Lire et traduire le conditionnel en français et en espagnol

95
Axelle Vatrican U. Toulon / U. Complutense 18 novembre 2014 Universidad Complutense, Departamento de Filología Francesa Comment lire et traduire le conditionnel en français et en espagnol ?

Transcript of Lire et traduire le conditionnel en français et en espagnol

 Axelle Vatrican

U. Toulon / U. Complutense

18 novembre 2014Universidad Complutense, Departamento

de Filología Francesa

 

Comment lire et traduire le conditionnel en français et en

espagnol ?

1. INTRODUCTION

OBJECTIFS:

• DÉCRIRE la forme du conditionnel dans les deux langues: approche diachronique et synchronique

• Montrer que l’interprétation modale que l’on fait du conditionnel (conditionnel d’hypothèse & conditionnel de politesse/atténuation) est à l’origine de certains PROBLÈMES DE TRADUCTION.

PLAN1.Histoire du conditionnel 2.Lire le conditionnel3.Traduire le conditionnel

1. HISTOIRE DU CONDITIONNEL

Le conditionnel est une création romane. C’est une forme verbale qui n’existait pas en latin.

Il a été formé à partir d’une périphrase composée de l’infinitif du verbe (CANTARE) et de l’auxiliaire HABERE conjugué à l’imparfait. 

Le conditionnel n’existait pas en latin: qu’utilisait-on ?

Le subjonctif imparfait ou plus-que-parfait: (cantarem, -res, -ret / cantavissem, -sses, -sset) qui en était l’équivalent tant pour les emplois modaux que pour les emplois temporels.

Sa formation est à rapprocher de celle du FUTUR, formé lui aussi à partir de la périphrase composée de l’infinitif (CANTARE) et du présent de HABERE ;

Son sens est celui de L’OBLIGATION : ‘j’ai à chanter’ pour le futur et ‘j’avais à chanter’ pour le conditionnel ; le sens de la périphrase à l’origine est donc proche de ‘(hab)ía de cantar’ ou ‘il (av)ait à chanter’.

Français:Futur

habeo > canta’raio > chanteraihabes > canta’raes > chanteras

habet > canta’raet> chantera(t)• CANTARE + habemus >habumus > chanterons

habetis > cata’retis> chanteroizhabent > habunt > canta’raunt > chanteront

Conditionnel

habebam > * cantaream > chantereie > chanteroie habebas > * cantareas > chantereis > chanteroies habebat > *cantareat > chantereit > chanteroit

CANTARE + habebamus >* cantareamus > chanteriiens > chanterionshabebatis > *catareatis > chanteriiez > chanteriezhabebant > *cantareant > chantereient > chanteroient

 

 

Espagnol

• CANTARE HABEBAM, habebas, habebat, habebamus, habebatis, habebant

> cantar(h)ía, cantar(h)ías/yes, cantaría/-ie, cantaríamos/cantariedes, cantaríades/-cantariedes, cantarían/cantarien

Le conditionnel et le futur français et espagnol ne sont donc pas un héritage direct du latin classique : ils proviennent du latin parlé.

C’est la structure périphrastique qui s’impose: infinitif (CANTARE) + Imparfait de HABERE.

La Romania a été divisée en deux : l'une qui a utilisé CANTARE HABEO (infinitif + habere) à l'ouest: espagnol, français, portugais

l'autre qui a utilisé CANTARE VOLO (infinitif + volere) à l'est. Cette deuxième forme concerne le roumain.

Futur et conditionnel: l’obligation ou la volonté = périphrase modale.

CONTRE THEORIE : Lanly (1958)

Lanly (1958) propose d’en établir l’origine au SUBJONCTIF IMPARFAIT LATIN.

Selon lui, cette forme latine, au moment où elle menaçait de se confondre avec l’infinitif, se serait RENFORCÉE DU SUFFIXE IMPARFAIT. Ses principaux arguments sont d’ordre sémantique, syntaxique et phonétique.

Critères sémantique, syntaxique et phonétique

Sémantique:

Il s’étonne que CANTARE HABEBAM (j’avais à chanter, j’avais la perspective de chanter) ait pu prendre un sens hypothétique : je chanterais aujourd’hui ou demain.

Syntaxique:

D’après lui, c’est une erreur que de dire que le conditionnel n’existait pas en latin. C’était l’imparfait du subjonctif (cantarem, -res, -ret, remus, -retis, -rent) qui en était l’équivalent tant pour les emplois modaux que pour les emplois temporels.

Phonétique:

Lanly met en doute la formation « infinitif + habere ». En particulier, il souligne que la chute de la syllabe hab n’est pas justifiée par les historiens de la langue: CANTAR(HAB)IASelon lui, chantereie, première forme attestée du conditionnel en ancien français; il postule cantaréa, qui n’est pas attesté, qui permettrait de remonter

à cantar(em), le subjonctif latin décadent auquel s’ajoute le suffixe éa.

Pourquoi avoir eu recours à une forme périphrastique : CANTARE + HABEO ?

Réponses:

Tendance des langues romanes à abandonner les formes synthétiques au profit de formes analytiques:

Perte des cas nominatif, génitif, accusatif, etc., remplacés par des prépositions, des articles, etc. : del amigo = amici.

Alignement sur le futur: Futur : il existait une confusion entre plusieurs formes : subjonctif (LEGES)/ futur (LEGES), prétérit (CANTAVIT) et futur (CANTABIT).

A quelle date ?

On pense que cette forme serait apparue dès le Ier siècle avant J.C. (Company 2006: 349).

E. Benveniste pour sa part dit que cette forme de futur périphrastique (infinitif + habere) apparaît au début du IIIe s.

La première forme synthétique romane du futur apparaît à l’écrit au VIIème siècle, dans une chronique française de 613, appelée Chronique de Frédégaire.

Une compilation historiographique constituée dans la Gaule du Haut Moyen Âge, relevant du genre de la Chronique universelle, et relatant les événements depuis la Création du monde jusqu'au 9 octobre 768 (jour de l'avènement de Charlemagne et de son frère Carloman) dans la version la plus longue.

