L'évaluation carbone simplifiée établie par la Commission de régulation de l'énergie et sa...

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Année universitaire 2013-2014 1 er septembre 2014 Master de droit des relations internationales et de l’Union européenne Dirigé par Alain PELLET et Jean Marc THOUVENIN Les appels d’offres en matière d’énergie photovoltaïque et le droit de l’OMC Rohanne FYAZ Sous la direction de Jean-Marc THOUVENIN

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Année universitaire 2013-2014 1er septembre 2014

Master de droit des relations internationales et de l’Union européenne

Dirigé par Alain PELLET et Jean Marc THOUVENIN

Les appels d’offres en matière d’énergie

photovoltaïque et le droit de l’OMC

Rohanne FYAZ

Sous la direction de Jean-Marc THOUVENIN

REMERCIEMENTS

La réalisation de cette étude n’aurait pas été possible sans la participation mais aussi le

soutien de nombreuses personnes que je souhaite remercier.

Je tiens à remercier, en premier lieu, le Professeur Jean-Marc Thouvenin pour sa

disposition mais aussi le suivi qu’il m’a accordé tout au long de l’année. Ces conseils m’ont été

fort utiles, j’espère que j’en aurai fait une « œuvre » dont je serais fière.

Je tiens également à remercier tout ceux qui m’ont soutenue, ma famille, mes amis et ceux

qui m’ont donné le courage, l’envie et la détermination de continuer à écrire. Je dédie ce mémoire

à mes camarades de classe qui m’ont beaucoup appris, notamment sur le travail d’équipe mais

aussi sur l’entraide.

À ma plus belle année d’université,

Rohanne FYAZ.

SOMMAIRE

Introduction PARTIE I : COMPATIBILITE AU REGARD DES REGLES GENERALES

DU GATT DE 1994

TITRE I. L’INCOMPATIBILITE PRESUMEE AVEC L’ARTICLE III:4 DU GATT : LA REGLE DU TRAITEMENT NATIONAL Chapitre 1. Les conditions entraînant la violation de l’article III:4 du GATT Chapitre 2. L’application de l’article III:8 a) du GATT comme moyen d’exclusion des mesures contestées du champ d’application de l’article III:4 du GATT TITRE II. L’INCOMPATIBILITE PRESUMEE AVEC L’ARTICLE I:1 DU GATT : LA REGLE DU TRAITEMENT DE LA NATION LA PLUS FAVORISEE Chapitre 1. Le champ d’application de la règle de la nation la plus favorisée Chapitre 2. Les conditions entrainant la violation de l’article I.1 du GATT TITRE III. LA DISCRIMINATION LEGITIMEE PAR L’ARTICLE XX DU GATT : UNE EXCEPTION ENVIRONNEMENTALE Chapitre 1. L’intégration des considérations environnementales dans les principes de l’OMC Chapitre 2. L’article XX : l’exception environnementale

PARTIE II. COMPATIBILITE AU REGARD DES ACCORDS

SPECIFIQUES DE L’OMC

TITRE I. LA CONTRARIETE POSSIBLE AVEC L’ACCORD SUR LES SUBVENTIONS ET LES MESURES COMPENSATOIRES (SMC) Chapitre 1. Le champ d’application de l’Accord SMC Chapitre 2. La position européenne concernant les subventions et leur compatibilité avec l’Accord SMC TITRE II. LA CONTRARIETE POSSIBLE AVEC L’ACCORD SUR LES MARCHES PUBLICS (AMP) Chapitre 1. La mise en place de nouvelles règles en matière environnementale dans les procédures de passation de marchés publics européens Chapitre 2. La compatibilité de l’évaluation carbone simplifiée avec l’Accord sur les marchés publics révisé

L’Université n’entend donner aucune approbation ou improbation aux propos tenus dans le présent mémoire. Ceux-ci sont propres à leur auteur.

SIGLES DES PRINCIPAUX ACCORDS ET ORGANES DE L’OMC

A.M.P. Accord sur les marchés publics

A.C.P. [Pays] d’Afrique, Caraïbe et Pacifique

A.G.C.S. Accord général sur le commerce des services (« GATS » en anglais)

A.D.P.I.C. [Accord sur les] aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au

commerce (« TRIPS » en anglais)

C.C.N.U.C.C. Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques

C.C.E. Comité du commerce et de l’environnement

C.E. Communautés européennes

C.I.J. Cour internationale de justice

C.J.C.E. Cour de Justice des Communautés européennes

C.N.C. Comité des négociations commerciales

G.A.T.T. Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (General Agreement on

Tariffs and Trade)

Mémorandum Mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des

différends

M.E.P.C. Mécanisme d’examen des politiques commerciales

N.P.F. Nation la plus favorisée

O.A. Organe d’appel de l’ORD

O.C.D.E. Organisation de coopération et de développement économique

O.N.U. Organisation des Nations Unies

O.R.D. Organe de règlement des différends de l’OMC

O.T.C. [Accord sur les] obstacles techniques au commerce

O.M.C. Organisation mondiale du commerce

P.M.P. Procédé et méthode de production

P.N.U.E. Programme des Nations Unies sur le développement

S.M.C. [Accord sur les] subventions et mesures compensatoires

S.P.S. [Accord sur l’application des] mesures sanitaires et phytosanitaires

U.E. Union Européenne

1

Introduction 1. « Rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme », expliquait le chimiste français

Lavoisier en posant le principe de conservation de la matière. L’énergie n’avait pas encore été

inventée à son époque, mais cet adage lui a été transposé. L’énergie ne fait que modifier de

forme, elle préexiste au changement et se retrouve à la fin de toute transformation. Or, ce

changement d’état, cette transformation de la matière en énergie provoque un des problèmes

environnementaux majeurs de ce siècle, l’augmentation des émissions de CO2 mise en cause dans

l’intensification de l’effet de serre, tant par la production que la consommation d’énergie.

2. Pour remédier au réchauffement global, s’est dès lors développée une politique

volontariste des États visant la réduction des gaz à effet de serre. Un consensus international s’est

progressivement établi pour considérer qu’il était indispensable de limiter le réchauffement de la

Terre à 2°C au maximum par rapport à 1990, soit une réduction de 50 à 85% des émissions

mondiales de gaz à effet de serre en 20501. La conférence des Nations Unies sur l’environnement

et le développement à Rio de Janeiro en 1992, baptisée « Sommet de la Terre » est à l’origine de

plusieurs conventions internationales sur l’environnement, notamment la Convention-cadre des

Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) qui concrétise la prise de conscience

des États sur les risques et les capacités de modification du climat du fait des activités humaines.

De même, le Protocole de Kyoto, résultat de négociations politiques particulièrement âpres2,

conséquence de son caractère politiquement et juridiquement non contraignant, a été adopté en

1997. Le Protocole attribue en effet des quotas d’émissions en vue de réduire les effets des gaz à

effet de serre. Les États-Unis ont refusé de le ratifier, représentant pourtant 25% des émissions

mondiales de gaz à effet de serre, alors que l’UE l’a ratifié en 2002 et a, au surplus, élaboré une

directive européenne fixant les quotas d’émissions pour chaque pays membre de l’Union.

3. Les préoccupations concernant l’incidence de certaines technologies sur l’environnement

ont conduit les États à inclure progressivement les technologies renouvelables dans leur

1 TSAYEM-DEMAZE (M.), Géopolitique du développement durable, Presses Universitaires de Rennes, Rennes, 2011, p. 27. 2 Ibid.

2

production énergétique. À ce titre, l’énergie renouvelable est prise en compte dans la

réglementation des politiques énergétiques nationales, mais aussi internationales. Ainsi, l’énergie

solaire étant une énergie renouvelable, les réglementations intérieures la régissant doivent être

conformes au droit international économique. Il convient dès lors de définir l’énergie

renouvelable dans son sens large (1) avant d’exposer l’objet de ce mémoire, soit la problématique

de la compatibilité des appels d’offres liés aux panneaux solaires photovoltaïques avec le droit de

l’OMC (3). Les enjeux économiques attachés à cette problématique ont été mis en lumière par les

mesures de rétorsion adoptées par les États membres de l’OMC suite à l’importation massive des

panneaux photovoltaïques à bas coût en provenance de Chine (2).

1. Définition de l’énergie renouvelable

4. L’énergie renouvelable prend différents idiomes et peut se définir comme une énergie

inépuisable ou encore une énergie durable. Le concept d'énergie propre ou d’énergie verte est

distinct de celui d'énergie renouvelable : le fait qu'une énergie se reconstitue n'implique pas que

les déchets d'exploitation de cette énergie disparaissent, ni le contraire.3 Le terme « énergie

renouvelable » est difficile tant à dater qu’à définir.

5. En effet, au niveau international, il n’existe aucune définition convenue de ce qu’est une

énergie renouvelable. D’ailleurs, certains pays ont reconnu qu’il pourrait y avoir des différences

d’interprétation découlant de la situation nationale.4 On s’accorde cependant sur le fait qu’une

énergie renouvelable devrait bénéficier d’un soutien sous forme de coopération et de partenariats

internationaux, sans que l’aide soit assortie de conditions et en évitant tout recours à des pratiques

commerciales restrictives. Pour certains pays, l’énergie renouvelable est considérée comme l’un

des nombreux « outils » permettant de concrétiser le développement durable.5

6. Selon l’administration française, le terme renvoie à « des énergies primaires inépuisables

3 EDF Energies nouvelles réparties, Lexique « énergie verte », http://www.edfenr.com/lexique-photovoltaique/definition-energie-verte-l40-1.aspx [consulté le 29 mai 2014] 4 Nations Unies, « Rio+20 galvanisera de nouveaux engagements en faveur d’un monde plus durable », Communiqué de presse, Rio+20, Conférence des Nations Unies sur le développement durable, 4 juin 2012, http://www.un.org/fr/sustainablefuture/pdf/results.pdf [consulté le 5 mars 2014] 5 Ibid.

3

à très long terme, car issues directement de phénomènes naturels, réguliers ou constants, liés à

l’énergie du soleil, de la terre ou de la gravitation. Les énergies renouvelables sont également

plus « propres » (moins d’émissions de CO2, moins de pollution) que les énergies issues de

sources fossiles. »6 L’article L.211-2 du Code de l’énergie dans son alinéa 1er dispose que « [l]es

sources d'énergies renouvelables sont les énergies éolienne, solaire, géothermique,

aérothermique, hydrothermique, marine et hydraulique, ainsi que l'énergie issue de la biomasse,

du gaz de décharge, du gaz de stations d'épuration d'eaux usées et du biogaz ».

7. L’objet de cette étude concerne une énergie spécifique, l’énergie solaire photovoltaïque

(1.1). Énergie renouvelable assez particulière, elle présente ses forces, mais aussi ses faiblesses,

notamment son coût (1.2). Technologie nouvelle, le marché de l’énergie photovoltaïque est

aujourd’hui concentré dans un cercle restreint d’États (1.3).

1.1 La spécificité de l’énergie solaire photovoltaïque

8. L’énergie solaire fait donc partie de ces énergies inépuisables. L’énergie solaire

photovoltaïque à l’inverse de certaines énergies renouvelables peut être considérée comme une

énergie verte ou une énergie propre en ce qu’elle ne génère ni bruit, ni émissions nocives, ni gaz

polluants.7 Elle transforme le rayonnement solaire en électricité ou en chaleur, selon les

technologies. L’énergie solaire photovoltaïque est spécifique en ce qu’elle produit de l’électricité

via des modules photovoltaïques. Elle est à distinguer de l’énergie solaire thermique visant à

produire de la chaleur pour le chauffage domestique ou la production d’eau chaude sanitaire ainsi

que de l’énergie solaire thermodynamique qui emploie des miroirs pour chauffer les fluides

alimentant un générateur électrique.8

9. L’effet photovoltaïque est « produit dans les cellules solaires photovoltaïques, [il] permet

de convertir l’énergie lumineuse des rayons solaires en électricité. Sous l’effet de la lumière, le

6 Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie (2010). Énergies renouvelables. http://www.developpement-durable.gouv.fr/-Energies-renouvelables,3733-.html [consulté le 4 mars 2014] 7 Assemblée nationale, « Rapport d’information sur l’énergie photovoltaïque », déposé en application de l’article 145 du Règlement par la Commission des affaires économiques, présenté par M. Serge Poignant (député), N°1846, p. 13. 8 Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME), « Le solaire photovoltaïque », in : Les avis de l’ADEME, avril 2013.

4

matériau semi-conducteur composant la cellule génère des charges électriques qui se déplacent et

créent un courant circulant d’une cellule à l’autre via des rubans métalliques. Les cellules

photovoltaïques sont assemblées pour former des modules qui peuvent eux-mêmes être

interconnectés pour former un « champ photovoltaïque ». Ce champ photovoltaïque produit un

courant continu (DC) qui peut dans certains cas être transformé par un onduleur en courant

alternatif (AC) »9

1.2 La particularité de l’énergie photovoltaïque : ses forces et faiblesses

10. L’énergie photovoltaïque présente plusieurs points forts. En tant qu’énergie inépuisable,

le temps de retour énergétique et les émissions de CO2 sont faibles avec une technologie pouvant

être déployée presque partout, facilement modulable. Les modules photovoltaïques sont

recyclables et les matériaux utilisés pour leur production peuvent être réutilisés.10

11. Toutefois, il s’agit d’une énergie fluctuante et bien qu’elle soit relativement prévisible,

son coût est encore trop élevé. S’il diminue rapidement depuis une vingtaine d’années, son prix

de vente ne devrait être comparable à celui de l’électricité résidentielle qu’entre 2015 et 2020 et

au prix de gros vers 2030.

1.3 La concentration du marché de l’énergie photovoltaïque dans un cercle restreint d’États

12. En raison de son coût élevé, le marché annuel mondial de l’énergie photovoltaïque reste

encore concentré sur huit pays qui ont centralisé 80% de la puissance installée en 2012 :

l’Allemagne, suivie par la Chine, l’Italie, les États-Unis, le Japon, la France, l’Australie et l’Inde.

L’Europe conserve encore en 2012 sa position dominante dans le déploiement des technologies

photovoltaïques, position tirée par l’Allemagne, l’Italie et la France.11

13. Le marché de l’énergie renouvelable s’illustre par sa croissance fulgurante, l’organisation

9 Ibid. 10 Assemblée nationale, op.cit., « Rapport d’information sur l’énergie photovoltaïque », p. 14. 11Direction générale de l’énergie et du climat. Panorama énergies – climat 2013. http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Panorama-energies-climat_E2013.pdf [consulté le 25 février 2014]

5

de la production se libéralisant. Ainsi, jusque dans les années 1970, la production d’énergie était

dans la plupart des pays dominée par des monopoles, soit publics, soit privés et réglementés. Ces

monopoles étaient tolérés : un producteur unique pouvait réaliser des économies d’échelle dans le

secteur de l’électricité. À partir des années 1970, les progrès des techniques de production et le

souhait d’opérateurs privés d’entrer sur le marché ont emmené nombre de pays à restructurer

leurs réseaux d’électricité, notamment pour intégrer une certaine concurrence12.

14. En pleine expansion, les méthodes de production d’énergie renouvelable font aujourd’hui

l’objet d’investissements considérables par les États producteurs notamment dans le domaine

photovoltaïque. Ce secteur en devenir, avec une possibilité de bénéfices économiques élevés,

entraîne une concurrence internationale rude et souvent déloyale. L’arrivée sur le marché de

panneaux solaires chinois à très bas prix a entraîné de fortes tensions internationales, la Chine

utilisant elle-même la menace de « guerre commerciale ».

2. La tension face à l’arrivée des produits chinois dans le commerce international

15. Le dumping opéré par les produits chinois crée de fortes tensions politiques entre les États

concernés (2.1). Faisant face à des mesures de rétorsion économiques, la Chine a posé une

demande de consultation devant l’Organe de règlement des différends de l’OMC (2.2).

2.1 Les mesures de rétorsion et les enjeux économiques derrière l’énergie photovoltaïque

16. Les États membres de l’OMC doivent se conformer à ses règles, notamment en matière de

concurrence. L’arrivée de produits nationaux sur le marché international à des prix

particulièrement bas est constitutive de dumping. Pour réagir à cette mesure contraire aux buts et

objectifs de l’OMC et « à défaut d'un corpus de règles de concurrence au niveau international »,

l’OMC a « a reconnu aux États la possibilité de mettre en œuvre des instruments de défense

commerciale dans deux circonstances : soit en cas de pratiques déloyales, soit en cas

d'augmentation massive d'importations susceptibles de déstabiliser durablement une branche de

12 Rapport de l’Organe d’appel, Canada — Certaines mesures affectant le secteur de la production d’énergie renouvelable, affaire DS412, adopté le 24 mai 2013, point 7.20.

6

production nationale ».13 Les États peuvent prendre des mesures correctrices, soit des « droits

« compensateurs » spéciaux visant à neutraliser les subventions et les mesures d’urgence limitant

temporairement les importations en vue de « sauvegarder » les branches de production

nationales. »14 En effet, l’article 1 de l’Accord antidumping15 pose « le principe fondamental selon

lequel un Membre neorep peut pas imposer de mesure antidumping à moins d'avoir déterminé, à

la suite d'une enquête menée en conformité avec les dispositions de l'Accord, l'existence

d'importations faisant l'objet d'un dumping, d'un dommage important causé à une branche de

production nationale et d'un lien de causalité entre les importations faisant l'objet d'un dumping et

ce dommage. »16 En application de ce pouvoir d’appréciation par les États, suite à l’entrée sur le

marché de produits photovoltaïques chinois à bas prix, la Commission européenne a lancé une

enquête antidumping, et parallèlement une enquête antisubventions. Les Etats-Unis ont quant à

eux mis en place des droits antidumping, entraînant une réaction immédiate de la Chine, par la

voie de mesures de rétorsion à l’encontre des États-Unis, mais aussi de la Corée du Sud.

2.1.1 L’enquête antidumping menée par la Commission européenne

17. La Commission européenne a ouvert le 6 septembre 2012 une enquête antidumping à

l’encontre des importations de cellules, modules et plaquettes photovoltaïques chinois

conformément au Règlement « antidumping » du 30 novembre 200917. Principalement en cause,

le polysilicium, un matériau servant à fabriquer les cellules photovoltaïques. La Chine en achète à

l'Union européenne et en fabrique aussi. Au sujet de la plainte collective déposée à Bruxelles,

Milan Nitzschke pour le groupe allemand Solarworld assure que «c'est la dernière chance pour

l'Europe de tenir tête à un État chinois qui subventionne sa propre industrie, ce qui lui permet de

13 Sénat français, « Les instruments de défense commerciale de l’Europe », Rapport d’information par MM. Jean BIZET, Robert BRET, Hubert HAENEL et Roland RIES (Sénateurs) au nom de la délégation du Sénat pour l'Union européenne sur les instruments de défense commerciale de l'Europe, déposé le 7 mars 2007, N°272. 14 MONNIER (P.) et RUIZ-FABRI (H.), « Les règles : dumping, subventions, mesures de sauvegarde », Fascicule 130-25, JurisClasseur Droit international, LexisNexis, mis à jour le 1er octobre 2010, p. 8. 15 Accord sur la mise en œuvre de l'article VI de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 dit « Accord antidumping ». 16 OMC., « Accord sur la mise en œuvre de l'article VI de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 », http://www.wto.org/french/tratop_f/adp_f/antidum2_f.htm [consulté le 25 juin 2014] 17 Règlement (CE) nº 1225/2009 du Conseil du 30 novembre 2009 relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne, entré en vigueur le 11 janvier 2010, JO L 343, 22.12.2009.

7

vendre en dessous du coût de revient et de mettre les Européens à genoux»18. En effet, sous cette

enquête se cache en réalité un énorme bras de fer économique. Les enjeux économiques sont

mirobolants : la Chine et l’Europe ont toutes deux misé des milliards de fonds publics sur l’essor

de cette technologie verte, que ce soit par l’octroi de subventions ou d’investissements étatiques19.

18. Pourtant, après avoir reçu les brevets de « politique verte », la Chine a dû faire face à une

forte baisse de la demande en panneaux solaires. En effet, depuis 2008, la demande en panneaux

solaires a baissé de trois quarts, alors que les capacités de production chinoises n'ont fait

qu'augmenter, entraînant un effondrement mécanique des prix. En 2012, les capacités

excédentaires de la Chine ont ainsi fini par avoisiner le double de la demande totale de l’Union.

Les principaux fabricants de panneaux solaires chinois se seraient dans le même temps endettés

de plus de 17 milliards de dollars. Une problématique pour l’État chinois, qui, à travers les

banques d’État et gouvernements locaux, a fourni fonds et terrains à bas prix.20 Selon Li Junfeng,

ancien patron de la politique énergétique et climatique au sein de la puissante NDRC

(Commission nationale pour la réforme et le développement), les deux tiers de fabricants de

panneaux solaires sont appelés à disparaître, et le dernier tiers n'est même pas sûr de survivre21.

19. La Chine se trouve en situation de surcapacité, et fait de surcroît, face aux procédures

antidumping lancées par les États-Unis et l’Europe à l’encontre de ses fabricants chinois de

panneaux solaires22.

2.1.1.1 La mise en place par la Commission européenne de droits antidumping provisoires

sur les panneaux solaires chinois

20. Suite à cette enquête, la Commission européenne a décidé le 6 juin 2013 d’imposer pour

six mois des droits antidumping provisoires sur les importations de panneaux photovoltaïques 18 MEVEL (J.-J.), « Bruxelles part en guerre commerciale contre Pékin », Le Figaro, 6 septembre 2012, http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2012/09/05/20002-20120905ARTFIG00570-bruxelles-prete-a-la-guerre-commerciale-avec-pekin.php [consulté le 29 avril 2014] 19 Ibid. 20 DE LA GRANGE (A.), « Énergies renouvelables : la Chine déchante », Le Figaro, 5 novembre 2012, http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2012/10/05/20002-20121005ARTFIG00466-energies-renouvelables-la-chine-dechante.php [consulté le 2 mars 2014] 21 Ibid. 22 Ibid.

8

chinois. Cette décision est intervenue après 9 mois d’enquête, durant laquelle la Commission a pu

constater que « certaines sociétés chinoises vendaient des panneaux solaires en Europe à des prix

nettement inférieurs à leur valeur marchande normale, au détriment des fabricants de panneaux

solaires de l’Union européenne »23. Selon un Communiqué de la Commission, « à leur juste

valeur, les panneaux solaires chinois devraient être vendus en Europe à un prix supérieur de 88 %

à celui facturé en réalité »24.

21. Au cours de son enquête, la Commission a appliqué « la règle du droit moindre » qui

correspond au taux minimal strictement nécessaire pour rétablir des conditions de concurrence

équitables pour les entreprises de l’Union concernées et donc contrebalancer les effets

préjudiciables du dumping. Ainsi, ces droits provisoires sont d’un taux nettement inférieur aux

88% de dumping constaté sur les ventes de panneaux solaires. Selon la Commission, en

appliquant systématiquement la règle du droit moindre, l’Union va au‑delà des obligations qui lui

incombent dans le cadre de l’OMC. Cette mesure a été adoptée en accord avec la législation

actuelle sur la protection commerciale de l’UE qui remonte à 1995. Or, depuis, les relations

commerciales de l’Union avec les pays tiers ont profondément changé dans la mesure où la

structure des échanges s’est mondialisée.25 La « règle du droit moindre » a été critiquée par le

Parlement européen, entrainant l’adoption le 5 février 2014 de propositions pour la réforme des

instruments de défense commerciale. À cette occasion, le Parlement a demandé des mesures plus

strictes sur les biens importés si le pays tiers exportateur « ne présente pas un niveau suffisant de

normes sociales et environnementales »26.

22. Si l’Union use d’une règle plutôt clémente face au dumping chinois, tel n’est pas le cas

d’autres membres de l’Organisation comme la Chine elle-même ou les États-Unis, qui se fondent

dans chaque cas sur la totalité du niveau de dumping constaté. »27 En effet, les États-Unis

utilisent la méthode de calcul dite de la «réduction à zéro», cette méthode est utilisée par les 23 Commission européenne, « L’Union européenne institue des droits antidumping provisoires sur les panneaux solaires chinois », Communiqué de presse, 4 juin 2013. http://europa.eu/rapid/press-release_IP-13-501_fr.htm [consulté le 5 mars 2014] 24 Ibid. 25 Parlement européen, « Le Parlement demande des mesures plus strictes contre les importations déloyales », Communiqué de presse, 16 avril 2014, http://europarl.europa.eu/fr/news-room/content/20140411IPR43445/html/Le-Parlement-demande-des-mesures-plus-strictes-contre-les-importations-déloyales [consulté le 13 juin 2014] 26 Ibid. 27 Ibid.

9

autorités américaines pour déterminer, dans les enquêtes de réexamen, les taux de droit appliqués

aux produits entrés sur le marché américain à des prix de dumping. Or, cette méthode a été jugée

incompatible avec les règles de l’OMC dans une série de procédures de règlements de

différends28.

23. Comme pour toute enquête en la matière, la Commission a appliqué le critère « de

l’intérêt de l’Union », celle-ci étant à ce jour toujours le seul membre de l’OMC à l’appliquer. En

vertu de ce critère, « la Commission examine de manière approfondie si le coût, pour l’économie

de l’Union, de l’éventuelle institution de mesures serait globalement supérieur au bénéfice tiré de

ces mesures par les plaignants. »29 Sur cette base, Commission propose ensuite au Conseil soit de

clore la procédure sans instituer de mesures, soit d’instituer des droits compensateurs définitifs

pour une durée de cinq ans.30 La tendance actuelle semble être l’utilisation d’une conception

extensive de ce test, afin de clore des procédures alors même que l’Union est la seule à y recourir.

Dès lors, ce test de l’intérêt communautaire conduit à une utilisation plus restrictive des

instruments antidumping, rendant la procédure moins effective. Comme l’explique un rapport

d’information du Sénat français, « il est en définitive paradoxal de faire un bilan entre [les]

intérêts [des producteurs européens] et ceux des autres acteurs économiques »31.

24. Les droits antidumping moyens décidés par la Commission sont finalement de 11,8% sur

les cellules photovoltaïques et modules d’origine chinoise. En l’absence d’accord avec la Chine,

ce taux provisoire devait passer en moyenne à 47,6% en moyenne à partir du 6 août 2013.32 Au

lendemain de la décision de la Commission d’instaurer ces taxes provisoires sur les panneaux

photovoltaïques chinois, le 5 juin 2012, la Chine a ouvert une enquête antidumping sur les vins

importés de l’Union Européenne.

28 Voir notamment : Rapport de l’Organe d’appel, États-Unis – Lois, réglementations et méthode de calcul des marges de dumping («réduction à zéro»), adopté le 9 mai 2006, DS294, 29 Commission européenne, « L’UE ouvre une enquête antisubventions sur les importations de panneaux solaires originaires de Chine », Communiqué de presse, 8 novembre 2012, http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-12-844_fr.htm [consulté le 15 mars 2014] 30 Ibid. 31 Sénat français, « Les instruments de défense commerciale de l’Europe », Rapport d’information n°272, déposé le 7 mars 2007. 32 Commission européenne, op. cit., « L’Union européenne institue des droits antidumping provisoires sur les panneaux solaires chinois ».

10

25. Toutefois, cette mesure n’a pas été suivie de conséquences puisqu’un engagement de prix

a été conclu entre la Chine et l’UE peu de temps après33.

