Connexions entre le Rhône et son delta (partie 1) : évolution du trait de côte du delta du...

15
Géomorphologie : relief, processus, environnement 2/2006 (2006) Varia ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Grégoire M. Maillet, François Sabatier, Damien Rousseau, Mireille Provansal et Thomas J. Fleury Connexions entre le Rhône et son delta (partie 1) : évolution du trait de côte du delta du Rhône depuis le milieu du XIX e siècle ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. Les œuvres figurant sur ce site peuvent être consultées et reproduites sur un support papier ou numérique sous réserve qu'elles soient strictement réservées à un usage soit personnel, soit scientifique ou pédagogique excluant toute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'éditeur, le nom de la revue, l'auteur et la référence du document. Toute autre reproduction est interdite sauf accord préalable de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Revues.org est un portail de revues en sciences humaines et sociales développé par le Cléo, Centre pour l'édition électronique ouverte (CNRS, EHESS, UP, UAPV). ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Référence électronique Grégoire M. Maillet, François Sabatier, Damien Rousseau, Mireille Provansal et Thomas J. Fleury, « Connexions entre le Rhône et son delta (partie 1) : évolution du trait de côte du delta du Rhône depuis le milieu du XIX e siècle », Géomorphologie : relief, processus, environnement [En ligne], 2/2006 | 2006, mis en ligne le 01 juillet 2008, consulté le 19 octobre 2012. URL : http://geomorphologie.revues.org/558 ; DOI : 10.4000/geomorphologie.558 Éditeur : Groupe français de géomorphologie http://geomorphologie.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://geomorphologie.revues.org/558 Ce document est le fac-similé de l'édition papier. © Groupe français de géomorphologie

Transcript of Connexions entre le Rhône et son delta (partie 1) : évolution du trait de côte du delta du...

Géomorphologie : relief,processus, environnement2/2006  (2006)Varia

................................................................................................................................................................................................................................................................................................

Grégoire M. Maillet, François Sabatier, Damien Rousseau, MireilleProvansal et Thomas J. Fleury

Connexions entre le Rhône et son delta(partie 1) : évolution du trait de côtedu delta du Rhône depuis le milieu duXIXe siècle................................................................................................................................................................................................................................................................................................

AvertissementLe contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive del'éditeur.Les œuvres figurant sur ce site peuvent être consultées et reproduites sur un support papier ou numérique sousréserve qu'elles soient strictement réservées à un usage soit personnel, soit scientifique ou pédagogique excluanttoute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'éditeur, le nom de la revue,l'auteur et la référence du document.Toute autre reproduction est interdite sauf accord préalable de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législationen vigueur en France.

Revues.org est un portail de revues en sciences humaines et sociales développé par le Cléo, Centre pour l'éditionélectronique ouverte (CNRS, EHESS, UP, UAPV).

................................................................................................................................................................................................................................................................................................

Référence électroniqueGrégoire M. Maillet, François Sabatier, Damien Rousseau, Mireille Provansal et Thomas J. Fleury, « Connexions entrele Rhône et son delta (partie 1) : évolution du trait de côte du delta du Rhône depuis le milieu du XIXe siècle »,Géomorphologie : relief, processus, environnement [En ligne], 2/2006 | 2006, mis en ligne le 01 juillet 2008,consulté le 19 octobre 2012. URL : http://geomorphologie.revues.org/558 ; DOI : 10.4000/geomorphologie.558

Éditeur : Groupe français de géomorphologiehttp://geomorphologie.revues.orghttp://www.revues.org

Document accessible en ligne sur : http://geomorphologie.revues.org/558Ce document est le fac-similé de l'édition papier.© Groupe français de géomorphologie

Géomorphologie : relief, processus, environnement, 2006, n° 2, p. 111-124

Connexions entre le Rhône et son delta (partie 1) : évolution du trait de côte du delta du Rhône

depuis le milieu du XIXe siècle

Connections between the Rhône River and its delta (part 1): changes in the Rhône delta coastline

since the mid-19th century

Grégoire M. Maillet*1, François Sabatier*2, Damien Rousseau*, Mireille Provansal*,Thomas J. Fleury*

* CEREGE, Université de Provence Aix-Marseille 1, BP 80, 13545 Aix-en-Provence cedex 04, France. Courriels : [email protected] ;[email protected] ; [email protected] ; [email protected] ; [email protected] IRSN Cadarache, DEI/SESURE/LERCM, BP 03, 13115 Saint-Paul-lez-Durance, France.2 Delft University of Technology, Faculty of Civil Engineering, Hydraulic Engineering Section, Stevinweg 1, 2628 CN Delft, The Netherlands.

RésuméBien que démontrée à l’échelle mondiale, l’influence de l’anthropisation sur la diminution des apports sédimentaires à la mer n’est pasclairement définie dans le cas du Rhône. Depuis le XIXe siècle, la tendance à la réduction de la charge solide de ce fleuve semble avé-rée, mais il reste difficile d’en estimer l’impact sur l’évolution du littoral. Cet article a pour but de déterminer l’influence des apportsterrigènes sur l’évolution du littoral deltaïque du Rhône. Les gains et pertes de superficie du littoral deltaïque sont quantifiés depuis1823 par la superposition diachronique de cartes historiques, et mis en relation avec les chroniques de débits liquide et solide dispo-nibles sur le Rhône pour cette période. À l’échelle du delta, les résultats montrent un ralentissement de la croissance deltaïque entre leXIXe et le XXe siècle d’un facteur 10 (de +0,220 km2/an à +0,021 km2/an), ainsi qu’un renforcement de l’influence du secteur de l’em-bouchure du Grand Rhône dans les bilans surfaciques totaux du delta (53 % de la croissance totale au XIXe siècle, 136 % au XXe siècle).On montre ainsi que l’évolution du littoral deltaïque est déconnectée de la variabilité des apports fluviaux contemporains. L’essentielde son alimentation provient de stocks sédimentaires secondaires, issus par exemple de la biosédimentogenèse ou du démantèlementdes lobes prodeltaïques fossiles. Seul le secteur de l’embouchure active bénéficie d’apports fluviaux directs ; cette particularité justi-fie qu’une deuxième partie de cette étude soit menée plus précisément sur ce secteur (Maillet et al., ce volume).

Mots clés : transferts continent – océan, évolution historique du littoral, morphologie côtière, embouchure, delta du Rhône.

AbstractOn a worldwide scale, human stress on the decrease in river sediment discharges is well known. However, this impact is not clearlydefined in the case of the Rhône River. Since the 19th century, the Rhône sediment load has decreased, but it still remains difficult toestimate the consequences on the coastline evolution. The aim of this study is to determine the influence of the terrigenous input on theevolution of the deltaic coast. In this paper, coastal gains and losses since 1823 have been computed by diachronic superposition ofeight topographic maps. The results have been correlated with available water and sediment discharge datasets for the Rhône Rivercovering this period. Results show a deceleration in the growth of the delta surface area between the 19th and the 20th centuries by afactor 10 (from +0.220 km2/yr to +0.021 km2/yr), as well as an increase in the influence of the active Rhône mouth sector in the growthof the total surface area of the delta (53% of the total growth during the 19th century, 136% during the 20th century). The evolution ofthe delta coastline therefore appears disconnected from the contemporary river sediment input. The most important sediment sourcesare secondary sediment deposits, such as bioclastic sands, or supplied by dismantling of the fossil prodeltaic lobes. Only the activeriver mouth area benefits from direct sediment input from the Rhône. This contrast explains calls for a more detailed study of this zone,proposed in a companion paper (Maillet et al., this volume).

Keywords: land-ocean transfer, historical shoreline changes, coastal morphology, river mouth, Rhône delta.

Abridged English Version

The coastline of the Rhône delta is currently threatened byerosion. To explain this situation it is useful to study therecent evolution of the coastline in a long historic context.This study, which is based on topographic historic maps,deals with the hydrological and sedimentary links between ariver and its delta. The first part of this paper deals with thecharacterisation of the coastal dynamics at distinct time andspatial scales during the 19th century. In a companionpaper, we focus on the river mouth area, which is directlyinfluenced by marine and fluvial factors.

The Rhône River is one of the largest fluvial systems of theMediterranean Sea (fig. 1). For the last 6 000 years, thedelta plain had prograded 25 km from north of Lake Vacca-rès to the current coastline. Between 1586 and 1711, theRhône River built a prograding lobe, the Bras de Fer lobe(fig. 1), before changing its direction towards a man-madechannel to form a new river mouth. Since this period, theRhône River has never avulsed and now flows to the sea bytwo arms, the Grand Rhône and the Petit Rhône. In the wes-tern part of the delta plain, the Petit Rhône mouth, calledGrau d’Orgon, was established in 1550. In the eastern partof the delta plain, 90% of the water discharge flows throughthe Grand Rhône mouth, called Grau de Roustan.

Eight maps were used to characterise the evolution of thecoastline over a period of 150 years (fig. 2, tab. 1). Thesemaps were successively scanned, georeferenced and digiti-zed under a single geographic system (WGS84) using theER Mapper® 6.0. software. Successive coastline positionswere compiled in a Geographical Information System(MapInfo 6.5© software). Eighty-four cross-shore profiles,with a regular spacing of 1000 m, were established to mea-sure the evolution of the coastline between each date since1823. The speed of coastline displacements and the surfacechanges were calculated by dividing the distance (in m) bythe period (in years) between two consecutive maps.

