans Kelsen, par exemple (juge de la Cour constitutionnelle autrichienne dans les années 20, il émigre en Allemagne en 1930, lorsqu’il est écarté de son poste par une loi d’inspiration antisémite ; il devient alors professeur à l’Université de Cologne, mais se voit exclu de l’Université en 1933 par les nazis ; il se voit contraint d’émigrer encore, d’abord en Belgique, puis en 1936 en Tchécoslovaquie et enfin, en 1940, vers les Etats-Unis, grâce à l’aide de la Fondation Rockefeller, où il devient lecteur à la Harvard Law School de 1940 à 1942, puis professeur à l’Université de Berkeley (où enseignera par exemple l’un des fondateurs des « études européennes », Ernst Haas, à partir de 1951, au moment même où Hans Kelsen y termine sa carrière en tant que professeur émérite), on entrevoit l’intérêt qu’il peut y avoir à mener une étude prosopographique des auteurs de ce nouveau corpus à constituer.

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

294

Cette piste, que nous laissons ouverte et que nous espérons parcourir bientôt, nous

permet cependant déjà de percevoir que le discours sur les /partis européens/ reprend et

réinvestit, selon les modalités diverses que nous avons pu dégager, cette idée plus

ancienne qui en forme le présupposé global.

La référence à Festinger prend ici une nouvelle signification. Il y a bien une sorte

de « dissonnance cognitive » qui se manifeste dans le corpus et dans cette figure

des stand-by parties : c’est celle qui oppose l’a priori favorable concernant les partis et

la démocratie, aux difficultés constatées pour les faire advenir. On comprend que

confrontés à toutes les tautologies, mais discursivement contraints de présupposer la

nécessité des /partis européens/ pour la « démocratisation » de l’Europe, les discours

savants puissent sembler manquer, parfois, un peu de cohérence en apparence. C’est

qu’ils relèvent en fait, au niveau implicite et invisible de leur « énonciation », d’un

« algorithme discursif » plus contraignant.

La diversité des discours concernant les /partis européens/ s’organise ainsi en une

formation discursive structurée et structurante, dont la combinatoire énonciative impose

ses « règles du jeu » générales à ceux qui choisissent, pour des raisons qui restent à

déterminer et selon des cheminements particuliers qui restent à expliquer, d’être de la

partie.

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

295

Conclusion du chapitre 4

L’analyse des discours portant sur les /partis européens/ a permis de passer

progressivement de la diversité extrême observée dans le corpus à des regroupements

plus larges fondés sur des points communs et même des « schèmes » partagés, qui

structurent et organisent cette dispersion apparente.

Vue « de l’extérieur », la multiplicité matérielle des publications rassemblées dans

le corpus a ainsi pu être synthétisée en tendances générales, faisant du discours sur les

/partis européens/ une « entreprise collective », plutôt allemande. Vue de l’« intérieur »,

la profusion extrême des 400 formes de labellisation différentes repérées a d’abord pu

être appréhendée par le recensement des référents choisis pour chacun de ces labels.

Celui-ci a conduit, empiriquement, aux regroupements des publications du corpus par

type de référent et, théoriquement, à la distinction entre référents actuels et référents

virtuels. Enfin, l’étude du contenu de l’ensemble des textes eux-mêmes a permis

successivement : de dégager l’existence de cinq postures discursives principales

(description, définition, prescription, appréciation et prévision) ; de mettre en évidence

la structure d’un « arbre de dérivation énonciatif » qui fournit à tous ces discours une

combinatoire contraignante commune à partir de quatre « points de choix » ; et

finalement de montrer que tous ces discours reposaient en fait sur un

développementalisme et un fonctionnalisme inhérents à la catégorie même de /partis

européens/.

La trame d’émergence discursive des /partis européens/ a ainsi pu être mise en

évidence, dans l’attente de voir, au chapitre suivant, comment chacun de ses motifs est

investi par les acteurs concrets qui contribuent, collectivement, à la produire. C’est en

effet la deuxième étape nécessaire de ce travail particulier, qui consiste à montrer

comment la codification de l’article 138a a non seulement été rendue possible par les

mobilisations et les intérêts particuliers dégagés dans les chapitres précédents, mais a

aussi été rendue « pensable » par cet ensemble de discours et les formations discursives

dans lesquelles s’inscrivent les discours de justification des acteurs repérés.

C’est bien dans l’articulation des deux que se comprend cette codification, qui en

tant qu’ « évènement discursif », emprunte les mêmes « éléments de langage » et se

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

296

retrouve confrontée aux mêmes points de choix discursifs que ces discours savants,

comme on a pu le voir au cours de la première partie. Mais plus encore que cette

proximité et ces similitudes, ce sont les liens entre les producteurs de ces différents

discours qui articulent ces deux espaces (des discours et des pratiques) car on va voir

que certains acteurs centraux de la codification étudiée se retrouvent à la fois dans les

deux.

Mettre au jour l’organisation commune sous-jacente à la multiplicité constatée des

discours sur les /partis européens/, montrer que ceux-ci font partie de la même

formation discursive, esquisser les relations discursives qui la rendent elle-même

dépendante d’une épistémè plus large, structurant le savoir politique européen de notre

époque : c’est faire, pourrait-on nous dire, « beaucoup de bruit pour rien », ou en tout

cas pour pas grand-chose. Finalement, notre objet très circonscrit (la codification d’un

article de quatre lignes dans un traité communautaire) mérite-t-il et, surtout, nécessite-t-

il de convoquer tout cet attirail théorique, de la linguistique praxématique à

l’archéologie foucaldienne ?

Il nous semble que oui. Ce long détour par l’analyse « interne » de l’espace des

discours dans lequel s’élabore et se consolide la catégorie « plurielle » des /partis

européens/ était, nous espérons l’avoir montré, utile et nécessaire. Sans lui, en effet,

impossible de comprendre vraiment ce que parler de « partis politiques au niveau

européen » dans le traité de Maastricht veut dire, puisqu’on s’aperçoit que l’idée de

/partis européens/ n’est pas une « idée en l’air » qui flotterait au-dessus de l’Europe et

que certains acteurs auraient simplement su attraper au vol pour la plaquer dans un texte

de loi. Sans ce détour, impossible de savoir dans quel espace discursif, et sous quelles

conditions de possibilité, parlent et agissent les promoteurs de cette codification.

Mais l’on ne saurait se satisfaire de cette analyse « internaliste ». Car, comme on

peut le constater au terme de cette étude des discours savants sur les /partis européens/,

ceux-ci ne suffisent pas à expliquer la codification de 1992. Certes, on retrouve dans le

texte de l’ « article des partis » des thèmes qu’on a découverts en parcourant l’espace

des discours sur notre objet :

Partie II. Chapitre 4 — Les discours savants sur les /partis européens/

297

« Les partis politiques au niveau européen sont importants en tant que facteur d'intégration au sein de l'Union. Ils contribuent à la formation d'une conscience européenne et à l'expression de la volonté politique des citoyens de l'Union. »

L’analyse de l’espace discursif permet à présent de mieux voir ce qui, auparavant,

« crevait les yeux » dans cette formulation : le jugement de valeur appréciatif sur

l’importance de ces « partis » ; la spécificité d’un label (partis politiques au niveau

européen) qui n’est qu’une appellation parmi 99 autres possibles (pour prendre les seuls

labels en français de notre corpus) et pas la plus courante et « circulante » ; le caractère

prescriptif de cet indicatif (« ils contribuent ») qui prend toute sa valeur impérative à la

lumière des modalités et des postures discursives que nous avons dégagées ;

l’affirmation, enfin, de « fonctions » à la fois génériques, communes à une supposée

« essence partisane » (intégration sociale, formation des préférences, légitimation

démocratique et mobilisation des soutiens citoyens) et spécifiques, particulières à ces

partis sui generis « européens » : la « conscience » est « européenne », les « citoyens »

sont communautaires (« de l’Union »).

Mais comme on l’a vu dans les chapitres précédents, et comme on le constate encore

dans notre corpus, cette codification n’a pourtant jamais été ni imaginée en tant que

telle, ni demandée explicitement et directement dans aucun des textes186. Si ceux-ci ont

dessiné et configuré l’espace dans lequel elle a pu se faire, cette codification dépend en

tant que telle d’autres logiques, qui demandent de sortir de l’analyse pure et simple des

discours, pour revenir à une analyse sociographique des auteurs de notre corpus.

Détour nécessaire, cette analyse archéologique du « savoir » sur les /partis

européens/ – des discours produits par les savants – doit être à présent complétée par

l’analyse de la production et des producteurs mêmes de ces discours, de ces savants en

tant que tels. Repérer et étudier ainsi le groupe des « producteurs » des /partis

européens/ dans l’espace des discours, nous permettra alors de le recouper avec

l’ensemble des « promoteurs » de la codification dégagé dans les trois premiers

chapitres, afin de montrer les points d’articulation de ces deux groupes, et de leurs

divers espaces de mobilisation.

186 Une seule mention, très rapide, est faite par John Fitzmaurice (n°131 : FITZMAURICE, John, The European Parliament, Farnborough, Saxon House, 1978) à une rencontre entre Wilhelm Dröscher (président de l’UPSCE), Gaston Thorn (président de la fédération LDR) et Leo Tindemans (président du PPE) en 1976 où la question d’un « future legal status of European parties » a été « explorée », parmi d’autres (p. 98). Mais l’auteur n’en dit pas plus sur ce point et ne développe pas l’idée.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

298

Chapitre 5 – Qui parle et d’où parle-t-on ? Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

Le chapitre précédent a fait l’étude des discours sur les /partis européens/ envisagés

comme produits et a montré dans quelle mesure ceux-ci s’inséraient dans une formation

discursive particulière. Cette étude empirique de l’espace des discours dans lequel

évolue, nécessairement, tout énoncé sur les /partis européens/ a permis de montrer que

les nombreuses différences et particularités constatées dans notre corpus s’organisent

concrètement autour de quelques postures, de quelques points de choix et de quelques a

priori communs. Cette analyse de discours doit maintenant être reliée à son « ancrage »

sociohistorique.

Il ne suffit pas, en effet, de dégager une trame d’émergence discursive pour en

comprendre les dynamiques et les utilisations concrètes – les usages de ces « motifs

discursifs » pouvant aller, comme dans notre cas d’espèce, jusqu’à la codification

juridique. L’espace des discours, on l’a dit, est hétérodynamique, au sens où il reçoit

son principe d’existence et de transformation d’un autre espace, l’espace des positions

et relations sociales, dont il dépend entièrement tout en lui prêtant ses formes

discursives.

En résumé, maintenant qu’on a cartographié l’espace des prises de position

discursives dans lequel l’idée de /partis européens/ peut apparaître, il s’agit de

cartographier l’espace des positions et relations sociales qui l’ont fait apparaître. Qui

sont les savants qui parlent des /partis européens/ ? Ont-ils des caractéristiques

communes ? Y a-t-il des groupes plus investis que d’autres ? Et surtout, peut-on les

mettre en rapport d’une manière ou d’une autre avec les promoteurs politiques de la

codification de l’article 138a ?

Pour tenter de le déterminer, on partira de l’étude des caractéristiques générales des

auteurs réunis dans notre corpus afin de dégager, d’abord, les différents emplacements

(espaces nationaux, professions, « lieux de savoir ») à partir desquels on « parle » des

/partis européens/. On verra que les différentes « postures » discursives que nous avons

dégagées dans le chapitre précédent ne correspondent pas automatiquement à des

positions particulières, notamment parce que ces savants occupent souvent différents

types de positions.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

300

Pour cela, nous avons constitué une base de données concernant les 170 auteurs

savants présents dans notre corpus1. Avant de présenter l’analyse de ces données, il faut

d’abord dire dans quelle mesure l’enquête menée pour ce chapitre peut être qualifiée de

« prosopographique »2, et quelles en sont les limites. En effet, nous ne prétendons pas

ici être en mesure de fournir l’analyse détaillée et complète d’un « groupe », au sens où

les enquêtes prosopographiques l’entendent en général. Et ce pour deux raisons

principales.

La première raison tient à la conception même de l’enquête et du type de « groupe »

étudié. Notre entreprise n’a tout d’abord ni l’ambition, ni les moyens des grandes études

collectives réalisées ces dernières années sur des groupes d’acteurs particuliers de la, ou

des « construction(s) européenne(s) », qui ont permis de faire avancer de manière

décisive la connaissance du « champ du pouvoir européen » et de ces logiques

spécifiques3. Plus fondamentalement, le type de groupe étudié ici n’est en fait pas de

même nature que ceux étudiés par les travaux évoqués4 et qui sont objectivement

1 Pour un descriptif et une liste des sources utilisées pour constituer cette base de données, nous renvoyons à notre annexe prosopographique. 2 Voir : LACROIX, Bernard, « Six observations sur l’intérêt de la démarche prosopographique dans le travail historiographique », dans MAYEUR, Jean-Marie (dir.), Les parlementaires de la Troisième République, Paris, Publications de la Sorbonne, 2003, p. 27-42 ; LEMERCIER, Claire, PICARD, Emmanuelle, « Quelle approche prosopographique ? », dans NABONNAND, Philippe, ROLLET, Laurent (dir.), Les uns et les autres... Biographies et prosopographies en histoire des sciences, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 2012 (à paraître, disponible sur http://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00521512/fr/). 3 On pense notamment ici aux enquêtes menées par le Groupe de sociologie politique européenne (GSPE) de l’Université de Strasbourg, sous la direction de Didier Georgakakis et Marine De Lassalle, sur les élites politiques et administratives – le « personnel » – de l’Union européenne (voir notamment : GEORGAKAKIS, Didier (dir.), Les métiers de l’Europe politique. Acteurs et professionnalisations de la construction européenne, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2002 ; GEORGAKAKIS, Didier, DE LASSALLE, Marine, « Les directeurs généraux de la Commission européenne : premiers éléments d’une enquête prosopographique », Regards sociologiques, 2004, p. 6-33 ; GEORGAKAKIS, Didier, DE LASSALLE, Marine, « Genèse et structure d’un capital institutionnel européen. Les très hauts fonctionnaires de la Commission européenne », Actes de la recherche en sciences sociales, n°166-167, 2007, p. 38-53 ; GEORGAKAKIS, Didier, Le champ de l’Eurocratie. Une sociologie politique du personnel de l’Union européenne, Paris, Economica, 2012), ou encore au programme « Polilexes » (Politics of International Legal Expertise in European Societies) consacré à l’étude des « communautés de juristes » dans le gouvernement de l’Europe (pour une présentation du projet et une bibliographie spécifique, voir : http://www.polilexes.com/POLILEXES/Presentation.html). 4 Et par d’autres études importantes pour comprendre le type de ressources et de capitaux nécessaires pour investir, différemment, l’espace politique européen. Pour l’étude des commissaires européens ou celle des parlementaires européens, par exemple : JOANA, Jean, SMITH, Andy, Les commissaires européens. Technocrates, diplomates ou politiques ?, Paris, FNSP, 2002 ; BEAUVALLET, Willy, GODMER, Laurent, MARREL, Guillaume, MICHON, Sébastien, « La production de la légitimité institutionnelle au Parlement européen : le cas de la commission des affaires constitutionnelles », Politique européenne, n°28, 2009, p. 73-102 ; BEAUVALLET, Willy, MICHON, Sébastien, « L’institutionnalisation inachevée du Parlement européen. Hétérogénéité nationale, spécialisation du recrutement et autonomisation », Politix, vol. 23, n°89, 2010, p. 147-172 ; BEAUVALLET, Willy,

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

301

« préconstitués », par exemple par une appartenance professionnelle ou institutionnelle

commune5. Notre « groupe » n’est en fait défini que par un seul et unique trait commun,

extrêmement ténu : le fait d’avoir, au moins une fois, manifesté de manière observable

et documentée, un intérêt savant pour les /partis européens/6, qui constitue leur « plus

petit dénominateur commun »7. C’est donc plutôt l’étude d’une « conjonction

discursive » que nous avons entreprise dans cette partie, c'est-à-dire l’étude des auteurs

savants partageant un même objet d’étude (ponctuel ou récurrent)8. Cette « collection

d’individus »9 a priori hétéroclite forme-t-elle, en fait, un ou plusieurs ensembles plus

homogènes dont les caractéristiques particulières pourraient expliquer cet intérêt

commun pour les /partis européens/ ? C’est une des questions auxquelles ce chapitre

doit permettre de répondre. Mais l’intérêt principal de cette enquête à partir de données

MICHON, Sébastien, « Faire carrière au Parlement européen. Activation de dispositions et socialisation institutionnelle », dans GEORGAKAKIS, Didier, Le champ de l’Eurocratie. Une sociologie politique du personnel de l’Union européenne, Paris, Economica, 2012, p. 13-42. 5 Même si, bien sûr, le travail du « prosopographe » consiste justement à déconstruire, pour éventuellement reconstruire sur d’autres critères, cette cohérence a priori des groupes qui se donnent comme tels dans le monde social : « La prosopographie renouvelle sensiblement le travail historiographique en introduisant une distance par rapport à tous les travaux historiographiques fondés sur une vision a priori du groupe ou par rapport à tous les travaux qui, en se contentant d’une image impressionniste des groupes, ne posent pas la question de leur cohésion. La prosopographie donne ainsi un coup de vieux à tous les travaux qui préjugent l’unité des groupes [...] au lieu d’y voir des catégories attachées à des positions et engagées, sous l’effet de leurs confrontations, dans des processus de construction et de reconstruction de leur unité. » (LACROIX, Bernard, « Six observations sur l’intérêt de la démarche prosopographique dans le travail historiographique », dans MAYEUR, Jean-Marie (dir.), Les parlementaires de la Troisième République, Paris, Publications de la Sorbonne, 2003, p. 34). 6 Même si cet intérêt peut se manifester, comme on l’a vu, de très diverses manières et même s’il se manifeste, comme on le verra, de façon plus ou moins récurrente. 7 LEMERCIER, Claire, PICARD, Emmanuelle, « Quelle approche prosopographique ? », dans NABONNAND, Philippe, ROLLET, Laurent (dir.), Les uns et les autres... Biographies et prosopographies en histoire des sciences, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 2012 (à paraître, disponible sur http://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00521512/fr/, p. 14-15) : « Il faut, pour tout groupe saisi par l’opération prosopographique, définir une caractéristique ou un ensemble réduit de caractéristiques qui constitueront un critère d'inclusion ou d'exclusion, un pivot, un axe qui sera le cœur commun à chacun de ses membres et autour duquel pourront s’ordonner toutes les configurations possibles des autres caractéristiques. [...] Ce plus petit dénominateur commun peut ne représenter qu’une partie très minime des activités des individus concernés. [...] Pourtant, les considérer comme un groupe, pour les décrire, les classer et les compter, peut avoir un sens ; de toute façon, il peut parfois être difficile de déterminer quelle est l’activité principale d’un individu qui occupe une situation multipositionnelle. Le pivot choisi pour une prosopographie n’en est pas moins d’une importance extrême, puisqu’il contribue à conditionner la problématique, inévitablement liée à la construction de la base de données ». 8 En ce sens, ce chapitre n’a pas, et ne peut pas avoir pour objet principal la mise au jour d’un éventuel homo academicus europeanus et de ses caractéristiques statistiques moyennes. Une étude de ce genre relève d’une construction d’objet et d’un dispositif d’enquête très différents. On en viendra cependant, au cours de notre propre étude, à « rencontrer » des auteurs qui pourraient, de manière ponctuelle et illustrative, donner à voir ce que pourrait être cet idéaltype du « savant européen ». 9 Pour reprendre l’expression de Jean-Philippe Genet. Voir par exemple : « Introduction », dans AUTRAND, Françoise (dir.), Prosopographie et genèse de l’Etat moderne, Paris, Presses de l’ENS de jeunes filles, 1986, p. 9-12.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

302

biographiques comparées est de mettre en évidence les lieux et les réseaux de

production de ce discours, pour montrer les liens qu’on peut tracer entre ceux-ci et les

mobilisations de 1989-1992.

La deuxième raison tient à des problèmes matériels d’accès aux données. Nous

avons en effet été confrontés au problème « classique » de toute entreprise

biographique : le manque relatif, et parfois total, de sources pour un nombre non

négligeable d’acteurs de notre base. Ainsi, nous n’avons pu recueillir aucune donnée,

par exemple, sur la ou les activités professionnelles exercées (que ce soit au moment de

la publication, avant ou après) par 32 des 170 auteurs de notre corpus (soit 18,8 %).

Parallèlement, aucune donnée n’a pu être recueillie sur l’année de naissance pour 58

auteurs du corpus (soit 34,1 %). D’autres critères, comme la formation universitaire ou

la participation politique ou associative sont encore plus inégalement renseignés dans

notre base. Ce manque de données permet certes d’esquisser certaines caractérisations

générales, notamment pour les 141 auteurs pour lesquels on dispose par exemple d’une

trajectoire professionnelle relativement complète. Mais l’on comprendra que ces

généralisations doivent être prises avec prudence.

En résumé, nous ne prétendons aucunement ici pouvoir faire œuvre de statisticien en

étudiant un champ spécifique à partir d’une analyse de données quantitative, mais plutôt

utiliser le repérage de quelques données biographiques particulières, afin de tracer –

synchroniquement et diachroniquement – les espaces et réseaux sociaux d’émergence

des discours sur les /partis européens/, susceptibles d’unir certains auteurs entre eux, et

ces auteurs aux « promoteurs » politiques que nous avons déjà rencontrés.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

303

I – Qui parle ? Espaces nationaux et professionnels

Nous sommes donc en présence d’un groupe hétéroclite de 170 acteurs a priori

hétérogènes (en tout cas jusqu’à preuve éventuelle du contraire), réunis selon le « plus

petit dénominateur commun » que constitue la mention des /partis européens/ dans

l’espace des discours. Passer des discours aux acteurs qui les tiennent, implique ainsi de

se demander « qui parle ? », mais aussi « d’où l’on parle ? ». Nous allons donc

entreprendre une analyse des caractéristiques générales des auteurs afin de comprendre

si, au-delà de ce « collectif forcé », il existe d’éventuels emplacements types depuis

lesquels on parle des /partis européens/. Pour cela, nous pouvons partir des grandes

tendances que révèle la comparaison des données biographiques des auteurs du corpus.

La nationalité des auteurs peut donner de premières indications, mais cette

« identification nationale », outre les problèmes spécifiques qu’elle peut poser10, ne

suffit pas à expliquer d’où ils parlent concrètement, quelles « trajectoires de

socialisation »11 spécifiques peuvent influencer leurs discours, ce que nous verrons dans

les sections suivantes.

10 La question de la nationalité et, plus largement, de la construction d’une identité ou d’un « habitus national » sont des problèmes majeurs qui ont été beaucoup discutés, et depuis longtemps, aussi bien en histoire qu’en sociologie. Nous ne les traiterons pas ici, nous contentant de présenter les données concernant la nationalité légalement « affichée » des auteurs du corpus comme point de repère, pour nous centrer ensuite sur les lieux d’activité et les trajectoires de socialisation spécifiques, qui pour l’immense majorité des acteurs ne se limitent pas, comme on va le voir, à un espace ou un « habitus national » particuliers, quelle que soit la manière dont on les définisse. Pour un aperçu des débats et des positions sur ces questions, on peut renvoyer notamment aux travaux suivants : ANDERSON, Benedict, L’imaginaire national : réflexions sur l'origine et l'essor du nationalisme, Paris, La Découverte, 1996 (1983) ; BOURDIEU, Pierre, « L’identité et la représentation : éléments pour une réflexion critique sur l’idée de région », Actes de la recherche en sciences sociales, n°35, 1980, p. 63-70 ; BRUBAKER, Rogers, « Au-delà de l’« identité » », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, n°139, 2001, p. 66-85 ; ELIAS, Norbert, Studien über die Deutschen. Machtkämpfe und Habitusentwicklung im 19. und 20. Jahrhundert, Frankfurt s/Main, Suhrkamp, 1989 ; NOIRIEL, Gérard, Population, immigration et identité nationale en France (XIXe-XXe siècle), Paris, Hachette, 1992 ; NOIRIEL, Gérard, L’identification. Genèse d’un travail d’Etat, Paris, Belin, 2007 ; PINTO, Louis, « Une fiction politique : la nation », Actes de la recherche en sciences sociales, n°64, 1986, p. 45-50 ; THIESSE, Anne-Marie, La création des identités nationales : Europe XVIIIe-XXe siècle, Paris, Seuil, 2001. 11 Pour réemployer, ici à plus large échelle, les termes de Jean-Michel Eymeri-Douzans dans son article spécifiquement consacré à son expérience d’ « expert » pour la Commission européenne : EYMERI-DOUZANS, Jean-Michel, « Ce que faire l’expert pour la Commission européenne veut dire. Essai d’auto-analyse d’une trajectoire de socialisation », dans MICHEL, Hélène, ROBERT, Cécile (dir.), La fabrique des « Européens ». Processus de socialisation et construction européenne, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 2010.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

304

I.1 – Deux « espèces d’espace » : le national et le « métanational »

La première donnée la plus simple à présenter, qui prolonge et complète les

remarques du chapitre précédent sur les langues utilisées dans le corpus, concerne la

nationalité des auteurs. Sans surprise, cette caractéristique biographique confirme la

prépondérance allemande déjà notée. Mais elle ouvre aussi sur de nouvelles pistes de

réflexion quand on cherche à voir sur quels territoires évoluent ces acteurs nationaux.

I.1.1 – Un « ancrage » national à dominante allemande

Notre corpus a beau être multilingue, il n’a rien d’uniforme : comme on l’a vu dans

le chapitre précédent, l’une de ses caractéristiques immédiatement perceptibles y est la

prépondérance de l’allemand. Les références « allemandes », qu’on considère la langue

ou la provenance12, représentent ainsi respectivement 46 % et 45,1 % du total13.

Cette « tonalité » germanique du discours sur les /partis européens/ se retrouve

logiquement dans les nationalités des auteurs du corpus : sur les 122 auteurs pour

lesquels on dispose de cette donnée, 52 sont allemands (dont 2 germano-américains14),

soit 42,6 % des auteurs dont on connaisse la nationalité. Les nationalités les plus

représentées correspondent par ailleurs, et dans le même ordre, aux langues les plus

courantes dans notre corpus, mais dans des proportions différentes : mis à part les

auteurs allemands, qui sont largement majoritaires, un nombre à peu près équivalent

d’auteurs français (16), britanniques (15), et italiens (14), auxquels il faut ajouter les

auteurs de nationalité belge (9) et néerlandaise (7), montre une répartition plus

« homogène » dans les nationalités que dans les langues représentées15 :

12 Une très légère différence existe entre les deux, du fait de trois publications publiées en Allemagne mais en langue anglaise, et d’une publication publiée en langue allemande, mais en Italie. Voir respectivement les n° de corpus : 23, 38, 246 et 155. 13 Voir tableau du chapitre précédent. 14 Carl Joachim Friedrich et Ernst Haas. 15 Décalage qui s’explique par ailleurs facilement par plusieurs facteurs, le premier d’entre eux étant la propension d’auteurs non britanniques à publier en langue anglaise du fait de la structuration internationale du secteur académique. D’autres facteurs, évidents comme la répartition des publications d’auteurs belges entre publications en français et en flamand, ou moins visibles immédiatement, comme nombre d’auteurs « multi-publiants » (dans des proportions diverses) ou encore la prise en compte dans le corpus d’actes de colloques publiés en français mais reprenant des communications d’auteurs de diverses nationalités (comme par exemple le colloque de 1974 de l’A.E.P.E., n°57 du corpus) expliquent la

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

305

Auteurs du corpus par nationalité

nationalité 16

nombre d’auteurs

par nationalité

% du total

(n=122)

allemande 52 42,6 % française 16 13,1 % britannique 15 12,3 % italienne 14 11,5 % belge 9 7,4 % néerlandaise 7 5,7 %

On constate ainsi qu’il y a bien une surreprésentation des savants allemands dans le

corpus eu égard aux autres nationalités les plus présentes qui sont, quant à elles,

représentées de manière relativement homogène.

Ces tendances sont confirmées, enfin, par le décompte du nombre total de références

correspondant à chaque « groupe national ». Celui-ci montre le même surinvestissement

des savants allemands, dans des proportions équivalentes à celles dégagées jusqu’ici, et

une plus forte « nivellation » encore entre les autres nationalités représentées : en tenant

compte des co-publications ou co-références17, les Allemands du corpus sont ainsi

responsables de 142 « actes de discours » sur les /partis européens/ (soit 43 % des

330 actes de discours du corpus), les Britanniques de 35 (soit 10,6 %), les Italiens de 26

(7,9 %), les Belges de 20 (6,1 %) et les Français de 19 (5,8 %)18, suivis de près par les

Néerlandais (15 actes de discours, soit 4,2 %).

surreprésentation relative des langues anglaise et française par rapport au nombre d’auteurs de nationalité correspondante dans notre corpus. 16 Nous n’avons repris ici que les nationalités les plus représentées. Mis à part les 7 nationalités réunies dans ce tableau (si l’on compte la nationalité américaine des deux Germano-américains), qui englobent au total 111 auteurs sur les 122 pour lesquels on connaît cette donnée, 8 autres nationalités sont représentées dans le corpus, mais par 1 ou 2 ressortissants au maximum à chaque fois : 1 Canadien (M. Duquette), 1 Espagnol (R. Obiols), 2 Grecs (P. Soldatos et D. Tsatsos), 1 Gréco-suisse (D. Sidjanski), 1 Irlandais (D. Farrel), 1 Luxembourgeois (G. Thorn), 1 Suédois (G. Gidlund) et 1 Tchéco-américain (E. Stein). 17 C’est-à-dire en attribuant à chaque auteur d’une co-publication ou d’une co-référence (non publiée) le bénéfice cette référence. Cela revient à compter ces co-références autant de fois qu’elles ont de co-auteurs. Le corpus contient au total 39 co-références, qui peuvent compter jusqu’à 4 auteurs différents. Si ceux-ci sont le plus souvent de même nationalité, ce n’est pas toujours le cas (par exemple n°217 ou 224). Comme on a par ailleurs enlevé du décompte les quelques publications pour lesquelles il n’est pas possible d’individualiser un ou plusieurs auteurs particuliers (par exemple n°13, 65 ou 114), on obtient au final un total de 330 « actes de discours » individuels, qui remplacent dans ce décompte précis les 285 références du corpus général. 18 Les auteurs français passent donc, dans ce mode de comptage, de la 2e à la 5e place, ce qui montre un « sous-investissement » relatif des auteurs de nationalité française par rapport à leur importance numérique parmi les auteurs du corpus, et par rapport à la présence du français comme langue de publication sur le sujet.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

306

Ainsi donc, que ce soit par la langue utilisée, par le pays de provenance, par la

proportion d’auteurs de cette nationalité ou encore par le nombre de références de ce

groupe national, l’Allemagne est dans tous les cas très largement surreprésentée dans

notre corpus : aussi bien dans l’espace des discours que dans l’espace des relations, les

discours sur les /partis européens/ (ou devrait-on dire désormais, sur les /europäische

Parteien/) se confirment donc comme issus d’un espace d’abord et doublement

allemand.

En mettant en évidence l’importance de l’allemand – et des Allemands – dans la

production des discours sur les /partis européens/, notre corpus nous amène à nous

interroger sur les explications possibles de cette prépondérance, sur lesquelles nous

reviendrons à la fin de ce chapitre.

I.1.2 – Un espace européen « métanational »

Le discours sur les /partis européens/ semble donc avoir tendanciellement une

tonalité allemande, aussi bien du fait de la langue majoritairement employée que du fait

de la nationalité la plus répandue parmi ses auteurs. Mais ces Allemands qui parlent des

/partis européens/ en allemand sont-ils tous en Allemagne lorsqu’ils en parlent ? Notre

corpus n’est-il que le produit de savants qui parlent leur langue dans leur pays ?

Si l’on prend par exemple les 44 auteurs de nationalité allemande de notre corpus

pour lesquels nous disposons de cette information19, on constate une partition assez

nette entre ceux qui occupent une position professionnelle en Allemagne, qui sont

majoritaires (34), et ceux qui occupent une position à l’extérieur (10). Par ailleurs, sur

les 10 « expatriés », 9 travaillent en fait entre Bruxelles et Strasbourg, au sein des

institutions communautaires ou en lien avec elles20 (le 10e, Peter Merkl, étant professeur

19 Sur les 52 auteurs ayant de façon certaine la nationalité allemande, nous laissons ici de côté E. Haas et C.J. Friedrich, les deux Germano-américains de notre corpus qui sont tous deux professeurs de science politique aux Etats-Unis au moment où ils apparaissent dans notre corpus, ainsi que 6 auteurs pour lesquels nous ne disposons pas d’une activité professionnelle précise à la date de leur(s) publication(s). 20 6 fonctionnaires communautaires, soit à la Commission (H. Krenzler, administrateur à la DG Relations extérieures) soit au sein du PE (R. Bieber, conseiller juridique au Secrétariat Général (SG)), C. Fischer-Dieskau (administrateur à la DG Recherche du SG), F. Fugmann (admnistrateur au secrétariat du groupe démocrate-chrétien), N. Gresch et K. Pöhle (tous deux administrateurs au secrétariat du groupe

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

307

de science politique à l’Université de Santa Barbara, en Californie). De plus, parmi les

34 nationaux travaillant en Allemagne, 6 ont une double position à la fois située en

Allemagne et dans les institutions communautaires (il s’agit de 5 députés

« euronationaux »21 et de Wilhelm Dröscher, qui occupe en même temps le poste de

trésorier du SPD en Allemagne et de président de l’UPSCE à Bruxelles), et 5 autres une

position nationale mais tournée exclusivement vers les institutions communautaires ou

l’« Europe »22.

En définitive, les 44 Allemands pris en compte ici se répartissent : en 23 nationaux

travaillant en Allemagne ; 11 nationaux travaillant en Allemagne mais en rapport direct

et exclusif avec l’« Europe » ; 9 nationaux travaillant exclusivement dans les institutions

communautaires ; et un expatrié professeur aux Etats-Unis.

Si l’on élargit le décompte aux autres nationalités les plus représentées dans notre

corpus, on obtient la répartition suivante :

socialiste) ; un journaliste accrédité auprès des Commissions européennes : C. Schondübe ; et deux « politiques » : T. Jansen, (Secrétaire général de Europa-Union pour ses deux premières publications, puis Secrétaire général du PPE à partir de 1983) et K.-U. Von Hassel (qui est certes député national jusqu’en 1979, mais est aussi au moment de sa publication en 1977, président de l’Union européenne des démocrates-chrétiens depuis 1973, ainsi que vice-président de l’Assemblée consultative du Conseil de l’Europe et Président de l’Assemblée de l’UEO de 1977 à 1980 : on l’a donc inclus dans le groupe des positionnés plutôt dans l’espace européen, puisqu’il y cumule diverses positions sans avoir de responsabilité particulière, à ce moment-là, au niveau national). 21 Avant l’élection directe, tout député européen est par définition d’abord un député national. Il s’agit en l’occurrence ici de M. Bangemann, E. Gerstenmeier, E. Klepsch, H.-A. Lücker et H. Seefeld. 22 Il s’agit de H. Dessloch (conseiller aux affaires européennes du gouvernement bavarois) ; de H. Köhnen (assistante du groupe SPD au Bundestag pour les questions européennes, chargée de la liaison du groupe avec le PE) ; de J. Leinen (Secrétaire général de la section allemande des JEF (Jeunes européens fédéralistes) et consultant pour la commission du SPD consacrée aux organisations politiques internationales de jeunesse) ; de W. Wessels (directeur de l’Institut für Europäische Politik et administrateur au Collège d’Europe à partir de 1981, chargé de la majeure « science politique et administration ») ; et enfin le cas un peu particulier de K. Reif, auteur de 10 publications du corpus, 9 d’entre elles en tant que chercheur à l’Université de Mannheim en charge de projets de recherche exploitant les données de l’Eurobaromètre, la dernière en 1987 en tant qu’administrateur à la Commission européenne, en charge de ce même Eurobaromètre).

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

308

Répartition des espaces d’activité par nationalité

nationalité nombre de ressortissants

position nationale unique

position européenne

unique 23

double position

euro-nationale 24

autres 25 donnée manquante

allemande 50 23 9 11 1 6

française 16 10 4 1 1 0

britannique 15 11 3 1 0 0

italienne 14 8 5 1 0 0

belge 9 4 1 3 1 0

néerlandaise 7 0 6 1 0 0

TOTAL 111 56 28 18 3 6

Deux enseignements principaux peuvent être tirés de ce décompte, malgré les

effectifs réduits sur lesquels ils portent. Tout d’abord, on s’aperçoit que certaines

nationalités semblent avoir tendance, dans notre corpus, à être tournées plus que

d’autres vers l’espace européen. C’est le cas surtout des Néerlandais qui, tous les sept,

parlent des /partis européens/ à partir de positions professionnelles soit exclusivement,

soit principalement européennes26, les Britanniques étant les plus centrés au contraire

sur leur espace national. Deuxièmement, ces décomptes montrent que même s’ils ne

sont pas majoritaires, les auteurs de notre corpus sont 46 au total à « vivre de

l’Europe ». Parmi ces 46 auteurs occupant soit une position européenne soit « euro-

nationale » à la date de leur référence dans le corpus, on trouve plus précisément 28

« professionnels de l’Europe » qui travaillent au sein des institutions communautaires

23 En tant que fonctionnaires communautaires, députés européens élus après 1979, journalistes auprès des Communautés européennes ou membres permanents de diverses organisations partisanes européennes. 24 Nous avons comptabilisé comme « euro-nationales » des combinaisons de positions professionnelles qui témoignent d’un ancrage double, même si cela peut être à des titres différents, que ce soit dans le secteur académique (professeurs ou administrateurs du Collège d’Europe, titulaires dans une Université nationale d’une Chaire Jean Monnet (à partir de 1989) ; membres fondateurs ou directeurs de l’ECPR…) ou dans le secteur politique (les députés européens qui sont à la fois députés nationaux avant 1979, les membres des organisations partisanes européennes qui ont en même temps des responsabilités nationales dans leur parti, les membres des sections nationales des mouvements fédéralistes européens…) ou administratif (ainsi A. Hartley, qui fait partie en 1973 du bureau de la représentation de la Commission à Londres, est-il considéré comme un administrateur « euro-national » plutôt que strictement « européen »). 25 Les 3 représentants de cette catégorie sont trois universitaires « expatriés » exerçant, à la date où chacun apparaît dans le corpus, dans un autre pays que celui dont ils sont ressortissants. Il s’agit de l’Allemand P. Merkl déjà cité, du Belge Daniel-Louis Seiler (Professeur en poste à l’Université du Québec à Montréal de 1975 à 1980, puis à l’Université de Lausanne de 1980 à 1993) et du Français Jean Blondel en poste à l’Université d’Essex en Grande-Bretagne à partir de 1964, après avoir été Lecturer en Allemagne à l’Université de Keele (1958-1963). 26 Au moment où ils apparaissent dans le corpus, 6 d’entre eux travaillent dans une position exclusivement européenne (H. Brugmans, R. Cohen, K.J. Hahn, S. Mansholt, T. Westerterp et F. Wijsenbeek), 1 est un député national et européen au PE de 1958 à 1973 (H. Vredeling).

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

309

ou en lien exclusif avec elles : 21 fonctionnaires européens27, 1 député européen « post-

1979 »28, 1 responsable fédéraliste29, 2 responsables partisans30 et 3 journalistes31.

