MEFRM – 124/1 – 2012, p. 39-68.
———————Marc Bouiron, Directeur du Service archéologie de la Ville de Nice, chercheur associé au Cépam (UMR 7264) - [email protected]
*. Ce texte a bénéficié d’une relecture attentive deThierry Pécout, Eliana Magnani-Soarès, Michel Lauwers etCécile Caby; qu’ils en soient remerciés.
1. À notre connaissance, le seul document du XIIIe siècleconcernant les biens du monastère à l’intérieur de la ville estle registre de l’office de la sacristie (AD13 1 H 962/2) dont lepremier acte transcrit conservé (il manque les deux premiersfolios) est de 1237.
2. Deux registres sont à prendre en compte, le premier de 1265,en provençal, simple état des cens relevant du comte, héritéspour la plupart de la commune marseillaise; le second cor-respond à l’enquête conduite par Charles II d’Anjou en1297-1298 à travers tout le comté. Ces deux registres serontpubliés par Juliette Sibon et nous-mêmes dans la collectionde l’Enquête de 1331-1334 conduite par Leopardo da Folignosur l’ordre de Robert Ier (le registre pour Marseille de cetteenquête n’existe pas), dont l’édition est dirigée par ThierryPécout.
3. Voir en particulier André 1863.4. Bouiron 2009b, et plus spécialement p. 56 et 65-75. Nous
avons traduit à la suite le premier folio du cahier. Il fautnoter ici quelques correctifs : pour de nombreux actes, persolvendus; no 2 : precio C VIII librarum; no 4 : Auzbergerii;
no 7 : qui est III solidorum, supprimer dicte (venditionis); no 9 :indus (sic), Richeude; no 10 : Monaco; no 12 : Bodorressa; no 13et 17 : supprimer coronatum; no 14 : Sanccie; no 18 : Fidas,fecerat, prodicta remissione; no 21 : predicto monasterio; no 22 :Rispaude; no 23 : rajouter (annuatim) dicto monasterio; no 25 :et salvo censu qui est duorum solidorum et VI denariorum, sup-primer et domina abbatissa habuit inde tretzenum; no 27 :Ciestre?; no 28 : Loquaderii, et habuit; no 30, en marge Gom-berta, quas habet, Blancheti; no 31 : placer habuit inde tretzenumavant salvo jure; no 32 : Auzuerre, Mainerii Boterii; no 34, Pai-rollerii, Pairollerio; no 36, Estamira; no 37 : laudavit et concessit,a duabus partibus; no 38 : kalendis, Novelli; no 39 : Bergundio,Lombardo et Indie, coronatum francharum a tretzeno; no 41 : cumduabus viis; no 42 : Bergundio, Bergundionis; no 64 : Rodgerii deOlivolis; no 67 : Bonifacii Pondeatoris pretio; no 70 : Victimilio?;no 76 : Bochardi; no 80 : Riqueude; no 83, lire indictione X,quinto kalendas februarii; no 91 : Sutoris.
5. Au sud-est, fouille de la place Général-de-Gaulle (hôpital duSaint-Sépulcre et bourg Sainte-Catherine) : Bouiron 2001a.À l’est, fouille de l’Alcazar (bourg de Morier et de Rou-baud) : Bouiron et al. 2011, p. 337-426. Au nord-est, fouilledu Parc Sainte-Barbe (bourg des Olliers) : Marchesi – Thiriot– Vallauri 1997.
Le lotissement de l’abbayeSaint-Sauveur de MarseilleDe la reconquête de l’espace urbain à la créationdu palais communal (XIe-XIIIe siècle) *
Marc BOUIRON
À Marseille, rares sont les textes de la premièremoitié du XIIIe siècle qui permettent d’appré-hender la propriété foncière de la ville intra muros.On connaît en effet les actes de l’abbaye Saint-Victor mais ceux-ci se réfèrent largement à l’es-pace suburbain1. Les registres concernant les biensrelevant du comte de Provence ne commencentqu’en 1265, à une époque où l’habitat est déjàétabli anciennement, et leur étude précise reste àentreprendre2.
Or, deux cahiers provenant du fonds de l’ab-baye Saint-Sauveur nous ont conservé l’enre-gistrement des mutations des propriétés del’abbaye entre 1216 et 1224. Bien que signalésautrefois par quelques érudits3, ces documentsn’avaient pas fait l’objet d’une étude spécifique. Àl’occasion de la parution d’un ouvrage récent surMarseille médiévale, nous avons pu en publier la
transcription intégrale4, sans l’accompagner d’uneanalyse détaillée. Nous nous proposons de l’entre-prendre ici, en revenant en particulier sur la loca-lisation des terrains qui font l’objet des ventesenregistrées. En effet, à la lumière d’une meilleureconnaissance de la localisation primitive de l’ab-baye, leur positionnement permet d’y voir la traced’un véritable lotissement antérieur au XIIIe siècle.
Cette étude s’inscrit dans le renouvellement denos connaissances concernant la topographie deMarseille au Moyen Âge. L’apport de l’archéologiea été primordial pour cette approche, positionnantd’abord les marqueurs topographiques suburbains,au sud-est comme à l’est ou au nord-est de la cité5.Ensuite par la perception de l’espace urbain, dontles vestiges très morcelés du fait des constructionsmodernes (et des caves en particulier) ont été étu-diés près de l’actuelle Mairie (autour de la place
Le lotissement de l’abbaye Saint-Sauveur de Marseille40 Marc BOUIRON
6. L’étude de trois fouilles archéologiques d’importance (placeVilleneuve-Bargemon, tunnel de la Major, Alcazar) a faitl’objet d’un travail collectif de plusieurs années, dont le pre-mier tome paru est Bouiron et al. 2011.
7. Sur cet édifice, servant de délimitation topographique entreune place supérieure et une place inférieure du forumromain, voir Tréziny 2001. Ce monument est le seul autourdu forum à avoir survécu à l’Antiquité tardive sans êtredémantelé; nous avons proposé d’y localiser le cellarium fisciconnu par les textes mérovingiens : Bouiron 2009ao, p. 27.
8. Cf. Magnani Soarès-Christen 1999, p. 401-402.9. L’abbaye est réunie à la cathédrale en 1458. Une bulle du
pape Clément VIII la supprime en 1592 mais un décret duParlement la rétablit en 1596. Elle est érigée en abbayeroyale par Louis XIV en 1678.
10. À l’occasion de la mise au point générale sur la connaissancede l’évolution topographique de Marseille et ses édificesmajeurs intervenue lors du colloque du 26e Centenaire de laville : Bouiron 2001b (et plus particulièrement p. 265-266pour le monastère Saint-Sauveur). Ainsi, l’histoire de l’églisede Marseille rédigée par Mgr de Belsunce indique que lemonastère primitif (sous-entendu antérieur au XIe siècle)«fut d’abord placé dans le même endroit où il est encoreaujourd’hui sous le titre de St. Sauveur» (Belsunce 1747,t. I, p. 411). Pour lui, s’il est clair que les moniales possèdentl’église des Accoules et des bâtiments adjacents, ce n’est quede façon provisoire en attendant une reconstruction de leurcouvent d’origine. Voir Verne 1891, p. 85 sq pour le détail dela localisation du monastère chez les auteurs antérieurs auXXe siècle. Dans la suite du texte, nous faisons référence au
cartulaire de Saint-Victor (CSV = Guérard 1857), aux actesdes vicomtes de Marseille (AVM = Gérin-Ricard – Isnard,1926), à la Gallia Christiana novissima (GCNN Marseille =Albanès – Chevalier, 1899), à l’histoire de l’Église marseil-laise par l’évêque Belsunce (Belsunce 1747-1751) et à cellede Marseille par Ruffi (1696).
11. Le terme de «restaurer» a été mis en relation avec le rappelsystématique d’une fondation cassianite que l’on trouvedans les actes de Saint-Victor (cf. Mazel 2002, p. 97-98).Pour Michel Lauwers, on constate une (ré)apparition deCassien (du coup sanctifié : «saint Cassien») dans des titula-tures de lieux de culte dépendant de Saint-Victor dans lesannées 1030-1040, et une véritable (et récurrente) référenceà Cassien comme fondateur de Saint-Victor (ainsi que d’unecommunauté féminine) à partir de 1060. En d’autres termes,on ne peut voir avec certitude ici, en 1030, dans la notion derestauration, une référence à l’antique monastère defemmes fondé par Cassien au Ve siècle.
12. Michel Lauwers voit dans le terme un peu ambigu de inframuros la traduction de «à l’intérieur des murs», mais aussisans doute «sous, au pied des murs», ce qui se vérifie par-faitement, dans le cadre d’une ville encore marquée par lesmurs altomédiévaux délimitant les villes épiscopale etcomtale. Le nouveau monastère est en effet à la fois à l’inté-rieur de l’espace urbain primitif et en dehors des deuxenceintes réduites.
13. Cf. Bouiron 2011, p. 183-206. La proposition n’est pas nou-velle mais nous apportons une relecture de découvertesarchéologiques. Pour les arguments antérieurs, voir en parti-culier Verne 1891, p. 198-209.
Villeneuve-Bargemon) ou de la cathédrale (tunnelde la Major) et dont la publication est désormaisdisponible6. Grâce à ces fouilles, la compréhensionque nous avons maintenant des textes d’archivesnous permet de retracer plus précisément lagenèse du quartier du palais communal, symboleéphémère de la République marseillaise duXIIIe siècle. Mais pour mieux comprendre le docu-ment étudié ici, il nous faut revenir en premierlieu sur l’histoire de l’abbaye Saint-Sauveur.
L’ABBAYE SAINT-SAUVEUR DE MARSEILLE
AUX XIe ET XIIe SIÈCLES
L’abbaye de femmes de Saint-Sauveur faitpartie de ces grands couvents marseillais qui ontsu conserver une place importante au Moyen Âgecomme à l’époque Moderne. Le toponyme a sur-vécu à la disparition du couvent par la conserva-tion de sa partie inférieure, dénommée les «CavesSaint-Sauveur», qui constitue un des seuls édificeshellénistiques (voire antiques) de Marseille par-venu jusqu’à nous7.
On sait que le couvent est fondé à l’origine parles vicomtes de Marseille autour de 10308, nous
allons y revenir. Jusqu’à ces dernières années, ona considéré que le monastère Saint-Sauveur étaitsitué quasiment dès l’origine au sud de l’actuelleplace de Lenche, localisation qu’on lui connaîtdurant les derniers siècles du Moyen Âge etjusqu’à son transfert dans les nouveaux quartiersde l’Agrandissement en 17689. Or, nous avons pumettre en évidence qu’il ne s’agissait pas de l’em-placement du monastère durant le premier siècleet demi de son existence10 (fig. 1).
La création du monastère Sainte-Marie
Lors de sa création, le monastère est placé sousla titulature de Sainte-Marie. Ce sont les vicomtesGuillaume II le Gros et son frère Foulques Ier qui«restaurent»11, selon les termes d’un acte desenvirons de 1031, l’abbaye de femmes infra muros.Cette indication topographique12, employée à plu-sieurs reprises dans les chartes de cette époque,vient peut-être signaler une localisation tout à faitnouvelle du monastère dont l’ancien emplace-ment était en dehors de l’espace urbain, peut-êtresur la rive sud13. La fondation du monastère, si elleest le fait des vicomtes, intervient également sur
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14. Le chanoine Signoret apparaît dans plusieurs actes du cartu-laire de Notre-Dame des Doms édité par Eugène Duprat(no XLVII, LXVI et LXVII), où il est le représentant de lacommunauté des chanoines, ainsi que dans une donation,par le comte de Provence Bertrand au monastère de Mont-majour, de l’église Saint-Aloan dans le comté d’Avignondatée par J.-P. Poly des environs de 1040 (Actes des Comtes deProvence dact. no 122). Il existe peut-être un lien familial sil’on accepte, avec les auteurs des actes des vicomtes de Mar-seille et Manteyer (1908, p. 339) le mariage d’une sœur duvicomte Guillaume II, Bellilde, avec le juge d’Avignon Ada-lelme qui est mentionné jusqu’en 1005. Les serments passésau chanoine Signoret (actes du cartulaire cités ci-dessus) ledisent fils d’Adeltrude, qui semble être plutôt un prénomféminin et serait alors celui de sa mère. Une filiation entreAdeltrude et Adalelme/Bellilde pourrait expliquer la noto-riété de celle-ci, fille d’un des plus hauts personnages d’Avi-
gnon et sœur du vicomte d’Avignon Bérenger. Le chanoineSignoret serait alors un petit-neveu du vicomte Guil-laume II.
15. Deodatus (ou Theodatus/Teodatus) apparaît dans de nom-breux actes du cartulaire de Saint-Victor en tant qu’évêquede Toulon (entre 1030 et 1048). Il est également chanoine deMarseille (CSV no 61, daté de 1044); s’agit-il du presbyter desdeux actes de 1014 (CSV no 110 et 111) et du chanoineprésent à l’élection de Guifred en 1005 (CSV no 1054)? Quoiqu’il en soit, il est proche des vicomtes et fait probablementpartie de leur famille, ce qui renforce le lien entre évêché etvicomté à la fois à Marseille et à Toulon, dans l’orbite directedes possessions des vicomtes de Marseille (cf. Mazel 2002,p. 76).
16. Sur les vicomtes de Marseille, voir les travaux de FlorianMazel, en particulier Mazel 2009.
Fig. 1 – Plan de Marseille vers 1050 (M. Bouiron).
les conseils d’un chanoine d’Avignon, Signoret14,et d’un chanoine de Marseille devenu évêque deToulon, Deodat15.