2.1.1.2 Une solution entre la Chine et l’Union européenne : un engagement de prix

26. Deux mois après l’imposition de ces droits antidumping provisoires, une solution à

l’amiable a été adoptée par la Chine et l’Union européenne. Le 27 juillet 2013, le Commissaire

européen au Commerce Karel de Gucht a annoncé la conclusion d’un engagement de prix entre la

Chine et l’Union européenne. Selon le Commissaire européen, « cet engagement de prix

permettra [enfin] de stabiliser le marché européen des panneaux solaires et d’éliminer le

préjudice que les pratiques de dumping ont causé à l'industrie européenne »34. Les droits ont été

imposés en deux étapes : un premier taux à 11,8% dès le 6 juin, et un second à 47,6% à partir du

6 août.

27. Ce type de mesures se définit comme un engagement « pris par les exportateurs [de]

respecter les prix minimaux à l'importation. Cet engagement n'est pas destiné à fixer les prix à

des niveaux spécifiques, mais plutôt de les empêcher de tomber en dessous d'un certain prix

planché. »35 Il s’agit d’une mesure alternative permettant d’éliminer les effets du dumping

préjudiciable, une « sorte de solution à l’amiable dans les procédures de défense commerciale

autorisées par les règles de l'OMC et de l'UE. »36

2.1.1.3 L’imposition de mesures définitives par la Commission européenne

28. Le 2 décembre 2013, le Conseil appuyé par la Commission, a pris la décision d’imposer37,

dès le 6 décembre 2013, des droits antidumping définitifs pour deux ans sur les panneaux solaires

33 Commission européenne, « Le commissaire De Gucht: Nous avons trouvé une solution amiable dans l'affaire des panneaux solaires UE-Chine qui va conduire à un nouvel équilibre sur le marché à un niveau durable des prix », Communiqué de presse, 27 juillet 2013, http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-13-729_fr.htm [consulté le 17 mars 2014] 34 Ibid. 35 Ibid. 36 Ibid. 37 European Commission, Implementing decision of 4 December 2013 confirming the acceptance of an undertaking offered in connection with the anti-dumping and anti- subsidy proceedings concerning imports of crystalline silicon photovoltaic modules and key components (i.e. cells) originating in or consigned from the People's Republic of China for the period of application of definitive measures, 2013/707/EU, O.J, L. 325/214.

11

chinois au taux de 47.7%38. Toutefois, les producteurs ayant signé l’engagement de prix du 27

juillet 2013, soit environ 75% des exportateurs chinois, ont été exclus du champ d’application de

cette mesure.

29. Les droits antidumping définitifs ne s'imposent donc qu'aux producteurs n’ayant pas

participé à l’engagement de prix et se divisent en deux taux. Le premier taux, fixé à 47,7%

concerne les exportateurs ayant coopéré à l’enquête de la Commission. Le deuxième taux de

64,9% vise quant à lui les exportateurs ayant refusé cette coopération. Il trouve à s'appliquer pour

moins de 20% des exportations.

2.1.2 L’enquête antisubventions parallèle mise en place par la Commission européenne

30. La Commission a le 8 novembre 2012 ouvert une seconde enquête concernant les

subventions accordées par la Chine aux acteurs nationaux du secteur photovoltaïque, suite à une

plainte déposée le 26 septembre 2012 par EU ProSun, association ad hoc représentant plus de

20 entreprises européennes produisant des panneaux solaires et leurs composants essentiels.39 Elle

est en effet selon le Règlement (CE) n°597/2009 du 11 juin 200940 tenue d’ouvrir une enquête

antisubventions lorsqu'elle est saisie « d’une plainte valable d’une industrie de l’Union qui

fournit des éléments de preuve montrant qu’un produit exporté d’un ou de plusieurs pays fait

l’objet de subventions et cause un préjudice à l’industrie de l’Union. »41 Deux conditions sont

ainsi nécessaires pour qu’une enquête soit ouverte : que les entreprises plaignantes « totalisent

plus de 25 % de la production dans l’Union » et que « les producteurs s’opposant à la plainte ne

représentent pas, dans l’Union, une part de production supérieure à celle des sociétés soutenant la

plainte. »42

38 European Commission, « EU imposes definitive measures on Chinese solar panels, confirms undertaking with Chinese solar panel exporters », Press release, 2 December 2013, http://europa.eu/rapid/press-release_IP-13-1190_fr.htm [consulté le 15 mars 2014] 39 Ibid. 40 Règlement (CE) n° 597/2009 du 11 juin 2009 relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de la Communauté européenne, entré en vigueur le 7 août 2009, J.O L 188 du 18.7.2009. 41 Commission européenne, op.cit., L’UE ouvre une enquête antisubventions sur les importations de panneaux solaires originaires de Chine ». 42 Ibid.

12

31. La Commission - suite aux éléments fournis par l’association EU ProSun, démontrant

l’existence de subventions qui seraient accordées par les autorités chinoises, d’un préjudice subi

par l’industrie de l’Union et d’un lien de causalité possible entre les importations faisant l’objet

des subventions et le préjudice subi par l’industrie de l’Union43 - a pu justifier l’ouverture d’une

enquête.

32. La Commission n’a pas toutefois, à l’instar des mesures antidumping, imposé de droits

antisubventions provisoires. Mais, elle a imposé le 2 décembre 2013 des droits antisubventions

définitifs en même temps que les droits antidumping. Ils se « situent de 0% (Delsolar) à 3,5% et

jusqu’à 11,5% pour les compagnies ayant coopéré à l’enquête, avec un droit antisubventions

résiduel de 11,5 % pour les sociétés n’ayant pas coopéré. »44

33. De l’autre côté de l’Atlantique, se dressent aussi des mesures antidumping à l’encontre de

la Chine.

2.1.3 La mise en place de droits antidumping compensateurs par les États-Unis sur les

panneaux solaires chinois

34. Le 7 novembre 2012, l’International Trade Commission (ITC) des États-Unis d’Amérique

s’est prononcé en faveur de l’imposition de droits antidumping et compensateurs sur les produits

photovoltaïques importés de Chine.

35. L’International Trade Administration (ITA) a délivré des ordonnances d’imposition de

droits antidumping et compensateurs sur les seules cellules allant de 23,75 % à 254,66 %. En

effet, les droits de douane imposés par les États-Unis portent uniquement sur les cellules

d’origine chinoise, contrairement à l’Europe qui a choisi de taxer, cellules, wafers et modules.45

La Chine peut donc acheter des cellules photovoltaïques hors du territoire chinois, les assembler

sur son sol et ainsi éviter les droits de douane imposés. Ce contournement des barrières 43 Ibid. 44 European Commission, op.cit., « EU imposes definitive measures on Chinese solar panels, confirms undertaking with Chinese solar panel exporters ». 45 CHANDES (C.), « Retour d’expérience américain sur la taxe des panneaux photovoltaïque chinois », Usine Nouvelle, le 7 juin 2013, http://www.usinenouvelle.com/article/retour-d-experience-americain-sur-la-taxe-des-panneaux-photovoltaique-chinois.N198641 [consulté le 15 mai 2014]

13

douanières laisse peser le doute sur l’efficacité des mesures antidumping américaines.

2.1.4 Les mesures de rétorsion prises par la Chine à l’encontre des États-Unis et de la Corée

du Sud

36. En réponse à l’adoption par les Etats-Unis de droits de douane allant jusqu’à 250% sur les

cellules photovoltaïques chinoises, la Chine a lancé une enquête antidumping en guise de mesure

de rétorsion. En se basant sur les conclusions préliminaires de l’enquête, Pékin a estimé que le

polysilicium aussi bien américain que sud-coréen importé en Chine était écoulé à un prix très bas

par rapport à sa valeur normale, lésant les producteurs nationaux chinois. A la suite de ces

constatations, les importateurs chinois de polysilicium de qualité solaire en provenance des Etats-

Unis se sont vus imposer, à compter du 24 juillet 2013, des taux de dépôt allant de 53,32% à

57%, en fonction de la marge de dumping. Les produits en provenance de République de Corée

ont quant à eux été taxés de 2,4% à 48,7%46.

2.2 La demande de consultation posée par la Chine devant l’Organe de règlement des

différends de l’OMC

37. Par ailleurs, la Chine a demandé, le 5 novembre 2012, des consultations (stade

préliminaire avant l’ouverture d’un cas devant l’OMC) à l’Union européenne, à l’Italie et à la

Grèce concernant des pratiques jugées anticoncurrentielles pour des équipements

photovoltaïques. C’est « l’arroseur arrosé » comme le commente assez justement Monsieur De

La Grange, journaliste du Figaro47. Ainsi, ce sont les fabricants chinois qui se sont plaints auprès

de Pékin, accusant leurs concurrents européens de profiter de subventions des Länder en

Allemagne et de prêts préférentiels de la Banque européenne48.

46 STUDER (E.), « Bataille sur le solaire : le polysilicium d’US et Corée taxé par la Chine », LeBlogfinance, http://www.leblogfinance.com/2013/07/bataille-sur-le-solaire-le-polysilicium-dus-et-coree-taxe-par-la-chine.html [consulté le 15 avril 2014] 47 DE LA GRANGE (A.), « Énergies renouvelables : la Chine déchante », Le Figaro, 5 novembre 2012, http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2012/10/05/20002-20121005ARTFIG00466-energies-renouvelables-la-chine-dechante.php [consulté le 2 mars 2014] 48 Ibid.

14

3. Problématique du sujet

38. Le dumping en soi n’est pas contraire aux intérêts environnementaux. Au contraire, il

privilégie l’achat par les consommateurs de panneaux photovoltaïques à bas prix et fait ainsi

jouer la concurrence. Le dumping n’a donc pas de conséquences sur le développement de

l’énergie photovoltaïque : il s’agit là d’un épiphénomène. Or le sujet ici ne sera pas le problème

concurrentiel, mais l’enjeu environnemental derrière l’énergie photovoltaïque et ses incidences

sur le droit de l’OMC.

39. Cette étude consiste à confronter les politiques nationales environnementales avec le droit

de l’OMC. Les pouvoirs publics peuvent sans conteste en application de leurs politiques

énergétiques soutenir le développement de l’énergie renouvelable. Cette prise de conscience

environnementale est généralisée. L’ORD de l’OMC a eu l’occasion de confirmer à plusieurs

reprises l’autonomie des États membres dans la définition de leurs politiques

environnementales49. Si l’on prend l’exemple du rapport de l’Organe d’appel, Canada —

Certaines mesures affectant le secteur de la production d’énergie renouvelable, on peut

s’apercevoir qu’aucun des pays à l’instance ne conteste les tarifs préférentiels accordés aux

producteurs d’énergie renouvelable. En effet, s’il y a une contestation de la compatibilité des

mesures incriminées avec le droit de l’OMC, il est de l’avis général que les plaignants ne

« mettaient pas en cause la légitimité des objectifs visés par les pouvoirs publics de l’Ontario au

moyen du programme TRG, à savoir réduire les émissions de carbone et promouvoir la

production d’électricité provenant de sources d’énergie renouvelables. »50

40. Différentes méthodes nationales ont été tentées pour fixer le prix des émissions de gaz à

effet de serre. Parmi les mesures permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre, on

retrouve notamment la « taxe carbone », une taxe fixant le prix du CO2 rejeté dans l’atmosphère.

Plusieurs pays ont déjà eu recours à cette taxation, notamment la Finlande qui fut la première à

49 MALJEAN-DUBOIS (S.) (dir.), Droit de l’Organisation Mondiale du Commerce et protection de l’environnement, Bruylant, Bruxelles, 2003, p. 76. 50 Rapport de l’Organe d’appel, Canada — Certaines mesures affectant le secteur de la production d’énergie renouvelable, affaire DS412, point 7.7.

15

imposer une telle taxe en 199051. Une autre méthode consiste à échanger des droits d’émission de

gaz à effet de serre. Conformément à l’article 17 du Protocole de Kyoto, les Parties à l’Annexe I

peuvent acheter des unités à d’autres Parties afin de réduire leurs émissions et atteindre leurs

objectifs fixés dans le Protocole. Par conséquent, en janvier 2005, l’UE a mis en place un

système d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre dans le monde, le SCEQE, qui

est à ce jour le plus vaste du monde52. La question de leur efficacité s’est posée. Plusieurs études

ont démontré que l’impact des taxes carbone sur les émissions de CO2, sont assez faibles, mais

positives. Ainsi, une évaluation effectuée en 2000 a révélé que les émissions de CO2 de la

Finlande auraient été supérieures de 7% en 1998 si les taxes sur l’énergie avaient été maintenues

au niveau de 199053.

41. Les effets de ces mesures de lutte contre le changement climatique sur la compétitivité du

secteur photovoltaïque dépendent de plusieurs facteurs. Un rapport publié en 2009 par le PNUE

et l’OMC donne une liste de ces facteurs, il peut donc être lié « i) aux spécificités du secteur (par

exemple degré d’exposition au commerce ; intensité énergétique ou intensité des émissions de

CO2 ; coûts carbone directs et indirects ; coûts de production ; possibilité de répercuter les

augmentations de coûts à travers les prix ; structure du marché ; coût de transport ; capacité de

réduire les émissions et/ ou la consommation d’énergie ; possibilité d’adopter des techniques et

des procédés de production moins polluants) ; ii) à la conception de la réglementation (par

exemple montant de la redevance carbone ; rigueur de la réglementation ; possibilité

d’allégements et d’exonérations ; et méthode d’allocation des quotas dans le cas d’un système

d’échange de droits d’émission) ; et iii) à d’autres considérations de politique publique (par

exemple politiques énergétiques et climatiques d’autres pays) »54. L’impact de telles mesures

dépend ainsi de l’intensité énergétique du processus de production et de l’existence de techniques

de réduction des émissions.

42. Une autre question qui fait l’objet de débats, mais avant tout de préoccupations, peut être

posée. Il s’agit de la question de « la fuite de carbone », c’est-à-dire « du risque de relocalisation

51 OMC et PNUE, Rapport « Commerce et changement climatique, juin 2009, p. 99 52 Ibid. 53 HILTUNEN (M.), Economic environmental policy instruments in Finland, Helsinki, Institut finlandais de l’environnement, p. 24. 54 OMC et PNUE, op.cit., p. 108.

16

des entreprises à forte intensité énergétique dans les pays qui ont des politiques

environnementales moins strictes »55. Or, cet enjeu a avant tout trait à la compétitivité du pays,

mais il peut avoir tout de même un impact potentiel sur les politiques d’atténuation du

changement climatique et leur efficacité.

43. Il faut savoir que la majorité des pays européens ont mis en place des systèmes de soutien

au développement des énergies renouvelables reposant sur des tarifs d’achat garantis. Cela

signifie que les énergies renouvelables sont rémunérées hors marché puisqu’un opérateur

possédant des capacités renouvelables n’aura pas à se soucier de l’optimisation de sa production

en fonction du niveau du prix de marché, sa rémunération étant garantie à tout moment.56 Les

tarifs d’achat sont les instruments les plus répandus en Europe pour soutenir le développement de

l’énergie solaire. Ils prennent la forme d’un achat de l’énergie produite à un tarif garanti par

l’État, sur une durée de plusieurs années.

44. En France, le financement du photovoltaïque se fait sous la forme d’un tarif d’achat,

ajustable chaque trimestre pour les projets de moins de 100 kW, l’action publique structurant et

accompagnant l’essor du marché. Un contrat de fourniture est établi pour une durée de 20 ans

entre chaque producteur et la compagnie de distribution (majoritairement EDF).57

45. Pour les projets de plus de 100 kW est mis en place un système d’appels d’offres, le but

étant de mettre plusieurs entreprises en concurrence pour fournir un service. L’article 33 du Code

des marchés publics définit l’appel d’offres comme « la procédure par laquelle le pouvoir

adjudicateur choisit l’attributaire, sans négociation, sur la base de critères objectifs préalablement

portés à la connaissance des candidats ». En France, la Commission de régulation de l’énergie

(CRE) en application du décret n°2002-1434 du 4 décembre 2002, « est chargée de la mise en

œuvre de la procédure d’appel d’offres : sur la base des conditions définies par la ministre

chargée de l’énergie, elle propose un projet de cahier des charges, que la ministre peut modifier

55 Ibid., p. 109. 56 Direction générale de l’énergie et du climat, « Panorama énergies – climat 2013 », http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Panorama-energies-climat_E2013.pdf [consulté le 25 février 2014] 57 Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME), « Energies et matières renouvelables -Solaire photovoltaïque - Situation actuelle et objectifs », http://www2.ademe.fr/servlet/KBaseShow?sort=-1&cid=96&m=3&catid=13921 [consulté le 10 mars 2014]

17

avant de l’arrêter. La CRE répond aux questions éventuelles des candidats, reçoit, instruit et note

les dossiers de candidature, puis donne un avis motivé, publié au Journal Officiel, sur le choix

qu’envisage d’arrêter la ministre chargée de l’énergie. » Les candidats à ces appels d’offres sont

sélectionnés sur la base de plusieurs critères (prix, impact sur l’environnement dont évaluation

carbone, faisabilité et délai de réalisation, contribution à la recherche et au développement).

46. Par conséquent, dans le cadre de la CRE, l’évaluation des réponses aux appels d’offres est

réalisée notamment en tenant compte de l’utilisation d’énergies renouvelables pour la production

d’énergie photovoltaïque. Le dernier appel d’offres lancé le 13 mars 2013 comprend ce critère

environnemental. Le cahier des charges prend « désormais en compte, outre le prix d’achat de

l’électricité produite, le bilan carbone du processus de fabrication des modules

photovoltaïques. »58 Le candidat doit fournir dans son dossier de candidature une évaluation

carbone simplifiée des modules ou des films photovoltaïques et cela conformément au modèle et

à la méthodologie figurant en annexe 4 du Cahier des charges59. Les émissions de gaz à effet de

serre liées à la production du module, aux équipements de procédés, aux bâtiments et utilités, de

même que l’énergie grise, à savoir « l’énergie nécessaire à la fabrication, des équipements

bâtiments et utilités»60 sont pris en compte dans l’évaluation carbone et font partie de la note

finale attribuée au candidat.

47. Le calcul de l’évaluation carbone simplifiée nécessite au surplus, de connaître les sites de

fabrication de chacun des composants du module ou film photovoltaïque. En effet, la quantité

d’énergie utilisée pour la fabrication des composants et la quantité de gaz à effet de serre émise

en conséquence selon la CRE, sont fortement dépendantes du pays de fabrication61. En France, le

coût de CO2 est nécessairement bas en raison du nucléaire, principale source d’énergie produisant

du photovoltaïque. Dans l’annexe 4, un tableau illustre la situation par les « Valeurs EMj du

contenu CO2 du kWh électrique par pays de consommation de l’électricité provenant d’une 58 Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, « Appel d’offres pour installations photovoltaïques de taille moyenne : 50 mégawatts de nouveaux projets », 19 février 2013 (mis à jour le 10 juin 2013), http://www.developpement-durable.gouv.fr/Appel-d-offres-pour-installations,31614.html [consulté le 27 juin 2014] 59 Commission de régulation de l’énergie, Cahier des charges de l’appel d’offres portant sur la réalisation et l’exploitation d’installations photovoltaïques sur bâtiment de puissance crête comprise entre 100 et 250 kW, en ligne le 27 juin 2014. 60 Ibid. 61 Ibid.

18

publication de l’IAE : CO2 emissions from fuel combustion, 2010 »62. La « formule 2 » calculant

le contenu de carbone intègre systématiquement la valeur « EMj », soit le contenu CO2 du pays

de fabrication, ne laissant pas de choix aux candidats sur le modèle d’évaluation carbone. Ce

référentiel-pays imposé par le calcul des évaluations carbone des candidatures peut être considéré

comme discriminatoire. En effet, la France consomme 83 g eq CO2 par kWh en 2008, tandis que

le référentiel-pays de la Chine correspond à 745 g eq CO2 par kWh, soit près de neuf fois. La

Chine est de facto discriminée puisque les panneaux solaires y sont fabriqués à partir du charbon

(sauf ressources hydrauliques, mais en quantité insuffisante à l’échelle du pays), ressource

combustible élevée en CO2. Ainsi, se pose la question de savoir s’il est discriminatoire de retenir

comme critère de sélection, dans le cadre d’appels d’offres, l’évaluation du taux de CO2 lors de la

production des panneaux solaires, sur la base d’un référentiel-pays.

48. Les mesures fondées sur les processus et méthodes de productions (ci-après PMP)

affectent sans aucun doute le commerce international. Les PMP limitent ou compliquent

l’importation ou la commercialisation de marchandises ou de services en raison de la manière

dont ils ont été fabriqués ou produits. Dès lors, si ces méthodes portent atteinte à

l’environnement, peut-on en tenir compte dans le cadre d’une politique environnementale, lors

des appels d’offres? Selon David Luff évoquant le droit de l’OMC, « les différences dans les

processus ou méthodes de production, lorsqu’ils n’affectent pas les propriétés de produits, ne

permettent pas de les différencier du point de vue juridique »63. Or, cette conception a évolué, la

jurisprudence de l’OMC ainsi que la doctrine récente plaçant un doute sur cette affirmation.

49. Le droit du commerce international existant à ce jour doit être interrogé quant à sa

capacité à faire face aux pratiques restrictives à l’exportation de produits énergétiques

qu’appliquent les États. En effet, lorsqu’il s’agit de ces appels d’offres, la question qui se pose est

de savoir jusqu’où les politiques visant à combattre les changements climatiques sont légitimes

ou, au contraire, protectionnistes. Faut-il faire primer les règles commerciales multilatérales sur la

62 Commission de régulation de l’énergie, « Valeurs EMj du contenu CO2 du kWh électrique par pays de consommation de l'électricité provenant d'une publication de l'IAE : CO2 emissions from fuel combustion, 2010 », Tableau 3, Annexe 4, Cahier des charges de l’appel d’offres portant sur la réalisation et l’exploitation d’installations photovoltaïques sur bâtiment de puissance crête comprise entre 100 et 250 kW. 63 LUFF (D.), Le droit de l’Organisation Mondiale du Commerce : Analyse critique, Bruylant, LGDJ, Bruxelles-Paris, 2004, p. 1066.

19

protection de l’environnement? Ne cache-t-on pas derrière ces politiques de protection

environnementale une discrimination entre les produits énergétiques nationaux et étrangers,

confinant au protectionnisme le plus contestable?

50. Dans quelle mesure le droit de l’OMC laisse-t-il une marge de manœuvre aux États pour

mettre en œuvre des politiques énergétiques d’énergie propre affectant les échanges? Cette

question met en exergue deux systèmes de protections établis par l’OMC. On doit en effet se

demander si ces politiques d’énergie propre concernant les panneaux solaires photovoltaïques

sont compatibles d’une part avec les règles générales du GATT de 1994 (Partie I), d’autre part

avec les accords spécifiques de l’OMC. (Partie II).

20

Partie I : Compatibilité au regard des règles générales du GATT de 1994

51. Les appels d’offres favorisant la production de panneaux solaires au moyen d’énergie

propre sont-ils compatibles avec les règles générales du GATT de 1994 ? Ces politiques sont

acceptées dans la mesure où elles ne contreviennent pas au principe de non-discrimination. Le

principe de non-discrimination posé par le droit de l’OMC s’articule autour de deux axes : le

principe d’égalité de traitement qui veille à ce que chaque État confère aux produits étrangers un

traitement non moins favorable qu’aux produits nationaux (Titre I), et la clause de la nation la

plus favorisée, selon laquelle tout État qui accorde un avantage à un autre État doit l’étendre à

l’ensemble des États (Titre II). Toutefois, ces clauses peuvent faire l’objet d’exceptions qui

légitimeraient une discrimination, en l’espèce au titre de l’article XX du GATT (Titre III).

Titre I. L’incompatibilité présumée avec l’article III:4 du GATT : la règle du

traitement national

52. Que se passe-t-il lorsque dans le cadre d’appels d’offres, une réglementation intérieure est

adoptée sur la base d’un critère environnemental, mais est de facto discriminatoire ? L’article

III:4 du GATT repose sur une logique strictement économique qui refuse toute mesure

discriminatoire, et ce, peu importe les considérations environnementales de la réglementation

litigieuse (Chapitre 1). Cependant, l’article III:8 a) du GATT pourrait peut-être agir comme un

moyen d’exclusion des mesures contestées du champ d’application de l’article III:4 du GATT

(Chapitre 2).

Chapitre 1. Les conditions entraînant la violation de l’article III:4 du GATT

53. Le mécanisme lié au bilan carbone pratiqué dans le cadre d’appels d’offres est contraire a

priori à l’article III:4 du GATT. Cette disposition du GATT applique le principe du traitement

national à « toute loi, tous règlements ou toutes prescriptions affectant la vente, la mise en vente,

l’achat, le transport, la distribution ou l’utilisation de produits sur le marché intérieur ». Trois

éléments sont nécessaires pour établir la violation de l’article III:4 du GATT :

21

- La similarité entre les produits nationaux et les produits importés (Section 1).

- L’existence d’une loi, un règlement ou une prescription affectant la vente, la mise en

vente, l’achat, le transport, la distribution ou l’utilisation de produits sur le marché

intérieur (Section 2).

- Le fait qu’un traitement moins favorable soit accordé pour les produits importés que pour

les produits similaires d’origine nationale (Section 3).

Section 1. La question de la similarité des produits

54. La jurisprudence relative à la non-discrimination entre produits similaires a évolué dans

un sens privilégiant une conception très large de la similarité (§1). La conséquence en est que le

commerce est privilégié sous l’article III:4 par rapport aux considérations environnementales,

comme le démontrent le Panel de l’OMC et l’Organe d’appel en rejetant l’approche subjective du

critère de similarité (§2).

§ 1. L’interprétation très large de la notion de similarité

55. La première étape dans l’établissement d’une violation de l’article III:4 consiste à

différencier des produits nationaux qui sont « similaires » aux produits étrangers. Le champ

d’application de l’article III:4 dépend de la manière dont le critère de similarité des produits est

appréhendé, c’est-à-dire étroitement ou largement. La portée de la similarité est plus large au

paragraphe 4 de l’article III que dans la première phrase du paragraphe 2 de ce même article.

L’article III:2 dans sa première phrase dispose que les taxes qui frappent les produits importés ne

peuvent pas être supérieures à celles qui frappent les produits nationaux similaires. Toute marge

d’imposition supérieure (même de minimis) concernant un produit importé constitue une

violation. Cela tient à ce que la portée de la première phrase de l’article III doit être considérée à

la lumière de sa relation interprétative avec la seconde phrase, ce qui n’est pas le cas à l’article

III:464.

64 OMC., « Formation en ligne de l’OMC - Mesures correctives commerciales et OMC », p. 47, http://etraining.wto.org/admin/files/Course_394/CourseContents/TR-F-R2-Print.pdf

22

56. Le critère de similarité appliqué dans le cadre de l’article III:4 a donc été interprété

largement par le Groupe spécial dans l’affaire CE — Amiante65 et s’interprétera largement,

également pour le cas d’espèce.

57. Les critères, communs aux articles I:1 et III du GATT, permettant d’appréhender la notion

de similarité ont été détaillés et systématisés par le Groupe spécial dans l’affaire CE — Amiante,

(WT/DS135/AB/R)66. Celui-ci a rappelé que « tous les critères utilisés sont interdépendants et

que le poids à leur donner varie en fonction du produit considéré »67. L’approche de l’Organe

d’appel dans cette affaire consiste à utiliser quatre critères généraux pour analyser la

« similarité » : i) propriétés, nature et qualité des produits ; ii) utilisations finales des produits ;

iii) goûts et habitudes des consommateurs - critère plus complètement appelé perceptions et

comportement des consommateurs - en ce qui concerne les produits ; et iv) classement tarifaire

des produits.

