Rapport d’évaluation du projet « SOS Rupture » mené par le CPS de Québec et AutonHommie.

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RÉSULTATS DE RECHERCHE SOS Rupture Projet pilote de prévention du suicide Sous la direction de Gilles Tremblay et Jean-Yves Desgagnés

Transcript of Rapport d’évaluation du projet « SOS Rupture » mené par le CPS de Québec et AutonHommie.

RÉSULTATS DE RECHERCHE

SOS RuptureProjet pilote de prévention du suicide

Sous la direction de Gilles Tremblay et Jean-Yves Desgagnés

Masculinités et Société Pavillon Charles-De Koninck Local 0453 Université Laval Québec (Québec) G1V 0A6

418 656-2131, poste 6516 Télécopieur: 418 656-3309 www.criviff.qc.ca/masculinites_societe

« SOS Rupture » Projet pilote de prévention du suicide

Présentation du projet réalisé à Québec en 2008

par Jean-Yves Desgagnés, étudiant au doctorat en service social

François Déry, étudiant au baccalauréat en service social Gilles Tremblay, Ph.D., t.s

en collaboration avec André Beaulieu, directeur général, AutonHommie

Sylvie Nadeau, directrice, C.P.S de Québec

et

Rapport d’évaluation sur les impacts de ce projet

par Gilles Tremblay, Ph.D., t.s. Pierre Turcotte, Ph.D., t.s.

Jean-Denis Marois, étudiant à la maîtrise en service social Margarita Morales, étudiante à la maîtrise en service social

Québec, 05 janvier 2010

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Desgagnés, Jean-Yves SOS rupture, projet pilote de prévention du suicide : présentation du projet réalisé à Québec en 2008 ; et, Rapport d'évaluation sur les impacts de ce projet Comprend des réf. bibliogr. Publ. en collab. avec: Masculinités & société. ISBN 978-2-921768-81-8 1. Hommes - Comportement suicidaire - Québec (Province). 2. Suicide - Québec (Province) - Prévention. I. Déry, François. II. Tremblay, Gilles. III. Centre de recherche interdisciplinaire sur la violence familiale et la violence faite aux femmes. IV. Masculinités & société, équipe de recherche en partenariat. V. Titre. VI. Titre: Rapport d'évaluation sur les impacts de ce projet. HV6548.C32Q8 2010 362.28'708109714 C2010-940094-1 Sauf dans les cas où le genre est mentionné de façon explicite, le masculin est utilisé dans ce texte comme représentant les deux sexes, sans discrimination à l’égard des hommes et des femmes. Les propos tenus dans ce document n’engagent que les auteurs et ne traduisent pas nécessairement le point de vue officiel de l’équipe Masculinités et Société. Masculinités et Société n’est nullement responsable de l’utilisation qui pourrait être faite des renseignements contenus dans le document

Mise en contexte Ce rapport vise à faire état d’un projet pilote de prévention du suicide chez les hommes financé par le ministère de la Santé et des Services sociaux dans le cadre d’un concours spécifique sur ce thème, et mené à Québec en 2008 par deux organismes : AutonHommie, un centre de ressources pour hommes, et le Centre de prévention du suicide de Québec (CPSQ). Ce rapport comprend deux parties : une première décrit la réalisation du projet ainsi que les outils utilisés et une deuxième comprend le rapport d’évaluation produit par des chercheurs membres de l’équipe Masculinités et Société et remis au ministère de la Santé et des Services sociaux.

Table des matières

Partie 1 - Le déroulement du projet pilote ..............................................................1

Introduction .................................................................................................................. 3

Organismes à l’origine du projet................................................................................... 4

Objectifs du projet ........................................................................................................ 4

Déroulement des formations et des outils développés pour les intervenants et les participants ................................................................................................................... 5

Programme de sentinelles ............................................................................................ 6

Références : .................................................................................................................. 9

Annexes....................................................................................................................... 11

Partie 2 - L’évaluation du projet « SOS RUPTURE » ...............................................19

Introduction ................................................................................................................ 25

Pertinence et objectifs du projet ................................................................................ 26

Méthodologie utilisée dans le cadre de l’évaluation du projet.................................. 29

Principaux résultats..................................................................................................... 31

Conclusion et recommandations ................................................................................ 39

Références .................................................................................................................. 35

Les faits saillants de l’expérimentation .................................................................43

Partie 1

Le déroulement du projet pilote

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Introduction Au Québec, comme ailleurs dans plusieurs pays, les taux de suicide sont alarmants et les hommes en sont davantage affectés. La séparation conjugale représente un risque particulier chez les hommes puisque plusieurs études démontrent que les taux de suicide sont plus élevés chez les hommes séparés comparativement aux hommes mariés. De plus, en raison de leur socialisation, les hommes ont tendance à ne pas demander d’aide lorsqu’ils vivent une situation de détresse. Voilà pourquoi, en 2004, le Comité de travail en matière de prévention et d’aide aux hommes recommandait notamment l’instauration de programmes préventifs en milieu de travail. Le projet « SOS Rupture », réalisé de septembre 2007 à octobre 2008 dans la ville de Québec, s’inscrit dans la continuité de ce rapport : soit prévenir le suicide chez les hommes en les rejoignant directement dans leur milieu de travail. Dans cette première partie du rapport, nous commencerons d’abord par une présentation des deux organismes à l’origine du projet pilote et des objectifs poursuivis par celui-ci. Puis, nous présenterons les étapes des formations données aux intervenants de chacun des organismes impliqués dans le projet, en prenant soin de présenter les éléments et les outils utilisés lors de ces formations. De plus, nous développerons un peu plus l’une de ces formations, soit celle sur le programme de sentinelles, en précisant notamment sa provenance et le contenu enseigné lors de cette formation. Dans le cadre du projet, des outils de formation et des questionnaires ont été utilisés. Le lecteur désireux d’en savoir davantage sur ceux-ci pourra les consulter en se référant aux annexes. Nous tenons à mentionner que cette partie du rapport a été réalisée par François Déry, étudiant de troisième année au baccalauréat en service social de l’Université Laval, sous la supervision de Jean-Yves Desgagnés, coordonnateur scientifique de l’équipe Masculinités et Société, et Gilles Tremblay, Ph.D., t.s., professeur régulier à l’École de service social de l’Université Laval, dans le cadre d’une bourse de l’Institut de recherche en santé du Canada (IRSC).

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Organismes à l’origine du projet

Les deux organismes à l’origine de ce projet sont le Centre de prévention du suicide de Québec et le Centre de ressources pour hommes AutonHommie.

AutonHommie est un organisme communautaire offrant des ressources pour les hommes vivant des difficultés sociales et émotionnelles depuis plus de 25 ans. Cela peut concerner la rupture amoureuse, l’estime de soi, l’aide à la paternité, la gestion des émotions et des situations difficiles. Plusieurs services et activités sont offerts par l’organisme, comme les services d’accueil et d’orientation sans rendez-vous, les groupes d’aide, les groupes de cheminement et les suivis individuels à court terme.

Le Centre de prévention du suicide de Québec est le premier du genre ouvert au Canada. Bien implanté dans le milieu depuis 1978, le CPS de Québec intervient auprès des personnes présentant des risques de suicide. Plusieurs services sont offerts, comme le soutien téléphonique en tout temps, la possibilité d’effectuer un suivi en cas de crise suicidaire, les groupes de soutien pour les personnes endeuillées ainsi que l’intervention post-traumatique. De plus, le Centre de prévention effectue aussi des formations, des conférences et des campagnes de sensibilisation à propos de cette problématique.