Et ille respondebat: “Non dabo”. Iustinianus dicebat : « Daras ».

FUTUR: La forme périphrastique (infinitif + Habere) et la forme synthétique du futur latin classique (CANTABO) , coexistent pendant plus de quatre siècles (du IIIe au VIIe s. apr. J.-C.).

Forme périphrastique: <Infinitif, souvent passif + habere> signifie : la « prédestination de l'objet désigné à être fait

tel » => « ce qui a pour destin d'arriver » => « ce qui arrivera ». Expression de la prédestination.

Forme synthétique (CANTABO) par opposition au futur classique exprimant l'intention « avoir à ».

CONDITIONNEL: Comment s’utilise la périphrase INFINITIF + HABEBAM?

Dans des structures passives et subordonnées :

a) Que ce soit en latin :Exemple :[...] a quibus [...] suscipi habebat. (Tertullien)[ Par lesquels il serait accueilli / par lesquels il avait pour destin d’être accueilli ] 

b) Ou en français :Henri IV, qui serait assassiné en 1610, eut néanmoins le tempsd'assainir les finances du pays. 

 

Henri IV, qui serait assassiné en 1610, eut néanmoins le temps d'assainir lesfinances du pays,

se glose :

Henri IV, qui avait pour destin d’être assassiné en 1610, eut néanmoins le temps d'assainir les finances du pays,

et non :

??? *Henri IV, qui avait à être assassiné en 1610, eut néanmoins le temps d'assainir les finances du pays.

Cela s’explique par le fait que ce conditionnel s’utilise au départ avec des formes passives, contraires à l’intentionnalité de ‘avoir à’.

Exprime une nécessité épistémique : ce qui devait nécessairement arriver. 

Espagnol : a) forme périphrastique : aunque todavía estaba prohibido que un pronombre átono apareciera en posición inicial de la oración: daríaselo a su hermano.(241) b) formes alternent avec le subjonctif imparfait : (1) E estaua el conde jocelin con su muger & fijos dentro en el castillo. E el conde quando se vio cercado ouo gran miedo que tomarian el castillo & que prenderian a el & ala muger & a sus fijos & quantos dentro estauan [Granconquista de Ultramar]. (2) mando combatir el castillo de todas partes & penso le tomar a poco tiempo: ca no se temia que le leuantassen dela cerca: porque los mayores hombres del reyno estauan dentro con el rey [Gran conquista de Ultramar].

Sens modal: Exprime une nécessité épistémique : ce qui devait nécessairement arriver: modalité

Alternance avec la forme en –ra (subjonctif imparfait aujourd’hui)

PRINCIPAL PROBLEME: TEMPS OU MODE?

Un énoncé au conditionnel, en espagnol ou en français est toujours ambigu :

Il déménagerait. (1) Il m’a dit qu’il déménagerait le 20 juin.(2) Il déménagerait s’il avait de l’argent.

En (1), le conditionnel utilisé dans le discours indirect prend une valeur temporelle.

On lui a ajouté un complément circonstanciel de temps. Il a une valeur temporelle parce que l’action de déménager peut être située dans le temps, sur un axe chronologique : l’action est postérieure à celle de dire, et située à une date précise, le 20 juin.

 En (2), le conditionnel est utilisé dans une construction conditionnelle de type <si p, q> pour décrire une situation hypothétique. Il prend donc une valeur modale.

L’action de déménager ne se situe pas dans le temps, sur un axe chronologique, passé-présent-futur, mais dans un monde possible.

Il permet d’envisager l’action sous l’angle hypothétique mais en aucun cas de préciser sa localisation temporelle.

On constate donc, que faute de contexte, de précision temporelle, le conditionnel oscille entre le temps et le mode.

C’est un mode:Critère sémantique

C’est un temps: Critère syntaxiqueCritère morphologique

C’est un MODE: Critère SÉMANTIQUE repose sur:

L’étymologie : Temps imperfectif Il provient d’une PÉRIPHRASE MODALE formée à partir de l’imparfait de HABERE « habebam »

L’imparfait est un temps qui NE PERMET PAS de voir la complétude de l’action (LA FIN  du procès)

Requiert comme le conditionnel UN DEUXIÈME POINT DE REPÈRE PASSÉ.

L’idée d’hypothèse étroitement associée au conditionnel :

Tout énoncé formulé au conditionnel est SUBORDONNÉ implicitement ou explicitement à une subordonnée de condition. Et présente donc quel que soit le contexte, la situation comme hypothétique.

Il remplit plutôt les fonctions d’un mode que celles d’un temps, puisqu’il permet D’ENVISAGER L’ACTION SOUS L’ANGLE DE L’HYPOTHÈSE mais non de la situer dans le temps.

Elio Nebrija est le premier à parler du conditionnel dans une grammaire Gramática Castellana en 1492. Voici le découpage qu’il fait des temps verbaux de l’espagnol :

Tiempos verbales en el modo indicativo: présent, imparfaitTiempos verbales en el modo optativo: subjonctif imparfaitTiempos verbales en el modo subjuntivo: conditionnelImperativo

La grammaire de 1917 de la RAE a créé un mode –modo potencial- pour le seul conditionnel (1917 : §285 ; 1931 : §285) ;

Ridruejo (1974) lui attribue également une valeur ‘no real’ « El significado de esa unidad no parece aspectual ni temporal, sino modal. Cantaría representa una actitud no real » (Veiga, 102).

Esbozo (1931 : §3.14.9) le place dans les temps mais souligne le caractère hautement hypothétique du conditionnel : “Por su carácter de tiempo futuro, la acción que expresa [el «condicional»] es siempre eventual o hipotética, como en todos los futuros. Por esta causa, su empleo más frecuente y característico ocurre en la apódosis de las oraciones condicionales. De aquí el nombre de condicional que damos a este tiempo”.

C’est un TEMPS: Critères syntaxique et morphologique

Critère syntaxique

En espagnol, Andrés BELLO a recours à un critère syntaxique pour définir le conditionnel qu’il appelle ‘pos-pretérito’; il le considère comme un temps pour la raison suivante:

“Siendo el régimen lo que verdaderamente distingue los Modos, sólo por él podemos clasificarlos y definirlos” (§ 454).

