Queste d'une divinite au feminin: etude de Jovette Marchessault et Bani Basu
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Quête d’une divinité au féminin : le rapport mère fille dans
Des cailloux blancs pour les forêts obscures de Jovette Marchessault
et Gandharvi de Bani Basu.
Introduction
Le rapport mère-fille existe universellement et transcende
les barrières spatio-temporelles. Marianne Hirsch en
écrivant sur le rapport mère-fille constate que les
écrivaines sont souvent influencées par le lien qu’elles ont
vécu particulièrement avec leur mère pendant leur jeunesse.
Ces expériences ne sont pas universelles et dépendent de la
société, de la condition économique, politique etc. du
milieu où vit l’écrivaine.1 Selon Hirsch, les traditions
patriarcales ainsi que la critique traditionnelle reste
silencieuse sur le rapport mère-fille dans les textes des
femmes tandis que ce rapport devrait jouer une part
importante dans leurs écrits. En s’appuyant sur le mythe de
Demeter et de Persephone raconté par Luce Irigaray, elle
1 Hirsch Marianne, The Mother/Daughter Plot: Narrative, Psychoanalysis, Feminism (Bloomington et Indianapolis, University of Indiana Press, 1989), p. 14.
1
constate que le compromis entre la mère Demeter et Hadès2,
établit un cycle qui ne réconcilie pas le principe féminin
et le principe masculin en tant que l’héritage que suivra la
fille. Au contraire, il y une opposition soutenue par ce
transfert continu entre la maison de la mère et celle du
mari3 .4
Cette problématique révolue sur l’héritage maternel nié à la
femme et son aliénation de la mère. La tradition qui définie
la femme en relation avec l’homme (mari/femme), avant tout
autre, et non comme être libre à s’accomplir, agit comme un
habitus5 dans la société patriarcale soit en occident ou en
2 Le mythe raconte l’enlèvement de Persephone par Hadès, roi des Enferset en conséquence, Demeter, mère de Persephone, déesse des récoltes,rend la terre infertile pour se venger d’Hadès. Zeus intervient et il ya un compromis. Perséphone passera six mois chez sa mère sur terre etsix mois de l’hiver avec Hadès.3 Il est intéressant à noter qu’en Inde, il y a une cérémonie pareilleoù la déesse Durga, la fille de la Terre mère, vient lui rendre visitesur la terre, pour dix jours et son départ chez son mari marque lecommencement de l’hiver.4 Hirsch Marianne, The Mother/Daughter Plot: Narrative, Psychoanalysis, Feminism(Bloomington et Indianapois, University of Indiana Press, 1989), p. 102-103. “Au fur et à mesure que nous suivons le retour de Persephone chezsa mère, pour une partie de l’année et sa descente répétitive au mariageet à l’Hadès, pour une partie de l’année, il me semble qu’il nous fautreviser notre notion de resolution. A la fin de l’histoire, le respectde Perséphone entre sa mère et son mari est divisé, sa position estambigue. Le cycle répétitif se base, non sur la reconciliation mais surl’opposition continue et pour le soutenir et le perpétuer.” 5 Ce concept tiré de Pierre Bourdieu serait expliqué en detail dans lespages suivantes. “L’habitus est une subjectivité socialisée, un système
2
orient. L’héritage passé de mère en fille pose un défi à la
« domination masculine »6 et à cet habitus.
Des cailloux blancs pour les forêts obscures7écrit par Jovette
Marchessault, écrivaine canadienne et Gandharvi8 de Bani
Basu, écrivaine bengalie de l’Inde, consistent notre corpus.
Nous analyserons comment les deux protagonistes révèlent un
rapport dynamique dans la relation mère-fille en même temps
qu’elles éclaircissent les enjeux de l’habitus patriarcal
dans leur propre idéologie.
D’origine française et amérindienne Jovette Marchessault
est née à Montréal en 1939. Elle est connue comme
dramaturge et romancière. Notre roman est le troisième dans
de dispositions ouvert, sans cesse affronté à des expériences nouvelleset donc sans cesse affecté par elles. Il est durable mais non immuable.”Champagne Patrick et Olivier Christin, Mouvements d’une pensée Pierre Bourdieu,(Paris, Bordas, 2004), p. 226.6 Terme tiré de la théorie de Pierre Bourdieu, que nous expliquerons plus tard en detail.7
? Marchessault Jovette. Des cailloux blancs pours les forêts obscures (Montréal, Leméac, 1987). Pour me référer à cet ouvrage j’utiliserai l’abréviation C. B. F. O. dans tout l’article.
8 Basu Bani. Gandharvi (Kolkata, Ananda publishers, 1993). (Toutes les citatations de ce livre sont traduites par moi du bengalie, pour cet article). Il n’existe pas de traduction de ce livre en aucune langue. Pour me référer à cet ouvrage j’utiliserai l’abréviation G. dans tout l’article.
3
la série de Comme une enfant de la terre. Ses thèmes s’agissent
de : la marginalité, le combat des femmes pour s’approprier
leur histoire, la puissance de la parole, la primauté de
l’expérience concrète.
Bani Basu est née dans les années 1940 à Calcutta.
Professeur d’anglais elle choisit pourtant, d’écrire en
bengalie. Ses thèmes préférés sont la vie de la jeunesse
dans les villes de Bengale, le féminisme.
