Imagerie des traumatismes fermés du thorax

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Feuillets de Radiologie 2007, 47, n° 2,95-107 © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Feuillets de Radiologie © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 95 Imagerie des traumatismes fermés du thorax N. Cherni, S. Jouini, A. Labib, S. Briki, R.M. Zo’o, Y. Moison, Y.-T. Joubert Service d’imagerie médicale, centre hospitalier d’Évreux, 17, rue Saint-Louis, 27000 Évreux. Correspondance : N. Cherni, à l’adresse ci-contre. Email : [email protected] Les traumatismes fermés du thorax représentent la pre- mière cause de décès chez l’adulte de moins de 45 ans [1]. Quatre-vingt-cinq pour cent de ces traumatismes sont secon- daires à des accidents de circulation et moins souvent à des agressions physiques ou des accidents de sports violents [1-3]. La prise en charge de ces traumatismes nécessite une colla- boration multidisciplinaire dans laquelle le radiologue à un rôle central puisqu’il a la responsabilité de l’interprétation immédiate du bilan radiologique d’entrée de ces patients. Le cliché standard du thorax en incidence antéro-postérieure réalisé chez un patient en décubitus dorsal, reste toujours au premier plan dans l’évaluation initiale des lésions thoraciques, permettant de détecter celles qui nécessitent un traitement 3mise au point 3thorax Résumé Summary Les traumatismes fermés du thorax (TTF) représentent la pre- mière cause de décès chez l’adulte jeune. La plupart sont secon- daires à des accidents de circulation. La prise en charge de ces traumatismes nécessite une collaboration multidisciplinaire dans laquelle le radiologue à la charge de l’interprétation immé- diate du bilan radiologique urgent. Le cliché standard du tho- rax est toujours le premier examen d’imagerie demandé, per- mettant d’éliminer immédiatement un pneumothorax sous tension nécessitant un drainage urgent en salle de déchoquage. Grâce à sa rapidité d’exécution, et à son excellente résolution spatiale, la tomodensitométrie multibarrettes, est devenue la pierre angulaire de l’exploration des TTF, une fois le patient sta- bilisé, sur le plan respiratoire et hémodynamique. Cet examen permet aujourd’hui, un bilan exhaustif de l’ensemble des lésions du polytraumatisé, avec une excellente sensibilité et spécificité. Le but de notre travail est de passer en revue l’aspect radiologi- que et tomodensitométrique des différentes lésions traumati- ques du thorax. Ces lésions seront classées et présentées en fonction de leur compartiment anatomique. Blunt chest trauma. Blunt chest trauma is the leading cause of death in the young adult. The large majority of these traumatic events occur during road traffic accidents. The assumption of responsibility for these events requires a multidisciplinary collaboration in which the radiologist plays the role of immediate interpretation of the urgent radiological assessment. The chest radiograph remains the initial screening test, allowing immediate diagnosis of ten- sion pneumothorax requiring urgent drainage in the Emergency Room. Owing to its rapidity and its excellent spatial resolution, multi-slice CT plays a key role in the radiological work-up. This examination allows a fast and exhaustive assessment of the trauma patient with very high sensitivity and specificity. The purpose of this article is to review the various radiological and CT patterns of blunt chest lesions. The most common lesions will be classified and displayed according to their anatomical compartment. Mots-clés : Thorax, Traumatisme Key words: Chest, Trauma

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Feuillets de Radiologie 2007, 47, n° 2,95-107© 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Feuillets de Radiologie © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 95

Imagerie des traumatismes fermés du thorax

N. Cherni, S. Jouini, A. Labib, S. Briki, R.M. Zo’o, Y. Moison, Y.-T. Joubert

Service d’imagerie médicale, centre hospitalier d’Évreux, 17, rue Saint-Louis, 27000 Évreux.

Correspondance :N. Cherni,

à l’adresse ci-contre.

Email : [email protected]

Les traumatismes fermés du thorax représentent la pre-

mière cause de décès chez l’adulte de moins de 45 ans [1].

