L’identification des citations et matériaux manichéens dans le Contra manichaeos de Titus de...

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COMMUNICATION L’IDENTIFICATION DES CITATIONS ET MATÉRIAUX MANICHÉENS DANS LE CONTRA MANICHAEOS DE TITUS DE BOSTRA. QUELQUES CONSIDÉRATIONS MÉTHODOLOGIQUES PAR M. PAUL-HUBERT POIRIER, CORRESPONDANT ÉTRANGER DE L’ACADÉMIE Évêque de Bostra, dans la province romaine d’Arabie 1 , sous les règnes de Julien (361-363), Jovien (363-364) et Valens (364-378), Titus serait à toutes ns pratiques un inconnu si, outre une mention dans une lettre de l’empereur Julien à ses concitoyens de Bostra les invitant à l’expulser de leur ville 2 , l’historiographie chrétienne depuis Jérôme n’avait gardé le souvenir des « livres puissants » (fortes libros) qu’il écrivit contre les manichéens 3 . Mais la consé- cration que lui donnait Jérôme en l’inscrivant au panthéon littéraire chrétien n’a en rien favorisé la diffusion et la connaissance de son œuvre 4 . De fait, les quatre livres de son énorme traité Contre les manichéens (Kata; Manicaivwn 5 , ܐÙæÙ ܵ æâ áܒøÍß ܕܣÍÓÒ ܕܐûâܐĆâ) sont restés, jusqu’à tout récemment, à peu près terra incognita 6 . 1. Sur la province d’Arabie, voir Bowersock 1983 (et l’index s. v. Burā) et sur l’Arabie chré- tienne, Aigrain 1924 ; sur la ville de Bostra, on consultera Sartre 1985 et Dentzer-Feydi, Vallerin et al. 2007. 2. Lettre 52 (n° 114 Bidez), datée du 1 er août 362, éd. et trad. Bidez 1924, p. 193-195 ; sur cette lettre, voir ibid., p. 123-126, et Bowersock 1997, p. 92. 3. De viris inlustribus 102, éd. Richardson 1896, p. 48. Les données biographiques connues sur Titus de Bostra sont rassemblées dans Sickenberger 1901, p. 1-10, et Casey 1937. Malgré ce qu’afrme L. Carrozzi (1988, p. 21), repris par G. Sfameni Gasparro (2000, p. 555), le fait que Jérôme mentionne l’ouvrage de Titus ne suggère aucunement qu’il existait de celui-ci une traduction latine. 4. Des nonnulla alia qu’écrivit Titus (voir Geerard 1974, sous les n os 3575-3578), au témoi- gnage de Jérôme, n’ont survécu que des fragments caténiques, à vrai dire assez nombreux, de ses Homélies sur l’Évangile de Luc ; ils ont été édités par Sickenberger 1901 (sur ces homélies, voir Lavoie, Poirier, Schmidt 2008), ainsi que de maigres fragments d’un commentaire sur Daniel (Sickenberger 1901, p. 246-248) et d’un sermon sur l’Épiphanie (Rucker 1933, p. 82-87, n os 82-85). Une Oratio in ramos palmarum, attribuée à Titus, n’est pas de lui, comme l’a montré M. Aubineau (1978, p. 724-732) à l’encontre de l’opinion de M.Van Esbroeck (1975, p. 78-79). 5. Tel semble bien avoir été le titre grec de l’ouvrage de Titus (plutôt que Pro;~ Manicaivou~ que donne Coyle 2008, p. 135) ; c’est du moins celui qui gure en tête des uJpoqevsei~ des quatre livres dans les manuscrits de l’Athos, Vatopédi 236, fol. 59 v , et de Gênes, cod. Urbani 27, fol. 8 v (voir PG XVIII, 1257A), ainsi que chez Photius (cod. 232 [288 b 24], éd. Henry 1967, p. 70). C’est aussi l’opinion de Pedersen (2004, p. 179, n. 5). 6. Il convient cependant de faire état de l’importante monographie de N. Arn Pedersen (2004) ; cf. Poirier 2005.

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COMMUNICATION

L’IDENTIFICATION DES CITATIONS ET MATÉRIAUX MANICHÉENS DANS LE CONTRA MANICHAEOS DE TITUS DE BOSTRA.

QUELQUES CONSIDÉRATIONS MÉTHODOLOGIQUES PAR M. PAUL-HUBERT POIRIER,

CORRESPONDANT ÉTRANGER DE L’ACADÉMIE

Évêque de Bostra, dans la province romaine d’Arabie1, sous les règnes de Julien (361-363), Jovien (363-364) et Valens (364-378), Titus serait à toutes fins pratiques un inconnu si, outre une mention dans une lettre de l’empereur Julien à ses concitoyens de Bostra les invitant à l’expulser de leur ville2, l’historiographie chrétienne depuis Jérôme n’avait gardé le souvenir des « livres puissants » (fortes libros) qu’il écrivit contre les manichéens3. Mais la consé-cration que lui donnait Jérôme en l’inscrivant au panthéon littéraire chrétien n’a en rien favorisé la diffusion et la connaissance de son œuvre4. De fait, les quatre livres de son énorme traité Contre les manichéens (Kata; Manicaivwn5, ܐ ܵ ܒ ܣ ܕ ܐ ܕ ܐ ) sont restés, jusqu’à tout récemment, à peu près terra incognita6.

1. Sur la province d’Arabie, voir Bowersock 1983 (et l’index s. v. Buṣrā) et sur l’Arabie chré-tienne, Aigrain 1924 ; sur la ville de Bostra, on consultera Sartre 1985 et Dentzer-Feydi, Vallerin et al. 2007.

2. Lettre 52 (n° 114 Bidez), datée du 1er août 362, éd. et trad. Bidez 1924, p. 193-195 ; sur cette lettre, voir ibid., p. 123-126, et Bowersock 1997, p. 92.

3. De viris inlustribus 102, éd. Richardson 1896, p. 48. Les données biographiques connues sur Titus de Bostra sont rassemblées dans Sickenberger 1901, p. 1-10, et Casey 1937. Malgré ce qu’affi rme L. Carrozzi (1988, p. 21), repris par G. Sfameni Gasparro (2000, p. 555), le fait que Jérôme mentionne l’ouvrage de Titus ne suggère aucunement qu’il existait de celui-ci une traduction latine.

4. Des nonnulla alia qu’écrivit Titus (voir Geerard 1974, sous les nos 3575-3578), au témoi-gnage de Jérôme, n’ont survécu que des fragments caténiques, à vrai dire assez nombreux, de ses Homélies sur l’Évangile de Luc ; ils ont été édités par Sickenberger 1901 (sur ces homélies, voir Lavoie, Poirier, Schmidt 2008), ainsi que de maigres fragments d’un commentaire sur Daniel ( Sickenberger 1901, p. 246-248) et d’un sermon sur l’Épiphanie (Rucker 1933, p. 82-87, nos 82-85). Une Oratio in ramos palmarum, attribuée à Titus, n’est pas de lui, comme l’a montré M. Aubineau (1978, p. 724-732) à l’encontre de l’opinion de M.Van Esbroeck (1975, p. 78-79).

5. Tel semble bien avoir été le titre grec de l’ouvrage de Titus (plutôt que Pro;~ Manicaivou~ que donne Coyle 2008, p. 135) ; c’est du moins celui qui fi gure en tête des uJpoqevsei~ des quatre livres dans les manuscrits de l’Athos, Vatopédi 236, fol. 59v, et de Gênes, cod. Urbani 27, fol. 8v (voir PG XVIII, 1257A), ainsi que chez Photius (cod. 232 [288 b 24], éd. Henry 1967, p. 70). C’est aussi l’opinion de Pedersen (2004, p. 179, n. 5).

6. Il convient cependant de faire état de l’importante monographie de N. Arn Pedersen (2004) ; cf. Poirier 2005.

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Une telle situation s’explique sans doute par les dimensions mêmes de l’ouvrage, par une langue et un style assez rébarbatifs, et par le fait que les œuvres polémiques risquent toujours de sombrer dans l’oubli, une fois disparue l’hérésie ou l’erreur qu’elles prétendaient réfuter. Il est signifi catif qu’un ouvrage aussi capital pour l’histoire de la pensée chrétienne que l’Adversus haereses d’Irénée de Lyon ne soit parvenu en intégralité que dans une traduction latine et, pour une bonne partie, dans une ancienne version arménienne, alors que le texte grec original n’est plus attesté que par des fragments et la tradition indirecte.

Dans le cas du Contra Manichaeos, un autre facteur a joué un rôle déterminant dans le peu de rayonnement qu’il a connu. Il s’agit essentiellement des conditions dans lesquelles l’œuvre a été transmise. Achevé vraisemblablement peu après la mort de Julien l’Empereur, survenue dans la nuit du 26 au 27 juin 3637, le Contra Manichaeos de Titus de Bostra n’est en effet plus conservé aujourd’hui, dans son entier, que par une version syriaque8. Celle-ci est contenue dans le plus ancien manuscrit syriaque daté, l’Add. 12150 de la British Library de Londres, dont la copie, effectuée à Édesse, fut terminée en novembre 4119. Outre son importance comme témoin unique du texte complet du Contra Manichaeos, cette version est remarquable par son antiquité, étant postérieure de moins d’un demi-siècle à la composition de l’ouvrage original, qu’il convient de situer entre 361 et le début de l’année 36410. Elle l’est aussi par la technique de traduction qu’elle utilise. Catherine Sensal et moi-même11 avons montré qu’elle présente, dans l’ensemble

7. Et non en juillet, comme l’écrit par erreur Pedersen 2004, p. 125.8. Dans ce qui suit, je reprends des éléments de Poirier 1991.9. D’après le colophon du manuscrit, reproduit par Cureton 1848, p. xx et xxiii, et Wright 1871,

p. 633 (à la p. 631, Wright donne 412 comme date, erreur corrigée en Wright 1872, p. 1236). Si on connaît la date de la copie du manuscrit, on ne peut en revanche établir celle de la traduction syriaque du Contra Manichaeos ; je ne vois pas, en tout cas, sur quoi se base Casey lorsqu’il écrit que celle-ci « innerhalb 5 Jahren nach dem Tode des Verfassers gemacht wurde » (1937, col. 1588).