The superposed coastlines of 1823, 1895 and 2000 showthe global trend of beach evolution and estimates prograda-tion during the last two centuries (fig. 3A and tab. 2).Meanwhile, the 1823 map does not cover the entire deltaplain, in particular the Espiguette Spit which constitutes azone of high accumulation. Therefore, the sedimentary bud-get detailed here is probably an underestimate. Thesedimentary budget of the Rhône delta during the last177 years indicates a positive growth of 18.09 km2. Thisaggradation is not uniform and concerns only 51% of thecoast line (fig. 3B). The accumulation areas are the GrandRhône mouth and the Beauduc Spit, whereas the mouth of thePetit Rhône and the Faraman coastline are eroded (fig. 3B).The velocities of coastline variations are rapid, positive inthe case of the Roustan mouth (+13 m.yr-1) and the Beauducspit (+14.5 m.yr-1), but negative in the case of the Graud’Orgon (-8.5 m.yr-1) and Faraman beach (-6.2 m.yr-1).

Tables 2 and 3 evidence the differences in evolution bet-ween the 19th and the end of the 20th century. The averagedelta progradation was 0.22 km2.yr-1 during the 19th centu-ry, but decreased to as little as 0.021 km2.yr-1 during the 20th

century. During both centuries, the sedimentary budget wasstrongly influenced by the Grand Rhône mouth area. Duringthe 19th century, progradation of the Grand Rhône mouthcontributed up to 50% to the total growth of the delta plain.During the 20th century, the prograding part of GrandRhône mouth increased up to 140%. Subsequently, erosionprevailed in the other segments of the delta coast, and theglobal positive budget was only maintained by the GrandRhône mouth area accumulation. Comparison of the sevencoastlines during the 19th century allows to improve adetailed study of the delta growth (tab. 3). The 1823–1837period is very different from the following periods. After1837, some areas (mouth of Petit Rhône, Faraman beach)still continued to record accumulation, whereas the seculartrend had been erosive (fig. 3C). The progressive decreasein fluvial sediment discharge is probably linked to the gra-dual decrease in delta progradation that occurred duringthe 19th century. This slowdown happened during two suc-cessive periods, but the 1853–1866 period is the only one toshow a global retreat of the delta coast. The 1866–1872period is characterised by a strong increase in prograda-tion rate.

The study of the evolution of 84 cross-shore profilesduring the 19th century (fig. 3B, 3C, and fig. 4) shows sevenhomogeneous segments since 1837 (fig. 3B,C, and fig. 4):the Petite Camargue (S1), located to the west of the PetitRhône; the Petit Rhône mouth (S2); the Fourcade grau sec-tor (S3), between the Petit Rhône and the lighthouse of laGacholle; the Beauduc Spit and the Beauduc bay behind thespit (S4); Faraman beach (S5) on both sides of the oldmouth of Bras de Fer; the Piémanson beach (S6), locatedwest from the grau de Roustan; and the mouth of the GrandRhône, including the Gracieuse Spit (S7). Three stable seg-ments (S1, S3, and S6) represent inflection points betweenmore dynamic adjacent segments defined by coastal hydro-dynamic cells that were recently highlighted by F. Sabatierand S. Suanez (2003).

The variations of the active mouth area strongly deter-mine the total sedimentary budget of the Rhône delta duringthe 19th and the 20th centuries (tab. 2). However the sedi-mentary inputs are stored near the mouth and do notcontribute to the sediment budget on remainder of the deltacoast (fig. 4). Firstly, since 1837, the development of thedeltaic fringe (river mouth excepted), corresponds to fourcoastal circulation cells, each associating a negative branchwith a positive branch. The accumulation of the Spit andGulf of Beauduc (S4 segment) is fed by the erosion of the S2,S3 and S5 segments. The mechanisms leading this flux arethe longshore drift and swell dynamics, as confirmed by theindirect correlation between the frequency of Rhône floodsand the variations of the delta coastline (fig. 5). Secondly,the Rhône River mouth (S7 sector) represents the only zonewhere the Rhône inputs are stored to form the current delta-ic lobe. Thus, this zone is extremely sensitive to the evolutionof the sediment discharge, and is the most dynamic area interms of surface evolution. The global budget at the deltascale is therefore strongly dependent on the river mouth evo-lution.

112 Géomorphologie : relief, processus, environnement, 2006, n° 2, p. 111-124

Grégoire M. Maillet, François Sabatier, Damien Rousseau, Mireille Provansal, Thomas J. Fleury

As no direct inputs from the river mouth were found to becontrolling the coastline evolution, two other potential sedi-ment sources were examined: bioclastic sand deposits,which constitute a mean of 20% to 30% of the total coastalsediment budget, and sediment stored in submerged deltalobes situated in front of the historical positions of the rivermouths (lobes of the Bras de Fer until 1711, Roustan andPiémanson since 1855). Their dismantling is due to the pre-vailing marine dynamics in the area. This mechanismencompasses three stages: formation of the lobes, avulsionof the channel, and remobilisation of the lobe deposits bymarine processes. This explains the chronological shiftobserved between the periods of maximum evolution of theprograding segments and those of the eroding segments,highlighted by a comparison of the 1837–1853 and1853–1872 periods (fig. 3C). This trend has been observedthree times during the two last centuries: closure of theGrau de la Dent, reduction of the sediment contributionsthrough the Grau d’Orgon, and abandonment of the Graude Pégoulier. C. Vella et al. (2005) also emphasized the cru-cial role played by the dismantling of the fossil lobe of SaintFerréol in the infilling of the Gulf of Aigues Mortes. The lit-toral of the Rhône delta coast is swell-dominated, and soexperiences the effect of longshore redistribution of sedi-ment supplied by the inactive fossil lobes. The progressiveexhaustion of these stocks sediment explains the decrease indelta growth during the 20th century.

Introduction

À l’instar de nombreux autres deltas, celui du Rhône estun environnement écologiquement riche activement exploi-té principalement pour la production de riz et de sel. Lapopulation du delta est d’environ 7 000 habitants perma-nents mais dépasse fréquemment les 15 000 personnesdurant la période estivale. Cette forte activité touristique bal-néaire, ainsi que les importantes ressources économiques etenvironnementales présentes dans le delta sont actuellementmenacées par une érosion littorale significative (Paskoff,2004). Or, depuis 150 ans environ, différents indicateurstémoignent d’un changement climatique, essentiellementcaractérisé par un réchauffement atmosphérique (Bradley etJones, 1993 ; Magny, 1995 ; IPCC, 2001). Cette périodefait suite à un épisode pluri-séculaire, désigné sous le termede petit âge glaciaire, qui, selon les marqueurs retenus, débu-te au cours du XIVe siècle et s’achève à la fin du XIXe siècle(Crowley, 2000 ; Reynaud et Vincent, 2002). Ces modifica-tions climatiques, en entraînant un changement dansl’équilibre des forces qui modèlent les deltas (houles,marées et fleuve d’après la classification de W.E. Galloway,1975), s’expriment fortement dans la morphologie deltaïquetout au long du XIXe siècle. Mais le XIXe siècle est égalementla période de profonds bouleversements sociétaux quiconduisent à d’importantes mutations fluviales parfois anta-gonistes (Provansal et al., 2005). C’est en effet une périodeclef dans les mutations de l’hydrosystème fluvial et del-taïque, dont le contexte de société rurale dans le bassinversant évolue vers la mainmise totale des ingénieurs sur le

fleuve, au gré des progrès scientifiques et technologiques.Ainsi, l’impact humain, autrefois passif ou intégré au fonc-tionnement naturel du bassin versant, devient-il un facteurdynamique des modifications des relations entre le fleuve etle delta (Berendsen et Stouthamer, 2000 ; Stouthamer,2001). Pour une période plus récente, F. Sabatier (2001) amontré la concomitance entre l’impact des aménagementsrécents du Rhône (construction des barrages hydroélec-triques depuis 1948) et le ralentissement de l’érosion dulittoral deltaïque, durant la seconde moitié du XXe siècle. Lamorphologie de ce dernier semblerait ainsi essentiellementinfluencée par les aménagements de défense côtière et n’en-registrerait que faiblement la réduction du flux soliderhodanien liée aux barrages.

Pour tenter d’expliquer la dégradation actuelle du litto-ral, il apparaît donc nécessaire de replacer l’évolution ac-tuelle du trait de côte (Sabatier et Suanez, 2003) dans uncontexte historique plus large pour tenter de mettre en évi-dence des tendances et des mécanismes lents. L’objectif dece travail est ainsi de caractériser la dynamique spatio-tem-porelle du littoral du delta du Rhône depuis le début duXIXe siècle. Nous disposons pour cela d’un ensemble decartes topographiques historiques du littoral du delta, dontla comparaison permet d’en décrire les mutations de lamarge littorale deltaïque, et de proposer quelques interpré-tations sur les moteurs de cette évolution. Par la suite, la se-conde partie de cette étude (Maillet et al., ce volume, 125-140) sera consacrée au comportement spécifique au coursdes deux derniers siècles de l’embouchure active duRhône, secteur d’interface particulièrement sensible à l’in-fluence des forçages fluviaux-marins.

