Description et analyse des attitudes et attributions paternelles favorables á la punition...

12
Description et analyse des attitudes et attributions paternelles favorables a ` la punition corporelle Marie-E ` ve Cle ´ment Universite ´ du Que ´bec en Outaouais Sarah Dufour et Claire Chamberland Universite ´ de Montre ´al Diane Dubeau Universite ´ du Que ´bec en Outaouais A ` ce jour, peu d’e ´tudes se sont penche ´es sur les attitudes des pe `res a ` l’e ´gard de la discipline parentale. L’objectif de cette e ´tude vise a ` combler cette lacune en documentant les facteurs susceptibles d’expliquer l’adoption d’attitudes favorables a ` la punition corporelle aupre `s d’un e ´chantillon repre ´sentatif de pe `res que ´be ´cois. Au total, 953 pe `res ont participe ´a ` une enque ˆte de population par sondage te ´le ´phonique. Parmi les variables retenues dans le mode `le d’analyse, on retrouve : la sensibilite ´ face aux conse ´quences de la violence, la pre ´sence de punition corporelle envers l’enfant, la perception du niveau de pauvrete ´, la violence dans l’enfance des pe `res, le nombre de personnes dans le me ´nage et le stress parental associe ´ au tempe ´rament de l’enfant. Une apparente contradiction dans les attitudes paternelles est toutefois souleve ´e; les pe `res sont a ` la fois de ´favorables au recours a ` la punition corporelle, mais tole ´rants face a ` son utilisation. La discussion ouvre la voie a ` une analyse plus large et au ro ˆle potentiel des variables personnelles et contextuelles dans l’explication des attitudes paternelles. Mots-cle ´s : attitudes parentales, pe `res, punition corporelle, attributions, violence Depuis quelques de ´cennies, la violence a ` l’endroit des enfants en contexte familial fait l’objet d’une attention croissante de la part des chercheurs, gestionnaires et intervenants sociaux. Au sens large, la notion de violence englobe ge ´ne ´ralement des conduites a ` la fois de nature physique et psychologique dans un continuum de gravite ´, allant des comportements se ´ve `res a ` des comportements con- side ´re ´s mineurs tels que la punition physique et l’agression psy- chologique (Chamberland, 2003; Miller-Perrin & Perrin, 2007). Dans cet esprit, la violence physique se ´ve `re concerne tout acte de nature physique commis par un adulte qui de ´passe le niveau de se ´ve ´rite ´ permis par la loi et qui pre ´sente pour l’enfant un risque e ´leve ´ de blessures (par ex., donner un coup de poing ou un coup de pied a ` l’enfant, saisir l’enfant par le cou et lui serrer la gorge, frapper l’enfant ailleurs que sur les fesses avec un objet dur comme une ceinture, lancer ou jeter l’enfant par terre). La violence phy- sique mineure renvoie, pour sa part, a ` tout acte physique ayant pour objectif de corriger ou contro ˆler un comportement inde ´sirable de l’enfant en lui infligeant une certaine douleur (Gershoff, 2002; Straus, 2001). Bien qu’il existe actuellement une certaine ambiguı ¨te ´ dans la litte ´rature concernant l’utilisation interchangeable des termes violence physique mineure et punition corporelle (Gershoff, 2002), il s’agit dans tous les cas de conduites socialement et le ´galement accepte ´es, utilise ´es dans l’exercice du ro ˆle parental et dont les risques de blessures pour l’enfant sont conside ´re ´s minimes (par ex., donner une tape sur les fesses de l’enfant a ` main nue, donner une tape sur la main, le bras ou la jambe, pincer l’enfant pour le punir) (Straus, Hamby, Finkelhor, Moore & Runyan, 1998; Wauchope & Straus, 1990). Aussi, malgre ´ l’ambiguı ¨te ´ qui pre ´vaut actuellement dans la litte ´rature, le terme punition corporelle (PC) sera utilise ´ dans le pre ´sent article pour de ´signer l’ensemble des ces conduites conside ´re ´es le ´gales et accepte ´es au Que ´bec et au Canada au terme de l’article 43 du Code Criminel Canadien (Trocme ´, Durrant, Marwah & Ensom, 2004). L’ampleur de la violence physique se ´ve `re et de la PC envers l’enfant dans la famille a e ´te ´ estime ´e par quelques e ´tudes popula- tionnelles. Aux E ´ tats-Unis, par exemple, les donne ´es de la dernie `re enque ˆte te ´le ´phonique re ´alise ´e aupre `s d’un e ´chantillon repre ´sentatif de 1000 parents (me `res et pe `res) indiquent que 86 % d’entre eux auraient eu recours a ` l’agression psychologique, 61 % a ` la PC, et 5%a ` la violence physique se ´ve `re au cours d’une anne ´e (Straus, Hamby, Finkelhor, Moore & Runyan, 1998). Au Que ´bec, la derni- e `re enque ˆte provinciale re ´ve `le des taux similaires avec 80 % des parents qui de ´clarent avoir recours a ` l’agression psychologique, 43 % a ` la PC et 6 % a ` la violence physique se ´ve `re au cours d’une anne ´e (Cle ´ment, Chamberland, Co ˆte ´, Dubeau & Beauvais, 2005). Les conse ´quences a ` court terme et a ` long terme de la violence physique se ´ve `re sur le de ´veloppement des enfants sont bien docu- mente ´es. On sait par exemple qu’elle peut entraı ˆner des proble `mes d’attention et d’hyperactivite ´, de l’agressivite ´ dans les interactions sociales, de l’isolement social et des troubles de comportement pouvant aller jusqu’a ` la de ´linquance et la toxicomanie a ` l’adolescence et l’a ˆge adulte (Crittenden, 1998). Quelques e ´tudes longitudinales ont e ´galement documente ´ les conse ´quences ne ´ga- Marie-E ´ ve Cle ´ment et Diane Dubeau, De ´partement de Psychoe ´ducation et de Psychologie, Universite ´ du Que ´bec en Outaouais; Sarah Dufour, De ´partement de Psychoe ´ducation, Universite ´ de Montre ´al; Claire Cham- berland, E ´ cole de Service Social, Universite ´ de Montre ´al. Toute correspondance concernant le pre ´sent article doit e ˆtre adresse ´e a ` Marie-E ´ ve Cle ´ment, De ´partement de Psychoe ´ducation et de Psychologie, Universite ´ du Que ´bec, Case Postale 1250, Succursale Hull, Gatineau, QC J8X 3X7. Courriel : [email protected] Canadian Journal of Behavioural Science © 2009 Canadian Psychological Association 2009, Vol. 41, No. 1, 11–21 0008-400X/09/$12.00 DOI: 10.1037/a0013564 11

Transcript of Description et analyse des attitudes et attributions paternelles favorables á la punition...

Description et analyse des attitudes et attributions paternelles favorables ala punition corporelle

Marie-Eve ClementUniversite du Quebec en Outaouais

Sarah Dufour et Claire ChamberlandUniversite de Montreal

Diane DubeauUniversite du Quebec en Outaouais

A ce jour, peu d’etudes se sont penchees sur les attitudes des peres a l’egard de la discipline parentale.L’objectif de cette etude vise a combler cette lacune en documentant les facteurs susceptibles d’expliquerl’adoption d’attitudes favorables a la punition corporelle aupres d’un echantillon representatif de peresquebecois. Au total, 953 peres ont participe a une enquete de population par sondage telephonique. Parmiles variables retenues dans le modele d’analyse, on retrouve : la sensibilite face aux consequences de laviolence, la presence de punition corporelle envers l’enfant, la perception du niveau de pauvrete, laviolence dans l’enfance des peres, le nombre de personnes dans le menage et le stress parental associeau temperament de l’enfant. Une apparente contradiction dans les attitudes paternelles est toutefoissoulevee; les peres sont a la fois defavorables au recours a la punition corporelle, mais tolerants face ason utilisation. La discussion ouvre la voie a une analyse plus large et au role potentiel des variablespersonnelles et contextuelles dans l’explication des attitudes paternelles.

Mots-cles : attitudes parentales, peres, punition corporelle, attributions, violence

Depuis quelques decennies, la violence a l’endroit des enfantsen contexte familial fait l’objet d’une attention croissante de la partdes chercheurs, gestionnaires et intervenants sociaux. Au senslarge, la notion de violence englobe generalement des conduites ala fois de nature physique et psychologique dans un continuum degravite, allant des comportements severes a des comportements con-sideres mineurs tels que la punition physique et l’agression psy-chologique (Chamberland, 2003; Miller-Perrin & Perrin, 2007).

Dans cet esprit, la violence physique severe concerne tout actede nature physique commis par un adulte qui depasse le niveau deseverite permis par la loi et qui presente pour l’enfant un risqueeleve de blessures (par ex., donner un coup de poing ou un coup depied a l’enfant, saisir l’enfant par le cou et lui serrer la gorge,frapper l’enfant ailleurs que sur les fesses avec un objet dur commeune ceinture, lancer ou jeter l’enfant par terre). La violence phy-sique mineure renvoie, pour sa part, a tout acte physique ayant pourobjectif de corriger ou controler un comportement indesirable del’enfant en lui infligeant une certaine douleur (Gershoff, 2002; Straus,2001). Bien qu’il existe actuellement une certaine ambiguıte dansla litterature concernant l’utilisation interchangeable des termesviolence physique mineure et punition corporelle (Gershoff, 2002),il s’agit dans tous les cas de conduites socialement et legalement

acceptees, utilisees dans l’exercice du role parental et dont lesrisques de blessures pour l’enfant sont consideres minimes (parex., donner une tape sur les fesses de l’enfant a main nue, donnerune tape sur la main, le bras ou la jambe, pincer l’enfant pour lepunir) (Straus, Hamby, Finkelhor, Moore & Runyan, 1998;Wauchope & Straus, 1990). Aussi, malgre l’ambiguıte qui prevautactuellement dans la litterature, le terme punition corporelle (PC)sera utilise dans le present article pour designer l’ensemble des cesconduites considerees legales et acceptees au Quebec et au Canadaau terme de l’article 43 du Code Criminel Canadien (Trocme,Durrant, Marwah & Ensom, 2004).

