Les connecteurs argumentatifs et contre-argumentatifs- Analyse contrastive français-italien- Partie...
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DEUXIEME PARTIE
LES CONNECTEURS ET LA
CONTRE-ARGUMENTATION
OPPOSITIONS, REJETS OU
REFUS, CONCESSIONS
MAIS, EN REVANCHE, PAR
CONTRE, QUAND MEME, TOUT DE
MEME, POUR AUTANT, EN TOUT
CAS, DE TOUTE FACON, AU
CONTRAIRE, MEME, EN FAIT, OR
•• MA •• , •• PERO' •• , ( .. IN
COMPENSO·· , •• PER CONTRO··),
•• PERO' LO STESSO··,
··MICA •• , ··COMUNQUE·· ,
•• INVECE··
··ANZI" ,
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Le fil conducteur qui guidera nos réf1exions dans cette
partie se dérou1era autour du connecteur "mais" et de son équiva1ent
italien "ma", morphèmes oppositifs. Le concept d' "opposition" recoupe
des notions et des formes hétérogènes. En fait, on pourrait le
considérer comme une activité définitoire de la pensée humaine: "il
n'y a pas de pensée ponctiforme, mais dès l'origine dua1isme ou
dédoub1ement [ ... ] En règ1e généra1e, toute expression, toute notion
est intimement unie à son contraire, de telle sorte qu'elle ne peut
étre pensée sans 1ui."1 C'est pourquoi dans l'expression verbale comme
dans tout acte d'inte11igence, on associe ce qui se ressemb1e et l'on
dissocie ce qui se différencie de que1que point de vue que ce soit. Un
mot de 1 iaison aussi "anodin" que "et" exprime une re1ation donc un
rapport p1us ou moins hiérarchique entre deux ou p1usieurs é1éments
dès lors soumis à une comparaison. Cette dernière semb1e étre p1us
caractérisque encore de l'énoncé re1 ié par "mais". "Et" et "mais" sont
d'ailleurs parfois très proches l'un de l'autre, voire synonymes: "il
a de la chance et (en p1us) il se p1aint" est équiva1ent à "(non
seu1ement) il a de la chance mais (en p1us) il se p1aint".
Nous réitérons ici notre assomption théorique se10n 1aque11e
l'opposition se réa1ise dans la 1angue sous certaines formes que le
linguiste différenciera p1us ou moins arbitrairement. Ainsi,
l'opposition peut étre perçue dès le pa1ier syntaxique essentie11ement
sous la forme "pa1pab1e" de la négation. C'est la structure négative
qui exercera sur la formation des énoncés des contraintes syntaxiques
re1ativement strictes pour 1eur acceptabi1ité.
L H.Wallon cité par HAGEGE C.: L 'Homme de paro7es, Fayard, Paris, 1985, p.104.
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Au pal ier sémantique, ce phénomène est en partie l ié aux
processus cognitifs de construction du sens qui associeraient
"instinctivement" une acception à son contraire ou encore la présence
d'un objet à son absence. C'est ainsi que nous pourrions lire les
constructions par couples d'antonymes, de contraires, de
contradictoires et de complémentaires logiques, tels qu'ils nous sont
présentés dans les différents "carrés", qu'il soit logique (celui
d'Aristote, basé sur les conditions de vérités) ou sémiotique (celui
de Greimas, "fondé sur une représentation visuelle de l'articulation
d'une catégorie sémantique"). Cependant, dans le discours quotidien ou
dans le langage ordinaire, il n'est pas rare d'avoir affaire à des
énoncés apparemment illogiques ou irrationnels, comme l'a relevé
C.Hagège, du type "je l'ai vu sans le voir" (="je l'ai vu mais je ne
l'ai pas vraiment vu"); du point de vue sémantique nombreux sont les
lexèmes qui ne se rapportent pas à une situation en tant que telle
mais qui servent plut6t à définir une relation. C'est le cas par
exemple du verbe "louer": "j'ai loué un appartement" veut aussi bien
dire "j'ai pris en location un appartement" que "j'ai donné en
location un appartement". 2 Ainsi, il sera impossible en trançais
d'opposer sémantiquement les deux valeurs "contradictoires" de ce
verbe, alors meme que cela serait possible en italien ("affittare",
verbe employé activement opposé à "prendere in affitto"); il s'agit là
d'un cas d'inversion des relations actancielles qui s'expriment dans
2_ Il en est de meme pour le verbe "apprendre" ("apprendre à quelqu'un" signifiant exactement le sens et la direction contraires de la relation exprimée dans "quelqu'un me l'a appris"). C.Hagège entend récuser le prétendu phénomène d'énantiosémie, c'est-à-dire de co-présence de deux sens contrai res; i l préfère en effet l'interprétation selon laquelle les langues "subsumeraient le multiple dans l'un". De nombreuses langues disposent en effet de mots aptes à qualifier la relation et non pas l'état de choses; in HAGEGE C.: L'Homme de paro Tes, op.cit., p.144
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la langue arabe au travers de ces mots "dialectiques" appelés ad'dad. 3
Au niveau du texte, J.Derrida a mis en évidence le fait qu'une lecture
rationnelle de celui-ci tendant à ramener son sens à des concepts
univoques est vouée à l 'impasse. 4
Ce sont nos cultures et nos sociétés qui modèlent notre
perception de la réalité. Ainsi l'adjectif objectif "célibataire" qui
signifie au regard de l'état civil "non marié(e)", se double d'une
autre signification, de plus en plus fréquente aujourd'hui dans le
langage ordinai re, qui est la suivante: "n'ayant aucun lien amoureux
avec une personne de sexe opposé ou du meme sexe". En effet, dans une
émission télévisée, nous avons pu entendre le dialogue suivant entre
un animateur et un spectateur invité à se présenter:
(1) A- Vous etes marié? B- Non! A- Vous etes célibataire? B- Non!"
Pourquoi ne pourrait-on pas dire alors: "je suis célibataire
mai s je ne sui s pas [tout à fait] cél i batai re", meme au ri sque de
violer les lois de la logique?
Enfin, le concept d'opposition recouvre un large éventail de
valeurs pragmatiques parmi lesquelles la simple fonction réactive. Il
qual ifie une attitude ou encore un mouvement argumentatif ayant une
3_ Ces ad'dad peuvent signifier deux directions opposées d'une action transitive ou intransitive; il peuvent également signifier entre autres des relations spatiales opposées ou des relations temporelles opposées (en françai s par exempl e l' expression "tout à l' heure" indique aussi bien un avant qu'un après). ARRIVE M.: Langage et psychanalyse, linguistique et inconscient -Freud, Saussure, Pichon, Lacan -, op.cit. LEPSCHY C. G.: «Enant i osemi a e i ron i a ne l l ess i co ita l i ano» i n Nuovi saggi di linguistica italiana, op.cit., pp.153-160.
4_ M.Arrivé ne fait pas allusion à la position théorique de J.Derrida pourtant très proche, nous semble-t-il, de l'analyse de la négation chez Lacan commentée par l'auteur. Voir ZIMA P.: La déconstruction - Une critique, PUF, Paris, 1994.
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direction contraire ou simplement différente par rapport au mouvement
précédent.
A défaut de "carré pragmatique" nous disposons d'un carré
argumentatif où les arguments sont présentés comme étant plus ou moins
en faveur d'une conclusion implicite: on dira que ces arguments sont
co-orientés dans une relation de force argumentative ou anti-orientés,
et ce, relativement à une conclusion R ou à une conclusion
contradictoire non-R. Ainsi nous serons amenée à évoquer plus souvent
la négation argumentative que la négation logique.
