Connexions entre le Rhône et son delta (partie 2) : évolution du trait de côte du delta du...

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Géomorphologie : relief, processus, environnement 2/2006 (2006) Varia ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Grégoire M. Maillet, Claude Vella, Mireille Provansal et François Sabatier Connexions entre le Rhône et son delta (partie 2) : évolution du trait de côte du delta du Rhône depuis le début du XVIII e siècle ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. Les œuvres figurant sur ce site peuvent être consultées et reproduites sur un support papier ou numérique sous réserve qu'elles soient strictement réservées à un usage soit personnel, soit scientifique ou pédagogique excluant toute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'éditeur, le nom de la revue, l'auteur et la référence du document. Toute autre reproduction est interdite sauf accord préalable de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Revues.org est un portail de revues en sciences humaines et sociales développé par le Cléo, Centre pour l'édition électronique ouverte (CNRS, EHESS, UP, UAPV). ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Référence électronique Grégoire M. Maillet, Claude Vella, Mireille Provansal et François Sabatier, «Connexions entre le Rhône et son delta (partie 2) : évolution du trait de côte du delta du Rhône depuis le début du XVIII e siècle », Géomorphologie : relief, processus, environnement [En ligne], 2/2006 | 2006, mis en ligne le 01 juillet 2008, consulté le 10 octobre 2012. URL : http://geomorphologie.revues.org/559 ; DOI : 10.4000/geomorphologie.559 Éditeur : Groupe français de géomorphologie http://geomorphologie.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://geomorphologie.revues.org/559 Ce document est le fac-similé de l'édition papier. © Groupe français de géomorphologie

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Géomorphologie : relief,processus, environnement2/2006  (2006)Varia

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Grégoire M. Maillet, Claude Vella, Mireille Provansal et François Sabatier

Connexions entre le Rhône et son delta(partie 2) : évolution du trait de côtedu delta du Rhône depuis le début duXVIIIe siècle................................................................................................................................................................................................................................................................................................

AvertissementLe contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive del'éditeur.Les œuvres figurant sur ce site peuvent être consultées et reproduites sur un support papier ou numérique sousréserve qu'elles soient strictement réservées à un usage soit personnel, soit scientifique ou pédagogique excluanttoute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'éditeur, le nom de la revue,l'auteur et la référence du document.Toute autre reproduction est interdite sauf accord préalable de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législationen vigueur en France.

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Abridged English Version

G. Maillet et al. (2006) have shown that the evolution of thedeltaic coastline is disconnected from direct sediment contri-butions from the river mouth. Thus, only the area near the

mouth benefits from the sandy river load. Here, the history ofevolution of the active Rhône River mouth is studied since thebeginning of the 18th century to understand which parame-ters influenced the coastline variations near the river mouth.This tri-centennial evolution takes place during the end of the

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Connexions entre le Rhône et son delta (partie 2) : évolution de l’embouchure du Rhône

depuis le début du XVIIIe siècle

Connections between the Rhône River and its delta (part 2): evolution of the Rhône River mouth

since the beginning of the 18th century

Grégoire M. Maillet*1, Claude Vella*, Mireille Provansal*, François Sabatier*2

* CEREGE, Université Aix-Marseille 1, BP 80 13545 Aix-en-Provence cedex 04, France. Courriels : [email protected] ; [email protected] ;[email protected] ; [email protected] 1 Actuellement à l’IRSN Cadarache, DEI/SESURE/LERCM, BP 03, F-13115 Saint-Paul-lez-Durance, France.2 Delft University of Technology, Faculty of Civil Engineering, Hydraulic Engineering Section, Stevinweg 1, 2628 CN Delft, The Netherlands.

RésuméSur le littoral du delta du Rhône, seules les plages à proximité de l’embouchure actuelle du fleuve bénéficient encore des apports ter-rigènes du fleuve. Afin de préciser le modèle de fonctionnement général de ce delta et les processus d’alimentation des plages actuelles,cette étude propose une interprétation des phases historiques d’évolution de l’embouchure principale du Rhône s’appuyant sur la numé-risation et le géoréférencement d’un important fond de données cartographiques historiques. La méthode utilisée consiste en unecomparaison des distances maximales séparant deux traits de côtes consécutifs. L’analyse des vitesses maximales moyennes d’évolu-tion du trait de côte au niveau de l’embouchure active au cours des deux derniers siècles montre ainsi une tendance générale auralentissement de la progradation du lobe actif, une très forte variabilité de la position du trait de côte et l’apparition de périodes derecul du littoral dans la deuxième moitié du XXe siècle. Une approche qualitative permet de relier ces variations du trait de côte à l’em-bouchure à la double emprise de contraintes allocycliques qui influent sur la charge solide fluviale, et de contraintes autocycliques liéesau rôle que joue l’espace disponible en mer sur l’accumulation et l’organisation des apports fluviaux à l’embouchure. Il apparaît ainsique la diminution de la charge solide au cours des deux derniers siècles n’influe pas sur les modalités d’édification du lobe actif, maissur la vulnérabilité de ce dernier.

Mots clefs : évolution côtière, effets de l’anthropisation, progradation, lobe deltaïque, embouchure.

AbstractOn the shores of the Rhône delta, only beaches close to the river mouth benefit from direct terrigeneous input. In order to understandthe mechanisms of river sediment discharge distribution at the coastline, our work uses a large historic data base to compare the maxi-mum distances separating two consecutive historic coast lines. Near the active mouth and during the last two centuries, an analysis ofaverage and maximum shifts in coastline position shows a general decline of active lobe progradation rates, with highly irregular ratesof shorter-term coastline fluctuation embedded within this trend. Erosion of the lobe is observed only during the second half of the20th century. Using a qualitative approach, variations in the position of the coastline are explained by two independent causes: exter-nal forcing factors such as the human impact and climate, which control the volume, nature and grain size of the sediment output; butalso an autocyclic component, which is linked to the interaction between submarine parameters such as accomodation space, sedi-mentation rate, and river channel response through avulsion. It appears that the decrease in sediment discharge of the Rhône Riverover the last 200 years has not influenced the growth of the active submarine lobe, but affects its vulnerability

Key words: coastal evolution, human impact, progradation, lobe, river mouth.

Little Ice Age (Vivian, 1989). The river discharge is not signi-ficantly different between the 18th and the 20th centuries (fig.1, tab. 1), but the sediment discharge has decreased from5.8–45.106 t.yr-1 in the first half of the 19th century, to 6–8.106

t.yr-1 today. The 18th and 19th centuries were also influencedby human activities on the rivers (Bravard and Peiry, 1993;Milliman and Ren, 1995). On the Rhône River, this humanimpact gradually increased during the 18th century (fig. 2A,2B, 2C) to favour inland navigation, then became reallysignificant in the mid-19th century, with the artificial closureof many minor distributary mouths and the embankment ofthe main river channel (fig. 2D, 2E, 2F).

In order to differentiate climatic from human effects, ourstudy consists in an interpretation of the diachronic super-position of scanned, georeferenced and digitised reliablehistorical maps. The maximum distances separating twoconsecutive coastlines are measured and divided by the timeinterval between two map editions in order to obtain avera-ge maximum speeds of evolution (named VMME in the text)for the purpose of comparison (tab. 3). On the one hand,analysis of coastline VMME near the active mouth duringthe last two centuries shows a general deceleration of acti-ve lobe progradation due to the decrease in sediment inputs.Analysis also shows a very irregular pattern of successivecoastline positions close to the active lobe, with an alterna-tion of very fast-evolving (+150 m.yr-1 between 1726 and1765, +242 m.yr-1 between 1866 and 1872) and slower per-iods (< 50 m.yr-1). Erosion of the lobe is observed onlyduring the second half of the 20th century, with a successionof prograding and erosional phases. On the other hand, thetheoretical consequences of human activities on the varia-tions in sediment discharge are detailed in figure 3. Thisqualitative approach shows that several factors actingsimultaneously can have opposite effects on the volume andnature of the sediment load, and that the influence of humanactivities on sediment discharge variability is particularlysignificant in the case of bedload. Finally, there is a goodcorrelation between the cumulated effects of human activi-ties on the temporal variation of the grain-size inputs(expressed with qualitative signs + or -) and coastlineVMME (the two last lines of figure 3).