Quatre-vingt-cinq pour cent de ces traumatismes sont secon-

daires à des accidents de circulation et moins souvent à des

agressions physiques ou des accidents de sports violents [1-3].

La prise en charge de ces traumatismes nécessite une colla-

boration multidisciplinaire dans laquelle le radiologue à un

rôle central puisqu’il a la responsabilité de l’interprétation

immédiate du bilan radiologique d’entrée de ces patients. Le

cliché standard du thorax en incidence antéro-postérieure

réalisé chez un patient en décubitus dorsal, reste toujours au

premier plan dans l’évaluation initiale des lésions thoraciques,

permettant de détecter celles qui nécessitent un traitement

3333mise au point 3333thorax

Résumé SummaryLes traumatismes fermés du thorax (TTF) représentent la pre-

mière cause de décès chez l’adulte jeune. La plupart sont secon-

daires à des accidents de circulation. La prise en charge de ces

traumatismes nécessite une collaboration multidisciplinaire dans

laquelle le radiologue à la charge de l’interprétation immé-

diate du bilan radiologique urgent. Le cliché standard du tho-

rax est toujours le premier examen d’imagerie demandé, per-

mettant d’éliminer immédiatement un pneumothorax sous

tension nécessitant un drainage urgent en salle de déchoquage.

Grâce à sa rapidité d’exécution, et à son excellente résolution

spatiale, la tomodensitométrie multibarrettes, est devenue la

pierre angulaire de l’exploration des TTF, une fois le patient sta-

bilisé, sur le plan respiratoire et hémodynamique. Cet examen

permet aujourd’hui, un bilan exhaustif de l’ensemble des lésions

du polytraumatisé, avec une excellente sensibilité et spécificité.

Le but de notre travail est de passer en revue l’aspect radiologi-

que et tomodensitométrique des différentes lésions traumati-

ques du thorax. Ces lésions seront classées et présentées en

fonction de leur compartiment anatomique.

Blunt chest trauma.

Blunt chest trauma is the leading cause of death in the young

adult. The large majority of these traumatic events occur during

road traffic accidents. The assumption of responsibility for these

events requires a multidisciplinary collaboration in which the

radiologist plays the role of immediate interpretation of the

urgent radiological assessment. The chest radiograph remains

the initial screening test, allowing immediate diagnosis of ten-

sion pneumothorax requiring urgent drainage in the Emergency

Room. Owing to its rapidity and its excellent spatial resolution,

multi-slice CT plays a key role in the radiological work-up. This

examination allows a fast and exhaustive assessment of the

trauma patient with very high sensitivity and specificity.

The purpose of this article is to review the various radiological

and CT patterns of blunt chest lesions. The most common lesions

will be classified and displayed according to their anatomical

compartment.

Mots-clés : Thorax, Traumatisme Key words: Chest, Trauma

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immédiat [4]. L’échographie, réalisée en urgence et au lit du

patient à la recherche de lésions traumatiques intra-abdomi-

nale, permet grâce à l’utilisation de la voie sous xiphoïdienne,

la recherche d’un hémopéricarde ou d’un hémothorax. Dans

certains cas, la voie intercostale antérieure permet de dia-

gnostiquer des lésions traumatiques cardiaques ou aortiques.

La tomodensitométrie multicoupe permet un bilan complet, à

condition que le patient soit hémodynamiquement stable ou

stabilisé. Elle détecte plus de 80 % des lésions passées ina-

perçues sur les radiographies standard du thorax, et elle

modifie la prise en charge des patients dans 19 % des cas [5].

Les reconstructions bidimensionnelles jouent un rôle de pre-

mier plan dans l’évaluation de certaines structures anatomi-

ques, telles que le rachis. Les reconstructions bi et tridimen-

sionnelle sont également très utiles dans la transmission des

résultats aux urgentistes et chirurgiens, permettant une infor-

mation concise, simple et complète [3, 4]. Dans ce travail, les

lésions traumatiques les plus fréquentes seront classées et

présentées en fonction de leur compartiment anatomique.

