Cour d' Appel de Liège - KU Leuven Bibliotheken

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JURISPRUDENCE DE LA CoçR D'APPEL DE LIÈGE, - 10. - 12 MARS 1927. 7.3 (RrnvuE HltHDOl\IAoAurn) SOMMAIRE: Coui· d'rtppel de Liège, ,je ch. (Desiste- ment d'instance; conséquences; art. 2, § 5, de la loi dn 10 mai 1919; nationalité des victimes; iudiffilrnuce ; période visée; désorganisation des pouvoirs publics ; absence de présomption légale;· sens des termes 4 pouvoirs publics~. 1 Cour d' Appel de Liège 4e CH. PR. DE M. SLEGERS, CONS. ff. DI~ PR, 4 février 192'7. DÉSISTEMENT D'INSTANCEj CONSÉQUENCES j ART. 2, § 5, DE LA LOI DU 10 l\IAI 1919 j NA'l'IONALI'l'É DES VICTII\OES i INDIFFÉ- RENCE i PÉRIODE VISÉE; DÉSORGANISA- 1'ION DES POUVOIRS PUBLICS j ABSENCE DE PRÉSOJ\IPTION LfmALE j SENS DES TERJ\IES " POUVOIRS PUBLICS ,, , 1. Le désistemeid d'1t11e i11stance, même accepté, n' i111 plique zws ?'enouciation au fond die droit et 11e met pas obstacle à la. faculté de la reproduire ·1tltérie1wement devant la 111ê111e jw·idiction. Il. L'article 2, § 5, de la loi du 10 111ai 1919 soustrait les faits q u vise il,' 1111 e 11umièl'e absolue â l'empire dit décret de vendé1ni<tfre an IV, sam distinguer, q1Ùmt à leur uatio- wtlité, entre le.'! personnes qui e11 anmient été les victimes. Ill. Le dit article 2, § 5, n'érige pas en , préso·mption jul'is et de jure le fait de la désorganisation de.'! pouvoirs zmblics aux époques qn' elle limite, de telle sol'te que la loi agirait e//. toutes Girco11stances ü}. 111ême les pouvoirs publics de111e1wés intacts auraie11t co11ser,vé tous les moyens nécessai1·es. po1t1· empêcher tes faits 1,isés. IV. La loi vise -ici les pouvoirs publics dans le1w sem généml et non unigueme11t la 7,olice plus spécialeme11t chargée â' assnrer le respect de la personne et des biens des citoyens. (Mangen c, Ville de Liège). Monsieur l' Avocat Gén,éral L. Pepin a donné sou avis en ces termes : Le 15 avril 1924, Jeanne Mangen a fait assigner la Ville de Liège, en se fondant surie décret du 10 vendémiaire àu IV, en payement: de la somme de 150,000 frs, double de la valeiu de son mobilier; d'nne somme de 20.000 frs pour autre préjndice sons réserve de modificat10n de ces chiffl·es en prosécution de cause, du chef de pillage de sa maison, commis le 25 novembre 1918, par uu attroupement de personnes appar- tenant à la popnlation liégeoise, Le jugement a qno a débouté la deman- deresse, son action ressortissant à la juri- dictio11 des dommages de guerre. Le grave problème que cette affaire son met à la science juridique et àla sagesse de la Cour est l'interprétation qu'il faut donner au n° 5 de l'article 2 de la loi du 10 mai 1919, ainsi conçu: 1 ' Sans préjudice des réparations qui ,, seront organisées par des lois spéciales, ,, donnent lieu à réparation les dommages n certains et matériels résultant de l'at- " teinte dirncte portée, sur le territoire de "la Belgique, aux biens meubles et immeu- ' ,, bles par: 10,, .... ; 20 ..... ; 30,. ... ; 40,. ... ; ,, 5° les crimes et délits commis contre les ,, propriétés à la faveur de la désorgani- " sation des pouvoirs publics, soit pendant ,, l'occupation ennemie, soit au moment de ,, la libération de la partie du territoire ,, les fait!'l out été commis, soit pendant la ,, pédode qni a suivi immédiatement cette ,, libération, ainsi que lors de l'évacuation ,, des parties du territoire comprises dans ·,, la zone des opérations. ,, Le décret du 10 vendémiaire an IV ,, n'est pas applicable aux faits prévus par ,, ia présente loi, ,, La controverse porte sur le sens des mots 1a faveur de la dés(?rganisation des pouvoirs publics,,. Qu'a entendu dire par le législate11i·? A-t-il entendu considérer cette déso1·- ga11isation comme une co11séqnence néces- saire du tl'ouble apporté par la guerre dans le fonctionnement des pouvoirs publics, comme impliquant logiq11ement et indis- peusablemen t transfert à la charge de l'Etat des dégâts commis aux époques indiquées pat· le texte et qui, jusqu'alors, incombaient aux communes responsabli:!s en vertu du décret de vendémiaire? A-t-il, eu d'antres termes, entendu établir une présom ptiou juris et de jnre de désorgani- sation des pouvoirs p11blics pour tous les pillages commis, soit pendaut l'occupation ennemie, soit a11 moment de la libération du territoire ou immédiatement après, soit lors de l'évacuatiou des parties du terri-

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JURISPRUDENCE DE LA CoçR D'APPEL DE LIÈGE, - N° 10. - 12 MARS 1927. 7.3 (RrnvuE HltHDOl\IAoAurn)

SOMMAIRE: Coui· d'rtppel de Liège, ,je ch. (Desiste­ment d'instance; conséquences; art. 2, § 5, de la loi dn 10 mai 1919; nationalité des victimes; iudiffilrnuce ; période visée; désorganisation des pouvoirs publics ; absence de présomption légale;· sens des termes 4 pouvoirs publics~. 1

Cour d' Appel de Liège 4e CH. PR. DE M. SLEGERS, CONS. ff. DI~ PR,

4 février 192'7. DÉSISTEMENT D'INSTANCEj CONSÉQUENCES j

ART. 2, § 5, DE LA LOI DU 10 l\IAI 1919 j

NA'l'IONALI'l'É DES VICTII\ŒS i INDIFFÉ­

RENCE i PÉRIODE VISÉE; DÉSORGANISA-1'ION DES POUVOIRS PUBLICS j ABSENCE

DE PRÉSOJ\IPTION LfmALE j SENS DES

TERJ\IES " POUVOIRS PUBLICS ,, ,

1. Le désistemeid d'1t11e i11stance, même accepté, n' i111 plique zws ?'enouciation au fond die droit et 11e met pas obstacle à la. faculté de la reproduire ·1tltérie1wement devant la 111ê111e jw·idiction.

Il. L'article 2, § 5, de la loi du 10 111ai 1919 soustrait les faits q u 'ü vise il,' 1111 e 11umièl'e absolue â l'empire dit décret de vendé1ni<tfre an IV, sam distinguer, q1Ùmt à leur uatio­wtlité, entre le.'! personnes qui e11 anmient été les victimes.

Ill. Le dit article 2, § 5, n'érige pas en , préso·mption jul'is et de jure le fait de la désorganisation de.'! pouvoirs zmblics aux époques qn' elle limite, de telle sol'te que la loi agirait e//. toutes Girco11stances ü}. 111ême où les pouvoirs publics de111e1wés intacts auraie11t co11ser,vé tous les moyens nécessai1·es. po1t1· empêcher tes faits 1,isés.

IV. La loi vise -ici les pouvoirs publics dans le1w sem généml et non unigueme11t la 7,olice plus spécialeme11t chargée â' assnrer le respect de la personne et des biens des citoyens.

(Mangen c, Ville de Liège).

Monsieur l' Avocat Gén,éral L. Pepin a donné sou avis en ces termes :

Le 15 avril 1924, Jeanne Mangen a fait assigner la Ville de Liège, en se fondant surie décret du 10 vendémiaire àu IV, en payement: 1° de la somme de 150,000 frs, double de la valeiu de son mobilier; 2° d'nne somme de 20.000 frs pour autre préjndice sons réserve de modificat10n de ces chiffl·es en prosécution de cause, du chef de pillage

de sa maison, commis le 25 novembre 1918, par uu attroupement de personnes appar­tenant à la popnlation liégeoise,

Le jugement a qno a débouté la deman­deresse, son action ressortissant à la juri­dictio11 des dommages de guerre.

Le grave problème que cette affaire son met à la science juridique et àla sagesse de la Cour est l'interprétation qu'il faut donner au n° 5 de l'article 2 de la loi du 10 mai 1919, ainsi conçu:

1' Sans préjudice des réparations qui ,, seront organisées par des lois spéciales, ,, donnent lieu à réparation les dommages n certains et matériels résultant de l'at­" teinte dirncte portée, sur le territoire de "la Belgique, aux biens meubles et immeu-

' ,, bles par: 10,, .... ; 20 ..... ; 30,. ... ; 40,. ... ; ,, 5° les crimes et délits commis contre les ,, propriétés à la faveur de la désorgani­" sation des pouvoirs publics, soit pendant ,, l'occupation ennemie, soit au moment de ,, la libération de la partie du territoire où ,, les fait!'l out été commis, soit pendant la ,, pédode qni a suivi immédiatement cette ,, libération, ainsi que lors de l'évacuation ,, des parties du territoire comprises dans

·,, la zone des opérations. ,, Le décret du 10 vendémiaire an IV

,, n'est pas applicable aux faits prévus par ,, ia présente loi, ,,

La controverse porte sur le sens des mots "à 1a faveur de la dés(?rganisation des pouvoirs publics,,. Qu'a entendu dire par là le législate11i·?