10. Le terminus ante quem est fourni par Jérôme, qui écrit que Titus a rédigé son traité sub Iuliano et Ioviano principibus ; or ce dernier est décédé le 17 février 364 (cf. Kienast 1996, p. 326) ; quant au terminus a quo, il peut être établi à partir d’une indication du Contra Manichaeos, qui, en II, 28, mentionne un tremblement de terre qui se produisit « tout récemment sous le règne de celui qui fut par trop impie et rappela l’erreur des idoles » ; il s’agit fort probablement, comme le pense Pedersen (2004, p. 126), du tremblement de terre qui détruisit Nicomédie et Nicée le 2 décembre 362 et qui est signalé par Ammien Marcellin (Histoire XXII, 13, 5, éd. Fontaine, Frézouls, Berger 1996, p. 130). L’attestation la plus ancienne du Contra Manichaeos se trouve chez Épiphane, qui, dans le Panarion, dans la notice consacrée aux manichéens, signale l’œuvre hérésiologique de Titus (66, 21, 3 ; éd. Holl, Dummer 1985 p. 49, 3). Cette notice a été rédigée en 377 (cf. Pourkier 1992, p. 51 et n. 94).

11. Voir Poirier, Sensal 1990.

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CITATIONS ET MATÉRIAUX MANICHÉENS DANS LE CONTRA MANICHAEOS 1659

mais surtout pour la syntaxe, les traits propres aux traductions dites verbum de verbo, caractérisées par leur souci de coller non seulement au sens mais aussi à la lettre du texte-source12. En ce qui concerne le texte grec, des quatre livres que comporte l’ou-vrage, il n’y a que les deux premiers à avoir survécu dans la langue originale, ainsi que le premier tiers du livre III, un seul des cinq manuscrits connus donnant le texte jusqu’au début du chapitre 30 du livre III, alors que tous les autres s’arrêtent au chapitre 7 du même livre. Par ailleurs, le plus ancien de ces manuscrits (Gènes, cod. Urbani 27, XIe s.), a subi, vraisemblablement au début du XVIe siècle, un accident qui a perturbé l’ordre des cahiers 2 à 5 et celui des feuillets dans l’actuel troisième cahier (= deuxième cahier originel). Cet accident a occasionné le passage dans le Contra Manichaeos de Titus (en I, 18) de près de 60 % du Contra Manichaeos de Sérapion de Thmuis, qui précédait celui de Titus dans le manuscrit de Gènes13. C’est ce témoin, ainsi défi guré, qui a engendré trois autres manuscrits et surtout les éditions anciennes du texte grec du Contra Manichaeos14, y compris celle de Jacques-Paul Migne, au volume XVIII de la Patrologia graeca, paru en 1857. Un seul manuscrit, celui de l’Athos, Vatopédi 236, a échappé à la contamination et donne un texte non interpolé.

Le texte grec est donc attesté directement par les sept manuscrits suivants : 1º Athos, Vatopedi 236, XIIe s. (le plus complet, jusqu’à III, 30 [première moitié]) ; 2º Gênes, cod. Urbani 27, XIe s. (s’arrête au deuxième tiers de III, 7), manuscrit interpolé, ancêtre des manus-crits suivants; 3º Vatican, gr. 1491 XVIe s. ; 4º Hambourg, Staats-und Universitätsbibliothek, cod. phil. 306, XVIIe s. ; 5º Rome, Biblioteca Angelica, lat. 229, XVIIe s. ; 6° Dresde, Sächsische Landes- und Universitätsbibliothek, A77, XVIIe s. ; et 7° Vatican, lat. 6221. La partie grecque de ce manuscrit, copié entre 1600 et 1605, en vue d’une édition gréco-latine, jamais réalisée, des traités contre les manichéens de Sérapion de Thmuis, de Titus de Bostra et de Didyme d’Alexandrie15, reproduit, pour Titus, le Vat. gr. 1491 ; quant à la

12. Sur le type de traduction mis en œuvre dans l’Add. 12150, on lira les remarques de Hugo Gressmann (1903, p. 43-51), ainsi que Poirier, Sensal 1990.

13. Là dessus, voir Casey 1928 et Casey 1931, ainsi que Fitschen 1992, p. 5-7.14. Canisius 1604, p. 31-142 (traduction latine de Francisco Torres [Turrianus]), Basnage 1725,

p. 56-162 (editio princeps du texte grec).15. Ce manuscrit a été signalé par P. Petitmengin (1988, p. 132) ; on complétera les indications

fournies par celui-ci par les informations qui m’ont été communiquées par Mgr L. Duval-Arnould, de la Bibliothèque vaticane (lettre du 13 novembre 1990), reprises dans Poirier 1992.

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traduction latine, elle est restée anonyme16. Le témoignage de ces manuscrits est complété par une modeste tradition indirecte en grec, dans les Sacra Parallela de Jean Damascène17 et dans le Florilège d’Étienne Gobar, cité par Photios dans sa Bibliothèque18.

Si l’interpolation subie par le texte de Titus dans le manuscrit de Gênes fut repérée dès le XVIe siècle, grâce à la critique interne19, et défi nitivement établie par la découverte20 et l’édition de la version syriaque par Paul (Bötticher) de Lagarde21, il faudra attendre la fi n du XIXe siècle pour qu’August Brinkmann reconstitue la séquence des cahiers du manuscrit de Gênes22. Les conclusions de Brinkmann reçurent par la suite une remarquable confi rmation grâce au manus-crit, non interpolé et plus complet, de l’Athos, que R. P. Casey fi t connaître23 et dont Peter Nagel édita la portion du texte qu’il est le seul à avoir conservée (III, 7b-30)24. Comme toutes les éditions du texte grec antérieures à celle de Paul de Lagarde25 reposent sur un manuscrit interpolé, il est urgent de produire, pour ce qu’il reste du texte grec, une première édition critique du Contra Manichaeos établie sur les manuscrits les plus anciens et les plus complets, ceux de l’Athos et de Gênes, ainsi qu’une nouvelle édition de la version syriaque, l’une et l’autre accompagnée de ce qui sera la première traduction dans une langue moderne de cette œuvre capitale26.

Ne serait-ce que par son ampleur, le Contra Manichaeos de Titus de Bostra constitue la plus importante réfutation chrétienne de la Religion de lumière27. Mais, si on la compare aux autres réfutations

16. En tout cas, sa copie n’est pas de la main de J. M. Caryophillès, même si les corrections semblent lui être imputables. Une édition de cette version latine est en préparation par nos soins.

17. Une édition critique des fragments du Contra Manichaeos fi gurant dans les Sacra Parallela est en préparation par les soins de J. Declerck et paraîtra dans notre édition (voir infra, n. 26).

18. Cod. 232, 288 b 25-30, éd. Henry 1967, p. 70-71.19. Par Torres ; voir Brinkmann 1894, p. 479.20. La première description de ce manuscrit, acquis en Égypte par H. Tattam en 1839, est celle

de S. Lee (1843, p. viii-xv) ; cf. Wright 1871, p. 631-633. Sur les circonstances de l’acquisition du manuscrit par le British Museum, voir Cureton 1848, p. xvi.

21. De Lagarde 1859a.22. Brinkmann 1894.23. Casey 1928.24. Nagel 1967 ; Nagel 1973.25. De Lagarde 1859b ; cette édition repose sur le manuscrit de Hambourg.26. Cette édition, établie par Th. S. Schmidt, A. Roman, É. Crégheur et moi-même, paraîtra

dans la « series graeca » du Corpus Christianorum (Turnhout, Brepols). Sur les projets avortés d’édition ou de traduction du Contra Manichaeos, voir Poirier, Sensal 1990, p. 309.

27. Pour un répertoire de la production hérésiologique anti-manichéenne gréco-latine, voir la « List of the main anti-manichaean works in Greek and Latin (3rd-6th Century) », dans Lieu 1986, p. 464-469 (repris dans Lieu 1994, p. 197-202) ; cf. Klein 1991.

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qui sont parvenues jusqu’à nous28, cette œuvre se distingue aussi par l’originalité de sa conception, en un diptyque dont les deux volets se répondent symétriquement tant sur le plan de l’objet que de la documentation. Les deux premiers livres sont en effet consacrés à une réfutation purement dialectique, à la lumière des « notions communes » (koinai; e[nnoiai), des thèses manichéennes relatives aux deux principes, à la matière, à l’origine du mal, à la liberté de l’homme, au gouvernement divin et à la raison d’être des créatures dans leur diversité et leur apparente inégalité (les a[nisa). Aucune référence aux Écritures juives ou chrétiennes n’est alléguée par Titus dans les livres I et II29. Les livres III et IV, en revanche, sont explici-tement consacrés au rapport des manichéens aux Écritures, celles de l’Ancien (livre III) et du Nouveau Testament (livre IV). L’ouvrage s’adresse donc à un public qui était sensible à l’attrait que pouvait exercer le mythe manichéen comme explication globale de l’univers et réponse à la question de l’origine du mal30, sensible aussi à l’argu-ment manichéen de la contradiction des Écritures, qui émaneraient tantôt du Dieu bon, tantôt du principe mauvais. Ce faisant, Titus démontre, et c’est là son objectif premier, le caractère irrationnel et « barbare » du manichéisme31, dans la mesure où celui-ci contredit aux notions communément admises et propose des Livres saints une lecture qui n’en respecte ni la cohérence ni l’unité.

Les deux parties de la réfutation de Titus de Bostra s’appuie sur une solide documentation, manichéenne aussi bien que scripturaire, qu’il exploite inlassablement. Dans le cadre de la présente communi-cation, nous laisserons de côté les quelque cent soixante-dix citations bibliques32 que l’on trouve dans les livres III et IV pour ne considérer que les citations et matériaux manichéens. Ces matériaux ont depuis longtemps suscité un grand intérêt33 et les diffi cultés que pose leur

28. Aperçu commode dans Alfaric 1918, p. 111-129 ; pour les ouvrages composés en grec et en latin, voir Lieu 1994, p. 197-202 ; pour le domaine syriaque et arabe, voir Clackson, Hunter, Lieu, Vermes 1998, p. 1, et De Blois, Hunter, Taillieu 2006, p. 1 et 22-25 ; pour les sources zoroastriennes, voir De Blois, Hunter, Taillieu 2006, p. 121.

29. Je ne considère pas comme des citations les passages suivants : en I, 17 (éd. De Lagarde 1859b, p. 10, 12-13), une réminiscence de 1 Tm 4, 7 ; en I, 29 (p. 18, 34-35 de L.), une formule qui évoque 1 Tm 6, 10 ; en II, 36 (p. 47, 26-27 de L.), une reprise de Jn 1, 5a dans une comparaison.

30. En II, 1, éd. De Lagarde 1859b, p. 8-9, apparaît la fameuse question : povqen ou\n kakav É reprise comme intitulé du traité 51 (I, 8) dans l’édition porphyrienne des Ennéades de Plotin.