Traumatismes de la paroi thoracique

Les traumatismes de la paroi thoracique regroupent l’emphy-

sème sous-cutané et les fractures du cadre osseux.

Les fractures costales

Ce sont les lésions les plus fréquentes, rencontrées dans plus

de 80 % des traumatismes fermés du thorax. Elles sont mul-

tiples dans la majorité des cas et ne sont détectées que dans

moins de 40 % des cas sur les radiographies standard. Leur

individualisation est facilitée par le scanner multicoupe avec

reconstructions volumiques (fig. 1). L’échographie réalisée

avec une sonde linéaire haute fréquences (12 MHz) peut être

utile dans ce contexte en dehors de toute urgence. En posant

la sonde sur la paroi thoracique, en regard du point doulou-

reux indiqué par le patient lui-même, il est possible de visua-

liser la solution de continuité corticale qui apparaît sous forme

d’une ligne hyperéchogène interrompue. L’échographie est

aussi sensible que la radiographie standard dans cette indica-

tion et, permet de plus de détecter un éventuel décollement

pleural associé minime souvent non détecté par les radiogra-

phies [6]. Cependant, cette technique reste de pratique moins

courante dans les circonstances d’urgences. Sur le plan médi-

cal, l’utilité de la recherche de ces fractures réside dans :

• la détection de lésions sous-jacentes associée : pneumo-

ou un hémothorax nécessitant un drainage rapide, lésions

parenchymateuses pulmonaires nécessitant une surveillance

du fait de leur évolution imprévisible ;

• la prévention des complications potentielles sous-jacente :

hémorragie à bas débit des vaisseaux intercostaux ou mam-

maires internes pouvant nécessiter une embolisation endo-

vasculaire ultérieure [4, 7].

Par ailleurs, la recherche de fracture des dernières côtes est

indispensable du fait de l’association fréquente à des lésions

traumatiques diaphragmatiques, rénales, hépatiques ou splé-

niques. Les fractures des premières côtes surviennent sou-

vent dans des accidents violents, source de traumatisme

sévère. Leur gravité réside dans leur proximité des vaisseaux

cervicaux et des voies aérodigestives qui peuvent être lésés

soit directement, soit secondairement par l’hématome post-

traumatique.

Les fractures sternales

Elles représentent 5 % des TTF. La visualisation directe de la

fracture sternale est rarement possible sur les radiographies

de face. Si l’état du patient le permet, les radiographies du

sternum de profil sont souvent plus sensibles [4, 7]. Ces fractu-

res peuvent se traduire par des signes indirects et non spécifi-

ques tel qu’un élargissement du médiastin, en rapport avec un

hématome rétrosternal. Ce dernier est secondaire à une lésion

des vaisseaux mammaires internes ou leurs branches, et pose

un problème de diagnostic différentiel avec un hémomédias-

tin ou un hémopéricarde secondaire à un traumatisme myo-

cardique ou de l’arche aortique, rares mais de très mauvais

pronostic. La tomodensitométrie avec injection de contraste

est très utile dans ces circonstances. Elle permet de faire la part

des choses et visualise parfaitement le trait de fracture au

niveau du sternum grâce aux reconstructions 2D et 3D (fig. 2).

Les volets costaux

Ils représentent environ 1 % des traumatismes fermé du tho-

rax. Par définition, un volet costal est constitué par au moins

trois fractures costales adjacentes, chacune des côtes concer-

nées étant fracturée en au moins deux points distincts. Surve-

nant généralement dans des accidents violents entraînant

un traumatisme thoracique sévère avec phénomènes de

compression. Il en résulte une désolidarisation de la paroi

thoracique, entraînant une respiratoire paradoxal conduisant

à une défaillance respiratoire d’aggravation rapide et à la

mort dans 40 % des cas [4-6], leurs mise en évidence est faci-

litée par les reconstructions volumiques au scanner (fig. 3).