In addition, these external forcing factors (climate andhuman impact) are probably modulated by an autocyclicdynamic. H.H. Roberts (1997) has proposed a cyclic theoryfor the long-term evolution of deltas based on successivephases of progradation, stability, and erosion. These dependon sea level variations (~1.000-2.000 yr sequence). Given thetime scale of this study, sea level variations (~ +2 mm.yr-1)are negligible. At the lobe scale (fig. 4), following an avul-sion, the new river mouth tends to shift to a zone withgreater accommodation space (named EDA in the text).EDA volume in front of the outlet determines the duration ofriver mouth stability and the length of the prograding phase.Towards the end of a progradation cycle, conditions forsediment transport deteriorate due to channel lengtheningand to the decrease of the riverbed slope. The channel isgradually filled-in, and conditions for the next avulsion areset to create a new lobe.

Our comparison between the theoretical influences ofexternal forcing and internal feedbacks to explain the long-term evolution of the Rhône River mouth (fig. 5) highlightsthe causes of river mouth coast line mobility. At the begin-ning of the 18th century, downstream from the Bras de Ferchannel, lobe progradation was slow (50 m.yr-1). The riverchannel was characterised by large meanders and manysmall islands (fig. 2A) which, together, testify to infillingprocesses (fig. 5A). An avulsion coincided with the floodperiod of 1709-1712, but the phase of progradation startedonly in 1826 (fig. 5C), i.e. after the period of initial aggra-dation responsible for filling the EDA (fig. 5B). After 1726,progradation was rapid, with an average maximum velocityof 150 m.yr-1. However, between 1726 and 1852, the riverreached the sea via three main distributaries (fig. 2B, tab. 3)and this situation favoured sediment dispersion in the sea.At the time, only exceptionally high sediment loads relatedto human activities could explain such rapid shifting of theriver mouth. Between 1765 and 1840, a deceleration ofcoastline progradation occurred, with a VMME of approxi-mately 30 m.yr-1. This reflects the autocyclic phase ofPégoulier channel infilling (fig. 5D).

Taking into account the autocyclic sequence, an avulsionshould have occurred after this period of channel infillinglasting almost a century. Instead, a three-stage artificialprogradation sequence occurred (1820-1840: 63 m.yr-1;1840-1865: 93 m.yr-1; 1865-1872: 242 m.yr-1) (fig. 5E).Firstly, the overdue avulsion was impeded by artificialembankment of the river channel since the beginning of the19th century, which initiated a self-cleaning process of theriver channel. The second stage corresponded to a periodof significant increase in sediment load, linked to the peakof agricultural development in the catchment area (fig. 5).Due to the effect of embankment works during the firststage, the embankment of the river mouth channel from1855 increased the bedload flushing potential. This causedan important seaward shift in the adjacent coastline. Thissudden impact did not ensure the construction of a stablesubaqueous delta. When the main load of sediment storedin the outlet channel was expelled, the progradation rate ofthe mouth decreased considerably (30 m.yr-1 since 1872).Thus, the autocyclic trend led to an EDA infilling phase(fig. 5F), and finally to a rebalancing of the lobe. At thebeginning of the 20th century, lack of maintenance of thePégoulier channel (fig. 5G) caused rapid erosion of thelobe by swell (20 to 60 m.yr-1). The old lobe sediment depo-sits supplied the growth of the Gracieuse Spit and thecoastline was stabilised around 1950 (fig. 5H). During thesame period, the artificial reopening of the Roustan outlet,which has had the same effect as an avulsion, initiated anew cycle involving a phase of aggradation (fig 5I) between1892 and 1944 (31 to 70 m.yr-1). In the second half of the20th century, the coastline has been maintained around aquasi-stable average position (fig. 5J), with short successi-ve phases of coastline advance and retreat, as showed byF. Sabatier and S. Suanez (2003). This atypical evolution isexplained by an increase in the fine-grained fraction of thesediment load reaching the mouth. This is linked to the

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construction of several dams between Lyon and the seasince 1945.

In conclusion, variations in the position of the coastline atthe Rhône mouth have been controlled by two independentfactors. The first is the consequence of external forcingmechanisms, which constrain sediment inputs and controlload grain size. The second factor is autocyclic and linkedto marine processes. It influences the evolution of the rivermouth area through both EDA, with respect to lobe progra-dation, and the effect of subaqueous lobe morphology onshoreline mobility. Finally, the decline in sediment dischar-ge over the last 200 years has not influenced the processesof growth of the active lobe, but it seems to have increasedits instability.

Introduction

Les littoraux deltaïques sont influencés par l’ensemble dusystème sédimentaire dans lequel ils sont intégrés, depuisles premiers processus hydroclimatiques dans les bassinsversants jusqu’aux processus liés à l’action marine. L’évo-lution de ces environnements est contrôlée par de nombreuxfacteurs, dont les plus importants sont d’origine marine etfluvio-sédimentaires (Uribelarrea et al., 2003 ; Petts, 1989 ;Milliman et Meade, 1983), et dépend souvent des élémentsmorpho-structuraux du bassin versant et de la plate-formecontinentale. Une évaluation détaillée de l’influence dessociétés sur l’évolution des systèmes fluviaux et côtiers a étéentreprise récemment. La plupart des études anciennes, fon-dées sur le principe de la monographie, ont été concentréessur de petits secteurs, et, par conséquent, sur des compo-santes élémentaires des systèmes sédimentaires. Dans cecontexte, l’impact de l’anthropisation, qui, à l’instar du cli-mat, doit être appréhendé à petite échelle (Bertrand, 2002),a souvent été soit négligé, soit considéré comme unique for-çage. Depuis trente ans, les chercheurs développent avecsuccès une approche plus dialectique combinant les effetsdu milieu naturel à ceux de l’anthropisation (Bethoux etGentili, 1999 ; Marchetti, 2001 ; Bravard et Magny, 2002 ;Vandenberghe, 2003), afin de limiter les dérives d’une géo-morphologie climatique souvent très interprétative.L’amélioration de la connaissance du cadre morphoclima-tique historique a en effet permis l’observation dans leurglobalité des processus morphologiques et des modelés quien découlent, ainsi que la mise en évidence des changementsliés à la perturbation anthropique.

La charge sédimentaire transportée par des fleuves versles océans est un indicateur pertinent de la dégradation dessols ; elle commande l’évolution des apports aux littoraux.L’étude des relations entre un fleuve et son delta ne peutdonc pas s’affranchir d’une réflexion sur l’évolution del’hydrologie du fleuve et, sur ce point, la bibliographieabonde (Milliman et Ren, 1995 ; Mulder et Syvitski, 1996 ;Syvitski et al., 2005). Mais la complexité des fluctuationstemporelles et spatiales de la charge solide des fleuvesindique que les flux de sédiment sont sensibles à de nom-breuses influences. De ce fait, dans de nombreux cas, il estdifficile de distinguer l’influence respective du climat et des

activités humaines sur ces flux, bien qu’il soit ponctuelle-ment possible de mettre en évidence les comportementsatypiques de certaines zones. G. Maillet et al. (2006) ontmontré que l’évolution du littoral deltaïque du Rhône étaitdéconnectée des occurrences de crue et que seuls les sec-teurs à proximité immédiate de l’embouchure du fleuvebénéficiaient des apports terrigènes. Le but de cette étude estdonc d’établir un modèle de fonctionnement spécifique, per-mettant de cerner précisément le rôle et l’influence dufleuve, de la mer et des activités humaines sur l’évolution del’embouchure du Rhône.