L’ampleur de la violence physique severe et de la PC enversl’enfant dans la famille a ete estimee par quelques etudes popula-tionnelles. Aux Etats-Unis, par exemple, les donnees de la derniereenquete telephonique realisee aupres d’un echantillon representatifde 1000 parents (meres et peres) indiquent que 86 % d’entre euxauraient eu recours a l’agression psychologique, 61 % a la PC, et5 % a la violence physique severe au cours d’une annee (Straus,Hamby, Finkelhor, Moore & Runyan, 1998). Au Quebec, la derni-ere enquete provinciale revele des taux similaires avec 80 % desparents qui declarent avoir recours a l’agression psychologique,43 % a la PC et 6 % a la violence physique severe au cours d’uneannee (Clement, Chamberland, Cote, Dubeau & Beauvais, 2005).

Les consequences a court terme et a long terme de la violencephysique severe sur le developpement des enfants sont bien docu-mentees. On sait par exemple qu’elle peut entraıner des problemesd’attention et d’hyperactivite, de l’agressivite dans les interactionssociales, de l’isolement social et des troubles de comportementpouvant aller jusqu’a la delinquance et la toxicomanie al’adolescence et l’age adulte (Crittenden, 1998). Quelques etudeslongitudinales ont egalement documente les consequences nega-

Marie-Eve Clement et Diane Dubeau, Departement de Psychoeducationet de Psychologie, Universite du Quebec en Outaouais; Sarah Dufour,Departement de Psychoeducation, Universite de Montreal; Claire Cham-berland, Ecole de Service Social, Universite de Montreal.

Toute correspondance concernant le present article doit etre adressee aMarie-Eve Clement, Departement de Psychoeducation et de Psychologie,Universite du Quebec, Case Postale 1250, Succursale Hull, Gatineau, QCJ8X 3X7. Courriel : [email protected]

Canadian Journal of Behavioural Science © 2009 Canadian Psychological Association2009, Vol. 41, No. 1, 11–21 0008-400X/09/$12.00 DOI: 10.1037/a0013564

11

tives de la PC. Les enfants punis physiquement seraient plus arisque de manifester des conduites agressives a l’endroit de leurspairs, des problemes de comportement ainsi que des troublesd’ordre psychologique comme la depression, les ideations suici-daires et l’alcoolisme a l’age adulte (Gershoff, 2002; Grogan-Kaylor, 2004; Thomas, 2004). La communaute scientifique de-meure toutefois divisee sur la question des effets de la PC sur ledeveloppement des enfants puisque, comme dans les autres typesde violence envers les enfants, la tres grande majorite des etudesont eu recours a des devis correlationnels qui ne permettent pasd’etablir de relation causale (Gershoff, 2002). De plus, il importede considerer la presence de variables moderatrices dans l’etudedes effets de la PC. A cet egard, plusieurs chercheurs ont suggereque le contexte et le style parental agiraient de concert avec ladiscipline physique pour produire des effets positifs ou negatifs.Ainsi, la PC exercee dans un contexte de communication par unparent a la fois ferme et chaleureux, mais non controlant, produi-rait des effets plus benefiques que celle administree dans uncontexte controlant en l’absence de chaleur parentale (Baumrind,Larzelere & Cowan, 2002; Grusec & Goodnow, 1994; Larzelere,2000). Ces resultats ne font toutefois pas l’unanimite et plusieursauteurs condamnent la PC comme methode disciplinaire en raisonde l’absence d’effets positifs scientifiquement demontres, de sesconsequences potentielles sur l’integrite physique et psy-chologique des enfants et de ses liens avec la violence physique etpsychologique plus severe (Durrant & Ensom, 2004; Straus, 2001).

Parmi les facteurs les plus souvent associes a la punition phy-sique, on retrouve les attitudes et les attributions parentales. Plusparticulierement, les etudes ont montre que le fait d’approuver laPC (Fortin, Chamberland & Lachance, 2000; Holden, Coleman &Schmidt, 1995; Jackson et al., 1999) et l’efficacite percue de cettemethode (Holden, Miller & Harris, 1999) sont associes a sonrecours plus frequent. Les donnees de la premiere enquete panquebecoise sur la violence familiale mettaient egalement en evi-dence que les parents en accord avec le recours a la PC dansl’education des enfants rapportent davantage d’agressions psy-chologiques que les parents en desaccord avec son utilisation(Clement, Bouchard, Jette & Laferriere, 2000). Le fait d’attribuerles causes de la violence et de la PC a l’enfant est egalement associea un recours plus frequent a des conduites de violence physique severeet de punition corporelle (Fortin & Lachance, 1996; Paz Montes, DePaul & Milner, 2001; Pinderhughes, Dodge, Bates, Pettit &McFadyen-Ketchum, 1999). Les parents qui attribuent les transgres-sions de l’enfant a son manque de controle interne, qui blamentl’enfant ou qui innocentent l’agresseur sont plus susceptibles d’yrecourir (Bugental & Clayton, 1999; Fortin et al., 2000; Rodriguez &Sutherland, 1999; Smith Slep & O’Leary, 1998).

En outre, les recherches montrent aussi que les parents ayant faitl’objet de violence dans leur enfance sont plus nombreux a etrefavorables a la PC (Covell, Grusec & King, 1995; Muller, Hunter& Stollak, 1995; Rodriguez & Sutherland, 1999). D’ailleurs,l’analyse des donnees de l’enquete quebecoise sur la violencefamiliale a montre la presence de liens a la fois entre la violencevecue par les meres dans l’enfance et leurs attitudes a l’egard de lapunition physique envers les enfants, et entre la violence vecuedans l’enfance et la declaration d’agression psychologique et dePC envers l’enfant (Clement et al., 2000; Clement & Bouchard,2003).

Quelques etudes ayant adopte une analyse comparative selon legenre parental ont montre, pour leur part, que les meres adoptentdes attitudes moins favorables a la PC que les peres (Flynn, 1998;Straus & Mathur, 1996; Tiller, 1991). Certains chercheurs ontaussi emis l’hypothese que meres et peres agiraient differemmentselon que leur enfant est une fille ou un garcon et adapteraientleurs pratiques parentales en consequence (Simons, Whitbeck,Conger & Wu, 1991). Par exemple, dans une etude de Burbach(2003), les peres de milieux defavorises utilisaient moins de com-portements reconfortants avec leurs garcons qu’avec leurs filles.La transmission intergenerationnelle de la violence et de la PC,habituellement documentee chez un parent sur trois (Clement &Bouchard, 2003), semble aussi s’operer differemment selon legenre parental, les femmes reproduisant davantage les comporte-ments coercitifs que les hommes (Cappell & Heiner, 1990; Rutter,1989). L’interpretation de ces resultats invite toutefois a la pru-dence puisque la grande majorite des etudes a ete realisee unique-ment aupres des meres (Langeland & Dijkstra, 1995). Par ailleurs,deux etudes ont teste des modeles de transmission intergeneration-nelle de coercition parentale separement pour les hommes et lesfemmes (Muller, 1995; Simons et al., 1991). Le modeled’apprentissage social genere par les deux etudes s’avere un peuplus puissant pour predire la transmission de la violence par lesmeres, bien que les resultats permettent egalement de predire cellepar les peres.

Les resultats precedemment cites proviennent de recherches quiont adopte des perspectives comparative et differentielle. Or,d’autres etudes portent exclusivement sur les pratiques, cognitionsou caracteristiques des environnements des peres. A titred’exemple, dans une etude quebecoise realisee aupres de 468 peresde familles biparentales vivant avec un enfant age entre 0 et 6 ans,Paquette et ses collegues (2000) mettent en evidence que les peresde type autoritaire presentent davantage de risque de maltraiter unenfant que les peres de type stimulant ou permissif. En effet, cesperes presentent une combinaison de facteurs de risque personnelset sociaux generalement associes a la violence parentale, dont unniveau eleve de stress parental, des attitudes favorables a la PC, unplus faible niveau d’engagement de la part de la mere (absence desoutien) et un nombre eleve d’enfants dans la famille.

En somme, malgre l’interet croissant porte a l’epidemiologie dela PC, on constate que cette problematique est encore le plussouvent abordee du point de vue des meres. Peu d’etudes ont eneffet porte explicitement sur le role des peres dans les famillesfaisant usage de violence et de PC (Guille, 2004; Lamb, 2001).Pourtant, l’etude d’incidence quebecoise met en evidence leurcontribution dans l’environnement des enfants signales a la pro-tection de la jeunesse (Mayer, Dufour, Lavergne, Girard &Trocme, 2006). En outre, il est desormais bien etabli que les peressont plus engages aupres de leurs enfants que ne l’etait leur proprepere (Pleck, 1997). Bien que la qualite et la quantite de cetengagement varient d’une famille a l’autre (Turcotte, Dubeau,Bolte & Paquette, 2001), on ne peut plus nier cette sourced’influence sur le bien-etre et le developpement des enfants.