Il semblerait que dans une perspective pragmatique, la
distinction opérée par certains, entre les emplois "descriptifs" et
les emplois "argumentatifs" des différents connecteurs que nous
étudierons dans cette partie ne soit pas aisée à établir,
essent i ell ement parce que l a force des cont re-arguments dépend de l a
visée argumentative de l'énonciateur.
Enfin, nous noterons qu'à une exception près (dans sa
vari ante "mah" et "macché") l es emp l oi s du connecteu r f rança i s "ma i s"
et ceux du connecteur italien "ma", meme si ce dernier est concurrencé
par "però", sont rigoureusement bi univoques. Nos réfl exions sur l e
premier vaudront donc également pour le secondo
9. Il MAIS Il / .. MA Il ,
La définition syntaxique
différentes grammaires classent
conjonctions de coordination;
MORPHEMES OPPOSITIFS
habituellement proposée par les
ces deux morphèmes parmi l es
cette classification syntaxique
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s'accompagne généralement d'une précision d'ordre sémantique: ils
marquent l'opposition.
Les dictionnaires des deux langues nous donnent une
définition similai re des conjonctions "mais" / "ma":
D'après le T.L.F.:
«-10) en employant "mais" le locuteur re fuse ce qui est dit dans la proposition précédant "mais" et le remplace par ce qui suit". -20) "Mais" s'emploie en téte d'un énoncé en réaction à une situation don t le locuteur re fuse telle ou telle conséquence ou telle ou telle conclusion qu'on pourrait en tirer.»
Pour Battaglia (que nous traduisons), "ma" est:
«une conjonction ayant une valeur adversative, utilisée comme négation tranchée, comme alternative ou comme restriction par rapport à un concept exprimé précédemment, ou encore pour indiquer une différence, une opposition entre deux choses, deux concepts etc.»
Nous remarquerons que la définition du T.L.F. prend en compte
le caractère essentiellement dialogique et argumentatif de ce
connecteur, ce que ne fait pas le dictionnaire italien; elle nous
semble donc plus convaincante.
• Le terme "coordination" ("co-ordination"), proche de
"conjonction" ("con-jonction"), sous lequel on range habituellement
"mai s" et "ma ", ne sembl e pas correspondre préci sément à l' éventai l
d'emplois qu'ils recouvrent. 5
5_ ANTOINE G.: La coordination en français, op.cit. Plus récemment les travaux de grammaire transformationnelle ont essayé d'établir des critères opératoires pour différencier les coordonnants des subordonnants. Voir par exemple RUBATTEL C.: «De la syntaxe des connecteurs pragmatiques» in Cahiers de linguistique française 4, pp.37-61. PIOT M.: «Coordination-subordination - une définition générale» in Langue Française 77, 1988, pp. 5-18.
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Le cas de "mais" illustre bien le flou de ces définitions; à
l a fois coordonnant et adverbe conjoncti f, adverbe modi ficateur ou
subordonnant, "mais" aurait, selon certains, un statut "à part". En
effet, ce connecteur ne relie pas toujours deux propositions
indépendantes:
«["mais"} a un statut in termédia ire entre celui des coordonnants proprement dits et celui des articulations logiques, du fait que l'idée d'adversation qu'il traduit déborde très largement le cas de l'argumentation rhétorique: l'adversation est une démarche fondamentale de la pensée commune, qui procède en contrastant, et son intervention est constante dans l'agencement du discours. Ainsi voyons-nous mais servir à quantité de formes de 1 'opposit ion:
glosable par "au contraire" [ ... }: 'tu ne commandes pas mais tu obéis'
..... , g 1 osab 1 e par Il cependant " [ ... } : 'sévère mais juste'
.. t ..... 4 .. ........ .4y. .......... 4i§.fQ1JK§ , g 1 osab 1 e par "d'autre part" [ ... }: 'il m'a répondu avec arrogance; mais parlons d'autre chose' » 6
"Mais", ajoute G. Moignet, "sert [donc] indifféremment dans
les deux plans du dire et du dit".
Les très nombreuses études que les connecteurs "mais" et "ma"
ont suscitées ne nous fournissent pas plus d'unité d'ensemble dans
leurs analyses qui se contredisent parfois les unes les autres.
Existe-t-il deux, trois ou quatre "mais"? Sans doute davantage, si
l'on tient compte des occurrences très variées de ce connecteur, et
des actes illocutoires qu'il permet de réaliser.
• Il nous faudra tout d'abord esquisser un bref aperçu
diachronique qui nous éclairera peut-etre sur les valeurs actuelles de
ce connecteu r .
6_ MOIGNET G.: Systématique de la langue française, op.cit., p.245.
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On distingue traditionnellement deux valeurs principales: le
"mais" I "ma" excluant ou réfutatif et le "mais" I "ma" modifiant ou
argumentatif-limitatif. Ils correspondent respectivement aux deux
morphèmes allemands "sondern" et "aber", aux deux morphèmes espagnols
"sino" et "pero", ou encore aux deux morphèmes ital iens synonymes de
"ma": "bensj" (a) et "però" (b):
(2a) "Il n'est pas journal iste médecin." "Non fa n giornaUsta 1!!J!!/Q.@I1§.l n medico. "
(2b) "Il n'est pas journaliste il adore la photo." "Non fa n giornaUstalJ!!!/J2.@{Q gU piace la fotografia."
La polysémie de ces connecteurs remonte à celle qui a pu etre
rel evée à propos de l a conjonct ion l ati ne magis. En effet, cell e-ci
assumerait tantòt une valeur qualitative de substitution (équivalente
au comparatif "potjus" pouvant se traduire par "plutòt": c'est le
"mais" I "sondern" "bens7"), tantòt une valeur quantitative
hiérarchique (équivalente au "plus" latin que l 'on retrouve dans
l'expression: "n'en pouvoi r mais": c'est le "mais" I "aber" - "però").
7 Ainsi, nous remarquerons avec intéret que la polysémie de ce
7_ C'est ce qu'entendent démontrer D. Marconi et P.M. Bertinetto dans leur analyse syntaxique diachronique de l'emploi de "magis" jusqu'au "mais" français et au "ma" italien. Les auteurs défendent la thèse de la double origine sémantique de ces conjonctions contrairement à O.Ducrot et C.Vogt qui pensaient que l'origine de "mais" était monogénétique; pour ces derniers le "mais" à valeur adversative est plus moderne et dériverait du "magis" correctif de substitution ou "modif i ant" . MARCONI D., BERTINETTO P.M.: «"Ma" in italiano - Parte prima: Semantica e pragmatica» in Lingua e Stile XIX-2, 1984, pp.223-258. MARCONI D., BERTINETTO P.M.: «Analisi di "ma" - Parte seconda: proiezioni diacroniche» in Lingua e Stile XIX-3, 1984, pp.475-509. DUCROT O., VOGT C.: «De "magis" à "mais": une hypothèse sémantique» in Revue de Linguistique Romane 171-2, 1979, pp.314-341. ANSCOMBRE J.-C., DUCROT O.: «Deux "mais" en français?», Lingua 43, 1977, pp.23-40. DUCROT O. ET AL.: Les mots du discours, op.cit.