L’histoire en bref
Dans Gandharvi, la mère Apala n’a qu’une passion dès sa
jeunesse, devenir une chanteuse classique. Une fameuse Begum
de Lucknow, chanteuse classique veut entrainer Apala mais sa
famille orthodoxe ne lui permet pas de quitter la maison
patriarcale. La fille ainée d’Apala, l’écrivaine, choisit de
ne pas suivre sa mère même si elle est douée d’une voix
extraordinaire. Elle pense que le talent de sa mère est la
cause de toutes les misères que celle-ci doit endurer dans
la famille où elle est mariée. Son mari, et ses beaux-
parents exploitent Apala qui gagne le plus mais qui est
4
toujours accusée d’être une femme inefficace, d’être
mauvaise mère et mauvaise épouse. Après la mort de sa mère,
la jeune fille commence à valoriser le talent, le sacrifice,
le courage de sa mère et elle devient écrivaine, créatrice
comme sa mère.
Dans Des cailloux blancs la jeune Noria est née lorsque sa mère
et le Lion de Bangor, un scientifique qui poursuit des
recherches des cellules cancereuses, se tombent amoureux. En
compagnie de son amie lesbienne, Harriet, une riche
héritière, la mère de Noria devient une aviatrice, son rêve
depuis longtemps. Le Lion se venge de Harriet en distribuant
les celleules du cancer qui a envahi son corps de façon que
chaque cellule de son corps soit exploitée. La mère le
quitte pour toujours. Après la mort de sa mère le Klan
enferme Noria dans un bordel des Nazis. Noria donne
naissance à un garçon qui est enlevé par les Nazis dans des
cliniques d’expérimentations médicales. Là, il meurt et cela
rend Noria, presque folle. Elle se distancie de tous les
souvenirs de sa mère pendant cette époque. Plusieurs années
plus tard, un jour elle se perd dans les montagnes et son
5
moteur ne marche plus, lorsqu’elle entend la voix de sa mère
qui la guide à travers une brèche dans les rochers, et la
guide vers une communauté de femmes lesbiennes.
Je vais étudier les deux romans dans la perspective de
l’héritage maternelle passé de mère en fille comme un
capital symbolique qui pose un défi à l’autorité patriarcale
dans le champ familial. Notre analyse serait divisée en
trois parties : a) L’incorporation de l’habitus patriarcal :
des femmes aliénées, b) Idéalisation de la mère : outrer la
violence symbolique c) Fixer le centre : la diversité des
valeurs au féminin.
Dans la première partie nous allons explorer comment le
capital symbolique patriarcal influence le rapport mère-
fille de façon que la jeune fille incorpore les valeurs du
patriarcat et se distancie de la mère. Dans la deuxième
partie nous allons voir comment petit à petit, les filles
devenues femmes, se libèrent de cette violence symbolique
faite à leurs mères. Elles commencent à idéaliser les
valeurs qu’elles attachent à la vie de leurs mères et ainsi
se libèrent de l’habitus patriarcal. Elles sortent du
6
rapport de domination/subordination pour découvrir un
héritage de l’idéale divine au féminin. Dans la troisième
partie nous allons examiner les valeurs de la femme idéale
qui diffère chez les deux protagonistes. Le féminisme
postcolonial a découvert que l’image de la femme idéale, des
valeurs dites féministes, se diffèrent de société en
société. Les protagonistes de ces deux romans démontrent
qu’il n’y a pas un féminisme juste comme il n’y a pas un
habitus statique qui exerce la domination sur des groupes de
femmes de cultures variées. Le féminisme n’est pas hors des
influences sociales différentes dans chaque société et cela
détermine la notion de l’héritage et de la liberté chez les
deux protagonistes.
a) L’incorporation de l’habitus patriarcal : des femmes
aliénées
Pierre Bourdieu, sociologue a exposé la théorie de « la
domination masculine » dans un livre portant le même nom.
Selon lui, c’est « la domination éxercée au nom d’un
7
principe symbolique connu et reconnu par le dominant comme
par le dominé, une langue (ou une prononciation), un style
de vie (ou une manière de penser, de parler ou d’agir)… »9
La domination devient symbolique parce qu’elle est exercée à
travers des obligations et des devoirs arbitraires reconnus
par la société comme une norme, dont se constitue la culture
d’une société. La domination symbolique est « celle qui fait
que l’on accepte d’obéir parce que l’on s’y sent moralement
contraint…Les dispositions qui les inclinent à cette
complicité objective sont elles-mêmes un effet incorporé de
cette domination. »10
Dans ce même contexte Bourdieu expose la notion de « la
violence symbolique ». C’est un type de violence qui
« extorque des soumissions qui ne sont même pas perçues
comme telles en s’appuyant sur des attentes collectives »,
des attentes socialement inculqueés. La société, à travers
le processus de socialisation produit des agents (des
membres de la société) justifient et demandent qu’un groupe
9 Bourdieu Pierre, La domination masculine (Paris, Seuil, Collection Liber, 1998), p. 7-8.10 Champagne Patrick et Olivier Christin, Mouvements d’une pensée Pierre Bourdieu (Paris, Bordas, 2004), p. 224-225.