Dans la première moitié du XIe siècle, la famillevicomtale dispose à la fois de la seigneurie dupagus marseillais et de l’épiscopat16. Au débutdu siècle, l’évêque est Pons Ier, frère de Guillaumeet Foulques; à sa mort, en 1014, c’est son neveu
Pons II, fils de Guillaume, qui lui succède. Avant laréforme grégorienne, l’action conjointe del’évêque et des vicomtes est la règle. Après larefondation du monastère, d’abord en 977 parl’évêque Honorat (oncle de Guillaume et Foul-ques) mais plus encore avec la nomination del’abbé Guifred en 1005, l’abbaye Saint-Victorconstitue le monastère majeur de la famille
Le lotissement de l’abbaye Saint-Sauveur de Marseille42 Marc BOUIRON
17. Sur la place de Saint-Victor, voir en dernier lieu Mazel –Lauwers 2009, p. 129-133.
18. Voir Amargier 1969.19. Le texte est donné par Ruffi (1696, t. I, p. 484), d’après un
original aujourd’hui disparu. Il dit l’avoir trouvé dans lesarchives de Saint-Victor, ce qui est problématique car l’in-ventaire de 1569 ne le mentionne pas. En voici sa transcrip-tion : Vt plena careat cognitione quod a Dei fidelibus geritur,scribimus donationem quam feci Deodatus Tolonensis Episcopus,donans Monacharum Monasterio, quod in honorem Dei genitricisMariae infra muros Massiliae situm est, Ecclesiam S. Mariae interritorio de Solario, in bello loco cum omni Ecclesiastica possessionequae ad praedictam pertinent Ecclesiam, hujus rei testes fuerunt,Bandolicus praeceptor, Joannes Aula, Stephanus Aribertus; prae-
dictam autem donationem fecit Dominus Deodatus Consilio & prae-cibus D. Willelmi Grossi Vicecomitis Massiliae qui de suaproprietate ibidem praedicte Ecclesiae donavit undique secus hortosFerraginesque duorum stadiorum spacium. Facta est praescriptadonatio Anno ab incarnatione Domini 1031.
20. Sur cette filiation difficile à prouver, voir Vajay 1962.21. Voir l’annexe 1, texte 1. Le texte a subi une interpolation
(cenobio Sancti Salvatoris Massilie) au moment de sa réécri-ture (au XIIIe siècle?) que prouvent les premières lignes dudocument conservé. Cf. à l’inverse Magnani Soarès-Christen1999, p. 402.
22. Magnani Soarès-Christen 1999, p. 403.23. L’édition et l’analyse du texte a été faite par Mazel 2009,
p. 148-150.
vicomtale, à l’image du rôle que joue le monastèrede Montmajour pour les comtes de Provence17.
La création du monastère Sainte-Marie inter-vient dans ce contexte et permet de placer lesfemmes de la famille vicomtale à la tête de l’ab-baye (fig. 2).
La première abbesse se nomme Adalmoïs. Ceprénom est très rare en Provence à cette époque; ilne se rencontre qu’une autre fois dans la docu-mentation provençale, dans le cartulaire de Saint-Victor. Celui-ci conserve une donation des biens(CSV no 1073) de deux sœurs de l’archevêqued’Arles Raimbaud, Adalmoïs et Elesinde, prove-nant de l’héritage de leur père Boniface de Reil-lane. La date de l’acte, 1056, rend possible uneidentification avec l’abbesse de Saint-Sauveur,d’autant que les deux sœurs sont dites Deo dicatae.Paul Amargier a formulé l’hypothèse que Raim-baud de Reillane, leur frère, était apparenté à lafamille des vicomtes de Marseille18. On connaîtune épouse à leur père Boniface : Constance,mentionnée avec ses enfants Boniface minor(marié avec Mathilde), Foulques et Laugier. Ellene serait que sa seconde femme. En effet, Bonifacea eu six autres enfants, plus âgés, qui d’aprèsP. Amargier seraient nés d’un premier mariage :Atanulfus (déjà mort en 1034), Raimbaud, Boson(mort vers 1040), Adalaïs (mariée avec Guillaumed’Agout vers 1030) et nos deux sœurs. On saitcette famille proche des vicomtes de Marseille;ainsi pour les possessions d’Auriol, les deuxfamilles apparaissent ensemble dans les actes ducartulaire de Saint-Victor. L’hypothèse de PaulAmargier apparaît très cohérente et ferait de lapremière femme de Boniface une possible sœurdes vicomtes Guillaume II et Foulques (ou unejeune sœur de leur père?). Le choix d’Adalmoïscomme abbesse pourrait également être celui de
Raimbaud, nouvellement élu archevêque d’Arlesen 1030. Ancien moine de Saint-Victor, il connais-sait certainement l’histoire de l’ancien monastèrede femmes et pourrait avoir souhaité, aux côtésdes vicomtes, la renaissance de cette communauté.
Dans les mois qui suivent sa création, lemonastère est doté d’un temporel par les vicomteseux-mêmes ou à leur initiative : la terre du Lauretà Marseille (AVM no 81, non daté, probablement1031), l’église Sainte-Marie de Beaulieu à Solliès19
(AVM no 80, 1031), le quart de la villa d’Allauch etde ses dépendances (AVM no 82, 1032). La fonda-tion date probablement de 1031 et paraît difficile-ment plus ancienne.
D’après Ruffi (t. II, 50), Geoffroy, seigneur deRians, et sa femme Scotia font prendre le voile àleur fille Galburgue dans ce monastère en 1033; ils’agit de la nièce (par alliance) de Guillaume II leGros, par sa première femme Accelène et probable-ment la sœur de sa seconde femme depuis au moins1019, la vicomtesse Stéphanie20. En 1050, cette der-nière se retire dans ce monastère, si l’on s’en tient àla mention de femma religiosa indiquée dans laconfirmation de la possession des biens de Solliès21.En 1073 et 1077, l’abbesse en est Garsinde, dont ilest précisé en 1077 qu’elle est la sœur du (vicomte)Geoffroy et donc la fille de Guillaume II et de Sté-phanie. Plus qu’une simple fondation religieuse,c’est avant tout la création d’un monastère par lesvicomtes de Marseille en la personne de leur prin-cipal représentant, Guillaume II le Gros, et à desti-nation quasi exclusive des femmes de leur famille22.
Un monastère dans la tourmente
Il faut signaler le rattachement du monastèreféminin à l’abbaye Saint-Victor décidé parl’évêque Pons II en 106023. Florian Mazel a bien
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Le lotissement de l’abbaye Saint-Sauveur de Marseille44 Marc BOUIRON
24. Il semble bien que l’on doive lire predictum et non predictam;peut-être la lacune comprenait-elle le terme de cenobium oumonasterium.
25. Traduction de Florian Mazel et Armelle Le Huërou dansMazel 2009, p. 149. L’indication du lieu originel «totale-ment détruit de fond en comble» semble devoir êtredéconnectée de l’installation de la communauté elle-même.Peut-être témoigne-t-elle de la présence ancienne de bâti-ments (d’une église?) antérieure à 1030.
26. AD13 1 H 1117, fol. 37.27. Texte et traduction dans Bouiron 2009b, p. 54-55. Ce texte
est considéré par André Villard et Edouard Baratier commeune copie du XIIe siècle voire un faux (Playoust 1998, p. 89no 310). Pour notre part, nous ne nous prononcerons pas surla date exacte de la copie de notre exemplaire; en revanche,rien n’indique une forgerie.
28. Cf. Magnani Soarès-Christen 1999, p. 403.29. Belmon 1994, 152, 1, p. 41 no 24 : El Masel dedit Eustorgia,
montré qu’il ne fut probablement pas immédiate-ment suivi d’effet, ce qui entraîna une nouvellesouscription de l’acte par le successeur de Raim-baud, Aicard, archevêque d’Arles après 1069/1070.À la 9e ligne, le texte met en exergue avec un trèslarge alinea monasterium ancillarum Dei quod estinfra urbem Massiliam, ecclesiam scilicet sancteM[arie... (lacune d’environ 20 caractères)] adAcuas predictum24, et ipsam videlicet abbatiam cumomnibus que ad eam pertinent totam et ab integro [...].Le préambule de l’acte est extrêmement intéres-sant pour notre propos puisque l’évêque et sonfrère Geoffroi, vicomte de Marseille, motivent leurvolonté par la nécessité de «restaurer» (encoreune fois) ce monastère de femmes. «Et certes», ditle texte, «même notre père, le seigneur et véné-rable vicomte Guillaume en fit le vœu et il s’ef-força, moi Pons lui étant alors volontiers et avectrès grande dévotion favorable, d’établir ici desfemmes dévouées pour servir le Christ et derénover quelque peu et restaurer ledit lieu qu’ilavait trouvé totalement détruit de fond en comble.Mais maintenant, à cause de nos péchés, cesfemmes sont réduites à une indigence si grandepuisqu’elles ne peuvent absolument pas yvivre»25. Le monastère est donc, à cette date dansune phase difficile qui rend incertain son devenir.Pons II et Geoffroi, poursuivant la volonté de leurpère, s’efforcent de trouver des moyens de survi-vance en plaçant le monastère sous la dépendancedu monastère Saint-Victor. Les termes de l’actesont forts (volumus jam nunc firmiter idipsum perscrituram statuere) pour que ce transfert soit effectif.Mais l’indépendance de l’abbé de Saint-Victor parrapport à la famille vicomtale n’a pas permis à ceprojet d’aboutir, malgré la deuxième souscriptiondes environs de 1070. Dans les archives de Saint-Victor, l’inventaire de 1569 indique que l’onconserve seulement deux actes se rapportant aumonastère Saint-Sauveur26 : celui de 1060 déjàmentionné et une «coppie de la bulle de confirma-tion audit monastère St Sauveur de ses églises,
biens et dépendences» datée de 1246 (perduedepuis mais connue par ailleurs). Il est donc trèsprobable que le rattachement n’a jamais réelle-ment eu lieu car le «dossier» Saint-Sauveur auraitété plus étoffé.
Après une vacance probable à la tête de l’ab-baye entre 1060 et 1070, l’évêque s’est alorstourné vers un autre membre de sa famille, sademi-sœur Garsende, fille de la vicomtesse Sté-phanie déjà mentionnée. Il s’agit alors de trouverles moyens financiers pour que le monastèrepuisse survivre à la disparition proche du vieilévêque. La nouvelle abbesse est consacrée le jourmême où l’évêque donne au monastère la paroissedes Accoules, le 7 janvier 107327, peu de tempsavant la mort de Pons II (le 18 février). On saisitmieux ici l’importance que revêt pour l’évêquecette ultime nomination. Cet acte est en outre pro-bablement à l’origine d’une véritable possessionfoncière sur laquelle nous reviendrons dans lereste de notre étude.
Le grand cartulaire de Saint-Victor nous aconservé un dernier acte pour le XIe siècle (CSVno 88), daté d’avril 1077, dans lequel les monialesvendent à Saint-Victor la dîme d’une terre situéeprès de l’Huveaune. On notera que cet acte a étésigné par la comtesse Ermengarde, veuve du comteBertrand Ier, ainsi que par une partie de la congré-gation (dont une fille du vicomte Geoffroi, Ada-laïs). À cette date, la dénomination est claire : lesmoniales sont in monasterio sancte Marie ad Acuas28 etl’achat ne semble pas nécessiter une quelconqueautorisation victorine. La donation de 1060 est pro-bablement restée lettre morte, ce que confirme labulle récapitulant toutes les possessions du monas-tère Saint-Victor adressée à Bernard de Millau parGrégoire VII le 4 juillet 1079 (CSV no 843).
Durant cette période, on peut noter la pré-sence d’une moniale de la famille des seigneurs dePeyre en Gévaudan : Eustorge, fille d’Astorg (Ier)et de Pétronille de Carlat29. Elle fait partie de l’en-tourage des abbés de Saint-Victor puisqu’elle est la
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filia Austorgi, mas I sancto Salvatori Kiriacensis post obitum suumet fuit monacha Maxilia et p. 42 no 27 : In Bertrandesco mas Id’alod quem dedit Eustorgia supradicta. Sur la famille de Peyre,voir Belmon 1992.
30. Pour la famille de Millau, voir Belmon 2008, p. 189-202.31. Sur tout ceci, qui reste bien évidemment très flou pour nous
par manque de textes, voir Bouiron 2009b, p. 47-48.32. Notons que l’on connaît un Raymond, neveu de Bernard et
Richard, fils de Bérenger et d’Adèle de Carlat, mentionné
seulement en 1061-1070 dans les actes de Millau : Belmon2008, p. 202. S’agit-il de notre évêque? Le prénom étantrelativement fréquent, il n’a pas été possible jusqu’à présentde donner une filiation à Raimond de Vita Eterna (dont lesurnom a probablement été donné à titre posthume).
33. Le texte nous en a été conservé seulement par Belsunce1747, t. I, p. 445-447.
34. Le texte en est publié par Belsunce (t. I, p. 468-471).35. GCNN Marseille no 161 (13 mars 1163).
nièce de l’évêque de Mende Aldebert, un des fer-vents partisans de la réforme grégorienne auxcôtés de Bernard et Richard de Millau, et la nièced’Adèle de Carlat, la femme de Bérenger deMillau, frère des mêmes abbés de Saint-Victor. Lestextes ne permettent pas de dater avec précision saprésence au monastère de Marseille mais il estvraisemblable de proposer le dernier quart duXIe siècle. Sa présence est importante à plus d’untitre. D’abord parce qu’elle atteste d’une influencedes victorins sur le monastère, ce qui ne semblaitpas évident avec la documentation «marseillaise»;ainsi le rôle de Rixendis de Millau, sœur des abbésBernard et Richard et femme du vicomte Geoffroin’est donc pas à négliger30. Ensuite parce que lessieurs de Peyre sont les principaux donateurs d’unmonastère fondé par Saint-Victor en 1062 grâce àla donation d’Astorg (Ier) et de son frère Aldebert àl’abbaye marseillaise : Saint-Sauveur de Chirac.
Notre documentation présente un hiatus pourla 1ère moitié du XIIe siècle, semblable à celle quel’on observe pour l’évêché. Il semble que lemonastère repasse alors sous la sujétion del’évêque, comme l’énonce l’inventaire desarchives de Saint-Victor de 1569 : «Du monastaireSt Sauveur dans Marseille séparé de la subgectiondu présent monastère St Victor, et mys soubz celledu sieur évesque de Marseille». Par rapport à ladernière volonté de Pons II, les temps ont bienchangé : l’évêque est en butte à l’hostilité de sonchapitre qui cherche à s’émanciper. Le successeurde Pons, Raymond de Vita Eterna (évêque de 1073à 1122), est alors obligé de s’établir sur la butte desCarmes (appelée Roquebarbe au Moyen Âge)tandis qu’un partage réel s’établit entre la villedépendant des vicomtes et celle relevant del’évêque31. En particulier, il est en butte à un desvicomtes, Pons de Peinier, fils de Geoffroi. Comptetenu de la date de nomination de notre évêque, ila très probablement été choisi par le pape et sonlégat Bernard de Millau dans l’entourage des Lan-
guedociens32; la réaction forte de Pons de Peynierà la fois contre les victorins et contre l’Église deMarseille a probablement pour origine la volontéde contrer une mainmise forte des familles nonmarseillaises. Le vicomte, excommunié, est forcéde restitué les biens spoliés et de conclure une paixavec l’évêque en novembre 112133.