A-t-il entendu considérer cette déso1·­ga11isation comme une co11séqnence néces­saire du tl'ouble apporté par la guerre dans le fonctionnement des pouvoirs publics, comme impliquant logiq11ement et indis­peusablemen t transfert à la charge de l'Etat des dégâts commis aux époques indiquées pat· le texte et qui, jusqu'alors, incombaient aux communes responsabli:!s en vertu du décret de vendémiaire? A-t-il, eu d'antres termes, entendu établir une présom ptiou juris et de jnre de désorgani­sation des pouvoirs p11blics pour tous les pillages commis, soit pendaut l'occupation ennemie, soit a11 moment de la libération du territoire ou immédiatement après, soit lors de l'évacuatiou des parties du terri-

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toire comprises dans la zone des opérntions? A-t-il rétroactivement abrogé pour tons

les pillages i11disti11cteme11t commis dans l'une on l'antre de ces périodes le décret de vendémiaire ?

Ou bien a-t-il simplement voulu apporter nue exception à la rignenr de ce décret dans des cas particuliers, ceux où, eu fait, il y avait réellement en désorg·auisation des pouvoirs publics et snborclo11uer l'exo­nération de la lourde respollsabilité impo­sée aux communes à la preuve par elles de la désorganisation effective de leur police?

La désorgauisatiou des pouvoirs publics est-elle la raison d'êtl'e dn n° 5 de l'al't. 2 de la 101 du 10 mai 1919, la canse qui iustifie l'introduction de cette disposition ~la11s la loi sur la réparntiou des lloÏnmages résultant de faits de guerre, on u'est-elle qn'nue conditiou d'application de ce texte à examiner dans chaque cas particulier?

Problème de droit pur dout la solution est pour les communes, et pour Liège en particulier, d'une importance capitale. Le sort des finances est en jeu!. .. La bauqne­route, la hideuse banqueroute, est à la porte !

Je u'enteuds point dire d'ailleurs qn'il faille se laisser dominer on iufl.neucer par des considéraLions de fait.

La loi est la loi et le juge n'a qu'à l'appliquer sans se préoccuper de ses cm:séqnences fina11cières on autres. Ce sont là des truismes juridiques, mais, dans une questi~u aussi lourde de responsabilité, il faut mettre en œ1ivre, avec 11110 atteutiou et 1w scrnp1tle redoublés, tons les procédés d'investigation juridiques pour saisir le sens du texte, le bnt et l'esprit de la loi dont il est l'e?(pression.

Ce n'est pas la première fois que la question est soulevée, mais rarement, je dois le dire, le problème a été plus claire­ment posé et débattu avec plus d'ample.ur que dans l'affaire actnelle,

Je sais que les Cours d'appel des dom­mages de guerre décident généralement qu'aucune présomptio11 de désorga11isation n'est inscrite dans la loi, en s'appnya11t sur l'autorité de la Cour suprême. (Cass. 9 mars 1922, Pas; 1922, I, 190).

J'ai - est-il besoin de le dire? - le pins prnfond respect pour les décisions de la Cour suprême, mais le respect laisse

entière la liberté de discussion. La Cour de Cassation elle-même a toujours donné le pins maguifique exemple du culte exclu­sif de la vérité et d'uue hante indépe11~lance. Dan □ ces dernières anuées notammeut,

sous l'illspiratiou de Rou émiuent Procu­reur Général actuel, Mr Pan! Leclercq, u'est-elle pas revenue, daus certaines qnestious civiles et pénales, sur uue juris­prudence qui semblait immuablement fixée?

.Appliqnaut les règles d'iuterprétation classiques, commenço11s pat· le texte lui­même.

L'article 2 de la loi sur les dommages de guene, dit l'appelante1 indique quels sont les faits qui donnent lieu à i11clem11ité comme dommages de guerre ..

Oe sont les c1·itnes et délits commis à la faveur de la désorganisatiou des pouvoirs publics.

Le.même article ajoute que le décret cle velldémiaire 11'es.t pas applicableanx faits prévus par la préseute loi,

Doue les faits qui ne donnent pas lieu à réparation à titre de dommages de guerre sout les crimes et délits qni n'ont pas été commis à la faveur de la désorganisation des pouvoirs publics.

Aux t.ennes de l'aliuéa final, ils restent sous l'empire du décret de vendémiaire. Le texte est clair et suffit pour résoudre la question.

La règle qu'il énonce est, du reste, con­forme ·au bon sens. Pourquoi créer une situation spéciale et favorisée aux com­munes qui 11'011t pas été dé,sorganisées par le fait de la gnene? Pourquoi les exonérer de lent· respo11sabilité lorsque la guerre ne les a pas mises daus l'impossibilité d'assurer le service de la police? Logique formelle et abstraite que cette façon d'ar­gumenter,

Comme le dit EDl\IOND PICARD, c'est le droit fait de syllogismes, procédé de tech• nique juridique, légitime certes1 mais qui ressemble beaucoup à la dissection d'une pièr,e a11atomique séparée de l'orglluisme qui lui donnait, le mouvement et la vie.

L'argument a contrario déduit du texte n'a du reste de valeur que s'il est en harmonie avec le but de la loi. (GENY, Méthode d'interprétation et. sources du droit positif Jll'ivé, 11° l 05, p. 299).

Qua11t à l'argtuneut de hou sens, sa force

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est très cou testable. Ne pen t-on pas pré­tendre avec qnelqne raisou qne toutes les commtrnes, niême celles qui out conservé nue police, ont subi le coutreconp de la désorganisation des rouages gon verue­men tanx et administratifs, qui fut la suite de l'invasion allemande et de l'occupation du territoire?

L'orgauisation, c'ast le fonctionnement harmonieux de tous les orgaues qni parti­cipent à la vie publique.

Si l'un vient à faire défaut, s'il est entravé, enrayé dans son jeu, par réper­cussion les autres sont touchés et affaiblis

· d1rns leur action. L'autol'ité communale n'avait pas et ne

pouvait pas avoir la même viguenr pendant, la snspeusion de ses fonctions par la magis­tratnre, quand elle ne pouvait compter potH' la répression des délits commis par les malandrins que sut' le couconrs de l'autorité occupaute.

N'est-ce pas cette mauière de voir que réflèteut les termes de la loi, qui parle de désorganisation des pouvoirs publics et nou de désorganisation dn pou voir com­munal, bien qu6 le texte vise spécialement la responsabilité des communes.

Sans doute, à le prendre à la lettre, le texte semble n'aceorder de droit à la répa­ration aux victimes des infractions qu'il prévoit qu'à la double condition qne le crime ou délit, cause clu dommage, ait été commis à la faveur de la désorganisation des pouvoirs publics et à l'une des périodes visées.

Sans doute, à suivre les règles d'une technique véri ta blemeu t scieu tifiq ne, la cause qui sert de support à la loi ne doit p11,s figurer dans son texte, mais, daus les lois récentes, répondaut à des sitnations nouvelles, la pensée du législateur ne s'exprime pas toujonrs avec toute la rigueur désirable. Il est naturel, a dit Monsieur le Procurnur Général Leclercq, qu'elles soient pleines d'imperfections. (Belg. Jud. 1927, p. 7).

Quelle a été la volonté du législateur, le bnt de la loi, voilà ce qui' importe.

La rntio legis est un élément fécond d 'i u terprétation d'un texte de loi parce que, comme le dit GENY, (1liétlwrle d'ùiter­prétatfon et sonrces du droit privé pos-itif, t. I, no 103), la loi n'est pas seulement phéno-

mène psychologique, mais en mênie temps et inséparablement, phénomène social, ou plutôt comme soli esBeuce psychologique se trouve enveloppée et, pour ainsi dire, baignée dans ul\e atmosphère sociale qui eu détermine on en précise les contours, il est nécessaire que l'on analyse aussi cette ambiance vitale de la loi; antrement dit, qne l'on tienne compte de certains élé­ments extérienrs an texte à iuterpréte1·, placés ponrtant en contact iiitime avec lui, et i,ans lesqüels ce texte resterait muet et ne révèlerait que fort incomplètement la volonté qn'il recouvre.

Or, quelle est, an moment de l'élabora­tion dl:l la loi dn 10 mai 1919, cette ambiance sor.iale? La gnerrn est fiuie depuis six mois à peine, Daus les principales villes du pays il y a eu des explosions de colère popuhiire, des exécutions, des pillages.

Déjà obérées par la guene, les communes vont se trouver chargées d'une responsa­bilité redoutable en vei'tn du déeret de vendémiaire: q nalifié par d'éminents juristes de "loi politique et de police, mesure de saint public, empreinte de cet absolutisme despotique habituel à la conveutiou, de loi de circonstances aux dispositions draco­niennes renouvelées des teinps barbares•·

Les commu11es, Liège, notamment, s'agitent et alertent leur mandataires à la Chambre et au Sénat.

Ceux-ci font diligence et obtienueut des assurances dn Gonvel'llemeut. Paraît le projet de loi sur les dommages cle g·uerre.

Sou article 2 contient un numéro 3 relath à la situation des communes : Donnent droit à réparation, les dommages matériels résultant de l'atteinte directe portée snr I e territoire de la Belgiq ne aux biens meubles on immeubles d'uue personne déterminée à l'article I 0 r ci-dessus, pat' lu .. ,, 20 ... , 30 ... , des crimes et délits commis coutre les propriétés par des personnes étrangères aux armées belges, alliées on ennennies, à la fa venr de la désorganisation des ponvoirs publics résnltaut de la gnerre (Doc. parl., Chambre 1918-1919, p. 34).

Le but de cette disposition, c'est iucon­testablemeut de sublever les communes d'1111e respousabilité écrasante et de la mettre à la charge de la collectivité des citoyens, c'est-à-dire de l'Etat, ces dom­mages étant la conséqnence de la désor-

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ganisation de.s pouvoirs publics résultant de la guerre. Cela ressort à l'évidence du rapport de la Commission de la Chambre et des çliscnssions parlemeutaires,

Du rapport d'abord, Ses termes géné­raux, dit-il en parlant de l'art. 2, al.inéa 4 (deveun daus la suite l'alinéa 4 puis aliuéa 5), comprennent également " les délits commis à force ouverte et par vio­lieuce par des attroupements ou rassem­blements armés ou uon armés dont le décret d11 10 vendémiaire, an IV, rend les communes responsables ,, (Doc. pal'l., Chambre 1918-1919, p. 209, n° 12).