8
domine l’autre et que les dominées valorisent cette
domination. La violence est tellement subtile qu’elle
envahit les manières de vivre, de penser et d’agir dont les
agents ne sont même pas toujours conscients.11
La notion de l’habitus chez Bourdieu est celle d’une
structure qui dirige la pensée et l’action et se perpétue à
travers les agents. Ils sont des instruments inconscients de
cet habitus et le propage comme leur propre orientation et
leur propre décision. Ainsi une structure imposée par le
passé, se manifeste, se renouvelle et se solidifie à l’insu
de l’individu, son agent.12
Ce que nous allons montrer c’est que dans ces deux romans de
Jovette Marchessault et de Bani Basu, la culture patriarcale
11 Vernier Bernard, “Violence symbolique” dans Pierre Bourdieu: Les champs de la critique, s. la dir. de Philippe Corcuff (Paris, Bpi/Centre Pompidou, 2004) p. 21.12 Ed. par Calhoun Craig, Edward Li Puma and Moishe Postone, Bourdieu-Critical Perspectives, (Cambridge, Polity Press, 1993), p. 170. Il l’expliquecomme « The concept of habitus refers to an ensemble of schemata ofperception, thinking, feeling, evaluating, speaking and acting, thatstructures all the expressive, verbal and practical manifestations andutterances of a person. Habitus has to be thought of as a modusoperandi, a « generative principle of regulated improvisations » (whichare called practice), an incorporated structure formed by the objectiveconditions of its genesis. It is « embodied history, internalized as asecond nature…habitus refers to something incorporated, not to a set ofnorms or expectations existing independently of and externally to theagent….habitus refers to a generative principle, not to a set of fixedand finite rules. »
9
agit comme un habitus en effectuant une violence symbolique
contre la femme. La structure de la famille patriarcale (le
champ familial) décourage la femme de devenir un être humain
ambitieux, une créatrice ou une célébrité, et « extorque la
soumission » de la femme vis à vis du père de famille : soit
le père, le mari ou le beau père. C’est là une violence
symbolique. L’héritage légué par la mère est un capital
symbolique qui est nié à la femme dans la structure
patriarcale de la famille traditionnelle. Les jeunes filles
protagonistes dans ces romans incorporent les valeurs du
patriarcat vis à vis de leurs mères et se distancient de
l’héritage de leur mère au début de leur jeunesse. La
domination masculine qui dénigre la femme comme être
indépendent et créateur se révèle en dépit des valeurs
d’égalité et de liberté apportées par la globalisation.
Toute la société se lègue contre la femme qui voudrait se
jouir de son amour pour d’autres femmes et d’autres êtres
humains à part la famille immédiate. Les femmes sont
aliénées de leur amour pour la terre, pour la nature et ne
sont valorisées que comme femmes et mères.
10
La mère Apala, dans Gandharvi, voulait poursuivre ses études
en musique mais la société indienne où elle vivait croyait
que les chanteuses ne sont pas des femmes ‘normales’,
qu’elles ont une mauvaise réputation.13 Bien que la société
indienne propage les idéales du nationalisme libéral à ce
moment, les femmes sont censées de sauvegarder la tradition
contre l’envahissement culturel des colonisateurs
occidentaux. Souvent pendant la guerre de l’Indépendence, la
modernisation était confondue avec l’envasion culturelle et
la tradition avec l’orthodoxie. Ainsi dans notre roman,
relève de la violence symbolique, tout ce qui, dans cette
société ne permettait pas aux femmes d’avoir des
professions, des ambitions, qui étaient permises aux hommes.
Cela rendait inévitable la domination économique, sociale et
culturelle ainsi que l’exploitation de la femme. Apala, par
exemple ne peut pas devenir chanteuse comme son ami Soham.
Dans sa famille, son oncle prend la décision de la marier
lorsqu’elle n’a que dix-neuf ans et sa mère, ne peut pas
13 L’oncle d’Apala pense le begum/comptesse, musicienne fameuse, n’est qu’une prostituée qui chante pour plaire aux hommes qui lui rendent visitent pour d’autres plaisirs qu’elle offre à part ses chansons. G. p.36-37.
11
protester. Tandis que son frère, étant beaucoup moins doué,
est soutenu par la famille pour devenir médecin et il est
permis d’aller aux Etats-Unis.
D’une part les nationalistes luttent pour libérer l’Inde du
colonialisme, et d’autre part ce même but de la libération
des anglais, rend la famille patriarcale plus orthodoxe. Vis
à vis d’une société dont la culture s’imprègne des valeurs
et de l’influence occidentales, la famille patriarcale exige
que les femmes retiennent les traditions orthodoxes. Apala
est victime d’une telle société. Elle n’est pas autorisée à
continuer son entrainement en musique et elle est forcée à
se marier dans une famille qui reconnaît peu son talent.
L’habitus patriarcal influence le comportement du victime et
Apala commence à se croire incapable comme femme et mère.
Souvent elle se dit qu’elle n’est douée que pour chanter (G.
p. 50). La fille ainée d’Apala, Titu, incorpore aussi cette
irrévérence pour la mère qui chante et elle devient
patriarcalisée d’une telle façon qu’elle refuse de chanter
ou de devenir artiste. En fait, Titu, douée d’une voix
extraordinaire déteste la chanson, ce qui est la passion
12
d’Apala. L’enfant, Titu, n’aime pas sa mère qui chante, ou
écouter ses chansons au radio. (G. p. 92). « Je sais ce qui
se passe quand on chante, en te voyant, maman. S’il te plaît
ne me force pas. Je deviendrai bureaucrate », dit-elle. (G.
p. 132). Tout le monde dans cette famille n’a que du dédain
envers une belle-fille si célèbre comme chanteuse.