L’emphysème sous-cutané

Il est observé dans 15 % des TTF environ. Les mécanismes

sont multiples : souvent secondaire à une fracture costale

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entraînant une déchirure pleurale, parfois répondant à

l’extension d’un pneumomédiastin ou d’une lésion traumati-

que trachéo-bronchique dans les accidents les plus sévères,

rarement d’origine iatrogène (drainage de pneumothorax,

intubation trachéale traumatique). L’emphysème est généra-

lement visible sur les radiographies standard (fig. 4), se tra-

duisant par des hyperclartés se projetant sur les parties mol-

les et le tissu adipeux sous-cutané. La tomodensitométrie est

plus sensible pour détecter les emphysèmes sous-cutanés

minimes sans traduction radiographique, ainsi que les éven-

tuelles lésions associées : pneumothorax, lésion pulmonaire

sous-jacente masquée [4, 8, 9].

Traumatisme du diaphragme

Les lésions traumatiques du diaphragme sont de diagnostic

difficile et passent souvent inaperçues à l’admission. Témoi-

gnant souvent d’un traumatisme très sévère, les signes radio-

graphiques sont non spécifiques [10, 11]. Ils représentent 8 %

A B

C D

Figure 1. A : Fracture de l’arc postérieur de la 7e côte droite non visualisée sur les radiographies standard. B : En fenêtre parenchymateuses, en trouvele pneumothorax associé masqué par l’emphysème sous-cutanée. C : Intérêt des reconstructions 3D volumiques pour la mise en évidence de cettefracture costale. D : Un autre patient victime d’un TTF sévère. Intérêt des reconstructions 3D volumiques dans la mise en évidence des fractures despremières côtes non visualisées sur les radiographies standard.

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des traumatismes fermés du thorax. La rupture se produit le

plus souvent dans les régions postérolatérales [4, 10, 11]. Les

radiographies du thorax en incidence antéropostérieure peu-

vent montrer une ascension de la coupole diaphragmatique,

une déformation localisée de la coupole, un aspect de

« pseudo-diaphragme » en rapport avec des limites floues du

diaphragme, ou des clartés digestives en position intra-thora-

ciques. En cas de rupture diaphragmatique gauche, la sonde

nasogastrique décrit un trajet intra-thoracique anormal en J

inversé. L’association à des fractures des dernières côtes est

fréquente. La tomodensitométrie est beaucoup plus sensible.

Une acquisition thoraco-abdominale suivie par des recons-

tructions multiplanaires, montre un épaississement ou une

interruption localisée du diaphragme, dont les berges sont

Figure 2. A : Fracture du manubrium sternal lors d’un TTF, non visualisé sur les radiographies standard. B : Meilleure visualisation sur les reconstruc-tions volumiques. C, D : Fracture médio-sternale lors d’un TTF, non visualisé sur les radiographies standard, meilleure visualisation sur les reconstruc-tions volumiques centré sur la fracture. E : Élargissement du médiastin sur la radio pulmonaire suite à un TTF. F, G, H : Scanner réalisé à la suite. Visua-lisation d’une fracture sternale avec hématome rétrosternal sans lésion aortique.

A B C

E FD

G H

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soulignées par des franges graisseuses provenant de la cavité

abdominale. En cas de rupture diaphragmatique, le scanner

montre les viscères abdominaux herniés à travers la rupture

plutôt que la rupture elle-même. Les viscères abdominaux

herniés sont l’estomac, l’intestin grêle ou le côlon réalisant le

signe du « collet ». Le foie aussi peut être intéressé et adopte

alors une configuration en « champignon » ou en « bouchon

de champagne ». La radiographie du thorax a une sensibilité

moyenne et une spécificité très limitée (fig. 5). La TDM avec

des reconstructions multiplanaires a une meilleure sensibilité

et une spécificité avoisinant les 100 % [4, 10, 11].

Traumatisme de la plèvre

Le pneumothorax

Il est présent dans 50 % des TTF. Il résulte le plus souvent de

la rupture traumatique d’une bulle d’emphysème, parfois

d’une lacération pulmonaire exercée par la côte fracturée, ou

d’un effet Maklin. Plus rarement, le pneumothorax est secon-

daire à une lésion traumatique de l’arbre trachéobronchique.