Objectifs du projet Le projet « SOS Rupture » vise deux objectifs : partager les expertises propres à chaque organisme et sensibiliser les milieux de travail et scolaires aux diverses réalités masculines, dont la rupture amoureuse et la demande d’aide des hommes. Le premier objectif concerne surtout les intervenants participant au projet et indirectement les participants. L’échange d’informations entre les organismes s’est effectué de plusieurs façons. Tout d’abord, il y a eu des groupes de discussion et des formations données par chaque organisme pour mieux outiller les intervenants. Par la suite, des rencontres de planification et d’élaboration ont eu lieu pour produire la documentation utilisée lors des rencontres de sensibilisation avec les participants. Le deuxième objectif vise plus particulièrement l’intervention pratiquée dans les différents milieux. Il y a tout d’abord eu une phase de préintervention, celle-ci incluant une prise de contact avec les dirigeants des milieux ciblés pour participer au projet, puis un volet publicitaire auprès de la clientèle de ces milieux, soit l’installation d’affiches, de dépliants et d’annonces distribués et affichés dans des endroits stratégiques de chacun des milieux. Ensuite, il y a eu la phase d’intervention comprenant deux moments : un atelier de sensibilisation, d’une durée de 90 minutes, animé par deux intervenants, un du CPSQ et un d’AutonHommie. À la suite de ces ateliers, il était possible pour les participants intéressés d’offrir leur candidature pour devenir des sentinelles dans leur milieu de travail. Ils avaient alors accès à une formation sur le programme sentinelle, celle-ci axée plus spécifiquement sur le dépistage et l’orientation vers les

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ressources d’aide pour les collègues de leur milieu de travail démontrant des signes de risque suicidaire.

Déroulement des formations et des outils développés pour les intervenants et les participants Pour ce projet, l’information transmise et les formations offertes peuvent être divisées en deux catégories : la formation entre les intervenants des deux organismes, et la formation offerte aux participants des diverses entreprises et milieux scolaires ayant accepté de collaborer au projet pilote. La formation donnée par le Centre de prévention du suicide aux intervenants d’AutonHommie visait à démystifier la problématique du suicide. Dès le début de la formation, des documents sont distribués aux intervenants pour leur permettre de prendre des notes pendant la présentation et comme aide-mémoire des éléments de contenu abordés au cours de la formation. Puis, celle-ci débute par un partage d’information plus générale, en insistant notamment sur les statistiques démontrant l’ampleur de la problématique, les groupes à risque ainsi que les notions de base nécessaires à la compréhension de cette problématique. Ensuite, elle se poursuit en abordant le thème de l’intervention auprès d’une personne suicidaire. Les facteurs associés, le processus de crise (annexe 1) ainsi que les signes de détresse (annexe 2) sont les principaux sous-thèmes abordés en lien avec ce thème de l’intervention. En continuité avec ce thème quelques outils d’intervention, comme la manière d’accueillir une personne suicidaire; comment créer un climat de confiance; une grille d’urgence suicidaire (annexe 3) et un plan d’action sont présentés aux intervenants. Finalement, les intervenants sont invités à participer à un jeu de rôle visant à mettre en pratique les connaissances acquises. En ce qui concerne la formation donnée par AutonHommie aux intervenants du Centre de prévention du suicide, l’animation était axée sur la compréhension des réalités particulières vécues par les hommes. Pour y arriver, les animateurs présentaient les services d’AutonHommie, donnaient des exemples tirés de leur expertise sur différentes manières d’intervenir auprès des hommes. Puis, à partir de ces exemples étaient abordés les stéréotypes rattachés aux réalités masculines, les défenses fréquemment développées par cette clientèle, ainsi que la manière d’atténuer ces défenses. Les animateurs expliquaient aussi comment garder le lien de confiance avec les hommes. Globalement, cette présentation permettait de briser plusieurs mythes et jugements envers la clientèle masculine, permettant ainsi à ceux qui y participaient d’intervenir de manière plus neutre et sans jugement auprès de cette clientèle. Finalement, l’atelier de sensibilisation pour les participants des divers milieux avait comme objectifs : de promouvoir la demande d’aide des hommes, particulièrement en cas de rupture amoureuse; de prévenir le suicide, de briser l’isolement et de rejoindre les hommes qui ne consultent pas le réseau de la santé. Durant cet atelier, un questionnaire était rempli avant le début de la rencontre concernant les habitudes du participant en cas d’évènements difficiles (annexe 4). Ensuite, les animateurs présentaient diverses informations sur la situation actuelle

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des hommes, les signes avant-coureurs de la crise et le cheminement habituel des hommes plus traditionnels en cas de détresse. À la suite de ces informations, les animateurs développaient avec les participants des moyens de prévenir la détérioration de l‘état de détresse et présentaient différentes ressources pouvant être consultées pour demander de l’aide. Puis, la rencontre, se terminait par la distribution d’un questionnaire visant à évaluer les changements de comportements et l’efficacité de la sensibilisation (annexe 5).

Programme de sentinelles Le programme de sentinelles s’inspire en grande partie des réseaux des pairs-aidants. Son objectif est de créer et d’offrir un relais entre la personne en détresse et les ressources professionnelles (Centre de prévention du suicide, 2009). Des réseaux de pairs-aidants se sont déjà montrés efficaces dans le passé pour différentes raisons. Tout d’abord, le soutien offert par d’autres collègues ou amis offre un sentiment d’être supporté, ainsi qu’un sentiment d’appartenance, apportant réconfort à la personne. De plus, l’approche des pairs-aidants s’est avérée efficace en milieu de travail, car les hommes préfèrent le contact avec des collègues qu’ils connaissent bien plutôt que celui d’un professionnel de la santé (MSSS, 2004). Globalement, le ministère de la Santé et des Services sociaux définit les sentinelles ainsi :

Les sentinelles peuvent dépister, guider et orienter la personne aux prises avec la problématique du suicide ainsi que son entourage. Elles peuvent également jouer un rôle auprès des personnes difficiles à rejoindre ou encore des personnes qui n’utilisent pas les services offerts, par exemple les aînés. Par leurs fonctions, leurs responsabilités ou leur engagement dans la communauté, plusieurs de ces sentinelles sont appelées à jouer un rôle significatif auprès de personnes à risque de suicide. On demande à la sentinelle de faire preuve de vigilance, d’écoute et de réceptivité. (MSSS, 2006, p. 29-30)

Donc, une sentinelle c’est une personne significative qui peut accompagner un collègue qui vit des difficultés lors d’une épreuve en évaluant ses besoins et en le guidant vers les bonnes ressources, en cas de nécessité. Dans le cadre du projet « SOS Rupture », les participants qui étaient intéressés, après avoir assisté à la rencontre de sensibilisation, pouvaient s’inscrire à une formation de sept heures pour devenir des sentinelles dans leur milieu de travail. La formation débutait par une présentation du programme de sentinelles, son rôle, sa raison d’être. Par la suite, une série de statistiques sur le suicide, ainsi que les groupes les plus à risque, étaient présentés. Après avoir bien expliqué la situation actuelle en matière de suicide, les participants étaient invités à jouer à un jeu-questionnaire (sous la forme d’un vrai ou faux) sur les mythes et réalités concernant le suicide, comme, par exemple : « Il faut être courageux pour se suicider » ou « Les personnes en crise suicidaire sont formellement décidées à mourir ». Un autre aspect important lors de la formation était de montrer les limites du programme de sentinelles, notamment le risque, à tout moment, d’être épuisées ou amenées comme