Le site d’étude

Caractéristiques générales

Le Rhône, l’un des plus grands fleuves méditerranéens,draine un bassin versant de 97 800 km2 inscrit dans leszones climatiques alpines, océaniques et méditerranéennes.Ce fleuve s’écoule depuis la chaîne des Alpes jusqu’au sudde la France, et forme un delta dans sa partie terminale(fig. 1). Durant les 6 000 dernières années, cette large plai-ne deltaïque a gagné plus de 25 km sur la mer, depuis le nordde l’étang de Vaccarès jusqu’à l’actuelle ligne de rivage(L’Homer et al., 1981). Ces dépôts correspondent à la partiesommitale du prisme de haut niveau marin, développé à lafaveur du ralentissement de la remontée du niveau marindepuis 6 000 ans BP (Dubar et Anthony, 1993 ; Vella etProvansal, 2000). L’avancée la plus importante se situe entre4 000 et 2 000 ans BP, et résulte de la conjonction entreune quasi-stabilité du niveau marin (Vella et Provansal,2000), un fort apport sédimentaire (L’Homer, 1991) et unfaible espace d’accumulation (Vella et al., 2005). Entre1586 et 1711 (Arnaud-Fassetta, 2003), le Rhône construit unlobe proéminent, appelé le lobe du Bras de Fer (fig. 1), puisdévie dans un canal d’irrigation pour former l’actuel chenaldu Grand Rhône. Depuis cette période, le Rhône n’a plussubi de défluviation et s’écoule dans sa plaine deltaïque par

113Géomorphologie : relief, processus, environnement, 2006, n° 2, p. 111-124

Évolution du trait de côte du delta du Rhône depuis le milieu du XIXe siècle

deux bras. Ces deux bras sont totalement endigués depuisles années 1860. Les embouchures, éloignées de plus de40 km, sont reliées par une digue qui a été construite dès1859 en arrière du littoral deltaïque pour réguler l’intrusiondes eaux marines dans le delta. À l’ouest, l’embouchure duPetit Rhône, appelée grau d’Orgon, existe depuis l’an 1550(L’Homer et al., 1981). Ce bras du fleuve draine 10 % dudébit liquide total le long d’un cours très sinueux (indice desinuosité λ/L compris entre 1,5 et 4,5). À l’est, l’embouchu-re du Grand Rhône, nommée grau de Roustan, expulse 90 %des volumes d’eau et constitue l’exutoire d’un chenal assezrectiligne (1,06 < Is < 1,2). Cette embouchure est restéepluri-chenalisée (de 3 à 6 graus) jusqu’en 1855, date àlaquelle d’importants travaux d’aménagement conduisent àl’obstruction de tous les graus secondaires pour ne conser-ver que le principal.

De nos jours, le delta du Rhône est considéré comme undelta influencé par les houles, selon la terminologie deW.E. Galloway (1975) et comme un mouthbar-type delta oflow-gradient highly stable suspension-load river withlevees, soit le type 8 de la classification de G. Postma(1995). La plaine deltaïque couvre une superficie de1 742 km2. Elle est séparée de la mer par un cordon littoralsableux long d’environ 90 km entre les flèches de La Gra-cieuse et de l’Espiguette (fig. 1).

Dynamiques et évolution des forçagessur le trait de côte

Les conditions éoliennes qui affectent le delta du Rhônesont très contrastées. Les vents continentaux (Mistral, Tra-montane) sont les plus fréquents (70 % du temps) et les plusforts (vitesse moyenne de 8 à 11 m/s et maximale > 28 m/s).Les vents de mer sont les plus morphogènes. Les plus fré-

quents sont de secteur est à sud-est (Levant, Eissero) et sontparticulièrement violents (>20 m/s) durant les tempêtesd’équinoxe (Suanez, 1997). Les vents moyens engendrentun courant de dérive littorale orienté vers l’ouest pour lapartie occidentale du delta, et orienté vers l’est pour la par-tie orientale. Ces courants sont notamment responsables dela formation des flèches littorales de la Gracieuse à l’est etdu système Beauduc-Espiguette à l’ouest (fig. 1). Le littoralest caractérisé par un très faible marnage (30 cm) et unniveau marin s’élevant de 2,1 mm.an-1 depuis 1905 (Suanezet Provansal, 1998), valeur considérée comme stable parT. Mulder et J.P.M. Syvitski (1996). En accord avec la ter-minologie de L.D. Wright et A.D. Short (1984), les plagesdu delta du Rhône sont de type « dissipatif » (Sabatier,2001). Le littoral subit un climat de houle caractérisé actuel-lement par des vagues de haute énergie (2,108 J.m2 selonF. Sabatier, 2001), mais il est impossible de déterminer l’in-fluence du changement climatique sur ce facteur demobilité. Les chroniques historiques restent tout aussiimprécises sur l’évolution des fréquences et de l’intensitédes tempêtes. C. Bruzzi (1998) note une recrudescence desnaufrages entre les périodes 1750-1800, 1800-1850 et 1850-1900, mais observe également une paradoxale stabilité de laproportion de naufrages liés aux tempêtes durant les troispériodes considérées (autour de 20 %). Aussi, l’augmenta-tion du nombre de naufrages semble davantage correspondreà l’expansion de la navigation commerciale et de plaisancequ’à une réalité météo-marine, et au final les conditionsmarines du XIXe siècle restent très mal connues.

À l’inverse, le travail des historiens a permis la reconsti-tution du régime du Rhône (Pichard, 1995), notammentgrâce aux chroniques des fortes crues que subit le Rhône aucours du XIXe siècle (fig. 2). Or l’influence des fleuves sur lamobilité littorale des deltas est attestée au travers de nom-

114 Géomorphologie : relief, processus, environnement, 2006, n° 2, p. 111-124

Grégoire M. Maillet, François Sabatier, Damien Rousseau, Mireille Provansal, Thomas J. Fleury

Marseille

Arles

Lyon

Isère

Saôn

e

Ardèche

Gard Durance

Ain

Drôme

France

N

0 100kmDeltadu Rhône

Grand Rhône17e - 21e s.

Bras de Fer16e - 17e s.

Petit Rhône17e - 21e s.

ALPES

MAS

SIF

CEN

TRAL

0 8km

FARAMAN

Grau dela Dent

GOLFE deBEAUDUC

FLECHE del'ESPIGUETTE

LITTORAL de PETITE CAMARGUE

4°40' 4°50'4°30'4°20'4°10'

43°20'

43°25'

43°30'

MER MEDITERRANEE

NordLe Grau-du-Roi

Grau deRoustan

(20)

(10)

(10)

(20)

Port-Saint-Louis

Etang de VaccarèsPlaine de

la Crau

FLECHE deBEAUDUC

PETIT

RHONE

Graud'Orgon

GRAND RHONE

plage dePiémanson

La Fourcade

1

Pégoulier

(20) (10)

AB C

St-Mariesde la Mer

Fig. 1 – Carte de localisation du site étudié et des toponymies locales. A : Localisation du bassin versant du Rhône. B : Organisa-tion du réseau hydrographique du Rhône et localisation du delta. C : Le delta du Rhône : localisation des principaux lobesdeltaïques mis en place depuis le XVIIe siècle. 1 : lobe deltaïque sous-marin.

Fig. 1 – Location map of the studied site and place names. A: Location of the Rhône catchment area. B: Detail of the Rhône catch-ment area and its main tributaries, with location of the Rhône delta. C: The Rhône delta: position of main deltaic lobes built sincethe 17th century. 1: submarine delta lobe

breuses publications (Van Straaten, 1957 ; Galloway, 1975 ;Colleman et Wright, 1975 ; Orton et Reading, 1993 ; Horiet al., 2002). Deux critères principaux de cette influencesont retenus par ces auteurs : la nature et la quantité de lacharge solide fluviale et la capacité du fleuve à évoluer danssa plaine deltaïque (défluviation). Dans le cas du Rhône, leniveau marin peut être considéré comme stable et le fleuveest totalement endigué, ce qui conduit à l’immobilisation ar-tificielle de l’embouchure depuis plus de 150 ans. Par consé-quent, l’évolution du littoral deltaïque au cours du

XIXe siècle dépend principalement des variations de la char-ge solide fluviale, elle-même liée aux changements hydro-logiques inhérents à la fin du petit âge glaciaire, ainsi qu’auxmutations de l’occupation du sol dans le bassin versant.

Méthodologie

Les cartes topographiques historiques du delta du Rhôneretrouvées à ce jour permettent de reconstituer l’histoire decette zone jusqu’au milieu du XVe siècle. Le dépouillement

115Géomorphologie : relief, processus, environnement, 2006, n° 2, p. 111-124

Évolution du trait de côte du delta du Rhône depuis le milieu du XIXe siècle

0

1

2

3

4

5

1800 1810 1820 1830 1840 1850 1860 1870 1880 1890 1900

Nom

bre

de m

ois

avec

cru

es

Fré

quen

ce d

e cr

ues

par

pério

de

1823-1837 1872-1895

1866

-187

21853-18661841-1853

1837

-184

1

0

0,3

0,6

0,9

1,2

1,5

1 2

Fig. 2 – Variations historiquesde l'hydrologie du Rhône. Lesfréquences de crue sont calcu-lées sur la base des huit pé-riodes considérées dans cetteétude (données d'après G. Pi-chard, 1995). 1 : Mois avec crues> 4 600 m3.s-1 ; 2 : moyenne an-nuelle par période (en mois decrues > 4 600 m3 pt/s-1 par an).

Fig. 2 – Historical variations ofthe Rhône hydrology. Floodfrequency are based on theeight periods considered inthis study (after G. Pichard,1995). 1: month with floods> 4600 m3.s-1; 2: monthly meanper period (in months with floods> 4600 m3.s-1per year).

