Florensky sur l'art et le temps. Quelques sources grecques

30
Florensky sur l'art et le temps Quelques sources grecques Le traité de Florensky sur L'analyse de la spatialité et le temps dans l'oeuvre d'art figuratif était initialement conçu comme une sorte de manuel pour les cours que celui-ci a donné à Moscou, entre 1921 et 1924, aux Ateliers Supérieurs Techniques et Artistiques de l'État (VKhOUTEMAS). Le 9 Novembre 1924, Florensky formulait ses réflexions 1 au sujet des différences entre le portrait de type Renaissance et le type de représentation caractéristique de l'art des icônes. Un portrait, écivait-il, comprend nécessairement une dimension définie comme «une amplification temporelle des mouvements intérieurs», qui inclut la dynamique de la personnalité. Cependant, il existe aussi «un itinéraire général de la croissance interne de la totalité de la personnalité, qui peut être examiné dans son ensemble, (...) de la même manière que le courant d'un fleuve coexiste avec 1 Florensky, Analiz prostranstvennosti i vremeni v khudozhestvenno-izobrazitel’nykh proizvedeniyakh. Italian translation in Florensky, Lo Spazio e il tempo, p. 187 Misler. 1

Transcript of Florensky sur l'art et le temps. Quelques sources grecques

Florensky sur l'art et le temps

Quelques sources grecques

Le traité de Florensky sur L'analyse de la spatialité

et le temps dans l'oeuvre d'art figuratif  était initialement

conçu comme une sorte de manuel pour les cours

que celui-ci a donné à Moscou, entre 1921 et

1924, aux Ateliers Supérieurs Techniques et

Artistiques de l'État (VKhOUTEMAS). Le 9 Novembre

1924, Florensky formulait ses réflexions1 au sujet

des différences entre le portrait de type

Renaissance et le type de représentation

caractéristique de l'art des icônes.

Un portrait, écivait-il, comprend

nécessairement une dimension définie comme «une

amplification temporelle des mouvements

intérieurs», qui inclut la dynamique de la

personnalité. Cependant, il existe aussi «un

itinéraire général de la croissance interne de la

totalité de la personnalité, qui peut être

examiné dans son ensemble, (...) de la même

manière que le courant d'un fleuve coexiste avec

1 Florensky, Analiz prostranstvennosti i vremeni vkhudozhestvenno-izobrazitel’nykh proizvedeniyakh. Italiantranslation in Florensky, Lo Spazio e il tempo, p. 187Misler.

1

les vagues individuels qui le traversent». Compte

tenu de l'ensemble de la biographie d'une

personne, la tâche du portraitiste doit être

celle de représenter la personnalité de son sujet

dans le cadre de ce courant global (p. 188).

Florensky s'intéressait beaucoup à la nature

et la fonction de la biographie. Dans son ouvrage

intitulé La Signification de l'idéalisme2, il avait écrit

que comprendre quelque chose en tant que

processus signifie additionner les moments à

travers lesquels il surgit, ce qui implique de

saisir le temps comme quatrième coordonné, et

d'envisager le phénomène en question comme

quadridimensionnel. Un exemple en est fourni par

la personnalité d'un être humain: en tant que

manifestée par sa biographie, cette personnalité

ne peut être saisie en en prenant un moment et

l'isolant de son contexte. En effet, chaque

moment d'une telle biographie représente une

section ou une tranche de l'existence de la

personne. Penser l'unité de tous ces moments est

un acte de synthèse, et cette unité se construit

2 Florensky, Smysl idealizma (“The Meaning ofIdealism”), in Sočineniya, vol. 3.2, p. 68-144. Italiantranslation in Florensky, Significato, p. 67-68.

2

non pas dans le temps, mais dans l'éternité3. On

peut effectuer dans son propre esprit la synthèse

des moments temporels du développement d'une

personne ou une chose en contemplant une image

qui contient tous ces moments en son sein, en

tante qu'unité indissoluble: ainsi, l'image d'un

papillon contient, en même temps qu'elle

transcende, toutes les étapes de son

développement, depuis l'oeuf, en passant par la

chenille, la chrysalide à, et enfin le papillon

lui-même, dans lequel culmine ce

développement. C'est en ce sens que le papillon

est l'entéléchie, en sens aristotélicien, ou

l'idée, au sens de Platon, de l'ensemble des

autres étapes de son développement. De la même

façon, chez l'être humain il existe un moment de

la vie qui représente l'acmê de son existence,

moment où la personne en question est davantage

lui-même qu'il ne l'est à n'importe quel autre

moment. Une telle image remplit ainsi la fonction

3 Ailleurs (Section d'or appliquée à la disintégartiondu temps, Sočineniya 3.1, p. 480), Florensky écrit quetout ce qui est né dans le temps vit dans sa propre«éternité biographique». Cf. Zak 2001.

3

de l'Urphänomen, ou du phénomène originaire, de

Goethe4; nous y reviendrons.

