Organisation et financement des fouilles de La Tène (1907-1917). La construction des cadres...

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Les Nouvelles de l’archéologie n ° 133 Septembre 2013 Éditions de la Maison des sciences de l’homme Éditions Errance Financement et réglementation étatique de la pratique de l’archéologie (fin XIX e -début XX e siècle)

Transcript of Organisation et financement des fouilles de La Tène (1907-1917). La construction des cadres...

Les Nouvelles de l’archéologie

n° 133

Septembre 2 0 1 3

12 euros

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2013

Éditions de la Maison des sciences de l’hommeÉ d i t i o n s E r r a n c e

ISBN : 978-2-7351-1644-7

Financement et réglementation étatique de la pratique de l’archéologie

(fin xixe-début xxe siècle)

Sommaire

Éditorial 3 Le financement de la recherche archéologique

Dossier : Financement et réglementation étatique de la pratique de l’archéologie (fin xixe-début xxe siècle)

4e journées du PCR « Archives et correspondance de Joseph Déchelette », 25 et 26 octobre 2012, Laténium (Hauterive-Neuchâtel)

Marc-Antoine Kaeser, Gianna reginelli servais et Sandra Péré-noguès (éd.)

5 Sandra Péré-Noguès | Avant-propos 6 Marc-Antoine Kaeser | L’archéologie, une affaire publique : les enjeux

de la réglementation et du financement

1 | Légiférer et protéger

10 Arnaud Hurel | L’échec du projet de loi sur les fouilles archéologiques et paléontologiques de 1910

14 Serge lewuilloN | Fouilles, sites ou monuments ? 20 Allard Mees | La sauvegarde du patrimoine archéologique allemand

au temps de Joseph Déchelette 24 Philippe Marti | Les effets de la législation sur le statut des objets archéologiques :

le cas de Neuchâtel, entre 1870 et 1940 28 Gianna regiNelli servais | Organisation et financement des fouilles de La Tène (1907-1917).

La construction des cadres administratifs de l’archéologie neuchâteloise jusqu’en 1940 34 Géraldine Delley | Le financement de l’archéologie en Suisse dans la seconde moitié

du xxe siècle. Le rôle du Fonds national de la recherche scientifique

2 | financer La recherche hier

39 Sandra Péré-Noguès | Des sous et des archéologues : place et rôle de l’argent à travers la correspondance entre Émile Cartailhac et Joseph Déchelette

43 Marianne altit-Morvillez | Alésia, une fouille médiatique. Les enjeux du financement entre 1905 et 1914

48 Réjane roure | L’évolution du financement de l’archéologie en Languedoc : les exemples de Nîmes et sa région et de l’oppidum d’Ensérune

Actualités scientifiques

53 Armelle BoNis | Angkor. Naissance d’un mythe. Louis Delaporte et le Cambodge, une exposition du musée national des Arts asiatiques - Guimet du 16 octobre 2013 au 13 janvier 2014

Politique de la recherche

56 L’Institut national de recherches archéologiques préventives. Référé de la Cour des comptes 60 Jean-Paul DeMoule | La réforme de l’archéologie en 2013 : du Livre blanc

à la Cour des comptes

Sommaire

Éditorial 3 Le financement de la recherche archéologique

Dossier : Financement et réglementation étatique de la pratique de l’archéologie (fin xixe-début xxe siècle)

4e journées du PCR « Archives et correspondance de Joseph Déchelette », 25 et 26 octobre 2012, Laténium (Hauterive-Neuchâtel)

Marc-Antoine Kaeser, Gianna reginelli servais et Sandra Péré-noguès (éd.)

5 Sandra Péré-Noguès | Avant-propos 6 Marc-Antoine Kaeser | L’archéologie, une affaire publique : les enjeux de la réglementation

et du financement

1 | Légiférer et protéger

10 Arnaud Hurel | L’échec du projet de loi sur les fouilles archéologiques et paléontologiques de 1910 14 Serge lewuilloN | Fouilles, sites ou monuments ? 20 Allard Mees | La sauvegarde du patrimoine archéologique allemand au temps de Joseph Déchelette 24 Philippe Marti | Les effets de la législation sur le statut des objets archéologiques :

le cas de Neuchâtel, entre 1870 et 1940 28 Gianna regiNelli servais | Organisation et financement des fouilles de La Tène (1907-1917).

La construction des cadres administratifs de l’archéologie neuchâteloise jusqu’en 1940 34 Géraldine Delley | Le financement de l’archéologie en Suisse dans la seconde moitié du xxe siècle.

Le rôle du Fonds national de la recherche scientifique

2 | financer La recherche hier

39 Sandra Péré-Noguès | Des sous et des archéologues : place et rôle de l’argent à travers la correspondance entre Émile Cartailhac et Joseph Déchelette

43 Marianne altit-Morvillez | Alésia, une fouille médiatique. Les enjeux du financement entre 1905 et 1914

48 Réjane roure | L’évolution du financement de l’archéologie en Languedoc : les exemples de Nîmes et sa région et de l’oppidum d’Ensérune

Actualités scientifiques

53 Armelle BoNis | Angkor. Naissance d’un mythe. Louis Delaporte et le Cambodge, une exposition du musée national des Arts asiatiques - Guimet du 16 octobre 2013 au 13 janvier 2014

Politique de la recherche

56 L’Institut national de recherches archéologiques préventives. Référé de la Cour des comptes 60 Jean-Paul DeMoule | La réforme de l’archéologie en 2013 : du Livre blanc à la Cour des comptes

En couverture :Moulage d’un bas-relief d’Angkor Vat (première moitié xiie siècle) : détail du Barattage de l’Océan de Lait - la tortue supportant le mont Mandara. Mission Louis Delaporte 1881-1882 H. 71 cm - L. 178,5 cm - P. 9 cm. Plâtre patiné, montage filasse sur armature de bois. MO3C 9/1 © D.R.

Les Nouvelles de l’archéologie

N° 133Septembre 2013

RédactionFondation de la maison des sciences de l’homme190, avenue de FranceCS no 7134575648 Paris cedex 13Téléphone : 01 49 54 21 02Télécopie Msh : 01 45 48 83 53Courriel : [email protected] : http://www.nda.msh-paris.fr

Directeur scientifiqueFrançois Giligny (Université de Paris-I )

Rédactrice en chefArmelle Bonis (Conseil général du Val-d’Oise, direction de l’Action culturelle)

Secrétaire de rédactionNathalie Vaillant (Fmsh)

Relecture et maquetteVirginie Teillet (Italiques)

Comité de rédactionAline Averbouh (Cnrs, Toulouse)Olivier Blin (Inrap, Centre/ Île-de-France)Dorothée Chaoui-Derieux (sra, Île-de-France, Paris)Virginie Fromageot-Laniepce (Cnrs, Nanterre)Séverine Hurard (Inrap, Île-de-France)Claudine Karlin (Cnrs, Nanterre)Sophie Méry (Cnrs, Nanterre)Stéphen Rostain (Cnrs, Nanterre)Nathan Schlanger (Inrap, paris)Antide Viand (Service archéologique des Hauts-de-Seine, Nanterre)