L’air une fois introduit dans l’espace pleural se répartit dans

les régions les moins déclives [4]. Les radiographies réalisées

A B

C D

Figure 3. A : Large contusion pulmonaire droite suite à un TTF avec multiples fractures costales. B, C, D : Fractures des costales multiples réalisant desvolets, bien visualisées avec les reconstructions 3D volumiques.

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en décubitus dorsal montrent des signes radiologiques dis-

crets mais spécifiques et peuvent détecter des pneumotho-

rax de faible abondance, sous forme d’hyperclartés linéaires

dessinant l’interface poumon-médiastin. La présence d’un

croissant aérique séparant le poumon de la coupole diaphrag-

matique indique un pneumothorax sous pulmonaire. Les

pneumothorax apicaux, d’observation difficile sur les clichés

réalisée en décubitus, sont classiquement observés sur les

radiographies obtenues en position debout. Dans ces circons-

tances, l’échographie réalisée au lit du patient avec une

sonde de haute fréquence, peut montrer le décollement pleu-

ral de faible abondance sous forme d’échos de réverbérations

sous pariétales, avec une sensibilité meilleure que les radio-

graphies standard [6], pour les pneumothorax de faible abon-

dance le scanner reste toujours le meilleur examen devant sa

haute sensibilité (fig. 6).

Selon la gravité, on reconnaît 3 formes de pneumothorax :

• les pneumothorax sous tension représentent 10 % des cas

environ. Ils génèrent un mécanisme de valve à clapet au

niveau de la fuite d’air, de pronostic très réservé et sont asso-

ciés à une mortalité élevée avoisinant les 40 %. La radiogra-

phie standard montre un refoulement du médiastin vers le

côté controlatéral, et un collapsus du poumon ipsilatéral qui

doivent faire pratiquer un drainage urgent. La tomodensito-

métrie a la même sensibilité que les clichés standard du tho-

rax dans ces situations et ne doit pas retarder le drainage ;

• dans les pneumothorax de moyenne abondance, les clichés

standard sont suffisants pour la détection ;

• les pneumothorax de petite abondance peuvent être occul-

tes, non détectés sur les radiographies standard et visualisés

seulement au scanner. Leur volume peut atteindre 500 milli-

litres, nécessitant un drainage pleural percutané si une venti-

lation mécanique est envisagée [4, 6].

L’hémothorax

Il est présent dans 40 % des cas environ, d’abondance et de

gravité variables. L’hémothorax de petite abondance résulte

souvent d’une lacération parenchymateuse pulmonaire

directe ou d’une lésion des vaisseaux intercostaux ou mam-

maires internes. Les lésions traumatiques des gros vaisseaux

médiastinaux ou du cœur donnent lieu à un hémothorax de

A

B

C

Figure 4. A : Radiographie pulmonaire de face montre des hyperclartés de densité aérique décollant les parties molles sur l’hémi thorax droit.B, C : Scanner thoracique en coupes axiales et coronales et en fenêtrage parenchymateux objective l’infiltration aérique des parties molles et unpneumomédiastin associé.

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grande abondance, représentant un facteur pronostic majeur

avec une mortalité de 30 %. En fonction de l’abondance de

l’hémothorax, on observe sur les radiographies standard une

augmentation diffuse de l’opacité de la plage pulmonaire et

un comblement du récessus costophrénique. En cas d’épan-

chement de faible abondance, on note un effacement de la

coupole diaphragmatique avec accumulation du sang dans le

sillon latéral entre le poumon et le gril costal. En cas d’épan-

chement de grande abondance, on visualise une « coiffe api-

cale » (fig. 7).

