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Résumé

Une copie anonyme de chartes et d’actes concernant Grosbot conservée à l'évêché d'Angoulême,

offrait la possibilité d'étudier la vie de l'abbaye. Il semble que Grosbot soit une création précoce d'Obazine.

Les comtes et leurs vassaux ont favorisé l'installation de granges dans les plaines à céréales et à vignes, du

Nord-Charente, et le long des vallées depuis les portes d'Angoulême jusqu'aux confins du Limousin. De

l'exploitation directe sous la direction des frères, l'abbaye passe à l'accensement, résultat des abandons et

destructions de la guerre de Cent Ans. Après les guerres de religions, l'abbaye et ses dépendances ne sont

plus que des sources de revenus que se partagent prieur, abbé et régisseur. Les archives notariales qui

complètent le cartulaire confirment cette évolution qu'on pourrait qualifier de traditionnelle.

Ce texte est la version remodelée et amendée de la publication parue dans le Bulletin de la Société

archéologique et historique de la Charente, en 1996.

Martine LARIGAUDERIE-BEIJEAUD

Nef de Grosbot en 1993

A. Larigauderie

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De Fontvive à Grosbot, une abbaye fille d’Obazine en Angoumois

En quittant Angoulême en direction de Périgueux, le voyageur passe à proximité de Grosbot, situé

dans la commune de Charras, canton de Montbron, arrondissement d'Angoulême, Charente. Pour

complexifier la présentation, une fondation religieuse du Xe siècle dans la forêt de Bois-Blanc/ Grosbot,

diocèse et comté d’Angoulême en limite du diocèse de Périgueux, Fontvive devient un monastère cistercien

sous le nom de Grosbot au XIIe siècle.

Les premiers siècles

I Le contexte

La maison de chanoines réguliers appelée Fontvive s’efface au moment où Grosbot apparaît. Il

semble que l'abbaye cistercienne de Sainte-Marie de Grosbot, parfois appelée Fontvive dans les textes

jusqu’au XVe siècle, doit son origine à l'épiscopat, aux chanoines réguliers et au mouvement érémitique dont

est issu Etienne d'Obazine1. Chanoines puis moines, est-ce si surprenant ?

L'épiscopat et les religieux

Qui sont les chanoines de Fontvive ? Ils ne sont pas des moines cloitrés, mais des clercs chargés de

paroissiens, qui disent les offices canoniaux. Vraisemblablement, ils partagent un dortoir et un réfectoire2.

Que pensent les érudits Bénédictins contemporains des chanoines médiévaux ? « Pour des clercs, vivant au

service et du service des églises, la désappropriation individuelle, déjà prônée par saint Augustin et saint

Jérôme, était un idéal que le concile romain du Latran, en 1059, tenta vainement de faire passer dans la

pratique générale. Les légats apostoliques, puis Urbain II en personne, parcourant la France et l’Aquitaine

[…] tout cela encouragea une restructuration du monde clérical et monastique […] La vie canoniale plus

souple et plus fragile […] a vu bien souvent ses établissements passer en d’autres mains, celles des moines

au haut moyen âge3». Dom Jean Leclerq expose que dans la conception de la vie au cloitre et dans la

spiritualité, il ne note pas au XIIe siècle de différence entre les moines et les chanoines réguliers. Ils « ne

pouvaient guère se distinguer que par l’accent mis sur tel aspect de leurs institutions du moment, comme la

cura animarum […]. Dom Leclercq concluait donc à une dualité traditionnelle, cléricale et monastique, dans

la spiritualité des chanoines réguliers ». Les papes Nicolas II et Alexandre II les ont réformés en 1058 et

1063. Enfin, les chanoines sont soit installés par l’évêque et son chapitre cathédral, soit par des laïcs qui

souhaitent un culte régulier pour le salut de leur âme. C’est le cas en Angoumois. L’évêque Girard II de

Blaye autorise l’installation d’un oratoire au Luget en 1121. Ces laïcs sont souvent membres de la familia

épiscopale : un des donateurs en faveur d’Obazine en 1147, Robert de Marthon est le neveu de l’évêque de

Périgueux, Guillaume de Montbron4.

La fondation de Fontvive serait le fait de l’évêque d’Angoulême d’Hugues de Jarnac (973-990)5.

1 Cette étude repose sur les actes déposés aux archives de l’évêché d’Angoulême sans doute par l’archiviste de 1910 à 1922

Léo Imbert. Les dates renvoient à ces textes. S’y reporter pour toutes les références chronologiques. Textes édités dans M.

LARIGAUDERIE-BEIJEAUD, « L’abbaye cistercienne Notre-Dame de Grosbot (Charente), recueil de textes (1121-1791) »,

Bulletin de l’association pour la Sauvegarde du patrimoine religieux de la Charente, (désormais Sauvegarde) n°8, 1998 et

disponibles ici

http://independent.academia.edu/MartineLarigauderieBeijeaud/Papers/979075/Abbaye_cistercienne_Notre-

Dame_de_Grosbot_Charente_recueil_de_textes_1121-1791

Un acte de 1470 parle encore de Notre-Dame de Grosbot, autrefois appelée Font-Vive. Arch. dép. de la Charente, fonds de

Grosbot, H 5, 1-56. Mise à jour de « Grosbot. Situation économique», Bulletin de la société archéologique et historique de la

Charente, n°1, 1999, p. 49-72. 2Leur église sert aux paroissiens. Ils y récitent les 7 heures, les 7 parties de l'office divin en commençant la nuit. Ils suivent la

règle de saint Augustin ou mieux d’Aix (plus proche de celle de saint Benoît).

http://limousin-grandmont.com/cariboost1/crbst_88.html 3Dom J. BECQUET, « Vie canoniale en France aux X

e-XII

e siècles », Londres, 1985, p. 361-363, résume J. LECLERCQ, La

spiritualité des chanoines réguliers, La vita comune del clero nei secoli XI e XII. Atti della Settimana di Studio, Mendola,

settembre 1959, Miscellanea del centro di studi medioevali, t. 3, Milan, 1962, p. 117-141. Prêtres, les chanoines ont la charge de

paroissiens. 4Robert a épousé Emma de La Rochefoucauld. Hugues II de La Rochefoucauld est évêque d’Angoulême de 1148 à 1158.

5F. de CORLIEU, Recueil en forme d’histoire de ce qui se trouve par écrit de la ville et des comtes d’Angoulême, 1576, J.H.

Michon éd., réimprimé à Paris, 1846, p.17. F. de Corlieu ne dit pas Fontvive, il peut y avoir confusion avec la donation de 1147 ou

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Le diocèse d’Angoulême ses extensions modernes, au centre, l’ancien diocèse d’Angoulême. Grosbot en frontière de l’ancien diocèse de Périgueux

Cependant, la paroisse de Charras se trouve à la frontière du Périgord où l’évêque Guillaume de

Montbron (1059-1081) encourage l’installation de chanoines6. Vers 1060, Audoin Borrel et Hugues de

Marthon, frères de l'évêque de Périgueux Guillaume de Montbron donnent à Saint-Pierre d'Angoulême, à ses

chanoines et à l’évêque, en l’occurrence Guillaume II Taillefer (1043-1076) leur oncle, frère du comte

avec un acte passé du temps de la donation à Saint-Pierre d’Angoulême. J. Nanglard reprend le X

e siècle pour la fondation de

Fontvive, Pouillé historique du diocèse d'Angoulême, Angoulême, 1894, t. 1, p. 566. 6E. COMTE, « L’abbaye de Châtres », Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord (BSHAP), t. 30, 1903, p.

72 ; p. 73, dignitaires – actes de Grosbot, 1228. R. VILLEPELET, « Notes et statistiques sur les diocèses de Périgueux et Sarlat

au XVIIe et XVIII

e s. », ibidem, p. 152-153-196, diocèse de Périgueux : Edon, Combiers, Rougnac, Ronsenac, Villebois, Peyrat …

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d’Angoulême, le droit de glandage, de chasse et le bois de construction in foresta de Grosboc7. Les liens

familiaux laissent ouverts la possibilité d’une double protection pour les chanoines de Fontvive dans une

région d’occupation discontinue.

Quoi qu’il en soit, au tournant du XIe-XII

e siècle un mouvement de réforme soutenu par le pape

Grégoire VII se développe dans l'église et concerne moines et chanoines. Des ermites retournent vers une

vraie vie de pauvreté. Ils attirent des fidèles qui souhaitent vivre ce même idéal, c'est ainsi que l'érémitisme

de groupe s'organise et évolue vers le cénobitisme. Certaines de ces communautés sont bien connues dans

notre région8. Elles se rattachent ensuite à diverses tendances canoniales ou monastiques

9. En 1076, Étienne,

fondateur de l'ordre de Grandmont s'installe à Muret. Un autre ermite, Étienne de Vielzot ou d’Obazine

choisit les collines boisées d'Obazine dans les années 1125-112710

. C'est le 12 avril 1142 qu'Étienne de

Vielzot, prêtre, accède à la dignité abbatiale. Dans ces années, comme ses contemporains, il encourage

l'essaimage. Il fonde la Frénade (avant 1148), près de Cognac puis reçoit l’autorisation épiscopale pour

s’implanter dans la forêt de Grosbot11

.

Les chartes attestent l'installation des frères d'Obazine dans cette partie de la forêt d'Horte suivie

d’acquisitions d'Étienne vers 1147-1148 du temps de son rapprochement de Cîteaux : en 1148-1149,

Obazine reçoit la visite de l'abbé général. La proximité d’Étienne avec les canoniaux a peut-être favorisé un

rapprochement avec la communauté préexistante de chanoines de Fontvive, protégée par l’évêque Girard II

qui avait autorisé en 1121 l’abbé Jean de Fontvive à construire une chapelle au Luget. Parallèlement à la

présence obazinienne, vit « une communauté canoniale régulière, et c'est elle qui constitue l'abbaye de

Fontvive12

». Se sont-elles phagocytées ? Fort du soutien cistercien et de ses acquisitions dans la forêt,

Obazine s’impose. C’est d’autant plus facile que les dignitaires sont les mêmes : abbé, prieur, chantre,

cellérier. D’ailleurs, l'abbé Bernard est appelé tantôt abbé de Fontvive, en 1169 tantôt abbé de Grosbot, en

1172 et 1177. Vers 1150, Étienne envoie P., moine d’Obazine pour diriger sa dépendance. C'est ainsi que

Fontvive s’efface, et que Grosbot, fille d'Obazine, devient petite-fille de Cîteaux en même temps que la

maison mère vers 1166, sans doute parce que deux communautés ne peuvent pas survivre dans cette espace.

L’environnement

Doit-on parler de forêt ou de taillis pour ce massif forestier d’Horte et de Bois Blanc ? Romegos, la

forêt de Bois-Blanc, renvoie à un lieu où poussent les ronces13

? La forêt mitée par les installations agricoles,

par les terres, les vignes et surtout les prairies le long des rivières et dans les combes humides, domine le

paysage. Elle court depuis la « forêt du comte » à Touvre jusqu'au « bois du Quéroy » et se poursuit en

Périgord jusqu'au domaine de Brouillac (actuel bois de Beaussac). Les possessions de l'abbaye se

répartissent toute au long de cette Forêt de Dirac-Horte. Elles touchent le domaine du comte, celui du

seigneur de Marthon et joignent à l'est celles du seigneur de La Rochebeaucourt (acte de 1560), de Mareuil

7« Cartulaire de l'Église d'Angoulême », J. NANGLARD éd., Société archéologique et historique de la Charente (désormais

BSAHC), 1889, p. 109, XCVI, en 1060-1075, De burgo de Vosen, bourg de Vouzan et terre de Lépaud à Combiers. (Le chapitre

entretient un forestier, charte CLVI, p. 180). Les donateurs sont des neveux du comte d’Angoulême Audoin II. A DEBORD, La

société laïque dans les pays de Charente, Paris, 1984, p. 494-497. 8Bruno fonde la Chartreuse en 1084 ; le Glandier est fondé en 1219 à Beyssac, Corrèze. Robert d'Arbrissel est à l'origine de

Fontevraud en 1101. Son disciple Géraud de Salle crée de nombreuses maisons : le Bournet en 1113, commune de Courgeac,

canton de Montmoreau, Charente ; Fontdouce vers 1111, Saint-Bris-des-Bois, canton de Burie, Charente-Maritime ; Le Pin, en

1120, commune de Béruges, canton de Vouillé, Vienne ; Cadouin, en 1114, le Buisson de Cadouin, Dordogne ; Dalon en 1114,

commune de Sainte-Trie, canton d'Excideuil, Dordogne, autrefois dans le diocèse de Limoges. J. NANGLARD, Pouillé historique

du diocèse d'Angoulême, 1894, t. 1, p. 551. Dalon initie Obazine à la vie cénobitique. L. GRILLON, Le domaine et la vie

économique de l'abbaye cistercienne de Dalon en Bas-Limousin, thèse dactylographiée, Bordeaux, 1962. 9Et branches cisterciennes : Pontigny (Cadouin en Dordogne), Citeaux (Obazine). Les Grandmontains, d’abord ermites,

s’installent à Rauzet, Combiers, Charente, tout proche. 10

En 1043, Robert de Turlande crée la Chaise-Dieu, qui devient la tête d'une congrégation. L'expérience casadéenne influence

peut-être Étienne d’Obazine. B. BARRIERE, L'abbaye cistercienne d'Obazine en Bas-Limousin. Les origines-le patrimoine,

Tulle, 1977, p. 43-56 et 57-74. 11

La Frénade, commune de Merpins, mais alors diocèse de Saintes, fondé avant 1147. Le Luget, voir paragraphe ci-dessous. 12

Gallia Chritiana, t. II, c. XVIII, col. 455 (le texte dit d’après la Vita, livre II). B. BARRIERE, L'abbaye cistercienne, op.cit.,

p. 83 et suivantes. Moines en Limousin, dir. B. Barrière, Limoges, 1998, p. 172-177, paru après la première mouture de cet article.