Des discussions parlementaires. " Du momeut, disait à la Chambre M. Hansseus, Dépnfé de Bt·nxelles, qne vous ad1nettez que la responsabilité des dommages de celte uature incombe à l'Etat, il faut admettre, par le fait même, qne cette res­ponsabilité n'incombe pas aux communes, la première de ces données exclnallt l'antre .... ,, (An, l)(Wl,, Chambre 1918-1919, p. 682).

La même opinion est énoncée dans le rapport au Sénatpar M. Go blet d'Alviella (Doc. Pari., Sénat 1918-1919, u0 58, p. 27),

E11-fiu; de,;ant cette hante assemblée, M. Magnette précisait avec nne clarté parfaite le but de la loi :

« Beaucoup de communes ont vn se dresser devant elles le spectre de la ban­queroute, car, pour beaucoup d'e11tre elles, ce n'est pas par cent.aines de milliers de francs, c'est par millions et dizaines de milliorni que se chiffraient les iudernnités qui leur ét.aient réclamées. Un texte légis­latif s'imposait doue; c'est celui que uous discutons actuellement, l'article 2, para­graphe 5 ..... ,,.

Pareil but commande l'exonération des communes sans clistinctio11 entre celle où la police était encore organisée et celle où sou action était affaiblie et saus vigueur et cadre adéquatement avec la for.me simple et claire du proj.et de loi : « Donnent lieu à réparation les dommages matériels résultaut de l'atteiute directe portée sur le territoire de la Belgiq ne aux biens meubles et immeubles. d'n11e persoune déterminée à l'article premier ci-dessns par .... , 3° des crimes et délits commis contre les propriétés .. : .. à la faveur de la désor-

ganisation des pouvoirs publics résultant de la gnene ,,,

Serait-il juste, d'ailleurs, de condamner an payement dn double dommage prévu par la loi de vendémiaire les communes qui, pendant l'occupation, ont conservé et pent-être renforcé leurs forces de police et d'exonérer de toute responsabilité celles qui n'ont pas comblé les vides créés dans les effectifs par la guerre, s'en remettant à l'occnpaut dn soin de faire régner l'ordre comme il en avait l'obligation? Telle est la ratio legis. Si, comme le soutient l'appe­lante, il faut faire nue discrimination entre les communes dans chaque cas particulier, si telle est la portée des tenues " à la fa venr de la désorganisation des pouvoirs publics,,, le législateur ne va pas manquer de s'eu expliquer nettement dans l~s travaux préparatoires et dans les discus­sions parlementaires,

C'est là qu'il faut chercher le mot de l'énigme,

Le premier' document intéressaut que nous rencontrons dans cette étude de la loi est le rapport de la Commission de la Chambre, œuvre de trois de ses meilleurs jurisconsultes, l\lM, Mechelynck, Devèze et Wauwermans, auquel il convient, pat· suite, d'attacher grande autorité.

La Commission a soumis le texte du projet à un examen a pprofo11 di.

C'est elle qui a proposé la suppression dans le texte du projet gouvermental des mots " par des personnes étrangères aux armées belges, alliées on e1memies,,, parce qu'ils établissaient une restriction qui n'était pas justifiée. C'est elle aussi qui a proposé le remplacement des mots "résul­tant de la guene,, par ceux-ci qui figurent dans le texte défiuitif "pendant l'occupa­tion ennemie, an moment de la libération de la partie du territoire où les faits ont été commis ou pendant la période qui a suivi immédiatement cette libération ",

l\fodificatiou de rédaction qui n'implique aucun changement de la portée du texte et a uniquement pour but " de préciser la disposition )) , ·

Les considérations générales par les­quelles la Commission j nstifie l'article tel qu'il est sorti de ses délibérations impli­quent sa pleine adhésion à la pensée qu'exprime l~ projet gouvernemental par

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les mots "résnltaut de la guerre,, gni précisent si uettement la désorganisation que vise le législateur. Ecoutez:'' L'anto­rité belge a été impuissante à assurer le respect de la prnpriété pendant l'occupa­tion; ses ageuts étaient désarmés; ! 'ennemi n'a pas organisé dans tontes les parties dn pays uue police suffisante; an moment même de la libération dn territoire tonte force de police a fait défaut; des propriétés out été détruites, des bois dévastés, des vols et des pillages accomplis. "

En vne de réparer ces dommages matériels dérivant de l'état de guerre, le projet du gouvernement contient nue dis­position qui comprend dans les causes de dommag·es ré1rnrables "les crimes et délits commis-par les personnes étrangères aux armées belges, alliées on ennemies, à la faveur de la désorgauisatiou des pouvoirs publiés résnltaut de la guerre,,.

La Commission propose .... suivant les modifications de texte rappelées pins haut,, Puis le rapport coutinne : " L'article 2, alinéa 4, a un caractère généra! ; l'exposé dee motifs siguale que, reproduisant l'ex­pression adoptée dans l'iutitulé du titre IX, livre II du Code pénal, " Crimes et délits contre . les propriétés,,, il vise tons les attentats à la propriété mobilière comme à la propriété immobilière.

Ses termes généraux comprennent éga­·Jement "les délits commis à force ouverte ou par violence par des attroupements on des rassemblements armés ou non " dout le décret du·l0 vendémiaire, an IV, rend les communes responsables.

Il permet la réparation des domrnages prévus par cette disposition sans qu'il y ait lieu de rechercher, conune le prescrit l'article 8 de ce décret, si la c.ommune justifie avoir pris toutes les mesures en son pouvoir pour pr6venir l'évènemeut.,, (Chambre des Représentants, Doc. parl., 1918-1919, p. 209, n° 10.)

Il n'y a pas de11x façons de comprendre ce document, fruit d'une élaboration atteu­ti ve et réfléchie.

Les raisons qu'il invoque pour exonérei' les communes montrent à l'évidence que la Commission tient cette désorganisation des pouvoirs publics, aux époques qu'elle précise avec soin, comme un fait général "dérivant de l'état de gue1;re ,,.

Le rapport, très logiquement, en tire la couséqnence qne la réparatiou des dom­mages prévns· par le décrét de veudémiaire s'éffectnera dorénavallt sans qu'il y ait lien de rechercher si la commtu1e justifie avoir pris tout.es les mesures eu sou pouvoir pour prévenir l'évènement.

Aucune ail usiou, si fugitive soit-elle, aux comm1111es dout la guerre aurait laissé l'organisation intacte, ponr les exclnte dtl bénéfice de la lüi et affirmer leur respon­sabilité anx termes du décret de vendé­miaire toujours debout.

J'ai été quelque pen surpris que l'appe­lante ait, dans son mémoire, passé sons sile11ce ce docnmeut révélateur de la pe11sée des pères de la loi eu discussion dans ce procès. Il est vrai qu'elle affirme avec séné­rité qne l'explication du texte ne pent être cherchée que claus les travaux parlemen­taires de la Chambre lors de la seconde !ecture dn projet. C'est vraiment faire trop

· bon marché de la discnssion que son leva à la Chambre, lors du premier vote, le se11s de la disposition litigieuse.

C'est !Jilors, eu effet, gne M. Nolf déposa 1111 amendement adopté dans la suite com­plétant comme suit le n° 5 .... "aiusi que lors de l'évacuation des parties dn territoire comprises daus la zône des opérntions ,,. (An. tJm·l .. Chambre, session 1918-1919, p. 525 et 528), .

Alors que, sur nue remarque de Monsieur Staudaert, lVIonsien~· Jaspar, Miuistre des Affaires économiques, déclara qu'il fallait intei.'préter le texte dans ce sens : les crimes et délits commis contre les pro­priétés à la favenr de la désorganisation

· des pouvoirs publics, soit pendant l'occu­pation eunemie, soit au moment de la libération de la partie du territoire où les faits ont été commis, soit pendant la période qui a suivi immédiatement cette libératiou, interprétation qui fut ratifiée par le parlement ( An. zwrl., loco citato, p. 5~5, 526, 578 et 583).

Alors qne furent posées au lVIinistre des Affaires écouomiques de multiples qnes­tious sur le sens cln texte qui 11011s occupe.

lVJM. Jourez et de Wouters d'Oplinter prièreut le Ministre d'expliqm,r en qt1oi consistait la désorganisation des pouvoirs publics (p. 527).

Ce à quoi M. Jaspar répondit que cet,

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mots étaieut assez cluirs pour ne pas devoir être interprétés et qne tons compre­naient ce q nec' était qu'une désorga11isa tiou des pouvoirs pnblics.

Nous en trouvons, ajoute-t-il, des exemples daus l'applicatiou qne les tribu­naux font du décret dn 10 veudamiaire, ·an IV. Et si la Chambre veut des cas particuliers, en voici immédiatemeut qnel­ques-nns. Obéissant à un mobile patrio­tique, la magistrature, à un momeut donné, a été amenée à refuser son coucours à l'autorité occupaute. La constatatiou des crimes et des délits fnt aiusi d'autant pins compromise que bien des commissaires de police Huivirent les procureurs du Roi. dflus lenr retrHihi. Voilà un exemple de !a désorganisation d'un ponvoir public ..... (p. 528). .

Ne peut-on iuférer de ces paroles qne, daus la peusée de M. Jaspar, l'emploi dn pluriel est vonlu et vise la désorgauisatiou des pouvoirs publics en général et 110n pas d'nn pouvoir public eu pal'ticulier?