Traumatisme pulmonaire

Les lésions parenchymateuses pulmonaires post-traumati-

ques représentent 15 % des TTF. Elles signent un traumatisme

sévère, et sont de mauvais pronostic. Elles sont associées à une

mortalité élevée (34 % environ), ce qui justifie leur recherche

systématique sur le bilan radiologique initial. Il n’existe pas de

corrélation directe entre les anomalies radiologiques trouvées

et l’état clinique du patient. On distingue les contusions et les

lacérations pulmonaires. Les contusions pulmonaires sont des

altérations de l’épithélium alvéolaire et de l’endothélium capil-

laire des septa du parenchyme pulmonaire, avec œdème et

hémorragie interstitielle et intra-alvéolaire subséquentes

entraînant une désorganisation de l’architecture pulmonaire.

Ces anomalies sont souvent multiples et de topographies péri-

phériques localisées en position sous-pleurale. Elles se tradui-

sent par des hyperdensités en verre dépoli, de répartition hété-

rogène, mal limitées et confluentes par endroit, sans

systématisation particulière et ne contenant pas broncho-

gramme aérique. Leur principale caractéristique est leur carac-

tère migrant. Elles apparaissent quelques heures après le trau-

matisme et atteignent leurs gravités maximales vers 48 à 72 h,

puis régressent lentement sur plusieurs semaines en laissant

A

B

C

Figure 5. A, B : Scanner thoraco-abdominal après opacification digestive en coupes axiales et en coupes coronales c montrent une rupture diaphrag-matique postéro-latérale gauche suite à un TTF associée a une ascension de l’estomac et de la graisse omentale.

Imagerie des traumatismes fermés du thorax

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A B

Figure 6. A : Pneumothorax minime apical gauche non visualisé sur les radiographies standard. B : Pneumothorax droit avec emphysème sous-cutanédéjà observé sur les radiographies mais la contusion parenchymateuse pulmonaire et le pneumomédiastin ne sont visualisés que sur le scanner.

B

A

C

Figure 7. A : Radiographies thoraciques (face et profil) debout réalisées après un TTF montrent un hémothorax droit avec un niveau horizontal, on noteaussi l’emphysème sous-cutané très étendu associé. B : Scanner thoracique montre un hémothorax gauche déclive et des foyers de verre dépoli etquelques images nodulaires en rapport avec des contusions post-traumatiques. C : TTF le scanner montre un hémothorax bilatéral, un pneumothoraxgauche, des foyers de contusion parenchymateuse avec emphysème sous-cutané et fracture costale.

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parfois quelques images séquellaires. Elles peuvent évoluer

vers une altération profonde du parenchyme pulmonaire en

cas de lésions importantes conduisant au décès (fig. 8). Les

lacérations pulmonaires représentent des altérations majeu-

res de l’architecture normale du parenchyme pulmonaire

impliquant des ruptures alvéolaires et des déchirures vascu-

laires, pouvant conduire à la formation d’hématome intra-

pulmonaire. Ce dernier se traduit par une opacité arrondie sur

les examens d’imagerie peuvent se surinfecter ou s’excaver,

et évoluer vers un pneumatocèle ou pseudokyste (cavité

remplie d’air contenant parfois un niveau hydroaérique). Ces

lésions sont souvent masquées par des contusions pulmonai-

res expliquant leur évolution imprévisible [4].

Traumatisme du médiastin

Le pneumomédiastin

Il est observé chez 10 % des patients, souvent suite à un trau-

matisme sévère. Il est souvent le résultat d’un effet Macklin.

Il est associé à un pneumothorax dans 50 % des cas et à un

emphysème sous-cutané dans 60 % des cas qui peut le mas-

quer. Il peut revêtir différents aspects radiologiques. Parmi

ces nombreux aspects radiologiques, la présence d’air dans le

ligament pulmonaire se manifestant comme une bande claire

verticale, localisée d’un côté ou de l’autre de la ligne médiane

et s’étendant du hile pulmonaire à la convexité diaphragma-

tique. Un emphysème médiastinal peut s’étendre au-delà

du médiastin, et créer un emphysème sous-cutané et muscu-

laire, un rétro pneumopéritoine, un pneumopéritoine, voire

un pneumorachis (fig. 9) [4].