31. Cf. I, 1 : oJ de; Mavnh~, ejk barbavrwn w]n kai; th`~ maniva~ ejpwvnumo~ (éd. De Lagarde 1859b, p. 1, 8-9).

32. Là-dessus, voir Baumstark 1935, ainsi que Poirier 2010.33. Cf. Pedersen 2004, p. 78-88 et 177-254.

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interprétation ont été soulevées dès l’Antiquité. C’est ainsi qu’à la fi n du Ve siècle, Héraclianus de Chalcédoine estime, dans son Contre les manichéens, que Titus, qui « passe pour avoir écrit contre les manichéens […] a bien plutôt écrit contre les ouvrages d’Addas »34, l’un des premiers et des plus célèbres disciples de Mani, connu en Occident, au témoignage d’Augustin, sous le nom d’Adimantus35. L’assertion d’Héraclianus sera souvent répétée par la suite, depuis Prosper Alfaric36 jusqu’aux études les plus récentes37. Mais avant de reprendre cette question à nouveaux frais, il convient de consi-dérer, et c’est l’objet de cette communication, celle du repérage et de l’identifi cation des citations et matériaux manichéens préservés dans le Contra Manichaeos de Titus de Bostra. C’est à dessein que nous parlons ici de « citations et matériaux manichéens », car s’il y a de nombreux cas où il est clair que l’on est en présence d’une cita-tion explicite d’un écrit manichéen, il en est d’autres, en revanche, et ils sont fort nombreux, où l’auteur du traité reprend des bribes de sources manichéennes ou utilise des expressions et des termes mani-chéens qu’il intègre à son propre discours sans qu’il soit toujours possible de délimiter la part qui lui revient et ce qu’il emprunte à ses adversaires. Mais il nous a semblé qu’au début d’une pareille enquête et pour ne rien laisser échapper, il valait mieux relever tous les cas où des indices formels permettent de croire qu’on pour-rait se retrouver en présence d’éléments manichéens38. C’est ainsi que nous avons pu dresser un premier inventaire des manichaica cités par Titus, qui comprend 145 pièces ou extraits, soit 97 pour la portion du Contra Manichaeos attestée par le grec et le syriaque (I, 1-III, 30 début) et 48 pour celle qui n’est plus connue que par la version syriaque du manuscrit de Londres (III, 30 fi n-IV, 116).

34. Apud Photius, Bibliothèque, cod. 85 [65 b 8] : Tivto~ o{~ e[doxe me;n kata; Manicaivwn gravyai, e[graye de; ma`llon kata; tw`n ÒAddou suggrammavtwn (éd. Henry 1960, p. 9). La chrono-logie d’Héraclianus n’est pas sûre ; Alfaric (Alfaric 1918, p. 100) le situe sous le règne d’Anastase I (491-518) ; J. Schamp donne, comme termini a quo et ad quem, « après le 4 juin 536 – avant le 5 mai 553 » (Schamp 1991, p. 145b).

35. Voir son Contra Adimantum Manichaei discipulum (éd. Jolivet, Jourjon 1961) ; sur Adimantus, on lira Van den Berg 2010, p. 11-48.

36. Alfaric 1919, p. 98-99 et 143.37. Dont Sfameni Gasparro (2000), qui affi rme à la fois : « It is not possible to demonstrate

this hypothesis with certainty » (p. 555), et : « A careful analysis of Titus’ anti-Manichaean trea-tise allows us to conclude that a writing of Addas is probably his source for the discussion on Manichaean anthropology » (p. 556). Cf., dans le même sens, Pedersen 2004, p. 178-186, 198-199 et 251-254.

38. Sur la question des citations, allusions et reprises dans les œuvres anciennes, voir Compagnon 1979 et Inowlocki 2006, p. 33-47.

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CITATIONS ET MATÉRIAUX MANICHÉENS DANS LE CONTRA MANICHAEOS 1663

Voyons comment se présentent les choses dans le premier cas, à la fois dans le texte grec et dans la version syriaque. Il y tout d’abord un groupe de citations qui sont très explicitement introduites comme telles, par diverses formules, dont certaines contiennent des informations intéressantes. Ainsi39 :

N° 1 Contra Manichaeos I, 6 (p. 4, 14-18 de Lagarde)Gravfwn toivnun ejkei`no~ aujto;~ oJ calepwvtata manei;~ a[rcetai pantacou`· h\n qeo;~ kai; u{lh, fw`~ kai; skovto~, ajgaqo;n kai; kakovn, ejn toi`~ pa`sin a[krw~ ejnantiva wJ~ kata; mhde;n ejpikoinwnei`n qavteron qatevrw/, ajgevnhtav te kai; zw`nta a[mfw.

Celui-là, ce terrible fou40, commence donc en écrivant au tout début : Il y avait Dieu et la matière, la lumière et la ténèbre, le bien et le mal, en toutes choses opposés au plus haut degré, au point de n’avoir rien en commun l’un avec l’autre, tous deux incréés et vivants.

N° 2 Contra Manichaeos I, 17 (p. 10, 12-17 de Lagarde)

Plei`ston ga;r o{son parÆ aujtw`/ to; ajllovkoton ejn th`/ dihghvsei kai; to; ajpivqanon. o{sa me;n ou\n e{tera grao;~ divkhn muqologei` kai; gravfei, th`/ Suvrwn fwnh `/ crwvmeno~, o{pw~ me;n hJ gh` bastavzetai, to;n poihtiko;n mh; diafugw;n mu`qon, o{pw~ de; sunivstantai oiJ o[mbroi, wJ~ iJdrw`tev~ eijsi tw`n ajrcovntwn th`~ u{lh~, tau`ta kai; ta; toiau`ta tw`n aujtou` palaismavtwn parem-poreuvmata peritto;n a]n ei[h profevrein eij~ e[legcon.

Car, autant qu’il se peut, se trouvent chez lui l’étrange et l’invraisemblable dans le récit. Donc toutes ces autres choses qu’à la manière d’une vieille femme il raconte comme un mythe et écrit, utilisant la langue des Syriens, à savoir : Comment la terre est portée ?, sans esquiver le mythe poétique, et : Comment les pluies sont consti-tuées ?, à savoir que les pluies sont les sueurs des archontes de la matière, tout cela et les

39. En attendant la publication de notre édition critique, le texte grec est cité d’après celle de Paul de Lagarde (1859a), collationnée sur le manuscrit de Vatopédi. Les formules introduisant les citations manichéennes sont indiquées en gras dans le texte grec et les citations elles-mêmes, en italique dans la traduction française. Les traductions sont nôtres.

40. Titus affectionne la formule oJ calepwvtata maneiv~, que l’on retrouve en I, 22 (p. 13, 38 de Lagarde), II, 21 (p. 37, 4-5 de L.), II, 24 (p. 41, 4-5 de L.), II, 54 (p. 59, 39 de L.).

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1664 COMPTES RENDUS DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

produits accessoires du même genre issus de ses élucubrations, il serait superfl u de les produire en vue d’une réfutation.

N° 3 Contra Manichaeos I, 19 (p. 11, 36-12, 2 de Lagarde)

To;n de; trovpon th`~ ejpanas-tavsew~ eijshgouvmeno~ tauvth~, fhsivn· h[launon kai; kathvsqion oiJ ejx aujth`~ ajllhvlou~, deina; kai; calepa; diatiqevnte~· kai; ouj provteron ejpauvsanto ajllhvloi~ ejpanistavmenoi, aujth`/ levxei fhsiv, mevcri ou| to; fw`~ ojyev pote ejfwvrasan. diwkovmenoi ga;r ajpÆ ajllhvlwn, ajgnoou`nte~ mevn, o{mw~ de; tetolmhvkasi kai; mevcri tou` fwto;~ ajnacqh`nai.

C’est en expliquant la manière de ce soulèvement (sc. de la matière) qu’il dit : Ceux qui sont issus de lui se pourchassaient et se dévoraient les uns les autres, s’assénant des coups terribles et violents ; et ils n’arrêtèrent pas de se soulever les uns contre les autres, dit-il littéralement, jusqu’au moment où, longtemps après, ils eurent aperçu la lumière. Car poursuivis les uns par les autres, bien qu’ignorants, ils osèrent néanmoins s’élever même jusqu’à la lumière.

N° 4 Contra Manichaeos I, 21 (p. 12, 22-29 de Lagarde)

ÓOte toivnun, aujth`/ levxei fhsi;n hJ parÆ aujtoi`~ bivblo~, pro;~ ajllhvlou~ stasiavzonte~ ejpe-povlasan kai; mevcri tw`n meqo-rivwn, kai; to; fw`~ ei\don, qevamav ti kavlliston kai; eujprepes-taton, tovte uJpo; th`~ ejn aujtoi`~ kinhvsew~ ejnqousiw`te~ kata; tou` fwto;~ ejbouleuvsanto, tiv dh; poihvsante~ duvnainto a]n aujtou;~ tw/` kreivttoni sugkeravsai. tou`to de; logivsasqai oujc oi|oiv te h\san, ajllÆ ejpiqumiva/ tou` kreivttono~ i[dion qhvrama nomiv-sante~ aujtoi`~ e[sesqai, polloi; o[nte~ ejpestrateuvsanto.

Lors donc – le livre produit par eux (le) dit littéralement – que, en lutte les uns contre les autres ils s’élevèrent même jusqu’aux frontières et qu’ils virent la lumière, spectacle très beau et très noble, alors, possédés par le mouvement (qui se trouvait) en eux, ils complotèrent contre la lumière (en se demandant) ce qu’ils pourraient faire pour pouvoir se mélanger avec le meilleur. Ils ne pouvaient pas calculer cela, mais par désir du meilleur, pensant qu’ils l’auraient comme butin propre, comme ils étaient nombreux, ils se mirent en campagne.

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CITATIONS ET MATÉRIAUX MANICHÉENS DANS LE CONTRA MANICHAEOS 1665

N° 5 Contra Manichaeos I, 21 (p. 4, 14-18 de Lagarde)

ÆAsteiva ga;r kai; ejpaineth; kata; fuvsin pavntw~ hJ tou` ajgaqou` ejpiqumiva, ou|per ajpolauvein me;n mh; hjduvnanto w{~ ge oJ ta; tou` manevnto~ suggravfwn fhsi;n ejpiqumou`nte~.

Car le désir du bien est tout à fait intelligent et louable selon la nature – ce dont précisément ils ne purent pas jouir, comme du moins le dit celui qui rédige les œuvres du fou : Étant pleins de désir.