On peut imaginer que durant cette période, lemonastère Sainte-Marie connaît une nouvelledésaffection qui va conduire à une seconde restau-ration, qui s’accompagne cette fois-ci d’un chan-gement de dénomination puisqu’il prend le nomde Saint-Sauveur. Le nom même du monastèreintrigue dans le contexte marseillais. Si la titula-ture de la cathédrale d’Aix est bien Saint-Sauveur(dont l’un des fils du vicomte Geoffroi, PierreGeoffroi est archevêque de 1082 à 1101), le nou-veau nom est-il en lien avec une communautéexistante (comme Saint-Sauveur de Chirac) oud’un vocable avec une signification particulière?Nous y reviendrons en conclusion.
Le nouveau monastère Saint-Sauveur
Dans la bulle d’Anastase IV, du 30 décembre115334, recensant les biens de l’Église de Marseille,le monastère apparaît sous la dénomination deS. Salvatoris de las Achoas, quod infra muros Massiliasitum est. Il est mentionné au tout début du texte,avant même la ville épiscopale, Roquebarbe et leport de Porte Galle. C’est dire l’importance de cetétablissement monastique (et surtout de ses posses-sions) pour l’évêque, alors que l’église Sancta Mariade las Achoas est perdue dans la liste de toutes leséglises du diocèse. Dix ans plus tard, on trouve ànouveau la mention de S. Salvatoris de las Acuas lorsd’un litige entre les moniales et le Chapitre35.
Le monastère a donc changé de titulature avant1153. A-t-il pour autant changé d’emplacement?Deux arguments peuvent laisser penser que lecouvent, nouvellement dénommé Saint-Sauveur,
Le lotissement de l’abbaye Saint-Sauveur de Marseille46 Marc BOUIRON
36. GCNN Marseille no 164 (17 avril 1164), édité d’après le textedes MGH et traduit par Pécout 2009a, p. 172-175.
37. GCNN Marseille no 1104 (23 janvier et 1er février 1179). Il sub-siste ensuite les infrastructures du couvent auprès de l’églisedes Accoules, comme en témoigne la maison inventoriéedans les biens de Stephaneti Civate le 16 mars 1278, sous ladirecte du monastère Saint-Sauveur, et qui confronte cumquodam viridario claustre beate Marie de Acuis (Blancard 1884-
1885, II, p. 411) qui ne se justifie pas pour une simple égliseparoissiale.
38. Mgr Belsunce (1747, t. II, p. 60-61) place entre les deux uneabbesse Marie, sur la base d’une mauvaise lecture de l’actede 1188 (annexe 1, texte no 3).
39. Les blocs ont été conservés, cf. Ramière de Fortanier 1975,p. 295-304.
est toujours à côté de l’église des Accoules. Toutd’abord la titulature qu’il porte dans la bulled’Anastase IV (de las Achoas) ou dans l’acte de 1163ne se comprend que si l’on admet que Saint-Sauveur et l’église Sainte-Marie ont tous deux lamême localisation. D’autre part, Ruffi indiqueavoir lu dans un acte du milieu du XIIIe siècle quele clocher de l’église portait le nom de tour de Sau-veterre (et encore en 1359), nom donné égalementà la cloche qui y était suspendue. Or, le nom sembleêtre un rappel de celui de Sancti-Salvatoris, c’est-à-dire de Saint-Sauveur. Ruffi (t. II, 58) rapportecependant, d’après un vieux manuscrit du monas-tère, que celui-ci changea de nom lorsque lesmoniales s’installèrent sur la future place deLenche, «en mémoire de ce que le Sauveur dumonde se transfigura sur la Montagne de Thabor».Enfin, les délimitations de la paroisse des Accoules(dans l’acte du 13 mars 1163) comme de la villeépiscopale en 116436 placent leur communauté àmi-chemin entre le Château Babon (à l’ouest) etRoquebarbe (butte des Carmes, à l’est), c’est-à-direà l’emplacement des Accoules.
Bien qu’il soit évidemment impossible d’êtreaffirmatif, il nous semble que dans un premiertemps le monastère nouvellement dénomméSaint-Sauveur n’a pas déménagé, peut-être letemps que les nouveaux bâtiments soientconstruits. C’est en revanche chose faite en 1179,lorsque l’on mentionne pour la première fois uneéglise Saint-Sauveur à l’emplacement qu’on luiconnaît par la suite37 (fig. 3).
Nous connaissons plusieurs abbesses pour laseconde moitié du XIIe siècle. Tout d’abord peut-être Ursanne, prioressa de l’acte de 1163. Puis Ada-lacie, mentionnée en 1180 et en janvier 1187(annexe, texte no 2) et dans l’acte no 54 des cahiers.Par la suite, c’est Hermeline de Baux qui dirige lemonastère (annexe, texte no 4)38. C’est elle quiapparaît sur l’inscription datée de 1203 signalant lareconstruction de l’église des Accoules, gravée surles blocs supportant l’ancien bénitier39. Elle est pro-bablement la sœur du vicomte Hugues de Baux et
fille de Bertrand de Baux. C’est de son abbatiat quedate le registre de droits de mutation que nousallons maintenant analyser.
LE REGISTRE DE MUTATION, TÉMOIN
DES MARSEILLAIS DE LA 1ère MOITIÉ
DU XIIIe SIÈCLE
Le document conservé dans les archives deSaint-Sauveur se présente sous la forme de deuxcahiers à l’écriture uniforme. Le premier comprend42 actes passés entre le 9 septembre 1216 et le 17août 1220; le second cahier contient 54 actes, lepremier daté du même jour que le dernier acte dupremier cahier et le dernier passé le 18 décembre1224. Cet ultime acte ne semble pas avoir été ter-miné : il manque la valeur du cens et la mention dunotaire qui a enregistré l’acte.
Nous ajoutons en annexe la transcriptiond’autres actes se trouvant dans les archives deSaint-Sauveur et ayant un rapport avec les posses-sions foncières de l’abbaye intra muros.
La nature des actes
Les cahiers analysés gardent la trace de toutesles transactions ou des litiges affectant les biens-fonds. On rencontre plusieurs types d’actes dans leregistre : des ventes (87 actes), cinq investitures(no 14, 49, 54, 72 et 73), un bail à acapte (no 78),une remissio de don (no 18), un paiement encréance (datio in solutum) (no 84) et une sentencearbitrale (no 5).
Les actes de vente se présentent toujours de lamême manière :
– en marge le nom de l’acquéreur (l’acheteurprincipal lorsqu’ils sont plusieurs);
– la date avec indication du jour, de l’année(au début de chaque folio) et moins régulièrementde l’indiction. Celle-ci est la plupart du tempserronée : 4e (au lieu de 5e) indiction pour le 19décembre 1216 ou le 6 juin 1217, 7e (au lieu de 8e)
47
40. Ce notaire est connu par d’autres actes, en particulier ceuxde la famille de Manduel, publiés par Louis Blancard. Le pre-mier acte où il apparaît, déjà en tant que «publicus notariusMassilie» (no 3), date du 22 mars 1210. Le dernier est du 19août 1243 (no 96). En cela, il appartient à la génération pré-cédant Giraud Amalric. Les autres actes le concernant passéspar la commune s’inscrivent dans cette fourchette chrono-
logique : du 7 novembre 1212 (Bourrilly 1925, PJ no XI) au26 juin 1243 (Bourrilly 1925, PJ no XXXVI).
41. Les actes présentent des variantes. Les no 14 et 73 ont lau-davit et confirmavit et instrumentum dicte laudationis et confirma-tionis à la fin indiquant probablement un renouvellementd’investiture; le no 54 a laudavit et concessit et instrumentumdicte laudationis à la fin.
Fig. 3 – Plan de Marseille vers 1180 (M. Bouiron).
pour le 26 novembre 1219, le 2 janvier 1220 ou le8 juin 1220 ...;
– le nom du (des) vendeur(s);– le nom de l’ (des) acquéreur(s);– la nature du bien dont on précise qu’il «est
sous la seigneurie du monastère Saint-Sauveur»;– les confronts;– le prix;– l’acceptation de la vente par l’abbesse Her-
meline, qui indique le prix du cens payable à laSaint-Thomas (soit le 21 décembre) et dit en per-cevoir le trézain;
– la mention du notaire qui a rédigé l’instru-ment de l’acte; il s’agit pour tous les actes deJanuarius40.
On notera la forme particulière des actes no 39et 80, dans lesquels on signale d’abord la ventefranche de trézain puis la perception du trézainpar l’abbesse. Chaque vente fait en effet l’objet dedroits de mutation, appelés trézain et correspon-dant au douzième du montant de la vente (consti-tuant ainsi une treizième part d’où le nom) et quisont payés au seigneur éminent, ici le monastèreSaint-Sauveur. Le fait qu’il s’agisse bien d’une trei-zième part est confirmé par le texte de 1187(annexe, texte no 2) : «tresdecim partem».
Les actes d’investiture ont une formulationlégèrement différente. Après la date est men-tionnée l’abbesse Hermeline qui a concédé etconfirmé41 à l’emphytéote dont le nom suit, le bien
Le lotissement de l’abbaye Saint-Sauveur de Marseille48 Marc BOUIRON
Fig. 4 – Nombre d’actes en cumul mensuel.
décrit avec ses confronts. Sont rappelés ensuite laseigneurie du monastère, la valeur du cens à payerà la Saint-Thomas et enfin le nom du notaire qui aécrit l’instrument de cette investiture.
Quelques actes sortent de ces deux schémas ettémoignent de la variété des mutations des biens.L’acte no 49 est d’une formulation mixte. Il est pré-cisé à la fin qu’il s’agit d’un acte de vente, mais la for-mulation s’apparente à une investiture (l’abbesselaudavit et confirmavit). On trouve ensuite le nom desvendeurs et le prix, mais la vente est franche de tré-zain. Enfin, le rédacteur ayant oublié les confronts,les reporte à la fin de l’acte. L’acte no 73 mentionneégalement le nom des vendeurs, la valeur du cens etdu trézain (mais pas le prix de la vente).
Le bail à acapte (no 78) est semblable par saformulation aux actes d’investiture mais il men-tionne la valeur de l’acapte (ici 110 sous deroyaux). La fin de l’acte indique la rédaction d’uninstrumentum acapti.
Le «don» (no 18) fait par Bernard Remapenchaet sa femme à sa belle-mère Fida est accompagnéd’une remissio de 8 livres. La valeur du trézainsignalée ici de façon spécifique (13 sous et 4deniers) correspond bien au douzième du prix. Defaçon exceptionnelle, il n’est pas indiqué de trans-cription d’instrument de l’acte par un notaire.
Le paiement en créance (no 84) est considérécomme une mutation et fait l’objet du paiementdu trézain, avec indication de la valeur du cens.
Enfin, l’acte no 5 est un jugement arbitralrendu par Raymond Juliani, chanoine de Mar-seille, et Hélias de Nazare, entre l’abbesse Herme-line représentant le monastère Saint-Sauveur etPons Amalric. Il confirme la seigneurie du monas-tère sur le casal de Pons Amalric; celui-ci doit doncle versement du cens correspondant (8 sous). Il estprécisé que le notaire Januarius a rédigé deux ins-truments séparés «per alfabetum», donc une chartechirographe.
La répartition des différents types d’actes doitêtre assez révélateur de ce qu’une abbaye perçoit àcette époque.
La date des actes
Le nombre d’actes est assez inégal sur lapériode (fig. 4 et 5).
On note en particulier l’absence totale demutation de propriétés entre la mi-octobre 1217 etla fin novembre 1219, ce qui semble plutôtanormal compte tenu de la régularité de l’écritureet de l’enregistrement des actes pour les autresannées. Peut-être faut-il mettre en relation ce
49
42. Bourrilly 1925, p. 70-73; Pécout 2009b, p. 188.43. GCNN Marseille no 224 (14 janvier 1223).44. GCNN Marsei l le no 220 (23 janvier 1219) et 226
(février 1223).45. GCNN Marseille no 223 et 229.
Fig. 5 – Nombre d’actes et valeur du trézain perçu par année.
phénomène avec les événements intervenus àMarseille à la même époque. À cette date en effet,le développement du mouvement communalentraîne de nombreux troubles à l’encontre del’évêque et des religieux, allant jusqu’à l’ex-communication des Marseillais et la dissolution dela Confrérie du Saint-Esprit qui représente lacommune. Ces événements ne prennent véritable-ment fin qu’avec l’accord du 23 janvier 122042. Or,les possessions de l’abbaye se trouvent en pleincœur de la zone dans laquelle est installée laConfrérie; c’est là en particulier que sera édifié, àpartir de 1225, le palais communal. Il n’est pasimpossible que le blocage des ressources finan-cières (en particulier des droits de mutation) aitservi à faire fléchir l’évêque; notre documentpourrait en conserver la trace. Un rattrapage s’ef-fectue en 1220 : le nombre d’actes est le double dece qu’il était en 1217. C’est bien la preuve que l’ab-sence d’actes durant 2 ans n’était pas naturelle.
Le nombre d’actes décroît ensuite de manièrerégulière jusqu’à 7 à 8 actes annuels en 1223 et1224. On observe une deuxième période d’ab-
sence de mutations, plus courte, entre février etseptembre 1223. Or, les troubles ont repris en1223 : dès le début de cette année, l’évêque Pierrede Montlaur condamne les empiètements deshabitants de la ville épiscopale contre sa juridic-tion43; en parallèle, il sollicite une confirmationpar l’empereur Frédéric II d’une conventionpassée avec les recteurs de la ville basse quatre ansplus tôt44. Durant la même période, l’empereurrenouvelle également la bulle de Frédéric Ier de1164 en mai 1222 et mai 122545. On le voit, les rap-ports très difficiles entre les Marseillais et l’évêque(comme d’ailleurs avec Saint-Victor) ont dû serépercuter également sur l’abbaye Saint-Sauveur,perçue comme très proche de l’évêque (par sasujétion) et des vicomtes (l’abbesse est la sœurd’un des vicomtes).