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sentinelles à jouer un rôle qui pourrait les mettre en danger. Cette facette est importante, car elle permet à la sentinelle de se protéger elle-même et d’aller chercher du soutien en cas de besoin, ce qui ne fait que rendre l’intervention d’autant plus efficace. Lorsque l’aspect plus général du suicide était bien intégré par tous, les animateurs présentaient ensuite la partie plus théorique de la formation. Pendant cette partie, les participants apprenaient les facteurs associés au suicide, comme les facteurs prédisposant, contribuant, précipitant et de protection. Cela permettait aux futures sentinelles de mieux analyser une personne présentant des signes de détresse. De plus, l’expérience de la rupture amoureuse était expliquée en profondeur. Les difficultés vécues par les hommes, ainsi que les différentes dimensions expliquant pourquoi la rupture amoureuse peut être un grand facteur de stress chez les hommes étaient ensuite discutées avec les participants (annexe 6). Ce volet théorique de la formation s’est finalement conclu par une présentation du processus de crise selon Caplan (1964) ainsi que les différentes étapes du processus suicidaire (annexe 7). La formation se poursuivait par un volet plus pratique où les animateurs présentaient les indices et les signes précurseurs du suicide. Une série de messages verbaux, non verbaux, ainsi que d’indices comportementaux, émotionnels et cognitifs était présentée (annexe 2), tout en insistant sur les signes de la détresse masculine : gestes, discours, humeurs et symptômes psychosomatiques possibles chez cette catégorie de personne. Finalement, la formation se concluait sur les techniques permettant de vérifier la présence d’idées suicidaires. Une grille rapide démontrant les différents niveaux d’urgence (annexe 3) était présentée et expliquée ainsi que des techniques et ressources à qui référer étaient offertes aux participants lors d’un niveau d’urgence élevé. Lorsque la formation était terminée, les participants étaient officiellement reconnus comme des sentinelles pour leur milieu de travail. Toutefois, ils peuvent en tout temps demander des conseils et du soutien à un professionnel du CPSQ ou d’AutonHommie en cas de problème.

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Références

AutonHommie, 2009, AutonHommie, centre de ressources pour hommes, En ligne, s.p., http://www.AutonHommie.org/Nouvelles.html, consulté le 18 juillet 2009

Caplan, G., (1964) Principles of Preventive Psychiatry, Basic Books, New York, 26-55.

Centre de prévention du suicide de Québec, 2009, Le centre, En ligne, s.p., http://206.47 .10.80/cpsq/cpsq_accueil.html, consulté le 16 juillet 2009

Ministère de la Santé et des Services sociaux, 2006, L’implantation de réseaux de sentinelles en prévention du suicide, Québec, Gouvernement du Québec, 72 p.

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Annexes

Source : Association québécoise de prévention du suicide. (2003) Programme accrédité de formation Intervenir en situation de crise suicidaire Attention : Toute reproduction de cette annexe est interdite.

Annexe 1

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Source : Association québécoise de prévention du suicide. (2003) Programme accrédité de formation Intervenir en situation de crise suicidaire Attention : Toute reproduction de cette annexe est interdite.

Annexe 2

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Annexe 3

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Source : Association québécoise de prévention du suicide. (2003) Programme accrédité de formation Intervenir en situation de crise suicidaire Attention : Toute reproduction de cette annexe est interdite.

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Annexe 4

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Annexe 5

Audet, S., Brousseau, D., Lavallée, M. , Tremblay, H. et Saint-Pierre, R (2007) « La rupture amoureuse: le modèle d'intervention écosystémique développé à AutonHommie » Revue Intervention. No.126.

Annexe 6

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Source : Association québécoise de prévention du suicide. (2003) Programme accrédité de formation Intervenir en situation de crise suicidaire Attention : Toute reproduction de cette annexe est interdite.

Annexe 7

Partie 2

L’évaluation du projet « SOS Rupture »

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Rapport d’évaluation du projet « SOS Rupture » mené par AutonHommie et

le Centre de prévention du suicide de Québec

Gilles Tremblay, Ph.D., t.s. Pierre Turcotte, Ph.D., t.s.

Jean-Denis Marois avec la collaboration de Margarita Morales

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Remerciements Ce rapport n’aurait pas été possible sans la généreuse collaboration des répondants et répondantes en provenance des entreprises et des écoles qui ont bien voulu participer au projet et ensuite à son évaluation de même qu’au personnel des deux organismes concernés. Un merci particulier à André Beaulieu, directeur général d’AutonHommie et Sylvie Nadeau, directrice générale du Centre de prévention du suicide de Québec qui ont bien voulu répondre à nos nombreuses questions et pour leur collaboration tout au long du processus d’évaluation. Merci aux intervenants qui ont mené le projet à terme et ont bien voulu ramasser toutes les données nécessaires en cours de route, donc merci à Denis Dubé, Caroline Nolet et Dominic Parisé. Enfin, merci aux six entreprises et aux deux établissements scolaires qui ont bien voulu collaborer au projet et à son évaluation, soit le Cégep Limoilou, l’École Louis-Jolliet et les entreprises Écono Pneus inc., Enveloppes Demers, Pro-tech Pneus de camions inc., Réchapage Global inc., Concept Pneus et mécanique et Pneus Ratté.

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Table des matières

Introduction ................................................................................................................ 25

1. Pertinence et objectifs du projet ............................................................................ 26

2. Méthodologie utilisée dans le cadre de l’évaluation du projet.............................. 29

3. Principaux résultats................................................................................................. 31

3.1. En regard de l’objectif 1 soit l’arrimage entre AutonHommie et le Centre de prévention du suicide ................................................................................................... 31

3.1.1. Commentaires des intervenants des organismes parrains ............................ 31

3.1.2. Recommandations des intervenants et intervenantes .................................. 33

3.2. La sensibilisation à la socialisation des hommes et aux signes avant-coureurs du risque suicidaire ............................................................................................................ 33

3.2.1. Résultats du pré-test à la sensibilisation ........................................................ 34

3.2.2. Résultats du post-test à la sensibilisation....................................................... 35

3.2.3. Appréciation de la sensibilisation ................................................................... 35

3.2.4. Le programme de sentinelles ......................................................................... 37

Conclusion et recommandations ................................................................................ 39 Références ........................................................................................................................ 41

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Introduction Au printemps 2007, le ministère de la Santé et des Services sociaux présentait une offre de projets pilotes en regard de la prévention du suicide chez les hommes. Une première série de projets a reçu l’aval du ministère dont un projet soumis conjointement par le Centre de prévention du suicide de Québec et le centre de ressources pour hommes AutonHommie. Chaque projet devait être assorti d’une évaluation par une équipe de recherche. Le présent rapport présente l’évaluation du projet « SOS Rupture » réalisée par deux chercheurs de l’équipe Masculinités et Société avec le soutien d’étudiants dont l’un d’entre eux possède aussi une solide expérience d’intervention dans le milieu communautaire. Nous rappellerons d’abord la pertinence du projet et les objectifs prévus. Par la suite, nous clarifierons la méthodologie utilisée pour la réalisation de l’évaluation du projet. Puis nous reprendrons chacun des deux grands objectifs en rapportant les activités réalisées et les principaux résultats obtenus. Enfin, nous conclurons par quelques recommandations aux deux organismes concernés ainsi qu’au ministère de la Santé et des Services sociaux.