N° 6 Contra Manichaeos I, 22 (p. 13, 5-9 de Lagarde)

ÆEpestravteusan de; oJmou` panvte~. tivna trovpon, mh; eijdovte~ to;n ajnqistavmenon É fhsi; ga;r aujto; to; gravmma, ajfÆ ou| ta; para; tou` manevnto~ pareqhv-kamen, wJ~ oujdÆ o{ti qeo;~ ejn fwti; dih/ta`to ejgivnwskon oujdÆ o{ti tolmhvsante~ kata; tou` oijkhth-rivou tou` qeou` oujk e[mellon ajqw`oiv pote ajpallagh`nai.

Ils se mirent tous ensemble en campagne. De quelle façon, s’ils ne connaissaient pas leur adver-saire ? Car l’écrit lui-même à partir duquel nous avons présenté les idées du fou prétend qu’ils ne savaient pas ni que Dieu résidait dans la lumière ni qu’en attentant à la demeure de Dieu ils n’allaient pas s’éloi-gner en toute impunité.

N° 7 Contra Manichaeos I, 29 (p. 19, 6-11 de Lagarde)

Ka]/n ga;r qeivh ti~ kata; to;n ejkeivnou lovgon stasiavsai kai; manh`nai katÆ ajllhvlwn tou;~ th`~ u{lh~ kai; muriva ajll-hvlou~ diaqei`nai kaka; kai; kata; tou` fwto;~ strateu`sai, ouj mevntoi to;n katavlogon tw`n kathriqmhmevnwn ajnqrwpivnwn kakw`n ejkeivnoi~ uJpavrxai fantasqhvsetai, ejpeidhv ge oujde; ejnedevceto ta; ajnqrwvpina kaka; pri;n a[nqrwpon genevsqai pravttesqai.

Et même si quelqu’un posait, selon le discours de celui-là, que ceux qui proviennent de la matière se sont révoltés, qu’ils sont devenus fous les uns contre les autres, qu’ils se sont infl igé les uns les autres des myriades de maux et qu’ils ont mené campagne contre la lumière, il ne s’imaginera pas cepen-dant que le catalogue des maux humains qui ont été dénombrés a existé pour eux, puisqu’il n’était justement pas possible que les maux humains soient commis avant l’existence de l’homme.

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1666 COMPTES RENDUS DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

N° 8 Contra Manichaeos I, 38 (p. 23, 39-24, 7 de Lagarde)

ÆEpeidh; kai; lovgo~ e{tero~ katagevlastov~ ejsti tou` manevnto~, wJ~ oiJ th`~ u{lh~, aijsqanovmenoi o{ti kakw`~ ajpolou`ntai, tou` fwto;~ kata; mikro;n ajfairoumevnou, ajntemh-canhvsanto th`~ sarko;~ th;n kataskeuhvn, desmo;n mevgiston tai`~ yucai`~, w{ste dh`lon kata; to;n aujtou` lovgon, e{w~ a]n ejkei`noi th;n savrka corhghvswsin, e{w~ dh; touvtou aiJ yucai; tou` ajgaqou` ejnsceqhvsontai, kai; e[stai ejpÆ eJkeivnoi~ to; mh; perigrafh`nai crovnw/ to;n kovsmon, oujci; de; ejpi; tw`/ ajgaqw`/ to; tevlo~ aujtou`.

Puisqu’il y a aussi un autre discours parfaitement ridicule du fou selon lequel ceux qui appartiennent à la matière, percevant qu’ils sont miséra-blement perdus car la lumière leur est enlevée peu à peu, ont machiné en retour la fabrica-tion de la chair comme un lien très puissant pour les âmes, de sorte qu’il est évident, selon son discours, que tant que ceux-ci pourvoiront la chair, aussi long-temps les âmes du bien seront retenues, il dépendra aussi de ceux-ci de ne pas délimiter le monde par le temps, et sa fi n ne dépendra pas du Bon.

N° 9 Contra Manichaeos III, 4-5 (p. 68, 10-27 de Lagarde)[III, 4] Fhsi; de; pro;~ levxin aujth;n ejkei`no~ h] e{tero~ ti~ tw`n ajpÆ ejkeivnou, ejpi-gravya~ to; kefavlaion Peri; th`~ ajnqrwpivnh~ prwtoplas-tiva~. [III, 5] ÆEpeidh; ga;r e[gnwsan oiJ a[rconte~ wJ~ ejk tou` parairei`sqai to; a{paxaplw`~ ejmpi`pton eij~ aujtou;~ mevro~ tou` fwto;~ tacu;~ ejpÆ aujtou;~ oJ qavnato~ h{xei, th;n eij~ ta; swvmata th`~ yuch`~ kavqodon ejmhcanhvsanto, ajndramei`n me;n aujth;n mhdÆ o{lw~ zhtou`nte~, ajnelqou`san de; mhde; th`~ a[nwqen lhvxew~ ajxivan euJrivskesqai,

[III, 4] Et celui-là, ou un autre de ceux qui le suivent, dit, mot à mot, dans le chapitre intitulé « Au sujet du premier mode-lage de l’homme »41 : [III, 5] En effet, quand les archontes eurent compris que, par l’enlèvement de cette partie de lumière qui, d’un seul coup, était tombée sur eux, la mort viendrait rapidement contre eux, ils machinèrent la descente de l’âme dans les corps en cherchant à faire que, jamais plus, elle ne courre vers le haut et que, si elle remontait, elle ne soit pas trouvée digne de la place

41. Sur ce passage, cf. Schmidt, Polotsky 1933, p. 18, n. 4.

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CITATIONS ET MATÉRIAUX MANICHÉENS DANS LE CONTRA MANICHAEOS 1667

miavsmata th`~ sarko;~ ajne-comevnhn. kai; metÆ ojlivga· diÆ o{ e{kasto~ aujtw`n fhsiv tw`n th`~ u{lh~ ajrcovntwn o{n trovpon proeivpomen th`~ genomevnh~ kinhvsew~ e{neken kai; tou` fanevnto~ prw`ton ejpi; th;n luvtrwsin th`~ yuch`~, th`~ quvra~ prw`ton ajnoigeivsh~ uJpÆ ejjkplhv-xew~ a[kwn katapevmya~ th;n ejn aujtw`/ duvnamin ejmovrfwsen eJauto;n eij~ qhvrama th`~ yuch`~ kai; mivmhma aujtou` e[plasen ejpi; th`~ gh`~, ou| dusapos-pavstw~ e[cein hjnavgkasen ta;~ yuca;~ katakhloumevna~. kai; plavsma aujtw`n ejsti prw`ton oJ ÆAdavm, o[rganon ejpiqumiva~ kai; devlear tw`n a[nwqen yucw`n kai; mhcavnhma tou` aujta;~ eij~ swvmata ejmpivptein.

(qui lui était assignée) là-haut, parce qu’elle garde en elle les souillures de la chair. Et il dit encore peu après : C’est pour-quoi chacun des archontes de la matière, selon la façon que nous avons dite précédemment, à cause du mouvement qui se produisit et à cause de celui qui était d’abord apparu en vue du salut de l’âme, lorsque la porte eut d’abord été ouverte, dans leur effroi, malgré eux, chacun d’eux envoya la puis-sance qui était en lui, et il se forma lui-même en vue de la capture de l’âme et façonna sa ressemblance sur la terre, dont il a contraint les âmes séduites à s’arracher diffi cilement. Et leur premier modelage fut Adam, instrument du désir, séducteur des âmes qui viennent d’en haut et machination pour que celles-ci tombent dans les corps.

Une deuxième catégorie d’extraits comprend des citations qui sont attribuées à Mani, que celui-ci soit désigné par son nom, oJ Mavnh~, ou par le surnom dont la polémique chrétienne l’a très tôt affublé, en expliquant son nom par le participe aoriste passif de maivnomai, oJ maneiv~, « le fou », ce dont ne se prive pas Titus lui-même, dès le début de son traité : « Mani, originaire de chez les Barbares et nommé ainsi d’après la folie elle-même – oJ de; Mavnh~, ejk barbavrwn kai; th`~ maniva~ aujth`~ ejpwvnumo~ » (I, 1, p. 1, 8-9 de Lagarde)42. La plus ancienne attestation – indirecte – de ce jeu de mot, qui connaîtra une grande fortune, est fournie par la lettre d’un évêque égyptien, de la fi n du IIIe siècle, conservée par le P. Rylands 479, dans laquelle Mani est désigné comme un « homme rempli

42. Titus recourt une seconde fois à cette formule, à la fin de son traité, conservée en syriaque : ܬܐ ̇ ܕ .(IV, 111, p. 184, 23 de Lagarde) ̣ܗܘ ܒ

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1668 COMPTES RENDUS DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

d’une grande folie – a[nqrwpo~ pollh`~ maniva~ peplhrwmevno~ » (28-29)43. La formulation de Titus – th`~ maniva~ ejpwvnumo~ – est iden-tique à celle qu’emploie Cyrille de Jérusalem dans sa VIe Catéchèse ad illuminandos44, datée de 348. Titus introduit six citations sous le nom de Mani, Mavnh~45, et sept sous celui du « fou », oJ maneiv~. Il suffi ra de mentionner ici un exemple de l’utilisation du nom de Mani, les citations nos 1, 5, 6 et 8, présentées ci-dessus illustrant déjà le jeu de mot sur maneiv~ :

N° 10 Contra Manichaeos II, 54 (p. 59, 27-29 de Lagarde)

oJ toivnun Mavnh~ ejkqeiavzwn wJ~ th`~ fuvsew~ o[nta tou` ajgaqou` to;n h{lion, kinduneuvei puroeidh`, ma`llon de; safw`~ toiou`ton dhv tina to;n ajgaqo;n eijsavgein.

Donc Mani, divinisant le soleil comme s’il relevait de la nature du bon, risque de représenter le bon sous une forme ignée, et bien plus, d’en faire quelque chose de tel.

Le nom de Mani ou son surnom apparaissent également dans des désignations de ses disciples. Je me contente de citer les deux exemples suivants :

N° 11 Contra Manichaeos I, 16 (p. 9, 1-4 de Lagarde)

o{tan mevntoi toiouvtwn ajkouvwsi lovgwn oiJ ejk tou` manevnto~ oJrmwvmenoi, ajporou`nte~ Povqen ou\n fasiv ta; kakavÉ povqen de; levgousin hJ ejn toi`~ pravgmasin ejmfainomevnh ajtaxivaÉ

Cependant, quand ceux qui s’élancent à la suite du fou enten-dent de telles paroles, ils sont dans l’embarras : D’où viennent donc les maux ?, disent-ils. Et d’où, disent-ils, vient le désordre qui est visible dans les choses ?