58. Comme l’explique le Professeur Maljean-Dubois, « un État ne peut invoquer les

conditions de production de tel produit – qu’il juge écologiquement acceptable – pour préférer

ces produits à tout autre »68. Sur cette base, la différenciation peut-elle être faite entre les produits

fabriqués écologiquement ou non dans le cadre d’un appel d’offres? La réponse est négative. En

effet, pour reprendre les critères de similarité dégagés par le Groupe spécial, il n’y a pas de

différence de propriétés physiques entre ces produits. Le fait d’opérer une discrimination entre le

panneau photovoltaïque produit avec une énergie faible en CO2 et un panneau dont la méthode de

production est élevée en CO2 n’en fait pas des produits non « similaires » au sens de l’article III:4

du GATT. Le procédé de production du produit photovoltaïque ne laisse en réalité pas de traces

sur le produit final puisque les caractéristiques physiques du produit final demeurent identiques.

59. Au niveau européen, la Finlande avait par exemple imposé une taxe sur l’électricité dont

65 Rapport du Groupe spécial, Communautés européennes – Mesures affectant l’amiante et les produits en contenant, WT/DS135/R, 18 septembre 2000, § 8.124 et 8.126. 66 Rapport du Groupe spécial. Communautés européennes – Mesures affectant l’amiante et les produits en contenant, WT/DS135/R, 18 septembre 2000. 67 Ibid, § 8.115. 68 MALJEAN-DUBOIS (S.) et TRUIHLÉ (E.), L’Organisation mondiale du commerce confrontée aux défis de la protection de l’environnement, comment intégrer les exigences environnementales dans le système commercial multilatéral, Rapport final au Commissariat général du plan, CERIC, juillet 2002, p. 13.

23

le taux variait en fonction du mode de production d’électricité. Elle appliquait ainsi aux

importations un taux uniforme, car elle estimait qu’il était impossible de déterminer le mode de

production de l’électricité importée une fois qu’elle était dans le réseau de distribution. Un

importateur d’électricité s’était plaint devant la Cour de Justice des Communautés européennes,

en considérant que ce taux uniforme constituait une violation du TCE interdisant toute

discrimination directe ou indirecte à l’égard des produits importés. La Cour dans l’arrêt

Outokumpu Oy de 199869 a statué en sa faveur en expliquant que « la loi finlandaise ne donnait

pas la possibilité de démontrer comment l’électricité était produite pour pouvoir bénéficier du

taux applicable à l’électricité produite dans le pays par la même méthode »70. Mais la Cour a aussi

estimé que, si une taxe différenciée était fondée sur un critère objectif et s’appliquait de la même

façon aux produits nationaux et étrangers, il était légal »71. Ici, le critère objectif de la taxe

permettait d’écarter l’application du principe de non-discrimination. Si nous faisons un parallèle

avec le principe de non-discrimination établi par le droit de l’OMC, celui-ci a une approche plus

restrictive quant à ses critères et ne permettrait sans doute pas la compatibilité de la mesure avec

les dispositions de l’OMC.

60. Dès lors, la question peut se poser de savoir s’il est possible de faire rentrer dans

l’évaluation de la similarité des critères subjectifs, par exemple la protection de la santé publique.

Dans l’affaire CE – Amiante, qui portait sur un décret français interdisant d’importer, de vendre

et d’utiliser de l’amiante, et destiné à prévenir les risques sanitaires que présentait l’exposition à

cette substance et aux produits en contenant, le Canada devait démontrer que les produits

contenant de l’amiante importé du Canada étaient similaires aux substituts nationaux français.

L’Organe d’appel a considéré, en infirmant la constatation du Groupe spécial, qu’un autre critère

devait être pris en compte pour déterminer la similarité des produits (et le rapport compétitif entre

les produits), à savoir la dangerosité que les deux produits présentaient pour la santé.72

61. La prise en considération des risques environnementaux doit-elle aboutir à une

dissemblance entre les produits photovoltaïques ? Il s’agit d’introduire dans l’interprétation de la

69 CJCE, arrêt du 2 avril 1998, Outokumpu Oy, C-213/96. 70 OMC et PNUE, op.cit., Rapport « Commerce et changement climatique, p. 112. 71 Ibid. 72 OMC., « Règles de l'OMC et politiques environnementales », Module 6, p. 5.

24

notion de similarité une différente approche qui n’obéisse pas à une logique strictement

économique.

§ 2. Le rejet de l’approche subjective du critère de similarité

62. “The mutual promise among all Members ex Article III was not to refrain from any

taxation or regulation that would have the effect of giving protection to domestic production, but

to refrain from imposing such regulation or taxation with that purpose”73. Le principe de

l’autonomie des États membres dans la définition de leurs politiques environnementales peut-il

leur permettre de prendre en compte les risques environnementaux et de qualifier les produits en

cause de non similaires ?

63. Une approche subjective du critère de similarité a été développée par différents tribunaux

internationaux pour permettre de mettre en balance les obligations internationales cherchant à

libéraliser le commerce et les investissements d’un côté, et les politiques nationales protégeant

l’environnement et les consommateurs de l’autre. Comme l’explique le Dr. Nicolas F. Diebold,

“[t]he doctrinal reasoning of the subjective standard is to argue that the tertium comparationis is

defined by the regulatory purpose of the measure under scrutiny; for instance, if the measure is

designed to protect the environment, then the products are compared on the basis of their

environmental impact. GATT 1947 jurisprudence implemented a subjective standard with the so

called ‘aim and effects’ test as part of the ‘like products’ analysis.”74

64. Cette approche a été reprise par un panel du GATT disposant que les bières de basse et

haute teneur en alcool ne sont pas « similaires » aux fins de l’article III:4 du GATT puisque les

mesures restreignant les points de vente, la distribution et l’étiquetage visaient à encourager la

consommation de bière à faible teneur en alcool75. Inversement, les vins issus de différents

cépages ont été jugés comme « produits similaires » principalement parce que l’intimé n’était pas

73 BETHLEHEM (D.), McRAE (D.), NEUFELD (R.) and VAN DAMME (I.), The Oxford handbook of International Trade Law, New York, Oxford University Press, 2009. 74 DIEBOLD (N.), “Non-discrimination and the pillars of international economic law”, June 30, 2010, SIEL 2010 Conference in Barcelona, Published by the Society of International Economic Law, http://www.ssrn.com/link/SIEL-2010- Barcelona-Conference.html 75 Ibid.

25

en mesure de fournir “any valid public policy purpose in support of its differential tax

treatment”76.

65. Cette approche subjective de la similarité permettrait-elle de prendre en compte les

objectifs environnementaux poursuivis par les États dans leurs appels d’offres par exemple, et

cela sans que ces mesures internes soient discriminatoires ?

66. Il aurait été possible de transposer ce standard aux panneaux photovoltaïques fabriqués à

partir d’énergie propre pour justifier la discrimination faite avec les panneaux fabriqués à partir

d’énergies plus polluantes. Cependant, ce test a été rejeté, “subsequently the WTO panel and

Appellate Body strongly rejected the ‘aim and effects’ test for purposes of both GATT and

GATS.”77 Selon les professeurs DiMascio et Pauwelyn, “this shift back to a more intrusive

interpretation of national treatment is largely explained by the Appellate Body's textual approach

to treaty interpretation, as was directed by WTO negotiators in the WTO treaty itself78.

67. Ce refus formel de l’ORD d’utiliser une autre approche empêche ainsi tout recours à

l’approche subjective de la notion de « similarité » pour les produits photovoltaïques fabriqués de

manière différente dans le cadre de l’article III:4 du GATT. Les panneaux photovoltaïques

fabriqués de manière polluante ou non sont donc objectivement similaires et constituent en ce

sens une discrimination au regard du principe de traitement national.

Section 2. Des actes normatifs juridiques devant affecter les conditions de concurrence des

produits

68. Pour démontrer qu’une mesure nationale constitue une violation de l’article III:4, il faut

démontrer en deuxième lieu « l’existence d’une loi, un règlement ou une prescription affectant la

vente, la mise en vente, l’achat, le transport, la distribution ou l’utilisation de produits sur le

76 GATT Panel Report, United States – Measures Affecting Alcoholic and Malt Beverages (US – Malt Beverages), DS23/R, adopted 19 June 1992, BISD 39S/206, § 5.23-26, 5.70-77; GATT Panel Report, United States – Taxes on Automobiles (US – Taxes on Automobiles), DS31/R, 11 October 1994, unadopted, § 5.10. 77 DIEBOLD (N.), op.cit.,“Non-discrimination and the pillars of international economic law”, p.7. 78 DIMASCIO (N.) and PAUWELYN (J.), “Non-discrimination in Trade and Investment Treaties: Worlds apart or two sides of the same coin?”, The American Journal of International Law, Vol. 102:48, p. 64.

26

marché intérieur »79. La démonstration de l’existence d’une réglementation nationale a été admise

par les Groupes spéciaux de manière large80. Les « lois, règlements ou prescriptions » couvrent

« non seulement les actes normatifs juridiques obligatoires, mais aussi les engagements que les

entreprises acceptent volontairement afin d’obtenir un avantage du gouvernement ou les

instructions non obligatoires de la puissance publique qui créent un incitant pour les entreprises à

se comporter d’une manière déterminée. »81

69. La notion d’ « actes normatifs juridiques obligatoires »82 peut recouvrir les prescriptions

adoptées dans le cadre des appels d’offres de la CRE83, puisque dans le calcul de l’évaluation

carbone simplifiée, celui-ci doit obligatoirement être conforme aux exigences de l’annexe 4,

empêchant les candidats de contourner le référentiel-pays. Le candidat ne peut présenter sa

propre méthode d’évaluation du contenu CO2 de l’énergie qu’il utilise pour fabriquer ses

panneaux photovoltaïques, ce qui en fait un acte normatif juridique obligatoire.

70. L’article III:4 englobe, comme le précise sa note interprétative annexée au GATT, les

règlementations perçues ou imposées au produit importé « au moment ou au lieu de

l’importation »84. Or, comme l’explique Marie-Pierre Lanfranchi, cette disposition ne permet pas

de déterminer si l’article III:4 est limité aux règlementations touchant directement les produits ou

s’il inclut également les règlementations qui, à travers le produit, visent le processus de

production comme en l’espèce l’évaluation carbone.

71. En l’occurrence, cette question a été mise en avant dans les affaires États-Unis -

79 Voir en ce sens par exemple : Rapport de l’Organe d’appel, Corée – Mesures affectant les importations de viande de bœuf fraîche, réfrigérée et congelée, WT/DS161/AB/R, WT/DS169/AB/R, 11 décembre 2000, §133 ; Rapport du Groupe spécial, Inde – Mesures concernant le secteur automobile, WT/DS146/R, WT/DS175/R, 21 décembre 2001, § 7.172, etc. 80 LUFF (D.), op.cit., Le droit de l’Organisation Mondiale du Commerce : Analyse critique, p. 94. 81 Ibid, p. 95. 82 Ibid, p. 94. 83 Ibid. 84 LANFRANCHI (M.-P.), « L’intégration des considérations environnementales dans les principes de l’OMC – le principe de non-discrimination entre produits similaires » in : MALJEAN-DUBOIS (S.) (dir.), Droit de l’Organisation Mondiale du Commerce et protection de l’environnement, Bruylant, Bruxelles, 2003, p. 81.

27

Restrictions à l’importation de thon85, où une loi américaine interdisait les importations de thon

dès lors que la capture de ces mammifères résultait de techniques de pêche présentant un danger

pour les dauphins86. Les États-Unis avançaient que les dispositions de l’article III:4 ne

s’appliquaient pas en l’espèce, car le thon importé n’était pas similaire au thon américain. À

l’inverse du thon américain, le thon importé notamment du Mexique était capturé vivant selon

des techniques non écologiques87. La question se posait donc de savoir si les règles commerciales

autorisaient de prendre des mesures contre la méthode de production d’une marchandise et non

contre la qualité de la marchandise elle-même. Le Professeur Marie-Pierre Lanfranchi en conclut

qu’en « transpos[ant] les conclusions relatives à la portée de l’article III:2 figurant dans le rapport

sur les Ajustements fiscaux à la frontière, le Groupe de travail constate que si l’article III:2 ne

concerne que les impositions intérieures qui frappent les produits, il serait illogique d’admettre

dans le même temps que l’article III:4 s’applique à des réglementations qui ne visent pas le

produit en tant que tel. […] [E]n d’autres termes, si l’article III:4 vise bien la similarité des

produits, il reste indifférent au processus de production »88. Dès lors, « l’article III:4 et sa note

interprétative ne s’appliquent pas aux réglementations qui ne peuvent affecter le produit en tant

que tel et qui accorderaient un traitement moins favorable aux produits similaires dont le mode de

production n’est pas conforme aux politiques intérieures du pays importateur »89. Une fois de

plus, la protection de l’environnement dans la mise en œuvre de l’article III:4 est reléguée au

profit d’une analyse purement économique faisant prévaloir le critère concurrentiel.

72. Ces rapports des Groupes spéciaux du GATT n’ont toutefois pas été adoptés, rendant leur

valeur incertaine sous l’empire de l’OMC. Il est néanmoins possible d’en conclure que sous

l’autorité de l’article III:4, l’évaluation carbone en tant que règlement intérieur serait

difficilement compatible avec ses dispositions en ce qu’elles altèrent les conditions de

concurrence des panneaux photovoltaïques étrangers.

85 Rapport du Groupe spécial, États-Unis – Restrictions à l’importation de thon, DS21/R - 39S/174, distribué le 3 septembre 1991, non adopté ; Rapport du Groupe spécial, États-Unis– Restrictions à l’importation de thon, distribué le 16 juin 1994, DS29/R, non adopté. 86 Ibid. 87 LANFRANCHI (M.-P.), op.cit., « L’intégration des considérations environnementales dans les principes de l’OMC – le principe de non-discrimination entre produits similaires », p. 82. 88 Ibid. 89 Ibid.

28

73. En effet, les lois, règlements ou prescriptions doivent de plus « affecter » les conditions de

concurrence des produits donnés90. Cette notion a été interprétée de manière large et « inclut toute

mesure qui a un effet sur la commercialisation des produits considérés et non seulement les

mesures qui régissent directement les conditions de la vente, de la mise en vente, de l’achat, etc.,

de ces produits »91. L’évaluation carbone, dans notre cas, altère sans conteste les conditions de

concurrence entre les produits fabriqués ou non à partir d’énergie basse en CO2 dans la mesure où

ceux-ci concourent tous deux sur le marché des appels d’offres.

Section 3. Un traitement « moins favorable » réservé aux produits étrangers

74. Ce principe de traitement national se retrouve aussi à l’article III:5 du GATT qui dispose

qu’ « aucune partie contractante n’établira ni ne maintiendra de réglementation quantitative

intérieure concernant le mélange, la transformation ou l’utilisation, en quantités ou en proportion

déterminées, de certains produits, qui exigerait, directement ou indirectement, qu’une quantité ou

une proportion déterminée d’un produit visé par la réglementation provienne de sources

nationales de production. » Cette disposition interdit ainsi les mesures qui ont pour effet de

favoriser une production nationale de produits fabriqués en amont d’un produit fini92. Toutefois,

pour être appliquée, la mesure en cause doit « imposer un pourcentage déterminé d’intrants

matériels (et non de services) devant être utilisés pour la fabrication d’une marchandise »93. Or,

en l’espèce, dans le cadre des appels d’offres de la CRE notamment, il s’agit d’une évaluation du

taux de carbone utilisé pour la production de panneaux solaires et non a priori de l’utilisation

d’un pourcentage déterminé d’énergie verte provenant de sources nationales de production. Dès

lors, l’article III:5 ne trouve pas à s’appliquer.

75. Si l’article III:5 ne s’applique pas, la question se pose de savoir si l’article III:4 pourrait

l’être. Afin d’établir une violation de l’article III:4 par la mesure controversée, il faut démontrer

le fait qu’un traitement moins favorable ait été accordé pour les produits importés par rapport aux

90 Rapport du Groupe spécial, Inde – Mesures concernant le secteur automobile, WT/DS146/R, WT/DS175/R, 21 décembre 2001, § 7.197. 91 LUFF (D.), op.cit., Le droit de l’Organisation mondiale du commerce : Analyse critique, p. 95. 92 Rapport du Groupe spécial du GATT de 1947, États-Unis – Mesures affectant l’importation, la vente et l’utilisation de tabac sur le marché intérieur, adopté le 4 octobre 1994, DS44/R, § 67. 93 Ibid.

29

produits similaires d’origine nationale. Cette différence de traitement doit s’ajouter à des

conditions de concurrence moins favorables pour les produits importés dans le marché en

question94, en l’espèce celui des appels d’offres concernant les installations photovoltaïques.

76. En effet, comme l’illustre le Professeur Dimascio, “GATT national treatment is about

competitive opportunities, not actual trade flows”95. Le traitement national sous l’empire du

GATT est axé sur l’égalisation des possibilités de concurrence des importations par rapport aux

produits nationaux. La question centrale est de savoir si la différence de traitement a eu pour effet

d’aggraver les possibilités de concurrence des produits par rapport aux produits nationaux

similaires. Le Professeur y répond en établissant que “[t]he Appellate Body's test makes no room

for the achievement of legitimate regulatory objectives that also have incidental protectionist

effects.”96

77. Face à une telle conclusion, les professeurs Carreau et Juillard posent la question de

savoir si une « application non-discriminatoire de la clause de traitement national n’est-elle pas

en elle-même de nature à freiner les échanges et à se révéler protectionniste lorsqu’un pays

importateur prétend imposer ses « normes de protection » pour des motifs au demeurant

parfaitement légitimes et honorables ? »97. Ici, ressort à nouveau la controverse entre la

compatibilité des mesures nationales avec les objectifs environnementaux et la liberté du

commerce international. La principale réponse à ce débat réside dans l’objet même de l’article

III:4 du GATT, sa vocation étant avant tout d’offrir l’égalité des conditions de concurrence aux

produits importés par rapport aux produits nationaux. Les États membres utilisent ainsi d’autres

dispositions du GATT pour justifier leurs dispositions internes visant la protection de

l’environnement. En résumé, face à cette approche strictement concurrentielle de l’article III:4 du

GATT, dans le cadre d’appels d’offres, dès lors qu’une mesure a pour effet d’altérer les

conditions de concurrence entre produits similaires, celle-ci est de facto considérée comme

contraire à cette disposition. L’évaluation carbone sera réputée contraire à l’article III:4 du

GATT.

94 LUFF (D.), op.cit., p. 96. 95 DIMASCIO (N.) and PAUWELYN (J.), op.cit., “Non-discrimination in Trade and Investment Treaties: Worlds apart or two sides of the same coin?”, p. 64. 96 Ibid. 97 CARREAU (D.) et JUILLARD (P.), Droit international économique, Dalloz, 2013, 5ème éd., Paris, p. 228.

30

Chapitre 2. L’application de l’article III:8 a) du GATT comme moyen d’exclusion des

mesures contestées du champ d’application de l’article III:4 du GATT

78. Les Groupes spéciaux dans l’affaire Canada, certaines mesures affectant le secteur de la

production d’énergie renouvelable ont considéré que « toute transaction relative à une acquisition

des pouvoirs publics qui est visée par les termes de l’article III:8 a) du GATT de 1994 sera exclue

du champ des obligations énoncées à l’article III, y compris l’article III:4 »98. L’article III:8 a)

fais partie de ces exceptions spécifiques à l’application de la règle du traitement national. Cette

disposition concerne les marchés publics dans le cas où les produits nationaux achetés par les

pouvoirs publics sont utilisés pour leurs propres besoins, et non à des fins de revente. Ainsi, « les

achats par les pouvoirs publics agissant en qualité de puissance publique peuvent donc privilégier

les marchandises nationales par rapport aux marchandises importées. En revanche, cela reste

interdit pour les acquisitions faites par l’État agissant à titre privé ou dans le cadre d’une activité

commerciale. »99

79. La question se pose de savoir si l’évaluation carbone dans le cadre de l’appel d’offres est

ainsi exclue du champ d’application de l’article III:4 du GATT de 1994 en vertu de l’application

de l’article III:8 a) du GATT de 1994. Dans l’affaire Canada, certaines mesures affectant le

secteur de la production d’énergie renouvelable100, le produit en cause faisant l’objet d’une

discrimination en raison de son origine n’était pas l’électricité, mais le matériel de production

nécessaire à sa fabrication. L’Organe d’appel a distingué ces deux produits et en a conclu qu’ils

ne se trouvaient pas dans un rapport de concurrence. Au regard de son analyse, « le matériel de

production est acheté par les producteurs eux-mêmes. En conséquence, le produit acheté par un

organe gouvernemental aux fins de l’article III:8 a) – à savoir l’électricité – n’est pas le même

que le produit qui est traité moins favorablement à la suite des niveaux minima requis de teneur

en éléments nationaux figurant dans le programme et les contrats TRG. »101

98 Rapport des Groupes spéciaux, Canada - certaines mesures affectant le secteur de la production d'énergie renouvelable, DS412-DS426, adopté le 19 décembre 2012, §7.118. 99 LUFF (D.), op.cit., Le droit de l’Organisation mondiale du commerce : Analyse critique, p. 98. 100 Rapport de l’Organe d’appel, Canada - certaines mesures affectant le secteur de la production d'énergie renouvelable, DS412-DS426, adopté le 6 mai 2013. 101 Ibid, p. 110, §5.75.

31

80. La dérogation prévue à l’article III:8 a) du GATT de 1994 ne couvre pas le matériel de

production et ne peut dès lors s’appliquer aux appels d’offres de notre cas d’espèce.

Titre II. L’incompatibilité présumée avec l’article I:1 du GATT : la règle du

traitement de la nation la plus favorisée

81. Le deuxième versant du principe de non-discrimination se trouve dans la règle du

traitement de la nation la plus favorisée. Défini à l’article I:1 du GATT, il dispose que tous

avantages, faveurs, privilèges ou immunités accordés à un produit originaire d’un membre de

l’OMC doivent immédiatement et sans condition être étendus à tous les produits similaires

originaires des autres membres de l’OMC. Pour déterminer si l’évaluation carbone dans le cadre

d’appels d’offres est incompatible avec l’article I:1, il faut déterminer si cette mesure entre dans

le champ d’application de la règle de la nation la plus favorisée (Chapitre 1). Puis, si celle-ci

couvre les conditions entraînant la violation de l’article I:1 (Chapitre 2).

Chapitre 1. Le champ d’application de la règle de la nation la plus favorisée

82. L’objet et le but de l’article I:1 du GATT ont été définis dans l’affaire Canada - Certaines

mesures affectant l’industrie automobile ("Canada - Industrie automobile") comme « consist[a]nt

à interdire la discrimination à l’égard de produits similaires originaires ou à destination de

différents pays »102. L’article I:1 se lit en liaison avec l’article III qui interdit toute discrimination

entre produits importés et produits nationaux, auquel se rajoute le principe de non-discrimination

entre les importations provenant de différents pays. En d’autres termes, lorsque l’État membre

légifère en matière fiscale ou règlementaire, il doit accorder un traitement aussi favorable aux

produits importés qu’aux produits nationaux, mais de plus, ce traitement devant également être

aussi favorable que celui des importations similaires d’autres pays.

102 Rapport de l’Organe d’appel, Canada — Certaines mesures affectant l'industrie automobile, WT/DS139/AB/R, WT/DS142/AB/R, adopté le 19 juin 2000, §84.

32

83. L’ORD a confirmé dans de nombreuses décisions qu’une mesure peut être discriminatoire

non seulement en droit (de jure), mais aussi en fait (de facto). Une mesure établissant une

discrimination de jure se définit comme telle, « lorsqu’il ressort clairement du libellé de

l’instrument juridique qu’elle confère un avantage à un produit en provenance d’un Membre ou

d’un non-Membre, sans accorder un tel avantage aux produits similaires en provenance de tous

les autres Membres de l’OMC »103. Toutefois, « lorsque la discrimination ne ressort pas à

première vue de l’instrument juridique ou de son texte, la mesure peut quand même être

discriminatoire de facto, ou dans la pratique »104.

84. L’Organe d’appel dans l’affaire Canada —Industrie automobile, suivant la lignée de cette

jurisprudence, a estimé que « l’article I:1 ne vise pas uniquement la discrimination “en droit” ou

de jure. Comme il a été confirmé dans plusieurs rapports de groupes spéciaux du GATT, l’article

I:1 vise aussi la discrimination “de fait” ou de facto »105. Il y a discrimination de facto lorsqu’un

instrument juridique apparemment neutre est en fait ou de fait discriminatoire106. Dans les appels

d’offres en cause, l’évaluation carbone ne discrimine pas entre les produits étrangers similaires

dans son texte même. C’est à cet égard qu’il faut examiner, pour établir l’existence d’une

discrimination de facto, tous les faits afférents à l’application de la mesure contestée. Cette

appréciation de fait « s’effectue en fonction des conditions de concurrence du marché des

produits en cause »107.

85. Le traitement de la nation la plus favorisée a une certaine incidence sur les politiques de

protection de l’environnement. En effet, si ce principe signifie que les États membres s’engagent

à ne pas faire de discrimination entre les pays et à ne traiter aucun pays moins favorablement

qu’un autre, cette exigence a cours pour les normes en matière d’environnement.

103 OMC., Commerce des marchandises, Le principe de non‐discrimination: le traitement de la nation la plus favorisée (NPF) et le traitement national dans l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) de 1994, Module 2, http://etraining.wto.org/admin/files/Course_383/Module_1081/ModuleDocuments/eWTO-M2-R1-F.pdf [consulté le 30 juin 2014] 104 Ibid. 105 Rapport de l’Organe d’appel, Canada — Certaines mesures affectant l'industrie automobile, WT/DS139/AB/R, WT/DS142/AB/R, adopté le 19 juin 2000, §78. 106 OMC., op.cit., Commerce des marchandises, Le principe de non‐discrimination: le traitement de la nation la plus favorisée (NPF) et le traitement national dans l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) de 1994. 107 LUFF (D.), op.cit., Le droit de l’Organisation mondiale du commerce : Analyse critique, p. 43.

33

Chapitre 2. Les conditions entrainant la violation de l’article I.1 du GATT

86. L’établissement de la violation de l’article premier du GATT, implique la vérification de

trois éléments : un avantage doit avoir été conféré (Section 1), puis étendu « immédiatement et

sans condition » (Section 2) aux produits similaires de différentes origines108 (Section 3).

Section 1 : La notion d’avantage conféré

87. Il est nécessaire de déterminer en premier lieu si la mesure incriminée constitue un

avantage au sens de l’article I:1. Un avantage « consiste en tout traitement favorable, quel qu’en

soit sa nature, qui facilite l’importation, l’exportation ou la commercialisation des marchandises.

Sont donc visés aussi bien les réductions tarifaires que tous les avantages compétitifs non

tarifaires pouvant être accordés à des marchandises »109.