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connecteur recouvre potentiellement des valeurs à l a fois
comparatives, intensives et adversatives, puisqu'il ajoute en excluant
ce qui a été précédemment énoncé. Nous pouvons constater ces valeurs
en observant le passage d'une forme phatique (question rhétorique ou
exclamation) à une forme constative ou assertive plus neutre ainsi que
la transformation du connecteur "et" en "mais":
(3) "Tu as réussi à obtenir une bourse tu te plains?" SE TRANSFORIIE EN: "Il a réussi à obtenir une bourse il se plaint."
Plus nettement oppositif, l'ancien français "ajnz" (ou
"ajnçojs") assume une fonction adverbi al e; il serait l ui-meme sans
doute dérivé d'un comparatif temporel "anfjus" . Toujours employé
derrière une proposition négative meme impl icite, nous dit Nyrop8,
"ajnz" concurrence fortement "mais", puis disparalt au profit de ce
dernier. En italien, cependant, le connecteur "anzj" (synonyme de
"bensì") garde aujourd'hui toute sa force expressive et, tout comme
l'ancien français "ajnz", il est paraphrasable ou traduisible par
"mais au contrai re". Comme nous l e verrons pl us loin, son emploi est
en effet plus marqué que "ma". Mais ce n'est pas là la seule valeur
pragmatique du connecteur et adverbe modificateur "anzf' 9, lui aussi
bivalent comme "ma" / "mais". Il peut en effet également jouer le role
d'un adverbe d'intensité ou de particule de coordination prédicative,
traduisible par "meme".
8_ NYROP Kr.: Grammajre hjstorjque de la langue françajse VI, Slatkine Reprints, Genève, 1979 (1936), p.91.
9_ L'emploi d'adverbe modificateur après une proposition affirmative ou introduisant des réponses rectificatives de l'ancien français "ajnz" est également attesté. Cf. ANTOINE G.: La coordjnafjon en françajs, op.cit., p.1126.
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Du reste, il ne faut pas oublier que "mais" et "ma" revetent
également la fonction d'adverbe modificateur d'intensité, lorsqu'ils
moda l isent le prédicat dans l'exclamation: "il est riche mais ce qui
s'appelle riche" (= "E' ricco ma proprio ricco!").
• Conformément à ce bref aperçu diachronique nous
distinguerons essentiellement trois valeurs principales de "mais",
auxquell es il faudrait adjoi ndre cette dernière val eur pl us margi nal e
qui est celle de l'emploi adverbial du "mais"j"ma" "intensifieur".
Nous étudierons également autour de ces valeurs, leurs équivalents,
c' est-à-di re l es connecteurs avec l esquel s "mai s" j "ma ti est
interchangeable.
Nous rappelons le schéma du fonctionnement de "p mais Q"
proposé par O. Ducrot, le linguiste qui s'est intéressé de près au
connecteur "mais" en français. Celui-ci s'intègre dans un carré
argumentatif présenté comme suit:
p
f MAIS <
Q
f conclusion R <-------------> conclusion non-R
P est un argument moins fort que Q «); p est un argument en
faveur d'une conclusion R alors que Q est un argument en faveur de la
conclusion non-R (--»; R et non-R sont contradictoires «--».
Cette définition général e et simpl ifi ée doit et re compl étée
par des considérations plus nuancées, sans doute meme plus complexes
et plus subtiles, comme en témoignent les nombreuses études menées sur
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ce eonneeteur. Sa deseription n'est done pas aussi élémentaire qu'il
n'y paralt.
Ce premier emploi de "mais" pose le problème du statut
syntaxique et pragmatique de la négation. Il s'agira done iei de
définir préeisément eette négation. Ce eonneeteur "mais", qui relie un
énoneé négatif P à un énoneé positif Q pourra également etre appelé
"métal i nguisti que" ou eneore "méta-énonei atif". Nous avons affai re à
la fois à un énoneé polémique, adversatif et métalinguistique modalisé
par un eonneeteur lui-meme polémique, adversatif et métalinguistique.
Soient les énoneés:
(4a) "Ce n'est pas un rhume .!11<! .. (c'est) une grippe." "Non è un raffredore, l!llfl un' influenza. "
(4b) " I l ne l i t pas l e russe !!!5!j§ (i l l i t) l e 9 ree. " "Non legge il russo, l!!1fl (legge) il greco."
(4e) "Non per sfiducia /lllfl per precauzione." (li ngarell i) "Ce n'est pas par méfianee !!!5!J.§ par préeaution."
(4e) "Non di te mi lamento l!llJ di lui". (li ngarell i) CI non mi lamento di te ma mi lamento di lui). "Je ne me plains pas de toi !!!.<itt§ de lui."
Nous noterons tout d'abord la forme des deux propositions ou
des deux arguments rel iés par "mais" et par "ma": ees deux eonneeteurs
eoordonnent un énoneé négatif à un énoneé positif. La forme négative
du premier argument fait apparaltre un autre énoneé présupposé auquel
il est répondu. Ce premier argument ne contient pas d'information
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nouvelle en soi: c'est la partie thématique de l'énoncé; c'est le
deuxième argument (le contre-argument) à la forme affirmative qui fait
l 'objet de l'acte de communication et qui transmet l'information
nouvelle ou le commentai re de l'énonciateur. Nous pourrions
schématiser ainsi la forme explicite de ces énoncés:
[p (PRESUPPOSE)] + NON-P (PREMIER ARGUMENT) MAIS Q (OEUXIEME ARGUMENT OlI CONTRE-ARGUMENT)
En affirmant "ce n'est pas lui le coupable" (non-P)
l'énonciateur remet en question une assertion présupposée (P): "c'est
lui le coupable" qui est rejetée. Q est une justification de
l'assertion non-P. Nous noterons, par ailleurs que si P est l'énoncé
présupposé, la séquence [P + non-P] peut aussi ne pas etre explicite;
en effet, l'énonciateur peut se contenter d'avancer le contre-argument
introduit par "mais" (ou "ma"):
(5) "Mais c'est Jacques le coupable!"
Ce second argument (où l 'expl icitation de la forme verbale
est cependant nécessaire) constitue dès lors une intervention anti-
orientée par rapport à une conclusion R qu'un co-énonciateur voudrait
imposer, et qui est la cible de cette contre-argumentation. Dans ce
cas précis, la négation n'étant pas explicite, elle ne peut etre
définie comme négation polémique mais comme négation argumentative.
Si nous essayons d'analyser cette négation d'après les
classifications habituellement établies, nous pouvons la ranger parmi
les négations métalinguistiques (relatives à l'énonciation meme) ,
sous-classe des négations polémiques, au sens de Ducrot. Toutes deux
sont diaphoniques, c'est-à-dire que l'énoncé négatif présente, de par
sa structure intrinsèque, deux points de vue contrastants: l'un est
l'énoncé positif dépourvu de négation et l'autre, s'opposant au
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premier, est l'énoncé négatif pris en charge par l'énonciateur. Cette
opposition consiste à battre en brèche la visée intentionnelle d'un
contradicteur présent ou virtuel. Rappelons les définitions de la
négation selon Ducrot:
«1. J'appelle "métalinguistique" une négation qui contredit les termes memes d'une parole effective à 1aquelle elle s'oppose. Je dirai que l'énoncé négatif s'en prend a10rs à un locuteur qui a énoncé son correspondant positif. C'est cette négation "métal inguistique" qui permet par exemp1e d'annuler 1es présupposés du positif sous-jacent, comme c'est le cas dans n'a pas cessé de fumer; en fait, il n'a jamais fumé" [ ... }
2. [Dans la négation "po1émique"}, le locuteur de "Pierre n'est pas intelligent", en s'assimilant à l'énonciateur E2 du refus, s'oppose non pas à un locuteur, mais à un énonciateur El qu'il met en scène dans son discours meme et peut n'etre assimi1é à l'auteur d'aucun discours effectif.»lO
Autrement dit, ce qui différencierait la première négation de
la seconde, c'est "existence effective d'un interlocuteur. La
première porterait sur l'acte locutoire alors que la seconde ne ferait
que "montrer" intrinsèquement la possibilité d'un avis divergent.