43. Éd. Roberts 1938, p. 42, reprise dans Adam 1954, p. 53.44. VI, 20, p. 182 Reischl-Rupp.45. La forme grecque du nom de Mani n’apparaît qu’au nominatif dans le Contra Manichaeos.

Pour les autres cas de Mavnh~, les sources grecques attestent les formes suivantes : Mavnhta, Mavnhn, Mavnh, Mavnenti (cf. Clackson, Hunter, Lieu, Vermes 1998, p. 40a). Celles-ci sont relativement rares, car il semble bien qu’on ait substitué aux formes de Mavnh~ celles du participe maneiv~ : manevnta, manevnto~, manevnti. Seul un relevé exhaustif de toutes les occurrences, en grec, du nom et du participe, permettrait d’y voir clair. La forme Manicai`o~, connue par ailleurs (ibid.), n’est pas attestée chez Titus de Bostra.

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CITATIONS ET MATÉRIAUX MANICHÉENS DANS LE CONTRA MANICHAEOS 1669

N° 12 Contra Manichaeos II, 13 (p. 31, 32-38 de Lagarde)

ejpei; kai; a[llw~ oiJ ejk tou` manevnto~ peirw`ntai duvo fuvsei~ ejnantiva~ hJmi`n ou[sa~ ajpelevgcein tw`/ pote; me;n hJma`~ ejnqumei`sqai fau`la, a[llote de; ajgaqav, ejpishmantevon wJ~ fusikh`~ ejn hJmi`n ou[sh~ th`~ gnwvsew~ eJkatevrwn, ajnag-kaivw~ ejpi; th;n ejnquvmhsin w|n ginwvskomen kinouvmeqa, zhmiouvmenoi me;n oujdÆ oJtiou`n, kerdaivnonte~ de; to; pa`n th`/ tou` kallivono~ protimhvsei.

Puisque autrement aussi les disciples du fou tentent de faire admettre qu’il existe deux natures opposées en nous, par le fait que nous désirons parfois des choses viles, d’autres fois de bonnes choses, il faut remarquer que, comme la connaissance des deux est naturelle en nous, nous sommes mus nécessaire-ment vers le désir de ce que nous connaissons, ne subissant aucun dommage que ce soit, mais faisant notre profi t de tout par la préférence du plus beau.

La très grande majorité des citations ou matériaux manichéens que l’on retrouve dans le Contra Manichaeos est cependant marquée d’une manière plus simple et, de ce fait, plus ambiguë, par un verbe d’énonciation à la 3e personne, le plus souvent fhsiv(n) (38 occur-rences) ou fasiv(n) (9 occurrences), mais on trouve aussi d’autres verbes, comme muqologei`n, uJpolambavnein, oi[esqai, levgein, (di-)orivzesqai ou gravfein. Je ne cite qu’un seul exemple (mais voir ci-dessus, l’extrait n° 11, pour un emploi de levgein) :

N° 13 Contra Manichaeos I, 15 (p. 8, 27-88 de Lagarde)

e[peita eij kaloi`en tajgaqo;n ajfqarsivan, fqora;n ojnomav-sousin to; kakovn.

Ensuite, s’ils appellent le bien incorruptibilité, ils nommeront le mal corruption.

En regard du texte grec original du Contra Manichaeos, la version syriaque du manuscrit de Londres reproduit grosso modo les marqueurs de citations du grec, mais non sans quelques diffé-rences significatives. Les marqueurs simples comme w{~ fhsiv(n) et w{~ fasiv(n) sont rendus littéralement par ܕܐ ܐ et ܐ

mais le syriaque recourt également à un procédé qui lui 46 ܕܐ

46. Ainsi en I, 1, p. 1, 10-11 de Lagarde gr. = p. 2, 11 de L. syr., et 1, 3, p. 3, 6 de L. gr. = p. 4, 16 de L. syr.

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1670 COMPTES RENDUS DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

est propre, à savoir, l’insertion, en début de citation, parfois en sus, parfois en lieu et place de l’équivalent syriaque de fhsiv(n) ou de fasiv(n), de la particule enclitique (lam), qui est habituelle-ment considérée par les grammaires et les lexiques comme un marqueur de citation47 ou du discours direct48, comme le notait déjà le polygraphe syrien du XIIIe siècle, Grégoire Bar Hebraeus, dans sa « grande grammaire », le Livre des splendeurs : « Par la particule lam, écrit-il, on indique comme par un signe qu’un autre person-nage parle »49. Mais il ajoute la remarque suivante : « Même si tout lam signale le discours d’un autre (personnage), cependant, tout discours d’un autre personnage n’est pas signalé par un lam »50. De fait, l’emploi de cette particule est loin d’obéir à une règle stricte. En ce qui concerne la version syriaque du Contra Mani-chaeos, on en relève 393 occurrences, dont 362 dans des citations manichéennes, dix-sept dans des citations bibliques51, trois pour des citations attribuées respectivement à Xénophon52, Marcion53

47. Costaz 1964, p. 148, n. 5 ; Thackston 1999, p. 206b ; Payne Smith 1879-1901, col. 1951-1952 ; Sokoloff 2009, p. 691b.

48. Nöldeke 1898, p. 98, § 155 : « „nämlich“ (besonders bei Angabe fremder Reden oder Gedanken) » ; Brockelmann 1968, p. 178*a.

49. III, 2, 3: ܕ ܬ ܐ ܐ ܪ ̣ܐ ܒ ܐ ܐ ܨܘ ̣ ܐ ,éd. Moberg 1922, p. 160 ,ܒܐ27.

50. Ibid.: ܐ ̇ ̣ܐ ܒ ܐ ܕܐ ܐ ܐ. ܐ ̇ ܐ ܐ ܕܐ ̣ ,p. 161 ,ܐ 3-4 Moberg.

51. Le petit nombre d’occurrences de lam dans les citations bibliques (17 pour 174 citations) s’explique par le fait que la plupart de ces citations sont explicitement introduites par la mention de leur auteur.

ܘ܁ ܕ » .52 ܒ ܐ ܒ ܬܐ ܕ ܐ ܬ̈ܪܬ ̈ܪ ܐ ܕ ̈ ܢ ܕ ܒ ܓ ܬܐ ܗܘܬ ܒ ܬܐ ܕܒ ܒܒ ܐ En effet, Xénophon écrit que les sages des Perses ont – ܬ ܐܦ

songé depuis longtemps à deux principes opposés, de telle sorte que, de là aussi, celui-là [sc. Mani] a un voisinage avec la barbarie » (IV,19, p. 138, 4-6 de Lagarde). Si on ne lit rien de tel chez Xénophon (cf. Clemen 1920, p. 16-22), on trouve cependant chez d’autres auteurs grecs des affirmations du dualisme perse ou zoroastrien, comme chez Plutarque (De Iside et Osiride 46, 369D) ou chez Diogène Laërce, qui rapporte une information qu’il semble attribuer à Aristote ou à son disciple, Eudème de Rhodes : « Il y a selon eux [sc. les mages des Perses] deux principes (duvo katÆ aujtou;~ ei\nai ajrcav~), un bon démon et un mauvais démon » (I,8, éd. Hicks 1925, p. 10 ; trad. Goulet-Cazé 1999, p. 70) ; le témoignage d’Eudème est repris par Damascius, Traité des premiers principes 125² (éd. Westerink, Combès 1991, p. 165, 17-21). Dans le même chapitre du Contra Manichaeos, les témoignages d’Aristote (p. 138, 6-13), sur la matière, dénuée de vie et de mouvement (plusieurs passages d’Aristote vont dans ce sens ; voir Métaphysique L 1070 a 1-2, K 1060 a 20-21 ; De la génération et la corruption 335 b 29-35), et de Platon (p. 138, 13-14), à propos de la transmigration des âmes (sur cette question, les exposés principaux sont: Phèdre 248a-249b ; Gorgias 523a-527a ; Phédon 107d-115a ; République X 614a-621d ; Timée 90e-92c), sont également invoqués, mais sans recours à la particule lam.

53. « ̇ ܐܡ ̣ ܒܐ݀ ܐ ܕܐ ܒ ܐ ܐ ܐ ܐ ܐ ܐ݀ ܐ ܒ ܐ ܗܘܐ ܢ ܓ ܐ ̈ ܬܐ ܕ ܐ ܙܐ ܕ ܡ ܕ ܐܬ ܒ ܒ ܐ ܗܕܐ ܘ ܓ ܒ ܐ ܒ ܕ ܘ ܐ ̇ En effet, ce n’est pas au Mauvais mais au juste, un autre en dehors du Bon, comme il a dit, que – ܕܒ

Marcion attribue l’Ancien Testament, mais c’est par erreur et grandement par impiété qu’il a pensé cela. À la vérité, cependant, il était rempli de crainte (respectueuse) devant la force de la justice des commandements qui y sont (contenus) » (III, 68, p. 116, 17-20 de Lagarde). L’affirmation de

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CITATIONS ET MATÉRIAUX MANICHÉENS DANS LE CONTRA MANICHAEOS 1671

et Basilide54, et onze pour des répliques hypothétiques imaginées par Titus de Bostra. Dans le cas des citations manichéennes et en ne considérant que la portion du Contra Manichaeos attestée à la fois par le grec et par le syriaque55, on constate que la particule lam apparaît non seulement au début des citations mais aussi dans le corps de celles-ci, surtout pour les citations longues56. Mais, fait plus remarquable, on relève douze cas57 où le syriaque signale une citation en l’absence de tout marqueur équivalent en grec, ce qui signifie soit que le traducteur syriaque ait décidé de son propre chef qu’il s’agissait d’une citation, soit qu’il ait été en mesure d’iden-tifier comme une citation l’extrait qu’il traduisait, comme dans le passage suivant, dans lequel, en plus de la particule lam, on lit la mention : « selon ce qu’ils disent », qui manque en grec :

Titus correspond à la 7e antithèse marcionite d’après Harnack 1924, p. 262*-264* ; cf. Clément d’Alexandrie, Stromate II, VIII, 39, 2 : tiv toivnun to;n novmon (sc. les disciples de Marcion); kako;n me;n ou\n ouj fhvsousi, divkaion dev, diastevllonte~ to; ajgaqo;n tou` dikaivou (éd. Stählin, Früchtel 1960, p. 133, 28-29).