Comparaison possible avec les cisterciens d’Échoisy, M. LARIGAUDERIE-BEIJEAUD, « Propos sur l’abbaye de Grosbot »,

Sauvegarde, op.cit., n° 6, 1995, p. 6-15. 13

J. DUGUET, Noms de lieux des Charentes, Paris, p. 98-99. Ronce, du latin rumicem, accusatif de rumex, ronce en bas latin,

P. Robert, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Paris, 1974.

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et celles de Villebois. Grosbot est à la frontière des trois seigneuries de Marthon, Villebois et La

Rochebeaucourt. L'abbaye se situe dans une petite dépression au pied de collines, dans une clairière aux

nombreuses sources. Le nom de Grosbot est antérieur à l'installation des frères comme le prouve la donation

à l’évêque d’Angoulême de1043-1076. Au nom « géographique », les chanoines avaient préféré un nom

plus descriptif, Fontvive.

Obézine, Angoulême Bas Arsac, 1995 (photo A. Larigauderie)

II De Fontvive à Grosbot, un patrimoine varié : rentes, dîmes et … églises paroissiales

Fontvive a l’honneur des premiers actes conservés. Après avoir reçu des biens au Luget (lucus,

bois) l’abbé Jean et ses chanoines obtiennent de l’évêque Girard l’autorisation de construire un oratoire en

1121. Le premier don connu à quelque distance de Grosbot vers 1147 concerne le mas de Coudour14

. Robert

de Marthon y donne le droit de pacage pour les porcs du monastère et le bois nécessaire y compris pour le

chauffage. Robert de Gaus complète par le don de tous ses droits et d'une éminée de terre. Les frères

assurent ainsi leur survie économique : l'élevage des porcs leur procure un revenu. Le bois autorise de

nouvelles constructions. Le seigneur du mas Coudour, Robert de Marthon exempte les frères du péage sur

ses terres et dans la forêt de Grosbot. Cela permet de limiter les frais sur le transport des denrées entre

Coudour et Grosbot mais aussi au-delà vers le Limousin ou vers la rivière Charente. La Vita d’Étienne

raconte un miracle : un jour où les frères n’ont que de la bouillie, le seigneur (un Marthon ou un Montbron)

leur fait livrer du pain15

. Les seigneurs voisins, Ramnulfe de Vouzan, Landric de Vilhonneur et Pierre

Blancs de Marthon consolident la situation économique. L'un remet les droits de dîme sur ce mas Coudour

et les autres une rente en froment. Obazine accepte la dot pour la fille de Robert de Gaus qui va certainement

rejoindre le Coiroux16

: on peut imaginer que c’est le choix d’un couvent pour la jeune fille qui facilite

l’arrivée d’Obazine car cette première série d’actes est en faveur de l’abbaye limousine.

14

Girard II, chanoine de Périgueux, évêque d’Angoulême en 1101, légat papal, prend le parti d’Anaclet en 1130 à la mort du

pape Calixte II. Luget, voir ci-dessous. Commune de Vouzan, canton de Montbron (16). 15

M. AUBRUN, Saints ermites en Limousin au XIIe siècle, Brepols, 2009, p. 202-203

16Robert ne choisit pas les Fontevristes de Tusson moins présents sur place. Tusson, canton d'Aigre (16), fondé en 1100,

prieuré le plus connu actuellement. Fontaines en Périgord, cité en 1131, est géographiquement plus proche. J.M. BIENVENU, Les

premiers temps de Fontevraud 1101-1189, thèse dactylographiée, Paris, 1980, t. 1, p. 316.

6

Implantation sur un axe Est-Ouest

7

8

Parallèlement, en 1155 la petite communauté canoniale de Fontvive, bientôt absorbée par Grosbot,

reçoit de l'évêque d'Angoulême, Hugues de La Rochefoucauld l'église paroissiale de Souffrignac17

. Un acte

de 1177 confirme la possession de cette église à l’abbaye devenue cistercienne18

. Si les chartes de la fin du

XIIe siècle ne sont pas conservés, les abbés se repèrent dans les cartulaires. Bernard se trouve sans doute

vers Obazine en compagnie de l’abbé Robert de la Frénade en 1170 ; en 1198, Guillaume assiste à l’abbaye

de chanoines de La Couronne, à côté d’Angoulême à la translation des cendres de Lambert, abbé puis

évêque. La plupart des chartes concernent les dépendances et seront traitées dans ce cadre. Néanmoins, pour

l’abbaye, le roi Plantagenêt, duc d’Aquitaine, Jean sans Terre accorde la sauvegarde de l’ensemble des droits

de Grosbot, peut-être après la mort du comte Adémar vers 1202, dans une lettre reprise par son fils Henri III,

en 1267. Les comtes offrent protection et droit de libre circulation sur les terres et les rivières de

l’Angoumois à Obazine et toutes ses dépendances. Ceci dépasse de beaucoup les seuls intérêts de l'abbaye

angoumoisine. Par exemple, cent muids de sel en faveur d’Obazine remontent la Charente et transitent sur

les terres du comte, libres de tout droit. Grosbot profite de l'exemption de coutume, reçoit sa part de sel, vit

sous la protection du comte. Le comte s'adresse à l'abbé de Grosbot pour sa grange d'Arsac en 1212, mais

traite avec Obazine en 1159, 1164 et 1233 lorsqu'il s'agit de confirmer une redevance importante en sel sur

le port saunier de Cognac. Cet ensemble de chartes et de confirmations exprime l'intérêt de la progression

vers la côte atlantique d'Obazine avec ses implantations de Grosbot, la Frénade, l'édification d'un grenier à

sel à Cognac et les acquisitions de marais salants sur l'Ile d'Oléron19

. En 1234, Hélie de Mareuil confirme les

donations de son aïeul Émery, en particulier pour les produits vendus ou achetés, une exemption de péage

complète dans la châtellenie de Mareuil qui corrobore l’insertion dans les circuits commerciaux en direction

du Nontronnais et du Limousin. Ceci explique que les frères veillent au renouvellement des engagements de

protection : en 1215, l’évêque d’Angoulême Guillaume III confirme tous les privilèges20

. C’est nécessaire

car en 1231, les frères de Grosbot entrent en conflit avec le prieur de Peyrat et le chapelain de Rougnac à

propos de l'église Saint-Maurice de Rougnac et de ses dépendances. Pour retrouver leur droit, les plaignants

reconnaissent à l'abbé une rente de sept sols. En 1290, ils terminent un conflit avec laïc, seigneur de Mainzac

(ci-dessous).

Les frères bénéficient surtout de nombreuses remises de rente, en particulier dans leurs dépendances ou

granges. Au besoin, ils achètent le bien convoité : en 1304, l'abbé rachète la combe Saint-Pierre, près du

moulin d'Arsac. Ils obtiennent aussi des dispenses de dîme, comme à Beaussac sur les productions de blé,

vin, lin, laine, chanvre, le croît des animaux et la volaille. En 1322, ils échangent une saumée de vin au Mas-

Mouvent de Grassac21

. Finalement, Grosbot jouit d’un patrimoine diversifié. Est-il surprenant ? La réponse

négative est corroborée par la nécessité de les rappeler à l’ordre lors du concile de Latran de 1214-1215 : les

Cisterciens ont besoin pour vivre et pour construire leurs maisons de revenus. Pour cela, ils oublient leur

règle.

Les donateurs quant à eux pensent à leur salut, à celui de leur famille, comme l’exprime un acte des

comtes Adémar Taillefer en 1191 ou Hugues de Lusignan en 1233. En plus de leur motivation religieuse les

donateurs cherchent le prestige attaché à une fondation renommée dépendant de Cîteaux. Une aumône

importante rappelle la forte présence du seigneur dans sa châtellenie. Les actes doivent être solennels et

incontestables. Le lieu de la signature et les témoins ont donc un sens. Un acte est scellé dans l’église de

Vilhonneur en 1159, à l'abbaye en 1228, apud Cambonem in camera turris en 1238, au château de La

Rochebeaucourt en ce qui concerne Beaussac en 1294. Les seigneurs signent de leurs sceaux et pour éviter

toute contestation associent leur famille : la mère vers 1161, les frères 1147 ou 1242, les fils en 1149, 1242,

17

Gallia christiana,II, c. XVII, col. 454; c. XVIII col. 455 (1049-1050)

http://books.google.com/books?id=rPl5C1FK-oMC&hl=fr&pg=PP7#v=onepage&q=grosso%20bosco&f=false

B. BARRIERE, L'abbaye cistercienne, op. cit., p. 85-86. Canton de Montbron (16). Sauvegarde: R.C. WATSON, The Counts

of Angouleme from the 9th to the mid 13th century, university of East Anglia, p.132 d’après Rot. Litt. Pat., 14 b ; p. 78, H 5/37.B.

BARRIERE, Le cartulaire de l’abbaye cistercienne d’Obazine, XIIe-XIII

e siècle, Clermont-Ferrand, 1989, n° 300 et 301.

18Acte pour l'abbé Bernard appelé dans les textes tantôt abbé de Fontvive en 1169, tantôt de Grosbot en 1177 dans une charte

de l'évêque d'Angoulême Pierre, Gallia, col. 455, XVIII. 19

B. BARRIERE, Le cartulaire de l'abbaye cistercienne d'Obazine (XIIe-XIII

e s.), Clermont-Ferrand, 1989, p. 218, chartes n°

297-298-299, et 254, p. 195 n° 254-255 pour le don par Itier III de Cognac d'un terrain, et aussi acte de 1233. 1234 : A.

MONDON, Notes historiques, op.cit., p. 223. 20

Gallia Chritiana, t. II, c. XVIII, col. 455. A. MONDON, Notes historiques sur la Baronnie de Marthon en Angoumois,

1895, Marseille 1980, p. 221. Les renseignements fournis sont inclus dans cette version de l’article bien que les sources ne soient

que rarement citées. 21

H 5/37/1, 1322.

9

et un mari car Guillelme en 1272 ne peut agir seule... Les témoins sont nombreux et viennent de fiefs faciles

à regagner à cheval. Une charte scellée par l’évêque prend plus de poids. On trouve également des abbés

comme celui de Cellefrouin ou Saint-Cybard, celui de Figeac qui a un prieuré à Charras, le prieur des

chanoines de Peyrat, les archiprêtres celui de Peyrat en 1228, de Bouteville pour la charte de Cognac de

1233, le doyen d'Angoulême pour un acte d'Hugues de Lusignan en 1265. À partir de 1294, apparaît le

garde-sceau du roi, malgré la présence des évêques; cependant l'officialité de Périgueux agit seule en 1303.

La division entre frères convers et prêtres est sensible dès les actes de 1147 où Hugues de

Confolens, convers est témoin de la donation à Obazine aux côtés de Foucaud, moine et des seigneurs.

L’abbé de Fontvive n’est pas convié. En 1228, pour l’acte d’Hélie de Hautefaye, se trouvent du côté des

prêtres P., prieur, A., cellérier (qui administre le temporel), G., chantre. En face des frères sont spécialisés,

avec parfois un métier B., portier, S., charpentier et deux autres convers, frères Robert et P. Baudraus. En

1231, deux donnés sont parmi les témoins : maître J. et le serviteur donné de Bussac. Ces laïcs vivent une

forme de vie religieuse marquée par un engagement solennel. Ils se donnent avec leurs biens, parfois avec

une réserve d’usufruit. L’abbaye utilise leurs compétences. Magistro J., est mentionné après un moine de la

Frénade. Le serviente et donato de Bussaco arrive après un convers et un abbé extérieur22

. Les familiers sont

présents, les tenanciers du mas Coudour, les bergers et leurs chiens à Brouillac en 1242. Ces derniers

transhument avec leurs troupeaux, ils construisent des parcs et des abris de branchages, chassent. Ainsi se

dessine l'organisation de l'abbaye. Tous ces actes permettent à Obazine de s’implanter puis à Grosbot de se

constituer un domaine et aussi d’essaimer 23

.

Grosbot d’après le

relevé de

M.

HORTON,

et K.

ROBSON-

BROWN

M. Larigauderie

III Grosbot et ses granges

Notre-Dame de Grosbot

Grosbot est dans un vallon bien pourvu en eau. Une source à l’ouest dans le pré de la fontaine

traverse les bâtiments. Le pré de l’étang est au sud, celui des serves (bassin) à l’est. Un aqueduc canalise

l’eau vers la vallée et les moulins. Il alimente les serves. La présence des « fonts vives » encourage à penser

que les Cisterciens se sont installés sur le site canonial.

Les bâtiments conventuels profondément remaniés à l’époque moderne s’adossent au mur nord de

22

Sur le rôle des donnés, M. LARIGAUDERIE-BEIJEAUD, Grandmont, de l’ermitage à la seigneurie ecclésiastique, XIIe-

XVIIIe siècles, thèse de doctorat de l’université de Poitiers, dirigée par J. Péret, Poitiers, 2004, p. 65-66.

23Voir A. MONDON, Notes historiques, op.cit., p. 216-217.

10

la chapelle. Ils présentent au rez-de-chaussée de beaux pavements en pisé ou cœur de demoiselles. Le

cloitre conserve, récemment rénovées, la porte et deux baies géminées sous arcade de la salle capitulaire. À

la fin du XVe siècle, les bâtiments sont en ruine, l’abbé Pierre de Rosiers ordonne des reconstructions. C’est

pire après les guerres de religion24

. En 1632, la voûte d’une absidiole présente une fente de la largeur d’un

pied. La couverture fort vieille laisse passer la pluie. Le chœur « sur lequel est assis le clocher vouthé » doit

être recouvert ; la porte est défoncée. La charpente de la nef est en grande partie à l’air. Plus de vitraux, dans

une église envahie par l’eau, où « il est presque impossible de passer ». Deux autels sur les cinq ont disparu

et les autres n’ont plus d’ornements. Le mur bahut du cloître de dix-huit pieds est arasé. Le dortoir est à

moitié démoli, en partie découvert, sans vitre, ni portes ou fenêtres ; les frères dorment sans doute dans des

chambres comme en 1673. « De plus nous avons trouvé les ancien reffectoir, cuizine, despance,

sommelherye, boullangerye, buanderye, cave, guernier, grange, escurye tous ruynés et desmollys ensamble

les muralhes de l’anclos25

». Il semble que les frères sortent de l'église par la porte ouest ce qui permettrait

de situer la chambre des hôtes à proximité du réfectoire. On pourrait donc envisager que les six autres

« chambres », y compris le « trésor » du rez-de-chaussée, se répartissent du nord à l'est. Les maigres revenus

contraignent l’abbé Toussaint Rose à renoncer à se faire bâtir une maison convenable en 1701. Entre 1718 et

1719, le corps de la maison qui joint ladite église et qui donne sur le jardin reçoit une nouvelle charpente à

la Mansart et réparer le clocher. L'entretien des bâtiments agricoles continue en 1791 (maçon, tuiles...). Le

moulin Bernard à Grassac est ruiné. Le moulin à cassotte et le moulin à blé et huile de Font-Palais sont en

relativement bon état.