A ces deux négations s'ajoute la négation dite descriptive
qui "représente un état de choses" et dont l' analyse se conduit en
termes de valeur de vérité ou de vériconditionnalité. Cette troisième
négation soi-disant "non-réactive" n'est identifiable qu'hors contexte
et semble bien etre un artefact du linguiste. 11 La distinction se
10_ DUCROT O.: Le dire et Te dit, op.cit., p.217. IL On pourrait à l a rigueur considérer, en accord avec Nj1jl ke que
certains énoncés négatifs sont descriptifs parce qu'ils contiennent des "Termes à Polarité Négative": "ne pas avoir Ta moindre chance", "ne pas faire grand-chose", "ne pas 7ever Te petit doigt", etc ... Dans ces expressions, en effet, il est difficile de repérer un point de vue implicite sous-jacent de la contrepartie positive, puisqu'ils sont toujours insérés dans des contextes négatifs. Mais nous pourrions rétorquer qu'il suffirait d'envisager un niveau sémantique, pragmatique, et plus largement encore, un niveau argumentatif pour admettre que l'énoncé "iT n'a pas 7evé Te petit doigt" est opposé implicitement à un énoncé positif: "il a fait tout
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situe en fait au niveau sémantique et non pas au niveau pragmatique
(au niveau de la phrase et pas au niveau de l'énoncé). En fait, les
1 i ngui stes qui se sont i ntéressés de près à ce phénomène s' accordent
pour relever la dualité fondamentale de la négation, "créatrice d'un
contraste entre deux dimensions pertinentes d'un phénomène" 12. Ils
préfèrent en général fonder leur modèle de description sur le type de
la négation polémique. 13 Celle-ci est une forme de modal isation "qui
pourrait etre traitée comme un aspect ou un adverbe" 14, voi re comme
un "connecteur un peu particulier,,15.
Certains meme comparent la valeur pragmatique de la négation
à celle du marqueur assertif épistémique "bien". Cette suggestion nous
paralt particulièrement pertinente et nous permet de conforter
l'analyse que nous avions menée autour de ce morphème. C. Muller
remarque en effet que "bien" et "pas" ont une distribution analogue. 16
Nous avions déjà remarqué dans notre précédente partie
l'incompatibilité de "bien" assertif avec la négation polémique - et
pour cause, puisqu'ils s'excluent l'un l'autre et surtout
ce qu'iT a pu"; voir H.: «Formes et emplois des énoncés négatifs: polyphonie et syntaxe de "ne ... pas"» in Revue romane 25-2, 1990, pp.223-239.
12_ MOESCHLER J.: «Une, deux ou trois négations?" in Langue Française 94, 1992, pp.8-25.
13_ C'est la position par exemple de P.Attal dans son commentai re critique de l'essai de L. Horn: A natural history of negation; in ATTAL P.: «"A natural history of negation" -Laurence Horn, Chicago University Press, 1989- Commentai re critique» in Langue Française 94, 1992, pp.103-123; Cf. également FOREST R.: «L'interprétation des énoncés négatifs» in Langue Française 94, 1992, pp.35-47; MULLER C.: La Négation en français, Librairie Droz, Genève, 1991.
14_ HAGEGE C.: La structure des langues, op.cit., p.84. 15_ MULLER C.: La Négation en français, op.cit., p.15. 16_ D'après C.Muller, on pourrait, pourquoi pas, distinguer le "bien"
méta-linguistique (c'est le "bien" confirmatif répondant à un énoncé antérieur), le "bien" pOlémique (ce serait le "bien" concessif) et le "bien" descriptif; in MULLER C.: «La négation comme jugement», art.cit.
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l'impossibilité en français de marquer intensivement la négation.
C'est pourquoi, nous pourrions considérer qu'il existe symétriquement
à l'affirmation diaphonique et polémique (en fait la confirmation)
marquée par "bien", une négation également diaphonique et polémique.
Pour cette dernière, cependant, il n'existe en français aucun marqueur
de modalisation de "surface", alors que l'assertion négative intensive
ou polémique est présente en italien grace à "mica".
Ainsi, dans l'assertion affirmative, l'énonciateur exprime à
la fois une évaluation positive en validant l'adéquation de l'énoncé
avec une situation extra-l inguistique, et une adéquation du point de
vue de l'énonciateur E2 avec un point de vue antérieur E1 reconfirmé.
Inversement, dans l'assertion négative, l'énonciateur exprime une
évaluation négative en invalidant l'adéquation de l'énoncé ave c une
situation extra-linguistique et en rejetant le point de vue antérieur
d'un énonciateur E1.
C'est pourquoi nous pouvons toujours interpréter toutes les
assertions négatives indifféremment comme étant descriptives ou
polémiques puisque cette distinction ne peut etre relevée au niveau
"superficiel" de l'énoncé et qu'elle semble etre due à l'absence ou à
la présence d'une mise en scène discursive: elle serait donc le
résultat d'une interprétation. Nous pouvons meme dire que cette
distinction correspond aux deux niveaux ou aux deux paliers d'analyse
linguistique: le palier syntaxique et sémantique et un second palier
pragmatique.
• Or, c'est la présence d'une expansion à cet énoncé négatif,
introduite par "mais", qui permet d'interpréter sans ambiguHé la
valeur métalinguistique ou méta-énonciative de la négation présente
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341
dans la partie thématique de l'énoncé. Ce qui confère la valeur
polémique à cet énoncé négatif introductif, c'est en effet la
précision ultérieure du segment introduit par "mais" qui vient
rectifier l e premi er. L' acte énonci atif porte sur l' expression
formelle de l'énoncé, donc sur l'acte locutoire lui-meme. Ce deuxième
segment peut du reste etre appuyé par un "bien" confi rmati f, ce qui
corrobore l 'hypothèse de l'assertion polémique. Ce "mais" correspond
au "ma" italien qui lui-meme est paraphrasable par "bensì" (dont nous
notons la morphologie: "bene" + "sì")
(6a) "Il n'est pas rouge." "Non è verde l!l€!: rosso."
(6b) "On ne prendra pas l e bateau!!!gj§ l' avion. " "Non si prenderà la nave l!l€!: l'areo."
(6c) " I l n'a pas d i t 'sou r i s ' IDgj§ 'sou r i re '. " "Non ha detto 'souris' l!l€!: (Q.fll1§J) ·sourire'''.
(6d) " Il n'a pas a i mé l es po i res ado ré l es po i res . " "Non gli sono piaciute le pere Ill€!: le adora. "
(6e) "Il n'aime pas les poires mais les pommes." "Non gli piacciono le pere ma le mele. "
Dans une forme emphatique, le premier segment, indiquant le
rejet d'une assertion antérieure ou présupposée, peut etre modalisé
i ntensivement par la forme "non pas" auquel correspond parall èl ement
la modalisation intensive, au moyen de "bien", du deuxième segment
coordonné par "mais":
(7) "Il est non pas vert ma i s bi en rouge."