88. Reprenant cette notion d’avantage conféré, l’Organe d’appel dans l’affaire Communautés

européennes – Régime applicable à l’importation, à la vente et à la distribution des bananes,

« dite Bananes III »110, a confirmé la constatation du Groupe spécial selon laquelle les règles

relatives aux fonctions, qui s’appliquaient uniquement aux règles d’attribution des certificats pour

les importations en provenance de pays autres que les pays ACP traditionnels, étaient

incompatibles avec l’article I:1. Selon l’Organe d’appel, l’exigence des CE en matière de licences

d’exportation accordait un avantage à certains membres seulement, à savoir les pays signataires

de l’Accord‐ cadre, en violation de l’article I:1.111 Cette jurisprudence peut être transposée au cas

d’espèce. Dans les appels d’offres en cause, tout pays produisant des panneaux photovoltaïques

grâce à des énergies vertes se verra accorder une meilleure note sous l’évaluation carbone,

discriminant ainsi les produits similaires en provenance d’autres pays. Ces appels d’offres

privilégient un nombre limité de fabricants qui sont tenus de remplir certaines conditions en

matière de méthode de fabrication. L’exigence de la France en matière environnementale accorde

donc un avantage à certains membres (à savoir les pays peu énergivores en énergies polluantes) 108 Article I:1 du GATT. 109 LUFF (D.), op.cit., p. 43. 110 Rapport de l’Organe d’appel, Communautés européennes – Régime applicable à l’importation, à la vente et à la distribution des bananes, distribué le 9 septembre 1997, WT/DS27/AB/R. 111 Rapport de l’Organe d’appel, Communautés européennes – Régime applicable à l’importation, à la vente et à la distribution des bananes, distribué le 9 septembre 1997, WT/DS27/AB/R, p. 100-101.

34

qui n’est pas offert aux autres membres.

Section 2 : L’obligation inconditionnelle d’étendre tous les avantages accordés

89. L’Organe d’appel dans l’affaire Bananes III a indiqué qu’il devait y avoir « un avantage

du type visé audit article et qui n’est pas accordé sans condition à tous les "produits similaires" de

tous les Membres de l’OMC ». Suivant cette analyse, l’obligation d’étendre tous les avantages

accordés aux produits similaires originaires des autres membres de l’OMC « ne peut être

subordonnée à l’obtention d’avantages réciproques dans le chef des pays tiers bénéficiaires ou à

la réalisation de conditions relatives à la situation ou au comportement de ces pays »112.

90. Le Groupe spécial dans l’affaire Canada —Industrie automobile a toutefois précisé que

l’octroi d’un avantage en soi peut être soumis à certaines conditions, « [u]n avantage peut être

accordé sous réserve de conditions sans que cela implique nécessairement qu’il n’est pas accordé

« sans condition » au produit similaire des autres Membres. Plus précisément, le fait que les

conditions associées à un tel avantage sont sans lien avec le produit importé lui-même n’implique

pas nécessairement que ces conditions soient discriminatoires quant à l’origine des produits

importés »113.

91. En pratique, l’évaluation carbone en cause dans les appels d’offres de la CRE n’accorde

pas immédiatement et sans condition le même avantage aux produits similaires de tous les autres

membres, comme l’exige l’article I:1 du GATT de 1994. L’avantage est accordé pour certains

produits originaires de certains pays, leur donnant une marge de manœuvre préférentielle, sans

être accordé aux produits similaires en provenance de tous les autres membres. En effet, les

produits originaires de pays à faible consommation de CO2 se verront accorder une meilleure

note dont ne bénéficieront pas les produits similaires en provenance d’autres pays. En

conséquence, cette mesure n’est pas compatible avec les obligations de la France au titre de

l’article I:1 du GATT de 1994.

112 LUFF (D.), op.cit., p. 44. 113 Rapport du Groupe spécial, Canada – Certaines mesures affectant l'industrie automobile, adopté le 19 juin 2000, WT/DS139/R WT/DS142/R, p. 413, §10.24.

35

92. À cet égard, peut être mentionnée l’affaire États-Unis — Prohibition à l’importation de

certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes114, « dite Crevettes-tortues ». Ici, le

reproche fait aux États-Unis n’a pas été d’avoir adopté des mesures pour protéger

l’environnement, mais d’avoir établi une discrimination entre les membres de l’OMC. En effet,

les États-Unis « accordaient aux pays de l’hémisphère occidental — essentiellement dans les

Caraïbes — une assistance technique et financière et des délais de transition plus longs pour que

leurs pêcheurs se mettent à utiliser des dispositifs d’exclusion des tortues. Ils n’accordaient

cependant pas les mêmes avantages aux quatre pays d’Asie (Inde, Malaisie, Pakistan et

Thaïlande) qui ont porté plainte devant l’OMC. »115 L’Organe d’appel en a conclu à une

discrimination arbitraire et injustifiable entre les membres de l’OMC et à la violation du

paragraphe g) de l’article XX du GATT de 1994. Comme le souligne David Luff, « l’obligation

d’étendre des avantages conférés à des produits immédiatement et sans condition aux produits

similaires originaires de tous les pays et l’interdiction de toute discrimination, en droit ou en fait,

entre ces produits sont une expression différente du même principe juridique »116.

Section 3 : La notion juridique de similarité entre produits de différentes origines

93. La clause de la nation la plus favorisée est fondée sur la notion de produits similaires. Elle

consiste « dans le fait que si des produits similaires ne peuvent faire l’objet de discriminations

entre eux, en revanche, il est possible de traiter différemment différentes catégories de

produits »117. Or ici, comme pour la règle du traitement national, la similarité s’établit-elle au seul

regard de l’utilisation finale des produits ou prend-elle également en compte le processus de

fabrication ?118 Nous parviendrons à la même conclusion que pour l’article III du GATT, selon

laquelle le principe de non-discrimination interdit toute différenciation des produits au regard de

leur seul processus de fabrication.

114 Rapport de l’Organe d’appel, États-Unis — Prohibition à l'importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes, adopté le 6 novembre 1998, WT/DS58/AB/R. 115 OMC., « Inde etc./États-Unis: l'affaire “crevettes-tortues” », Environnement, Différends n°58 et 61, http://www.wto.org/french/tratop_f/envir_f/edis08_f.htm [consulté le 30 juin 2014] 116 LUFF (D.), op.cit., p. 44. 117 Ibid, p. 45. 118 MALJEAN-DUBOIS (S.) et TRUIHLÉ (E.), L’Organisation mondiale du commerce confrontée aux défis de la protection de l’environnement, comment intégrer les exigences environnementales dans le système commercial multilatéral, Rapport final au Commissariat général du plan, CERIC, juillet 2002, p. 13.

36

94. Ces obstacles juridiques empêchant d’intégrer les PMP (Processus et Méthodes de

Production) dans l’analyse de similarité ont été décrits comme conférant une grande rigidité aux

articles III:4 et notamment I:1 du GATT. S’ils sont liés aux principes de souveraineté et de

prévisibilité du système commercial multilatéral, cette interprétation de la similarité comporte le

risque « de diminuer la compétitivité des producteurs nationaux ; puisque l’État d’importation ne

peut étendre aux produits importés les taxes et réglementations relatives aux PMP par ailleurs

applicables aux produits nationaux, il s’ensuit une augmentation de prix des produits nationaux.

Ces derniers sont mis en concurrence sur le marché national et sur le marché mondial avec des

produits fabriqués à un moindre coût, donc potentiellement moins chers. »119 Cette diminution de

la compétitivité des producteurs nationaux peut dès lors inciter les États d’importation à renoncer

à la mise en place de règlementations protégeant l’environnement. Selon le professeur

Lanfranchi, « il semble bien que de telles préoccupations aient par exemple motivé la décision de

la commission européenne de renoncer à son projet de taxer les émissions carbone en 1992. »120

95. Il est ainsi possible d’en conclure que la prise en compte de considérations

environnementales établissant une discrimination entre les produits similaires nationaux et les

produits importés et ces derniers entre eux en fonction de leur origine était contraire au principe

de non-discrimination posé par les principes de traitement national et de la nation la plus

favorisée. Toutefois, même s’il est constaté qu’une mesure est incompatible avec les disciplines

de l’OMC, cette mesure peut se justifier au titre d’une des exceptions générales du GATT, si elle

vise à protéger l’environnement et si son application ne révèle pas d’intention protectionniste.

119 LANFRANCHI (M.-P.), « L’intégration des considérations environnementales dans les principes de l’OMC – le principe de non-discrimination entre produits similaires », in : RUIZ FABRI (H.) et GRADONI (L.) (dir), La circulation des concepts juridiques : le droit international de l’environnement entre mondialisation et fragmentation, Société de législation comparée, Paris, 2009, p. 90. 120 Ibid.

37

Titre III. La discrimination légitimée par l’article XX du GATT : une

exception environnementale

96. L’article XX du GATT contient des exceptions à caractère général destinées à protéger

des intérêts autres que commerciaux (Chapitre 2). Ces exceptions permettent d’intégrer des

considérations environnementales dans les principes de l’OMC, permettant aux États d’adopter

des politiques protégeant des objectifs légitimes qui seraient à l’abri de toute contestation

commerciale (Chapitre 1).

Chapitre 1. L’intégration des considérations environnementales dans les principes de

l’OMC

97. Ainsi, même si l’OMC demeure avant tout une organisation internationale économique, il

existe des interférences entre les domaines qui empêchent le repli du domaine économique sur

lui-même. Cet objectif environnemental a été consacré par les textes, mais aussi par la

jurisprudence de l’OMC (Section 1). La prise en compte de domaines non économiques telle que

la protection de l’environnement peut donc influer sur l’interprétation faite d’un traité lorsque ces

valeurs poursuivies sont communes à plusieurs États. Ces mesures restrictives que les États

peuvent prendre en vue de protéger un des objectifs visés à l’article XX ne peuvent en principe

viser que les activités, comportements, personnes ou autres qui sont soumis à leur propre sphère

de compétence. Or, la question s’est posée de savoir si les États pouvaient adopter des mesures

présentant des effets extraterritoriaux (Section 2).

Section 1. L’objectif environnemental consacré par les textes et la jurisprudence de l’OMC

98. Il existe un objectif environnemental clairement affiché au sein de l’OMC et plus

spécialement dans son Préambule (§1). Toutefois, les textes intégrant une dimension

environnementale sont plutôt maigres, la juridiction de l’OMC et surtout celle du GATT « étaient

et sont encore plus ou moins laissées à elles-mêmes dans le développement de leur

38

jurisprudence. »121 Ces juridictions ont dû dès lors pour justifier cette prise en compte de la

protection de l’environnement construire une interprétation téléologique de l’objet et du but de

l’OMC. Sur cette base d’induction, l’objectif environnemental a permis à la jurisprudence de

l’ORD d’étendre le champ d’application de l’article XX du GATT (§2).

§ 1. L’interprétation téléologique du Préambule de l’Accord instituant l’OMC et de l’article XX

99. Le Préambule de l’Accord instituant l’OMC se réfère, comme l’illustre le professeure

Sandrine Maljean-Dubois, explicitement à l’objectif de protection de l’environnement : « Les

Parties au présent accord reconnaiss[e]nt que leurs rapports dans le domaine commercial et

économique devraient être orientés vers le relèvement des niveaux de vie […]tout en permettant

l’utilisation optimale des ressources mondiales conformément à l’objectif de développement

durable, en vue à la fois de protéger et préserver l’environnement et de renforcer les moyens

d’y parvenir d’une manière qui soit compatible avec leurs besoins et soucis respectifs à

différents niveaux de développement économique ». Les dispositions du Préambule de

l’Accord sont dépourvues de valeur juridique contraignante, mais l’Organe d’appel s’y est tout de

même référé à plusieurs reprises. Il en a ainsi conclu que ce texte devait « éclairer, ordonner et

nuancer [leur] interprétation des accords annexés à l’Accord sur l’OMC, le GATT de 1994 en

l’espèce »122 qu’il convenait de lire à la « lumière dudit préambule »123. Dans la même veine, des

instruments postérieurs adoptés par l’OMC comme la Déclaration de Doha consacrent plusieurs

dispositions relatives à la protection de l’environnement. Malgré tout, si cette prise en compte de

l’environnement trouve ses références dans le Préambule, elle y trouve aussi ses limites.124

100. En effet, comme l’exprime le professeur Kolb, la question peut se poser de savoir si le

renvoi aux considérations environnementales du Préambule de l’OMC n’est pas qu’ « une finalité

abstraite qui résulte finalement d’une absence de vues réellement communes entre les parties,

121 TOMKIEWICZ (V.), « L’interprétation téléologique au sein de l’OMC et la question environnementale », in : RUIZ FABRI (H.) et GRADONI (L.) (dir), La circulation des concepts juridiques : le droit international de l’environnement entre mondialisation et fragmentation, Société de législation comparée, Paris, 2009, p. 247. 122 Rapport de l’Organe d’appel, États-Unis, Prohibition à l’importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes, adopté le 12 octobre 1998, WT/DS58/AB/R, §§ 152-153. 123 Ibid, § 154. 124 TOMKIEWICZ (V.), op.cit.

39

auquel cas une approche trop exclusivement téléologique risquerait d’accroitre la portée des

obligations par voie de projection. »125 Ce fut une des critiques faites par la délégation

pakistanaise dans le rapport de l’Organe d’appel dans l’affaire États-Unis – Prohibition à

l’importation de crevettes et de certains produits à base de crevettes (dit Crevettes-tortues),

« […] la théorie des interprétations évolutives de l’Organe d’appel, qui était destinée à justifier

les constatations selon lesquelles les animaux étaient visés par l’article XX g), avait vidé de leur

sens l’article XX b) et les normes pourtant élevées prévues dans ce dernier article. En adoptant

cette théorie, l’Organe d’appel mettait en cause la prévisibilité du système de règlement des

différends […]. L’interprétation de l’Organe d’appel avait pour résultat logique d’étendre

dangereusement la portée de l’article XX g), ce qui ouvrait la porte à nombre de mesures

environnementales liées au commerce qui risquaient de menacer la viabilité des autres

engagements négociés dans le cadre de l’OMC »126. La délégation indienne s’est elle aussi

inquiétée de cette approche téléologique faite par l’Organe d’appel, en notant que « cette idée qui

reposait sur la conception évolutive prônée par l’Organe d’appel en matière d’interprétation était

dangereuse et ne recueillait pas l’approbation des Membres. Faire référence à des

« préoccupations actuelles » pour justifier un changement d’interprétation de l’expression

« ressources naturelles épuisables » revenait soit à modifier, soit à interpréter de manière

discrétionnaire l’accord existant, ce que seuls les Membres avaient la faculté de faire »127.

101. La jurisprudence de l’ORD a toutefois fait fi de ces critiques. Si dans un premier temps

elle a adopté une vision restrictive du champ d’application de l’article XX, elle s’est ensuite

ravisée dans son rapport États-Unis – Crevettes-tortues concernant notamment l’interprétation de

l’expression « ressources naturelles épuisables » où elle admet une approche large de la notion.

§ 2. L’adoption d’une méthode d’interprétation évolutive de l’article XX du GATT

102. Avant de déterminer si l’article XX du GATT est applicable au cas d’espèce, il faut se

poser la question préliminaire de sa nature. Cette disposition doit-elle être interprétée comme une

125 KOLB (R.), Interprétation et création du droit international, Bruxelles, Bruylant, 2006, p. 552. 126 BOISSON DE CHAZOURNES (L.), « Le système de l’OMC est-il adapté pour le règlement des différends environnementaux », in : MALJEAN-DUBOIS (S.) (dir.), Droit de l’Organisation Mondiale du Commerce et protection de l’environnement, Bruylant, Bruxelles, 2003, p. 391. 127 Ibid.

40

exception classique ou comme un droit ayant la même valeur que les autres droits découlant du

GATT ?128

103. Le terme exception renvoie à ce qui est en dehors de la règle, à une particularité. Au

regard de la première approche, pour les partisans de cette conception restrictive, « si

l’interprétation large de cette exception était permise, l’objectif poursuivi dans le texte risquerait

d’être compromis et l’exception pourrait devenir la règle. L’interprétation restrictive est donc de

mise à l’égard de dispositions qui dérogent aux principes qu’énonce le texte. »129 Cette thèse a été

celle adoptée initialement par les Groupes spéciaux130. Ainsi, dans l’affaire Thon I, le Groupe

spécial se réfère expressément à cette vision restrictive, « si l’on acceptait l’interprétation large de

l’article XX b) [...], chaque partie contractante pourrait déterminer unilatéralement les politiques

de protection de la vie et de la santé dont les autres parties contractantes ne pourraient pas

s’écarter sans compromettre les droits qu’elles tenaient [du GATT]. Celui-ci ne constituerait plus

un cadre multilatéral régissant le commerce entre toutes les parties contractantes »131.

104. Il est possible aujourd’hui de remarquer un changement dans l’interprétation de l’article

XX par l’Organe d’appel. Comme l’exprime le professeur Bartenstein, bien que « le libellé de

l’article XX du GATT ne soutienne apparemment pas la thèse d’un droit équivalent, la

jurisprudence récente de l’Organe d’appel peut être interprétée comme si elle l’adoptait tout de

même »132. Dans l’hypothèse d’un droit équivalent, « l’interprétation de l’article XX se fait de

plein droit. […] Lorsque le droit d’un membre découlant des articles I, III et XI du GATT entre

en conflit avec le droit d’un autre membre d’invoquer l’article XX, les groupes spéciaux seront

tenus de trouver un équilibre entre les deux en préservant l’essence de chacun des droits. Ainsi, il

est relativement aisé d’imaginer des cas où l’invocation de l’article XX sera acceptée aux dépens

des autres droits découlant de l’article XX. »133

128 BARTENSTEIN (K.), « L’article XX du GATT: le principe de proportionnalité et la concordance concrète entre le commerce et l’environnement », Les Cahiers de Droit, vol. 43, n°4, décembre 2002, p. 656. 129 Ibid. 130 Ibid., p. 657. 131 Rapport du Groupe spécial, États-Unis – Restrictions à l’importation de thon, « dite Thon I », distribué le 3 septembre 1991, DS21/R, § 5.27. 132 BARTENSTEIN (K.), op.cit., p. 659. 133 Ibid., p. 657.

41

105. En partant désormais du postulat que l’article XX est un droit équivalent, il faut

considérer qu’il a un poids équivalent aux autres obligations de fond que le GATT impose. La

question se pose de savoir si le système commercial multilatéral actuel peut intégrer d’autres

valeurs que celles qu’il diffuse, et si oui, s’il peut le faire sans se dénaturer. L’ouverture des

marchés peut-elle être conditionnée par des enjeux environnementaux ? La réponse est oui. Le

système commercial multilatéral peut s’effacer dans une situation donnée devant un intérêt

environnemental considéré comme primordial134. Comme le soutient le Professeur Bartenstein,

concrétiser la protection de l’environnement ne revient pas à renoncer à la libéralisation du

commerce, mais à renoncer à la protection de certains intérêts commerciaux. Or, l’un n’empêche

pas l’autre.

106. L’exception environnementale contenue dans l’article XX se fonde selon Véronique

Guevremont sur « l’idée de préservation, de protection, de défense, de sauvegarde d’un intérêt

jugé supérieur, au respect scrupuleux pour la règle à un moment donné »135. L’exception permet

donc dans le système commercial multilatéral de « soustraire définitivement une catégorie de

mesures, poursuivant certains objectifs jugés légitimes et d’intérêt supérieur, de l’application des

règles et principes généraux dictés par l’accord qui la contient »136. Ainsi, l’article XX est le

corollaire d’un régime dérogatoire qui permet du point de vue procédural, d’être utilisé comme

moyen de défense par la partie reconnue coupable de la violation d’une règle.

107. L’exception environnementale issue de l’article XX du GATT est apparue au fil de la

jurisprudence comme un mécanisme efficace de prise en compte des intérêts environnementaux

des Membres de l’OMC. D’après le Professeur Guevremont, l’adoption d’une méthode

d’interprétation évolutive fondée sur la règle de l’effet utile était nécessaire pour permettre de

rendre compte des défis du moment et de la responsabilité des États à l’égard de ces

préoccupations environnementales contemporaines137. Cette appréciation évolutive des

dispositions du GATT a été utilisée par l’Organe d’appel dans l’affaire États-Unis – Crevettes-

134 Ibid., p. 661. 135 GUEVREMONT (V.), « L’exception environnementale : l’exemple du système commercial multilatéral », in : RUIZ FABRI (H.) et GRADONI (L.) (dir), La circulation des concepts juridiques : le droit international de l’environnement entre mondialisation et fragmentation, Société de législation comparée, Paris, 2009, p 139. 136 Ibid., p. 138. 137 Ibid., p. 154.

42

tortues138 pour justifier l’élargissement de la notion de ressources naturelles épuisables : « Nous

considérons que, conformément à la règle de l’effet utile des traités, les mesures visant à

conserver les ressources naturelles épuisables qu’elles soient biologiques ou non biologiques

peuvent relever de l’article XX g) ».

108. Ainsi, au sein de l’ordre juridique international, cette exception symbolise la charnière

entre l’OMC et les sous-systèmes internationaux en matière environnementale.139 Nous avons

donc vu que l’Organe d’appel accordait une place de choix à l’article XX dans le système

commercial multilatéral. L’article XX du GATT n’en ressort pas simplement comme le

complément de la règle ; « elle articule l’un et le multiple, à savoir l’unité du système et la

diversité des ordres nationaux d’une part, et l’unité du système avec le pluralisme des ordres

internationaux d’autre part »140.

Section 2 : La question des mesures commerciales extraterritoriales protégeant l’environnement

109. Les mesures restreignant l’importation de marchandises fabriquées de manière non

conforme à une réglementation de l’État importateur ont une portée extraterritoriale qui est en

principe contraire au GATT. Ces mesures fondées sur la manière dont le produit a été fabriqué

(les PMP), sont comme vu précédemment, incompatibles avec les articles I et III du GATT

puisque leur objet est précisément de traiter différemment des produits entre eux en fonction de

leur mode de production. La question qui se pose dès lors est de savoir dans quelle mesure les

PMP peuvent être compatibles avec l’article XX du GATT.

110. Dans le cas d’espèce, la mesure incriminée en cause est l’évaluation carbone dans le cadre

des appels d’offres de la CRE. Il s’agit d’une mesure fondée sur les méthodes de production des

panneaux photovoltaïques qui génèrent une pollution sur le territoire de pays tiers. Ce bilan

carbone poursuit un objectif environnemental clair. Or, est-il justifié de la part des autorités

138 Rapport de l’Organe d’appel, États-Unis, Prohibition à l’importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes, op.cit. 139 GUEVREMONT (V.), « L’exception environnementale : l’exemple du système commercial multilatéral » in : RUIZ FABRI (H.) et GRADONI (L.) (dir), La circulation des concepts juridiques : le droit international de l’environnement entre mondialisation et fragmentation, Société de législation comparée, Paris, 2009, p. 173. 140 Ibid.

43

françaises d’adopter une réglementation qui prend en compte la pollution produite dans des pays

tiers engendrée par des processus de production observés à l’extérieur de son territoire ?

111. Afin de répondre à cette question, il est nécessaire de déterminer la nature de la mesure en

cause. Pour cela, il faut distinguer les mesures restrictives au commerce liées à la manière dont le

produit a été fabriqué (PMP), de celles liées aux qualités intrinsèques des produits importés. Ces

secondes mesures liées aux qualités intrinsèques du produit ont un aspect extraterritorial dans la

mesure où elles visent la protection de ressources naturelles hors du territoire de l’État qui adopte

la mesure. Toutefois, elles se suffisent à elles-mêmes puisque l’objectif de conservation peut être

atteint sans que le gouvernement de l’État ne modifie ses lois internes pour qu’elles produisent

des effets141. En cela, elles sont justifiées par l’article XX du GATT. Le second groupe spécial

dans l’affaire États-Unis – Restrictions à l’importation de thon (Panel Thon-dauphin II), a

appliqué les principes de compétence personnelle et objective selon lequel « tout pays peut

adopter des mesures visant à conserver des ressources naturelles épuisables, où qu’elles soient,

sauf si cela oblige les autres pays à modifier leurs propres règles applicables aux biens ou aux

personnes soumis à leur propre sphère de compétence pour permettre à la mesure de produire les

effets escomptés »142.

112. Or, si les mesures restrictives au commerce liées aux qualités intrinsèques du produit sont

permises, les mesures liées à la manière dont le produit a été fabriqué ne le sont pas.

L’interdiction d’importation de marchandises fabriquées dans un État tiers selon des méthodes de

fabrication générant des émissions toxiques dans cet État n’est en principe pas autorisée en vertu

de la jurisprudence Thon-dauphin II143, en raison de son caractère extraterritorial. La

jurisprudence récente semble néanmoins avoir changé la balance. Certaines mesures fondées sur

les processus et méthodes de production dans les pays tiers peuvent être admises si ces processus

et méthodes ont un impact sur les qualités intrinsèques des produits144. Toutefois ces mesures ne

concernent pas le cas d’espèce qui n’est dès lors pas visé par la jurisprudence Thon-dauphin II, en

ce que si l’évaluation carbone concerne les méthodes de production des panneaux solaires

141 LUFF (D.), op.cit., p 152. 142 Ibid., p. 151. 143 Rapport du Groupe spécial, États-Unis – Restrictions à l’importation de thon, « dite Thon II », DS29/R, 20 mai 1994 (non adopté), § 5.15 à 5.18. 144 LUFF (D.), op.cit., p 152.

44

photovoltaïques, elle n’interdit aucunement leur importation. En réalité, elle ne fait « que »

discriminer pour autant que la méthode de production soit polluante ou non.

113. Ainsi, la question s’est posée de savoir s’il était possible de donner un effet extraterritorial

à des normes nationales de protection plus élevées. Ceci aboutirait à empêcher l’entrée sur le

territoire national de produits étrangers élaborés selon des normes inférieures de protection.

L’article XX a connu d’importants prolongements jurisprudentiels au cours de ces dernières

années, laissant une plus grande marge de manœuvre aux États dans l’élaboration de leurs

politiques environnementales. Sur son site internet, l’OMC met en avant le fait que « lorsque les

produits sont identifiés uniquement sur la base de ce qu’ils sont, et non suivant la manière dont ils

sont faits, les pays peuvent fixer leurs propres normes adaptées à leur niveau de développement.

Aucune norme inappropriée ne leur est imposée de l’extérieur. Les pays peuvent fixer leur point

d’équilibre entre leurs besoins en matière de développement et leurs besoins en matière de

protection de l’environnement – en fonction de leur propre évaluation de ces besoins et non en

fonction de l’évaluation que d’autres pourraient faire à leur place »145.

Le Secrétariat de l’OMC s’est penché sur le sujet en affirmant qu’ « il est préférable de s’attaquer

aux problèmes environnementaux à la base, qu’il s’agisse des processus de production polluants

ou de l’absence de droits de propriété sur les ressources naturelles. »146

114. L’usage au sein d’un État de méthodes ou de procédés de production néfastes pour

l’environnement de cet État ne peut être règlementé par un autre État.147 Les normes de protection

ne peuvent donc avoir d’effets extraterritoriaux contraignants. Selon Dominique Carreau et

Patrick Juillard, « en terme de juridiction, une telle approche irait à l’encontre des règles bien

admises du droit international : un Etat n’a aucun titre à imposer à un autre Etat la mise en

conformité de sa législation nationale avec la sienne propre. »148 Le Groupe spécial dans l’affaire

145 LANFRANCHI (M.-P.), op.cit., « L’intégration des considérations environnementales dans les principes de l’OMC – le principe de non-discrimination entre produits similaires », p. 86. 146 OMC., Commerce et environnement, Communiqué de presse du secrétariat de l’OMC, 8 octobre 1999, www.wto.org/french/tratop_f/envir_f/stud99_f.htm 147 LANFRANCHI (M.-P.), op.cit., p. 89. 148 Ibid.

45

du Thon de 1994149 a reconnu qu’une telle approche modifierait « radicalement l’équilibre des

droits et des obligations établi par l’Accord général (point n°5-26 et 5-38) ». Toutefois, l’État

garde sa compétence de protection qui peut s’exercer à l’extérieur de son territoire, ce que

reconnaît le GATT notamment pour les articles fabriqués dans les prisons (art. XX e)) et le droit

international dans la compétence extraterritoriale que l’État peut exercer à l’égard des personnes,

animaux ou choses se trouvant dans des États tiers150.