Le conditionnel s’utilise dans les mêmes contextes subordonnés que les temps de l’indicatif, tels que l’imparfait ou le passé simple ; c’est donc un temps de l’indicatif.

Certains verbes comme saber, afirmar, parecer, prever, prometer, asegurar, creer sont toujours suivis de l’indicatif:

  1) {Sabía/afirmó} que tus intereses {prosperarían/ properaban/prosperaron/ *prosperen, *prosperaran,*-sen}.

À la différence des verbes du type dudar, qui sont toujours suivis de formes du subjonctif :

  2) Dudaba de que {*te gustaría,*te gustaba,*te gustó/ guste, gustara, -se}.

NGRAE (2009: §23.15) Es tradicional la polémica en torno a si el condicional (cantaría) es un tiempo del indicativo o un modo verbal.

Se suele aceptar hoy la primera opción, sobre todo porque el condicional aparece en entornos sintácticos en los que se selecciona el modo indicativo: Prometió que iría, y se rechaza en los que seleccionan el subjuntivo: Deseamos que {*irían/ *fueran} ustedes.

Le français a lui recours à une explication d’ordre MORPHOLOGIQUE

Deux explications :

1. S’attachant à la forme: IMPARFAIT

Le conditionnel ayant été formé à partir de l’imparfait de l’indicatif de HABERE,

et l’imparfait étant un temps de l’indicatif, le conditionnel est forcément un temps. « Du point de vue de son étymologie, le conditionnel est un

imparfait de l’indicatif, comme le futur est un présent. La morphologie actuelle a laissé au conditionnel toutes ses caractéristiques d’imparfait. Il y a donc lieu, en morphologie pure, de classer le conditionnel avec les formes de l’indicatif, il est un imparfait à côté de ce présent d’un type spécial qu’est le futur français. » (IMBS, Paul. 1960. L'emploi des temps verbaux en français moderne; essai

de grammaire descriptive. Paris: Klincksieck, p. 5).

2. L’infixe –r- du futur se trouve dans le conditionnel donc c’est un temps comme le futur.

Ainsi Christian Touratier (1996 : 38) : Il est difficile de ne pas retrouver dans le conditionnel d'une part la marque d'imparfait et d'autre part la marque /R/ du futur [...]. Ceci veut dire qu'au point de vue morphologique, le conditionnel dit présent a tout l'air d'être un futur imparfait et donc d'appartenir aux temps de l'indicatif.

Car si le futur est un temps de l'indicatif et l'imparfait un autre temps de l'indicatif, on ne voit pas comment la combinaison de ces deux temps de l'indicatif pourrait ne pas appartenir aussi au mode indicatif.

ou encore de M. Wilmet : Quant au « conditionnel » [...], l'infixe -r- du futur [...] et la désinence de l'« imparfait » [...] le rattachent sans l'ombre d'une hésitation à l'indicatif.

 

Aujourd’hui, le conditionnel est un TEMPS.

Valeur TEMPORELLE et valeurs MODALES

SES VALEURS EN FRANÇAIS ET EN ESPAGNOL AUJOURD’HUI :

Valeur temporelle

Conditionnel temporel

Il est appelé « conditionnel temporel « (Haillet 1995) et « condicional factual o narrativo» (NGRAE 2009 : 23.15r)

Futur dans le passé car il désigne un événement futur, c’est-à-dire un événement postérieur à un événement passé, lui-même passé par rapport à l’instant d’énonciation, présent du locuteur.

Temps relatif car on doit avoir recours à deux instants, l’un passé, l’autre présent, pour situer l’événement.

Exemples:

(1)Ayer dijo Pedro que llegaría el día 20 de julio.

(2) Hier Pierre a dit qu’il arriverait le 20 juillet.

Lecture: L’événement ‘llegar’ est futur parce qu’il a lieu après celui de ‘dire’: il lui est donc postérieur,

et celui de ‘dire’ a lieu avant le moment où le locuteur prend la parole, et lui est donc antérieur.

Valeurs modales

Conditionnel modal1. Le conditionnel d’hypothèse

Conditionnel d’hypothèse (Riegel/Pellat/rioul : 317 ; Haillet 1995 : 44) ou « condicional no factual » (NGRAE 2009: §23.15s)

Un fait vu sous l’angle de l’hypothèse : Il « marque un fait conjectural ou imaginaire » (Grévisse: §859) ou « condicional no factual » puisqu’il renvoie à une situation hypothétique.

Le conditionnel d’hypothèse se construit avec une subordonnée explicite ou implicite:

Avec une subordonnée explicite: 

1) Si j’avais le temps, j’irais la voir.2) Si tuviese tiempo, iría a verla.

Avec une subordonnée implicite:

La NGRAE (§23.15s) dit que “una situación hipotética es requerida en los contextos no factuales”;

De la même façon, Riegel/Pellat/Rioul (1994: 318) affirment que l’on peut “mettre en rapport certains emplois du conditionnel avec une condition implicite, qu’il n’est pas toujours naturel ni nécessaire de formuler”.

1)Te recomiendo esta novela. Te encantaría.2)Te recomiendo esta novela. Te encantaría (si la leyeras).

3)(Moi) j’irais la voir.4)(Moi) j’irais la voir (si j’étais toi, si tu me demandais mon avis).

5)(Yo) iría a verla.6)(Yo) iría a verla (si estuviera en tu lugar).

2. Le conditionnel de politesse ou d’atténuation

Atténue une affirmation ou une demande, employé souvent avec les verbes modaux tels que devoir ou pouvoir ;

La NGRAE pour l’espagnol le traite comme une catégorie à part entière.

Certains, pour le français, (Haillet 1995 : 47 ; Riegel/Rioul/Pellat : 319) le voient comme une forme dérivée du conditionnel d’hypothèse puisque l’on peut sous-entendre une subordonnée.

EXEMPLES:

1)Deberías estudiar más.2) ¿Me podrías decir la hora?

= Atténuation d’une demande (ordre): Estudia más / Dime la hora.

3) Vous devriez approfondir cette question.4) Pourrais-tu me donner l’heure?