Dates Type de donnée Echelle Auteurs Sources

1823Tableau d’assemblage du plan cadastralparcellaire des communes d’Arles, des Saintes-Maries et de Port-Saint-Louis

1/80 000 Frésel, Matheron et al.Arch. dép. des B-d-R.1

n°3P132-3P309,3P1558-1570 et3P1976

1837 Plan de la Camargue 1/50 000 Poulle CCIMP2 n°B4345

1841Carte particulière des Côtes de France (Bouchesdu Rhône)

1/50 000Le Bourguignon-Duperret,Bégat, Lieussou

CCIMP2

MRG 6431/1 n° 1118

1853Plan général du syndicat des chaussées de laGrande Camargue

1/60 000 VéranArch. dép. des B-d-R.1

n°1/2045

1866 Carte d'Etat-major 1/80 000 Officier d'Etat-majorArch. dép. des B-d-R. 21

n°1/1948

1872Côtes Méridionales de France d'Aigues Mortes àFaraman (2 cartes 1872-1873)

1/28 800 Officier d'Etat-majorCCIMP2

MRG 6431/01

1895Côtes de France – De Saintes-Maries à Port-Saint-Louis-du-Rhône

1/28 800M.L. Favé, Officier d'Etat-major

EPSHOM3

5116

2000 Position du trait de côte (relevé DGPS) 1/1 F. Sabatier CEREGE4, Aix-en-Provence

1 : Arch. Dép. Des B-d-R : archives départementales des Bouches du Rhône ; 2 : CCIMP : Chambre de Commerce et d’Industrie de Mar-seille-Provence ; 3 : EPSHOM : Etablissement Principal du Service Hydrographique et Océanographique de la Marine ; 4 : CEREGE : CentreEuropéen de Recherche et d’Enseignement en Géosciences de l’Environnement.

Tableau 1 – Liste des cartes utilisées pour l’analyse des positions historiques du trait de côte dans le delta du Rhône.

Table 1 – List of maps used to determine historical coastline shifts in the Rhône delta.

des archives a révélé une soudaine augmentation de la pro-duction de cartes et de plans du delta à partir des années1660 (Caritey, 1995) avec le développement de la naviga-tion marchande sur le Rhône et du commerce en Méditerra-née. Les informations que contiennent ces cartes anciennesdoivent, selon la manière dont la carte a été établie, être luescomme des données qualitatives, analogiques ou réellementquantitatives (Pinot, 1999). Si l’intérêt historique de ces do-cuments est indéniable, il ne s’agit pourtant souvent que dedessins figuratifs, réalisés sur des zones stratégiques pourrépondre à des commandes à finalités militaires ou com-merciales. De même, la diversité des échelles utilisées etl’absence de points de repères géométriques rendent lescomparaisons et le traitement informatique très difficiles(Pichard, 2002). Ainsi, faute de sources cartographiquesvraiment fiables à l’échelle du delta au XVIIIe siècle, nousconsidérons que la carte de 1823 est la première que l’onpuisse utiliser à des fins de quantification. Afin de constaterdes évolutions réelles tout en conservant une bonne résolu-tion temporelle (< 20 ans) entre chaque observation, septcartes différentes ont été utilisées pour caractériser l’évolu-tion du delta sur 150 ans (fig. 2, tab. 1). La position du traitde côte de l’année 2000 est utilisée comme référence del’état actuel du delta, afin d’homogénéiser nos données aveccelles de F. Sabatier et S. Suanez (2003) et de permettreles comparaisons.

Pour permettre la superposition des traits de côte, enaccord avec la méthodologie de R.A. McBride et al. (1991),toutes les cartes sélectionnées ont été digitalisées, rectifiéeset géo-référencées dans un système de coordonnées iden-tique (WGS84) avec le logiciel ER Mapper® 6.0. Chaquetrait de côte a ensuite été redessiné manuellement et compi-lé dans un SIG (logiciel MapInfo 6.5©). Sur l’ensemble dulinéaire côtier du delta, 84 profils perpendiculaires au litto-ral et régulièrement espacés (~ 1 000 m) ont été établis pourcalculer les vitesses moyennes de déplacement du trait decôte. Les changements de superficie que l’on peut en dédui-re ont été calculés en divisant la mesure absolue par la duréede la période séparant les deux cartes comparées. La recons-titution historique de l’évolution de la position du trait decôte entre 1823 et chaque date, ainsi que des variations desurface, ont ainsi permis les comparaisons avec les muta-tions fluviales qui leur sont contemporaines.

L’incertitude liée aux procédés de levés cartographiques,au mode de représentation ainsi qu’à la part habituelle d’in-terprétation caractérisant tout document cartographique,nous incite à considérer la marge d’erreur de nos résultats

comme importante mais difficile à estimer pour les cartesantérieures à 1872. Après cette date, et tout au long duXIXe siècle, en accord avec les études historiques et les docu-ments techniques d’époque (Pichard, 2002), les mesurestopographiques ont été effectuées par triangulation, en utili-sant un théodolite couplé à un cercle hydrographique.L’erreur potentielle associée à cette technique de cartogra-phie pour la position d’un trait de côte est estimée par lesServices Hydrographiques de la Marine Française à ± 10 m,c’est-à-dire ~ 0,1 m.an-1 (Mc Bride et al., 1995).

Changement de position du littoralentre 1823 et 2000

Dans un premier temps, la superposition des traits de côtede 1823, 1895 et 2000 permet de dégager des tendancesgénérales et d’estimer l’importance de la progradation dudelta du Rhône durant presque deux siècles (fig. 3A ettab. 2). Cependant, le territoire représenté sur la carte de1823 ne permet pas de tenir compte de l’ensemble du linéai-re côtier, et exclut de l’étude la zone de la flèche del’Espiguette, zone de forte accumulation (Sabatier et Rai-vard, 2002). Aussi, les valeurs que nous avançons doiventêtre a priori majorées pour les gains sédimentaires.

L’évolution du delta du Rhône sur 177 ans révèle un bilansédimentaire global largement positif, caractérisé par uneaugmentation de surface de 18,09 km2. Cette évolution n’estpas spatialement homogène, comme en témoignent les bi-lans partiels avec une surface gagnée sur la mer double de lasurface perdue, et des zones d’accumulation qui ne concer-nent que 51 % du linéaire côtier étudié (fig. 3B). Les sec-teurs qui progradent sont l’embouchure du Grand Rhône etla pointe de Beauduc, tandis que les secteurs de l’embou-chure du Petit Rhône et de Faraman s’érodent (fig. 3B). Lesvariations du trait de côte montrent des vitesses moyennesd’évolution séculaire élevées, positives à l’embouchure deRoustan (+13 m/an) et à la flèche de Beauduc (+14,5 m/an)et négatives à l’embouchure d’Orgon (-8,5 m/an) et à laplage de Faraman (-6,2 m/an). Les tableaux 2 et 3 nous per-mettent d’observer ces évolutions dans le temps. À longterme (tab. 2), on constate une nette différence de progres-sion entre le XIXe et le XXe siècle. En moyenne, le deltas’étend de 0,22 km2/an au XIXe siècle, puis seulement0,021 km2/an au XXe siècle, soit un rapport de un à dix. Cesbilans sont fortement influencés par les évolutions de l’em-bouchure de Roustan. Au XIXe siècle, l’accroissement desurface de ce secteur compte pour plus de 50 % dans l’avan-

116 Géomorphologie : relief, processus, environnement, 2006, n° 2, p. 111-124

Grégoire M. Maillet, François Sabatier, Damien Rousseau, Mireille Provansal, Thomas J. Fleury

a : d’après Sabatier F., Suanez S. (2003)

Tableau 2 – Évolution à long termede la surface du delta du Rhône etincidence du secteur de l’embou-chure du Grand Rhône sur le bilansurfacique total du delta.

Table 2 – Long-term evolution ofthe Rhône delta surface area androle of the Grand Rhône moutharea in the sediment budget of thedelta.

PériodeGain total

(km2)Perte totale

(km2)Bilan total

(km2)Bilan total(km2/an)

Embouchure(km2)

Quotientembouchure /

delta (%)

1823 - 1895 +34,14 -18,31 +15,87 +0,220 +8,48 53

1895 - 2000 - - +2,21a +0,021 +3,00 136

1823 - 2000 +35,81 -17,72 +18,09 +0,102 +11,48 63

117Géomorphologie : relief, processus, environnement, 2006, n° 2, p. 111-124

Évolution du trait de côte du delta du Rhône depuis le milieu du XIXe siècle

P01

P05

P10

P15

P20 P

25

P30

P35

P40

P45

P50

P55

P60 P65 P

70

P75

P80

P85

Grau de la Dent

GOLFE deBEAUDUC

Pet

it R

hone

Flêche del'Espiguette

L I T T O R A L DE F A R A M A N

L I T T O R A L DE P E T I T E C A R M A R G U E

Stes-Maries-de-la-Mer

Le Grau-du-Roi

Anse de Carteau

Flêche deBeauduc

Phare de la Gacholle

Port-Saint-Louis

Salin-de-Giraud

trait de côte en 1895trait de côte en 2000

trait de côte en 1823

Petite Camargue

Grau d'Orgon

Plage dePiemanson

Grau deRoustan

Grau dePégoulier

Gra

u de

Piem

anso

n

8 km

Nord

0La Fourcade

Grand Rhone

-2000

-1000

0

1000

2000

3000

40001 4 7 10 13 16 19 22 25 28 31 34 37 40 43 46 49 52 55 58 61 64 67 70 73 76 79 82 85 88 91 94

1823-1895 1823-2000

1823dist

ance

(m

)

PETITRHONE

FLECHE DEBEAUDUC GRAND RHONE

FARAMAN

PIE

MA

NS

ON

PETITECAMARGUE

profils (numéro)

FOURCADE

FOURCADE

Secteurs

Secteurs

1 4 7 10 13 16 19 22 25 28 31 34 37 40 43 46 49 52 55 58 61 64 67 70 73 76 79 82 85 88 91 94

1823

dist

ance

(m

)

PETITRHONE

FLECHE DEBEAUDUC GRAND RHONE

FARAMAN

PIE

MA

NS

ON

PETITECAMARGUE

profils (numéro)

-1000

-500

500

1000

1500

20001823-18371823-18411823-18531823-18661823-18721823-1895

S1 S2 S3 S4 S5 S6 S7

0

A

B

CS1 S2 S3 S4 S5 S6 S7

Fig. 3 – Variations du trait de côte entre 1823 et 2000. A : évolution globale et position des profils (d’après F. Sabatier et S. Suanez, 2003).B : variations de la position du trait de côte par profils et par secteurs entre 1823, 1895 et 2000. C : évolutions détaillées au cours du XIXe siècle.

