C. Cammas, É. Jaffrot - Les \"terres noires\" recouvrant les ruines romaines, in J.-P. Brun, M....

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Publicationsdu CentreJeanBérardLes installations artisanales romaines de Saepinum | Jean-Pierre Brun, Martine Leguilloux

Chapitre 7. Les« terres noires »recouvrant lesruines romainesCécilia Cammas et Étienne Jaffrot

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p. 137-146

Texte intégral

L’expression « terres noires »

Lors de l’extension de la fouille à l’est de la zoneanciennement dégagée, il est apparu que des dépôts de« terres noires », localisés dans l’angle nord-est de l’emprisedes fouilles, ont été préservés jusqu’à nos jours, malgré lesdécaissements résultant des anciennes opérationsarchéologiques et des aménagements modernes. Ainsi, lorsd’une session de recherche effectuée à l’automne 2006, l’unde nous (É. Jaffrot) a pu étudier in situ ces niveauxarchéologiques auxquels, bien souvent, l’on apporte peu decrédit en raison de leur manque de lisibilité sur le terrain.

Le terme « terres noires » n’intègre pas toutes les couchesarchéologiques de couleur noire sans distinctionchronologique. Trois caractéristiques définissent lephénomène étudié ici : leur localisation, leur datation et leurparticularité physique.Les « terres noires » sont localisées dans les villes d’origineromaine et sont intercalées entre les derniers niveauxantiques et les occupations du second Moyen Âge. Ellesreprésentent parfois jusqu’à mille ans d’occupationhumaine, du ��e au ��e siècle. Généralement, ellestémoignent d’occupations de l’Antiquité tardive et du hautMoyen Âge (��e-�e siècle). Leur puissance est de quelquesdizaines de centimètres à plus d’un mètre. Leur couleur esttoujours sombre, mais des variations de couleur existentd’un site à l’autre, et des nuances de couleur, du brun augris, peuvent être observées au sein d’un même dépôt. Unedernière particularité doit être soulignée car elle engendretous les questionnements : les « terres noires » apparaissenthomogènes, bioturbées, et peu ou pas stratifiées.Le phénomène est étendu. Nous en connaissons denombreux exemples dans les villes de l’Europe du Nord-Ouest, « en France, en Angleterre et vraisemblablementaussi en Allemagne ou en Belgique » (Galinié 2000, p. 1). Enoutre, plusieurs études mentionnent la présence de ces



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Fig. 125. Localisation de la coupe des « terres noires » (enpointillés rouges).

le dépôt est daté de l’Antiquité tardive et du premierMoyen Âge (ici des �e-��e siècles) ;il est localisé stratigraphiquement entre des niveauxantiques et des remblais récents ;

niveaux en Italie du Nord et du Sud (Brogiolo, Cremaschi,Gelichi 1988, p. 24-25 ; Cantino Wataghin 1996, p. 253). Lespublications en signalent à Bologne (Gelichi 1994, p. 591 ;Brogiolo, Gelichi 2003, p. 90), à Brescia (Brogiolo 1985,p. 51 ; Brogiolo, Gelichi 2003, p. 51), à Milan (Brogiolo,Gelichi 2003, p. 93), à Modène (Gelichi 1994, p. 591), àNaples (Arthur 1991, p. 769-770 ; 1994, p. 51-70), à Parme(Gelichi 1994, p. 591), à Pavie (Blake 1980, p. 5-6), à Rome(Brogiolo, Gelichi 2003, p. 93), à Trente (Brogiolo, Gelichi2003, p. 35) et à Vérone (Hudson 1985, p. 282-289 ; LaRocca Hudson 1986, p. 235-237 ; Brogiolo, Gelichi 2003,p. 33).

Ainsi, les « terres noires » de Saepinum s’intègrent dans uncontexte régional et supra-régional, et leurs caractéristiquesconcordent avec la définition classique du phénomène :



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il est bioturbé, sombre et homogène en apparence.