115. Or, cette conception a été critiquée. Selon David Luff, ces mesures ne « peuvent être

déclarées illicites au regard du droit international que si leurs effets extraterritoriaux empiètent

sur la souveraineté des autres États, ce qui serait le cas si elles exerçaient une contrainte, au sens

juridique du terme, dans le domaine de compétence réservé »151. Sous la jurisprudence de la Cour

internationale de Justice, les mesures commerciales sont des moyens de pression, en principe

licites en droit international. Ainsi, dans l’affaire Nicaragua, la Cour a refusé d’accorder aux

mesures économiques le caractère contraignant exigé par le droit international152. Les sanctions

économiques particulièrement lourdes imposées par les États-Unis au Nicaragua ne constituaient

pas « une violation du principe coutumier de non-intervention »153. Cet acte de pression serait

contraire au droit international si l’État affecté n’avait pas d’autre choix que de modifier ses

méthodes de production. Cependant, ce n’est pas réellement le cas en l’espèce il n’y a aucun

blocage aux importations, mais seulement une difficulté de commercialisation. Dans tous les cas,

« les PMPs laiss[e]nt la possibilité aux États exportateurs d’orienter leur commerce vers d’autres

États que ceux qui adoptent la mesure »154.

116. Par ailleurs, d’après David Luff, les PMP pourraient constituer une violation d’une

convention internationale, notamment le Protocole de Montréal sur les substances qui

appauvrissent la couche d’ozone155, seul traité des Nations Unies bénéficiant d’une ratification

149 Rapport du Groupe spécial du GATT, États-Unis – Restrictions à l’importation de thon, DS29/R, 16 juin 1994, non adopté. 150 CARREAU (D.) et JUILLARD (P.), p. 293. 151 LUFF (D.), op.cit., p. 1069. 152 Ibid., p. 158. 153 C.I.J., arrêt (fond), Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis), Recueil, 1986, § 245. 154 LUFF (D.), op.cit., p. 1069. 155 Protocole de Montréal sur les substances qui appauvrissent la couche d’ozone, 16 septembre 1987, I.L.M., 26ème volume, 1987, 1550.

46

universelle avec 197 signatures. L’évaluation carbone bénéficierait dès lors d’une source de

légitimité internationale puisque les matières régies par une convention applicable à un Etat

n’appartiennent plus au domaine de compétence réservé156.

117. D’après les professeurs Carreau et Julliard, dans l’affaire sur les importations de thon,

peut être notée une évolution notable entre l’approche du premier groupe spécial de 1991 et celle

du second en 1994 où il a été admis que si les mesures restrictives fondées sur l’article XX

devaient intervenir dans la sphère de compétence de l’État importateur, cela incluait son

territoire, mais « aussi d’autres espaces où il aurait reçu compétence en vertu d’instruments

internationaux »157. Toutefois, ces mesures doivent se suffire à elles-mêmes, elles ne peuvent

requérir des États producteurs qu’ils se conforment aux normes de production qu’elles édictent

pour qu’elles puissent produire leurs effets escomptés158. Or, ce n’est pas le cas en l’espèce,

puisque la mesure française, à savoir l’évaluation carbone, laisse une marge de manœuvre aux

États sans rien leur imposer. À cet égard, le paragraphe 44 du rapport de l’Organe d’appel

apporte des précisions fondamentales : « […] il y a une différence importante entre subordonner

l’accès au marché à l’adoption d’essentiellement le même programme et subordonner l’accès au

marché à l’adoption d’un programme comparables du point de vue de l’efficacité. Autoriser un

membre importateur à subordonner l’accès au marché à la mise en place par les Membres

exportateurs de programmes de réglementation comparable du point de vue de l’efficacité à celui

du Membre importateur donne une latitude suffisante au Membre exportateur en ce qui concerne

le programme qu’il peut adopter pour atteindre le niveau d’efficacité requis. » Pour l’Organe

d’appel, la méthode américaine n’avait pas pour objet ou pour effet d’étendre ou encore

d’imposer une méthode de pêche aux pays tiers159. De même, la portée extraterritoriale de

l’évaluation carbone n’a pas pour effet d’obliger les États tiers à modifier leur méthode de

production des panneaux solaires photovoltaïques et n’est donc pas a priori incompatible avec

l’article XX du GATT.

156 LUFF (D.), op.cit., p. 1070. 157 CARREAU (D.) et JUILLARD (P.), op.cit., p. 403. 158 Rapport du Groupe spécial, États-Unis – Restrictions à l’importation de thon, « dite Thon II », DS29/R, 20 mai 1994 (non adopté), § 5.15 à 5.18. 159 LANFRANCHI (M.-P.), op.cit., « L’intégration des considérations environnementales dans les principes de l’OMC – le principe de non-discrimination entre produits similaires », p. 87.

47

118. L’interprétation de l’exception environnementale illustre encore une fois la mise en

balance des intérêts non commerciaux dont l’importance est susceptible de varier en fonction des

États avec l’intérêt commercial uniformément défendu par les règles et principes de l’OMC160.

Chapitre 2. L’article XX : l’exception environnementale

119. L’invocation de l’article XX n’est possible qu’après la constatation que les mesures

incriminées sont contraires à une des dispositions du GATT. Comme l’a précisé l’Organe d’appel

dans l’affaire de l’Essence, « les exceptions énumérées à l’article XX se rapportent à toutes les

obligations découlant de l’accord général : l’obligation du traitement national et l’obligation de la

nation la plus favorisée, naturellement, mais aussi les autres »161. Comme vu précédemment, en

l’espèce, les mesures en cause sont contraires aussi bien à l’obligation de traitement national qu’à

l’obligation de la nation la plus favorisée. La compatibilité de la mesure avec le GATT dépendra

du type de mesure (Section 1), mais aussi de la nécessité de la justifier au titre de l’article XX du

GATT (Section 2).

Section 1. La qualification juridique des mesures visant à favoriser la production d’énergie

photovoltaïque

120. L’objet de notre étude concerne avant tout le moyen de production utilisé pour la

production d’énergie solaire. Ce raisonnement peut se faire en plusieurs étapes. Tout d’abord, il

faut distinguer le moyen de production, à savoir le panneau photovoltaïque, de l’énergie solaire.

Le panneau est un produit, il peut être vendu ou acheté et constitue dès lors une marchandise

couverte par le GATT, qui régit le commerce des marchandises. Or, un produit peut aussi être

une ressource, comme l’est par exemple le pétrole. L’énergie solaire est aussi couverte par le

droit de l’OMC, mais l’est-elle en tant que produit ou en tant que service ? Selon le Professeur

Voigt, “[e]vidence that the GATT covers electricity, and that many WTO Members as such

consider electricity a good, can be found in the fact that it is included in the Schedule of

160 GUEVREMONT (V.), op.cit., « L’exception environnementale : l’exemple du système commercial multilatéral » p. 149. 161 États-Unis – Normes concernant l'essence nouvelle et ancienne formules (ci-après États-Unis - Essence), rapport de l'Organe d'appel et rapport du Groupe spécial adoptés le 20 mai 1996, WT/DS2/R et WT/DS2/AB/R, p. 27.

48

Commitments to the GATT 1994 of most of the major trading partners (e.g., the US, the EU and

Canada). Those schedules contain WTO Members' tariff commitments for specific listed

goods.”162

121. Mais la question n’a pas de réel intérêt puisque la problématique du cas d’espèce concerne

non pas l’importation d’électricité, mais l’importation de moyens de production d’électricité,

c’est-à-dire de panneaux solaires. Ainsi, en l’espèce, ce n’est pas l’énergie renouvelable en tant

que telle qui est couverte par l’exception, mais des mesures visant à en favoriser la production.

Or, les incidences d’un processus ou moyen de production (PMP) donné sur l’environnement

« peuvent varier d’un lieu à l’autre, d’une région à l’autre, d’un État à l’autre »163.

122. Une des difficultés rencontrées dans l’évaluation des émissions liées aux produits dans le

cas des appels d’offres tient à ce que la quantité de GES émise pendant le processus de

production peut varier en fonction du produit, du pays et de l’entreprise164. En l’espèce, il s’agit à

travers l’évaluation carbone d’obliger les importateurs de produits en provenance de pays qui

n’imposent pas à leurs industries des obligations analogues en matière de réduction des émissions

de présenter des quotas d’émission ou des certificats de crédits d’émission. Ces documents

couvrent les émissions générées pendant le processus de fabrication des produits photovoltaïques.

Section 2. Le test émis par le Rapport de l’Organe d’appel, ÉU – normes concernant l’essence

nouvelle et anciennes formules

123. Le texte pertinent relatif à la protection de l’environnement issu de l’article XX du GATT

de 1994 est libellé comme suit:

"Sous réserve que ces mesures ne soient pas appliquées de façon à constituer soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable entre les pays où les mêmes conditions existent, soit une restriction déguisée au commerce international, rien dans le présent

162 VOIGT (C.), “WTO Law and International Emissions Trading: Is there Potential for Conflict?”, Carbon and Climate Law, 2008, p. 58. 163 LANFRANCHI (M.-P.), op.cit., « L’intégration des considérations environnementales dans les principes de l’OMC – le principe de non-discrimination entre produits similaires », p. 87 164 Ibid.

49

Accord ne sera interprété comme empêchant l’adoption ou l’application par toute partie contractante des mesures: (....) b) nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux ; (...) g) se rapportant à la conservation des ressources naturelles épuisables, si de telles mesures sont appliquées conjointement avec des restrictions à la production ou à la consommation nationales ; (...)."

124. En vertu de ces deux paragraphes, les Membres de l’OMC peuvent prendre des mesures

incompatibles avec les disciplines du GATT, mais nécessaires à la protection de la santé et de la

vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux (paragraphe b)), ou se

rapportant à la conservation des ressources naturelles épuisables (paragraphe g)). Dans le cadre

du GATT, six procédures de groupes spéciaux comprenant un examen de mesures relatives à

l’environnement ou de mesures relatives à la santé des personnes prises au titre de l’article XX

ont été menées à terme (États-Unis – Thon canadien165, Canada – Saumons et harengs166,

Thaïlande - Cigarettes167, États-Unis – Thon (Mexique)168, États-Unis – Thon (CEE)169 et

États-Unis - Automobiles170). Sur les six rapports, trois n’ont pas été adoptés (États-Unis – Thon

(Mexique), États-Unis – Thon (CEE) et États-Unis – Automobiles). Jusqu’ici, dans le cadre de

l’OMC, trois différends ont abouti à l’adoption de rapports de groupes spéciaux et de rapports de

l’Organe d’appel (États-Unis - Essence171, États-Unis - Crevettes172 et CE – Amiante173)174.

165 Rapport du Groupe spécial, États-Unis – Interdiction des importations de thon et de produits du thon en provenance du Canada (ci-après États-Unis – Thon canadien), adopté le 22 février 1982, S29/96. 166 Rapport du Groupe spécial, Canada – Mesures affectant l'exportation de harengs et de saumons non préparés (ci-après Canada - Saumons et harengs), adopté le 22 mars 1988, S35/106. 167 Rapport du Groupe spécial, Thaïlande – Restrictions à l'importation et taxes intérieures touchant les cigarettes (ci-après Thaïlande – Cigarettes), adopté le 7 novembre 1990, S37/214. 168 Rapport du Groupe spécial, États-Unis – Restrictions à l'importation de thon (ci-après États-Unis – Thon (Mexique)), distribué le 3 septembre 1991, non adopté, DS21/R. 169 Rapport du Groupe spécial, États-Unis – Restrictions à l'importation de thon (ci-après États-Unis – Thon (CEE)), distribué le 16 juin 1994, non adopté, DS29/R. 170 Rapport du Groupe spécial, États-Unis – Taxes sur les automobiles (ci-après États-Unis – Automobiles), distribué le 11 octobre 1994, non adopté, DS31/R. 171 Rapport de l'Organe d'appel et rapport du Groupe spécial, États-Unis – Normes concernant l'essence nouvelle et ancienne formules (ci-après États-Unis - Essence), adoptés le 20 mai 1996, WT/DS2/R et WT/DS2/AB/R.

50

125. Le champ d’application de l’article XX est circonscrit aux seules politiques visant à

atteindre les objectifs mentionnés dans les paragraphes XX b) et g) du GATT et XIV b) de

l’AGCS. Selon Madame Guevremont, « la prise en compte des valeurs liées à l’environnement

s’en trouve alors directement affectée puisque l’exception environnementale ne permet

d’articuler qu’un nombre limité de mesures nationales avec les règles multilatérales en matière de

commerce »175.

126. Pour être admise, une mesure adoptée au titre de l’article XX du GATT de 1994 pour être

admise doit relever d’au moins une des exceptions générales énumérées (§1), être nécessaire (§2),

mais également être conforme au texte introductif de l’article XX (§3).

§1. Une mesure devant viser un des objectifs de l’article XX

127. Ainsi, la première étape du raisonnement consiste à prouver que la mesure en cause relève

d’au moins un des domaines prévus sous les lettres b) (A) et g) (B) de l’article XX.

A. La justification de la mesure sous la lettre b) du GATT

128. Le paragraphe b) de l’article XX vise les mesures « nécessaires à la protection de la santé

et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux ». Dans l’affaire de

l’Essence, le Groupe spécial a rappelé que la partie invoquant l’article XX b) doit démontrer que

« la politique dans laquelle s’inscrivent les mesures pour lesquelles l’article XX est invoqué entre

dans la catégorie des politiques destinées à protéger la santé et la vie des personnes et que les

mesures incompatibles pour lesquelles l’exception est invoquée sont nécessaires pour atteindre

172 Rapport de l'Organe d'appel et rapport du Groupe spécial, États-Unis – Prohibition à l'importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes (ci-après États-Unis – Crevettes), adoptés le 6 novembre 1998, WT/DS58. 173 Rapport de l'Organe d'appel et rapport du Groupe spécial, Communautés européennes – Mesures affectant l'amiante et les produits en contenant (ci-après CE - Amiante), adoptés le 5 avril 2001, WT/DS135. 174 OMC., « Pratique du GATT/de l’OMC en matière de règlement des différends se rapportant à l’article XX, paragraphe b), d) et g) du GATT de 1994 », Note du Secrétariat, WT/CTE/W/203, 8 mars 2002. 175 GUEVREMONT (V.), op.cit., « L’exception environnementale : l’exemple du système commercial multilatéral », p. 147.

51

l’objectif de ladite politique »176. Le Groupe spécial dans cette affaire a reconnu qu’une mesure

destinée à réduire la pollution de l’air résultant de la consommation d’essence entrait dans la

catégorie des politiques destinées à protéger la santé et la vie des personnes et des animaux ou la

préservation des végétaux de l’article b).

129. Les politiques destinées à réduire les émissions de CO2 peuvent ainsi relever des

exceptions du GATT, car elles visent à protéger les personnes des conséquences négatives du

changement climatique et à préserver non seulement le climat, mais aussi certaines espèces

végétales et animales qui risquent de disparaître à cause du réchauffement de la planète.177 Un

rapport commun du PNUE et de l’OMC de 2009 établit une liste non exhaustive des « incidences

possibles des phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes associés aux changements

climatiques, d’après les projections pour la deuxième moitié du XXIe siècle »178 notamment des

journées et nuits froides moins nombreuses et moins froides, journées et nuits chaudes plus

nombreuses et plus chaudes, sur la plupart des terres émergées, des périodes ou vagues de chaleur

plus fréquentes, de fortes précipitations plus fréquentes dans la plupart des régions, une

progression de la sécheresse, une augmentation de l’activité cyclonique intense, etc.179

130. De plus, pour entrer dans le champ d’application du paragraphe b) du GATT, la mesure

destinée à protéger la vie et la santé des personnes et des animaux doit être fondée sur l’existence

d’un risque pour ceux-ci. La preuve peut se faire par tous les moyens scientifiques disponibles.

Les effets dommageables sur l’environnement résultent de l’accumulation de stocks polluants tels

que les gaz à effet de serre. Cette concentration continue de GES dans l’atmosphère risque

d’atteindre à un certain terme des risques catastrophiques pour l’environnement180. En outre, le

risque pour la santé des personnes et des animaux est malheureusement indubitable, une des

nombreuses études faite sur la pollution atmosphérique ayant notamment prouvé qu’une trop

forte concentration de CO2 dans l’air entraîne des difficultés respiratoires, des problèmes

176 Rapport du Groupe spécial, op.cit., Essence, § 6.20. 177 OMC et PNUE, op.cit., Commerce et changement climatique, p. xx. 178 Ibid., tableau 1, p. 16. 179 D’après GIEC (2007a), « L’évolution de la capacité d’adaptation au changement climatique n’est pas prise en compte dans le tableau », tableau RiD.3. 180 OMC et PNUE, op.cit., Commerce et changement climatique, p. 107.

52

cardiaques, des troubles visuels, etc181.

131. Le Professeur Voigt explique que “[t]hus, a climate measure aiming at reducing the

emission of greenhouse gases also aims at protecting a stable global climate and preventing

dangerous interference with the climate system, thereby reducing the risk of adverse impacts on

human, animal and plant life or health. The importing country might not profit directly from the

climate measure, as it is impossible to establish a direct causal relationship between a special

measure to reduce GHG emission and local effects. Yet, any reduction reduces the probability

and magnitude of harm to human, animal or plant life or health.”182

132. Dans ces conditions, on peut donc soutenir que l’évaluation carbone rentre dans le champ

d’application de la lettre b) du GATT dans la mesure où l’accumulation de GES est nocive pour

la santé des personnes ainsi que pour l’environnement et ces espèces naturelles. S’il suffit que la

mesure soit compatible avec au moins un des alinéas de l’article XX pour bénéficier de cette

exception, nous verrons néanmoins si celle-ci entre dans le champ d’application de la lettre g) du

GATT.

B. La justification de la mesure sous la lettre g) du GATT

133. Il s’agit de vérifier ici, si les mesures visent bien des « ressources naturelles épuisables »

au sens du paragraphe g) du GATT. Le droit de l’OMC a eu une interprétation évolutive de la

notion de ressources naturelles. Selon Laurence Boisson de Chazournes, l’interprétation évolutive

du droit de l’OMC a été permise grâce à l’article XX g) du GATT. Cette disposition couvre les

mesures étatiques se rapportant à la conservation des ressources naturelles épuisables lorsque ces

dernières sont appliquées conjointement à des restrictions à la production ou à la consommation

nationales.

134. La question s’est posée de savoir si l’article XX g) se limitait ou non aux ressources

181 European Environment Agency (EEA), “Air quality in Europe”, 2013 Report, published 15 October 2013, n°9/2013, pp. 5-102. 182 VOIGT (C.), “WTO Law and International Emissions Trading: Is there Potential for Conflict?”, Carbon and Climate Law, 2008, p. 63.

53

naturelles minérales ou non vivantes. Dans l’affaire États-Unis – Prohibition à l’importation de

crevettes et à certains produits à base de crevettes183, l’Organe d’appel a considéré en rejetant les

arguments des parties plaignantes que la notion de ressources naturelles devait être interprétée de

façon évolutive : « Le principal argument des parties plaignantes repose sur l’idée que les

ressources naturelles « biologiques » sont « renouvelables » et ne peuvent donc pas être des

ressources naturelles « épuisables » […] les ressources naturelles « épuisables » et

« renouvelables » [ne] s’excluent [pas] mutuellement. La biologie moderne nous enseigne que les

espèces vivantes, bien qu’elles soient en principe capables de se reproduire et soient donc «

renouvelables », peuvent dans certaines circonstances se raréfier, s’épuiser ou disparaître, bien

souvent à cause des activités humaines. Les ressources biologiques sont toutes aussi « limitées »

que le pétrole, le minerai de fer et les autres ressources non biologiques. »184 En tout état de cause,

comme le souligne le Professeur Ruiz-Fabri, « l’affaire des Crevettes fournit un bon exemple où

l’Organe d’appel a examiné l’évolution du droit de l’environnement et justifié une interprétation

contemporaine et adaptée de la notion de ressources naturelles épuisables mentionnée dans

l’article XX du GATT »185.

135. Cette interprétation peut selon le professeur Andela s’expliquer par les termes utilisés à la

lettre g) de l’article XX. Si l’article XX renvoie à la « protection » de la santé, la vie des

personnes et celle des animaux, de même que la préservation des végétaux186, le paragraphe g)

renvoie quant à lui au concept de « conservation ». Selon le Dictionnaire de droit international

public, le terme « protection » fait référence à une obligation de moyens, alors que celui de

« conservation » renvoie à une obligation de résultats. En effet, pour Jean Salmon, la « protection

désigne alors un acte, un moyen, tandis que conservation fait davantage référence à un résultat.

Ainsi, le droit, par la protection, vise la conservation. » Cette obligation de résultat liée à la

conservation des ressources naturelles peut permettre de comprendre en partie l’interprétation

extensive retenue par les juges de l’OMC. 183 Rapport de l’Organe d’appel, États-Unis — Prohibition à l'importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes, DS58/AB/R. 184 Ibid., § 128. 185 RUIZ-FABRI (H.), « Concurrence ou complémentarité entre les mécanismes de règlement des différends du Protocole de Carthagène et ceux de l’OMC ?» in: BOURRINET (J.) et MALJEAN-DUBOIS (S.), Le commerce international des OGM : quelle articulation entre le protocole de Carthagène sur la biosécurité et le droit de l’OMC?, CERIC- La Documentation française 2002, p. 161. 186 ANDELA (J.-J.), « L’article XX du GATT de 1994 dans la jurisprudence de l’Organe de règlement des différends de l’OMC : une analyse sous le prisme environnemental », Revue québécoise de droit international, 2012, p. 11-12.

54

136. De plus, comme l’explique Sonia Gabiatti, “ the living natural resources do not need to

be rare or potentially “exhaustible”. Almost all living or non-living natural resources can be

protected under Article XX (g), especially those undertaken by a multilateral trade. Therefore,

the “exhaustibility” of a living natural resource is unquestionable if it is protected by a

multilateral treaty.”187 En effet, une jurisprudence constante a établi que les Groupes spéciaux

autant que l’Organe d’appel sont légitimés à se référer à des accords internationaux que tous les

Membres de l’OMC n’ont pas ratifiés afin de parvenir à l’interprétation qui permet d’atteindre

l’objectif de conservation des ressources naturelles épuisables188. Pourrait-on, à ce titre, justifier la

mesure en cause en se basant sur le Protocole de Montréal sur les substances qui appauvrissent la

couche d’ozone?

137. Le Groupe spécial dans l’affaire États-Unis – Essence a résolu la question, « en convenant

qu’une mesure destinée à réduire la pollution de l’air résultant de la consommation d’essence

entrait dans la catégorie des mesures concernant la protection de la santé et de la vie des

personnes et des animaux ou la préservation des végétaux mentionnées à l’article XX b) ».189

Dans cette affaire, les États-Unis soutenaient que l’air pur était une ressource épuisable puisqu’il

pouvait être épuisé par des polluants comme ceux émis lors de la consommation d’essence. Le

Venezuela a rejeté cet argument, considérant que la pureté de l’air était un « état » renouvelable

plutôt qu’une ressource épuisable. Le Groupe spécial a abondé dans le sens des États-Unis:

"Selon lui, l’air pur était une ressource (il avait une valeur) et il était naturel. Il pouvait être épuisé. Le fait que la ressource épuisée était définie sur le plan qualitatif n’était, pour le Groupe spécial, pas décisif. De même, le fait qu’une ressource était renouvelable ne pouvait être invoqué comme objection.”190

138. Au regard du cas d’espèce, l’évaluation carbone peut être aisément qualifiée de mesure

poursuivant un objectif de préservation de l’air pur et donc entrer dans le champ d’application du

paragraphe g) de l’article XX du GATT.

187 GABIATTI (S.), “Trade-related environmental measures under GATT article XX (b) and (g)”, University of Iceland, International Legal Studies, January 2009, p. 40. http://skemman.is/stream/get/1946/3044/10073/4/Sonia_Gabiatti_%20fixed.pdf [consulté le 5 juillet 2014] 188 SALMON (J.) (dir.), Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001, sub verbo « ressources naturelles épuisables », p. 241. 189 Rapport du Groupe spécial États-Unis – Essence, § 6.21. 190 Rapport du Groupe spécial États-Unis – Essence, § 6.37.

55

§2. La mesure prise par l’État est-elle nécessaire ?

139. Pour qu’une mesure environnementale liée au commerce soit compatible avec les

paragraphes b) et g) de l’article XX, un lien doit être établi entre l’objectif environnemental

poursuivi de la mesure et la mesure elle-même. Ainsi, cette mesure doit être « nécessaire » à la

protection de la santé et la vie des personnes et des animaux ou la préservation des végétaux au

sens de l’article XX b) (A) ou « se rapporter à » la conservation des ressources naturelles

épuisables (B).

A. L’article XX b) du GATT : Une exception exigeant un rapport de nécessité entre la

mesure et l’objectif poursuivi

140. Un objectif légitime en soi n’est pas suffisant pour éviter la violation d’une obligation de

non-discrimination, comme l’illustre le Professeur Diebold, “ […] there must also be a certain

nexus between the measure under scrutiny and the legitimate objective pursued. Most treaties

which provide a justification or general exceptions clause explicitly state the required nexus. For

instance, Articles XX GATT and XIV GATS differentiate between measures which are ‘necessary’

to achieve the pursued policy objective or merely ‘related to’ the policy objective.”191

L’évaluation du résultat, le choix de l’instrument par les autorités de réglementation dépendent en

fin de compte de l’importance attribuée à la mesure par rapport à la nécessité d’obtenir un résultat

environnemental certain. Il ressort de la jurisprudence de l’ORD qu’une mesure est nécessaire

lorsqu’elle est proportionnelle à l’objectif poursuivi (1) et qu’il n’existe pas d’autres mesures

alternatives raisonnables (2).

1. La mesure est proportionnelle à l’objectif poursuivi

141. L’Organe d’appel a introduit un critère de proportionnalité dans le terme « nécessaire »

contenu dans le paragraphe b) de l’article XX. Selon le Professeur Ruiz-Fabri, il s’agit de

s’assurer que « le « coût » imposé par la mesure est pesé par rapport aux avantages qui en

191 DIEBOLD (N.), op.cit, “Non-discrimination and the pillars of international economic law”, p. 18.

56

résultent du point de vue de l’objectif poursuivi, l’idée directrice étant celle d’équilibre »192.

142. Pour déterminer si une mesure est « nécessaire » à la protection de la santé et de la vie des

personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux au sens de l’article XX b), l’Organe

d’appel a eu donc recours à un processus de soupesage et de mise en balance d’une série de

facteurs.193 En d’autres termes, il faut tenir compte, s’il y a lieu, de la contribution de la mesure

environnementale à la réalisation de l’objectif général, l’importance de l’intérêt commun ou des

valeurs communes que la mesure protège et le caractère restrictif de la mesure sur le commerce

international.

143. Il s’agit donc de déterminer en l’espèce si, au regard du test de proportionnalité émis par

l’Organe d’appel, la mesure en cause, c’est-à-dire l’évaluation carbone, répond à un risque

suffisamment grave pour la santé des personnes justifiant une restriction au commerce

international.

144. Dans l’affaire CE – Amiante, une mesure « environnementale » a pour la première fois

satisfait au critère de nécessité. L’Organe d’appel, rappelant la conclusion de l’affaire Corée –

Viande de bœuf II, a noté que la mesure dans laquelle la mesure de rechange « favoris[ait] la

réalisation de l’objectif poursuivi »194 devait être prise en compte. Il a observé que « [p]lus

l’intérêt commun ou les valeurs communes poursuivies sont vitaux ou importants, plus il sera

facile d’admettre la nécessité de mesures conçues pour atteindre ces objectifs. »195 Il en ressort

qu’il peut y avoir différents niveaux d’examen applicables à l’analyse du critère de nécessité,

selon l’importance de l’ « intérêt ou des valeurs poursuivis »196.