Les lésions trachéo-bronchiques

Elles sont présentes chez environ 1 % des patients victimes

d’un TTF. Dans la majorité des cas, elles sont situées à proxi-

mité de la carène et de la portion proximale des bronches

souches. Ces lésions sont souvent concomitantes à des lésions

fatales et la mortalité globale avoisine 80 %. Les signes radio-

logiques sont aspécifiques : élargissement du médiastin, pneu-

A B

Figure 8. A : Radiographie pulmonaire montre une hyperdensité enverre dépoli touchant le champ pulmonaire gauche en rapport avecune contusion pulmonaire étendue post-traumatique. B : Scannerthoracique montre un décollement pleural minime, un emphysèmesous-cutané, et des anomalies parenchymateuses pulmonaires sousforme d’images nodulaires et des condensations en rapport avec unecontusion pulmonaire. C : Hémothorax bilatéral, plus important àdroite avec des foyers de condensations parenchymateuses post-traumatique d’installation secondaire.

C

Imagerie des traumatismes fermés du thorax

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momédiastin, pneumothorax persistant malgré un drainage

convenable. Parfois, il s’agit d’un emphysème sous-cutané,

d’un hémothorax, d’un piégeage ou au contraire d’une atélec-

tasie [4]. La tomodensitométrie multicoupe détecte 94 %

des ces lésions alors que la lésion trachéo-bronchique elle-

même est rarement mise en évidence [12]. La bronchoscopie

reste l’examen de référence pour le diagnostic des traumatis-

mes trachéo-bronchiques, notamment afin d’en préciser la

localisation et l’étendue. Elle permet aussi dans le même

temps un geste thérapeutique.

Les lésions aortiques

Elles sont présentes dans 1 à 2 % des cas des patients victimes

de TTF et admis vivant aux urgences [13]. Ils représentent la

lésion traumatique la plus létale dans les traumatismes fermés

du thorax. Le mécanisme le plus fréquent est une décélération

à haute vitesse entraînant une compression traumatique de

l’aorte entre le sternum et le rachis [3, 4]. Ces lésions trauma-

tiques de l’aorte thoracique peuvent être transmurales et

immédiatement fatales ou se limiter à l’intima et à la

média, créant ainsi un pseudoanévrisme de diagnostic dif-

ficile sur le bilan initial, susceptible de se rompre à chaque

instant, entraînant une hémorragie rapidement mortelle. Ces

lésions aortiques nécessitent par conséquent un diagnostic

précoce et une prise en charge rapide et adéquate dans un

service de chirurgie vasculaire. Dans 90 % des cas, les lésions

aortiques sont localisées sur la face antéromédiale de

l’isthme de l’aorte [3, 4]. Les signes radiologiques les plus fré-

quents en cas de rupture aortique sont : un contour irrégulier

ou flou du bouton aortique, un élargissement médiastinal

[14]. Les signes les plus sensibles sont le déplacement de la

ligne para-spinale gauche, l’effacement du bouton aortique

et l’hémomédiastin dont la sensibilité est de 86 % [13]. Les

radiographies standard ont une faible spécificité car la pré-

sence d’un élargissement médiastinal est fréquente chez les

patients victimes d’un TTF, du fait d’un hémomédiastin secon-

daire à des lésions vasculaires mineures sur fracture sternale

ou vertébrale, ou d’une distension de la veine cave supé-

rieure [4]. Les autres signes radiologiques de rupture aortique

plus spécifiques mais moins fréquents, sont un déplacement

vers la droite de la sonde nasogastrique, un déplacement vers

la droite de la trachée ou d’un tube endotrachéal, un déplace-

ment vers le bas de la bronche souche gauche, une coiffe

B

A C

Figure 9. A : Pneumomédiastin post-traumatique disséquant lesstructures anatomiques du médiastin, non visualisé sur les radiogra-phies standard masqué par l’emphysème sous-cutané extensif. B :Traumatisme thoracique associé à des fractures pariétales, un pneu-mothorax, et un emphysème sous-cutané, on note aussi un héma-tome rétrosternal associé à un pneumomédiastin. C : Les reconstruc-tions multiplanaires au scanner donnent une meilleure détection despneumomédiastin de faible abondance et apprécient l’extension.