La simple description « topographique » du corpus en fonction des nationalités et

des pays d’activité des auteurs permet donc, malgré les difficultés qu’elle pose, de faire

déjà quelques remarques générales. Premièrement, les Allemands sont nettement

majoritaires dans le corpus, ce qui témoigne d’une particularité des discours sur les

/partis européens/ sur laquelle nous reviendrons. Deuxièmement, elle permet de faire

apparaître deux types distincts d’espaces depuis lesquels sont tenus les discours savants

sur les /partis européens/ : d’un côté, parmi les différents espaces professionnels

nationaux qui comme on le voit restent en proportion très nettement prédominants ;

d’un autre côté, un espace « européen » apparaît clairement, qu’on pourrait appeler

« métanational »32 dans la mesure où il s’ajoute aux espaces nationaux sans les

supprimer, tout en leur étant étroitement relié, par les relations diverses et nombreuses

27 R. Bieber, R. Cohen, A. De Brouwer, M. Dell’Omodarme, H. Dessloch, H.-C. Ficker, C. Fischer-Dieskau, J. Fitzmaurice, F. Fugmann, N. Gresch, K.-J. Hahn, H.-G. Krenzler, J. Nancy, K. Pöhle, J.-R. Rabier, J.-J. Schwed, M. Silvestro, S. Solari, R. Viezzi, T. Westerterp, F. Wijsenbeek. 28 Seul R. Jackson (député européen de 1979 à 1984) apparaît dans le corpus au moment où il est député (1979). Remarquons cependant que d’autres auteurs du corpus sont aussi députés européens mais soit ils publient avant 1979 (ce qui fait qu’ils sont nommés députés européens en tant que députés nationaux, mais non élus) soit ils publient alors qu’ils ne sont plus, ou pas encore, députés européens au moment où ils apparaissent dans le corpus. Les auteurs du corpus députés avant 1979 sont au nombre de 8 : M. Bangemann, E. Gerstenmeier, E. Klepsch, H.-A. Lücker, H. Seefeld, H. Vredeling, G. Thorn et P. Vermeylen. Il faut ajouter les auteurs du corpus qui par ailleurs, à un moment ou à un autre ont pu être députés européens mais pas à la date d’apparition dans le corpus, qui sont au nombre de 12 : R. Cohen, W. Dröscher, M. Duverger, J. Leinen, R. Obiols, T. Spencer, A. Spinelli, L. Tindemans, D. Tsatsos, K.-U. Von Hassel, T. Westerterp, F. Wijsenbeek. 29 H. Brugmans et D. Sidjanski, responsables d’institutions fédéralistes (le Collège d’Europe pour le premier, le Centre européen de la Culture pour le second). 30 S. Mansholt (Commissaire européen) et T. Jansen (Secrétaire général du PPE). 31 C. Schondübe et les Gazzo père et fille de l’Agence Europe, Emanuele et Lidia. 32 On n’emploierait pas ce énième label ici si l’on ne croyait aux vertus heuristiques du néologisme, qui permet, d’un mot nouveau, de marquer un point de rupture par rapport aux dénotations et connotations indéfinies que charrient inévitablement des vocables déjà trop employés, et de manière incontrôlée, comme « supranational », « post-national » ou « transnational ». « Métanational » a par ailleurs l’avantage de n’impliquer aucun des jugements de valeur implicites dans les autres manières de labelliser la « dimension » européenne : ni l’idée de supériorité (qui est l’un des risques possibles de l’emploi de « supranational »), ni celle d’infériorité (qui connote les conceptualisations insistant sur l’aspect « de second ordre » des « choses » européennes, pour renvoyer à l’un des articles les plus fameux des études européennes, présent dans notre corpus : REIF, Karlheinz, SCHMITT, Hermann, « Nine Second-Order National Elections – A Conceptual Framework for the Analysis of European Election Results », European Journal Of Political Research, vol. 8, n°1, mars 1980, p. 3-44) ; ni celle de progrès ou développement (qui connote « post-national »). Il permet en même temps d’évoquer l’idée d’un espace qui ait plus de consistance et d’autonomie que les simples juxtapositions ou croisements connotés par « inter- », « pluri-», « multi- » ou « trans-national ».

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

310

qu’on verra apparaître successivement par l’étude de notre sujet. Cet espace est ainsi à

la fois une possibilité supplémentaire et supplétive pour les auteurs considérés qui

peuvent soit y occuper une position professionnelle complémentaire à leur occupation

« nationale », soit y exercer exclusivement leur activité principale.

Mais cet espace savant ne se réduit pas à sa topographie, à la fois nationale et

« métanationale » : les auteurs de notre corpus sont bien évidemment caractérisés par

d’autres particularités qui tiennent non plus au lieu d’exercice de leurs activités

professionnelles, mais à leur nature.

I.2 – Les secteurs d’activité professionnelle des acteurs du corpus

Les positions professionnelles des auteurs repérés, quand elles sont connues,

peuvent être très diverses, y compris pour le même individu, que ce soit au moment où

il publie ou en amont, dans sa trajectoire professionnelle passée.

I.2.1 – Professions

Les professions occupées par les auteurs savants des discours sur les /partis

européens/ peuvent être, à la date où ils apparaissent dans notre corpus, de type très

différent. Le tableau suivant présente le secteur d’activité (ou les combinaisons de

secteurs) des 137 auteurs de notre corpus pour lesquels nous disposons de cette

information, en fonction du lieu où ils exercent leur(s) profession(s) :

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

311

Répartition des auteurs par domaine d’activité à la date d’apparition dans le corpus

secteur d’activité au moment de la publication européenne euro-

nationale nationale nombre d’auteurs

% (n=137)

académique33 0 3 57 60 43,8 % politique34 2 12 3 17 12,4 % administrateur et politique35 8 4 1 13 9,5 % administrateur36 9 0 2 11 8,0 % académique et politique 0 5 5 10 7,3 % think tank37 (salarié permanent) 1 1 5 7 5,1 % politique et think tank 1 1 2 4 2,9 % d’académique à administrateur38 2 0 2 4 2,9 % journaliste39 3 0 0 3 2,2 % académique, administrateur et politique 0 2 0 2 1,5 % académique et responsable fédéraliste40 1 1 0 2 1,5 %

33 Les auteurs ont été considérés comme « académiques » lorsqu’ils occupaient des postes dans des institutions de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique. 34 Les auteurs ont été considérés comme exclusivement « politiques » lorsqu’ils occupaient des positions de responsabilité dans un parti ou des positions électives, sans autre activité connue (ou avec une autre activité professionnelle préalable mais « mise en sommeil », comme c’est le cas dans notre corpus pour deux avocats devenus politiciens, M. Bangemann et J. Leinen, et pour un avocat devenu fonctionnaire européen, H. Krenzler). 35 Auteurs qui cumulent une position partisane ou élective avec un poste administratif (fonctionnaires nationaux ou européens). 36 Fonctionnaires nationaux ou européens. 37 Pour plus de lisibilité, nous avons rassemblé sous le vocable de think tank les associations, instituts et autres organismes privés dont l’activité principale consiste à produire une expertise, et donc un discours « savant » en ce sens, par la publication d’études et de recherches sur des problèmes d’ « actualité ». Nous reviendrons sur leur nature et leur activité dans la section suivante. Il s’agit par exemple ici de l’Institut für europäische Politik en Allemagne (I.E.P.), de l’Istituto Affari Internazionali italien (I.A.I.), du Political and Economic Planning (P.E.P., devenu en 1978 le Policy Studies Institute – P.S.I.) britannique ou encore de l’Association pour l’Etude des Problèmes de l’Europe (A.E.P.E.) franco-italienne. 38 Sur les 53 auteurs multiples de notre corpus, c’est-à-dire qui comptent au moins deux références à des dates différentes, seuls 3 occupent des positions différentes pour des dates de publications distinctes (W. Adrian, N. Gresch et K. Reif) : ils sont listés sous la rubrique « de académique à administrateur », puisque tous les trois passent d’une position dans le secteur académique (assistant de recherche et doctorant pour W. Adrian et N. Gresch, respectivement à l’Université de Mannheim et à l’Université de Tübingen ; assistant de recherche et directeur de projet pour K. Reif, à l’Université de Mannheim) à une position plus stable dans l’administration (nationale pour W. Adrian, qui devient assistant personnel au groupe SPD du Bundestag entre 1977 et 1979 ; européenne pour N. Gresch et K. Reif, qui entrent respectivement dans l’administration du PE et de la Commission au cours des années 1980). Eric Stein est réuni avec eux dans cette catégorie alors qu’il n’apparaît que pour une référence dans notre corpus, mais celle-ci est publiée au moment-même où il change de poste, passant (à l’inverse des trois autres) d’une position administrative (au Bureau du département d’Etat américain rattaché à l’ONU où il exerce de 1945 à 1955) à une position académique (comme professeur de droit à l’Université de Michigan). Les autres « multipubliants » sont listés dans la catégorie correspondant à leur position, qui est la même à chacune des dates des références repérées. 39 Les trois auteurs qui ont pour unique activité professionnelle celle de journaliste (E. Gazzo, L. Gazzo et C. Schondübe) sont tous trois accrédités auprès des institutions européennes et travaillent exclusivement à Bruxelles et à Strasbourg. 40 Nous distinguons, en ce qui concerne les secteurs d’activité, les positions de responsabilité dans des mouvements fédéralistes non partisans des positions « politiques » (qui rassemblent les positions

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

312

journaliste et administrateur 0 1 0 1 0,7 % journaliste, académique et politique 1 0 0 1 0,7 % politique, administrateur, académique et journaliste 1 0 0 1 0,7 % politique et responsable fédéraliste 1 0 0 1 0,7 % Total 31 30 76 137 100,0 %

Avec 43,8 %, le groupe des auteurs exclusivement « académiques » est très

largement majoritaire, le deuxième ensemble d’auteurs par activité, celui des

« professionnels de la politique », n’arrivant deuxième que loin derrière, avec 12,4 %.

Ceci n’a évidemment rien d’étonnant étant donné le mode de constitution de notre

corpus. Conçu pour servir de matériau empirique à une enquête sur les discours savants

concernant les /partis européens/, il semble logique qu’une grande proportion des

auteurs repérés soient des auteurs académiques, occupant des positions dans le monde

universitaire et/ou dans celui de la recherche.

Mais on voit bien ici qu’ils ne sont pas les seuls à produire ce type de discours.

L’intérêt de ce décompte réside justement dans la mise en évidence du fait que nombre

de ces discours ne proviennent pas seulement d’auteurs situés dans le secteur

académique (même si ceux-ci sont majoritaires) mais d’acteurs situés dans les autres

secteurs mis ici en évidence. On peut même estimer, si l’on décide par exemple de

compter ensemble le total des positions politiques et administratives, que les positions

académiques ne sont pas les plus nombreuses dans l’espace positionnel depuis lequel on

parle des /partis européens/. Si l’on découple les positions de leurs occupants, on obtient

la nouvelle répartition suivante41 :

occupées dans un parti et les postes électifs), même si ces deux types de positions participent du même champ politique, comme nous le considérons plus loin. 41 On s’est contenté dans ce tableau de séparer les positions des auteurs « multipositionnés » : un auteur exerçant une activité à la fois administrative et politique, par exemple, a été compté une fois dans le secteur administratif et une fois dans le secteur politique. On arrive ainsi à 181 positions différentes pour 137 auteurs, dans la mesure où notre échantillon compte 35 auteurs à position double, 3 auteurs à position triple et 1 auteur à position quadruple au moment d’apparition dans le corpus, ce qui donne au total 44 positions combinées à répartir pour parvenir à ce décompte.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

313

Répartition du nombre total de positions par domaine d’activité à la date d’apparition dans le corpus

Secteur d’activité

nombre de positions

découplées

% (n=181)

académique 80 44,2 % politique 49 27,1 % administrative 32 17,7 % think tank 11 6,1 % journalistique 6 3,3 % fédéraliste 3 1,7 % Total 181 100,0 %

Si le pourcentage d’auteurs exclusivement ou concomitamment académiques reste

sensiblement identique, on voit celui des positions politiques et administratives doubler

du fait des nombreux multipositionnements sectoriels dans lesquels ce type d’activité

entre en jeu. Au total, le secteur politique et le secteur administratif, quand on les réunit,

servent ainsi davantage que le secteur académique à la production des discours sur les

/partis européens/, avec respectivement 45,8 % et 44,2 %.

Ce résultat doit néanmoins être nuancé par le fait que les « producteurs »

académiques sont plus prolifiques, en nombre de références, que ceux situés dans les

autres secteurs42. En effet, si l’on fait le total des références pour chaque secteur

d’activité, en comptant chaque référence autant de fois que le nombre de positions de

son auteur, on obtient pour le secteur académique un total de 71,4 % de ces références.

Malgré cette dominante académique dans la production savante sur les /partis

européens/, on voit bien que loin d’être l’apanage d’acteurs exclusivement académiques,

les discours savants sur les /partis européens/ sont co-produits par des acteurs aux

profils professionnels diversifiés situés dans des secteurs différents. Certes, ceux-ci

restent peu nombreux : on trouve dans notre corpus peu d’auteurs ayant occupé des

42 Par exemple, un auteur « purement » académique comme R. Hrbek, qui est de loin le contributeur le plus prolifique à notre corpus puisqu’il y compte 27 références à lui seul, ne peut pas être compté ici sur le même plan qu’un auteur « purement » politique qui n’aurait contribué qu’une seule fois au corpus, comme par exemple le leader du Parti socialiste catalan (PSC), R. Obiols, en 1990. Avec la technique utilisée ici, R. Hrbek compte donc pour 27 positions académiques, quand R. Obiols ne compte que pour 1 seule position politique, ce qui permet de rendre un peu plus précise notre analyse.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

314

positions situées dans le secteur économique, religieux, ou militaire par exemple43, et

dans tous les cas aucun auteur qui ne soit en même temps aussi situé dans un des

secteurs repérés ici.

I.2.2 – Multipositions

Ceci pourrait laisser imaginer que les /partis européens/ ont émergé dans différents

secteurs spécifiques, sans forcément de connexion les uns avec les autres, comme si

notre corpus était le résultat de divers « foyers d’émergence » parallèles. Pourtant, ces

secteurs sont bien liés et interpénétrés, comme le montre par exemple le fait que les

types de positions qu’on a distingués analytiquement s’y trouvent souvent combinés et

reliés chez le même auteur.

Comme le tableau de la répartition des auteurs par domaine d’activité a permis de

l’entrevoir, un nombre non négligeable parmi eux occupe en effet, à la date d’apparition

dans le corpus, plusieurs positions à la fois : 39 auteurs sur les 137 pour lesquels on 43 Certains auteurs du corpus occupent à un moment ou l’autre de leur trajectoire des positions dans ces secteurs : c’est le cas par exemple de S. Mansholt, qui a été entre 1934 et 1936 administrateur dans une plantation de thé à Sumatra avant de devenir politicien après-guerre, et Commissaire européen au moment où il apparaît dans notre corpus ; ou encore de E. Gerstenmeier, qui a fait un doctorat en théologie et philologie en 1934 et se retrouve un temps, après-guerre, assistant de recherche au sein de l’Eglise Evangélique à Berlin. On pourrait citer également Eric Stein, émigré aux Etats-Unis en 1939, qui s’engage de 1943 à la fin de la guerre dans le Intelligence service en Europe, puis est embauché comme administrateur du Bureau de l’ONU pour le département d’Etat avant de devenir professeur en 1955 à l’Université de Michigan. Ou encore P. Dabezies qui, a eu une première longue carrière militaire (engagé dans les FFL pendant la deuxième guerre mondiale, puis parachutiste de la Marine française, il participe aux guerres d’Indochine, de Corée et d’Algérie avant de quitter l’armée avec le grade de colonel en 1966) carrière antérieure au positionnement académique qu’il occupe lorsqu’il apparaît dans notre corpus en 1977, en tant que professeur de droit et de science politique et directeur du département de science politique de Paris 1 (il est professeur depuis 1969, année où il réussit l’agrégation de droit public) et antérieure à sa carrière politique (conseiller de Paris de 1977 à 1983 et ambassadeur au Gabon de 1982 à 1987, notamment). La question de l’expérience militaire éventuelle des membres de notre corpus se pose de manière plus générale pour tous ceux en âge de combattre en 1939-1945, et par la suite pour les ressortissants de pays engagés dans les différents conflits de la guerre froide et de la décolonisation. Mais ce type de donnée n’a pas pu être recueilli de manière suffisante pour permettre des comparaisons, et ces positions semblent dans tous les cas bien antérieures au moment d’apparition dans notre corpus. Elles ne sont pourtant pas à négliger en tant que telles dans la formation du système de dispositions qui nous intéresse, ne serait-ce que par les occasions qu’elles fournissent : si l’on prend de nouveau l’exemple de P. Dabezies, c’est dans l’armée, et grâce à ses ressources, qu’il « fait son droit » entre Madagascar et l’Indochine, et qu’il rédige une thèse sous la direction de Maurice Duverger (un ancien professeur de lycée), sur un de ses « terrains », Les partis politiques au Viêt-Nam (1955) (voir sur ce point : GELARD, Patrice, « In memoriam Pierre Dabezies (1925-2003) », Revue française de droit constitutionnel, 2003/3, n°55, p. 671-672 et DUVERGER, Maurice, L’autre côté des choses, Paris, Albin Michel, 1977, p. 171).

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

315

dispose de cette information sont ainsi « multipositionnés »44, soit plus d’un quart du

total (28,5 %). La majorité de ces multipositionnés occupe au moins une position dans

le secteur politique (34 sur 39), suivis par ceux qui occupent au moins une position dans

le secteur administratif (21) et académique (20), comme le montre le tableau simplifié

des positions, qui ne reprend ici que les acteurs multipositionnés à la date d’apparition

dans le corpus :

Acteurs multipositionnés

Type de multipositionnement nombre d’auteurs

administrateur et politique 13 académique et politique 10 politique et think tank 4 d’académique à administrateur45 4 académique, administrateur et politique 2 académique et responsable fédéraliste 2 journaliste et administrateur 1 journaliste, académique et politique 1 politique, administrateur, académique et journaliste 1 politique et responsable fédéraliste 1 Total 39

La simple observation des activités exercées au moment où les auteurs « parlent »

des /partis européens/ permet donc de constater des sortes d’« unions personnelles », en

un même individu, des secteurs repérés, et plus particulièrement des secteurs

académique, administratif et politique : en évoluant dans plusieurs secteurs en même

temps, certains auteurs46 montrent de fait, par leur simple situation, que le thème des

44 Parmi ceux-ci, la quasi-totalité n’est que « doublement » positionnée, détenant une position dans deux secteurs distincts (35 sur 39) ; ils ne sont que trois à être « triplement » positionné, et un seul à l’être quadruplement. 45 Ou l’inverse, d’administrateur à académique. 46 On peut donner le nom de ces 39 auteurs « multipositionnés » au moment où ils apparaissent dans notre corpus : R. Bieber, R. Cohen, H. Dessloch, C. Fischer-Dieskau, F. Fugmann, R. Jackson, P. Jeutter, K. Pöhle, M. Silvestro, G. Von Schenk ; R. Viezzi, T. Westerterp, F. Wijsenbeek (champs administratif et politique) ; P. Dabezies, G. Devin, C. Fenner, E. Gerstenmeier, L. Haupt, S. Henig, R. Houben, V. Kallenbach, E. Klepsch, H. Köhnen, R. Seidelmann, T. Spencer, M. Steed, D. Tsatsos (champs politique et académique) ; W. Adrian, N. Gresch, K. Reif, E. Stein (de académique à administrateur) ;

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

316

/partis européens/ constitue un point de rencontre et de coopération entre champs

académiques, administratifs et politiques, tout comme les acteurs situés « à cheval » sur

des positions nationales et métanationales reflètent la contiguïté et même la

superposition partielle de ces deux espaces47.

I.3 – Discours et positions professionnelles : des postures à travers champs

On pourrait être tenté de faire correspondre cette diversité constatée des positions

professionnelles aux différentes postures discursives dégagées dans le chapitre

précédent. En effet, on pourrait faire l’hypothèse que les postures prescriptive,

appréciative et prévisionnelle (ou « futurologique ») semblent mieux convenir aux

acteurs situés dans les secteurs politiques et administratifs, du fait des impératifs

spécifiques qui peuvent contraindre leur action. Parallèlement, les postures de

description et de définition pourraient mieux correspondre aux auteurs les plus ancrés

dans le secteur académique, et donc les plus soumis aux contraintes formelles d’un

discours devant donner les apparences de la neutralité axiologique. Quant aux acteurs

multipositionnés, leur positionnement pourrait expliquer, dans cette hypothèse, la

présence observée de discours combinant divers types de postures, par exemple les

postures descriptive et futurologique, ou descriptive et prescriptive. Or, quand on teste

cette hypothèse pour voir comment s’articulent précisément ces types de discours et ces

types de position, on se rend compte que les choses sont un peu plus complexes.

J. Fitzmaurice, P. Uri (champs administratif, académique et politique), H. Brugmans, D. Sidjanski (champs administratif, académique et responsabilité fédéraliste), K.J. Hahn (journaliste, académique et politique), A. Hartley (journaliste et administratif), T. Jansen (politique et responsabilité fédéraliste) et D. Marquand (le quadruple positionné de notre corpus, à la fois politique, journaliste, académique et administrateur). 47 Ce qui est vrai aussi diachroniquement, mais dans une moindre mesure : sur les 98 auteurs qui sont « monopositionnés » au moment de leur(s) référence(s), et en fonction des sources disponibles, 12 au moins connaissent dans leur trajectoire professionnelle un « passage » d’un secteur à un autre, occupant ainsi successivement une position académique puis politique (4) ou académique puis administrative (3), ou encore administrative puis académique (2) ou politique puis académique (1), et enfin politique puis administrative (1) et administrative puis politique (1). Même s’ils représentent un faible pourcentage de l’ensemble des auteurs « monopositionnés » (12,2 %), ils contribuent aux contacts et aux échanges entre les principaux secteurs repérés.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

317

C’est ce que montre le tableau ci-dessous, qui présente le type de posture adopté

dans les discours par chacun des auteurs du corpus, comme nous l’avons analysé dans le

chapitre précédent, comparé au type de position professionnelle48 occupée à la date de

publication pour les 108 auteurs pour lesquels on dispose, en même temps, de ces deux

informations :

48 Pour des raisons de place, les types de position ont été abrégés (« ac » pour académique, « po » pour politique, « ad » pour administrateur, « jrn » pour journaliste, « féd » pour responsable d’un mouvement fédéraliste et « thtk » pour membre salarié d’un think tank). Par ailleurs, deux modifications ont été apportées par rapport au tableau précédent pour la répartition des auteurs, concernant trois des membres de la catégorie « de académique à administrateur », qui a disparu : N. Gresch a été inclus dans la catégorie « académique, administrateur et politique » et E. Stein et K. Reif dans la catégorie « académique et administrateur » (W. Adrian, quant à lui, n’est pas recensé ici, sa référence faisant partie de celles qui n’ont pas pu être consultées car non publiées).

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

318

Postures et professions des auteurs à la date d’apparition dans le corpus

type de position type de posture Ac

Ac Ad

Ac Ad Po

Ac Ad Po Jrn

Ac Féd

Ac Jrn Po

Ac Po Ad

Ad Jrn

Ad Po Jrn Po

Po Fed Thtk

description-définition 49

Attinà, Borella, Bowler, Duquette, Farrel, Forsyth, Gordon, Grabitz, Henschel, Herman, Jacqué, Kohler (-Koch), Lodge, May, Merkl, Myrzik, Niedermayer, Papini, Pawelka, Piepenschneider, Portelli, Reichel, Rovan, Schmitt, Soldatos, Van Oudenhove, Von Alemann, Ward, Zorgbibe

Stein, Reif

Dabezies, Devin, Fenner, Haupt, Klepsch, Köhnen, Seidelmann, Spencer

Nancy, Wivenes

Dessloch, Jackson, Jeutter, Westerterp

Bangemann, De Brouwer, Dröscher, Seefeld, Spinelli, Thorn, Von Hassel

Karnofsky, Schmuck, Steppat, Wessels

prescription-appréciation

Paterson Marquand Brugmans Henig, Houben Schwed Hartley Silvestro

Lücker, Mansholt, Montaut, Obiols, Thorpe, Vredeling Bonvicini

descr-déf. et prévision

Bardi, Claeys, Duverger, Magiera, Papisca, Pridham, Pridham, Zellentin Steed

Birke, Ficker, Krenzler

Bieber, Fischer-Dieskau, Von Schenk

prescr.-appr. et prévision Nassmacher, Spitaels, Stammen,

Vedel Fitzmaurice, Gresch, Uri Hahn Rabier

Fugmann, Pöhle

E. Gazzo, L. Gazzo Frisch

descr-déf, prescr-appr. et prévision

Hrbek, Loeb-Mayer, Seiler Sidjanski descr-déf ou prescr-appr.

(selon publication) Haas Kallenbach Jansen

prévision Blondel

49 Nous avons rassemblé pour plus de clarté les postures de description et de définition qui n’impliquent pas en elles-mêmes de jugement de valeur, ainsi que les postures prescriptive et appréciative, qui impliquent forcément un jugement axiologique.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

319

Ce tableau confirme en partie l’hypothèse présentée. Les 47 auteurs « purement »

académiques recensés ici adoptent bien majoritairement (29 sur 47) un discours

axiologiquement « neutre » (description, définition), mais ils sont loin de s’y limiter,

puisque ils sont 9 à adopter au moins partiellement un point de vue « judicatoire »

(prescription, appréciation), et 16 à adopter au moins partiellement la posture

prévisionnelle ou « futurologique ». De même, sur les 13 auteurs « purement »

politiques, plus de la moitié (7) adoptent un discours axiologiquement neutre, tandis que

6 d’entre eux ont un point de vue judicatoire. Quant aux administrateurs, qu’ils soient

« mono- » ou « multipositionnés », on voit qu’ils se répartissent de manière assez

diversifiée. On peut, pour plus de clarté, synthétiser ces éléments dans le tableau

suivant :

Postures et professions - synthèse

L’objectif d’un tel dénombrement n’est pas d’analyser dans le détail les différentes

combinaisons constatées, entreprise complexe et d’un autre ordre que celle tentée dans

ce travail, et qui aurait de plus l’inconvénient majeur de réifier la classification fort

imparfaite proposée ici. Il s’agit simplement d’illustrer la complexité des relations qui

type de position type de posture Ac

Ac Ad

Ac Ad Po

Ac AdPo Jrn

Ac Féd

Ac Jrn Po

Ac Po Ad

Ad Jrn

Ad Po Jrn Po

Po Féd Thtk

Total

« neutre » 29 2 8 2 4 7 4 56 « judicatoire » 1 1 1 2 1 1 1 6 1 15 « neutre » et prévisionnel 8 1 3 3 15 « judicatoire » et prévisionnel 4 3 1 1 2 2 1 14 « neutre », « judicatoire » et prévisionnel 3 1 4 « neutre » ou « judicatoire » (selon publication) 1 1 1 3 prévisionnel 1 1 Total 47 2 3 1 2 1 12 7 1 10 2 13 1 6 108

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

320

unissent l’espace des discours et l’espace des positions, tout en repérant des décalages et

des variations par rapport aux explications spontanées que l’on pourrait être tenté de

fournir.

Ces remarques sur le « jeu » (au sens de marges d’articulation) entre les types de

discours et les positions permettent de justifier, a posteriori, notre corpus. Celui-ci ne

réunit pas simplement des « discours académiques », « politiques » ou « administratifs »

qui se juxtaposeraient, émis à partir de points de vue et « points de vie » radicalement

différents. On voit mieux ici quelque chose qui peut sembler finalement assez banal, à

savoir que les postures discursives sont toujours « traversantes », c’est-à-dire qu’elles ne

sont pas cantonnées à un champ particulier et à ses logiques spécifiques et peuvent donc

être utilisées « à travers champs ». Dans le cas qui nous occupe, les types de discours se

mêlent concrètement dans des discours savants qui entremêlent les postures et les

positions depuis lesquelles ils sont énoncés.

Cette section a permis de montrer que les discours sur les /partis européens/

présentaient les trois principales caractéristiques suivantes. Premièrement, ces

investissements savants sont le fait, très majoritairement, d’auteurs allemands qui sont

fortement surreprésentés dans notre corpus. Deuxièmement, les savants qui tiennent ces

discours ne sont pas simplement des universitaires ou des chercheurs, même si les

auteurs situés dans le secteur académique sont plus nombreux que n’importe quel autre

groupe professionnel : on trouve en effet une proportion importante d’auteurs

« politiques » ou « administratifs », ce qui montre une diversité des positions

d’émergence de ces discours. Troisièmement, cette diversité des positions ne suffit pas à

expliquer la diversité des postures discursives constatées dans le chapitre précédent,

dans la mesure où ces postures « traversent » les différents secteurs repérés ici.

Nous devons donc à présent chercher à déterminer si d’autres caractéristiques que

les positions professionnelles peuvent expliquer que tous ces acteurs se trouvent réunis

par ce « plus petit dénominateur commun » qu’est le discours sur les /partis européens/.

Mais il faudra également comprendre pourquoi, parmi tous ces auteurs, certains

semblent plus investis que d’autres, notamment dans l’espace allemand. On aura

remarqué que parmi ces auteurs savants allemands se trouve l’un des principaux acteurs

« politiques » engagés dans la codification de l’article 138a à Maastricht, Thomas

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

321

Jansen, ce qui conduit à se demander quelles séries de liens peuvent, plus généralement,

unir les auteurs des discours savants sur les /partis européens/ et les acteurs de la

promotion juridico-politique de 1989-1992.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

322

II – Formations et engagements parallèles

Les discours savants réunis pour explorer le sentiment, exprimé par Thomas Jansen,

que l’idée des /partis européens/ était « dans l’air » en 1989-1992, ne sont donc pas

produits exclusivement par des savants de profession, qui seraient tous situés dans le

secteur académique. Après avoir exploré l’espace des positions professionnelles

occupées au moment où ces auteurs apparaissent dans notre corpus, il faut à présent se

demander s’il n’y pas d’autres éléments qui pourraient relier entre eux ces auteurs et

témoigneraient de caractéristiques ou d’expériences communes susceptibles de les faire

tous, ou au moins une large partie d’entre eux, parler des /partis européens/. Y a-t-il des

intérêts partagés au-delà de leur (petit) dénominateur commun et comment peut-on le

déterminer ?

On peut pour cela se pencher plus précisément sur deux types particuliers

d’expériences personnelles qui permettent d’éclairer leur situation au moment où ils

s’expriment sur les /partis européens/ et la trajectoire qui les y a conduits : les

formations et les engagements de ces auteurs. Ceux-ci nous permettront de voir si l’on

trouve d’éventuelles traces de socialisations parallèles, présentant des similitudes

significatives, avant de passer à l’étude des réseaux particuliers qui peuvent unir dans

des entreprises communes de production les auteurs de ces discours.

II.1 – Formations

A l’analyse des données biographiques rassemblées, on se rend compte que ceux-ci

partagent quasiment tous au moins un aspect de leur histoire personnelle : avoir suivi

une formation universitaire qui va même, pour un grand nombre d’entre eux, jusqu’à

l’obtention d’un doctorat. Si ce point n’a rien de particulièrement étonnant du fait de la

nature même de notre corpus, il présente néanmoins quelques particularités

intéressantes qui apparaissent lorsqu’on compare ces « passés universitaires ».

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

323

Malgré les problèmes méthodologiques que cela peut poser50, il nous semble

cependant que l’on peut tenter d’esquisser des grandes tendances pour essayer de mettre

en évidence des similitudes dans les types de socialisation des auteurs qui nous

occupent.

II.1.1 – Une majorité de diplômés du supérieur…

Sur les 108 auteurs de notre tableau des postures et positions professionnelles, 100

ont ainsi suivi une formation universitaire de façon attestée51, auxquels on peut rajouter

50 Nous avons bien conscience que les différents systèmes universitaires européens ne sont que difficilement comparables, notamment pour les périodes qui nous concernent. Un des nombreux problèmes concerne la question de l’« équivalence » des diplômes. Certes, cette question est parfois juridiquement prise en charge par des accords binationaux, comme l’accord franco-allemand de 1980 (« Accord sur les dispenses de scolarité, d’examens et de diplômes pour l’admission aux études universitaires dans le pays partenaire en sciences, lettres et sciences humaines », du 10 juillet 1980, complété par l’ « Accord additionnel concernant l’extension aux sciences économiques, de gestion, politiques et juridiques », du 27 octobre 1986). Mais des diplômes déclarés légalement « équivalents » pour des raisons pratiques ne peuvent pas toujours (et en fait peu souvent) être analysés de la même manière. Doit-on par exemple considérer que, parce que le premier Staatsexamen de droit allemand donne aujourd'hui accès, en France, à la thèse de troisième cycle avec une éventuelle dispense de D.E.A. ou de M2, on peut mettre sur le même plan le second Staatsexamen avec les thèses de doctorat « nouveau régime » ? Par ailleurs, cet examen d’Etat qui permet d’exercer la profession de médecin, d’enseignant ou d’avocat en Allemagne, peut-il être considéré comme la preuve d’un passage à l’Université, lorsqu’il est le seul élément biographique dont on dispose ? Pour prendre un exemple italien, la tesi di laurea, mémoire de fin d’étude de deuxième cycle, peut-elle être assimilée exactement à un diplôme de Master ou de D.E.A. ? A cela s’ajoutent les problèmes spécifiques que posent les découpages disciplinaires différents dans chaque système et à chaque époque, les distinctions et évolutions institutionnelles (Grandes écoles et Universités en France, Technische Hochschulen, Fachhochschulen et Universitäten en Allemagne, entre autres) sans compter les différences de carrières pour ceux qui « restent » à l’Université, et sur lesquels nous reviendrons plus loin. Nous renvoyons aux nombreux travaux de Christophe Charle sur la question, pour une période qui précède la nôtre mais qui est évidemment indispensable pour la comprendre. Voir notamment : CHARLE, Christophe, La République des universitaires, 1870-1940, Paris, Seuil, 1994 ; CHARLE, Christophe, « Paris/Berlin. Essai de comparaison des professeurs de deux universités centrales », Histoire de l’éducation, 1994, n°62, p. 75-109. 51 Ce qui veut dire ici que nous avons pu retrouver, dans les sources disponibles (voir annexes), la trace d’un passage par l’Université, le plus souvent sanctionné par au moins un diplôme de premier cycle. Il arrive, notamment pour des raisons politiques dans l’entre-deux-guerres, qu’une formation universitaire soit commencée mais ne puisse être achevée. Deux exemples peuvent l’illustrer : celui de l’Italien Altiero Spinelli, qui commence une formation en droit à l’Université de La Sapienza de Rome, en 1923, irrégulièrement suivie du fait de ses activités politiques (il adhère au Parti communiste italien en 1924) mais surtout interrompue par son emprisonnement par les autorités fascistes en juin 1927 (il restera 16 ans en prison, de 1927 à 1943) ; celui de l’Allemand Alfred Frisch, qui après avoir commencé lui aussi des études de droit à l’Université de Heidelberg en 1932 se voit exclu de l’Université allemande en 1933 du fait de ses origines juives et de ses activités politiques (il est proche du parti social-démocrate) : il obtiendra finalement sa licence en droit en 1936 à l’Université de Lyon, après être passé par l’Université de Paris, de Bordeaux et d’Alger. Le parcours universitaire d’A. Frisch nous fournit l’occasion de faire une remarque sur les « contacts » qu’ont pu avoir entre eux les membres de notre corpus : il faut se garder de les considérer forcément comme des relations de coopération. Ils peuvent s’avérer très conflictuels,

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

324

5 auteurs pour lesquels cette formation est vraisemblable mais n’a pas pu être

documentée : l’Italienne L. Gazzo, fille du directeur de l’Agence Europe et comme lui

journaliste, et 4 politiciens de carrière52 (le Belge A. de Brouwer, le Néerlandais

S. Mansholt, le Français R. Montaut et l’Allemand K.-U. Von Hassel). Les seules

exceptions certaines concernent trois autres « professionnels de la politique », tous trois

allemands, ayant débuté une carrière professionnelle dans le secteur commercial

(W. Dröscher et H. Seefeld) ou dans le milieu agricole (H.-A. Lücker, qui est à 32 ans

directeur de la chambre d’agriculture de Bavière) et étant « passés » à la politique à la

sortie de la deuxième guerre mondiale (au SPD pour les deux premiers, à la CSU pour

le troisième).

Si l’on élargit ce décompte à l’ensemble des auteurs du corpus, on obtient la

proportion de 126 auteurs sur 170 (soit 74,1 %) ayant suivi une formation universitaire

avérée, ce qui représente une proportion plus faible que pour les 108 auteurs du tableau

précédent, même si elle reste très importante. Ceci introduit déjà une nuance par rapport

à l’idée que les auteurs de publications savantes seraient tous des universitaires, au

moins de formation53. Remarquons en passant que si nous avions choisi au départ,

comme principe de constitution de notre corpus, un critère comme le positionnement

comme le prouve le récit que fait A. Frisch de son passage à l’Université de Bordeaux en 1933-1934 : il y fut menacé d’expulsion de la Faculté de droit (avec un autre camarade émigré allemand) suite à l’action hostile d’un groupe d’extrême-droite, parmi lesquels figurait très vraisemblablement un autre membre de notre corpus, lui aussi étudiant en droit à l’Université de Bordeaux à l’époque, Maurice Duverger, qu’A. Frisch désigne comme un étudiant en droit « qui deviendra plus tard professeur et député européen » (pour le témoignage d’A. Frisch sur cette période, voir : RIEUBLANDOU, Pierrette, J’ai vécu la résistance, Paris, Bayard Jeunesse, 2005, p. 54-75, et sur ce point précis p. 58). 52 Même si tous n’ont pas eu la même « carrière », justement. D’un côté, celles de premier plan, et bien documentées, du socialiste Sicco Mansholt et du chrétien-démocrate Kai-Uwe Von Hassel (le premier est ministre de l’Agriculture de son pays à 38 ans, de 1946 à 1958, puis Commissaire européen de 1958 à 1972 et Président de la Commission de 1972 à 1973 ; le second occupe des responsabilités à la fois locales (maire de Glücksburg, dans le Schleswig-Holstein, de 1947 à 1963), « régionales » (ministre-président du Land de Schlewsig-Holstein de 1963 à 1966), nationales (ministre fédéral de la Défense, puis des Evacués et réfugiés, de 1963 à 1966 ; député fédéral et Président du Bundestag de 1969 à 1972) et européennes (député dans plusieurs assemblées européennes dans les années 1970, Président de l’assemblée de l’UEO de 1977 à 1980, Président de l’UEDC de 1973 à 1981)). De l’autre, les carrières moins « visibles » du socialiste René Montaut (responsable local de la SFIO et du PS à Agen, Secrétaire général de la Maison de l’Europe du Lot-et-Garonne créée en 1965) et du chrétien-démocrate Alain de Brouwer (conseiller politique du groupe PPE-DC en 1990). 53 Ou, pour être plus précis, par rapport à l’idée qu’une publication n’est « savante » que par l’autorité de la position, passée ou présente, de son auteur. Ainsi, les 4 publications des trois « politiciens » sans formation universitaire que nous avons pu consulter (W. Dröscher, H.-A. Lücker et H. Seefeld, voir corpus pour les références exactes) ne présentent pas moins de signes externes de scientificité que celles des auteurs « purement » académiques (qui, inversement, s’autorisent parfois des écarts plus ou moins grands avec ces critères tels qu’on les présente le plus souvent, comme la fameuse « neutralité axiologique »).

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

325

professionnel dans le champ académique ou même celui de la simple détention d’un

diplôme universitaire, nous serions du coup passés à côté d’une bonne partie des

références finalement répertoriées (52 des 330 « actes de publications » individuels

recensés au total, pour être exact, soit plus de 15,8 %).

II.1.2 – …et de docteurs

Etant donné les difficultés de comparaison déjà mentionnées des diplômes et des

filières entre pays et entre périodes, on peut choisir de se concentrer ici sur les

détenteurs d’un doctorat, non pas que ce grade soit plus harmonisé que les autres au

niveau européen au XXe siècle54, mais parce qu’il sanctionne la poursuite d’études

universitaires au-delà des premiers « cycles » d’études et témoigne, en tant que tel,

d’une formation relativement plus longue que tous les autres diplômes possibles à un

moment donné, et ce quel que soit le système considéré.