Les Marseillais, acheteurs et vendeurs
Ce document présente également l’intérêt denous donner un grand nombre de noms de Mar-seillais sur une assez courte période (8 ans). Ontrouve ainsi, en tenant compte des doublons quel’on peut repérer, 495 noms différents, dont celuide nombreuses femmes. L’intérêt vient égalementdu fait que nous sommes, à cette date, à la périodecharnière où les patronymes commencent à sefixer. La plupart des hommes portent encore des«noms» différents de ceux de leur père. AinsiPierre Aicardi (no 55 et 81) est le fils de feu PierreGuillelmi, Guillaume Bauciani (no 93) de feu R. deCavaillon et Pons Juliani (no 93) de feu Pierre Res-satus; Raymond de Firmianeges et Jean de Artezonasont tous les deux fils de feu Pons Cargatoris(no 26). Parfois, le fils porte comme nom leprénom du père : Jacques Bonet (no 37) est fils defeu Bonet Pelliparii, Guillaume Gandolf (no 36) deGandolf de Estamira. À l’inverse, certainscommencent à porter le même nom : PierreLianson (no 46) est fils d’autre Pierre Lianson,Pierre d’Avignon (no 55, 81) est fils de feu autrePierre d’Avignon, Isnard de Bersa (no 96) est filsde Bertrand de Bersa, Marie Rostaing (no 88) estfille de Raymond Rostaing.
Les femmes n’ont pas systématiquement le
Le lotissement de l’abbaye Saint-Sauveur de Marseille50 Marc BOUIRON
Fig. 6 – Les différents vendeurs.
Fig. 7 – Les différents acheteurs.
même nom que leur mari comme ce sera le casultérieurement : Marie Corderie (no 90) est lafemme de Bon-Jean Caisserie, Marie Segerie(no 83) est la femme de Hugues Amilii.
Les vendeurs (tab. 1 et fig. 6) des maisons etautres terrains sont majoritairement des couples(44,9%), parfois avec leurs enfants, le mari ou lafemme apparaissant en premier lors de la vente.
Tableau 1
VENDEURS ET ACHETEURS
ACHETEURS % VENDEURS %
Couple 26 29,9% 39 44,8%Homme seul 45 51,7% 22 25,3%Femme seule 9 10,3% 9 10,3%Veuf/veuveavec enfants
3 3,5% 6 6,9%
Fratries 3 3,5% 7 8,1%Plusieurspersonnes
1 1,1% 4 4,6%
87 100% 87 100%
C’est donc une cellule familiale qui possède lebien. Les hommes seuls viennent ensuite (25,3%)puis les femmes seules (10,3%). Enfin on trouveégalement des veufs ou veuves avec enfants(6,9%), des fratries (8,1%) et quelques groupes deplusieurs personnes associées dans une mêmevente (4,6%).
Parmi les acheteurs (tab. 1 et fig. 7), ce sontsurtout les hommes seuls qui sont mentionnés(51,7%), les couples ne venant qu’ensuite(29,9%).
La distorsion entre vendeurs et acheteurs ten-drait à montrer que les hommes seuls peuventacheter au nom de leur famille, sans que l’acte engarde trace, ou bien que les hommes achètent desbiens qu’ils revendent plus tard après leurmariage. Mais nous sommes là face à des résumésd’actes, dont le monastère n’a conservé qu’unepartie de l’information.
On trouve ensuite dans les acheteurs desfemmes seules, avec le même pourcentage quepour les vendeurs (10,3%) ce qui est ici cohérent.Les veufs ou veuves avec enfants et les fratries sontdeux fois moins nombreux que parmi les vendeurs(3,5% chacun); enfin un seul acte concerne unachat par plusieurs personnes (1,2%).
LES TERRAINS
Les deux cahiers nous ont conservé des muta-tions de biens-fonds situés exclusivement à l’inté-rieur de la ville. On peut imaginer que d’autresterrains (terres, vignes, ...) auraient pu faire l’objetde ventes consignées dans le registre mais l’abbayesemble relativement pauvre en dehors de ses biensurbains. Les actes permettent d’approcher l’oc-cupation des terrains et les surfaces bâties.
La nature des terrains et la valeur d’achat
La majeure partie des actes de mutationconcerne des maisons : 62 actes (soit les deux tiers)pour une maison, 2 actes la vente de deux maisons,1 acte pour la vente de maisons en nombre indéter-minées et 1 pour une maison avec casal. Plusieurs
51
46. L’ensemble est acquis en deux fois par Gaufridus Mainerii etsa femme Huga de Pierre Lianson (les 3⁄4) et de Jean Lianson(1⁄4), certainement frères, fils et héritiers de feu PierreLianson. Le cens indiqué de 7 deniers semble s’appliquer à
l’ensemble de la maison.47. C’est la dénomination consacrée dans les textes d’archives
marseillais d’époque moderne.
Tableau 2
VALEUR DES VENTES, DES CENS ET DES TRÉZAINS
No de l’acte Prix (£) cens (d) trézain Surface au sol?
1 14,08 16 1,17 76,8
2 8,33 24 0,69 115,2
3 50,00 26 4,17 124,8
4 50,00 10 4,17 48
5
6 20,00 16 1,67 76,8
7 21,67 72 1,81 345,6
8 10,00 12 0,83 57,6
9 90,00 16 7,50 76,8
10 75,00 32 6,25 153,6
11 49,83 20 4,15 96
12 26,00 20 2,17 96
13 116,00 8 9,67 38,4
14
15 22,00 6 1,83 28,8
16 12,50 24 1,04 115,2
17 130,00 16 10,83 76,8
18
19 14,50 6 1,21 28,8
20 28,17 48 2,35 230,4
21 15,00 8 1,25 38,4
No de l’acte Prix (£) cens (d) trézain Surface au sol?
22 65,00 16 5,42 76,8
23 66,63 16 5,55 76,8
24 108,00 2 9,00 9,6
25 15,00 16 1,25 76,8
26 63,83 14 5,32 67,2
27 195,00 12 16,25 57,6
28 24,38 12 2,03 57,6
29 55,00 10 4,58 48
30 28,00 1 2,33 4,8
31 25,00 6 2,08 28,8
32 75,00 12 6,25 57,6
33 55,00 8 4,58 38,4
34 110,00 4 9,17 19,2
35 7,50 6 0,63 28,8
36 250,50 18 20,88 86,4
37
38 24,00 20 2,00 69
39 27,00 12 2,25 57,6
40 52,08 10 4,34 48
41 104,00 6 8,67 28,8
42 40,00 12 3,33 57,6
(à suivre)
actes portent sur des ventes de parts de maisons enindivis, souvent la moitié de la maison (7 actes)mais également 1 vente de trois quarts, 1 vented’un tiers et 1 vente d’un quart de maison.
On le voit, l’emprise des terrains relevant del’abbaye Saint-Sauveur est très majoritairementoccupée par des maisons, puisqu’elles font l’objet,au total, de 75 actes de mutation (soit plus destrois quarts de notre corpus). Quelques-unsconcernent la même maison : les no 46 et 66 cor-respondent aux trois-quarts et au quart restant46,les no 51 et 60 aux deux moitiés d’une même mai-son; les no 9 et 80, 22 et 65, 17 et 41 à la vente dela même maison. Au total, on compte donc 72maisons différentes.
Les places «à bâtir maison»47 (casal) sont assez
peu nombreuses : seulement 4 actes, plus 1 pourun demi casal et 1 pour un quart. Le texte mention-nant les «scaria» doit se comprendre de la mêmemanière si l’on prend en compte l’acte no 20 (vented’un casal) et l’acte no 50, vente de deux scaria dontl’un correspond au casal de l’acte précédent.
Enfin 2 actes concernent la vente de prés et 1la vente d’un rocher.
Le prix de vente des biens indiqué dans lesactes est intéressant à observer (tab. 2 et fig. 8).
La valeur de la majorité des biens est compriseentre 11 et 50 livres, avec un pic pour la four-chette 21-50 livres. Quatorze biens, soit 16%, ontcependant une valeur d’achat supérieure à 100livres, montant assez élevé.
Comme de nos jours, la vente et l’achat
Le lotissement de l’abbaye Saint-Sauveur de Marseille52 Marc BOUIRON
No de l’acte Prix (£) cens (d) trézain Surface au sol?
43 7,00 5 0,58 24
44 50,00 12 4,17 57,6
45 34,50 8 2,88 38,4
46 50,00 7 4,17 33,6
47 50,00 8 4,17 38,4
48 50,00 18 4,17 86,4
49
50 225,00 64 18,75 307,2
51 19,00 4,5 1,58 21,6
52 13,00 6 1,08 28,8
53 8,00 6 0,67 28,8
54
55 20,83 6 1,74 28,8
56 86,00 8 7,17 38,4
57 60,00 12 5,00 57,6
58 43,00 13 3,58 62,4
59 10,00 0,83
60 16,00 4,5 1,33 21,6
61 25,00 6 2,08 28,8
62 200,00 18 16,67 86,4
63 60,00 36 5,00 172,8
64 50,00 11,5 4,17 55,2
65 56,33 16 4,69 76,8
66 18,42 7 1,53 33,6
67 40,00 3,33
68 12,00 4 1,00 19,2
69 13,00 12 1,08 57,6
No de l’acte Prix (£) cens (d) trézain Surface au sol?
70 85,00 7,5 7,08 36
71 84,95 10 7,08 48
72
73
74 15,00 12 1,25 57,6
75 46,00 18 3,83 86,4
76 15,63 12 1,30 57,6
77 30,28 12 2,52 57,6
78
79 80,00 20 6,67 96
80 110,00 16 9,17 76,8
81 8,33 7 0,69 33,6
82 17,00 21 1,42 100,8
83 180,00 30 15,00 144
84 0,00
85 175,00 30 14,58 144
86 162,50 18 13,54 86,4
87 110,00 18 9,17 86,4
88 18,00 14 1,50 67,2
89 10,42 6 0,87 28,8
90 17,58 3 1,47 14,4
91 70,00 24 5,83 115,2
92 63,00 12 5,25 57,6
93 45,00 12 3,75 57,6
94 18,42 9 1,53 43,2
95 17,00 4,5 1,42 21,6
96 35,00 2,92
peuvent se succéder rapidement dans le temps. Le10 janvier 1220, Marie Bordine vend sa maison àMartin Castanea. Il s’agit visiblement d’une trèsbelle maison puisqu’elle en tire 195 livres, soitquasiment la somme la plus élevée de notre cor-pus. Moins d’un mois plus tard, le 6 février, elleachète une nouvelle maison pour 55 livres.
Les ventes qui concernent la même maisonmontrent des situations contrastées. Dans un cas(no 9 et 80), le vendeur réalise une plus-value de
20 livres en 5 ans et demi; dans un second cas(no 22 et 65) la plus-value est très faible, à peine 1livre en moins de 2 ans. Enfin, le dernier cas(no 17 et 41) rend compte d’une perte de 26 livresen 3 ans.
Cens, trézain et surface des terrains
Tous les terrains sous la seigneurie de Saint-Sauveur sont soumis au paiement d’un cens. La
53
48. Voir Bouiron – Rigaud 2011, p. 250.49. Nous n’avons les dimensions que de deux côtés, mais on
peut supposer que le calcul du cens n’impliquait pas unarpentage très élaboré.
Fig. 8 – Répartition de la valeur d’achat des biens.
Fig. 9 – Répartition des cens.
Fig. 10 – Relation entre le prix de vente et la valeur du cens.
grande majorité des actes indique un cens qui estcompris entre 1 et 18 deniers (soit 1 sou et demi)(fig. 9).
Le nombre important de données dont nousdisposons grâce aux cahiers permet d’étudier plusfinement la fixation de la valeur du cens. Le gra-phique de la fig. 10 montre qu’il n’existe aucunecorrélation entre le prix payé (et donc le trézainversé) et le montant du cens.
Dans l’étude conduite sur les maisons retrou-vées lors des fouilles de la place Bargemon, nousavons pu mettre en évidence une valeur de censcomprise entre 1,2 et 1,33 denier par canne carrée(soit 1 denier et 1/5 et 1 dernier et 1/3) selon ce queversent les habitants des maisons en 129848. L’acteque nous publions en annexe (no 4) se rapporte à
un terrain dont on nous précise qu’il mesure perfrontem 20 cannes sur son côté occidental et 3cannes sur sa face méridionale, soit une surfacemoyenne de 60 cannes carrées. Le cens pour cethonor est de 6 sous, soit 72 deniers; si l’on s’en tientà la surface donnée49, la valeur est de 1 denier et1/5 (= 1,2 d) par canne carrée, ce qui correspond àune des valeurs que nous avions proposée.
La valeur du cens semble être un bon moyen,pour cette période, d’estimer la surface au sol desterrains, en particulier ceux sur lesquels sontconstruits les maisons. En effet, on ne remarqueaucune majoration dans les cens sur les terrainsbâtis.
Si l’on restitue un rapport cens/surface de 1,2denier par canne carrée (correspondant à environ4 m2), il est possible d’approcher la superficie desterrains. La quasi-totalité ne dépasse pas les100 m2 au sol, et parmi ceux-ci la plupart sontcompris entre 50 et 100 m2. On observe quelquesincohérences avec ce calcul : les doubles maisons(no 24 et 30) paient un cens très bas qui corres-pondrait pour les deux premières à 10 m2 (autotal?) et pour les deux secondes à 5 m2.
On l’a dit, le trézain est calculé sur le douzièmedu montant de la vente. Il est dû au seigneuréminent, mais peut être perçu par d’autres (voir lelitige entre Saint-Sauveur et Anselme l’aîné,annexe, texte no 6). Le montant est évidemmentbeaucoup plus élevé que celui du cens; plus les
Le lotissement de l’abbaye Saint-Sauveur de Marseille54 Marc BOUIRON
Fig. 11 – Cumul mensuel des valeurs de trézain et de cens, avec rappel du nombre d’actes.
mutations sont fréquentes et plus le montant totaldes trézains sera important (fig. 11).
Par rapport au trézain, le cens a seulement uncaractère recognitif et n’est pas destiné à l’enri-chissement du seigneur éminent. Le trézainconstitue lui la véritable source financière; sur leshuit années d’enregistrement, la valeur moyennede sa perception annuelle est de 47 livres, àcomparer aux 0,61 livres que rapportent annuelle-ment les cens.
LE POSITIONNEMENT DES BIENS-FONDS
DANS LA VILLE
Grâce aux études menées depuis plusieursannées dans les fonds d’archives marseillais, il estpossible de repositionner les possessions de l’ab-baye dans la topographie de la ville médiévale.
Les îlots
L’étude des confronts ne permet pas de resti-tuer avec certitude l’ensemble des îlots concernéspar les possessions du monastère Saint-Sauveur.Notre corpus n’est pas assez complet et les
confronts manquent de précision : ils n’indiquentpas d’orientation cardinale ni de noms de rue.Toutefois, plusieurs îlots peuvent être appréhen-dés par l’étude des confronts; il sera peut-être pos-sible par recoupement avec d’autres textes d’enrepositionner certains dans la topographie marseil-laise. Le tableau en annexe (tableau no 2) donne leregroupement par îlot avec la valeur du cens et lasurface possible des maisons. Les îlots sont déter-minés par des rues publiques (via publica) et pardes traverses (via transversia) – que l’on supposeplus petites – ou des ruelles (androna, no 34, 52,61). Aucune indication d’orientation cardinalen’étant présente, il n’est pas possible d’orienter lesconfronts.