Les êtres humains ne sont pas les seuls à

avoir une biographie, cependant, et plus tôt dans

l'Analyse de l'espace et du temps Florensky a recours à

l'exemple intéressant de l'arbre dans sa relation

avec la forêt. L'unité appropriée pour l'étude de

la botanique n'est pas l'arbre isolé, mais la

forêt dont il fait partie. Pourtant, même cette

forêt, en tant qu'entité qui «configure sa propre

forme» (p. 149), c'est-à-dire qui s'attribue sa

propre entéléchie - aujourd'hui, on pourrait

parler d'un système auto-organisateur -, ne doit

pas être envisagé comme dans une photographie,

qui en capterait l'état à un moment dans le

temps. La forêt est plutôt une forme à quatre

dimensions qui s'exprime dans le temps, et un

observateur qui ne prendrait en compte qu'une

section tridimensionnelle de cette forme, ou même

plusieurs de ces sections5, échouerait par

4 Pour emprunter la formule de Boneckaya (2001),l'Urphänomen est une entité dans laquelle l'idée semanifeste dans le phénomène de manière plénière etadéquate.

5 Il en va comme de quelqu'un qui essaierait d'obtenirune conception de la totalité d'un arbre en en examinantune série de tranches tranversales; cf. Analisi p. 138

4

conséquent à en saisir «la biographie dans sa

totalité». La méthode pour comprendre l'existence

quadrimensionnelle de la forêt est à travers «la

contemplation mystique», grâce à la compréhension

d'un symbole qui serait «capable de devenir la

forêt elle-même», de la même façon que l'odeur

d'une fleur peut devenir le symbole non seulement

de la fleur, mais de l'ensemble du paysage dont

elle fait partie. Cette contemplation au moyen de

symboles permet de saisir un objet «dans son

instantanéité».

Selon Florensky6, donc, un portrait réussi de

style Renaissance est susceptible de capter les

ondes individuelles sur la surface de la vie et

de la personnalité d'un être humain. Pourtant, il

est également loisible de tenter de saisir le

courant de l'ensemble du fleuve, courant qui est

constitué par «l'ensemble de la

biographie». Cette tâche, cependant, celle de

représenter la personne dans sa totalité

temporelle, excède les capacités d'un

portraitiste, et ne saurait être réalisé que par

un peintre d'icônes.

6 Analisi, p. 188 f. Misler.

5

L'artiste qui tente de représenter l'ensemble

de la biographie de son sujet ne peut pas se

servir des techniques de représentation

réaliste. Florensky a déjà montré que les

représentations réalistes sont incapables

d'intégrer la quatrième dimension, le temps,

indissociable du mouvement. Suivant en cela

Rodin7, il soutient qu'une série de photographies

d'un cheval au galop sont moins fidèles à la vie

qu'une peinture du cheval, même si celle-ci le

représente dans une position qu'il n'assume

jamais en réalité. Quand il veut représenter un

processus, le vrai artiste en choisit les

éléments les plus importants, caractéristiques de

ses différents moments, et les synthétise en une

seule image (p. 176)8 . Lorsque l'artiste se7 Paul Gsell avait fait remarquer à Rodin que la

photographie - il s'agit des photos d'un cheval au galopprises by Muybridge en 1877 - prouve qu'un chevaln'assume jamais la position que lui attribuaittraditionellement la peinture, les quatre jambespleinement étendues en même temps; c'est ainsi qu'onparle de courir ou de filer «ventre à terre». Ce à quoiRodin rétorqua: «Non, c'est l'artiste qui est véridiqueet c'est la photographie qui est menteuse; car dans laréalité le temps ne s'arrête pas: et si l'artiste réussità produire l'impression d'un geste qui s'exécute enplusieurs instants, son oeuvre est certes beaucoup moinsconventionnelle que l'image scientifique où le temps estbrusquement suspendu». Cf. Rodin, L'art. Entretiens réunis par PaulGsell, Paris: Bernard Grasset, 1911, p. 86.

8 Une image artistique est nécessairement unecoincidentia oppositorum, et constitute donc un

6

laisse guider par une perception vivante de la

réalité, il n'exclut pas de ses images la

profondeur temporelle du thème narrrative (p.

179). En ce sens, on peut distinguer deux

traditions opposées de l'art9: d'un côté, il y a

la vision occidentale, dominée par la

perspective, qui dicte un seul point de vue, un

horizon unique, et exclut la représentation du

temps10; et de l'autre, la tradition de la

peinture d'icônes, qui embrasse le

perspectivisme, le pluralisme et la

représentation du temps.

La représentation d'un portrait artistique

idéal doit donc être générique, car le visage

représenté ne peut être ni jeune ni vieux, il ne

peut représenter ni une émotion spécifique, ni

aucune autre caractéristique spécifique. Mais

cela ne signifie pas que cette représentation

serait une abstraction effectuée à partir de tous

bouleversement de la loi de l'identité; cf. Analisi, p.177.