Au total, on trouve 74 docteurs parmi les 126 auteurs du corpus à avoir une

formation universitaire55 (58,7 %). Malgré les quelques difficultés que pose la

catégorisation56 et le nombre important de titres doctoraux pour lesquels nous ne

54 Ni même au niveau national en fonction des périodes considérées : une « thèse de doctorat » en France, comme la nôtre, n’est pas la « thèse de doctorat » du doctorat d’Etat, ni même la « thèse de doctorat » de 3e cycle d’avant la réforme Savary de 1984, par exemple. Il faudrait ainsi établir, pour chaque pays, les évolutions de la collation des grades, des diplômes et donc les différences que peut cacher une même appellation pour pouvoir procéder à une comparaison contrôlée des champs académiques et de leurs évolutions, ce qui n’est pas notre but ici. 55 On ne prend pas en compte ici les auteurs dont on sait qu’ils ont commencé une thèse mais qui ne l’ont pas achevée, comme par exemple Jacqueline Lastenouse (-Bury), entrée comme stagiaire (puis auxiliaire, puis fonctionnaire, puis chef de Division) à la Commission européenne (à la Division de l’Information universitaire et de la jeunesse du Service commun de presse et d’information dirigé par Jacques-René Rabier, rattachée ensuite à la DG « Information ») au moment où elle commençait une thèse sur Le groupe démocrate-chrétien à l’assemblée parlementaire européenne à l’Université de Strasbourg en 1962-1963, qu’elle ne terminera pas. Voir INSTITUT DE LA CE POUR LES ETUDES UNIVERSITAIRES, Recherches et Etudes universitaires sur l’intégration européenne, 1963, n°1 ; DUMOULIN, Michel, CAILLEAU, Julie, « Entretien avec Jacqueline Lastenouse-Bury », Bruxelles, le 21 janvier 2004 (pour le projet CONSHIST.COM « Histoire interne de la Commission européenne 1958-1973 », coordonnée par Michel Dumoulin et l’Université Catholique de Louvain, assisté par l’Institut universitaire européen, disponible en ligne : http://www.eui.eu/HAEU/OralHistory/FR/ECM.asp). 56 Ces difficultés sont imputables en partie à l’imprécision des sources qui mentionnent parfois simplement, comme par exemple pour E. Klepsch (dans BOWKER-SAUR, Who’s who in European Politics, 2e éd., 1993 ainsi que Euro Who’s Who, 4e éd., Bruxelles, éd. Delta, 1991), l’obtention d’un doctorat « en humanités ». Elles renvoient également à la question du découpage disciplinaire qui peut être différent d’un pays à l’autre, comme on l’a évoqué, mais aussi d’une période à l’autre dans le même pays (ainsi dans le tableau, la thèse en « droit public et science politique » de F. Borella, soutenue au

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

326

disposons pas, dans les sources, de spécification disciplinaire, on voit se dégager,

logiquement, une nette prépondérance des doctorats en sciences politiques57 et, dans une

moindre mesure, en droit public, qui correspond à la fois au sujet étudié et à la nature

des positions professionnelles occupées par les membres de notre corpus :

Répartition par discipline des doctorats obtenus

discipline(s) nombre

de docteurs

% (n=74)

sciences politiques 37 50,0 % droit 16 21,6 % histoire 2 2,7 % droit public et science politique 1 1,4 % lettres, humanités 1 1,4 % philosophie politique 1 1,4 % théologie et philologie 1 1,4 % ? 15 20,3 % Total 74 100 %

Il est intéressant ici de revenir justement sur les positions professionnelles occupées

au moment où chacun apparaît dans le corpus. Si l’on répartit les détenteurs d’un

doctorat par discipline et selon les rubriques établies plus haut, on obtient le tableau

suivant58 :

Répartition des doctorats obtenus par disciplines et par position professionnelle

discipline Ac Ac Ad

Ac Ad Po

Ac Féd

Ac Po Ad

Ad Po

Jrn Ac Po Po

Po Féd Thtk Total

sciences politiques 18 1 2 1 2 1 1 3 29 droit 6 1 1 2 1 11 histoire 1 1 2 droit public et science politique 1 1

milieu des années 1950 avant la différenciation institutionnelle entre les deux disciplines, a-t-elle par exemple été placée à part). 57 Nous utilisons ici le pluriel pour marquer les différences de dénomination et de contenu qu’il peut y avoir d’un pays à l’autre, et à l’intérieur d’un même système académique, entre par exemple deux doctorats en « Science politique » selon l’approche et la « sous-discipline » affichées, entre un doctorat en « Politikwissenschaft» ou en « Sozialwissenschaft » en Allemagne, entre une thèse présentée sous le label « Political science » ou sous celui de « Government » dans les systèmes britannique et américain… 58 Qui ne peut prendre en compte que les 70 docteurs pour lesquels on dispose en plus de données concernant leur position professionnelle.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

327

lettres, humanités 1 1 philosophie politique 1 1 théologie et philologie 1 1 ? 14 1 1 1 2 3 1 1 24 Total 41 2 2 2 6 3 7 1 2 1 3 70

L’intérêt de ce décompte est de mettre en évidence les similitudes de formation, et

donc de trajectoire passée, qui peuvent exister entre des positions au premier abord très

différentes. Il permet en quelque sorte de « rebattre les cartes » par rapport au tableau

des postures et des positions, et de continuer à préciser quel type de relations unissent

certains des membres du corpus. On s’aperçoit ainsi, quand on réinsère dans le tableau

ci-dessus les noms des docteurs concernés59, que certains ont une formation plus

semblable qu’on ne pourrait le supposer par le simple « affichage » de leur profession

au moment où ils écrivent sur les /partis européens/ :

Ac Ac Ad

Ac Ad Po

Ac Féd

Ac Po Ad

Ad Po Po

Po Féd Thtk

science politique

Bardi, Bowler, Claeys, De Graeve-Lismont, Duquette, Gordon, Hrbek, Kohler (-Koch), Merkl, Nassmacher, Niedermayer, Paterson, Piepenschneider, Portelli, Pridham G., Schmitt, Von Alemann, Zellentin Adrian

Fitz-maurice, Gresch Sidjanski

Devin, Fenner R. Cohen Jansen

Karnof-sky, Schmuck, Wessels

droit

Grabitz, Magiera, Soldatos, Spitaels, Van Oudenhove, Vedel Houben

Krenz-ler

Bieber, Dessloch

Bange-mann

histoire

Fenske Von Schenck

Ainsi, par exemple, J. Fitzmaurice et N. Gresch, administrateurs au PE au moment

où ils apparaissent dans notre corpus, mais auteurs tous les deux d’une thèse en science

59 En ne reprenant que les principales disciplines représentées : science politique, droit et histoire.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

328

politique (publiées et faisant référence en études européennes60) sont-ils sous cet aspect

plus proches d’autres auteurs ayant fait une carrière prestigieuse dans le champ

académique, comme D. Sidjanski en Suisse ou Rudolf Hrbek en Allemagne, mais aussi

de T. Jansen, le secrétaire général du PPE dont nous avons vu le rôle dans les

mobilisations de 1989-1992 autour de la codification étudiée. Qu’il soit lui aussi docteur

en science politique permet d’entrevoir ici encore des points d’articulation entre les

deux parties de notre recherche, qui n’auraient pas été aussi visibles sinon, puisque

contrairement aux thèses de Fitzmaurice et de Gresch, celle de Jansen ne porte pas sur la

question des /partis européens/ ni plus largement sur les institutions européennes61.

Ces passés universitaires qui se ressemblent, du fait de formations plus ou moins

parallèles et malgré les différences qui séparent les disciplines et les types de diplôme

obtenus (mais aussi les générations62), font entrevoir ce qu’une étude biographique plus

précise des savants qui font émerger un objet de réflexion, en l’occurrence la question

des /partis européens/, peut avoir d’intéressant. Elle permet par exemple de pointer non

seulement ces « conjonctions à distance » qui se produisent entre anciens étudiants

confrontés aux mêmes questionnements disciplinaires, aux mêmes références et parfois

aux mêmes professeurs63, mais plus directement les contacts concrets qui les réunissent

et qui font que leurs trajectoires de socialisation sont parfois sécantes. Ainsi, on trouve

plusieurs exemples de docteurs dont la thèse a été dirigée par un autre membre du

corpus : J. Fitzmaurice et N. Gresch, justement, ont eu pour directeurs de thèse

respectivement G. Pridham, à l’Université de Bristol, et R. Hrbek, à l’Université de 60FITZMAURICE, John, The Party Groups in the European Parliament. Farnbourough : Saxon House, 1975 et GRESCH, Norbert, Transnationale Parteienzusammenarbeit in der EG, Baden-Baden, Nomos, 1978 (n° de corpus 70 et 107 respectivement). 61 Rédigée dix ans plus tôt et publiée en 1968, la thèse de Thomas Jansen porte, en relations internationales, sur la question du réarmement de l’Allemagne pendant la guerre froide : JANSEN, Thomas, Abrüstung und Deutschland-Frage : die Abrüstungsfrage als Problem der deutschen Aussenpolitik, Mainz, Hase und Koehler, 1968. Elle a été soutenue en 1967 à l’Université de Bonn (traduction du titre : « Désarmement et question allemande : la question du désarmement comme problème de la politique extérieure allemande »). 62 Il n’est pas équivalent de faire des études universitaires dans les années 1930, comme E. Gerstenmeier ou G. Vedel, par exemple (qui obtiennent leur doctorat la même année, en 1934, respectivement en théologie-philologie et en droit) ou dans l’immédiat après-guerre, comme E. Haas aux Etats-Unis (après avoir dû émigrer du fait du nazisme) ; ni avant ou après 1968, comme par exemple en France F. Borella et J. Lastenouse, d’un côté, ou G. Devin et J. Nancy de l’autre. 63 Il faudrait ici être en mesure de retracer les trajectoires universitaires des auteurs du corpus, pour montrer dans quelles Universités, de leur propre pays ou de l’étranger, ils sont passés et à quel moment, pour pouvoir l’affirmer avec certitude. Les sources et le cadre de ce travail ne permettaient pas cette extension de notre recherche, qui est néanmoins une des pistes qui s’ouvrent par la suite, dans la perspective déjà évoquée au chapitre précédent d’une étude plus large de l’émergence d’un « savoir » sur les /partis politiques/ en général.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

329

Tübingen. On pourrait citer aussi P. Soldatos, qui a fait sa thèse de droit international

public à Paris, sous la direction de P.-H. Teitgen. Ou encore J. Lastenouse (-Bury), qui a

eu pour directeur de recherche D. Sidjanski64 à l’Université de Strasbourg.

Une similitude concernant les auteurs qui ont fait émergé les /partis européens/ dans

l’espace des discours concerne donc la proportion importante, parmi eux, non seulement

des diplômés de l’enseignement supérieur, mais plus précisément encore des docteurs

et, notamment, des docteurs en science(s) politique(s).

II.2 – Effets de génération et engagements

Les auteurs réunis dans le corpus peuvent partager divers types de caractéristiques

qui les rapprochent plus ou moins les uns des autres du point de vue de leur expérience

passée. Celles-ci tiennent d’abord à certains « effets de génération » qui font que

certains auteurs ont été confrontés à des situations historiques et politiques similaires.

Par ailleurs, certains engagements peuvent avoir une influence plus directe sur l’intérêt

porté à la « chose partisane ».

II.2.1 – Guerres et paix

Avoir vécu, voire combattu pendant la deuxième guerre mondiale, puis connu les

périodes de la reconstruction ou de l’occupation militaire alliée en Allemagne par

exemple, n’est pas sans effet sur les auteurs concernés dans notre corpus, même si la

teneur exacte de ces effets particuliers, différente dans chaque cas, ne peut que très

difficilement être approchée par des travaux comme le nôtre. De même, l’expérience de

la dictature, qu’on pense aux régimes totalitaires des années 1920 et 1930 en Italie et en

Allemagne65, ou aux dictatures espagnole, portugaise, grecque, ou encore aux

64 Mais une incertitude demeure pour savoir si c’était à la fois pour son DEA et sa thèse, ou simplement pour son DEA. 65 On a déjà mentionné plusieurs exemples d’auteurs du corpus qui ont souffert durement de ces régimes, comme Altiero Spinelli, emprisonné de 1928 à 1943 pour ses activités politiques en Italie, ou encore les auteurs juifs émigrés aux Etats-Unis pour fuir le nazisme, comme Eric Stein (né en 1913) et Ernst Haas

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

330

« démocraties populaires » de la guerre froide66, a pu jouer un rôle dans l’intérêt pour la

« question partisane » et les études européennes en général. On peut citer à cet égard le

cas particulier dans notre corpus de J. Lastenouse, qui a fait ses études secondaires au

lycée français de Lisbonne dans les années 1950 sous le régime de Salazar, puis a passé

un an en Espagne, à Valladolid où, comme elle le raconte dans un entretien67, elle a

vécu la peur des dénonciations avec ses camarades antifranquistes espagnols ce qui a

influé, selon ses propres dires, sur le choix de ses études68.

Parallèlement, les processus de « pacification » consécutifs à l’arrêt de la (ou des)

guerre(s) ou encore les changements de régime dans les pays évoqués, qu’on a souvent

labellisées comme « transitions démocratiques »69, créent des logiques de situation

particulières qui peuvent jouer un rôle dans la trajectoire personnelle des auteurs de

notre corpus. Si les effets de cette expérience sont très difficiles à isoler et à analyser

précisément, on doit garder à l’esprit leur éventualité quand on analyse des proximités

biographiques plus « objectivables », comme par exemple le fait que R. Obiols comme

(né en 1924), tous deux engagés par ailleurs dans l’armée américaine de 1943 à 1946. L’étude des trajectoires individuelles pendant la guerre, non seulement de ceux qui sont partis, mais aussi de ceux qui sont restés et ont éventuellement occupé des positions dans ces régimes, peut apporter un éclairage essentiel pour comprendre les trajectoires ultérieures et, plus précisément, l’engagement dans la construction européenne. Voir à ce sujet les travaux d’Antonin Cohen et notamment son dernier ouvrage : COHEN, Antonin, De Vichy à la Communauté européenne, Paris, PUF, 2012. 66 Les « pays de l’est » ne sont représentés dans notre corpus de discours sur les /partis européens/ que par une chercheuse en droit de République démocratique allemande (R.D.A.), Lucie Haupt, qui publie en 1980 un article à ce sujet dans Staat und Recht, revue officielle de la Deutsche Akademie für Staats- und Rechtswissenschaft, institution d’Etat située à Postdam et dirigée nominalement par Walter Ulbricht lui-même, le premier secrétaire général du comité central du SED (Sozialistiche Einheitspartei Deutschlands) de 1950 à 1971. Cet article (HAUPT, Lucie, « Die westeuropäische Parteibünde und das Parlament der europäischen Gemeinschaft im kapitalistischen Integrationsprozess », Staat und Recht, n°7, 1980, p. 643-652) est intéressant par sa teneur, car il est une des seules publications du corpus à présenter un jugement de valeur négatif et ouvertement idéologique sur les /partis européens/, en plus de ses descriptions analytiques (convergentes avec celles de beaucoup d’autres tenants de la posture descriptive) : « Da sie die imperialistische Blockbildung in Westeuropa begünstigen und die Gefahr ihrer Isolierung von der gesamteuropäischen Zusammenarbeit im Sinne der Schlussakte von Helsinki heraufbeschwören, muss ihre künftige Tätigkeit mit kritischen Aufmerksamkeit verfolgt werden » (p. 651-652) (traduction : « Comme elles [les « confédérations partisanes d’Europe de l’ouest »] favorisent la constitution d’un bloc impérialiste en Europe de l’ouest et qu’elles font courir le risque d’un isolement par rapport à la coopération de l’ensemble de l’Europe au sens de l’Acte final d’Helsinki, leur activité future doit être suivie avec une attention critique »). 67 Donné à la revue Histoire@Politique : voir DULPHY, Anne, MANIGAND, Christine, « Entretien avec Jacqueline Lastenouse», Histoire@Politique, Politique, culture, société, n° 15, septembre-décembre 2011, disponible en ligne sur www.histoire-politique.fr. 68 Ibid. : « L’expérience de Valladolid m’a poussée vers des études de « l’international », des institutions politiques et de l’histoire. » 69 Avec les problèmes que pose cette appellation, comme le montre Michel Dobry, notamment dans : DOBRY, Michel, « Les voies incertaines de la transitologie. Choix stratégiques, séquences historiques, bifurcations et processus de path dependence », Revue française de science politique, vol. 50, n°4-5, 2000, p. 585-614.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

331

D. Tsatsos mais aussi E. Barón, entre autres, ont tous été députés nationaux dans la

première assemblée élue suite à la fin des dictatures dans leur pays respectif.

Ainsi, l’aspect « générationnel » mais aussi les conjonctures historiques traversées

en même temps par certains acteurs doivent être pris en compte ne serait-ce que comme

« rappel à l’histoire », dans la mesure où l’appartenance à une « classe d’âge » ou à une

« cohorte » différente, malgré les problèmes que pose ce type de catégorisations lui

aussi, peut déterminer des expériences communes.

II.2.2 – Engagements

Un autre type de « socialisation », plus aisé à observer mais pas forcément plus

facile à établir empiriquement ni à interpréter, est celui des « engagements » communs,

et plus particulièrement des engagements politiques. Une appartenance partisane

commune peut ainsi lier des auteurs du corpus qui militent en même temps dans les

mêmes organisations. Mais même des opposants politiques, parce qu’ils sont opposants

sur le même « terrain », peuvent être plus proches que ne le laisserait penser leurs

adhésions affichées. Ces engagements témoignent et à la fois renforcent des intérêts

particuliers liés au développement des partis politiques.

Cette question a déjà été abordée indirectement lorsqu’on a traité des activités

professionnelles de chacun, les 49 acteurs ayant au moins une position politique étant

par définition des membres et des responsables d’organisations partisanes particulières.

De façon plus générale, 58 auteurs au total ont une appartenance partisane avérée dans

notre corpus (avec ou sans responsabilité particulière au sein du parti)70. Par ailleurs, on

70 Soit qu’il a pu être documenté que ces auteurs ont adhéré à un parti de manière certaine à un moment donné ; soit que leur fonction suppose une proximité au moins fortement « sympathisante » et rend donc une adhésion formelle très fortement probable (comme par exemple le titre de conseiller politique dans un cabinet, ou au secrétariat d’un groupe du PE, par exemple) ; soit encore que l’auteur ait par ailleurs occupé des fonctions politiques qui supposent l’appartenance, ou du moins l’ « alliance objective », avec un parti politique (comme c’est le cas pour les nombreux députés européens de notre corpus, que nous avons inclus ici y compris quand ce sont des députés européens réputés « indépendants », mais élus sur des listes partisanes clairement identifiées comme, par exemple, Maurice Duverger lors de son élection sur les listes du Parti communiste italien en 1989) ; soit enfin, que l’auteur appartienne de manière avérée à un des mouvements fédéralistes repérés dans notre corpus (Mouvement européen, UEF, JEF, Europa-Union Deutschland) qui bien que théoriquement « a-partisans » peuvent être considérés pour les besoins de notre décompte ici, comme présentant des caractéristiques de « socialisation politique » similaires.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

332

peut dénombrer dans le corpus 20 auteurs engagés à divers titres dans les divers

mouvements fédéralistes européens, mouvements politiques a- ou trans-partisans,

comme le Mouvement européen international (MEI) ou l’Union européenne fédéraliste

(UEF)71. Nous aurons l’occasion de revenir sur l’importance des mouvements

fédéralistes, surtout en Allemagne, dans la dernière section.

Si l’on regarde la répartition par parti des auteurs pour lesquels on a pu déterminer

avec certitude cette information, on obtient le tableau suivant72 :

Répartition des appartenances partisanes

parti nombre

d’auteurs du corpus

pays tendance

SPD 11 Allemagne socialiste73 Labour 6 Royaume-Uni socialiste

CDU 5 Allemagne chrétien-démocrate

Tories 3 Royaume-Uni conservateur

CVP-PCS 3 Belgique chrétien-démocrate

FDP 3 Allemagne libéral PvdA 2 Pays-Bas socialiste Liberal Party 2 Royaume-Uni libéral SFIO - PS 2 France socialiste PSB 2 Belgique socialiste

Il serait abusif de vouloir dégager une « tendance » politique pour les auteurs qui

parlent des /partis européens/, vu le nombre réduit des effectifs. Il est en fait intéressant

71 Sur l’histoire et les mobilisations des mouvements fédéralistes européens, voir notamment : BOSSUAT, Gérard (dir.), Inventer l’Europe. Histoire nouvelle des groupes d’influence et des acteurs de l’unité européenne, Bruxelles, PIE – Lang, 2003 ; LOTH, Wilfried (dir.), Die Anfänge der europäischen Integration, 1945-1950, Bonn, Europa Union Verlag, 1990 ; WEISBEIN, Julien, « Les mouvements fédéralistes ou les entrepreneurs déçus d'une Europe politique (années 1950-années 1990) », dans BAISNEE, Olivier, PASQUIER, Romain (dir.), L'Europe telle qu'elle se fait. Européanisation et sociétés politiques nationales, Paris, éditions du CNRS, 2007, p. 35-54 ; WEISBEIN, Julien, « Des mobilisations sous (inter)dépendance. Une approche configurationnelle du militantisme fédéraliste en Europe », dans COHEN, Antonin, LACROIX, Bernard, RIUTORT, Philippe (dir.), Les formes de l'activité politique. Eléments d'analyse sociologique (18è-20è siècles), Paris, PUF, 2006, p. 317-334. 72 Qui ne reprend que les partis pour lesquels notre corpus compte au moins deux membres. Au total, nous n’avons pu déterminer le parti d’appartenance que pour 46 des 58 militants avérés, du fait principalement des quelques députés européens indépendants ou de ceux dont on n’a pas pu, faute de nationalité et d’information complémentaire, établir le parti national d’origine. 73 On n’a pas répercuté ici les débats sur les nuances idéologiques parmi les partis « socialistes », « sociaux-démocrates » ou « travaillistes » européens, préférant opter pour le label commun simplifié de « socialiste ».

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

333

en soi de constater cette diversité. Certes, les socialistes semblent plus présents (25 sur

46), mais c’est en rassemblant de manière relativement simplificatrice des partis qui ont

pu être en net désaccord selon les périodes74.

De plus, les politiciens de carrière qui apparaissent dans notre corpus collaborent

souvent de manière « transpartisane » autour d’une même publication sur les /partis

européens/. Nous reviendrons sur le type particulier des « co-publications » du corpus

dans la section suivante, mais on peut remarquer déjà ici que l’appartenance à des partis

concurrents n’empêche pas des opposants politiques au niveau national ou européen, de

« coopérer » dans des contributions, parfois importantes, au discours sur les /partis

européens/. Les exemples réunissant sur une même référence des responsables de

premier plan tels que H.-A. Lücker (CSU et PPE) et W. Dröscher (SPD et UPSCE)75, ou

encore M. Bangemann (FDP et ELDR), E. Klepsch (CDU et PPE) et H. Seefeld (SPD et

UPSCE)76 montrent que les discours sur les /partis européens/ non seulement

contiennent l’idée de rapprochement transnational entre organisations partisanes

nationales de même tendance politique, mais qu’ils peuvent être aussi l’objet du

rapprochement « transpartisan » entre politiciens du même pays, par le biais de ces

discours de « promotion » générale des /partis européens/77. Le fait que des cinq auteurs

précédemment cités, quatre soient députés européens au moment de ces publications

(H.-A. Lücker, M. Bangemann, E. Klepsch, H. Seefeld) et un soit président d’une des

organisations européennes de partis (W. Dröscher) montre cependant que ce ne sont pas

n’importe quels politiciens nationaux qui s’investissent dans ces rapprochements

transpartisans, mais bien ceux qui sont déjà positionnés dans le champ politique

métanational.

74 On pense ici par exemple justement aux tensions entre le Labour, le SPD et le PS français, par exemple, qui ont justement souvent paralysé la coopération entre ces partis. Sur ce point, voir par exemple : DEVIN, Guillaume, L’Internationale Socialiste. Histoire et sociologie du socialisme international (1945-1990), Paris, PFNSP, 1993. 75 LÜCKER, Hans August, DRÖSCHER, Wilhelm, « Die Fraktionen des Europäischen Parlaments. Wegbereiter europäischer Parteien? Aus der Sicht der Christdemokraten und des Sozialdemokraten », Transnational, n°3, octobre 1976, p. 32-36 (n°86 du corpus). 76 BANGEMANN, Martin, BIEBER, Roland, KLEPSCH, Egon, SEEFELD, Horst, « Programme für Europa. Die Programme der europäischen Parteibünde zur Europa-Wahl 1979 », Bonn, Europa-Union Verlag, 1978 (n°126 du corpus). 77 L’ouvrage collectif réunissant M. Bangemann, E. Klepsch, H. Seefeld avec la collaboration de R. Bieber (administrateur au PE et membre du SPD) est en fait un « manuel » regroupant les programmes électoraux des organisations européennes de partis (PPE, UPSCE et ELDR) en vue de promouvoir les élections européennes de 1979.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

334

Le fait même de militer dans un parti pour les auteurs de notre corpus leur donne un

type de socialisation commun qui les rapproche. Ainsi, par exemple, des auteurs comme

E. Gerstenmaier, H.-A. Lücker, E. Klepsch et K.-U. Von Hassel, font tous partie, au

moins à partir des années 60, de la CDU/CSU et ont tous été, ensemble, députés du

même groupe au Bundestag78, voire au Parlement européen79, pendant des périodes plus

ou moins longues. Pour prendre un exemple différent, notre corpus compte parmi ses

auteurs deux députés britanniques du Labour, S. Henig et D. Marquand, élus tous les

deux en 196680, qui tout en ayant occupé à la même période des responsabilités

politiques au niveau national81, ont également occupé des positions académiques dans

des Universités différentes. Si l’on s’en était tenu à l’appartenance académique affichée

sur leurs publications, on aurait pu laisser de côté cette appartenance politique commune

qui les rapproche entre eux, mais donne également à leur expérience une similitude par

rapport à celle des autres acteurs politiques de notre corpus, qui consiste principalement

dans la connaissance pratique qu’elle leur confère des luttes partisanes et politiques.

Il existe également des rapprochements, au-delà des positions politiques les plus

évidentes. Ainsi, il peut être significatif de remarquer, dans la trajectoire biographique

de T. Jansen, la période pendant laquelle il a été assistant parlementaire au Bundestag,

de 1970 à 1975, d’abord auprès de W. Hallstein puis auprès de R. Barzel82, au sein du

78 De 1949 à 1969 pour Gerstenmaier, de 1953 à 1980 pour Lücker et de 1965 à 1980 pour Klepsch et Von Hassel (qui l’avait déjà été lors de la 2e législature de 1953-1957, avec Gerstenmaier). Ils ont donc siégé ensemble tous les quatre au moins de 1965 à 1969. 79 Pour H.-A. Lücker, E. Klepsch et K.-U. Von Hassel, qui s’y retrouvent tous entre 1973 et 1984 au moins, dans le groupe du PPE que Lücker et Klepsch dirigent d’ailleurs quasi successivement (1969-1975 pour le premier, 1977-1982 pour le second). E. Gersternmaier fut quant à lui député à l’Assemblée parlementaire de la CECA de 1952 à 1954. 80 David Marquand a été réélu en 1970, et est resté député jusqu’en 1977. Stanley Henig a perdu son siège en 1970 et ne s’est pas représenté au niveau national. Il est en revanche resté engagé au niveau local et a été maire de Lancaster de 1991 à 1999. 81 Pour être exact, David Marquand, qui est le seul « quadripositionné » de notre tableau, est en 1978, au moment où il apparaît dans notre corpus, à la fois conseiller auprès du Secrétariat général de la Commission européenne, professeur à l’Université de Salford, tout en continuant d’écrire régulièrement dans le Guardian dont il est un ancien journaliste, et tout en continuant de militer au Labour après ses 11 années passées au Parlement. Stanley Henig, quant à lui, apparaît deux fois dans le corpus : en 1969, il est justement député du Labour, siège qu’il a perdu en 1979 (mais nous avons considéré que son engagement local actif permettait de préserver une dimension politique à son positionnement) alors qu’il est devenu Lecturer au « Preston Polytechnic » (aujourd'hui Université de Central Lancashire) : mais il était déjà Lecturer avant son mandat de député, nommé en 1964 à l’Université de Lancaster. 82 Walter Hallstein fut élu député au Bundestag pour la CDU de 1969 à 1972. Rainer Barzel, député de la CDU de 1957 à 1984, est par ailleurs président du groupe CDU/CSU de 1963 à 1973, et président fédéral de la CDU de 1971 à 1973.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

335

groupe de la CDU/CSU, partageant, depuis une position particulière, quelque chose de

l’expérience parlementaire des autres députés mentionnés.

Un point particulièrement important pour notre sujet est celui des positions de

responsabilité occupées par certains auteurs du corpus au sein des organisations

européennes de partis existantes. Il est en effet significatif qu’un nombre non

négligeable des références répertoriées dans notre corpus soient dues à des responsables

ou à des permanents de ces organisations. Si cela n’a rien d’étonnant en soi, tant il peut

être dans l’intérêt de ces acteurs de mobiliser différents types de ressources83 pour

« faire exister » les organisations qu’ils font vivre et qui les font vivre, cela confère à

ces publications un statut particulier.

Voici la liste des auteurs du corpus qui sont en même temps des dirigeants, à divers

titres, des différentes organisations européennes de partis existantes84 :

Auteurs ayant occupé des postes de direction dans les organisations européennes de partis

nom nationalité organisation fonction dates date corpus 85

THORN, Gaston lux. ELDR Internationale Libérale

Président Président

1976-1981 1970-1982 1977

WIJSENBEEK, Florus néerl. ELDR SG 1975-1982 1976, 78 BANGEMANN, Martin allemand groupe ELDR Président 1979-1984 1976, 77, 78 LÜCKER, Hans August allemand

groupe PPE PPE

Président Vice-président

1969-1975 1976-1984 1970, 74, 76

FUGMANN, Friedrich allemand groupe PPE SG adjoint en 1976, 1983, 1987 1976

KLEPSCH, Egon allemand groupe PPE Président 1977-1981et 1984-1991 1978

JANSEN, Thomas allemand UEDC PPE

SG SG

1983-1994 1983-1994

1977, 78, 84, 90, 90, 91

83 Y compris les ressources symboliques de la réflexion « savante » contribuant à la définition des représentations des organisations qu’ils dirigent. 84 Nous avons organisé le tableau par organisation et par dates, du mandat le plus ancien au plus récent. Le tableau prend en compte les diverses organisations qui peuvent être prises comme « référents actuels » dans le corpus, des groupes des assemblées parlementaires (ici exclusivement le PE) aux organisations extraparlementaires de diverse nature qui peuvent exister en même temps, comme l’Union européenne chrétienne-démocrate (UEDC) et le Parti populaire européen (PPE) pour les chrétiens-démocrates. Nous avons aussi pris en compte le CDICID (« Christian-Democratic International Centre for Information and Documentation »), mis en place à Rome en 1960 par l’Union mondiale démocrate chrétienne (UMDC) puis transféré à l’UEDC en 1968 pour servir de centre d’étude et de documentation aux partis membres. Il fut dirigé tout du long par Karl Josef Hahn, de son ouverture en 1960 à sa fermeture décidée en 1978 (voir sur ce point JANSEN, Thomas, VAN HECKE, At Europe's Service: The Origins and Evolution of the European People's Party, Bruxelles, Springer / CES, 2011, p. 26). 85 Il s’agit des différentes dates de publication ou d’énonciation des références du corpus pour chaque auteur.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

336

TINDEMANS, Leo belge

UEDC PPE groupe PPE

SG Président Président

1965-1974 1976-1985 1992-1994 1978

VON HASSEL, Kai-Uwe allemand

UEDC PPE

Président Vice – Président

1973-1981 1976-1981 1977

HAHN, Karl Josef néerl. UEDC CDICID

SG adjoint dir

1971-1982 1960-1978 1968, 75, 76

DRÖSCHER, Wilhelm allemand UPSCE Président 1976-1977 1974, 76, 77 SPITAELS, Guy86 belge UPSCE Président 1989-1992 1957

Le corpus compte ainsi 12 auteurs qui ont des responsabilités, très souvent de

premier plan, au sein des organisations européennes de partis. Le fait que de nombreux

acteurs cumulent, soit simultanément, soit successivement, des postes de direction dans

plusieurs de ces organisations fournit ici un élément d’explication partiel de la diversité

constatée au chapitre précédent des « référents actuels » : si l’on ne sait jamais très bien

« de quoi l’on parle » quand on parle de /partis européens/, c’est aussi peut-être que les

acteurs qui composent les différents types d’organisations pouvant prétendre à ce label

sont souvent les mêmes. La différenciation analytique que nous avions opérée entre les

référents possibles (extraparlementaires d’un côté, parlementaires de l’autre, par

exemple, ou encore « européens » au sens large ou « communautaires » au sens strict)

est donc beaucoup moins marquée dans la réalité qu’il n’y paraît si l’on s’en tient aux

discours savants qui les décrivent : les « unions personnelles » entre divers types

d’organisations sont courantes et constituent même des stratégies politiques assumées

dans la plupart des cas. L’exemple le plus explicite à ce sujet étant celui de T. Jansen,

que les dirigeants démocrates-chrétiens nomment à la fois Secrétaire général du PPE et

de l’UEDC en 1983, dans le but explicite de mieux les coordonner, et qui militera

durant tout son mandat pour une fusion effective des deux organisations.

86 Le cas de Guy Spitaels est assez particulier, dans la mesure où c’est le seul auteur du tableau à apparaître dans notre corpus bien avant d’occuper un quelconque poste de responsabilité à l’UPSCE, ou dans un parti national d’ailleurs. En effet, son intervention lors du colloque de Bruges de 1957 a lieu alors qu’il est encore étudiant au Collège de Bruges, à 26 ans (voir n°6 du corpus : SPITAELS, Guy, « Les élections directes européennes », Rapport de Guy Spitaels pour le compte de la Troisième Commission lors de la « Semaine d’Etudes pour l’intégration politique européenne », organisée par le Collège d’Europe à Bruges, du 9 au 14 décembre 1957, Les Cahiers de Bruges, année 8, n°1, 1958, p. 23-28). Nous l’avons néanmoins inclus dans ce tableau dans la mesure où c’est le seul des auteurs du corpus avec Thomas Jansen à occuper une position de responsabilité politique dans l’une des organisations européennes de partis en 1991, au moment des mobilisations qui ont mené ces mêmes acteurs, parmi d’autres, à introduire la référence à des « partis politiques au niveau européen » dans le traité de Maastricht. On peut remarquer, en revanche, que des acteurs très impliqués dans ces mobilisations, comme surtout Wilfried Martens, ne figurent pas dans le corpus.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

337

II.2.3 – Les discours sur les /partis européens/ des responsables des /partis

européens/

L’importance relative de ce « groupe » des dirigeants des différentes organisations

européennes de partis dans notre corpus n’est pas négligeable puisqu’à eux tous (en

comptant les « multipubliants » parmi lesquels T. Jansen se détache ici encore, avec 6

références à lui seul), ils représentent au total 26 références sur les 330 « actes de

publications » individuels du corpus87 (soit 7,9 % du total).

On doit donc donner à ces références88, nous l’avons dit, un statut particulier. Mais

contrairement à ce qu’on pourrait croire, celui-ci ne tient pas particulièrement à leur

contenu ni à la posture adoptée par les auteurs vis-à-vis de leur sujet : les publications

de ce groupe ne sont comparativement ni plus prescriptives ni plus appréciatives, ni plus

prévisionnelles que la moyenne, comme on aurait pourtant pu s’y attendre de la part de

« praticiens » écrivant depuis des positions si « intéressées » au sujet. Au contraire, une

grande majorité (9 sur 13) des publications accessibles à l’analyse de contenu89 restent

purement descriptives90, se contentant de fournir des éléments historiques ou

organisationnels (statuts, programmes, compositions…) sans autre jugement de valeur

ni revendication précise. Cette neutralité affichée s’explique par le type de publications

considérées, qui ont justement été sélectionnées sur des critères favorisant le respect des

normes régissant le discours savant : à n’en pas douter, la « littérature partisane » que

nous avons dû laisser de côté, par manque de sources et de moyens de les traiter, recèle

sans doute de nombreuses publications des mêmes auteurs, plus « politisées » et plus

revendicatives. L’important est cependant ici de montrer que les présidents des

organisations européennes de partis acceptent et choisissent parfois de « jouer le jeu »

des formes du discours savant, en grande partie sans doute parce qu’ils y trouvent aussi

leur compte : dans la lutte pour la légitimation d’organisations (et des positions qui les 87 Qui servent ici de nouveau de total dans la mesure où certaines des références concernées ici sont des co-publications réunissant plusieurs des auteurs de ce tableau, comme par exemple celles que l’on a citées un peu plus haut. 88 Dont 13 ont pu être consultées et analysées discursivement. 89 Si l’on rassemble, comme on l’a déjà fait pour d’autres décomptes, les 5 publications à posture descriptive et les 4 publications de définition. 90 Voir les n° de corpus 75, 98, 102, 109, 120, 122, 126, 240 et 277. Les autres publications prises en compte ici sont les suivantes : n°41, 138 (posture prescriptive) ; n°5 et 80 (prescriptive et « futurologique » à la fois).

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

338

constituent) récentes, peu connues et peu dotées, l’investissement symbolique que

représente une publication « objective », différente de toute littérature partisane de

propagande, représente une ressource possible, parmi d’autres.

La prise en compte des engagements politiques des auteurs du corpus confirme,

quand on les compare aux postures discursives adoptées, l’impression d’imbrication et

d’entrecroisement qui prévaut depuis que nous avons commencé l’analyse des auteurs

qui parlent des /partis européens/ et de leurs positions. Même les professionnels de la

politique européenne qui font « carrière » peuvent être amenés à sortir de leur « rôle »

de praticien et, chercher à compléter leur position d’ « acteur » du développement

pratique des différentes organisations qu’ils représentent, par celle d’« auteur »

contribuant à façonner la représentation qu’on peut s’en faire.

Cela confirme qu’il faut tenter de se défaire au maximum, quand on étudie les

auteurs qui ont fait émerger les /partis européens/, des distinctions spontanées qui

tendent à séparer en deux ensembles bien distincts ceux qui en parleraient en

praticiens (les acteurs politiques ou administratifs), et ceux qui en parleraient en

théoriciens (les chercheurs et les universitaires) : il arrive souvent qu’un même auteur

occupe simultanément ou successivement les deux types de position, même si l’une

d’entre elles prend le pas sur l’autre en termes d’activité réelle ou affichée.

On tient là un nouvel indice de l’articulation possible entre les mobilisations

« politiques » analysées dans la première partie, et les investissements savants de cette

deuxième partie. Mais il doit être affiné car l’observation des dates des 26 références

évoquées montre en fait que les dirigeants des organisations européennes de partis

apparaissent quasiment tous dans notre corpus dans les années 1970, et en tout cas au

plus tard en 1978, l’année précédant les premières élections directes européennes.

Aucun des dirigeants des années 1980 (que ce soient ceux qui restent en poste parmi les

dirigeants cités ici, ou que ce soient les nouveaux nommés durant la période) ne publie

dans l’espace des discours savants sur les /partis européens/, à l’exception de Thomas

Jansen.

Celui-ci est le seul responsable d’une organisation européenne de partis, en effet, à

écrire encore sur les /partis européens/ après 1978, c’est-à-dire de fait après les

premières élections européennes. 4 des 6 références de Thomas Jansen dans le corpus

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

339

datent même des années 1980-1990, comme le montre la liste ci-dessous de ses

publications dans le corpus :

Liste des références de Thomas Jansen dans le corpus

n°109 : JANSEN, Thomas, KALLENBACH, Volkmar, Die europäischen Parteien. Strukturen, Personen, Programme, Bonn, Europa Union Verlag (« Materialen zur Europapolitik, Band 2 », Institut für Europäische Politik), 197791

n°138 : JANSEN, Thomas, « Europapolitik », dans KONRAD-ADENAUER-STIFTUNG – POLITISCHE AKADEMIE EICHHOLZ (dir.), Die Europäischen Parteien der Mitte, Bonn, Eichholz Verlag (« Handbücher der Politischen Akademie Eichholz, Band 6 »), 1978, p. 143-15992.

n°240 : JANSEN, Thomas, « Le Parti Populaire Européen », dans PORTELLI, Hugues, JANSEN, Thomas (dir), La démocratie chrétienne, force internationale, Nanterre, IPIE, Université paris X – Nanterre, 1986, p. 277-28393.

n°272 : JANSEN, Thomas, « Christlich-demokratisch und/oder konservativ? », Sonde, Zeitschrift für christlich-demokratische Politik, 1990, n°194.

n°273 : JANSEN, Thomas (dir.), Zur Geschichte der christlich-demokratischen Bewegung in Europa, Melle : E. Knoth, 199095.

n°277 : JANSEN, Thomas, « Zur Entwicklung supranationaler Europäischer Parteien », dans GABRIEL, Oscar W. SARCINELLI, Ulrich, SUTOR, Bernahrd, VOGEL, Bernhard (dir.), Der demokratische Verfassungsstaat. Theorie, Geschichte, Probleme, Festschrift für Hans Buchheim zum 70. Geburtstag, Munich, R. Oldenbourg Verlag, 1992, p. 241-25696.