Comité de lecturePeter F. Biehl (State University of New York, Buffalo, États-Unis)Patrice Brun (Université de Paris-I )Michèle Brunet (Université de Lyon-II )Joëlle Burnouf (Université de Paris-I )Noël Coye (Ministère de la Culture, Paris)André Delpuech (Musée du quai Branly, Paris)Bruno Desachy (EpCI, Mont-Beuvray)François Favory (Université de Franche-Comté, Besançon)Xavier Gutherz (Université Paul-Valéry - Montpellier-III )Marc Antoine Kaeser (Musée du Laténium, Neuchâtel, Suisse)Chantal Le Royer (Ministère de la Culture, Rennes)Fabienne Médard (Université de Bâle, Suisse)Christophe Moulhérat (École française d’Athènes)Agnès Rousseau (sra, Bourgogne)Alain Schnapp (Université de Paris-I, Paris)Stéphanie Thiébault (mnhn, Paris)Élisabeth Zadora-Rio (Cnrs, Paris)

Directeur de publicationMichel Wieviorka (Fmsh)

Abonnementépona sarl, 82 rue Bonaparte, 75006 Paris.Tél. : 01 43 26 40 41. Fax : 01 43 29 34 88. Courriel : [email protected]

Ventehttp://www.lcdpu.fr/revues/?collection_id=1666Comptoir des presses, 86 rue Claude Bernard, 75005 Paris. Tél. : 01 47 07 83 27

Les Nouvelles de l’archéologieRevue de la Fondation de la maison des sciences de l’homme, soutenue par la sous-direction de l’archéologie (ministère de la Culture) et l’Institut national des sciences humaines et sociales du cnrs. Les articles publiés, approuvés par le comité de lecture, sont sollicités par le comité de rédaction ou envoyés spontanément par leurs auteurs.

Les Nouvelles de l’archéologie proposent régulièrement un dossier de trente à cin quante pages ou des actes de colloques, séminaires, tables rondes, dont les thématiques concordent avec la ligne éditoriale. La revue publie aussi des articles d’actualité et des informations sur la politique de la recherche, l’enseignement et la formation, le financement et les métiers de l’archéologie, les expositions, publica-tions, congrès, films, sites Internet et autres moyens de diffusion des connaissances. Ces dernières sont également mises en ligne, ce qui permet de suivre l’actualité entre deux livraisons.

recommandations aux auteurs

L’article ne peut excéder 25 000 signes, notes et bibliographie comprises. Le nombre maximum d’illustrations est fixé à cinq. Les appels bibliographiques doivent figu-rer dans le texte entre parenthèses, selon le système (auteur date). Les références complètes doivent être regroupées en fin d’article, par ordre alphabétique et, pour un même auteur, par ordre chronologique. Dans le cas de plusieurs articles publiés la même année par un même auteur, mettre par exemple 2001a, 2001b, 2001c. Les rapports finaux d’opération (rfo) et les mémoires universitaires sont déconseillés en bibliographie – sauf s’ils n’ont pas encore fait l’objet d’une publication.Les articles sont soumis à une évaluation anonyme par le comité de lecture et relus par le responsable éventuel du dossier. Les auteurs sont tenus d’intégrer les modifi-cations demandées, qu’elles soient d’ordre scientifique ou rédactionnel. Dans le cas d’un article à signatures multiples, la rédaction n’entre en relation qu’avec le premier auteur, à charge pour lui de négocier les corrections avec ses coauteurs.La publication de chaque article est conditionnée par la signature et le renvoi du contrat d’auteur.Le bon à tirer final de chaque numéro est donné par la rédaction des Nouvelles de l’archéologie, qui se réserve le droit d’apporter d’ultimes corrections formelles. Après publication, l’auteur reçoit un exemplaire du numéro et une version pdf de son article.

Présentation des références dans le texte et en bibliographie• (Auteur date, volume : pages). Exemple : (Dumont 1983 : 113-130) ou bien (Lepage 1756, 2 : 223-598). En l’absence d’auteur, remplacer le nom d’auteur par le titre abrégé. Exemple : (Dictionnaire des synonymes… 1992 : 33-46).• Pour les ouvrages : Nom, initiale du prénom. Date. Titre. Lieu d’édition, éditeur, nombre de pages. Ex. : Lothaire, E. 1989. Figures de danse bulgares. Paris, Dunod.• Pour un article dans une revue : Nom, initiale du prénom. Date. « Titre de l’article », titre de la revue, volume, numéro : page à page. Ex. : gLassner, J. 1993. « Formes d’appropriation du sol en Mésopotamie », Journal asiatique, 16, 273 : 11-59.• Pour un article dans un volume d’actes par exemple : Nom, initiale du prénom. Date. « Titre de l’article », in : prénom et nom des directeurs de l’ouvrage, titre de l’ouvrage. Ville d’édition, éditeur : page à page. Ex. : Lemonnier, P. 1997. « Mipela wan bilas. Identité et variabilité socio-culturelle chez les Anga de Nouvelle-Guinée », in : S. tcherkézoff & F. marsaudon (éd.), Le Pacifique-Sud aujourd’hui : identités et transformations culturelles. Paris, cnrs Éditions : 196-227.

dossiers à paraître : Archéologie et art contemporain - L'archéologie du Grand Froid.

Le n° 133 a été tiré à 800 exemplaires.

ISSN : 0242-7702. ISBN : 978-2-7351-1644-7.

Abonnement du 1er janvier au 31 décembre 2013 – 4 numéros : France : 40 euros (étudiants : 36 euros) Étranger : 44 euros (étudiants : 40 euros) prix au numÉro : 12 euros

Le financement de l’archéologie

Intitulé « Financement et réglementation étatique de la pratique de l’archéologie (fin xixe-début xxe siècle) », le dossier publié dans ce numéro des Nouvelles de

l’Archéologie, sous la direction de Marc-Antoine Kaeser, Giana Reginelli-Servais et Sandra Péré-Noguès rassemble les actes du colloque qui a réuni à Hauterive-Neuchâtel en Suisse, les 25 et 26 octobre 2012, les membres du Programme collectif de recherches « Archives et correspondance de Joseph Déchelette ».En France, le sujet est d’une actualité brûlante. En commandant le Livre blanc de l’archéologie préventive qui lui a été remis le 29 mars 2013, Aurélie Filipetti, ministre de la Culture et de la Communication, souhaitait unifier la profession et dégager un consensus1. Cette publication vient d’être suivie d’un référé de la Cour des comptes sur l’Institut national de recherches archéologiques préventives, envoyé aux deux ministères de tutelle de l’établissement, la Culture et la Communication d’une part, l’Enseignement supérieur et la Recherche d’autre part, et rendu public le 28 août 20132. Le contrôle de la Cour a porté sur les comptes et la gestion des exercices compris entre 2002 (date effective du démarrage de l’Inrap) et 2011. Or, elle s’appuie sur le Livre blanc pour recommander une remise à plat de son financement et, plus largement, de l’archéologie préventive :

« Le choix d’un établissement national intégré, plutôt que l’orientation vers un recentrage strict de l’Inrap sur les seules missions de service public, ne peut être maintenu qu’à la condition de mettre en œuvre des réformes structurelles majeures ».