Objectifs de l’etude

La presente etude vise deux objectifs. Dans un premier temps,elle vise a decrire les attitudes generales et attributives des peres al’egard de la PC a partir des resultats d’une enquete de popula-

12 CLEMENT, DUFOUR, CHAMBERLAND ET DUBEAU

tion representative des familles du Quebec. Par la suite, l’etudevise a degager, par le biais d’une analyse de regression lineairemultiple, les facteurs associes aux differentes attitudes et attri-butions paternelles.

Methodologie

Description de l’enquete

Les donnees de cette etude sont issues de la seconde edition del’enquete sur la violence familiale realisee par la Direction SanteQuebec de l’Institut de la statistique du Quebec en 2004 (Clementet al., 2005). Cette enquete transversale visait a mesurer la pre-valence et l’evolution quinquennale des attitudes et pratiques pa-rentales de discipline a caractere violent (violence physique severe,PC et agression psychologique) aupres de deux echantillons inde-pendants et representatifs des menages du Quebec. Le premierechantillon est similaire a celui de l’enquete precedente (Clementet al., 2000); il est compose de l’ensemble des enfants ages entre0 et 17 ans vivant dans un menage prive du Quebec et cohabitantau moins 50 % du temps avec une femme (mere, belle-mere,nouvelle conjointe du pere, tutrice, etc.). Or, comparativement a lapremiere enquete qui avait documente le phenomene uniquementdu point de vue des meres, la seconde edition a ete bonifiee parl’ajout d’un echantillon independant compose de l’ensemble desenfants vivant dans un menage prive du Quebec et cohabitant aumoins 50 % du temps avec un homme faisant figure de pere (perebiologique ou beau-pere de l’enfant, nouveau conjoint de la mere,tuteur, etc.).

C’est a partir de ce deuxieme echantillon qui, une fois pondere,s’avere representatif de l’ensemble des familles du Quebec dont unenfant mineur habite au moins la moitie du temps avec une figurepaternelle, que les analyses de la presente etude ont ete realisees.Il a ete constitue a partir d’une base de sondage formee de numerosde telephone generes aleatoirement avec elimination des banquesinvalides (GANT), base de sondage qui couvre 95 % de la popu-lation visee. La collecte de donnees a ete realisee par une firme desondage par le biais d’entrevues telephoniques assistees par ordi-nateur. Les numeros de telephone echantillonnes ont ete repartisproportionnellement a la taille des trois sous populations sui-vantes : region metropolitaine de recensement (RMR) de Mon-treal, autres RM du Quebec, et reste du Quebec. A l’interieur dechacun des menages, un seul enfant a ete selectionne au hasard demaniere a ce que les questions soient posees en fonction decelui-ci. La langue d’entrevue etait laissee au choix des peres. Lamajorite des entrevues se sont deroulees en francais (92 %) et 8 %se sont deroulees en anglais. La duree moyenne de l’entrevue etaitde 16 minutes (E.T. � 3,7).

Participants

Au total, 953 peres ont complete le questionnaire d’entrevue.Dans la majorite des cas, ils habitent avec la mere biologique(84 %); les autres vivent dans des familles recomposees (10 %) oumonoparentales (5 %). Cinquante-sept pour-cent des peres (57 %)se declarent maries au moment de l’enquete, 37 % vivent en unionlibre et 7 % se disent celibataires, divorces ou veufs. Dans plus dutiers des menages, les peres se percoivent a l’aise financierement(40 %) alors qu’un pere sur quinze s’estime pauvre ou tres pauvre

(7 %). Dans la presque totalite des cas, ils declarent occuper unemploi remunere au moment de l’entrevue (93 %). L’age des peresvarie entre 19 et 69 ans, avec une moyenne de 40 ans (E.T. � 7,5).Enfin, plus de la moitie des peres ont complete une scolarite deniveau collegial ou universitaire (61 %) alors que 39 % ontatteint un niveau d’education egal ou inferieur au secondaire.Enfin, on compte entre un et sept enfants par famille, avec unemoyenne de 1,8 enfant par famille (E.T. � 0,9). L’age moyendes enfants auxquels referent les peres au cours de l’entrevueest de 9 ans (E.T. � 5,1). On compte un peu moins de filles(49 %) que de garcons (51 %).

Questionnaire d’entrevue

Le questionnaire comporte au total 70 items repartis en sixcategories. Les analyses presentees dans cet article concernent plusparticulierement les variables suivantes : les attitudes et attribu-tions a l’egard de la PC, les consequences percues du recours a laPC et a l’agression psychologique pour l’enfant, la prevalenceannuelle de la PC, le stress induit par un temperament de l’enfantpercu difficile, la discipline violente et la PC rapportees par lesperes dans l’enfance, le soutien social percu et differentes variablessociodemographiques.

Compte tenu de la nature delicate du sujet traite, plusieursprecautions ont ete prises dans l’enquete afin de minimiserl’impact potentiel d’un biais de desirabilite sociale. D’abord, lesperes ont tous ete selectionnes aleatoirement, de sorte quel’intervieweure etait dans l’impossibilite de retracer les appels. Lesrepondants etaient informes que leurs reponses seraient entiere-ment anonymes. Ensuite, le questionnaire d’entrevue etait abordeen terme d’education, on y parlait ainsi de la facon dont les gensvoient l’education et la discipline dans les menages du Quebecplutot que de PC ou de violence familiale. Enfin, les peres n’ontjamais ete vises comme agresseurs dans les conduites discipli-naires qu’ils ont declarees a l’endroit de l’enfant. Les questionspermettant d’estimer la prevalence des conduites de violence ontete posees de maniere a ce que tous les adultes du menage puissentetre impliques : « Combien de fois est-il arrive qu’un adulte de lamaison, ca pourrait etre vous, un autre adulte, un jeune adulte, ungrand frere ou une grande soeur de 18 ans et plus ? ».

Attitudes et attributions parentales. La premiere section duquestionnaire comporte huit questions qui concernent les diversschemes de pensees des peres face au phenomene de la violenceenvers les enfants. Les quatre premieres questions sont adaptees duAdult-Adolescent Parenting Inventoy (AAPI : Bavolek, 1984).Elles portent sur les attitudes generales a l’egard de la punitioncorporelle (par ex., Certains enfants ont besoin qu’on leur donnedes tapes pour apprendre a bien se conduire). La question suivanteporte sur l’efficacite percue du recours a cette methode educative.Enfin, les autres questions concernent les attributions paternelles,a savoir dans quelle mesure les peres blament-ils les comporte-ments de l’enfant pour justifier le recours a la PC. Elles sont issuesde la Mesure de la Justification de la violence envers l’enfantdeveloppee par Fortin et Lachance (1996) (par ex., « Il serait accep-table qu’un parent tape un enfant lorsque cet enfant est desobeissant »ou « Il serait acceptable qu’un parent tape un enfant lorsque cetenfant est violent »). L’echelle de reponse de ces questions variede 1 (fortement d’accord) a 4 (fortement en desaccord). Cesquestions ont ete utilisees comme variables dependantes dans la

13ATTITUDES ET ATTRIBUTIONS PATERNELLES

presente etude; les resultats de l’analyse de validite factorielle et del’analyse de coherence interne sont presentes a la section suivante.

Consequences percues de l’agression psychologique et de laPC. Deux questions issues d’une enquete americaine annuellemenee par le National Committee to Prevent Child Abuse (Daro &Gelles, 1992) permettent de mesurer la sensibilite des peres areconnaıtre les consequences du recours repete a l’agression psy-chologique et a la PC envers un enfant (par ex., « Selon vous, aquelle frequence arrive-t-il que les enfants developpent des pro-blemes psychologiques qui peuvent durer longtemps quand on crieou sacre apres eux de facon repetee ? »). Le choix de reponse variede 1 (tres souvent) a 5 (jamais). Le score moyen calcule a partir desdeux items revele une validite interne acceptable (alpha de Cron-bach � 0,58). Ces questions ont ete utilisees dans l’etude commeindicateur de sensibilite ou d’empathie paternelle a l’egard deseffets de l’agression psychologique et de la PC sur l’enfant. Il nes’agit pas d’une mesure objective des consequences reelles de cesmethodes mais plutot d’un indicateur de reconnaissance de leursrepercussions potentielles sur l’integrite physique et psy-chologique de l’enfant.

Prevalence annuelle de la punition corporelle. La prevalencede la PC a ete evaluee a l’aide de la version francaise du Parent-Child Conflict Tactic Scales (PC-CTS) developpe par Straus et sonequipe (1998). Au total, quatre items permettent d’evaluer, aumoyen d’une echelle de 1 (ce n’est jamais arrive) a 4 (c’est arrive6 fois et plus), la frequence annuelle du recours a des conduites dePC (par ex., taper les fesses de l’enfants a mains nues, donner unetape a l’enfant sur la main, le bras ou la jambe, pincer l’enfant pourle punir). Un score de prevalence dichotomique a ete calcule apartir de la declaration du recours a au moins un episode de PC aucours de l’annee envers l’enfant.