Les « terres noires » du Nord-Ouest de la France ont faitl’objet de la part des archéologues de la villed’interprétations exclusives et lapidaires, inspirées par uneconception misérabiliste de la ville du haut Moyen Âge,après la grandeur de l’Antiquité. Elles témoignaient, pour lesespaces concernés, soit d’un abandon – la masse du dépôtétait alors engendrée par des apports sédimentaires naturels,mêlés aux vestiges d’occupations sporadiques – soit d’unemise en culture – le dépôt aurait ainsi été constituéd’apports de terre régulièrement brassés (Galinié 2000).Plus largement, la présence de « terres noires » marqueraitune désaffection et un abandon des villes.Toutefois, depuis les études micromophologiques menéesdès les années 1980 en Angleterre (Courty, Goldberg,McPhail 1989 ; MacPhail 1994) et en Italie du Nord(Brogiolo, Cremaschi, Gelichi 1988 ; Nicosia et al. 2012),puis en France à partir du milieu des années 1990 (Cammaset al. 1995 ; 1998 ; Cammas 2004 ; Cammas et al. 2011 ;Cammas à paraître ; Borderie et al. à paraître), notreconnaissance s’est affinée et la perception de ces niveaux achangé. Ainsi, l’apport des Sciences du sol a permis d’enpréciser les processus de formation. Il apparaît d’abord, pourles espaces étudiés, que ces dépôts sont micro-stratifiés, cequi témoigne d’une accumulation progressive (solscumuliques). Il apparaît également que des « terres noires »d’apparence assez similaires peuvent recouvrir des réalitésdifférentes : des sols cumuliques avec compostage de rejetsorganiques, des sols de pacage, des remblais, des zones depassage, etc. (Cammas 2004). Ensuite, le plus souvent, lanature et l’abondance des constituants d’origine anthropiqueindiquent une présence humaine forte ; ces caractères nesont pas compatibles avec une désaffection des villes. Demême, l’activité biologique, loin de jouer un rôle destructeur,est au contraire un facteur de stratification dans le cas des« terres noires » et un signal des activités humaines passées(MacPhail 1994 ; Cammas et al. 1998 ; Cammas 2004).Parallèlement à ces analyses, toute une réflexion sur lesapproches de terrain et les stratégies de fouille et d’étude des



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Matériel et méthode

Stratigraphie

« terres noires » s’est développée (David 2004). Enconséquence, la problématique s’enrichit et se complexifie.Si une interprétation unique des « terres noires » sembledéfinitivement révolue, il faut maintenant s’attacher àdécrypter les sédiments, site par site, et probablementreconsidérer notre perception globale : les « terres noires »résultent-elles d’un changement des modes d’habiter ou d’unchangement des modes d’affectation du sol ? (Galinié 2004.)L’étude des « terres noires » de la cité de Saepinum devaitainsi profiter de cet héritage et permettre d’en préciser lesmodes de formation.

L’intervention réalisée en 2006 à Saepinum a consisté àredresser une coupe de 2,45 m de large à l’angle nord-est del’emprise des fouilles (fig. 125).L’extension originelle des « terres noires » étaitcertainement plus vaste, mais elles n’étaient préservéesqu’au nord-est d’un mur construit lors des restaurations desannées 1950. Elles recouvraient le sol en mortier de tuileaude la pièce 12 et l’arase d’un mur antique au sud-est (M60).Vers le Nord-Est, elles s’étendent actuellement sous lesterres cultivées.D’une puissance de 40 cm, les « terres noires » (US 01-62)ont fait l’objet de six décapages, bénéficiant chacun d’unedescription détaillée et restitués sur le relevé stratigraphiqueeffectué après les fouilles (fig. 126-127).

US 01-062a : sédiment limono-argileux, de couleur gris brunsombre (sédiment humide), constitué de nombreuses tuileset pierres de calcaire, d’une forte densité en petits fragmentsde calcaire et chaux (<1 cm).US 01-062b : limon argileux gris clair, sec, très compact. Ladensité en éléments grossiers est plus faible queprécédemment : quelques gros fragments de calcaire, detuile et de céramique. En revanche, on note une très fortedensité en gravillons de calcaire blanc et de chaux.



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Méthodes d’étude et échantillonnage

US 01-062d/e : limon argileux brun sombre, humide, assezmeuble, comprenant quelques tuiles et tessons decéramique. Les inclusions de calcaire et de chaux sont peuvisibles.US 01-062f : sédiment gris clair à gris brun sombre et assezmeuble. La texture est grumeleuse, argileuse. Un vide de 2 à3 cm de diamètre a été remarqué. On y retrouve des scoriesde verre et de fer (?), des déchets de taille (calcaire blanc,dur, > 3 cm), des gravillons de chaux, quelques os, ducalcaire jaunâtre et friable, des tuiles (différentes tailles de<1 cm à > 3 cm), quelques fragments d’enduit peint (rouge)et des tesselles avec traces de mortier blanc. À la base de laséquence stratigraphique, ce sédiment est mêlé au sédimentsous-jacent.