Fig. 3 – Coastline fluctuations between 1823 and 2000. A: General evolution and position of the profiles (adapted from F. Sabatier andS. Suanez, 2003). B: Variations in the position of the coastline profiles for each area between 1823, 1895, and 2000. C: Detailed evolutionduring the 19th century.

cée totale du delta. Cette tendanceest encore exagérée au XXe siècle,puisque l’accroissement de la sur-face de la zone d’embouchure dé-passe l’accroissement total dudelta. Ainsi, au XXe siècle, la ten-dance érosive du linéaire côtierapparaît comme très généralisée,puisque seul l’accroissement desurface du secteur de l’embouchu-re permet de conserver un bilanglobal positif.

A l’échelle du XIXe siècle, lasurface du delta s’accroît doncau total de 15,87 km2. La com-paraison des sept traits de côteshistoriques nous permet d’affiner l’étude de cette croissance(tab. 3). La période 1823-1837 présente un delta très diffé-rent de celui qui se dessine par la suite. On constate en effetque les secteurs soumis à long terme à une importante éro-sion (embouchure du Petit Rhône, plage de Faraman) sontencore le siège d’une accumulation permettant la prograda-tion du littoral (fig. 3C). Il s’agit des derniers indicateursmorphologiques d’une période durant laquelle la forme dudelta est encore localement sous l’influence des dynamiquesfluviales, caractérisées au XVIIe et XVIIIe siècles par d’abon-dants apports sédimentaires aux bouches actives (Arnaud-Fassetta, 2003).

Cette diminution progressive de la charge solide fluviales’exprime par une tendance au ralentissement graduel de lacroissance du delta au XIXe siècle. Ce ralentissement s’ef-fectue en deux phases successives autour de la période clef1853-1866, qui est la seule à présenter un delta globalementen érosion. Constatant la très forte reprise de l’accroisse-ment deltaïque durant la période suivante (1866-1872), quiparaît anormale par rapport au ralentissement de l’avancéedeltaïque, il est possible de douter de la qualité des informa-tions fournies par la carte de 1866. En outre, considérantl’effet des fortes crues très fréquentes pendant la période1840-1856 (Pichard, 1983) et le début des travaux d’endi-

118 Géomorphologie : relief, processus, environnement, 2006, n° 2, p. 111-124

Grégoire M. Maillet, François Sabatier, Damien Rousseau, Mireille Provansal, Thomas J. Fleury

PériodeGain total

(km2)Perte totale

(km2)Bilan total

(km2)Bilan total(km2/an)

1823 - 1837 +10,10 -1,04 +9,06 +0,647

1837 - 1841 +3,76 -3,10 +0,66 +0,164

1841 - 1853 +4,99 -4,00 +0,99 +0,083

1853 - 1866 +4,54 -6,56 -2,02 -0,155

1866 - 1872 +7,43 -2,34 +5,09 +0,848

1872 - 1895 +3,35 -1,25 +2,09 +0,091

Tableau 3 – Évolution de la surface du delta du Rhône au XIXe siècle entre les secteurs de laPetite Camargue et la flèche de la Gracieuse.

Table 3 – Evolution of the Rhône delta surface area during the 19th century between the PetiteCamargue and the Gracieuse Spit.

Etang de Vaccarès

CRAU

Flèche deBeauduc

Stes-Maries

Port-St-Louis

Aigues-Mortes

Salins-de-Giraud

Bras de Fer

Grand R

hône

Petit Rhône

S1 S2 S3

S4 S5 S6 S7[-2 ; -10]

[+50 ; +72]

[-10 ; -20]

[+10 ; +20]

[-2 ; +2][+2 ; +10]

[+20 ; +50]

1823-18371837-18411841-18531853-18661866-18721872-1895

[-20 ; -42]

Vitesse de déplacement (m/an)

Nord

0 10 km

Dérive littorale

Fig. 4 –Classification des taux d'évolution du trait de côte (m.an-1) du delta du Rhône par secteurs et par périodes au cours duXIXe siècle.

Fig. 4 – Rates of Rhône delta coastline evolution (m.yr-1) ranked according to area and period during the 19th century.

guement du fleuve, la période 1853-1866 est généralementconsidérée comme une période d’augmentation du transit dela charge solide dans le fleuve (Maillet et al., 2005 ; Pro-vansal et al., 2005). On pourrait ainsi légitimements’attendre à observer une augmentation relative de la pro-gradation deltaïque au cours de la période 1853-1866, aulieu de la valeur d’érosion obtenue. Il est donc possible quela carte de 1866 n’ait pas été établie avec la même rigueurque les autres cartes utilisées dans cette étude, bien qu’ellen’ait jamais fait l’objet de critique sur ce point. Cependantle travail de géoréférencement ayant été effectué de la mêmemanière que pour les autres cartes, et la forte progradationau cours de la période 1866-1872 pouvant tout à fait résul-ter de l’effet de chasse hydraulique provoquée parl’endiguement du Rhône achevé en 1860, la rigueur scienti-fique veut que nous accordions aux résultats obtenus avec lacarte de 1866 le même crédit qu’à ceux fournis par les autrescartes, nonobstant leur aspect inattendu.

L’étude de l’évolution des 84 profils perpendiculaires aulittoral durant le XIXe siècle (fig. 3C et fig. 4) permet d’atté-nuer la possible imprécision des données de 1866. Elle meten évidence sept secteurs au comportement homogène à par-tir de 1837 : la Petite Camargue (S1) à l’ouest du PetitRhône, l’embouchure du Petit Rhône (S2), La Fourcade(S3) de l’est du Petit Rhône au phare de la Gacholle, Beau-duc (S4) regroupant le golfe et la pointe de Beauduc,Faraman (S5) autour de l’ancienne embouchure du Bras deFer, Piémanson (S6) situé à l’ouest du grau de Roustan etl’embouchure du Grand Rhône (S7) constitué du lobemoderne (grau de Roustan, grau de Pégoulier, Flèche de laGracieuse). Chaque secteur a été étudié par période (fig. 4)et nous présentons ci-dessous les observations relevées.

Secteur S1 (Petite Camargue)

L’absence de donnée relative à la flèche de l’Espiguetterend difficile l’analyse de l’évolution de ce secteur. Le bilangénéral entre 1823 et 1895 est positif. En effet, bien que sou-mis à une forte exposition aux houles, il reste sousl’influence de l’embouchure du Petit Rhône. Potentielle-ment alimenté par les sédiments apportés par le Graud’Orgon, il est également protégé par le haut fond queconstitue le lobe sous-marin du Petit Rhône qui dévie leshoules de sud-est (les plus morphogènes) vers l’est. Il résul-te de la combinaison de ces forçages une évolutionchaotique tant dans le temps (succession de phases d’éro-sion et d’accrétion) que dans l’espace (profils enaccumulation et en érosion durant la même période).

Secteur S2 (grau d’Orgon)

À l’embouchure du Petit Rhône, le recul du littoral, trèsrapide de nos jours (Sabatier, 2001), débute à partir de 1841-1853. Au milieu du XIXe siècle, ce bras du fleuve drainait20 % du débit liquide du Rhône (Surell, 1847), 16 % en1890 (François, 1937), puis seulement 10 % actuellement,(Ibanez et al., 1997). L’affaiblissement du débit du PetitRhône est donc partiellement responsable du déficit sédi-

mentaire du secteur et du recul du rivage. Ce secteur estd’abord attaqué par les houles qui se concentrent sur le lobesaillant, et il est de plus en plus érodé jusqu’en 1872. Nousne trouvons de témoignages de protection du littoral contrel’érosion qu’au début du XXe siècle (François, 1937). Mais ilest probable que le cordon littoral, qui abritait en 1880 uneville de plus de 1 000 habitants (Lenthéric, 1881), ait étéprotégé artificiellement dès la deuxième partie duXIXe siècle, ce qui pourrait expliquer la nette réduction del’érosion observée après 1872.

Secteur S3 (La Fourcade)

Ce secteur est une zone charnière entre l’embouchure duPetit Rhône, fortement érodée, et la flèche de Beauducsubissant une accrétion constante. Les houles de sud-est, lesplus morphogènes, sont réfractées par la flèche de Beauducet s’orientent parallèlement au rivage. Ceci limite fortementles effets de la dérive littorale en période de tempête. De cefait, aucune tendance significative n’est observée. Le trait decôte oscille de manière assez confuse autour d’une positionfixe, sensiblement assimilable à celle du trait de côte de1823 (fig. 3C). La partie ouest du secteur, subissant l’in-fluence de l’évolution du secteur S2, est sensiblementsoumis à l’érosion, tandis que la moitié orientale s’engrais-se, sous la dominance du secteur de Beauduc.