91 Recueil de textes, de statuts et de programmes des organisations européennes de partis en vue des premières élections européennes, introduit et commenté par Thomas Jansen et Volkmar Kallenbach. Le recueil contient entre autres des contributions de Wilhelm Dröscher (« Das europäische sozialdemokratiesche Programm ») ; Karl-Uwe von Hassel (« die politische Arbeit der EVP ») ; Martin Bangemann (das politische Programm der Liberalen für Europa ») ; Rudolf Hrbek, (« Die direkete Wahl zum Europäischen Parlament und die politischen Parteien in der EG ») ; Peter Jeutter (« die Mobilisierung der Öffentlichkeit für die europäische Politik ») 92 Etude sur la coopération européenne des partis démocrates-chrétiens, dans un ouvrage publié par la fondation politique allemande rattachée à la CDU, Konrad-Adenauer-Stiftung. 93 Actes du colloque des 2, 3 et 4 mai 1984 organisé au Sénat, par l’Institut de Politique Internationale et Européenne (IPIE) de l’Université de Paris X – Nanterre et le Parti populaire européen (PPE). 94 Article que nous n’avons pas pu consulter, publié dans la revue de la CDU éditée par la Konrad-Adenauer Stiftung. Les descriptions bibliographiques des catalogues qui listent cet article mentionnent le PPE et les /partis européens/. 95 Ouvrage que nous n’avons pas pu consulter. Les descriptions bibliographiques que nous en avons trouvé mentionnent le PPE et les /partis européens/. 96 Ce chapitre d’ouvrage collectif reprend littéralement (d’après la présentation du chapitre) un article du 2 décembre 1991 de la revue du groupe PPE au PE Europa im Blickfeld : JANSEN, Thomas, « Zur Entwicklung supranationaler Europäischer Parteien – Ein wichtige Initiative », Europa im Blickfeld, 2 décembre 1991.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

340

T. Jansen, on le voit, écrit principalement sur le mouvement chrétien-démocrate en

général et sur le PPE en particulier, avant 1991, mais aussi sur les /partis européens/ en

général. En 1977, alors qu’il est secrétaire général du mouvement fédéraliste allemand

Europa-Union Deutschland, sur lequel nous reviendrons, il publie en collaboration avec

Volkmar Kallenbach (président à l’époque de l’organisation de jeunesse de l’ELDR,

ELDR Youth) un recueil de textes et de programmes en vue des premières élections

européennes, qui contient une étude commune du développement des organisations

européennes de partis existantes. Ce recueil est intéressant par ailleurs car il réunit

plusieurs autres auteurs du corpus97, ce qui prouve que la production des discours

savants98 sur les /partis européens/ peut être faite d’« entreprises collectives »,

matérialisés dans ces co-publications ou ces recueils, sur lesquelles nous reviendrons

dans la section suivante.

Le plus important ici pour notre sujet, c’est que l’article que T. Jansen publie le 2

décembre 1991 (repris tel quel dans un ouvrage collectif publié en 1992) sur le

« développement de partis européens supranationaux », constitue un premier

commentaire savant – puisqu’il y développe un « discours présentant une réflexion

argumentée sur les /partis européens/ en tant que catégorie générique et prétendant à une

validité générale et réfutable », ce qui est la définition que nous avons donné en

introduction à cette partie – de la codification de l’article 138a en train de se faire,

réalisé par un de ses acteurs principaux. Dans cet article-chapitre, qui part de l’idée que

tout système parlementaire et démocratique présuppose des partis politiques (« In jedem

parlamentarisch-demokratischen Regierungssystem, das die Existenz und die Tätigkeit

von Parteien voraussetz [...] »99), T. Jansen développe une réflexion générale sur les

« fonctions » des /partis européens/ et présente l’initiative particulière des trois

présidents partisans dans la lettre du 1er juillet que nous avons commentée dans le

97 Qui, excepté K.-U. Von Hassel, comptent tous plusieurs autres références dans le corpus mis à part cet ouvrage dirigé par T. Jansen et V. Kallenbach. 98 Même si la plupart des auteurs réunis par T. Jansen et V. Kallenbach pour ce recueil, excepté Rudolf Hrbek, sont des acteurs « politiques », il s’agit bien pour toutes ces contributions d’études à caractère général répondant à la définition que nous avons donnée en introduction du « discours savant » et qui est celle retenue dans notre travail pour la constitution du corpus : « un discours présentant une réflexion argumentée sur les /partis européens/ en tant que catégorie générique et prétendant à une validité générale et réfutable ». 99 p. 253 (« Dans tout système de gouvernement parlementaire-démocratique, qui présuppose l’existence et l’activité de partis [...] »)

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

341

chapitre 3, tout en présentant comme exemple « modèle » de /parti européen/

l’organisation et les activités du PPE dont il est secrétaire général100.

Cet article reprend par ailleurs partiellement, en l’intégrant dans la réflexion

générale décrite, celui que T. Jansen envoie au même moment au journal italien Il

Popolo, et qu’il enverra en janvier 1992 à Emanuele Gazzo. On en retrouvera ensuite les

principaux éléments, développés et systématisés, dans les différentes publications

savantes que Thomas Jansen consacrera, au-delà de la période de notre corpus, au PPE

et aux /partis européens/101.

Ce qu’on voit apparaître ici, c’est donc un investissement savant particulier : celui

d’un acteur politique ayant été à l’initiative de la codification de l’article 138a, dont il a

formalisé et même, selon son témoignage (voir chapitre 3) rédigé la première

formulation. Les discours savants qu’il développe sur les /partis européens/, cependant,

ne datent pas seulement du moment où, avec d’autres acteurs « politiques », il s’est

mobilisé pour les inscrire dans le droit communautaire : en fait, il est intéressant de

remarquer que la revendication de cette reconnaissance juridique des /partis européens/

n’est jamais formulée par d’autres auteurs du corpus que Jansen, d’une part, et que

celui-ci ne la formule jamais avant décembre 1991, d’autre part, ce qui prouve qu’on ne

peut pas comprendre cette codification, sans la rapporter d’abord aux logiques de

situation particulières des années 1989-1991, comme nous l’avons fait dans la première

partie. Mais, inversement, ces logiques de situation des années 1989-1991 doivent être

articulées aux discours – étudiés dans cette deuxième partie – qui leur donnent leurs

éléments de langage, d’autant plus qu’on perçoit, à travers le positionnement et les

100 Section 2 : « Zum Beispiel :die Europäische Volkspartei » (« Exemple : le Parti populaire européen »). 101 Voir notamment : JANSEN, Thomas, « Zur Entwicklung supranationaler Europäischer Parteien », dans GABRIEL, Oscar W., SARCINELLI, Ulrich, SUTOR, Bernahrd, VOGEL, Bernhard (dir.), Der demokratische Verfassungsstaat. Theorie, Geschichte, Probleme, Festschrift für Hans Buchheim zum 70. Geburtstag, Munich, R. Oldenbourg Verlag, 1992, p. 241-256 ; JANSEN, Thomas, « Zur Entwicklung eines europäischen Parteiensystems », Integration, 18e année, n°3, 1995, p. 157-165 ; JANSEN, Thomas, Die Entstehung einer Europäischen Partei : Vorgeschichte, Gründung und Entwicklung der EVP, Bonn, Europa-Union Verlag, 1996 ; JANSEN, Thomas. The European People’s Party ; Origins and Development, Basingstoke, MacMillan, 1998 ; JANSEN, Thomas, « Die europäischen Parteien », dans WEIDENFELD, Werner, WESSELS, Wolfgang (dir.), Jahrbuch der Europäischen Integration, Bonn, Europa Union Verlag / Institut für Europäische Politik, éditions 1994-1995, 1995-1996 et 1996-1997 ; JANSEN, Thomas, « Pan-European Political Parties », European Essay 14, London, Federal Trust, 2001 ; JANSEN, Thomas, « The Emergence of a Transnational European Party System », European view, vol. 3, 2006, p. 45-56 ; JANSEN, Thomas, VAN HECKE, Steven, At Europe’s Service, Heidelberg, Springer, 2011.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

342

actions de Thomas Jansen, comment cet espace des discours et l’espace des

mobilisations peuvent s’articuler concrètement.

Cette section de notre chapitre s’est donc centrée sur les expériences et

socialisations qui pouvaient contribuer à expliquer la construction d’intérêts particuliers

pour la chose partisane, qu’ils s’expriment par des investissements discursifs ou

pratiques. Ceci a permis de dégager plusieurs caractéristiques importantes des auteurs

du corpus.

Ainsi, une très large majorité possède une formation universitaire, dans la plupart

des cas poussée jusqu’à l’obtention d’un doctorat (plutôt en science politique et en

droit), ce qui montre que les auteurs des discours savants ne sont peut-être pas tous

« savants de profession », mais qu’ils sont pour leur grande majorité « savants de

formation ».

Par ailleurs, une proportion importante des membres du corpus est engagée

politiquement, dans différents partis et mouvements fédéralistes, que ce soient des

politiciens de carrière ou des « savants engagés » plus ponctuellement. Cela permet de

comprendre un peu mieux pourquoi les postures discursives ne correspondent pas

complètement aux positions simplement professionnelles : un ensemble de liens et

d’appartenances partisanes se superpose à ces occupations professionnelles et peuvent

expliquer une partie des variations constatées.

Une dernière remarque tient à la place particulière de Thomas Jansen parmi ce

corpus d’auteurs savants. T. Jansen, « professionnel de l’Europe » né en 1939 et de

nationalité allemande, est le seul des acteurs étudiés à posséder l’ensemble des

propriétés prises en compte : docteur en science politique102, engagé et à la fois dans les

mouvements partisans (CDU en Allemagne103, PPE et UEDC en Europe) et fédéralistes

(il est successivement secrétaire général de l’Europa-Union Deutschland, de 1975 à

1980 puis du Mouvement européen international en 1981-1982), il est le seul des

dirigeants partisans des organisations européennes de partis à la fois engagé dans la

102 En 1967 à l’Université de Bonn, avec une thèse en relations internationales sur le désarmement allemand (Die deutsche Haltung in der Abrüstungsfrage 1954-1956. Die Abrüstungsfrage als Problem d. auswärtigen Politik d. Bundesrepublik Deutschland, Universität Bonn, 1967). 103 Il fut assistant personnel au Bundestag de Walter Hallstein de 1970 à 1972, puis de Rainer Barzel, de 1972 à 1975 alors même que celui-ci est président du groupe CDU et de la CDU elle-même jusqu’en 1973).

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

343

codification de l’article 138a (dont il est le principal initiateur) et dans la production de

discours savants sur les /partis européens/, avant, pendant et après la codification même.

Thomas Jansen occupe donc une série de positions spécifiques à partir desquelles il

est particulièrement bien placé pour articuler l’espace de production discursif des

/discours européens/ avec l’espace pratique des mobilisations politico-juridiques visant

à les faire reconnaître dans le droit communautaire104. Si l’on comprend un peu mieux

comment il peut avoir l’impression que l’idée des /partis européens/ flotte dans l’air en

1989-1992, c’est qu’il y est d’abord particulièrement exposé, en tant que producteur.

Mais il serait trompeur de faire de lui le seul artisan de l’affirmation de cette catégorie

politique : il n’est d’ailleurs pas le plus investi dans sa production discursive, même s’il

est, là encore, particulièrement bien placé dans les réseaux principaux et les entreprises

collectives qui la font émerger.

104 Il faudrait pour compléter ces remarques évoquer en plus un autre type d’engagement complémentaire, qui peut être lié ou non aux engagements politiques précédemment analysés : l’ « engagement » religieux. Mais étant donné que celui-ci est très peu documenté en général dans les sources biographiques dont nous disposons, il est impossible d’en faire une analyse détaillée, et l’on ne peut que se contenter d’indications ponctuelles sur certains acteurs. Il est néanmoins intéressant de constater, de nouveau, que parmi ceux-ci figure Thomas Jansen qui est, après son départ du PPE en 1994, porte-parole aux Affaires européennes du « Comité central des catholiques allemands » (Zdk -Zentralkomitee der deutschen Katholiken»).

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

344

III – L’élaboration d’un savoir sur les /partis européens/ comme

rencontre d’entreprises collectives : compagnonnages et patronages

On a étudié pour l’instant les producteurs des discours sur les /partis européens/ à

partir de caractéristiques individuelles communes et de similitudes parallèles. Il faut

cependant se demander si ces trajectoires parallèles ne se rencontrent pas

ponctuellement dans des entreprises collectives concrètes qui matérialisent des

collaborations effectives de certains de ces auteurs. Cela revient à chercher s’il y a des

réseaux savants particulièrement engagés dans la production de ces discours, et si oui,

avec quelles ressources financières ?

On a vu que certains acteurs, à commencer par Thomas Jansen, possédaient des

propriétés spécifiques qui les placent à l’intersection ou à l’articulation de l’espace de

production des discours savants et de l’espace de mobilisation pour la codification des

/partis européens/ Il s’agit à présent de voir quels liens peuvent relier les acteurs les plus

investis en général, afin de mieux comprendre cette articulation.

III.1 – Coopérations savantes :

les différentes logiques de la production du savoir

Pour déterminer, d’abord, quels sont ces réseaux concrets dans lesquels se sont

construits peu à peu les discours et les représentations sur les /partis européens/, il faut

partir des coopérations visibles et observables à partir de notre corpus, et voir si elles

pointent vers des entreprises collectives plus larges.

III.1.1 – Co-écritures

Comme nous l’avons évoqué dans la section précédente, les auteurs du corpus ne

partagent pas seulement, pour la plupart, des formations à peu près similaires qui

peuvent les avoir particulièrement sensibilisés, « à distance », à la question qu’ils

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

345

traitent dans les références recensées. Certains parmi eux se connaissent beaucoup plus

directement et ont travaillé ensemble à l’élaboration de leur propre discours sur les

/partis européens/, comme le montrent les exemples déjà donnés des docteurs et de leurs

directeurs de thèse ou, plus largement ici, celui des co-publications.

Ainsi, le corpus compte au total 39 références qui sont en fait des co-références

impliquant deux, trois, voire quatre auteurs à chaque fois105. Au total, ce sont ainsi 60

auteurs différents du corpus (soit 35,3 % sur le total de 170 auteurs) qui sont impliqués

dans des collaborations de ce genre. Que l’on compte le nombre de références en tant

que telles (39 sur 285, soit 13,7 %) ou le nombre d’ « actes de publication » individuels

qu’elles représentent (87 sur 330, soit 26,1 %), la proportion de ces co-publications est

importante et constitue une caractéristique intéressante des configurations dans

lesquelles émergent les discours sur les /partis européens/, ne serait-ce que parce qu’elle

exprime des récurrences dans les collaborations et des habitudes de travail en commun :

outre le cas particulier des époux Pridham, mariés au moment où ils publient leurs 4

références conjointes qui font le bilan d’un projet de recherche de 3 ans106, d’autres

« paires » travaillent très régulièrement ensemble, que ce soit dans le domaine politico-

administratif, comme le député européen M. Bangemann et le fonctionnaire du PE

R. Bieber (2 publications107) ou dans le domaine académique, comme les chercheurs

K. Reif et O. Niedermayer (2 publications108), V. Herman et J. Lodge (3 publications109)

105 N° de corpus : 55, 75, 78, 80, 83, 86, 89, 97, 99, 100, 101, 108, 109, 111, 126, 134, 146, 151, 160, 163, 177, 182, 186, 189, 190, 191, 193, 202, 208, 209, 211, 216, 217, 223, 224, 228, 258, 260, 282. Parmi ces références, 5 impliquent 3 auteurs (n°80, 91, 154, 189, 196), et 2 sont l’œuvre de 4 co-auteurs affichés (n°126 et 260). 106 Voir entretien par questionnaire avec Geoffrey Pridham (18 mai 2012). A la question de savoir s’il a travaillé en collaboration avec d’autres chercheurs, G. Pridham répond : « I worked not in collaboration with others but as a single scholar except for the project 1977/79 which led to the above-mentioned book. This was carried out in cooperation with Pippa Pridham, my then wife » (traduction : « Je n’ai pas travaillé en collaboration avec d’autres chercheurs, sauf pour le projet 1977/79 qui a mené au livre mentionné. Il fut mené en coopération avec Pippa Pridham, qui était alors ma femme »). 107 Deux publications communes, en 1976 et 1978 (n°75 et 126 du corpus), alors qu’ils occupent tous les deux une position au PE, M. Bangemann comme député européen et R. Bieber comme fonctionnaire au secrétariat général du PE. 108 Tous deux sont assistants de recherche à l’Université de Mannheim lorsqu’ils publient leur première collaboration sur le sujet, en 1979 (avec Hermann Schmitt comme troisième co-auteur) : n°186 du corpus ; K. Reif est devenu administrateur à la Commission européenne, en charge de l’Eurobaromètre en 1987 (n°258). 109 N°134, 208, 209 du corpus. J. Lodge est alors Lecturer à l’Université de Hull en Grande-Bretagne, tandis que V. Herman est Lecturer à l’Université de Rotterdam aux Pays-Bas.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

346

ou encore P.-H. Claeys et N. Loeb-Mayer (4 publications110). De manière générale, on

le voit, ce type de collaborations lie des acteurs qui partagent le même type d’activité

professionnelle, quelle qu’elle soit, les co-publications reliant des auteurs plus éloignés

dans l’espace des positions professionnelles étant très rares111.

A ces co-publications qui réunissent des « co-auteurs », professionnellement et

formellement sur le même plan, puisqu’ils sont censés les avoir rédigées ensemble112, il

faut ajouter d’autres types de publications communes représentées dans notre corpus :

les publications « d’institution ».

Les publications « d’institution » sont des références qu’on ne peut attribuer

clairement à un ou des auteurs individualisés parce qu’elles sont publiées sous le nom

collectif d’une institution. Ces publications sont de natures diverses dans le corpus : il

peut s’agir de publications de mouvements politiques113 ou d’organismes de recherche

privé114, mais aussi de rapports issus de certaines institutions publiques comme le PE115,

par exemple. Si elles sont peu nombreuses au total (4), elles sont intéressantes dans la

110 De 1977 à 1980. Ils sont tous les deux à cette époque respectivement chargé de cours et chercheuse à l’Université libre de Bruxelles. 111 On peut citer ici par exemple celle qui unit J.-R. Rabier, alors conseiller spécial à la Commission européenne (après avoir dirigé le Service commun de presse et de l’information de la CECA et de la CEE de 1953 à 1968) et D.-Louis Seiler, alors professeur de Science politique à l’Université de Lausanne. Mais le chapitre qu’ils écrivent ensemble dans l’ouvrage de P. Soldatos (autre auteur du corpus) et D. Lasok (RABIER, Jacques-René, SEILER, Daniel-Louis, « Les autres forces systémiques de la Communauté : opinion publique, partis politiques, groupes de pression », dans LASOK, Dominik, SOLDATOS, Panayotis (dir.), Les Communautés européennes en fonctionnement, Bruxelles, Bruylant, 1981, p. 116-146, n°224 du corpus) est divisé en deux parties très nettes consacrée chacune à la spécialité de l’un (l’opinion publique européenne) et de l’autre (les partis politiques européens). J.-R. Rabier nous a par ailleurs déclaré ne pas se souvenir de cette collaboration (questionnaire écrit, août 2012). 112 C’est en tout cas ce type de collaboration « égalitaire » qui est affiché, sans qu’on puisse le plus souvent déterminer concrètement qui a rédigé quoi, ce qui ne serait pas sans importance si l’on cherchait prioritairement à attribuer clairement à chacun des prises de position individuelles. 113 Comme le Movimento federalista europeo qui tient en 1977 une table ronde sur « les conséquences de l’élection européenne de 1978 pour les entreprises, les syndicats et les partis politiques » (n°114 du corpus). 114 Tel le Political and Economic Planning, think tank créé en 1931 et qui publie en 1960 une étude anonyme sur les élections directes qui, comme on le voit, sont un thème récurrent sur toute la période et pas simplement dans les années 70 (n°13 du corpus) ; ou encore le Centre européen de la Culture (CEC), créé en 1950 à Genève par Denis de Rougemont, qui publie dans son Bulletin de mai 1958 un recueil des « Méthodes et mouvements pour unir l’Europe ». Le fait qu’un auteur du corpus, D. Sidjanski, soit Secrétaire général du CEC de 1957 à 1990 pousserait là à attribuer une partie au moins du « crédit » de cette publication à cet auteur, mais l’on y a renoncé faute de preuve tangible. 115 Voir n°64 du corpus, qui constitue la publication des actes d’un colloque « sur l’intégration européenne et l’avenir des parlements en Europe », publié par la DG Recherche du PE en 1974. Evidemment, il est tentant d’attribuer cette publication à R. Bieber, qui se trouve être en poste justement, de 1971 à 1976, à la DG Recherche du PE, mais dans la mesure où cela n’a pas pu être établi avec certitude, nous avons laissé, là encore, à cette publication sa « notice d’autorité » affichée.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

347

mesure où elles rendent visible une logique différente de production et de restitution du

savoir que celle qui prévaut dans le champ académique, ou les contributions sont

signées par des auteurs individuels identifiables, et donc situables. Dans le cas des

publications « d’institution », ce sont au contraire des collectifs qui « parlent », ou

qu’on prétend faire parler, à travers le discours produit. Celui-ci n’en est pas forcément

moins universalisable ou « scientifique » dans son contenu, mais sa « raison sociale »

(parce que justement il en possède une d’explicite) est différente et il faut en tenir

compte.

III.1.2 – Sociabilités savantes

Les coopérations savantes qui se concrétisent parfois dans des co-écritures,

renvoient à différents types de pratiques savantes qui impliquent le travail en commun.

Leur étude doit donc permettre de dégager des « groupes de travail » qui ont contribué à

l’émergence des /partis européens/.

Les ouvrages collectifs d’auteurs individualisés rassemblent un nombre important

des publications du corpus (63 au total)116. Ces ouvrages représentent le plus souvent le

reflet éditorial (lorsqu’il s’agit de références publiées) de véritables « entreprises

collectives » de recherche, programmées, cohérentes et concrétisées, qui réunissent un

grand nombre d’auteurs autour d’une thématique parfois très explicitement liée aux

/partis européens/. Mais celles-ci peuvent être de nature très différente. Celles qui nous

intéressent le plus pour notre sujet sont les actes de colloque qui matérialisent des

116 Nous rappelons le critère qui a présidé à la constitution de notre corpus sur ce point : nous avons compté chaque chapitre d’un ouvrage collectif consacré à la question des /partis européens/ comme une référence à part, sans inclure l’ouvrage en tant que tel, sauf si l’éditeur de l’ouvrage présente une introduction (ou une conclusion, ou les deux) importante et théorique. C’est le cas par exemple du livre dirigié par Stanley Henig en 1979 (n°172 : HENIG, Stanley (dir.), Political Parties in the European Community, London, George Allen & Unwin, 1979) pour lequel nous avons retenu à la fois l’introduction par S. Henig et, comme une référence à part, les deux chapitres de G. et P. Pridham (que nous avons pour le coup rassemblé en une seule référence, le n°190 du corpus (PRIDHAM, Geoffrey, PRIDHAM, Pippa, « Transnational Parties in the European Community I: The Party Groups in the European Parliament » ; « Transnational Parties in the European Community II : The Development of European Party Federations », dans HENIG, Stanley (dir.), Political Parties in the European Community, London, George Allen & Unwin, 1979, p.245-277 et p.278-298). C’est le cas aussi de l’ouvrage collectif publié par l’Institut für europäische Politik et dirigé par W. Wessels en 1976 (n° de corpus 83) sur lequel nous revenons plus loin.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

348

évènements savants et de lieux de sociabilité particulièrement importants dans la

construction des réseaux savants.

Les « colloques » dans lesquels, au sens propre, on « parle ensemble » des /partis

européens/ nous intéressent car ils permettent de répondre à la question : « qui parle

avec qui ? » quand il parle des /partis européens/. Ceci ne doit évidemment pas laisser

entendre que le fait que deux auteurs se retrouvent à un colloque signifie forcément

qu’ils ont travaillé, qu’ils travaillent ou qu’ils travailleront effectivement ensemble, ni

même simplement qu’ils se connaissent. Mais les probabilités augmentent avec les

occasions qu’ils ont de se retrouver dans ce type d’évènements savants qui contiennent,

tout au long de la période, de plus en plus d’ « ateliers » ou de sections spécifiquement

consacrés à l’étude des /partis européens/.

Ainsi, l’analyse des références du corpus qui sont en fait des communications orales

(ou des articles tirés de communications orales)117 et de leurs « lieux d’énonciation »

permet de repérer au moins 21 colloques durant lesquels la question des /partis

européens/, quels que soient les labels, les référents ou la définition adoptée, a été

abordée. Ces réunions de savants118 pour discuter ces problèmes (parmi d’autres)

commencent dès les années 50, en études juridiques et en études européennes. Ainsi, la

référence de M. Duverger dans notre corpus est-elle tirée d’une communication à une

école d’été de l’Institut juridique de Nice en 1954119, à laquelle il participe avec d’autres

juristes du corpus (G. Vedel). De même, le rapport de G. Spitaels dans notre corpus est

en fait soumis lors d’une « Semaine d’Études pour l’intégration politique européenne »,

organisée par le Collège d’Europe à Bruges, du 9 au 14 décembre 1957120, que

H. Brugmans, en sa qualité de recteur du Collège d’Europe, introduit et conclut.

Le premier colloque qui, en l’état de notre corpus, prenne plus spécifiquement et

exclusivement en compte la question des /partis européens/ est organisé, toujours à

117 51 au total sont ainsi explicitement mentionnées comme telles, soit 17,9 %. 118 Qui ne sont pas toujours des acteurs académiques, comme on va le montrer. 119 N°2 du corpus : DUVERGER, Maurice, « Les partis politiques et le Fédéralisme en Europe », dans Le Fédéralisme, édition du Centre de sciences politiques de l’Institut d’études juridiques de Nice, Paris, PUF, 1956, p. 149-167. 120 N°5 du corpus.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

349

Bruges, par l’Association des Instituts d’Etudes européennes121 en novembre 1968122.

D’autres suivent et leur fréquence s’accroît dans les années 70, à partir de l’intérêt que

suscite la thématique récurrente et bientôt la perspective concrète des élections directes

européennes.

On peut donner un exemple intéressant, dans la mesure où il a rassemblé, en

Allemagne, de nombreux auteurs de notre corpus : celui des actes du Congrès

d’Augsburg de l’association allemande de science politique, la DVPW (Deutsche

Vereinigung für Politische Wissenschaft), d’octobre 1979123. Lors de ce congrès, qui se

tient quelques mois après les premières élections directes au PE, une des trois « séances

plénières » et un des trois « groupes de travail » du colloque sont en effet consacrés au

thème « Europäisierung politischer Parteien und ihre Folgen »124 (« L’Européanisation

des partis politiques et ses conséquences »). La publication de ces actes en 1980 nous a

permis de recueillir et d’analyser pour notre corpus les 10 contributions présentées et de

constater qu’elles portaient toutes, au moins partiellement, sur la mise en place

d’organisations européennes de partis125. Ces contributions sont présentées par 13

acteurs différents, qui sont pour la plupart alors en poste dans l’Université, et qui tous

mentionnent et développent l’idée de /partis européens/. Il s’agit (par ordre d’apparition)

pour la « session plénière » : de U. Von Alemann126, J. Blondel127, C. Fenner128,

R. Hrbek,129 J. Rovan130. Et pour le « groupe de travail » : de N. Gresch131, E. Kuper132,

121 Fondée en 1951 par 6 instituts universitaires, sur proposition et impulsion du Centre européen de la Culture et de Dusan Sidjanski, notamment, qui en devient le premier secrétaire général, et occupe toujours ce poste à la date de ce colloque. 122 A.I.E.E., Les partis politiques et l’intégration européenne, Colloque de Bruges (novembre 1968), Genève, AIEE, 1970. 123 ELLWEIN, Thomas (dir.), Politikfeld-Analysen 1979. Wissenschaftlicher Kongreß der DVPW, 1.5. Oktober 1979 in der Universität Augsburg. Tagungsbericht, Opladen, Westdeutscher Verlag, 1980. 124 ELLWEIN, Thomas (dir.), Politikfeld-Analysen 1979. Wissenschaftlicher Kongreß der DVPW, 1.5. Oktober 1979 in der Universität Augsburg. Tagungsbericht, Opladen, Westdeutscher Verlag, 1980, p. 63-253. 125 Et pas seulement sur la question de la prise en compte par les partis nationaux de la dimension « européenne » dans leur action, comme le terme europäisierung (« européanisation ») l’implique. De manière générale, nous renvoyons pour la question du repérage général et de la sélection des références incluses dans notre corpus à nos remarques méthodologiques sur sa constitution en introduction de cette partie. 126 Professeur à l’Université de Duisburg, Introduction à la séance plénière. 127 Professeur à l’Université d’Essex, président de l’ECPR (European Consortium of Political Research), qui intervient sur « Die Europäisierung politischer Parteien » (« L’européanisation des partis politiques »). 128 Professeur assistant à l’Université libre de Berlin (FU), intervient sur « Grenzen einer Europäisierung der Parteien » (« Limites d’une européanisation des partis »). 129 Professeur à l’Université de Tübingen, qui intervient sur « Europäisierung politischer Parteien und ihre Folgen » (« L’européanisation des partis européens et ses conséquences »).

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

350

O. Niedermayer, K. Reif, et H. Schmitt qui interviennent tous les trois ensemble133,

A. Statz134 et E. Karnofsky135.

L’intérêt de cet évènement est double pour notre sujet. Il permet d’abord de

confirmer, même si c’est à un niveau assez réduit ici, que les champs académiques

nationaux ne sont pas « étanches » et que les chercheurs européens circulent de facto.

La simple présence de J. Blondel, l’un des fondateurs et le président alors toujours en

fonction de l’ECPR136 (mais aussi de J. Rovan, l’autre français du panel) dans ce

colloque de l’association allemande de science politique rend tangible les efforts

déployés pour construire des institutions et des réseaux qui rendent cette circulation plus

aisée. On pourrait, déroulant un moment le fil aperçu ici, montrer que l’appartenance

aux différentes sociétés savantes « métanationales », comme l’ECPR, est une autre piste

qui permet de mettre en relation plusieurs auteurs de notre corpus. Ainsi, R. Hrbek et

130 Professeur associé à l’Université de Paris 8, intervient sur « Europäisierung der politischen Parteien aus französischer Sicht » (« L’européanisation des partis politiques du point de vue français ») 131 Position incertaine, car un doute subsiste aussi sur la position exacte de N. Gresch à cette date, étant donné qu’on sait qu’il a intégré le PE comme administrateur au début des années 1980 et qu’il a soutenu sa thèse en 1978, mais qu’on n’a pas de données précises sur la période intermédiaire ; il intervient sur « Europäisierung politischer Parteien : Anmerkungen zu einem neuen Begriff » (« Européanisation des partis politiques : remarques sur une notion nouvelle »). 132 Position inconnue à cette date, intervient sur « Sicherheitspolitische Modelvorstellungen der europäischen Parteienbünde » (« Représentations théoriques d’une politique de sécurité des confédérations européennes »). 133 Tous les trois assistants de recherche à l’Université de Mannheim, interviennent sur « Die Rolle der mittleren Führungsschicht der politischen Parteien in der EG-Föderationen » (« Le rôle de la couche intermédiaire des partis politiques dans les Fédérations de la CE »). 134 Position inconnue à cette date, intervient sur « Zum Stellenwert der Direkwahlen zum Europäischen Parlament im Integratinosprozeß » (« Sur l’importance des élections directes du PE dans le processus d’intégration »). 135 Doctorante à l’Université de Tübingen et chargée de recherche à l’Institut für europäische Politik pendant sa thèse, soutenue en 1981 à l’Université de Tübingen et intitulée : Die europäischen Parteienzusammenschlüsse vor der ersten Direktwahl des Europäischen Parlaments. Die Entstehung ihrer programmatischen Aussagen, (« les associations européennes de partis face à la première élection directe du Parlement européen. Genèse de leurs déclarations programmatiques »). Elle intervient sur « Der Prozess der Programmerstellung und die Entwicklung der Parteibünde » (« Le processus de la construction programmatique et le développement des confédérations de partis »). 136 Comme l’explique lui-même Jean Blondel dans le premier numéro du European Journal of Political Research, revue de l’ECPR lancée en 1973 (BLONDEL, Jean, « European Consortium for Political Research », European Journal of Political Research, vol.1, n°1, 1973, p. 103-105), le ECPR a été créé en 1970 « by representatives from 8 European political science institutions, with the help of a generous five-year grant from the Ford Foundation. » Ces institutions fondatrices étaient : l’Université d’Essex où Jean Blondel est professeur depuis 1964, le Nuffield College d’Oxford, l’Université de Strathclyde, pour la Grande-Bretagne, ainsi que l’Université de Bergen (Norvège), La Fondation nationales des sciences politiques (France), l’Université de Göteborg (Suède), l’Université de Leiden (Pays-Bas) et l’Université de Mannheim (Allemagne).

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

351

K. Reif, qui participent au colloque, sont tous les deux correspondants de l’ECPR137,

respectivement pour l’Université de Tübingen et de Mannheim, et on s’aperçoit que

cinq autres auteurs du corpus sont référents de l’ECPR dans leur Université138 :

D. Sidjanski à l’Université de Genève, D.-L. Seiler à l’Université de Lausanne, J. Lodge

à l’Université de Hull, I. Gordon au Kingston Polytechnic et K. Featherstone à

l’Université de Stirling.

Entre 1968 et 1992, on a ainsi pu repérer à partir du corpus 18 colloques dans

lesquels au moins un atelier ou une session thématique sont consacrés à la question des

/partis européens/. A partir de la liste des contributeurs et des participants, on a pu

établir les participations simultanées suivantes139, pour chaque colloque repéré de 1968

à 1992140 :

Participants du corpus aux colloques

présentant au moins une section consacrée aux /partis européens/ (1968-1992)

1. novembre 1968 (A.I.E.E.) : Brugmans, Sidjanski

2. avril 1974 (A.E.P.E.141) : Bonvicini, Frisch, Gazzo E., Gazzo L., Gresch, Loeb(-Mayer), Leinen, Mansholt, Rabier, Speaight, Uri, Vedel, Wessels

3. mai 1974 (PE) : Bonvicini, Von Hassel, Wijsenbeek,

4. décembre 1974 (UACES142) : Paterson

5. avril 1975 (ECPR) : Reif

6. mars 1976 (I.E.J.E.143) : Bieber, Brugmans, Fitzmaurice, Jacqué, Loeb(-Mayer), Mansholt, Westerterp,

7. mars 1977 (Theodor-Heuss-Akademie144): Jansen, Kallenbach

8. mars-avril 1977 (ECPR) : Adrian, Claeys, Loeb(-Mayer), Reif

9. avril 1978 (Wissenschaftliche Gesellschaft für Europarecht145) : Bieber, Grabitz, Kohler, Magiera

137 Ce qui témoigne, en tant que tel, d’une inscription « réussie » dans un réseau savant « métanational ». Nous reviendrons dans la section suivante sur le genre de conséquences que cela peut avoir pour la production du savoir sur les /partis européens/, notamment en termes de ressources matérielles. 138 Si l’on prend, par exemple, l’année 1985 comme référence, date pour laquelle nous disposons de sources propres de l’ECPR : voir ECPR, Directory of European political scientists, 4e éd., Essex, University of Essex, 1985. 139 C’est-à-dire les auteurs du corpus repérés soit dans la liste des contributeurs, soit dans la liste des participants lorsque celle-ci est accessible, par exemple dans les actes publiés du colloque en question. 140 Nous avons simplement repris ici, pour plus de clarté, les dates et les institutions organisatrices. Pour les références exactes de chaque colloque, nous renvoyons au corpus en annexe. 141 Association pour l’étude des problèmes de l’Europe. 142 University Association for Contemporary European Studies. 143 Institut d’études juridiques européennes de l’Université de Liège. 144 Associée à la Fondation Friedrich-Naumann du parti libéral allemand FDP.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

352

10. avril 1978 (TEPSA146) : Claeys, Loeb(-Mayer), Jeutter, Mohrmann, Seibt, Wijsenbeek

11. février 1979 (A.I.E.E.) : Sidjanski

12. avril 1979 (ECPR) : Pridham G.

13. octobre 1979 (DVPW) : Blondel, Fenner, Gresch, Hrbek, Karnofsky, Kuper, Niedermayer, Reif, Rovan, Schmitt, Statz, Von Alemann

14. décembre 1979 (Europäische Akademie Berlin) : Rovan, Von Alemann, Hrbek

15. mars 1980 (ECPR) : De Graeve-Lismont, Niedermayer

16. septembre 1980 (IPSA) : Claeys, Loeb(-Mayer)

17. juin 1983 (Collège de Bruges / IEP147) : Bieber, Bonvicini, Buck, Gresch, Henig, Hrbek (org.), Jacqué, Jamar, Loeb(-Mayer), Pinder, Pöhle, Reif, Schmuck, Seiler, Sidjanski, Steppat, Wessels (org.), Wijsenbeek,

18. avril 1984 (ECPR) : Niedermayer

Même si les colloques où l’on parle des /partis européens/ sont relativement

nombreux en Europe à partir de 1968, il reste possible d’en circonscrire l’étude. Ce qui

nous intéresse ici est le fait que certains auteurs du corpus s’y retrouvent régulièrement,

et parmi eux certains plus souvent que d’autres. On peut établir le tableau suivant des

auteurs du corpus ayant assisté ou participé à au moins trois de ces colloques sur la

période148 :

Auteurs du corpus les plus présents dans les colloques repérés

Nom nombre de participations

Loeb, N. 6

Reif, K. 4

Bonvicini, G. 3

Claeys, P.-H. 3

Gresch, N. 3

Hrbek, R. 3

Jacqué, J.-P. 3

Niedermayer, O. 3

Sidjanski, D. 3

Wessels, W. 3

145 « Société savante pour le droit européen ». 146 Trans European Policy Studies Association. 147 Institut für europäische Politik. 148 Au total, ce ne sont pas moins de 55 auteurs du corpus sur 170 qui ont assisté ou participé à au moins l’un des colloques repérés.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

353

On voit donc se dégager, parmi les modalités d’élaboration possibles du « savoir »

sur les /partis européens/, celle du colloque ou de la réunion savante à intervalles

réguliers, afin de présenter et discuter les conceptions ou les référents nouveaux, mais

qui servent aussi de point de coordination éventuel pour d’autres projets plus

programmatiques. En effet, le colloque, s’il est une des formes consacrées de l’activité

savante, et pas seulement académique149, reste un évènement ponctuel qui peut certes

« synchroniser » les divers temps personnels des travaux et des projets, mais qui ne

constitue pas à proprement parler un « atelier de production » des résultats qu’on y

présente.

III.1.3 –Projets de recherche et « lieux de savoir » sur les /partis européens/

Les colloques sont un indice des investissements savants consentis par ceux qui s’y

retrouvent. Ils sont en ce sens un point de rencontre d’autres types d’« entreprises

savantes » mobilisant plus de ressources et plus d’acteurs, de manière plus régulière et

plus longtemps.

Les groupes de recherche de l’Université Tübingen et de l’Université de Mannheim

La production académique du savoir sur les /partis européens/, tout d’abord, passe

notamment par une spécialisation plus durable de certains universitaires et la mise en

place, par exemple, de groupes de travail et de programmes de recherche

spécifiquement centrés sur ce sujet, ou qui abordent explicitement cette question dans le

cadre d’une problématique plus large. C’est le cas justement de plusieurs chercheurs qui

exercent dans les deux Universités allemandes de Tübingen et Mannheim.