Dans Des cailloux blancs, c’est la fin de la deuxième guerre
mondiale. D’une part, les nations se rapprochent pour forger
une union globale. D’autre part, les forces Nazis ont
exterminé des femmes et des enfants, dangers potentiels à
leur notion d’une race suprême. Dans ce roman aussi, la
violence symbolique contre les femmes se perpetue à travers
la domination masculine. Les femmes n’ont pas encore eu le
droit de vote, et plusieurs professions comme l’aviation ne
leur sont pas ouvertes. La mère de Noria devait épouser un
riche héritier comme le Lion de Bangor possédant un Spad -
petit avion privé, pour apprendre à voler. Faute d’avoir
accès aux vols officiels, elle doit mettre sa vie en danger
plusieurs fois pour prouver son talent. Pourtant l’aviation
lui permet de participer dans des syndicats féministes.
13
Noria, enfant encore est enlevée par les Nazis. Elle devient
victime de la violence raciste à cause des affiliations
politiques libérales de sa mère qui était lesbienne. En
fait, Noria a dû faire face à beaucoup de difficultés à
cause des liens socialistes de sa mère. Le Ku Klux Klan
s’est vengé d’elle. Son corps est abusé par les soldats
Nazis, son fils est tué en expérimentations médicales.
Si Sohini, la protagoniste chez Basu, est un victime plus
aliénée de son héritage maternel, c’est Noria, la
protagoniste de Marchessault qui souffre plus à cause de la
violence patriarcale. Tout de même, les deux protagonistes
se rendent compte de leur servitude psychologique au
patriarcat. Les deux, pareille à Persephone retrouvent leur
place originelle auprès de la mère.
Luce Irigaray constate que la plupart des traditions
religieuses d’où l’homme occidental a hérité son bagage
symbolique, privilégie le patriarcat. Même les
interprétations nouvelles de Karl Marx et de Sigmund Freud
« sont insuffisantes parce qu’elles restent liées à une
14
mythologie patriarcale qui s’interroge bien comme telle. »14
Elle suggère que la seule manière de libérer les femmes
d’une culture qui ne les exploite pas, dit-Irigaray, est de
retrouver une éthique basée sur la différence des sexes et
qui valorise les deux sexes également et d’une façon unique
et complémentaire, « ce qui est important, c’est de définir
les valeurs d’appartenance à un genre valable pour chacun
des deux sexes. Ce qui est indispensable, c’est d’élaborer
une culture du sexuel, encore inexistente, dans le respect
des deux genres. »15 constate-elle.
J’ai voulu montrer que dans ces deux romans le rapport mère
fille passe par deux étapes. La prèmière étape que nous
avons analysé dans cette partie, démontre que nourrie dans
une société plutôt patriarcale, les deux filles apercoivent
que leurs mères ne sont que l’objet du dédain et du mépris
et elles veulent donc, se distancier de leurs mères.
L’habitus patriarcal a aliéné les protagonistes. Elles
14 Irigaray, Luce, Je, tu, nous, (Paris, Editions Grasset et Fasquelle, 1990), p. 27.
15 Irigaray, Luce, Je, tu, nous, (Paris, Editions Grasset et Fasquelle, 1990), p. 13.
15
dévalorisent leur héritage matriarcal, et ainsi le capital
symbolique qu’elles ont hérité de leur mère, comme femme et
créatrice, reste négligé. Mais une fois la mère décédée,
pour les deux filles, son personnage devient l’image d’une
divinité. L’habitus qui avait patriarcalisé les deux jeunes
filles, fait place à la conscience d’un héritage que celles-
ci ont hérité de leurs mères et qui les aide à définir leur
propre identité comme femmes.
b) Idéalisation de la mère : outrer la violence symbolique
Dans son livre, Sexes et parentés, Irigaray nous explique que
l'homme peut exprimer soi-même, peut essayer d'atteindre la
possibilité de devenir un homme parfait parce qu'il a un
idéal du masculin dans la notion de Dieu qu'il adore. Dieu
représente toutes les valeurs associées avec le masculin.
Ainsi en adorant Dieu, l’homme peut envisager l’image la
plus parfaite du genre masculin. Au contraire, les femmes ne
savent pas encore ce qui est la personnification d'une femme
parfaite, ou, elles n'ont pas une Divinité à adoreri.16
16Irigaray Luce. Sexes and Genealogies, Trad. de français en anglais par Gillian C. Gill (Columbia University Press, 1993), p. 23.
16
Comme elle dirait, cette forme d’énergie, « qui nous incite
à devenir parfaitement nous-mêmes et à vivre la relation à
l’autre, aux autres et au monde », n’existe pas pour les
femmes.17Pour encourager une culture au féminin, il faut que
les femmes aient un héritage à suivre. Or, la mère est la
personne la plus proche à la femme, celle qui la nourrit en
elle, celle que l’enfant adore et suit dans son comportement
quotidien.
D’ailleurs, en analysant les romans de Marchessault, Lori
Saint-Martin dirait :
Jovette Marchessault, Madeleine Gagnon, LoukyBersianik-participent toutes trois d’un mêmecourant de pensée, dans le droit fil de laréfléxion de Luce Irigaray. 18
Nous allons suivre cette perspective nouvelle qui, afin de
formuler un nouveau capital symbolique essaie de créer une
divinité au féminin, une généalogie issue de cette divinité
en se manifestant sur le plan terrestre, dans le personnage
humain des mères ou des grand-mères.