Les premiers centimètres mis à part, c’est-à-dire à l’interfacedes US 01-51 et 01-62 caractérisés par de gros éléments dedestruction, l’ensemble du dépôt paraît totalementhomogène. La fouille d’une bande de 245 cm sur 26 cm enmoyenne ne permet évidemment pas de déceler les possiblesvariations latérales ou, mieux, d’éventuelles structures. Lesrésultats de la fouille fine sont donc négatifs dans ce casprécis, ce qui était attendu.L’étude de terrain a ainsi été complétée par des méthodescomplémentaires : une double approche des constituants« grossiers » des couches archéologiques et des analysesmicromorphologiques.En ce qui concerne les constituants des couches, la premièreapproche se fonde sur les travaux de M. Fondrillon(Fondrillon 2007). Elle porte sur l’ensemble des constituantsnaturels (minéraux) et culturels (céramiques, faune, scories,etc.), d’une taille supérieure à 0,8 cm (sauf la poterie,exhaustivement prélevée et traitée par ailleurs) prélevés parpasse mécanique et isolés par tamisage. Cette étude micro-archéologique vise à distinguer les différentes passesmécaniques, suivant la nature et les proportions de chacundes constituants, offrant le cas échéant une preuve de lastratification du dépôt, d’une part, et un argument pour



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Fig. 126. Relevé stratigraphique sud-ouest/nord-est des« terres noires ».

définir les différentes modalités de formation du dépôt,d’autre part.

La seconde approche des constituants répond au mêmeobjectif. Elle se fonde sur les travaux qui montrent que destypes d’occupation du sol distincts se différencient parl’aspect physique des tessons de poterie tels que lesaltérations physiques post-dépositionnelles (éclat, rayure,émoussement et abrasion) et leur taux de fragmentation(Buko 1987 ; Schiffer 1987 ; Jaffrot 2008). La poursuite deces recherches permettrait d’établir, réciproquement, que lescaractères physiques des tessons (prélevés par passesrégulières dans des dépôts de terres noires) correspondent àune forme d’occupation du sol (occupation intérieure,extérieure, dépotoir, mise en culture, abandon, etc.). Pourcette étude, les tessons ont été collectés de manièreexhaustive.L’analyse micromorphologique repose sur les concepts desSciences du sol. Elle consiste en une étude des organisationssédimentaires à différentes échelles. Afin de conserverl’organisation des sédiments, des prélèvements sonteffectués en blocs non perturbés. Ils sont ensuite imprégnésde résine et amincis à une épaisseur de 25 microns sur unelame de verre à l’Unité de Micromorphologie d’AgroParis-Tech. Les lames minces ainsi confectionnées mesurent 13 ×



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Fig. 127. Relevé stratigraphique nord-ouest/sud-est despasses mécaniques dans les « terres noires » et emplacementdes prélèvements pour analyses micromorphologiques.

la nature et l’origine des sédiments ;l’origine de la couleur des sédiments ;la dynamique d’accumulation (nature et rythme desapports : apport naturel, traces d’activités, remblai,dépotoir…) ;le degré d’évolution pédologique ;la caractérisation fine de l’ambiance (degré d’humidité,engorgement).

6 cm (Guilloré 1985). Elles sont étudiées au microscopepolarisant (lumière polarisée non analysée LNA et lumièrepolarisée analysée LPNA), elles sont décrites selon Bullock etal. 1985 et Fedoroff, Courty 1992, et elles sont interprétées àl’aide des référentiels pédologique, sédimentaire etarchéologique. Les quantifications sont estimées avec deschartes d’abondance (Bullock et al. 1985). La hiérarchisationdes signatures des différents mécanismes selon les principesde chronologie relative utilisés en pédologie et enpétrographie sédimentaire (Fedoroff, Courty 1992) débouchesur une chronologie événementielle des événements naturelset des actions anthropiques (Courty, Goldberg, MacPhail1989 ; Gé et al. 1994 ; Cammas 1994 ; Cammas, Wattez2009).

Dans le cas des terres noires, l’analyse vise plusparticulièrement à déterminer :



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Résultats

Étude des constituants des couchesarchéologiques

Un échantillon d’environ 25 cm de haut, correspondant àdeux lames minces, a été prélevé par É. Jaffrot et analysé parC. Cammas. L’échantillon a été prélevé dans l’US 01-62, au-dessus d’un sol de tuileau avec à sa surface un fin niveau decalcaire pulvérulent, et le toit des « terres noires » est àenviron 70 à 80 cm de profondeur par rapport à la surfaceactuelle du sol (fig. 127).