Les qualites psychometriques du questionnaire PC-CTS et de sestrois sous-echelles d’agression psychologique, de violence de vio-lence physique mineure (PC) et de violence physique severe ont etemaintes fois demontrees, a la fois pour la version anglaise (Straus &Hamby, 1997; Straus et al., 1998) et la version francaise (Laferriere& Bouchard, 1996). Par exemple, au Quebec, Laferriere etBouchard (1996) ont demontre la capacite discriminante del’instrument, et plus particulierement de l’echelle de PC, a diffe-rencier les familles pour lesquelles les enfants etaient susceptiblesd’etre victimes de comportements violents de la part d’un adulte decelles ne presentant pas de risques evidents. L’etude de Bouchardet Tessier (1996) a egalement demontre la validite et la fidelite del’instrument et de ses sous-echelles lorsqu’elles sont administreesa une population francophone.

Dans la presente etude, la coherence interne de la sous-echelle de PC (� � ,56) s’apparente a celle obtenue (,55) dansla derniere enquete populationnelle americaine realisee parStraus et ses collegues (1998). Une recension des coefficients decoherence interne rapportees par les etudes ayant mesure la vio-lence physique (incluant PC) a l’aide de l’instrument reveled’ailleurs que ceux-ci varient de ,48 a ,71, avec une moyenne de,58 (Straus & Hamby, 1997). En outre, les chercheurs estiment cecoefficient satisfaisant compte tenu de la rarete de certaines con-duites qu’il permet de mesurer, ce qui affecte la symetrie de ladistribution et la correlation entre les items (Straus et al., 1998;Straus & Hamby, 1997).

Stress parental. Cinq questions evaluent le stress parentalengendre par les exigences que peut representer un enfant difficilepour le parent. Ces questions sont tirees de la sous-echelle Enfantdifficile de la version abregee de l’Indice de stress parental, ver-sion francaise du Parenting Stress Index developpee et validee parAbidin (1995) (par ex., « L’enfant semble pleurer ou pleurnicherplus souvent que la plupart des enfants », « L’enfant reagit tresfortement quand il survient quelque chose qui le/la contrarie »,« L’enfant exige plus de vous que la plupart des enfants le font »).Cet instrument a ete souvent utilise au Quebec aupres d’unepopulation de parents signales pour mauvais traitements ou eval-ues comme etant a risque eleve de violence a l’endroit del’enfant (Lacharite, Ethier & Couture, 1999) et il a fait l’objetd’une validation aupres de meres quebecoises (Lacharite, Ethier& Piche, 1992). Le choix de reponse varie de 1 (fortementd’accord) a 4 (fortement en desaccord) et l’echelle creee a partirdes items utilises dans l’enquete revele une bonne coherenceinterne (� � ,70).

Experiences disciplinaires et exposition a la violence dansl’enfance des peres. Cinq questions, adaptees de l’enquete pre-cedente (Clement & Bouchard, 2003), visent a evaluer la preva-lence a vie de differentes formes de discipline a caractere violentvecues par les peres dans leur enfance (agression psychologique,PC, violence physique severe et temoin de violence conjugale dansl’enfance). Pour chaque question, les peres devaient donner unordre de frequence d’utilisation du comportement par son propreparent quand il etait jeune sur une echelle en quatre points (par ex.,« Avez-vous ete frappe plus durement qu’une fessee par vos par-ents lorsque vous etiez enfant ? »). L’analyse factorielle des scoresdichotomiques (1 � ce n’est jamais arrive, 2 � c’est arriverarement, souvent ou tres souvent) a donne lieu a la creation dedeux composantes. La premiere composante peres rapportantavoir vecu au moins une experience disciplinaire a caractereviolent dans l’enfance explique 25 % de la variance et englobe lesitems relatifs a la PC et a la violence plus severe rapportee par lesperes dans l’enfance. La seconde composante est appelee peresrapportant avoir ete temoins de violence conjugale dans l’enfanceet explique 24 % de la variance de la violence rapportee par lesperes dans l’enfance.

Soutien social. Le soutien social a ete evalue par l’entremisede six questions issues de la version francaise de l’Echelle deProvisions Sociales (Cutrona, 1984). Cet instrument mesure lesoutien tel que percu par la personne interrogee (par ex., « Il y ades gens sur qui je peux compter en cas d’urgence », « Je n’aipersonne avec qui je me sens a l’aise pour parler de mes pro-blemes »). Il a ete utilise dans le cadre de l’Enquete LongitudinaleNationale sur les Enfants (McKellar, Montigny & Grainger, 1995).Il a egalement ete valide aupres d’une population quebecoise parCaron (1996). L’echelle de reponse varie de 1 (fortement d’accord)a 4 (fortement en desaccord) et le score moyen obtenu a partir dessix questions utilises dans l’enquete indique une bonne fidelite(� � ,75).

Variables sociodemographiques. Enfin, parmi les autres va-riables individuelles, familiales et sociales mesurees, on retrouve :l’age et le sexe de l’enfant, le plus haut niveau de scolaritecomplete par les peres, leur age, le type de famille (monoparentaleet biparentale intacte ou recomposee), le nombre de personnes quihabitent dans le menage, le statut d’emploi du pere au moment del’enquete, et la perception du niveau de pauvrete (a l’aise finan-

14 CLEMENT, DUFOUR, CHAMBERLAND ET DUBEAU

cierement/revenus suffisants et pauvres/tres pauvres). La plupartde ces variables sont evaluees au moyen de questions tirees del’enquete precedente (Clement et al., 2000). Le Tableau 1 resumeles proprietes de l’ensemble des variables.

Resultats

Description des attitudes et attributions paternelles

Le Tableau 2 presente les resultats descriptifs des attitudes etattributions paternelles. De maniere generale, on constate que lesperes sont partages dans leur degre d’accord ou non avec la PC; ilsn’adoptent pas des positions extremes sur les echelles de mesures(par ex., fortement en desaccord ou fortement en accord) mais semontrent generalement nuances (par ex., plutot d’accord, plutot endesaccord). Plus particulierement, les donnees montrent que lesperes sont divises sur la question de la PC. D’un cote, la plupartdes peres considerent les parents du Quebec trop mous envers leursenfants (82 %) et croient aussi que les parents qui l’utilisent ontraison de le faire (60 %). Or, d’un autre cote, une majorite ne croitpas que la PC est une methode efficace (84 %), ni que certainsenfants en ont besoin (66 %). Ils sont aussi nombreux a se dire endesaccord avec une loi qui permet son utilisation (80 %). Dans lememe sens, on remarque sur le plan des attributions parentales queles peres ont peu tendance a justifier le recours a la PC en blamantles comportements de l’enfant.

Enfin, en ce qui concerne la perception des peres concernant lesconsequences potentielles de l’agression psychologique et de la PCsur l’enfant, les resultats montrent que ces derniers reconnaissentdavantage celles associees a l’agression psychologique. En effet,c’est 60 % des peres qui croient qu’il arrive souvent ou tressouvent que les enfants developpent des problemes psy-chologiques quand on crie ou sacre apres eux de facon repeteealors que c’est moins du tiers (31 %) qui pensent qu’il arrivesouvent ou tres souvent que les enfants soient blesses suite auxpunitions physiques que leurs parents leur donnent pour les disci-pliner.

Analyse des attitudes et attributions paternelles

Variables dependantes. Les items relatifs aux attitudes et at-tributions paternelles ont d’abord fait l’objet d’une analyse facto-rielle et d’une analyse de coherence interne. Ces analyses ontpermis de confirmer la presence d’une seule composante quiexplique 45 % de la variance des attitudes et attributions paren-tales. Considerant leur faible correlation (,33 et ,37) avec cettecomposante, deux items ont toutefois ete mis de cote (« Lesparents du Quebec sont trop mous avec leur enfants » et « Lesparents qui donnent de tapes a leurs enfants ont tort (inverse) »).Le retrait de ces deux items augmente d’ailleurs la coherenceinterne de la mesure finale (� � ,85) qui comporte au total sixitems. A noter egalement que les attitudes relevant du domaine desconsequences percues du recours a l’agression psychologique et ala PC ont ete traitees comme variables independantes en raison deleur faible correlation avec les autres attitudes generales et attribu-tives.

Regression lineaire multiple. Une analyse de regression li-neaire multiple a ete realisee pour repondre a l’objectif principal decette etude. Les variables independantes presentees aux Tableaux1 et 3 ont ete entrees simultanement et le modele final comprendsix variables qui expliquent 18.5 % de la variance des attitudes etattributions paternelles a l’egard de la PC (R � ,43, F(6, 819) �30,17, p � ,0001).

L’importance des six variables du modele final pour expliquerles variations du score d’attitude et d’attribution paternelles est

Tableau 1Statistiques descriptives des variables independantes

Variables et echelles M E.T.