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342
Nous observerons plusieurs caractéristiques qui identifient
ce "mais" métalinguistique, affectant non pas la vérité du contenu
propositionnel mais l'assertabilité de l'énoncé: "l'effet de la
négation ne porte pas sur la proposition niée mais sur son
assertabilité, à savoir sur la possibilité mème de l'affirmer."17
Tout d'abord, le type d'énoncé dans lequel il s'intègre est
la parataxe. Le connecteur "mais" est bien dans ce cas un coordonnant.
C'est ce qui permet de faire l'ellipse de la partie de l'énoncé
commune aux deux propositions, c'est-à-dire la partie thématique
facul tativement "effacée" dans le deuxième segment. Cependant nous
noterons que, dans cet emploi d'adversatif ou de méta-énonciatif,
"mais" n'admet pas la commutation des deux segments de l'énoncé; dans
la transformation par commutation, le connecteur doit ètre alors
remp l acé par "et":
(8) "Il n'est pas intelligent riche." PEUT ETRE COMMUTE EN: "Il est riche (non) pas intelligent."
Comme nous le démontrerons plus loin, l'énoncé: "Il est riche
mais pas intelligent" est interprétable comme compensatoire et non pas
comme rectificatif. Reprenant les catégories sémantico-référentielles
de C. Hagège, nous remarque rons par a i 11 eu rs que l e type d' énoncé
négatif appartient à la classe des énoncés non-actifs ou, comme dirait
B.Pottier, à la sphère de l'Etre. Il s'agit d'énoncés essentie11ement
prédicatifs qui se répartissent comme suit: 1es attributifs (9a), 1es
énoncés équatifs (9b), 1es énoncés situatifs (9c), Les énoncés
existentie1s (9d):
17_ MOESCHLER J., REBOUL A.: Dict ionna ire Encyclopédique de Pragmatique, op.cit., p.21.
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343
(9a) "Pierre n'est pas professeur peintre." "Pierre non è professore l!l!# pittore. "
(9b) "Pierre n'est pas l'ami de son voisin." "Pierre non è amico di Paul l!!!# i l vicino."
(9C) "Le livre n'est pas sur la dessous." "17 libro non è sul tavolo lEl!: sotto. "
(9d) "Il n'y a pas une solution des solutions." "Non c'è una soluzione l!l!# de77e soluzioni."
Mais nous pourrions également ajouter à cette liste des
variantes à ces types d'énoncés qui s'adaptent plus précisément aux
énoncés négatifs: les énoncés dénombrants (ge),
contradictoires ou antonymiques (9f):
(ge) "Il ne l'a pas acheté cent francs deux cents francs." "Non l 'ha comprato cento franchi l!l!# due cento franchi."
(9f) "Jacques n'est pas pet it. " "Jacques non è grande 1!1!# piccolo. "
l es énoncés
Nous le constatons, nous pourrions multipl ier en autant de
catégories la classification de "mais". Le facteur commun qui semble
les définir uniformément, c'est le type de structure de ces énoncés.
En effet, la réfutation de l'assertion porte généralement sur
l'attribution d'une propriété, c'est-à-dire sur le complément du
prédicat et non pas sur le prédicat lui-meme.
Du point de vue fonctionnel, la partie elliptique (frontale)
est thématique par rapport à la partie finale rhématique qui transmet
l'information nouvelle et qui constitue l' objet de l'acte
d'énonciation. Nous remarquerons ainsi que l' intonation joue un r6le
décisif dans la mise en relief de tel ou tel autre segment de
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I
344
l'énoncé. La négation métalinguistique peut aussi etre définie comme
"citative". C'est pourquoi, à notre avis, la réfutation peut porter
sur tout type d'énoncé quel qu'il soit, dans la mesure où l'élément
focal isé porte une marque intonative d'emphase suivant une pause ("Il
n'a pas roulé mais à tombeau ouvert"). Dans ce cadre, il est
difficile d'établir les contraintes syntaxiques liées à ce type de
négation, car, n'importe quel segment de l'énoncé situé dans le champ
de la négation, et quelle que soit sa forme, peut etre réfuté ou
rectifié. Meme si l'énoncé est syntaxiquement malformé, on peut
toujours lui appl iquer une lecture de citation. 18 Dans un discours
écrit, l'élément ou le segment réfuté qui se trouve dans le champ de
la négation devrait etre signalé par des guillemets. C'est pourquoi un
énoncé tel que "il n'est pas grand mais costaud" qui nous est présenté
comme inacceptable par La Grammaire d'aujourd'hui19, nous semble en
fait tout à fait recevable si on lui applique cette lecture citative.
Lorsque l'énoncé n'est constitué que d'un sujet et d'un
verbe, sans complément prédicatif, l'énoncé introduit par "mais" doit
etre explicité dans son intégralité: le sUjet ou le thème ne peut etre
élidé. Nous avons affaire ici à des énoncés actifs et/ou à des énoncés
intransitifs. Ces derniers sont dès lors interprétés comme
"compensatoires" (10a et 11a) et non plus rectificatifs (10b er 11b).
Les premiers, contrai rement aux seconds admettent la commutation des
deux arguments:
(10a) " I l n' entend pas i l écoute."
18_ Ainsi l' énoncé syntaxiquement malformé "Paul n'a pas peut-etre compris la question" peut recevoi r une interprétation de négation méta-linguistique in H.: «Formes et emplois des énoncés négatifs: polyphonie et syntaxe de "ne ... pas"», art.cit., p.228.
19_ ARRI VE M., GADET F., GALMICHE M.: La grammaire d'aujourd'hui, Flammarion, Paris, 1986, p.194.
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345
(" i l écoute i l n' entend pas.")
( 10b) "Il n'a pas entendu écouté (le J. T.). " (*il a écouté le J.T. mais pas entendu)
(11 a) "I l ne donne pas !!H!t§ i l prete." (" il prete il ne donne pas.")
(11 b) "Il ne t'a pas don né 100 frs, preté 100 frs." (*il a preté 100 frs mais pas donné)
Nous remarquons que l e verbe conjugué à un temps simpl e (a)
doit etre obligatoirement explicité dans le second segment introduit
par "mais". Il semblerait que ce dernier ne puisse pas véhiculer une
information métalinguistique; en effet, l'intonation incise est
systématiquement neutralisée par le fait que l'accent tonique tombe
naturellement et obl igatoirement sur la particule négative "pas" et
par le fait que le sUjet ne puisse pas etre séparé du verbe par une
pause.
En ital ien, nous observons une structure similai re; le "ma"
compensatoire est d'ailleurs synonyme de "però" (12a et 13a) alors que
le "ma" rectificatif ou méta-énonciatif est synonyme de "bensi" (12b
et 13b) comme nous l'avons vu plus haut:
(12a) "(Lui) non sentel!1lJ.LIlJlrll ascolta." (12b) "Non ha sentito .. l ascoltato il T.G."
(13a) "(Lui) non dàl!1{!,LIlJll:Q presta. " (13b) "Non ti ha dato 100 prestato 100 franchi. "
Tout porte à croire que "l'épaississement phonique par
augmentation du nombre des syllabes correspond à une réfutation ou à
une contestation polémique".20
20_ HAGEGE C.: La structure des langues, op.cit., p.a7.