Les résultats de la micro-archéologie indiquent que lesproportions de matériaux contenus dans les terres noiresvarient de manière significative entre les passes (fig. 128) :l’US supérieure (US 01-62a) se caractérise par uneabondance de fragments de terres cuites architecturalesprovenant du mélange avec le dépôt moderne suivant ;dessous, les passes (US 01-62b/c et 01-62d/e) révèlent uneforte anthropisation du dépôt, avec des proportionsspécifiques de tessons et de scories ; enfin, la constitution del’US inférieure (US 01-62f) est dominée par la présence decalcaires et de nodules de chaux pouvant être hérités dessédiments de calcaire pulvérulent sous-jacents.La fragmentation des tessons de céramique (fig. 129)apparaît relativement constante dans toute l’épaisseur dudépôt. La petitesse des effectifs, toutefois, exclutl’interprétation du résultat.



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Fig. 128. Représentation graphique des proportions deconstituants par décapage.

Fig. 129. Représentation graphique de la fragmentation destessons de céramique par décapage.

Analyse micromorphologique (fig. 130)

La texture et la masse fine

Ces méthodes ont pour originalité de pouvoir mobiliser desvolumes importants de terres noires et d’étudier, en spatialet dans l’épaisseur, les caractéristiques du dépôt. Dans le casd’une surface restreinte et d’effectifs réduits comme ici,l’échantillon ne semble pas pouvoir atteindre un seuilstatistique satisfaisant, ou en tout cas suffisant pourproposer des interprétations. Ce type d’échantillon semblebénéficier davantage des résultats de l’analysemicromorphologique.

En lame mince, les sédiments apparaissent peu triés. Toutesles fractions granulométriques sont représentées. Les limonscarbonatés sont dominants et des sables hétérométriques,sub-anguleux à sub-arrondis, sont également visibles. Cessables peuvent être quartzeux et carbonatés (micritiques,sparitiques, fragments de roches composites arrondis…).Certains sables carbonatés présentent des traces de chauffeou des enrobages de chaux. Ces caractères suggèrent qu’ilssont issus de la masse de la chaux pour les premiers, etd’inclusions sableuses de mortier de chaux pour les seconds.



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Fig. 130. Lecture des « terres noires » en lame mince.

Les constituants (tableau 11)

Des fragments de roches éruptives ont été observés : sur lacarte géologique, seule l’unité M5cg semble pouvoir en être àl’origine (Carta geologica d’Italia, Campobasso, foglio 162).La masse fine est principalement constituée de limonscarbonatés fins. Dans toutes les unités, de très abondantespoussières micro-contrastées sont présentes (inférieures à15-25 microns) : il s’agit de résidus végétaux ferruginisés oucarbonisés à différents degrés de fragmentation. Lafragmentation des résidus végétaux témoigne de l’évolutionpédologique des sédiments (Cammas 2004). Leur présenceconfère leur coloration foncée aux sédiments. La masse fineprésente également des ponctuations ferrugineuses quiindiquent un milieu temporairement engorgé.La microstructure est le plus souvent agrégée à massive ; lesplages agrégées sont issues, le plus souvent, de l’activitébiologique (faune et flore du sol) et les plages massivesrésultent, quant à elles, de l’effondrement des zonesagrégées. Des passages de racines et quelques sections deracines actuelles sont visibles jusqu’en bas de la séquenceétudiée.

Dans toutes les unités, les constituants anthropiques sonttrès abondants et hétérométriques. La variation dans ledegré de fragmentation suggère des constituants ayant des



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La microstratigraphie (tableau 12)

évolutions pédologiques différentes et, par conséquent, desorigines diverses. Les quantités et les proportions desdifférents types de résidus et le fait qu’ils peuvent cohabiterau sein d’une même unité n’évoquent pas des activités enplace, mais plutôt des rejets. Parmi eux, on peut proposer dedistinguer trois ensembles de restes : un ensemble assezdiscret, plus domestique, constitué de graines et defragments d’os cuits qui suggèrent des activités liées à lapréparation de la nourriture, des scories qui témoignentd’activités métallurgiques et des fragments de déjections. Ilest à noter que bien que les sédiments soient carbonatés, iln’a pas été observé de coquilles de gastéropodes en lamesminces.