= Atténuation d’une demande: Approfondissez cette question / Donne-moi l’heure.

5) Deberías estudiar más (si me permites).6)  ¿Me podrías decir la hora? (si te lo preguntara).7) Vous devriez approfondir cette question (si je pouvais me permettre).8)Pourrais-tu me donner l’heure? (si je te le demandais).

= Une subordonnée peut être sous-entendue

3. Conditionnel journalistique

TERMINOLOGIE: (Gosselin 2001), de citation (Kozen & Nølke 1990), d’altérité énonciative (Haillet 1995), de non prise en charge (Abouda 2001) ou encore en espagnol, de información no asegurada (Lapesa 1977), periodístico (Veiga 1991), del rumor (Casado Velarde 1995 & NGRAE 2009).

 Une navette partirait bientôt pour Mars.Un peu plus tôt ce matin, Le Nouvel Observateur affirmait également sur son site que Nicolas et Cécilia Sarkozy auraient, ensemble, cette fois, matérialisé leur séparation (Le Figaro, 17 octobre 2007).

 Según otras informaciones, los ataques habrían durado toda la noche (Fernández

López 2007).

DÉFINITION: Ce conditionnel permet de « présenter un fait dont la vérité n’est pas garantie » (Riegel/Pellat/Rioul 1994: 320) et de dégager la responsabilité de celui qui parle.

La NGRAE (2009 § 23.15m) le rattache au conditionnel de probabilité, propre à l’espagnol : « la variante del condicional de conjetura que se usa a menudo para presentar las informaciones de forma cautelosa ».

4. Conditionnel de probabilité ou de conjecture (esp.)

La NGRAE le définit de la façon suivante : c’est un conditionnel « de probabilidad o epistémico » ; « equivale a ‘probablemente + imperfecto’.

 En aquella época, Juan tendría unos 40 años.En aquella época, Juan tenía probablemente unos 40 años.

On a recours au devoir d’hypothèse pour le traduire :

A cette époque, Juan devait avoir dans les 40 ans.

6. Conditionnel ludique (fr.)

Celui qui est utilisé par les enfants lorsqu’ils jouent « quand ils précisent les conventions à observer dans un jeu » (Grévisse § 860) :

Ça, ce serait la montagne, dit le gamin blond. Alors vous seriez les Indiens et Ian arriverait par derrière en rampant avec Basil .(H. Bazin, Bienheureux de la désolation, p. 84)

2. LIRE LE CONDITIONNEL

Temporalité: Conditionnel temporel / condicional narrativo o factual

Il faut ajouter un repère temporel ou une proposition.

Le lendemain, il le lui dirait.Il a promis qu’il l’aiderait.

Le critère retenu Haillet (1995): la commutation avec la périphrase aller + infinitif : Avec un repère temporel : Le lendemain, il le lui dirait.= Le lendemain, il allait le lui dire. Avec une proposition :

Il a promis qu’il l’aiderait. = Il a promis qu’il allait l’aider. 

Ce n’est pas le cas :

avec un conditionnel journalistique:

Selon ce journaliste, le Président serait malade.# Selon ce journaliste, le Président allait être malade. ni un conditionnel d’atténuation : Tu devrais approfondir cette question davantage.# Tu allais devoir approfondir cette question davantage.

Sans repère temporel, le conditionnel prend une valeur modale.

Qu’est-ce que la modalité ?

La ModalitéDans une perspective générale, celle de l’énonciation, exprime un point de vue face à un événement. Elle correspond à la façon (MODUS, modo) dont le locuteur envisage la situation décrite (DICTUM, lo dicho).

Modalités: 1. Possibilité : Pierre peut chanter2. Nécessité : Pierre doit chanter3. Volonté, souhait : Pierre veut chanter4. Acte de langage : ordre, interdiction : Pierre, s’il te plaît, ne chante pas !

Dans une perspective logico-sémantique, plus restrictive, la modalité permet de considérer l’événement sous l’angle de la possibilité ou de la nécessité.

Situer l’événement dans un monde possible qui n’est pas l’axe chronologique passé-présent-futur

On éliminera : 3. La volonté: Pierre veut chanter.4. Les actes de langage: Pierre, s’il te plaît, ne chante pas !

pour ne conserver que :1.La possibilité: Pierre peut chanter2.La nécessité: Pierre doit chanter

Le conditionnel modal

LE CONDITIONNEL MODAL : forme verbale qui permet de situer une action non sur un axe chronologique (passé-présent-futur) mais dans un monde possible ; donc permet de considérer l’action comme hypothétique.

Tous les conditionnels dits modaux expriment une forme d’hypothèse, dans la mesure où la forme du conditionnel est subordonnée d’une façon ou d’une autre à une autre forme :

Conditionnel hypothétique non factuel avec une subordonnée :1) Si tuviese dinero, me compraría un barco.

# Puede que me compre un barco.

Conditionnel hypothétique non factuel sans subordonnée :2) Ahora mismo estaría encantada en la playa. / Je serais ravie d’être en ce moment sur la plage.

# Puede que esté encantada en la playa.

3) Yo pintaría la casa de azul. / Moi je peindrais la maison en bleu.# Puede que pinte la casa de azul.

Conditionnel de probabilité en espagnol :4) En aquella época tendría unos 40 años.

= Puede que Juan en aquella época tuviera 40 años.

Conditionnel journalistique :5) Un peu plus tôt ce matin, Le Nouvel Observateur affirmait également sur son site que Nicolas et

Cécilia Sarkozy auraient, ensemble, cette fois, matérialisé leur séparation (Le Figaro, 17 octobre 2007).6) Según otras informaciones, los ataques habrían durado toda la noche (Fernández López 2007).

= Il est possible que Nicolas et Cécilia Sarkozy aient matérialisé leur séparation.

Conditionnel ludique en français :7) Ça, ce serait la montagne, dit le gamin blond. Alors vous seriez les Indiens et Ian arriverait

par-derrière en rampant avec Basil (H. Bazin, Bienheureux de la désolation, p. 84).