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1. Pertinence et objectifs du projet Rappelons rapidement quelques points qui ont milité en faveur d’un projet se centrant spécifiquement sur le thème de la rupture en prévention du suicide chez les hommes. Au Québec, comme ailleurs dans plusieurs pays, les taux de suicide sont alarmants et les hommes en sont davantage affectés. En fait, on note que quatre fois plus d’hommes que de femmes mettent volontairement un terme à leur existence (St-Laurent, 2004). Bien qu’on observe une diminution des taux de suicide complétés (Ross & Prévost, s. d.), la situation demeure alarmante. En effet, en 2006, le Québec a connu son plus bas taux de suicide depuis les 25 dernières années soit 14,8 suicides pour 100 000 habitants (Saint-Laurent & Gagné, 2008). Cette diminution est significative chez les hommes, les adolescents de 15-19 ans et les jeunes adultes de 20 à 34 ans. Toutefois, ces chiffres ne doivent pas faire ombrage à une triste réalité, le suicide demeure la seconde cause de mortalité chez les 15-19 ans et la première chez les 20 à 34 ans et cette réalité est en augmentation chez les personnes âgées de 50 à 64 ans, hommes et femmes confondus (Institut national de santé publique, 2008). Rappelons aussi que si la détresse n’est pas prise en considération, les personnes risquent de s’isoler, de vivre des épisodes de dépression, de souffrir d’anxiété, d’éprouver de la frustration, de l’agressivité et de développer des idéations suicidaires. La séparation conjugale en particulier représente un risque particulier chez les hommes (Rondeau et al., 2004). Dans son étude sur le soutien social comme facteur de protection pour les hommes, Houle (2005 : 66) souligne que parmi les événements difficiles, « la séparation amoureuse est l’événement le plus fréquent et est rapportée par près de la moitié des participants ». À ce titre, un sondage auprès des 7 671 hommes ayant eu recours aux services du Centre de prévention du suicide de Québec durant l’année 2006 révélait que 60 % d’entre eux vivaient une rupture conjugale (Centre de prévention du suicide de Québec, 2006). Les recherches réalisées depuis quelques années auprès d’hommes séparés indiquent différentes spécificités quant au processus d’ajustement et au processus de deuil inhérents à la rupture amoureuse. La rupture oblige une réorganisation sur plusieurs plans : la vie quotidienne et les activités domestiques, les ressources financières, le lien avec les enfants et l’exercice du rôle paternel, les relations sociales, la vie sexuelle, etc. Ainsi, selon plusieurs auteurs, souvent les hommes qui se séparent doivent redéfinir leur identité et composer avec toute une gamme d’émotions auxquelles ils ne sont pas préparés (Genest-Dufault, 2007). En effet, bien que bon nombre d’hommes traversent l’expérience de la rupture, et les deuils qu’elle implique, sans heurt majeur, pour d’autres, elle demeure une réalité le plus souvent éprouvante, qui peut être une source importante de détresse et devenir une expérience à risque sur le plan de la santé pour les hommes, notamment sur le plan de la santé mentale (Jordan, 1988 ; Perrault, 1986, 1990 ; Tremblay, 2004). D’ailleurs, la rupture est identifiée comme un élément associé à la dépression chez les hommes (Cochrane & Rabinovitz, 2000). Au Canada, les hommes

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divorcés et âgés de 20 à 64 ans ont six fois plus de probabilité de souffrir de dépression qu’un homme marié (Rotterman, 2007) et les hommes séparés sont davantage à risque de développer des symptômes nécessitant des services psychiatriques comme l’hospitalisation. Plus encore, ils présentent des taux de suicide largement supérieurs, jusqu’à cinq fois plus, aux femmes de même statut marital (Braver & O'Connell, 1998; Perrault, 1990). La relation entre le statut marital et l’état de santé mentale relevée par Gove (1972) est corroborée par les résultats d’études mentionnant que les hommes divorcés seraient plus déprimés, dépressifs et anxieux que les hommes mariés (Roterman, 2007; Shapiro & Lambert, 1999; Tremblay, Morin, Desbiens, & Bouchard, 2007). La période suivant la rupture est identifiée par des auteurs (Allard, Bourret, & Tremblay, 2004; Dulac, 1996) comme un « trou noir », au cours de laquelle plusieurs des hommes interrogés rapportent une période sombre, dépressive, avec idées suicidaires, une sorte de torpeur qu’ils ont tenté d’engourdir, notamment par l’alcool ou l’usage de drogues. Selon Dulac (2001), la socialisation masculine va à l’encontre de la détection et de l’acceptation des symptômes inhibant ainsi la demande d’aide. Celle-ci est alors perçue comme une menace à l’identité. De surcroît, les hommes n’envoient pas toujours des messages clairs par rapport à eux-mêmes de telle sorte que « les hommes semblent entretenir un rapport différent à leur corps et à leur bien-être personnel de telle sorte que le rapport objectif ne correspond pas au rapport subjectif qu’ils entretiennent avec leur santé » (Cloutier, Tremblay & Antil, 2005 : 155). À la suite de ces constatations, plusieurs auteurs ont noté l’importance de ne pas attendre une demande d’aide formelle des hommes mais d’avoir une attitude davantage proactive (Dulac, 1997, 2001; Tremblay et L’Heureux, 2002; Tremblay, Cloutier, Antil, Bergeron & Lapointe-Goupil, 2005). Dans son rapport, le Comité de travail en matière de prévention et d’aide aux hommes (Rondeau et al., 2004) recommande notamment l’instauration de programmes préventifs en milieu de travail. Ainsi, dans un but de prévention et de sensibilisation le centre de ressource pour hommes AutonHommie et le Centre de prévention du suicide de Québec (CPSQ) ont soumis au MSSS un projet et ont réalisé un programme de sensibilisation à la détresse chez les hommes en rupture, projet appelé « SOS Rupture ». Dans le projet soumis, les responsables d’AutonHommie et du CPSQ identifiaient quatre objectifs.

1. Promouvoir la demande d’aide des hommes particulièrement à la suite d’une rupture

2. Prévenir le suicide chez les hommes 3. Briser l’isolement des hommes 4. Rejoindre les hommes qui ne consultent pas le réseau de la santé

Plus concrètement, les responsables des deux organismes les ont regroupés autour de deux grands objectifs en fonction de la cible d’intervention à réaliser.

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• Le premier objectif visait une formation clinique interorganisme ayant pour but de sensibiliser les intervenants du CPSQ aux caractéristiques de la demande d’aide chez les hommes et les conséquences possibles que la rupture amoureuse peut entraîner chez eux, et, pour le personnel d’AutonHommie, de développer une meilleure connaissance du risque suicidaire. Dans les faits, une formation a été offerte par un employé d’AutonHommie au personnel du CPSQ sur la socialisation masculine et son impact sur la demande d’aide des hommes, les effets de la séparation conjugale chez les hommes et des pistes d’intervention plus spécifiques pour mieux atteindre les hommes plus traditionnels alors que le personnel d’AutonHommie a reçu une formation par une employée du CPSQ sur le dépistage et l’intervention lors d’une crise suicidaire. Enfin, des mécanismes plus permanents de collaboration entre les deux organismes ont été mis sur pied sous la forme d’échanges cliniques. Les responsables indiquent qu’ils et qu’elles aimeraient formaliser cette collaboration sous la forme d’un protocole plus officiel.

• Le deuxième objectif voulait procéder à une sensibilisation en milieu de travail et en milieu scolaire aux diverses réalités masculines dont la rupture amoureuse et la demande d’aide des hommes et recruter des sentinelles afin de prévenir le suicide. Dans les faits, cela a pris la forme d’une première rencontre de sensibilisation à la détresse au masculin et une deuxième plus poussée sur la prévention du suicide pour les personnes intéressées à s’engager comme sentinelles. Dans les six entreprises, la première rencontre a été offerte au personnel disponible sur l’heure du dîner. En fait, plusieurs dirigeants des entreprises concernées avaient assigné leur personnel à assister à ces rencontres. Dans les deux écoles pour adultes, les modalités ont été un peu différentes : au Cégep Limoilou, la direction avait désigné du personnel des différentes équipes de travail alors qu’à l’École Louis-Jolliet, c’est surtout le personnel non-enseignant qui a été rejoint. Enfin, pour les gens intéressés à devenir des sentinelles, la formation s’est déroulée sur toute une journée. Ces rencontres étaient animées conjointement par un intervenant d’AutonHommie et une intervenante du CPSQ.

Avant de reprendre chacun de ces deux grands objectifs et d’analyser les résultats obtenus, clarifions d’abord les moyens utilisés pour évaluer l’atteinte de ces résultats.