9 Tout comme il y a, pour Florensky, deux traditionsdans la philosophie occidentale: la traditionplatonicienne et la tradition kantienne; cf. Chapochnikov2013.

10 «Le naturalisme historique, la perspective, et lalutte contre le temps apparaissent en même temps»;Florensky, Analisi, p. 179 Misler.

7

les états du sujet: au contraire, elle en

constitue l'unité concrète et visible. Il s'agit

de la physionomie spirituelle d'une personnalité:

l'idée, au sens platonicien, ou au sens

aristotélicien, son entéléchie. Il s'agit, comme

nous l'avons vu, d'un état dans lequel une

personne est plus lui-même que dans l'une

quelconque des périodes individuelles de sa vie,

comme une chenille est, dans un sens, plus lui-

même comme un papillon que comme un ver. Le

papillon est l'entéléchie ou l'âme secrète de la

chenille (p. 189). Bref, le papillon se révèle

être l'Urphänomen goethéen, c'est-à-dire un

réalité dans laquelle l'Idée se révèle de manière

complète et adéquate dans le phénomène11.

Florensky résume maintenant cette section 81

de son travail. Le portrait biographique a la

tâche de présenter l'unité supratemporelle de la

personnalité. Cela implique une image dans

laquelle la quatrième dimension, ou la coordonnée

temporelle, est examinée par sections, tandis

qu'on la considère généralement en profondeur,

une idée que Florensky attribue à Martin Luther.

11 Sur l'Urphänomen chez Goethe et chez Florensky, cf.Boneckaja 2001.

8

Comme le souligne l'éditeur Misler, la source

de Florensky est ici la Philosophie der Mystik de

Carl du Prel (1839-1899), qu'il lisait dans la

traduction russe de 1895. Dans l'édition

allemande de cet ouvrage, Luther est cité de la

manière suivante12: «Dieu voit le temps non pas

dans le sens de la longueur, mais en coupe

transversale: tout est comme amoncelé devant

lui». Et Du Prel continue: «Luther réduit ainsi

l'omniscience de Dieu (...) à l'imagination

poétique, le mettant en parallèle avec le mode de

la connaissance intuitive du génie, de sorte que

ce qui apparaît comme une succession temporelle à

l'homme qui cherche de manière réfléchie est

transformée en une juxtaposition susceptible

d'être appréhendée d'un seul coup».

L'idée est donc que des événements que la

conscience humaine normale perçoit les uns après

les autres peuvent être perçus par un mode

privilégié de la conscience comme étant

simultanés. Le temps s'en trouve être

spatialisé. Comme Aristote le savait, le temps12 “Gott sieht die Zeit nicht der Lange nach, sondern

der Quere nach an: vor ihm ist alles auf einem Haufen”,Du Prel 1885, p. 89. Cf. Luther, Die ander Epistel S.Petri und eine S. Judas gepredigt und ausgelegt,(1523/24) Weimar Ausgabe 14, 70, 27 ff.; 71.

9

est normalement distingué de l'espace par le fait

que deux de ses parties ne co-existent jamais:

ici, en revanche, les événements temporels sont

perçus côte-à-côte: ils ne se distinguent plus

par leur ordre (en grec, taxis), mais simplement

par leur position (thesis) 13 . C'est le même type de

vision que Boèce attribue à Dieu, qui voit tous

les événements de l'histoire en même temps,

s'étalant de manière simultanée comme sur une

corde à linge.

Dans le cadre de son livre, Du Prel se

référait aussi à un citation (peut-être

apocryphe) de Mozart, qui aurait dit le suivant

au sujet de son processus créatif14:

J'ai l'âme qui brûle, surtout si on me laisse

tranquille. Cela me devient de plus en plus gros,

je le développe, de plus en plus amplement et

clairement. La chose est vraiment presque toute

prête dans ma tête, même si c'est un long

morceau, et je peux désormais embrasser le tout dans mon

13 Sur ce sujet, voir M. Chase, «Damascius and Whiteheadon Time», in J. M. Zamora Calvo, ed., Neoplatonic questions,Berlin: Logos Verlag, 2014, p. 131-148.

14 Mozart, cité par Du Prel, Philosophie der Mystik (Leipzig1885), p. 88-89. Ce texte est cité et discuté parHeidegger in Der Satz vom Grund, p. 117-118.

10

esprit en un seul coup d'oeil, comme s'il s'agissait d'un

beau tableau ou d'un bel homme. Je ne l'entends

point, dans mon imagination, en succession, comme

cela doit arriver par la suite, mais c'est comme

si tout y était à la fois. Quel régal! Toute la

recherche, toute la création ne procède en moi

que comme dans un rêve, beau et fort. Mais ce

qu'il y est de mieux, c'est le fait de sur-

entendre (überhören) l'ensemble, tout à la fois.