Que voit-on sur les documents et lors d’une visite ? L’abside de l’abbatiale en hémicycle éclairée

par trois baies en plein cintre était couverte d’une voûte en cul de four. Une coupole sur pendentif,

couvrement popularisé par l’évêque Girard, se trouvait au carré du transept. Il ne reste que le bras sud du

transept. La nef était voûtée en berceau brisé. René Crozet n’hésitait pas à voir une influence augustinienne

régionale dans la coupole, les colonnes couplées et les chapiteaux nus26

. Le cimetière se trouvait de façon

traditionnelle devant le chœur de la chapelle ; il était ouvert aux laïcs. Les fouilles y ont révélé un bâtiment

portant des marques d’incendie violent et de réparations au XVe siècle ; c’est peut-être la chapelle Saint-

Thomas de 1447. Ce bâtiment construit vers 1300 avait abrité un moule de fondeur de cloche. Les fouilles y

ont mis à jour 35 sépultures dans une crypte ou en sarcophages, un ossuaire et des inhumations contre les

murs extérieurs. Le gisant de dame du cloître longtemps vénéré par les dévots qui le confondaient avec

sainte Quitterie est à Charras27

.

Les demandes de sépultures ne peuvent que s’accompagner de dons de rentes. Hormis les donations

à Étienne d’Obazine et celles de 1161, Grosbot apparaît peu dans les actes les plus anciens. Serait-ce parce

que le domaine autour de l’abbaye s’est constitué du temps de Fontvive ? Pourtant l’abbaye a acquis une

certaine notoriété. Un rouleau mortuaire parti de l’abbaye provençale de Silvacane, passe par les abbayes

d’Angoumois et à Grosbot après 118128

. Il met en relief un réseau étendu d’association de prières. Quelques

traces de dons pour bénéficier d’une sépulture demeurent. En 1241, Jean-Robert de Pontmille laisse une

rente à Varaignes. Gui VI de La Rochefoucauld, fils d’Aimery I (mort vers 1250) et de Létice de Parthenay

se retire à Grosbot en 1295. Il y est enterré auprès de ses parents29

; Grosbot a dû figurer dans le testament.

24

Pour une mise au point récente, M. HORTON, K. ROBSON-BROWN, « An aristocratic mausoleum at Grosbot Abbey »,

People and Places. Essays in honour of Mick Aston, ed. By M. Costen, Oxbow books, Oxford, p. 137-165. S. TERNET, Les

églises romanes d’Angoumois, t. II, Paris, 2006, p. 458-461. A. MONDON, Notes historiques, op.cit., p. 239 ; p. 236, vente en

1791. En 1701, l’abbé afferme ses revenus à deux notables qui cèdent cette afferme de 800 livres au prieur Guichardet, aux

mêmes conditions, soit 1200 livres payées à l’avance et 120 livres de pot de vin24

. La pension de l’abbé commendataire est

ramenée à 700 livres en 1706. 25

L’acte suivant, de 1673du recueil de texte donne un inventaire après décès. 26

Le pisé est une technique de pavement à base de petites pierres enfoncées de champ. R. CROZET, « L’ancienne abbatiale

cistercienne Notre-Dame de Grosbot », BSAHC, 1962-1963, p. 155-158. Fouilles de 1196 à 2004, référence ci-dessous. La voûte

s’est effondrée entre le temps du sous-seing et l’achat par Ann Evans et Jonathan Clowes qui ont magnifiquement restauré les

lieux. 27

A. MONDON, Notes historiques, op.cit., p. 227. 28

J-F. COMTE, Ruffec au Moyen Age, l’abbaye carolingienne de Nanteuil-en-Vallée et la seigneurie de Ruffec, 858-

1555,Civray, 2010, p. 90, d’après J. DUFOUR, Recueil des rouleaux des morts, 2006, vol. 2, p. 33 rouleau du laïc Bertand I de

Baux. Il passe à Limoges, Charroux, Nanteuil-en-Vallée Cellefrouin puis Grosbot, et proches le Peyrat (chanoines, archiprêtré),

Ronsenac (clunisien), le Périgord… 29

http://fr.wikipedia.org/wiki/Maison_de_La_Rochefoucauld. Suite au mariage avec Emma de la Rochefoucauld, l’ainé de la

famille de Marthon prend le nom de La Rochefoucauld. Pour une mise au point récente sur la nécropole, M. HORTON, K.

11

Arnaud de Mainzac est enterré dans le cloître, devant le chapitre en 1280.

Dessin de J. George

J. GEORGE, Les Églises de France,

Charente, Paris, 1933, p. 65

En 1315 et 1316, Hugues de La Celle qui dirige la région pour Philippe-le-Bel confirme et fait

renouveler par ses vassaux le droit d'exploit dans la forêt de Rougnac pour tous les besoins de l'abbaye30

.

Seuls sont exclus le don et la vente. Jean de Droys, au château de Villebois ne peut s'opposer au ramassage

du bois. Le paiement du droit de pêche n’apparaît qu’en 1719 ; il est bien évident qu’il est antérieur comme

l’empoissonnement des étangs. Une reconnaissance de 1334 montre que la famille du petit seigneur du

Repaire a acquis des biens qui doivent l'hommage lige à l'abbé31

. Ces tenures comme celle du Masmillaguet

sont en bordure de paroisses entre Gardes et Rougnac. La Bosche se partage entre Rougnac et Grassac.

Que savons-nous du domaine ? Il se partage entre les paroisses de Charras et de Grassac et s’étend

sur 500 journaux, environ 173 ha. Une promenade sur les lieux permet de constater la présence de fossés de

clôture et de chemins. Une chose semble claire : les voies de circulation depuis se sont déplacées. Le chemin

de Charras, partant du portail saint Michel en 1447 (le portail XVIIe de l'abbaye ?) devait gagner Charras par

les Vergerons. Il existait aussi un portail du cimetière. L’observation du cadastre montre l’emprise de la

possession cistercienne depuis les villages de l’Abbatiat et de Grosbot, les métairies jusqu’à la vallée de la

Font-Palais, les bois, les vignes. La toponymie évoque aussi l’artisanat avec les terres des laitiers. Il existe

une tradition ancienne d’extraction du minerai de fer32

. Enfin la Garenne, comme les moulins (en ruine en

1476) et le droit de pêche signent l’apanage seigneurial. Dans les environs, les actes nous décrivent le grand

pré de l’abbaye de Grosbot, situé entre le portail du cimetière, la chapelle de saint Thomas, le Pontet et le

chemin qui va de Charras au portail de Saint-Michel, avec toutes les granges, airaux, vieilles murailles et

vergers ; le mainement de Doumérac consistant en prés, vergers, terres et airaux dans la paroisse de

Grassac, un bois de châtaignier avec les terres environnantes, paroisse de Charras33

. Le fief de la Bréchinie à

Grassac, proche des garennes doit une rente en froment et argent. Le Grand-Nadaud et l’Hermitte font partie

des domaines. Au maine du Soulier la liste des possessions insiste comme précédemment sur les bois, prés,

landes et pacages (1461 et 1466), signe que l’élevage tient une place importante. Grosbot a aussi des droits

dans sa paroisse voisine de Combiers, en particulier sur un pré34

. La tenure du Temple à Villebois doit 2 sols

ROBSON-BROWN, « An aristocratic mausoleum at Grosbot Abbey », People and Places. Essays in honour of Mick Aston, ed.

By M. Costen, Oxbow books, Oxford, p. 137-165 (dans une « chapelle sépulcrale » tombe double du milieu du XIIIe s., sépultures

d’enfants, de nouveaux-nés, femmes ). Gallia Chritiana, t. II, c. XVIII, col. 455. 30

Commune du canton de Villebois-Lavalette qui touche l'abbaye, le village de Grosbot s'y trouve. 31

Commune de Rougnac, canton de Villebois, ainsi que Masmillaguet (alors paroisse de Gardes). H 5/37/2, la Bosche. 32

En 1350, une ferme du prévôt de Villebois concerne l’eymine de fer L. IMBERT, « Comptes de l’Angoumois sous la

domination royale », BSAHC, 1917, p. 105. Les trous de mine sont visibles dans les bois comme les résidus de bas fourneaux

établis en forêt http://www.graht.fr/article.php?sid=27

Les forgerons et cloutiers comme les charbonniers sont nombreux à Charras et dans les communes voisines jusqu’en Dordogne. H

5/12/2vente de la forge de Rancogne (1657-1799). H 5/14 forges de Marthon, 1406, procès au sujet des forêts. 33

Commune de Grassac, canton de Montbron, mais relié par des chemins forestiers à l'abbaye. Airaux : cours, basse-cour, on

trouve aussi aisine. C'est un habitant de Doumérac qui les arrente. A. MONDON, Notes historiques, op.cit., Bréchinie, p. 250, le

Temple, p.256. 34

H 5/47 Saint-Romain près Villebois et 45, pré Roumau à Combiers.

12

et une géline ; elle s’ajoute à celle de Saint-Romain.

En 1376, l’abbé se plaint d’être « pour le fait des guerres à tres grant pouveté et misere et en voye

de laissier à faire le service divin ». Au XVe siècle, le pays est « abandonné, dépeuplé et en partie désert par

l’émigration des habitants causée par le fléau des longues guerres de Guyenne35

». Le chapitre s’efforce de

faire cultiver les lieux marqués par la ruine des maisons et la progression des bois ou des friches. En 1447, le

chapitre arrente le grand pré de l’abbaye, avec ses granges et vieilles murailles, avec recommandation de

labourer les terres avec le plus grand soin, pour 45 sols, 30 boisseaux de froment, 6 poules. En 1470, Pierre

Corbet prend treize journaux de terre en deux pièces contenant des murailles délabrées, paroisse de Charras.

Il dispose de deux ans pour reconstruire une maison de trois travées couverte de tuiles ; en 1484, dans un

bail à cens perpétuel pour 45 journaux le preneur doit lui aussi construire une maison. Un autre la même

année peut prendre du bois de construction. L'abbé Pierre de Rosiers investit Héliot de Rosiers de la totalité

du maine et village du Soulier en 147336

. Héliot sous afferme. L'abbé Pierre de Rosiers arrente « un grand

lopin de combe » entre les Vergerons et Doumérac en 1477 et 45 journaux de terre « présentement en bois

dans la forêt de Grosbot », trente journaux près de Font-Palais, plus une autre pièce de terre et bois à charge

d'y construire des maisons à 3 travées en 1484. Les 4 moulins de Font-Palais doivent être reconstruits

progressivement, les écluses remises en état en 1476. En 1487, Grosbot arrente une maison et certanes

masures situées près du portail de l'abbaye avec un jardin et un petit bois appelé du Châtenet, un mas de

terre et un pré compris dans les franchises, en 1488 c'est un journal et demi de pré. Tous ces actes montrent

l’étendue des destructions et l’effort de remise en valeur après les guerres.

En plus de sa réserve et de ses dépendances directes, Grosbot reçoit des domaines qui lui

permettent d’installer des granges. Une des plus anciennes se trouve à peu de kilomètres à la lisière de la

forêt de Bois Blanc.

35

J 1137, Famille Laroche, situation de la châtellenie riveraine de La Rochebeaucourt, où Jean de la Roche attire les tenanciers

par de nouveaux baux et fait reconstruire les habitations. 36

Héliot, écuyer, habite sa maison noble de Marthon. En 1466, Aimery de Rosier, prêtre, procureur de Pierre de rosier, arrente

le maine du Soulier..

13

Arsac

Arsac, dans la paroisse de Bouex se situe sur le plateau qui domine la vallée de l’Échelle. On peut

supposer que ce domaine provient d’une donation comtale, mais Robert du Puy, écuyer de Bouex, pourrait

être impliqué37

.

En 1212, déjà bien installée, la grange d'Arsac possède des terres à cheval sur deux paroisses, Garat

et Bouex. Hugues de Lusignan confirme les biens donnés par son arrière grand-père et sa grand-mère

Régine, libres de tout droit, coutume et exaction. La mention de ses ancêtres ferait remonter la fondation

d'Arsac au début du XIIe siècle

38. Hugues et le seigneur Foulque demandent à l'abbé et aux habitants de la

grange de renoncer au moulin de Voreuil et autres biens des paroisses de Bouëx et Garat contre une remise

d'arrérages et le droit d'usage et d'exploit sur les terres et forêts de Val Charmel, terres et vignes de saisines,

prés du comte, terres et prés du Dognon. L'abbé et la maison d'Arsac peuvent disposer du droit de pacage

pour leurs animaux dans la forêt de Bois-Blanc, du bois de chauffage et de tout ce qui est nécessaire. Hugues

Jourdain de Pranzac confirme39

. Une autre contrepartie est visible en 1265 : Hugues de Lusignan remet 60

sols lorsqu’il arrente le moulin de Voreuil. En 1304, les frères acquièrent la combe Saint-Pierre, entre le

37

« Livre des fiefs de Guillaume de Blaye, évêque d’Angoulême », ed. J. Nanglard, BSAHC, 1904-1905, p. 175, Robert du Puy

fait un hommage lige à l’évêque pour ses biens à Vieux Arsac et pour son bois de Romegos offert par le comte. Cette forêt porte

toujours le nom de Rommagnoux en 1652. M. DEVEZE, La grande réformation des forêts sous Colbert, 1661-1683, thèse, Paris,

1954, p. 255. 38

Il doit s’agir d’Hugues IX, époux de Mathilde. Un de ses oncles, fils de Vulgrin II Taillefer s’appelle Foulque. Régine n’est

pas connue (proavi nostri et Regine avie nostre). 39

Il a sans doute des droits.