Secteur S4 (Beauduc)

La pointe de Beauduc est la zone de convergence de deuxdérives littorales de sens opposé, provenant de l’ouest dusecteur et du littoral de Faraman (fig. 4). Elle est par consé-quent le lieu d’une intense sédimentation qui débute en 1711avec l’abandon du chenal du Rhône du Bras de Fer, et ledémantèlement progressif du lobe sous-marin correspon-dant. Ce mécanisme semble constant dans le temps et nedevrait se terminer que lorsque le trait de côte sera totale-ment régularisé entre l’embouchure du Grand Rhône et laville du Grau du Roi. Orientée vers l’ouest en 1823, laflèche de Beauduc a tendance à croître en se déplaçant versle nord-ouest, sous l’influence des houles de sud-est. Cettecroissance est continue durant la période d’étude, avec uneacmé de progradation entre 1837 et 1853.

Secteur S5 (côte de Faraman)

La côte entre Beauduc et le Grand Rhône recule de maniè-re quasi permanente sur l’ensemble de ce secteur. La plageest très exposée aux houles de sud-est qui atteignent la côteavec une incidence de 45° et engendrent un fort courant dedérive littorale vers l’ouest. Ce secteur correspond à l’an-cienne embouchure du Rhône du Bras de Fer. La réfractiondes houles sur les haut-fonds reliques accentue la pressiondes dynamiques marines sur cet espace déconnecté desapports rhodaniens. Ce recul présente deux caractéristiquesimportantes. D’une part le recul du trait de côte ne s’inscritdans aucune tendance particulière et il est caractérisé parune irrégularité des vitesses d’évolution. D’autre part, à

119Géomorphologie : relief, processus, environnement, 2006, n° 2, p. 111-124

Évolution du trait de côte du delta du Rhône depuis le milieu du XIXe siècle

l’échelle séculaire, la tendance est tout de même au ralentis-sement de l’érosion, le recul du trait de côte étant limité aunord par la présence de la digue littorale construite en 1859.

Secteur S6 (plage de Piémanson)

À l’ouest du promontoire du Grand Rhône, le secteur S6illustre les diverses possibilités d’évolution d’un littoraldeltaïque. De 1823 à 1853, le littoral gagne sur la mer à unevitesse qui décroît progressivement. Cette tendance est àmettre en relation avec le comblement du chenal fluvial quiaffecte également le grau de Piémanson. En 1855, les faiblesapports rhodaniens par le chenal de Piémanson sontdétournés par la fermeture artificielle du grau. L’influencedirecte du fleuve ayant disparu, les houles remobilisent lesdépôts prodeltaïques qui viennent alimenter la côteproximale en provoquant une augmentation de surface de0,34 km2/an. Cet apport sédimentaire n’a cependant qu’unedurée limitée. Après un ralentissement de la progradation,l’érosion débute dès 1895, montrant ainsi que même lessecteurs les plus proches de l’embouchure active nebénéficient pas des apports rhodaniens.

Secteur S7 (lobe actuel)

Le secteur de l’embouchure de Roustan montre la plusforte mobilité au cours du temps. Directement soumis à l’in-fluence du Rhône, il réagit à l’action simultanée du fleuve(variation des débits et du nombre des embouchures) et de lamer (fréquence et amplitude des houles de tempête). De cefait il est très difficile de mettre en évidence des tendances.Avant 1855, l’avancée générale du lobe, sous l’influence desforts apports sédimentaires caractérisant cette époque, estcontrariée par la présence de trois principaux graus. La divi-sion des flux est à l’origine, d’une part, d’une tendancepréférentielle à l’empâtement plutôt qu’à l’avancée en poin-te du lobe et, d’autre part, de la faiblesse de la puissancehydraulique du Rhône qui renforce l’influence relative desdynamiques marines. En 1855, la réunification artificielledes graus en un seul chenal confirme cette interprétation,puisque on note une progradation très rapide de l’embou-chure de Pégoulier, tandis que le littoral à proximité du graude Roustan recule sous l’influence des houles réfractées surles lobes deltaïques abandonnés de Piémanson et de Rous-tan. La relative stabilité globale de ce secteur après 1872masque donc une variabilité interne très importante.

De manière générale, nous observons donc trois secteursrelativement stables (S1, S3, et S6), qui séparent des zonescaractérisées par une évolution positive ou négativeconstante dans le temps. Ces zones charnières correspon-dent à des points d’inflexion entre les secteurs dynamiquesdont la position n’évolue pas au cours du temps. Cecimontre à quel point les variations du trait de côte sont forte-ment liées à une réorganisation par les houles des stockssédimentaires préexistants. De plus, l’étude de l’évolutionde la position des traits de côte sur près de 200 ans montreun fonctionnement similaire au XIXe et au XXe siècle (fig. 3B,3C) malgré des changements hydrosédimentaires significa-

tifs (réduction des fortes crues et de la charge sédimentaire)et une augmentation progressive de l’influence humainedans le bassin versant rhodanien. Cela met en évidence lafaible influence du fleuve sur le fonctionnement et l’alimen-tation du littoral deltaïque, au moins à l’échelle séculaire.

Relations entre les apports fluviauxet les variations du trait de côtedeltaïque

Les différences d’extension du delta entre le XIXe et leXXe siècle (tab. 2) montrent que, en période d’abondantecharge solide grossière, la croissance deltaïque est dix foisplus importante qu’à l’heure actuelle. Le vecteur des produitsde l’érosion du bassin versant étant le fleuve, les variationsde débit liquide et solide conditionnent, en principe, lesphases d’avancée et de recul deltaïque. Mais cette simpleobservation doit être nuancée à l’échelle séculaire et selon lespériodes considérées. Il apparaît effectivement que les varia-tions du secteur de l’embouchure active conditionnentfortement au XIXe siècle, voire totalement au XXe siècle, lebilan sédimentaire du delta du Rhône (tab. 2). Les volumessédimentaires apportés à l’embouchure du fleuve ne sont pasou très peu redistribués sur le littoral deltaïque. Aussi, lacinématique du trait de côte doit être abordée distinctementselon que l’on se trouve loin de l’embouchure du Rhône ouque l’on s’en approche. Au loin, le long de la frange littoraledeltaïque, le fonctionnement sédimentaire correspond dès1837 à quatre cellules littorales (Komar, 1998), associantchacune un secteur qui s’érode à un secteur qui stocke lessédiments (Sabatier et Suanez, 2003). L’engraissement de laflèche et du golfe de Beauduc (secteur S4) est alimenté parl’érosion des secteurs S2, S3 et S5. Le mécanisme détermi-nant est donc ici la dérive littorale, ce qui explique l’absencede corrélation directe entre la fréquence d’occurrence descrues du Rhône et les phases d’évolution du trait de côte dudelta (fig. 5). À proximité de l’embouchure du Rhône (sec-teur S7), on trouve la zone d’accumulation de la plupart desapports rhodaniens (Sabatier et al., 2006) qui forment le lobedeltaïque actuel. Celle-ci est donc extrêmement sensible auxfluctuations de la charge solide, et se présente comme la zonedans laquelle l’évolution de la superficie des terres émergéesest la plus dynamique. Les bilans surfaciques à l’échelle dudelta dépendent de ce fait fortement de ses variations (Guieuet al., 1993 ; Noel, 1996 ; Thomas, 1997 ; Sabatier et al.,2006) et une étude plus détaillée s’impose (Maillet et al., cevolume, 125-140).

Il existe par conséquent une différence importante entreles variations de l’embouchure et celles de la côte. Indépen-damment du forçage à long terme que représentent lesapports rhodaniens, il est possible de distinguer d’autressources sédimentaires dont l’influence pourrait expliquerl’origine des dépôts sur les plages du delta. La premièresource est l’ensemble des volumes sédimentaires issus de labiosédimentogenèse. Des mesures in situ des teneurs en bio-clastes dans les sables du delta (Maillet, 2001) ont en effetmontré que la fraction d’origine biologique représente enmoyenne 20 % à 30 % des volumes sédimentaires littoraux

120 Géomorphologie : relief, processus, environnement, 2006, n° 2, p. 111-124

Grégoire M. Maillet, François Sabatier, Damien Rousseau, Mireille Provansal, Thomas J. Fleury

actuels. Sur les secteurs qui s’engraissent, comme la flèchede Beauduc, cette fraction peut atteindre 80 % des sables.Dans les secteurs subissant l’érosion, le volume biosédi-mentaire n’est que d’environ 10 %, en raison des fortesconditions hydrodynamiques qui limitent le dépôt decoquilles sur le littoral (Van der Wal, 2000). Outre le rôledirect que les fragments coquilliers jouent dans la constitu-tion des cordons sédimentaires littoraux, il faut égalementsouligner leur rôle de protection contre l’érosion qu’ils exer-cent en recouvrant les cordons sableux (Keary et Keegan1975 ; Carter, 1976). La production biologique contribueraitainsi de manière significative à la stabilité et à la croissancede la surface de la plaine deltaïque, d’autant plus lorsque lesvolumes sédimentaires apportés par le fleuve diminuent. Lafluctuation de cette production carbonatée biologique seraitdonc une donnée essentielle pour expliquer la variabilitétemporelle des volumes sédimentaires littoraux. Malheureu-sement, la sensibilité des bioclastes aux mécanismesd’érosion (dissolution notamment) ne permet pas de déter-miner avec une précision suffisante l’évolution de cettecontribution dans le temps.