Évolution des influences fluvio-marines

Depuis la fin du petit âge glaciaire (PAG), une tendance àla diminution de la charge solide des fleuves du Sud-Est dela France a été mise en évidence par de nombreux auteurs(Probst, 1989 ; Bravard, 1994 ; Descroix et Gautier, 2002 ;Liébault et Piégay, 2002). Cette diminution est considéréecomme le résultat des changements climatiques globaux etde l’anthropisation croissante des milieux fluviaux et litto-raux (Milliman et Syvitsky, 1992 ; Poinsard, 1992 ; Bra-vard et Peiry, 1993 ; Gautier, 1992 ; Landon et Piégay,1994 ; Jorda et Provansal, 1996 ; Kondolf et al. 2002).L’évolution des variations hydroclimatiques depuis la fin duPAG (Pardé, 1925 ; Bravard, 1991 ; Reynaud et Vincent,2002) correspond à une réduction de la pluviométrie (War-ner, 2000 ; Moisselin et Schneider, 2001 ; Ludwig et Mey-beck, 2003), qui induit une diminution de la fréquence descrues (Pichard, 1995 ; Miramont et Guilbert, 1997). Orl’importance de celles-ci dans la constitution d’un budgetsédimentaire fluvial annuel est connue et souvent démontrée(Walling et al., 2000 ; Picouet et al., 2001 ; Serrat et al.,2001 ; Pont et al., 2002), notamment en région méditerra-néenne, où les crues sont considérées comme les événe-ments clefs contrôlant le transit des flux sédimentaires(80 % de la charge solide annuelle circulent en 20 % dutemps selon J.-C. Roditis et D. Pont, 1993).

Fluctuations des débits liquides et solides du Rhône

Actuellement, le régime hydrologique du bas Rhône sesitue entre les types pluvial océanique et pluvial méditerra-néen ; il est aussi influencé par des apports nivaux d’origineprincipalement alpine (Vivian, 1989). En raison de la diver-sité des climats qui règnent sur le bassin versant et de leursvariations saisonnières importantes, ce régime hydrologiqueest caractérisé par une fluctuation sensible des débits li-quides mensuels (fig. 1A). La fonte saisonnière des glacierset des neiges est responsable de hautes eaux au printemps,tandis que de fortes pluies très localisées sur la moitié méri-dionale du bassin versant (Alpes du Sud ou Cévennes) ali-mentent des oscillations ponctuelles des débits liquides etsolides. La comparaison des débits moyens mensuels auxXIXe et XXe siècles (fig. 1A) montre une faible différence desdébits moyens annuels d’un siècle à l’autre, mais les varia-

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Évolution de l’embouchure du Rhône depuis le début du XVIIIe siècle

tions de débits moins contrastées au XIXe siècleque par la suite. La période océanique d’hiverest moins abondante et les étiages d’été sontégalement moins prononcés au XIXe siècle, quiest caractérisé par des étés davantage pluvieuxqu’aujourd’hui (Leroy-Ladurie, 1967 ; Pfister,1980). Au XIXe siècle, on constate égalementune forte fréquence de crues (fig. 1B) avec66 crues dont les débits furent supérieurs à6 000 m3.s-1 à Beaucaire entre 1800 et 1900(Pardé, 1925) et des périodes paroxysmales(1840-1843, 1855-1856, 1872-1873 et 1886-1892). Cependant les crues extrêmes sont àpeine plus fréquentes au XIXe qu’au XXe siècle(tab. 1). Par rapport au XXe siècle, les crues duXIXe siècle sont moins fréquentes mais un peu

plus fortes, pour un débit liquide annuel équivalent au coursdes deux siècles.

Si le débit liquide n’est pas significativement différententre les deux derniers siècles, il est communément admisque la charge solide du Rhône a diminué. La charge en sus-pension était en effet estimée entre 5,8 et 45.106 t.an-1 dansla première moitié du XIXe siècle (Guerard, 1895 ; Surell,1847), soit une variabilité de 1 à 8, selon les méthodes et lespériodes de mesure. Comparativement, pour la fin duXXe siècle, elle est mesurée entre 6 et 8.106 t.an-1 en moyen-ne, avec une variabilité annuelle plus importante de 1 à 20(Antonelli, 2002). La charge solide de fond est, quant à elle,estimée entre 200 000 et 500 000 m3.an-1 avant la construc-tion des barrages sur le bas Rhône au milieu du XXe siècle,et seulement entre 25 000 et 50 000 m3.an-1 actuellement(IRS, 2000). La diminution au cours du temps de la charge

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1000

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Nom

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A

B

Fig. 1 – Les paramètres hydrologiques du Rhôneau cours des deux derniers siècles. A : comparai-son des débits moyens mensuels entre le XIXe siècle(en gris) et le XXe siècle (en noir) ; B : évolution de lafréquence des crues du Rhône en nombre de jourspar décennies) au débit supérieur à 4 600 m3.s-1

(d'après G. Pichard, 1995).

Fig. 1 – The hydrological parameters of the RhôneRiver during the last two centuries. A: comparisonof monthly mean discharge between the 19th centu-ry (in grey) and 20th century (in black); B: Rhôneflood event frequency, in number of days per decadewhen Rhône discharge exceeds 4600 m3.s-1 (afterG.Pichard, 1995).

Rang Date Débit (m3/s)

1 31/05/1856 11 640

2 04/12/2003 11-12 000

3 27/10/1886 10 949

4 08/01/1994 10 572

5 10/09/2002 10 500

6 12/11/1886 10 200

7 26/11/2002 10 200

8 01/10/1900 10 189

9 10/10/1993 9 800

10 21/10/1872 9 792

11 03/11/1840 9 715

12 10/11/1907 9 714

13 06/01/1919 9 657

14 03/11/1843 9 640

15 14/11/1935 9 600

16 01/03/1957 9 520

17 18/10/1907 9 465

18 03/12/1910 9 328

19 29/01/1882 9 270

20 04/12/1872 9 211

Tableau 1 – Les vingt plus fortes crues du Rhône depuis ledébut du XIXe siècle à Beaucaire (rang = classement décrois-sant des crues recensées jusqu'en 2003). En gris, crues du XIXe

siècle. En gras, crues du XXIe siècle.

Table 1 – The twenty largest Rhone flood events since thebeginning of the 19th century at Beaucaire (“rang” = ranking offlood events until 2003). In grey, 19th century flood events. In bold,21st century flood events.

de fond, principalement sableuse, est donc un fait avéré. Enrevanche les mesures en période de crue estiment la chargede fond à 15 % de la charge sédimentaire totale (Antonelliet al., 2006), c’est-à-dire une faible proportion par rapportà la charge en suspension. On peut donc relativiser l’in-fluence de la fréquence des crues sur la variation des vo-lumes solides charriés par le Rhône au cours des deux der-niers siècles.

L’étude du tracé des chenaux rhodaniens, à partir descartes du XIXe siècle, montre que le fleuve écoulait ses eauxen deux bras principaux, de sorte que les apports de sédi-ments terrigènes s’accumulèrent aux seules embouchures duGrand et du Petit Rhône bien avant l’édification des digues(Arnaud-Fassetta, 2003). Le bras oriental, déjà prépondérantavant la défluviation de 1711, exerça une capture progressi-ve sur le Petit Rhône (favorisée par les ingénieurs) et devint,de plus en plus, le seul bras alimentant le delta (4/5 au mi-lieu du XIXe siècle d’après E. Surell, 1847 et 9/10 actuelle-ment selon C. Ibanez et al., 1997). La période 1842-1886fut caractérisée par un exhaussement du lit du Rhône (Pardé,1925) et la surface du delta s’accroît de 17 ha.an-1 entre1712 et 1850 (Léger, 1875 in Pardé, 1925). Inversement, auXXe siècle, le Rhône incisa son cours inférieur (Arnaud-Fas-setta, 2003 ; Antonelli et al., 2004) et G. Maillet et al.(2006) ont montré que l’accroissement de surface de la zoned’embouchure diminua fortement, passant de 848 ha auXIXe siècle à 300 ha au XXe siècle. Ainsi, en accord avec lesétudes conduites sur le cours amont du Rhône, la diminutionde la charge solide du fleuve du XIXe siècle au XXe sièclesemble principalement affecter la charge grossière de fond,alors que les variations de la charge en suspension restentdifficiles à préciser.