14

moulin d'Arsac et le chemin de La Rochefoucauld. C'est un bien proche du Puy du Dognon accensé à

perpétuité en 132440

. L'abbé récupère une rente en froment qui n'était plus payée en 1332, et en 1346 achète

des rentes en froment à Garat41

. À cette date l'abbaye a abandonné le faire-valoir direct, surtout pour les

biens éloignés. Conséquence de la guerre ou du manque de domestiques, les terres d'Arsac sont en friche.

L'abbé achète alors dans les fiefs voisins des petites rentes en froment livrables à la grange d'Arsac (mai-juin

1346). Les nouvellards remis par le comte en 1451 signalent la remise en culture.

Les accensements permettent de se faire une idée du domaine. Nous connaissons le Puy du

Dognon, les prés au bord de l'Échelle (1329-1365), le moulin d'Arsac, le maine de la Cadoue composé de

terres, vignes, jardins, arbres fruitiers, forêts, cinq journaux de terre le long du chemin de Bas-Arsac à Garat,

des pièces de vigne au Plantier d'Arsac, le Mas-Mouvent. Un acte de 1368, permet se situer le Val Charmel :

l'abbé dispose de vignes au Plantier, près de celles d’Hélie Papalhon et la nouvelle acquisition d'Itier du

Courret touche la forêt en question. Le maine de la Biguerie est entouré de trois pièces de terre de trente

journaux et comprend trois journaux de pré au bord de l'Échelle42

. Le maine du Puy comprend masures,

murailles, jardins, aireaux, dépendances, quatre journaux au lac des Oumes, trois journaux de prés au bord

de l'Échelle (1457) 43

. La mesure est celle de Marthon ce qui laisse supposer un don de ces seigneurs. Le

comte Jean exempte l’abbé du droit sur les novales en 1451. En 1470 la moitié du maine du Grand Arsac

avec le pré du Peyrat au bord de l’Échelle est arrentée à Martial et Félix Faure qui prennent un autre pré au

bord du ruisseau. L'abbé accense aussi un vaste domaine à Jean Renouard entre le Bas-Arsac, la Cadoue, la

route du Quéroy, la Biguerie, soit 61 journaux et il augmente le domaine des frères Bornil situé au Puy44

.

Les actes mentionnent le blé, la vigne, les arbres fruitiers, les légumineuses (1365). Dans la division en

maines, l'abbaye a pris soin de répartir les types de terre. La Biguerie comporte des terres à céréales

chargées d’une rente en froment et des prés dans la vallée de l’Échelle. Le cadastre de 1824 conserve les

microtoponymes « plantiers » alors que le plan révèle le chai et la présence de bœufs.

En 1665, François Normand laisse des rentes plus élevées à Birac (Saint-Germain de Montbron) en

échange de la remise de ses rentes aux Bournis (et Chez-Biard) et de deux messes d’anniversaire annuelles

mais avec un hommage lige et 10 sols à muance de seigneur et de vassal45

. En 1705, le prieur Guichardet

arrente la maison du Bas-Arsac contre 2 mesures d’avoine et une poule avec l’obligation de loger pendant 2

jours les religieux qui viennent chercher leur recette.

Le lieu de Bas-Arsac correspond à Vieux-Arsac dans les textes. Des constructions XIIe

siècle, il

reste un pan de mur nord-sud, monté en blocs parallélépipédiques soigneusement appareillés. Il est percé

d'une baie récemment remontée vers le sud et de deux niches en arc légèrement brisé qui pourraient être

deux placards. Elles sont situées en hauteur au-dessus des marques d'un plancher indiquant qu'il existait un

étage. Côté sud on devine un départ de voûte. L’abbé Nanglard note l'utilisation de la chapelle, devenue

grange sur le plan46

. Elle est en ce temps encore couverte, mais les murs sont rabaissés. Le plan révèle

encore un colombier, le chai, le pressoir, le fournil, les caves sans oublier l’ancienne « chambre et maison

de l’abbaye ». Dans le bâtiment adjacent et dans le puits se trouvent des départs de souterrain, avec une

sortie dans le champ au sud. Sont-ils des aqueducs ? Contre le bâtiment moderne, il reste un passage ou une

cave voûtée, peut-être du XIVe siècle, percée de niches qui auraient pu être des ouvertures.

Au Grand-Arsac les traces sont souvent tardives et éparses ou réemploi : murs de 1,20 m, appuis de

fenêtre moulurés, arcs en accolade du XVe s., piles de portail XVII

e siècle. On peut voir le haut d'une fenêtre

XIIe siècle en réemploi à la Biguerie. La tradition y évoque les souterrains.

Vers l’est, en limite de la paroisse de Pranzac se trouve la grange du Luget aux confins de la forêt

de la Braconne et de Bois-Blanc (Romegos) et à proximité d’une autre rivière le Bandiat.

40

Entre le chemin de Garat à Bois-Blanc et celui de Vieux-Arsac (actuellement Bas-Arsac) à Garat. De dominionus, donjon.

(NIEMEYER, Mediae Latinitatis Lexicon Minus). 41

Commune de Garat, canton d'Angoulême, achat de 2,5 boisseaux, à Denat, Garat. 42

La Bergerie, sans doute la Biguerie ou Bigrie (Bigerie), latin, birguaria, commune de Garat. 43

Commune de Bouëx, canton d'Angoulême, section C du cadastre, près de la Petitie, le déplacement à pied se fait en peu de

temps. 44

Le nom des Bornilh est resté : domaine des Bournis (qui évoque les abeilles). Le Plantier rappelle la vigne, appelée plante. 45

A. MONDON, Notes historiques, op.cit., p. 253 ; 1705, p. 257. 46

J. NANGLARD, Pouillé historique du diocèse d'Angoulême, 1894, t. 1, p. 570. Plan. Martial Chambon donne-t-il une

indication pour la situation de la tour du Chambon de 1228 ? Il existe une seigneurie qui va de Loubert (diocèse de Limoges) à

Cherves, châtellenie de Montbron. J.L. AUGUSTIN, « Une autre histoire du Chambon, châtellenie de Loubert en Angoumois,

BSAHC, 2000, p.179. (Le copiste de la charte de 1448 a noté Chauzat, paroisse inconnue).

15

Le Luget

Cette grange se situe dans une zone où le calcaire dur peut être exploité pour la construction. Sans

oublier que la grange est châtellenie de Marthon, le seigneur de Pranzac qui intervient pour une confirmation

à Arsac pourrait s’être impliqué ou est-ce celui de Montbron?

On peut penser que les Cisterciens ont « hérité » du lieu du Luget. En 1121, l’évêque Girard II

autorise l’abbé de cette communauté antérieure à Grosbot, Fontvive à construire un oratoire, à disposer d’un

cimetière pour les clercs et les laïcs qui y vivent47

. Il les exempte de la dîme sur les terres qu’ils exploitent

eux-mêmes. En 1448, Martial Chambon, du diocèse de Limoges prend à cens le domaine avec ses entrées,

issues, airaux et vergers. Il comporte une chapelle et une maison et aussi deux pièces de terre attenantes

contenant quinze journaux environ et trois journaux de pré au bord de la rivière, le Bandiat. Les rentes

comportent du froment ; l’élevage est évident.

Sur place on peut voir des soubassements médiévaux et des citernes. Grosbot a des droits sur une

maison de Saint-Paul et sur le hameau de Chambaudie à Chazelles, comme sur les tenanciers de la Combe à

Saint-Maurice de Montbron48

. De Pranzac, en se dirigeant vers l’est et en remontant le Bandiat, on rejoint

Souffrignac et Varaignes ou en suivant l’ancien chemin de Limoges et en se rapprochant de la Tardoire,

Écuras.

La vallée du Bandiat jusqu’au Périgord

Les renseignements sur ces biens sont succincts et tardifs. Si l’on recherche les donateurs

plausibles, les seigneurs ou co-seigneurs de Marthon, Pierre Vigier, Pierre Robert, le seigneur de la

puissante famille de Montbron, tous ont des biens et des droits à Mainzac, Souffrignac, Varaignes49

… Or,

l’abbaye possède quelques terres à Marthon et des biens à la Combe, paroisse Saint-Maurice de Montbron.

Elle acquiert la prise de Birac à Saint-Germain50

. Jean Chabrols, chevalier de Feuillade fait une donation en

1197.

Écuras est en limite du Périgord, dans la châtellenie de Montbron, dans une région de bois et de

prairies, mouvante de l’évêque. Louis Decescaud, écuyer y prend pour un bail perpétuel d’un montant élevé

le bois de Puymeru en 148551

.

Mainzac est une seigneurie qui relève de l’évêché d’Angoulême dans une paroisse riche en minerai

de fer, en limite du Périgord. Le donateur est donc un vassal de l’évêque et un Mainzac, mais la mesure est

celle de Marthon. En 1290, suite à un différend, le seigneur de Mainzac concède 7 sols de rente sur le manse

de Flayac ainsi que d’autres rentes en argent, avoine et froment sur des terres, des prés et des biens à

Grassac, près du chemin Ferrat et à Hautefaye (où se trouve la grange de Brouillac). Le maine de Guionnas à

Mainzac est donné à cens perpétuel en 1460, avec plaidures, verger, terres labourées et autres, entrées,

issues, prés et aisines52

. En 1589, le fermier de l’abbaye, Vincent de Villars, « rattache à son château de

Mainzac les prises de l’Hôpital et de la Voûte, d’une étendue de 120 journaux ». La paroisse de Mainzac

confronte celles de Beaussac et de Souffrignac.

A l’époque médiévale les châtellenies de Souffrignac et de Varaignes dépendent de la vicomté de

Limoges et du seigneur de Nontron. En 1155, Grosbot reçoit de l'évêque d'Angoulême Hugues II Tison

l'église paroissiale de Souffrignac53

. L’évêque Pierre de Lomond confirme la donation en 1177. En 1314,

les seigneurs de Rivières laissent en aumône 4 sols de rente due par l’abbaye à Souffrignac. Puis en 1324, un

chapelain de Marthon cède une pièce de terre entre le bourg et la maison des religieux de Biée. La grange de

Biée, abandonnée et délabrée, est donnée par bail à cens perpétuel avec toutes ses dépendances en 1450.

Dans les 120 journaux de terre, se trouvent une chapelle et une chambre et, de plus, au bord du Bandiat, un

47

Luget, (sur la carte de Cassini) commune de Pranzac, canton de La Rochefoucauld. Charte dans SAHC, 1846, p. 120 et 198

E. Castaigne, éd. 48

H 5/50, 1595, Montbron et 51, 1485, Saint-Paul. 49

« Livre des fiefs », op.cit., p. 166-169 ; 186. 50

Arch. Dép. de la Charente, Hv, boite 8, liasses 49 à 51. Les Bournis donnent Birac pour leur anoblissement en 1665, Gallia

Christiana, col. 455. A. MONDON, Notes historiques, op.cit., p. 136. Saint-Germain de Marthon, commune, canton de Montbron. 51

Commune du canton de Montbron. 38 sols, 6 boisseaux d’avoine, 1 chapon, l’accapte. 52

A. MONDON, Notes historiques, op.cit., p. 227 ; 234 ; p. 228 Souffrignac, 1314 et 1324 ; 1589, p. 245. Plaidure: de

plastrum terrain vague, non construit. Chemin Ferrat, empierré et ancien. 53

J. NANGLARD, Pouillé historique du diocèse d'Angoulême, 1894, t. 2, p. 277. A. MONDON, Notes historiques, op.cit., p.

194-197.

16

moulin entièrement en ruines entre le moulin de Puy-Cornu et le moulin de Beytour, (appelé de la Forêt54

).

Les preneurs disposent de 4 ans pour reconstruire le moulin qui doit le tiers de la mouture à l’abbaye. La

rente est forte, seul le moulin laisse un peu de répit face à l’investissement demandé. Comme pour les baux

précédents la transaction se passe en période de reconstruction après les guerres et les épidémies. L’abbé a

en outre quelques rentes près de l’église de Souffrignac et une partie des dîmes de la paroisse. En 1487,

l’abbé afferme les dîmes, cens et rentes de Biée, des Balloteries à Souffrignac et du Cousset à Varaignes

pour 15 livres. Un chemin relie Mainzac à la Beytour par le village de la Grande Forêt.

En 1241, Jean-Robert de Pontmille donne 3 boisseaux de froment de rente à Varaignes pour avoir

une sépulture auprès des Cisterciens55

. Le maine du Cousset à Varaignes comprend sept journaux de pré au

bord du Bandiat, et un journal de jardin56

. Il est donné à cens perpétuel en 1444. La rente subit une

augmentation en 1461 après la période de consolidation. La méture est remplacée par une plus grande

quantité de froment. De Varaignes, on peut gagner Mainzac mais aussi les possessions du Périgord dans la

paroisse de Beaussac, cette zone boisée qui fait suite à la forêt de Charras et de Bois-Blanc. De Beaussac,

comme de Souffrignac ou Varaignes, on se trouve dans la vicomté de Limoges, sur cet axe qui se dirige vers

le Limousin en se rapprochant de Nontron. On atteint ici, la limite est de la forêt d’Horte-La

Rochebeaucourt, dans un diocèse de Périgueux qui s’étend vers l’ouest jusqu’aux portes de Grosbot.

Notre-Dame de Brouillac entre Beaussac et Hautefaye

La châtellenie de Mareuil est mouvante par moitié des vicomtes de Limoges et des comtes

d’Angoulême57

. Les Mareuil rendent hommage au comte d’Angoulême pour leur maison de Beaussac et le

fief d’Aucor qui dépend de Connezac (Hélie de Mareuil est présent à la donation initiale du Mas Coudour de

1147). Visiblement des membres de la famille La Rochefoucauld s’impliquent aussi58

. Voilà pour le

contexte seigneurial de l’installation cistercienne. Brouillac se trouve dans la forêt de Beaussac, diocèse de

Périgueux.

Les toponymes évoquent des espaces boisés : Beaussac, Bociaco (de boscus), Brolat, (broliatum,

petit breuil) voisin du hameau de Plambeau (Plambost, Plainbost) et aussi Hautefaye et Fayemarteau. La

grange de Brouillac, avec sa chapelle mentionnée tardivement, est déjà installée lorsqu'elle apparaît dans une

donation d'Hélie de Hautefaye de 122859

. Il remet cinq sols de rente, libres de tout droit sur une borderie.