Quelques maisons peuvent être positionnéesplus précisément avec des marqueurs topogra-phiques connus : la maison acquises par la famillede Olivaria (no 11) et celle baillée en acapte à Pierred’Allauch et sa femme (no 78) confrontent lemonastère; un des emplacements appelés scaria(no 50) confronte le cimetière des Accoules. Maisces maisons sont isolées par rapport à l’ensembledes actes.
Plusieurs maisons peuvent être regroupées
55
50. Le site de Marseille comprend trois buttes alignées quasi-ment d’ouest en est : la butte Saint-Laurent, la butte desMoulins (avec une deuxième petite hauteur la butte de laRoquette) et la butte des Carmes. Les possessions de Saint-
Sauveur sont localisées au sud de la butte des Moulins. Surla topographique naturelle de Marseille, voir Bouiron –Gantès 2001, p. 23-34.
Fig. 12 – Plan des îlots dépendant de Saint-Sauveur (restitution fin du XVe siècle), entre l’ancienne ville comtale (à l’est) et l’ancienne ville épiscopale(à l’ouest) avec indication des deux zones analysées. En pointillés, la délimitation des villes en 1220 (M. Bouiron).
dans l’îlot de l’hôpital du Saint-Esprit, situé à l’estdes Accoules : la maison achetée par la veuve deGuillaume Anselme (no 53), celle achetée parGuillaume d’Acre (no 61), celle dont le quart estconfirmé à Donat Fornerio (no 72), la maison dontun tiers est acquis par Enguilran de Salviac (no 83)et enfin celle vendue à Guillaume Aubin (no 85).
On peut proposer également un îlotagecommun pour les maisons qui confrontent lerocher (no 1 et 3, cette dernière confrontant lamaison de l’acte no 43), peut-être au sud-est de labutte des Moulins ou à proximité de la butte de laRoquette50.
Enfin, les textes donnés en annexe permettentde réfléchir plus avant sur certaines maisonsmieux localisées. Nous laissons pour le chapitresuivant le texte no 7 pour nous concentrer sur lesdeux actes de 1204 et 1205 (no 4 et 5) (fig. 12).
Le premier concerne le bail en acapte par Guil-laume Amat d’un honor de 40 m de côté à l’ouestet 6 m au sud. Sur ces deux faces, les confronts
sont signalés via mediante, c’est-à-dire situés del’autre côté d’une rue. Au sud, le terrain est envis-à-vis de la maison de Gautier Sartoris, quiapparaît également dans le second acte, la vented’une maison par Pontia et ses filles à Pierre Ser-raillier. La maison de Pontia est donc positionnéedans l’îlot situé au sud de celui où se trouve l’ho-nor. Elle confronte deux rues, l’une qui va àl’église Sainte-Marie des Accoules et la seconde auport. Dernière précision qui nous permet d’accro-cher tout ceci dans la topographie de Marseillemédiévale, l’honor confronte la platea monasterii àl’ouest. Cette place est l’ancêtre de la place deLenche qui a été agrandie tout au long duMoyen Âge; elle était à l’origine au plus proche dumonastère, dans la partie sud de la place actuelle.Dès lors on peut proposer d’identifier la rue àl’ouest de l’honor avec le prolongement de la rueRadeau, celle qui mène à l’église des Accoulesavec la rue Caisserie et la rue qui conduit au portavec la rue de l’Amandier.
Le lotissement de l’abbaye Saint-Sauveur de Marseille56 Marc BOUIRON
51. Pour les données archéologiques, voir Paone – Thernot 2011.Pour les données d’archives médiévales, Bouiron – Rigaud2011.
52. Personnage majeur de l’histoire de Marseille, il est le pre-mier acteur de l’émergence de la commune marseillaise.Ainsi, son dernier acte connu, le 2 avril 1213, concerne lerachat du quart des lesdes que possédait le vicomte Ray-mond de Baux (Bourrilly 1925, PJ no XIV). Il fait son testa-ment le 22 février 1213 (CSV no 1005), après avoir dotél’église qu’il a fondé sur la rive sud, Sainte-Marie de Paradis(CSV no 1003 et 1004).
53. Bouiron 2001a, p. 243; voir également l’arbre généalogiquede la famille Anselme en planche hors texte.
54. L’acte no 36 concerne la vente par Guillaume Gandolf, fils defeu Gandolf d’Estamira, à Guillaume Auriol d’une maisonincluse peut-être au nord de cet îlot puisqu’elle confronted’un côté les maisons d’Obert Toxici et de Pierre Auriol, del’autre les maisons d’Assaud de Agrillano et de Jean Gandolf,d’un troisième côté la maison d’Huga, mère de GuillaumeGandolf et enfin la voie publique. La valeur du cens, 18deniers, pourrait correspondre à une surface d’environ84 m2.
Autour du Palais communal : le démantèle-ment de la seigneurie de Saint-Sauveur
La fouille de la place Bargemon a été l’occasionde réaliser une étude d’archives poussée sur lespropriétés situées entre l’actuelle mairie et l’églisedes Accoules (fig. 13)51. Nous avons pu mettre enévidence qu’à partir de la fin du XIIIe siècle aumoins le monastère Saint-Sauveur ne possèdeplus que quelques biens-fonds, en limite de la rueAurivellarie (actuelle Grand-Rue) et à l’ouest dupalais comtal, tout le reste étant aux mains soit deseigneurs laïcs soit du comte de Provence. Or lepremier registre de recensement de Charles Ier
d’Anjou, rédigé en 1265, indique qu’un certainnombre de possessions proviennent de la confisca-tion des biens de Briton Anselme, un de ses plusfarouches opposants, banni en 1262. Certaines desmaisons retrouvées en fouille faisaient partie desbiens confisqués.
Dans le cadre de la présente étude, l’approfon-dissement des liens avec le monastère Saint-Sauveur nous permet de faire remonter laconnaissance de la propriété jusqu’au début duXIIe siècle. Le fonds d’archives du monastèreconserve en effet la transcription d’une action enjustice entre le monastère et l’un des grands per-sonnages marseillais, Anselme Fer (voir texte enannexe, no 7). Nous sommes ici en 1214, lors de lamontée en puissance de la commune marseillaise.Le personnage en question est le fils de l’ancienviguier des vicomtes Hugues Fer52, mort probable-ment l’année précédente; il devient très vite undes principaux chevaliers de Raymond Béren-ger V. Marié à Sybinde de Signes, il est le père deBriton et de Guigues Anselme, ce dernier pèred’une Françoise Anselme dont nous avons eu l’oc-casion d’étudier certaines des possessions subur-baines53.
L’analyse du document permet de mettre enévidence deux îlots qui font l’objet d’une réclama-tion de propriété de la part du monastère Saint-Sauveur. L’abbesse profite certainement du décèsd’Hugues Fer pour tenter de récupérer des terrainsqu’elle lui a probablement cédés. L’acte ne dit passi Anselme Fer avait acquis lui-même ces terrainsou s’ils proviennent de l’héritage de son père.Anselme Fer n’a à cette époque quasiment aucuneexpérience publique : il apparaît comme simpletémoin dans les actes seulement depuis l’annéeprécédente; probablement déjà malade, HuguesFer l’envoie traiter en son nom le 2 avril 1213avec le vicomte Raymond de Baux (frère de l’ab-besse de Saint-Sauveur Hermeline).
Pour repositionner ces îlots, nous disposonsd’un élément de calage topographique avec l’indi-cation de trois rues, au nord, à l’ouest et au sud dupremier des îlots qui semble plutôt étroit. Ces ruesbordent les maisons des fils d’Olric de Caranson,qui se trouvent donc à l’ouest de l’îlot. On trouveensuite à l’est les maisons de Pierre de Saint-Jacques puis le casal de Cécilia à l’angle de l’îlotface à un établissement de bains, avec des rues surdeux côtés (vraisemblablement nord et est).
Le second îlot a une configuration un peu pluscomplexe, avec à l’ouest (face aux maisons d’Olricde Caranson) les maisons qui appartenaient àG. Arata, puis les maisons de Gandolf de Stameradont seule la moitié (sud?) relève d’Anselme Fer54
et qui confrontent deux rues (au nord et au sud),les maisons de la fille d’Hospinel puis les maisonsde Bernard Cors qui sont face aux Bains.
La comparaison avec les données archéo-logiques et les confiscations de Briton Anselmepermet d’identifier les deux îlots avec ceux qui ontété retrouvés au sud du Vieux-Mazeau et donnedu même coup l’interprétation du beau bâtimentretrouvé en fouille à l’est de la rue de la Guir-
57
Fig. 13 – Plan des vestiges et des îlots médiévaux (XIIe-XVe siècles) autour de la place Bargemon sur fond cadastral de 1820 et numérotation des îlots médiévaux(DAO M. Bouiron, F. Guériel/Inrap).
Le lotissement de l’abbaye Saint-Sauveur de Marseille58 Marc BOUIRON
55. Sur le palais communal, voir Bouiron 2001b, p. 257-258.56. Publié par Portal 1907, PJ no XXIV.57. En plus des références données ci-dessus, note 46, voir
Paone 2011.58. Portal 1907, PJ no IV (janvier 1189).59. Voir Février 1983, p. 326.
lande : il s’agit d’un établissement de bains. Lesmaisons qui appartiennent à Pierre de Saint-Jacques en 1214 sont encore signalées sous cenom en 1303 (probablement un petit-fils homo-nyme). On peut identifier cet îlot à la partie nordde l’îlot III de la fouille, dont les archéologues ontmontré qu’il était divisé en deux à l’origine parune rue est-ouest dans le prolongement de la rueSaint-Christophe. Le second îlot, au nord du pré-cédent, correspond à l’îlot II de la fouille situéeffectivement en face des bains.
L’absence de mention de la boucherie(Mazeau) en 1214 ne signifie pas forcémentqu’elle n’existe pas encore à cette date car elle setrouve au nord du second îlot qui n’est concernéque pour la moitié sud par le litige avec Saint-Sauveur. Dans les cahiers de cens, une rue estmentionnée entre la maison vendue par PierrePons et le macellum (no 44); il est donc bien enplace en 1220. Par ailleurs, il est mentionnécomme «vieux Mazeau» en 1265 et doit probable-ment remonter à plusieurs générations. Nousvoyons en ce début de XIIIe siècle se transformerun quartier qui devient véritablement le cœurpolitique de la ville. Au nord-ouest des îlots signa-lés ci-dessus intervient en effet, probablement audébut des années 1220, la construction d’un palaiscommunal55, achevé en 1225. Celui-ci est face àl’église des Accoules, proche de la zone où se trou-vait la confrérie du Saint-Esprit et à côté duMazeau, comme l’indique un document des envi-rons de 1265 : lo masel vielh maior que es detras lopalays56.
EN CONCLUSION : LE LOTISSEMENT
DU MONASTÈRE SAINT-SAUVEUR
Les cahiers de Saint-Sauveur sont une sourceprécieuse pour l’analyse de l’urbanisation de Mar-seille médiévale dans le secteur de la rive nord duport, le plus dynamique des XIIe et XIIIe siècles.Comme souvent, c’est le croisement des sourcesd’archives et des découvertes archéologiques quipermet une compréhension approfondie des phé-nomènes entr’aperçus. Ici, c’est la fouille de laplace Bargemon qui nous livre la clef de ce quel’on pressent à travers les quelques pièces d’ar-
chives rescapées du monastère Saint-Sauveur : lamise en place d’un lotissement monastique. Lafouille a montré en effet que les terrains ont eu unusage différent dans la première moitié duXIIe siècle, avant la mise en place, de façon trèscertainement concertée, d’un véritable lotisse-ment57. Les niveaux de circulation des rues et lesremblais servant à l’installation de l’habitat sontdatés par l’archéologie du milieu du XIIe siècle.Cette datation s’accorde parfaitement avec larefondation du monastère qui passe sous la titula-ture de Saint-Sauveur et avec les textes un peuplus tardifs qui montrent la présence d’un habitatdéjà constitué dans les années 1180. Ainsi en1189, le vicomte Barral concède aux représentantsde l’hôpital du Saint-Esprit la «privatisation» de larue qui mène à leur domus, qu’ils tiennent enacapte du monastère Saint-Sauveur pour un mon-tant de 40 sous58. Or cet hôpital est au nord-est del’église des Accoules; on peut imaginer que la par-tie la plus proche du rivage était déjà lotie. Aumoment de la rédaction des cahiers, plusieursgénérations d’habitants se sont déjà succédéesdans ces rues désormais très actives. Rares sontaux alentours de 1220 les terrains libres pourconstruire des maisons. Les quelques actes conser-vés pour la fin du XIIe siècle doivent nous faireremonter la construction des maisons aux alen-tours du milieu du siècle.
Le développement que nous mettons en évi-dence est également lié à l’évolution de la citédans le courant du haut Moyen Âge. La divisionde la ville en deux entités, qu’avait pressentiePaul-Albert Février59, explique la volontéconjointe des vicomtes et des évêques de repeu-pler «l’entre-deux villes». C’est cette réalitécomplexe que l’on perçoit dans les textes des XIIe
et XIIIe siècles lorsque l’on se sert de ces «vieuxmurs» (qui le sont moins que la muraille véri-tablement antique) pour marquer la délimitationdes paroisses. Les possessions de l’abbaye sont dis-posées dans tout l’espace que nous identifionsentre les enceintes réduites du haut Moyen Âge,depuis la muraille du Château Babon à l’ouest etles «vieux murs» à l’est. L’emprise des possessionsse superpose parfaitement avec celle de laparoisse. C’est pourquoi nous aurions tendance à
59
60. Le comte Alphonse-Jourdain fonde entre 1120 et 1140 uneSalvetat de Toulouse dans et hors la ville; fondation de Mon-tauban sous cette forme en 1144 par le même comte ...
cf. Mousnier 1997, p. 95-98.61. Sur l’évolution urbaine de Nice et le développement des
Condamines, voir Bouiron 2008 et Venturini 1984.
lier l’acte de 1073, qui donne la paroisse desAccoules au monastère et cette possession fon-cière.