149 La liste des colloques présentée ici mêle ainsi les organisateurs institutionnels « purement » académiques, comme la DVPW ou l’ECPR, et les organisateurs de colloque « hors champ », comme l’A.E.P.E. ou l’I.E.P., organismes ou instituts plus proches de ce que l’on appellerait aujourd'hui un think tank, et que nous étudierons plus loin sous la rubrique des patronages.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

354

C’est en effet à l’Institut de Science politique de l’Université de Tübingen que

R. Hrbek, au début des années 1970, a mis en place avec un autre membre du corpus,

R. Steiert, un « groupe de recherche » sur la question de l’« apport des partis politiques

au processus d’intégration », comme il l’explique lui-même :

« Am Institut für Politikwissenschaft der Univesität Tübingen läuft unter der Leitung von Rudolf Hrbek und Rudolf Steiert ein Forschungsprojekt zum Thema « Der Beitrag politischer Parteien für den Integrationsprozeß im Bereich der EG », das 1976 abgeschlossen sein wird ; es sin insgesamt 11 Einzelbeiträge vorgesehen. »150

Parmi les 11 contributeurs particuliers au projet mentionnés par R. Hrbek, il faut

compter un autre membre du corpus, qui est aussi l’un de ses propres doctorants,

N. Gresch. Celui-ci termine, à l’époque où Hrbek écrit cette note, une thèse sur la

« coopération transnationale des partis dans la Communauté européenne »151. Dans

l’avant-propos de sa thèse, publiée en 1978 et qui fait depuis référence comme une des

premières études théoriques du « phénomène partisan européen », N. Gresch explique

comment celle-ci s’inscrit dans ce projet collectif de long terme :

« Die Einsicht, daß seit der Haager Gipfelkonferenz von 1969 es in der Europäischen Gemeinschaft um weiterreichende Zielsetzungen als die Errichtung eines gemeinsames Marktes und eine Zollunion geht, führte zu der Frage, ob und wenn ja, wie die Parteien auf diese veränderte Qualität des Integrationsprozesses reagierten. Diese Fragestellung bildete den Ausgangspunkt für die Arbeiten einer Forschungsgruppe, die sich 1972/73 am Institut für Politikwissenschaft der Universität Tübingen unter der Leitung von Herrn Professor Dr. Rudolf Hrbek konstituierte und während der Jahre 1974/75 von der Stiftung Volkswagenwerk unterstütz wurde. Im Rahmen dieses Projektes entstand die vorliegende Arbeit. »152

150 N°82 du corpus : HRBEK, Rudolf, « Eine neue politische Infrastruktur ? Zum Problem transnationaler Kooperation und Koalition politischer Parteien in der EG », dans IEP/WESSELS, Wolfgang (dir.), Zusammenarbeit der Parteien in Westeuropa. Auf dem Weg zu einer neuen politischen Infrastruktur ?, Bonn, Europa Union Verlag, 1976, p. 341-390, ici p. 389, note 48 (traduction : « Un projet de recherche est en cours à l’Institut de Science politique de l’Université de Tübingen, sous la direction de Rudolf Hrbek et de Rudolf Steiert, sur le thème « L’apport des partis politiques au processus d’intégration dans le cadre de la CE », qui sera achevé en 1976 ; au total, 11 contributions particulières sont prévues. »). 151 N°105 du corpus : GRESCH, Norbert, Transnationale Parteienzusammenarbeit in der EG, Baden-Baden, Nomos, 1978. 152 Ibid., p. 7, (traduction : « La prise de conscience que, depuis le Sommet de la Haye en 1969, il s’agissait d’établir des objectifs plus ambitieux dans la Communauté européenne comme la mise en place d’un marché commun et d’une union douanière, conduit à se demander si, et dans ce cas comment, les partis réagissaient à cette différence de nature du processus d’intégration. Cette problématique forma le point de départ pour les travaux d’un groupe de recherche, qui se forma en 1972/1973 sous la direction de M. le Professeur, Dr. Rudolf Hrbek, à l’Institut de Science politique de l’Université de Tübingen et qui

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

355

L’Université de Tübingen, où R. Hrbek a lui-même obtenu son doctorat en 1968153

et où il exerce comme assistant de recherche à partir de 1966, puis comme professeur

titulaire à partir 1976, apparaît ainsi comme un des « foyers » concrets de l’émergence

des discours sur les /partis européens/, à la fois parce qu’elle a été le cadre d’un

programme formalisé de recherche et de publication sur la question des partis en

Europe154, mais également parce qu’elle a été le lieu de formation et de travail en

commun de plusieurs des auteurs les plus particulièrement investis dans notre corpus.

Au total, 8 auteurs au moins ont, de manière avérée, soit été formés comme

étudiants dans cette Université (outre Gresch qui est d’une génération plus jeune,

M. Bangemann, H. Fenske et R. Hrbek y ont étudié en même temps dans les années

1960), soit occupé un poste d’assistant ou de professeur (outre R. Hrbek, on trouve 2

assistants de recherche et 2 professeurs du corpus dans les années 70 à Tübingen,

respectivement P. Pawelka, P. Seibt, V. Rittberger et R. Steiert). La particularité de ce

petit groupe d’alumni155, est qu’on trouve parmi eux certains des auteurs les plus

investis, selon différents critères, dans la production des discours sur les /partis

européens/. Ainsi, R. Hrbek à lui seul compte 27 références, dont 26 individuelles, dans

le corpus, ce qui fait de lui – et de loin – le premier « producteur » de discours sur le

pendant l’année 1974/1975 fut soutenu par la fondation Volkswagen. C’est dans le cadre de ce projet que ce travail a été conçu »). 153 Sous la direction de Theodor Eschenburg, ex-recteur de l’Université de 1962 à 1963, portant sur le SPD et son attitude envers l’Europe (Die SPD, Deutschland und Europa : die Haltung der Sozialdemokratie zum Verhältnis von Deutschland-Politik und West-Integration (1945-1957)). 154 Même si ce n’est pas la première. D’autres universitaires, ailleurs, ont déjà lancé à l’époque, et depuis longtemps, des programmes d’études plus ou moins systématiques sur ces questions. Mais nous n’avons pas connaissance d’un groupe de recherche aussi formalisé qui prenne en compte les différents aspects et référents possibles pour parler des /partis européens/. On pourrait par exemple citer la coordination synchronisée de mémoires et thèses sur les groupes politiques du PE, encouragées par des professeurs comme Dusan Sidjanski, lorsqu’il commence sa carrière à l’Université de Strasbourg (où il est professeur invité au Centre Universitaire des Hautes Etudes Européennes de 1956 à 1962). Comme le raconte Jacqueline Lastenouse, qui a été dirigée pendant ses recherches par Dusan Sidjanski comme nous l’avons dit, trois thèses différentes y étaient en cours en 1962, de manière coordonnée, sur la question des groupes politiques : « Nous formions une équipe de trois doctorants travaillant sur le Parlement européen et les Groupes politiques. Mon sujet portait sur le Groupe démocrate chrétien au Parlement européen. Les deux autres thèses portaient respectivement sur le Groupe Socialiste et le Groupe Libéral. » (Voir DUMOULIN, Michel, CAILLEAU, Julie, « Entretien avec Jacqueline Lastenouse-Bury », Bruxelles, le 21 janvier 2004 (pour le projet CONSHIST.COM « Histoire interne de la Commission européenne 1958-1973 », coordonnée par Michel Dumoulin et l’Université Catholique de Louvain, assisté par l’Institut universitaire européen, disponible en ligne : http://www.eui.eu/HAEU/OralHistory/FR/ECM.asp). 155 Mais ces pratiques sont loin d’être propres au champ académique et peuvent concerner tout autre type d’institution : on peut penser ici, par exemple, à l’ AIACE, l’ « Association internationale des Anciens de l’Union européenne », créée en 1970.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

356

sujet, en nombre d’ « actes individuels de publication ». Les deuxième et troisième en

nombre de références n’arrivent que loin derrière lui : O. Niedermayer avec 16

références et K. Reif avec 10 références, tous deux issus de l’Université de Mannheim,

qui apparaît, comme on va le voir plus loin, comme un deuxième « foyer » important

d’émergence.

R. Hrbek fait aussi partie des auteurs qui ont la plus grande « amplitude » temporelle

entre la première et la dernière de leurs références dans le corpus, critère qui renseigne

sur le degré de spécialisation et la durée d’un investissement savant. Ainsi Hrbek écrit-il

pour la première fois sur le sujet en 1976 et pour la dernière en 1990, soit 14 ans

d’intervalle, ce qui témoigne d’un intérêt entretenu tout au long de la période considérée

et non pas simplement ponctuel. Il n’est devancé sur ce critère que par D. Sidjanski, qui

est parmi les premiers auteurs du corpus à écrire sur le sujet (en 1961) et dont les 6

publications sont réparties jusqu’en 1979, soit 18 ans d’intervalle. En comparaison, un

auteur comme N. Gresch, qui est l’un des 3 seuls auteurs du corpus à avoir consacré une

thèse entière à la question spécifique des /partis européens/156 (avec G. Van Oudenhove

en 1963 et O. Niedermayer, en 1982) fait paraître les 6 références qui le concernent

dans le corpus en 3 ans seulement, de 1976 à 1979157, ce qui témoigne d’un

investissement beaucoup plus « localisé » sur la question. Ces rapides considérations

montrent les différences très grandes qu’il peut y avoir, et qu’il faut savoir faire, entre

les investissements savants de chacun des auteurs représentés dans le corpus, ce qui

n’est pas simplement dû aux différences de trajectoire professionnelle même si celles-ci

peuvent jouer un rôle158.

156 Et qu’on peut donc considérer en tant que tel comme un autre auteur particulièrement investi sur les /partis européens/, quoique sous un autre point de vue, et écrivant sur eux « depuis » Tübingen. 157 Suite à quoi, comme on l’a vu, il intègre le PE comme administrateur. 158 Sur le point précis soulevé ici, O. Niedermayer, un autre « docteur » sur la question, apparaît à la fois plus prolifique (16 références) et surtout plus « durablement » investi que N. Gresch (12 ans d’intervalle entre la première et la dernière). O. Niedermayer, contrairement à Gresch, continue à l’Université (de Mannheim) jusqu’à obtenir un poste de professeur en 1995. R. Hrbek, quant à lui, occupe une place stable et acquise relativement plus tôt par rapport aux carrières habituelles en Allemagne. Il passe en effet son habilitation en science politique dès 1973, 5 ans après la fin de sa thèse, à l’âge de 35 ans, et obtient un poste, dans l’Université même où il a fait ses études, 3 ans plus tard, à l’âge de 38 ans. En comparaison, d’autres docteurs de sa génération ont eu une trajectoire plus « heurtée », comme par exemple K. Reif. Celui-ci habilite en 1984, dix ans après l’obtention de son doctorat, mais n’occupera jamais de place de professeur titulaire (il est attaché de recherche puis Visiting professor dans plusieurs Universités et à l’Institut universitaire de Florence) avant de « passer » lui aussi dans le secteur administratif, en rejoignant la Commission européenne et la direction de l’Eurobaromètre en 1987. C’est le cas aussi de docteurs plus jeunes, comme O. Niedermayer, qui habilite en 1988 après avoir soutenu sa thèse en 1982 mais n’obtient un poste titulaire de Professeur qu’en 1995, et dans une autre Université que celle où il a

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

357

Ces comparaisons ponctuelles des producteurs les plus investis de notre corpus

pointent vers un autre « foyer d’émergence » universitaire qu’on a déjà évoqué :

l’Université de Mannheim qui, au colloque d’Augsburg est « incarnée » par

O. Niedermayer, K. Reif et H. Schmitt. Or il se trouve que ces trois auteurs sont

justement au cœur de plusieurs programmes de recherche qui ont été développés à

l’Université de Mannheim159.

K. Reif a ainsi coordonné, tout d’abord, un « séminaire de recherche » qui s’est tenu

de 1975 à 1986 à Mannheim, intitulé « Das Parteiensysteme der Europäischen

Gemeinschaft » (« le système partisan de la Communauté européenne ») et auquel

participaient, entre autres, O. Niedermayer et H. Schmitt, justement, mais aussi trois

autres auteurs du corpus : K. Menke, W. Bürklin et W. Ettmüller160. Ce séminaire

comptait par ailleurs avec le soutien et le « parrainage » de Rudolf Wildenmann,

professeur à l’Université de Mannheim de 1964 à 1989 et qui est l’un des co-fondateurs

de l’ECPR avec J. Blondel. L’Université de Mannheim fait en effet partie des huit

été assistant et dozent pendant 15 ans (Mannheim). Il faudrait mener une étude plus poussée pour déterminer si la structure des carrières et l’état du champ professionnel académique en Allemagne peut expliquer, au moins en partie, la tendance constatée à la succession (mais aussi à la simultanéité) des positions entre champs académique et administratif, mais ce sont des éléments qu’il faut prendre en compte quand on cherche à étudier les relations structurelles qui peuvent unir ces différents espaces. 159 On doit mentionner ici, sans pouvoir entrer dans les détails faute de sources suffisantes, que la Division de l’information universitaire et de la jeunesse, unité du Service commun de presse et d’information de la Commission européenne chargée de coordonner et de « susciter » des recherches sur l’intégration européenne (c’est cette division qui a la charge, à partir de 1989, de l’Action Jean Monnet notamment, mais aussi du programme de Bouses de recherches sur l’intégration européenne, qui est lancé dès 1962, et de celui du Prix des Communautés européennes, décerné à des thèses de doctorat sur les divers secteurs de l’intégration européenne à partir de 1963) a soutenu y compris financièrement des projets de recherche notamment de l’Université de Mannheim, grâce à un budget spécial obtenu en 1976 en vue des premières élections directes européennes (voir le témoignage de Jacqueline Lastenouse, qui a fait toute sa carrière de fonctionnaire européenne dans cette Division à partir de 1962 et qui était plus spécialement chargée du contact et de l’entretien des réseaux académiques) : DULPHY, Anne, MANIGAND, Christine, « Entretien avec Jacqueline Lastenouse», Histoire@Politique, Politique, culture, société, n° 15, septembre-décembre 2011, disponible en ligne sur www.histoire-politique.fr). On peut citer également, dans le cadre de l’action de la Division envers les chercheurs se spécialisant en études européennes, l’édition de deux « Bulletins » répertoriant les thèses en cours, ainsi que progressivement les enseignements universitaires et les colloques spécialisés en études européennes, qui ont contribué à structurer ce domaine savant : le Bulletin Recherches et études universitaires sur la Communauté européenne édité depuis 1962 (que nous présentons plus précisément dans l’annexe portant la liste des références de notre corpus) et le Bulletin Nouvelles Universitaires européennes, édité depuis le milieu des années 1960. 160 Sur ce point, voir : NIEDERMAYER Oscar, Europäische Parteien ? Zur grenzüberschreitenden Integration politischer Parteien im Rahmen der Europäischen Gemeinschaft, Francfort/Main, Campus, 1983 (avant-propos) ; REIF, Karlheinz, « Die Rolle der politischen Parteien in der künftigen Verfassung der europäischen Union », dans ZAPF, Wolfgang (dir.), Probleme der Modernisierungspolitik, Mannheimer Sozialwissenschaftliche Studien, Band 14, Meisenheim, Hain, 1977, p. 88-100.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

358

universités fondatrices de l’ECPR en 1973, sous l’impulsion de R. Wildenmann, ce qui

est un indice et à la fois une explication de l’insertion de la Faculté de sciences

sociales161 de cette Université dans les réseaux de recherche européens. Ainsi, mis à part

les six chercheurs évoqués ici (O. Niedermayer162, K. Reif163, H. Schmitt164,

K. Menke165, Ettmüller166 et W. Bürklin167) qui ont tous étudié et enseigné à la même

époque dans cette Université, des chercheurs étrangers de notre corpus y ont fait des

séjours attestés, comme D. Sidjanski168, Z. A. Ward169 et L. Bardi170.

Cet élément est d’autant plus significatif que K. Reif coordonne par ailleurs un autre

programme de recherche, beaucoup plus ambitieux, auquel participent à Mannheim

O. Niedermayer et H. Schmitt, mais dans lequel sont également impliqués des

chercheurs étrangers, comme justement D. Sidjanski et L. Bardi. Ceux-ci sont en effet

les correspondants suisse et italien du programme intitulé « European Elections

Studies » (EES), lancé toujours sous l’impulsion de Rudolf Wildenmann171 à

161 Plus précisément de la « Fakultät für Sozialwissenschaften : Politische Wissenschaft und Zeitgeschichte » (« Faculté de Sciences sociales : Science politique et histoire contemporaine »). On voit ici un exemple concret des différences dans la « segmentation disciplinaire » que nous évoquions tout à l’heure. 162 Qui y fait ses études supérieures de 1971 à 1977 et y soutient sa thèse en 1982. Il y occupe par ailleurs un poste d’assistant de recherche à partir de 1978, puis de dozent de 1988 à 1993. 163 Il y obtient son doctorat en 1974 et y occupe une position d’assistant de recherche depuis 1968. 164 H. Schmitt y a fait ses études supérieures et y a été lui aussi assistant de recherche jusqu’en 1981, avant de faire une thèse à l’Université de Duisburg, sous la direction d’un autre participant à ce colloque, U. Von Alemann. 165 Lui-même auteur de 5 références dans le corpus dont 2 en co-publication avec K. Reif. On n’a cependant pas pu retrouver d’autre information biographique que celle de sa participation régulière au séminaire mentionné. 166 Qui y fait ses études dans les années 1970. 167 Qui y fait ses études durant les annés 1970 et y enseigne au début des années 1980. 168 Qui y dirige en 1973 un groupe de travail de l’ECPR sur les groupes de pression. 169 Zelime Amen Ward est « assistant professor » à l’Université d’Austin au Texas en 1980 et elle est chercheuse associée à cette époque avec les Universités de Bonn, Cologne et Mannheim. 170 Qui est le correspondant italien du projet « European Elections Studies » (EES) sur lequel on va revenir. 171 Le parcours de Rudolf Wildenmann lui-même, qui n’est pas un auteur de notre corpus à proprement parler, confirme l’intérêt qu’il peut y avoir à poursuivre ce travail par une recherche plus étendue sur les liens entre la production du savoir sur les /partis européens/ et celle sur les /partis/ en général. Né en 1921, allemand, R. Wildenmann a connu lui aussi l’ « émigration » transatlantique, mais sous une forme particulière : fait prisonnier de guerre pendant la deuxième guerre mondiale, il passe une partie de celle-ci dans une prison au Canada. Revenu en Europe en 1946, il commence des études de science politique et obtient son doctorat en 1952 à l’Université de Tübingen, où il enseignera à partir des années 60. Sa spécialisation sur les partis politiques et la série de 4 volumes sur « The Future of Party Government » qu’il a dirigée, sous le patronage de l’Institut d’Etudes Universitaires de Florence, de 1983 à 1986 avec la collaboration de Richard Katz, mais aussi la participation d’auteurs du corpus comme Luciano Bardi et Hermann Schmitt, incite à se pencher plus précisément, dans une recherche future, sur les liens qui unissent ces deux objets.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

359

l’Université de Mannheim en 1977, et qui existe encore aujourd'hui172. Ce programme,

beaucoup plus large, ne porte pas spécifiquement sur les partis politiques, et encore

moins sur les /partis européens/. Mais l’étude des élections directes du PE, qui constitue

le cadre commun des nombreux sous-programmes de l’EES, est cependant étroitement

liée à notre sujet et donne, de fait, l’occasion à ces auteurs de parler très souvent des

/partis européens/, comme l’atteste le nombre de références qui leur reviennent dans

notre corpus et qui proviennent de l’analyse des résultats de cette séries d’enquêtes

électorales.

L’ EES consiste en effet principalement à étudier la mise en place, le déroulement et

les résultats des élections européennes dans chaque Etat membre. Pour cela, un premier

projet central est mis en place dès 1977, le « Campaign Project » qui consistait à réunir

un réseau d’équipes correspondantes dans les neuf Etats membres de l’époque. En

amont, ces équipes étaient chargées de récolter de la documentation de manière

systématique pour tous les partis de l’Etat en question, et de réaliser des entretiens avec

les membres des équipes dirigeantes de ces partis. En aval, de récolter et d’analyser les

résultats des élections européennes dans leur pays. L’intérêt pour notre sujet est dans la

composition même de ces équipes : coordonnées par K. Reif et I. Lipschits (Université

de Groningen), elles sont composées en 1977-1979 d’au moins 5 auteurs de notre

corpus : outre K. Reif et K. Menke, déjà cités, P.-H. Claeys, E. De Graeve-Lismont et

N. Loeb(-Mayer) forment l’équipe belge, et I. Gordon joue le rôle de correspondant du

projet en Grande-Bretagne. L’Université de Mannheim, à travers ce projet précis,

constitue donc bien un lieu de coordination des travaux de plusieurs membres du corpus

s’intéressant aux /partis européens/173.

Un deuxième projet inséré dans le cadre de l’EES est le « European Political Parties

Middle-Level Elites Project », qui a donné lieu directement à des études qui nous

172 Lancé à l’époque avec la collaboration principalement de l’Université de Leeds et de la Commission européenne, il implique aujourd'hui, ou a impliqué au cours des différentes « campagnes » de récolte de données menées à chaque nouvelle élection européenne depuis 1979, un réseau très vaste de partenaires. Pour le détail du programme, les résultats obtenus et les partenaires du projet, nous renvoyons au site internet très complet du projet : http://www.ees-homepage.net/?site=euromanifestos. 173 Sans que l’on puisse dire avec certitude si l’intérêt manifesté par ces travaux sur les /partis européens/ a précédé la participation au projet EES ou si c’est la participation à ce projet qui a été la condition de possibilité de ces travaux : les dates de publication des études de P.-H Claeys et N. Loeb-Mayer (toutes publiées entre 1977 et 1980) ou de I. Gordon (1980) conduisent cependant plutôt à pencher pour la première explication.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

360

intéressent plus particulièrement174 et qui étudie par questionnaire les représentations et

positionnements de délégués partisans lors de 39 congrès nationaux et lors des 3

premiers congrès du PPE, de l’UPSCE et de la fédération ELDR. Coordonné plus

directement par O. Niedermayer, il utilise les mêmes équipes que le « Campaign

Project » et inclut donc les mêmes auteurs du corpus que nous venons de mentionner.

On pourrait citer, pour être complet, un autre projet qui a été rattaché plus tardivement

au programme initial : le « Euromanifestos project » du MZES175, rattaché durant les

années 1980 au projet EES, dirigé encore aujourd'hui par H. Schmitt176.

A eux trois, O. Niedermayer (16 références), K. Reif (10 références) et dans une

moindre mesure H. Schmitt (2 références) comptent pour 28 des 330 « actes de

publications individuelles », soit 8,5 %. Si on leur ajoute les deux auteurs les plus

productifs ayant écrit « depuis » Tübingen, R. Hrbek (27) et N. Gresch (6), ils comptent

à eux 5 pour 18,5 % des références du corpus (toujours en comptant les « actes

individuels de publication ».

Ainsi, on le voit, les investissements savants même les plus intenses et les plus

nombreux ne sont jamais isolés. On a pu le constater avec l’exemple des trois auteurs de

notre corpus qui en ont produit le plus de références : leur activité, voire leur activisme

sur la question repose d’abord sur les structures collectives qu’ils ont su créer pour

s’entourer de doctorants et de collaborateurs pour travailler collectivement sur cette

question.

L’expertise « hors campus »

Il faut éviter, cependant, de ne prêter attention qu’aux entreprises uniquement

académiques. Le corpus compte par exemple autant, si ce n’est plus, de « colloques »

placés sous l’égide d’un think tank comme le montre le tableau donné plus haut. Le

174 Voir par exemple, dans notre corpus, n°212 : NIEDERMAYER, Oscar, « European Party Federations and European Integration », dans REIF, Karlheinz, CAYROL, Roland (dir.), EES-Report II : European Elections and National Political Parties’Middle Level Elites, Mannheim, Paris, 1980, p. 205-252. 175 Mannheimer Zentrum für europäische Sozialforschung, le centre d’études européennes de l’Université de Mannheim. 176 Voir le site Internet du projet : http://www.mzes.uni-mannheim.de/projekte/manifestos/.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

361

colloque de 1974 de l’ « Association pour l’étude des problèmes de l’Europe »

(A.E.P.E.), sur le thème « Des partis à l’échelle européenne »177, rassemble ainsi à la

fois des académiques du corpus (G. Vedel, N. Loeb(-Mayer), N. Gresch), des politiques

(S. Mansholt), des administratifs (J.-R. Rabier), des journalistes (E. et L. Gazzo), des

directeurs de think tank (G. Bonvicini, W. Wessels), ainsi que des acteurs difficiles à

« caser » tant ils sont multipositionnés (P. Uri). De même, pour prendre un autre

exemple, le colloque organisé dix ans plus tard au Collège de Bruges en collaboration

avec l’IEP178, et coordonné par R. Hrbek et W. Wessels réunit-il des acteurs occupant

des positions tout aussi variées, qui sont d’ailleurs parfois les mêmes que ceux que nous

venons de citer (G. Bonvicini et W. Wessels sont là, tout comme N. Loeb(-Mayer) et

N. Gresch, qui est devenu entre temps administrateur au PE, mais aussi J. Pinder,

K. Reif, D.-L. Seiler, D. Sidjanski, …).

Il faut donc éviter les lectures trop simplistes qui associeraient automatiquement

publications et colloques savants à des logiques de production purement académiques.

La recherche et la production de discours savants a des besoins qui nécessitent

souvent de faire appel à des fonds extérieurs aux ressources propres de

l’ « académie »179 : il est intéressant de constater que deux des projets de recherche ci-

dessus, le groupe de travail de Tübingen dirigé par R. Hrbek et le programme EES

coordonné par K. Reif, ont tous deux été financés par la même fondation privée

allemande, la Stiftung Volkswagenwerk. Les structures de financement privé contribuent

ainsi, plus ou moins directement selon les cas, à la structuration interne des « entreprises

savantes » et donc du savoir lui-même.

Mais il peut se produire aussi le cas inverse : les producteurs savants, de

demandeurs, peuvent se retrouver en position d’« offrir » au contraire des ressources

177 N°57 du corpus : ASSOCIATION POUR L’ETUDES DES PROBLÈMES DE L’EUROPE (A.E.P.E.), dossier « Des partis à l’échelle européenne », Les Problèmes de l’Europe, n°64, 1974, p. 33-80 ; n°64, 1974, p. 17-148. 178 N°231 du corpus : HRBEK, Rudolf, « Background-Paper. The European Parliement and the Political Environnement », dans HRBEK, Rudolf, JAMAR, Joseph, WESSELS, Wolfgang (dir.), Le Parlement européen à la veille de la deuxième élection au suffrage universel : Bilan et perspectives. Actes du Colloque organisé par le Collège d’Europe et l’Institut für Europäische Politik (Bruges, les 16, 17 et 18 juin 1983) avec le soutien de la Fondation européenne de la Culture, Bruges, Tempelhof, 1984, p. 427-438. 179 A plus forte raison lorsqu’il s’agit de créer de nouvelles structures savantes, indépendantes des institutions académiques existantes, comme l’ECPR financé par la Fondation Ford, par exemple.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

362

pour des acteurs extérieurs au champ académique qui présentent des demandes

particulières, voire des commandes précises.

Cette logique de l’expertise répondant à une « demande sociale » est également très

présente dans notre corpus et contribue, en combinaison avec la logique « académique »

que l’on a dégagée analytiquement, à la production du savoir sur les /partis européens/.

Le nombre de publications particulièrement important de R. Hrbek en est un indice. Si

l’on regarde plus en détail, en effet, ce que sont les références de R. Hrbek dans notre

corpus, on se rend compte que plus de la moitié est due à des publications dans les

manuels ou les ouvrages de l’Institut für europäische Politik (IEP). Parmi ces

publications de R. Hrbek pour le compte de l’IEP, 10 concernent le seul Jahrbuch der

europäische Integration, publié sous la direction de W. Weidenfeld et W. Wessels

annuellement depuis 1980180. Cette proportion est due principalement au fait que

R. Hrbek a assuré pendant 10 ans (de 1980 à 1990) la rubrique intitulée « die

europäischen Parteienzusammenschlüsse » (« les associations européennes de partis »)

qui fut incluse dès la première livraison du Jahrbuch, en 1980, et reprise en suite chaque

année. En plus de ces contributions à cette rubrique régulière, il a publié dans de

nombreuses « entreprises éditoriales » impulsées et financées par l’IEP, tout comme

d’autres auteurs du corpus, comme on va le voir dans la section suivante. Or l’IEP est

présenté par ses membres comme une institution à la croisée des champs académiques,

administratifs et politiques, qui encourage (et donc finance) des projets de recherche sur

les « problèmes de l’Europe ».

Pour mieux comprendre les logiques de production des discours sur les /partis

européens/, il faut donc plus largement étudier à présent le mode de financement et les

différents « patronages » des références réunies dans notre corpus.

180 WEIDENFELD, Werner, WESSELS, Wolfgang (dir.), Jahrbuch der europäischen Integration 1980, Baden-Baden, Nomos (& IEP), 1980 à 1992 (n°220, 227, 230, 237, 250, 255, 257, 261, 265 et 271 du corpus).

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

363

III.2 – Investir dans les « investissements savants » :

patronages et ressources

L’étude des conditions de possibilité des discours sur les /partis européens/ implique

que l’on se penche de près sur les « moyens de production » mis en œuvre. Ceux-ci, au

sens large, dépendent en grande partie, comme on vient de le voir, des acteurs et des

programmes « académiques » qui se trouvent principalement, comme on pouvait s’y

attendre du fait des caractéristiques générales du corpus, en Allemagne. Mais ils

dépendent aussi très largement des ressources matérielles extérieures pour les mettre en

pratique, ce qui conduit à se demander si l’espace allemand met à disposition de ce type

de projets et de réseaux savants des ressources particulières.

III.2.1 – Editeurs et « patronages »

Chacune des 237 références effectivement publiées du corpus (et ayant un éditeur

identifiable) peut être éditée aussi bien par une maison d’édition généraliste que par des

« presses universitaires » spécialisées, aussi bien par des administrations publiques

nationales ou européennes que par des sociétés d’édition rattachées à divers types

d’organismes politiques ou associatifs (partis politiques, mouvements fédéralistes, think

tanks, lobbies ou même églises). Le tableau suivant donne, par ordre décroissant, le

nombre de publications du corpus pour chacun de ces types d’éditeur181 :

Types d’éditeurs des références publiées du corpus

Type d’éditeur Nombre de publications par éditeur

éditeur généraliste 74 éditeur rattaché à un mouvement fédéraliste 53 presses universitaires 43 éditeur rattaché à un think tank 25

181 La question du rôle des éditeurs dans l’émergence et la circulation de formations, d’objets, de concepts et de stratégies discursives est essentielle et mériterait en elle-même une étude approfondie. Nous renvoyons, pour plusieurs exemples qui prouvent l’intérêt et l’importance de l’étude de ce type d’acteurs, aux deux dossiers de la revue Actes de la recherche en sciences sociales publiés en 1999 sur ce sujet : « Editions, Editeurs » (n°1 et n°2), Actes de la recherche en sciences sociales, n°126-127 et n°130, 1999.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

364

éditeur rattaché à un parti 20 publication officielle nationale 14 publication officielle des institutions européennes 6 publication de lobby économique 1

éditeur religieux 1

Total 237

Parmi les éditeurs généralistes, nettement majoritaires, il faut néanmoins distinguer

encore les publications en fonction de leur « patronage » précis, car on trouve souvent

dans cette catégorie des publications réalisées au nom d’institutions scientifiques

(universités et sociétés savantes)182. L’identification plus précise des commanditaires,

en considérant à présent non plus les éditeurs mais les financeurs directs connus

complète l’analyse du tableau des « patronages » de chaque publication. Par

« financeur » nous entendons ici les institutions ou organismes, privés ou publics, ayant

fourni les ressources financières ou matérielles nécessaires à la publication de la

référence considérée, sous trois formes possibles : par le versement documenté d’une

subvention ou d’une bourse pour publication ; par l’organisation matérielle du colloque

ou de l’évènement qui a entraîné la publication de la référence en question ; par un lien

formel établi entre ce financeur et l’éditeur considéré183.

Sur les 237 références du corpus publiées, 123 seulement ont un financeur connu tel

que défini ci-dessus. Au total, ces 123 publications sont le fait de 74 institutions

différentes, dont nous listons ci-dessous les 15 premières par ordre décroissant du

nombre de publications financées :

182 La catégorie « éditeur généraliste » rassemble ainsi en fait seulement 16 publications au nom d’acteurs « non académiques » sur 74 au total. Par ailleurs, il faut noter que les références non publiées du corpus et donc écartées pour ce décompte précis sont majoritairement de nature académique : sur ces 48 références sans éditeur, 40 sont en effet du type « académique » (thèses, mémoires ou communications à des colloques non publiées), ce qui établit la répartition à 142 pour les références de nature académique de par leur éditeur ou leur patronage, contre 143 pour les références non académiques. La partition mentionnée demeure néanmoins valable, comme on le voit. 183 Soit parce qu’il s’agit du même organisme, soit parce que le financeur est propriétaire principal de l’éditeur.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

365

Financeurs principaux des références publiées du corpus

Financeurs principaux Nombre de publications

financées I.E.P. – Institut für europäische Politik 35 D.V.P.W. - Deutsche Vereinigung für Politische Wissenschaft 13 Ministère de l’intérieur allemand 7 Communautés européennes 6 A.E.P.E. – Association pour l’étude des problèmes de l’Europe 5 Institut belge de science politique (Association belge de science politique) 4 Université de Mannheim 4 « Bild-Güz » - Bureau International de Liaison et de Documentation - Gesellschaft für übernationale Zusammenarbeit184

3

Conseil de l’Europe 3 D.G.A.P. – Deutsche Gesellschaft für Auswärtige Politik185 3 I.A.I. – Istituto Affari Internazionali186 3 F.E.S. – Friedrich-Ebert-Stiftung187 3 K.A.S. – Konrad-Adenauer-Stiftung188 3 P.E.P. / P.S.I. – Political Economic Planning / Policy Studies Institute189 3 T.E.P.S.A. – Trans European Policy Studies Association190 3

Comme on peut le voir, la nature de ces financeurs est assez diverse puisque sur les

15 premiers financeurs de notre corpus, nous retrouvons :

- trois institutions universitaires (les associations nationales de chercheurs en

science politique allemande et belge ainsi que l’Université de Mannheim) ;

- trois institutions publiques (les Communautés européennes, le ministère

allemand de l’intérieur et le Conseil de l’Europe) ;

- deux fondations politiques partisanes allemandes (la fondation Konrad

Adenauer, rattachée à la CDU et la fondation Friedrich Ebert, rattachée au

SDP) ;

- sept associations privées répondant à notre catégorie générique de « think

tanks » dont l’IEP dont nous avons déjà parlé et l’Istituto Affari Internazionali

italien191.

184 « Association pour la coopération extranationale », France-Allemagne. 185 « Association allemande pour la politique extérieure », Allemagne. 186 « Institut des affaires internationales », Italie. 187 « Fondation Friedrich Ebert », rattachée au SPD, Allemagne. 188 « Fondation Konrad Adenauer », rattachée à la CDU, Allemagne. 189 « Planification politique et économique » / « Institut d’études des politiques publiques », Royaume-Uni. 190 « Association transeuropéenne d’études des politiques publiques », Belgique. 191 Fondé par Altiero Spinelli en 1966 et dirigé par G. Bonvicini de 1987 à 2008. G. Bonvicini y était déjà chargé de recherche dès 1969, puis Secrétaire général de 1973 à 1982 et Vice-directeur de 1982 à 1987.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

366

En définitive, la production du savoir sur les /partis européens/ est donc globalement

le résultat d’un ensemble d’acteurs divers qui mêlent leurs efforts dans des « entreprises

collectives » transsectorielles, c’est-à-dire impliquant des acteurs, des institutions et des

ressources provenant de secteurs différents. Il est néanmoins possible de déceler au

moins deux « tendances » dans cette imbrication : la prépondérance de la logique

d’expertise qui s’exprime dans la part des think tanks et des institutions publiques dans

le patronage des publications sur les /partis européens/192, mais également l’importance,

déjà perçue pour d’autres critères et confirmée ici, de l’espace allemand de production

de ces discours, puisque sur les 15 premières institutions de patronage, 8 sont

allemandes (qu’elles soient publiques ou privées) et qu’elles financent à elles seules 71

des 125 publications pour lesquelles on dispose de cette information. Plus marquant

encore, les trois premières institutions de patronage des discours sur les /partis

européens/ sont des organismes allemands, issus des trois secteurs d’activité principaux

repérés, y compris le Ministère de l’intérieur allemand, plus présent sur ce « marché »

que les Communautés européennes par exemple.

La dernière question principale qui se pose pour comprendre la structuration

particulière de ces « entreprises savantes » est celle des causes possibles de cette

prépondérance allemande.

III.2.2 – Des ressources localisées dans l’espace allemand : « politische

Bildung », fondations politiques et « Europa Union Verlag »

La prépondérance du « marché allemand » des discours sur les /partis européens/ est

une donnée constante, quel que soit le critère pris en compte pour analyser le corpus.

Que ce soit par la langue utilisée, par la nationalité des auteurs, par leur positionnement

professionnel ou encore par la provenance des fonds et des patronages, l’espace national

L’ IEP et l’IAI font par ailleurs partie du réseau européen de recherche T.E.P.S.A. et surtout deux des thinks tanks de notre tableau qui font partie de ce réseau. 192 On pourrait reprendre, pour qualifier cette logique d’expertise, la distinction utilisée par Jacques-René Rabier, lui-même acteur institutionnel de notre corpus entre « recherche pour l’action » et « recherche pour la recherche » : RABIER, Jacques-René, « L’étude de l’opinion publique européenne : recherche pour l’action », Journal of European Integration / Revue d’intégration européenne, vol. 1, n°3, 1978, p. 277-288.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

367

allemand apparaît sans conteste comme le foyer d’émergence principal de ces discours.

Il n’est évidemment pas le seul, mais son importance relative conduit à tenter de donner

rapidement quelques pistes de réflexion à ce sujet193.

Celles-ci tiennent de manière générale à l’existence en Allemagne d’un financement

public important pour les initiatives de divers types visant à promouvoir ce qu’on

appelle en allemand la « politische Bildung », qu’on pourrait traduire par « éducation

politique » ou comme le fait Dorota Dakowska par exemple, par « éducation

citoyenne »194. Cette notion très vaste, forgée à la fois dans les domaines disciplinaires

de la pédagogie, des sciences de l’éducation et de la science politique en Allemagne195,

peut renvoyer aussi bien à la promotion d’une éducation civique dans le système

d’enseignement primaire et secondaire, à celle de formation politique dans le cadre de la

formation professionnelle, mais aussi plus largement à la « consolidation d’une

conscience démocratique », comme l’énoncent les statuts de la Bundeszentrale für

politische Bildung (BDP), l’organisme fédéral dépendant du Ministère de l’intérieur196

qui est consacré à la coordination des différentes Landeszentrale für politische Bildung

dans chacun des Länder allemands. La BDP finance des projets précis mais possède ses

propres publications savantes, dont certaines sont présentes justement dans notre

193 Ces pistes ouvrent en effet sur des sujets qui ont été déjà bien traités par ailleurs et qui ne sont pas l’objet même de notre travail. Il est néanmoins important d’en faire au moins mention ici. Nous nous permettons donc de renvoyer aux travaux cités à partir d’ici, et notamment ceux de Dorota Dakowska sur les fondations politiques allemandes, pour un traitement complet de ces questions. 194 DAKOWSKA, Dorota, « Les fondations politiques allemandes en Europe centrale », Critique internationale, n°24, 2004, p. 139-157 (ici p. 141). 195 Voir par exemple pour plus de précisions sur le cadre théorique de la « politische Bildung » : BUNDESZENTRALE FÜR POLITISCHE BILDUNG, Zur Theorie und Praxis der politischen Bildung, Bonn, Bundeszentrale Für Politische Bildung, 1990 ; BUNDESZENTRALE FÜR POLITISCHE BILDUNG, Methoden in der politischen Bildung - Handlungsorientierung, Bonn, Bundeszentrale Für Politische Bildung, 1991. 196 Créée en novembre 1952 sous le nom de « Bundeszentrale für Heimatdienst », renommée en 1963, la BDP était dotée à l’origine d’un budget de 8,2 millions de deutschmarks. Le décret de création lui fixe comme objectifs généraux « den demokratischen und europäischen Gedanken im deutschen Volk zu festigen und zu verbreiten » (« consolider et élargir la pensée démocratique et européenne chez le peuple allemand ») : voir BUNDESZENTRALE FÜR POLITISCHE BILDUNG, Bundeszentrale Für Politische Bildung, Bonn, Bundeszentrale Für Politische Bildung, 1978. Pour une histoire de cette organisme voir : WIDMAIER, Benedikt, Die Bundeszentrale für politische Bildung. Ein Beitrag zur Geschichte staatlicher politischer Bildung in der Bundesrepublik Deutschland, Francfort s/Main, 1987. Pour la présentation et l’histoire « officielle », voir le site de la BDP : http://www.bpb.de/geschichte/deutsche-geschichte/geschichte-der-bpb/.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

368

corpus : c’est le cas surtout de la revue « Das Parlament » et de son supplément « Aus

Politik und Zeitgeschichte »197.