Selon Florensky, puisque l'œuvre d'art

musicale découle d'une telle vision intemporelle,

elle peut aussi aider l'auditeur à atteindre un

état de conscience similaire. Lorsqu'on écoute

pour la première fois un morceau difficile de

musique – oeuvre de Mozart ou de Beethoven, par

exemple – celui-ci peut sembler être constitué de

parties indépendantes, dépourvues d'unité. Quant

on l'a écoutée plusieurs fois, par contre, la

musique monte au-dessus du temps, de sorte que

les notes individuelles «deviennent simultanées,

sans toutefois perdre leur ordre». A ce moment-

là, l'œuvre musicale s'installe dans notre esprit

comme «quelque chose d'unitaire, d'instantané et

11

en même temps d'éternel, comme un instant

éternel» 15. Dorénavant, l'oeuvre nous est

présente comme un point ou une monade, contenant

une plénitude organisée du temps. Ce mode de

création ne se limite pas, d'ailleurs, au domaine

de la musique ou de la création artistique en

général, mais s'applique également à la

philosophie, à la poésie et à la science16.

Ce texte me semble intéressant à plusieurs

égards. Par la perception esthétique d'un morceau

de musique, nous sommes capables de dépasser le

temps. En effectuant la synthèse des notes

musicales, qui se produisent successivement dans

le temps, nous pouvons parvenir à un état où nous

les percevons comme simultanées, mais où elles

n'en gardent pas moins leur ordre. Une fois de

plus, nous sommes en présence d'une vision qui

ressemble fortement à celle que Boèce, au

cinquième livre de sa Consolation de la Philosophie,

attribue à Dieu. En effet, dans la philosophie

néoplatonicenne telle qu'adoptée par Boèce, les

15 Analisi 156.16 Je rejoins ici l'analyse de texte proposée par Zák

2014, 146-147.

12

choses sont envisagées comme étant, tout d'abord

dans le monde intelligible, dans un état de

concentration (sunêirêmenon en grec), inétendues et

punctiformes, avant de se «dérouler» comme une

pelote de laine ou de se «déplier» comme une

feuille de papyrus, pour prendre la forme spatio-

temporelle qui sera la leur dans le monde

sensible. Grâce à la perception esthétique, donc,

nous pouvons, pour ainsi dire remonter le cours

de l'émanation néoplatonicienne, parvenant à un

état semblable à celui dans lequel Dieu voit

toutes choses dans un éternel présent. Comme chez

Boèce, les événements que nous voyons

successivement, Dieu les voit de manière

simultanée: il les distingue non plus par leur

ordre successif, mais par leur ordre de priorité

ontologique ou de causalité. Qui plus est, cette

façon de voir les choses ressemble de manière

frappante à la vision de la réalité qui découle

de la théorie de la relativité restreinte

d'Einstein et de Minkowski, et de ses

implications philosophiques telles qu'élaborées

13

par les théoriciens contemporains du soi-disant

«bloc du temps»17.

Nous avons vu les actes de synthèse, comme

par exemple l'acte de synthétiser, à la suite du

compositeur lui-même, les notes d'une oeuvre

musicale, a lieu dans l'éternité, c'est-à-dire

dans un moment que est à la fois éternel et

instantané. Il n'est peut-être pas interdit de

comparer la manière dont, pour un autre

néoplatonicien chrétien, Jean Philopon, Dieu crée

le monde «dans le maintenant» (grec en tôi nun),

d'une manière qui est aussi bien éternelle

qu'instantanée18.

Pour revenir à la section 81 de l'analyse de

l'espace et du temps, Florensky vient d'expliquer

17 Sur ce point, voir M. Chase, “Time and Eternity fromPlotinus and Boethius to Einstein”, ΣΧΟΛΗ, Ancient Philosophyand the Classical Tradition, 8.1 (2014), p. 67-110.

18 Philopon, aet. mundi 4, 4, p. 64, 22-65, 26 Rabe: lacréation du monde par Dieu est assimilée à la projectioninstantanée d'une activité (energeia) à partir d'un état(hexis). En suivant une tradition qui remonte à Porphyreet à Alexandre d'Aphrodise, Philopon compare ce processusatemporal à la projection de la lumière à partir d'unesource d'illumination, à la perception sensorielle et àl'intellection: autant de phénomènes qui, dans lacompréhension des anciens, ont lieu en dehors du temps.

14

comment le portrait biographique doit être

compris au niveau cognitif et

épistémologique. Sur le plan ontologique, nous

dit-il, une telle image ne correspond à rien de

moins qu'au corps de la Résurrection, «qui

combine en lui-même tout ce qu'il y a de profond

et de fort dans les âges singulières de la vie,

et non pas individuellement, mais dans une unité

totalisante» (p. 189 ).