145. L’Organe d’appel a constaté dans cette affaire que l’objectif poursuivi par la mesure était

la protection de la vie et de la santé des personnes, une valeur à la fois « vitale et importante au

192 RUIZ FABRI (H.), « La nécessité devant le juge de l’OMC » in : Société française de droit international, La nécessité en droit international : Colloque de Grenoble, Paris, Pedone, 2007, p. 212. 193 OMC, op.cit., « Règles de l’OMC et politiques environnementales », p. 9. 194 Rapport de l'Organe d'appel, CE – Amiante, § 172, par référence à l'affaire Corée – Viande de bœuf II, rapport de l'Organe d'appel, § 163. 195 Ibid. 196 LANFRANCHI (M.-P.), « Droit de l’OMC et protection de l’environnement », Fascicule 2300, Jurisclasseur Environnement et développement durable, dernière mise à jour le 27 février 2013, § 89.

57

plus haut point »197. Le rapport Brésil - Pneus échappés confirme ainsi que le test de nécessité

devient un test de proportionnalité et d’autant plus lorsqu’il s’agit d’éliminer un risque grave pour

la santé ou l’environnement, « la mesure est nécessaire si elle est proportionnelle au risque : plus

le risque est grave et avéré, plus les effets restrictifs sur le commerce peuvent être drastiques »198.

Dans l’affaire de l’Amiante, le Groupe spécial a soutenu que « l’objectif de la France est d’arrêter

la diffusion de ce risque ce qui, au regard du risque identifié et de son étendue, pourrait a priori

justifier des mesures strictes »199.

146. Reporté au cas d’espèce, cette jurisprudence peut être étendue à l’évaluation carbone dans

le cadre d’appels d’offres. Le risque pour la santé et la vie des personnes quant à la pollution

atmosphérique a été avéré dans plusieurs études scientifiques, comme vu précédemment. L’effet

restrictif sur le commerce international du bilan carbone est faible en ce que la France n’interdit

ou ne limite aucunement sur son territoire les panneaux photovoltaïques fabriqués par des

ressources polluantes. Le bilan carbone, comme la taxe carbone qui a été tentée dans plusieurs

pays européens, n’ont pas d’effet restrictif profond.

2. Il n’existe pas d’autres mesures alternatives raisonnables

147. Si le critère de proportionnalité aboutit à une conclusion préliminaire établissant que la

mesure est nécessaire, ce résultat doit être confirmé par une comparaison entre la mesure et les

solutions de rechange possibles, qui peuvent être moins restrictives pour le commerce tout en

apportant une contribution équivalente à la réalisation de l’objectif poursuivi200. Toute mesure

alternative éventuellement moins restrictive doit assurer un niveau de protection de la santé au

moins équivalente à celui qui est voulu par la mesure litigieuse. La constatation de l’existence et

de l’efficacité de ces mesures alternatives est fondée sur des études ou des rapports

internationaux, notamment les rapports de l’Organisation mondiale de la santé ou les travaux

réalisés dans le cadre du Comité des mesures sanitaires et phytosanitaires de l’OMC, etc.201

197 Rapport de l'Organe d'appel, CE – Amiante, § 172. 198 LANFRANCHI (M.-P.), op.cit., « Droit de l’OMC et protection de l’environnement », § 89. 199 Rapport de l'Organe d'appel, CE – Amiante, § 172. 200 Rapport de l’Organe d’appel, Brésil – Mesures visant l’importation de pneumatiques réchappés (Plainte des Communautés européennes) (1997), WT/DS332/AB/R, § 145. 201 LUFF (D.), op.cit., p. 168.

58

148. Il apparaît à cet égard que l’évaluation carbone est une mesure peu restrictive au

commerce international. Il est difficile de démontrer si une mesure moins restrictive pour le

commerce aboutirait au même résultat. Une telle démonstration est délicate puisqu’elle implique

un examen approfondi des politiques internes de l’État. Selon Steve Charnovitz “the new

approach has troubling implications for national environmental policy. One problem is that the

test can necessitate inter-country comparisons of utility in weighing, for example, environmental

protection in one country versus the trade of another. Although national courts will sometimes

weigh environment versus commerce, having an multilateral court do inter-country weighing is

unusual.”202

B. La conservation des ressources naturelles épuisables (Article XX g) du GATT)

149. Le lien exigé par l’article XX g) du GATT entre la mesure adoptée et l’objectif de

conservation poursuivi est moins strict que celui de « nécessité » exigé pour l’article XX b) du

GATT. Ainsi, la mesure au titre de l’article XX g) doit se « rapporter à » la conservation de

ressources naturelles épuisables.

150. L’article XX g) prévoit une exception pour les mesures « se rapportant à la conservation

des ressources naturelles épuisables ». La clause « se rapportant à » a été appliquée pour la

première fois dans l’affaire Canada – Saumons et harengs. Le Groupe spécial a décidé d’analyser

le sens de l’expression « se rapportant à » compte tenu du contexte dans lequel l’article XX g)

figure dans l’Accord général et de l’objet de cette disposition. Il a noté ce qui suit:

« [c]ertains des alinéas de l’article XX stipulent que la mesure doit être "nécessaire" ou "essentielle" à la réalisation de l’objectif de politique visé (voir les alinéas a), b), d) et j)), tandis que l’alinéa g) traite seulement des mesures "se rapportant à" la conservation des ressources naturelles épuisables. En conséquence, semble-t-il, l’article XX g) ne concerne pas seulement les mesures qui sont nécessaires ou essentielles pour la conservation des ressources naturelles épuisables, mais aussi une gamme plus large de mesures. Toutefois, comme l’indique le préambule de l’article XX, l’inclusion de l’article XX g) dans l’Accord général n’avait pas pour objet d’élargir la portée de l’article à des mesures prises à des fins de politique commerciale,

202 CHARNOVITZ (S.), “A new WTO paradigm for trade and environment”, Singapore Yearbook of International Law, 2007, p. 21.

59

mais simplement d’assurer que les engagements pris au titre de l’Accord général n’empêchent pas l’application de politiques visant à la conservation de ressources naturelles épuisables. Aussi le Groupe spécial a-t-il conclu que, s’il n’était pas impératif qu’une mesure commerciale soit nécessaire ou essentielle pour la conservation d’une ressource naturelle épuisable, il fallait cependant que cette mesure vise principalement à la conservation d’une ressource naturelle épuisable pour qu’elle soit considérée comme "se rapportant à" la conservation, au sens de l’article XX g). »203

151. Ainsi, dans le contexte de l’article XX g), qui fait le parallèle avec l’article XX b), « il

suffit que la mesure se rapporte à la politique. La relation entre la mesure et la politique y est

moins stricte. II sera donc plus facile de démontrer qu’on a le droit d’atteindre le but donné avec

la mesure donnée. »204 La mesure en cause s’inscrit dans une politique publique mais aussi

européenne, visant la réduction des gaz à effet de serre. Ainsi, accorder un meilleur résultat aux

panneaux fabriqués avec des énergies moins polluantes entre effectivement dans l’objectif

recherché.

152. De plus, pour être justifiée au regard de l’article XX g), une mesure affectant les

importations doit être appliquée « conjointement avec des restrictions à la production ou à la

consommation nationales ». L’objet de cette prescription « vise à assurer que la portée des

mesures de restrictions commerciales corresponde à l’objet en vue duquel de telles mesures sont

autorisées ».205 Dans l’affaire États-Unis – Essence, les États-Unis avaient adopté une mesure

réglementant la composition de l’essence et ses effets en matière d’émissions afin de réduire la

pollution de l’air chez eux. Concernant la deuxième prescription du paragraphe g), l’Organe

d’appel a décidé que la mesure satisfaisait à l’obligation d’impartialité, car elle concernait à la

fois les produits importés et les produits d’origine nationale.

153. Cette prescription permet donc de garantir de la bonne foi de la démarche206 par une

obligation d’impartialité. Au regard de cette condition, il faut rappeler que le bilan carbone

s’applique dans le cadre des appels d’offres tout autant aux produits importés qu’aux produits

203 Rapport du Groupe spécial, Canada – Saumons et harengs, 22 mars 1988, L/6268, § 4.6. 204 BARTENSTEIN (K.), op.cit., « L’article XX du GATT: le principe de proportionnalité et la concordance concrète entre le commerce et l’environnement », p. 682. 205 LANFRANCHI (M.-P.), op.cit., « Droit de l’OMC et protection de l’environnement », § 94. 206 Ibid.

60

fabriqués sur le territoire français. Ainsi, s’il apparaît que cette mesure est couverte par les alinéas

b) et g) de l’article XX du GATT, il faut encore que l’évaluation carbone soit conforme aux

prescriptions de son texte introductif.

§3. L’évaluation de la mesure au regard du paragraphe introductif de l’article XX

154. Le chapeau de l’article XX pose trois critères généraux et cumulatifs, ceux-ci sont

« applicables à toutes les restrictions spécifiques visées qui viendraient à être invoqués par les

Membres »207 Il ressort de la jurisprudence du GATT que l’application d’une mesure d’une

manière qui ne constitue pas un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable, ou une

restriction déguisée au commerce international, a souvent été l’aspect le plus problématique de

l’utilisation des exceptions du GATT.208 Au surplus, la notion de bonne foi incluse dans le

paragraphe introductif de l’article XX doit être examinée après une constatation de l’applicabilité

des sous-paragraphes de l’article XX209. D’après l’Organe d’appel, le critère de bonne foi

implique la recherche d’un point d’équilibre entre la libéralisation du commerce international et

la protection de l’objectif non commercial visé par la mesure contestée210.

155. Ainsi, pour démontrer qu’une mesure passe avec succès le test du paragraphe introductif

de l’article XX, elle ne doit pas établir une discrimination arbitraire ou injustifiable entre les pays

où les mêmes conditions existent (A), de même qu’elle ne doit pas être appliquée de façon à

constituer une restriction déguisée au commerce international (B).

A. La mesure nationale en cause ne doit pas apparaître comme un moyen de discrimination

« arbitraire » ou « injustifié »

156. La notion de discrimination incluse dans le paragraphe introductif est différente de celle

qui figure dans les articles du GATT relatifs au traitement de la nation la plus favorisée ou au

207 CARREAU (D.) et JUILLARD (P.), op.cit., Droit international économique, p. 276. 208 OMC., Commerce et changement climatique, p. xxi. 209 LUFF (D.), op.cit., p. 1053. 210 Rapport de l’Organe d’appel, États-Unis - Prohibition à l'importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes, adopté le 6 novembre 1998, WT/DS58, § 146 à 186.

61

traitement national. L’appréciation de la validité au regard du chapeau est très casuistique. Les

notions de discrimination arbitraire ou injustifiée sont très proches et se recoupent partiellement,

ce qu’a souligné l’Organe d’appel dans l’affaire de l’Essence : « Une restriction cachée ou non

annoncée dans le commerce international n’épuise pas le sens de l’expression « restriction

déguisée » […] La restriction déguisée comprend la discrimination déguisée au commerce

international. […] La restriction déguisée, quels que soient les autres éléments qu’elle comprend,

peut être interprétée correctement comme englobant les restrictions qui équivalent à une

discrimination arbitraire ou injustifiée dans le commerce international et prennent l’apparence

d’une mesure répondant dans sa forme aux conditions prescrites dans l’une des exceptions

énumérées à l’article XX. »211 L’Organe d’appel a ainsi finalement renoncé à distinguer la

discrimination arbitraire de la discrimination injustifiée dans l’affaire Brésil – Pneumatiques

rechapés212.

157. L’appréciation de la discrimination est donc évaluée à partir du libellé et du contenu

textuel de la législation en cause si celle-ci contient par exemple une disposition expressément

discriminatoire. Dans le cadre des appels d’offres en cause, le référentiel pays permettant de

calculer l’évaluation carbone est basé sur une méthode scientifique échappant au contrôle des

autorités françaises, de sorte que le même référentiel pays est utilisé pour tous les pays référencés

dans l’annexe 4 de l’appel d’offres. Cette évaluation objective empêche une discrimination entre

pays.

158. Toutefois, le principe de non-discrimination touche non seulement le traitement différent

réservé à des pays où les mêmes conditions existent, mais s’applique également lorsque le

traitement formellement identique est appliqué dans des situations différentes. Par exemple, dans

l’affaire de l’Essence, l’Organe d’appel a condamné les mesures prises par les États-Unis au

motif que ceux-ci n’ont pas recherché « les moyens de permettre aux producteurs des États tiers

de bénéficier d’un traitement identique à celui accordé à leurs ressortissants, et de ne pas avoir

pris en considération la disparité des coûts impliqués par la mise en œuvre des normes

spécifiques de la législation en cause », ce qui « constituait la preuve d’une discrimination

211 États-Unis – Normes concernant l'essence nouvelle et ancienne formules (ci-après États-Unis - Essence), rapport de l'Organe d'appel et rapport du Groupe spécial adoptés le 20 mai 1996, WT/DS2/R et WT/DS2/AB/R, p. 28. 212 Rapport de l’Organe d’appel, Brésil – Pneumatiques rechapés, § 217-234.

62

injustifiable constitutive d’une restriction déguisée au commerce »213. Les États-Unis auraient dû

par exemple étudier la possibilité de conclure des arrangements de coopération avec les pays

affectés. En l’espèce, la France octroie un traitement identique aux producteurs nationaux de

même qu’aux producteurs étrangers, la différenciation se basant sur une méthode de calcul

scientifiquement avérée. L’évaluation carbone dans le cadre des appels d’offres de la CRE n’est

donc ni discriminatoire ni arbitraire, il ne peut donc s’agir d’une restriction déguisée au

commerce.

B. La mesure nationale ne doit pas apparaître comme une « restriction déguisée du

commerce international »

159. Cette prescription s’attache à l’intention véritable de la partie prenant la mesure en cause.

Ainsi, c’est le terme « déguisée » qui prend ici toute son ampleur. L’appréciation de la manœuvre

frauduleuse n’est toutefois pas facile, ce qui a notamment été le cas dans le cadre de l’affaire des

Boissons alcooliques214. On retrouve ici un vœu de transparence : les règlementations exigées

doivent faire l’objet d’une publication ou d’une notification et seront pris en compte la

conception, les principes de base et la structure révélatrice de la mesure215.

160. La possibilité que cette seconde prescription s’applique est écartée puisque comme vu

précédemment, l’évaluation carbone est basée sur une méthode de calcul objective et

scientifiquement reconnue. Il apparaît ainsi que l’évaluation carbone est conforme à l’article XX

du GATT et peut donc être exemptée des interdictions posées par le GATT.

161. Pour conclure, la jurisprudence de l’ORD admet donc la légitimité des préoccupations

environnementales des États qui disposent d’une large autonomie en la matière. Cette autonomie

est néanmoins limitée par le respect des prescriptions des accords administrés par l’OMC et la

contrainte relative à la nécessité de coordonner les politiques relatives au commerce et à

l’environnement sous la tutelle de l’article XX. Toutefois, les conditions de mise en œuvre de

213 MALJEAN-DUBOIS (S.) (dir.), op.cit., Droit de l’Organisation Mondiale du Commerce et protection de l’environnement, p. 47. 214 Rapport de l’Organe d’appel, Japon – Taxes sur les boissons alcooliques, 4 octobre 1996, WT/DS8/AB/R, p. 30. 215 ANDELA (J.-J.), op.cit., « L’article XX du GATT de 1994 dans la jurisprudence de l’Organe de règlement des différends de l’OMC : une analyse sous le prisme environnemental », p. 16-17.

63

l’article XX font l’objet d’une interprétation stricte de la part de l’ORD, ce qui a pour

conséquence de lui conférer une efficacité limitée. Le Professeur Andela critique ce manque de

souplesse, car selon lui, « l’ORD doit pouvoir s’affranchir de la dictature du libre-échange pour

intégrer dans ses raisonnements, ses motivations et, in fine, dans ses décisions les préoccupations

d’ordre écologique. Il s’agit, de notre point de vue, d’une option réaliste au regard du contexte

international qui prévaut. »216

216 Ibid.

64

Partie II. Compatibilité au regard des accords spécifiques de l’OMC

162. Le droit de l’OMC affecte de manière croissante les politiques publiques des États

membres. Les Accords de l’OMC ont tenté d’intégrer des considérations environnementales en

leur sein, posant à nouveau la question de l’articulation des politiques environnementales avec le

droit de l’OMC et de l’autonomie de ces politiques nationales dans le cadre du système

commercial international. Il sera tenté ici d’illustrer si les différentes politiques publiques autant

au niveau européen qu’interne, visant à réduire la production de CO2 dans l’atmosphère, peuvent

être compatibles avec les Accords de l’OMC, plus particulièrement l’Accord sur les subventions

et les mesures compensatoires (Titre I) et l’Accord sur les Marchés publics (Titre II).

Titre I. La contrariété possible avec l’Accord sur les subventions et les

mesures compensatoires (SMC)

163. La relation entre la gestion des ressources naturelles et les distorsions du commerce

international a été clairement illustrée dans un rapport de l’OCDE217. Les distorsions au

commerce international, de fait, empêchent une allocation maximale des ressources naturelles.

Ainsi, l’Accord SMC s’il ne concerne pas directement l’environnement, participe à cette idée. Par

principe, une subvention est prohibée dès lors qu’elle tend à favoriser de jure ou de facto les

exportations ou la production nationale. Néanmoins, une subvention neutre vis-à-vis des

exportations ou de la production intérieure, peut aussi être condamnée ou compensée si elle est

spécifique et remplit un certain nombre d’autres conditions, notamment celles liées au préjudice

et aux effets de distorsion sur le commerce218. Afin de déterminer si la subvention est prohibée ou

non par l’Accord, il est nécessaire de déterminer si elle entre dans le champ d’application de

l’Accord SMC (Chapitre 1). En ce sens, il sera intéressant d’illustrer la position européenne quant

à ses mesures environnementales et de leur compatibilité avec l’Accord SMC (Chapitre 2).

217 OCDE., Les effets environnementaux des échanges, Paris, 1994. 218 MONNIER (P.) et RUIZ-FABRI (H.), « Les règles : dumping, subventions, mesures de sauvegarde », Fascicule 130-25, JurisClasseur Droit international, LexisNexis, mis à jour le 1er octobre 2010, p. 12.

65

Chapitre 1. Le champ d’application de l’Accord SMC

164. L’Accord sur les subventions et mesures compensatoires (SMC) définit la notion de

subvention comme « une contribution financière des pouvoirs publics » qui octroie un avantage

et qui « est spécifique à une entreprise ou à une branche de production ou à un groupe

d’entreprises ou de branches de production »219. La question se pose alors de savoir si l’évaluation

carbone satisfait à cet examen de l’article 1 de l’Accord SMC (Section 1). La réponse étant

négative, celle-ci soulève une autre interrogation : l’Accord SMC permet-il de rendre compte, de

manière opérante dans le système commercial multilatéral, des exigences environnementales des

Membres de l’OMC? (Section 2). La subvention, dès lors qu’elle est spécifique et même si

destinée à faciliter la mise en œuvre d’une législation internationale, ne peut favoriser les produits

d’origine nationale dans les marchés nationaux220. Cet enjeu qui va dans le même sens que les

articles I:1 et III:4 du GATT, révèle à nouveau l’incertitude liée aux mesures fondées sur les

processus et méthodes de production sur le régime des subventions (Section 3).

Section 1. Les conditions entraînant la violation de l’Accord SMC

165. Au regard de l’article 1er, une subvention est constituée par la réunion de deux éléments.

On retrouve tout d’abord le critère de la charge pour le Trésor Public, puis le fait que

l’intervention financière doit procurer un avantage à son destinataire.

166. Pour qu’une subvention soit qualifiée comme telle, il doit y avoir une contribution

financière des pouvoirs publics. Concernant la contribution financière en tant que telle, deux

approches peuvent être adoptées. La première empêche la qualification de subvention s’il n’y a

pas de dépense imputée sur le budget de l’État221. La deuxième est plus souple, elle admet que

« certaines interventions de l’État n’impliquant pas de dépenses publiques [pouvant] néanmoins

fausser la concurrence »222 puissent être considérées comme des subventions. Cette approche

adoptée inclut en vertu de l’article 1.1 de l’Accord SMC le transfert direct de fonds, mais aussi

219 Articles 1 et 2 de l’Accord SMC. 220 LUFF (D.), op.cit., p. 1059. 221 Ibid., p. 17. 222 Ibid.

66

d’autres formes de contribution financière, « y compris le transfert potentiel de fonds ou de

passif, les recettes abandonnées par suite d’exonérations fiscales, la fourniture de biens et de

services par les pouvoirs publics autres qu’une infrastructure générale ou l’achat de biens par les

pouvoirs publics. Enfin, une subvention serait également réputée exister si les pouvoirs publics

chargeaient un organisme privé d’exécuter ces fonctions ou lui ordonnaient de le faire, ou

faisaient des versements à un mécanisme de financement témoigne de l’intention d’inclure toutes

les formes possibles de contributions financières des pouvoirs publics dans la définition des

subventions. »223 Cette approche extensive adoptée par les rédacteurs du texte mène à penser que

l’Accord SMC tente d’inclure toutes les formes possibles de contributions financières des

pouvoirs publics dans la définition des subventions.

167. Si la subvention est appréhendée de manière large, l’évaluation carbone dans le cadre des

appels d’offres peut-elle être qualifiée de subvention comme telle ? Dans un premier temps, en se

rapportant à la définition de la contribution financière, il n’y a pas a priori de transfert direct ou

indirect de fond ou d’abandon de recettes publiques ou encore de versements de la part d’un

organisme tiers à des entreprises nationales. En effet, le bilan carbone est une évaluation qui

n’implique aucun échange monétaire au sens de l’article 1.1(a)(1) de l’Accord SMC.

168. Dès lors, alternativement, peut-on utiliser l’article 1.1(a)(2) ? Celui-ci indique que les

subventions visées par l’Accord consistent, d’une manière générale, en une forme quelconque de

soutien des revenus au sens de l’Article XVI du GATT224. Si cette disposition, comme l’illustre

David Luff, ne donne pas de détails sur cette notion. L’article ajoute toutefois que les subventions

visées sont celles qui ont « directement ou indirectement pour effet d’accroître les exportations

d’un produit du territoire [de la Partie contractante qui accorde la subvention] ou de réduire les

importations de ce produit sur son territoire »225. Ici, la disposition a tenu compte du rapport de

concurrence et de l’effet sur les marchés internationaux que peuvent avoir une subvention. Ainsi,

selon David Luff, « cette disposition semble suggérer qu’en l’absence de contribution financière

des pouvoirs publics au sens de l’article 1.1(a)(1) de l’Accord SMC, les soutiens des revenus ou

des prix seront pris en compte s’ils ont un effet tangible sur les marchés internationaux ».

223 Ibid. 224 LUFF (D.), op.cit., p. 460. 225 Article 1.1(a)(2) de l’Accord SMC.

67

169. Toutefois, la notion de soutien des revenus demeure, l’intervention financière est donc

nécessaire pour qualifier la subvention. L’évaluation carbone dans le cadre des appels d’offres ne

peut à cet égard être considérée comme une subvention puisqu’elle n’offre aucune contribution

financière aux producteurs de panneaux photovoltaïques fabriqués avec une faible consommation

de CO2. Par conséquent, il n’est dès lors plus indispensable de vérifier la conditionnalité des

autres critères prévus aux articles 2 et suivants de l’Accord SMC.

Section 2. Le déclin de la prise en considération de l’environnement dans l’Accord SMC

170. L’Accord sur les subventions classe en trois catégories les subventions en fonction de

leurs effets sur le commerce international. S’y retrouve ainsi une distinction entre les subventions

« prohibées », les subventions pouvant donner lieu à contestation et les subventions ne donnant

lieu à aucune action. Ces dernières subventions englobaient certaines subventions liées à la

recherche, subventions régionales et subventions liées à l’environnement. Or, alors que celles-ci

devaient être réexaminées au bout de cinq ans. Elles n’ont toutefois pas été renouvelées et sont

donc devenues caduques au 1er janvier 2000, ne laissant que deux catégories de subventions

spécifiques visées par l’Accord – les subventions prohibées et les subventions pouvant donner

lieu à une action226.

171. L’Accord SMC, avant l’année 2000 contenait une dérogation environnementale

spécifique classée dans les subventions ne donnant pas lieu à action.227 Instituée par l’article 8.2

c), cette disposition concernait les aides « visant à promouvoir l’adaptation d’installations

existantes à de nouvelles prescriptions environnementales imposées par la législation et/ou la

réglementation qui se traduisent pour les entreprises par des contraintes plus importantes et une

charge financière plus lourde »228.

172. L’article 8.2 c) n’a ainsi pas été maintenu attendu qu’« à l’issue de la période de

226 OMC., Rapport sur le Commerce mondial, « Les subventions, le commerce et l’OMC », 2006. 227 NGUYEN TRUNG HOANG (A.-L.), « Les règles de l’OMC en matière d’environnement », p. 144, in : KEMPF (R.), L’OMC face au changement climatique, Editions Pedone, Perspectives internationales n°29, Paris, 228 Article 8 de l’A.S.M.C.

68

transition, aucun consensus n’a pu se dégager autour du maintien de cette exception. »229 Comme

expliqué plus tôt, cette disposition environnementale n’avait été prévue que pour cinq ans et n’a

pas été renouvelée. Toutefois, il faut savoir que cette disposition n’avait pas réelle conséquence

puisque son champ d’application était très restreint. Il fallait en effet que l’aide envisagée soit une

mesure ponctuelle, non récurrente, limitée à 20% du coût de l’adaptation et devait être

directement liée et proportionnée à la réduction des nuisances et de la pollution prévue par

l’entreprise, et ne couvrait ainsi pas une économie pouvant être réalisée sur les coûts de

fabrication230.

173. Par conséquent, dans le régime actuel, toute intervention financière, dès lors qu’elle

répond à la condition de spécificité, peut être contestée par les États tiers suivant des modalités

différentes selon qu’il s’agisse d’une subvention prohibée ou donnant simplement lieu à action.231

Ainsi, les subventions générales par nature auront plus de chance de ne pas être attaquées en ce

que cela leur éviterait d’entrer dans la catégorie des subventions spécifiques232. S’agit-il d’un

déclin de la prise en considération de la protection de l’environnement ? Cette absence d’accord

entre les Membres de l’OMC en 2005 illustre la difficulté réelle que pose la coordination des

politiques publiques sur le changement climatique avec l’abaissement des barrières au commerce.

174. À cette fin, une étude universitaire a suggéré la possibilité de prélever un droit

compensateur sur les produits importés fabriqués dans des pays sans réglementation sur le

changement climatique233. Ceci permettrait de compenser les coûts de réduction des émissions qui

n’ont pas été payés dans la fabrication de ces produits. En effet, comme l’illustre le rapport

conjoint du PNUE et de l’OMC sur le commerce et le changement climatique, « l’inaction

confère un avantage […], le fait d’éviter le coût de la lutte contre le changement climatique

pourrait être considéré comme une subvention déguisée pouvant donner lieu à une mesure

compensatoire »234. Toutefois, il est peu probable que qualifier la non-adoption d’une législation

229 LANFRANCHI (M.-P.), op.cit., « Droit de l’OMC et protection de l’environnement », Fascicule 2300, Jurisclasseur Environnement et développement durable, dernière mise à jour le 27 février 2013, § 53. 230 En ce sens, se référer à l’article 8.2 b) de l’Accord SMC. 231 LEFEVRE (S.), « Les subventions pour la protection de l’environnement », in : MALJEAN-DUBOIS (S.) (dir.), Droit de l’Organisation Mondiale du Commerce et protection de l’environnement, Bruylant, Bruxelles, 2003, p. 221. 232 LUFF (D.), op.cit., p. 1059. 233 OMC et PNUE, op.cit., Rapport « Commerce et changement climatique », p. 111. 234 Ibid.