Mais dans le cadre des politiques de politische Bildung, ce sont plus

particulièrement les fondations politiques allemandes198 qui nous intéressent ici, dans la

mesure où elles participent très concrètement à la production des discours sur les /partis

européens/ : parmi les 15 premiers financeurs de notre corpus, on trouve ainsi à égalité

de nombre de publications les deux principales de ces fondations, la Konrad-Adenauer-

Stiftung de la CDU199 et la Friedrich-Ebert-Stiftung du SPD200.

Les différentes organisations qui mettent en œuvre la politische Bildung sur fonds

publics en Allemagne sont donc elles-mêmes « à la frontière » entre secteurs politique,

administratif et académique. Elles participent concrètement de la production des

discours sur les /partis européens/, en promouvant des études sur les partis politiques en

général, et sur les /partis européens/ en particulier comme le montre leur présence

importante parmi les éditeurs et « patrons » de notre corpus.

Elles permettent également de mieux « lire » le texte codifié de l’article 138a de

Maastricht, en fournissant une des sources d’inspiration possible pour sa formulation

même :

« Les partis politiques au niveau européen sont importants en tant que facteur d'intégration au sein de l'Union. Ils contribuent à la formation d'une conscience européenne et à l'expression de la volonté politique des citoyens de l'Union. »

197 N°164, 175, 179, 192, 200 et 235 du corpus. 198 Ces fondations sont à la fois financées sur fonds publics, juridiquement indépendantes et affiliées à des partis politiques particuliers. Elles sont officiellement associées également au Ministère de la coopération allemand. Il existe 6 fondations de ce type en Allemagne aujourd'hui : la Fondation Friedrich Ebert, proche du SPD (créée en 1925 puis en 1946) ; la Fondation Konrad Adenauer, proche de la CDU (1964) ; la Fondation Friedrich Naumann, proche du FDP (1958) ; la Fondation Hanns Seidel, proche de la CSU (1967) ; la Fondation Heinrich Böll, proche des Verts (Bündnis 90/Die Grünen, créée en 1989) et la Fondation Rosa Luxemburg, proche du Parti du socialisme démocratique (PDS), créée en 1999. Pour plus de précisions sur l’histoire et les actions de ces fondations, voir les travaux de Dorota Dakowska : DAKOWSKA, Dorota, « Les fondations politiques allemandes en Europe centrale », Critique internationale, n°24, 2004, p. 139-157 DAKOWSKA, Dorota, Les fondations politiques allemandes dans la politique étrangère : de la genèse institutionnelle à leur engagement dans le processus d’élargissement de l’Union européenne, thèse de doctorat en science politique, IEP de Paris, 2005. Pour les évolutions les plus récentes, voir : voir à ce sujet : DAKOWSKA, Dorota, « German Political Foundations : Transnational Party Go-Betweens in the Process of EU Enlargement », dans KAISER, Wolfram, STARIE, Peter. (dir.), Transnational European Union. Towards a Common Political Space, Londres, Routledge, 2005, p. 150-169. 199 N°32, 138, 272 du corpus. 200 N°60, 84, 120 du corpus.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

369

Ces trois lignes peuvent ainsi être lues comme une tentative d’ « importer » dans le

droit communautaire la reconnaissance légale non seulement des partis politiques,

comme on le souligne souvent, mais également de toute une « culture politique » - ou

une formation discursive – fondée sur la notion de politische Bildung en particulier.

Elles n’épuisent pas, cependant, les particularités de l’espace allemand de

production des discours savants, et plus précisément des discours sur les /partis

européens/. Une place à part doit être faite ici à deux institutions liées au mouvement

fédéraliste allemand : l’Institut für europäische Politik (IEP) – le think tank déjà évoqué

plusieurs fois – et la maison d’édition fédéraliste Europa Union Verlag.

L’IEP est un institut de recherche indépendant à financement public (à la fois

national et communautaire201) et a été créé en 1959 à Bonn202 en lien avec diverses

organisations fédéralistes allemandes, dont principalement l’Europa Union Deutschland

(EUD) et la section allemande du Mouvement européen international203. L’ IEP fut

notamment dirigé à sa création par le banquier Friedrich Carl Freiherr Von

Oppenheim204, qui venait de prendre justement la présidence de l’ EUD en 1958. Il est

dirigé à partir de 1973 par W. Wessels et a été également dirigé par un autre auteur de

notre corpus, Beate Kohler(-Koch). Comme le précisent ses statuts et comme l’affirme

la présentation publique des buts de cet institut205, celui-ci travaille « à l’interface »

entre science, administration et politique et a pour but d’encourager à la fois les

recherches scientifiques sur la politique européenne et les « applications pratiques de

leurs résultats »206. C’est donc à la fois un lieu d’engagement fédéraliste et un lieu de

production concrète de « savoir » sur l’Europe en général, et sur les /partis européens/

201 Voir notamment ; KREFT, Heinrich, « Le conseil politique allemand au service de la diplomatie », dans DAKOWSKA, Dorota, TULMETS, Elsa (dir.), Le partenariat franco-allemand. Entre européanisation et transnationalisation, Paris, L’Harmattan, 2011, p. 159-172 (spécialement : p. 161-165). 202 Il fut d’abord créé, en 1959, sous le nom de « Bildungswerk Europäische Politik ». 203 Qui disposent de deux administrateurs ex officio dans le Conseil d’administration de l’IEP, et qui sont surtout destinataires des biens de l’IEP en cas de dissolution (article 8-3 des statuts, disponibles sur le site de l’IEP : http://www.iep-berlin.de/das-iep.html). 204 MITTAG, Jürgen, WESSELS, Wolfgang (dir), Der kölsche Europäer : Friedrich Carl von Oppenheim und die europäische Einigung, Münster, Aschendorff Verlag, 2005. 205 Section « Ziele und Aufgaben » (« Buts et missions ») du site Internet de l’IEP : http://www.iep-berlin.de/das-iep.html. 206 Ibid., « Das IEP arbeitet national und transnational an der Schnittstelle von Wissenschaft, Politik, Verwaltung und politischer Bildung. Dabei ist es Aufgabe des IEP, die Probleme der europäischen Politik und Integration wissenschaftlich zu untersuchen und die praktische Anwendung der Untersuchungsergebnisse zu fördern ».

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

370

en particulier, comme le prouve le fait que 8 des auteurs de notre corpus207 en sont des

membres permanents ou des collaborateurs occasionnels.

L’éditeur Europa Union Verlag, quant à lui, est une société d’édition fondée en

décembre 1959208, toujours par le mouvement fédéraliste allemand Europa Union

Deutschland (EUD), mais aussi par la « Gesellschaft für übernationale Zusammenarbeit

– GüZ » (« Société pour la coopération supranationale »), office franco-allemand209 de

coopération culturelle qui publie une revue présente dans notre corpus, Dokumente, dont

il se trouve que Thomas Jansen a été le rédacteur en chef de 1978 à 1981. Europa Union

Verlag publie entre autres plusieurs revues et manuels qui figurent à de multiples

reprises dans notre corpus : les revues Integration et Europa-Archiv, mais aussi le

Jahrbuch für europäische Integration de l’IEP210. Quand on fait le compte, on

s’aperçoit que Europa Union Verlag, et donc plus largement le mouvement fédéraliste

allemand, compte en fait pour 45 des 123 publications pour lesquelles on dispose de

cette donnée, soit 36,6 %.

En d’autres termes, le mouvement fédéraliste allemand et plus particulièrement le

mouvement Europa-Union Deutschland (EUD), dont on a vu que Thomas Jansen était

aussi le secrétaire général adjoint, puis le secrétaire général de 1975 à 1980, est

responsable au moins indirectement, par l’entremise de sa maison d’édition, de plus

d’un tiers des publications du corpus, et donc des discours sur les /partis européens/.

Ainsi, par exemple, l’ouvrage de Thomas Jansen et de Volkmar Kallenbach

précédemment cité, Die europäischen Parteien. Strukturen, Personen, Programme211

est-il publié par cette maison d’édition, au moment même où Thomas Jansen est 207 E. Grabitz, R. Hrbek, E. Karnofsky, B. Kohler(-Koch), T. Jansen, O. Schmuck, S. Steppat, W. Wessels. 208 Pour les éditeurs allemands, nous avons consulté les sources suivantes : VINZ, Curt, OLZOG, Günter, Dokumentation deutschsprachiger Verlage, 4e édition, Munich, Günter Olzog Verlag, 1971, VINZ, Curt, OLZOG, Günter, Dokumentation deutschsprachiger Verlage, 10e édition, Munich, Günter Olzog Verlag, 1989. 209 Son appellation officielle est : BILD-Güz (Bureau international de Liaison et de Documentation- Gesellschaft für übernationale Zusammenarbeit). Il a été fondé en 1945 par le Père Jean du Rivau. On retrouve ici la piste que nous avions évoquée plus haut des engagements religieux de nos auteurs, et plus particulièrement de T. Jansen. 210 Par l’entremise de sa filiale « Verlag für Internationale Politik ». Voir : VINZ, Curt, OLZOG, Günter, Dokumentation deutschsprachiger Verlage, 4e édition, Munich, Günter Olzog Verlag, 1971, VINZ, Curt, OLZOG, Günter, Dokumentation deutschsprachiger Verlage, 10e édition, Munich, Günter Olzog Verlag, 1989 ; WACKS, Britta, Les maisons d’édition allemandes et le marché français du livre, Paris, CIRAC (« Cahiers du CIRAC »), 1991. 211 N°109 du corpus : JANSEN, Thomas, KALLENBACH, Volkmar, Die europäischen Parteien. Strukturen, Personen, Programme, Bonn, Europa Union Verlag (« Materialen zur Europapolitik, Band 2 », Institut für Europäische Politik), 1977.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

371

secrétaire général de l’EUD. De même, le Jahrbuch für europäische Integration de

l’IEP que publie chaque année depuis 1980 la Europa Union Verlag, contient dès sa

première édition une rubrique annuelle sur les /partis européens/, qui est tenue jusqu’en

1990 par l’auteur le plus « prolifique » de notre corpus Rudolf Hrbek212.

Cet « investissement savant », au sens propre comme au figuré, du mouvement

fédéraliste allemand et plus précisément de Europa Union Deutschland, permet peut-

être de préciser la réponse que fait Thomas Jansen, à la question que nous lui avons faite

de l’influence éventuelle des mouvements fédéralistes dans la codification de l’article

138a :

« 22. Generally speaking, what was the real influence of Federalist movements such as the European Movement or the UEF in the process of institutionalization of “Europarties”? Thomas Jansen : « There was most certainly no immediate or real influence of these movements in that process. But the politicians who were the driving forces within the national parties and the Parliamentary Groups of the EP who paved the way for the institutionalisation of the European Parties came from the European movement or were influenced by its philosophy. »213

On a vu ici que le mouvement fédéraliste allemand avait pu avoir aussi une

influence matérielle bien plus concrète, en finançant plus du tiers de la production totale

des discours sur les /partis européens/ en Europe, de 1945 à 1992.

212 HRBEK, Rudolf, « Die europäischen Parteienzusammenschlüsse », Jahrbuch für europäische Integration, Bonn, Europa Union Verlag, 1980, 1981, 1982, 1983, 1984, 1985, 1986-1987, 1987-1988, 1988-1989, 1989-1990. 213 Entretien par questionnaire (11 décembre 2010) (traduction : « De façon générale, quelle a été l’influence générale des mouvements fédéralistes comme le Mouvement européen ou l’UEF dans le processus d’institutionnalisation des « Europartis » ? Thomas Jansen : « Il n’y a eu sans aucun doute aucune influence immédiate ou réelle de ces mouvements dans le processus. Mais les politiciens qui étaient les moteurs dans les partis nationaux et dans les groupes du PE, et qui ont pavé la voie pour l’institutionnalisation des partis européens, venaient du mouvement européen ou étaient influencés par sa philosophie ».

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

372

Conclusion du chapitre 5

A la fin de cette étude des producteurs des discours sur les /partis européens/, on

retrouve donc un des acteurs centraux, et même l’initiateur principal de la codification

de l’article 138a dans le traité de Maastricht, Thomas Jansen. Mais on perçoit mieux à

quel point son action, et celle de ceux qui se mobilisent avec lui en 1989-1992, n’est pas

isolée et à quel point elle ne peut être détachée du contexte et des logiques de situation

dans lesquels elle se déroule, ni non plus de tout un ensemble de production savantes et

de discours qui ont contribué, pendant au moins quarante ans, à consolider la notion de

/partis européens/ dans l’espace des discours et à la rendre pensable.

On voit donc que les discours sur les /partis européens/ sont le résultat

d’entreprises collectives menées principalement depuis le « foyer d’émergence »

allemand, dans des réseaux savants qui incluent à la fois des acteurs académiques et non

académiques, grâce à des ressources en partie spécifiques à l’espace allemand. Celles-ci

proviennent notamment de fonds publics, à travers les différents programmes de

politische Bildung mis en place par les administrations fédérale et régionales

allemandes, mais aussi à travers les financements publics aux fondations et partis

politiques, que viennent compléter les fonds provenant des mouvements fédéralistes

allemands214. Ces fonds, et notamment les derniers, permettent la production « à grande

échelle » (eu égard à la proportion des publications du corpus réalisées par l’Europa

Union Verlag) de discours savants sur l’Europe en général et plus précisément sur les

/partis européens/ qui impliquent les auteurs académiques les plus investis, comme

214 Celui-ci n’est lui-même pas compréhensible si l’on se restreint à l’espace allemand : il faudrait pour cela remonter les « filières » de financement plus longues qui mènent, comme cela a été montré, notamment aux Etats-Unis et, notamment, à l’American Committee on United Europe (ACUE) aux fondations Ford et Rockefeller. Ce sont là des pistes de recherche déjà bien balisées que nous espérons pouvoir rejoindre à partir du matériau rassemblé dans cette thèse. Au sujet du rôle des fondations américaines en Europe et plus spécifiquement des financements américains des mouvements anticommunistes et fédéralistes en Allemagne, voir notamment : GUILHOT, Nicolas, The Democracy Makers. Human Rights and International Order, New York, Columbia University Press, 2005 ; LUDWIG, Bernard, « La propagande anticommuniste en Allemagne fédérale. Le « VVF » pendant allemand de « Paix et Liberté » », Vingtième Siècle, n°80, octobre-novembre 2003, p. 33-42 ; LUDWIG, Bernard, « Les ambiguïtés de la propagande adenauerienne, entre continuités et ruptures », dans DELOYE, Yves, GEORGAKAKIS, Didier, ROLLAND, Denis, Les Républiques en propagande. Pluralisme politique et propagande : entre déni et institutionnalisation, XIXe-XXe siècles, Paris, l’Harmattan, 2006 ; TOURNES, Ludovic (dir.), L’argent de l’influence. Les fondations américaines et leurs réseaux européens, Paris, Autrement, 2010.

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

373

Rudolf Hrbek215, mais aussi les auteurs « politiques » les plus directement impliqués

dans la reconnaissance effective de l’ « article des partis » à Maastricht.

Il n’est ainsi pas anodin que Thomas Jansen reprenne, à partir de 1994, la rubrique

du Jahrbuch für europäische Politik sur les /partis européens/, tenue par Rudolg Hrbek

jusqu’en 1990, comme si T. Jansen avait réussi à « reconvertir » dans l’espace des

productions savantes le capital politique acquis en faisant reconnaître les /partis

européens/ à Maastricht216. Et il est intéressant également de remarquer que cette

rubrique voit pour l’occasion son titre modifié : le label partisan européen qui servait de

titre avant 1994 (« europäischen Parteienzusammenschlüsse »)217 devient avec l’arrivée

de Thomas Jansen « die europäischen Parteien », comme s’il avait réussi à imposer

dans le champ des prises de position savantes le label même qu’il n’avait pu, avec les

autres promoteurs de l’« article des partis », imposer dans l’ordre des normes juridiques

communautaire (les « partis européens » de l’annexe II devenant les « partis politiques

au niveau européen » de l’article 138a).

A cet exemple particulièrement instructif sur les échanges et

« transactions discursives » qui peuvent avoir lieu entre auteurs du corpus, il faut ajouter

le fait que Rudolf Hrbek et Thomas Jansen, respectivement l’auteur savant et l’acteur

politique (ou pourrait-on dire inversement, l’ « acteur savant » et l’ « auteur politique »)

les plus investis dans la codification et la consolidation de la catégorie de /partis

européens/, sont tous les deux membres de Europa Union Deuschland dans les années

1970218.

On comprend mieux comment les discours et les idées sur les /partis européens/

peuvent circuler, dans l’espace allemand et dans l’espace européen, en impliquant des

215 Qui avant de publier sa chronique annuelle dans le Jahrbuch de l’IEP et de l’Europa Union Verlag, avait déjà fait publier sa thèse sur le SPD et l’Europe par cette maison d’édition en 1972 : HRBEK, Rudolf, Die SPD, Deuschland und Europa. Die Haltung der Sozialdemokratie zum Verhältnis von Deutschland-Politk und Westintegration, 1945-1957, Bonn, 1972. 216 Lui-même fondé, en partie au moins, sur un capital académique préalable, du fait de son doctorat en science politique obtenu en 1968 à l’Université de Mayence, et « entretenu » régulièrement par plusieurs publications savantes comme on l’a vu dans l’étude de notre corpus de références. 217 Après Rudolf Hrbek, Melanie Piepenschneider, puis Thomas Henschel reprennent la rubrique respectivement dans l’édition 1990-1991 et dans les éditions 1991-1992 et 1992-1993, en gardant le même label. 218 Voir l’avant-propos de la thèse de R. Hrbek où il mentionne son « engagement fédéraliste », notamment aux JEF et à Europa Union Deutschland : HRBEK, Rudolf, Die SPD, Deuschland und Europa. Die Haltung der Sozialdemokratie zum Verhältnis von Deutschland-Politk und Westintegration, 1945-1957, Bonn, 1972 (p. 9-10).

Partie II. Chapitre 5 – Une « idée dans l’air » qui a les pieds sur terre

374

acteurs situés dans différents secteurs pour leur activité principale, mais qui se croisent

régulièrement dans les mêmes lieux de savoir et d’engagement politique.

L’idée des /partis européens/ semble donc peut-être traîner « dans l’air » dans les

années 1980, mais il s’agit d’un « air solide » ou plutôt « liquide » (car il est mouvant),

doté d’une matérialité observable faite de discours construits en communs et échangés,

de financements concrets mais aussi de relations personnelles et de trajectoires

individuelles qui font circuler les « algorithmes » des formations discursives (produits

dans l’espace des discours) à travers plusieurs espaces de relations (nationaux,

métanationaux et sectoriels).

Conclusion générale

375

CONCLUSION GÉNÉRALE

Conclusion générale

376

Cette thèse a donc présenté une analyse de la codification des « partis politiques au

niveau européen » dans le traité de Maastricht. En se centrant d’abord sur les

mobilisations d’acteurs politiques pendant les CIG de 1989-1992, puis sur les

investissements savants plus larges et plus anciens autour de l’idée de /partis

européens/, elle a montré que l’article 138a n’était pas simplement le résultat évident de

l’action réussie de trois ou quatre « grands acteurs » : les trois présidents partisans

(Wilfried Martens, Guy Spitaels, Willy de Clercq) et, dans une moindre mesure, le

président du PE (Enrique Barón). Cet engagement constaté d’acteurs effectivement

mobilisés dans une revendication commune (qui peut aussi les opposer quand il s’agit

d’en revendiquer la « paternité ») n’a aucune raison d’être nié : mais il doit être réinscrit

dans l’ensemble complexe des histoires et des séries causales qui rendent l’article 138a

possible en tant qu’évènement discursif doublement situé dans l’espace des positions et

dans l’espace des discours.

Cette re-historicisation et cette re-contextualisation permettent de montrer que le

caractère incomplet et paradoxal de cette codification tient avant tout aux résistances

qu’elle suscite dans les différentes arènes institutionnelles européennes, résistances qui

n’avaient jusqu’ici jamais été mises en évidence.

Ce manque tenait principalement aux méthodes employées pour rendre compte de

cette codification : on se contentait le plus souvent, en effet, des témoignages mêmes de

ces « grands acteurs » les plus directement intéressés, à la fois par la codification elle-

même, mais aussi par la revendication de sa paternité (et donc de ses effets légitimants).

Si le témoignage des acteurs impliqués doit être en effet pris en compte, on ne peut se

fonder sur lui exclusivement pour comprendre ce qui se joue concrètement au moment

de Maastricht à propos des /partis européens/.

Les sources variées que nous avons analysées ont permis de montrer que le nombre

d’acteurs impliqués globalement dans la reconnaissance des /partis européens/ n’est pas

réductible aux seuls présidents partisans et du PE ; elles ont montré aussi qu’il existait

des résistances à cette codification. En effet, l’étude « microhistorique » des sources

Conclusion générale

377

disponibles pour ce « moment » des CIG, révèle quelques indices, ténus mais concrets,

qui permettent d’identifier à la fois partisans et opposant aux /partis européens/.

C’est le cas par exemple de la mention repérée, dans un document du 18 octobre

1990 des travaux préparatoires à l’ouverture des CIG, à « la possibilité de prévoir

expressément le droit pour les partis politiques d’intervenir au niveau communautaire »,

qui n’a entraîné aucune discussion ultérieure lors des négociations officielles du traité,

montrant par là des résistances dans l’arène intergouvernementale à cette revendication.

C’est ce que confirment d’ailleurs les entretiens que nous avons pu mener, notamment

avec le représentant personnel de Wilfried Martens aux CIG (le représentant permanent

de la Belgique à l’époque, Philippe de Schoutheete de Tervarent), mais aussi avec

Enrique Barón et Thomas Jansen : tous parlent de réticences explicites dans les sphères

diplomatiques et administratives à l’idée d’une reconnaissance de /partis européens/.

Ces réticences sont également perceptibles dans l’arène parlementaire européenne,

comme on l’a vu avec l’exemple de la référence aux « partis politiques véritablement

européens » qui disparaît entre la version préliminaire du « rapport de Gucht » du 21

mars 1990 et sa version définitive, le 10 octobre 1991. Cette apparition-disparition des

/partis européens/ dans le rapport de Gucht semble indiquer des divisions et des

désaccords dans l’enceinte parlementaire. Celles-ci expliquent sans doute également que

tous les autres députés qui, d’une manière ou d’une d’autre, s’engagent publiquement en

faveur de la codification durant la période, le fassent exclusivement à l’extérieur de leur

assemblée. Même le président du PE, Enrique Barón, qui demande à plusieurs reprises

explicitement cette reconnaissance des /partis européens/ ne le fait jamais au sein de

l’institution qu’il préside.

Dans ces configurations qui relient partisans et opposants aux /partis européens/, les

plus actifs sont évidemment les membres des organisations européennes de partis

extraparlementaires. Mais, comme nous l’avons déjà souligné, ceux-ci ne peuvent être

réduits aux trois présidents partisans pendant les CIG : le rôle des secrétaires généraux

du PPE, de l’UPSCE et de l’ELDR, mais aussi celui des différents administrateurs

permanents de ces organisations apparaît déterminant dans la mise en forme des

revendications portées ensuite publiquement par les présidents / porte-parole de ces

organisations.

Conclusion générale

378

L’identification des acteurs impliqués, à un titre ou à un autre, dans ces processus va

de pair avec la mise en évidence des différents « intérêts à codifier » (ou à ne pas

codifier) qui peuvent être sensiblement différents : le fait de partager une même

revendication n’exprime pas forcément les mêmes raisons de revendiquer. Ainsi, le

président du PE, lorsqu’il reprend à son compte l’idée d’un « article des partis » semble

avant tout se placer dans une stratégie de légitimation personnelle, comme le montre le

« timing » avec lequel il la reprend : informé dès le 1er juillet 1991, par la lettre des trois

présidents, de l’existence de cette revendication concrète, il ne commence à la relayer

que dans la semaine précédant le Sommet de Maastricht, comme s’il avait attendu d’être

sûr de la détermination (et des chances de réussite) des principaux intéressés à cette

codification.

Si l’on ne peut évidemment évacuer la dimension de légitimation personnelle que

peut revêtir cette revendication pour les trois présidents de partis, ceux-ci possèdent

néanmoins des « intérêts à codifier » beaucoup plus pressants et concrets que ceux

exprimés, par exemple, dans la lettre du 1er juillet mentionnée. Ainsi, les documents

internes du PPE montrent précisément que cette « entreprise normative » avait au départ

pour but spécifique la mise en place rapide d’un financement public pour ces

organisations, qui était une nécessité particulièrement pressante à un moment où les

principales organisations européennes de partis extraparlementaires (le PPE, l’UPSCE

et l’ELDR), étaient soumises en même temps à un accroissement de leurs besoins

matériels, du fait de l’ouverture « à l’est » de l’ « Europe des patries et des partis », et à

un tarissement des sources de financement jusque là disponibles. L’arrêt de la CJCE de

1986 coupant l’arrivée légale de fonds depuis les groupes du PE, puis la réunification

allemande et la fin de la guerre froide qui réorientent les flux de financement à la fois

des partis membres nationaux les plus riches (les partis allemands) et des instances de

financement américaines publiques et privées (comme notamment le American

Committee on United Europe et les fondations Ford et Rockefeller), rendent les

ressources disponibles plus rares en général, et la situation budgétaire particulière des

organisations européennes de partis préoccupante en 1990-1991.

Cet intérêt financier à codifier se heurtait cependant à deux types de résistances qui

expliquent que l’article finalement accordé ne comporte ni définition ni surtout mention

Conclusion générale

379

d’une possibilité de financement public pour les « partis politiques au niveau

européen ».

Premièrement, la reconnaissance trop marquée d’organisations européennes de

partis facilement identifiables pouvait être perçue comme l’affirmation et la légitimation

d’entreprises politiques « métanationales », concurrentes des partis nationaux,

représentés massivement dans les arènes intergouvernementale et parlementaire

communautaires.

Deuxièmement, cette revendication financière posait des difficultés parmi les

diplomates et les administrateurs, qu’on peut supposer liées aux complications

politiques et bureaucratiques qu’entraînerait la nécessite de négocier les termes d’une

mesure « normative » de ce type. L’expérience prouve qu’il peut être difficile de

s’accorder sur des modalités homogènes et satisfaisantes dans le cas de mesures

similaires, comme par exemple la mise en place toujours remise à plus tard de la

« procédure électorale uniforme » (dont traite justement le rapport de Gucht).

On comprend dès lors les difficultés qu’il y avait à faire accepter des

« conséquences financières » éventuelles à un « article des partis ».

Dans ces conditions, l’article 138a apparaît à la fois comme un échec et une réussite,

du point de vue de ses promoteurs. Ceux-ci ne sont en effet pas parvenus à imposer la

possibilité d’un financement public légal, comme ils le revendiquaient. Mais la

codification d’un article reconnaissant, malgré tout, un label auquel ils peuvent

désormais prétendre, et qui légitime leur prétention à jouer un rôle en Europe, est

néanmoins un évènement qu’il faut expliquer en tant que tel.

Même s’il s’agit d’une disposition « nominale », l’article 138a fournit en effet de

nouvelles ressources symboliques, et même « constitutionnelles », aux membres des

organisations européennes de partis dans leurs luttes pour développer leurs

organisations et améliorer leurs positions dans le « champ du pouvoir européen », qui se

résume alors pour eux à un enclos hétéronome, bien gardé par les logiques politiques

nationales. Comment les promoteurs de l’ « article des partis » ont-ils réussi à accéder

au droit primaire des traités, alors que l’on a pu constater que la moindre apostille à ce

sujet était systématiquement évacuée des arènes de négociation officielles ?

Conclusion générale

380

Nous avons montré que la réponse à cette question passe par une prise en compte

globale des logiques de situation propres à la procédure de révision des traités utilisée

(les CIG). En effet, l’« article des partis », contrairement à toutes les autres dispositions

du traité a pu être introduit à la dernière minute lors du dernier Sommet, dans le huis

clos des chefs d’Etat et de gouvernement, grâce au double positionnement d’un Premier

ministre / président partisan, intéressé au premier chef par les conséquences éventuelles

d’une telle codification juridique, et grâce aussi à la position collective de force des

membres du PPE au Sommet de Maastricht (due au calendrier et aux enjeux spécifiques

à chaque champ politique national). Mais, contrairement à ce qui est le plus souvent

avancé, cette situation ne leur a pas permis de faire exactement ce qu’ils auraient voulu,

comme l’illustre tout simplement le changement de label entre les « partis européens »

du Sommet de Maastricht et les « partis politiques au niveau européen » du traité

définitif.

La codification a donc pu avoir lieu à la fois parce que la revendication initiale a été

euphémisée (dans ses visées financières et légitimantes), mais aussi grâce à un concours

de circonstances en grande partie fortuit, conjuguant positions relatives des acteurs

engagés pour cette promotion, et logiques de situation du cadre institutionnel spécifique

des CIG. Ce contexte (et la familiarité des « joueurs » gouvernementaux avec la

procédure à laquelle ils ont déjà presque tous participé lors de la négociation de l’Acte

unique européen cinq ans plus tôt) a vraisemblablement permis de faire « passer » une

revendication qui avait auparavant échoué dans les tentatives effectuées pour la

formaliser, comme le montre le précédent des rencontres entre présidents du PPE, de

l’UPSCE et de l’ELDR en 1976-1978.

Cette première tentative de coopération transpartisane au sujet de la reconnaissance

de /partis européens/, s’est déroulée au moment de la préparation des premières

élections directes, entre Wilhelm Dröscher (trésorier du SPD et président de l’UPSCE

en 1976-19771), Leo Tindemans (Premier ministre belge d’avril 1974 à octobre 1978 et

président du PPE depuis sa fondation en avril 1976 jusqu’en 1985) et Gaston Thorn

(Premier ministre luxembourgeois de juin 1974 à juillet 1979 et président de l’ELDR de

1976 à 1981 avant de devenir président de la Commission européenne en janvier

1 Remplacé à son décès le 18 novembre 1977 par le Français Robert Pontillon jusqu’en 1980.

Conclusion générale

381

1981)2. Cet épisode de coopération des trois principales organisations européennes de

partis, ressemble fortement à celui décrit dans ce travail excepté qu’il est, d’une part,

visiblement d’initiative socialiste et, d’autre part, qu’il ne débouche sur aucune

codification officielle3. Ce précédent montre d’abord que la question du statut et du

financement des organisations européennes de partis extraparlementaires était déjà

explicitement une revendication en 1976-1978 et qu’elle n’a pas été « inventée » en

1989-1992 par les promoteurs de l’époque.

Mais cet exemple « raté » met surtout en évidence l’importance du cadre

institutionnel spécifique des CIG de 1989-1992 qui apparaît comme une condition

« situationnelle » nécessaire de la reconnaissance des /partis européens/. L’« article des

partis » a bénéficié de ce cadre, non pas parce qu’il a été négocié et préparé longuement

avec les autres dispositions du traité, mais au contraire parce que ce cadre lui a permis

d’entrer dans le droit communautaire en quelque sorte « par irruption ».

Cet article a ainsi procédé à la codification d’une « déclaration de principe »

concernant les /partis européens/. En ce sens, c’est bien un évènement discursif qui a eu

lieu dans l’ordre des normes, dont on a vu dans la première partie qu’il reflétait des

« algorithmes » particuliers. Notre deuxième partie avait pour but de prolonger la

réflexion sur cette dimension de la codification de l’article 138a, en la fondant sur

l’analyse plus large de la formation discursive dans laquelle elle a pu se produire.

L’étude des investissements savants dans la construction de l’idée de /partis européens/,

de 1950 à 1992, a permis ainsi de mettre en évidence plusieurs éléments importants

pour comprendre plus complètement la codification étudiée.

Tout d’abord, la constitution de notre corpus de discours savants sur les /partis

européens/ a montré que ces discours étaient nombreux et anciens, contribuant

collectivement à consolider une « trame d’émergence » de l’idée de /partis européens/.

Ces discours, par ailleurs, présentent des caractéristiques communes malgré leur

dispersion apparente, qui font de cet ensemble d’énoncés un « système de dispersion »

ordonné et donc une formation discursive particulière. En effet, chacun des énoncés

singuliers qui la constituent est soumis aux mêmes points de choix concernant les /partis

2 FITZMAURICE, John, The European Parliament, Farnborough, Saxon House, 1978, p. 98 ; HIX, Simon, History of the PES : Shaping a Vision, Bruxelles, PSE, 1994, p. 54. 3 Der Spiegel, « Dröscher Euro-Pläne », 13 décembre 1976.

Conclusion générale

382

européens/ dont il entend parler : quel type d’organisation (parlementaire ou

extraparlementaire) doit-on considérer ? Dans quel périmètre « européen » ? Selon quels

clivages sont-ils répartis ? Et enfin, quel degré d’autonomie doit-on ou peut-on leur

supposer ?

Les choix différents dans chacune de ces alternatives provoquent les divergences

théoriques constatées. Mais celles-ci, en retour, sont prises dans les mêmes présupposés

(les « algorithmes discursifs » dégagés) qui font par exemple des /partis politiques/ en

général un élément nécessaire, et le plus souvent valorisé, de toute démocratie, ce qui se

traduit parfois par l’affirmation du rôle de /partis européens/ pour la construction d’une

démocratie européenne, comme le montre la formulation de l’article 138a.

Bien sûr, des variations existent dans le degré de prescription de cette affirmation.

Nombre de ces discours savants répondent aux critères de la « neutralité axiologique »

qui passe pour un des identifiants du discours scientifique. Mais l’intérêt de notre

corpus est de montrer que ces discours « neutres » (adoptant dans notre typologie les

postures de description et de définition) ne sont pas l’apanage des « savants de

profession » (les acteurs académiques). Inversement, les discours « engagés » sur les

/partis européens/ (les postures prescriptive, prévisionnelle et appréciative) ne sont pas

quant à eux exclusivement tenus par des « professionnels de la politique ».

Ces proximités des discours sur les /partis européens/ s’expliquent donc à la fois par

la formation discursive dans laquelle ils sont tous pris, mais également par les

caractéristiques de leurs producteurs, qui sont pour la plupart au moins « savants de

formation ». Plus encore, on a pu constater à quel point ces discours savants sur les

/partis européens/ étaient avant tout des discours allemands : sur les 122 auteurs dont

nous avons pu vérifier la nationalité, par exemple, 52 sont de nationalité allemande (soit

42,6 %).

Certains de ces auteurs allemands, et notamment les plus prolifiques, font d’ailleurs

concrètement partie des mêmes réseaux de production de ces discours savants sur les

/partis européens/, comme l’ont montré ces « foyers d’émergence » particuliers que

sont, pour les /europäische Parteien/, les Universités de Tübingen et de Mannheim. Plus

largement, les ressources spécifiques disponibles pour la production savante dans

l’espace national allemand, entre 1945 et 1992, contribuent à expliquer la concentration

Conclusion générale

383

de discours sur les /partis européens/, et plus largement (par hypothèse) sur l’Europe,

dans cet espace national.

L’étude de la production des discours savants sur les /partis européens/ sur le temps

long montre donc que la catégorie codifiée dans l’article 138a fait partie de formations

discursives bien plus vastes que les discours de légitimation situés et ponctuels des

acteurs qui l’ont promue. Néanmoins, au terme de cette exploration des espaces de

discours et de relations, il n’est pas inintéressant d’avoir découvert que certains acteurs

individuels, comme surtout le secrétaire général du PPE Thomas Jansen, lui-même

producteur régulier de discours savants sur les /partis européens/ depuis 1977, se

trouvaient à l’articulation précise de ces différents espaces : entre espaces politique

national et métanational, d’une part, mais aussi, d’autre part, entre ces espaces

politiques dans leur ensemble et l’espace des discours sur les /partis européens/.

Il faut se garder de trop individualiser les logiques de situation qui ont produit la

codification qui nous occupe : mais constater qu’il existe certains points d’articulation

singuliers individualisables entre différentes des principales séries causales que nous

avons pu dégager, permet peut-être de mieux comprendre comment circulent,

concrètement, certaines idées, au point de se retrouver parfois consolidées dans le droit.

L’étude de la codification des « partis politiques au niveau européen » dans le traité

de Maastricht, évènement discursif circonscrit qui permet de remonter diverses séries

causales, débouche ainsi sur des configurations et des chaînes d’interdépendance

beaucoup plus longues, qui tiennent à la fois à la circulation des ressources matérielles

(les fonds finançant les productions savantes « politiques » dans l’Europe de la guerre

froide) et à la circulation des ressources discursives, ces « algorithmes » qui font

participer les /partis européens/ des mêmes formations discursives que les /partis

politiques/ auxquels nous sommes tous « habitués » au niveau national.

Ce travail n’est donc qu’un premier jalon, une étude de cas particulière, dans une

entreprise plus vaste qui consisterait à mettre en évidence l’articulation des réseaux de

circulation de ces divers types de ressources « partisanes » et leur contribution

commune à la production d’un savoir politique « européen », actualisé et modifié en

Conclusion générale

384

permanence dans les luttes spécifiques se déroulant dans plusieurs secteurs (plus

particulièrement académique et politique) et connaissant des développement

différenciés selon les logiques propres à chaque champ politique national.

Pour comprendre des codifications juridiques particulières comme l’article 138a du

traité de Maastricht, il faut donc tenter de mettre en évidence en quoi elles sont la

conjonction de divers types de mobilisations et essayer de tenir ensemble en

permanence les espaces de position et les espaces des discours dans lesquels elles

interviennent.

Annexes

385

ANNEXES

Annexes

386

ANNEXE 1

LISTE DES ENTRETIENS RÉALISÉS

26 entretiens ont été réalisés entre février 2008 et mai 2012, soit à titre exploratoire

avec des « personnes ressources » nous permettant de mieux circonscrire notre objet,

soit dans le but de recueillir le témoignage et la « mise en récit » particulière de certains

acteurs directement engagés dans la codification de l’article 138a du traité de

Maastricht.

On trouvera ci-dessous la date à laquelle chaque entretien a été réalisé, ainsi que la

fonction principale de l’« enquêté », soit au moment de l’entretien soit au moment des

CIG de 1989-1991.

1. BEHREND, Juan, entretien le 22 février 2008 (secrétaire général du Parti Vert

Européen - PVE en 2008).

2. CORDERY, Philippe, entretien le 22 février 2008 (secrétaire général du PSE en

2008).

3. TANATOHE, Daniel, entretien le 22 février 2008 (conseiller politique au parti

ELDR en 2008).

4. HERBERG, Martin, entretien le 22 février 2008 (permanent du Parti de la Gauche

européenne –PGE en 2008).

5. CASSOLA, Arnold, entretien le 26 novembre 2008 (candidat aux élections

européennes de 2009, ancien secrétaire général du Parti Vert Européen - PVE

(1998-2006)).

6. LIAO, Lino, entretiens les 25 novembre 2009, 1er décembre 2009, 27 janvier 2010 et

24 février 2010 (fonctionnaire européen, Service « accès aux documents » du

Conseil de l’Union européenne en 2009).

7. GALTIERI, Roberto, entretien le 1er décembre 2009 (fonctionnaire européen,

secrétariat du groupe GUE/NGL au Parlement européen en 2009).

Annexes

387

8. LEHMANN, Wilhelm, entretien le 1er décembre 2009 (fonctionnaire européen,

secrétariat de la commission des affaires constitutionnelles (AFCO) au Parlement

européen en 2009).