Pointant des problèmes récurrents de financement, des défaillances graves dans la gestion exercée par les tutelles et des difficultés de positionnement face à la concur-rence, la Cour des comptes remet en cause l’ensemble du fonctionnement de l’Inrap et elle vise l’ensemble des institutions, déplorant en particulier l’absence d’un pilo-tage national de la recherche.Au travers de l’Inrap, c’est toute l’organisation de l’archéologie qui est visée. En effet, le référé pointe :– des problèmes structurels et « lourds dysfonctionnements hérités d’une genèse hâtive »,– l’absence d’une stratégie d’archéologie préventive pilotée à échelon national,– une politique de prescriptions du ministère de la Culture et de la Communication qui ne tiendrait pas assez compte des moyens disponibles sur le terrain.La Cour propose en conséquence de recentrer l’activité des Cira et du Cnra sur la définition d’une stratégie et d’axes d’action prioritaires. On peut effectivement remar-quer que ceux qu’a dégagés le Cnra depuis sa création n’ont fait l’objet d’aucun bilan quali tatif et quantitatif. Le dernier « état des lieux » publié l’a été au début des années 1990 sous l’autorité de Christian Goudineau et il portait sur l’activité du Conseil supé-rieur de la recherche archéologique, dont il était alors vice-président ; il est donc bien antérieur à la création de l’Inrap et à l’ouverture des fouilles à la concurrence. La Cour propose également que le ministère de la Culture et de la Communication définisse une démarche pluriannuelle d’évaluation des besoins, liée au montant de la redevance d’archéologie préventive (Rap) ainsi qu’aux ressources humaines de l’Inrap. Elle remarque que l’État n’a pas donné à celui-ci « les moyens de mettre en œuvre pleinement les missions qui lui ont été confiées », ce qui est en partie dû à l’insuffi-sance de la Rap et aux modifications qui y ont été apportées, en particulier les dif-férentes exonérations :

« En effet, les modifications successives de l’assiette de la rap et l’insuffisance chronique de son rendement ont contraint l’établissement à des arbitrages insatisfaisants du point de vue des missions qui lui sont confiées et insoutenables sur le long terme. »

Editorial

1.http://www.culture.gouv.fr/culture/dp/archeo/

livre_blanc/index.htm

2.Texte complet et réponses des deux ministres

sur : http://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/L-Institut-national-de-recherches-

archeologiques-preventives Livre blanc

Editorial Le f inancement de l ’archéologie

4 Les Nouvelles de l’archéologie no 133 – Septembre 2013

La Cour des comptes souligne aussi la divergence de vue des ministères de tutelle qui n’ont aucune stratégie de pilotage des activités de recherche de l’ Inrap, définies par l’organisme même alors que, selon elle, elles auraient dû l’être par le Cnra. Elle constate et regrette l’insuffisance de ses activités de recherche et propose en conséquence, soit de les limiter en maintenant un budget constant au sein de l’établissement, soit de les développer en augmentant et diversifiant les sources de financement :

« soit les activités de service public, dont la recherche, sont financées par le produit de la taxe affectée, et elles consti-tuent une variable d’ajustement, dans le cadre d’une enveloppe contrainte, afin de compenser les fluctuations des activités opé-rationnelles prescrites ; soit la mission de recherche est consi-dérée comme un aboutissement logique et nécessaire aux acti-vités opérationnelles, et la poursuite de son développement est conditionnée par la diversification des sources de financement, ce qui implique nécessairement une contribution du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, sur la base d’une estimation fine des besoins. »

Un des termes du choix avancé considère ainsi explicitement l’activité de recherche comme une « variable d’ajustement », ce qui ne manquera pas de faire frémir l’ensemble de la commu-nauté. Il est vrai que par les temps qui courent, les organismes internationaux mettent le service public au premier rang de la panoplie des variables d’ajustement dont dispose un État sou-verain pour remédier à un déficit excessif.Mais, si nous pouvons admettre l’existence de dysfonction-nements, contre lesquels les agents de l’Inrap se mobilisent d’ailleurs régulièrement, nous déplorons la méconnaissance dont fait preuve la Cour des comptes quant au processus de la recherche archéologique. Selon elle en effet, celle-ci ne peut se faire que dans le cadre des Unités mixtes de recherche (Umr) dont la majorité des membres exercent au Cnrs ou dans les Universités et sont pour la plupart titulaires d’un doctorat. Par ailleurs, la Cour souligne en les opposant les conceptions antagonistes des deux tutelles de l’Inrap :

« Le ministère de la culture et de la communication défend une conception large de la notion de recherche, considérée comme le produit d’une chaîne insécable qui relie les opérations de terrain (diagnostics et fouilles) à l’exploitation des données issues de ces travaux, jusqu’à la communication scientifique, la diffusion vers le grand public et à la valorisation de la recherche. Pour sa part, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche ne considère pas l’inrap comme un organisme de recherche à part entière mais comme un organisme qui concourt à la recherche. En effet, l’exploitation des résultats et leur interprétation consti-tueraient à eux seuls, selon le ministère, la substance essentielle de la recherche, laquelle ne commencerait que postérieurement à la remise du rapport final d’opération aux services du ministère de la culture. »

Dans sa réponse, Geneviève Fioraso cautionne cette analyse en confirmant que, pour elle, seule la recherche conduite dans les Umr est digne d’être ainsi qualifiée. L’avantage, pour le ministère de l’Enseignement et de la Recherche, est bien évi-demment de ne pas avoir à financer l’Inrap. Mais son mes-sage est d’autant plus biaisé qu’il passe sous silence le fait que