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• Du poi nt de vue sémant i que, l e segment qui const itue l e
focus de la négation (son champ 21) et le segment porteur de
l'information nouvelle, c'est-à-dire les deux segments contrastants,
n'appartiennent généralement pas au meme paradigme sémantique. En
effet, meme si l'énonciateur établit une relation entre les deux
segments de l'énoncé, cette association s'opère dans le cadre d'une
"visée de focalisation": "le choix paradigmatique a été effectué dans
un certain but [ ... ]. L'interprète doit comprendre cette visée."22 Si
cette définition est généralement applicable à tous les phénomènes
linguistiques liés à l'opposition, elle est encore plus pertinente
dans le cas du "mais" / "ma" méta-énonciatif ou citatif puisque
l 'objet de la "contrastivation" peut s'opérer aussi bien au niveau du
signifié, du concept ou de la référence, que du signifiant. Ce niveau
sémantique est étroitement l ié au niveau pragmatique. En particul ier
le "mais" / "ma" méta-énonciatif a la faculté d'annuler la loi
d'abaissement qui ,s'applique généralement à l'interprétation d'un
énoncé négatif "descriptif"; "il ne fait pas froid" signifie
normalement en vertu de cette loi d'abaissement: "il fait moins que
froid" c'est-à-di re "il faid tiède ou chaud". Le "mais" / "ma" méta-
énonciatif n'implique pas ce type de contrainte.
En situation dialogale, le simple énoncé libre introduit par
"mais" (par exemple dans l'exclamation) ne peut pas faire l'ellipse de
21_ Les particules négatives ont d'i nci dence f i xe dans l' énoncé, ce leur champ; la négation peut porter de l'énoncé.
une place fixe ou une base qui n'empeche pas la variété de sur des éléments très différents
22_ H.: «Ne ... pas: négation descriptive Française 94, 1992, pp.48-67, p.58.
ou pOlémique?» in Langue
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347
cette partie thématique c'est-à-dire du procès verbal. Dès lors,
l 'opposition porte sur un énoncé impl icite, ou peut-etre meme sur un
comportement • non-verbal, conférant ainsi à "mais" une fonction
interjective et une valeur contre-argumentative comme l'est toute
réplique réactive, les deux n'étant pas incompatibles:
(14a) il est rouge!"
uPJtrQ è rosso! "/ "E' rosso llJ1rQ! "/ è rosso! "/ uMll [questo] è rosso! "
( 14b) on prendra l'avion!"
"1!Jt,CQ si prenderà l'aero!" / "Si prenderà l'aereo I2JJI,Q! "/ uIJ1 'tJt,f@ si prenderà l'aereo! "/ uM§! si prenderà l'aereo!"
(14C) il a dit 'sourire'!"
"",P""""e"""",r""",o"",'", h d t t" ''', "/ "Ii d t t" ." " "/ "I a e o soun re . a e o soun re ha detto "sauri re"! "/ uMIfl ha detto "souri re"!"
( 14d) uM!=!,t,§ i l a adoré l es poi res! "
le pere gTi sono piaciute tantissimo!"/ "Le pere piaciute "/ "lJ1.,[email protected]@ Te pere gli sono tantissimo! "/ uMIfl Te pere gli sono piaciute tantissimo!"
Contrairement à la traduction proposée jusqu'ici
gli sono piaciute
du "mais"
rectificatif par un "ma/bens7", nous constatons que celle-ci ne
convient pas à l'emploi interjectif de "mais", c'est-à-di re à cet
emploi exclusivement dialogal, situé en début de réplique. La valeur
méta-énonciative de ce connecteur n'est pas à écarter mais ce n'est là
qu'une de ses attributions possibles.
En italien, il semblerait que "però" prenne l'avantage sur
"ma" dans l'emploi interjectif. Cela est dG, à notre avis, à son poids
graphique et phonique plus important par rapport à son concurrent
"ma". L'importance de ce poids est imputable à l'accent tonique sur la
dernière syllabe - caractérisque peu commune en italien - et à sa
position syntaxique relativement souple. Il n'est pas rare, en effet,
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348
que "però" soit postposé à un autre connecteur, parfois meme en emploi
pléonastique avec "ma". Nous trouverons ainsi très fréquemment des
séquences du type: "ora però", "poi però", "se però", "di cui
però", "che però":
(15 ) «Dieci nomi eccellenti. Capaci anche, oltre che di scrivere libri, di organizzare e governare minuscol i ministeri. Manager insomma,i"""gl"lf!Li llJUll non sanno ancora di quali mezzi disporranno.» (Panorama, 7-7-91)
"Dix personnages de renom. Capables non seulement d'écrire des livres, mais aussi d'organiser et de gouverner des ministères minuscules. Bref, des ne savent pas encore de quel s moyens il s disposeront." U . . , Bref, des managers qui ne savent pas encore de quel s moyens ils disposeront.)
( 16) «Dopo aver difeso A., ho perso, per un po' di tempo, alcuni clienti americani, di cui .12(jJIlJ ho poi riconquistato la fiducia.» (Panorama, 30-6-91)
"Après avo i r défendu A., j'ai perdu pendant un certain temps quelques clients américains dont reconquis la confiance plus tardo "
La traduction la plus proche du connecteur italien "però"
serait, comme nous venons de l e proposer, "cependant" qui all i ait
historiquement les valeurs de "contemporanéité" et d' "opposition,,23.
Tous deux sont très voisins de la valeur concessive attribuée à "quand
meme" et à "tout de meme", sur laquelle nous reviendrons. Remarquons
incidemment la position de "cependant" qui, comme tout adverbe de
phrase en français, est antéposé sauf dans une structure enchàssée où
il est alors satellisé par la forme verbale: c'est le cas des énoncés
(15) et (16). Cet enchàssement ne provoque en italien aucune
modification de la position de "però".
23_ L'emploi adverbial de "cependant" au sens adversatif de "néanmoins, toutefois" est attesté depuis le XVlème siècle; d'après le Dictionnaire historique de la langue française, op.cit.
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349
Nous pouvons considérer que "ma" possède deux variantes dans
les situations dialogales: "mah" et "macché".
En effet, nous estimons que "mah" est à considérer comme une
variante ou une altération du connecteur "ma" car il partage avec ce
dernier une caractéristique commune, celle d'opérer une rupture dans
le fil du discours. "Mah" est un marqueur de structuration de la
conversation, marquant dans la structure de l'échange une fonction
illocutoire réactive:
(17) «Industriali leghisti? Mli!ll, ci saranno pure, come ci sono dentisti o imbianchini ... » (Panorama, 30-6-91)
"Des industriels qui appartiennent à la "ligue"? CI jg ... .. il doit bien y en avoir, comme des dentistes ou des peintres en
batiment."
(18) «"E Gisella?" -.MIJ.ll, dice lui, non parla più.» (Pavese ci té par Battagl ia)
"Mah" est don c interchangeable avec "non saprei" C= "je ne
sai s pas trop"); on trouve égal ement: "ma non saprei ", "ma non di rei"
(= "pas exactement", "pas tout à fait") qui exercent une fonction
illocutoire réactive. Il semble etre une réaction intermédiaire entre
l'acquiescement "si" et le refus "no"; entre le consentement: "va
bene" (= "d'accord") et le désaccord: "non credo" (="je ne crois
pas"). Toujours antéposé, comme tous les marqueurs de structuration de
la conversation, on le trouve en ouverture de constituant de rang
inférieur. "Mah" est souvent suivi d'une pause, parfois meme d'un
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350
silence, et signale une hésitation dans la réponse; celle-ci est
matérialisée en quelque sorte par le prolongement de la voyelle "a"
accompagné d'une intonation suspensive (avec déclenchement et détente
brusque): cette pause qui constitue le temps de 1 "'à-di re" est aussi
celui de la mise en place de nouveaux arguments dont le locuteur ne
dispose pas sur le champ. C'est un laps de temps qui peut etre
interprété comme un instant de flottement, de "réticence"24:
«'Je (ne) sais pas' sert à diviser ou à ponctuer un discours mais en meme temps il sert à meubler un vide qui se produit parce que le locuteur hésite, ne réussit pas à trouver le mot juste, ou éprouve du mal ou de la réticence à formuler sa pensée.» 25
Le locuteur se met ainsi en retrait, il perd sa position
d'attaquant et d'offenseur - si nous voulons garder la métaphore
guerrière des théoriciens de la "stratégie" discursive - pour se
retrancher dans la défensive.