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apicale gauche, un élargissement de la ligne para-vertébrale

gauche en rapport avec un hémothorax (fig. 10). L’échogra-

phie, réalisée rapidement et en urgence pour la recherche de

lésions traumatiques des organes intra-abdominaux permet

grâce à la voie sous xiphoïdienne, la recherche de collection

liquidienne pleurale ou péricardique et grâce à la voie inter-

costale le bilan des lésions cardiaques et de certaines lésions

aortiques [15].

A B C

ED F

G

Figure 10. A : Radiographie pulmonaire de face suite à un TTF montre un élargissement du médias-tin, une coiffe apicale gauche et un déplacement de la ligne para-vertébrale gauche en rapportavec un hémothorax évoquant un traumatisme aortique. B : Angioscanner aortique réalisé à lasuite, confirme la présence d’un hémomédiastin et l’extravasation du produit de contraste parl’intermédiaire d’une fissure au niveau de l’isthme aortique. C : Une artériographie a était réaliséeconfirme la lésion traumatique de l’isthme aortique sous forme d’un faux anévrisme sans extrava-sation active de produit de contraste. D : Une angio-IRM de contrôle réalisée trouve les même cons-tatations : un faux anévrisme au niveau de l’isthme aortique. E, F, G : Polytraumatisé avec TTF, lescanner réalisé avec injection montre une fissure avec fuite de produit de contraste au niveau del’isthme aortique créant un pseudo-anévrisme avec un hémomédiastin de faible abondance.

Imagerie des traumatismes fermés du thorax

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Imagerie des traumatismes fermés du thorax

3333test de formation médicale continue

Feuillets de Radiologie © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 107

Qu’avez-vous retenu de cet article ?Testez si vous avez assimilé les points importants de cet article en répondant à ce questionnaire sous forme de QCM.

1. Chez l’adulte jeune, les traumatismes fermés du

thorax mortel sont secondaire à :

A : Accidents de travail ;

B : Accidents de la voie publique ;

C : Agressions physiques ;

D : Accidents de sports violents ;

E : Intoxication alcoolique ;

F : Tentative de suicide.

2. En dehors de toute urgence vitale, l’échographie

percutanée, réalisée suite à un traumatisme fermé du

thorax, peut mettre en évidence :

A : Un pneumothorax ;

B : Un hémomédiastin ;

C : Une fracture costale ;

D : Un hémothorax ;

E : Une rupture diaphragmatique ;

F : Une lésion aortique.

3. L’utilité de la recherche d’une fracture costale dans les

traumatismes fermés du thorax réside dans :

A : La détection des lésions sous jacente

nécessitant une prise en charge rapide ;

B : La détection des lésions parenchymateuses

nécessitant une surveillance ;

C : Mise en garde des complications

hémorragiques potentielles à bas débit ;

D : Nécessité d’un traitement spécifique adapté ;

E : Détection des fractures des dernières et des

premières côtes ;

F : Risque de pseudarthrose et de déformation

thoracique secondaire.

4. Les lésions traumatiques du diaphragme suite à un

traumatisme thoracique fermé :

A : Sont de diagnostic facile ;

B : Passent rarement inaperçues à l’admission ;

C : Témoignent souvent d’un traumatisme très

sévère ;

D : Les signes radiographiques ne sont pas

spécifiques ;

E : La rupture se produit le plus souvent dans les

régions antéro-latérales ;

F : La TDM avec des reconstructions multiplanaires

a une sensibilité et une spécificité proche de

100 %.

5. Les lésions aortiques dans les traumatismes fermés du

thorax :

A : Représentent plus de 5 % des patients admis

vivant aux urgences ;

B : Elles représentent la lésion traumatique la plus

léthale ;

C : Souvent localisées sur la face antéromédiale de

l’isthme de l’aorte ;

D : L’échographie trans-thoracique peut détecter

une lésion aortique post-traumatique ;

E : Sont souvent associées à un

pneumomédiastin ;

F : Une fracture sternale est très fréquente.

Réponses : page 140