ܐ ܗܝ » .54 ܚ ܕ ܒ ̣ ܐ ܘܐܦ ̣ܗܘ ܐ̈ ܢ ܕ ܓ ܢ܁ ̇ܗ ܣ ܕ ܗ̇ܘ ܕ ܐ ܘܒ

ܬܐ ܐܬ ܘ ܐ ܗܘ ܕܒ ܁ ܐ ܐ ܕ ܗܘ ܐ ܕ ܕܗ ܐ ̇ ܘ ̣ ܘܢ ܐ ̈ ܐ ܬܪ ܬܐ ܐ ܕ ̣ܗ ̈ܪ ܕ Quant à Basilide, dont proviennent ceux qui – ܒsont appelés gnostiques, lui aussi a osé attribuer l’Ancien Testament au Mauvais. C’est de celui-là, qui lui est antérieur, dont Mani s’est séparé seulement sur la forme de la création, mais pour le reste, les deux parlent unanimement de deux principes » (III, 68, p. 116, 20-24). L’affirmation selon laquelle Basilide serait l’ancêtre des gnostiques ne se trouve que dans la Chronique d’Eusèbe, dans la version de Jérôme : Basilides haeresiarches in Alexandria commoratur. A quo gnostici (éd. Helm 1984, p. 201, 2-3) ; le témoignage de Titus interdit d’y voir une invention de Jérôme (contra Löhr 1996, p. 36). Quant à l’attribution par Basilide de l’Ancien Testament au Mauvais, rien, dans les sources connues, ne confirme l’assertion de Titus.

55. De I, 1 à III, 30a, on compte 286 occurrences de lam.56. Ainsi, dans le chapitre le plus cité du Contra Manichaeos et qui consiste presque exclusive-

ment en une longue citation manichéenne, I, 17 (p. 9, 13-10, 9 de Lagarde gr. = p. 12, 34-13, 25 de L. syr.), on relève 28 occurrences de lam, contre 5 de fhsiv(n)/ fasiv et une de uJpeivlhfen. On observe le même phénomène dans le chapitre sur l’arbre de vie et la désobéissance d’Adam, III, 7 (p. 69, 5-27 de L. gr. + 298, 8-300, 5 Nagel = p. 84, 26-85, 26 de L. syr.), où il y a 20 occurrences de lam, contre 3 de fhsiv(n) et une de oi[etai.

57. En voici les références : 1) I, 11 (p. 6, 9-13 de Lagarde gr. = p. 8, 15-19 de L. syr. ; texte cité ci-après) ; 2) I, 11 (p. 6, 19-21 de L. gr. = p. 8, 26-31 de L. syr.) ; 3) I, 18 (p. 11, 8-10 de L. gr. = p. 14, 33-35 de L. syr.) ; 4) I, 21 (p. 12, 33-34 de L. gr. = p. 16, 34-17, 1 de L. syr.) ; 5) I, 27 (p. 16, 39-17, 3 de L. gr. = p. 22, 9-12 de L. syr.) ; 6) I, 31 (p. 20, 6-7 de L. gr. = p. 26, 1-3 de L. syr.) ; 7) I, 35 (p. 22, 32-33 de L. gr. = p. 29, 7-8 de L. syr.) ; 8) II, 2 (p. 26, 24-25 de L. gr. = p. 33, 29-30 de L. syr.) ; 9) II, 3 (p. 26, 32-34 de L. gr. = p. 34, 4-6 de L. syr.) ; 10) II, 56 (p. 61, 26 de L. gr. = p. 76, 11-12 de L. syr.) ; 11) II, 60 (p. 62, 33-35 de L. gr. = p. 77, 24-27 de L. syr.) ; 12) III, 17 (p. 318, 1 Nagel = p. 90, 17-18 de L. syr.).

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1672 COMPTES RENDUS DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

N° 14 Contra Manichaeos I,11 (p. 6,9-13 de Lagarde gr. = p. 8,15-19 de L. syr.)

Duvo ga;r o{lw~ ajrcai; pw`~ a]n ei\-en h]] klhqei`en ajrcaivÉ ajrch; ga;r e[stin h{ te tw`n o{lwn presbutevra kai; tw`n aJpavntwn kratou`sa, w|n oujdevteron uJpavrxeien a]noujdetevrw/. suvgcrona ga;r a[mfw kai; sunagevnhta o[nta to;n tou` protereuvein ajllhvloi~ diafqeivrei lovgon.

Car, en un mot, ces deux prin-cipes, comment peuvent-ils exister ou être appelés prin-cipes ? Le principe est, en effet, ce qui est plus ancien que toutes choses et qui les régit toutes, et de ces caractéristiques, aucune des deux ne pourrait exister pour aucun (des deux principes postulés par Mani). Le fait que tous deux soient contempo-rains et co-inengendrés détruit la notion selon laquelle ils se devancent l’un l’autre.

ܐ ܬܐ ܐ ܬܪܬ ܓ ̈ܪܬܐ ܓ ܁ ܪ ܘ ܐܘ ܕ ܕܐ ܘ ܐ ܕ ̇ܗܝ ̇ ܐܗܕܐ ܘ̣ܗܝ ܁ ܒ ܐ ܘ ܐ ܒ ܘܐ ܐ ܐ ܐܦ . ̇ ܕܐ ܐ ܗܘܢ ܐ ܕܬ̈ܪܬ ܐ ܗܘ ܓ ܙܒ

. ܐ ܐ ܐ ܕܐ ̈ ܘܐ

Car les deux principes, comment peuvent-ils exister ou être appelés (principes) ? En effet, est principe ce qui est plus ancien que tout et lui est antérieur, et contient et domine tout, et cela ne se trouve être pour aucun d’entre eux, selon leur doctrine. En effet, le temps des deux est égal et ils sont des étants, selon ce qu’ils disent.

Le fait que la version syriaque du Contra Manichaeos iden-tifi e comme citations ou matériaux manichéens un certain nombre de passages que rien ne distingue dans le grec nous amène à nous interroger sur la nature du travail du traducteur syriaque : celui-ci s’est-il contenté de traduire ou a-t-il eu accès à des sources mani-chéennes qui lui auraient permis de compléter ou de préciser son texte-source ? La question n’est pas nouvelle ; elle a été soulevée, il y a plus de trois-quarts de siècle et on y a apporté une réponse claire sinon convaincante. En 1931, en effet, paraissait le tout dernier article de l’historien des religions et philologue de Göttingen, Richard Reitzenstein († 23.iii.1931), dans lequel il présentait en miroir « eine wertlose und eine wertvolle Überlieferung über den

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CITATIONS ET MATÉRIAUX MANICHÉENS DANS LE CONTRA MANICHAEOS 1673

Manichäismus »58. Le témoignage dont il vantait la valeur était notre Contra Manichaeos et celui qu’il tenait pour nul, le traité Contre les doctrines de Mani (Pro;~ ta;~ Manicaivou dovxa~) du platonicien Alexandre de Lycopolis, la plus ancienne réfuta-tion connue de la Religion de lumière, rédigée entre 277 et 29759. Dans ce long article, Reitzenstein réagissait au mémoire que Hans Heinrich Schaeder avait publié quelques années auparavant et dans lequel il avait fait de l’opuscule d’Alexandre la pierre angulaire de sa reconstruction de la forme originelle, essentiellement philo-sophique, du « système manichéen »60. Pour Reitzenstein, alors que le philosophe de Lycopolis n’aurait eu accès à aucune source manichéenne mais dépendrait du compte rendu oral d’un platoni-cien converti au manichéisme, Titus de Bostra, en revanche, qui avait pour lui de connaître le syriaque et avait ainsi pu lire « le livre des manichéens » (hJ parÆ aujtoi`~ bivblo~, I, 21, texte n° 4) dans la langue originale61, donnerait du manichéisme une description basée non sur des ouï-dire mais sur des sources directes. Bien plus : non seulement, d’après Reitzenstein, Titus avait-il pu lire ces sources dans la langue originale, mais la traduction syriaque du Contra Manichaeos restituerait la teneur de l’original syriaque de Mani62. Ainsi, à chaque fois qu’il se serait retrouvé face à une citation mani-chéenne, le traducteur ne l’aurait pas rendue à partir du grec, mais lui aurait substitué l’original syriaque puisé au « livre des mani-chéens » qu’il avait sous les yeux. Ce faisant, il se serait comporté, à l’endroit des citations manichéennes, de la même manière que pour les citations bibliques des livres III et IV du Contra Manichaeos, redonnant celles-ci en syriaque à partir de la Peshitta, pour l’Ancien

58. Reitzenstein 1931b.59. Éd. Brinkmann 1895, trad. Villey 1985.60. Schaeder 1927, spéc. p. 106-110 et 118 : « [Unser Beweis] hat gezeigt, daß die Darstellung

des manichäischen Schöpfungsmythus bei Alexander von Lykopolis nicht, wie bisher angenommen, eine freie philosophische Ausdeutung, sondern eine vollkommen getreue Interpretation ist, deren begriffl iches Inventar von Mani selber herrührt ». Reitzenstein s’en prenait également à Richard Harder qui avait endossé les thèses de Schaeder et l’avait critiqué (Harder 1930, p. 247-250) ; voir dans le même sens Reitzenstein 1917, p. 6-7 (à propos d’Alexandre de Lycopolis et de Théodore bar Kōnai), 1929, p. 91-95, et 1931a. Sur le débat qui a opposé Reitzenstein à Schaeder, on lira Villey 1985, p. 26-32.

61. Reitzenstein 1931a, p. 192 ; 1931b, p. 47. Reitzenstein conclue à la connaissance du syriaque par Titus sur la base du passage où celui-ci mentionne que Mani écrivait en syriaque (Contra Manichaeos I, 17, p. 10, 13 de Lagarde [extrait n° 2, ci-dessus] = p. 13, 29 de L. syr. [ܐ ܐ langue araméenne »]) : « Titus schöpft, wie er sagt, unmittelbar aus dem syrischen Texte » ,ܐܪManis und gibt von 10, 30 an ausfühlich Rechenschaft, was er unter dem ajtaktei`n und der ajtaxiva der Hyle versteht » (ibid., p. 48-49).

62. Ibid., p. 50, n.1

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1674 COMPTES RENDUS DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

Testament, et à partir « d’une source inconnue de nous mais cohé-rente », pour le Nouveau, entendons, à partir du Diatessaron de Tatien63.