L'hésitation, le flottement et la réticence sont également
imputables au fait que la fonction illocutoire réactive est en rupture
ave c ce qui précède mais aussi ave c ce qui suit: "mah" ne réalise ni
une opération d'ancrage ou d'agrippage (comme par exemple dans "si ma"
/ "oui mais", "no ma" / "non mais") ni une opération de projection
(comme par exemple dans "beh a 77ora" / "bon alors"). "Mah", souvent
suivi de points de suspension, est chargé de non-dit; un non-dit ou un
espace vide dans lequel viendra pUiser la contre-argumentation d'un
interlocuteur. C'est en quelque sorte le silence qui est à l'origine
du nouveau mouvement discursif possible (si l'interlocuteur saura
l'exploiter), le moteur de cette contre-argumentation.
24_ PRANDI M.: «Figures textuelles du silence: la réticence» in PARRET H. (éd.): Le sens et ses Hétérogénéités, op.cit., pp.155-174.
25_ ANDREWS B.: «Marqueurs de rupture du discours» in Le Français moderne 59, 1989, pp.196-218, p.200.
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351
La marque d'hésitation peut étre matérialisée en français par
"euh" (ou "heu"), sans doute la plus caractéristique - dont la
signification lexicale fait totalement défaut - mais aussi par "ben".
Il nous semble que l'un des emplois de "euh" , s'il est situé en début
de réplique et s'il a une fonction illocutoire réactive 26, peut étre
équivalent à "mah": tous deux peuvent étre classés comme des pauses
oralisées (pour les Anglo-saxons
Italiens des "riempitivj',)27:
(19)
des "fi l led pauses" et pour l es
Le professeur: "Yous savez l'anglais, hein?" L'étudiant: non, pas très bien." Le professeur: "mais suffisamment quand méme pour lire un texte, ou bien? L'étudiant: "oui, ça je pense"28
17 professore: "Lei sa l'inglese, no?" Lo studente: "M{f1l1, no, non tanto bene" 17 professore: "ma abbastanza però da leggere un testo, o cosa?" 29 Lo studente: "S'i, questo penso di s'i"
La plupart des marqueurs de structuration de la conversation
sont définis par le critère de la perte de signification lexicale 30:
c'est le cas par exemple de "et bien" (ou "eh bien), "alors", "bon".
Généralement situé en début de réplique ou d'intervention, "mah" peut
également figurer à l' intérieur de celle-ci, faisant porter ainsi la
26_ "Heu" peut aussi étre un de ces "lubrifiants du discours" parlé, destiné à combler des trous et n'ayant aucune fonction illocutoire, ni d'ouverture ni de clòture d'intervention.
27_ Yoir l'analyse de ses pauses dans la conversation: ANDRE-LAROCHE BOUYV D.: Introduction à l'analyse sémio-linguistique de la conversation, Didier, Paris, 1984.
28_ Exemple d'échange emprunté à ROULET E. ET AL.: L'articulation du discours en français contemporain, op.cit., p.204.
29_ Nous pouvons ici également proposer comme traduction: "Abbastanza comunque da leggere un testo"; pour l'analyse "comunque", voir plus loin.
30_ voir à ce propos AUCHLIN A.: «Réflexions sur les marqueurs de structuration de la conversation» in Etudes de Linguistique Appliquée 41-44, 1981, pp.88-103; AUCHLIN in ROULET E. ET AL.: L'articulation du discours en français contemporain, op.cit., pp-93-111.
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352
marque d'hésitation sur un segment particulier de cette intervention.
La portée de "mah" peut donc etre aussi bien globale que locale.
Bien qu'ayant une valeur pragmatique particulière, nous
considérons "mah" comme une variante de "ma". Pouvons-nous dire dans
ce cas qu'il opère "au plan de l'activité énonciative et non pas au
plan des contenus", et qu'il réalise une méta-opération?31 "Mah" ,
marque bel et bien l'hésitation, il peut se traduire par: "ah ça! ... "
(accompagné de mouvements ascendants et arretés de la main, du menton
et des sourcils, comme "en suspens"32); il peut également se traduire
par "je ne sais pas" , "j'sais pas" qui sont loin d'etre dénués de
signification; mais il n'est pas impossible de le traduire par "bof"
qui est un marqueur totalement privé de contenu sémantique; ce "bof"
est toutefois connoté culturellement et socialement il évoque
presque immanquablement la "jeunesse désoeuvrée" des années 80 qu'on
appelait justement la "bof génération" - et il ne peut donc conveni r
invariablement à toutes les situations de communication:
(20) «[ ... ] A- "Et le sport, t'en fais B:
A- "E 70 sport, fai sport 8:
j'espère?" ... ,,»33
spero?" "Mé!!J ... "
L'expressivité de "mah" peut donc varier selon les idiolectes
ou l es i di osync ras i es de chacun. A not re avi s, il peut cons t ;tue r ,
dans certains cas, - en particulier lorsqu'il est suivi d'une pause
3L AUCHLIN A.: «Les marqueurs métadiscursifs» in ROULET E. ET AL.: L'articu7ation du discours en français contemporain, op. cit, pp. 86-93, p.95.
32_ CALBRIS G., MONTREDON J. : Des gestes et des mots, CLE International, Paris, 1986, p.133.
33_ Nous empruntons cet extrait de conversation à ANDRE-LAROCHE BOUVV D.: Introduction à 7 'ana7yse sémio-7inguistique de 7a conversation, op . c it., p. 130.
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353
prolongée - une forme de modalisation de l'assertion, dont la valeur
pragmatique se situe à mi-chemin entre le démenti formel et la
confirmation ou la revendication. "Je ne sais pas (mais)", "j'sais pas
(mais)" n'est pas obligatoirement interprétable comme la manifestation
d'une ignorance mais comme la manifestation d'une incertitude et d'un
désengagement. Le locuteur manifeste-t-il un refus de collaborer ou
bien feint-il une hésitation ou une réticence pour mieux (im-)poser
son point de vue? Ce "bémol" de la tempérance n'a pas son équivalent
précis en français, justement parce que ce "mah" est un marqueur de la
stucturation de la conversation qui est chargé de sens mais qui
traduit en méme temps une opération méta-énonciative ou phatique: en
français, on devra donc renoncer soit à transposer la teneur
sémantique ("eh bien ... ", "heu ... " en sont dépourvus), soit à traduire
sa fonction de marqueur de structuration de la conversation ("je ne
sais pas" qui véhicule un contenu sémantique).