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2. Méthodologie utilisée dans le cadre de l’évaluation du projet L’évaluation réalisée dans le cadre de ce projet est davantage de type participatif selon la méthode élaborée par Santé Canada (1996). Il s’agissait d’avoir diverses mesures tout au long du processus d’action dont certaines permettent de réajuster l’action en cours de route alors que d’autres, en fin de processus, permettent davantage de compiler l’appréciation faite par les répondants concernant les activités auxquelles ils ont participé et de recueillir leurs suggestions quant à des actions futures possibles. Les données en provenance de sources diverses permettent ainsi de trianguler l’information recueillie et ainsi la valider. En ce qui concerne les intervenants des deux organismes, en plus d’avoir complété des fiches d’appréciation à la fin des formations, ils et elles ont été rejoints par téléphone à leur domicile respectif par l’équipe de recherche à la fin du processus. Le questionnaire d’entrevue comportait neuf questions portant sur leur appréciation et remarques concernant la formation reçue et les mécanismes de concertation mis en place entre les deux organismes ainsi que leurs suggestions et commentaires pour les temps futurs. Un grand total de 16 intervenants et intervenantes ont complété l’entrevue téléphonique. Pour ce qui est des entreprises et écoles, à chacune des rencontres de sensibilisation, des questionnaires pré et post intervention ont été distribués et compilés. Ceux-ci permettaient de vérifier les attitudes quant à la demande d’aide de même que leurs connaissances générales sur le processus suicidaire. De plus, en fin de rencontre, un questionnaire d’appréciation était aussi rempli sur place. À la fin du processus, un groupe de discussion a eu lieu avec des représentants et représentantes des deux écoles pour adultes ciblées avec deux personnes par école. La grille de discussion ouverte amenait les répondants à faire part de leurs commentaires et ceux qu’ils ont entendus en provenance de leurs collègues en regard de chacune des deux rencontres, soit celle de sensibilisation à la détresse chez les hommes et la deuxième plus spécifique portant sur le suicide et le rôle des sentinelles. À la fin de la discussion, les répondants étaient invités à formuler leurs recommandations générales. Le groupe de discussion d’une durée d’environ une heure et demie était dirigé par un des chercheurs et enregistré. Quant aux entreprises, cinq personnes en provenance de deux entreprises ont répondu à une entrevue téléphonique d’une dizaine de minutes portant essentiellement sur les mêmes thèmes que le groupe de discussion. Dans certains cas, ces entrevues ont eu lieu plusieurs mois après les interventions alors que pour d’autres (notamment les écoles), le délai était beaucoup plus court, voire quelques semaines à peine. Tant les entrevues téléphoniques que le groupe de discussion ont permis d’avoir une bonne appréciation du matériel livré et des commentaires des participants.

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Enfin, l’intervenant d’AutonHommie et l’intervenante du CPSQ ont pris des notes en cours de processus, notes faisant office de journal de bord. Les responsables des deux organismes ont aussi été rencontrés afin de dresser leur bilan de l’intervention réalisée et ont répondu aux diverses questions de l’équipe de recherche au cours de l’évaluation.

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3. Principaux résultats 3.1. En regard de l’objectif 1 soit l’arrimage entre AutonHommie et le Centre de prévention du suicide de Québec Il s’agissait d’un projet conjoint entre le Centre de ressources pour hommes AutonHommie et le Centre de prévention du suicide de Québec. Dans les faits, cela exigeait un certain arrimage entre les cultures des deux organismes. Implicite dans le projet initial, il a été mis en évidence assez rapidement lors de la mise en branle du projet. Chacun des organismes possède une spécificité, un savoir faire, une culture, qui lui est propre. AutonHommie est un centre de ressources psychosociales s’adressant exclusivement à une clientèle masculine en offrant des groupes d’entraide, de croissance personnelle, des services de thérapie individuelle, des conférences et des ateliers. Les professionnels qui y travaillent sont issus de plusieurs horizons : travail social, psychologie, sexologie, counselling et psychosociologie. Une mise à jour des connaissances concernant le risque suicidaire et des interventions appropriées a vite été identifiée comme un besoin important. Quant au Centre de prévention du suicide de Québec (CPSQ), il offre un service de première ligne, animé en grande partie par des travailleurs sociaux et des psychologues, fonctionnant 24 heures par jour, sept jours par semaine et s’adressant à toutes personnes. Même si le CPSQ, comme tous les CPS au Québec, accorde une grande importance à la prévention du suicide chez les hommes, le personnel a vite identifié un besoin d’approfondir sa compréhension de la socialisation masculine et d’améliorer l’accueil fait aux hommes et la manière d’intervenir auprès d’eux lors de l’appel de détresse et par la suite. 3.1.1. Commentaires des intervenants des organismes parrains À l’automne 2008, quelques mois après les sessions de sensibilisation et la mise en place du programme de sentinelles, nous avons voulu vérifier auprès des intervenants quelles étaient leurs impressions du projet « SOS Rupture » et quel bilan ils en tracent. Sur les 16 personnes interrogées, une seule n’avait pas participé à la formation et ne connaissait pas le projet. La formation a été jugée très pertinente parce qu’elle a permis, selon les répondants, de mieux outiller les intervenants pour intervenir avec la clientèle masculine notamment sur la spécificité de la demande d’aide des hommes tout en revoyant les concepts sur la masculinité. Certains notent qu’elle a permis d’abattre des préjugés et de parler en groupe des problématiques vécues par les hommes, dont une plus grande difficulté pour les hommes plus traditionnels d’exprimer leurs émotions. Par ailleurs, tout en notant la valeur du contenu abordé, certains considèrent que la formation était toutefois, à

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certains égards, très théorique et magistrale et auraient aimé une plus grande diversification du contenu et du mode de présentation. D’autres rapportent qu’ils auraient aimé avoir plus d’information sur le suivi à faire sur le long terme auprès de la clientèle masculine et que, sur ce volet, des questions demeurent sans réponse. Enfin, certains auraient voulu dans le cadre de la formation sur la rupture amoureuse que l’on parle plus à fond de l’aliénation parentale qui touche, selon eux, beaucoup d’hommes. Selon les répondants, l’échange d’informations a été fructueux pour les deux organismes puisqu’il a permis un approfondissement de leur champ de connaissances. À cet effet, plusieurs points ont été retenus des sessions de formation. De manière plus spécifique, les intervenants œuvrant à AutonHommie ont noté : l’idée du pacte de non-suicide, l’importance de ne pas nier ou éluder la question du suicide et d’interroger le client directement afin d’évaluer l’urgence suicidaire. Le personnel du CPSQ pour sa part a rapporté : une meilleure compréhension de la problématique du suicide chez les hommes, les perceptions concernant les hommes et la demande d’aide ont été revues de telle sorte que les intervenants et intervenantes rapportent entrer en contact avec les hommes sans les juger et avoir développé un savoir-être et un savoir-faire envers les hommes qui leur permet de mieux les accueillir, de mieux décoder leur demande d’aide, qu’il faut du temps avant de créer un lien thérapeutique pour qu’ils s’ouvrent à leurs émotions, sans honte même si cela amène les intervenants à modifier leur façon d’intervenir puisque les modèles de relation d’aide sont généralement façonnés pour répondre aux besoins des femmes. Certains rapportent également qu’il importe de répondre rapidement à leur demande afin de ne pas les perdre, de leur donner la possibilité de prendre conscience qu’ils ont du pouvoir sur la situation qu’ils traversent. Enfin, les intervenants et intervenantes des deux organismes ont noté qu’ils et elles ont apprécié sentir l’appui de l’autre organisme, que cela permettait de prendre conscience qu’ils et elles ne sont pas seuls, chacun de leur côté, devant une situation problématique vécue par un homme et qu’ils et elles partagent les mêmes inquiétudes. Sur les mécanismes d’échanges cliniques qui ont été mis sur pied, il ressort des entrevues que près de la moitié des personnes interrogées – sept personnes sur seize – n’étaient pas au courant que de tels mécanismes avaient été mis en place. Ceux et celles qui ont participé à ces échanges, ils sont légèrement majoritaires, rapportent que les mécanismes conjoints sont intégrés dans leur pratique quotidienne et utilisés de manière fréquente. Notons de plus que le degré de satisfaction à leur égard est très élevé. En outre, certains ont manifesté le besoin d’en savoir plus et d’avoir des suivis cliniques, des discussions, afin d’avoir davantage l’occasion de partager avec d’autres intervenants. Selon ces personnes, une action conjointe AutonHommie/CPSQ rassure le client autant que les intervenants et intervenantes. Ceci a pour conséquence, selon les répondants, dans le cas d’un risque suicidaire élevé, de ne pas laisser l’intervenant ou l’intervenante seul avec cette responsabilité. Cette nouvelle procédure permet, nous a-