17 Roy Marie-Andrée. Une présentation, “Luce Irigaray: le féminin et la religion”, Religiologiques (Montréal, no 21, printemps, 2000), p. 2.18 Saint-Martin, Lori, Le Nom de la Mère, Editions Nota béné, Montreal, 1999, p. 217.i
17
Dans cette partie nous allons voir que l’habitus patriarcal
fait place à un habitus qui valorise l’héritage matriarcal
et le respect pour la mère. Après le décès de la mère, les
deux protagonistes s’inspirent de la vie de leur mères et
apercoivent que celles ci leur a légué un héritage des
valeurs auxquelles elles peuvent s’identifier. L’habitus qui
avait patriarcalisé les deux jeunes filles, fait place à la
conscience d’un héritage qui les aide à définir leur propre
identité comme femmes. Cet héritage et cette mémoire les
aident à définir les valeurs de la divinité au féminin dont
parle Irigaray. La violence symbolique du patriarcat contre
la femme perd son objectif à mesure que les filles
construisent leur monde à travers leur patrimoine (hérité
des mères, de la communauté des lesbiennes).
En élaborant sur la notion de l’héritage maternel chez
Irigaray, Saint-Cyr constate: « les généalogies féminines
sont comprises comme une filiation culturelle qui lie les
femmes à leurs mères spirituelles. »19Ainsi pour Noria sa
mère est un ange, qui la guide vers son avenir, son amour,
19 Roy Marie-Andrée. Une présentation, “Luce Irigaray: le féminin et la religion”, Religiologiques (Montréal, no 21, printemps, 2000), p. 3.
18
son destin. Pour l’héroine de Bani Basu, c’est un esprit
divin artistique, avec qui elle s’identifie en devenant
écrivaine. Dans les deux cas, il y a non seulement
l’adoration et l’idéalisation de la mère, mais encore une
identification entre les personnages de la mère et de la
fille qui paraissent continuer la même lignée, un héritage
au féminin.
Des cailloux blancs pour les forêts obscures, le thème de l’héritage de
mère en fille est impliqué dans la structure même de la
narration. La mère de Noria n’a pas de nom. Tout au cours du
roman, même dans l’histoire qui précède la naissance de la
fille, l’auteure l’appelle « La mère de Noria ». Le lecteur
est ainsi forcé de considérer ce personnage toujours à
travers son rapport avec sa fille. Deuxièmement, la
structure du roman est telle que la vie de ces deux
personnages s’entremêlent. Le premier chant (les chapitres
du roman sont intitulés des chants), s’ouvre à la scène où
Noria et son amie lesbienne, Jeanne sont en train de parler
de leurs vies, de leurs aspirations. Tout le roman est
raconté en retrospecte après que Jeanne rencontre le Lion de
19
Bangor qui rend visite à sa fille Noria, en coma, chez son
amie. La narratrice est hors de cette histoire de mère-
fille, mais en même temps elle paraît avoir une vision
globale nécéssaire pour relier les deux vies ensemble et de
les voir comme une partie d’une généalogie des femmes
héroiques qui ont souffert la tyrannie du patriarcat et ont
légué à la postérité un héritage de l’amour et du courage.
Ainsi Jeanne est la narratrice d’une histoire de femmes et
non seulement de Noria et de sa mère. L’histoire que Jeanne
va raconter est celle de « ces mères qui nous poussent dans
les reins. Elles sont tout près, si près à faire la planche
sur le fleuve des morts. Ou à s’y confronter, enfoncées
jusqu’aux oreilles dans l’éther. » (C. B. F. O., p. 12-13). Dans le
trosième chant la mère morte et Noria, sa fille en coma,
sont devenues déjà un héritage, une histoire qui vit dans la
conscience des gens. La fille et la mère s’identifient dans
la mort et elles sont comme deux faces d’une même légende ou
la continuité d’une même histoire. La violence symbolique
qui est toujours impliquée dans une vision masculine est
absente ici, à cause de la narration des femmes, et
20
l’histoire qu’elles racontent est personelle, subjective et
tirée de la mémoire d’une jeune fille de la vie de sa mère ;
d’où son authenticité. L’habitus patriarcal est sans doute
présent mais il influence au minimum une narratrice elle
même disillusionnée du monde où elle perçoit sa mère comme
victime du patriarcat et s’identifie avec elle dans sa
propre recherche du soi.
Quelles sont les valeurs que ces filles attribuent à
l’idéale de leurs mères ? De quoi consiste leur héritage
maternel d’où elles commencent à se percevoir différemment ?
Lorsque Noria raconte la vie de sa mère pour la première
fois à Jeanne, la mère paraît un personnage assez ambitieux,
qui démontrait peu d’émotions pour sa fille. On a
l’impression qu’elle n’a que de l’indifférence vis à vis de
sa mère. Mais tout cela change après l’incident du vol sur
les Appalaches. En racontant cet incident à Jeanne, Noria
paraît idéaliser sa mère. La mère est presque une divinité
qui non seulement garde sa fille d’une fatalité imprévue
mais l’amène vers son avenir car ce vol guide Noria vers la
21
communauté des femmes lesbiennes où elle connaîtrait l’amour
entre femmes pour la premiere fois.