9. MÜLLER, Jürgen, entretien le 2 décembre 2009 (fonctionnaire européen, secrétariat

Général de la Commission européenne, chargé de la liaison entre la Commission et

le Parlement en 2009).

10. KREUTZ, Jan, entretien le 3 décembre 2009 (conseiller politique au PSE en 2009 ;

ancien assistant du député européen et auteur du corpus Jo LEINEN (2001-2003)).

11. REICH, Charles, entretien le 13 janvier 2010 (ancien fonctionnaire européen,

secrétariat de l’AFCO au Parlement européen en 1989-1991).

12. LEONHARDT, Wolfgang, entretien le 27 janvier 2010 (fonctionnaire européen,

secrétariat de l’AFCO au PE en 2010, depuis 2000).

13. KORTHOUDT, Guy, entretien le 23 février 2010 (fonctionnaire européen,

secrétariat du groupe PPE-DE en 2010, ancien secrétaire général adjoint du PPE en

1981-2004).

14. BETZ, Helmut, entretien le 24 février 2010 (fonctionnaire européen, chef d’unité à

la DG Finances du Parlement européen en 2010, unité « Financement des structures

politiques et inventaire »).

15. VINTSENTZATOS, Micail, entretien le 24 février 2010 (fonctionnaire européen,

Service juridique du Conseil, chef du comité de juristes-linguistes réunis en janvier

1992 pour établir définitivement le texte du traité de Maastricht).

16. EVANS, Philip, entretien le 24 février 2010 (fonctionnaire européen, secrétariat

général du Conseil de l’Union européenne, responsable du « Bureau accords » du

Conseil en 2010).

17. BEUMER, Antony, entretien le 25 février 2010 (fonctionnaire européen, Chef

d’unité au secrétariat du groupe S&D au Parlement européen en 2010, ex-secrétaire

général adjoint (1995-1999) et secrétaire général du PSE (1999-2004)).

18. NANCY, Jacques, entretien le 25 février 2010 (fonctionnaire européen, Chef de

l’unité du suivi de l’opinion publique au secrétariat général du PE, DG de la

Communication en 2010 ; porte-parole du président du Parlement européen Enrique

Barón en 1991).

Annexes

388

19. SCHÖNLAU, Justus, entretien le 26 février 2010 (assistant parlementaire au

Conseil économique et social européen en 2010 ; assistant parlementaire de Jo

LEINEN en 2003-2004).

20. MARTENS, Wilfried, entretien le 15 mars 2010 (président du PPE depuis 1990,

ancien premier ministre de Belgique (1981-1992)).

21. BARON CRESPO, Enrique, questionnaire écrit du 3 mars 2010 (ex-député

européen (1987-2009), président du PE en 1989-1992).

22. JANSEN, Thomas, questionnaire écrit du 11 décembre 2010 (ex-secrétaire général

du PPE (et de l’UEDC) de 1983 à 1994).

23. DE SCHOUTHEETE DE TERVARENT, Philippe, questionnaire écrit du 6 avril

2011 (ancien représentant permanent de la Belgique auprès des Communautés

européennes, représentant personnel de la Belgique lors de la CIG UP de 1989-

1992).

24. DOUTRIAUX, Yves, entretien le 7 avril 2011 (fonctionnaire français, 2e conseiller

à la Représentation française auprès des Communautés européennes de 1986 à 1992,

membre de la délégation française à la CIG UP et du « Groupe des amis de la

présidence »).

25. EHLERS, Christian, questionnaire écrit du 10 août 2011 (fonctionnaire européen,

Chef d’unité au PE, ancien secrétaire général de l’ELDR de mars 1991 à 1999).

26. PRIDHAM, Geoffrey, questionnaire écrit du 18 mai 2012 (professeur de science

politique à l’Université de Bristol depuis 1993 (Lecturer à l’Université de Bristol

depuis 1969), auteur membre de notre corpus de discours savants).

Annexes

389

ANNEXE 2

CORPUS DES DISCOURS SAVANTS

SUR LES /PARTIS EUROPÉENS/

Le corpus ci-dessous reprend les 285 références repérées dans l’espace des « discours

savants », tels que définis dans l’introduction à notre deuxième partie. Afin de distinguer,

comme expliqué également dans cette introduction, les références auxquelles nous avons pu

directement avoir accès et celles que nous n’avons pas pu consulter, nous avons adopté le code

d’identification suivant :

- les références non publiées sont signalées entre crochets [........]1

- les références publiées mais que nous n’avons pas pu consulter personnellement sont

signalées entre parenthèse (……)

- les références consultées ont été laissées sans signe distinctif particulier.

Les références non publiées (communications, travaux préparatoires, rapports de recherche)

dont nous avons pu trouver la trace mais qui renvoient explicitement à une référence publiée

ultérieure n’ont pas été répertoriées ici, le corpus ne conservant alors que la référence

effectivement publiée.

Les références sont par ailleurs classées par ordre chronologique d’ « apparition » dans

l’espace des discours, ce qui peut signifier : soit par date de publication pour les références

publiés, soit par date de « prononciation » pour les communications orales répertoriées (les

communications publiées dans des actes de colloque ont ainsi été classées à la date à laquelle

elles ont été prononcées, lorsqu’on la connaît et qu’elle diffère de la date de publication

effective des actes), soit encore par date de complétion pour projets de recherche non publiés ou

de référencement pour les projets de recherche en cours dont on n’a pas pu retrouver d’autre

trace documentée.

1 Il s’agit principalement de thèses ou de mémoires non publiés, mais aussi de communications orales ou de projets de recherche, terminés ou en cours, tels qu’ils sont répertoriés principalement soit dans les Bibliographies publiées par le Parlement européen depuis les années 1970 (abrégé par exemple en : PE, Bibliographie 1970-1978), soit dans le Bulletin Etudes universitaires sur l’intégration européenne (abrégé par exemple en : EUSIE 1977), publié de 1963 à 1974 par l’Institut de la Communauté européenne pour les études universitaires, créé en 1958 et dirigé par Max Kohnstamm. Le Bulletin sera repris et publié, à partir du n°9 de 1977 (et après une interruption de trois ans), directement par la Commission européenne, et plus précisément par la Division de l’information universitaire et de la jeunesse du Service commun de presse et d’information.

Annexes

390

1. (VERKADE, W., « Europese partijvorming », Het Gemenebest, décembre 1954, p. 145-154).

2. DUVERGER, Maurice, « Les partis politiques et le Fédéralisme en Europe », dans CENTRE DE SCIENCES POLITIQUES DE L’INSTITUT D’ÉTUDES JURIDIQUES DE NICE, Le Fédéralisme, Paris, PUF, 1956, p. 149-167.

3. (GERSTENMAIER, Eugen, « Europäische Fraktionen und Parteien », Evangelische Welt, n°14, 1954, p. 402-404).

4. [KRÄMER, Heribert, Die Stellung der politischen Parteien in der Völkerkammer eines künftigen Europa-Parlaments, thèse terminée, Univ. Mainz, 1957].

5. SPITAELS, Guy, « Les élections directes européennes », (rapport de Guy Spitaels pour le compte de la Troisième Commission lors de la « Semaine d’Etudes pour l’intégration politique européenne », organisée par le Collège d’Europe à Bruges, du 9 au 14 décembre 1957), Les Cahiers de Bruges, année 8, n°1, 1958, p.23-28.

6. CEC (CENTRE EUROPEEN DE LA CULTURE), « Méthodes et mouvements pour unir l’Europe », Bulletin du centre européen de la culture, 6e année, n°2, mai 1958, (2e partie : « Les mouvements de militants », p. 43-67).

7. HAAS, Ernst B., « The Challenge of Regionalism », International Organization, XII, 1958, p. 440-458.

8. HAAS, Ernst, The Uniting of Europe : Political, Social and Economical Forces, 1950-1957, Londres, Stevens & Sons, 1958 (chapitre 11, « Supranational political parties »).

9. WESTERTERP, Theodorius E., « Europese Fractievorming : een eerste Experiment », Internationale Spectator, XIIe année, n°13, juillet 1958, p. 359-378.

10. (BOISSON, Antoine, « Les partis politiques à l’Assemblée commune de la Communauté européenne du charbon et de l’acier », Annuaire européen, vol. 5, La Haye, Sijthof, 1959, p. 80-98).

11. STEIN, Eric, « The European Parliamentary Assembly : Techniques of Emerging Political Control », International Organization, vol. 13, n°2, 1959, p. 233-254.

12. HAAS, Ernst, Consensus Formation in the Council of Europe, Berkeley & Londres, University of California Press / Stevens & Sons, 1960.

13. POLITICAL AND ECONOMIC PLANNING, Direct elections and the European Parliament, « Occasional Paper » n°10, Londres, Political and Economic Planning, octobre 1960.

14. BIRKE, Wolfgang, European Elections by Direct Suffrage. A comparative Study of the electoral systems used in Western Europea and their utility for the direct elections of an European Parliament, Leyde, Syjthoff, 1961.

15. SIDJANSKI, Dusan, « Partis politiques face à l’intégration européenne », Res Publica, vol. 3, n°1, mars 1961, p. 43-65.

16. SIDJANSKI, Dusan, « Où va la démocratie européenne? », Politique - Revue internationale des doctrines et des institutions, n°15, juillet-septembre 1961, p. 241-253.

17. MERKL, Peter H., « European Assembly Parties and national delegations », The Journal of Conflict Resolution, vol. 8, n°1, mars 1964, p. 50-64 (reprend une communication de 1962).

18. [LASTENOUSE(-BURY), Jacqueline, Le groupe démocrate-chrétien à l’assemblée parlementaire européenne, thèse en cours, Univ. de Strasbourg, EUSIE 1963].

19. [KRAFT, M., Le groupe socialiste à l’assemblée parlementaire européenne, (thèse terminée, Univ. de Strasbourg, EUSIE 1963].

Annexes

391

20. LINDBERG, Leon, The Political Dynamics of European Economic Integration, Stanford, Stanford University Press, 1963 (thèse publiée).

21. SIDJANSKI, Dusan, Dimensions européennes de la science politique, Paris, LGDJ, 1963 (cf. 3e Partie « Orientation des recherches » ; « II – Un exemple : recherches sur les partis politiques »).

22. VAN OUDENHOVE, Guy, The Political Parties in the European Parliament. The First Ten Years (September 1952 - September 1962), Leyden, A.W. Sijthoff, 1965 (thèse publiée).

23. FORSYTH, Murray, « Die politischen Parteien im Europäischen Parlament », Europa-Archiv, n°15, 1964, p. 558-568.

24. [MONSHEIMER (LIEBMANN-MONSHEIMER), Gisela, Die Fraktionen der Gemeinsamen Versammlung un des europïaschen Parlaments, thèse en cours, Univ. de Heidelberg, EUSIE 1965].

25. ZELLENTIN, Gerda, « Formen der Konsensusbildung im Europäischen Parlament », dans ZELLENTIN, Gerda, Formen der Willensbildung in den europäischen Organisationen, Francfort s/Main, Athenaüm, 1965, p. 75-87.

26. [KJEKSHUS, Helge, The Parties against the States. Pre-federal Party Alignments in the EEC, thèse terminée, Syracuse Univ. New York, 1966].

27. SPINELLI, Altiero, The Eurocrats. Conflict and Crisis in the European Community, Baltimore, The John Hopkins Press, 1966 (1ère édition en italien : Rapporto sull’Europa, Milan, Comunità, 1965).

28. (VERMEYLEN, Pierre, Les partis socialistes devant l’intégration européenne, Luxembourg, Centre international d’Etudes et de recherches européennes, éd. Heule, 1966).

29. ZELLENTIN, Gerda, « Form and Function of the Opposition in the European Communities », Government and Opposition, vol. 2, n°3, avril-juillet 1967, p. 416-435.

30. BRUGMANS, Henri, SIDJANSKI, Dusan (dir.), Les partis politiques et l’intégration européenne (Colloque de Bruges de l’Association des Instituts d’études européennes – novembre 1968), Genève, AIEE et CEC, 1970.

31. (FRIEDRICH, Carl J. (dir.), Politische Dimensionen der europäischen Gemeinschaftsbildung, Cologne / Opladen, Westdeutscher Verlag, 1968.)

32. (HAHN, Karl Josef, « Internationale Zusammenarbeit der christlich-demokratischen Parteien », dans Materialen zur Situation der christlich-demokratischen Bewegung in Westeuropa, Bonn, Eichholz Verlag, 1968).

33. MONTAUT, René (avec l’aide de M. DEBEST et André THIERRY), « Pour la création d’un Parti socialiste européen », Rapport dactylograhié du « Comité d’initiative pour la création d’un Parti socialiste européen » daté du 2 septembre 1968 à Agen, Fonds Otto Molden, carton OM-85, Archives Historiques de l’Union européenne (AHUE), 22 pages (pages 14 à 19 manquantes).

34. SIDJANSKI, Dusan, « Les partis politiques et l’intégration européenne », dans Comunicación social e integración europea, Barcelona, Instituto de Ciencias sociales, 1968, p. 387-402.

35. [BONVICINI, Gianni, I Gruppi politici sovranazionali nel Parlamento Europeo, thèse terminée, Univ. Florence, 1969].

36. FORSYTH, Murray, « European Assemblies », dans HENIG, Stanley (dir.), European Political Parties. A Handobook, New York, Washington, Political and Economic Planing PEP / Praeger Publishers, 1969, p. 465-499.

Annexes

392

37. HENIG, Stanley, « Introduction » et « Conclusion », dans HENIG, Stanley (dir.), European Political Parties. A Handobook, New York, Washington, Political and Economic Planing PEP / Praeger Publishers, 1969, p. 11-20 et p. 500-528.

38. MANSHOLT, Sicco, « New Institutions », dans Eastbourne Report.2 (XIe Congrès de l’IS, 16-20 juin 1969, Eastbourne), Socialist International Information, vol. XIX, n°16-17, 1969, p. 206.

39. [MAYBECK, William Martin, The role of political parties in the political integration of Western Europe, San Francisco, San Francisco State College, 1969].

40. MONTAUT, René, « Comité d’initiative pour la création d’un Parti socialiste européen – Rapport sur la stratégie », Note dactylographiée datée du 31 mai 1969 à Agen, Fonds Otto Molden, carton OM-85, Archives Historiques de l’Union européenne (AHUE), 6 pages.

41. [COHEN, B.R., De Socialistische Partijen en de Europe Integratie, thèse en cours en 1970, Univ. Leiden, EUSIE 1970].

42. (LÜCKER, Hans August, « Christlich-demokratische Parteien auf dem Weg zur Solidarität », Internationales Europaforum, n°3, 1970, p. 161-165).

43. (PÖHLE, Klaus, « Die Notwendigkeit europäischer Parteien auf dem Wege zur europäischen Sozialdemokratie », Internationales Europaforum, n°2, p. 89-93, 1970)

44. [RITTBERGER, V., Die transnationale Organisierung sozialer Gruppen und politischer Parteien, thèse en cours en 1970, Univ. Freiburg, EUSIE 1970].

45. VENDRIN, S, Les groupes politiques du PE (thèse en cours en 1970, Univ. Paris 1, EUSIE 1970 & 1972).

46. VREDELING, Henk, « Vers un partit progressiste européen », traduction d’un article parue dans la revue du PvdA Socialisme en Demokratie, n°3, 1970, Fonds du Groupe socialiste du PE, GSPE 051, doc n° PE/GS/21/70, Archives Historiques de l’Union européenne, 13 pages.

47. VREDELING, Henk, « The Common Market of Political Parties », Government and Opposition, vol. 6, n°4, octobre 1971, p. 448-461.

48. HOUBEN, Robert, « La formation d’un Parti Démocrate-Chrétien au plan européen », Documents CEPESS (Centre d’études économiques, politiques et sociales), vol. XI, n°3, 1972, p. 74-91.

49. NASSMACHER, Karl-Heinz, Demokratisierung der Europäischen Gemeinschaften, Bonn, Europa-Union Verlag, 1972 (chapitre 5 « Strukturen des Parteiensystems »).

50. STEED, Michael, « The European Parliament : The Significance of Direct Election », dans IONESCU, Ghita (dir.), The New Politics of European Integration, Londres, MacMillan, 1972, p. 138-152.

51. VEDEL, Georges, Rapport à la Commission des Communautés européennes sur l’accroissement des compétences du Parlement européen, Luxembourg, OPOCE, 1972.

52. BONVICINI, Gianni, « The future role of Parliament in the EEC : Interaction between the European Parliament and Political Forces », Lo Spettatore internazionale, n°4, oct-déc 1973, p. 229-240.

53. (FENSKE, Hans, « Die euroäischen Parteiensysteme. Grundlinien ihrer Entwicklung : dargestellt an Beispielen aus Mittel-, Nord- und Westeuropa, Jahrbuch für öffentliches Recht, 1973, n°22).

54. HARTLEY, Anthony, « The Politics of Europe. The Power factor », The Round Table, n°249, janvier 1973, p. 11-21.

Annexes

393

55. SPEAIGHT, Anthony, SPENCER, Tom, « Why we need European political parties », New Europe, n°4, mai 1973, p. 14-16.

56. THORPE, Jeremy, « The Case for Multinational Parties », The Times (cahier de supplément « Forward into Europe »), 2 janvier 1973, p. III.

57. ASSOCIATION POUR L’ETUDES DES PROBLÈMES DE L’EUROPE (A.E.P.E.) (& FRISCH, Alfred (dir.)), « Des partis à l’échelle européenne » (rapports et compte-rendus des débats), Les Problèmes de l’Europe, n°64, 1974, p. 33-80 et n°65, 1974, p. 17-148.

58. BONVICINI, Gianni, « Interaction entre l’institution parlementaire et les forces politiques », dans PARLEMENT EUROPEEN, (DG de la recherche et de la documentation), Symposium sur l’intégration européenne et l’avenir des parlements en Europe. Notes Académiques et compte rendu analytique. Symposium organisé à Luxembourg les 2-3 mai 1974, Luxembourg, OPOCE, 1975, p. 185-194.

59. (COHEN, Robert, De Samenwerking van de socialistische partijen in het kader van de Europese Gemeenschap 1952-1972, Anvers, Amsterdam, Standaard Wetenschappelijke Uitgeverij, 1974 (thèse publiée)).

60. (DRÖSCHER, Wilhelm, « Europas Sozialdemokraten formieren sich », Die Neue Gesellschaft, décembre 1974).

61. GAZZO, Emanuele, « Pourquoi des partis à l’échelle européenne ? », dans ASSOCIATION POUR L’ETUDES DES PROBLÈMES DE L’EUROPE (A.E.P.E.) (& FRISCH, Alfred (dir.)), « Des partis à l’échelle européenne » (rapports et compte-rendus des débats), Les Problèmes de l’Europe, n°64, 1974, p. 55-57.

62. LÜCKER, Hans August, « Bedeutung und Notwendigkeit der Integration der politischen Parteien auf europäischer Ebene », Christlich-Demokratisches Panorama, vol. 7, n°2, 1974, p. 35-44.

63. MANSHOLT, Sicco, « L’organisation des partis politiques au niveau européen », dans ASSOCIATION POUR L’ETUDES DES PROBLÈMES DE L’EUROPE (A.E.P.E.) (& FRISCH, Alfred (dir.)), « Des partis à l’échelle européenne » (rapports et compte-rendus des débats), Les Problèmes de l’Europe, n°64, 1974, p. 48-50.

64. MAY, James, « Co-operation Between Socialist Parties », dans PATERSON, William, THOMAS, Alastair, (dir.), Social Democratic Parties in Western Europe, Londres, Croom Helm, 1977, p. 408-428.

65. PARLEMENT EUROPEEN, (DG de la recherche et de la documentation), Symposium sur l’intégration européenne et l’avenir des parlements en Europe. Notes Académiques et compte rendu analytique. Symposium organisé à Luxembourg les 2-3 mai 1974, Luxembourg, OPOCE, 1975 (groupe de travail n°3 : « Elections directes au PE et le rôle des partis politiques »).

66. URI, Pierre, « Conclusions », dans ASSOCIATION POUR L’ETUDES DES PROBLÈMES DE L’EUROPE (A.E.P.E.) (& FRISCH, Alfred (dir.)), « Des partis à l’échelle européenne » (rapports et compte-rendus des débats), Les Problèmes de l’Europe, n°64, 1974, p. 74-80.

67. VEDEL, Georges, « Le problème des partis politiques à l’échelle européenne », dans ASSOCIATION POUR L’ETUDES DES PROBLÈMES DE L’EUROPE (A.E.P.E.) (& FRISCH, Alfred (dir.)), « Des partis à l’échelle européenne » (rapports et compte-rendus des débats), Les Problèmes de l’Europe, n°64, 1974, p. 50-53.

68. BONVICINI, Gianni, « Wird es europäische Parteien geben? », dans SCHONDÜBE, Claus (dir.), Parlamentarismus und europäische Integration.

Annexes

394

Gedanken und Vorschläge zur Beteiligung des Volkes am Aufbau der Europäischen Gemeinschaft und der Europäischen Union, Bundeszentrale für Politische Bildung, Bonn, 1975, p. 102-110.

69. FITZMAURICE, John, The Party Groups in the European Parliament. Farnbourough : Saxon House, 1975 (thèse publiée).

70. (HAHN, Karl Josef, « De samenwerking van de Europese christen-democraten », Politiek Perspectief, n°2, 1975, p. 21-30).

71. (HELMES, Peter, « Parteien, Gewerkschaften, Verbände. Kooperation der Europäer », Grundkurs über europäische Fragen, Andernach, Pontes-Verlag, 1975, p. 85-100).

72. PATERSON, William E., « Social Democratic Parties of the European Community », Journal of Common Market Studies (supplément publié en collaboration avec l’UACES « Social Democratic Parties of the EC »), vol. XIII, n°4, juin 1975, p.415-418.

73. PRIDHAM, Geoffrey, « Transnational Party Groups in the European Parliament », Journal of Common Market Studies, vol. XIII, n°3, mars 1975, p. 266-279.

74. [REIF, Karlheinz, « European Parties – Some Research Proposals », communication aux ECPR-Joint Sessions of Workshops, Londres, 1975].

75. BANGEMANN, Martin, BIEBER, Roland, Die Direktwahl – Sackgasse oder Chance für Europa?, Baden-Baden, Nomos, 1976 (chapitre IV « Die Direktwahl, die Zusammenarbeit der Parteien und das zukünftige Parteiensystem in Europa », p. 67-102).

76. BRUGMANS, Henri, « Campagne électorale et partis politiques », L’Europe en formation (Bulletin mensuel des fédéralistes européens / Centre international de Formation européenne - CIFE), n°195, juin 1976, p. 10-13.

77. CARREWYN, Pol, « Les partis politiques à l’heure européenne », 30 jours d’Europe, n°218, septembre 1976, p. 10-13.

78. FICKER, Hans Claudius, FISCHER DIESKAU, Christian, KRENZLER, Horst Günter, « Die Zusammenarbeit der Liberalen Parteien in Westeuropa – Auf dem Weg zur Föderation ? », dans INSTITUT FÜR EUROPÄISCHE POLITIK (I.E.P.) (& WESSELS, Wolfgang (dir.)), Zusammenarbeit der Parteien in Westeuropa. Auf dem Weg zu einer neuen politischen Infrastruktur ?, Bonn, Europa Union Verlag (« Europäische Schriften des IEP », Band 43/44), 1976, p. 13-89.

79. GRESCH, Norbert, « Zwischen Internationalismus und Nationaler Machtbehauptung – die europäische Zusammenarbeit der Sozialdemokratischen Parteien », dans INSTITUT FÜR EUROPÄISCHE POLITIK (I.E.P.) (& WESSELS, Wolfgang (dir.)), Zusammenarbeit der Parteien in Westeuropa. Auf dem Weg zu einer neuen politischen Infrastruktur ?, Bonn, Europa Union Verlag (« Europäische Schriften des IEP », Band 43/44), 1976, p. 143-249.

80. HAHN, Karl Josef, FUGMANN, Friedrich, « Die europäïsche Christlich-Demokratische Union zwischen europäischem Anspruch und nationalen Realitäten », dans INSTITUT FÜR EUROPÄISCHE POLITIK (I.E.P.) (& WESSELS, Wolfgang (dir.)), Zusammenarbeit der Parteien in Westeuropa. Auf dem Weg zu einer neuen politischen Infrastruktur ?, Bonn, Europa Union Verlag (« Europäische Schriften des IEP », Band 43/44), 1976, p. 251-339.

81. HRBEK, Rudolf, « Parteibünde : Unterbau der EP-Fraktionen und unverzichtbares Element einer funktionsfähigen Infrastruktur der EG. Entwicklungstand, Probleme und Perspektiven », Zeitschrift für Parlamentsfragen, 7ème année, n°2, juillet 1976, p. 179-190.

Annexes

395

82. HRBEK, Rudolf, « Eine neue politische Infrastruktur ? Zum Problem transnationaler Kooperation und Koalition politischer Parteien in der EG, dans INSTITUT FÜR EUROPÄISCHE POLITIK (I.E.P.) (& WESSELS, Wolfgang (dir.)), Zusammenarbeit der Parteien in Westeuropa. Auf dem Weg zu einer neuen politischen Infrastruktur ?, Bonn, Europa Union Verlag (« Europäische Schriften des IEP », Band 43/44), 1976, p. 341-390.

83. INSTITUT FÜR EUROPÄISCHE POLITIK (I.E.P.) (& WESSELS, Wolfgang (dir.)), Zusammenarbeit der Parteien in Westeuropa. Auf dem Weg zu einer neuen politischen Infrastruktur ?, Bonn, Europa Union Verlag (« Europäische Schriften des IEP », Band 43/44), 1976.

84. KÖHNEN, Helga, « Die Zusammenarbeit der sozialistischen Parteien in der europäischen Gemeinschaft », die Neue Gesellschaft, 23e année, n°6, juin 1976, p. 511-515.

85. (LODGE, Juliet, « Democracy in the EEC: The Role of the European Parliament and transnational party system », New Zealand International Review, n°5, 1976).

86. (LÜCKER, Hans August, DRÖSCHER, Wilhelm, « Die Fraktionen des Europäischen Parlaments. Wegbereiter europäischer Parteien? Aus der Sicht der Christdemokraten und des Sozialdemokraten », Transnational, n°3, octobre 1976, p. 32-36).

87. MANSHOLT, Sicco, « L’élaboration, par les partis se réclamant d’une même idéologie, de programmes européens communs », dans INSTITUT D’ÉTUDES JURIDIQUES EUROPÉENNES), Le Parlement européen. Pouvoirs – Election – Rôle futur (Actes du 8e colloque de l’Institut d’études juridiques européennes, organisé à Liège les 24, 25 et 26 mars 1976), Liège, IEJE, 1976, p.163-171.

88. [MENKE, Kurt, Transnationale Kooperation und Organisation der Sozialdemokratischen-Sozialistischen Parteien in der Europäischen Gemeinschaft, Diplomarbeit terminé, EUSIE 1976].

89. (PERISSINOTTO, Giovanni, SILVESTRO, Massimo, VIEZZI, Roberto, « Dai gruppi politici del PE ai partiti europei », Movimento studentesco per l’organizzazione internazionale, Atti del Convegno, Triestee, 1976, p. 101-116).

90. [REIF, Karlheinz, « Speculations on the Establishment of Party Government in the EC », communication présentée aux ECPR-Joint Sessions of Workshops, Louvain, avril 1976].

91. REIF, Karlheinz, « Die Rolle der politischen Parteien in der künftigen Verfassung der europäischen Union », dans ZAPF, Wolfgang (dir.), Probleme der Modernisierungspolitik, Mannheimer Sozialwissenschaftliche Studien, Band 14, Meisenheim, Hain, 1976.

92. SCHWED, Jean-Joseph, « Le Parlement européen et son élection au suffrage universel direct », Revue du Marché Commun, n°192, janvier 1976, p. 20-27.

93. (SIDJANSKI, Dusan, « Forces extraparlementaires et démocratie », dans CONSEIL DE L’EUROPE (dir.), Evolution des institutions démocratiques en Europe, Strasbourg, Conseil de l’Europe, 1976, p. 41-44).

94. STEED, Michael, « Integrazione europea dei partiti nazionali », Biblioteca della Libertà, n°64, 1977, p. 57-78.

95. TIMMERMANN, Heinz, « Zwischen Weltbewegung und regionaler Kooperation – Die Zusammenarbeit der Kommunistischen Parteien », dans INSTITUT FÜR EUROPÄISCHE POLITIK (I.E.P.) (& WESSELS, Wolfgang (dir.)), Zusammenarbeit der Parteien in Westeuropa. Auf dem Weg zu einer neuen

Annexes

396

politischen Infrastruktur ?, Bonn, Europa Union Verlag (« Europäische Schriften des IEP », Band 43/44), 1976 p. 91-142.

96. (WIJSENBEEK, Florus A., « Europese partijvorming met het oog op de directe verkiezingen », Nieuw Europa, n°3, 1976, p. 114-124).

97. [ADRIAN, Wolfgang, REIF, Karlheinz, « Direct Elections and the Prospects of Party Government in the European Community », manuscrit non publié présenté au ECPR Workshop « Parties and European Integration », à Berlin 28 mars-1er avril 1977].

98. BANGEMANN, « Das politische Programm der Liberal für Europa », dans JANSEN, Thomas, KALLENBACH, Volkmar (dir.), Die europäischen Parteien. Strukturen, Personen, Programme, Bonn, Europa Union Verlag (« Materialen zur Europapolitik, Band 2, Institut für Europäische Politik), 1977.

99. CLAEYS, Paul-H., LOEB-MAYER, Nicole, « Trans-european Party Groupings : Emergence of New and Alignement of Old Parties in the Light of Direct Elections to the European Parliament », Government and Opposition, vol. 14, n°4, 1979, p. 455-478.

100. (CLAEYS, Paul., LOEB-MAYER, Nicole, « Les groupements européens de partis politiques », Res Publica, n°4, 1977, p. 559-577).

101. DABEZIES, Pierre, PORTELLI, Hugues, « Les fondements de la querelle politique », POUVOIRS (dossier « Le Parlement européen »), n°2, 1977, p. 67-88.

102. DRÖSCHER, Wilhelm, « Das europäische sozialdemokratiesche Programm », dans JANSEN, Thomas, KALLENBACH, Volkmar (dir.), Die europäischen Parteien. Strukturen, Personen, Programme, Bonn, Europa Union Verlag (« Materialen zur Europapolitik », Band 2, Institut für Europäische Politik), 1977.

103. [ETTMÜLLER, Wolfgang, Die transnationale Kooperation und Organisation der Christlich-Demokratischen Parteien der Europäischen Gemeinschaft, Wissenschaftliche Arbeit zur wissenschaftlichen Prüfung für das Lehramt an Gymnasien terminé, Univ. Mannheim, EUSIE 1977].

104. [GRAFE, Roland, Beiträge deutscher Parteien zu einem europäischen Fraktions-und Parteiensystem, Diplomarbeit, Univ. Mannheim, EUSIE 1977].

105. GRESCH, Norbert, Transnationale Parteienzusammenarbeit in der EG, Baden-Baden, Nomos, 1978 (thèse publiée, soutenue en 1977).

106. (HRBEK, Rudolf, « Bund der sozialdemokratischen Parteien », Dokumente – Zeitschrift für den deutsch-französischen Dialog, vol. 33, n°1, 1977).

107. HRBEK, Rudolf, « Die direkete Wahl zum Europäischen Parlament und die politischen Parteien in der EG », dans JANSEN, Thomas, KALLENBACH, Volkmar (dir.), Die europäischen Parteien. Strukturen, Personen, Programme, Bonn, Europa Union Verlag (« Materialen zur Europapolitik », Band 2, Institut für Europäische Politik), 1977.

108. [HRBEK, Rudolf, STEIERT, R., « Der Beitrag politischer Parteien für den Integrationsprozeß im Bereich der Europäischen Gemeinschaften », recherche en cours, Univ. Tübingen, EUSIE 1977].

109. JANSEN, Thomas, KALLENBACH, Volkmar (dir.), Die europäischen Parteien. Strukturen, Personen, Programme, Bonn, Europa Union Verlag (« Materialen zur Europapolitik », Band 2, Institut für Europäische Politik), 1977.

110. JEUTTER, Peter, « Die Mobilisierung der Öffentlichkeit für die europäische Politik », dans JANSEN, Thomas, KALLENBACH, Volkmar (dir.), Die europäischen Parteien. Strukturen, Personen, Programme, Bonn, Europa Union

Annexes

397

Verlag (« Materialen zur Europapolitik », Band 2, Institut für Europäische Politik), 1977.

111. JÜTTNER, Alfred, LIESE, Hans-J., Taschenbuch der Europäischen Parteien und Wahlen, Munich, Günter Olzog, 1977.

112. (KALLENBACH, Volkmar, « Die Föderation der liberalen und demokratischen Parteien, Dokumente – Zeitschrift für den deutsch-französischen Dialog, vol. 33, n°1, 1977)

113. (MISCHNICK, Wolfgang, « Die Liberalen in Europa. Der Weg zur Föderation », dans MISCHNICK, Wolfgang (dir.), Die Liberalen für Europa, 3e édition, Bonn, Groupe FDP au Bundestag, 1977).

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118. (SCHONDÜBE, Claus, « Die Europäische Volkspartei », Dokumente – Zeitschrift für den deutsch-französischen Dialog, vol. 33, n°1, 1977, p. 31-35).

119. STAMMEN, Theo, Parteien in Europa : nationale Parteiensysteme, transnationale Parteienbeziehungen, Konturen eines europäischen Parteiensystems, Munich, Bayerische Landeszentrale für politische Bildungsarbeit, 1977.

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Annexes

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139. (JEUTTER, Peter, « Die Entwiklung der Föderation der Europäischen Liberalen Demokraten », Transnational, n°9, 1978, p. 11-14).

140. (KALLENBACH, Volkmar, « Die liberalen Jugendverbände in Europa », Transnational, n°9, 1978, p. 25-28).

141. KOHLER, Beate, « Der Abgeordnete als Vertreter des europäischen Volkes ? Die Demokratietheorie vor der Bewährungsprobe », Europarecht, n°4, oct-déc. 1978, p. 333-350.

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Annexes

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151. [SEIBT, Peter, JEUTTER, Peter, MOHRMANN, Günther, « The Party Element in the Political Process of the direct election to the EP – Problems and Hypotheses of an investigation », rapport pour la conférence organisée par le réseau TEPSA, « Formation of European Political Parties », Amsterdam, 14 et 15 avril 1978].

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Annexes

400

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164. DESSLOCH, Hubertus, « Die Europäische Volkspartei EVP », Aus Politik und Zeitgeschichte (Beilage zur Wochenzeitung « Das Parlament »), n°14/79, 1979, p. 3-16.

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166. (GALLI, Giorgio, I partiti politici europei, Milano, Mondadori, 1979). 167. GAZZO, Emanuele, « Politische Aspekte der ersten europäischen Direktwahl :

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gouvernements se penchent dès cet hiver par agences de publicité interposées sur le berceau du bébé européen : l’Assemblée à élire en juin au suffrage universel. Les partis politiques aussi feront-ils leurs printemps ? », Vision, n°99, fév 1979, p. 21-23).

169. GRESCH, Norbert, « Europäisierung politischer Parteien : Anmerkungen zu einem neuen Begriff », dans ELLWEIN, Thomas (dir.), Politikfeld-Analysen 1979. Wissenschaftlicher Kongreß der DVPW, 1.5. Oktober 1979 in der Universität Augsburg. Tagungsbericht, Opladen, Westdeutscher Verlag, 1980, p. 180-184.

170. (GRESCH, Norbert, « Der Bund Sozialdemokratischer Parteien in der EG », dans KIERSCH, Gerhard, SEIDELMANN, Reimund (dir.), Eurosozialismus. Die demokratische Alternative, Cologne & Franfort s/ Main, EVA, 1979, p. 123-131).

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173. HRBEK, Rudolf, « Die EG nach den Direktwahlen; Bilanz und Perspektiven », Integration, 1979, n°3, p. 95-109.

174. HRBEK, Rudolf, « Europäisierung politischer Parteien und ihre Folgen », dans ELLWEIN, Thomas (dir.), Politikfeld-Analysen 1979. Wissenschaftlicher Kongreß der DVPW, 1.5. Oktober 1979 in der Universität Augsburg. Tagungsbericht, Opladen, Westdeutscher Verlag, 1980, p. 79-86.

175. HRBEK, Rudolf, « Auf dem Wege nach Europa. Die Rolle der Parteien in der Politik der Europäischen Gemeinschaft », Das Parlament (Bonn), 1er novembre 1980, 30e année, n°44, p. 4 (résumé des actes d’un colloque international organisé fin 1979 par la « Europäische Akademie Berlin » et par la « Gesellschaft Europäischer Akademien »).

176. (HRBEK, Rudolf, « Kooperation zwischen den sozialistischen Parteien », dans PATERSON, William E., SCHMITZ, Kurt Th. (dir.), Sozialdemokratische Parteien in Europa, Bonn, Verlag Neue Gesellschaft, 1979, p. 315-330).

177. JACKSON, Robert, FITZMAURICE, John, The EP – A Guide to direct Election, Londres, Penguin, 1979.

Annexes

401

178. (JAMAR, Joseph M., « L’impact du Parti Populaire Européen ds la première élection du PE au suffrage universel », Res Publica, n°1, 1979, p. 29-43).

179. KALLENBACH, Volkmar, « Die Föderation der Europäischen Liberalen Demokraten », Aus Politik und Zeitgeschichte (Beilage zur Wochenzeitung « Das Parlament »), n°14/79, 1979, p. 32-46.

180. KARNOFSKY, Eva, « Der Prozess der Programmerstellung und die Entwicklung der Parteibünde », dans ELLWEIN, Thomas (dir.), Politikfeld-Analysen 1979. Wissenschaftlicher Kongreß der DVPW, 1.5. Oktober 1979 in der Universität Augsburg. Tagungsbericht, Opladen, Westdeutscher Verlag, 1980, p. 243-253.

181. KUPER, Ernst, « Sicherheitspolitische Modellvorstellungen europäischer Parteienbünde », dans ELLWEIN, Thomas (dir.), Politikfeld-Analysen 1979. Wissenschaftlicher Kongreß der DVPW, 1.5. Oktober 1979 in der Universität Augsburg. Tagungsbericht, Opladen, Westdeutscher Verlag, 1980, p. 185-203.

182. (LEVI, Lucio, PISTONE, Sergio (dir.), L’elezione europea e la fase politica dell’integrazione. Ipotesi di fondo ed interviste con i leaders politici europei, Movimento federalista europeo, Turin, Fondazione G. Agnelli, 1979).

183. (LODGE, Juliet, « Political Parties and Direct Elections to the European Parliament », Contemporary Review, n°114, 1979, p.67-73).

184. LOEB-MAYER, Nicole : « Les groupements européens de partis politiques : caractéristiques actuelles et perspectives d’évolution », Dossiers de l’Institut universitaire d’études européennes de Genève (IUEE) (dossier dirigé par Dusan Sidjanski, « Les partis politiques et les élections européennes (actes du colloque organisé par l’Association des Instituts d’Etudes Européenes (AIEE) du Centre européen de la Culture, les 27 et 28 février 1979 à Luxembourg) »), 1ère année, n°2, décembre 1979, p. 24-32.

185. [NIEDERMAYER, Oscar, « Integrationsdruck and Integrationspotential : Bestimmungsfaktoren der Entwicklung europäischer Parteienzusammenarbeit », communication présentée au congrès de la DVPW, Augsburg, 1979, non publiée].

186. NIEDERMAYER, Oscar, REIF, Karlheinz, SCHMITT, Hermann, « Die Rolle der mittleren Führungsschicht der politischen Parteien in den EG-Parteiföderationen », dans ELLWEIN, Thomas (dir.), Politikfeld-Analysen 1979. Wissenschaftlicher Kongreß der DVPW, 1.5. Oktober 1979 in der Universität Augsburg. Tagungsbericht, Opladen, Westdeutscher Verlag, 1980, p. 204-227.

187. PAWELKA, Peter, « Transnationale Parteiensysteme und Eurokommunismus. Zur Entwicklung und Funktion politischer Parteien in den internationalen Beziehungen », dans WEHLING, Hans-Georg, PAWELKA, Peter (dir.), Eurokommunismus und die Zukunft des Westens, Heidelberg/ Hamburg, R.v. Decker’s Verlag/ G. Schenck, 1979, p.19-55.