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t-on rapporté, lors des retours en équipe, une discussion sur les problématiques rencontrées, la possibilité de revenir sur différentes situations jugées plus difficiles. De manière plus informelle, les intervenants, intervenantes et les responsables des deux organismes rapportent que le projet a aussi permis de partager des outils de travail clinique, notamment en matière d’évaluation du risque suicidaire, de la demande d’aide des hommes et de la rupture amoureuse chez les hommes. Enfin, les responsables des organismes notent un plus grand nombre de références mutuelles. 3.1.2. Recommandations des intervenants et intervenantes Les intervenants et intervenantes étaient nombreux à formuler des recommandations pour le futur, ce qui représente un signe de l’intérêt qu’a généré un tel projet. D’abord, ils et elles espèrent qu’il y aura un suivi. En ce qui concerne leurs organismes, ils et elles désirent améliorer le partenariat entre les deux organisations et apprendre à mieux se connaître, notamment par des discussions de cas. Ils et elles souhaitent que soit évaluée la manière dont les intervenants et intervenantes vivent les mécanismes d’échange clinique. Parmi le personnel du CPSQ, certaines personnes aimeraient offrir des services plus spécifiques aux hommes avec des idéations suicidaires et que ce travail se réalise en partenariat avec AutonHommie. Des intervenants manifestent le désir d’avoir plus de formation sur d’autres thématiques connexes comme l’aliénation parentale et comment éviter l’abandon par le client lors du suivi clinique. Pour ceux et celles qui ne connaissaient pas les mécanismes de collaboration entre les deux organismes, ils et elles aimeraient recevoir plus d’information à ce sujet. Enfin, plusieurs recommandent qu’une formation soit offerte aux intervenants et intervenantes d’autres organismes pour les conscientiser davantage aux réalités masculines. De manière plus concrète, certains parmi eux recommandent de diversifier le mode d’animation. 3.2. La sensibilisation à la socialisation des hommes et aux signes avant-coureurs du risque suicidaire Au départ, le projet visait rejoindre 10 entreprises dont deux écoles pour adultes. Dans les faits, six entreprises de Québec et deux établissements scolaires pour adultes ont accepté de participer au projet « SOS Rupture » : le Cégep Limoilou, l’école Louis-Jolliet, Écono pneus inc., Pneus Ratté, Pro-tech Pneus de camions inc., Concept Pneus et Mécanique, Réchappage Global inc. et Enveloppes Demers. Les responsables rapportent que les contacts avec les entreprises se sont avérés plus complexes que prévu initialement. Il faut rencontrer les responsables, échanger avec eux, faire valoir le bien-fondé du projet et organiser les rencontres selon les horaires de l’entreprise. L’expérience démontre, selon les responsables, que les dirigeants d’entreprises les plus ouverts sont ceux qui ont vécu une expérience de suicide ou de tentative de suicide dans leur entourage personnel ou au travail.

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Dans un premier temps, à l’heure du dîner, un atelier de sensibilisation d’une durée de 90 minutes était offert aux employés. Ses objectifs étaient de faire connaître les signes avant-coureurs de la détresse et de la crise suicidaire, d’échanger sur différents mythes entourant la masculinité, de promouvoir la demande d’aide des hommes et de favoriser la création d’un réseau d’entraide. Dans un premier temps, un questionnaire était distribué à tous les participants. Le but était de mieux saisir quelles stratégies animent les hommes lorsqu’ils éprouvent des difficultés, plus spécifiquement d’où ils partent en lien avec la demande d’aide. Le même questionnaire était repris à la fin de la rencontre assorti d’un questionnaire d’appréciation. En tout, 139 personnes ont participé à la première rencontre alors que 31 personnes ont accepté de devenir sentinelles dans leur milieu de travail, dont 12 dans les entreprises et les autres en milieu scolaire. 3.2.1. Résultats du pré-test à la sensibilisation Majoritairement, les participants rapportent avoir traversé des moments difficiles dans leur vie ou avoir connu une personne dans cette situation. Durant ces périodes, plusieurs stratégies sont possibles. En s’appuyant sur les écrits dans le domaine (Allard, Bourret, & Tremblay, 2004; Dulac, 1996; Evans III, 2000; Evans, 2002; Kalmijn, 2005; Stone, 2001), le questionnaire en suggérait sept : oublier, reporter les difficultés, s’isoler, travailler davantage, avoir plus de loisirs, tenter de fonctionner comme à l’habitude ou demander de l’aide. Moins d’un répondant sur cinq (16 %) a répondu qu’il serait prêt à chercher de l’aide pour s’en sortir, alors que près de la moitié des répondants tenteraient de fonctionner comme à l’habitude ou chercheraient à oublier le problème. Dans le cas où l’homme est confronté à un problème personnel, il était appelé à déterminer, selon une échelle de 1 à 7, où 1 indique une faible probabilité et 7 une très forte probabilité, quel serait le comportement adopté advenant une période difficile et vers qui il dirigerait sa demande d’aide pour l’aider à traverser ce moment. Environ 40 % des répondants jugent très peu probable à peu probable (échelle de 1 à 3) de faire une demande d’aide. Pour ceux qui seraient enclins à demander de l’aide, le questionnaire présentait deux grandes alternatives : le réseau social (conjointe, parents et autres membres de la famille) et les ressources institutionnelles, privées et communautaires (médecin de famille, professionnel, CLSC, ligne d’écoute ou ressources communautaires). Au sein du réseau social, la conjointe demeure la première personne à qui les participants se confieraient en cas de détresse, alors qu’à l’autre bout du spectre les autres membres de la famille, tout comme les collègues de travail, ne représentent pas vraiment une alternative. Ce type de réaction est d’autant plus inquiétant que, majoritairement, ils jugent très peu probable à peu probable de s’adresser à une ressource institutionnelle, privée ou communautaire. Ces résultats vont dans le même sens que les études antérieures sur la demande d’aide au Québec (Dulac, 1997; Turcotte, Dulac, Lindsay, Rondeau & Turcotte, 2002). Cela montre encore une fois le bien-fondé du travail de sensibilisation entrepris par le projet.