Il nous faut revenir un moment sur le change-ment de titulature de Saint-Sauveur. C’est sousl’épiscopat de Raymond de Vita Eterna (1073-1122) ou de son successeur Raymond de Solliès(1122-1151), membre de la famille vicomtale,qu’a lieu cette modification. Après la mise au pasde Pons de Peynier, le vicomte principal à cetteépoque est Raymond Geoffroi Ier, qui prête volon-tiers hommage à l’évêque pour ses possessions. Levocable de Saint-Sauveur qu’adopte le monastèreà cette époque rappelle les «sauvetés» (ou «salve-terres») qui parsèment le sud-ouest à la mêmeépoque : à l’origine fondations sous l’autorité del’Église – et souvent le fait de monastères – afin derepeupler une zone en milieu rural, elles relèventaussi des seigneurs laïcs en milieu urbain60. Ici, ilne serait pas incongru qu’une sauveté ait pu êtrefondée de manière conjointe entre l’évêque et levicomte dans un intérêt mutuel bien compris : ledéveloppement de la ville basse permettait le ren-forcement de l’activité portuaire de Marseille quicommence à se redéployer à l’échelle de la Médi-
terranée. Toutefois, les sauvetés impliquentsouvent une volonté de peuplement ex nihilo cequi ne semble pas être le cas dans cette zone siproche du port; un simple lotissement monastiquesuffit à expliquer le développement urbain duquartier. C’est pourquoi nous restons circonspectface à cette hypothèse. À la même époque, à Nice,le monastère Saint-Pons lotit de la même manièreses possessions situées au contact de la villehaute : d’abord la Condamine supérieure (qui seraprotégée par une enceinte assez rapidement) dansla seconde moitié du XIIe siècle puis la Condamineinférieure, autour de la chapelle Sainte-Réparate,à partir du début du XIIIe siècle61.
Alors que le monastère Saint-Victor est, dans laseconde moitié du XIIe siècle, en proie à de gravesdifficultés financières, l’enrichissement de Saint-Sauveur est concomitant du grand développementurbain que connaît Marseille à la même époque.La construction du nouveau couvent, au sud de lafuture place de Lenche, doit accompagner cettetransformation; il s’agit alors de dissocier l’égliseparoissiale des Accoules et les besoins monastiquesen isolant les moniales d’un quartier qui est entrain de s’urbaniser rapidement.
Marc BOUIRON
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Paone 2011 = F. Paone, Lecture morphologique de la vieille
ville, dans Bouiron et al. 2011, p. 61-64.
Paone – Thernot 2011 = F. Paone, R. Thernot, Création et
évolution du quartier de la seconde moitié du XIIe siècle
jusqu’au XIVe siècle, dans Bouiron et al. 2011, p. 261-
284.
Pécout 2009a = T. Pécout, L’évêque et le chapitre de la
Major, dans T. Pécout (éd.), Marseille au Moyen Âge,
entre Provence et Méditerranée, Méolans-Revel, 2009,
p. 167-177.
Pécout 2009b = T. Pécout, La Commune, le droit et le comte
excommunié, dans T. Pécout (éd.), Marseille au
61
Moyen Âge, entre Provence et Méditerranée, Méolans-
Revel, 2009, p. 188-196.
Playoust 1998 = A. Playoust (éd.), Catalogue des chartes
antérieures au XIIe siècle (687-1112) conservées dans les
fonds des Archives départementales des Bouches-du-Rhône
rassemblées par André Villard et Edouard Baratier (1950-
1974), Marseille, 1998.
Portal 1907 = F. Portal, La République marseillaise du
XIIIe siècle (1200-1263), Marseille, 1907.
Ramière de Fortanier 1975 = A. Ramière de Fortanier,
Documents épigraphiques marseillais du XIIIe siècle, dans
Mélanges A. Villard, Provence Historique, 25, 1975,
p. 295-304.
Ruffi 1696 = L.-A. de Ruffi, Histoire de la ville de Marseille,
... recueillie de plusieurs auteurs ... Seconde édition,
reveuë, corrigée, augmentée et enrichie de quantité d’ins-
criptions, sceaux, monnoïes, tombeaux et autres pièces
d’antiquité, 2 vol. , Marseille, 1696.
Tréziny 2001 = H. Tréziny, Les caves Saint-Sauveur et les
forums de Marseille, dans M. Bouiron, H. Tréziny
(éd.), Marseille. Trames et paysages urbains de Gyptis au
Roi René. Actes du colloque international d’archéologie.
Marseille 3-5 novembre 1999, Aix-en-Provence, 2001
(Études Massaliètes, 7), p. 213-223.
Vajay 1962 = S. de Vajay, Étiennette dite Douce, comtesse
de Provence, dans Provence historique, 12, 1962,
p. 189-213.
Venturini 1984 = A. Venturini, L’évolution urbaine de Nice
du XIe siècle à la fin du XIVe siècle, dans Nice historique,
1984, p. 3-26.
Verne 1891 = S. Verne, Sainte Eusébie, abbesse, et ses 40
compagnes martyres à Marseille, Marseille, 1891.
Le lotissement de l’abbaye Saint-Sauveur de Marseille62 Marc BOUIRON
Annexe
TRANSCRIPTIONS (M. BOUIRON)
[1]. – 14 mai 1050. AD13 61 H 1, pièce 1
La vicomtesse Stéphanie donne au monastère Saint-
Sauveur de Marseille deux tenures au territoire de Toulon près
de Solliès avec l’église Sainte-Marie de Beaulieu dont elle avait
hérité du vicomte Guillaume II le Gros son mari. Le parchemin
a été recopié au XIIe ou XIIIe siècle; nous avons signalé en gras
les interpolations.
Quoniam scripture textus quandoque inter-
vertitur membrane vicio aut prolixa temporum
inter capedine, vel qua alia justa vel probabili
racione ut necesse sit instrumentum simile vetus-
tiori scribere, idcirco presentem scripturam que
nimia temporum diuturnitate fere consumpta
erat, ut ejus semper habeatur memoria, volumus
renovare; hoc est initium : In Christi nomine. Hec est
donatio quem dat domna vicecomitissa Stephania,
femma religiosa, aliquid de proprietate sua que ei obve-
nit de hereditate viri sui domni Willelmi ad cenobium
Sancte Marie Virginis, quod est situs infra muros Massi-
lie. Et est ipsa donatio in pago Tolonensi, in villa que
nominatur Solarios. Hec sunt due tenure in manso cum
presbitero et parrochianis ecclesie beate Marie de Bello
Loco et dono ipsas tenuras cum predicta ecclesia Deo
omnipotenti et Beate Marie et cenobio Sancti Salvato-
ris Massilie, ut Deus dimittat nostra peccata et [d]et
salutem et sapientiam filiis meis et indulgeat delicta viri
mei domni Willelmi. Dono ipsas tenuras cum integro,
cum quantum tenent ipsas tenuras, cum mansionibus,
cum curtis, cum oglatis, cum campis, cum ortis, c[um
mol]endinis, cum aquis [aquar]um, cum omnibus apen-
diciis, cum arboribus pomiferis et impomiferis, cum
montibus et vallibus que ad ipsas tenuras pertinent vel
pertinere debent. In tale vero tenore hoc dono quod
nulla abbatissa vel priorissa neque clericus neque laicus
neque ullus homo, non presumat hanc donationem nec
minuere nec male dispergere, sed ad servicium cotidia-
nis diebus religiosis monialibus mancipare. Et si quis hoc
facere voluerit, primitus in sententia ponatur et sit in
comparatione cum Datan et Abiron et Juda proditore, et
incidat in mortem cum Anna et Saphira, et sit maledic-
tus et excommunicatus semper omnique tempore.
Amen. Amen. Fiat. Fiat. Hec scriptio facta est mandanto
domina Stephania cum manu Stephani Kantoris, tem-
pore Joffridi vicecomitis Harelathensis et Massiliensis,
sub Poncio episcopo sedis Massilie, pridie idus maii,
anno ab incarnatione Domini nostri Jhesu Christi Mo Lo,
indictione tertia. Bertrandus et Petrus, frater ejus, fir-
maverunt et laudaverunt.
[2]. – janvier 1187 (n. st.) AD13 61 H 1, pièce 4
Vente par Ansaldus Mutius à Pandulfus et sa femme
d’une maison et de ses dépendances, sise près de sa maison,
relevant du monastère Saint-Sauveur, pour le prix de 30 livres
et 10 sous de royaux. Pandulfus en reçoit l’investiture.
In nomine Domini [crux]. Anno Incarnationis ejus-
dem Mo Co LXXXVI, mense januarii. Notum sit omnibus
hominibus quod ego Ansaldus Mutius per me et per
meos heredes vendo, trado et concedo consilio A. abba-
tisse, tibi Pandulfo et tue uxori et omni vestre posteritati
scilicet domum meam cum omni suo tenemento que est
vicina mee domus et retro cum fundo Ansaldi et a
levante cum domo que fuit Raimundi Neulongi et ante
via publica. Et ego Ansaldus Mutius confiteor in veritate
me habuisse a te Pandulfo precio staris triginta librarum
regalium et decem solidorum. Et totam istam domum
ego Ansaldus cum omni tenemento domus promito sal-
vare et ratione defendere et si plus valet precio predicto
illam magis valentiam tibi et tuis donamus, et de omni
jure meo deinvestito me et investio te Pandulfum et tuos
de laudismo domine abbatisse, facto consilio Ermenjarde
et Marie de Nemauso. Et fuit testis et sunt testes : Ospi-
nellus et Augerius, W. Archimbaudus, Jacobus Surivius.
Et de venditione domus que fecit Ansaldus Mutius sunt
testes Stephanus de Gaiano, Raimundus Gadainiator,
Guiraldus de Malencio, Guillelmus Benedictus,
W. Archimbaudus. Et in audientia istorum testium reti-
nui mei et meis annuatim duos solidos in vigilia Nativi-
tatis Domini, et cum venderetur domus retineo mei et
meis tredecimam partem preciis. Et in presentia istorum,
ego Ynguo, filius Ansaldi Mutii, hanc venditionem tibi
Pandulfo et tuis concessi. Et ego Bernardus de Portali
dominorum Massiliensis notarius hanc cartam scripsi,
mandato Ansaldi et filii sui Ynguonis.
[3]. – février 1188 (n. st.) AD13 61 H 1, pièce 5
Marie, femme de Guillaume d’Osca, remet à Augier et son
associé Stéphane de Gaiano, les clefs des maisons en garantie
de la somme de 200 sous de génois qu’il leur devait, et retient
lesdites maisons à titre de location jusqu’à la prochaine fête de
Pâques, sous le loyer de 6 sous par mois.
In nomine Domini, amen. [crux] Anno Incarnationis
ejusdem millesimo centesimo octuagesimo VIIo , mense
63
februarii. Notum sit omnibus hominibus quod ego
Maria, uxor que sum Guillelmi de Osca, scio et profi-
teor quod maritus meus predictus debet tibi Augerio et
socio tuo nomine Stephano de Gaiano CC solidos
januinum, pro quibus scio quod dedit vobis regressum
super istas domos in quibus sto. Et propter veritatem
quam scio, inde reddo tibi Augerio claves domorum
pro pignore ducentorum solidorum et tua voluntate et
mea retineo domos istas ad loquerium, pro quibus pro-
mitto tibi pro loquerio usque ad proximum (sic) Pas-
cham per unumquemque mensem VI solidos dare. Et
cognosco et scio quod domina abbatissa concessit tibi
Augerio et socio tuo predictas domos pro pignore pre-
dictorum CC solidorum. Et si potero allegare adversus
vos aliquam rationem, illam (sic) desamparo donec
sunt vobis soluti CC solidi predicti. Testes sunt : Guil-
lelmus Pandulfus, Raimundus [blanc], Bernardus de
Someire, Robertus de Garons. Et ego Bernardus de
Portali notarius hanc cartam scripsi mandato Marie.
[signum]
[4]. – 25 août 1204. AD13 61 H 2, pièce 8
Bail à acapte passé par l’abbesse Ermeline en faveur de
Guillaume Amat et sa postérité d’un honor sur lequel il
avait construit plusieurs maisons, sous l’acapte de 40 sous de
royaux coronats et au cens annuel de 6 sous, payable à la
Saint-Thomas.
(à l’envers) A B C D E F G H J K L M
In nomine Domini. Anno Incarnationis ejusdem
Mo CCo IIIIo, mense augusti, indictione VI, in die festo
sancti Genesii. Tam presentibus quam futuris sit mani-
festum, quod ego Ermelina Dei gratia monasterii Sancti
Salvatoris abbatissa, voluntate et assensu totius
conventus donamus, laudamus et concedimus pro
acapto XL solidorum regalium coronatorum tibi Guil-
lelmo Amato et omni tue posteritati scilicet : illum
honorem totium quem pro nobis tenes et habes, et in
quo honore tu Guillelme habes domos edificatas et
cetera. Et habet hic honor acapti per frontem cannas
viginti ex parte ponentis, et ex parte meridiei debet
habere cannas tres per frontem; et domus Gauterii Sar-
toris est ante tuam domum, via mediante et a parte
orientis tenet se hic honor cum domo et cum patuo
Raimundi de Serra et a septentrione terminatur patuo
qui est ante portam staris infantium Pontii Moreti, ex
parte meridiei; et habet patuus ille qui non est in hoc
acapto per frontem tres cannas et tenent se huic
acapto, et ex parte ponentis terminatur cum domo
Johannis Fusterii et cum honore Johannis Moreti
[blanc] et cum platea monasterii, via mediante. Et in
hoc honore possis tu et tui domos tuo arbitrio edificare
et edificium et locum edificii cuicumque volueris, que-
sito consilio nostro et assensu nostro, donare, vendere,
permutare vel alio aliquomodo alienare, exceptis sanc-
tis et militibus, nisi salvo jure nostre (sic) Sancto Salva-
tori. Retinemus tamen quod nulla persona possit in
hoc honore acapti edificare ecclesiam neque furnum
neque supercensum ibi apponere. Et pro censu predicti
honoris dabitis nobis annuatim in festo beati Thome
apostoli ante Natale Domini sex solidos publice
monete. Profitemus nos habuisse a te Guillelmo Amato
predictos XL solidos acapti de quibus nichil penes te
remanentis sit indebito. Et renunciamus exceptioni
non numerate pecunie. Et per stipulationem promitti-
mus tibi et tuis hoc predictum acaptum ab omnibus
personis salvare et devire (?) defendere. Actum est hoc
in crota juxta portam. Testes sunt rogati : Raimundus
Julianus, Petrus Anglicus, Raimundus de Serra,
Johannes Gariberni, Bernardus filius suus, Pontius
Scriptor de Ripa, Bernardus Amati, Raimundus de Nar-
bona pintor, Raimundus de Sancto Salvatore, Petrus
Pico, Raimundus Gascus, Deus Lo Fal. Ego Bernardus
de Portali, publicus notarius dominorum Massilie hanc
cartam scripsi, jussu domine abbatisse et totius conven-
tus et testium rogatu (sic). [signum]
[5]. – 13 avril 1205. AD13 61 H 2, pièce 10
Vente d’une maison par Pontia veuve de Léon et ses
filles Riquelda et Rixenda, à Pierre Serrailler, au prix de 6
livres de royaux coronats, sous la directe du monastère Saint-
Sauveur, au cens de 3 deniers et une obole.