son personnel est très bien représenté en leur sein, au point d’y être parfois majoritaire. L’inconvénient, qui a sans doute échappé au rédacteur de la réponse et à ses relecteurs, est d’en exclure, à une autre échelle, une grande partie de la recherche privée (pharmaceutique, etc.), à l’encontre du message officiel.Là encore, s’il est vrai que l’archéologie est une science complexe à laquelle concourent plusieurs spécialités et des métiers divers à des degrés variés, aucune recherche archéo-logique digne de ce nom ne peut faire l’économie du terrain. Aucune ne peut non plus, sans problématique, explorer cor-rectement celui-ci et en exploiter correctement les résultats. Avec ou sans doctorat, le titulaire de l’autorisation de fouilles doit nécessairement être un chercheur. Exclure du champ de la recherche les opérations de diagnostics et de fouilles, c’est-à-dire l’acquisition des données et la mise en forme de cette documentation, revient à en exclure une grande partie du tra-vail réalisé par les archéologues du Cnrs et des Universités ainsi que toutes les missions archéologiques françaises à l’étranger : le ministère des Affaires étrangères, en effet, ne finance que les opérations de terrain, à l’exclusion du traite-ment des données et de leur publication. Ajoutons que, dans la conjoncture actuelle de restriction budgétaire, les équipes des Umr distraient une grande partie de leur temps dans la quête de financements puis dans la valorisation des résultats de leurs études, seul moyen de trouver d’autres sources de finan-cement, au lieu de le consacrer à « l’exploitation des résultats et à leur interprétation ». À titre d’exemple, on remarquera que la programmation 2014 de l’Agence nationale de la recherche (Anr), devenue incontournable en raison de la masse des cré-dits qu’elle gère même s’ils diminuent légèrement, ne fait pra-tiquement plus de place aux sciences humaines et sociales. Quant aux crédits des fouilles programmées alloués par le ministère de la Culture et de la Communication, ils sont infé-rieurs à ce qu’ils étaient il y a une dizaine d’années. Le nombre d’opérations a évidemment baissé en conséquence. La Cour des comptes a pour mission d’examiner la gestion des institutions et des établissements publics, puis d’émettre des recommandations pour remédier aux mauvaises pratiques qu’elle dénonce. Elle n’est pas compétente pour juger la qua-lité et l’organisation de la recherche archéologique, ni la manière dont l’État autorise ou non les opérations de diagnos-tics et de fouilles. En mettant en cause la structure même de l’Inrap et son mode de fonctionnement, elle outrepasse clai-rement ses prérogatives. Le constat n’est pas neutre et il l’est d’autant moins que les ministres de tutelle confirment, dans leurs réponses, qu’elles ne partagent pas la même conception de la recherche archéologique.Le comité de rédaction des Nouvelles de l’archéologie ouvre donc à nouveau le débat, avec un article de Jean-Paul Demoule. Au moment où Aurélie Filipetti annonce le dépôt, en 2014, d’un projet de loi relatif au patrimoine culturel, il nous paraît en effet urgent de reprendre la réflexion en analysant l’ensemble des activités de toutes les institutions publiques et les entreprises privées qui font de l’archéologie, préventive ou programmée, en France et à l’étranger, pour ouvrir des voies vers le futur.

La Rédaction

Dossier Financement et réglementation état ique de l ’archéologie…

28 Les Nouvelles de l’archéologie no 133 – Septembre 2013

Les statuts des objets : scientifique, juridique, patrimonial…

La scientificité est le premier statut conféré aux antiquités lacustres, avant même toute notion patrimoniale. En effet, c’est par leur étude, associée à celle des pilotis émergés, que Ferdinand Keller a pu délimiter les contours de sa « civilisation lacustre » (Kaeser 2004c ; 2008).Cristallisant le caractère identitaire de cette civilisation lacustre, les vestiges issus des lacs suisses se voient conférer dans un deuxième temps des propriétés patrimoniales, voire patriotiques, qui, bien plus que leur intérêt scientifique, vont mériter protection et sauvegarde.Toutefois, l’aspect patrimonial acquis par les vestiges lacustres ne règle pas automatiquement la question de leur propriété, en particulier lorsqu’ils sont extraits des territoires apparte-nant au canton. C’est bien là le but premier de la réglemen-tation : il s’agit de déterminer ce qu’il faut faire de ces objets au statut juridique sans précédent. Tout en réglant la ques-tion, la législation permet de lutter, avec une efficacité rela-tive, contre le « bradage du patrimoine national ». Il s’agit d’un enjeu politique important, particulièrement dans le contexte de la construction des identités nationales.Ce statut patrimonial s’estompe avec l’avènement du Code civil suisse. Dès lors que leur statut juridique est clairement défini, l’aspect scientifique des objets redevient prépondérant. C’est particulièrement perceptible dans la gestion des collec-tions. Les objets considérés comme des doublets ou n’ayant pas de provenance établie peuvent être vendus car ils perdent de leur intérêt heuristique. Et si ces ventes ne suscitent mani-festement aucune réaction d’ordre patriotique, c’est parce

qu’elles sont effectuées dans un cadre institutionnel clair et servent des buts essentiellement scientifiques : financer la recherche et compléter les séries typologiques existantes.

RemerciementsCet article n’aurait pas vu le jour sans les précieux conseils et les relectures acérées de Marc-Antoine Kaeser, de Gianna Reginelli Servais et de Géraldine Delley. Qu’ils trou -vent ici l’expression de mes sincères remerciements.

Références bibliographiques

Kaeser M. 2004a. L’univers du préhistorien, science, foi et politique dans l’œuvre et la vie de Desor (1811-1882). Paris, L’Harmattan.

Kaeser M. 2004b. « Les prémices d’une politique archéologique au xixe siècle », Revue historique neuchâteloise, 1-2 : 15-32.

Kaeser m. 2004c. Les Lacustres, archéologie et mythe national. Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes (Le Savoir Suisse).

Kaeser m. 2008. Visions d’une civilisation engloutie / Ansichten einer ver-sunkenen Welt. Hauterive / Zurich, Laténium / Musée national suisse.

nasT m. 2006. Terre du Lac. L’histoire de la correction des eaux du Jura. Nidau, Verein Schlossmuseum.

PigueT C. 1998. « Ricochets neuchâtelois : la loi de 1902 et les restau-rations dirigées par Charles-Henri Matthey », in : Autour de Chillon, archéologie et restauration au début du siècle. Lausanne, Musée cantonal d’archéologie et d’histoire : 61-66.

TissoT n. 1991. Protection juridique des vestiges archéologiques. Neuchâtel, Éd. Ides et Calendes (Coll. de travaux publiés par la Faculté de droit et des sciences économiques de l’Université de Neuchâtel, série juridique, 26).

Au tout début du xxe siècle, tous les archéologues neuchâtelois, amateurs plus ou moins avertis, sont persuadés que seules des fouilles systématiques et exhaus-

tives à La Tène seraient à même de répondre à la question de la fonction du site, car les centaines d’objets découverts jusqu’alors n’ont pas suffi à résoudre cette énigme. Il en va par ailleurs d’une sorte de « devoir national » vis-à-vis de la notoriété inter-nationale du site. Ainsi sont organisées les fouilles dites « officielles » de La Tène. Elles débutent en 1907, suite à de longues démarches de lobbying, et sont poursuivies jusqu’en 1917.La première opération archéologique de grande envergure du canton de Neuchâtel (Reginelli Servais 2007) va marquer un tournant dans l’organisation de la recherche. Cet article détaille les circonstances qui ont rendu ces fouilles possibles, puis, à tra-vers le financement de la « Commission des fouilles de La Tène », comment celles-ci ont permis d’institutionnaliser la recherche archéologique de terrain à Neuchâtel.