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3.2.2. Résultats du post-test à la sensibilisation Après la sensibilisation, les responsables de la formation ont passé le même questionnaire, afin de vérifier auprès des participants s’il y a eu ou non changement de perspective en ce qui concerne la demande d’aide. Les changements d’attitude sont significatifs. Près des trois quarts des répondants (70 %) ont rapporté vouloir résoudre le problème en allant chercher de l’aide et du soutien. S’investir dans le travail ou avoir plus de loisirs demeure l’autre stratégie envisagée, mais l’idée de continuer à vivre comme si de rien n’était ne recueille plus l’aval que de 3 % des participants. En outre, à l’unanimité, les personnes présentes ont indiqué être en mesure de mieux connaître les ressources disponibles. De plus, s’il advenait une situation difficile, les répondants notent qu’ils ne compteraient plus seulement sur le soutien de la conjointe. Presque unanimement (90 %), les hommes choisiraient de consulter une personne ressource. En effet, les probabilités sont grandes que les participants se confient à un ami ou un collègue ou à un intervenant/intervenante d’une ligne d’écoute et demande de l’aide professionnelle en provenance d’une ressource communautaire ou d’un CLSC. 3.2.3. Appréciation de la sensibilisation Deux mesures ont été utilisées pour évaluer l’appréciation des participants et participantes de la formation : un questionnaire rempli sur place et des entrevues téléphoniques (entreprises) ou de groupe (écoles) avec des sentinelles. Pour ce qui concerne le questionnaire rempli sur place, les commentaires sont nombreux. Sur le plan de l’organisation, les participants ont jugé positivement tant la durée de la formation que la pertinence de la documentation qui leur a été fournie. Quant au contenu de la formation, dans une très grande majorité, les participants ont jugé qu’il était pertinent, clair, intéressant, bien présenté, et ce, de façon à être bien compris par des non-spécialistes. En outre, tant la question du suicide, que la socialisation des hommes ont, de manière générale, suscité l’intérêt des participants. Les participants étaient satisfaits des activités de formation, parce qu’elles ont permis de faire des liens avec les expériences de chacun. Cependant, quelques participants ont noté que le contenu livré n’a pas suffisamment tenu compte de leur expérience et de leur vécu personnel. Certains trouvaient la démarche trop didactique alors que, majoritairement, la prestation de l’équipe d’animation a été appréciée par les participants qui ont jugé que celle-ci avait su créer un climat propice aux échanges, qu’elle maîtrisait bien le contenu et que celui-ci était compréhensible et adapté au groupe, que l’équipe d’animation avait été en mesure de maintenir la participation et l’intérêt des participants, et ce, dans le temps prévu. De plus, les hommes et les femmes présents ont remarqué que, compte tenu du temps disponible, la formation était très dense. Peu après les rencontres, trois dirigeants parmi les entreprises qui ont participé ont été contactés par les responsables du projet afin de connaître leur appréciation de la

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démarche et au besoin réajuster le tir pour les autres entreprises. Voici le résumé de leurs notes : Selon le responsable de l’organisme 1, toutes les personnes ont adoré la présentation. Elles ont apprécié la structure, le contenu et particulièrement les deux animateurs. Le fait que l’animation soit mixte (homme/femme) a contribué au succès des rencontres. Les échanges libres, à la fin de la rencontre, ont aussi été très appréciés. En outre, le responsable rapporte que les deux femmes qui ont participé à la rencontre ont beaucoup appris concernant le langage des hommes ainsi que sur les comportements perçus initialement comme contradictoires. Il rapporte que, après la sensibilisation, deux personnes ont manifesté clairement à leur patron avoir besoin d’aide. Il aimerait que ce type de rencontre puisse se faire sur une base mensuelle. Le responsable de l’organisme 2 mentionne qu’il a, dans l’ensemble, apprécié les trois rencontres de sensibilisation. Il a beaucoup apprécié le contenu, quoique celui-ci ait pu être mieux organisé. Il a apprécié la formule de coanimation homme/femme, ce qui, selon lui, fait référence à la vraie vie. Il a suggéré d’allonger de 15 à 20 minutes l’activité, afin de permettre plus d’échanges avec les employés. Depuis lors, il a dit avoir référé quatre employés à AutonHommie. Il aurait aimé également avoir un outil papier à remettre à ses employés. Enfin, le responsable de l’organisme 3 rapporte que les employés de son entreprise ont beaucoup apprécié le contenu de la sensibilisation surtout le volet concernant la demande d’aide. La durée de la formation était correcte selon son point de vue. De plus, il y aurait eu plusieurs discussions parmi le personnel dans les journées qui ont suivi la sensibilisation. Il s’est dit déçu de n’avoir recruté aucun volontaire pour devenir sentinelle. C’est une expérience qu’il aimerait répéter chaque année. Enfin, l’équipe de recherche a contacté des sentinelles de quatre entreprises (2 écoles et 2 entreprises) sous la forme d’un groupe de discussion focalisée (écoles) ou d’entrevues téléphoniques (entreprises). Au total, neuf personnes ont bien voulu répondre au questionnaire. En ce qui a trait à la problématique de la séparation en lien avec la demande d’aide, les répondants rapportent que peu de personnes en ont parlé par la suite dans les entreprises. Bien que les employés étaient obligés de se présenter, et que certains l’ont fait, semble-t-il, à reculons, la rencontre a été appréciée et bénéfique selon les répondants. En outre, l’idée de joindre un homme aux présentations pour s’adresser à d’autres hommes a été un facteur aidant selon certains. Selon eux, même si elle ne semble pas avoir soulevé beaucoup de discussions, la sensibilisation a éveillé les hommes aux risques qu’ils peuvent courir et comment aller chercher de l’aide. Interrogés sur ce qu’ils ont retenu des formations, leurs réponses varient. Pour ce qui est de la séparation, plusieurs ont retenu qu’il ne fallait pas attendre les idéations

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suicidaires, qu’il fallait être à l’écoute de la détresse de l’autre, des messages qui sont envoyés et qu’il importe de savoir écouter et référer. Le thème du suicide semble avoir davantage accroché les hommes, surtout dans une des entreprises où un employé avait déjà presque complété une tentative de suicide. Ce que les participants disent principalement avoir retenu, ce sont les signes avant-coureurs du suicide et qu’il s’agit rarement d’une impulsion spontanée, mais le plus souvent d’un acte qui a mijoté dans la tête de la personne avant le passage à l’acte. Plusieurs considèrent très important que ce genre de rencontre ait lieu afin que les employés puissent détecter les changements de comportement et se donner les moyens d’être à l’écoute les uns des autres. En fait, les répondants considèrent que la rencontre a été très appréciée et qu’elle a donné plus que ce à quoi les participants s’attendaient. 3.2.4. Le programme de sentinelles Le second objectif poursuivi par le CPSQ et AutonHommie est la mise en place d’une ou plusieurs sentinelles au sein des milieux de travail. Les sentinelles sont des adultes susceptibles d’être en contact avec des personnes suicidaires dans leur lieu de travail, à l’école ou dans tout autres milieux. Elles ont pour responsabilités de dépister, de guider et d’orienter une personne aux prises avec des idéations suicidaires, ainsi que son entourage. À la fin du questionnaire d’évaluation de la sensibilisation, les participants pouvaient manifester leur intérêt à jouer ce rôle. Trente-cinq personnes ont soumis leur nom pour une formation d’une journée alors qu’au début les organismes parrains prévoyaient seulement une dizaine de participants. Le contenu de cette séance couvre deux grands objectifs : dépister les indices de détresse et saisir les spécificités de la demande d’aide des hommes. Lorsque les répondants ont été questionnés sur leurs motifs à devenir des sentinelles au sein de l’entreprise, trois facteurs sont principalement nommés : 1) le fait d’avoir connu une personne qui s’était suicidée ou qui avait attenté à ses jours; 2) leur rôle dans l’entreprise (chef d’équipe, responsable) qui a amené leur employeur à vérifier leur intérêt à tenir ce rôle et 3) pour certains, ce choix s’est fait presque de lui-même parce qu’ils sont reconnus pour leur écoute et qu’ils aiment être en contact avec leurs confrères de travail, ces derniers ont développé le réflexe d’aller vers eux lorsqu’ils en sentent le besoin. Avant la formation proprement dite, les animateurs désiraient interroger les participants sur leurs connaissances de la problématique du suicide. De manière générale, pour près de la moitié, et plus dans certains cas, les participants ne pouvaient définir avec précision le rôle de la sentinelle en prévention du suicide, ni vérifier l’urgence suicidaire, les idéations suicidaires et les signes précurseurs du suicide, ni prendre contact avec une personne en détresse de façon adéquate, communiquer les informations pertinentes à une personne ressource, afin que la personne suicidaire reçoive l’aide nécessaire et identifier les services de soutien aux sentinelles. Là où une majorité se dégage est lorsque vient le temps d’accompagner la personne suicidaire et