Luce Irigaray dans Sexes et parentés, dit que les femmes n’ont
pas une divinité, une possibilité d’imaginer la perfection
de leur espèce, alors que les hommes ont un ‘Dieu’ ou
l’Absolu qui représente toutes les valeurs du masculin à
leurs possibilités infinies. Dans ce roman on apercoit que
la mère décédée devient une figure divine. Pour Noria, sa
mère devient l’image d’une femme courageuse qui « a battu
des records de distance, d’endurance, attirant des foules de
records ». Pour elle c’est un héritage sacré. Les pages qui
enregistrent ces records deviennent « les pages de la
légende rose » (C. B. F. O., p. 83), où la rose
signifie « l’absolu de l’amour » (C. B. F. O., p. 84). Irigaray
parle des valeurs héritées de cette divinité par les femmes
humaines. Pour Noria, sa mère représente des valeurs qu’elle
associe à la femme idéale : le courage, l’endurance, la
patience, l’amour de la perfection. Selon son amie Jeanne,
Noria a aquis ces valeurs de sa mère. (C. B. F. O., p. 86).
Enfin toute l’écriture de Marchessault, comme dirait Gloria
22
Feman Orenstein, est une ovation à la Mère Ancienne et aux
mères ancêtres, magiciennes, artistes, écrivaines.20 On
pourrait dire que ces valeurs redéfinissent l’habitus hérité
et le capital symbolique patriarcal de la violence et de la
mort font place à un autre capital symbolique lié à la
divinité au féminin : l’amour désinteressé, la sororité, la
sympathie pour la terre et les animaux. 21
Dans le roman Gandharvi de Bani Basu, la jeune fille d’Apala,
Titu ou Sohini grandit dans une famille où elle voit sa mère
sujette aux conventions très patriarcales et s’aliène de sa
mère lorsque celle ci est vivante. Après la mort d’Apala,
sans doute, elle a réfléchi sur son passé. Elle émule sa
mère, en choisissant d’être écrivaine. Dans sa biographie,
elle exprime sa révérence et son adoration pour la mère qui20 Orenstein Gloria. “Préface” dans La Mère des Herbes (Montréal, QuinzeEditeurs, 1980), p. 15.21 Saint-Martin Lori. Le Nom de la Mère (Montréal, Editions Nota Béné,1999), p. 224. “Chez Jovette Marchessault, la mère n’est pas liée àl’impuissance et promise à la mort ; au contraire, mère et fille sontliguées contre l’impuissance et décidées à vivre ensemble…la fille lacomprend et refuse de la juger...la mère, chez Jovette Marchessault, estsolidarité, mémoire, beauté, retour aux origines. Au fond JovetteMarhcessault récrit à sa manière le mythe de Demeter et de Perséphone endonnant à la fille le rôle actif attribué à la mère dans le mythe grec :la fille, s’étant rendu compte que toutes les mères ont été ravies àleurs filles par l’ordre patriarcal, entreprend de sauver la sienne-etde se sauver avec elle renouant ainsi, du même coup, avec toutes lesautres femmes.”
23
est glorifiée comme un être divin de l’art ainsi qu’indique
le titre du livre. Sa mère décédée, la jeune fille devient
écrivaine et elle choisit d’écrire dans sa langue maternelle
et non en anglais, bien que son entraînement fut dans cette
langue. Il y a une identification très forte entre mère et
fille, entre la langue de sa mère et sa langue d’écriture,
quand celle ci entreprend d’écrire la vie de sa mère (G., p.
186). L’écrivaine décrit la vie de sa mère comme un
personnage étranger à ce monde, trop sensitif, honnête,
artistique et noble pour la vie humaine. Le titre du
livre « Gandharvi » veut dire, l’esprit divin de l’art. Les
valeurs que l’écrivaine paraît idéaliser chez sa mère sont,
sa capacité d’endurer et de continuer à chanter tout en se
réconciliant aux tâches d’une femme au foyer. En négligeant
les tentations de plaire au public par des chansons
populaires elle est restée fidèle à la chanson classique et
c’est seulement à la fin de sa vie qu’elle a connu la
célébrité.
24
c) Les valeurs différentes attachées au concept de la
divinité
Dans les deux romans, la société en transition qui apporte
la modernisation et des droits politiques aux femmes,
déclenche en même temps, des forces qui oppriment la femme
sur le plan plus intime et familial. Des groupes puissants
avec des idéologies comme le Ku Klux Klan émergent. En Inde
le nationalisme qui se voue à l’idéal de la liberté et de
l’égalité propose une toute autre réalité pour les femmes
qui sont censées soutenir les traditions hindoues négligées
auparavant.
Dans cette partie nous allons voir que bienque les deux
protagonistes aient choisi un chemin différent dans leurs
vies, elles continuent à conserver l’héritage légué par
leurs mères. Finalement, je vais montrer que les deux filles
appartenant à deux sociétés différentes, reflètent dans leur
lutte pour le féminisme, des tendances différentes. Leurs
notions de la divinité au féminin se diffèrent suivant ce
qui est valorisé dans leur société, suivant deux manières
différentes d’apercevoir la réalité.