Le second stock de sédiments est issu des lobes deltaïquesimmergés, hérités des positions historiques des embou-chures du fleuve, notamment de l’abandon du Bras de Fer en1711 et de la fermeture artificielle des graus de Roustan etPiémanson en 1855. Le remaniement des lobes s’effectuesous l’influence prépondérante des dynamiques marines. Cemécanisme explique le décalage chronologique que l’onobserve entre les périodes d’évolution maximale des sec-teurs qui s’engraissent (1837-1853) et celles des secteurs quis’érodent (1853-1872) (fig. 3C). En effet, dans un premiertemps, l’érosion des lobes immergés alimente en sédimentsles secteurs situés en aval de la dérive littorale. Dans undeuxième temps, leur arasement raidit le profil transversaldes petits fonds et provoque le recul du trait de côte au droitdes anciennes embouchures. Au Grau de la Dent, embou-chure du Rhône jusqu’en 1711 et en accord avec L. François(1937), la période 1823-1837 apparaît comme la dernière oùl’on note une avancée généralisée de ce secteur, probable-

ment en raison d’apports sédimentaires provenant de l’éro-sion du lobe immergé du Rhône du Bras de Fer (fig. 1). Cephénomène est également visible lorsque l’érosion du sec-teur du Grau d’Orgon (embouchure du Petit Rhône) estcomparée à l’accrétion de la flèche de Beauduc : tandis quela phase de progradation maximale de Beauduc s’établitentre 1837 et 1841, il faut attendre la période 1841-1853pour observer un recul du littoral au Grau d’Orgon, littoraljusque-là nourri par les produits de l’érosion du lobe immer-gé du Petit Rhône. Enfin le lobe immergé de Pégouliercontribue de façon substantielle à l’édification de la flèchede la Gracieuse dès la fermeture du Grau (début duXXe siècle), tandis que le recul de la côte n’y devient sensibleque depuis les années 1960 (Vernier, 1976 ; Suanez, 1997 ;Sabatier et al., 2006). À une autre échelle temporelle,C. Vella et al. (2005) ont montré le rôle essentiel joué par ledémantèlement du lobe fossile antique de Saint-Ferréol dansle colmatage du Golfe d’Aigues-Mortes. En tant qu’interfa-ce dominée par les houles, le littoral du delta du Rhôneévolue donc prioritairement sous l’effet d’une redistributionle long de la côte du sable issu des lobes abandonnés par lesdéfluviations. L’épuisement progressif de ces stocksexplique en grande partie le ralentissement de la croissancedu delta au XXe siècle.

Conclusions

En dépit des nombreuses données disponibles sur lesvariations du trait de côte et sur l’hydrologie du fleuve auXIXe siècle, la compréhension de l’évolution du trait de côtedu delta du Rhône au cours des deux derniers siècles resteencore incomplète. Il manque en effet de nombreuses don-nées sur la période clé du milieu du XIXe siècle (tempêtes,surcôtes, stocks sédimentaires biogènes…) et cette étude nepourra être approfondie que lorsque ces caractéristiquesseront découvertes ou déduites d’autres paramètres (Moronet Ulmann, 2005). En outre, la connaissance de l’évolutiontemporelle de la bathymétrie littorale (entre 0 et -20 m) estégalement insuffisante, malgré les récents travaux de

121Géomorphologie : relief, processus, environnement, 2006, n° 2, p. 111-124

Évolution du trait de côte du delta du Rhône depuis le milieu du XIXe siècle

-0,50

-0,25

0,00

0,25

0,50

0,75

1,000,00 0,25 0,50 0,75 1,00 1,25 1,50

Nombre de crues / an

Var

iatio

ns d

e su

rfac

e(k

m2

/ an)

1

Fig. 5 – Relation entre l’occurrence descrues et l'évolution de surface du deltadu Rhône (km2.an-1). L'absence de cor-rélation entre les deux variables exprimela déconnexion entre les apports flu-viaux et l'évolution du trait de côtedeltaïque. 1 : succession chronologiquedes périodes de mesure.

Fig. 5 – Relation between flood eventsand the evolution of the Rhône deltasurface area (km2.yr-1). Absence of aclear correlation between the two va-riables reflects the disconnection bet-ween river sediment supply and coastli-ne evolution. 1: chronology of successiveperiods of measurements.

F. Sabatier et al. (2006), dont la résolution temporelle estincompatible avec la présente étude.

Les données historiques les plus nombreuses se concen-trent essentiellement sur le fleuve, au détriment desmesures en mer. Elles montrent la faible influence duRhône sur l’évolution de la frange littorale de la plaine del-taïque au XIXe siècle comme au XXe siècle. L’action érosivedes houles ne peut être compensée par la fraction sableusedes apports fluviaux, qui se réduit sensiblement au XXe

siècle et reste piégée à l’embouchure du Grand Rhône.L’évolution morphologique du littoral du delta est doncdominée par la redistribution sédimentaire, sous lacontrainte dominante des houles. En accord avec la classi-fication de R.A. McBride et al. (1995), le delta s’inscritainsi dans une dynamique de type « lateral-movement ».La rareté des périodes d’alimentation des plages du delta àpartir des volumes de sédiments stockés à l’embouchures’exprime à long terme par une symétrie du lobe, qui traduitla prépondérance des débits liquides sur la dérive littorale(Bhattacharya et Giosan, 2003).

La croissance relative des volumes sédimentaires d’origi-ne bioclastique dans le budget sédimentaire total du littoraldu delta, proportionnelle à la diminution des apports terri-gènes, contribue à réduire l’influence des variations desapports fluviaux sur la mobilité littorale (Maillet, 2001).L’impact de l’aménagement du système fluvial sur les varia-tions du trait de côte est complexe, voire contradictoire,mais contribue de manière générale à déconnecter le fleuvede son littoral deltaïque. En effet, l’endiguement du Rhônea amélioré le transit sédimentaire à partir des années 1860mais a fixé la position de l’embouchure dès 1895. Cette sta-bilisation a contribué à réduire le rôle des apports fluviauxsur l’évolution du trait de côte, quelles que soient les carac-téristiques de la charge solide fluviale. Au droit del’embouchure du Rhône, l’énergie liée à l’expulsion des fluxliquides dissipe suffisamment celle des houles pour que laredistribution sédimentaire, via la dérive littorale, soit mini-me et limitée au littoral limitrophe. Aussi, tant que le fleuvecontinuera à couler au dessus du lobe sous-marin actuel, riende ce qu’a apporté le Rhône depuis que son embouchure estfixe ne pourra être remobilisé et entrer dans le bilan sédi-mentaire du delta. Utilisée comme analogue pour lacompréhension des paléo-environnements, cette observationpermettrait d’associer la présence d’un littoral rectifié à unepériode de stabilité de la position de l’embouchure, dans desenvironnements semblables à ceux du delta du Rhône (litto-raux dominés par les houles et/ou les apports fluviaux). Surla base de ce même constat, les projections de l’évolutionfuture du trait de côte à long terme, alarmantes pour la sau-vegarde des intérêts patrimoniaux, écologiques et industrielsdans le delta du Rhône (Sabatier, 2001), posent la questiondu déplacement contrôlé de l’embouchure actuelle. Letransfert de la charge solide et liquide du Rhône en un autrepoint du linéaire côtier permettrait en effet la protection dezones érodées de manière chronique, et favoriserait la remo-bilisation des sédiments du lobe sous-marin actuel du GrandRhône. Cette remobilisation pourrait alors contribuer à l’ali-

mentation des plages orientales du delta (celle de Piémansonnotamment).

RemerciementsCette étude a été réalisée dans le cadre des programmes

européens Eurodelta (n° EVK3-CT-2001-20001) etEurostrataform (n° EVK3-CT-2002-00079). Elle bénéficiedu soutien du programme national ORME et du GDRMarges. Les auteurs remercient le Pr. Pichard pour lesdonnées qu’il a mises à notre disposition. G. Arnaud-Fassetta, J-C. Thouret et un correcteur anonyme sontremerciés pour leurs remarques constructives et Y. Gunnellpour le soin apporté à la correction du texte anglais. LaCompagnie Nationale du Rhône a fourni les donnéeshydrologiques au XXe siècle.

Références

Arnaud-Fassetta G. (2003) – River channel changes in the Rhônedelta (France) since the end of the Little Ice Age: geomorpholo-gical adjustement to hydroclimatic change and natural resourcemanagement. Catena, 51, 141-172.

Bhattacharya J.P., Giosan, L. (2003) – Wave-influenced deltas:geomorphological implications for facies reconstruction. Sedi-mentology, 50, 187-210.

Berendsen H.J.A., Stouthamer E. (2000) – Late Weichselian andHolocene palaeogeography of the Rhine-Meuse delta, The Ne-therlands. Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecolo-gy, 161, 311-335.

Bradley R.S., Jones P.D. (1993) – ‘Little Ice Age’ summer tem-perature variations: their nature and relevance to the global war-ming trends. The Holocene, 3(4), 367-376.

Bruzzi C. (1998) – Les tempêtes et l’évolution morphosédimentai-re des plages orientales du delta du Rhône. Thèse de doctoratnon publiée, université de Provence, 326 p.

Caritey C. (1995) – L’évolution de l’embouchure du Rhône du mi-lieu du XVIIe à la fin du XIXe siècle. Relations avec le régime dufleuve. Mémoire de DEA non publié, université de Provence,100 p.

Carter R.W.G. (1976) – Formation, maintenance and geomorpho-logical signifiance of an aeolian shell pavement. Journal of Se-dimentary Petrology, 46 (2), 418-429.

Clary M., Joannon M., Tirone L. (1994) – Pour une approche di-dactique de la géographie - de la théorie à la pratique. In CRDPEditeur, Marseille, 144 p.

Coleman J.M., Wright L.D. (1975) – Modern river deltas: varia-bility of processes and sandstones bodies. In Broussard M.L.(Ed.), Deltas, model for exploration. Houston, Geology Society,99-150.

Crowley T.J. (2000) – Causes of climate change over the past1000 years. Science, 289 (5477), 270-277.

Dubar M., Anthony E.J. (1995) - Holocene environmental chan-ge and river-mouth sedimentation in the Baie des Anges, FrenchRiviera. Quaternary Research, 43, 329-343.