Le rôle du vent sur les eaux

Le vent est un paramètre météorologique quipossède une très grande influence sur les expor-tations de sédiments en mer. Il a en effet unimpact sur le flot du fleuve, qu’il accélèrequand il souffle en direction de la mer ou qu’ilralentit lorsqu’il vient du large (vent marin),mais il exerce une influence encore plus impor-tante par les houles et les surcotes qu’ilengendre en parcourant la surface marine. Ilfaut pourtant attendre la fin du XIXe siècle pourque A. Guerard (1895) publie des données sta-tistiques sur les vents de la région (tab. 2). Ellesmontrent la prédominance des vents de nord-ouest (Mistral, Tramontane, Largade) quisoufflent 128 jours par an, et des vents de sud-est présents 56 jours par an. Comparativement,les statistiques de Météo-France pour la période1973-1996 ne montrent pas de différence signi-ficative, avec 120 jours par an de vents denord-ouest et 52 jours par an de vents de sud-est(tab. 2). Toutefois, selon des données de l’ob-servatoire d’Arles, les vents de nord-nord-ouestsoufflaient moins fréquemment et moins vio-

lemment à la fin du XIXe qu’au début du XXe siècle (Béné-vent, 1930). La tendance serait donc à la raréfaction desvents favorables à l’écoulement du fleuve, sans pour autantque ce paramètre influe de manière très importante sur l’hy-drosystème. Les données de « courantologie » sont toutaussi rares. Aucune information de nature quantitative ne futconnue avant la première moitié du XXe siècle. Les scienti-fiques, au moins depuis les travaux de N.-C. de Peiresc(1636), se fondaient simplement sur l’étude de la morpholo-gie littorale et sur le raisonnement morpho-dynamique quien découle. Ainsi, l’ensemble des auteurs (de Peiresc,1636 ; Arnoul, 1678 ; Delgros, 1831 ; Lenthéric, 1876 ;Guerard, 1895 ; Blanchard, 1911 ; François, 1937 ; Rus-sell, 1942) s’accordait à noter la prépondérance, voirel’unicité d’un courant permanent d’est en ouest. Ces obser-vations s’expriment fréquemment sur les cartes du littoraldeltaïque au travers de flèches et cordons littoraux étirésdans le sens de la dérive. Pour disposer de plus de préci-sions, il faut attendre le milieu du XXe siècle, avec lespremières mesures de C. Duboul-Razavet (1956). Cetteétude met en effet en évidence un compartimentage des cou-rants littoraux et constate les phénomènes d’inversion de ladérive littorale en fonction des directions de vents et dehoules. La permanence de ce fonctionnement à l’échelleséculaire est confirmée par les travaux de F. Sabatier etS. Suanez (2003) et G. Maillet et al. (2006), ce qui permetde conclure à une influence quasi-constante des paramètres« courantologiques » sur les processus d’édification dulobe deltaïque rhodanien et sur la mobilité du trait de côte.

En revanche, l’analyse statistique des fréquences de tem-pêtes en Méditerranée est bien plus restreinte que sur lesautres côtes françaises, en raison d’un manque de bases dedonnées météorologiques (Pirazzoli, 2002). Ne disposant

129Géomorphologie : relief, processus, environnement, 2006, n° 2, p. 125-140

Évolution de l’embouchure du Rhône depuis le début du XVIIIe siècle

Périodes

Vents de nord-ouest Vents de sud et d’est

Nombre de jourspar an

Nombre de jours par an > 36 km/h

Nombre de jours par an

1864 à 1876 128 21 56

1892 à 1900 130 25 75

1900 à 1913 115 32 95

1913 à 1919 98 27 60

1919 à 1925 90 19 52

1973 à 1996 120 52

Tableau 2 – Fréquence et direction des vents à l’embouchure du Rhône.D’après A. Guerard (1895) pour la période 1864 à 1867, E. Bénévent (1930) pourla période 1892 à 1925, et D. Hauser (2000) pour la période 1973 à 1996.

Table 2 – Origin and frequency of the winds near the Rhône River mouth. AfterA. Guerard (1895) for 1864 to 1867 period, E. Bénévent (1930) for 1892 to 1925period, and D. Hauser (2000) for 1973 to 1996 period.

d’aucune chronique de houles avant la seconde moitié duXXe siècle, C. Bruzzi (1998) a utilisé les statistiques de nau-frages marins pour montrer une augmentation relative dunombre de tempêtes au cours des six derniers siècles. Maiscompte tenu des doutes sur la conservation, l’exhaustivitéet la fiabilité des archives relatant des naufrages, il est dif-ficile d’utiliser cette source. En définitive, les informationsdont nous disposons sur les conditions marines au cours desderniers siècles sont trop imprécises pour envisager d’endéfinir l’influence sur l’évolution du trait de côte du deltadu Rhône, bien que cela constitue une lacune importante.

Importance de l’anthropisation

La quantité de sédiments disponibles est un facteur impor-tant qui régit la construction du lobe actif des deltas àl’échelle séculaire. Puisque les caractéristiques quantitativeset qualitatives de la charge solide des fleuves dépendent enpartie du contexte hydro-climatique, elles peuvent être étu-diées à l’échelle séculaire en termes de tendances. Mais lacharge solide fluviale est également influencée par l’occupa-tion humaine du bassin versant et l’aménagement des coursd’eau (Milliman et Ren, 1995). Or, cette influence aboutitsouvent à des effets contradictoires. L’augmentation desapports sédimentaires peut résulter de l’accroissement dessurfaces agricoles ou de celle de la compétence du fleuve àla suite d’endiguements, de déroctages ; à l’inverse, le reboi-sement des versants montagnards, la création de bassins derétention sédimentaire pour les besoins de la navigation, lecolmatage des lônes, etc. (Provansal et al., 2005), contri-buent à une réduction de ces apports. L’influence spécifiquede ces forçages anthropiques reste cependant difficile à dis-cerner en dehors d’un cadre temporel et spatial restreint.

La succession des activités humaines dans le bassin ver-sant du bas Rhône et près du fleuve a été étudiée en détailpar de nombreux auteurs (Surell, 1847 ; Guerard, 1895 ;Savey et Cottereau ; 1991, Poinsard, 1992 ; Bravard etPeiry, 1993 ; Descroix et Gautier, 2002 ; Pont et al., 2002).Sur la base de ces travaux et d’études plus spécifiques dudelta, il est possible de présenter une reconstitution précisede la métamorphose progressive de l’embouchure principa-le du Rhône. Ainsi, pendant tout le petit âge glaciaire etjusqu’au début du XVIIIe siècle, le Rhône s’écoula par le che-nal du Bras de Fer (fig. 2A), dont l’embouchure,localement appelée « grau », était située entre les actuellespointe de Beauduc et plage de Piémanson. À l’occasiond’une série de fortes crues en 1710, 1711 et 1712, le fleuvedéborda dans un canal d’irrigation, le Canal des Launes(fig. 2B), beaucoup plus rectiligne et en pente plus forte quele chenal naturel, qu’il ne réintègrera jamais. Entre 1712 et1725, le Bras de Fer et le canal des Launes fonctionnèrentconjointement. Les difficultés de navigation sur le Bras deFer, qui se combla progressivement, conduisirent les autori-tés à aménager le canal des Launes qui devint le brasprincipal en 1725 (Pichard, 1983). Cette année-là enregistrela première véritable tentative d’aménagement du fleuve parl’endiguement, avec la mise en place des palissades de Mit-ton (Poinsard, 1992).

Entre 1725 et 1851, l’embouchure principale du Rhône,au débouché du Canal des Launes se caractérisait par l’exis-tence de trois graus principaux. D’ouest en est, il s’agissaitdes graus de Piémanson, de Roustan et de l’Est, ce dernierétant divisé en grau d’Eugène au nord, de Pégoulier aucentre et de Tartane au sud (fig. 2C). Pour remédier à l’en-sablement du chenal qui gênait la navigation vers Arles etLyon, des travaux furent entrepris dès 1809 par la mise enplace d’un système de digues submersibles réduisant la lar-geur du chenal en période d’étiage.