25
Le nationalisme ainsi que la globalisation souvent
appartiennent à la sphère public où les hommes bénéficient
par cette politique tandis que ces mêmes agents insistent
que la sphère domestique, la place de la femme reste
imperturbée par ces notions. « L’idée même d’épouser le nationalisme
pour une cause public/politique perpétue la séparation entre
l’intérieur/l’extérieur…dans des situations semblables le nationalisme devient une
préserve des hommes et les femmes sont punies et sont forcées à devenir des
véhicules d’une intériorité pure qui prend souvent la forme d’une double
déprivation… »22
Même si les deux femmes ont révolté de leur façon dans une
société patriarcale, leur lutte et leurs objectifs étaient
différents et distincts de l’un l’autre. Tandis que la mère
de Noria a choisi consciemment de ne pas continuer une
famille conjugale, Apala a essayé de se compromettre vis à
vis de sa carrière et elle n’a jamais voulu quitter sa22 “ The very idea of espousing nationalism for public-political causes perpetuates an already existing inner-outer split into a chronic schizophrenia. As Partha Chatterjee has argued, in such a situation nationalism becomes a male preserve and ‘women’ are punished into becoming the vehicles of a pure interiority that takes the form of a double deprivation.” Radhakrishnan R., “Postcoloniality and the Boundaries of Identity.”dans Identities Race, Class, Gender and Nationality Ed. Par Linda Martin Alcoff et Eduardo Mendieta (Oxford, Blackwell, 2003), p. 318.
26
famille conjugale. Pourtant elle n’y était pas très
heureuse. La mère de Noria avait quitté le Lion de Bangor
parce qu’elle ne pouvait plus supporter qu’il soit si
vindictif envers son amie qu’il distribua ses cellules
mortes, en se vengeant d’un corps mort. Apala fut aussi
disillusionnée de son mari qui lui avait promis beaucoup de
choses mais qui devenait jaloux de sa célébrité. Quand même
Apala ne l’abandonne pas, parce qu’elle n’avait jamais
attendu de la sympathie et de l’amour de lui. Elle se
conformait à cette société parce qu’en Inde de cette époque,
les femmes célibataires n’avaient aucun statut social. Une
telle société ne l’aurait même pas accepté comme chanteuse
si elle s’était divorcée.
Tandis que la femme occidentale cherche l’amour, la
satisfaction dans son travail, l’indépendence, la femme
indienne compromet souvent ses ambitions, son bonheur
personnel et se sent plus à l’aise en travaillant pour le
bonheur d’une famille où elle ne cherche qu’une petite
place. Souvent elle n’attend pas de l’amour et de la
sympathie de son mari à qui elle a été forcée d’épouser au
27
lieu de tomber en amour avec lui. Finalement, les valeurs
admirées par la mère de Noria, l’endurance, la capacité de
prendre des risques, ce que demande sa profession, sont les
valeurs auxquelles aspire également l’homme occidental. D’où
un conflit dans la situation même de travail. Au contraire,
les valeurs auxquelles aspire une femme indienne comme
Apala, sont l’amour de ses enfants, la dévotion à la
musique, ce sont généralement les valeurs que l’homme indien
ne voudrait pas atteindre. D’où l’absence de conflit avec
d’autres chanteurs hommes.
La philosophie religieuse hindoue théoriquement donne un
statut égale à la femme et à l’homme et ainsi il y des
féministes indiennes qui adhèrent à ce fait que des valeurs
et l’idéale de la feminité pourraient être complémentaires
aux valeurs et à l’idéal de la masculinité. Et que le divin
suprème est au-dessus de ces valeurs. Dieu n’a pas de
sexe.23
23 “Suppose you cut a tall bamboo in two Make the bottom piece a woman, the headpiece a man, Rub them together till they kindle: tell me now The fire that is born is it male or female, O Ramanatha?”“Si vous coupez un grand bamboo en deuxEt faites une femme de la partie inférieure et un homme de la supérieureFrottez les ensemble jusqu’à ce qu’ils s’enflamment: dites-moi alors
28
Plusieurs féministes en Inde se considèrent ayant des
objectifs et des valeurs différents de ceux de leur
contrepartie en Europe et en Amérique où le mouvement
féministe a commencé. Suma Chitnis remarque :
In the West there is a compulsion to alogical resolution of conflict toconfrontation and categorical choice. Incontrast the India culture places a greatervalue of compromise on the capacity to livewith contradictions and to balanceconflicting alternatives. 24
Elle observe, à l’Ouest on exige une conclusion logique à la
confrontation et un choix catégorique. Tandis que la culture
indienne valorise plus le compromis et la capacité
d’accomoder des contradictions, de trouver un equilibre
entre des alternatives contradictoires. Même si les deux
filles divinisent l’image de leur mère, on remarque que ce
sont des valeurs différentes qu’elles attribuent à cette
divinité.
Conclusion
Le feu qui se naît, est-il male ou femelle” (traduit par moi)Un ancien poème hindou, cité par Vanita Ruth, “Thinking Beyond Gender InIndia” dans Feminism in India, s. la dir. de Maitrayee Chaudhuri (New Delhi, Kali for Women and Women Unlimited, 2004), p. 75.24 Chitnis Suma, “ Indian Ethos and Indian Convictions ”, dans Feminism in India, s. la dir. de Maitrayee Chaudhuri (New Delhi, Kali for Women and Women Unlimited, 2004), p. 24.
29
On conclue que la mondialisation qui ouvre des contacts
entre les nations, est une force libératrice mais elle
pourrait aussi renforcer les groupes racistes qui trouvent
chez la femme une victime facile. Elle met en danger des
valeurs attachées au ‘nationalisme’. Le patriarcat, même
lorsqu’il accepte la mondialisation au niveau politique et
écononomique, devient plus orthodoxe au niveau culturel et
oppose la libération de la femme.