François L. (1937) – Étude sur l’évolution actuelle des côtes deCamargue. Institut des Etudes Rhodaniennes. Revue de Géogra-phie Régionale, 13, 71-126.

122 Géomorphologie : relief, processus, environnement, 2006, n° 2, p. 111-124

Grégoire M. Maillet, François Sabatier, Damien Rousseau, Mireille Provansal, Thomas J. Fleury

Galloway W.E. (1975) – Process framework for describing themorphologic and stratigraphic evolution of deltaïc depositionalsystems. In Broussard M.L. (Ed.), Deltas, model for exploration,Houston, Geology Society, 87-98.

Guieu C., Zhang J., Tomas A.J., Martin J.M., Bruncottan J.C.(1993) – Significance of atmospheric fallout on the upper layerwater chemistry of the north western Mediterranean. Journal ofAtmosphere Chemistry, 17, 45-60.

Hori K., Saito Y., Zhao Q.H., Wang P.X. (2002) – Evolution ofthe coastal depositional systems of the Changjiang (Yangtze)River in response to late Pleistocene-Holocene sea-levelchanges. Journal of Sedimentary Research, 72 (6), 884-897.

Ibanez C., Pont D., Prat N. (1997) – Characterization of the Ebreand Rhone estuaries: A basis for defining and classifying salt-wedge estuaries. Limnology and Oceanography, 42 (1), 89-101.

IPCC (2001) – Climate Change, Impacts, Adaptation and Vulne-rability. Cambridge University Press, vol 2, New York, 1032 p.

Keary R., Keegan B.F. (1975) – Stratification by in-fauna debris:a structure, a mechanism and a comment. Journal of Sedimenta-ry Petrology, 45 (1), 128-131.

Komar P.D. (1998) – The modelling of processes and morpholo-gy in the coastal zone-reflexions on the maturity of our science.Shore and Beach, 66, 10-22.

Lenthéric C. (1881) – La région du bas Rhône. Hachette Edition,Paris, 304 p.

L’Homer A. (1991) – Sea-level changes and impacts on the Rhônedelta coastal lowlands. In M.J. Tooley and S. Jelgersma (Eds),Impacts of sea-level rise on european coastal lowlands, 136-152.

L’Homer A., Bazile J., Thommeret J., Thommeret Y. (1981) –Principales étapes de l’édification du delta du Rhône de 7000 BPà nos jours, variations du niveau marin. Oceanis, 7 (4), 389-408.

Magny M. (1995) – Une histoire du climat, des derniers mam-mouths au siècle de l’automobile. Errance, Paris, 175 p.

Maillet G.-M. (2001) – Quantification, origine et devenir des bio-clastes dans les cordons meubles actuels du littoral camarguais.Mémoire de DEA non publié, université de Provence, 96 p.

Maillet G.-M., Provansal M., Vella C., Sabatier F. (2006) –Connexions entre le Rhône et son delta. Partie 2 : Evolution del’embouchure du Rhône depuis le début du XVIIIe siècle. Géo-morphologie : relief, processus, environnement, 2, 125-140.

Maillet G.-M., Rizzo E., Revil A., Vella C. (2005) – High resolu-tion ERT applied in sand-bed channel mouth infilling. The testsite of Pégoulier channel in the Rhône Delta, France. MarineGeophysical Researches, 26, (2-4), 317 – 328 DOI:10.1007/s11001-005-3726-5

Mc Bride R.A., Hiland M.W., Penland P.S., Williams S.J.,Byrnes M.R., Westphal K.A., Jaffe B., Sallenger A.H. (1991)– Mapping barrier island changes in Louisiana: techniques, da-tabase, and results. In Kraus NC et al. (Eds), Coastal Sediments1991, American Society of Civil Engineers, NY, 1, 1011-1026.

Mc Bride R.A., Byrnes M.R., Hiland M.W. (1995) - Geomorphicresponse-type model for barrier coastline - a regional perspecti-ve. Marine Geology, 126 (1-4), 143-159.

Moron V., Ullmann A. (2005) – Relationship between sea-levelpressure and sea-level height in the Camargue (French Medi-terranean coast). International Journal of climatology, 25,1531-1540.

Mulder T, Syvitski J.P.M. (1996) – Climatic and morphologic re-lationships of rivers: Implications of sea-level fluctuations onriver loads. Journal of Geology, 104 (5), 509-523.

Noël M.H. (1996) – Le plutonium comme traceur du transfert etde l’accumulation des apports particulaires du Rhône en Mé-diterranée nord-occidentale. Thèse de doctorat non publiée,université Paris – Val-de-Marne (Paris 12), n°1996PA120033,337 p.

Orton G.J., Reading H.G. (1993) – Variability of deltaic processin terms of sediment supply, with particular emphasis on grainsize. Sedimentology, 40, 475-512.

Paskoff R. (2004) – Potential Implications of Sea-Level Rise forFrance. Journal of Coastal Research, 20 (2), 424–434.

Pichard G. (1983) – Marine royale et histoire de l’environnementen Provence. Actes du 108e Congrès National des Sociétés Sa-vantes, Colloque d’histoire maritime, Grenoble, 287-316.

Pichard G. (1995) – Les crues sur le bas Rhône de 1500 à nosjours. Pour une histoire hydro-climatique. Méditerranée, 3-4,105-116.

Pichard G. (2002) – Terroirs et paysages provençaux au XVIIIe

siècle. La cartographie à grande échelle des militaires de Génie.Histoire et Sociétés Rurales, 17, 153-185.

Pinot J.-P. (1999) – L’apport des cartes anciennes à la gestion dulittoral. Actes du 124e Congrès national des sociétés historiqueset scientifiques, Nantes, 25-39.

Postma G. (1995) – Causes of architectural variation in deltas. InOti M. N. et Postma G. (Eds), Geology of Deltas, A. A. Balke-ma, Rotterdam, 3-16.

Provansal M., Maillet G., Antonelli C. (2005) – La géomorpho-logie entre nature et société : retour sur un vieux débat à proposde l’histoire récente du delta du Rhône. In A. Bouet et F. Verdin(Eds) : Territoires et paysages de l’âge du fer au Moyen âge.Mélanges offerts à Philippe Leveau. Ausonius, Mémoires, Bor-deaux, 16, 227-239.

Reynaud L., Vincent C. (2002) – The period of glacier extensionnamed Little Ice Age. Houille Blanche, 8, 16-19.

Sabatier F. (2001) – Fonctionnement et dynamiques morpho-sédi-mentaires du littoral du delta du Rhône. Thèse de doctorat nonpubliée, université Aix-Marseille III, 268 p.

Sabatier F., Maillet G., Provansal M., Fleury J., Stive M., Sua-nez S., Vella C. (2006) – Sediment budget of the Rhône deltashoreface since the middle of the 19th century.. Marine Geology(sous presse).

Sabatier F., Suanez S. (2003) – Shoreline changes of the Rhonedelta coast since the end of the 17th century. Géomorphologie :relief, processus, environnement, 4, 283-300.

Stouthamer E. (2001) – Sedimentary products of avulsions in theHolocene Rhine-Meuse delta, The Netherlands. SedimentaryGeology, 145 (1-2), 73-92.

Suanez S. (1997) – Dynamiques sédimentaires actuelles et ré-centes de la frange littorale orientale du delta du Rhône. Thèsede doctorat non publiée, université de Provence, 283 p.

Suanez S., Provansal M. (1998) – Large scale evolution of the lit-toral of the Rhone delta (southeast France). Journal of CoastalResearch, 14 (2), 493-501.

Surell E. (1847) – Mémoire sur l’amélioration des embouchuresdu Rhône. Imprimerie cévenole, Nîmes, France, 148 p.

123Géomorphologie : relief, processus, environnement, 2006, n° 2, p. 111-124

Évolution du trait de côte du delta du Rhône depuis le milieu du XIXe siècle

Syvitski J.P.M., Vörösmarty C.J., Kettner A.J., Green P. (2005)– Impact of humans on the flux of terrestrial sediment to the glo-bal coastal ocean. Science, 308, 376-380.

Thomas A.J. (1997) – Input of artificial radionucleides to the Gulfof Lions and tracing the Rhône influence in marine surface sedi-ments. Deep Sea Research (Part II), 44, 577-596.

Van der Wal D. (2000) – Grain-size-selective aeolian sand trans-port on a nourished beach. Journal of Coastal Research, 16 (3),896-908.

Van Straaten L.M.J.U. (1957) – Dépôts sableux récents du litto-ral des Pays Bas et du Rhône. Geology Mijnbouw, 19, 196-213.

Vella C., Fleury T.J., Raccasi G., Provansal M., Sabatier F.,Bourcier M. (2005) – Evolution of the Rhône delta plain in the

Holocene. “Mediterranean Prodelta Systems”, Marine Geology,222-223, 235-265.

Vella C., Provansal M. (2000) – Relative sea-level rise and neo-tectonic events during the last 6500 yr on the southern easternRhône delta, France. Marine Geology, 170, 27-39.

Vernier E. (1976) – Édification et évolution de la flèche de laGracieuse, ouest du Golfe de Fos. Bulletin BRGM série 2, 4(2), 103-115.

Wright L.D., Short A.D. (1984) – Morphodynamic variabilityof surf zones and beaches: a synthesis. Marine Geology, 56,93-118.

Article reçu le 23 novembre 2005, accepté le 27 avril 2006.

124 Géomorphologie : relief, processus, environnement, 2006, n° 2, p. 111-124

Grégoire M. Maillet, François Sabatier, Damien Rousseau, Mireille Provansal, Thomas J. Fleury