Sexe de l’enfant (echelle 1 : fille a 2 : garcon) 1,51 0,50Age de l’enfant (annees) 8,96 5,43Age du pere a la naissance de l’enfant

(annees) 31,40 5,68Consequences percues du recours a

l’agression psychologique et a la punitioncorporelle (echelle 1 a 5)a 2,67 0,83

Plus haut niveau de scolarite du pereb 7,11 2,601-aucune scolarite/maternelle uniquement2-etudes primaires partielles3-etudes primaires completees4-etudes secondaires partielles5-etudes secondaires completees6-etudes collegiales partielles7-etudes collegiales completees8-etudes universitaires partielles9-certificat de premier cycle acquis10-baccalaureat acquis11-certificat de deuxieme cycle acquis12-maıtrise acquise13-diplome acquis : medecine (humaine /

veterinaire), art dentaire, optometrie ouchiropraxie

14-doctorat acquisEchelle de stress parental induit par le

temperament de l’enfant (echelle 1 a 4)a 1,98 0,61Prevalence annuelle de la punition corporelle

(echelle 1 : non a 2 : oui) 1,41 0,49Peres rapportant avoir vecu des experiences

disciplinaires a caractere violent dansl’enfance 1,75 0,421-aucune experience disciplinaire a

caractere violent rapportee2-au moins une experience rapportee

(insulte/menace et/ou recu fessee et/oufrappe plus durement que fessee)

Peres rapportant avoir ete temoins de violenceconjugale dans l’enfance 1,31 0,461-non temoin2-temoin de violence (physique ou

psychologique)Occupation d’un emploi 1,07 0,25

1-occupe un emploi remunere au momentde l’enquete

2-sans emploi au moment de l’enquetePerception du niveau de pauvrete 1,08 0,27

1-a l’aise financierement2-revenus suffisants pour repondre aux

besoins3-pauvre4-tres pauvre

Type de famille 1,06 0,231-biparentale intacte ou recomposee2-monoparentale

Nombre de personnes dans le menage 3,94 1,00Echelle de soutien social (echelle 1 a 4)b 1,46 0,46

a Un score plus eleve indique la presence d’un risque accru. b L’echellede ces variables a ete inversee pour faciliter l’analyse.

15ATTITUDES ET ATTRIBUTIONS PATERNELLES

jugee a partir du pourcentage de variance que chacune explique(Tableau 4). Ainsi, les resultats montrent que moins les peres semontrent sensibles aux consequences potentielles du recours al’agression psychologique et a la PC pour l’enfant, plus ils sontfavorables a cette derniere methode disciplinaire (4,8 % de lavariance expliquee). La declaration du recours a la PC enversl’enfant par un adulte du menage (4 % de la variance) ainsi que ladeclaration de discipline physique a caractere violent par les peresdans l’enfance (2,1 % de la variance expliquee) sont deux autres

variables associees aux attitudes favorables a la punition corpo-relle. Les autres facteurs concernent le fait de se considerer pauvreou tres pauvre (2,1 % de la variance), le nombre eleve de per-sonnes qui habitent dans le menage (1,9 %) et le stress induit parle temperament de l’enfant percu comme etant difficile (0,7 %).Enfin, les autres variables expliquent moins de 0,1 % de la va-riance des attitudes et attributions paternelles, ce qui est insuffisantpour que leur contribution soit statistiquement significative ( p �,05).

Tableau 2Items mesurant les attitudes et attributions des peres quebecois a l’egard de la punition corporelle

1-Fortementd’accord (%)

2-Plutotd’accord (%)

3-Plutot endesaccord (%)

4-Fortement endesaccord (%) M E.T.

AttitudesDe facon generale, les parents

du Quebec sont trop mousavec leurs enfants. 26 56 15 3 1,94 0,72

Il devrait y avoir une loi quipermet aux parentsd’employer la force pourcorriger un enfant. 5 15 32 48 3,24 0,88

Les parents qui donnent destapes a leurs enfants onttort (i.e. n’ont pas raison)de le faire. 17 23 42 18 2,60 0,88

Certains enfants ont besoinqu’on leur donne des tapespour apprendre a bien seconduire. 7 27 30 36 2,96 0,95

La fessee est une methodeefficace pour eduquer unenfant. 3 13 33 51 3,31 0,82

AttributionsIl serait acceptable qu’un

parent tape un enfantlorsque cet enfant estprovocant. 6 25 35 34 2,98 0,91

Il serait acceptable qu’unparent tape un enfantlorsque cet enfant estdesobeissant. 4 21 38 37 3,07 0,87

Il serait acceptable qu’unparent tape un enfantlorsque cet enfant estviolent. 8 27 31 34 2,90 0,96

Note. N varie entre 826 et 847 selon les questions (donnees ponderees).

Tableau 3Description des attitudes des peres quebecois a l’egard des consequences percues du recours a l’agression psychologique et a lapunition corporelle

1-Tres souvent (%) 2-Souvent (%) 3-Occasion. (%) 4-Rarement (%) 5-Jamais (%) M E.T.

A quelle frequence arrive-t-il que les enfantssoient blesses physiquement suite auxpunitions physiques que leurs parents leurdonnent pour les discipliner ? 6 25 38 26 5 3,0 0,98

A quelle frequence arrive-t-il que les enfantsdeveloppent des problemes psychologiquesquand on crie ou sacre apres eux de faconrepetee ? 19 41 28 11 1 2,34 0,95

Note. N varie entre 826 et 839 selon les questions (donnees ponderees).

16 CLEMENT, DUFOUR, CHAMBERLAND ET DUBEAU

Discussion

Une apparente contradiction : des peres tolerants maisdefavorables a la punition corporelle

La presente etude a montre que les peres quebecois se pronon-cent generalement en defaveur d’une loi permettant aux parentsd’employer la force pour corriger un enfant (80 %). De plus, lamajorite d’entre eux considerent que la fessee n’est pas une me-thode educative efficace (84 %), et ne croient pas que certainsenfants en ont besoin pour apprendre a bien se conduire (66 %). Enoutre, la plupart jugent que ni la desobeissance, ni les comporte-ments provocants ou violents de l’enfant ne justifient son utilisa-tion. Dans l’ensemble, ces resultats montrent qu’au Quebec lesperes sont plutot defavorables a la punition physique. Par contre, onobserve aussi que la majorite considerent que les parents sont engeneral trop mous avec leurs enfants (80 %) ou croient que les parentsont raison de donner des tapes (60 %). De plus, seul le tiers des perescroient que les enfants peuvent subir des consequences liees a laPC. Comment expliquer cette apparente discordance des perespartages entre tolerance et desapprobation ?

On pourrait d’abord invoquer le fait que, bien que la tres grandemajorite considere les parents trop permissifs, les peres hesitent ajuger ou critiquer ceux qui exercent une certaine discipline phy-sique, meme s’ils n’adherent pas eux-memes aux methodes rap-portees. Ce constat concorde avec la valeur assez repandue enAmerique du Nord du respect a la vie privee et son corollairevoulant que, dans les limites du raisonnable, les parents soientlibres d’elever leurs enfants comme ils le veulent et qu’ils sont enquelque sorte proprietaires de leurs enfants (Chamberland, 1992;Miller-Perrin & Perrin, 2007). Ces perceptions mitigees concor-dent egalement avec la vision actuellement promue par l’article 43du code criminel canadien a l’effet que « Tout instituteur, pere oumere, ou toute personne qui remplace le pere et la mere est fondea employer la force pour corriger un eleve ou enfant, selon le cas,confie a ses soins, pourvu que la force ne depasse pas la mesureraisonnable dans les circonstances ». Les recents amendementsapportes au code appuient d’autant plus cette vision partagee descorrections physiques a la fois acceptables mais dont l’utilisationest desormais balisee selon des circonstances precises et dans lebut de controler, maıtriser ou exprimer une desapprobation sym-bolique a l’enfant (Trocme et al., 2004).

Dans le meme esprit, rappelons que seulement le tiers des peressont d’avis que les PC peuvent entraıner des consequences phy-siques pour l’enfant. Ce resultat rejoint le constat de nombreusesetudes a l’effet que les hommes percevraient la violence commeetant plus banale a leurs yeux que ce qu’en pensent les femmes(Kelder et al., 1991) et qu’ils seraient moins sensibles a reconnaıtreou considerer certains comportements comme relevant du domainede la violence envers l’enfant (Fortin et al., 2000; Lawrence,Heyman & O’Leary, 1995). On sait d’ailleurs que les meresrapportent plus souvent la presence de punitions physiques enversl’enfant alors qu’elles se montrent moins en faveur de celle-ci queles peres (Straus & Stewart, 1999). Ainsi les peres se montreraientmoins empathiques aux consequences potentielles des correctionsphysiques donnees a l’enfant, rejoignant ainsi le role disciplinairequi leur est traditionnellement et culturellement reconnu.

Enfin, l’apparente contradiction observee entre tolerance etdesaccord pourrait aussi s’expliquer par la nature des enonces pourlesquels les peres se montrent plus nuances (i.e., « les parents onttort de donner des tapes » et « les parents sont trop mous »). A cetegard, il est possible que ces deux items ne permettent pas dediscriminer les peres sur les attitudes qu’ils adoptent a l’egard dela PC. Rappelons d’ailleurs que suite a l’analyse de coherenceinterne, ces items ont ete retires de la mesure des attitudes etattributions en raison de leur plus faible correlation avec la com-posante principale.