Sur ce dernier point, comme il le reconnaît lui-même64, Reitzenstein reprenait une idée qui lui avait été suggérée par le syriacisant Anton Baumstark, spécialiste du Diatessaron65, qu’il appliqua aux citations manichéennes. Baumstark n’allait cependant pas tarder à soumettre à un examen approfondi la proposition de Reitzenstein66. Il en arriva à la conclusion que, pour la partie conservée en grec des quatre livres du Contra Manichaeos, nous posséderions sans aucun doute, grâce aux citations de la version syriaque, le texte original araméen d’un écrit de Mani ou de ses disciples, et ce, pour l’équivalent de plus de deux pages, ou de quatre-vingt lignes, de l’édition de Paul de Lagarde67, et que nous serions dès lors en mesure d’évaluer la fi dé-lité et la fi abilité des citations du texte grec. En d’autres termes, ce ne serait plus le texte original grec, le texte-source, qui permettrait de juger de la valeur de la traduction mais l’inverse. Pour aboutir à cette conclusion paradoxale, Baumstark s’appuie sur les arguments suivants : premièrement, Titus, en rédigeant son œuvre en grec, aurait réécrit les citations manichéennes qu’il lisait en syriaque pour en rendre l’expression « plus convenable – eujschmonevsteron » pour ses lecteurs grecs, comme il l’avoue lui-même (I, 17, p. 10, 10 de Lagarde) ; deuxièmement, le recours à la particule lam permettrait un repérage strictement objectif des citations et renverrait à la forme originelle de celle-ci68; troisièmement, le syriaque est souvent plus

63. Ibid., p. 55.64. Ibid.65. Sur la contribution de Baumstark aux études diatessariques, voir Petersen 1994, p. 218-247.66. Baumstark 1931.67. Bien qu’il ne l’indique pas clairement, il ressort de la lecture de l’article de Baumstark

que les « mehr als zwei Seiten, genauer run 80 Zeilen der Ausgabe der syrischen Übersetzung » (p. 25) incluent les douze passages suivants : I, 1, p. 2, 11-19 de Lagarde syriaque = p. 1, 11-19 de Lagarde grec ; I, 6, p. 5, 35-6, 3 de L. syr. = p. 4, 16-18 de L. gr. ; I, 17, p. 12, 24-13, 25 de L. syr. = p. 9, 13-10, 9 de L. gr. ; I, 19, p. 15, 30-35 de L. syr. = p. 11, 37-12, 2 de L. gr. ; I, 21, p. 16, 23-30 de L. syr. = p. 12, 22-29 de L. gr. ; I, 23, p. 19, 14 de L. syr. = p. 14, 25-26 de L. gr. ; I, 24, p. 19, 26-29 de L. syr. = p. 14, 37-39 de L. gr. ; I, 25, p. 21, 18-19 de L. syr. = p. 16, 14-15 de L. gr. ; I, 29, p. 23, 12-14 de L. syr. = p. 17, 36-38 de L. gr. ; I, 37, p. 30, 8-11 de L. syr. = p. 23, 27-30 de L. gr. ; III, 5, p. 83, 30-84,8 de L. syr. = p. 68, 12-27 de L. gr. ; III, 7, p. 84, 28-85, 11 de L. syr. = p. 69, 7-25 de L. gr. Baumstark semble considérer que le Contra Manichaeos, « bis zum Abbrechen des griechischen Textes » (ibid., p. 25), ne contiendrait que ces citations, ce qui est loin d’être le cas.

68. Sur ce point, Baumstark va même jusqu’à affi rmer (ibid., p. 25) que l’abondance des occur-rences de la particule lam dans les passages qu’il retient serait imputable au contexte syriaque – en d’autres termes, à la source manichéenne de langue syriaque qu’il postule – d’où le traducteur tire-rait ses citations; ce qui suppose que cette source consistait elle-même en citations manichéennes. L’explication la plus obvie de la présence de la particule réside toutefois dans le simple fait que le

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CITATIONS ET MATÉRIAUX MANICHÉENS DANS LE CONTRA MANICHAEOS 1675

développé, plus explicite et plus précis que le grec. On en retirait donc l’impression que la formulation syriaque conserve la couleur originale de la source manichéenne que Titus aurait sacrifi ée aux exigences de la rhétorique69.

Il ne saurait être question de revenir de manière détaillée sur l’analyse de Baumstark. Notons tout d’abord que l’ensemble de sa démarche est viciée par le fait qu’il ne tient pas compte des procédés de traduction mis en œuvre dans l’Add. 12, 150, qui s’avèrent être d’une grande homogénéité tout au long de la version syriaque du Contra Manichaeos. C’est ainsi que l’on trouve, aussi bien dans le texte de Titus que dans les matériaux manichéens qu’il cite, des doublets70 et des phénomènes de surtraduction qui suggèrent, de part et d’autre, l’intervention d’un même traducteur. Bien plus, ces procédés apparaissent également dans la traduction du traité Sur la théophanie d’Eusèbe de Césarée, dont le manuscrit de Londres conserve une version syriaque intégrale71. C’est donc l’ensemble de ce manuscrit qu’il faudrait considérer pour évaluer la teneur, sur le plan stylistique, des matériaux manichéens qu’il contient. De même, l’impression d’une plus grande clarté au profi t du syriaque que Baumstark retire de la comparaison avec le grec est la plupart du temps imputable au traducteur syriaque qui a constamment tendance à développer son texte-source. Enfi n, on ne peut considérer que l’oc-currence de l’enclitique lam soit toujours et partout un délimitateur fi able et exclusif de citations explicites72. Elle fournit bien sûr une indication précieuse, qui demande cependant à être validée sur la base d’autres critères. La thèse de Baumstark selon laquelle Titus de Bostra aurait eu accès à des sources manichéennes syriaques qu’il

traducteur syriaque de Titus identifi e ainsi les passages du grec qu’il considère, à tort ou à raison, être des citations.

69. Baumstark 1931, p. 24-28.70. En voici quelques exemples empruntés aux citations du livre I : I, 12 : uJpografhv (p. 6,

30 de Lagarde gr.) rendu par ܗܐ : signe et dénomination » (p. 9, 6 de L. syr.) ; I, 16 » ,ܐ̇ܬܐ ܘswfronismovn (p. 9, 20), par ܢ ܘܬܬ s’amende et soit mise à la (pour que la matière) » ,ܬܬ honte » (p. 12, 31-32) ; I, 19 : ajtaxivan (p. 12, 9), par ܬܐ ܓ ܬܐ ܘ « confusion et trouble » ,ܒ(p. 16, 6) ; I, 21 : logivsasqai (p. 12,27), par ܢ ܒ ܢ ܘ ܒ imaginer (ce qu’ils ne purent ni) » ,ܕ(ni) penser » (p. 16, 28) ; I, 28 : ejpiqumou`nte~ (p. 13, 1), par ̣ « ils ont désiré et aimé » ,ܪܓ ܘܪ(p. 17, 8) ; I, 32 : ejk sunqevsew~ (p. 20, 14), par ܙܓܐ ܒܐ ܘ de l’amalgame (provenant) » , ܪܘet du mélange » (p. 26, 10).

71. Voir à ce sujet Gressmann 1903, p. 43-51, et 1992 (19041), p. xx-xxiv ; la version syriaque du De Theophania a été éditée par Lee 1842 et les fragments grecs par Gressmann 1992.

72. Ce qui invite à la prudence pour l’évaluation des citations et matériaux manichéens dans des œuvres syriaques qui ne sont pas traduites du grec, comme celles d’Éphrem le Syrien; on ne peut considérer que la présence d’un lam indique automatiquement une « explicit quotation » (Reeves 1997, p. 220).

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1676 COMPTES RENDUS DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

aurait traduites en grec et dont il aurait amélioré le style, et que le traducteur syriaque aurait réintroduites dans le Contra Manichaeos est donc au mieux indémontrable, du moins si l’on considère les arguments qu’il invoque73.

Quoi qu’il en soit de cette hypothèse, le Contra Manichaeos de Titus de Bostra, par la richesse des matériaux qu’il exploite, constitue une source d’une valeur exceptionnelle pour la connais-sance du manichéisme. Mais le repérage et surtout l’évaluation de ces matériaux exigent de recourir à une approche globale. Seule, en effet, leur comparaison avec l’ensemble des sources manichéennes directes et indirectes permettra de juger de leur apport et de leur originalité. Mais il faudra tenir compte également du fait que le Contra Manichaeos relève du genre hérésiologique, qui, à l’instar d’un réquisitoire, se plaît à accumuler les pièces à conviction74. Il se pourrait donc que le traducteur syriaque, s’inscrivant dans la même dynamique, ait pris sur lui de signaler comme citations ou matériaux manichéens des passages qui n’étaient pas identifi és comme tels dans le grec, sans qu’il soit nécessaire de supposer qu’il se soit livré pour cela à un travail de Quellenforschung. Ce serait en tout cas l’explication la plus économique des ajouts que l’on remarque dans la version syriaque. C’est dire, en conclusion, que la tâche la plus urgente qui s’impose aux chercheurs est de produire une édition, une traduction et un commentaire de l’ensemble des matériaux mani-chéens que recèle le Contra Manichaeos, sans céder à la fascination de la quête des ipsissima verba de Mani ou de ses disciples, mais en les considérant comme autant de pièces nouvelles à verser au dossier de l’histoire du manichéisme.

73. Nonobstant le jugement de P. Nagel : « Schon 1931 […] hatte Baumstark gezeigt, daß der syrische Titus den originalen Wortlaut der syrischen Manischriften einsetzt, statt die Zitate aus der griechischen Vorlage rückzuübersetzen » (1967, p. 22) ; Pedersen juge également la théorie de Baumstark « unconvincing » (Pedersen 2004, p. 193-194).

74. Cf. Nautin 1968, p. 182-183.

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1680 COMPTES RENDUS DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

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CITATIONS ET MATÉRIAUX MANICHÉENS DANS LE CONTRA MANICHAEOS 1681

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1682 COMPTES RENDUS DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

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1684 COMPTES RENDUS DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

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** *

À l’issue de cette communication, M. Jean-Pierre MAHÉ présente les observations suivantes :

« Avant tout, je souhaiterais remercier Paul-Hubert Poirier de nous avoir initiés aux pistes de recherche ouvertes par le grand chantier de l’édition du Contra Manichaeos de Titus de Bostra, qu’il dirige avec le concours de plusieurs collègues de l’Institut d’études anciennes de l’Université Laval de Québec. C’est une œuvre ample et passion-nante, encore très insuffi samment explorée, puisqu’il n’existe pour le moment aucune édition satisfaisante.

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CITATIONS ET MATÉRIAUX MANICHÉENS DANS LE CONTRA MANICHAEOS 1685

Pour décrire l’état de la tradition textuelle – fragmentaire en grec, mais complète en syriaque – Paul-Hubert Poirier a cité le cas de l’Adversus haereses d’Irénée, dont le témoin le plus complet, après la version latine, est la traduction arménienne du VIe siècle. Observons qu’on connaît aujourd’hui beaucoup mieux cette traduction, grâce aux extraits des trois premiers livres retrouvés en 1978 par Charles Athanase Renoux75, dans le manuscrit arménien de Galata N° 54.