Un portrait réussi, alors, serait un portrait

résurrectionnel. Cependant, dans ce bas monde, un

tel portrait résurrectionnel n'est possible que

comme une prophétie19. Le vrai artiste rend

visible l'invisible, et son portrait, écrit

Florensky,

selon les mots de certains moines, «ayant

atteint l'impassibilité absolue, est déjà

ressuscitée dans cette vie, jusqu'à la

résurrection universelle».

C'est de cette façon, conclut Florensky,

qu'un être humain peut être représenté du point

de vue de l'éternité.19 Cf. 1 Cor. 13 : 9-12.

15

Florensky sur impassibilité: quelques sources

grecques

Dans sa note à ce passage, l'éditrice N.

Misler remarque que la source de cette citation

par Florensky n'a pas été identifiée. Elle note

que la résurrection durant cette vie est un thème

important dans le travail de Syméon le Nouveau

Théologien (949-1022), à l'édition de l'oeuvre

duquel Florensky avait participé.

La chose est certainement

possible20. Cependant je crois que notre texte

pourrait faire allusion aussi à une source encore

plus ancienne: à Jean Climaque qui, peut-être au

premier quart du septième siècle, parle dans

l'étape 29 de son Scala paradisi21 de ceux qui

«définissent l'impassibilité (apatheia) comme la

résurrection de l'âme avant le corps». Pour

Climaque, celui à qui l'apatheia a été accordée

dès cette vie possède Dieu en lui en tant que

20 See, for instance, Symeon, Discourse XIII in Symeonthe New Theologian: Discourses, Mahwah, N.J.: PaulistPress, 1980.

21 PG 88, 1148C : Τινὲς δὲ πάλιν ἀπάθειαν εἶναιὁρίζονται ἀνάστασιν ψυχῆς πρὸ τοῦ σώματος·

16

pilote, pour le guider dans tout ce qu'il dit,

fait, ou pense22. Que Climaque ait exercé une

influence sur Florensky n'a rien d'étonnant: il

est souvent cité comme un précurseur de la prière

de Jésus23, élément clé du mouvement des

Adorateurs du Nom, dont Florensky était parmi les

plus éminents partisans24.

Ainsi, l'une des sources de Florensky a pu

être Jean Climaque. Pourtant Climaque lui-même

n'assume pas cette doctrine comme la sienne

propre, mais l'attribue à «certaines

personnes» (tines). Pouvons-nous suivre ces

théoriciens anonymes à la trace?

Évagre sur l'impassibilité

Je crois que oui. Jean Climaque, quelles que

soient ses mérites, n'est pas un penseur très

22 Cf. Porphyry, Ad Marcellam, 20: “If, then, you alwaysremember that wherever your soul walks and makes the bodyactive, God is there as an overseer (ephoros) in all youracts of will and your actions (...) you will have God asyour co-habitant (sunoikos)”.

23 Cf. Alexander Golitzen, “Pilgrim and community”,Spiritus: a Journal of Christian Spirituality, 2002 vol.2 (2) pp. 236-242, at p. 240.

24 Many passages from the Scala were integrated into thePhilokalia, as were many of the writings of Symeon. OnFlorensky and the Name-Worshippers, cf. Khoruzii 2001.

17

original, mais il dépend souvent d'Évagre le

Pontique (c. 334-399), même s'il ne mentionne

celui-ci qu'une seule fois, et ce avec

désapprobation25. Or dans les Chapitres

gnostiques d'Évagre, ouvrage conservé seulement en

syriaque, nous lisons ceci26 :

La résurrection mineure de l'âme est la

transformation de la passibilité à impassibilité.

Suivant son maître Grégoire de Nazianze 27,

Évagre adhère à la division tripartite

platonicienne de l'âme en la raison (logistikon), la

concupiscence ou le désir (epithumia) et

irascibilité (thumos)28. Pour Évagre,

l'impassibilité (apatheia) est l'état de la vertu:

c'est le résultat de la praktikê, cette méthode de

formation spirituelle qui guérit la partie

passionnée de l'âme du moine - c'est-à-dire, le

25 Evagrius is sometimes cited in the scholia toClimacus: cf. PG 88, 729D (citation of Practical Treatisech. 62); PG 88, 1153D (Practical Treatise ch. 67). Cf.Kallistos Ware, Introduction to John Climachus: TheLadder of Divine Ascent, p. 60-66.

26 Evagrius, Kephalaia Gnostica, 5th century, 22, p. 184Guillaumont. Cf. Guillaumont 2004, 268.

27 Praktikos 89; cf. Tobon 2010, 58 n. 225.28 Praktikos 86; 89.

18

thumos et l'epithumia 29 - en la séparant du corps30.

Puisque, selon une doctrine qui remonte aux

stoïciens, les passions (en grec, pathê) sont

considérés comme des maladies de

l'âme31, l'apatheia est la santé de l'âme32 ; c'est

le vêtement nuptial qu'elle endosse après avoir

renoncé aux désirs de ce monde33.