69

sur le climat de « subvention » soit compatible avec les règles de l’OMC235.

Section 3. L’incertitude liée aux mesures fondées sur les processus et méthode de production sur

le régime des subventions

175. Selon David Luff, « le rôle de l’OMC ne […] semble pas être celui d’adopter des règles

dans le seul but d’inciter ses Membres à adopter des politiques environnementales spécifiques,

mais d’être suffisamment souple pour permettre ces politiques »236. Ainsi, l’Accord SMC

n’empêche pas les Membres de ne pas accorder d’exonérations, voire d’imposer des écotaxes sur

l’usage de méthodes de production peu efficaces du point de vue de l’environnement.

176. Pour être réellement efficace, comme le souligne Raphael Kempf, toute politique

environnementale doit pouvoir distinguer les produits selon leurs procédés et méthodes de

productions.237 En effet, selon lui, « la transition vers une économie faiblement émettrice de

carbone ne se fera que s’il est possible de discriminer les produits fabriqués avec des méthodes

peu polluantes […]. Il s’agit donc de favoriser certaines techniques par rapport à d’autres238.

177. Il faut différencier les PMP selon qu’ils affectent ou non les caractéristiques physiques

des produits. Dans le premier cas, on parle de PMP incorporés au produit, et de PMP non

incorporés au produit dans le second. Dans le cadre de l’évaluation carbone, la question concerne

précisément les PMP non incorporés qui correspondent à la quantité de CO2 dégagée pour

produire un panneau photovoltaïque. Toutefois, si cette évaluation permet de déterminer la

méthode de production du produit, elle ne se retrouve pas dans les caractéristiques finales du

produit. Comme vu précédemment, la jurisprudence a été très réticente à l’idée de distinguer les

produits selon la manière dont ils ont été fabriqués. En effet, dans les rapports non adoptés des

Groupes spéciaux dans les deux affaires Thon – Dauphins, il a été décidé que les États-Unis ne

pouvaient distinguer entre des thons selon les techniques de pêches utilisées239. Cette solution a

235 Ibid. 236 LUFF (D.), op.cit., p. 1072. 237 KEMPF (R.), L’OMC face au changement climatique, Editions Pedone, Perspectives internationales n°29, Paris, p. 76 238 Ibid. 239 Ibid., p. 76.

70

été fortement débattue par la doctrine, le débat laissant un certain vide juridique sur la qualité des

PMP dans le droit de l’OMC. Il faut rappeler que pour l’Organe d’appel, les décisions non

adoptées n’ont pas de réelle valeur juridique. Si une partie de la doctrine a adopté le point de vue

des Groupes spéciaux240, d’autres auteurs, comme Jason Potts, considère que l’interdiction des

PMP n’est « qu’apparente »241.

178. L’analyse de la similarité exercée sur les PMP tend souvent comme vu dans les

précédents chapitres à refuser leur compatibilité avec les accords du GATT. En somme, si cette

analyse des critères de similarité des produits donne peu de marge de manœuvre aux

règlementations fondées sur les PMP, doit-on a fortiori prendre en compte d’autres critères ? Or,

faire rentrer une part plus importante de subjectivité dans l’examen des mesures

environnementales peut tendre vers des politiques protectionnistes contestables. A contrario, faire

primer comme le définit Raphael Kempf « un droit fondamental à l’exportation, ou à l’accès aux

marchés » tend à limiter la possibilité pour certains États de lutter contre le changement

climatique, « car il garantit à ses titulaires que leurs exportations ne pourront pas diminuer en

raison des subventions qu’accorderaient d’autres Membres à des énergies de substitution moins

polluantes »242. Face à l’absence de politique internationale réellement contraignante, mais avant

tout efficace en matière d’environnement, la protection de l’environnement ne peut-elle en réalité

pas passer par des canaux nationaux, voir régionaux ? Nous sommes dans un rapport de système

où une branche du droit ne parvient pas à réguler universellement une matière. Or, la lutte contre

le réchauffement climatique ayant un intérêt capital, d’autres sous-systèmes se doivent de les

considérer, mais aussi de les encadrer. C’est à cette fin que nous nous intéresserons à la politique

européenne, afin de déterminer comment une organisation régionale peut, sans contrevenir (ou

non) aux règles commerciales multilatérales internationales, appréhender la lutte contre le

réchauffement climatique ?

240 CHARNOVITZ (S.), “The Law of Environmental ‘PPMs’ in the WTO: Debunking the Myth of Illegality”, Yale JIL, vol. 27, 2002, pp. 76-77. 241 KEMPF (R.), op.cit., L’OMC face au changement climatique, p. 76 242 Ibid., p. 114.

71

Chapitre 2. La position européenne concernant les subventions et leur compatibilité avec

l’Accord SMC

179. Les Membres de l’OMC sont obligés dans un souci de transparence de notifier leurs

différents systèmes de subventions. Les États membres de l’UE ayant abandonné leur

compétence en matière de politique commerciale extérieure à l’UE, celle-ci est donc chargée de

la notification au Comité des subventions et des mesures compensatoires (« Comité SMC »).

Avant d’exposer les différentes mesures communautaires relatives à la diminution d’émissions de

gaz à effet de serre, la question de la qualification de ces différentes interventions

communautaires à vocation environnementale au regard de l’Accord SMC se pose.243 Au niveau

de l’UE, il existe deux types d’interventions financières à vocation environnementale. On

retrouve les subventions communautaires d’une part, qui sont financées au niveau européen puis

d’autre part, les aides d’État, subventions faites au niveau national. Dans les deux cas, l’objet de

cette étude n’est pas de vérifier la conformité du droit des aides d’États ou des subventions

communautaires avec le droit de l’OMC, mais plutôt d’envisager si les différentes mesures prises

peuvent avoir un impact sur les appels d’offres. Donc, en réalité, si ces mesures cherchant à

réduire la production de CO2 dans le cadre d’appels d’offres sont compatibles avec le droit de

l’OMC.

180. Plusieurs mesures visant à protéger l’homme du changement climatique ont été élaborées

ou envisagées par l’UE, mais aussi par certains États membres. Elles méritent notre attention,

nous aborderons ainsi les cas du mécanisme d’inclusion carbone et de la majoration tarifaire

proposés par la France. Ces mesures, tout comme pour l’évaluation carbone, prennent en compte

les méthodes vertueuses de production d’électricité sur les produits photovoltaïques et posent la

question de leur compatibilité non seulement avec le droit international, mais aussi de l’UE.

181. Le cas du mécanisme d’inclusion carbone peut être traité dans un premier temps. Cette

mesure de correction des distorsions de concurrence induites par les différences de contrainte

réglementaire existant entre pays, dans le domaine de la régulation des gaz à effet de serre, a été

243 MALJEAN-DUBOIS (S.) et TRUIHLÉ (E.), op.cit., L’Organisation mondiale du commerce confrontée aux défis de la protection de l’environnement, comment intégrer les exigences environnementales dans le système commercial multilatéral, p. 90.

72

proposée par la Présidence française de l’Union européenne dans le cadre du « paquet énergie-

climat »244. Elle visait ainsi « à rétablir un équilibre économique entre les producteurs soumis aux

contraintes du système des quotas européens d’émission de CO2 et les autres producteurs […]. En

effet […] ce mécanisme se concrétisait par l’attribution de quotas à titre gratuit aux producteurs

européens ».245 Si elle n’a toutefois pas été adoptée, cette mesure montre un certain intérêt dans le

cadre de cette étude. En effet, le mécanisme d’inclusion carbone n’est pas directement lié à un

appel d’offres, mais semble instituer une discrimination entre les producteurs européens et

étrangers. Cette attribution de quotas gratuits a priori discriminatoire a pourtant un effet dans le

cadre des appels d’offres. À l’évidence, les producteurs européens au titre de l’article 1.1 b) de

l’Accord SMC se verront accorder un avantage par rapport aux producteurs n’ayant pas été

soumis aux contraintes des quotas européens d’émission de CO2. Cette subvention est spécifique

selon l’article 1.2 de l’Accord SMC et peut donner lieu à action. En effet, le mécanisme

d’inclusion carbone n’étant pas basé sur un critère neutre, les producteurs européens ne partiront

pas sur le même pied d’égalité puisqu’ils auront bénéficié d’un avantage dans le cadre de l’appel

d’offres. Or, l’Accord SMC interdit toute discrimination injustifiée et arbitraire. Cette mesure

paraît ainsi contraire à l’Accord SMC.

182. Dans un second temps, il sera intéressant d’envisager un autre type de mesure instituée

par la France, à nouveau non spécifique aux appels d’offres, visant à réduire la production de

CO2. Un arrêté datant du 7 janvier 2013 portait ainsi majoration des tarifs de l’électricité pour les

installations solaires dont les composants étaient originaires de l’Espace économique européen.

La majoration allait de 5% ou 10% du tarif d’achat photovoltaïque pour les installations solaires

dont les composants étaient originaires de l’Espace économique européen (EEE). Il « imposait

que soient réalisées en Europe, deux des trois étapes de production suivantes : la transformation

des lingots de silicium en plaquettes de silicium, la transformation des plaquettes de silicium en

cellules, les opérations de soudage, d’assemblage et de lamination des cellules et les tests

électriques des modules. »246

244 MAREUGE (C.), « Analyse - Régulation climatique globale : quels mécanismes d’inclusion des importateurs de carbone en Europe? », Centre d’analyse stratégique, Note de veille n°104, juin 2008, p. 1. 245 LANFRANCHI (M.-P.), op.cit., « Droit de l’OMC et protection de l’environnement », § 54. 246 FABREGAT (S.), « Photovoltaïque : un bon bilan environnemental, surtout pour le "made in France" », 11 décembre 2012, Actu-environnement.com, http://www.actu-environnement.com/ae/news/acv-bilan-carbone-environnemental-photovoltaique-17276.php4 [consulté le 17 juin 2014]

73

183. Or, la compatibilité de cette majoration tarifaire avec le droit de l’UE était incertaine. En

mars 2013, la Commission européenne dans l’exposé des motifs associé au projet d’arrêté

d’abrogation a considéré « que le dispositif de majoration tarifaire constituait une entrave

injustifiée à la libre circulation des panneaux solaires légalement mis en libre pratique dans

d’autres États membres »247 en ce qu’il constituait « des mesures d’effet équivalent à des

restrictions quantitatives à l’importation [et] il n’est pas démontré que ce dispositif est nécessaire

pour [des raisons telles que la protection de la santé et de la vie des personnes ou la protection de

la propriété industrielle et commerciale] »248.

184. Pour faire suite à cet arbitrage de l’UE datant de mars 2013, jugeant le dispositif de

bonification de tarif d’achat de l’électricité produite à partir de panneaux photovoltaïques

européens mis en place par la France, contraire au droit de l’UE, la CRE a délibéré en date du 2

avril 2014 en faveur de l’arrêt de cette majoration. La délibération de la CRE notamment sur la

compatibilité au droit international et européen de ce dispositif est éloquente. Concernant la

compatibilité avec le droit de l’UE, la CRE rappelle ainsi que l’article 28, paragraphe 2, du traité

sur le fonctionnement de l’Union européenne précise que l’interdiction des restrictions

quantitatives à l’importation entre États membres s’applique tant aux produits originaires des

États membres qu’aux produits en provenance d’États tiers, qui se trouvent en libre pratique dans

les États membres249. Dès lors, il s’applique « nécessairement au cas de modules en provenance

d’États tiers et importés légalement au sein de l’Union européenne. »250

185. Au regard de la compatibilité avec le droit de l’OMC, la CRE rappelle que le paragraphe

5 de l’article III du GATT dispose qu’« aucune partie contractante n’établira ni ne maintiendra de

réglementation quantitative intérieure concernant le mélange, la transformation ou l’utilisation,

en quantités ou en proportions déterminées, de certains produits, qui exigerait, directement ou

247 COLLET (P.), Photovoltaïque : l'abrogation de la bonification tarifaire pour les panneaux européens est en marche », Actu-environnement.com, 28 février 2014, http://www.actu-environnement.com/ae/news/projet-errete-abrogation-bonnifiation-tarifaire-photovoltaique-europeen-20915.php4 [consulté le 18 juin 2014] 248 Ibid. 249 Délibération du 20 décembre 2012 portant avis sur le projet d'arrêté relatif à la majoration des tarifs de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000, JORF n°0026 du 31 janvier 2013, texte n° 108. 250 Ibid.

74

indirectement, qu’une quantité ou une proportion déterminée d’un produit visé par la

réglementation provienne de sources nationales de production ». Reprenant l’affaire Canada —

Certaines mesures affectant le secteur de la production d’énergie renouvelable, la CRE observe

que « des mesures comparables à celles envisagées par le projet d’arrêté et mises en place par la

province de l’Ontario, au Canada, ont fait l’objet de plaintes de l’Union européenne et du Japon

devant l’OMC. »251 Il ressort de cette consultation que cette mesure aurait eu un effet dans le

cadre des appels d’offres. Cette majoration tarifaire pour les produits européens, comme pour le

mécanisme d’inclusion carbone, semble instituer une discrimination entre les candidats, ceux qui

utilisent les produits européens se voient de facto autorisés à proposer un prix de l’électricité plus

élevé que les autres, sans qu’il en soit tenu compte dans l’évaluation de leur offre.

186. Faisant suite à cet avis, la ministre de l’Écologie, du Développement durable et de

l’Énergie, et le Ministre de l’Économie, du Redressement productif et du Numérique ont signé

conjointement un arrêté le 25 avril 2014252 abrogeant le dispositif de soutien aux installations

solaires fabriquées en Europe. La non-adoption de ces deux mesures illustre à nouveau le

caractère prédominant de ce que Raphael Kempf reprend comme « l’obsession de la

compétitivité »253 qui entoure le système commercial institué par l’OMC. Cette obsession

s’inspire généralement de l’idée que des exigences environnementales élevées au niveau national

mettent l’industrie du pays dans une situation désavantageuse sur les marchés internationaux254.

251 Ibid. 252 Arrêté du 25 avril 2014 portant diverses dispositions relatives aux installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 fixant par catégorie d'installations les limites de puissance des installations pouvant bénéficier de l'obligation d'achat d'électricité, J.O., n° 107, 8 mai 2014, p. 7801, n° 8. 253 KEMPF (R.), op.cit., p. 132. 254 OCDE., « Procédés et méthodes de production (PMP) : Cadre conceptuel et étude de l’utilisation des mesures commerciales fondées sur les PMP », OCDE/GD (97)137, 1997, p. 28.

75

Titre II. La contrariété possible avec l’Accord sur les marchés publics (AMP)

187. Les procédures de passation de marchés publics européens intègrent des critères

environnementaux dans les appels d’offres publics qui se traduisent aux différents stades de

l’attribution des marchés publics: au moment de préparation des marchés, de leur passation et de

leur exécution. La prise en compte de l’environnement est désormais formalisée dans le droit des

marchés publics, tant au plan communautaire que national, faisant ainsi de la protection de

l’environnement un aspect à part entière dans le processus de la commande publique (Chapitre 1).

Toutefois, cette considération environnementale doit à nouveau être observée à la lumière des

Accords de l’OMC. En effet, si les autorités adjudicatrices se doivent de respecter les règles du

libre échange mises en place par l’UE, elles doivent aussi respecter l’Accord sur les marchés

publics de l’OMC (Chapitre 2).

Chapitre 1. La mise en place de nouvelles règles en matière environnementale dans les

procédures de passation de marchés publics européens

188. Au sein de l’Union européenne, le cadre légal pour les achats dans les États membres est

défini par les nouvelles directives 2014/24/UE sur la passation des marchés publics et

2014/25/UE relative à la passation de marché par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de

l’énergie, des transports et des services postaux entrées en vigueur le 26 février 2014. Toutes les

collectivités, établissements publics des États Membres doivent respecter les principes qui y sont

définis. Les directives envisagées s’appliquent pour les achats supérieurs à un certain montant.

Aux montants inférieurs à ce seuil, le cadre législatif national s’applique. Dans les différentes

étapes de la procédure d’appel d’offres, ces nouvelles directives abrogeant les Directives

2004/18/EC et 2004/17/EC définissent l’applicabilité des critères environnementaux aux appels

d’offres.

189. Ainsi, peut être soulevée la question de savoir si ces nouvelles directives 2014/24/UE et

2014/25/UE permettent l’intégration de critères environnementaux aux appels d’offres publics.

Depuis les directives de 2004, les exigences ou critères environnementaux dans les documents

76

d’appels d’offres peuvent être définis dans l’objet du contrat, dans les caractéristiques techniques

du produit, les critères de sélection des candidats, les critères d’attribution du contrat et les

conditions d’exécution du contrat. Nous développerons deux de ces étapes de la procédure

d’appel d’offres où inclure des critères environnementaux. D’une part, les critères de sélection

des candidats (Section 2) et d’autre part, les critères d’attribution du contrat (Section 3). Ceux-ci

sont à notre sens les plus pertinents concernant l’évaluation carbone. Dans le même ordre d’idées,

la Commission européenne a élargi le champ d’application des appels d’offres par la mise en

place de nouvelles lignes directrices (Section 1).

Section 1 : L’élargissement du champ d’application des appels d’offres par la mise en place de

nouvelles lignes directrices adoptées par la Commission

190. Le 9 avril 2014, Joaquín Almunia, vice-président de la Commission chargé de la politique

de concurrence, présente « les nouvelles lignes directrices relatives à la protection de

l’environnement et à l’énergie » adoptées par la Commission européenne. Ainsi, le projet porte

un nom anodin, mais a fait l’objet d’une bataille acharnée, qui, de l’avis des défenseurs des

énergies renouvelables, « marque un revers pour le secteur en Europe »255. Applicables depuis le

1er juillet 2014, les nouvelles lignes directrices introduisent progressivement des procédures de

mise en concurrence pour l’octroi des aides publiques256. Jusqu’à présent, dans le cadre de sa

stratégie climatique, Europe 2020, un régime dérogatoire à la règle de libre concurrence,

autorisait les aides publiques aux énergies renouvelables, permettant l’essor des énergies vertes,

qui comptent, désormais, pour 14 % de la consommation d’énergie en Europe, l’objectif étant

d’atteindre 20 % en 2020257. La Commission européenne « estime que ce système a fait son

temps. Il a coûté cher et a même provoqué des « bulles » et des abus, notamment à travers le

mécanisme des tarifs garantis offerts aux producteurs d’électricité photovoltaïque. »258

255 BAUER (A.), « Energies vertes : Bruxelles choisit de ménager l'industrie », Les Échos, 9 avril 2014, http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/energie-environnement/actu/0203429687874-energies-vertes-bruxelles-choisit-de-menager-l-industrie-663300.php [consulté le 18 juin 2014] 256 Commission européenne, « Aides d’État: la Commission adopte de nouvelles règles sur les aides d'État à la protection de l'environnement et à l'énergie », Communiqué de presse, 9 avril 2014, http://europa.eu/rapid/press-release_IP-14-400_fr.htm [consulté le 18 juin 2014] 257 Ibid. 258 BAUER (A.), op.cit.

77

191. Pour la période 2014-2020, elle propose donc de remplacer le mécanisme des tarifs

garantis offerts aux producteurs d’électricité photovoltaïque, ce système de prix garantis pour

toutes les installations solaires de plus de 500 kWh ou éoliennes de plus de 3 MW, pour

privilégier un système d’appel d’offres. L’idée est de réintégrer l’électricité verte dans les

mécanismes de marché.259 Sur cette base d’idées, le champ d’application des directives

2014/24/UE sur la passation des marchés publics et 2014/25/UE relative à la passation de marché

par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services

postaux s’étend aux installations solaires de plus petite taille. Cette phase de transition s’étalera

sur 2015 et 2016 afin de « tester ces procédures de mise en concurrence sur une petite partie de

leur nouvelle capacité de production d’électricité »260. Parallèlement, l’accès aux mécanismes de

soutien public se fera au travers d’appels d’offres afin d’ « améliorer l’efficacité coût et réduire

les distorsions de concurrence ». Les appels d’offres deviendront la règle à partir du 1er janvier

2017.261 Il faut savoir que la France a plaidé pour une période d’adaptation jusqu’à 2018.

192. L’intérêt de ces nouvelles mesures pour notre étude est moindre, puisque ces nouvelles

lignes directrices n’affectent en réalité que l’approche concurrentielle du produit photovoltaïque.

En somme, certains producteurs qui auparavant bénéficiaient du mécanisme des tarifs d’achat

garantis en matière d’électricité photovoltaïque devront passer à des primes de rachat soumises

aux procédures de mise en concurrence. En l’espèce, il s’agit de déterminer si au travers de

l’évaluation carbone, les nouvelles directives européennes permettent la prise en compte de

critères environnementaux. Or, cette introduction de mécanismes fondés sur le marché ne préjuge

pas de leur compatibilité avec les directives européennes et n’a en réalité aucune incidence.

Section 2 : La sélection des candidats sur la base de critères environnementaux

193. La sélection des candidats par les pouvoirs adjudicateurs dans le cadre des appels d’offres

se fait selon trois critères : les critères d’exclusion, la capacité technique et la capacité

259 Ibid. 260 COLLET (P.), « Renouvelables : l'Europe entend les confronter au marché dès 2015 », Actu-environnement.com, 9 avril 2014, http://www.actu-environnement.com/ae/news/renouvelabes-europe-tarifs-achat-appels-offres-prime-21346.php4 [consulté le 17 juin 2014] 261 Ibid.

78

financière262. Les deux premiers critères sont au regard des directives les principaux moyens de

prises en compte des aspects environnementaux, mais seule la capacité technique pourrait

concerner l’évaluation carbone.

194. Ce critère de sélection technique se focalise sur la capacité de l’entreprise soumissionnaire

à remplir le contrat, les compétences demandées devant toujours être en lien avec l’objet du

marché ou les conditions d’exécution du contrat. Les critères environnementaux peuvent être

imposés, mais uniquement si une compétence particulière en lien avec l’environnement est

nécessaire pour réaliser le contrat. Or, ce n’est pas le cas d’espèce, puisque les modalités de

l’évaluation carbone contenues dans les appels d’offres de la CRE n’imposent pas de critère de

sélection au regard de la capacité technique des candidats. En d’autres termes, le candidat n’a pas

à prouver de références en environnement pour des produits qu’il aurait déjà fabriqués. On

retrouve ces critères plutôt dans le cadre des marchés de services et de travaux, lorsque

l’exécution du contrat aura un impact sur l’environnement. Ainsi, l’évaluation des différentes

offres reçues suite à la publication d’un appel d’offres commence par une analyse de la capacité

des soumissionnaires lors de l’attribution du marché.

Section 2 : L’attribution du marché, entre offre économiquement la plus avantageuse et coût du

cycle de vie

195. L’impulsion communautaire d’une protection de l’environnement par les pouvoirs

adjudicateurs dans les marchés publics a été imposée par le Parlement européen à la Commission

et au Conseil, plutôt réticents263. Ainsi, la directive 2004/18 du 31 mars 2004 relative à la

coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de

services, dispose dans son préambule que « les entités adjudicatrices peuvent contribuer à la

protection de l’environnement et à la promotion du développement durable tout en garantissant la

possibilité d’obtenir pour leurs marchés le meilleur rapport qualité/prix ».

196. L’article 6-I 2°) du Code des marchés publics faisant écho aux directives européennes de

262 Article 58 de la Directive 2014/24/UE et articles 77 à 80 de la Directive 2014/25/UE. 263 LA ROSA (S.), « Vers un approfondissement des règles européennes applicables aux concessions de service public », Petites affiches, 18 mars 2014, n° 55, p. 5.

79

2004, modifié par Décret n°2008-1334 du 17 décembre 2008 dispose que : « I. - Les prestations

qui font l’objet d’un marché ou d’un accord-cadre sont définies, dans les documents de la

consultation, par des spécifications techniques formulées […] peuvent inclure des caractéristiques

environnementales. » Cela implique que la volonté de vouloir procéder à la passation d’un

marché intégrant des considérations environnementales peut être affichée dans l’objet du marché.

Toutefois, ces exigences ne devront pas aller à l’encontre des principes du Traité des

Communautés européennes, en discriminant par exemple les produits européens des produits

étrangers comme c’était le cas avec l’arrêté du 7 janvier 2013 désormais abrogé, portant

majoration des tarifs de l’électricité pour les installations solaires européennes.

197. Une fois l’objet du marché identifié, les entités publiques peuvent établir leurs exigences

en spécifications techniques mesurables, auxquelles devra se conformer le produit envisagé264. Il

faut distinguer la sélection technique envisagée plus tôt (§ 193) de l’élaboration des spécifications

techniques. Les premières impliquent que le soumissionnaire soit à même de prouver son

expérience, notamment par ses compétences techniques ou la possession d’équipements

nécessaires. Les spécifications techniques envisagées en deuxième lieu sont définies à l’article

1 b) de l’Annexe VIII de la directive 2014/25/UE dans le cadre de marchés de travaux comme :

« […] l’ensemble des prescriptions techniques contenues notamment dans les documents de marché, définissant les caractéristiques requises d’un matériau, d’un produit ou d’une fourniture et permettant de les caractériser de manière telle qu’ils répondent à l’usage auquel ils sont destinés par l’entité adjudicatrice. Ces caractéristiques incluent les niveaux de performance environnementale et climatique, la conception pour tous les besoins (y compris l’accessibilité pour les personnes handicapées) et l’évaluation de la conformité, la propriété d’emploi, la sécurité ou les dimensions, y compris les procédures relatives à l’assurance de la qualité, la terminologie, les symboles, les essais et méthodes d’essai, l’emballage, le marquage et l’étiquetage, les instructions d’utilisation ainsi que les processus et méthodes de production à tout stade du cycle de vie des coûts. […] ; »

198. Les exigences environnementales peuvent ainsi s’exprimer dès la définition des

spécifications du marché, par la prise en compte par exemple d’un processus de production

particulier, par la référence aux écolabels ou par l’usage de toute autre variante265.

264 Voir en ce sens : Article 46 de la Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE, J.O., n° L 94/65 du 28 mars 2014. 265 Article 60 de la Directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE, J.O., n° L 94/243 du 28 mars 2014.

80

199. L’article 60-3 de la directive 2014/25/UE appréhende les normes comme un mode de

définition des spécifications techniques des marchés publics. La référence aux normes doit être

préférée selon cet article par les pouvoirs adjudicateurs dans la détermination des spécifications

techniques de leurs marchés. Cependant, cette référence ne constitue pas une obligation, en effet

chaque référence est accompagnée de la mention « ou équivalent ». Par exemple, les critères

environnementaux des écolabels peuvent servir de spécifications techniques. Toutefois, la

certification offerte par les écolabels n’est pas le seul mode admissible de preuve justifiant le

respect des spécifications techniques, il ne s’agit que d’un moyen de preuves parmi d’autres.

L’offre d’un candidat est en effet valable, si celui-ci réussit à prouver que son offre respecte, de

manière équivalente, les spécifications techniques266.

200. En l’espèce, la question qui se pose est de savoir si l’évaluation carbone peut être

considérée comme une norme au sens d’un écolabel ou s’il ne s’agit que d’une spécification

technique déterminée.