54

Souffrignac, canton de Montbron. A. Mondon dit La Beytour (Beynet). Le moulin de Labétour se trouve près d'une maison

de maître XVIIe s. A Biée, il reste seulement une maison de maître de même époque. Le lieu-dit le Plantier rappelle qu'il y avait

des vignes. Rente : 50 boisseaux de froment, 50 sols, 6 gélines. Au XVIe siècle, le détenteur du fief de Beytour a aussi une partie

du village de la Grande Forêt. 55

A. MONDON, Notes historiques, op.cit., 1241, p. 223 ; 1487, p. 238. 56

Avant même 1451, le château de Varaignes appartenait au seigneur de Montbron en Charente. Le Cousset est un arrière fief.

R. de LAUGARDIERE, « Essais topographiques, historiques et biographiques sur l'arrondissement de Nontron », BSHAP, t. 19,

1892, p. 103-111.

http://www.guyenne.fr/archivesperigord/shap/T19_1892/Nontron_Fin.htm

Méture : mélange de céréales, froment, seigle ou orge. La variété rend plus certaine l’obtention d’une récolte les mauvaises

années 20 sols, 3 gélines, 12 boisseaux de froment, 4 boisseaux d’avoine. De Varaignes, on rejoint facilement Montbron et le

Luget, ou Nontron et le Limousin. 57

J. BURIAS, Géographie historique du comté d’Angoulême (1308-1531), thèse, Angoulême, 1957, p. 208. J. NADAUD,

Nobiliaire du diocèse et de la généralité de Limoges, édité par Lecler, Limoges, t. I, 1878, p. 419. 58

Confirmations de S. et H. Cerdang (qui ont des biens à Chalonne) et accord avec Marguerite Chesnel, dame de Chalonne, voir

Obézine ci-dessous et Puymerle. Les Cerdang descendent de la famille des La Rochefoucauld. Un Seguin Cerdan est le frère de

Guillaume Jourdain de La Rochefoucauld (1159-71), Cartulaire de Saint-Cybard, P. LEFRANCQ, éd., BSAHC, Angoulême,

1930, n° 81. A. MONDON, Notes historiques, op.cit., p. 226 pour 1270 ; 1271 p. 228. 59

Commune de Beaussac, canton de Mareuil. Hautefaye, canton de Nontron. Il y a aussi dans le Livre des Fiefs, p. 156,

Guillelmus de Alta Faya, valetus de Bunzaco. H 5 /21, Beaussac, donarions, achats, transactions, 1229-1445.

17

Implantation de la chapelle de

Brouillac : un vallon au milieu

des bois

M. Larigauderie

Cette grange dans la seigneurie de Mareuil, en limite de la paroisse de Hautefaye, est l'objet d'un

conflit en 1242 avec Aimeric et Guillaume de Mareuil. Ils renoncent à tout leur droit sur le mas d'Auzou

(Donzac ?) près de la Fontroubade (à Lussas-et-Nontronneau). Ils donnent aux bergers et à l’abbé le droit de

libre pâture pour tous leurs animaux. Puis ils ajoutent le bois mort et les espèces forestières sans valeur, pour

leur chauffage et pour la construction de cabanes en branchages et de parcs pour les bêtes. Suivent les

interdictions de pacage dans leur forêt et de séjour la nuit avec des troupeaux sur le trajet de Connezac à

Lussas par la vallée de Fontroubade, en bref des indications sur les habitudes des bergers60

. Le mas d’Auzou,

donné par Ithier du Chambon en 1238 relève aussi de la seigneurie de Mareuil. En 1262, Seguin et Hélie

Cerdang confirment les donations de leur famille. Enfin, Gérald Robert de Marthon en 1264 cède tout le

droit sur le mas de l'Eyraudie, près de Brouillac. En 1270, une fratrie prend à cens le maine de la Tocade à

Beaussac, avec une rente à la mesure de Marthon (qui indique l’origine du donateur). En 1271, le seigneur

de Mainzac laisse une rente sur le maine de la Borderie et sur Plaimbost/ Plambeau, et en 1272 une femme,

Guillelma remet sa rente sur le mas de Brouillac à Hautefaye. En 1294, le curé de Beaussac renonce à

percevoir la dîme que lui devait l'abbé Gérald sur le manse de l'Eyraudie et les terres de maison de Brouillac

dans cette paroisse61

. Jean de Malut renonce à tous ses droits sur le manse de ce nom en 1303. L'avancée

vers l'est avec cette grange de Brouillac est antérieure à 1228. Elle se poursuit jusqu’en 1264. En 1310,

l’abbé Pierre reconnaît 10 sols et un setier de seigle de rentes dues au seigneur d’Aucor. Ensuite les

châtellenies de La Rochebeaucourt et Mareuil connaissent les vicissitudes des guerres anglaises62

. Les

arrentements s’enchaînent montrant le souci de remettre les domaines en état.

Un marchand de Beaussac prend à cens les maines et granges de Brouillac, Eyraudie, Faurie, Champoyseau,

le pré Lavaur « incultes et en ruines » en 1451. En 1470 Denis des Fougères prend deux borderies, le

Chastenet de Lagrosse et de la Faurie (tenant au maine des Cullessières) contre une rente en froment et en

avoine, mesure de Mareuil. En 1587, la « prise de la chapelle » est arrentée, peut-être à la suite des

aliénations de temporel sous l’ordre d’Henri III, autorisée par le pape en 1586. En 1647, les détenteurs du

fief sont condamnés à le restituer contre remboursement. Après acceptation, une contestation s’élève pour ne

60

Maintenant Lussas-et-Nontronneau, canton de Nontron ; Auzou, en occitan Dounzou, Donzac (Connezac). Dans le Livre des

Fiefs, p. 155-156, on trouve l’Agiam de Camborn et La Garda, in parrochia de Bunzaco (Robert de la Garde, valet signe l’acte de

1238) ; Guillelmi de Ripperiis, militis, qui a des vignes paroisse de Rochette (Guillaume et Hugues de Rivières, militibus sont

d’autres témoins) : ceci permettrait-il de chercher le Chambon entre Pranzac et la Rochefoucauld ? Voir le Luget. 61

Un repaire de Malut, appartient à la famille de Conan qui possède Connezac. J. NADAUD, Nobiliaire du Limousin,

Limoges 1882, t. I, p. 422. A. RIBADEAU-DUMAS, « Histoire d’un site : Malut », BSHAP, t. CXXXII, 2005, p. 213-229. Le

curé de Beaussac et ses codécimateurs perçoivent 8 boisseaux de seigle à l'Eyraudie/Lérodie à Bruillac et 8 sur les terres de

Brouillac. Achat de 2,5 boisseaux, à Denat, commune de Garat, canton d'Angoulême. 62

Abbé Édouard, Fontevrault et ses monuments, t. I Paris, 1873, p. 301. Les anglais commandés par le comte de Dorset et

Huntington prennent La Rochebeaucourt vers 1430-1445, pillent et brûlent les titres de la maison fontevriste de Fontaine.

18

pas restituer les terres des Petits-Fours63

. Les quelques repères géographiques, à savoir la limite de la

paroisse de Hautefaye, la rivière Nisonne, Lussas, laisse envisager un domaine étendu, avec des cultures

variées blé, vigne, lin, chanvre et l’élevage de moutons pour la laine. Les actes mentionnent une chapelle,

des forges64

. Il ne reste que quelques pierres dans un vallon de la forêt et une fontaine pour garder le

souvenir.

Grosbot a implanté des dépendances dans les paroisses proches de son installation, le long des

rivières en direction de l’est et du Limousin mais aussi vers le nord de l’Angoumois. Les bienfaiteurs sont

les seigneurs voisins, des familles qui ont du poids comme les Mareuil ou la famille comtale. Cette influence

comtale se retrouve pour la fondation de Puymerle.

Sainte-Quitterie de Puymerle

Puymerle est paroisse d’Aussac, dans la forêt de la Boixe, non loin du château comtal de Montignac

et de l’abbaye de Saint-Amant de Boixe. Le domaine est à la limite des châtellenies de Montignac et

d’Angoulême. La grange peut bénéficier du chemin saunier entre la basse Charente (par Saint-Cybardeaux-

Chassenon) et le Limousin, axe utilisé pour le transport du vin. Un acte atteste de la donation en 1191 du fief

de Puymerle, de 80 journaux, en franche-aumône par le comte d’Angoulême Adémar et Alaïs sa femme65

.

En 1242, un même appointement rappelle la fondation par le comte d’Angoulême des prieurés de Ravaud,

grandmontain, et de Puymerle66

.

Puymerle a une petite portion de dîme sur la paroisse67

. Le comte Hugues XII donne en 1266 une

63

A. MONDON, Notes historiques, op.cit., p. 252-253. Les anglais commandés par le comte de Dorset et Huntington prennent

La Rochebeaucourt vers 1430-1445, pillent et brûlent les titres de la maison fontevriste de Fontaine. 64

H 5/22-23, quittance des forges de Notre-Dame de Brouillac, forge près de Pontignat. 1695, p.v. de saisie de coupe de bois. 65

Commune d'Aussac-Vadalle, canton de Saint-Amant-de-Boixe. Vadalle est une étape pour les rouliers. Abbé MAZIERE,

« Communication », BSAHC, t. XI, 1920, p. LVII-LVIII. Arch. dép. de la Charente, J 232-233. Inventaire des titres de la baronnie

de Montignac et Tourriers, 1743, 2 vol. liasse 2, n°4, p. 10. Contestation qui dit que le fief de Puymerle n’appartenait pas à la

famille Arnaud mais à l’abbaye ; vol. 1, p.11. A. MONDON, Notes historiques, op.cit., p. 221. Gallia chritiana, col. 455. 66

J 232, p. 10, liasse 2, n°4, Inventaire des titres de la baronnie de Montignac et Tourriers, 1743. « Le double d’un

appointement daté de l’an 1242, du lendemain de saint Mathieu apotre … qui est pour montrer que le comte d’Angouleme

predecesseur de mondit seigneur le comte… seigneur dudit Montignac et que s’ils ont fondé les prieurés de Raveau et de

Puymerle, ça esté comme seigneur dudit Montignac et non comme estant au comté et chastellenie d’Angouleme ». L’acte serait

d’Hugues X, époux d’Isabelle. Le fondateur serait Adémar/ Aymar Taillefer (comte 1185-1202) et Alaïs/Alix de Courtenay, fille

de Pierre de France, petite fille du roi LouisVI. Pour le prieuré grandmontain de Ravaud, la fondation se situe autour de 1170. M.

LARIGAUDERIE-BEIJEAUD, « Notre-Dame de Ravaud, fondation de l’ordre de Grandmont », BSAHC, 2007-2008, p. 41-54. 67

J. COLLAIN, Pouillé inédit du diocèse, manuscrit, f°43 (Bibliothèque SAHC).

19

rente de vingt sous sur trente qu'il percevait à Puymerle en tant que seigneur de Montignac. Il reconnaît que

l'abbé et ses prédécesseurs ont agrandi subrepticement leur domaine sur ses terres. Il accepte ces grignotages

dans sa forêt sans demander d'arrérages. Cette politique échoue avec le curé de Saint-Amant et celui

d'Aussac. Bien que l’abbé se plaigne de la stérilité et de l’abandon de ses terres, l'évêque lui demande de

régler sa rente de six boisseaux d'orge et six de méture et sa rente en vin en 1325. D’autres litiges éclatent

dans la châtellenie de Montignac. Un manant de la paroisse d’Aussac demeurant à Puymerle n’a pas payé le

guet à Montignac entre 1466 et 1469. En 1482, un témoin signale que la forêt de Boixe a été essartée mais se

poursuit au delà d'Aussac jusqu'à la forêt de Braconne68

. Un conflit s’est élevé concernant l’accense du

profit de droit de chasse de la forêt de Boixe et l’étendue de ce droit. En 1454 Marguerite Chesnel, dame de

Chalonne exempte l'abbé de la rente de vingt sols due à la châtellenie de Montignac. Un dénombrement de

1560 révèle que le seigneur de Tourriers et le comte de la Rochefoucaud, seigneur de Montignac prennent

le sixième denier au péage et foires de Puymerle, la moitié du droit de levage aux péages de ces foires sur les

vaissaux, tonneaux, ails, ognons et autres produits vendus69

. Le lieu est délaissé après la campagne

protestante de 1568. Cependant, un religieux célèbre la messe le jour de la fête patronale, le 22 mai. C’est

aussi l’occasion de la foire70

. Puymerle a des dépendances dans les paroisses des environs et afferme ses

revenus. En 1675, l’acquéreur d’un pré dépendant du mas de Tras le Breuil, paroisse de Xambes, remet 3

livres pour les lods et ventes au fermier des revenus, un laboureur ; il a déjà 2 prés qui doivent 3 sols 6

deniers de rente féodale. En 1790, Arnaud de Ronsenac, propriétaire à Puymerle et fermier des revenus ne

perçoit pas son droit de plaçage sur les marchands. De 1791 à 1793, il fait établir par le conseil municipal

une taxe sur les vendeurs de pain et de vin, mais pas sur les faux, les manches, les fourches et les paniers. Sa

demande éclaire sur les productions échangées. Lors des réquisitions de grain, les habitants signalent que la

majeure partie des terres est plantée en vigne ; les bois fournissent des bûches71

.

Le 8 thermidor an XIII, Pierre Nadaud achète les trente-sept hectares de Puymerle 9600 livres72

. Une

chapelle, dans un bâtiment d'origine romane, fortement remanié existe toujours. Le chainage d’angle et les

fenêtres sont en place. Il reste en outre une citerne, et une partie de rez-de-chaussée voûté, éclairé d’une

fenêtre romane, en mauvais état, un vivier et une fontaine. Pourtant le site était favorable, à un carrefour des

axes est-ouest et nord-sud. En considérant les quelques données disponibles, il semblerait que la fondation

de Puymerle soit à peu près contemporaine de l’installation au nord de l’Angoumois.