Organisation et financement des fouilles de La Tène (1907-1917)La construction des cadres administratifs de l’archéologie neuchâteloise jusqu’en 1940

Gianna Reginelli Servais*

* Office du patrimoine et de l’archéologie, Neuchâtel / Institut d’archéologie de l’Université de Neuchâtel, [email protected]

Gianna Reginelli Servais | Organisation et financement des fouilles de La Tène (1907-1917)

Les Nouvelles de l’archéologie no 133 – Septembre 2013 29

Un contexte favorable à des fouilles organisées à La Tène

Les promoteurs de nouvelles recherches à La Tène évoluent dans un climat favorable à leur projet. En effet, au-delà du mouvement général de prise de conscience patrimoniale qui caractérise cette période, la situation neuchâteloise résulte en grande partie de la découverte des stations lacustres au milieu du xixe siècle (Kaeser 2004a : 18).Plusieurs sociétés savantes actives dans le canton témoignent de la curiosité scientifique de ses notables et magistrats. Parmi elles, la Société d’histoire et d’archéologie du can-ton de Neuchâtel (Shan), fondée en 1864 (Montandon 1966 ; Chatelain 2006), va être appelée à jouer un rôle majeur dans les fouilles de La Tène. Des objets d’art, d’histoire, d’ethno-graphie et d’archéologie, exposés dès 1835 dans un collège de la ville, sont déplacés en 1885 dans un bâtiment spéciale-ment conçu à cet effet, le Musée de Neuchâtel. Ailleurs dans le canton, divers petits musées exposent également des col-lections reflétant un intérêt pour le patrimoine local. Quant à l’enseignement, une Académie a été fondée en 1838, où l’on dispense des cours d’archéologie classique, et, occasionnelle-ment, d’archéologie dite nationale (Rychner 2002).Du point de vue juridique, en Suisse, état fédéral, la prise en charge du patrimoine relève des cantons. Ceux-ci ont bien émis quelques décrets et règlements, dès le dernier tiers du xixe siècle, constituant une amorce de régulation des pratiques de fouille et de collection. Cependant, ils en confient l’applica-tion à des structures associatives privées, comme par exemple la Shan à Neuchâtel, sur lesquelles repose par ailleurs l’initia-tive d’organiser des fouilles.Dans le canton de Neuchâtel comme dans d’autres can-tons riverains, l’incroyable engouement pour les antiquités lacustres conduit à des abus que les autorités cherchent à limi-ter en publiant deux arrêtés, l’un le 4 janvier 1878 et l’autre le 21 septembre 1883 (Marti, ce volume). Ils traitent essentielle-ment de l’activité de fouilles, qu’ils soumettent à l’obligation préalable de disposer de permis délivrés par l’intermédiaire des musées. Le second arrêté attribue à ces derniers des conces-sions, leur réservant des portions de rives du littoral. En ins-taurant des conditions pour l’obtention d’un permis de fouilles (et notamment celle de disposer de fonds suffisants, aucun subside étatique n’étant prévu par ces règlements), le gouver-nement cantonal espère décourager les amateurs et les mar-chands. Ces mesures, à caractère dissuasif, contrastent avec l’interdiction pure et simple dont fait l’objet La Tène en 1883 : le site est en effet décrété exclusivité de la Shan, par l’arrêté du 18 septembre 1883, trois jours seulement avant celui trai-tant de l’ensemble des stations lacustres. L’objectif est de stop-per la fouille anarchique du site et d’en réserver les trouvailles aux collections publiques, à savoir le Musée de Neuchâtel. Dès lors, et à sa demande, la Shan est seule autorisée à fouiller à La Tène.Ces arrêtés, qui ne suffisent pas à enrayer les pêches lacustres et la dispersion des objets, sont rapidement critiqués par les défenseurs du patrimoine mais il faudra vingt ans encore pour que le gouvernement neuchâtelois émette un acte juridique plus contraignant : la loi du 4 novembre 1902 (Piguet 1990, 1998) marque l’implication concrète du canton dans les ques-

tions d’archéologie de terrain. Elle a pour but de protéger tous les monuments intéressant l’archéologie, ainsi que les blocs erratiques et les mégalithes, le sol sur lequel se trouvent ces monuments et le sous-sol les renfermant, sur les domaines public et privé. Pour faire appliquer cette loi, le canton crée pour la première fois un organe de surveillance du patrimoine, la Commission des monuments historiques (Cmh), qui est com-posée de neuf membres, défrayés mais non salariés, et qui ne dispose pas d’un budget propre. Enfin, la loi de 1902 intro-duit un changement essentiel : elle autorise le gouvernement à prescrire des fouilles, alors qu’auparavant l’initiative en était laissée aux seuls privés ou musées. Le cas échéant, un article en précise la procédure : elles sont alors conduites sous la direction de la Cmh, aux frais du canton – cela aussi est tout à fait nouveau – et, dans la mesure du possible, avec subvention de la Confédération. Quant aux particuliers, ils continuent à pouvoir fouiller, moyennant autorisation.Toutefois le gouvernement, pour avoir omis d’abroger les décrets précédents, va être rapidement confronté à des pro-blèmes de compatibilité dans l’application des divers textes juridiques. Par exemple : à qui demander désormais les per-mis ? À la Shan, chargée des préavis dans le cadre du partage des rives de 1883, ou à la Cmh, chargée de l’application de la loi de 1902 ? Cette situation donnera lieu à une demande de révision, voire de nouveau règlement.En ce qui concerne enfin la recherche archéologique de ter-rain, en dehors des pêches d’antiquités et des fouilles dites sauvages effectuées sur les berges nouvellement exondées, on n’avait pratiquement aucune expérience de fouille organi-sée, en milieu lacustre comme en milieu terrestre. Jusqu’alors, seules de petites opérations ponctuelles avaient été conduites par des membres de la Shan ou des amateurs éclairés, à leurs frais. Les fouilles de La Tène sont les premières de cette ampleur à être planifiées dans le canton de Neuchâtel (fig. 1).

La création de la Commission des fouilles de La Tène

Conformément à l’arrêté du 18 septembre 1883 (que n’a pas abrogé la loi de 1902), les fouilles de La Tène résultent de l’ini-tiative de la Shan, seule autorisée à intervenir sur le site. En 1906, Hermann Zintgraff, aidé de quelques membres acquis à la cause, convainc la Shan d’entreprendre les démarches nécessaires pour mener des recherches systématiques à La Tène. Les consultations aboutissent à la création d’une auto-rité de surveillance spécialement chargée d’organiser et de superviser les travaux, scientifiquement et administrativement (fig. 2) : la Commission des fouilles de La Tène (nommée ci-après la « Commission »)1. Représentant les institutions bailleuses de fonds, ses cinq membres font par ailleurs partie de la Shan. Personnalités de la région, ils assument au civil des charges, privées et publiques, les prédisposant à occu-per des fonctions bien particulières au sein de la Commission :– Charles Perrin, président de la Commission, et William Wavre, directeur des travaux, représentent la Shan. Charles Perrin est chancelier d’État entre 1905 et 1921. William

1.Les procès-verbaux de ses réunions

(1906-1921) sont conservés dans les archives du Laténium, A39-2888 et

A39-2888.01.