Ce qni est caractéristique d'ailleurs de la conception large que les parlem~utaires se faisaient de la désorganisation des pouvoirs publics, c'est cette réflexion de M. Poncelet, dépnté de Neufchâteau : " Cette désorganisation des pouvoirs pu­blics existe encore à bien des poiuts de vne " (p. 527).

01', ou était, lors de ces débats, e.n 13 mars 1919 !

Ou interrogea également le lVIiuistre @Ur la signification du mot " immédiatement" qui Est susceptible d'une certaine élasticité (p. 525 et 526. Discours Standaert et Jaspar). Qnant au mot" imrnédiaternent )P

affirma le rapporteur M. Mechelynck, il doit être interprété dans lil seiis le pins large. Les tribnnanx décideront pour cha­cune des parties du payG quand les pou­voirs p'iiblics auront repris une organisa­tion suffisante (p. 526).

Repris! On part donc bien de l'idée de la désorgauisatiou géuérnle inhérente à la guene. Mais la question de la responsabi­lité des délits, pillages et autres infractions commis peudant la gnene et à l'époque de la libération du territoire, a été formelle­ment posée et la Chambre a été unanime dans la solution qu'elle comportait. .

C'est Monsieur Crick qui ouvre le feu:

" ... Puisque j'ai la parole, j'en profite pour demall(1el' à l'honorable Ministre de vouloir me donuer quelques précisions. Pendant l'occit patiou, de uombreux bois, apparte­nau t à des partic\lliern, out été ravagés par la popnlatiou civile, encouragée dans cette besogne par l'antorité allemaude. A raison c\11 désarrni qui existait dans notre police et uotre orgauisation administrative, il n'était pas possible à l'autorité belge de réfréuer ces actes de brigandage. Je demande si les victimes de cEs dépréda­tions sont comprises dans l'aliufo 4 de l'article 2 d6 la loi. ,,

Iucontiueut. le Miuistre répond:" ... Vient en&nite l'oLservatiou présentée par l'hono­rable MoHf'ieur Crick. Il demande. si le propriétaire de bois dévasté::i ou saccagés par la population, avec l'encouragement de l'autorité occnpànte, sera indemnisé par application du u0 4 de l'article 2. Je distingue : s'il s'agit de crimes et délits commis contre I a propriété à la faveur de la désorganisation des pouvoirs publics, nous sommes d'accord pour dire qn'il y a lien à réparation. Si, au contraire, il ne s'agit'pas seulement d'une conséqnence de la désorganisation des pouvoirs publics, mais d'nn véritable délit commis avec l'appui dn,ponvoir existant en ce moment là, je dis 'non. Il faut évidemment être prudent, se tenir dans certaines limites et ne réparer que ce qni est abîmé à la suite de la désorganisation des pouvoirs publics" (p. 526).

La distinction proposée par Mr Jaspar est snptile et, à mon sens, arbitraire.

Dans les deux brauches de son raison-11emeut, il reconnait l'existeiice de la désor­ganisation, mais il refuse réparation aux sinistrés quand il s'agit d'un véritable délit commis avec l'appui du pouvoir occu­pant. Eu quoi cet appui modifie-t-il la situation? Le fait de cet appui qui rendait la cousommation dt1 délit inévitable, ne pent priver le préjudicié de la réparatio11. · Ce serait manifestement injuste. En pareil cas, d'aillenrs, le décret de vendémiaire ne jouerait pas. Aussi la question fut-elle soulevée à nouvea~1 par Mr Wouters d'Opliuter, qui demanda à la Chambre de ne pas se prononcer sans avoir bien pesé les termes du problème, " ... Il y a dans l'arrondissement de Louvaill, dit-il, un

COUR D'APPUL DE Llit0ll 79

grand uombi·e de bois qni ont été pillés par la population locale, e11hardie par la sus­peusiou des pal'quets belges. Les proprié­taires, 011 bons patriotes, se sout toujours refusés à se plaindre aux Allemai,ds et je me permettrai même de citer nn cas q1Ü m'est personnel... Je pnis vons garnutir que beaucoup de propriétflires sont clans ce cas, Le8 bois out été eu fait pillé~ par snite de la désorganisation des pouvoirs publics belges, La justice n'était cependant pas désorganisée complètement. Des tribunaux

· allemands existai eut, mais les propriétail'es u'entendaieut pas lenr livrer les nationaux, quelque pen iutéressauts qu'ils fnsseut."

Mr Jourez. - La police était désarmée, .mais les malandrius étaieut armés.

Mr de Wouters. - Je signale an .Gon­vernement qu'il s'agira d.e sommes assez cousidérables, Il importe donc qu'il ne se prouonce pas à la légère.

Après lui, se. lève Mr Moyersoen. -« J'avais, dit-il, demandé la parole précé­demment pour formuler la même observa­tiou. Il importe de déterminer d'une façon précise ce que signifie la déso1·ganisation des pouvoirs publics.L'honorable Monsieur de Wouters d'Opliuter vient de vous parler des coupes sombres qui se sont faites dans les bois pendant les hivers 1916-1917 et 1917-1918. Des dégâts a11alogues ont été commis dans les Flandres par suite de la suppression des envois de eharbon ; on a pillé les bois, ou a coupé des arbres de très nombrenses propriétés pour avoir du bois de chauffage ; ces dévastations ont duré pendant deux hivers et il était impossible aux ageuts communaux de les réfréner. Parfois même, ces malandrins ou ces mal­heureux - il y en avait de deux catégories - étaient encouragés par la justice alle­mande. Lorsqu'ils étaient poursuivis, le juge allemand disait qu'ils avaient besoin de bois de chauffag·e. En l'espèce, y a-t-il désorganisation det1 pouvoi1:s publics? Les administrations communales étaient désar­mées"'

Mr Cloes. ~ C'est certain, surtout pour la campagne,

]\i[r Moyersoen. - Parfois, des bandes de 300 à 400 personnes se précipitaient dans un bois et le piUa'ient. La répression n'eut été possible qu'en faisant appel aux troupes allemandes,

Les propriétaires lésés, se basant sur la loi de veudérniaire, poursuivent les com­munes.

Puis Mr l\foyersoeu demaude l'a vis du Ministre sur la qnestion même soumise à la Cour, eu faisant du reste c01maître son opiuiou: au mome11t de la signature de l'armistice, une explosion de colère popu­laire se déchaîna contre les personnes accusées, à tort on à raison, d'avoir tra­vaillé pour l'eHHemi. Encore une fois, la police débordée ne put immédiatement empêcher ces excès.

Des pl'opriétés ·fure11t pillées ou, dévas­tées. Ces dégâts somblent également devoir rentrer claHs le cadre de l'article en dis­cussion.

l\!Ii' Begerem. - 11 y a lieu de faire remarquer que les décisions des tribunaux belges appliquent la loi de vendémiaire et rendent les communes responsables. La Cour de Gand s'est prononcée en ce sens-

(Pour le dire en passant, l'anêt auquel fait allusion Mr Begerem est du 19 juillet 1917, Pas. 1917, II, 282.)

· 1\1.r l\foyersoen, -- Pré0isémeut, les com­munes, ont reçu de très nombreuses assi­gnations.

Mr Hanssens, - Les tribnnanx con• daninent.

Mr Moyersoeu, -- Je ne sais pas s'ils condamnent, mais en tout cas la procédure est engagée,

Mr Hansseus. - Il out appliqué la loi de veHdémiaire, mais il y a recours en cassf\ tiou.

Mr Moyersoen. - Je-désirerais connaître la réponse du Ministre au sujet des ques­tions qne j'ai eu l'honneur de soulever. ( voir p. 527).

Après cet exposé des débats à la Chambre, il apparait clairement que l'opi­nion de NL Moyersoen était partagée par tons ses collègues. Pas de trace de dissen­tiineut; aucune réserve.

Ecoutez la réponse catègorique du Ministre.

Après avoir dit qu'on ne peut rendre l'Etat responsable de tous les délits qui se commettent encore - ou était au 13 mars 1919 - èon tre les propriétés, parce qu'ils ne résultent pas directement de la guerre et n'en sont que des couséquences lointai­nes'; qu'il faut maintenir au mots "désor-

80 COUR o' APPEL DE LIÈGE

gauisation des pouvoirs publics,, son sens uaturel et usuel, de désorg.auisatious sur­venues penrlant l'occ11patio11 on, du moins immédiatemeut après, il déduit de cette iuterprétation que " les cas cités par l'honorable M. lVloyersoen et par l'hono­rable M. Crick tombent sous l'application de l'article 2 dans les circo11sta11ces qui out été ipdiqnées et qu'il pense par consé­quent (iu'à ce~ égard ils seront d'accord "' (p. 628).

Je pense, à mou tonr, pouvpir légitime­meut conclure de cette a11alyse des débats que la Chambre a tenu pour acquis que les pillages commis pendant l'occupation et à l'époque de la libération du tenitoire out été commis à la faveur de la désorganisa­tion des pouvoirs publics, désorganisation inhérente à la guerre et à l'occupation eunem1e.

La loi issue des délibérst10ns de la Chambre a exactement la même portée q ne le projet gou vernenien tal q ni était catégorique "à la faveur de-la désorgani­sation des pouvoirs publics, résultant de la guerre ,, .

Le sentiment de la Chambre à cet égard s'est affirmé sans embages en seconde lecture par l'adoption d·e l'ame1-1dement de M. Bnisset qni forme l'alilléa final de l'article 2: "Le décret du 10 vendémiaire an IV sur la responsabilité des communes n'est pas applicable aux faits prévus par la présente loi,,.