Sur les terres de l’abbaye de Nanteuil, au sud du diocèse de Poitiers

Grosbot a reçu des biens, diocèse de Poitiers, dans la châtellenie de Ruffec, dans une région où les

abbayes sont bien installées. Ces biens sont donnés par l’abbaye de Nanteuil-en-Vallée. Est-ce suite à un

arrangement ? Ils se trouvent enclavées entre les terres des abbayes et de leurs prieurés, à Juillé. Les

Fontevristes de Tusson sont implantées à Villesoubis ; l’église Saint-Jean-Baptiste dépend de l’abbaye de

Nanteuil-en-Vallée située à une quinzaine de kilomètres ; l’un des moines réside au prieuré ; les prieurés

des paroisses voisines de Salles de Villefagnan et de la Faye sont des dépendances de Nanteuil. Les religieux

sont seigneurs de Lonnes73

. Juillé et Lonnes sont bien situés sur des terres agricoles favorables à la culture

68

A. F. LIEVE, « La Boixe, histoire d'une forêt », BSAHC, 1880, p. 113. 69

J 232, Inventaire des titres de la baronnie de Montignac et Tourriers, t. 1, p. 280, Anais, liasse 34, 20 septembre 1560

(publié dans « Documents inédits sur l'Angoumois », éd. M.G. Babinet de Rancogne, SAHC, 1876, p. 429). Guet, cote 11. Chasse,

L2 cote 4, p.11, la forêt de Boixe « s’étend depuis le bord de la terre [de Puymerle] jusqu’à la forêt de Braconne, un chemin entre

deux par lequel on va de Coulgens à Angoulême faisant séparation et division entre les châtellenies de Montignac et

d’Angoulême ». 70

J. MARTIN-BUCHEY, Géographie historique et communale de la Charente, 1914, rééd.1996, t. 1, p. 448. A. GAUGUIE,

La Charente communale illustrée, Angoulême, 1868, p.188-189, signale le placement des domestiques le 22 mai et le pèlerinage

contre les maux de tête. 71

J. George, La commune d'Aussac pendant la Révolution, Angoulême, 1910, p.7-8, 13-14. 72

Pierre, frère de Jean de Vadalle, commune d'Aussac. Jean Nadaud, marchand devint maire d'Aussac en 1793. Ils avaient

acheté le domaine et les bâtiments du prieuré grandmontain de Ravaud en 1796, an IV. Ils en ont démoli l'église. M.

LARIGAUDERIE, Recherche sur les prieurés grandmontains de Charente. Architecture et histoire. XIIe-XVIII

es. Mémoire de

D.E.A, Poitiers 1994, p. 133-138. 73

J. BURIAS, Géographie historique du comté d’Angoulême (1308-1531), thèse, Angoulême, 1957, p. 244 ; p. 118-119. J.

NANGLARD, Pouillé historique du diocèse d'Angoulême, 1900, t. 3, Juillé, p. 227 ; Lafaye, (prieuré de Ruffec puis de Nanteuil)

p. 229 ; Saint-Barthélémy de Lonnes, p. 233 (paroisse au XVIIe s.) ; Sales, p. 241 ; t. 1, p. 566. J. MARTIN-BUCHEY,

Géographie historique et communale de la Charente, 1917, rééd.1996, t. 3, p. 231-235. Lonnes, commune du canton de Mansles.

Il existe un village des Essards, section B du cadastre. Juillé, commune du même canton. Bécoiseau, section B. Ruffec, Charente.

20

des céréales et de la vigne ; Juillé a en outre des prairies naturelles.

Le 24 octobre 1172, avec l’accord de son chapitre, l'abbé de Nanteuil cède des terres. Il les limite

par rapport au bois des Essarts de Saint-Benoît, aux Deffends et à l’ancienne voie appelée la Chaussade

(voie des sauniers qui rejoint le Limousin). Les biens sont proches de l’intersection d’un axe nord-sud vers

Poitiers et ouest-est. Les terres dans la paroisse de Juillé versent une rente au vingtième. Grosbot ne peut

établir à Lonnes ni église ni cimetière, ni y dire des messes. En contrepartie, les Cisterciens versent une rente

au cinquième des fruits et sur 6 séterées, 15 sols au prieuré de Salles74

. S’ils mettent en culture ou plantent

de la vigne sur ces séterées, ils remettent la moitié de la dîme au prieur de Juillé. S’ils acquièrent du bétail

auprès de soldats, Nanteuil leur laisse la part de la dîme qui devrait lui revenir. Nanteuil laisse aussi le droit

de pacage sur ses terres, tout le bois nécessaire (châtaignier, chêne, hêtre) aux Essarts, néanmoins après

autorisation du prieur de Salles pour le bois de construction. Les tenanciers font moudre leur grain au moulin

des Essarts ou de Bécoiseau. En dépit de l’engagement de l’abbé de Grosbot et de son chapitre en 1172 de

ne pas dire de messe, une chapelle est construite.

Le maine des Essarts, paroisse de Salles et Lonnes, est donné à bail en 1461 ; une chapelle et une

place contiguë à la chapelle, réservée pour y bâtir une maison de maître en sont exclus. Bertrand et Martin

Bernard et Pierre Coutan s’engagent pour ce bail à cens perpétuel. Ils reçoivent les granges et dépendances,

bâtiments, jardins, trois ouches et en outre sept journaux de terre environ et 3 journaux de terre à planter en

vignes75

. Les redevances sont en argent, froment et avoine. Nous ne savons pas si les preneurs forment un

groupe familial ou une comparsonnerie. Les redevances indiquent des terres fertiles. La maison de maître a

sans doute été construite. Trois fenêtres ébrasées à l'étage d'un bâtiment aux murs épais, un pavage dans la

maison en témoignent. Une grange dîmière et un pigeonnier ont été démolis à la fin du XXe siècle. Un

conflit avec l'abbaye de Nanteuil-en-Vallée en 1479, révèle que Grosbot jouit aussi de vingt journaux de

terres proches, soit dix hectares environ qui doivent 5 sols à Nanteuil. Le conflit rappelle le devoir annuel de

12 deniers tournois portables à la maison de Salles. Les Cisterciens n’ont aucun droit de juridiction, de

seigneurie, de contrainte au moulin banal, ni d'exploit dans les bois : le tout appartient à Nanteuil.

Le maine de Bécoiseau près du bourg de Juillé comprend 106 journaux de terre, soit une

cinquantaine d'hectares, au cœur des possessions de Nanteuil, qui doit les borner. Le procès décharge

Grosbot de toute rente envers Nanteuil. Cependant ce domaine doit foi et hommage et un gant blanc

apprécié 2 sous à chaque mutation de seigneur ou vassal. Grosbot renonce aussi à toutes prétentions sur le

domaine du Couradeau, et ensuite néglige l’hommage. Il est réclamé en vain au XVIIIe siècle

76. Propriété

encore de nos jours d'un seul tenant, en tête de vallon, il n'y reste que les ruines d'une tour d'escalier ouvrant

sur deux bâtiments contigus complètement ruinés. Des souterrains sont signalés dans ces deux lieux. Les

nombreuses rentes en vin et en froment que prélèvent Grosbot sur cette installation comme sur l’ensemble

de ses granges peuvent trouver un débouché à Angoulême et à la foire de la saint Martial.

Notre-Dame d’Aubézine, Obézine

Le nom pourrait rattacher le site à l’arrivée des compagnons d’Étienne d’Obazine dans le comté

d’Angoulême où la Frénade est attestée avant 1148 et où la donation du Coudour date de 1147. Obézine se

trouve paroisse de Saint-Martial, en territoire comtal, dans une position commode pour une maison de ville.

En effet, du temps de la donation, les foires se tenaient au champ Saint-Martial et « c’était là que se faisait le

commerce du sel, qui a été transporté depuis à l’Houmeau» au bord de la Charente77

. La foire qui se tient

dans la paroisse Saint-Martin, sans compter celles de la ville sont également proches. Or l’abbaye limousine

d’Obazine possède la grange de La Morinière avec des marais salants à Saint-Georges d’Oléron dès les

années 1170 et un grenier à sel à Cognac. Les premières mentions renvoient à la progression de l’abbaye

d’Obazine dans notre région.

74

A.F. LIEVRE, « Exploration archéologique du département de la Charente. Canton de Mansles », BSAHC, 1881, t. 4, p. 65,

la voie romaine de Périgueux à Rom, la Chaussade, formait la limite est de la paroisse. Juillé, p. 61-62 ; p. 100-101

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k208927q/f163.image.r=charente.langFR 75

Ouche a le sens de jardin clos de haies, ou de pré souvent proche des bâtiments. 76

A. MONDON, Notes historiques, op.cit., p. 238. 77

F. Vigier de la Pile, Histoire de l’Angoumois (1741) suivi de F. de Corlieu. Recueil en forme d’histoire de ce qui se trouve

par écrit de la ville et des comtes d’Angoulême, J.H. Michon éd., réimprimé à Paris, 1846, p. LVII ; p. 123, 1579, « le sieur

d’Argence disoit ce champ lui appartenir ». J 232, Inventaire, op.cit., liasse 38, p. 292, n° 2, 13 avril 1556, bourg de Saint-Martial.

« Compte de l’Angoumois sous la domination royale, 1349-1350 », publié par L. Imbert, BSAHC, t. VIII, 1917, p. 96, foires de

l’Epiphanie, Pâques… marchés d’Angoulême.

21

Dans un acte de 1212 de l’abbaye de La Couronne concernant des moulins à marée d’Oulmes sur

l’Ile d’Oléron, un frère convers, Guillaume Grimaut d’Obézine, certainement d’Obazine, est témoin avec

Hélie de Forz, neveu de Jean-sans-Terre78

. Un acte d’Hugues X de Lusignan de 1233 offre, outre

l’exemption de coutume, 60 muids de sel sur le port saunier de Cognac en plus des 40 muids donnés

antérieurement à l’abbaye d’Obazine par Bardon, seigneur de Cognac. Les 100 muids, mais pas plus, sont

sans droit de péage sur terre et sur les cours d’eau. La charte propose deux orthographes religiosis de

Obazina et domum Hobezina79

. Une chose est sure : seule la maison mère, Obazine, reçoit les premiers dons

dans la région. Cela est vrai en particulier pour les premières donations à l’origine de Grosbot remises par

Robert de Marthon et Robert de Gaus en 1147, Ramnulfe de Vouzan vers 1161. Hugues X prend aussi

l’abbaye, tous ses membres et toutes ses dépendances sous sa sauvegarde et autorise le libre passage de ses

denrées sur ses terres. Ces privilèges adressés à abbati et conventui de Hobezina en Limousin sont confirmés

en 1258. La double orthographe pour l’abbaye mère nous renseigne simplement sur l’origine du nom à

Angoulême et peut-être sur une filiation ancienne puisque la date de la fondation n’est pas connue, le XIIe

est simplement probable.

Située en dehors des remparts, sous la muraille du parc du château, la chapelle est sur ces voies qui

contournent la ville, chemin de la porte Saint-Pierre à la chapelle d'Aubézine, chemin de la Chapelle à la

Bussatte, à la rivière Anguienne, à la garenne de Crage, à la porte Saint-Martial. Son domaine s’étend dans

les jardins humides de Nige-Chat, et de Fontgrave, dans la seigneurie de l’évêque80

. Non loin de

l'Anguienne, dans l’enclos, se trouve la fontaine, lieu de pèlerinage encore au XIXe siècle

81. Au XIII

e siècle,

une bergère aurait trouvé non loin de la porte du Sauvage et d’un fossé sous les remparts, une statuette de la

Vierge qui ne voulut pas quitter les lieux.

En 1254, Seguin Cerdanh, seigneur de Chalonne, reconnaît tenir en fief, à hommage lige du comte

Hugues de Lusignan la maison d’Obézine et ses jardins82

. Cette reconnaissance corrobore la possibilité

d’une fondation comtale et sans doute une donation à l’abbaye mère limousine. Une branche des la

Rochefoucauld fait-elle partie des donateurs ? Ou prend-elle Obézine en fief, comme un autre officier

comtal Géraud Ramnoul reçoit une dépendance de l’abbaye de Saint-Cybard, la Tranchade83

? En dépit d’un

arrentement précoce, les frères sont présents : pour un jardin et des biens que tiennent de lui les frères

d’Obézine, Réginald d’Orfont rend deux hommages, un lige avec serment de fidélité et un hommage simple

(planum) à l’évêque Robert de Montbron en 126584

.

Une lettre de 1376 du roi Charles V accorde à l’abbé et aux frères de Notre-Dame de Grosbot

ruinés par les guerres deux tonneaux de vin de rente. En 1442, le comte Charles d'Orléans confirme la rente.

Son frère le comte Jean la renouvelle en 1451. Par un acte de 1454, en échange d’une messe d’anniversaire,

Louis de Morlays et sa femme Marguerite Chesnel, dame de Chalonne modifient les rentes dues à Puymerle

et Brouillac et exemptent l'abbé de la rente de trois sols quatre deniers et trois boisseaux de sel (240 livres)

due sur les maisons d’Obézine et dépendances85

. Ajouté au sel qui peut arriver à port l’Houmeau par la

Charente, cette remise laisse la possibilité d’en commercialiser une partie.

Les lieux ont changé. Après les guerres de Religion, un officier de la garnison commande une

78

B. BARRIERE, Le cartulaire, op.cit., n° 295 ; 297-299 ; 484 ; « Chartes saintongeaises de La Couronne, 1116-1473 »,

recueillies par G. Babinet de Rencogne, publiées par Paul de Fleury, Archives Historiques de la Saintonge et de l'Aunis, t. VII,

1880, p.74-75, Willelmo Grimaut fratre laico Obezine, Obazine en Limousin ? 79

M. Larigauderie, Notre-Dame de Grosbot, première approche du « cartulaire », les deux actes 1233 et 1258 y sont

transcrits, ainsi que les suivants mentionnés dans le texte. 80

M. LARIGAUDERIE-BEIJEAUD, « Une histoire du val d’Anguienne à l’époque médiévale et moderne », BSAHC, 2012. 81

Légende inventée par le Corps-de-Ville pour G. Babinet de Rencogne. J. GEORGE, « Topographie historique

d'Angoulême », BSAHC, 1898, p. 29 et « Note sur une gravure de N-D. d’Aubézine, BSAHC, 1901, p. LVI…Gravure du

collectionneur M. Decloux dans « Notre Dame d'Obézine », Angoulême monuments disparus, Angoulême, 2005. 82

G. BABINET de RENCOGNE, « Du nom véritable de l’oratoire consacré à Notre-Dame sous les murs d’Angoulême »,

BSAHC, 1875, p. 381-388, d’après arch. nat. P. 721, f°8, art. 2 ; il note la reprise du dénombrement en 1552. 83

G. 211. 84

« Livre des fiefs de Guillaume de Blaye, évêque d’Angoulême », ed. J. Nanglard, B.S.A.H.C., 1904-1905, 7e série, t. V, p.