Dossier Financement et réglementation état ique de l ’archéologie…

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Wavre dirige les sections numismatique et archéologique du Musée de Neuchâtel et enseigne à l’Académie. En assumant la direction du chantier, il cumule dès lors à lui seul toutes les fonctions liées à l’archéologie du canton, inaugurant une organisation qui va se reproduire à plusieurs reprises par la suite, jusqu’au xxie siècle.– Paul de Pury et Paul Vouga représentent la ville de Neuchâtel. Le premier est conservateur au Musée, auquel reviendront les objets mis au jour à La Tène. Banquier de pro-fession, il est nommé trésorier. Paul Vouga est membre de la Commission du Musée et fils d’Émile, qui fouilla le site dans les années 1880 (Kaeser 2006a ; Reginelli Servais 2007) : il occupe le poste de secrétaire de la Commission, ainsi que celui d’assistant de William Wavre sur le terrain.– Albert Naef, archéologue cantonal vaudois depuis 1899, représente le canton de Neuchâtel en tant que membre de la Commission des monuments historiques. Même sans subven-tionner les fouilles de La Tène, le canton doit être représenté, car c’est par lui que transite le subside fédéral, versé par la Société suisse pour la conservation des monuments histo-riques (Ssmh) : Naef est chargé d’en surveiller la bonne gestion.Tous sont bénévoles et assument ces charges par intérêt pour l’archéologie et à titre honorifique. Paul Vouga enseigne l’his-

toire et le français à l’École de commerce de Neuchâtel, poste qui lui assurera son seul revenu jusqu’à son décès en 1940.

Un financement mixte

La Commission gère son propre budget et rend des comptes aux autorités administratives de la ville de Neuchâtel. C’est à travers ses rapports annuels2 que l’on peut suivre le montage et l’évolution du financement des fouilles officielles.On peut voir sur le tableau 1 que le budget est alimenté par trois sources, parmi les-quelles ne figure pas le can-ton3 : en effet, puisque la Shan a toujours l’exclusivité sur La Tène, il est dispensé d’en financer les fouilles qu’il n’a d’ailleurs pas pres-crites lui-même. Ainsi, la somme à disposition pro-vient d’abord de la ville de Neuchâtel, qui engage le plus gros montant annuel, en échange de quoi son musée reçoit tous les objets recueillis. La Shan, vivant des seules cotisations

Fig. 1 – Ouvriers et visiteurs sur les fouilles de La Tène en 1911. La méthode consistait à vider en négatif l’ancien cours de la Thielle, en procédant par tranchées perpendiculaires au chenal, de l’aval vers l’amont. En tout, 170 m de l’ancien bras ont été fouillés entre 1907 et 1917 (Archives du Laténium, PH-MAR-LT-100-19072).

2.Rapport[s] du Conseil Communal au Conseil Général sur la gestion et les

comptes de [1906 à 1926]. Neuchâtel.

3.Il soutient l’entreprise par un don unique de 150 CHF au début des

travaux, puis en mettant à disposition divers moyens techniques et

compétences humaines.

Gianna Reginelli Servais | Organisation et financement des fouilles de La Tène (1907-1917)

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de ses membres, ne peut mettre à disposition qu’une somme modeste, mais constante. La Confédération, par l’intermédiaire de la ssmh, apporte un subside conséquent qu’elle réduit tou-tefois progressivement avant d’y mettre fin en 1915. La raison de cette suppression est liée à un important changement de statut de la Société.

La Ssmh est un organisme privé, créé en 1880, qui s’oc-cupe de questions de conser-vation et d’acquisitions de monuments et d’antiqui-tés nationales, financées par les cotisations de ses membres. Cependant, dès 1886, un arrêté fédéral ins-titue la participation de la Confédération à la conser-vation et à l’acqui sition des antiquités nationales, avec un crédit annuel dont elle délègue la gestion à la ssmh. Mais voilà qu’en 1915, la Confédération crée sa propre Commission fédérale des monuments historiques

(Cfmh) et retire de ce fait à la Société suisse des monuments historiques ses compétences et son financement. Comme la nouvelle Cfmh ne prend pas le relais4, cet événement marque la fin définitive du soutien financier fédéral aux fouilles de La Tène. En conséquence, les travaux de terrain accusent dès 1915 un net ralentissement et les objectifs sont réduits, mais la Commission des fouilles de La Tène continue à tourner, tant bien que mal, avec les seules subventions de la ville et de la Shan et quelques dons isolés.

Activités et développement de la Commission

Au décès de William Wavre, en 1909, Paul Vouga (29 ans) prend en quelque sorte la tête de l’archéologie neuchâ-teloise. Assumant simultanément les trois fonctions de conservateur de la collec-tion archéologique, de direc-teur des fouilles et de la Commission de La Tène, et de privat-docent à l’Univer-sité5, il prend rapidement conscience du potentiel de la situation. Visionnaire et entreprenant, il décide dès lors de l’exploiter et s’engage pour l’affirmation des structures admi-nistratives de l’archéologie neuchâteloise.

Fig. 2 – W. Wavre et P. Vouga encadrant un membre de la Commission des fouilles de La Tène en visite sur le chantier en 1907 (Archives du Laténium, PH-MAR-LT-100-19020).

4.Nos recherches sur les raisons de cette interruption sont en cours, mais on peut déjà les lier à la personnalité d’A. Naef, membre et conseiller scientifique de la Commission des fouilles de La Tène. Celui-ci se fâche peu à peu avec les autres membres de la Commission, leur reprochant des méthodes et des problématiques rétrogrades. Or Naef, président de la ssmH depuis 1905, contribue ensuite activement à la création de la CfmH, nouvel organe fédéral, dont il est du reste aussitôt nommé président. Une partie de l’explication réside peut-être dans ce différend ; d’autres raisons sont à chercher dans les statuts de la CfmH (cf. Reginelli Servais, La Tène revisitée. Topo-stratigraphie du site éponyme, thèse de doctorat en cours, Université de Neuchâtel).

5.L’Académie vient tout juste de devenir

Université, ce qui lui permet de délivrer des doctorats. P. Vouga sera nommé

professeur extraordinaire en 1919 (Rychner 2002).

Dossier Financement et réglementation état ique de l ’archéologie…

32 Les Nouvelles de l’archéologie no 133 – Septembre 2013

Vouga part du principe que la fouille est une mission du conservateur de musée, tant pour accroître ses collections que parce que, la recherche scientifique se faisant au musée, celui-ci doit disposer d’un fonds nécessaire au renouvellement des problématiques. Ainsi, très tôt, la Commission intervient sur d’autres sites du canton. Profitant des eaux trop hautes pour fouiller à La Tène, par exemple, Vouga et son équipe explorent des tumuli, grottes et abris un peu partout dans le canton. Ainsi dépasse-t-il peu à peu le cadre des tâches qui lui ont été confiées à La Tène, élargissant de fait les compétences de la Commission. Les chantiers qu’il lance semblent d’abord dictés par l’urgence de travaux, ou de l’érosion, occasionnant des destructions. Pourtant, tenu de les justifier auprès des autori-tés, il parvient progressivement à les inscrire dans un projet global et cohérent. Son programme tient compte du type de sites à explorer et de la période à laquelle ils se rattachent ; il intègre par ailleurs des méthodes de fouilles modernes, qui prennent en considération le contexte archéologique et géo-logique du site. Ainsi réclame-t-il en premier lieu la néces-sité de fouiller une station lacustre néolithique et une de l’âge du Bronze de manière aussi systématique et exhaustive qu’on l’a fait pour le site de La Tène. C’est dans cette pers-pective qu’il commence à fouiller à Auvernier en 1919, où la méthode stratigraphique lui permettra d’affiner la chrono logie du Néolithique. Plus généralement, selon lui, et en lacustre comme en terrestre, il faudrait fouiller de cette manière au moins un site de chaque période. Les rapports annuels montrent que c’est sur cette vision de l’archéologie que Vouga s’appuie pour justifier ses dépenses et ses demandes auprès des autorités.Ces rapports, associés aux archives comptables, dévoilent également comment il fait insensiblement glisser l’obliga-tion de faire de l’archéologie de terrain, considérée d’abord comme relevant du Musée, vers la Commission. Les résultats des fouilles sont par exemple présentés dans le rapport admi-

nistratif du Musée, alors que les archives comptables6

montrent que les frais en sont imputés à la Commission. Par cette stratégie, celle-ci devient en fait le prolongement naturel de celui-là.