La discussion à laquelle avait donué.lieu la rédaction de l'article 2, 6° reprit, sons nue antre forme, à propos de l'article 66, devenu l'article 69, relatif aux effets de l'introduction d'm1e action devant le Tl'i­bnnal des dommages de gnerre sur les actions poursuivies antérieure'ment contre l'Etat et les administrations pnbliqnes à raison des mêmes faits,

Comme je l'ai rappelé . dans l'affaire Staveau contre la Ville de Liège, M. Moyer­soeu et M. Jaspar estimaient qn.e le pré­judicié possédait concnrremment deux actions, l'une contre la commune en vertu du décret de vendémiaire, l'autre contre l'Etat en vertu de la loi du iO mai 1919. (An. Pa.i-l., p. 617),

1\1:. Hanssens n'était pas de cet avis" ..... "Il me parait qu'il existerait nue cer-

taine contradiction entre ces deux respon­sabilités,,.

" La loi que nous discutous reconnait, en effet, que les dégats causés pendant la période d'occupation et peudant la période qui a suivi immédiatemeut sont logique­ment et indispensablemeut à la charge de l'Etat parce qu'ils sont untl conséqirnnce de la guerre. N'est-ce pas dès lors contre­dire cette donnée que d'admettr~ que la res ponsa bili té des dégats devrait demeurer également à la charge des communes que la guerre a complètement désarmées ...... ,,,

Voilà la vérité mise eu relief dans une formule lapidaire par un des premiers jurisconsultes de la Chambre,

Les dommages de ·1a période d'occupa­tion et de celie qni a immédiatement suivi doivent., logiquement et i11dispensablemeut, demeurer à la charge de·l.'Etat parce qu'ils sont une conséquence de la guerre; ils ne peuvent rester à la charge des communes parce que la guerre les a complètement désàrmées.

Et, pour lever tout doute, M. Hanssens suggère un amendèmeut disaut que la loi de vendémiaire ne sera plus applicable dans les cas c0ttverts pat· la loi nouvelle ... (A1111. parl., p. 617).

Dans les cas prévus par la loi nouvelle, c'est-à-dire dans les actions du chef de délits commis .pendant la période d'occu­pa.ti?n on celle qui l'a immédiatement SUIVJe,

Il n'est pas fait de distinction entrn les cas où les pouvoirs publics étaient. désor­ganisés et ceux où ils no l'étaient pas parce que, aux époques envisagées, les cômmnues - M. Haussens • le dit - étai eut complè­tement désarmées,

L'amendemeu t suggéré par1\'1'; Hanssens, c'est M. Buisset qui le déposera en seconde lectnre.

Pout· le moment, le député de Charleroi se borne à faire un discours où il soutient qtie le décret n'a jamais été appliqué par la jurisprudence en période de guerre avec l'étranger, " Le manque de force de police des communes, déclare-t-il, et, disons-le franchement, la suppression totale de leur autorité, ne permettait pas à celles-ci d'intervenit· ,,.,

Il en tirait la conséquence qu' "on ne pouvait admettre que l'on doive considérer

COUR o' APPEL DE LIÈGE 8l

la loi de vendémiaire comme applicable aux faits de pillage pendant la période troublée que l'on venait de traverser et qu'il était préférable de lni substituer le régime prévu an n° 4 de l'article 2 de la loi en discnssion ... ,, (.Ann. petrl., p. 618).

L'appelante prétend que l'avis de M.• Buisset fut immédiatement combattu par M. Hanssens, qui fit observer que la Chambre 11e pouvait apprécier les circons­tances de fait clans lesquelles chaque commuue s'était trouvée et obtint que la q nestion fut rérervée j usq u'an second vote.

Cette exégèse est hautement fantaisiste. Sans donte, la question fut réservée

jusqu'au second vote (sur l'art. 2, 4°, car l'article 65 fut adopté sans amendement et devint défiuitif), mais loin de combattre M. Buisset, M. Hanst!eus appuya sa manière de voir en ces termes: " î\fessieurs, je pe11se que l'honorable M. Bnil:!set a raison quand il attribue à la loi de vendémiaire la portée qu'il !ni assigne, mais ce n'est pas à la Chambre à se prononcer. Nous 1i'avons qu'une chose à faire, c'est de prévoir l'éveut,ualité d'une décision contraire "' (p. 618).

Par là, M. Hanssens faisait allusion aux instances déjà introduites et dans lesquelles il y avàit eu condamnation, suivie de

' recours en cassation, connue il l'avait (Üt à la séance du 13 mars. (Ami. parl., p, 527).

Respectueux de la justice, il n'eutendait pas peser sur ses décisions, mais, bien euteudn1 il se réservait dans la loi en discussion, de portet: remède à la situation, comme nous le verrons, par une disposit'ion produisaut même effet rétroactif.

En seconde lecture de. l'article 2, 50, l'accord se fait définitif et complet.

M. Bnisset revient sur lès considérations qu'il a déjà développé'es, " ... Aujourd'hui, dit-il, ou nous soumet 1111 texte qni inter­vient à bon droit, je me hâte de le dire, car les faits qni se sont passés P!lndant la guerre ne peuveilt en aucune façon retom­ber à charge des communes et être cou verts par la loi de vendémiaire.

Il serait bon de dire que la loi de ven­démiaire n'est pas fipplicable à ces faits, mais qu'ils sont du ressort de la loi sur. les dommages de guerre. Il y a pour cela d'excellentes raisons ,, .

M. Buisset donne lecture d'une note les

développant, puis il reprend: " Il suffit de faire le simple exposé que je viens de vous montrer pour établir à toute évidence que, pendant la guerre, ancnn des moyens de force n'était au pouvoil' des communes, ni n'aurait pn être exercé par tes habitants ,, .

" Il en résulte doue qne la loi de vendé­miaire ne peut être rendue applicable dans l'espèce,,.

" Songez maintenant à cette espèce de coexistence de deux lois, c'est-à-dire qu'on laisserait Je choix aux parties on bien de

, réclamer contre les communes aux termes dn décret de veudémiaire, on bien de réclamer des dommages sur pied de la loi q ne nous votons ,, .

M. Bnisset siguale les difficultés qu'en­gendrerait cette coexistènce, puis termine comme suit: " Il résulte de l'adhésion qu'a déjà paru donner le Gouvernement, de la volonté que la Chambre a manifestée, qu'il y a lieu de déduire dn 5° de l'article 2 que . la loi de vendémiaire• n'est pas applicable aux faits de gtlerre, J ~ me propose en èo11séque11ce de déposer un a1ne11dement qui empêchera toute difficulté d'interpré­tation à ce. sujet ,, .

Ce discours, portent les .Annales, est accueilli par des marques d'approbation sur de uombreux bancs. (p. 680),

1\1.. Mechetyuck, le rapporteur, est d'ac­cord avec M. Bnisset sur le principe: "Il m'a tonjours paru étrange que le décret de vendémiaire puisse être appliqué aux com­munes ponr faits de gnene. Le décret exige un ensemble de circonstances que l'état de guerre semble exclure. On com­prend cependant que, pendant la guerre et dans le désir d'accorder des réparations, les tribunaux aient donné une interpréta­tion très large au décret de vendémiaire ,, .

"Quoi qu'il en soit, des décisions judi­ciaires sont déjà intervenues, La Cour de Cassation 011 est même saisie. Si la Cour de Cassation maintenait sou interprétation, les intéressés anraie11t des droits acquis, JI ne me semble pas que la C4ambre puisse intervenir pour supprimer ces droits,,.

" Nous sommes unanimes à estimer qu'il est très difficile que le décret de vendé­miaire puisse s'appliquer aux faits signalés par l'honorable M. Buisset ... ,,

Et lVI. Mechelynck annonce que, pour permettre aux Commune déjà con.damnées

82 COUR D'APPEL DE LIÈGE

de pouvoir exercer, dans les limites des réparations accordées par la loi, uu recours contre l'Etat pont· les sommes qu'elles auraient payées, il déposera un amende­ment à t'article 34 relatif aux subrogations. (An. Prl1'l., p. 680).

Pour M. l\'1echelynck, connue pour M. Bnisset, le décret est donc générale­meut inapplicable par le ,13enl fait de la guene, sans qu'il y ait lien, en fait, de rechercher, dans clrnque Cfül particulier, s'il y a eu on non désorganisation des pouvoirs publics.

Enfin se lève M. Hanssens. Depuis la séance dn 26 mars, il a müri sa pensée et elle s'est fixée irrévocablement: ll MM. j'ai demandé la parole pour appuyer l'amen­dement déposé par l'honorable IvI. Buisset tendant à ajouter à l'art. 2 de la loi nne disposition excluant l'application de la loi de vendémiaire anx dommages dont la réparation fait l'objet du projet que uons discntous.

"Je pense qu'au point de vue des princi­pes, la légitimité lle cet ainendement n'est guère discntab!e. En effet, la donné_e qui est à la base même dn projet de loi qui nous est soumis consiste en ce que les dommages dont il s'agit, c'est-à-dire ceux qui résultent des c,·inrnf-l et délits contre les propriétés à la faveur de la désorgani­sation des pouvoirn pnblics, etc, sont des dommages qui-, de par leur nature et les circonstances dans lesquelles ils se sont produits, Lloivent incomber à l'Etat. Et bien, du moment que vous admettez que la responsabilité des _dommages de cette uatu!'e incombe à l'Etat, il faut admettre par le fait même qne 'cette responsabilité 11'incombe pas aux Communes, la première de ces données excluant nécessairement l'autre,,. (A11. ZJa1'l., p. 682).

C'est donc une rtdhésion de principe et qui n'est nullement ,fondée, connue le pré­tend l'appelante, sur ce que, dans le texte actuel, la responsabilité des Communes ne serait exclue que si l'on établit en fait la désorganisation des pouvoirs publics.

Le texte sm· lequel la Chambre doit se prononcer, c'est l'amendement B11isset 1

qui présume, au contraire, la désorganisa­tion des communes par le fait de la guerre et, pour cette raison, transfère leur res­ponsabilité à l'Etat. Et il est encore plus,

on du moius tont aussi inexact de dire, comme le fait le mémoire de Me Stasse, que M. Ha11sse11s fait valoir comme 111i'ique argnrne11t l'idée qu'il fallait éviter un circuit de procédures et des frais frustra­toires.