Empathie, climat de violence et stress : liens avec lesattitudes et attributions paternelles

Les variables explicatives des attitudes paternelles favorables ala PC peuvent etre regroupees en trois categories. Dans la premierecategorie, on retrouve la sensibilite des peres a reconnaıtre lesconsequences de l’agression psychologique et de la PC. De fait,bien qu’ils sont minoritaires a croire que les tapes peuvent en-traıner souvent ou tres souvent des consequences pour l’enfant,ceux qui sont de cet avis se montrent plus souvent en defaveuravec la PC comme methode disciplinaire. Ce resultat rejointl’etude de Gagne et Bouchard (2001) qui a montre que la notiond’impacts percus sur le developpement de l’enfant, qu’ils soientpsychologiques ou physiques, est un element central dans la re-presentation et l’identification de la violence envers l’enfant. Ainsion pourrait soulever l’hypothese que les peres en defaveur avec laPC sont, de fait, plus enclins a reconnaıtre les consequencespossibles de cette methode et demontrent ainsi un niveaud’empathie plus eleve a l’endroit des victimes. D’ailleurs, cer-taines etudes montrent que les parents presentant un niveau plusfaible d’empathie envers l’enfant sont plus a risque d’utiliser laviolence physique (Milner, 2000) et plus enclins a attribuer desintentions hostiles a la victime (Perez-Albeniz & De Paul, 2004).

Dans la seconde categorie du modele de regression, on retrouveles variables relatives au climat de violence familiale, qu’il soitpasse ou actuel. En bref, les resultats a cet egard montrent que lesperes qui declarent des experiences disciplinaires a caractere vio-lent dans l’enfance et la presence actuelle de PC a l’endroit d’unenfant de la famille sont plus enclins a approuver ces methodeseducatives. Bien que les peres ne soient pas necessairement auteursdes PC qu’ils declarent dans l’etude, ils peuvent aussi en etreseulement temoins. Ce resultat temoigne tout de meme de lapresence d’un climat familial coercitif. Plusieurs etudes ont

Tableau 4Resultats de l’analyse de prediction des attitudes et attributionspaternelles a l’egard de la punition corporelle

� r2 p

Consequences percues du recours al’agression psychologique et a lapunition corporelle ,206 ,048 ,0001

Prevalence de la punition corporelle enversl’enfant ,193 ,040 ,0001

Perception du niveau de pauvrete ,134 ,021 ,0001Experience disciplinaire a caractere violent

vecue dans l’enfance ,133 ,021 ,0001Nombre de personnes dans le menage ,128 ,019 ,0001Stress parental induit par le temperament

de l’enfant ,078 ,007 ,016

Note. R � ,43; F(6, 819) � 30,17; p � ,0001.

17ATTITUDES ET ATTRIBUTIONS PATERNELLES

d’ailleurs montre la presence de liens etroits entre les attitudes al’endroit de la discipline a caractere violent et le recours a la PC(Clement et al., 2000; Holden, Coleman & Schmidt, 1995; Jacksonet al., 1999). Dans le meme esprit, des chercheurs ont montre queles parents ayant vecu des experiences disciplinaires de violence etde punition physique dans l’enfance sont plus enclins a approuveret a legitimer de telles pratiques a l’age adulte (Covell et al., 1995;Rodriguez & Sutherland, 1999). Il est d’ailleurs interessant denoter que Lopez, Bonenberger et Schneider (2001) ont trouve quela PC vecue dans l’enfance est associee a un niveau d’empathieemotionnelle general plus bas a l’age adulte. Ensemble, ces resul-tats appuient l’hypothese a l’effet que les peres qui approuvent ladiscipline a caractere violent dans l’education des enfants presen-tent un profil particulier en terme d’experiences disciplinairesvecues dans l’enfance; experiences qui auront elles-memes unimpact sur la reconnaissance des effets de la violence ou du niveaud’empathie a l’endroit de l’enfant et la reproduction d’un climateducatif coercitif.

Enfin, la derniere categorie de variables contribuant a expliquerles attitudes favorables a la PC concerne le stress general vecu parles peres (tel que documente par le niveau de pauvrete percu, letemperament de l’enfant et le nombre de personnes dans le me-nage). Ce resultat rejoint ceux d’etudes precedentes ayant etabli lelien entre stress et punition corporelle (Durrant & Ensom, 2004)ainsi qu’entre stress et abus physique (Chamberland, 1992; Miller-Perrin & Perrin, 2007). Bien que les resultats ne permettent pas desavoir lequel des adultes du menage a recours a la punitioncorporelle, ils appuient tout de meme le constat de Crouch et Behl(2001) a l’effet que le stress parental semble agir conjointementavec les attitudes parentales en faveur de la punition corporellepour predire les risques accrus de violence a l’endroit de l’enfant.De fait, selon cette etude, il semble qu’a niveau similaire de stress,ce sont les parents en faveur de la violence qui presentent davan-tage de risque d’y recourir comparativement aux parents qui sonten desaccord avec ces methodes.

Le contexte d’utilisation de la PC : un grand absent ?

Malgre la quantite et la pertinence theorique des variablesentrees dans le modele de regression, plusieurs d’entre elless’averent non significatives et le modele n’explique en definitivequ’un faible pourcentage de la variance totale des attitudes etattributions paternelles favorables a la PC. Une partie de la vari-ance inexpliquee pourrait se retrouver dans le style parental oudans le contexte d’utilisation de la punition corporelle. De fait, lespratiques disciplinaires n’ont pas lieu dans un vacuum. Au con-traire, elles s’inscrivent dans des contextes precis. Au regard ducontexte proximal, pensons entre autres a la nature, a la frequenceet a la gravite percues du comportement de l’enfant, de meme qu’ala fatigue du parent, a son style (controlant ou chaleureux), al’endroit ou le comportement est manifeste (ex., public vs. prive),au climat familial, etc. Certains auteurs suggerent d’ailleurs que lesconsequences de la PC pourraient varier selon divers parametrestels que le fait que cette strategie s’inscrive ou non dans unrepertoire precis de pratiques educatives et de styles parentaux, lapresence d’un contexte de durete emotive, la frequence etl’intensite de la punition corporelle, la presence ou non d’abusphysique concomitant, etc. (Larzelere, 2000; Wissow, 2002).Quant aux principaux motifs d’utilisation de la PC invoques par les

parents, soit a des fins pedagogiques, de catharsis, d’affirmation dupouvoir ou de reproduction de modeles recus (Gough & Reavey,1997), ils suggerent eux aussi des contextes educatifs fort differents.

Au regard du contexte distal, on sait par ailleurs que les normessociales et culturelles influencent et balisent le repertoire despratiques disciplinaires acceptables et leur legitimite percue parl’enfant, les autres adultes et les institutions. Une dizaine de paysinterdisent explicitement le recours a toute forme de punitioncorporelle. En Suede, cette mesure, couplee a de grandes cam-pagnes d’education parentale, a eu notamment pour effet dereduire les attitudes favorables et la prevalence de la punitioncorporelle (Durrant, Ensom & Wingert, 2003; Rose-Krasnor,Durrant & Broberg, 2001). Certains ont par ailleurs evoque que leseffets deleteres sur les enfants pourraient etre moins importantsdans les cultures ou la punition corporelle, normative, est jugeenecessaire, que dans les communautes ou elle est desapprouveeculturellement (Gunnoe & Mariner, 1997; Rohner, Bourque &Elordi, 1996). En somme, une lecture plus ecologique qui tiendraitcompte de l’ensemble de ces variables contextuelles tant proxi-males que distales permettrait possiblement d’ameliorer la predic-tion des attitudes et attributions paternelles favorables a la punitioncorporelle.

Forces et limites de l’etude

Cette etude comporte plusieurs forces. D’abord, elle contribue ala comprehension des attitudes et attributions paternellesfavourables a la punition corporelle, domaine fort pertinent so-cialement mais neanmoins peu etudie au Quebec comme ailleurs.Son atout methodologique le plus important reside d’ailleurs dansson grand echantillon representatif des peres du Quebec. Lesdonnees permettront d’ailleurs une comparaison avec un importantechantillon representatif des meres quebecoises (voir Clement etal., 2005). Le recours a des questionnaires largement utilises etdont les qualites psychometriques ont ete eprouvees est aussi unatout important. Il faut toutefois garder a l’esprit que certainesechelles possedent un coefficient de coherence interne plutotfaible. Pensons notamment a la mesure des consequences percuesde l’agression psychologique et de la PC pour l’enfant (,58) et dela prevalence de la PC a son endroit (,56). Il est possible que celasoit du au nombre limite d’items inclus dans l’echelle ou a la rareted’occurrence de certains d’entre eux, ce qui aurait pour effetd’incliner la distribution et de diminuer la correlation entre lesitems (Straus et al., 1998). Or, il est aussi possible que celatemoigne d’une difficulte des items a bien cerner les conceptssous-jacents a la mesure des impacts potentiels percus et a lapunition physique. A cet egard, la nature de l’echantillon pourraitetre en cause; la mesure des conduites disciplinaires enversl’enfant a l’aide de la version anterieure du PC-CTS ayant demon-tre dans l’etude de Bouchard et Tessier (1996) une plus grandevalidite lorsque la source de l’information est la mere. D’ailleurs lecoefficient alpha de l’echelle de PC pour les meres repondantesetait plus eleve en 1999 (� � ,69) (Clement & Bouchard, 2000).Les autres limites de cette etude concernent, d’une part, la naturetransversale de l’enquete qui limite l’inference causale, et d’autrepart, l’absence de certaines variables telles que le style parental, leniveau reel d’empathie et les contextes d’utilisation de la PC.Enfin, malgre les precautions mises en place dans l’enquete pour

18 CLEMENT, DUFOUR, CHAMBERLAND ET DUBEAU

diminuer leur impact, les reponses des peres sont sujettes aux biaisde desirabilite sociale.