Florensky parle d'«impassibilité absolue», et

Évagre avait distingué deux formes de

l'apatheia: d'abord, il y en a une forme mineure,

parfois appelée «la petite apatheia», dans laquelle

les passions du corps ou de la partie désirante

de l'âme ont été vaincues. Ici, l'apatheia est un

état de tranquillité de l'âme34, ou de l'âme

rationnelle35. Mais il y a aussi une forme

supérieure de l'apatheia, dans laquelle les

29 Cf. Guillaumont 2004, 208.30 Praktikos 78; 81; KG II, 6.31 Cf. Cicero, Tusculans, II, 17 ; 23.32 Praktikos 56.33 De malignis cogitationibus 22.34 eirênikê katastasis tês psukhês, TP 57. The lower,

precursor forms of apatheia are dealt with in ch. 57-62of the Practical treatise; ch. 63-70 discuss the higherforms of apatheia.

35 Skemmata (ms. Paris graec. 913, p. 38 Muyldermann):Apatheia esti katastasis êremea psukhês logikês.

19

passions de l'âme, y compris celles de la partie

irascible, ont été dominées36.

La véritable apatheia est celle qui est fondée

sur l'établissement des vertus. C'est l'état dans

lequel nous rencontrons les intelligibles37, et le

moine ayant atteint cet état peut désormais être

qualifié de gnostique38. La réalisation de

l'apatheia coïncide avec l'avènement de la prière39,

dans laquelle l'intellect a une vision de lui-

même comme lumineux, couleur saphir, et semblable

à une étoile40. Pour réaliser cette vision de sa

propre lumière, dit Évagre41, l'intellect doit36 Guillaumont & Guillaumont 1989, p. 27.37 KG, I, 85; Greek text in Muyldermanns, Tradition, p.

50, 19: apathês gegonôs kai tois asômatois peritukhôn.Cf. Thoughts 26, 16-17.

38 The gnostic's proper activity is precisely to“contemplate the rational formulae (logoi) of bodies andof incoporeals”; cf. Guillaumont 2004, 269.

39 Prayer without distraction is the intellect's highestintellection; cf. Evagrius, Prayer ch. 35 in thePhilocalia, I, p. 180, cited by Guillaumont 2004, 276.Although a necessary condition, apatheia is not, however,sufficient for the achievement of true prayer; cf. Prayer55.

40 Guillaumont 2004, 302 & n. 4, citing Thoughts 43, KGV, 15; Reflections 25. In this state of ceaseless prayer(Praktikos 63), which is the highest level ofcontemplation, the monk begins to perceive his own light,in the form of the colours of sapphire and the heavens(Praktikos 64), an allusion to the theophany of Exodus24, 10 (Thoughts 39; cf. Reflections 2.9). This occurswhen the nous has put off the old man and donned the manof grace (Col. 23:9-10; cf. Tobon 2011, 53).

41 Evagrius, Reflections 2, cited by Guillaumont 2004,303.

20

atteindre l'apatheia, puis se libérer de toutes les

représentations42.

Comme son nom l'indique, l'apatheia implique

la suppression des passions, mais seulement dans

le sens des perturbations malsaines et contre

nature de l'équilibre inhérent43. L'epithumia et le

thumos, qui ensemble constituent la partie

passionnée de l'âme, ne doivent pas être

éliminés, car ils sont nécessaires pour

poursuivre la lutte spirituelle contre les

démons. L' apatheia est atteinte lorsque chacune

des trois parties de l'âme est guérie de ce qui

la fait souffrir, et agit selon sa propre

nature44.42 Likewise, Porphyry (On abstinence, I, 30) speaks of

the things that lead us away from sensible things andtoward the life that is intellective, withoutrepresentations, and impassible (ἀνάγοντα δὲ πρὸς νοερὸνκαὶ ἀφάνταστον ἀπαθῆ τε ζωὴν). Cf. Synesius, On Dreams,7: “we do not carry out our thoughts withoutrepresentation (aphantastous), unless someone has oncehad, in an instant, a contact with an immaterial form.But to rise above representation (phantasia) is no lessdifficult than it is blessed”.

43 According to Dorotheus of Gaza, it is achieved byeliminating one's own will (20, 11-13, cited by Hadot,loc. cit. p. 70).

44 Likewise, in the first stage of Porphyry's schema ofthe virtues (Sentence 32), the political virtues,temperance is interpreted as the agreement of thedesiring part of the soul with its rational part, whilejustice is the fact that each faculty minds its ownbusiness (oikeiopragia) as far as ruling and being ruled

21

L'Apatheia est l'état caractéristique des

anges, et si l'homme peut la réaliser, lui aussi

devient ange45. Pourtant, ce n'est pas là un but

qui est à poursuivre pour son propre intérêt,

mais parce qu'il conduit à la gnôsis ou

connaissance spirituelle.

Pour être pleinement comprise, la doctrine

évagrienne de l'apatheia doit être restituée dans

le contexte de l'enseignement du progrès

spirituel.