201. L’évaluation carbone référencée à l’annexe 4 du Cahier des charges de la CRE ne fait pas

de référence à d’écolabel particulier. Les modalités de calcul du bilan carbone se rapprochent

plus de la spécification technique qui tient au processus spécifique de production des panneaux

solaires photovoltaïques au sens de l’article 60 de la Directive 2014/25/UE. L’évaluation carbone

est appliquée au stade de l’attribution du marché après l’analyse des différentes offres. En effet,

les autorités évaluent la qualité des offres, lorsqu’elles ont été jugées conformes, avec les

spécifications techniques afin de choisir la meilleure d’entre elles. La différence entre les

spécifications techniques et les critères d’attribution repose sur le fait que les spécifications

énoncent les exigences minimales que le produit doit remplir. Le critère d’attribution quant à lui

permet à l’autorité adjudicatrice d’indiquer ce qui serait préférable.

202. Il y a deux options possibles pour évaluer les offres dans la phase d’attribution du marché.

La première consiste à appliquer l’offre ayant le prix le plus bas et la deuxième consiste à

appliquer l’offre économiquement la plus avantageuse267. Dans le premier cas, la décision finale

266 Voir en ce sens le considérant 70 de la Directive 2014/25/UE. 267 CJUE, arrêt du 10 mai 2012, Commission européenne contre Royaume des Pays-Bas, C-368/10, §6.

81

se basera uniquement sur le prix le plus bas. Ainsi, si aucun critère environnemental n’a été défini

dans les phases précédentes par exemple au sein des clauses techniques, il n’est pas possible de le

faire à ce stade.

203. En l’espèce, comme expliqué plus tôt, il n’est pas fait état dans le cahier des charges de

capacité technique particulière environnementale. Si le principe de l’offre la plus

économiquement avantageuse est appliqué, d’autres critères d’attribution peuvent être pris en

compte. Ces critères d’attribution qu’ils soient relatifs ou non à l’environnement devront

impérativement être en lien avec l’objet du marché, être objectivement quantifiables, être

pondérés avec les autres critères d’attribution et être clairement définis dans les documents

d’appel d’offres afin de garantir la transparence. La nouvelle directive 2014/25/UE dans son

considérant 101 dispose qu’ « [i]l convient donc de préciser que, sauf lorsque l’évaluation est

exclusivement fondée sur le prix, les entités adjudicatrices peuvent déterminer l’offre

économiquement la plus avantageuse et le coût le plus bas en prenant en compte le calcul du coût

du cycle de vie. »268

204. Elle définit la notion de calcul du coût du cycle de vie comme « couvr[ant] tous les coûts

supportés durant le cycle de vie des travaux, fournitures ou services. Elle englobe les coûts

internes […], mais peut également comprendre les coûts imputés aux externalités

environnementales, telles que la pollution causée par l’extraction des matières premières

utilisées dans le produit ou causées par le produit lui-même ou sa fabrication, à condition

qu’elles puissent être monétarisées et faire l’objet d’un suivi. Les méthodes utilisées par les

entités adjudicatrices pour évaluer les coûts imputés aux externalités environnementales devraient

être établies au préalable d’une manière objective et non discriminatoire et être accessibles à

toutes les parties intéressées. Ces méthodes peuvent être arrêtées au niveau national, régional ou

local, mais, pour éviter des distorsions de concurrence résultant de méthodes taillées sur mesure,

il convient qu’elles demeurent générales dans le sens qu’elles ne devraient pas être

spécifiquement mises en place pour une procédure de passation de marché public particulière. »269

268 Voir les considérant 101 de la Directive 2014/25/UE et considérant 95 de la Directive 2014/24/UE. 269 Ibid.

82

205. La méthode utilisée pour évaluer les coûts imputés aux externalités environnementales

doit respecter l’ensemble des conditions suivantes:

« a) elle se fonde sur des critères vérifiables de façon objective et non discriminatoires. En particulier, lorsqu’elle n’a pas été prévue pour une application répétée ou continue, elle ne favorise ni ne défavorise indûment certains opérateurs économiques ; b) elle est accessible à toutes les parties intéressées ; c) les données requises peuvent être fournies moyennant un effort raisonnable consenti par des opérateurs économiques normalement diligents, y compris des opérateurs de pays tiers parties à l’AMP ou à d’autres accords internationaux par lesquels l’Union est liée. »270

206. L’évaluation carbone simplifiée peut donc être considérée comme une évaluation du

« coût du cycle de vie » du panneau photovoltaïque, en ce sens qu’elle prend en considération la

pollution causée par la fabrication de ce produit. Elle se fonde en effet sur des critères vérifiables

de façon objective et non discriminatoire. Le référentiel-pays comme expliqué dans les chapitres

suivants échappe au contrôle des autorités françaises, le même référentiel scientifique étant utilisé

pour tous les pays référencés dans l’annexe 4.

207. Cette étape est fondamentale et les exigences de l’autorité doivent être clairement

définies, car elles constituent la base de l’information permettant aux entreprises d’évaluer leur

capacité pour répondre à l’appel d’offres. Afin de respecter le principe de non-discrimination, le

pouvoir adjudicateur est contraint d’analyser les différentes équivalences mentionnées dans les

offres des candidats, même si cette pratique allonge le délai d’analyse des offres. Sous cet angle,

le référentiel-pays et le mode de calcul utilisé par le bilan carbone ne paraissent pas être en

contradiction avec la directive européenne. Le bilan carbone n’est en effet qu’une des

composantes de la notation des candidatures dans le cahier des charges de la CRE. Il vaut un

certain pourcentage dans la note finale attribuée aux candidats. L’évaluation carbone est prévue

au point 4.7 du Cahier des charges de la CRE :

Le candidat fournit dans son dossier de candidature une évaluation carbone simplifiée des modules ou des films photovoltaïques réalisée conformément au modèle et à la méthodologie figurant en annexe 4. Cette évaluation carbone peut être réalisée par le candidat lorsqu’il est fait appel pour chaque composant aux valeurs figurant dans le tableau 2 de l’annexe 4 ; à défaut, elle doit être effectuée par un organisme spécialisé

270 Commission européenne, « Fiche d’information n°7 : Marchés publics écologiques, Réforme des marchés publics », http://ec.europa.eu/internal_market/publicprocurement/docs/modernising_rules/reform/fact-sheets/fact-sheet-07-environmental_fr.pdf [consulté le 25 juin 2014]

83

indépendant du candidat.271

208. Ainsi, le calcul de l’évaluation carbone offre une certaine souplesse aux candidats qui

peuvent procéder à leur propre mécanisme d’évaluation par « un organisme spécialisé

indépendant du candidat ». Une des préoccupations soulevées par un rapport de l’OCDE tient

notamment « à l’absence jusqu’à présent, d’harmonisation internationale des normes nationales

appliquées aux méthodes de production, aux procédés et aux techniques de manutention et de

mise au rebut, etc. »272 En effet, dans le cadre actuel du droit, les prescriptions PMP sont

variantes, il est difficile de vérifier leur respect au plan international. La possibilité de

différencier les produits similaires en fonction des caractéristiques PMP de ces produits amène

selon le rapport, à craindre que de nouvelles nomenclatures des produits en fonction des PMP ne

modifient l’équilibre des concessions précédemment négociées.273

Chapitre 2. La compatibilité de l’évaluation carbone simplifiée avec l’Accord sur les

marchés publics révisé

209. L’Accord de l’OMC sur les marchés publics (AMP) révisé est entré en vigueur le 6 avril

2014, soit deux ans environ après l’adoption du Protocole portant amendement de cet

instrument274. L’Accord sur les marchés publics (AMP) est à ce jour le seul accord juridiquement

contraignant à l’OMC qui porte spécifiquement sur les marchés publics. Le texte de l’Accord a

été rationalisé et modernisé. Il renforce ainsi la portée de l’Accord initial afin de promouvoir la

conservation des ressources naturelles et la protection de l’environnement au moyen de

l’application de spécifications techniques appropriées.275

210. Quatre affaires ont ainsi mis en jeu l’Accord sur les marchés publics : Japon – Achat d’un

satellite de navigation (demande de consultation présentée par les Communautés européennes),

271 Commission de régulation de l’énergie, « 4.7. Évaluation carbone simplifiée de l’installation photovoltaïque », Cahier des charges de l’appel d’offres portant sur la réalisation et l’exploitation d’installations photovoltaïques sur bâtiment de puissance crête comprise entre 100 et 250 kW, en ligne le 27 juin 2014. 272 OCDE., « Procédés et méthodes de production (PMP) : Cadre conceptuel et étude de l’utilisation des mesures commerciales fondées sur les PMP », OCDE/GD (97)137, 1997. p. 22. 273 Ibid. 274 OMC., « Entrée en vigueur de l’Accord sur les marchés publics révisé », Nouvelles, 7 avril 2014, http://www.wto.org/french/news_f/news14_f/gpro_07apr14_f.htm [consulté le 15 juillet 2014] 275 Ibid.

84

1er avril 1997, WT/DS73/1 (solution convenue d’un commun accord notifiée le 19 février 1998,

WT/DS73/5) ; États-Unis – Mesures affectant les marchés publics (demande de consultation

présentée par les Communautés européennes), 26 juin 1997, WT/DS88/1 ; États-Unis – Mesures

affectant les marchés publics (demande de consultation présentée par le Japon), 21 juillet 1997,

WT/DS95/1 (les affaires WT/DS88 et WT/DS95 ont été jointes ; les travaux du groupe spécial

ont été suspendus en 1999 à la demande des plaignants) ; Groupe spécial, Corée – Mesures

affectant les marchés publics, 19 juin 2000, WT/DS163.

211. L’article III de l’Accord plurilatéral sur les marchés publics révisé dans son alinéa 2

dispose que :

« Sous réserve que ces mesures ne soient pas appliquées de façon à constituer soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable entre les Parties où les mêmes conditions existent, soit une restriction déguisée au commerce international, rien dans le présent accord ne sera interprété comme empêchant une Partie d’instituer ou d’appliquer des mesures: a) nécessaires à la protection de la moralité publique, de l’ordre public ou de la sécurité publique ; b) nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux ; c) nécessaires à la protection de la propriété intellectuelle ; d) ou se rapportant à des marchandises fabriquées ou des services fournis par des personnes handicapées, des institutions philanthropiques ou des détenus. »

212. Dans les directives précitées 2014/24/UE et 2014/25/UE, il est fait mention d’une clause

horizontale, elle implique que « les entreprises qui souhaitent exécuter un marché public doivent

respecter les obligations environnementales prévues par le droit international et les législations

nationales et de l’Union européenne. »276 L’UE a aussi une obligation de conformité puisqu’elle

est un des membres signataires de l’AMP.

213. Il a été démontré que l’évaluation carbone était a priori conforme aux règles de l’UE. La

question se pose donc de savoir si l’évaluation carbone est conforme à l’Accord AMP révisé.

214. L’article X relatif aux spécifications techniques et documentation relative à l’appel

d’offres dispose dans son premier alinéa qu’ « une entité contractante n’établira, n’adoptera ni

276 Commission européenne, op.cit., « Fiche d’information n°7 : Marchés publics écologiques, Réforme des marchés publics ».

85

n’appliquera de spécifications techniques ni ne prescrira de procédures d’évaluation de la

conformité ayant pour but ou pour effet de créer des obstacles non nécessaires au commerce

international. » L’Accord prévoit ainsi dans son article X alinéa 6 que la Partie « pourra, en

conformité avec le présent article, établir, adopter ou appliquer des spécifications techniques pour

encourager la préservation des ressources naturelles ou protéger l’environnement. » Il apparaît au

regard du texte que les mesures d’évaluation protégeant l’environnement seraient compatibles

avec l’Accord. Il faut tout d’abord entendre ce que l’Accord entend par « spécifications

techniques ». Contrairement à son ancienne rédaction qui était plus restrictive, l’Accord AMP

révisé ne donne pas de définition de ce qu’il entend par « spécifications techniques ».

215. Si nous reprenons ainsi le texte, l’évaluation carbone appréhendée comme spécification

technique ne doit pas « créer des obstacles non nécessaires au commerce international », et le

Membre de l’OMC partie à l’Accord révisé peut « appliquer des spécifications techniques pour

[…] protéger l’environnement ». Concernant la notion d’obstacle nécessaire ou non au

commerce, l’Accord révisé ne la définit pas. Si nous nous référons aux obstacles couverts par les

alinéa b) et g) de l’article XX du GATT, et en reprenant l’analyse faite précédemment, il apparaît

que l’évaluation carbone n’est pas un obstacle au commerce puisqu’elle poursuit un objectif

légitime : celui de protection de l’environnement au sens de l’alinéa 6 de l’article X de l’Accord

AMP révisé. Il est dès lors possible d’en conclure que l’évaluation carbone paraît compatible

avec l’Accord AMP révisé.

86

Conclusion

216. Selon les Professeurs Gene Grossman et Alan Krueger, l’ouverture des marchés peut

provoquer un « effet technique » sur les productions de biens et de services utilisant plus de

technologies vertes. Cet effet technique de la libéralisation des échanges aura pour conséquence

d’inciter les investisseurs étrangers à adopter des modes de production respectueux de

l’environnement dans des pays qui n’en disposent pas, permettant aux Membres de l’O.M.C. de

convenir simultanément de la réduction et de l’élimination des obstacles tarifaires et non

tarifaires sur les technologies non polluantes277. Ainsi, l’évaluation carbone dans le cadre des

appels d’offres de la CRE est une résultante de cette prise en compte environnementale. Son

cahier des charges inclue un critère environnemental, à savoir le calcul des émissions de GES

dans le processus de fabrication des modules photovoltaïques.

217. Dans le cadre de l’OMC, de telles mesures sont soumises à un contrôle très rigoureux de

la part de l’ORD. Ainsi, une telle mesure pourrait a priori être incompatible avec les articles III:4

et I:1 du GATT. En effet, la distinction entre le panneau photovoltaïque fabriqué à faible

proposition de CO2 ne peut être faite. Le GATT ne permet pas aux Etats de différencier les

produits fabriqués avec des méthodes de production différentes.

218. Cette approche concurrentielle est nuancée par l’article XX du GATT qui introduit une

exception limitée et conditionnelle aux obligations découlant des autres dispositions de l’Accord

général278. L’évaluation carbone pourra donc bénéficier des exceptions environnementales

illustrées aux alinéas b) et g) de l’article XX. En effet, grâce au référentiel pays de l’annexe 4, le

calcul du bilan carbone permet de garantir un traitement non arbitraire et non discriminatoire

entre les candidats aux appels d’offres.

219. De manière plus générale, les différentes politiques publiques autant au niveau européen

277 NGUYEN TRUNG HOANG (A.-L.), op.cit., p. 146. 278 OMC., « Pratique du GATT/de l’OMC en matière de règlement des différends se rapportant à l’article XX, paragraphe b), d) et g) du GATT de 1994 », op.cit., p.2.

87

qu’interne, visant à réduire la production de CO2 dans l’atmosphère, paraissent être compatibles

avec les Accords de l’OMC, plus particulièrement l’Accord sur les subventions et les mesures

compensatoires et l’Accord sur les marchés publics. Ainsi, certaines subventions peuvent

parfaitement poursuivre isolément des objectifs environnementaux279.

220. Dans le même sens, si aucune théorie générale n’a été élaborée au sujet des PMP en droit

de l’OMC, il apparaît que la jurisprudence récente n’empêche pas nécessairement des PMP à

finalité environnementale de sortir leurs effets pour autant « qu’elles soient prises de bonne foi ou

mettent en œuvre des conventions internationales protectrices de l’environnement »280. Les

incertitudes juridiques autant dans les textes que dans le cadre du système de règlement des

différends de l’OMC doivent inciter à une clarification du débat sur la possibilité d’admettre la

prise en compte des méthodes et processus de fabrication. En effet, l'OMS estime qu'entre 2030

et 2050, le changement climatique entraînera près de 250 000 décès de plus par an. Selon le

directeur du Département OMS Santé publique, la pollution de l’air était en 2012 responsable de

sept millions de décès, soit un décès sur huit dans le monde. D’après le Docteur Maria Neira,

« on dispose désormais d’éléments probants montrant que l’atténuation des effets du changement

climatique permettrait de réduire cette mortalité»281.

221. Les nouvelles politiques visant à atténuer les effets du changement climatique doivent

ainsi être encouragées. En effet, la protection de l’air pur dépasse par essence les frontières et ne

peut s’appréhender qu’à une échelle mondiale. Elle s’accompagne également à terme d’un

abandon des approches de protection sectorielle au profit du développement de conceptions

globales, notamment d’une « pensée systémique » lors de la mise en œuvre de ces actions. Il

s’agit dorénavant de gérer un problème de protection de l’ « environnement en son entier, sans le

parcelliser, en prenant en compte l’interdépendance des phénomènes naturels et des actions

humaines à l’origine des dégradations »282.

279 LUFF (D.), op.cit., p. 1058. 280 Ibid., p. 1076. 281 O.M.S., « L'OMS appelle à prendre des mesures plus fortes contre les risques pour la santé liés au climat », Communiqué de presse, http://www.who.int/mediacentre/news/releases/2014/climate-health-risks-action/fr/ [consulté le 15 août 2014] 282 BOISSON DE CHAZOURNES (L.), DESGAGNE (R.), ROMANO (C.), Protection internationale de l’environnement, Recueil d’instruments juridiques, p.15.

88

Bibliographie I. Textes officiels

A- Textes officiels internationaux

1- Traités internationaux

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2- Actes dérivés: résolutions, recommandations et rapports

a. Assemblée générale des Nations Unies A/RES/217 (III) du 10 décembre 1948, Déclaration universelle des droits de l’homme, 3ème session. A/RES/1803 (XVII) du 14 décembre 1962, Souveraineté permanente sur les ressources naturelles, 17ème session.

A/RES/60/1 du 16 septembre 2005, Document final du Sommet mondial de 2005, 60ème session.

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A.G.N.U, Déclaration de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement, adoptée à Stockholm, 16 juin 1972.

A/RES/55/2 du 13 septembre 2000, Déclaration du millénaire, 55ème session. A/RES/47/190 du 16 mars 1993, Rapport de Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, 47ème session.

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B- Textes officiels régionaux

1- Textes officiels européens

a. Conseil de l’Europe

90

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b. Union Européenne Version consolidée du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, adopté le 13 mars 2007, entré en vigueur le 1er décembre 2009, J.O.U.E. C 326 du 26 octobre 2012. Directive n°2001/77/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2001, relative à la promotion de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables sur le marché intérieur de l'électricité, J.O. L 283 du 27.10.2001, p. 33. Directive n°2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, J.O., n° L 134 du 30 avril 2004. Directive n°2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE, J.O. n° L 94/65 du 28 mars 2014. Directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE, J.O. n° L 94/243 du 28 mars 2014. Proposition de Directive du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 2011, sur la passation des marchés publics. Communication interprétative de la Commission sur le droit communautaire applicable aux marchés publics et les possibilités d'intégrer des considérations environnementales dans lesdits marchés, du 4 juillet 2001, COM(2001) 274 final. Communication interprétative de la Commission sur le droit communautaire applicable aux marchés publics et les possibilités d’intégrer des aspects sociaux dans lesdits marchés du 15 octobre 2001, COM(2001) 566 final. Règlement (CE) n° 597/2009 du 11 juin 2009 relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de la Communauté européenne, entré en vigueur le 7 août 2009, J.O. L 188 du 18.7.2009.

C- Textes officiels de droit français

Arrêté du 25 avril 2014 portant diverses dispositions relatives aux installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 fixant par catégorie d'installations les limites de puissance des installations pouvant bénéficier de l'obligation d'achat d'électricité, J.O., n° 107, 8 mai 2014, n° 8.

91

Arrêté du 17 mars 2014 modifiant l'arrêté du 28 décembre 2011 homologuant les coefficients SN et VN résultant de l'application de l'arrêté du 4 mars 2011 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000, J.O.R.F. n°0077 du 1 avril 2014, page 6254, texte n° 31. Arrêté du 31 août 2010 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000, version consolidée au 28 juin 2013, J.O.R.F. n°0202 du 1 septembre 2010, page 15919, texte n° 7. Décret n° 2010-1022 du 31 août 2010 relatif aux dispositifs de comptage sur les réseaux publics d'électricité en application du IV de l'article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, version consolidée au 03 septembre 2010, J.O.R.F. n°0203 du 2 septembre 2010, page 15993, texte n° 3. Délibération du 20 décembre 2012 portant avis sur le projet d'arrêté relatif à la majoration des tarifs de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000, J.O.R.F. n°0026 du 31 janvier 2013, texte n° 108. Délibération du 3 mars 2010 portant avis sur un projet d'arrêté relatif aux conditions d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil et sur un projet d'arrêté fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000, J.O.R.F. n°0069 du 23 mars 2010, texte n° 69. II. Décisions

A- Décisions internationales

C.I.J., arrêt (fond), Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis), Recueil, 1986.

B- Décisions de l’Organe de Règlement des différends de l’OMC

1. Rapports de l’Organe d’appel devant l’OMC

Rapport Canada — Certaines mesures affectant le secteur de la production d’énergie renouvelable, affaire DS412.

92

Rapport Canada — Mesures relatives au programme de tarifs de rachat garantis, dossier DS426. Rapport Union Européenne et Certains États Membres — Certaines mesures affectant le secteur de la production d'énergie renouvelable, affaire DS452. Demande de consultation de la Chine le 5 novembre 2012. Rapport États-Unis – Normes concernant l'essence nouvelle et ancienne formules, Affaires n° 2 et 4 de l'OMC. Décision adoptée le 20 mai 1996. Plainte déposée par le Venezuela et le Brésil. Rapport de l’Organe d’appel États-Unis – Normes concernant l'essence nouvelle et ancienne formules, WT/DS2/AB/R, adopté le 20 mai 1996. Rapport du Groupe spécial États-Unis – Normes concernant l'essence nouvelle et ancienne formules, WT/DS2/R, adopté le 20 mai 1996, modifié par le rapport de l’Organe d’appel WT/DS2/AB/R. Rapport de l'Organe d'appel États-Unis – Droits antidumping et droits compensateurs définitifs visant certains produits en provenance de Chine, WT/DS379/AB/R, adopté le 25 mars 2011. Rapport de l'Organe d'appel, Japon - Mesures visant les produits agricoles, WT/DS76/AB/R, 22 février 1999. Rapport de l'Organe d'appel, Communautés européennes - Mesures affectant l'amiante et les produits en contenant, WT/DS135/AB/R, 12 Mars 2001. Rapport Communautés européennes — Mesures affectant l'amiante et les produits en contenant. Affaire n° 135 de l'OMC. Décision adoptée le 5 avril 2001. Plainte déposée par le Canada. Rapport de l’Organe d’appel, Corée – Mesures affectant les importations de viande de bœuf fraîche, réfrigérée et congelée, WT/DS161/AB/R, WT/DS169/AB/R, 11 décembre 2000. Rapport du Groupe spécial, Inde – Mesures concernant le secteur automobile, WT/DS146/R, WT/DS175/R, 21 décembre 2001. Rapport du Groupe spécial, Etats-Unis – Mesures affectant l’importation, la vente et l’utilisation de tabac sur le marché intérieur, adopté le 4 octobre 1994, DS44/R. Rapport du Groupe spécial, Etats-Unis – Restrictions à l’importation de thon, DS21/R - 39S/174, distribué le 3 septembre 1991, non adopté. Rapport du Groupe spécial, Etats-Unis– Restrictions à l’importation de thon, distribué le 16 juin 1994, DS29/R, non adopté. Demande de consultation Chine – Mesures concernant l'équipement pour la production d'énergie éolienne, dossier DS419.

93

Demande de consultations Inde – Certaines mesures relatives aux cellules solaires et aux modules solaires, dossier DS456. Plaignant : Etats-Unis Demande d'établissement d'un groupe spécial présentée par l'Argentine - Union européenne et un État membre – Certaines mesures concernant l'importation de biodiesels", affaire DS443.

2. Jurisprudence de la CJCE et de la CJUE

CJUE, arrêt du 10 mai 2012, Commission européenne contre Royaume des Pays-Bas, C-368/10. III. Doctrine

A- Ouvrages

1- Ouvrages généraux

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Table des matières Introduction ....................................................................................................................................1

Partie I : Compatibilité au regard des règles générales du GATT de 1994............................20 Titre I. L’incompatibilité présumée avec l’article III:4 du GATT : la règle du traitement national..................................................................................................................................................................20 Chapitre 1. Les conditions entraînant la violation de l’article III:4 du GATT................................20

Section 1. La question de la similarité des produits.............................................................................21 Section 2. Des actes normatifs juridiques devant affecter les conditions de concurrence des produits..............................................................................................................................................................25 Section 3. Un traitement « moins favorable » réservé aux produits étrangers.....................................28

Chapitre 2. L’application de l’article III:8 a) du GATT comme moyen d’exclusion des mesures contestées du champ d’application de l’article III:4 du GATT .........................................................30 Titre II. L’incompatibilité présumée avec l’article I:1 du GATT : la règle du traitement de la nation la plus favorisée ..........................................................................................................................31 Chapitre 1. Le champ d’application de la règle de la nation la plus favorisée.................................31 Chapitre 2. Les conditions entrainant la violation de l’article I.1 du GATT ...................................33

Section 1 : La notion d’avantage conféré ............................................................................................33 Section 2 : L’obligation inconditionnelle d’étendre tous les avantages accordés................................34 Section 3 : La notion juridique de similarité entre produits de différentes origines............................35

Titre III. La discrimination légitimée par l’article XX du GATT : une exception environnementale ...................................................................................................................................37 Chapitre 1. L’intégration des considérations environnementales dans les principes de l’OMC....37

Section 1. L’objectif environnemental consacré par les textes et la jurisprudence de l’OMC ............37 Section 2 : La question des mesures commerciales extraterritoriales protégeant l’environnement ....42

Chapitre 2. L’article XX : l’exception environnementale ..................................................................47 Section 1. La qualification juridique des mesures visant à favoriser la production d’énergie photovoltaïque......................................................................................................................................47 Section 2. Le test émis par le Rapport de l’Organe d’appel, ÉU – normes concernant l’essence nouvelle et anciennes formules ............................................................................................................48

Partie II. Compatibilité au regard des accords spécifiques de l’OMC ...................................64 Titre I. La contrariété possible avec l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires (SMC) ......................................................................................................................................................64 Chapitre 1. Le champ d’application de l’Accord SMC ......................................................................65

Section 1. Les conditions entraînant la violation de l’Accord SMC....................................................65 Section 2. Le déclin de la prise en considération de l’environnement dans l’Accord SMC................67 Section 3. L’incertitude liée aux mesures fondées sur les processus et méthode de production sur le régime des subventions ........................................................................................................................69

Chapitre 2. La position européenne concernant les subventions et leur compatibilité avec l’Accord SMC .........................................................................................................................................71 Titre II. La contrariété possible avec l’Accord sur les marchés publics (AMP) ..............................75 Chapitre 1. La mise en place de nouvelles règles en matière environnementale dans les procédures de passation de marchés publics européens.....................................................................75

Section 1 : L’élargissement du champ d’application des appels d’offres par la mise en place de nouvelles lignes directrices adoptées par la Commission....................................................................76 Section 2 : La sélection des candidats sur la base de critères environnementaux ...............................77

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Section 2 : L’attribution du marché, entre offre économiquement la plus avantageuse et coût du cycle de vie ....................................................................................................................................................78

Chapitre 2. La compatibilité de l’évaluation carbone simplifiée avec l’Accord sur les marchés publics révisé...........................................................................................................................................83

Conclusion.....................................................................................................................................86

Bibliographie.................................................................................................................................88