# Il est possible que ce soit la montagne.

Avec une subordonnée de condition :

Il existe des conditionnels dits hypothétiques ou no factuales (NGRAE 23.15s) qui apparaissent sans subordonnée de condition mais pour la compréhension desquels il est nécessaire de sous-entendre une subordonnée ;

Grévisse n’en parle pas et Riegel/ Pellat/ Rioul (1994: 318) ne le disent pas clairement non plus (« en corrélation avec l’expression d’une hypothèse, le plus souvent formulée dans une subordonnée introduite par si »).

La NGRAE (2009: §23.15s) le dit plus clairement: « una situación hipotética es requerida en los contextos no factuales »

Exemples : 1) Max viendrait te chercher à la gare (s’il en avait le temps).2) Marie serait ravie je pense (si tu allais la voir).3) On se croirait dans n’importe quel lycée de banlieue. (Haillet 1995: 44) (si on ne savait pas qu’il s’agit d’un foyer).  4) Maite dejaría su trabajo a la primera oportunidad (si pudiese).5) Ahora cumpliría 60 años (si estuviera vivo).6) Juan dimitiría (si pudiese).

Que remarquer ? Point commun ?

1) Max viendrait te chercher à la gare (s’il en avait le temps).2) Marie serait ravie je pense (si tu allais la voir).3) On se croirait dans n’importe quel lycée de banlieue. (Haillet 1995: 44)/ si on ne savait pas qu’il s’agit d’un foyer.  4) Maite dejaría su trabajo a la primera oportunidad (si pudiese).5) Ahora cumpliría 60 años (si estuviera vivo).6) Juan dimitiría (si pudiese).

Usage de la troisième personne.

Or si je change la personne et que je dis:

Yo dimitiría.Moi, je démissionnerais. A la première interprétation s’ajoute une seconde interprétation. LA PREMIÈRE : j’exprime un désir, subordonné à des circonstances « je démissionerais, si je pouvais, si j’avais de l’argent ».

LA SECONDE :Sous-entend un conseil, une demande: « démissionne »; je te demande indirectement de faire quelque chose.

Conditionnel d’atténuation ou de politesse. C’est le changement de personne (1ère ou 2ème, celles du dialogue) qui modifie le sens de l’énoncé.

Actes de langage : ce que l’on fait quand on parle (à la différence de ce que l’on dit).

Conditionnel de politesse (de cortesía)

et conditionnel d’atténuation (de atenuación) 

 

Quelques exemples:

1) ¿Me podrías acercar la fuente? / Pourrais-tu me passer le plat ? 2) Me encantaría que me acompañaras al cine / Je serais ravie que tu m’accompagnes au cinéma. 3) Me gustaría que me acompañaras al cine / J’aimerais que tu m’accompagnes au cinema. 4) De buena gana me tomaría un café / Je prendrais volontiers un café. 5) ¿De qué color es este jersey? –Yo diría que es azul. 6) Ce qui, pour moi, est essentiel, c'est de voir conservé notre patrimoine juif. Et je dirais même que c'est positif pour la collectivité française. (Abouda 2001: 11)  Pourquoi atténuation ou politesse ?

Permettent d’atténuer la force du contenu de l’énoncé

SOIT LA FORCE DE LA DEMANDE INDIRECTE dans le cas du conditionnel de politesse (1-4);SOIT LA FORCE DE L’AFFIRMATION, dans le cas du conditionnel d’atténuation (5-6). 

CONDITIONNEL DE POLITESSE : demande indirecte 1) ¿Me podrías acercar la fuente? / Pourrais-tu me passer le plat ? = lecture littérale « es-tu capable de me passer le plat » « oui ».= implicature : demande indirecte : « passe-moi le plat » 2) Me encantaría que me acompañaras al cine / Je serais ravie que tu m’accompagnes au cinéma. = lecture littérale : « si me acompañaras al cine, me encantaría » / « si tu m’accompagnais au cinéma, je serais ravie »= implicature: « accompagne-moi au cinéma » 3) Me gustaría que me acompañaras al cine / J’aimerais que tu m’accompagnes au cinema. = lectura littérale: “?si me acompañaras al cine, me gustaría” / “*Si tu m’accompagnais au cinéma, j’aimerais”.= implicature: accompagne-moi au cinéma. 4) De buena gana me tomaría un café / Je prendrais volontiers un café.= lecture littérale : si je pouvais, je prendrais bien un café.= implicature: apporte-moi un café.

CONDITIONNEL D’ATTENUATION : 5) ¿De qué color es este jersey? –Yo diría que es azul.= lectura littérale: si tu me le demandais, je dirais qu’il est bleu.= implicature : pas de demande ; accepte ce que je vais dire.

6) Ce qui, pour moi, est essentiel, c'est de voir conservé notre patrimoine juif. Et je dirais même que c'est positif pour la collectivité française. (Abouda 2001: 11)= Lecture littérale : « si vous me le demandiez, je dirais même que c’est positif pour la collectivité »= implicature : pas de demande ; acceptez ce que je vais vous dire.

Résumé:Les effets de politesse et d’atténuation sont obtenus au niveau de l’énonciation, des actes de langage.

Conditionnel de politesse : Permet de diminuer la force d’une demande indirecte ;La politesse est tournée vers L’INTERLOCUTEUR : on ne veut rien lui imposer mais on lui demande de faire quelque chose.

Conditionnel d’atténuation :Permet d’atténuer, de diminuer la force d’une affirmation. L’atténuation est tournée vers LE LOCUTEUR, c’est-à-dire vers l’intention du locuteur (« consiste en minimizar la fuerza ilocutiva de los actos de habla » Albelda & Briz 210 : 238).

Tentative d’explication: 2 lectures

Lecture sémantique (littérale): monde possible

Lecture pragmatique (inférentielle): monde présent

De buena gana me tomaría un café / Je prendrais bien un café.= Ahora mismo no me estoy tomando café/ Je ne prends pas de café en ce moment.# Ahora mismo me estoy tomando café/ Je prends un café en ce moment.= Ahora mismo deseo / En ce momento je souhaite.  Lecture littérale et sémantiqueJ’utilise un conditionnel d’hypothèse qui signifie ‘je prendrais bien un café, si j’en avais le temps/ l’occasion’ :

Je situe les deux actions dans un monde possible, différent de mon présent : <si p, q> et je sous-entends q.