Entre 1852 et 1857, l’embouchure restant un secteur dif-ficile pour la navigation, un aménagement important futréalisé. L’objectif était de concentrer le flux liquide dans unseul grau, tout en en réduisant la section d’écoulement, afind’augmenter l’effet de chasse du fleuve et maintenir ouver-te la passe dans la barre d’embouchure. À cette fin, enoctobre 1855 (fig. 2D), tous les graus furent fermés par unedigue et seul celui de Pégoulier fut laissé actif (barrage dePiémanson, Roustan, Eugène, en rive droite et barrage deTartane en rive gauche). Dix ans plus tard, devant l’ineffi-cacité du système qui n’avait conduit qu’à déplacer lesdifficultés un peu plus au large, la construction du canalSaint Louis (fig. 2E) est engagée et terminée en 1871. Cettesolution présentait l’avantage d’apporter une solutionpérenne au problème de navigation par contournement de lazone d’embouchure, et n’avait qu’une très faible influencesur la circulation des flux liquides et solides dans la partieaval du fleuve. En même temps, l’ensablement croissant dugrau de Pégoulier empêchant même le passage des petitsbateaux de pêche (Guerard, 1895), la réouverture du graude Roustan (fig. 2E) fut décidée avec la démolition de ladigue transverse construite en 1855. Depuis, le grau dePégoulier a continué à se colmater, tandis que celui deRoustan, affecté par la diminution de la charge solide duRhône qui marque le XXe siècle, s’est maintenu sans chan-gement significatif (fig. 2F).

Critique des sources, méthoded’étude et résultats

Les embouchures du Rhône représentent depuis l’antiqui-té des zones stratégiques, tant d’un point de vue commercialque militaire (Leveau, 1993). Aussi, dès la fin du XVIIe siècle,avec l’augmentation du trafic fluvial et l’avènement de nou-velles techniques de levés topographiques, les cartographesprécisent leurs études sur la zone d’embouchure. Les préoc-cupations principales de navigabilité et de surveillance deces zones entraînent la production de cartes aux contoursnets et rigoureux, où figurent les moindres îlots en forma-tions (appelés localement « theys ») et où sont reportées fi-dèlement toutes les modifications qu’ont pu subir le rivageou l’embouchure depuis le relevé précédent. Parfois égale-ment, la bathymétrie de la zone est représentée (Arnoul,1678). Certains cartographes réalisent plusieurs cartes suc-cessives, ce qui limite fortement les différences liées au ca-ractère interprétatif inhérent à tout document cartogra-phique. L’exemple le plus marquant concerne la nomina-tion, par l’édit royal de 1696, de Noël Advizard au poste

130 Géomorphologie : relief, processus, environnement, 2006, n° 2, p. 125-140

Grégoire M. Maillet, Claude Vella, Mireille Provansal et François Sabatier

d’hydrographe, chargé de produire « une vue figurée et des-cription exacte de tous les graus et embouchures du Rhône,avec un état et un devis de tous les changements (…) qui

peuvent troubler la sûreté de la navigation et du transportdes vivres et munitions de Sa Majesté » (in Pichard, 1983).Mais le véritable accroissement du nombre de cartes et plans

131Géomorphologie : relief, processus, environnement, 2006, n° 2, p. 125-140

Évolution de l’embouchure du Rhône depuis le début du XVIIIe siècle

a Arles

1708

N

5 km0

A

MerMéditerranée

DELTAdu

RHONE

Bras de Fer

Tour St Louis

Grau dePégoulier

1855

-5

-10

-20 0 2 km

D

Mer Méditerranée

Flèche deBeauduc

TourSt-Louis

St Trophime

Tampan

St Genest

EtangdeFaraman

18512km0

C

Pégoulier

Eugène

Tartane

Roustan

Piémanson

Bras de Fer

St Trophime

Tampan

St Genest

1711

Etang del'Eisselle

Etang de

Faraman

Bras de Fer

St Anne

Jonathan2km0

B

Mer Méditerranée

Canal desLaunes

TourSt Louis 1892

-5

-10

-20

Canal St Louis

0 2 km

E

Grau deRoustan

TourSt Louis 2005

-5

-10

-20

Canal St Louis

0 2 km

F

Grau deRoustan

Fig. 2 – Évolution historique (XVIIIe - XXIe siècles) des embouchures du Rhône. Les cartes B et C correspondent au cadre dessiné surla carte A. Les cartes D, E et F correspondent au cadre dessiné sur la carte C.

Fig. 2 – Historical evolution of the Rhône mouths (18th – 21st centuries). Maps B and C correspond to the area shown on the map A.Maps D, E and F correspond to the frame defined in map C.

de l’embouchure du Rhône survient au début du XVIIIe

siècle, lorsque la morphologie du Bras de Fer entrave forte-ment la navigation et que la question d’un aménagement ducanal des Launes est posée. À partir de 1725, les cartes re-présentant presque exclusivement le nouveau Rhône (Canaldes Launes) deviennent de plus en plus précises et tech-niques. Au XIXe siècle, leur objectif principal demeure l’aideà la navigation fluviale. L’évolution des techniques carto-graphiques n’est pas particulièrement exploitée sur des do-cuments à cette échelle, mais la fiabilité des cartes et planss’accroît parallèlement à l’amélioration des techniques detriangulation (Tricart et al., 1991).

La période d’étude des variations de la position du traitde côte à l’embouchure du Rhône actuel débute avec lanaissance du lobe moderne du delta du Rhône en 1710. Laméthode utilisée consiste en une numérisation puis un géo-référencement des cartes et plans les plus complets, puis enune comparaison des distances maximales séparant deuxtraits de côtes successifs. Ces distances maximales sontensuite rapportées à la durée de la période séparant lesdeux cartes pour obtenir des Vitesses MaximalesMoyennes d’Évolution (VMME) comparables (tab. 3).L’hétérogénéité des échelles, le respect variable des pro-portions réelles et les procédés sommaires de reproductionrendent évidemment les documents du XVIIIe siècle moinsfiables d’un point de vue quantitatif. Cependant, le croise-ment des résultats obtenus avec les conclusions d’études deterrain de la même époque (intercalées dans le tableau 3)nous permet de valider notre méthode. De plus, avecl’amélioration de la qualité des documents cartogra-phiques, on obtient des VMME de plus en plus fiables aufur et à mesure que l’on approche la période actuelle. Laconnaissance que nous avons des forçages climatiques etanthropiques s’améliorant également dans le temps, l’en-semble des données présente une cohérence qui autorise laconfrontation et l’analyse des causes et des conséquencesdes variations du trait de côte au niveau de l’embouchuredu Grand Rhône.

L’analyse des Variations Maximales Moyennes d’Évolu-tion (VMME) du trait de côte au niveau de l’embouchureactive (tab. 3) montre une tendance générale au ralentisse-ment de la progradation du lobe actif en relation avec labaisse des apports solides d’origine climatique. Cette obser-vation est en accord avec les résultats obtenus avec une plusfaible résolution temporelle par G. Maillet et al. (2006) pourle secteur de l’embouchure. Dans le détail, les vitessesd’avancée du lobe actif sont très irrégulières, avec despériodes caractérisées par des vitesses d’avancée très éle-vées (+150 m/an entre 1726 et 1765 et +242 m/an entre1866 et 1872), séparées par des périodes d’avancées pluslentes (<50m/an). L’embouchure ne subit des phases d’éro-sion que dans la deuxième moitié du XXe siècle, qui présenteune succession de phases d’avancée puis de recul du trait decôte. La complexité de ces importantes variations exprimeainsi autre chose que la simple variabilité hydraulique dufleuve, et il nous faut envisager plusieurs types de forçagescombinés pour en expliquer les raisons.