Implications pour la recherche et l’intervention

L’importance de l’etude des attitudes et attributions paternellesfavorables a la PC reside dans son lien avec l’utilisation de cettederniere. Quelques pistes de reflexion se degagent de la presenteetude. D’abord, sur le plan de la recherche, il est clair que le climatde violence passe ou actuel ainsi que le stress parental et lareconnaissance des consequences de la violence sur l’enfant nesuffisent pas a expliquer a elles seules les attitudes et attributionsdes peres en faveur de la punition corporelle. Malgre les defismethodologiques importants, il serait necessaire d’etudier de nou-velles variables qui permettraient de documenter le contextecomme l’appartenance culturelle du parent, son repertoire de stra-tegies educatives, le fonctionnement familial et les caracteristiquesde la situation dans laquelle s’inscrit le comportement juge ina-dequat. Quant a l’intervention, les resultats suggerent que la dim-inution des attitudes favorables a la punition corporelle pourraitpasser par une sensibilisation a ses consequences, particulierementau sein des familles qui utilisent deja la violence physique mineureenvers les enfants. Enfin, la diminution du stress vecu par lesparents et l’augmentation de leurs habiletes a le gerer pourraientagir dans le meme sens.

Conclusion

Alors que la violence physique grave envers les enfants estcondamnee universellement, la violence physique mineure, inclu-ant la punition corporelle, est souvent confondue et justifieecomme etant de la discipline. De plus en plus objet de debats, ellereste neanmoins socialement et legalement acceptee au Quebec. Lapresente etude montre que, bien qu’ils soient reticents a juger lesparents qui l’utilisent, les peres quebecois sont plutot defavorablesa la punition corporelle, et qui plus est, a une loi qui en permetl’utilisation. Ils considerent que ni la desobeissance, ni des com-portements provocants ou violents justifient le recours a la puni-tion corporelle. Des variables liees a la reconnaissance de laviolence ainsi qu’au stress et au climat de violence familialecontribuent a expliquer, en partie, les attitudes et attributionspaternelles favorables a la punition corporelle. Ces resultats per-mettent de mieux comprendre les perceptions des peres quebecoisa ce sujet, ce qui constitue un pas important vers la reconnaissancedu droit des enfants a la dignite et a l’integrite physique.

Abstract

To date, few studies have shown a specific interest in parentaldiscipline from the fathers’ point of view. The goal of this study isto fill this gap by documenting the factors that are likely to predictattitudes favoring corporal punishment in a representative sam-pling of Quebec fathers. In total, 953 fathers participated in atelephone survey. Noted among the variables in the analysis modelwere: father’s sensitivity to the consequences of violence for thechild, prevalence of physical punishment toward the child, percep-tion of the level of poverty, reports of violent discipline of aphysical or psychological nature experienced during the fathers’childhood, number of people in the household and father’s stress

associated with the child’s temperament. However, an apparentcontradiction in paternal attitudes was seen: the majority of fatherswere opposed to resorting to corporal punishment while remainingtolerant with respect to its use. The discussion paves the way fora more in-depth analysis and for understanding the potential roleplayed by personal and contextual variables in the explanation ofattitudes favoring corporal punishment.

Keywords: parental attitudes, fathers, corporal punishment, attri-butions, violence

References

Abidin, R. R. (1995). Parenting Stress Index. 3rd ed. Odessa, FL : Psy-chological Assesment Resources.

Baumrind, D., Larzelere, R. E., & Cowan, P. A. (2002). Ordinary physicalpunishment: Is it harmful? Comment on Gershoff (2002). PsycholgicalBulletin, 128, 580–589.

Bavolek, S. J. (1984). Handbook for the Adult-Adolescent Parenting In-ventory (AAPI). Schaumburg, IL : Family Development Associates.

Bouchard, C., & Tessier, R. (1996). La violence familiale envers lesenfants: validite de mesure et prevalence dans un quartier populaireurbain. Dans R. Tessier, G. M. tarabulsy et L. S. Ethier (Eds.), Dimen-sions de la maltraitance (pp. 43– 65). Sainte-Foy : Presses del’Universite duq Uebec.

Bugental, D. B., & Clayton, L. J. (1999). The paradoxical misuse of powerby those who see themselves as powerless: How does it happen? Journalof Social Issues, 55, 51–64.

Burbach, A. D. (2003). Parenting among fathers of young children. Dis-sertation Abstracts International: Section B: The Sciences and Engi-neering, 63, 3512.

Cappell, C., & Heiner, R. B. (1990). The intergenerational transmission offamily aggression. Journal of Family Violence, 5, 135–152.

Caron, J. (1996). L’Echelle de provisions sociales : Une validation quebe-coise. Sante Mentale au Quebec, 21, 158–180.

Chamberland, C. (1992). La violence faites aux enfants : la comprendrepour mieux la prevenir. PRISME, 3, 16–31.

Chamberland, C. (2003). Violence parentale et violence conjugale. Desrealites plurielles, multidimensionnelles et interreliees. Sainte-Foy :Presses de l’Universite du Quebec.

Clement, M.-E., & Bouchard, C. (2000). Etude des facteurs lies au recoursponctuel ou recurrent a la violence psychologique et physique par lesparents. Affiche presentee au XXIIIe Congres de la Societe quebecoisede Recherche en Psychologie, Hull.

Clement, M.-E., & Bouchard, C. (2003). Liens intergenerationnels desconduites parentales a caractere violent : recension et resultats em-piriques. Revue de Psychoeducation, 32, 49–77.

Clement, M.-E., Bouchard, C., Jette, M., & Laferriere, S. (2000). Laviolence familiale dans la vie des enfants duq Uebec, 1999. Quebec :Institut de la statistique du Quebec.

Clement, M.-E., Chamberland, C., Cote, L., Dubeau, D., & Beauvais, B.(2005). La violence familiale dans la vie des enfants duq Uebec, 2004.Quebec : Institut de la Statistique du Quebec.

Covell, K., Grusec, J. E., & King, G. (1995). The intergenerational trans-mission of maternal discipline and standards for behavior. Social De-velopment, 4, 32–43.

Crittenden, P. M. (1998). Dangerous behavior and dangerous contexts: A35-year perspective on research on the developmental effects of childphysical abuse. Dans P. K. Trickett et C. J. Schellenbach (Eds.), Vio-lence against children in the family and the community (pp. 11–38).Washington, DC : American Psychological Association.

Crouch, J. L., & Behl, L. E. (2001). Relationship among parental beliefs incorporal punishment, reported stress, and physical child abuse potential.Child Abuse & Neglect, 25, 413–419.

19ATTITUDES ET ATTRIBUTIONS PATERNELLES

Cutrona, C. E. (1984). Social support and stress in the transition toparenthood. Journal of Abnormal Psychology, 93, 378–390.

Daro, D., & Gelles, R. J. (1992). Public attitudes and behaviors withrespect to child abuse prevention. Journal of Interpersonal Violence, 7,517–531.

Durrant, J., & Ensom, R. (2004). Les punitions corporelles et les enfants.Feuillet du CEPB#7F. Ottawa : Ligue pour le bien-etre de l’enfance duCanada.

Durrant, J. E., Ensom, R., & Wingert, S. (2003). Declaration conjointe surles punitions corporelles donnees aux enfants et aux adolescents. Ot-tawa, ON, Canada : Coalition sur les punitions corporelles des enfants etdes jeunes.

Flynn, C. P. (1998). To spank or not to spank: The effect of situation andage of child on support for corporal punishment. Journal of FamilyViolence, 13, 21–37.

Fortin, A., Chamberland, C., & Lachance, L. (2000). La justification de laviolence envers l’enfant : un facteur de risque de violence. Revue Inter-nationale de l’Education Familiale, 4, 5–34.

Fortin, A., & Lachance, L. (1996). Mesure de la justification de la violenceenvers les enfants : etude de validation aupres d’une population quebe-coise. Cahiers Internationaux de Psychologie Sociale, 31, 91–104.

Gagne, M-H., & Bouchard, C. (2001). Les representations sociales de laviolence psychologique faite aux enfants en milieu familial. Les CahiersInternationaux de Psychologie Sociale, 49, 6177.

Gershoff, E. T. (2002). Corporal punishment by parents and associatedchild behaviors and experiences: A meta-analytic and theoretical review.Psychological Bulletin, 128, 530–579.

Gough, B., & Reavey, P. (1997). Parental accounts regarding the physicalpunishment of children: Discourses of dis/empowerment. Child Abuse &Neglect, 21, 417–430.

Grogan-Kaylor, A. (2004). The effects of corporal punishment on antiso-cial behavior of children. Social Work Research, 28, 153–163.

Grusec, J. E., & Goodnow, J. J. (1994). Impact of parental disciplinemethods on the child’s internalization of values: A reconceptualizationof current points of view. Developmental Psychology, 30, 4–19.

Guille, L. (2004). Men who batter and their children: An integrativereview. Aggression and Violent Behavior, 9, 129–163.

Gunnoe, M. L., & Mariner, C. L. (1997). Toward a developmental-contextual model of the effects of parental spanking on children’saggression. Archives of Adolescent Medicine, 151, 768–775.

Holden, G. W., Coleman, S. M., & Schmidt, K. L. (1995). Why 3-years-oldchildren get spanked: Parent and child determinants as reported bycollege-educated mothers. Merrill-Palmer Quarterly, 41, 431–452.