60, quodam orto quem tenent ab ipso Fratres de Obezina à côté de la fontaine Amougier (Nougiers) à côté de Fontgrave, A.

BARREAU, Notre-Dame d’Obézine à travers les âges, Angoulême, 1938, p. 37-41, d’après les fonds de la seigneurie de

Bellejoie… G 211. G 15, 1250, foire à l’église Saint-Martin. 85

Puymerle semblait à l'origine dans le fief du comte d'Angoulême, Brouillac dans la châtellenie de Mareuil devait être dans la

mouvance du comte. Il n'est pas impossible que Puymerle, Obézine et Brouillac aient été arrentés à une date inconnue au seigneur

de Chalonne.

22

« voûte en forme de chapelle » vers 1570. Nous ne savons rien de la chapelle dédiée à Notre-Dame qui l’a

précédée. Au XVIIIe siècle, « Bénard de Rézé, ayant fait construire un séminaire joignant cette église, fit

unir le bénéfice à la congrégation de Saint-Lazare à laquelle il a confié le soin de ce séminaire […]. Il y a eu

des procès pour cette union, et au sujet de la chapelle d’Obézine, où les Lazaristes ont réussi. Ils ont

aujourd’hui l’administration de cette chapelle, bâtie en l’honneur de la sainte Vierge sous les murs de la ville

et du château […]. La chapelle a été nouvellement édifiée ; elle est vaste et fort claire86

». Le père Deval

mentionne des fondations dans la crypte de la dernière chapelle, édifiée pourtant sur un terrain nouvellement

acquis en 189587

. Ici comme dans les autres granges, les bâtiments médiévaux ont disparu.

En somme, Obézine est une maison de ville populaire avec un « grand concours de dévotion »,

source de revenus. Elle semble jouer un rôle dans les échanges commerciaux, en particulier pour le sel et le

vin. C'est un lieu d'approvisionnement et d'échange de productions qui n’a pas retrouvé sa prospérité après

les guerres du XIVe siècle.

La gestion des domaines des baux de reconstruction aux procédures modernes

Le faire-valoir direct des débuts est sans doute vite abandonné surtout pour les donations à quelques

distances comme le mas de Coudour ou Mainzac. Elle n’a peut-être jamais existé à Lonnes et n’a pas résisté

à Obézine. Les tenanciers y livrent les rentes et les dîmes. Pour récupérer des revenus, de nouveaux baux

sont nécessaires au cours du XIVe siècle.

Les baux de reconstruction

Conséquences de l’incertitude politique à la fin du XIIIe siècle, puis des guerres et des épidémies,

une partie des terres est en friche ou inculte. Pour la remise en état, l'abbé maintient l'arrentement perpétuel à

charge de remettre en culture, de reconstruire et d'enclore les bâtiments. Dans un domaine de la maison

d'Arsac dès 1324, la famille Bornilh doit défricher et dans les quatre ans récolter du blé. Ils deviennent

propriétaires du domaine utile seulement, en payant seize livres de droit d'entrée : ils ne peuvent pas vendre

la terre. Le bail au cinquième du fruit, y compris sur le blé est traditionnel comme la dîme, le droit de

mouture88

. Menant une politique réfléchie, le chapitre accence d'autres biens à perpétuité en 132989

. Un pré à

l'abandon au bord de L'Échelle, donné pour le cens annuel de dix sols et deux chapons touche les biens

précédemment accensés. Les sommes exigées révèlent que ces contrats demandent une mise de fonds

importante et s'adressent à des couches de population en cours d'ascension sociale qui accèdent ainsi à une

forme de propriété. De plus ils encouragent les associations de famille, frérèches ou autres parsonniers,

associations qui se créent en fonction des besoins90

. L’abbé s’adapte aux situations.

Cependant la guerre perturbe l’économie d’abord en Saintonge, puis en Angoumois et jusqu’en

Périgord avec la chevauchée du comte de Derby. En 1350, personne n’accepte la charge du péage de La

Rochebeaucourt pour cause de guerre. Les sergents et louvetiers ne sortent plus dans la forêt de Bois-Blanc

pour les Angloys qui y vont de jour en jour. En 1360, l’Angoumois passe sous la domination anglaise. Les

86

F. VIGIER de la PILE, Histoire de l’Angoumois, op.cit., p. LVII. L’abbé Bénard de Rezé est nommé à l’évêché

d’Angoulême en 1689 ; Cyprien-Gabriel Benard de Resay, évêque d’Angoulême, meurt dans son diocèse, âgé de 86 ans en 1737.

http://www.histoirepassion.eu/spip.php?article695#benard 87

C. DEVAL, Notre-Dame d’Obézine. Architectes R. Barbeau, F. Bauhain, sculpteur, R.-C. Verlet maîtres verriers

Maumejean, frères. Les chapelles de Luget, Biée, Broulliac, les Essarts, les maisons d’Obézine et de l’Hôpital de Mainzac sont

ruinées ou disparues. 88

P. RAVEAU, L'agriculture et les classes paysannes, la transformation de la propriété dans le Haut-Poitou au XVIe

siècle,

Paris, 1926, p.49-50. Raveau pense que c' est une charge élevée: 1/5 pour le bail, 1/5 pour la semence, 1/10 pour la dîme, il reste

une petite moitié de récolte pour le métayer et sa famille. D'autres remarquent que c'est plus favorable que le métayage (à mi-

fruits). L. STOUFF, « Redevances à part de fruits et métayage dans la Provence médiévale: tasque et facherie », p.43-59 et G. et

M. SICARD, « Redevances à part de fruits et métayage dans le sud-ouest de la France au Moyen-Age », p.61-71, Flaran 7, 1985. 89

La famille Papalhon, Arnaud et son fils Pierre se joint en 1329 à Galtier/Guillaume du Courret. En 1365 Guillaume prend

deux pièces de vigne attenantes à la sienne à celle d'Hélie du Courret et à celle de Pierre Papalhon. On assiste donc à un

grignotage des familles en fonction de leur disponibilité. Cela explique certaines alliances et des propositions de l'abbaye. Mais

elles semblent bien avoir une stratégie d'acquisition (vignes groupées), acquisition individuelle lorsque c'est possible. Ainsi Itier

du Courret, et ses enfants, prend une autre vigne en octobre 1368. Le 3 février suivant, au moment où vont débuter les travaux il

passe un nouvel acte devant l'abbé où il présente le parsonnier qui paiera avec lui les redevances. 90

Les frères Bornilh (1324) au Puy; Arnaud de Laygnaud, Hugues Richard, Jean Maytal en 1356 à la Cadoue. En 1369, Pierre

de Leygau de Garat est le parsonnier d'Itier du Courret.

23

hostilités reprennent dès les années 1370 jusqu’à la trêve de 1389 ; mais les routiers font régner terreur et

destructions jusque vers 1439. Les échanges subissent un fort déclin. Les périodes de répit permettent une

reprise éphémère. En 1356, à la Cadoue (Arsac) la rente est en partie en argent, huit sols, en partie en nature,

avec une livre de cire ; les terres et vignes sont au septième du fruit, plus favorable que l’habituel 5e, la dîme

s’ajoute. Un acte de 1365 nous permet de voir le désengagement de l’abbaye et l’apparition timide du

fermage. L'abbé percevait le septième des fruits, et Guillaume Angelier de Garat recevait la sixième partie

restante. L'abbé transfère tous ses droits, ainsi que la propriété utile. Le régime devient différent pour la

vigne : c'est le sixième de tous fruits, moût, vendange plus la dîme, à percevoir aux vendanges en 1365. Il

augmente jusqu’au cinquième en 1368 pour Itier du Courret qui garde le quart du fruit restant pour un prix

de 55 sols.

Un acte de 1376 mentionne que les religieux de Grosbot sont « de present pour le fait des guerres à

tres grant poureté et misere ». La période charnière 1442-1484, après les épidémies de grande peste et la fin

de la guerre connaît une vague d'arrentement91

. Elle permet de constater les destructions, et l'étendue des

friches. Il faut labourer avec soin les terres mal entretenues (1447), relever des bâtiments à Doumérac

(1449), à Charras (1470), bâtir une habitation de trois travées (1484), reconstruire à Biée, y réédifier le

moulin avant quatre ans (1450). Les domaines changent de main. En 1461 Héretier, marchand, revend les

maines et granges de Dordogne qu'il avait pris « incultes et en ruines » en 1451.

On note l'apparition de fermiers des rentes, petits nobles ou marchands. Héliot de Rosiers, écuyer,

reçoit la totalité du maine du Soulier. Il consent en 1470 une sous-ferme à Pierre de Nouailhac, laboureur,

qui porte la rente à sa maison noble de Marthon. Arnaud de Cescault (Decescaud), écuyer de Charras

consent un bail à rente perpétuelle à M. Benesteau (1476). Il se réserve la moitié des droits de mouture, la

possibilité de moudre son grain gratuitement, le preneur paie la moitié de la rente et les droits dus à

l'abbaye ; il reçoit une aide financière et matérielle pour reconstruire deux moulins, dont il assure l'entretien.

On constate le report des contraintes du bail sur le tenancier. Le seigneur se réserve les plaisirs de l'étang et

les bénéfices sans avoir aucune charge après la reconstruction.

Les laboureurs se déplacent pour trouver un domaine. Guillaume et Jean Fougères arrivent du

diocèse de Limoges, tout proche en 1461. En 1470, Denis Fougères habite le maine de Coloignes

(Coulouniex ?) à Beaussac lorsqu'il prend les borderies contiguës aux maines arrentés en 1461. Dans ces

années, la redevance en argent due à Garat est portable à l'abbaye, pas à Arsac (qui est dans cette paroisse);

argent et gélines sont remis à Noël, après les premières ventes de récolte. Le cens en céréales se règle

comme celui en vin à la fin des travaux (saint Michel ou vendanges). En 1484, lors d’une reprise de bail, un

acte montre l'augmentation des devoirs annuels de deux boisseaux de seigle et six deniers et précise le droit

d'accapte douze deniers92

. Ces actes nous révèlent des pluri-actifs: maçon ou charpentier qui prennent des

tenures et reconstruisent. Le compagnon maçon revend dix ans plus tard. À cette époque les nouveaux

tenanciers ont, comme les précédents, le droit de faire pacager leur bétail dans tous les bois et terres incultes

de l'abbaye, d'y prendre le bois de chauffage, le bois mort et aussi celui pour la construction et pour la

réparation de leur maison. L’abbaye a réussi à stabiliser ses revenus avant d’autres tourmentes, en particulier

au moment des guerres de Religion.

De nouvelles périodes de troubles à l'époque moderne

Après une longue période d'arrentement qui distend les liens de propriété, des contestations s'élèvent.

Les abbés commendataires entendent retrouver l'intégrité de leur domaine. En 1541, l’abbé obtient la

condamnation de Pierre Decescaud qui ne paie plus ses rentes de Font-Palais proche de Grosbot parce qu’il

avait réparé l’étang à grand frais. En 1560, le seigneur de Marthon conteste toujours les droits d'exploit et

d'usage sur un bois93

. Les procès ont commencé sous l'abbatiat de Claude de La Rochebeaucourt en 1544.

L'abbaye abandonne ses prétentions, une partie de son droit d’usage dans la forêt, et reçoit d’Hubert de La

91

« Compte de l’Angoumois », op.cit., p. 94 ; 145. Bataille de Castillon en 1453. Les épidémies de peste s'échelonnent de

1382 à 1426 en Limousin et à Saint-Jean-d'Angély. Histoire du Poitou, du Limousin et des Pays Charentais, direction E.R

LABANDE, Privat 1976, p. 206-211. H. MOREAU, L’Angoumois pendant la guerre de Cent Ans, dossier de DEA, direction R.

Favreau, CESCM, Poitiers, 1993, p. 58-75. 92

La rente donnée par A. Mondon est de 2 boisseaux de seigle, deux d'avoine 10 sols, une géline en 1494. A. MONDON,

Notes historiques, op.cit., p. 239. 93

Bois Couteau, commune de Grassac, section D, entre Font-Palais et les Moulins. Il ne réserve ni bois ni foin de pré dans cette

partie de la forêt de Marthon. L’Hermite, à côté de Grosbot.

24

Rochefoucault quarante journaux de bois, proches de l'abbaye, francs de tout droit, à l'exception du droit de

justice. En 1563, l'abbé Pierre Dalhoue affronte la dame de Villebois à cause du droit d'usage et d'exploit.

Elle fait borner 21 journaux roches de l’abbaye, au hameau de l'Hermite, paroisse de Grassac, en limite des

châtellenies de Marthon et Grassac. Elle y donne tout droit de propriété à condition que les religieux

renoncent à leur droit ailleurs pour préserver ses futaies. Une des réserves de poisson se situe dans l’étang de

l’Hermite.

Pendant les guerres de Religion, des biens sont aliénés pour payer les 200 écus d’impôts. Après les

destructions causées par les Protestants, l’abbé afferme son abbaye et réside à Alloue94

. En 1587, le fermier

« fait remise aux seigneurs de Planche-Meunier, afin de s’attirer leurs bonnes grâces, des rentes dues à

l’abbaye ». Il vend 1700 livres de bois de haute futaie dans la Forêt de l’Abbé et arrente 9 journaux de terre

dans la Forêt. De même, le fief de Brouillac est aliéné ; un jugement de 1647 exige sa restitution. Prieur

claustral et abbé commendataire, économes laïcs se disputent les revenus. En 1605, la ferme se monte à 700

livres dont 150 reviennent au prieur95

. En 1620, le prieur afferme le droit du huitième sur le vin et les

breuvages96

. Le prieur des années 1640 se bat pour retrouver ses rentes et poursuit les affermes. Il reçoit les

rentes et l’hommage pour le fief de la Bréchinie à Grassac. Lors de l’inventaire après décès du 22 avril 1673,

le tabellion note dans les étables 4 jeunes bœufs dont 2 sont dressés pour travailler, 30 brebis, 24 agneaux, 1

chèvre, un cheval à poil bai et 2 charrettes97

. Dans le grenier, 7 mois après la récolte, il trouve 450 boisseaux

de froment et dans le cellier 20 barriques de vin nouveau, 3 de vin vieux, 6 barriques de petit vin pour les

valets ; dans la chambre où restent les papiers et titres du trésor, 326 livres en numéraire ; dans une chambre,

« plusieurs livres jusqu’à 17 tomes ». En 1691, le prieur Bernard Guichardet reçoit pour neuf ans le bail de

tous les fruitz et revenus temporelz... prés, bois, vignes, mesteryes, moulins, cens, rentes seigneurialles et

secondes, venthes et honneurs et autres droitz ... sans en rien excepter ni rezerver pour neuf ans consecutifz.