La complexité de l’évolutiondu lobe actif

Le rôle des aménagementssur l’embouchure

Au XVIIIe siècle, l’influence des activités anthropiques surla charge solide du Rhône n’est pas réellement décelable, etle fonctionnement du fleuve peut être considéré commenaturel (Arnaud-Fassetta, 2003). Au début du XIXe siècle,avec les premiers travaux d’ingénierie dans le chenal (endi-guements submersibles), les perturbations deviennentperceptibles sur les cartes, d’après la méthode employéedans cette étude. Ainsi, en recoupant la chronologie des dif-férentes influences anthropiques sur le fleuve avecl’évolution de son embouchure, une tentative de synthèsedes conséquences de l’occupation humaine dans le bassinversant ou de l’aménagement du chenal sur la variation desapports sédimentaires fluviaux en mer a été effectuée(fig. 3). Cette approche qualitative permet de mettre en évi-dence que plusieurs facteurs contemporains peuvent avoirdes effets inverses sur les apports solides. La pression agri-cole dans le bassin versant, réellement efficace entre 1825 et1875, est un facteur favorisant l’apport de sédiments à l’em-bouchure, du fait de l’augmentation des surfaces érodablessur les versants. Pour la raison inverse, le débit solide dufleuve est réduit par les reboisements, qui débutent au milieudu XIXe siècle avec les travaux de restauration des terrains demontagne (RTM). Durant la période 1850-1875, ces deuxfacteurs co-existent et influent sur le volume sédimentaireapportée par le Rhône à son embouchure. À ceci s’ajoutentles différents modes de transport de la charge solide, selonque l’on considère les fractions granulométriques fine etgrossière (fig. 3). La fraction fine transite essentiellement ensuspension (MES) alors que la charge grossière, exclusive-ment sableuse dans les vingt-cinq derniers kilomètres duGrand Rhône (Arnaud-Fassetta et al., 2003), est déplacéepar roulement ou saltation. Cette différence a des consé-quences sur la localisation des sédiments. Ainsi laconstruction de digues submersibles, dès le début duXIXe siècle dans le chenal du Rhône, a pour conséquence unerétention préférentielle des particules fines dans les margesfluviales (Gautier, 1994 ; Miramont et Guilbert, 1997).Inversement, l’endiguement de l’embouchure du Rhône,achevé en 1855, favorise l’effet de chasse et permet undéstockage important de la charge de fond dans la zoneendiguée (Guerard, 1895).

Dans le cadre de cette étude sur les relations entre lesvariations de débit solide et l’évolution du trait de côte, lesvariations de la charge de fond sont celles dont il faut davan-tage tenir compte. Ce sont en effet les plus morphogènesdans le fleuve (évacuation des bancs de graviers et de galets,exhaussement ou incision du lit…) et celles qui influencentde manière prépondérante l’évolution du trait de côte àl’embouchure (édification des cordons littoraux, de la barred’embouchure…). La comparaison entre les effets cumulésdes forçages sociétaux sur l’évolution de la charge fine et

132 Géomorphologie : relief, processus, environnement, 2006, n° 2, p. 125-140

Grégoire M. Maillet, Claude Vella, Mireille Provansal et François Sabatier

grossière (fig. 3, avant-dernière ligne), exprimée de maniè-re qualitative (positif ou négatif), et les vitesses d’évolutiondu trait de côte, recalculées d’après le tableau 3 (fig. 3, der-nière ligne), permet d’observer une relative concordanceentre l’addition de forçages contribuant à diminuer le débitsolide et des VMME faibles. Il reste cependant difficile de

comparer efficacement une approche qualitative, qui n’ex-prime que des évolutions relatives de la charge solide, avecune mesure chiffrée de l’évolution du trait de côte. Et de cefait, cette synthèse n’a qu’une valeur théorique. De plus, sil’effet de l’anthropisation peut être considéré comme un fac-teur déterminant par son action directe sur la nature et la

133Géomorphologie : relief, processus, environnement, 2006, n° 2, p. 125-140

Évolution de l’embouchure du Rhône depuis le début du XVIIIe siècle

Grau PériodesVMME

(m/an-1)Morphologie

du chenal avalNombre de graus

Origine des VMME

Etat du chenal

Bras de Fer1700-1710 55 Méandriforme 1 A. Surell, 1847 Actif

1710-1726 11 Méandriforme 1 Cette étude Inactif

Pégoulier

1710-1725 0 Rectiligne / endigué 1 G. Pichard, 1983

ACTIF

1726-1765 150 Rectiligne 3 Cette étude

1765-1775 45 Rectiligne 1 à 3A. Surell in M.A. de

Roys, 1851

1778-1823 33 Rectiligne 3 Cette étude

1823-1841 63 Rectiligne 3

1840 65 Rectiligne 3A. Surell in M.A. de

Roys, 1851

1841-1866 93 Rectiligne / endigué 1 à 4 Cette étude

1860-1863 70 Rectiligne / endigué 1 F. François, 1937

1866-1872 242 Rectiligne / endigué 1

Cette étude

1872-1895 30 Rectiligne / endigué 1

1895-1906 -19 En comblement 2

INACTIF

1906-1913 -60 En comblement 2

1913-1934 -45 En comblement 2

1934-1954 -20 Comblé 0

1954-1962 0 Comblé 0

1962-1988 0 Comblé 0

1988-1995 0 Comblé 0

1995-2002 0 Comblé 0

Roustan

1895-1934 31 Rectiligne 2Cette étude

ACTIF

1934-1944 70 Rectiligne 1

1944-1955 -26 Rectiligne 1

S. Suanez etB. Simon, 1999

1955-1960 52 Rectiligne 1

1960-1971 -22 Rectiligne 1

1971-1979 90 Rectiligne 1

1979-1989 -69 Rectiligne 1

1989-1992 0 Rectiligne 1

1992-1995 32 Rectiligne 1

1995-2003 15 Rectiligne 1 Cette étude

Tableau 3 – Vitesse Maximale Moyenne d'Evolution (VMME) du trait de côte au niveau de l'embouchure du Rhône entre 1711 et 2003.Les valeurs négatives expriment une période d'érosion, les valeurs positives une période de progradation.

Table 3 – Maximum Average Velocity of Evolution of the Rhône mouth coastline between 1711 and 2003. Negative values reflect anerosive period; positive values reflect a period of progradation.

valeur de la charge solide, un forçage autocyclique, de natu-re marine, peut également être envisagé à cette échelle detemps et constituer un schéma de base pour une interpréta-tion qui sera modulée en fonction des forçages allocycliques(climat et anthropisation).

Théorie des forçages autocycliquessur l’embouchure

La constitution d’un édifice deltaïque a fait l’objet denombreuses publications (Galloway, 1975 ; Reineck etSingh, 1980 ; Galloway et Hobday, 1983) qui mettent enavant l’importance des mécanismes de défluviation dansl’édification des deltas. H.H. Roberts (1997) en a proposé unschéma cyclique qui serait constitué de phases successivesde progradation, stabilité puis érosion, le tout composantune séquence de périodes d’occurrence millénaire à bimillé-naire, dépendante des variations du niveau marin. Lesétudes chrono-stratigraphiques au large du delta du Rhône(L’Homer et al., 1981 ; Rabineau et al., 1998 ; Marsset etBellec, 2002 ; Gensous et Tesson, 2003 ; Vella et al., 2005)

ont mis en évidence la bonne corrélation entre la stagnationdu niveau marin et la progradation du delta. Mais à l’échel-le séculaire à bi-séculaire considérée dans cette étude, lesvariations du niveau de la mer ne constituent pas un forçagesignificatif (Mulder et Syvitski, 1996 ; Suanez et Provansal,1998). La période étudiée peut donc être considérée commepropice à la progradation de l’édifice deltaïque. Pourtant, àl’échelle d’un lobe (fig. 4) les paramètres influençant la pro-gradation diffèrent de ceux qui ont été soulignés parH.H. Robert (1997). En effet, à la suite d’une défluviation,le fleuve débouche théoriquement dans une zone où l’espa-ce disponible pour la sédimentation sous-marine estimportant. Le mécanisme initial d’édification du nouveaulobe est donc la mise en place d’unités aggradantes, quicontribuent à combler progressivement cet Espace Dispo-nible pour l’Accumulation (EDA). Le volume de l’EDA enavant de l’embouchure conditionne la durée de l’aggrada-tion verticale, préalable à l’émersion de bancs, dont lacoalescence permettra l’expression morphologique des uni-tés progradantes. La progradation du lobe en mer se traduitpar l’avancée du trait de côte, observable sur les cartes.