C’est une vraie irréelle, d’où la possibilité de la négation. Lecture pragmatique (inférentielle)Je demande de façon indirecte à mon interlocuteur de m’en apporter un. D’où le sens de : je souhaite boire un café. Cette idée de souhait est une implicature (possible dans ce contexte). Dans ce cas l’expression du désir provient d’une lecture pragmatique.

Résumé: sémantiquement, le conditionnel renvoie à une action située dans un monde possible ; pragmatiquement, dans mon présent j’infère, j’exprime un souhait, un désir.

Deberías estudiar más / Tu devrais travailler davantage

Lecture littérale et sémantique: dans un autre monde, tu devrais étudier;

Lecture pragmatique: dans le monde présent je souhaite que tu étudies.

Me encantaría que me acompañaras al cine / Je serais ravie que tu m’accompagnes au cinéma.

?? No me encanta ahora mismo# Me encanta ahora mismo que me acompañes / Je suis ravie que tu m’accompagnes.

Lecture sémantique : si me acompañaras al cine, me encantaría/ Si tu m’accompagnais au cinéma, je serais ravie ;

Lecture pragmatique : je souhaite que tu m’accompagnes ; accompagne-moi au cinéma.

Me gustaría que me acompañaras al cine / J’aimerais que tu m’accompagnes au cinema.

# No me gusta ahora mismo# Me gusta que me acompañes / J’aime que tu m’accompagnes.

Lecture sémantique: Dans un autre monde ‘si tu m’accompagnais au cinema, cela me plairait, me ferait plaisir’.

Lecture pragmatique : Je souhaite que tu m’accompagnes au cinéma.

Syntaxiquement : Espagnol:‘Si me acompañaras al cine, me gustaría’, parfois possible en espagnol:Si Juan se comprara un coche, me gustaría.

Français:‘*Si tu m’accompagnais au cinéma, j’aimerais’. On pense que ‘j’aimerais’ s’est complètement grammaticalisé au présent et ne peut plus exprimer un conditionnel.  J’aimerais s’est complètement grammaticalisé en français et signifie je souhaite au présent ; en espagnol, me gustaría peut s’utiliser dans les deux contextes .

3. Traduire le conditionnel

Problèmes de traduction :Il existe des conditionnels qui nous obligent à faire une seule lecture au présent : raison pour laquelle ils seront traduits par un présent en espagnol.

On dirait que:

On dirait qu’il va pleuvoir.# Dans un monde possible, différent du monde actuel présent, quelqu’un dirait qu’il va pleuvoir. = Il semble dans le monde présent, qu’il va pleuvoir (Parece que va a llover en el mundo actual). Même chose avec un passé composé:On dirait qu’il a plu.Parece que ha llovido. Implicature (du ‘on dirait’, on passe à ‘il semble que’)? La lecture se fait obligatoirement dans le présent.

Comme qui dirait :

Le marqueur ‘comme qui dirait’ est un marqueur de mise à distance qui atténue un énoncé.

La comparaison a disparu (comme celui qui dirait que) et il ne reste plus que la mise à distance (Gómez Jordana : 97).

Le figement apparaît dès le XVIIe mais s’impose au XIXe. 

FRANCAIS

1) Il y a comme qui dirait un problème.

= Como quien dice, tenemos un problema (je le crois, présupposition de vérité)

= Tenemos, por así decirlo, un problema (je n’y crois pas vraiment)

 

ESPAGNOL 2) Los extraños constituyen un apreciable tesoro en la calle donde vivo; por la noche, cuando más necesaria es la seguridad, suelen venir, como quien dice, al trote. (J. Jacobs, Muerte y vida de las grandes ciudades, 1973)

= comme qui dirait (por así decirlo) : pas de présupposition (connaissance non partagée)(fr.) comme si quelqu’un le disait dans un autre monde: valeur spécifique

= comme on dit (como se dice, como se suele decir) : le locuteur présuppose que l’on sait de quoi il parle (connaissance partagée entre locuteur et interlocuteur)= (esp.) on le dit dans le monde actuel: valeur générique

3) La gente de hace sesenta años — ya ven, como quien dice anteayer, con acorazados por los mares, sin embargo, y la vacuna antirrábica surtiendo sus efectos — era aún muy distinta de la de ahora, sobre todo en la aldea (Torrente Ballester)

= comme qui dirait

On se croirait

On se croirait dans n’importe quel lycée de banlieue (Haillet 2002: 44)… si on ne savait pas qu’il s’agit d’un collègue d’élite.

Comparaison entre L’ETAT ACTUEL (collègue d’élite) et un AUTRE ETAT, l’ETAT POSSIBLE, IMAGINE (n’importe quel lycée de banlieue)

Va-et-vient entre le monde actuel présent (collègue d’élite) et le monde possible/imaginé (n’importe quel lycée de banlieue).

On se croirait en Corse !Si lecture en fonction de l’état présent actuel, se traduira par:

¡Esto parece Córcega!

Si lecture en fonction de l’état possible/imaginaire:

¡Ni que fuera Córcega!

Autres exemples:Quand on est à l’extérieur, le taux d’humidité est tellement

élevé qu’on se croirait dans un sauna.La humedad es tan alta que parece que estás en una sauna.

Dans l’enceinte du sanctuaire, on se croirait sur une scène de théâtre : la lumière du jour n’éclaire qu’une façade de l’église […]

En el interior del santuario, uno se siente como en el escenario de un teatro : la luz del día ilumina sólo una parte de […]

Ne saurait GREVISSE :2/ La langue soignée emploi savoir au conditionnel présent avec le sens de pouvoir au présent. Cela se fait normalement dans des phrases négatives, avec la négation simple ne (sans pas) : je ne saurais = je ne peux. Les hommes ne sauraient se passer de religion (Duhamel, Biographie de mes fantômes, p. 222).

Les problèmes politiques ne sauraient être exclus des conversations (DE GAULLE, Mém. De guerre, t. II, p. 124).