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la motiver à demander de l’aide, près des trois-quarts des répondants affirment être en mesure d’accomplir cette tâche. Après la sensibilisation, toutes les personnes intéressées à devenir sentinelle pouvaient répondre par la positive à tous les énoncés précédemment cités. Les participants ont évalué très positivement la formation de sentinelles, et ce, tant en ce qui concerne l’organisation, le contenu, les activités proposées que l’équipe d’animation. Ils considèrent que cette formation leur a fourni de bons outils. Un des répondants interviewés a mentionné qu’il a été obligé de faire des mises à pied par la suite. Il rapporte que la question du suicide lui a effleuré l’esprit et que, dans les circonstances, il s’est montré plus attentif qu’auparavant aux réactions des employés à qui il devait annoncer la nouvelle. Aucun des répondants n’a eu à mettre cette formation en action mais advenant le cas, tous se sentent disposés à le faire en accompagnant et en référant. Comme suggestions d’amélioration, certains aimeraient que le contenu soit présenté en deux ou trois étapes afin d’alléger les présentations. Certains aimeraient qu’il y ait un temps d’échange plus long. Par ailleurs, les responsables du projet notent qu’il est préférable de séparer les employés des patrons. L’équipe d’animation a observé que cela change le contenu des discussions et des échanges. Par ailleurs, la formule de coanimation homme/femme a été très appréciée. En ce qui regarde leurs besoins futurs, les sentinelles mentionnent qu’il serait important d’assurer un suivi une ou deux fois dans l’année ; il faut pratiquer, se rafraichir la mémoire. Un répondant fait la comparaison avec la formation en réanimation cardio-respiratoire (RCR) dont une mise à jour est habituellement prévue.

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Conclusion et recommandations Le projet « SOS Rupture » mené conjointement par AutonHommie et le Centre de prévention du suicide de Québec s’est déroulé de septembre 2007 à octobre 2008. Le projet visait deux grandes cibles : d’abord une meilleure concertation entre les deux organismes et un échange d’expertise et sensibiliser des entreprises à la détresse liée à la rupture amoureuse chez les hommes et recruter à l’intérieur de celles-ci des sentinelles en prévention du suicide. Ainsi, les données recueillies au cours de cette évaluation indiquent clairement que le projet a largement atteint les objectifs prévus. Pour ce qui est des mécanismes de collaboration entre les deux organismes, les formations mutuelles ont été très appréciées et répondaient clairement à un besoin selon les intervenants et intervenantes interrogés. En ce qui concerne les milieux de travail et scolaires, six entreprises ont été rejointes (comparativement au 10 prévues initialement) de même que les deux écoles pour adultes ciblées. Au total, 139 personnes ont assisté aux rencontres de sensibilisation à la détresse des hommes en période de séparation et 31 personnes ont assisté à la formation destinée aux sentinelles, ce qui représente un nombre nettement supérieur aux prévisions. Dans tous les cas, ces formations ont été très appréciées. On note également des changements marqués en pré et post test dans les attitudes rapportées notamment en regard de la demande d’aide en période de difficultés personnelles. Bref, hormis des réajustements mineurs, les données colligées nous indiquent que ce projet novateur a largement rempli ses objectifs. Le point le plus négatif est sans aucun doute qu’aucun suivi n’est prévu dans ce type de projet. Nous recommandons donc : Au ministère de la Santé et des Services sociaux de reconduire ce projet pour les années futures afin d’assurer un suivi auprès des sentinelles formées et d’offrir d’autres séances de sensibilisation aux employés et de s’assurer que le même service soit offert à d’autres entreprises. Au CPSQ et AutonHommie :

• de faire connaître leurs mécanismes de concertation à tous leurs intervenants et intervenantes et de prévoir des rencontres des deux équipes une fois ou deux par année afin de bien solidifier les liens et offrir des occasions d’avoir de nouveaux points de vue lors de discussions cliniques ;

• de revoir les suggestions des répondants et réaménager les contenus des formations en conséquence ;

• de faire connaître cette nouvelle expertise à d’autres CPS et organismes pour hommes.

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Les faits saillants de l’expérimentation Principaux résultats Selon l’évaluation menée par les auteurs du rapport d’évaluation, le projet pilote mené par AutonHommie et le Centre de prévention du suicide de Québec a donné les résultats suivants : Concernant la formation et l’échange d’informations entre les deux organismes : Les intervenants se disent mieux informés sur les problématiques vécues par les

hommes. Les échanges d’informations ont permis d’éliminer des préjugés sur la clientèle

masculine. Les intervenants mentionnent que l’appui démontré par un autre organisme est

un support motivant et positif. Concernant la formation enseignée par les intervenants du Centre de prévention du suicide de Québec: L’évaluation de l’urgence suicidaire, ainsi que l’outil du pacte de non-suicide ont

été deux éléments appréciés par les intervenants d’AutonHommie. Concernant la formation enseignée par les intervenants d’AutonHommie : Les intervenants du Centre de prévention du suicide de Québec disent mieux

comprendre la problématique du suicide chez les hommes, les facteurs motivant ce geste, ainsi que la perception négative des hommes à propos de la demande d’aide.

Plusieurs intervenants mentionnent que cette formation a amélioré le savoir-être et le savoir-faire dans leur travail d’intervention auprès des hommes.

Concernant la sensibilisation des participants des entreprises et des écoles au projet : Avant la sensibilisation, 16 % des répondants mentionnaient la recherche d’aide

comme solution à leur problème, comparativement à 70 % suite à la sensibilisation.

Sur le peu d’hommes qui songeaient à demander de l’aide avant la sensibilisation, ces derniers demandaient de l’aide principalement à leur conjointe, alors que le post-test révèle que 90 % des hommes feraient une demande à une personne-ressource (ami, collègue de travail, intervenant professionnel).

Concernant l’évaluation de l’atelier de sensibilisation : La formule de coanimation homme/femme est bien appréciée par les

participants. Les participants se sont dits plus conscients au sujet des problématiques

masculines, qu’ils ont appris beaucoup sur ce sujet.

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Les sentinelles rapportent que peu de personnes ont fait une demande d’aide. Toutefois, les rencontres effectuées par celles-ci ont été bénéfiques.

Concernant la formation au programme de sentinelles : Avant la formation, plus de la moitié des participants ne pouvait pas identifier

plusieurs symptômes du suicide, tels les idéations suicidaires ou les signes précurseurs. Après la formation, tous pouvaient y répondre.

Avant la formation, près des trois quarts des répondants se disaient en mesure d’accompagner une personne suicidaire. À la fin, tous s’en disaient capables.

Recommandations Suite aux résultats mentionnés précédemment, les auteurs en arrivent aux principales recommandations suivantes : Au ministère de la Santé et des Services sociaux Il est recommandé de reconduire ce projet pour les années futures afin d’assurer un suivi auprès des sentinelles formées et d’offrir d’autres séances de sensibilisation aux employés et de s’assurer que le même service soit offert à d’autres entreprises. Au CPSQ et AutonHommie Il est recommandé

• de faire connaître leurs mécanismes de concertation à tous leurs intervenants et intervenantes et de prévoir des rencontres des deux équipes une fois ou deux par année afin de bien solidifier les liens et offrir des occasions d’avoir de nouveaux points de vue lors de discussions cliniques ;

• de revoir les suggestions des répondants et réaménager les contenus des formations en conséquence ;

• de faire connaître cette nouvelle expertise à d’autres CPS et organismes pour hommes.

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RÉSULTATS DE RECHERCHE

SOS RuptureProjet pilote de prévention du suicide

Sous la direction de Gilles Tremblay et Jean-Yves Desgagnés

Masculinités et Société Pavillon Charles-De Koninck Local 0453 Université Laval Québec (Québec) G1V 0A6

418 656-2131, poste 6516 Télécopieur: 418 656-3309 www.criviff.qc.ca/masculinites_societe