Il se charge des réparations, de la pension d'un oblat, paie les 2/3 des impositions supplémentaires à cent

livres, et dix livres quinze sols pour la portion congrue du curé de Charras98

. Les meubles et le bétail des

métairies appartiennent au prieur, qui doit bien sûr laisser les lieux ensemencés en fin de bail. L'abbé

Toussaint Roze reçoit 800 livres, payables à Paris, il paie le 1/3 restant et toutes impositions extraordinaires,

et sa part soit dix livres quinze sols de portion congrue. Qu’en est-il du rapport du domaine de Grosbot ?

L’afferme de 1709 des dîmes de Charras se monte à 100 livres, 2 paires de chapons, 5 aunes de toile

de chanvre et 5 aunes de toile de lin ; elle révèle l’existence d’un artisanat textile domestique. Le détail des

actes concernant les vendanges (1712) et l'exploitation des bois (1691-1712-1715) soulignent leur

importance dans les revenus99

. Les rentes les plus courantes restent le froment, le seigle et l'avoine suivies

par la volaille. En 1790, les domestiques sèment 6 boisseaux de seigle mais 34 boisseaux de froment. Les

allusions aux méthodes de cultures sont plus précises. Les vendeurs en 1701 gardent le fumier et ne laissent

que les fians qui sont au devant de la maison des metahiers avec toutes les pailles de la récolte prochaine

pour servir a l'angrais des terres100

. Un charroi de bruyère de 1791 pouvait être utilisé pour la litière des

animaux ou mélangé aux autres pailles pour l'engrais. L’exploitation du bois de frette (châtaignier) citée est

bien sûr antérieure. Le châtaignier est utilisé pour la fabrication du charbon de bois, nécessaire aux forges (la

terre du Laitier du cadastre). « Pour ce qui est du bois a faire cercles, on n'y employe point des forets de

94

A. MONDON, Notes historiques, op.cit., p. 244 ; 1587, p. 245. Planche Meunier, commune de Sers, haut fourneau et forge à

canons construits en 1514 ; étangs, p.258-259. 95

A. MONDON, Notes historiques, op.cit., p. 244-247. Arsac, Luget et Bécoiseau sont exclus de la ferme. 1640, p. 251. L.

Maurin, a rédigé une thèse sur l’ancienne abbatiale cistercienne Notre-Dame de Grosbot à l’époque moderne. Le prieur est

Léonard Aujourdane, venu de Notre-Dame de la Colombe ; p. 252-253, Brouillac. 96

H 5/31. 97

Dépense pour les funérailles : 23 livres pour les cierges, 11 livres pour du poisson pour le prêtre, 13 livres pour les pauvres. 98

Pensions ou places de moines lais réservés à partir du XVIIe siècle à d'anciens soldats, invalides qui doivent être entretenus et

nourris. En 1636 Louis XIII taxe les abbayes qui ont plus de 1500 livres de revenus à payer 100 livres puis 150 sous Louis XIV en

1670. En 1769 la Frénade, comme les abbayes qui ont moins de mille livres de revenus paie la pension de 75 livres. Dom Besse ne

cite pas Grosbot. J.M. BESSE, « Du droit d'oblat dans les anciens monastères », Revue Mabillon, 3e

année, 1907, n°10, p. 117-

133. 99

A. MONDON, Notes historiques, op.cit., p. 258. Les prescriptions de Colbert de 1669 exigent que « le quart des bois des

ecclésiastiques fût réservé pour croître en futaie », que le « surplus, admis à constituer des taillis, fût réglé en coupes ordinaires de

dix ans au moins », avec 16 baliveaux par arpent mis en réserve dans chaque coupe. M. DEVEZE, La grande réformation, p. 231-

232 100

Voir aussi 1726.

25

chesnes, mais seulement de chastaignier de sept a huit feuilles pour le plus101

». Un bail de 1726 demande

d'éclaircir les châtaigniers, et de labourer « le bois appelé de Cigner », allusion à l'entretien des

châtaigneraies. Il est aussi question d’anter (tailler) les châtaigniers et autres arbres à fruit et d’en planter et

de bois de chênes de haute futaie.

L'abbé augmente son rendement par des baux à cheptel à mi croît (1726).

Les prairies ont de la valeur et les fermiers n'hésitent pas à affronter procès et condamnations pour creuser

des rigoles d'irrigation. Les religieux mentionnent leurs moulins de Font-Palais (à Grassac) et le moulin

nouvellement construit par dom Guichardet dans son jardin. Pour leur fonctionnement, il faut curer les

canaux et non les laisser s'envaser et les utiliser pour irriguer. Le prieur et les religieux s'intéressent au

poisson et partagent le revenu de la vente avec le fermier. Ils ont un nouvel étang (1701), ils font restaurer

les anciens par leurs fermiers : ce sont des revenus assurés102

. En 1719, les co-tenanciers doivent payer la

remise en état des étangs de Font-Palais. La somme se monte à 750 livres : ils vendent une terre ou engagent

une partie de leur domaine pour trois ans au moins sans possibilité d'exploiter les bois (procès-verbal de

1724). Les chènevières quant à elles existent dans de nombreux lieux-dits (1701-1719) et l’abbaye lève des

dîmes sur les plantes textiles. L’abbé Quénet demande des truffes à la discrétion du prieur en 1717.

L’abbaye dispose de minerais de fer à Grosbot, de revenus sur les forges de Rancogne, de Marthon, de

Notre-Dame de Brouillac et Pontignat aux XVIIe et XVIII

e siècles. Pourtant les temps semblent durs, en

1726 une métairie doit quatre poulets mais seulement deux boisseaux de châtaignes et la rente de l'abbé

baisse de 1701 à 1717.

En 1701, dom Guichardet rachète 1200 livres, la ferme des fruits et revenus temporels, le pot de vin

et met fin au procès avec l'abbé qui exige des restrictions pour la coupe du bois y compris du châtaignier

(frette)103

. Le prieur afferme alors au nom de l'abbé les rentes et droits seigneuriaux dus à Sers en 1701 et le

quart des dîmes de Saint-Vivien de Charras. Suivent l'achat de bâtiments et domaines à François Lhomme et

l'engagement à payer 1000 livres par an puis le solde ou en cas d’impossibilité le projet d'aliéner les rentes

de l'abbaye et d'emprunter pour payer. L'achat d'un pré sous la faculté de rachapt pendant sept ans

ressemble fort à un prêt d'argent. L'acheteur doit rendre le bien lorsque l’abbaye rembourse ; entre temps le

bien peut circuler. Le prêteur se paie en nature, et l'intérêt en 1701 est au denier vingt. Il n'est pas compté

immédiatement mais à partir d'une date de paiement traditionnelle, la saint Michel.

En 1713, dom Boyer loge à Grosbot. Il témoigne : le prieur « me donna la clef des archives, où je

visitai tous les titres et dressai une liste des abbés. St Eutrope et Ste Quiterie sont révérés à Grosbos ; chacun

a son autel, et il y a des reliques de cette sainte ». Le prieur lui signale le vol de 12 000 livres104

. L'abbé

Toussaint Rose en 1712, puis l'abbé Quénet en 1715 consentent des baux presque identiques et procèdent à

un partage. Le transfert des charges fait baisser la rente à 700 livres. L'abbé est quitte de toutes charges

claustralles, services, aumosnes, hospitalité, droit de visitte, taxe des chapitres generaux, portion congrue...

despance de bouche pour les vendanges. Cependant en 1717, l'abbé Quénet accepte de payer au prieur de la

Monneraye un ornement de cent livres pour l'abbaye. Lorsque les charges augmentent, en 1717, il diminue

sa rente à 500 livres. Ce n’était pas l’attitude de son prédécesseur : l’abbé Toussaint a besoin d’un revenu et

d’un cadre de vie. Il utilise son fermier comme banquier. Dans un acte de 1701 le juge de Charras lui a

avancé 1200 livres sur le prix de la ferme. En 1701, Toussaint Rose acquiert un domaine. Que souhaite-t-il?

Une maison abbatiale, comme les autres abbés et une grange pour serer ses grains et fruits, des métairies et

des terres. L'abbé et le prieur engagent conjointement 3800 livres sur quatre ans, sans doute au détriment de

l’abbaye. En 1790 les recettes du receveur se montent à 3838 livres. Après la déduction des frais il reste

101

J 1154. Mémoire en faveur de Marie de la Rochebeaucourt, 29 avril 1590. L'hiver du mois d'octobre au mois de mars, les

hommes font profession de charbonnier, de cerclier (pour cercler les tonneaux), de fendeur. Pour s'abriter, ils construisent une

loge. Les copeaux recouvrent la loge du feuillardier. Elle est faite d'une armature de jeunes lattes de châtaigniers ou de noisetiers

que l'on courbe en arceaux. On ajoute des tiges horizontales qui servent de faitage. Des branches fourchues verticales servent de

chevrons. 102

Revenu : 500 livres pour un étang de l’abbaye de Châtres, loc.cit., p.77, 800 livres pour les étangs de Grandmont, M.

LARIGAUDERIE-BEIJEAUD, L’ordre de Grandmont de l’ermitage à la seigneurie (XIIe-XVIII

e siècles), Université d’Amiens,

CAHMER, vol. n° 22, 2009, p. 222. 103

Acte de 1691 et archives notariales 1701. Il dédommage ses concurrents en accordant au sieur du Boucheron des remises de

lods et ventes pendant 9 ans et l'afferme des rentes sur la prise du Portal ; au sieur de la Barrière il cède la ferme pour 3 ans du ¼

des dîmes de Saint-Vivien de Charras (celle qui provoque le paiement de la portion congrue). 104

Journal de voyage de dom Jacques Boyer, religieux bénédictin de la congrégation de Saint-Maur..., par A. Vernière,

Clermont-Ferrand, 1886.

26

2600 livres. L'abbaye emploie des journaliers, un jardinier qui a pour gage 80 livres en 1791, et elle prend en

charge les dépenses de sa métairie. Les domestiques consomment de la méture et du maïs. Lors de son

arrivée, le dernier abbé constate que les dettes s’élève à 12 000 livres et que l’abbaye est chargée de

pensions imposées par le roi. À la Révolution, la commune vérifie les comptes et alloue 2000 livres de

traitement. Le 27 mai 1791 Mathieu Baynaud reçoit en adjudication 500 journaux, les bâtiments et métairies

moyennant 72 000 livres.

On peut conclure qu'il y eut une installation précoce que les actes ne permettent pas de cerner. Les

évêques, les comtes et leurs vassaux ont veillé sur les débuts et donné des biens en limite de paroisses, dans

les évêchés d'Angoulême, Périgueux et Poitiers. Après s’être installé près de Cognac, Étienne d’Obazine

cherche un site favorable à proximité d’Angoulême, du côté de Fontvive, qui a sans doute un embryon de

réseau et de biens.

Sur le plan foncier, on assiste au développement en tache d'huile d'abord d'Obazine puis de

Grosbot. Les actes sont plus bavards sur les granges. Les frères arrondissent les domaines se libèrent peu à

peu des rentes, et, à l'inverse, en obtiennent de nouvelles. Si l'on compare à un autre ordre nouveau,

Grandmont, l'abbaye cistercienne apparaît richement dotée en domaines. L'emprise territoriale d'une grange

comme Arsac dépasse les domaines grandmontains de Rauzet (dans la paroisse voisine de Combiers) et

peut-être même d’Étricor (Étagnac). Les Cisterciens accordent un grand soin à la variété des terres, aux

droits de libre pâture pour les animaux. Dans chaque lieu important le Coudour, le Luget, Grosbot, Arsac,

Brouillac, ils obtiennent le bois de construction. Les convers travaillent dans les granges où poussent le

froment et la vigne. Autour d'eux les textes montrent les bergers et les habitants. Productions de l'agriculture,

de l'élevage, rentes, dîmes apportent des revenus réguliers sans oublier les églises ni les échanges possibles

dans les bourgs. Les possessions s'échelonnent en direction du Limousin et vers l’ouest jusqu’à Obézine

mais la progression par la Charente vers les marais salants est le fait d’Obazine.

Le système s'effondre au cours de la guerre de Cent Ans. Les terres sont incultes, les bâtiments et

les moulins en ruines. Les frères qui ont abandonné le faire-valoir direct développent l'accencement

perpétuel. La remise en valeur des domaines au XVe siècle voit des déplacements de tenanciers à la

recherche de terres, l’apparition des fermiers et l'ascension sociale de certains. Le XVIe

siècle connaît les

affrontements des abbés commendataires contre les seigneurs, des abbés contre leurs prieurs. Tous entendent

tirer le maximum de profit des domaines. Abbés et prieurs sont en procès et finalement se partagent les

revenus. Petit nombre de frères, impositions, entretien d'un oblat, guerres : les bâtiments pâtissent de la

situation. À cela s'ajoute le nouveau mode de gestion avec un fermier des revenus. Il sert de banquier à

l'abbé et absorbe une partie des bénéfices. Il a plus de pouvoir que le prieur qui s'efforce de maintenir son

patrimoine. Des travaux sont entrepris, les bâtiments agricoles entretenus, les bâtiments abbatiaux délaissés

suivant les besoins et l’intérêt. Après bien des vicissitudes, les derniers propriétaires de Grosbot se sont

engagés à restaurer les bâtiments monastiques. C’est grâce à eux que nous pouvons encore visiter ce lieu.