Bien entendu, le fait qu’il dirige l’une et l’autre facilite la démarche. Mais, au-delà de la volonté de renforcer la posi-tion de la Commission, cette tactique permet en même temps de pallier l’extrême modestie des budgets. Dans l’entre-deux-guerres, Vouga recourt à la vente de « doublets »7 pour renflouer les caisses … de la Commission ! De l’argent arrive accessoirement par l’intermédiaire de subventions spé-ciales, de la Société suisse de préhistoire par exemple, ou par des dons. Les rôles respectifs du Musée et de la Commission se confondent donc parfois dans les rapports administratifs de chaque institution, tous deux rédigés par lui, ainsi que dans la comptabilité des deux entités.C’est également par le nombre et le statut de ses membres que la Commission renforce sa position. De cinq membres à sa création, elle passe progressivement à 14 à la fin des recherches à La Tène, en 1917. Ces personnalités sont choi-sies tant pour leur bienveillance à l’égard de la préhistoire que pour leur engagement dans diverses institutions publiques et privées. Certaines sont même en mesure d’apporter une aide directe sur le terrain, comme le géologue Auguste Dubois, qui écrira sur la topographie de La Tène dans la monographie de la station (Vouga 1923), ou Gustave Bellenot, professeur de chimie, qui restaurera les objets du site. Leur implication contribue à rendre l’existence de la Commission plus forte et plus légitime.Multipliant les fouilles dans le canton, jouant sur le finance-ment disponible, et inscrivant la Commission dans un réseau social et scientifique, Vouga élabore une stratégie visant à terme la reconnaissance de la Commission comme interlo-cutrice du gouvernement pour l’archéologie préhistorique.

Vers une reconnaissance cantonale

Malgré la loi de 1902 et la création de la Cmh, les pêches et fouilles lacustres sans permis et l’exode des objets continuent. Ce constat pousse Vouga à réclamer, dès 1911, un nouveau règlement qui interdirait purement et simplement toute fouille à d’autres qu’aux musées et qui annulerait par la même occa-

Tabl. 1 – Les fouilles de La Tène ont bénéficié d’un financement mixte, mais provenant essentiellement de fonds publics (ville de Neuchâtel et Confé -dération). 35 085 francs suisses de 1917 correspondent à 224 221 francs suisses actuels, soit environ 184 000 euros.

Ville de Neuchâtel Shan

SSmh(Confédération) Autres Total

par an

1907 2000.- 300.- 1500.- 150.- (canton) 3950.-

1908 2000.- 300.- 1500.- 3800.-

1909 2000.- 300.- 1500.- 3800.-

1910 2000.- 300.- 1500.- 3800.-

1911 2000.- 300.- 1 000.- 3300.-

1912 2000.- 300.- 500.- 2800.-

1913 2000.- 300.- 500.- 500.- (SSP) 3300.-

1914 2000.- 550.- 500.- 535.- (don anonyme) 3585.-

1915 1 000.- 300.- 1300.-

1916 2000.- 300.- 850.- (ventes d’objets) 3150.-

1917 2000.- 300.- 2300.-

21000.- 3550.- 8500.- 2035.- CHF 35085.-

6.Archives du Laténium, A39-2887.02.

7.À propos des ventes de doublets,

cf. Marti, ce volume.

Gianna Reginelli Servais | Organisation et financement des fouilles de La Tène (1907-1917)

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sion le partage des rives décrété en 1883. L’enjeu porte aussi sur l’autonomisation de la Commission, que Vouga souhaite-rait voir passer sous la tutelle directe de l’État, affranchie de la Shan. Les débats durent car Charles-Henri Matthey, à la

tête de la Cmh, résiste vigou-reusement8. Il ne veut pas d’une commission archéo-logique indépendante et souhaite maintenir la liberté des fouilles de manière à ce

que les coûts qu’elles engendrent ne reposent pas uniquement sur le budget cantonal.Vouga procède donc par étapes. En 1917, la Commission demande à la shan d’adapter son nom à l’élargissement de son champ d’activités. La voilà Commission des fouilles de La Tène et d’archéologie préhistorique, avec des compé-tences élargies aux stations lacustres, grottes et abris sous roches. Bien que reconnue par le gouvernement cantonal, elle demeure sous la tutelle de la Shan.Les discussions entamées en 1911 avec les autorités canto-nales et la Cmh aboutissent en 1921. La Commission propose alors au gouvernement neuchâtelois un nouveau règlement, qui sera adopté le 5 mai 1922. Ce « Règlement concernant les recherches d’archéologie préhistorique et la pêche et les fouilles d’antiquités lacustres » abroge l’arrêté de 1883 (le par-tage des rives), et fixe la procédure à suivre pour entreprendre des recherches d’archéologie préhistorique, en particulier des fouilles lacustres. L’application en est confiée à un organe de surveillance, composé de neuf experts également chargés du contrôle scientifique des travaux. Ce comité ne dispose pas de budget propre et ses membres ne reçoivent pas de salaire (ils sont seulement défrayés). C’est bien sûr la Commission des fouilles de La Tène et d’archéologie préhistorique qui jouera ce rôle, sous le nom simplifié de Commission d’archéologie préhistorique, perdant donc la référence au site à l’origine de sa création. C’est un pas décisif, qui l’affranchit à la fois de la Shan, puisqu’elle est désormais directement dépendante du gouvernement cantonal, et de la Cmh, qui orientera dès lors ses recherches vers le patrimoine bâti.

Conclusion : la postérité de la Commission

À Neuchâtel, les liens étroits unissant dès l’origine le Musée, la Commission et l’Université tiennent au fait qu’un seul et même homme s’est toujours trouvé à la tête de ces trois institutions.

Les synergies sont dès lors bien plus aisées à mettre en œuvre. Pour autant, cette situation seule n’aurait pas suffi : il a fallu la force de caractère et la persévérance d’un Paul Vouga pour que la Commission acquière toute sa légitimité9.Le succès de ses démarches ne fut pas acquis pour

autant. En effet, une période d’instabilité suit la mort de Vouga en 1940 (Kaeser 2006a : 13-14), la répartition de ses fonctions

entre plusieurs personnes entraînant la rupture du lien entre les trois entités. Théodore Delachaux, ethnologue, se voit confier l’enseignement à l’Université et reprend le poste de conservateur au Musée, dont il ferme la section archéologique pour la réorganiser. Pour la Commission d’archéologie préhis-torique, Samuel Perret, architecte ayant accompagné Vouga sur quelques fouilles, prend le relais mais il ne se montre pas aussi engagé et entreprenant que son prédécesseur. Les tra-vaux de terrain diminuent considérablement. Plusieurs années durant, la Commission d’archéo logie préhistorique ne se réu-nit plus, sa comptabilité est tenue par la municipalité. Elle n’apparaît plus qu’épisodiquement par la suite, dans un rôle qui reste à étudier. Quoi qu’il en soit, grâce à Paul Vouga, elle a marqué l’institutionnalisation des recherches archéologiques de terrain dans le canton de Neuchâtel.