M. Hanssens se prononce pour l'amen­dement Buisset, parce qne, an point de vue des pri11cipes, sa légitimité n'est -gnère contestable. Il le dit méme deux fois. S'il parle de circuit de procédures et des frais qu'elles entraîneraient, c'est pour écarter une solution qn'il avait, e11 nre­mière lecture, suggérée-à titre subsidiaire: la subrogation.

"On dit, continuait M. Hamsens, et lors cle la présente discussion, j'ai indiqué moi-même cette sointion à titre subsi­diaire: Ne pounait-on pas subroger les Communes aux droits des particuliers. Il y a Messi~nrs, de sérieux inconvénients à ce lilystème ..... net M. Ha11sse11s en indique trois :-lo) la subrogation 11e sera pas pos­sible qnaud la partie qui aura été victime des dommages sera exclue de, la loi 11011-

velle; 2°) il est des cas où l'indemnité due par la Commu11e est portée en double, et, par la subrogation, elle ne pourrait

· récnpérer que le simple dommage - une remarque en passant: Daus la pensée de M. Hanssens, la loi du 10 mai 1919 tenait si bien pour constante, à raison de la guerre, la désorganisation des pouvoirs publics aux époques envisagées, qu'il avait songé nu instant à subroger les Communes condamnées en vertu dn décret de veudé­miall'e dans l'action dn sinistré coutre l'Etat, bien qtie la conclamuatiou des Communes supposât, selon ce décret, qu'elles avaient disposé de moyens d'ac­tion dont elles n'avaient pas usé; 3°) enfin la loi de vendémiaire ne se borne pas à dire que la Commune sur le territoire de laquelle ont été commis les dégats, doit eu assurer la réparation. Si les attrnupe­meuts ou rassemblements-ont été formés d'habitants d'autres Communes, la Com­mune sude territoire de laquelle les dégats ont été commis, peut prendre son recours contre ces autres Communes, et, dans certains cas, il existe encore des recours co1jtre les particuliers. Eh bien! que va-t­il advenir de tout celà en cas de simple subrogation? Il y a là un ensemble de

COUR o' APPEL DE LIÈGE 83

procédures, d'actions, de contreprocédures et de contre actions qu'il serait, me semble-t-il, excessif de maiuteuir. Ces procédures, par le fait qu'elles serout compliquées, entraîneront des frais comû­dérables qui auront été faits en pure perte".

"Or, que deviendront ces frais? Les communes devrout-.elles en supporter défi­nitivemeut toute la charge, celà à l'occasiou de dommages dont la loi nouvelle reconl)aît que la respousabilité doit iucomber à l'Etat?,, (An. parl., p. 682 et 683).

Et où .lvJe Stasse avait-il les yenx quand il a ln dans la discnssiou que .l\'I. Jaspar avait déclaré qu'il se ralliait à l'amende­ment qui n'émanait pas du gouvernement à raisirnde ce deruier argument développé par J.\11, Haussens?

Voici, an contraire, ce qu'a déclaré M. Jaspar: "Le Gouvernement s'arrêtaut

· aux observations qu'ont fait valoir l'auteur de l'amendement, ainsi que l'honorable M. Hanssens, se rallie à l'ameudemeut de M. Buisset. En effet, les considérations émises par les houorables préopiuants fout taire les scrnpnles des juristes ..... " (An. parl., p. 683),

Si les paroles de lvl. Hanssens out nue importance capitale, comme le dit Me Stasse, sa thèse est condamnée.

.M. Mechelynck déclara égalemeut que la Commission se ralliait à l'amendement de 1\1. Buisset.

Mais le discours de M. Hanssens fournit un autre argnmeut et nn argument péremp­toire à la thèse que la loi du 10 mai 1919 établit une présomption de désorganisatiou des pouvoirs pnblics et que cette désorga­nisation ue doit pas être examinée dans chaque cas particulier; c'est que, dans la pensée de ses auteurs, elle doit avoir un effet rétroactif; elle s'applique aux actions intentées antérieurement mais non jugées défimtivement et, en ce sens, porte atteinte à des droits acquis,,

Voici comment s'exprimait à cet égard M. Hanssens : " On fi objecté qu'il y avait un obstacle d'ordre général à ce qu'on légifère actuellement sur la question; qu'il y a, en effet, des actious basées sur la loi de vendémiaire qui ont été portées en justice, que la Cour de Cassassion est saisie de plusieurs pourvois, que la mesure proposée porterait, dans ces conditions,

une atteiute particulièrement grave à des droits acquis, Je sais fort bien qu'il en est aiusi; je sais qu'il est toujours grave de donner 1m effet rétroactif à la loi . .Mais je u'en ai pas moius la couviction qne cet effet rétroactif s'impose dans l'occureuce ,,.

"La loi sur les loyers u'a-t-elle pas elle aussi, à de nombreux égards, un effet rétroactif? Celà ne 110us a pas empêché de la voter. Pourquoi? Parce q n'il y a là nu résultat auqnel doivent aboutir la plu­part des lois d'intérêt général et de répa­ration que nous votous en ce moment, pour la très bonne raison que l'action législative a été paralysée peudant plus d.e quatre aus et q ne, à peine de lui refuser le pouvoir de faire encore ce qui devait être fait, il faut lui permettre de légiférer actuellement, relativement à des situatious qui se sont réalisées pendaut la suspension forcée de ses travaux, comme elle n'aurait pas mai:qné de le faire plntM si cela avait possible. Il me paraît, dans ces conditions, qne la solution proposée par lVI. Buisset, qui m'apparaît, quant à moi, com1ne la seule solution pratique et juste, ue mécon­naît aucnue considération qui puisse nous anêter,, (Au. pm.Z., p. 683).

Snr ce poiut encore, le Ministre des Affaires économiques marqua son accord eu ces termes: " ..... L'houorable Monsieur Haussens vient encore à l'iustaut de démontrer qu'en matière de réparation de dommages de guerre, la rétroactivité était inévitable. Ce serait nue, anomalie cho­quante si l'on aboutissait à accorder le double dommage à ceux qui seraieiit moins méritauts que d'autres. Dans ces conditions, je me rallie à l'ameudement de lvl. Bnisset,, (A11. pad., p. 683).

La Commissiou de la Chambre suivit également.

Le problème est donc résolu en ce qui concerne la Chambre.

Sa volonté apparaît clairement : abro• gation complète dn décret de veudémiaire, la désorganisation des pouvoirs pnblics étant légalement constatée, pour tous les pillages commis dans l'une des époques déterminées par l'art .. 2, 5°, La loi de vendémiaire ne reste applicable qu'aux faits commis eu dehors de ces époques.

La volonté du Sénat ue s'affirma pas avec moins de uetteté,

84 COUR o' APPEL DE LIÈGE

Le t·apport de la Commission dn Sénat est le reflet fidèle de la physionomie des débats à la Chambre: "La question a été posée de savoir, dit le rapporteur, si le décret du 10 vendémiaire, an IV, autorisait les préjudiciés à poursuivre concurremment les communes responsables des contesta­tions de ce genre ayant déjà été portées devant les tribunaux civils,,.

" Les clenx actions, l'une contre la com­mune, l'antre co11fre0 l'Etat, allaient-elles pou voir être éxercées simultànément,, ?

" La qnestioll a été résolue par la néga~ tive, étant donné que les dommages dont s'agit doivent, de pat· lem· nature et les circonstances où ils se sont produits, in­comber à l'Etat et que, dès lors, ils u'iu­combent pas aux communes. L'alinéa final de l'article 2 abroge conséquemment le décret de vendémiaire en ce qui concerne les faits prévns par la loi actuelle,,.

"La mesure opérera rétroactivement, mais cet effet rétroactif, qnelqne atteinte qui eu résulte pour les droits acquis, s'im­pose en l'occnrrence. En matière de répa­ration de dommages de gnerre, la rétro- , activité est inévitable. Comme le faisait remarquer un des juristes de l'assemblée, et non des moindres: " la loi sur les loyers. n'a-t-elle pas, elle aussi, à de nombreux égards, un effet rétroactif ,, ? Suit le pas­sage du discours de IVI. Hanssens, cité plus haut. .. Puis le rapport reprend : " Les procès basés sm· le décret de vendémiaire, actuellement pendants devaut les tribn­uanx ordinaires, aux fins d'obtenir, à charge des communes, réparation des dommages de guerre prévus par la loi actuè'lle, semblent devoir entraîner la con­damnation dès demandeurs au:x dépens, ce qui advient parfois an plaideur qui expie soit les erreurs du juge, soit les obscurités de la foi. Quant aux décisions déjà coulées en force de chose jugée, l'article 86, 1°, subroge les commnues "au droit de répa­ration dans les limites, des sommes payées on avancées ... n (Doc. 1rnrl., Sénat, 1918-1919, p. 26).

Donc la compétence des tribunaux civils, par application du décret de vendémiaire, est transférée au tribunanx des dommages de guerre, pour tous les faits commis pen­dant l'occupation ennemie, an moment de la libération du territoire ou pendant la

période qui a suivi immédiatement cette libération, aiusi que lors de l'évacuation des parties du territoire comprises daus la zone des opé).'ations.

De ce rapport si conclnant, l'appelante se borne à dire que • la simple lectnr9 montre qne l'on envisage uuiquement le cas où le sinistré a action co11t1·e l'Etat. "

Le législateur n'a pas eu l'intention, dit-elle, de priveï· un sinistré de tout recours ; il veut seulement que le recours contre l'Etat exclue celui contre la com­mune ...