188. PRIDHAM, Geoffrey, « Christian Democrats, Conservatives and Transnational Party Cooperation in the European Community : Centre-Forward or Centre-Right ? », dans LAYTON-HENRY, Zig (dir.), Conservative Politics in Western Europe, Londres, Macmillan, 1982, p. 318-346.

189. PRIDHAM Geoffray, PRIDHAM Pippa, « The New Party Federations and Direct Elections », The World Today, vol. 35, n°2, 1979, p. 62-70.

190. PRIDHAM, Geoffrey, PRIDHAM, Pippa, « Transnational Parties in the European Community I : The Party Groups in the European Parliament » ; « Transnational Parties in the European Community II : The Development of European Party Federations », dans HENIG Stanley, Political Parties in the European Community, Londres, George Allen & Unwin, 1979, p.245-277 et p.278-298.

Annexes

402

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193. [REIF, Karlheinz, « ELD-Transnationale Kooperation und Organisation der Liberalen Parteien in der EG », recherche en cours, Univ. Mannheim, EUSIE 1979].

194. ROVAN, Joseph, « Europäisierung der politischen Parteien aus franzôsicher Perspektiven », dans ELLWEIN, Thomas (dir.), Politikfeld-Analysen 1979. Wissenschaftlicher Kongreß der DVPW, 1.5. Oktober 1979 in der Universität Augsburg. Tagungsbericht, Opladen, Westdeutscher Verlag, 1980, p. 87-91.

195. SEILER, Daniel-Louis, « Les équivoques de l’élection européenne », La revue nouvelle, n°4, avril 1979, p. 359-373.

196. (SEILER, Daniel-Louis, « Les élections européennes de 1979 : un laboratoire pour l’étude de forces politiques transnationales », Europa, n°1, automne 1979/hiver 1980, p. 73-87).

197. SIDJANSKI, Dusan, Europe Elections. De la démocratie européenne, Paris, Stanké, 1979.

198. STATZ, Albert, « Zum Stellenwert der Direktwahlen zum Europäischen Parlament im Integrationsprozeß - eine Skizze », dans ELLWEIN, Thomas (dir.), Politikfeld-Analysen 1979. Wissenschaftlicher Kongreß der DVPW, 1.5. Oktober 1979 in der Universität Augsburg. Tagungsbericht, Opladen, Westdeutscher Verlag, 1980, p. 228-242.

199. VON ALEMANN, Ulrich, « Einleitung der öffentlichen Podiumsdiskussion », dans ELLWEIN, Thomas (dir.), Politikfeld-Analysen 1979. Wissenschaftlicher Kongreß der DVPW, 1.5. Oktober 1979 in der Universität Augsburg. Tagungsbericht, Opladen, Westdeutscher Verlag, 1980, p. 60-63.

200. VON SCHENCK, Guntram, « Die sozialdemokratischen Parteien der EG vor den Direkwahlen », Aus Politik und Zeitgeschichte (Beilage zur Wochenzeitung « Das Parlament »), n°14/79, 1979, p. 17-31.

201. (WASCHE, Hildegard, Wege zur Europäischen Union/ Parteien und Programme für Europa, Cologne, Deutscher Institutverlag, 1979).

202. [CLAEYS, Paul, LOEB-MAYER, Nicole, « Les fédérations européennes de partis: perspectives d’un pluralisme obligé », rapport à la Table Ronde sur le pluralisme et les relations internationales, Association internationale de Science politique (AISP / IPSA), Comité de recherché sur Corfou, 15-21 septembre 1980].

203. (DADDER, Rudolf, Die Parteien in der Europäischen Gemeinschaft. 2, Andernach/Rhein, Pontes, 1980).

204. [DE GRAEVE-LISMONT, Edith, « The political parties in Belgium and the European Party Federations », communication présentée aux ECPR-Joint Sessions of Workshops, Florence, 25-30 mars 1980].

205. HAUPT, Lucie, « Die westeuropäische Parteibünde und das Parlament der europäischen Gemeinschaft im kapitalistischen Integrationsprozess », Staat und Recht, n°7, 1980, p. 643-652.

206. [LEGER, E, L’élection au suffrage universel du PE et les partis politiques, thèse terminée, Univ. Panthéon Sorbonne, 1980].

207. (LEVI, Lucio, PISTONE, Sergio, « L’elezione del PE e i programmi dei partiti (1 : La formazione del sistema partitico europeo ; 2 : I problemi di fondo della Communità europea ; 3 : Le tesi di fondo contenute nei programi europei dei partiti ;

Annexes

403

4 : Considerazioni comparative sui programmi europei dei partiti e indicazioni operative) », L’Italia e l’Europa, année VII, n°14, 1980, p.11-16, p.17-19, p. 79-140 et p.140-162).

208. LODGE, Juliet, HERMAN, Valentine, « Direct elections of the European Parliament. A supranational perspective », European Journal of Political Research, vol. 8, n°1, mars 1980, p. 45-62.

209. (LODGE, Juliet, HERMAN, Valentine, Direct elections of the European Parliament. A community perspective, Londres, Macmillan, 1980).

210. [MENKE, Kurt, « Programmes of National Parties and European Party Federations : Theoretical Considerations and Some Empirical Evidence » et « The functions of transnational party programmes », communications présentées aux ECPR-Joint sessions of Workshops, Florence, 25-30 mars 1980, PE Bibliographie 1980].

211. MENKE, Kurt, GORDON, Ian, « Differential Mobilisation for Europe: a Comparative Note on some Aspects of the Campaign », European Journal Of Political Research, vol. 8, n°1, mars 1980, p. 63-89.

212. (NIEDERMAYER, Oscar, « European Party Federations and European Integration », dans REIF, Karlheinz, CAYROL, Roland (dir.), EES-Report II : European Elections and National Political Parties’Middle Level Elites, Mannheim, Paris, 1980, p. 205-252).

213. [NIEDERMAYER, Oscar, « Towards a Model for the Systematic Analysis of Transnational Party Cooperation », communication présentée aux ECPR-Joint Sessions of Workshops, Florence, 25-30 mars 1980, PE, Bibliographie 1980].

214. [NIEDERMAYER, Oscar, Transnationale Parteienkooperation nach den ersten direkten Wahlen, Forschungsbericht an die Komission der Europäischen Gemeinschaften, Université de Mannheim,1980].

215. PAPISCA, Antonio, « Partiti e coalizioni nel « nuovo » Parlamento europeo », Rivista Italiana di Scienza Politica, 10e année, n°2, août 1980, p. 241-264.

216. REIF, Karlheinz, SCHMITT, Hermann, « Nine Second-Order National Elections – A Conceptual Framework for the Analysis of European Election Results », European Journal Of Political Research, vol. 8, n°1, 1980, p. 3-44.

217. SEILER, Daniel-Louis, DUQUETTE, Michel, « Les partis politiques et les élections européennes, un an après: bilan et perspectives », Etudes Internationales, vol. 11, n°4, décembre 1980, p. 671-705.

218. FENNER, Christian, « Die Grenzen einer Europäisierung der Parteien: Europa kann man nicht wählen », Politische Vierteljahresschrift, 22e année, n°1, avril 1981, p. 26-44.

219. (HORNER, Franz, Konservative und Christ-Demokratische Parteien in Europa: Geschichte, Programmatik, Strukturen, Vienne, Munich, Herold, 1981).

220. HRBEK, Rudolf, « Die europäischen Parteienzusammenschlüsse », dans WEIDENFELD, Werner, WESSELS, Wolfgang (dir.), Jahrbuch der europäischen Integration 1980, Baden-Baden, Nomos (& IEP), 1981, p. 255-264.

221. (KARNOFSKY, Eva-Rose, Parteienbünde vor der Europa-Wahl 1979. Integration duch gemeinsame Wahlaussagen, Bonn, 1982 (thèse publiée)).

222. (NIEDERMAYER, Oscar, « Transnationale Parteiföderationen und europäische Integration », Univ. Mannheim IVS-Papers, n°3, 1981).

223. PRIDHAM, Geoffrey, PRIDHAM, Pippa, Transnational Party Co-operation and European Integration. The process towards direct elections, Londres, Allen & Unwin, 1981.

Annexes

404

224. RABIER, Jacques-Réné, SEILER, Daniel-Louis, « Les autres forces systémiques de la Communauté : opinion publique, partis politiques, groupes de pression », dans LASOK, Dominik, SOLDATOS, Panayotis (dir.), Les Communautés européennes en fonctionnement, Bruxelles, Bruylant, 1981, p. 116-145.

225. (SEEFELD, Horst, « Europäischer Parlamentarismus. Die europäischen Parteienzusammenschlüsse haben noch nicht den richtigen Weg zum Bürger gefunden », Europäische Zeitung, 32e année, n°1, 1981).

226. [FEATHERSTONE, Kevin, Socialist Parties and European Integration. A Comparative History, Manchester, Manchester University Press, 1988 (thèse publiée)].

227. HRBEK, Rudolf, « Die europäischen Parteienzusammenschlüsse », dans WEIDENFELD, Werner, WESSELS, Wolfgang (dir.), Jahrbuch der europäischen Integration 1981, Baden-Baden, Nomos (& IEP), 1982, p. 346-359.

228. KOHLER, Beate, MYRZIK, Barbara, « Transnational party links », dans MORGAN, Roger, SILVESTRI, Stefano (dir.), Moderates and Conservatives in Western Europe, Londres, Heinemann, 1982, p. 193-223.

229. LEVI, Lucio, « La formazione del sistema partico europeo e l’evoluzione istituzionale della Comunità, II federalista, n°4, 1982, p.179-197.

230. HRBEK, Rudolf, « Die europäischen Parteienzusammenschlüsse », dans WEIDENFELD, Werner, WESSELS, Wolfgang (dir.), Jahrbuch der europäischen Integration 1982, Baden-Baden, Nomos (& IEP), 1983, p. 263-274.

231. HRBEK, Rudolf, « Background-Paper. The European Parliement and the Political Environnement », dans HRBEK, Rudolf, JAMAR, Joseph, WESSELS, Wolfgang (dir.), Le Parlement européen à la veille de la deuxième élection au suffrage universel : Bilan et perspectives. Actes du Colloque organisé par le Collège d’Europe et l’Institut für Europäische Politik (Bruges, les 16, 17 et 18 juin 1983) avec le soutien de la Fondation européenne de la Culture, Bruges, Tempelhof, 1984, p. 427-438.

232. [LING, Ming-Yili, Die Parteienzusammenschlüsse in der EG. Auf dem Weg zu einem europäischen Parteiensystem ?, thèse terminée, Univ. Saarbrücken, EUSIE 1983].

233. NIEDERMAYER Oscar, Europäische Parteien ? Zur grenzüberschreitenden Integration politischer Parteien im Rahmen der Europäischen Gemeinschaft, Francfort s/ le Main, Campus, 1983 (thèse publiée).

234. SCHMUCK, Otto, « Neue Ergebnisse der Europäischen Parteienforschung », Integration, n°2, avril 1983, p. 85-90.

235. SEIDELMANN, Reimund, « Der Bund der Sozialdemokratischen Parteien der EG und die westeuropäische Integration », Aus Politik und Zeitgeschichte (Beilage zur Wochenzeitung « Das Parlament »), 1983, n°12/83, p. 16-25.

236. SEILER, Daniel-Louis, « Les fédérations de partis au niveau communautaire », dans HRBEK, Rudolf, JAMAR, Joseph, WESSELS, Wolfgang (dir.), Le Parlement européen à la veille de la deuxième élection au suffrage universel : Bilan et perspectives. Actes du Colloque organisé par le Collège d’Europe et l’Institut für Europäische Politik (Bruges, les 16, 17 et 18 juin 1983) avec le soutien de la Fondation européenne de la Culture, Bruges, Tempelhof, 1984, p. 459-507.

237. HRBEK, Rudolf, « Die europäischen Parteienzusammenschlüsse », dans WEIDENFELD, Werner, WESSELS, Wolfgang (dir.), Jahrbuch der europäischen Integration 1983, Baden-Baden, Nomos (& IEP), 1984, p. 269-282.

Annexes

405

238. HRBEK, Rudolf, « Europäische Liberale Demokraten », dans WOYKE, Wichard (dir.), Europäische Gemeinschaft : Problemfelder - Institutionen - Politik, Munich, Piper (coll. « Pipers Wörterbuch zur Politik », n°3), 1984, p. 201-207.

239. HRBEK, Rudolf, « Europäische Parteienföderationen, dans WOYKE, Wichard (dir.), Europäische Gemeinschaft : Problemfelder - Institutionen - Politik, Munich, Piper (coll. « Pipers Wörterbuch zur Politik », n°3), 1984, p. 221-226.

240. JANSEN, Thomas, « Le Parti Populaire Européen », dans PORTELLI, Hugues, JANSEN, Thomas (dir), La démocratie chrétienne, force internationale (Actes du colloque des 2, 3 et 4 mai 1984 organisé au Sénat, par l’Institut de Politique Internationale et Européenne-IPIE de l’Université de Paris X-Nanterre et le Parti populaire européen - PPE), Nanterre, IPIE/Université Paris X-Nanterre, 1986, p. 277-283.

241. KOHLER, Beate, « Europäische Union Christlicher Demokraten », dans WOYKE, Wichard (dir.), Europäische Gemeinschaft : Problemfelder - Institutionen - Politik, Munich, Piper (coll. « Pipers Wörterbuch zur Politik », n°3), 1984, p. 263-265.

242. (NIEDERMAYER, Oskar « Zur Entwicklung der transnationalen Parteienbünde im Rahmen der Europäischen Gemeinschaft », Univ. Mannheim IVS-Papers, n°8, mars 1984).

243. (NIEDERMAYER, Oscar « Parteien und Europa », Mannheimer Berichte, n°23, 1984).

244. [NIEDERMAYER, Oscar, « Der Bund der Sozialdemokratischen Parteien der EG vor den Europäischen Direktwahlen », communication présentée à la journée d’étude du groupe de travail « Eurokommunismus » de la DVPW, 1984].

245. (NIEDERMAYER, Oscar, « The Transnational Dimension of the Election », Electoral Studies, vol. 3, n°3,1984).

246. (NIEDERMAYER, Oscar, « Transnational Party Co-Operation », dans REIF, Karlheinz (dir.), European Elections 1979/81 and 1984, Berlin, Quorum, 1984, p. 61-65).

247. NIEDERMAYER, Oscar, « Die Europäische Volkspartei », dans WOYKE, Wichard (dir.), Europäische Gemeinschaft : Problemfelder - Institutionen - Politik, Munich, Piper (coll. « Pipers Wörterbuch zur Politik », n°3), 1984, p. 283-289.

248. SEIDELMANN, Reimund, « Bund der Sozialdemokratischen Parteien », dans WOYKE, Wichard (dir.), Europäische Gemeinschaft : Problemfelder - Institutionen - Politik, Munich, Piper (coll. « Pipers Wörterbuch zur Politik », n°3), 1984, p. 25-32.

249. (STEED, Michael, « Failure or long-haul? European elections and European integration », Electoral Studies, vol. 3, n°3, 1984, p. 225-234).

250. HRBEK, Rudolf, « Die europäischen Parteienzusammenschlüsse », dans WEIDENFELD, Werner, WESSELS, Wolfgang (dir.), Jahrbuch der europäischen Integration 1984, Baden-Baden, Nomos (& IEP), 1985, p. 271-283.

251. [HRBEK, Rudolf, « Transnational Party Federations : Towards the Emergence of European Political Parties », communication présentéeé au « Research Committee on European Unification » à l’occasion du 13e Congrès de l’International Political Science Association (IPSA), Paris, 15-20 juillet 1985].

252. NIEDERMAYER, Oscar, « Zehn Jahre Europäische Parteienbünde: Kein Integrationsschub », Integration, vol. 8, n°4, octobre 1985, p. 174-181.

253. PRIDHAM, Geoffrey, « European Elections, Political Parties and Trends of Internalization in Community Affairs », Journal Of Common Market Studies, vol. 24, n°4, juin 1986, p. 279-296.

Annexes

406

254. [REIF, Karlheinz « Europäisierung der Parteiensysteme ? », communication présentée au Symposium « Westeuropa im Wandel », à l’occasion du 20e anniversaire du Mannheimer Institut für Sozialwissenschaft, 1985, EUSIE 1985].

255. HRBEK, Rudolf, « Die europäischen Parteienzusammenschlüsse », dans WEIDENFELD, Werner, WESSELS, Wolfgang (dir.), Jahrbuch der europäischen Integration 1985, Baden-Baden, Nomos (& IEP), 1986, p. 275-285.

256. LODGE, Juliet, « Introduction » et « Conclusion », dans LODGE, Juliet (dir.) Direct Elections to the European Parliament 1984, Londres, Macmillan, 1986.

257. HRBEK, Rudolf, « Die europäischen Parteienzusammenschlüsse », dans WEIDENFELD, Werner, WESSELS, Wolfgang (dir.), Jahrbuch der europäischen Integration 1986-1987, Baden-Baden, Nomos (& IEP), 1987, p. 279-287.

258. NIEDERMAYER, Oscar, REIF, Karlheinz, « The European Parliament and the Political Parties », Journal of European Integration / Revue d’intégration européenne (numéro spécial « L’intégration socio-politique dans les communautés européennes », dirigé par Dusan Sidjanski et Ural Ayberk), vol. 10, n°2-3 hiver/printemps 1987, p. 157-172.

259. DEVIN, Guillaume, L’Internationale Socialiste. Histoire et sociologie du socialisme international (1945-1990), Paris, FNSP, 1993 (section « L’autonomie des socialistes communautaires », p. 272-280) (thèse publiée).

260. GRABITZ, Eberhard, SCHMUCK, Otto, STEPPAT, Sabine, WESSELS, Wolfgang, Direktwahl und Demokratisierung – Eine Funktionenbilanz des Europäischen Parlaments nach der ersten Wahlperiode, Bonn, Europa Union Verlag, 1988.

261. HRBEK, Rudolf, « Die europäischen Parteienzusammenschlüsse », dans WEIDENFELD, Werner, WESSELS, Wolfgang (dir.), Jahrbuch der europäischen Integration 1987-1988, Baden-Baden, Nomos (& IEP), 1988, p. 291-300.

262. HRBEK, Rudolf, « Transnational links : the ELD and Liberal Party Group in the European Parliament », dans KIRCHNER, Emil J. (dir.), Liberal parties in Western Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 1988, p. 455-469.

263. PAPINI, Roberto, L’Internationale démocrate-chrétienne. La coopération internationale entre les partis démocrates chrétiens de 1925 à 1986, Paris, éd. du Cerf, 1988.

264. (DEVIN, Guillaume, « L’Union des partis socialistes de la Communauté européenne. Le socialisme communautaire en quête d’identité », dans I Socialisti e l’Europa, Milan, Franco Angeli, 1989, p. 265-290).

265. HRBEK, Rudolf, « Die europäischen Parteienzusammenschlüsse », dans WEIDENFELD, Werner, WESSELS (dir.), Wolfgang, Jahrbuch der europäischen Integration 1988-1989, Baden-Baden, Nomos (& IEP), 1989, p. 241-252.

266. SILVESTRO, Massimo, « Des groupes politiques du Parlement européen aux partis européens », Revue du Marché Commun, n°327, mai 1989, p. 309-311.

267. SOLDATOS, Panayotis, Le système institutionnel et politique des Communautés européennes dans un monde en mutation. Théorie et pratique, Bruxelles, Bruylant, 1989 (section « Vers des partis européens », p. 230-240).

268. [BATAILLE, Brigitte, Le groupe socialiste au PE, thèse terminée, Univ. Libre Bruxelles, PE Bibliography 1990-1996, 1990].

269. DE BROUWER, Alain, « Le parti populaire européen. Son identité et son nécessaire élargissement », dans CACIAGLI, Mario (dir.), Christian Democracy in Europe, Barcelone, Institut de Ciències Polítiques i Socials (ICPS) / Diputació de Barcelona, 1992, p. 111-137 (texte présenté à un workshop à Barcelone les 17 et 18 janvier 1990 à l’ICPS).

Annexes

407

270. HRBEK, Rudolf, « The Impact of EC Membership on Political Parties and Pressure Groups », dans SCHWEITZER, Carl-Christoph, KARSTEN, Detlev (dir.), The Federal Republic of Germany and EC membership Evaluated, Londres, Pinter Publishers, 1990, p. 174-178.

271. HRBEK, Rudolf, « Die europäischen Parteienzusammenschlüsse », dans WEIDENFELD, Werner, WESSELS, Wolfgang (dir.), Jahrbuch der europäischen Integration 1989-1990, Baden-Baden, Nomos (& IEP), 1990, p. 257-268.

272. (JANSEN, Thomas, « Christlich-demokratisch und/oder konservativ? », Sonde- Zeitschrift für christlich-demokratische Politik, n°1, 1990).

273. (JANSEN, Thomas (dir.), Zur Geschichte der christlich-demokratischen Bewegung in Europa, Melle, Ernst Knoth Verlag, 1990).

274. OBIOLS, Raimon, « La nécessaire dimension transnationale du socialisme européen », Nouvelle revue socialiste, n°11, novembre 1990, p. 139-142.

275. ATTINÀ, Fulvio, « Parties, Party Systems and Democracy in the European Union », The International Spectator, vol. 27, n°3, 1992, p. 67-86.

276. PIEPENSCHNEIDER, Melanie, « Die europäischen Parteienzusammenschlüsse », dans WEIDENFELD, Werner, WESSELS, Wolfgang (dir.) Jahrbuch der europäischen Integration 1990-1991, Baden-Baden, Nomos (& IEP), 1991, p. 253-259.

277. JANSEN, Thomas, « Zur Entwicklung supranationaler Europäischer Parteien », dans GABRIEL, Oscar W. SARCINELLI, Ulrich, SUTOR, Bernahrd, VOGEL, Bernhard (dir.), Der demokratische Verfassungsstaat. Theorie, Geschichte, Probleme, Festschrift für Hans Buchheim zum 70. Geburtstag, Munich, R. Oldenbourg Verlag, 1992, p. 241-256.

278. NIEDERMAYER, Oscar, « The 1989 European elections: Campaigns and results », European Journal of Political Research, vol. 19, n°1, 1991, p. 3-16.

279. SCHMUCK, Otto, « Europäische Parteienzusammenschlüsse », dans WEIDENFELD, Werner, WESSELS, Wolfgang (dir.), Europa von A-Z. Taschenbuch der europäischen Integration, Bonn, IEP-Europa Union Verlag, 1991, p. 153-157.

280. (ATTINÀ, Fulvio, Il sistema politico della comunità europea, Milan, Giuffrè, 1992, (ch. VI « Il sistema partitico », p. 141-181).

281. BARDI, Luciano, « Transnational Party Federations in the European Community », dans KATZ, Richard S., MAIR, Peter (dir.), Party Organizations. A Data Handbook on Party Organizations in Western Democraties, 1960-90, Londres, Sage, 1992, p. 931-973.

282. BOWLER, Shaun, FARRELL, David M., « The Greens at the European Level », Environmental Politics, vol. 1, n° 1, 1992, p. 132-137.

283. GIDLUND, Gullan, Partiernas Europa, Stockholm, Natur & Kultur, 1992. 284. HENSCHEL, Thomas R., « Die europäischen Parteienzusammenschlüsse », dans

WEIDENFELD, Werner, WESSELS, Wolfgang (dir.), Jahrbuch der europäischen Integration 1991-1992, Baden-Baden, Nomos (& IEP), 1992, p. 259-266.

285. WIVENES, Georg, « Fraktions- und Parteienfinanzierung durch das Europäische Parlament », dans TSATSOS, Dimitris Th. (dir.), Parteienfinanzierung im europäischen Vergleich. Die Finanzierung der politischen Parteien in den Staaten der Europäischen Gemeinschaft, Baden-Baden, Nomos Verlagsgesellschaft, 1992, p. 455-480.

Annexes

408

ANNEXE 3

LES AUTEURS DU CORPUS

Ce tableau reprend les noms des 170 auteurs ayant contribué, seuls ou en

collaboration, à au moins l’une des 285 références répertoriées dans notre corpus de

discours savants sur les /partis européens/ (voir annexe correspondante).

Il reprend pour chaque auteur le nombre d’actes individuels de publication ainsi que

la nationalité quand elle est connue avec certitude (c’est-à-dire documentée par au

moins l’une des sources prosopographiques listées dans l’annexe correspondante).

nom prénom actes de publication nationalité(s)

1 ADRIAN W. (Wolfgang Günter ?) 2 allemand 2 AGOSTINI Maria Valeria 1 italien 3 ATTINÀ Fulvio 3 italien 4 BANGEMANN Martin 3 allemand 5 BARDI Luciano 1 italien 6 BARTH Jörg 1 ? 7 BATAILLE Brigitte 1 ? 8 BIEBER Roland 3 allemand 9 BIRKE Wolfgang 1 allemand 10 BLONDEL Jean Fernand Pierre 1 français 11 BOISSON Antoine 1 ? 12 BONVICINI Gianni 5 italien 13 BORELLA François 1 français 14 BOWLER Shaun 1 britannique? 15 BRUGMANS Henri (Hendrik) 2 néerlandais 16 BUCK Karl-Heinz 1 ? 17 BÜRKLIN Willi 1 ?

18 BURY(-LASTENOUSE) Jacqueline 1 français

19 CARREWYN Pol 1 ? 20 CLAEYS Paul-Henri 4 belge 21 COHEN B.R. 1 ? 22 COHEN Robert 1 néerlandais 23 DABEZIES Pierre Camille 1 français 24 DADDER Rudolf 1 ? 25 DE BROUWER Alain 1 belge

26 DE GRAEVE-LISMONT Edith 1 belge

Annexes

409

27 DE VREE Joh. K. 1 ? 28 DELL’OMODARME Marcello 1 italien 29 DESSLOCH Hubertus 1 allemand 30 DEVIN Guillaume 2 français 31 DRÖSCHER Wilhelm 3 allemand 32 DUQUETTE Michel 1 canadien? 33 DUVERGER Maurice Louis Georges 1 français 34 ETTMÜLLER Wolfgang 1 allemand 35 FARREL David M. 1 irlandais 36 FEATHERSTONE Kevin 1 britannique 37 FENNER Christian 2 allemand 38 FENSKE Hans 1 allemand 39 FICKER Hans Claudius 1 ? 40 FISCHER-DIESKAU Christian 1 allemand 41 FITZMAURICE John 3 britannique 42 FORSYTH Murray Greensmith 2 britannique 43 FRIEDRICH Carl Joachim 1 germano-américain 44 FRISCH Alfred 1 allemand 45 FUGMANN Friedrich 1 allemand 46 GALLI Giorgio 1 italien 47 GAZZO Emanuele 2 italien 48 GAZZO Lidia 1 italien 49 GERSTENMAIER Eugen 1 allemand 50 GIDLUND Gullan 1 suédois 51 GORDON Ian Andrew 1 britannique 52 GRABITZ Eberhard 1 allemand 53 GRAFE Roland 1 ? 54 GRESCH Norbert 6 allemand 55 HAAS Ernst 3 germano-américain 56 HAHN Karl Josef 3 néerlandais 57 HARTLEY Anthony 1 ? 58 HAUPT Lucie 1 ? 59 HELMES Peter 1 ? 60 HENIG Stanley 2 britannique 61 HENSCHEL Thomas R. 1 ? 62 HERMAN Valentine Mark 3 britannique 63 HORNER Franz 1 ? 64 HOUBEN Robert 1 belge 65 HRBEK Rudolf 27 allemand 66 JACKSON Robert Victor 1 britannique 67 JACQUÉ Jean-Paul 1 français 68 JAMAR Joseph M. 1 ? 69 JANSEN Thomas R. 6 allemand 70 JEUTTER Peter 3 ? 71 JÜTTNER Alfred 1 ? 72 KALLENBACH Volkmar 4 allemand 73 KARNOFSKY Eva 2 allemand 74 KJEKSHUS Helge 1 ? 75 KLEPSCH Egon Alfred 1 allemand 76 KOHLER (-KOCH) Beate 3 allemand

Annexes

410

77 KÖHNEN Helga 2 allemand 78 KRAFT M. 1 ? 79 KRÄMER Heribert 1 ? 80 KRENZLER Horst Günter 1 allemand 81 KUPER Ernst 1 ? 82 LEGER E. 1 ? 83 LEINEN Josef 1 allemand 84 LEVI Lucio 3 italien 85 LIESE Hans-J. 1 ? 86 LINDBERG Leon 1 ? 87 LING Ming-Yili 1 ? 88 LODGE Juliet 6 britannique 89 LOEB-MAYER Nicole 5 belge 90 LÜCKER Hans August 3 allemand 91 MAGIERA Siegfrid 1 allemand 92 MANSHOLT Sicco Leendert 3 néerlandais 93 MARQUAND David Ian 1 britannique 94 MAY James 1 ? 95 MAYBECK William Martin 1 ? 96 MENKE Kurt 5 ? 97 MERKL Peter H. 1 allemand 98 MISCHNICK Wolfgang 1 allemand 99 MOHRMANN Günther 1 ?

100 MONSHEIMER (LIEBMANN-MONSHEIMER)

Gisela 1 ?

101 MONTAUT René 2 français 102 MYRZIK Barbara 1 ? 103 NANCY Jacques 2 français 104 NASSMACHER Karl-Heinz 1 allemand 105 NIEDERMAYER Oscar 16 allemand 106 OBIOLS Raimon 1 espagnol 107 PAPINI Roberto 1 italien 108 PAPISCA Antonio 3 italien 109 PATERSON William Edgar 1 britannique 110 PAWELKA Peter 2 allemand 111 PERISSINOTTO Giovanni 1 ? 112 PIEPENSCHNEIDER Melanie 1 allemand 113 PINDER John 1 britannique 114 PISTONE Sergio 1 italien 115 PÖHLE Klaus 1 allemand 116 PORTELLI Hugues 1 français 117 PRIDHAM Geoffrey 8 britannique

118 PRIDHAM (NORRIS?) Pippa 4 français

119 RABIER Jacques-René 1 français 120 REICHEL Peter 1 allemand 121 REIF Karlheinz 10 allemand 122 RITTBERGER Volker 1 allemand 123 ROVAN Joseph 1 français 124 SCHMITT Franz Johann 2 allemand

Annexes

411

125 SCHMUCK Otto 3 allemand 126 SCHONDÜBE Claus 1 allemand 127 SCHWED Jean-Joseph 1 français 128 SEEFELD Horst 2 allemand 129 SEIBT Peter 2 allemand 130 SEIDELMANN Reimund Henning 3 allemand 131 SEILER Daniel-Louis 7 belge 132 SIDJANSKI Dusan 7 suisse; grec 133 SILVESTRO Massimo 2 italien 134 SOLARI Saverio 1 ? 135 SOLDATOS Panayotis 1 grec 136 SPEAIGHT Anthony 1 ? 137 SPENCER Thomas Newnham Bayley 1 britannique 138 SPINELLI Altiero 1 italien 139 SPITAELS Guy 1 belge 140 STAMMEN Theo 1 allemand 141 STATZ Albert 1 ? 142 STEED Michael 3 britannique 143 STEIERT Rudolf 1 allemand 144 STEIN Eric 1 tchéco-américain 145 STEPPAT Sabine 1 allemand 146 THORN Gaston 1 luxembourgeois 147 THORPE Jeremy 1 britannique 148 TIMMERMANN Heinz 1 ? 149 TINDEMANS Leo C. 1 belge 150 TSATSOS Dimitris Th. 1 grec 151 URI Pierre 1 français 152 VAN OUDENHOVE Guy 1 ? 153 VON ALEMANN Ulrich 2 allemand 154 VON HASSEL Kai-Uwe 1 allemand 155 VON SCHENK Guntram 1 allemand 156 VEDEL Georges 1 français 157 VENDRIN S. 1 ? 158 VERKADE W. (Willem?) 1 ? 159 VERMEYLEN Pierre F. 1 belge 160 VIEZZI Roberto 1 ? 161 VOLKMER W. 1 ? 162 VREDELING Hendrikus 2 néerlandais 163 WARD Zelime Amen 1 ? 164 WASCHE Hildegard 1 ? 165 WESSELS Wolfgang 2 allemand 166 WESTERTERP Theodorius Engelbertus 1 néerlandais 167 WIJSENBEEK Florus A. 2 néerlandais 168 WIVENES Georg 1 ? 169 ZELLENTIN Gerda 2 allemand 170 ZORGBIBE Charles 1 français

Annexes

412

ANNEXE 4

SOURCES BIOGRAPHIQUES

SUR LES AUTEURS DU CORPUS

Les données biographiques relatives aux auteurs de notre corpus ont été recueillies à

partir de sources très diverses.

Nous nous sommes principalement appuyés sur les répertoires biographiques

« classiques » disponibles, notamment les différentes éditions nationales de Who’s who,

mais aussi sur différents annuaires institutionnels, notamment pour repérer les positions

éventuellement occupées dans les institutions communautaires. Nous donnons la liste

des annuaires utilisés spécifiquement pour les institutions communautaires ci-dessous.

Des informations complémentaires ont également pu être recueillies par la

consultation de notices biographiques établies aussi bien par les Archives Historiques de

l’Union européenne, par exemple, pour les auteurs y ayant déposé des fonds (comme

Jacques-René Rabier ou Emanuele Gazzo par exemple) que par différentes

bibliothèques (comme les « notices d’autorité » de la Bibliothèque nationale de France,

par exemple).

Les recherches permettent parfois de réunir aussi un ou plusieurs C.V. plus complets

pour la même personne, établis par elle-même à différentes époques (à partir des sites

internet institutionnels des Universités, des partis, des institutions dans lesquelles les

auteurs ont pu travailler au cours de leur carrière), ou encore de trouver des

informations biographiques dans différents entretiens réalisés par d’autres avec certains

de ces auteurs (par exemple les entretiens réalisés dans le cadre des différents projets de

l’Institut Universitaire Européen de Florence visant à faire l’ « histoire orale » des

institutions communautaires).

Pour certains auteurs, des autobiographies, mémoires et/ou biographies permettent

également d’accéder à des informations personnelles pour certaines époques.

Un dernier type de source d’informations biographiques, plus indirect, a enfin été

utilisé, celui des informations contenues dans les avant-propos ou les notices

Annexes

413

biographiques des ouvrages publiés par les auteurs du corpus (qui peuvent par exemple

renseigner sur le nom du directeur d’une thèse publiée ou sur les groupes de recherche

dans lesquels a été effectuée l’étude présentée).

Annuaires et répertoires européens et communautaires

- Annuaire des communautés européennes, Bruxelles, éd. Delta, 1977-1996. - Annuaire des communautés européennes et des autres organisations européennes,

11e édition, Bruxelles, éd. Delta, 1977-1992. - BLONDEL, Jean, WALKER, Carol, Directory of European Political Scientists, 3e

éd., Oxford, Hans Zell, 1979. - BOLTON, Rohan, EASTWOOD, Joanna (dir.), Guide to the EU institutions,

Londres, The Federal Trust for Education and Research, 2003. - ECPR, Directory of European political scientists, 4e éd., Oxford, Hans Zell, 1985. - ECSA, Who’s who in European Integration Studies - 1995, 3e éd., Baden-Baden,

Nomos Verlag, 1995. - ECSA, Who’s who in European Integration Studies (in Non-EU States) – 1996,

Baden-Baden, Nomos, 1996. - Euro Who’s Who, 4e éd., Bruxelles, éd. Delta, 1991. - Euroguide. Annuaire des institutions de l’Union européenne, Bruxelles, éd. Delta,

2003. - European Union. Encyclopedia and Directory, Londres, Routledge, 2006. - HITZLER, Gerhard (dir.), Directory of European Institutions, Butterworths, Carl

Heymanns Verlag, 1991. - The Directory of EU Information Sources, Londres, Routledge, 1989-2007. - The EU Encyclopedia and Directory, Londres, Routledge, 1999. - The EU Institutions Register, Londres, Europa Publications, 2004. - The International Foundation Directory, Londres, Europa Publications, 1991. - UNION EUROPÉENNE, Annuaire interinstitutionnel – Union européenne,

Luxembourg, OPOCE, 1994. - Who’s who in European Politics, 2e éd., Londres, Bowker-Saur, 1993.

Sites internet officiels

- EU Whoiswho. The official directory of the European Union : http://europa.eu/whoiswho/public

- PARLEMENT EUROPEEN, notices biographiques des députés européens élus depuis 1979 : http://www.europarl.europa.eu/parlArchives/mepArch/alphaOrder.do?language=FR

Bibliographie

414

BIBLIOGRAPHIE

Bibliographie

415

Cette bibliographie regroupe à la fois les travaux de recherche, les mémoires d’acteurs et

certains rapports ou publications institutionnels, notamment des Communautés européennes,

utilisés pour ce travail. Certaines références de notre corpus de discours savants (voir annexe

correspondante) se retrouvent également dans cette bibliographie, dans les cas où nous avons

effectivement utilisé ces travaux dans le cours de notre travail autrement que comme

composantes de notre corpus.

***

ACTES DE LA RECHERCHE EN SCIENCES SOCIALES, « Editions, Editeurs » (n°1 et n°2), Actes de la recherche en sciences sociales, n°126-127 et n°130, 1999.

ANDERSON, Benedict, L’imaginaire national : réflexions sur l'origine et l'essor du nationalisme, Paris, La Découverte, 1996 (1983).

ANSCOMBRE, Jean-Claude, MEJRI, Salah (dir.), Le figement linguistique : la parole entravée, Paris, Honoré Champion, 2011.

ASHFORD, Nigel, « The Political Parties », dans GEORGE, Stephen (dir), Britain and the European Community : the Politics of Semi-Detachment, Oxford, Clarendon Press, 1992, p. 119-148.

BACHELARD, Gaston, La formation de l’esprit scientifique. Contribution à une psychanalyse de la connaissance objective, Paris, Vrin, 1972.

BACOT, Paul, « La légitimation par la dénomination. L’agoronyme comme discours argumentatif », dans BACOT, Paul, La construction verbale du politique. Etudes de politologie lexicale, Paris, L’Harmattan, 2011, p. 145-168.

BARBERIS, Jeanne-Marie, BRÈS, Jacques, GARDÈS-MADRAY, Françoise, LAFONT, Robert, SIBLOT, Paul, Concepts de la praxématique. Bibliographie indicative, Montpellier, Publications de l’Université de Montpellier, 1989.

BARDI, Luciano, « Les perspectives des fédérations européennes de partis », dans DELWIT, Pascal, KÜLAHCI, Erol, VAN DE WALLE, Cédric, Les fédérations européennes de partis : Organisation et influence, Bruxelles, éd. l’Université de Bruxelles, 2001, p. 229-238.

BARDI, Luciano, « European Political Parties : A (Timidly) Rising Actor in the EU Political System », The International Spectator, vol. 39, n°2, 2004, p. 17-30.

BARÓN CRESPO, Enrique, Europe, à l’aube du millénaire, Paris, Kimé, 1998 (1994).

BARÓN CRESPO, Enrique, Constitucionalización del poder legislativo en la unión europea, thèse de doctorat, Faculté de droit, Universidad Complutense de Madrid, soutenue le 5 décembre 2005.

Bibliographie

416

BARTOLINI, Stefano, Restructuring Europe : centre formation, system building and political structuring between the nation-state and the European Union, New York, Oxford University Press, 2005.

BASTIN, Gilles, « L’Europe saisie par l’information (1952-2001) : Des professionnels du journalisme engagé aux content coordinators », dans GARCIA, Guillaume, LE TORREC, Virginie (dir.), L’Union européenne et les médias. Regards croisés sur l’information européenne, Paris, l’Harmattan, 2003.

BEAUVALLET, Willy, GODMER, Laurent, MARREL, Guillaume, MICHON, Sébastien, « La production de la légitimité institutionnelle au Parlement européen : le cas de la commission des affaires constitutionnelles », Politique européenne, n°28, 2009, p. 73-102.

BEAUVALLET, Willy, MICHON, Sébastien, « L’institutionnalisation inachevée du Parlement européen. Hétérogénéité nationale, spécialisation du recrutement et autonomisation », Politix, vol. 23, n°89, 2010, p. 147-172.

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