Évagre sur le progrès spirituel

Même s'il rend compte de son système de

diverses manières dans ce qui nous reste de ses

volumineux écrits, Évagre tient essentiellement à

un version du progrès spirituel qui se déroule en

trois étapes.

Dans la première étape, le moine passe, par

le biais de la pratique (praktikê) des vertus, de

are concerned. For Evagrius, justice cultivates concordand harmony between the parts of the soul (Praktikos 89).

45 Man can become equivalent to the angels through trueprayer, cf. Prayer 113. It is not always clear, however,whether this transition can occur in this life, or onlypost mortem; cf. Dysinger 2001, p. 2, citing Evagrius,Scholion 8 on Psalm 1: 5(1).

22

son état initial de vice et d'ignorance à l'état

de l' apatheia46. Il procède ensuite à la

«contemplation naturelle» (theôria) ou à la

connaissance (gnôsis), étape qui correspond à la

physique ou à l'étude des phénomènes naturels. La

connaissance naturelle ou la contemplation est

elle-même subdivisée en deux: on commence avec la

seconde contemplation naturelle, correspondant

à apatheia imparfaite, qui est la connaissance des

êtres matériels, visibles, corporels, saisis dans

leurs formules rationnelles (logoi). Le moine

progressant passe alors à la première

contemplation naturelle, correspondant

à l'apatheia parfaite, qui est la connaissance des

êtres premiers et invisibles, c'st-à-dire des

natures rationnelles et immatérielles. Enfin, le

moine atteint la phase finale de la connaissance

de la Sainte Trinité, autrement connue comme la

théologie ou la béatitude ultime47.

46 Sometimes (Prologue to his Praktikos §§48-51), thestage of love (agapê), made possible by apatheia, isinserted between the stages corresponding to ethics andto physics respectively.

47 Praktikos 1-3; Prologue 8.

23

Comme Pierre Hadot l'a constaté48, ce parcours

correspond à la division, courante dans la

philosophie antique, des parties de la

philosophie en éthique, physique et métaphysique.

À l'éthique, comprise comme purification

préalable, correspond la praktiké évagrienne; à la

physique, entendue comme l'étude des réalites

sensibles et intelligibles, correspond la physikê.

Enfin, à la contemplation de la Sainte Trinité

correspond ce qu'Évagre appelle la théologie,

équivalente à la métaphysique.

Une distinction qui va de pair avec ce schéma

tripartite est celle que fait Évagre entre le

Royaume des Cieux et le Royaume de Dieu. Le

Royaume des Cieux correspond à la Physique, le

Royaume de Dieu à la Théologie. Lorsqu'elle est

unie à la vraie connaissance des choses

existantes, l'apatheia peut être appelée le

Royaume des Cieux49. Tandis que le royaume des48 Cf. P. Hadot, Qu'est-ce que la philosophie antique?,

Paris: Gallimard 1995, p. 374-37549 Praktikos 2; KG V, 30; In Ps. 36, 11 (= Pseudo-

Origen, PG 12, 1317B). The Kingdom of Heaven, sometimescalled the Kingdom of Christ, is natural knowledge or theknowledge of beings, achieved by apatheia: KG V, 30. Cf.Pierre Hadot, Exercices spirituels et philosophieantique, troisième édition revue et augmentée, Paris:Études Augustiniennes, 1993, p. 70-71.

24

cieux est donc l'apatheia de l'âme unie à la vraie

connaissance des êtres, le Royaume de Dieu est la

connaissance de la Sainte Trinité50.

C'est donc la doctrine évagrienne de

l'apatheia qui explique, me semble-t-il, la

référence rapide de Florensky à celui qui «ayant

atteint l'impassibilité absolue, est déjà

ressuscitée dans cette vie, jusqu'à la

résurrection universelle». Il serait possible

d'aller plus loin dans la recherche des sources:

en effet, je crois qu'on peut montrer qu'Évagre

adopte l'enseignement de Porphyre au sujet de

l'apatheia. Et bien sûr, on pourrait poursuivre la

recherche au-delà de Porphyre: à son maître

Plotin, à Philon d'Alexandrie, et jusqu'aux

Stoïciens.

Conclusion: Dans quelle mesure Florensky est-

il néoplatonicien?

50 Le royaume de Dieu est, en fait, lacontemplation (theôria) de tous les éons, à la fois ceuxqui sont venus à être et ceux qui viendront à êtrePseudo-Origen, In Ps., 10, 16, PG 12, 1196 B-C.