= il est impossible que. (…) on trouve aussi saurait dans le sens de peut sans négation –ou avec la négation complète- ou encore saurait = pourrait. S’agit-il d’archaïsmes ou d’emplois régionaux ?   

Exemples:

1) Cette objection ne saurait être retenue à la lumière de faits qui se passent encore sous nos yeux [...]. (C. Camproux, Les langues romanes, p. 53).

2) L’influence du substrat, bien que difficile à préciser dans le détail, ne saurait être ainsi niée : l’observation confirme les simples données de bon sens.

3) Un tel crime ne saurait rester impuni.

4) Ce bois ne saurait brûler.

5) Il ne saurait rien arriver de plus fâcheux.

En espagnol, saber offre un choix d’emplois beaucoup plus restreint. S’il peut être utilisé avec un sujet désignant un être animé: No sabría decírtelo.

Il est par contre impossible de le trouver avec un sujet désignant un être non animé. Une traduction des exemples par saber s’avère ici impossible. Il faut avoir recours à poder.

1) Cette objection ne saurait être retenue à la lumière de faits qui se passent encore sous nos yeux [...]. (C. Camproux, Les langues romanes, p. 53). Esa objeción no {*sabría/podría/puede}ser aceptada.2) L’influence du substrat, bien que difficile à préciser dans le détail, ne saurait être ainsi niée : l’observation confirme les simples données de bon sens.La influencia del sustrato no {*sabría/podría/puede} ser negada.3) Un tel crime ne saurait rester impuni.Tal crimen no {*sabría/podría/puede} quedar impune.4) Ce bois ne saurait brûler.Esta madera no {*sabría/podría/puede}quemarse.5) Il ne saurait rien arriver de plus fâcheux.No {*sabría/podría/puede} ocurrir nada más fastidioso.

Sujet désignant un être non animé: lecture épistémique.

Le déplacement du sujet vers la principal est impossible avec saber lorsqu’il est précédé d’un sujet non animé.

La modalité épistémique ne peut être exprimée par saber.

Nature du sujet de savoir : une entité non animée, ce qui est contraire au contenu lexical de ‘savoir’ en principe.

Sens ? = il est impossible que, il n’est pas possible que

Un tel crime ne saurait rester impuni.Tal crimen no {*sabría/podría/puede} quedar impune.

= il est impossible de laisser impuni un tel crime, on ne saurait laisser un tel crime impuni, il est impossible qu’un tel crime reste impuni 

N’est pas : dans un autre monde qui n’est pas celui de l’énonciation, il ne le saurait pas, mais dans le monde actuel c’est impossible.

Syntaxiquement :

Un tel crime ne saurait rester impuni.Tal crimen no {*sabría/podría/puede} quedar impune.= Il est impossible que ce crime reste impuni.

Le sujet personnel de la subordonnée, un tel crime, par un mouvement de « montée du sujet », est devenu sujet de la principale. Ce mouvement est donc rendu possible par savoir et il semble qu’il faille sous-entendre un sujet ou agent animé (on, forme impersonnelle).

Analyser le rapport qui unit ce dernier, le substantif sujet, au verbe à l’infinitif.

Cas sémantiques d’agent et de patient pour expliquer le rapport qui unit le sujet à l’infinitif.

1) Cette objection ne saurait être retenue à la lumière de faits qui se passent encore sous nos yeux [...]. (C. Camproux, Les langues romanes, p. 53).

2) L’influence du substrat, bien que difficile à préciser dans le détail, ne saurait être ainsi niée : l’observation confirme les simples données de bon sens.

En (1) et (2) le verbe à l’infinitif est à la voix passive ; le sujet grammatical revêt par conséquent le cas de PATIENT DU VERBE à l’infinitif ; l’objection est l’objet ou « patient » sur lequel s’exerce l’action de retenir en (2) et l’influence du substrat est aussi l’objet ou « patient » sur lequel s’exerce l’action de nier.

Le sujet grammatical est donc le « patient » du verbe à l’infinitif.

 

3) Un tel crime ne saurait rester impuni.

4) Ce bois ne saurait brûler.

5) Il ne saurait rien arriver de plus fâcheux.

Dans les exemples (3), (4) et (5), les verbes à l’infinitif sont des verbes intransitifs appelés « inacusativos » (esp.) parce que leur sujet grammatical est l’objet ou « patient » sur lequel s’exerce l’action dénotée par celui-ci.

« denotan bien estados o bien eventos no agentivos (logros), como existir, aparecer, llegar, florecer, crecer, etc., cuyo único argumento se interpreta como el elemento que recibe la acción o en el que se produce o manifiesta la eventualidad que denota el verbo: i.e. el argumento de este verbo es un tema o paciente. » (A. MENDIKOETXEA, 1999: 1579).

Qu’en est-il de L’AGENT? Il semble que l’on puisse dégager deux groupes :

pour le premier groupe, l’agent existe dans le monde référentiel:

1) Cette objection ne saurait être retenue à la lumière de faits qui se passent encore sous nos yeux [...]. (C. Camproux, Les langues romanes, p. 53).

2) L’influence du substrat, bien que difficile à préciser dans le détail, ne saurait être ainsi niée : l’observation confirme les simples données de bon sens.

3) Un tel crime ne saurait rester impuni.

En (1), (2) et (3), l’agent existe mais il n’est pas exprimé. On comprend ainsi on ne saurait retenir cette objection, on ne saurait nier l’influence du substrat, on ne saurait laisser impuni un tel crime. Ce qui veut dire que l’agent implicite désigne en fait un être animé ici exprimé par on.

Pour le second, l’agent n’existe pas dans le monde référentiel.

4) Ce bois ne saurait brûler.Esta madera no {*sabría/podría/puede}quemarse.

5) Il ne saurait rien arriver de plus fâcheux.No {*sabría/podría/puede} ocurrir nada más fastidioso.

En (4), l’ambigüité est maintenue puisque l’action de brûler peut être ou non provoquée par un agent animé.

En (5), il n’y a pas d’agent dans le monde référentiel, d’où sa nature syntaxique, celle de verbe « inacusativo », c’est-à-dire celle de ne posséder qu’un seul argument qui est « patient » du verbe et non agent.