In nomine Domini nostri Jhesu Christi amen.
Manifestum sit omnibus hominibus hanc cartam
audientibus quod ego Pontia, uxor quondam Leonis et
nos sorores, filie ejusdem Riquelda et Rixenda, per nos
et omnes nostros bona fide et sine dolo cum hac
publica carta vendimus, tradimus et titulo perfecte
venditionis concedimus inperpetuum tibi Petro Cer-
rallerio et tuis, et cui vel quibuscumque alienationis
specie concedere volueritis, domum nostram cum suis
omnibus pertinenciis que ibi pertinent vel quam perti-
nere debent aut possunt. Que domus contiguatur ex
una parte vie publice qua itur ad Sanctam Mariam de
Acuis, alia parte domui quam meo (sic) vendimus Ber-
nardo Gaiberno, ex alia parte vie publice qua itur ad
portum et ex alia parte domui Galterii Sartoris; precio
sex librarum regalium coronatorum quas a te habui-
Le lotissement de l’abbaye Saint-Sauveur de Marseille64 Marc BOUIRON
mus et recepimus in integrum et in quibus ex certa
sciencia renunciamus exceptioni non numerate pec-
cunie. Et predictam domum promittimus sollempniter
tibi et tuis ab omni persona vel personis de jure defen-
dere et salvare, ita quod si in parte vel in toto, a te vel
a tuis inde ablatum vel evictum fuerit, totum tibi vel
tuis per stipulationem restituere promittimus, de qua et
pro qua evictione donamus tibi et tuis in regressum et
in pignus omnia bona nostra habita et habenda. Et si
predicta domus plus valet vel in antea plus valuerit,
totum illud sponte et nostra liberalitate tibi et tuis
donamus et concedimus imperpetuum pro eodem pre-
cio supradicto, et in te et tuos ex certa sciencia trans-
ferimus et investimus inde te et tuos et divestimus inde
nos et nostros. Et promittimus nos nulla racione nul-
laque juris subtilitate, ullo loco vel tempore contra pre-
dictam domus venditionem seu contra magis valencie
donacionem venturas, inmo firmam et illabatam omni
tempore observaturas sicut unquam melius potuit vel
meo potest vel deinceps poterit, ad tuum proficuum
(?) vel tuorum a clerico vel laico dici scribi, intelligi
sine excogitari, renunciantes inde Velleiano et ecclesia
(?) omni alii juris beneficio et legum auxilio, scripto
vel non scripto, divino vel humano, nobis competenti
vel competituris, racione minoris etatis vel muliebris
sexus. Hec omnia supradicta et singula firma et rata
tenere et fideliter in omnibus et per omnia complere et
observare et contra non venire, non cohacte in nullo
decepte sed de bene placito tibi et tuis per stipulacio-
nem promittimus et ad majorem cautelam nos tres
memorate, tactis sacro sanctis evangeliis juramus. Et
ego Ermelina Sancti Salvatoris abbatissa voluntate et
assensu tocius conventus et capituli monasterii nostri
Sancti Salvatoris, laudo et concedo tibi Petro Cerralle-
rio et tuis predictam domum ad omnes voluntates tuas
tuorumque inde plenarie faciendas ad dandum, ven-
dendum permutandum, obligandum seu quolibet alie-
nationis titulo alienandum, exceptis sanctis et militibus
et locis religiosis et supercensu, salvo tamen ibi jure ac
dominio et censu monasterii Sancti Salvatoris qui est
trium denariorum et oboli predicto monasterio et nobis
annuatim in vigilia Natalis Domini prestandus et deffe-
rendus. Et scio et recognosco me hujus venditionis
tretzenum habuisse et recepisse. Actum fuit Massilie in
predicto monasterio in quadam crota infra primam
portam. Anno Dominice incarnationis Mo CCo Vo,
indictione septima, idus aprilis. Hujus rei sunt vocati et
rogati testes : Guillelmus Sardus, Johannes Longus,
Bernardus de Montello, Petrus Rapallinus, Stephanus
Bergundio, Ugo Brunus, Ferminus Espaserius, Ugo
capellanus sancti Laurencii, Petrus de Cahors. Et ego,
Guillelmus Charelli, publicus notarius qui mandato et
rogatu utriusque partis hanc cartam scripsi. [signum].
[6]. – 13 mai 1207. AD13 61 H 2, pièce 11
Notice de sentence arbitrale rendue par Raymond Julien
et Pons Scriptor, condamnant l’abbaye à désemparer à
Anselme l’aîné la moitié des trézains sur un honor relevant
du monastère, acquis par ledit Anselme de Raymond de
Cavaillon.
Controversia erat inter Ermelinam, Sancti Salvatoris
abbatissam, et Raimundam sacristanam et alias
moniales ejusdem monasterii Sancti Salvatoris, ex una
parte, et Anselmum majorem ex alia parte, coram Rai-
mundo Juliano judice predicti monasterii et Pontio
Scriptore, electis hinc inde arbitris, super quodam
honore quem Anselmus emit a Raimundo de Caval-
hone. Qui honor erat et est in dominio predicti monas-
terii. Qui annuatim servit in Natalis Domini eidem
monasterio XII denarios regalium coronatorum. Volebat
enim Anselmus dare aliis personis de predicto honore
ad acaptum; predicta autem abbatissa hoc contradice-
bat, eo quod dicebat totum tretzenum inde proveniens
(sic) cum homines venderent, de jure dicto monasterio
pertinere. Tandem predicti arbitri, audita utriusque par-
tis causa et racione et diligenter inquisita predicte
controversie, voluntate et assensu utriusque partis,
amicabili composicione determinaverunt. Dixerunt pro
mandamento quod domina prefata abbatissa et
moniales ejusdem monasterii darent in perpetuum
medietatem tocius tretzeni prefato Anselmo et suis,
quod incontinenti a prefata abbessa et Raimunda sacris-
tana et Comtada et Cecilia et Flandina, voluntate et
assenssu tocius conventus et capituli, factum est.
Ideoque Anselmus promisit ibidem per stipulacionem,
per se et successores suos, predictum monasterium
manutenere, et alteram medietatem tretzeni dicto
monasterio quiete et fideliter reddere, verumptamen
(sic) super vel heredes sui venderent totum jus quod in
predicto honore habent, totum tretzenum prefato
monasterio redderent. Et utraque pars hanc composs(e)
cionem et hoc mandamentum prompta voluntate
approbavit. Actum fuit in quadam crota Sancti Salvato-
ris, anno Dominice incarnationis Mo CCo VIIo, indic-
tione nona, tercio idus maii. Hujus rei sunt vocati et
rogati testes : Bertrandus Rostagnus, Bricius de Alau-
dio, Raimundus de Salis, Gaufridus Lanberti. Et ego,
Guillelmus Charelli publicus notarius qui mandato et
rogatu utriusque partis hanc cartam scripsi. [signum]
ABCD EFGHI KLMNOPQ
65
[7]. – 21 juillet 1214. AD13 61 H 2, pièce 12
Commission déléguée par le pape à Michel de Mourèze,
archevêque d’Arles, et Bertrand, doyen de l’Église d’Arles,
pour résoudre le différend entre Hermeline, abbesse de Saint-
Sauveur, et Ancelme Fer, à propos de la possession de maisons
proches des Bains. Nous donnons ici les extraits du texte qui
concernent plus directement les aspects topographiques.
A B C D E F G H I K L m N O P Q R S T V X Z
In nomine Domini. Anno ab incarnatione ejusdem
millesimo CCo XIIIIo , XIIo kalendas julii, indictione
prima. Sit notum omnibus hominibus hanc publicam
cartam audientibus, quod controversia erat inter domi-
nam Ermelinam abbatissam monasterii Sancti Salvato-
ris, agentem pro eodem monasterio et pro conventu
ejusdem monasterii, ex una parte, et Ancelmum Ferum
ex altera, coram domino Michaelo, Arelatensi archi-
episcopo, et Bertrando, eidem ecclesie decano, judicibus
a domino papa super illa controversia delegatis. Que
controversia talis erat : petebat siquidem predicta abba-
tissa ab Ancelmo Fero jamdicto nomine monasterii et
monialium Sancti Salvatoris domos quas tenet Bernar-
dus Cors ante balnea, via publica in medio, que
confrontatur ex una parte cum domibus Bertrandi de
Loberiis, et ex altera parte cum domibus quas tenent
filie quondam Ospinelli, et ex alia parte cum via
publica; et domos quas tenent filie quondam Ospinelli,
que confrontantur ex una parte cum domibus jamdictis
quas tenet Bernardus Cors, et ex alia parte cum via
publica, et ex alia parte cum domibus quas tenent filii
quondam Ga[nd]ulfi de Stamera; et medietatem domo-
rum que fuerunt Gandulfi de Stamera, quas tenent filii
ejusdem Gandulfi de Stamera, que confrontantur cum
duabus viis publicis ex duabus partibus, et ex alia parte
cum domo in qua stat Ansaudus de Agrillano, et cum
domo quondam Guillelmi de Arata, et ex alia parte
cum fundico quod tenent filii quondam Jacobi d’Al-
farda et cum domibus quas tenent filie quondam dicti
Ospinelli; et casale quod est ante balnea quod tenet
Cecilia filia quondam Guillelmi de Civitate, uxor quon-
dam Stephani de Bonsonesco, et confrontatur cum
domibus Petri de Sancto Jacobo et fratrum ejus, et ex
duabus partibus cum duabus viis publicis; et domos
Petri de Sancto Jacobo et fratrum ejus, que confrontan-
tur cum jamdicto casale dicte Cecilie, et ex alia parte
cum domibus Guitelmi de Caransone et filiorum quon-
dam Olrici de Caransone, et ex aliis partibus cum viis
publicis; et domos Guitelmi de Caransone et filiorum
quondam Olrici de Caransone, que sunt ante domos
quondam Aicardi de Arata, et confrontantur ex una
parte cum domibus prenominatis Petri de Sancto
Jacobo et fratrum ejus, et ex tribus partibus cum tribus
viis publicis, scilicet a meridie et ab occidente et a sep-
tentrione; et duas [c]annas et plus per frontem domo-
rum que fuerunt Guillelmi de Arata, que sunt ante
domos predictas quas tenent Guitelmus de Caransone
et filii quondam Olrici de Caransone, que confrontantur
cum domibus predictis quas tenent filii quondam Gan-
dulfi de Stamera; et domos quas tenet Ugo Benedictus
que ex una parte confrontantur cum forneracio quod
est ante balnea, et ex alia parte cum via publica. Dice-
bat enim predicta abbatissa hec omnia que superius
sunt petita, esse de dominio monasterii et monialium
Sancti Salvatoris, et ad ipsum monasterium et ad
moniales ejusdem monasterii pertinere. Et contra
Ancelmus Ferus predictus offerebat se liti defendendo
possessores predictarum possessionum quia predictas
possessiones ab eo tenebant, et ei censum inde presta-
bant. Qui Ancelmus Ferus peratus negabat possessiones
predictas ad jus et ad dominium dicti monasterii et
monialium Sancti Salvatoris pertinere. Hec et alia ab
utraque parte allegabantur. Tandem visis et auditis
utriusque partis rationibus et disputacionibus hinc inde
propositis, placuit partibus predictis ut predicti judices
delegati predictam controversiam per amicabilem
compositionem terminarent, quam compositionem
uterque pars et omnia infrascripta firma et in corrupta
atque in comota, in perpetuum tenere et custodire et
complere et attendere et perficere et nunquam in ali-
quo vel in aliquibus contravenire per stipulationem ad
invicem promiserunt, sub pena quingentarum marcha-
rum argenti a parte parti per stipulationem promissa, si
contra infrascriptam formam aliqua partium aliquo
tempore venire atemptaret. Ad hec nos Guillelmus de
Sancta Maria et Ugo Andreas et Ancelmus filius quon-
dam Guillelmi Ancelmi, mandato predicte abbatisse
conventus monasterii Sancti Salvatoris et specialiter
Ugue de [Au]riolo priorise dicti monasterii et Flandine
de Rocavaira sacristane et Flandine de Vellaus et Ugue
Arelatis et Marte et Stephane et Mabilie de Nemauso et
Adalmueis de Gingnaco et Marie Bonafasie et Adalais
d’Albis et Adalmueis de Auriolo et Beatricis et Mabilie
de Sancto Martino et Douceline de Auriolo constitui-
mus et obligamus nos proprios debitores et principales
solutores quisque nostrum insolidum promitentes tibi
predicto Ancelmo Fero et tuis pro predicta pena quin-
gentarum marcharum argenti, a nobis tibi et tuis, in
pace et sine omni controversia, prestanda si abbatissa
vel monasterium vel conventus Sancti Salvatoris contra
infrascriptum mandamentum vel contra aliquid de
Le lotissement de l’abbaye Saint-Sauveur de Marseille66 Marc BOUIRON
infrascriptis venire presumpserint; et inde omnia bona
nostra mobilia et imobilia corporalia et incorporalia
movencia et semovencia habita et habenda tibi et tuis
nomine pignoris et ypothece obligamus firmiter et
astringimus renunciantes ex certa sciencia judiciis XX
dierum et dilationi IIIIor mensium et omni alii dilationi
et illi legi que dicit quod proprius et principalis debitor
prius conventatur quam intercessor et epistole divi
Adriani et nove constitucionis beneficio et omni juri
per quod possemus nos tueri vel juvare adversus te vel
tuos quod unus sine altero non posset conveniri et
omnibus auxiliis legum decretorum et decretalium
monasterio et monialibus Sancti Salvatoris competenti-
bus et nobis, ex parte monasterii et monialium Sancti
Salvatoris, competentibus. Similiter et nos Augerius de
Mari et Karulus de Mari et Durantus de Jherusalem,
mandato dicti Ancelmi Feri, constituimus et obligamus
nos proprios debitores et principales solutores quisque
nostrum insolidum promitentes vobis domine Ermeline
dicti monasterii Sancti Salvatoris abbatisse et moniali-
bus prenominatis, pro predicta pena quingentarum
marcharum argenti a nobis abbatisse et monialibus
monasterii Sancti Salvatoris, in pace et sine omni
controversia, prestanda si dictus Ancelmus Ferus vel sui
contra infrascriptum mandamentum vel contra aliquid
de infrascriptis venire presumpserint et inde omnia
bona nostra mobilia et immobilia corporalia et incorpo-
ralia movencia et semovencia habita et habenda vobis
et monasterio et monialibus ± omnibus Sancti Salvato-
ris nomine pignoris et ypothece obligamus firmiter et
astringimus renunciantes ex certa sciencia induciis XX
dierum et dilationi IIIIor mensium et omni alii dilationi
et illi legi que dicit quod proprius et principalis debitor
prius conveniatur quam intercessor et epistole divi
Adriani et nove constitucionis beneficio et omni juri
per quod possemus nos tueri vel vivare adversus vos et
monasterium et moniales Sancti Salvatoris vel sindicum
vel actorem vel procuratorem earum quod unus sine
alio non posset conveniri et omnibus auxiliis legum
decretorum et decretalium Ancelmo Fero predicto et
suis competentibus et nobis ex parte ipsius Ancelmi
Feri et suorum competentibus promitentes vobis per
stipulationem quod nunquam opponemus abbatisse et
monasterio et monialibus Sancti Salvatoris vel sindico
vel actori vel procuratori earum nos hanc obligationem
fecisse pro persona minoris.