25

Partant de la théorie de Florensky de la

relation entre l'art et la biographie, nous avons

été en mesure de retracer une partie de

l'histoire de sa remarque sur la réalisation de

l'impassibilité absolue dans sa relation à la

résurrection dans cette vie. Nous avons suivi

cette notion à la trace, en passant par Jean

Climaque, jusqu'à Évagre le Pontique, l'élève de

Basile de Césarée et de Grégoire de

Nazianze. Enfin, nous avons pu suggérer, même si

nous n'avons pas eu le temps de le prouver, que

la doctrine évagrienne de limpassibilité

(apatheia) peut bien avoir été influencée par les

enseignements du philosophe païen néoplatonicien

Porphyre de Tyr. On peut donc parler dans ce cas

d'une influence au moins indirecte du

néoplatonise sur la pensée de Florensky.

Pouvons-nous aller plus loin, et caractériser

le penseur russe comme étant carrément

néoplatonicien?

La recherche récente a donné au moins deux

principales réponses positives à cette question.

26

En 2001, Sergey Koruzhii soutient que

Florensky est parmi les fondateurs de ce qu'il

appelle «l'école moscovite néoplatonicienne»51,

école qui vise à fournir une justification

philosophique pour la doctrine des Adorateurs du

Nom, en combinant la philosophie de Soloviev avec

la doctrine palamite de l'essence et de

l'énergie. Tout comme Plotin a déclenché

l'évolution du platonisme au néoplatonisme en

combinant la doctrine aristotélicienne de l'energia

avec l'essentialisme platonicien, de la même façon

Florensky et ses collègues auraient transformé le

platonisme chrétien en néoplatonisme chrétien. Le

paradigme ontologique de Florensky est celui,

néoplatonicien, d'un cosmos qui consiste en une

hiérachie de sphères concentriques qui symbolisent

les les unes avec les autres, en ne différant que

par le degré de présence du noumène au sein du

phénomène.

Écrivant une décennie plus tard, Chiara

Cantelli soutient que, si Florensky est

néoplatonicien, c'est la variété jambliquéene du

néoplatonisme qui le caractérise, plutôt que celle

qui est représentée par un Plotin ou un Porphyre. A

51 Parmi les autres membres de cette «École» figurentles noms de Bulgakov, Ern, Novoselov

27

l'appui de sa thèse, cette historienne cite la

conception florenskyienne des idées platoniciennes

comme des visages de dieux tels que ceux-ci se

manifestent dans les religions à mystères52, et

surtout les ressemblances qu'elle constate entre la

doctrine florenskienne des icônes et la théurgie de

souche jambliquéenne. La thèse de C. Cantelli se

trouve renforcée par une considération d'ordre

historique: il semblerait que vers 1908, Florensky

s'intéressait à Jamblique au point qu'il songeait à

le choisir comme sujet pour sa thèse de maîtrise.

J'ajouterai une dernière considération à

l'appui de la thèse d'un Florensky fondamentalement

jambliquéen. Même s'il était un scientifique

chevronné, Florensky gardait une attitude de

méfiance vis-à-vis de la faculté humaine de la

raison. S'il admire Platon, par exemple, c'est

qu'il le considère comme un penseur

fondamentalement «magique». La connaissance,

écrivait-il vers 1908, «est illimitée dans sa

substance, et donc irrationnelle (irrational’no»53. Or

52 Voir par exemple Significato 143-14453 Florensky, «Les limites de la gnoséologie.

L'Antinomie fondamentale de la théorie de laconnaissance», dans Sočineniya v četerech tomach, Moscou1995, t. II, pp. 59-60, cité par Zak 2014, 148.

28

dans l'Antiquité Tardive, on était bien conscients

de la différence entre la philosophie plotino-

porphyrienne, pour laquelle la raison, en tant que

la faculté humaine suprême, suffit pour assurer la

remontée dans le monde intelligible, et celle de

Jamblique et de ses successeurs, pour lesquels il

existe une faculté au-dessus de la raison, qui

seule est en mesure d'assurer à l'homme la

réunification avec le divin. On n'a qu'à se

souvenir du témoignage de Damascius, pour lequel

«quelques-uns préfèrent la philosophie, comme

Porphyre et Plotin et beaucoup d'autres

philosophes, d'autres la hiératique, comme

Jamblique, Syrianus, Proclus, et tous les autres»54.

C'est Jamblique lui-même qui rend le mieux

compte de ce contraste:

...ce n'est pas la pensée qui unit les

théurges aux dieux; sinon, qu'est-ce qui

empêcherait ceux qui pratiquent la philosophie de

façon spéculative d'obtenir l'union théurgique avec

les dieux? En fait, il n'en va pas vraiment de la

sorte, mais c'est la célébration des actes qui sont

54 Damascius, In Phaed., 1, t. I, p. 172, 1-3 Wetserink.

29

indicibles et accomplis religieusement au-delà de

toute intellection, et aussi le pouvoir des

symboles inexprimables, compris seulement des

dieux, qui procurent l'union théurgique.

Reste à savoir, enfin, si cette tendance

florenskienne à l'irrationalisme est à mettre en

rapport avec les inquiétantes accusations d'anti-

sémitisme virulent qui ont été récemment

soulevées contre lui55.

55 Voir Hagemeister 2001.

30