Cela revient à dire que le sujet de l’infinitif est l’être affecté par l’action désignée par l’infinitif ; la chose retenue, est l’objection ; la chose niée est l’influence du substrat ; la chose restée impunie, est le crime ; la chose brûlée, est le bois ; la chose arrivée est rien de plus fâcheux.

Il est donc possible, en français, de placer en position de sujet grammatical, un substantif désignant un être non animé, si ce dernier est le patient du verbe à l’infinitif. Le verbe savoir peut aussi exprimer la modalité épistémique.

¡Gracias!

BIBLIOGRAPHIE

• ABOUDA, L., 2001, « Les emplois journalistique, polémique et atténuatif du conditionnel. Un traitement unitaire », in P. Dendale & L. Tasmowski (éds.), Le conditionnel en français, Paris, Klincksieck, p. 277-294.

• ALARCOS LLORACH, E., 1970, « Cantaría: modo, tiempo y aspecto », in Estudios de gramática funcional del español, Madrid, Gredos, p. 95-108.

• BALLY, C., 1944, Linguistique générale et linguistique française, Berna, Ed. Francke.• CASTRONOVO, B. J., 1990, « La categoría verbal de modo en la tradición gramatical española », in I. Bosque, Indicativo y subjuntivo, Madrid, Taurus, p. 66-80.

• CASADO VELARDE, M., 1995, « El lenguaje de los medios de comunicación », in M. Seco & G. Salvador (éds.), La lengua española hoy, Madrid, Fundación Juan March, p. 153-164.

• CHARAUDEAU, P., 1992, Grammaire du sens et de l’expression, Paris, Hachette. • COMPANY COMPANY, Concepción, 2006, «Tiempos de formación romance II. Los futuros y condicionales». Concepción Company Company (coord.), Sintaxis histórica de la lengua

• española. Primera parte: la frase verbal. México: Fondo de Cultura Económica-UNAM, 349-423.• DENDALE, P. & TASMOWSKI, L., 1994, « L’évidentialité ou le marquage des sources du savoir », Langue française, 102, p. 3-8.

• DENDALE, 1999, « ‘devoir’ au conditionnel : valeur évidentio-modale et origine du conditionnel », in S. Vogeleer, A. Borillo, et al. (éds.), La modalité sous tous ses états, Amsterdam-Atlanta, Cahiers Chronos, p. 7-28.

• DENDALE, P., 2001, « Les problèmes linguistiques du conditionnel français », in P. Dendale & L. Tasmowski (éds.), Le conditionnel en français, Paris, Klincksieck, p. 7-18.

• DUCROT, O., 1984, Le dire et le dit, Paris, Minuit.• EL PAÍS, 1991, « El condicional de rumor », in Libro de estilo, Madrid, Ed. El País.• FERNÁNDEZ LÓPEZ, J., 2007, « Condicional de rumor o de información no asegurada », www. culturitalia.uibk.ac.at/hispanoteca.

• GILI GAYA, 1943, Curso superior de sintaxis española, Barcelona, Vox, [1993].• Gómez Jordana, S. 2009, “Comparaison hypothétique, mise à distance, et reformulation: étude diachronique et polyphonique du marqueur comme qui dirait », Cahiers de lexicologie, 95, vol. 2, 83-114.

• GOSSELIN, L., 2001, « Relations temporelles et modales dans le ‘conditionnel journalistique’», in P. Dendale & L. Tasmowski (éds.), Le conditionnel en français, Paris, Klincksieck, p. 45-66.

• GREVISSE, M., 1993, Le bon usage, 13ème édition, Paris & Louvain-La-Neuve, Duculot.• GUENTCHEVA, Z., 1994, « Manifestations de la catégorie du médiatif dans les temps du français », Langue française, 102, p. 8-23.

• HAILLET, P., 2002, Le conditionnel en français. Une approche polyphonique, Paris, Ophrys.• KORZEN, H. & NØLKE, H., 1990, « Projet pour une théorie sur les emplois du conditionnel », Actes du XIème Congrès des Romanistes Scandinaves, Trondheim, Université de Trondheim, p. 301-312.

• KRONNING, H., 2002, « Le conditionnel ‘journalistique’ : médiation et modalisation épistémiques », XVème congrès de romanistes scandinaves, 12-17 août 2002, p. 561-575.

• LAPESA, R., 1977, « Tendencias y problemas actuales de la lingüística española », in R. Lapesa (éd.), Comunicación y lenguaje, Madrid, Karpos, p. 203-229.

• LÁZARO CARRETER, F., 2001, El dardo en la palabra, Barcelona, Galaxia Gutenberg/ Círculo de lectores.

• LYONS, J., 1990, Sémantique linguistique, Paris, Larousse.• MARTIN, R., 1983, Pour une logique du sens, Paris, PUF.• MENDIKOETXEA, A., 1999, « Construcciones inacusativas y pasivas » in I. Bosque & V. Demonte (éds.), op. cit., p. 1579.

• MEUNIER, A., 1974, « Modalité et communication », Langue française, 102, p. 8-25.

• PALMER, F. R., 1986, Mood and modality, Cambridge University Press.• REAL ACADEMIA ESPAÑOLA, Nueva Gramática de la Lengua Española, 2009, Madrid, Espasa.• RIDRUEJO, E., 1999, « Modo y modalidad. El modo en las subordinadas sustantivas », in I. Bosque & V. Demonte (éds.), Gramática descriptiva del español, Madrid, Espasa, chap. 49.

• RIEGEL, M., PELLAT, J.-C. & RIOUL, R., 2009 [4ème éd. 1994], Grammaire méthodique du français, Paris, PUF.

• VEIGA, A., 1991, Condicionales, concesivas y modo verbal en español (Verba Anexo 34), Santiago de Compostela, Universidad de Santiago de Compostela.

• WILMET, M., 2001, « L’architectonique du ‘conditionnel’ », in P. Dendale & L. Tasmowski (éds.), Le conditionnel en français, Paris, Klincksieck, p. 21-43.