134 Géomorphologie : relief, processus, environnement, 2006, n° 2, p. 125-140

Grégoire M. Maillet, Claude Vella, Mireille Provansal et François Sabatier

Barrages

EMBOUCHUREFORÇAGES

Réduction de la bande active et du lit moyen

Exhaussement des marges alluviales

Diminution desapports fins *(_)

Augmentation de l'érosion des versants

Augmentation du dÈbit solide

Réduction de l'érosion des versants

Diminution du débit solide

Augmentation desapports solides (+)

Diminution desapports solides (_)

Chenalisation de l'embouchure

Destockage charge de fond

Augmentation desapports grossiers (+)

Stockage de MES dans les marges fluviales

Destockage charge de fondDiminution desapports fins (_)

Chronologie approximative pour le Rhône

BASSIN VERSANT / CHENAL

1800 20001975195019251900187518501825

Canal d'amené : stockage MES Diminution desapports solides (_)

Diminution desapports grossiers (_)

Prélèvement de sables / galetsExtractionde granulats

"Eau claire"

Destockage aval de la charge de fondAugmentation desapports grossiers (+)

Effets directs

Effets induits

Apports grossiers

Apports fins _ _ + _ + _ _ _ _ _ _ _ __ + _ + _ + _ _ ++ _ ++

Vitesses d'évolutiondu trait de côte**

35 m/an 74 m/an 33 m/an36 m/an121 m/an

RCC : stockage MES + réduction transit charge de fond

Digues sub- et insubmersibles

ReboisementRTM et spontané

Pressionagricole

Endiguementembouchure

CasiersGirardon

Défluviation(provoquée)

Colmatage de l'ancien chenal

Erosion du lobe

Diminution des apportssolides (_)Augmentation desapports grossiers (+)

Fig. 3 – Impact des forçages sociétaux sur les variations relatives des apports sédimentaires à l’embouchure. (*) D'après E. Gautier,1992 et Miramont et Guilbert, 1997. (**) Calculées d'après le tableau 3. RTM : Restauration des Terrains de Montagne. MES : Matières EnSuspension. RCC : Rhônes Court-Circuités. « Apports solides » : apports fins et grossiers.

Fig. 3 – Human impact on the variation of the variation of the sediment inputs at the river mouth. (*) After E. Gautier, 1992, andMiramont, Guilbert, 1997. (**) Values calculated from table 3. RTM: Restauration des Terrains de Montagne. MES: suspended load. RCC:Rhône shorted-circuit. "Apports solides": fine- and coarse grained clast inputs.

Suite à cette avancée, le profil en long du fleuve est allongé,ce qui diminue la capacité du chenal à expulser les sédi-ments en transit. Cette perte de puissance spécifique dufleuve est à l’origine d’un colmatage progressif du chenalqui favorise la défluviation et le déplacement de l’embou-chure lors des crues majeures. Un nouveau lobe peut alorsse développer selon des processus identiques.

Interprétation de l’évolution du trait de côte

En replaçant dans la chronologie des aménagements duRhône les effets théoriques ou observés des facteurs flu-viaux et marins, il est possible d’interpréter les variations deVMME des embouchures du Bras de Fer, de Pégoulier et deRoustan (fig. 5), bien que celles de Roustan et de Pégouliersoient partiellement contemporaines.

Au XVIIIe siècle : fonctionnement uniquementautocyclique

Le chenal aval du Bras de Fer au début du XVIIIe siècleavance très peu sur la mer (50 m.an-1). Il présente un tracéen méandres (fig. 2A), caractéristique d’une rivière en pertede compétence et en cours de comblement (fig. 5, phase A).Selon le cycle décrit ci-dessus, il offre un aspect propice à ladéfluviation qui surviendra à la faveur des crues de 1709-1712. Si l’on considère que l’ouverture du canal des Launesest l’acte de naissance du lobe actuel du Grand Rhône, ilfaut attendre 1725 pour que le nouveau chenal de Pégouliersoit aménagé et choisi comme bras principal pour la naviga-tion (Pichard 1983). La douzaine d’années qui sépare lesdeux événements est également le temps nécessaire à lamise en place des unités progradantes (fig. 5, phase B), quise caractérise d’abord par une stagnation du trait de côte(VMME = 0). En 1726, le lobe commence alors seulementà prograder (fig. 5, phase C) à une vitesse importante

(150 m.an-1). Or, entre 1725 et 1852, trois graus principauxsont ouverts au débouché du canal des Launes (fig. 2B,tab. 3) ; la situation du chenal est donc plutôt propice à uneprogradation faible, liée à la forte dispersion des fluxliquides et solides à l’embouchure. Il faut par conséquentcompter sur la forte contribution des apports sédimentairesexceptionnels qui caractérisent cette période pour expliquercette avancée rapide de l’embouchure. Entre 1765 et 1840,on observe un ralentissement de la progradation du littoralavec une VMME d’environ 30 m.an-1, qui exprime la phasede comblement autocyclique du chenal de Pégoulier (fig. 5,phase D). Si aucun document cartographique ne nous per-met de valider cette hypothèse du comblement progressifprécoce du chenal, la première intervention humaine sur lefleuve en 1809 (endiguement submersible) reflète un débutde dégradation des conditions de navigation dans le chenal,et donc un ensablement progressif du Rhône au début duXIXe siècle.

Au XIXe siècle : perturbation de l’autocyclicitépar les activités anthropiques

La défluviation qui, selon le forçage autocyclique, devraitthéoriquement suivre cette période de colmatage, est empê-chée par les premiers travaux d’endiguement de l’embou-chure qui relancent la progradation (fig. 5E) en deux phasesconsécutives d’accélération. La résolution de nos donnéesne permet pas de juger de la rapidité de la réaction duRhône, mais une première accélération relative de la pro-gradation est observée à partir de 1823 (63 m.an-1). La pé-riode 1820-1850 correspond également à l’apogée de lapression agricole dans le bassin versant (fig. 5). La dénuda-tion des terres est très efficace et les processus d’érosion ap-portent au Rhône une charge sédimentaire importante quifavorise l’avancée rapide de l’embouchure (93 m.an-1). Lafermeture artificielle des bras secondaires dès 1855 a pour

135Géomorphologie : relief, processus, environnement, 2006, n° 2, p. 125-140

Évolution de l’embouchure du Rhône depuis le début du XVIIIe siècle

Fig. 4 – Modèles d'évolution autocyclique à l'échelle temporelle et spatiale du lobe deltaïque actuel du Rhône. EDA : espace dispo-nible pour l'accumulation.