Holden, G. W., Miller, P. C., & Harris, S. D. (1999). The instrumental sideof corporal punishment: Parents’ reported practices and outcomes ex-pectancies. Journal of Marriage and the Family, 61, 908–919.

Jackson, S. et al. (1999). Predicting abuse-prone parental attitudes anddiscipline practices in a nationally representative sample. Child Abuse &Neglect, 23, 15–29.

Kelder, L. R., McNamara, R. J., Carlson, B., & Lynn, S. J. (1991).Perceptions of physical punishment: The relation to childhood andadolescent experiences. Journal of Interpersonal Violence, 6, 432–445.

Lacharite, C., Ethier, L. S., & Couture, G. (1999). Sensibilite et specificitede l’Indice de stress parental face a des situations de mauvais traite-ments. Revue Canadienne des Sciences du Comportements, 31, 217–220.

Lacharite, C., Ethier, L. S., & Piche, C. (1992). Le stress parental chez lesmeres d’enfants d’age prescolaire : Validation et normes quebecoisespour l’Inventaire de Stress Parental. Sante Mentale au Quebec, 17,183–204.

Laferriere, S., & Bouchard, C. (1996). Illustration de la capacite discrimi-nante du questionnaire sur la resolution des conflits dans la mesure de laviolence parentale. Revue Canadienne des Sciences du Comportement,28, 70–73.

Lamb, M. E. (2001). Male roles in families “at risk”. The ecology of childmaltreatment. Child Maltreatment, 6, 310–313.

Langeland, W., & Dijkstra, S. (1995). Breaking the intergenerationaltransmission of child abuse: Beyond the mother-child relationship. ChildAbuse Review, 4, 4–13.

Larzelere, R. E. (2000). Child Outcomes of nonabusive and customaryphysical punishment by parents: An updated literature review. ClinicalChild and Family Psychology Review, 3, 199–221.

Lawrence, E., Heyman, R., & O’Leary, K. (1995). Correspondence be-tween telephone and written assessments of physical violence in mar-riage. Behavior Therapy, 26, 671–680.

Lopez, N., Bonenberger, J., & Schneider, H. (2001). Parental disciplinaryhistory, current levels of empathy, and moral reasoning in young adults.North American Journal of Psychology, 3, 193–204.

Mayer, M., Dufour, S., Lavergne, C., Girard, M., & Trocme, N. (2006).Structures familiales, paternite et negligence : des realites a revisiterRevue de Psychoeducation, 35, 157–181.

McKellar, S., Montigny, G., & Grainger, P. (1995). Enquete longitudinalenationale sur les enfants. Apercu du materiel d’enquete pour la collectede donnees 1994–1995. Ottawa : Statistique Canada.

Miller-Perrin, C. L., & Perrin, R. D. (2007). Child Maltreatment. Anintroduction. Thousand Oaks, CA : Sage.

Milner, J. S. (2000). Social information processing and child physicalabuse: Theory and research. Dans D. J. Hersen (Ed.), Nebraska Sympo-sium on Motivation: Vol. 45. Motivation and Child Maltreatment.Lincoln, NE : University of Nebraska Press.

Muller, R. T. (1995). The interaction of parent and child gender in physicalchild maltreatment. Canadian Journal of Behavioural Science, 27, 450–465.

Muller, R. T., Hunter, J. E., & Stollak, G. (1995). The intergenerationaltransmission of corporal punishment: A comparison of social learningand temperament models. Child Abuse & Neglect, 19, 1323–1335.

Paquette, D., Bolte, C., Turcotte, G., Dubeau, D., & Bouchard, C. (2000).A new typology of fathering: Defining and associated variables. Infantand Child Development, 9, 213–230.

Paz Montes, M., De Paul, J., & Milner, J. S. (2001). Evaluations, attribu-tions, affect, and disciplinary choices in mothers at high and low risk forchild physical abuse. Child Abuse & Neglect, 25, 1015–1036.

Perez-Albeniz, A., & De Paul, J. (2004). Gender differences in empathy inparents at high- and low-risk of child physical abuse. Child Abuse &Neglect, 28, 289–300.

Pinderhughes, E. E., Dodge, K. A., Bates, J. E., Pettit, G. S., & McFadyen-Ketchum, S. A. (1999). The relation between mothers’ hostile attributiontendencies and children’s externalizing behavior problems: The mediat-ing role of mothers’ harsh discipline practices. Child Development, 70,896–909.

Pleck, J. H. (1997). Paternal involvement: Levels, sources, and conse-quences. Dans M. E. Lamb (Ed.), The role of the father in childdevelopment (pp. 66–103). NY : Wiley.

Rodriguez, C. M., & Sutherland, D. (1999). Predictors of parents’ physicaldisciplinary practices. Child Abuse & Neglect, 23, 651–657.

Rohner, R. P., Bourque, S. L., & Elordi, C. A. (1996). Children’s percep-tion of corporal punishment, caretaker acceptance, and psychologicaladjustment in a poor biracial Southern community. Journal of Marriageand the Family, 58, 842–853.

Rose-Krasnor, L., Durrant, J., & Broberg, A. (2001). Physical punishmentand the UN convention on the rights of the child. Newsletter(2), 9–12.

Rutter, M. (1989). Intergenerational continuities and discontinuities inserious parenting difficulties. Dans D. Cicchetti et V. Carlson (Eds.),Child maltreatment. Theory and research on the causes and conse-quences of child abuse and neglect (pp. 317–348). New-York : Cam-bridge University Press.

Simons, R. L., Whitbeck, L. B., Conger, R. D., & Wu, C.-I. (1991).

20 CLEMENT, DUFOUR, CHAMBERLAND ET DUBEAU

Intergenerational transmission of harsh parenting. Developmental Psy-chology, 27, 159–171.

Smith Slep, A. M., & O’Leary, S. G. (1998). The effects of maternalattributions on parenting: An experimental analysis. Journal of FamilyPsychology, 12, 234–243.

Straus, M. A. (2001). Beating the devil out of them. Corporal punishmentin American families and its effects on children (2nd ed.). New Bruns-wick, NJ : Transaction Publishers.

Straus, M. A., & Hamby, S. L. (1997). Measuring physical and psycho-logical maltreatment of children with the Conflict Tactics Scales. DansG. Kaufman Kantor et J. L. Jasinski (Eds.), Out of the darkness:Contemporary research perspectives on family violence (pp. 119–135).Thousand Oaks, CA : Sage publications.

Straus, M. A., Hamby, S. L., Finkelhor, D., Moore, D. W., & Runyan, D.(1998). Identification of child abuse with the PCCTS: Development andpsychometric data for a national sample of American parents. ChildAbuse & Neglect, 22, 249–270.

Straus, M. A., & Mathur, A. K. (1996). Social change and trends inapproval of corporal punishment by parents from 1968 to 1994. Dans D.Frehsee, W. Horn et K. Bussman (Eds.). Violence against children (pp.91–105). New-York : Walter de Gruyter.

Straus, M. A., & Stewart, J. H. (1999). Corporal punishment by americanparents: National data on prevalence, chronicity, severity and duration,in relation to child and family characteristics. Clinical Child and FamilyPsychology, 2, 55–70.

Thomas, E. M. (2004). Aggressive behaviour outcomes for young chil-

dren: Change in parenting environment predicts change in behav-iour. Ottawa : Statistics Canada, Special Survey Division.

Tiller, C. M. (1991). Assessment of the potential for maladaptive parentingin expectant fathers with the AAAPI. Journal of Child and AdolescentPsychiatric and Mental Health Nursing, 4, 55–61.

Trocme, N., Durrant, J., Marwah, I., & Ensom, R. (2004). Les abusphysiques envers les enfants en contexte de punition. Feuillet duCEPB#8F. Ottawa : Ligue pour le bien-etre de l’enfance du Canada.

Turcotte, G., Dubeau, D., Bolte, C., & Paquette, D. (2001). Pourquoicertains peres sont-ils plus engages que d’autres aupres de leurs enfants ?Une revue des determinants de l’engagement paternel. Revue Canadiennede Psycho-Education, 30, 65–91.

Wauchope, B. A., & Straus, M. A. (1990). Physical punishment and physicalabuse of American children: Incidence rates by age, gender, and occupa-tional class. Dans M. A. Straus et R. J. Gelles (Eds.), Physical violence inAmerican families. Risk factors and adaptations to violence in 8,154 fam-ilies (pp. 131–148). New Brunswick, NJ : Transaction Books.

Wissow, L. S. (2002). Child discipline in the first three years of life. DansN. E. Halfon, K. T. E. McLearn et M. A. E. Schuster (Eds.), Childrearing in America: Challenges facing parents with young children (pp.146–177). New York : Cambridge University Press.

Recu le 21 decembre 2006Revise le 21 decembre 2006

Accepte le 30 juillet 2008 �

E-Mail Notification of Your Latest CPA Issue Online!

Would you like to know when the next issue of your favorite Canadian Psychological Association journal will be availableonline? This service is now available. Sign up at http://notify.apa.org/ and you will be notified by e-mail when issues of interestto you become available!

Avis par courriel de la disponibilite des revues de la SCP en ligne!

Vous voulez savoir quand sera accessible en ligne le prochain numero de votre revue de la Societe canadienne de psychologiepreferee? Il est desormais possible de le faire. Inscrivez-vous a http://notify.apa.org/ et vous serez avise par courriel de la datede parution en ligne des numeros qui vous interessent!

21ATTITUDES ET ATTRIBUTIONS PATERNELLES