Apala est victime d’une tendance des sociétés en transition.
Selon Maitrayee Chaudhuri durant la période de transition
entre le nationalisme et le colonialisme il y avait une
tendance d’essentialiser la culture indienne : « essentialising
Indian culture and a construction of an image of recasted Indian womanhood as
an epitome of that culture. »ii 25. Ainsi, la famille patriarcale ne
peut pas supporter que la belle fille ait une identité à
soi, qu’elle soit occupée avec sa musique plus qu’avec sa
famille. Apala a compromis son ambition mais sa fille
continue son héritage artistique à travers son écriture.
25 Chaudhuri Maitreyee. “Introduction” dans Feminism in India (New Delhi, Kali for Women and Women Unlimited, 2004), p. 19.ii
30
Elle obtient aussi la reconnaissance sociale des œuvres
créatrices de sa mère et d’elle même.
Des cailloux blancs est situé dans une société en
transition.Tandis que politiquement les gouvernements
encouragent la mondialisation et la modernisation, des
groupes comme le Ku Klux Klan se vengent des femmes
lesbiennes et « jurent tous de veiller sur la chasteté de la
femme, de soutenir le patriotisme et de maintenir la
suprématie de la race blanche. » (C. B. F. O., p. 140)
Irigaray constate que historiquement l’obligation de la
femme d’engendrer des enfants suivant la généalogie du mari
se correspond au début du non-respect de la nature, de son
lien avec la divinité et de son lien avec le rapport mère-
fille. Paradoxalement le culte de la mère néglige souvent le
respect de la nature.26 Elle explique comment la culture
occidentale décourage le culte de la nature et son lien avec
le rapport mère-fille. Tandis que selon elle, les deux sont
liés. Selon nous, le lien mère-fille est découragé en toutes
26 Irigaray Luce, “The necessity for sexuate rights”, trad. par David Macey, dans The Irigaray Reader, s. la dir. de Margaret Whitford ( Blackwell Publishers, 2000), p. 200.
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sociétés à cause du peur du patriarcat de rendre les femmes
conscientes de leur héritage de l’amour, de maternité, de
leur pouvoir créateur comme mères et artistes.
Dans les deux romans, non seulement que les filles renouent
les liens d’amour avec leurs mères, après leur décès mais
aussi que celles-ci découvrent leur propre héritage
artistique et créateur hérité de leurs mères. En
rétablissant les liens avec l’héritage maternel, elles
réalisent que malgré les contraintes imposées par le
patriarcat à travers des taboos et des lois de l’oppression,
elles ont une identité et une histoire indépendentes
héritées de leurs mères. La découverte de leur propre
identité suit un processus de recherche de l’histoire d’un
combat courageux et personnel que leurs mères ont mené dans
leurs vies.
Une étude comparative de ces deux romans nous révèle
l’aliénation et l’oppression générale des femmes
irrespective du pays et des cultures. Dans cette atmosphère
aliénéante le rapport mère-fille évolue d’un état de mépris
à l’adoration et à la divinisation de la mère décédée. Quand
32
même, les tendances diverses des deux sociétés avec un
système de valeurs différent se reflètent dans les valeurs
différentes attachées à l’idéale de la mère. Malgré les
différences dans les sens et dans les buts attachés à ce
mouvement, le féminisme reste un humanisme. Et une étude
féministe a pour but, d’élargir les horizons non seulement
pour des femmes mais pour tous ceux qui sont opprimés par la
force.
Bibliographie :
1. Champagne Patrick et Olivier Christin, Mouvements d’une pensée Pierre Bourdieu, Bordas, Paris, 2004.
2. Hirsch Marianne, The Mother/Daughter Plot: Narrative, Psychoanalysis, Feminism, University of Indiana Press, Bloomington et Indianapolis, 1989.
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9. Saint-Martin, Lori, Le Nom de la Mère, Editions Nota béné, Montreal, 1999.
Articles :
1. Chaudhuri Maitreyee, “Introduction” dans Feminism in India, Kali for Women and Women Unlimited, New Delhi, 2004.
2. Chitnis Suma, “Indian Ethos and Indian Convictions ”, dans Feminism in India, s. la dir. de Maitrayee Chaudhuri, , Kali for Women and Women Unlimited, New Delhi, 2004.
3. Irigaray Luce, “The necessity for sexuate rights”, trad. par DavidMacey, dans The Irigaray Reader, s. la dir. de Margaret Whitford, Blackwell Publishers, Oxford, 2000.
4. Orenstein Gloria, “Préface” dans La Mère des Herbes, Quinze Editeurs,Montréal, 1980.
5. Radhakrishnan R., “Postcoloniality and the Boundaries of Identity.”dans Identities Race, Class, Gender and Nationality Ed. Par Linda Martin Alcoff et Eduardo Mendieta, Blackwell, Oxford, 2003.
6. Roy Marie-Andrée, “Une présentation, Luce Irigaray: le féminin et la religion”, Religiologiques, no. 21, printemps, Montréal, 2000.
7. Vanita Ruth, “Thinking Beyond Gender In India” dans Feminism in India, s. la dir. de Maitrayee Chaudhuri, Kali for Women and WomenUnlimited, New Delhi, 2004.
8. Vernier Bernard, “Violence symbolique” dans Pierre Bourdieu: Les champs de la critique, s. la dir. de Philippe Corcuff , Paris, Bpi/Centre Pompidou, 2004.
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