J'avoue iie pas comprendre. Le rapport songe si pen à priver le

sinistré de tout reconrs qu'il pose la ques­tion des poursuites concurrentes, ,mais il le résoüt en n'accordant an sinistré qu'un recours unique, celui contre l'Etat qni prend la place des communes. Le parti pris de l'Bppelaute dans l'interprétation des trnvaux préparatoires s'avèrn pins manifestement encore qnand elle écrit à propos du discours de M. Mag·nette an Sénat:" La même idée (celle qn,'elle attri­bue à la Commission du Sénat) anime le discours de M. 1\ifagnette dont on cherche, de part adverse, à tirer argnm·eut ,,.

Vous 1~ lirez et, je vous en fais juges, est-il discoms plus limpide et plus formel à la fois que celui de M. Magnette, qui s'était institué le défeuseur des communes en général, et de Liège en partfonlier, et le seul orateur qui ait discuté au Sénat la portée de l'article 2, 5°.

Après avoir rappelé la rigueur du décret de vendémiaire, parlant des procès intentés Hnx commnnes en vertu de ce décret, M. Magnette s'écrie : " Or, il est arrivé depuis le début de la gnerre, cette chose, vraiment paradoxale, que des communes désarmées, à qui toute résistance était rendue impossible par le désarmement de leur police, par la disparition de l'année et de la gendarmerie, que des communes dont les habitants étaient privés d'armes, dé­pouillés dn drnit de réunion et même du droit de s'assembler, obligés de rentrer parfois au coucher du soleil, ne pouvant d'aucune façon intervenir utilement dans les bBgB1Tes provoquées par des malan­drins, ont ~té poursuivies en vertu de ce décret devant les tribunaux. Ces communes, naturellement, ont invoqué la force ma-

COUR D' A.PPEL DE LIÈGE 85

jeure. Certes, c'était un cas admirable d'application de la force majeure ... "

Puis M, Maguette critique avec vivacité les décisious iutervennes: " ... Mais il n'en fut pas comme on l'espérait. Les tribunaux s'en tinrent au texte rigoureux, à la lettre étroite de la loi, à ce que je n'hésite pas à appeler une interprétation judaïque. Ils proclamèrent la responsabilité entière des communes. Ils on blièren t les circonstaii ces dans lesquelles le décret de vendémiaire a été édicté ... Les tribunaux n'ont donc pas

·tenn compte ni des circonstances dans lesquelles le décret a été Micté, ni des coutingeuces de la Belgique occupée ... »

C'est ponr sauver les comm1111es qui, accablées de procès, voient se dresser devant elles le- spectre de la bauqueroute qu'il faut, conclnt M. Magnette, courir au pins pressé en atteudant la révision com­plète du décret de vendémiaire an IV.

Le texte libérateur, c'est la disposition eu discussion, le u 0 5 de l'article 2.

"Je l'approuve, repreud avec éuergie M. Magnette, je le répète de toutes mes forces. Il n'est donc plus permis d'assigner les communes à raison des faits prJvns par le paragraphe 5 de l'articltl 2, faits qui rentrent dans le cadre du décret de vendé­miairn ,, .

" Seulement, une question s'.est posée et elle est. délicate : quel est le sort qui sera réservé à une action basée sm· le décret de véndémiaire an IV, action intentée et uon encore jugée on bien au snjet de laquelle un jugement a été rendu mais n'aura pas encore été exécuté au moment de la mise en vigueur de la présente loi?,,

"Va-t-il y avoir rétroactivité? On semble d'accord à cet égard, mais je pense qu'il serait bon de souligner cet accord pour assurer à la loi son effet rétroactif. Les tribunaux devront doue se déclarer incompétents à partir du jour de la mise eu vigueur de la loi eu ce qui concerne toutes les ·actious intentées sur le pied du décret de vendémiaire, .... ,, (Ait. parl., Sénat, p. 269). ·

Vous avez bien entendu: TOU'l1ES ! Comme à la Chambre, pas l'ombre d'une

protestation, d'une contestation. M. Braun, Sénateur de Brnxelles,

s'associ~ à M. Magnette : " Le décret de vendémiaire, dit-il, s'applique non seule-

ment aux dommages causés aux biens mais . encore aux dommages causés aux

\

personnes,,. "Dorénavant le décret sera inapplicRble

aux faits prévus par la présente loi, c'est-à-dire aux dommages causés par des faits de guerre aux biens .meubles et immeubles .... , n·

Puis M. Jaspar clôt la discussion eu ces tenues : " ..... Viennent ensuite les obser­vations présentées par l'honorable Mon­sieur Magnette. Je suis d'accord avec la Commission, comme cela a d'ailleurs été dans l'esprit de la Chambre, pour déclarer que le dernier paragraphe de l'article 2, relatif au décret de vendémiait-e an IV, a un effet rétrnactif. Il est même impossible de concevoir qu'il en soit autrement,, (Au. pct1.Z., Sénat, p. 269).

Ou comprend, dans ces conditions, que, consulté par la Ville de Liège sur la portée exacte de la loi, M. Magnette lui ait répondu que, dans sou esprit, il n'y avait place à aucun doute snr l'interprétation à donner aux mots : "à la faveur de la désorgani­sation des pouvoirs publics,,, que, pour les faits dommageables commis dans l'une des périodes prévues à l'art. 2, ces termes n'avaient qu'u110 valeur justificative ou explicative, qne la loi avait visé non pas l'un ou l'autre cas particulier ou mêmè nue série de ces cas, mais avait constaté que, pendant l'occupation et surtout à la fin de cette occupation, les pouvoirs publics étaient désorganisés et qu'il y avait lieu de pt'/:mdre une mesure générale qui est !'.article 2.

C'est la solution que vous propose le Couseil de la Ville de Liège.

Et c'est la solution qui sort lumineuse­ment, à mon sens, de l'étude complète, approfondie, objective, des trava1ix prépa­ratoires (Voir e11 ce sens étude de VALERIUS dans La Belgique judiciafre, 1922, p. 225 et suivantee).

Je m'excuse de vous avoir imposé cette longue et fastidieuse, revue des travaux préparatoires. Si je l'ai fait c'est, vous le savez, par pur souci de la vérité qu'il est, en matière juridique, si souvent difficile de dégager.

· Cette étude m'a éclairé moi-même, car, je vous l'avoue, dans des observations sur l'un de vos arrêts, qui n'avait d'ailleurs

86 COUR D'APPEL DE LIÈGE

pas trait à l',rne des périodes visées par l'art. 2, j'avais mis en relief certains arguments en favenr de l'opinion contrairn.

Errare h1tman11111, /lerseverare diabolicu,m ! Si cependant voi1s ne croyiez pas pou­

voir vous ranger à mon opinion, vous auriez à examiuet· si, eu fait, la désorga• nisatiou des pouvoirs pnblics n'existait pas àLiège, le 25 novembre 1918, date du pillage, et si les faits, dont la Ville offre très snbsidiairemeut la prenve, sont ou uou pertinents. Je vons les ra pp elle : q n-e les ponvoirn publics étaie1lt désorganisés à Liège à l'époque dn pillage invoqué; q110, notamment, la magistrature n'avait pas repris ses fonctions régulières ; les forces de police locale étaieut düninuées pal' snite de la présence sous les drapeaux de 109 de ses membres, comptant précisément parmi les meilleurs à raison de leur âge et de leur force; cette police, débilitée par les privations et les services spéciaux lni imposés pendant quatre années de guerre et composée en bo1111e pattie par des élé­meuts recrntés comme ou le pouvv,it ponr suppléer aux agents sons les drapeaux, ne se trouvait plus dans des conditious per­mettaut d'assurer l'ordre et la sécurité dans les circonstances difficiles où l'on se trouvait; le pouvoir du bm1rgmestre de réqnisitionller la force pnbliqne pour le maintien de l'ol'Clre était illnsoire par le fait de l'abseuce totale de l'armée et de la gendarmerie snr le territoire de la Ville et de la disparition de la garde civique; le 26 novembre '1918, le bourgmestre dut s'adresser au général Lavigne, comman­dant la 41 8 divisiou de cavalerie française, qui campait aux environs, pour obtenir de lui l'assistance qni lni était indispeusable pour m~intenit· l'ordre dans la cité; le général Lavigne, après avoir ordonné, vn l'urgence, l'envoi immédiat à Liège de deux escadrons de di·ago11s fnrnçais, retira, le jonr même, cet ordre dans la croyance erronée que la cavalerie belge ve11ait de rentrer à Liège; la première intervention de l'armée belge ne pnt se manifester - et t1 ès faiblement - q ne le 27 novembre an soir, par la préreuce d'un peloton de solda-ts commandés par le sous-lieutenant Grisar, assisté dn Hons-officier Dequinze.

La pertinence de ces faits ne doit pas être appréciée an regard de la loi de ven-

démiaire, comme le fait l'appelante, mais en fonction de la loi du 10 mai 1919, qui impose la juridiction des· dommages de gnene qnaud il y a désorganisation des pouvoirs publics.

Or, i_l n'est pas douteux qne, dalls la pensée clu législateur de 1919, cette désor­gauisation existe qnand les dépositaires du pouvoir communal ne disposent pas des moyens matériels de répression, à rai sou cle l'affaiblissement et dn désarme­ment de la police par la guerre, de la 'dis­parition de la garde civique, de l'absencé de l'armée et de la gendarmerie, du défaut (fo coopération efficace clu pouvoil' jndi­ciaire, qui reprenait à peiiie ses fonctions, anrès nne absence de nlnsieurs mois.

,_ Celà ressort des rapports des Commis­sions de la Chambre et du Sénat. des disconrs prononcés et des opinions expri­mées dans ces deux assembiées dout je vous ai lu de longs extraits:

A la date du 25 novembre, il semble bien que le concou:·s indispensable de ces éléments d'ordre divers faisait défaut à Liège, mais, si vons aviez un doute snr la réalisation des faits artic1ilés 1 vous ordon­neriez la preuve.

,Il me reste à rencontrer un dernier moyen.