Fig. 4 – Models of autocyclic evolution at the temporal and spatial scales of the Rhône’s present-day deltaic lobe. EDA: accomoda-tion space.

objectif d’augmenter la vitesse et l’éner-gie des flux, ce qui permet l’entraîne-ment des matériaux, donc le maintiendes tirants d’eau. L’effet de ces aména-gements sur la progradation de l’embou-chure semble immédiat et une nouvellephase d’avancée rapide se produit de ma-nière spectaculaire (242 m.an-1); celle-cibénéficie des apports encore importantsdu bassin versant et du déstockage desdépôts fluviaux lié à l’augmentation arti-ficielle de la vitesse d’écoulement (réduction de la section).Cette avancée brutale, à mettre en relation avec les aména-gements, ne permet pas l’édification d’un delta subaqua-tique stable. Les processus d’aggradation sur le prodelta,préparatoires à l’édification des foresets de progradation,n’ont pas le temps de combler l’EDA en avant du front del-taïque. Aussi, lorsque la majeure partie du sédiment stockédans le chenal a été expulsée sur le front deltaïque, la vites-se de progradation de l’embouchure diminue considérable-ment (30 m.an-1 à partir de 1872). Ainsi, l’ensemble des for-çages concourt à favoriser la mise en place d’une phased’aggradation (fig. 5F) qui permettra au lobe sous-marin deretrouver un profil d’équilibre. Cette phase de stabilité dutrait de côte est contemporaine d’une reprise du comblementdu chenal. Ces phénomènes illustrent l’influence conjointede trois facteurs : la reconstitution de la barre d’embouchu-re, en relation avec l’allongement considérable du profil enlong du fleuve, la mise en place des casiers Girardon dans lechenal (Poinsard, 1992) à partir de 1884, qui augmentaconsidérablement la capacité de rétention sédimentaire dansle chenal et, enfin, les campagnes de reboisement en mon-tagne qui deviennent systématiques dans la seconde partiedu XIXe siècle.

Au XXe siècle : mainmise des ingénieurs sur le fleuve

La navigation dans le grau de Pégoulier reste néanmoinsimportante et les apports sédimentaires, même faibles, obs-truent fréquemment le chenal de navigation à la traversée dela barre d’embouchure. Aussi la réouverture du grau deRoustan en 1892 a pour objectif de diviser les flux solides etd’en renvoyer une partie vers l’ouest. De ce fait, le colmata-

ge du grau de Pégoulier, qui n’est plus entretenu, s’effectueprogressivement (fig. 5, phase G) sous l’effet de la perte decompétence des eaux du chenal. Les dépôts à l’embouchuresont l’objet d’une reprise rapide et d’une dispersion par lesactions marines (recul de 20 à 60 m.an-1), contribuant ainsià l’alimentation des plages limitrophes et au développementde la flèche de la Gracieuse. Le lobe subaquatique est rapi-dement érodé. L’embouchure de Pégoulier, inactive, reculedans la première moitié du XXe siècle, pour se stabiliser dansles années 1950 (fig. 5, phase H).

Dans le même temps, la réouverture du grau de Roustan,assimilable à une défluviation, a amorcé un nouveau cycleavec une phase d’aggradation (fig. 5, phase I) entre 1892 et1944 (31 à 70 m.an-1). Dans la seconde moitié du XXe siècle,le grau se maintient autour d’une position moyenne, sansévolution significative. Les travaux à haute résolution tem-porelle de S. Suanez et B. Simon (1999) montrent une trèsforte variabilité de l’embouchure autour d’une positionquasi-stable (fig. 5, phase J), avec de courtes phases succes-sives d’avancée et de recul du trait de côte. Cette fluctuationdu trait de côte sans tendance significative survient en lieuet place de la progradation, qui aurait dû se produire si l’em-bouchure était restée influencée par les forçagesautocycliques. S. Suanez et B. Simon (1999) d’une part, etF. Sabatier et S. Suanez (2003) d’autre part, expliquent cecomportement atypique de l’embouchure actuelle par ladiminution des volumes sédimentaires apportés jusqu’àl’embouchure et par la tendance, avec le temps, à l’affine-ment de la granulométrie moyenne de la charge solide duRhône. Les causes en sont principalement liées à laconstruction progressive de barrages entre Lyon et la mer àpartir de 1945.

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Grégoire M. Maillet, Claude Vella, Mireille Provansal et François Sabatier

-100

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0

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250

1700 1750 1800 1850 1900 1950 2000

Bras de Fer Pégoulier Roustan

1 2 3

VM

ME

(m

.an

-1)

Date (année)

?Défluviationnaturelle

A B C D E

FG

I

H

JPic de pression agricole

Diguessubmersibles

Casiers Girardons

Digues insubmersibles

Barrages

reboisementDéfluviationprovoquée

Fig. 5 – Interprétation des mécanismescontrôlant l'évolution de l’embouchure.VMME : Vitesses Maximales Moyennesd’Evolution. 1 : phase de comblement du che-nal ; 2 : phase d’aggradation (comblement del’EDA) ; 3 : phase de progradation (avancéedu trait de côte) ; A, B, C… voir texte.

Fig. 5 – Interpretation of factors control-ling river mouth evolution. VMME:Maximum Average Velocity of Evolution. 1:phase of channel filling; 2: phase of agrada-tion (EDA filling); 3: phase of progradation(advance of coastline); A, B, C… see text.

Conclusion

On constate ainsi que les forçages auto et allocycliquesinfluencent fortement et rapidement les variations du trait decôte à l’embouchure du Rhône. Ces fluctuations exprimentnotamment l’impact progressif des aménagements dans lebassin versant et sur le fleuve et, de ce fait, constituent unexcellent marqueur des mutations fluviales. Cette étudeillustre le rôle de l’Homme sur son environnement qui, delégèrement influencé par les activités et actions de sociétés,devient en grande partie transformé au fil des deux dernierssiècles. L’effet de l’occupation par l’homme du bassin ver-sant et des espaces rivulaires sur la charge solide du Rhôneest complexe (fig. 3) et complique l’interprétation descauses d’évolution du trait de côte. En définitive, les varia-tions de ce dernier à l’embouchure sont soumises àl’influence de deux forçages indépendants. Le premier estallocyclique et détermine le volume des apports solides, par-fois différemment selon que l’on considère la fractiongrossière ou fine de la charge solide. Le second est autocy-clique et influence l’évolution du secteur de l’embouchure,à la fois par le rôle que joue l’EDA dans la capacité du lit-toral à avancer et par l’influence de l’organisation desdépôts sédimentaires à l’embouchure sur la morphologie duchenal fluvial (allongement du profil en long, contre-pentes…).

Paradoxalement, la diminution de la charge solide aucours des derniers siècles ne semble pas influencer le fonc-tionnement de la progradation du trait de côte au niveau del’embouchure. En revanche, l’endiguement du fleuve, quiprovoque une stabilisation forcée de celle-ci, induit deseffets directement inverses à la diminution de la charge soli-de. En témoigne la comparaison des périodes 1778-1841 et1895-1944, caractérisées toutes deux par un relâchement dela contrainte des aménagements sur l’embouchure. La vites-se d’avancée est similaire (30 à 70 m.an-1), alors que lesvolumes sédimentaires disponibles pour la progradationsont bien plus faibles au XXe siècle. L’importance de l’étatdu lobe subaquatique sur les variations du trait de côte est,de ce fait, clairement explicite. Et s’il est possible d’expli-quer cette importance grâce à l’histoire de l’anthropisationdu fleuve et du bassin versant et à une approche cyclique del’influence des facteurs naturels fluviaux et marins, force estde constater que la connaissance réelle de l’évolution dulobe sous-marin du Rhône est insuffisante. Aussi convient-ilde considérer cette étude portant sur les derniers sièclescomme une base préalable, nécessaire à la compréhensiondu rôle global et respectif des forçages climatiques etanthropiques sur la transformation d’un littoral deltaïque.

RemerciementsCette étude a été réalisée dans le cadre des programmes

européens Eurodelta (n° EVK3-CT-2001-20001) et Euros-trataform (n° EVK3-CT-2002-00079). Elle bénéficie dusoutien du projet LOICZ, du programme national ORME etdu GDR Marges. Les auteurs remercient le Pr. Pichard pourses conseils et ses nombreuses trouvailles de cartesanciennes et d’archives hydrologiques dont cette étude a

bénéficié. F. Sabatier, G. Arnaud-Fassetta, J. Raffy,J.–C. Thouret et Y. Gunnell sont également remerciés pourleurs conseils et corrections qui ont fortement enrichi cetteétude. La Compagnie Nationale du Rhône a fourni les don-nées hydrologiques fluviales au XXe siècle.

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Article soumis le 13 décembre 2005, accepté le 13 juin 2006.

139Géomorphologie : relief, processus, environnement, 2006, n° 2, p. 125-140

Évolution de l’embouchure du Rhône depuis le début du XVIIIe siècle