RemerciementsL’élaboration de ce texte a bénéficié des conseils et des relec-tures de mes collègues François-Xavier Chauvière, Géraldine Delley, Marc-Antoine Kaeser, Jeannette Kraese, Philippe Marti et Sonia Wüthrich, que je tiens à remercier chaleureusement.

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9.Le développement de l’archéologie du canton de Vaud présente à cet égard de grandes similitudes avec Neuchâtel : A. Naef occupe dès 1915 les trois mêmes fonctions. De même, tout reposant sur sa personnalité, une période de crise suit son décès (Bielman 1987 ; Bertholet et al. 1998 ; Kaeser 2000). Cf. sur cette question, pour l’Europe en général, Kaeser 2006b : 156.

8.Archives de l’État de Neuchâtel, fonds TP 855, « Projet de règlement concernant la pêche et les fouilles d’antiquités lacustres », 1911 ; lettre de C.-H. Matthey au Dpt des Travaux publics, 11.04.1921.

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Introduction

Cette contribution a d’abord pour but d’évaluer brièvement les modalités des finan-cements étatiques fédéraux de l’archéologie suisse au cours du xxe siècle. Elle

vise ensuite à examiner plus en détail le rôle structurant que le Fonds national de la recherche scientifique (Fns) a joué – en tant qu’outil de financement de la recherche – sur la pratique de l’archéologie dans la Suisse d’après-guerre.En Suisse, selon le code civil de 1912 (cf. Marti, dans ce volume), les cantons ont le pouvoir décisionnel sur l’organisation et le financement des fouilles, ainsi que sur la mise en valeur du patrimoine archéologique. Ce morcellement administratif lié au fonctionnement fédéraliste de ce pays se répercute sur l’organisation de la recherche archéologique et ses résultats (Kaenel 2002).La recherche archéologique suisse a néanmoins connu des exceptions au cours de son histoire récente et a été dans quatre cas financée par la Confédération (l’État fédé-ral) plutôt que par les cantons. Les fouilles conduites sous l’égide du Musée national suisse constituent une première exception dont je ne parlerai pas ici (Flutsch 1998).

Quand la Confédération finance l’archéologie : trois mesures d’exception

Un premier épisode a lieu entre 1935 et 1939, en liaison avec des mesures d’inter-vention de l’État fédéral dans la lutte contre le chômage. Une commission d’archéo-logues, membres de la Société suisse de préhistoire et présidée par l’archéologue bâlois Rudolph Laur-Belart, crée un Service de travail archéologique sous l’égide du Service de travail (Arbeitsdienst), une institution destinée, pendant la crise des années 1930, à occuper les chômeurs à des projets d’intérêt général. Entre 1935 et 1939, le montant consacré à l’archéologie sur cette ligne budgétaire est estimé à 0,14 % du coût total du programme de lutte contre le chômage (Scheuner 2011 : 100). Les plus grands travaux – fouilles et restaurations de monuments – ont été menés sur les sites romains de Augusta Raurica, Vindonissa, Petinesca et Avenches (Scheuner 2011 : 209-210). De tels choix s’expliquent de trois manières différentes : il fallait que ces chan-tiers puissent occuper 35 personnes en moyenne, de préférence dans des endroits retirés des villes, afin de faciliter l’installation d’infrastructures et de logements, etc. Par ailleurs, les orientations scientifiques de leur principal instigateur, Laur-Belart, spécialiste d’archéologie provinciale romaine, ont sans doute pesé dans ces choix. Enfin, la mise en valeur de ces sites prestigieux, grâce notamment aux travaux de restauration qui y furent menés, semblait également répondre à une quête de valori-sation disciplinaire pour les archéologues suisses (Scheuner 2011 : 98).

Le financement de l’archéologie en Suisse dans la seconde moitié du xxe siècleLe rôle du Fonds national de la recherche scientifique

Géraldine Delley*

* Institut d’archéologie de l’Université de Neuchâtel, [email protected]

Les Nouvelles de l’archéologie

n° 133

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2013

Éditions de la Maison des sciences de l’hommeÉ d i t i o n s E r r a n c e

ISBN : 978-2-7351-1644-7

Financement et réglementation étatique de la pratique de l’archéologie

(fin xixe-début xxe siècle)

Sommaire

Éditorial 3 Le financement de la recherche archéologique

Dossier : Financement et réglementation étatique de la pratique de l’archéologie (fin xixe-début xxe siècle)

4e journées du PCR « Archives et correspondance de Joseph Déchelette », 25 et 26 octobre 2012, Laténium (Hauterive-Neuchâtel)

Marc-Antoine Kaeser, Gianna reginelli servais et Sandra Péré-noguès (éd.)

5 Sandra Péré-Noguès | Avant-propos 6 Marc-Antoine Kaeser | L’archéologie, une affaire publique : les enjeux

de la réglementation et du financement

1 | Légiférer et protéger

10 Arnaud Hurel | L’échec du projet de loi sur les fouilles archéologiques et paléontologiques de 1910

14 Serge lewuilloN | Fouilles, sites ou monuments ? 20 Allard Mees | La sauvegarde du patrimoine archéologique allemand

au temps de Joseph Déchelette 24 Philippe Marti | Les effets de la législation sur le statut des objets archéologiques :

le cas de Neuchâtel, entre 1870 et 1940 28 Gianna regiNelli servais | Organisation et financement des fouilles de La Tène (1907-1917).

La construction des cadres administratifs de l’archéologie neuchâteloise jusqu’en 1940 34 Géraldine Delley | Le financement de l’archéologie en Suisse dans la seconde moitié

du xxe siècle. Le rôle du Fonds national de la recherche scientifique

2 | financer La recherche hier

39 Sandra Péré-Noguès | Des sous et des archéologues : place et rôle de l’argent à travers la correspondance entre Émile Cartailhac et Joseph Déchelette

43 Marianne altit-Morvillez | Alésia, une fouille médiatique. Les enjeux du financement entre 1905 et 1914

48 Réjane roure | L’évolution du financement de l’archéologie en Languedoc : les exemples de Nîmes et sa région et de l’oppidum d’Ensérune

Actualités scientifiques

53 Armelle BoNis | Angkor. Naissance d’un mythe. Louis Delaporte et le Cambodge, une exposition du musée national des Arts asiatiques - Guimet du 16 octobre 2013 au 13 janvier 2014

Politique de la recherche

56 L’Institut national de recherches archéologiques préventives. Référé de la Cour des comptes 60 Jean-Paul DeMoule | La réforme de l’archéologie en 2013 : du Livre blanc

à la Cour des comptes