Statuerunt siquidem et mandaverunt predicti
judices delegati, de voluntate utriusque partis, hec firmi-
ter in perpetuum in hunc modum observari, videlicet
quod predictus Ancelmus Ferus et sui omnes predictas
petitas possessiones nunc et in perpetuum habeant et
teneant a monasterio et a monialibus Sancti Salvatoris et
fideles eisdem semper inde existant.
Statuerunt etiam et mandaverunt jamdicti judices
delegati quod pro omnibus supradictis petitis possessio-
nibus serviant Ancelmus Ferus et sui monasterio et
monialibus Sancti Salvatoris III solidos et dimidium
regalium coronatorum annuatim in vigilia festi Sancti
Thome apostoli.
Preterea statuerunt et mandaverunt dicti judices
delegati quod si alique vel aliquo de predictis possessio-
nibus venderentur vel aliquam alienationis spem (spe-
ciem?) distraherentur monasterium et moniales Sancti
Salvatoris medietatem tretzeni tocius precii percipiat
jure dominii et aliam medietatem tretzeni percipiant
Ancelmus Ferus et sui suo jure; pro qua medietate tret-
zeni serviant Ancelmus Ferus et sui monasterio et
monialibus Sancti Salvatoris unum sterlingum argentum
(torum?) annuatim in vigilia festi Sancti Thome apostoli
predicti. Verumtamen emptores et venditores predicta-
rum possessionum primo debent venire coram Ancelmo
Fero et suis ut ab eisdem recipiant laudimium venditio-
nis vel cujuslibet alterius alienationis. Postmodum vero
ipse Ancelmus Ferus et sui, cum emptoribus et vendito-
ribus vel alius nomine ejus vel suorum, debent se repre-
sentare coram domina abbatissa monasterii Sancti
Salvatoris ut ab ea tanque a majori dominia recipiant
laudimium et confirmationem venditionem vel aliarum
quarumlibet alienationum et ipsa abbatissa teneatur illas
venditiones vel alienationes laudare et confirmare.
Item statuerunt et mandaverunt predicti judices
delegati quod quicquid Ancelmus Ferus et sui possent
adquirere titulo emptoris vel alio quolibet modo a domi-
nis vel a dominabus Massilie in predictis possessionibus
vel occasione predictarum possessionum illud haberent
et possiderent in perpetuum a monasterio et a moniali-
bus Sancti Salvatoris, sine novo censu et sine laudimio
et tretzeno ab abbatissa et a monasterio et a monialibus
Sancti Salvatoris tunc requirendis.
Item statuerunt et mandaverunt prenominati judices
delegati quod si de predictis possessionibus aliquid sibi in
dominicaturam Ancelmus Ferus et sui adquirerent et
illud post modum Ancelmus Ferus et sui alienarent
monasterium et moniales Sancti Salvatoris debent
habere et percipere inde totum tretzenum in integrum.
Item statuerunt et mandaverunt dicti judices dele-
gati quod si aliqua vel alique de dictis possessionibus
incidit vel inciderunt usque modo in comissum (-)in
antea incideret vel inciderent totum jus comissionis
cedat lucro Ancelmi Feri et suorum et eis accrescat,
salvo jure et tretzeno et censu supraposito et dominio
monasterii et monialium Sancti Salvatoris.
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Item statuerunt et mandaverunt predicti judices
delegati quod, si controversia vel questio aliqua ipsi
Ancelmo Fero vel successoribus suis vel illis qui ab ipso
possident vel pro tempore possidebunt in predictis locis
predictas possessiones, super omnibus supradictis vel
super aliquo omnium supradictorum moveretur, monas-
terium et moniales Sancti Salvatoris et abbatissa ejus-
dem monasterii debent prestare ipsi Ancelmo Fero et
suis et ipsis qui possidet ab eodem Ancelmo Fero predic-
tas possessiones in prenominatis locis vel pro tempore
possidebet consilium et auxilium de jure litigando per se
vel per alium expensis tamen ipsius Ancelmi Feri nec
tamen monasterium et moniales Sancti Salvatoris
teneantur de evictione.
Item statuerunt et mandaverunt dicti judices dele-
gati quod si pro predictis possessionibus patet Ancelmus
Feri vel ipse Ancelmus Ferus aliquem censum presta-
bant vel prestare debeant monasterio et monialibus
Sancti Salvatoris ante (?) hanc predictam opositionem
quod a eodem censum ipse Ancelmus Ferus et sui in
perpetuum sint quitii et absolati.
Item statuerunt et mandaverunt prenominati
judices delegati quod domina Ermelina abbatissa pre-
dicta et omnes moniales prenominate et totus conventus
ejusdem monasterii Sancti Salvatoris remitant et desam-
parent sive derelinquant Ancelmo Fero et suis, omnia
jura et omnes actiones et peticiones directas et utiles
realeas et personales et mixtas qui monasterio et monia-
libus Sancti Salvatoris competunt vel competere debent
vel competere possunt usque in hodiernum diem,
contra ipsum Ancelmum Ferum et suos; et quod cedant
eidem Ancelmo Fero et suis omnia jura et omnes
actiones et peticiones directas et utiles reales et perso-
nales et mixtas qui ipsi monasterio et monialibus Sancti
Salvatoris competunt vel competere debent vel compe-
tere possunt, usque in hodiernum, contra omnes posses-
sores et detentatores predictarum possessionum; et quod
inde ipse Ancelmus Ferus et sui possint directo et utiliter
agere et experari et proponere actiones directas et utiles
realeas et personales et mixtas nomine suo et opponere
exceptiones et replicationes et jurare de calumpnia sicut
abbatissa et monasterium et moniales Sancti Salvatoris
ante hanc cessionem facere poterant et ipsum Ancel-
mum Ferum et suos tamquam in rem suam procurato-
rem constituant coram, salvo retento quod in
mandamento et mandamentis superius et inferius esse
scriptum vel comprehensum.
Item statuerunt et mandaverunt sepedicti judices
delegati quod pro hac cessione remissione desampara-
tione nomine transactionis daret et solveret ipse Ancel-
mus Ferus, domine predicte E. abbatisse monasterii
Sancti Salvatoris et conventui ejusdem monasterii, quin-
gentos solidos regalium coronatorum; et ita sit pax et
finis de predicta controversia inter partes predictas.
Ad hec ego predicta E. monasterii Sancti Salvatoris
abbatissa et nos omnes ejusdem monasterii moniales
prenominate scilicet : Uga de Auriolo et Flandina de
Rocavaira et Flandina de Vellaus et Uga Arelatis et Marta
et Stephanias et Mabilia de Nemauso et Adadalmueis de
Gingnaco et Maria Bonafasia et Adalais d’Albis et Adal-
mueis de Auriolo et Beatrix et Mabilia de Sancto Mar-
tino et Doucelina de Auriolo confitemur et in veritate
recognoscimus nos habuisse et recepisse numeratione
continua, a te predicto Ancelmo Fero, predictos D soli-
dos regalium coronatorum in quibus ex certa sciencia
renunciamus exceptioni non numerate et tradite nobis
integre peccunie; et inde te et tuos nunc et in perpe-
tuum quitios et absolutos clamamus et pactum de non
petendo tibi et tuis facimus. Et predictum manda-
mentum et predicta mandamenta vel amicabilem
compositionem et omnia supradicta singula et huniversa
in simul et distributive accepta a nobis bene et plenarie
audita et intellecta non errantes, nonchoacte, nonde-
cepte nec in aliquo circumvente videntes apertissime
comodum et utilitatem nostram et tocius conventus
monasterii Sancti Salvatoris, ex certa sciencia laudamus
approbamus et confirmamus; et firma et incorrupta seu
in comota tenere et custodire et nunquam per nos vel
per interpositam personam contra venire vel ex predictis
ad infringere vel revocare tibi predicto Ancelmo Fero per
stipulationem promitimus renunciantes ex certa sciencia
scientes de facto prudentes de jure et cum consilio quam
plurium virorum sapientum qui erant fideles amici pre-
dicti monasterii et tocius conventus ejusdem monasterii
induciis XX dierum et dilationi IIIIor mensium et omni
alii dilationi et omni juri scripto et non scripto divino et
humano legali et canonici civili et pretorio plebicito et
senatus consulto ordinario et extraordinario et consue-
tudinario promulgato et promulgando competenti et
competitur et omnibus decretalibus confectis et confi-
ciendis competentibus et competituris per quod vel per
quas contra predictum mandamentum vel contra pre-
dicta mandamenta vel amicabilem compositionem vel
contra ad predictis venire possemus et ut hec omnia
supradicta singula et huniversa in sunt et distributive
accepta melius compleat et attenditur et perficient; et
firma et in corrupta atque in comota in perpetuum
teneantur et custodiantur ab abbatissa et a monasterio et
a monialibus Sancti Salvaltoris ad majorem cautelam.
Ego E. abbatissa predicta pro me et in anima predicta-
rum monialium, mandamento earum auctoritate predic-
torum judicum a domino papa in predicta controversia
Le lotissement de l’abbaye Saint-Sauveur de Marseille68 Marc BOUIRON
delegatorum, hoc omnia supradicta singula et huniversa
in simul et distributive accepta complere et accendere et
perficere et firma et in corrupta atque in comota in per-
petuum tenere et custodire et nunquam in aliquo pre-
dictorum contra venire de bene placito nostro fratri facta
dei evangelia corporaliter a me tacta juro. Et ego videli-
cet Ancelmus Ferus predictus, auctoritate predictorum
judicum delagatorum, predictum mandamentum vel
predicta mandamenta vel amicabilem compositionem et
omnia supradicta singula et huniversa in simul et distri-
butive accepta a me bene et plenarie audita et intellecta
non errans nonchoactus non deceptus nec in aliquo cir-
cumventus videns apertissime comodum et utilitatem
meam cum consilio quam plurimum (?) prudentum
amicorum meorum ex certa sciencia laudo approbo et
confirmo et firma et incorrupta atque incomota inperpe-
tuum tenere et custodire et nunquam per me vel per
interposita prefata contra predicta vel aliquid de predic-
tis venire vel infringere seu revocare vobis domine pre-
dicte E. abbatisse et predictis monialibus dicti monasterii
Sancti Salvatoris per stipulationem promito renuncians
ex certa sciencia sciens de face(-) prudens de jure indu-
ciis XX dierum et dilationi IIIIor mensium et omni alii
dilationi et auxilio seu privilegio minoris etatis et omni-
bus supradictis singulis et huniversis renuncientoribus a
vobis factis si qui mei competunt vel competere poterunt
ad veniendum contra predictum mandamentum vel
mandamenta vel amicabilem compositionem vel contra
predicta vel aliquid de predictis et ad majorem cautelam
hoc or(-) supradicta singula et huniversa in simul et dis-
tributive accepta complere attendere et perficere et
firma et incorrupta atque in comota in perpetuum
tenere et custodire et nunquam per me vel per inter-
posita personna contra predicta vel aliquid de predictis
venire fr(-) facta dei evangelia corporaliter a me tacta
auctoritate predictorum judicum delegatorum juro de
bene placito meo. In super nos predicti judices delegati
M. et B. auctoritate a domino papa fr(-) predicta contro-
versia nobis prestita anatematifamus et excomunicamus
omnem personam et omnes personas contra predictum
mandamentum vel contra predicta mandamenta vel
contra hanc amicabilem compositionem vel contra pre-
dicta vel aliquid de predictis venientes.
Acta fuerunt hec in Massilia in crota monasterii pre-
dicti Sancti Salvatoris in qua cause ventilatur. Testes fue-
runt ad hoc vocati, rogati et cerciorati : Petrus de Monte
Lauro ecclesie Beate Marie sedis Massilie canonicus et
operarius, Laugerius Negrelli, Ugo Beroardus, Raimun-
dus Julianus, Raimundus de Podio Bono, ejusdem jam-
dicte sedis canonici, Poncius de Jonqueriis, Rostagnus
Laurencius, Petrus Bernardus sacerdos dicti domini
archiepiscopi, Ugo de Podio causidicus, Ugo de Mira-
mars, Batsacys, Elyas de Nazare, Guillelmus Rostangnus,
Guido Dalmacius, Guichardus de Moirenc, Guillelmus
Iterius, Guillemus de Sparra, Arnaudus de Podio, Rai-
mundus de Rocafort, Guillelmus Medicus, Stephanus
Niger juvenis, Rotlandus Bonpar, Rotlandus de Mari,
Ugo Marselles, Jacobus Gandulfi, Johannes Alifalca,
Poncius de Villamare, (-) Aldeberti, Marquesius de Jhe-
rusalem, Guillelmus Marcho, Giraudus Nizes, Rotlandus
Audoardus. Et ego, Guillelmus Martinus publicus nota-
rius Massilie interfui et mandamento predictorum judi-
cum delegatorum et predictarum partium hanc cartam
per alphabetum divisam scripsi et signo meo signavi.
[signum]
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