L'appelante, dit-on, était sujette grand ducale au moment des faits et, pour cette raison, ne ponrrait prétendre à nue indem­nité à titre de dommages de guene.

Sont en effet seules admises.au bénéfice de la loi sur les dommages de gtlet'l'e, les personnes physiques et juridiques de nationalité belge, ,art, 5, et les pbrsouues physiqnes et juridiques étrangères, en vel'tn d'nu traité de réciprocité, art. 8.

Ancnn traité de ce geure n'existe avec le Grand-Duché.

L'appelante serait donc privée, si la thèse de la Ville est vraie, de tonte répa­ratiou dn préjudice snbi. Oelà seul suffit à condamner cette thèse, car on cherche vraiment à <1nel accès de xéuopbobie aurait obéi le législateur en édictant pareille injustice. C'est précisément pour ue pas la consacrer qne l'article 2, 5°, alinéa final, ne rend le décret de vendémiaire inappli­cable que ponr les faits prévus à la présente loi.

Avec le conseil de la Ville, je réponds

COUR D'APPEL DE LIÈGE 87

immédiatement que, dans la thèse de l'ap­pelante, nn étranger serait, par l'applica­tion du décret de vendémiaire, dans une situation infiniment meille't1re que le Belge ou l'étranger dont le pays aurait concln nu traité de réciprocité avec la Belgique, taut an point de vue de la preuve que de la réparation des dommages et qu'on cher­cherait vaiuerneut à quel accès de xéno­philie aurait obéi le législateur en favori­sant ainsi les moius intéressant des étrnngers.

Si la Chambre n'a pas admis le système de la subrogation des Communes daus les droits des sinistrés, c'est entre autres motifs parce que, comme l'avait exposé M. Hanssens, approuvé par M. le Ministre des Affaires éc·o~10miquës, la subrogation ne pouvant jamais se fair·e que dans la mesure des droits dü créancier primitif, la Commune couserverait définitivement à ·sa charge sans recours la charge du simple dommage. (A.11. Parl., p. 682).

Or, ce double dommage, dans la théorie de !'·appelante, l'étranger dout le pays n'a concln aucun traité de réciprocité ~vec la Belgique, l'obtiendrait de la co1Îunn11e, sans recours possible, même eu cas de désorgauisatiou des pouvoirs publics, sous préLexte qu'il ue bénéficie pas de la loi dn

' 10 mai 1919. Le légifllateur ne l'a pas voulu1 l'intérêt

des communes lui ayant parn plus respec­table.

Le statut des étmngers quant à la répa­ration des pillages commis pendant la guerre ou immédiatement après, est, comme celui des Belges, iuscrit dans la loi du 10 mai 1919, ·

Ils ont droit à la même réparation qne les Belges, quand les Belges jouissent chez eux de ca bénéfice,

Jamais ils n'.ont droit à une réparation supél'ieure,

Il n'y a là rien d'illogique ni d'injuste. On oppose eufin l'anêt rendu le 29 juin

1923 par la troisième chambre de votre Cour dans l'affaire de Beldemano contre la Viile de Liège.

Le pourvoi formé contre cet arrêt par la Ville a, il est vrai, été rejeté par la Cour de Cassation le 26 juin J 924 (Pas. 1924, I, 429)1 mais l'arrêt de la Cout· suprême porte que le rejet est prononcé,

"sans qu'il y ait lieu d'avoir égard aux antres motifs de l'arrêt qui out trait à l'extranéité de la défenderesse,,.

L'argumentation de l'arrêt de Belde­mano, je crois l'avoir réfutée en répondant aux moyens de l'appelante qui n'en sont que la reprodnctio11,

Il repoHe, à mon avis, sur cette erreur fondamentale que la loi du 10 mai 1919 s'attache à la qualité de Belge, que, par suite, elle est inapplicable aux étrangers qui, eu vertu de l'alinéa fü1al de l'art. 2, 5o, peuveut invoquer le décret de vendémiaire

.devant les tribunaux civils. Si même la réparation prévue par la loi

cl11 10 mai 1919 s'attachait à la qualité de Belge, ce ne serait pas u11e raison pour permettre à un étranger de recourir au décret de vendémiaire si, comme j'ai tenté de le démontrer, ce· décret cesse d'être applicable erga omne.s pour les pillages, quels qu'ils soient, commis claus l'une des époques qu'il détermine.

Mais la loi dn l 0 mai 1919 s'attache si peu à la q nali té de Belge que son article 8 eu constitue expressément les étrangers bénéficiaires, à la conditiou que leur Gou­vernemeut fasse le même sort aux Belges,

Les autres, la loi les ignore, et c'est justice qu'ils s'en prennent à leur Gouver­nement!

Me voici enfin au bout de ma tâche. Je ne vous dissimulerai pas qu'elle m'a

coüté quelque effo1·t. L'institution du Ministère pr1blic eu

matière civile est âprerne11t discutée eu ces temps de compression des dé[Jeuses,

Elle ue sortira triomphante de l'épreuve qu'à la c011dition que ses membres fassent la preuve de l'utilité du concours qu'ils apportent à l'œnvre de la justice.

Qnelle que soit votre décision, j'espère que ma collaboration à l'étude du problème aura cependant contribué à vous en faci­liter la solution.

ARRÊT Attendu qne l'intimée ne reproduit

devant la Cour la double fin de 11011 recevoir soulevée en première instance et basée à la fois sur le désistement d'une action ayant la même cause et le même objet que la présente introduite devant le tribunal civil le 21 décembre 1918 et sur l'art. 69 de la

88 COUR o' APPEL DE LIÈGE

loi du 10 mai 1919; qn'au surplus, le désis­tement d'nne instance, même accepté, n'implique pas renonciation au fond· cln droit et ne met pas obstacle /J, la faculté de la reproclnire ultérieurement devant la même juridiction; que, d'autre part, c'est par de justes considérations qne le premier juge a repoussé le second moyen invoqué à l'appui de cette exception ;

Au fond: Attendu que l'appelante fonde son

action sur le décrèt de vendémiaire an IV pour obtenir réparation du dom1rn1g·e subi par le pillage dont sa ,maison a é é l'objet, de la part de la population de la Ville de Liège, le 25 novembre 1918;

Attendu qu'elle soutient qn'en sa qualité d'étrangère elle· serait sans recoui·s pour poursuivre la réparation de ce dommage sur le pied de la loi du 10 mai 1919 alors même qne les faits qni l'ont provoqué Geraient de ceux dout la dite loi met la responsabilité à charge de l'Etat et, qu'en conséquence le décret de vendémiaÎ!'e lni est applicable eu toute hypothèse;

Attendu que la loi susvisée, après avoir énnméré les crimes et délits commis dans les couditions qu'elle détermine dont elle entend réparer les conséquences domma­geables, ajoute à la fin de son article 2, § 5 : " les faits prévus par la présente loi 11e tombent sous l'applicatiou du décret de vendémiaire an IV ,, ;

Attendu que ce texte vise daus leur matérialité les faits qn'il vieut de pr.éciser comme source de droit à indemnité pour les soustraire d'une manière absolne à l'empire dn dit décret sans disti11gner quant à leur natiouali té eu tre les perso1111es qui en seraient les victimes ;

Attendu que cette disposition est rigoil· reusement conforme an bnt de la loi tel qu'il· est révélé par les travaux prépara­toires, à savoir, de décharger les communes des conséquences ruinenses des uombreux dégâts commis dans les circonstances qn'elle détermine an cours de la période envisagée;

Attendu gue, non seulement, la}oi man­querait soli but en de 11ombrenx cas si elle admettait des exceptions à l'exonéra­tion qu'elle établit en faveur des COl!)muues, mais encore qu'elle mettrait les étrangers dans une situatio11 plus favorable que les

nationaux en maintenant à leur senl profit une action pins ava11tagense tant par les conditious de sou succès que par les répa­rations qu'elle assure, alors que les bé11é­fici aires étaient son veut les moi 11s digues d'intérêt et que, par leurs agissemeuts, ils avaient le plus fréquemment attiré sur eux la colère populaire ;

Atte11du qne, clans ces conditions, le législateur n'a pu hésitet· à faire fléchir certains i11térêts particuliers devant l'iuté­rêt général ;

A tte11clu, au surplus, que les étrangers ne sont pas exclns d'une manière absolue· · du bénéfice de la loi; que celle-ci leur réserve, an contraire, le même recours qu'aux Belges à la seule coudition prévue à son article 8 de l'existence d'nu traité de réciprocité etitre leur pays d'origine et la Belgique:

Attendu qu'il résulte des considérations qui précèdent que l'action de l'appelante, telle qu'elle est introduite, ne serait rece­vable qu'à la condition qu'il fut établi que les faits dommageables do11t elle demande la rér,aration ne tombent pas sons l'appli­catiori de la loi prérappelée;

Attendu que ces faits se plaçant à l'époque visée par cette loi, il échet de l'fichercher, 'poul' la solution du prèsent litige, s'ils ont été commis à la faveur de la dénorganisation des pouvoirs publics;

Attendu que l'intimée, suivie en cela par le premier jnge, soutient que l'article 2, par. 5 de la loi érige en présomption juris et de ju1'e le fait de cette désorgani­sation aux époques qu'elle limite et que les mots " à la faveur de la désorganisation des pouvoirs publics,, insérés dans sou texte, ne sont que la constatation de ce fait qui ne doit dès lors plus être prouvé pour donner ouverture au droit à la répa­ration des faits prévus;

Attendu qu'il est vrai que le législateur, frappé des conséquences écrasantes pour les finances communales qui résulteraient de l'application du décret de vendémiaire aux actes innombrables de pillage et de dévastation commis à l'époque de la libé­ration du territoire, a voulu substituer la responsabilité de la collectivité entière des citoyens à celle des Communes, et qu'il a pris cette mesure en considérant que "l'autorité belge avait été impuissante à