L’observation à l’œil nu ou à faible grossissement des lamesminces a permis de délimiter des unitésmicrostratigraphiques. Les limites sont constituées deniveaux un peu plus compactés ou un peu plus agrégés, ouencore d’alignements plus ou moins réguliers, souventdiscontinus, de sables grossiers et fins graviers. Les traces depiétinement et d’anciennes surfaces témoignent d’uneaccumulation rythmée. La fragmentation des résidusvégétaux dans la masse fine est la marque d’une évolutionpédologique assez importante ; en revanche, de nombreuxéléments « fragiles » ne sont pas fragmentés : ils ont subimoins de transformations. Ces caractéristiques témoignentd’apports de type rejets, et suggèrent aussi de petits remblaisremaniés par l’activité biologique. On peut noter unecertaine évolution dans la séquence. À la base, les sédimentsprésentent beaucoup de fragments de matériaux deconstruction (mortier, céramiques issues de tuileau), puis,au fur et à mesure de l’accumulation, leur proportion décroîtet leur fragmentation augmente ; parallèlement, les tracesd’activités (cendres, scories et graines) sont mieuxreprésentées vers le haut.



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Tableau 11. Liste des principaux constituants anthropiquesobservés.

ConclusionLes analyses micromorphologiques mettent en évidence unmilieu basique avec une faible dissolution des carbonates. Lemilieu est moyennement drainé ; des engorgementstemporaires sont probables. Cette séquence présente unfaciès intermédiaire entre le sol cumulique entièrementremanié par l’activité biologique, comme au Collège deFrance, à Paris, où les rejets sont essentiellementorganiques, et les faciès de remblai tels ceux identifiésboulevard Saint-Michel, à Paris (Cammas 2004). Le sol s’estformé au détriment du sol de mortier de tuileau sous-jacent,puis par de petits apports successifs organiques et surtoutminéraux, remaniés par l’activité biologique. Ces micro-strates intègrent des restes d’activités domestiques (graines,fragments d’os brûlés, résidus de déjections) et d’activitésartisanales métallurgiques (scories). L’accumulation estrelativement rapide car les constituants les plus gros n’ontpas eu le temps d’être réintégrés à la masse fine.



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Tableau 12. Microstratigraphie des « terres noires ».

On doit donc conclure que l’occupation du �e au ��e siècle secaractérise, dans l’espace concerné, par une accumulationprogressive et relativement rapide. La présence de résidusvégétaux finement fragmentés provenant de rejetsorganiques confère la couleur sombre à la stratification. Enoutre, les dépôts successifs sont brassés par bioturbation, etl’activité biologique participe à la formation de lastratification. Ce sont les conditions de formation des« terres noires ».La nature, la distribution et l’abondance des constituantsdans toute l’épaisseur de la séquence analysée en lame mincetémoignent d’une forte anthropisation et indiquent quel’occupation de la zone perdure. L’accumulationrelativement rapide des sédiments incite à penser qu’elle



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Auteurs

Cécilia Cammas

Inrap, UMR 5140, AgroparisTech,78850 Thiverval-Grignon<[email protected]>.

Du même auteur

Chapter 18. Dark Earth in thegeoarchaeological approach tourban contexts in Lagéoarchéologie française au��e siècle, CNRS Éditions, 2015Chapitre XVIII. Les terresnoires dans l’approchegéoarchéologique des contextesurbains in La géoarchéologiefrançaise au ��e siècle, CNRSÉditions, 2015

n’est pas sporadique. L’intense activité des vers de terreindique assurément une modification de la nature du sol encomparaison de la stratification sous-jacente, et sembletémoigner de l’évolution des formes de l’occupation.Toutefois, faute de points d’observation dans d’autresédifices qui auraient conservé leur stratigraphie, la questiondu maintien, après le �e siècle, des caractères urbains de lacité de Saepinum reste posée.



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Deux exemples de fossesénigmatiques avec dépôtassocié à Chilly-Mazarin(Essonne). ‘La Butte-au-BergerIV’ (Phase 2) in Chasse, culte ouartisanat ? Les fosses « à profilen Y-V-W », ARTEHIS Éditions,2013Tous les textes

Étienne Jaffrot

Membre associé UMR 7324Citeres/LAT, 37000 Tours<[email protected]>.

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Référence électronique du chapitreCAMMAS, Cécilia ; JAFFROT, Étienne. Chapitre 7. Les « terres noires »recouvrant les ruines romaines In : Les installations artisanalesromaines de Saepinum : Tannerie et moulin hydraulique [en ligne].Naples : Publications du Centre Jean Bérard, 2014 (généré le 21novembre 2020). Disponible sur Internet :<http://books.openedition.org/pcjb/5508>. ISBN : 9782380500042.DOI : https://doi.org/10.4000/books.pcjb.5508.

Référence électronique du livreBRUN, Jean-Pierre ; LEGUILLOUX, Martine. Les installationsartisanales romaines de Saepinum : Tannerie et moulin hydraulique.Nouvelle édition [en ligne]. Naples : Publications du Centre Jean Bérard,2014 (généré le 21 novembre 2020). Disponible sur Internet :



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