Tout comme la version syriaque de Titus, les versions latine et arménienne d’Irénée utilisent la méthode verbum de verbo. Charles Mercier observait souvent dans ses cours que l’ordre des mots, rigou-reusement identique en arménien et en latin, refl ète sûrement celui de l’original grec. Pas plus en arménien qu’en syriaque, la littéralité de la traduction n’empêche l’interprète de rendre certains termes complexes par des doublets, dont Paul-Hubert Poirier nous a donné quelques exemples. Il semble aussi que l’arménien connaisse un parallèle à la particule lam / fhsiv(n) employée en syriaque comme marqueur de citations : c’est le verbe bam (de la même étymologie que le grec fhmiv), qui apparaît en arménien dans la Bible et dans certaines versions patristiques76.

Paul-Hubert Poirier signale à juste titre l’originalité de la compo-sition du traité de Titus : c’est, dit-il, “un diptyque dont les deux volets se répondent symétriquement (…). Les deux premiers livres sont en effet consacrés à une réfutation purement dialectique, à la lumière des ‘notions communes’ (…). Les livres trois et quatre, en revanche, sont explicitement consacrés au rapport des manichéens avec les Écritures”.

Sans minimiser l’originalité de Titus, je crois pouvoir affi rmer que le principe d’une telle répartition, entre l’argumentation dialectique et l’argumentation scripturaire, ne lui appartient pas en propre : c’est un schéma rhétorique bien connu des réfutations patristiques. Joseph Moingt l’a observé à propos de Tertullien : “le raisonnement propre-ment dit (…) est réparti dans les premiers et les derniers chapitres, mais dans les premiers surtout. Il sert d’encadrement à la démons-tration scripturaire, et surtout d’introduction (…). Par contre, c’est au début du traité que sont examinés les préjugés, praesumptiones, praestructiones (…). Le débat rationnel reprend, mais pas toujours,

75. Ch. Renoux, Irénée de Lyon, Nouveaux fragments arméniens de l’Adversus haereses et de l’Epideixis, (Patrologia Orientalis 39, 1), Turnhout, Brepols, 1978.

76. Nouveau dictionnaire de la langue arménienne, t. 1, Venise, Saint-Lazare, 1836, p. 430.

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1686 COMPTES RENDUS DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

à la fi n du traité”77. Malgré les apparences, ce “pas toujours” est en réalité la règle générale, car ce sont les questions accessoires qui sont reportées à la fi n, à un moment où le débat est déjà terminé. Par conséquent, la structure de l’argumentation est exactement parallèle chez Titus et dans les traités les plus mûris de Tertullien, comme le De resurrectione mortuorum ou l’Adversus Praxean.

À propos des citations, allusions et reprises dans les œuvres anciennes, Paul-Hubert Poirier renvoie aux travaux d’Antoine Compagnon (sur la littérature française) et de S. Inowlocki (sur les citations d’auteurs juifs chez Eusèbe de Césarée). On me permettra de citer un cas qui relève directement des études manichéennes : c’est l’édition de l’Epistula fundamenti de Mani reconstituée par Markus Stein d’après le témoignage d’Augustin78. L’originalité méthodologique de Stein consiste à éditer séparément les testimonia directement extraits du texte d’Augustin, puis les fragmenta censés représenter le texte de Mani lui-même, reconstruit à partir des testi-monia. Chaque fragmentum s’accompagne d’un apparat critique indiquant les variantes des divers testimonia qui se rapportent à un passage donné de l’Epistula fundamenti. Cette présentation précise et rigoureuse a, en elle-même, une grande valeur démonstrative.

On pourrait souhaiter, quand Paul-Hubert Poirier et son équipe auront achevé l’édition de Titus, qu’ils usent de la même méthode pour en extraire le contenu manichéen authentique ».

M. Jacques JOUANNA intervient également.

Mme Madeleine Scopello, correspondant de l’Académie, présente les observations suivantes :

« Titus de Bostra, ainsi que vous l’avez souligné, présente souvent dans son œuvre un jeu de mots entre le nom de Mani et les termes grecs maniva/maivnomai. La tradition hérésiologique anti-manichéenne atteste également ce jeu de mots, vous avez en effet rappelé à ce sujet la lettre d’un évêque égyptien de la fi n du IIIe siècle (Théonas d’Alexandrie ?) ainsi que la Catéchèse VI de Cyrille de Jérusalem, rédigée en 348. Or, dans la notice 66 du Panarion

77. J. Moingt, La théologie trinitaire de Tertullien, t. 1, Théologie 68, Paris, Aubier, 1966, p. 167-168.

78. M. Stein (éd.) Manichaei Epistula fundamenti (Manichaeica latina 2, Abhandlungen der nordrhein-westfälischen Akademie der Wissenschaften, Sonderreihe Papyrologica Coloniensia 28, 2), Ferdinand Schöning, Paderborn-Munich-Vienne-Zurich, 2002.

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CITATIONS ET MATÉRIAUX MANICHÉENS DANS LE CONTRA MANICHAEOS 1687

contre les manichéens, composée en 376, une quinzaine d’années après l’œuvre de Titus, Épiphane de Salamine fait de l’associa-tion Mani-maniva l’un des leitmotive de sa réfutation, dans le but de discréditer les doctrines et les mythes du prophète de Babylone. On est bien loin, dans ce contexte hérésiologique, de la palette de signifi cations que la Grèce classique attribuait à la maniva, la folie, le délire inspiré. Platon, dans le Phèdre, indiquait qu’il y a deux espèces (ei[dh) de maniva (265b). Si l’une est provoquée par les mala-dies humaines, l’autre est due, en revanche, à une impulsion divine (uJpo; qeiva~ ejxallagh`~) qui fait sortir des règles habituelles. Cette deuxième espèce de maniva se divise à son tour en quatre catégo-ries, dont chacune est inspirée par un dieu : le délire divinatoire par Apollon, le délire mystique par Dionysos, le délire poétique par les Muses et enfi n la maniva ejrotikhv par Aphrodite et Éros79.

Par ailleurs, dans le Contra Manichaeos I, 38, Titus défi nit le discours (lovgo~) tenu par le fou (tou` manevnto~) comme étant katagevlasto~, “ridicule”, “suscitant l’hilarité”. Titus partage ainsi un point de vue hérésiologique, déjà utilisé contre les auteurs et les mythes gnostiques, tout particulièrement par Irénée de Lyon80. Si l’on se réfère encore une fois à Épiphane, l’évêque de Salamine consi-dère également que les mythes manichéens sont katagevlastoi : s’exprimant sur le mythe de l’Omophore, Épiphane compare Mani à Philistion, mimographe de l’époque d’Auguste (Panarion 66, 22, 1) : “Et si je racontais la suite qui n’éclaterait-il pas de rire (tiv~ oujk ejkgelavseien) ? Est-ce que les mimes (mimologivai) de Philistion sont plus logiques que les mimes de Mani ?”. Épiphane élargit ulté-rieurement sa comparaison à des auteurs païens réputés, dans le but de montrer que les théories de Mani s’enracinent dans le paga-nisme. Dans une section sur la lutte cosmique entre la lumière et les ténèbres il s’adresse à Mani dans ces termes : “Enlève ton masque, Ménandre, faiseur de comédies (kwmw/dopoiev) ! Tu l’es, en effet, et tu te caches derrière ces mythes qui décrivent adultères et soûleries, car tu manques totalement de décence. Au lieu de la vérité tu débites, mélangées à tes erreurs, les fi ctions des païens devant ceux que tu as corrompus. Hésiode eut plus de bon sens que toi en racontant les

79. Voir aussi, sur le thème de la maniva, Phèdre 244a-245c.80. Irénée de Lyon se sert volontiers du langage du théâtre pour parler du mythe gnostique :

c’est une pièce inventée (skhnophgiva : Adversus Haereses I, 9, 3), une farce (skhnhv : I, 9, 5), un mivmo~ (ibid.). Les fables gnostiques, teintées de ridicule, sont « des contes de vieille femme » (I, 8, 1), expression qui revient aussi sous la plume de Titus.

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1688 COMPTES RENDUS DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

histoires de la Théogonie, et peut-être aussi Orphée et Euripide. Car, même s’ils racontent tous des choses ridicules (katagevlasta), du fait de leur métier de poètes, ils les ont inventées de toutes pièces. Toi, en revanche, tu exposes ces faits comme s’ils étaient réels, afi n de propager l’erreur” (Panarion 66, 46, 11-12).

On retrouvera aussi chez Marc le Diacre (Vita Porphiri 86, 5-6), auteur d’un récit polémique sur la propagandiste manichéenne Julie d’Antioche81, la même association entre folie et ridicule lors d’une comparaison établie par cet auteur entre Philistion, Hésiode et Mani, sans doute nourrie par la lecture du Panarion d’Épiphane.

Par ailleurs on peut se demander si l’évêque de Salamine a pu s’inspirer de Titus dans son élaboration du thème de la maniva. Avait-il eu une connaissance approfondie de l’œuvre de l’évêque de Bostra qu’il mentionne, comme vous l’avez rappelé, parmi d’autres contro-versistes qui avaient écrit des “admirables ajntirrhvsei~” ? Cette liste mise en place par Épiphane – comportant les noms d’Archélaüs, d’Origène, d’Eusèbe, de Sérapion de Thmuis, d’Athanase d’Alexandrie, de Georges et d’Apollinaire de Laodicée – se termine par la mention du nom de Titus (Panarion 66, 21)82.

Enfi n, il serait aussi envisageable de tracer un parallèle entre l’œuvre de Titus et les Acta Archelai, première controverse anti-manichéenne composée en Mésopotamie vers 345, en langue grecque. Le répertoire imposant de citations bibliques dont l’auteur des Acta Archelai se sert pour illustrer l’opposition, soutenue par Mani, entre les deux Testaments trouve en effet maintes compa-raisons avec la réfutation de Titus, postérieure d’une quinzaine d’années. Une parenté littéraire entre les Acta Archelai et l’œuvre de Titus pourrait également être étayée par le thème de Mani présenté, dans les deux écrits, sous les traits d’un perse barbare. »

81. Voir à ce propos M. Scopello « Julie, manichéenne d’Antioche (d’après Marc le Diacre, Vita Porphyri 85-91) », Antiquité tardive 5, 1997, p. 187-209.

82. Cf. aussi Théodoret de Cyr, Haereticarum fabularum compendium I, 26, pour une liste quelque peu différente, portant néanmoins mention du nom de Titus.

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