"Macché" est ressenti par les étrangers comme la marque d'une
"ital ianité", tant ce modal isateur est chargé d'expressivité. Surtout
employé dans la langue orale, il est souvent accompagné d'un geste
qui, lui aussi, est perçu comme une expression originale de la langue
italienne. Parmi les schèmes gestuels français, l'équivalent le plus
proche serait le haussement d'épaule suivi d'un mouvement de la téte
horizontal (signifiant "non"). Ainsi, pour l'italien:
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354
34
"Macché" ne peut pas etre défi ni comme un marqueur de
structuration de la conversation: il ne fournit, en effet, aucune
indication sur le niveau hiérarchique de l'échange et ce n'est pas un
lubrifiant du discours. Son emploi, bien qu'étant considéré comme
familier, peut etre intégré dans une structure dialogique (une forme
cristallisée de dialogue) et il fait apparaitre, comme tous les
"ma"j"mais", la présence impl icite d'un autre énonciateur ou co-
énonciateur auquel l'énonciateur principal s'oppose. De meme, "macché"
implique "la confrontation d'un énoncé avec un référent"; il peut etre
défini comme "la réalisation d'un jugement de rejet, plut6t qu'un
refus".35
Toujours employé en situation dialogale, il répond à une
question assertive ou rhétorique, il peut constituer une intervention
réactive (réplique à une assertion) mais il peut également porter sur
un substantif. Cette réponse a la caractéristique de marquer une
opposition tranchée, un franc désaccord.
34_ ti ré de EFRON D.: Gesture, race and culture, Mouton, The Hague -Paris, 1972, p. 181.
35_ MULLER C.: «La négation comme jugement», art.cit., p.29.
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355
Généra1ement en emploi absolu, 1 'util isation de "macché"
sous-tend le rejet d'une assertion précédente (affirmative ou
négative) par une forme de négation argumentative intensive. Cette
forme de rejet ne laisse aucun espace à l'interlocuteur et, si la
présence de "mah" est le signe d'un fléchissement et d'une
discontinuité dans le dérou1ement 1 inéai re du discours, "macché"
constitue quant à lui une rupture du dia10gue entendu camme
négociation ou transaction.
(21a) A- "Djcono che l'anno prossjmo le autostrade saranno gratuite! B -
A- "Il paralt que l'an prochain, 1es autoroutes seront gratuites! B- / "Penses-tu!" / "(Ne dis pas) n'importe quoi!" 36
(21b) A- "Dice che non gli pjace il gelato." B- se l 'ho visto mangiarne uno a pranzo!"
A- "Il d it qu' il n' a i me pas 1 a 9 1 ace. " B- Je l'ai vu en manger une au déjeuner!"
L'interlocuteur rejette le contenu d'une assertion précédente
qui renvoie à un fait dont la réa1isation ou la réalité n'est pas
si mp l ement i mposs i b l e ma i s i nconcevab 1 e. "Macché" peut et re entendu
camme la forme e11iptique de la question rhétorique "macché djcj?" (=
"mais qu'est-ce que tu dis là?"), rép1ique qui a pour conséquence
d'affaib1ir sérieusement le principe généra1 de coopération, puisqu'il
s'attaque à la 1égitimité meme d'un dire. "Macché" serait donc un
marqueu r de fonct i on i 11 acuto i re et i nteract i ve. Meme s i san
sémant i sme ne l'i ndi que pas c l a i rement , i 1 assume une fonct i on
i11ocutoire portant sur un dire précédemment énoncé; il marque la
solution entre un acte directeur et un acte subordonné.
36_ Le vouvoiement n'est pas exclu dans la traduction de "macché".
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356
Il peut aussi etre suivi d'un substantif; le rejet teinté
parfois de mépris porte alors sur l'élément spécifié à droite; ce
substantif peut etre soit une reprise d'un énoncé antérieur par
citation, soit une reprise anaphorique conceptuelle connotée
négativement: dans (22) le substantif "chiacchiere" / "bavardages"
peut etre considéré soit comme citatif soit comme anaphorique:
(22) "MJ!:.çgl1.g chiacchiere! Fatti ci vog7 iono." (Treccani) (/ Basta con 7e chiacchiere! ... )
"Ce ne sont là que bavardages" / Assez de bavardages! (Mais) ce sont des faits qu'il nous faut!
Comme nous pouvons le constater, le français peut appliquer
un jugement négatif à un référent ou à un dire quelconque mais il ne
peut pas toujours y adjoindre la marque explicite du rejet, ni la
modalité évaluative ou axiologique (le jugement de valeur du mépris)
que véhicule le modalisateur italien. Le français semble exiger un ton
plus policé meme dans une réaction d'irritation. Dans un extrait
équivalent du point de vue argumentatif, le français semble préférer
l 'adverbe de négation en emploi absolu: "Non".
(23) «A 7ors, trop riches, 7es vieux?NQ(J. Bons vivants seu7ement.» (N .Obs. , 30-5-91)
"Insomma, troppo ricchi i vecchi? Soltanto dei buontemponi!"
• "Macché" va au-delà de la négation argumentative et
s'assimilerait plutot à l'exclusion ou à la forclusion dans la mesure
où l'énonciation précédente est traitée comme totalement hors de
propos ou hors questiono L'énoncé modalisé et introduit par "macché"
est à interpréter comme une fin de non-recevoir. Ainsi, nous pourrions
affirmer, comme il en a été fait à propos de certains forclusifs, que
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357
l es i dées touchées par "macché" sont comme expulsées du champ des
possibilités aperçues par le locuteur".37
L'interjection "Macché!" est parfois teintée de stupéfaction
(elle peut aussi correspondre à l'italien "sfido io!" traduisible par
"ça m' étonne ra it ! " ) .
(24) "Tutto sistemato? "Tout est régl é?
(25) «"La macchina deTTa cronaca non conosce rispetto né garantismo" SoTo nel caso del1e contesse assassinate? Da sempre, quando muore una donna giovane e attraente, la stampa si scatena.» (Panorama, 28-7-91)
"La machine à faits divers ne vous respecte pas et ne vous garantit en rien." Seu1ement dans le cas des comtesses assassinées? Depuis toujours, quand une femme jeune et attrayante meurt, la presse se déchalne."
La structure de la lexie "pensez-vous!" - une inversion
verbe + sujet' constituant un énoncé exc1amatif - est à comparer avec
la structure "vous pensez (s'il a accepté)!": la première expu1se du
champ énonciatif une proposition en opérant une sorte de rupture dans
l'interlocution, la seconde au contraire amp1ifie l'assentiment et
réduit l'espace intersubjectif.
Ce connecteur peut etre intraphrastique mais il est beaucoup
plus souvent transphrastique, ce qui nous permet de ranger le
"mais"/"ma" compensato i re parmi 1es va1eurs p1us spécifiquement
37_ ARRIVE M.: Langage et psychanaTyse, Tinguistique et inconscient -Freud, Saussure, Pichon, Lacan -, op.cit., p.153
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358
argumentatives de ce connecteur. Il peut étre remplacé par "en
revanche" (et éventuellement par "par contre").
Il s'agit d'un énoncé pOlémique non méta-énonciatif: la
structure syntaxique dans laquelle ce "mais" s'intègre peut ne pas
étre différente du "mais" méta-énonciatif. En effet, un énoncé
rectifiant un dire antérieur peut étre interprété comme un énoncé
compensatoire:
(26) "Il ne donne pas il p réte. " I NTERPRETABLE COMME: "Il ne donne pas, il préte."
Ce "mais" se différencie don c du "mais" / "ma" précédent par
le fait qu'il n'a pas pour fonction de modifier, de rectifier ou de
préciser un dire précédent après l'avoir repris. Il en découle que les
contraintes syntaxiques seront naturellement plus précises puisqu'il
est impossible d'appliquer à l'énoncé introduit par ce "mais" une
l ecture "ci tative" ou, comme l' appell ent certai ns, "écho'ique".
Soient les énoncés:
(27a) "Pierre n'est pas intelligent m.§j.§ il est charmant." "Pierre non è inte71 igentelfl.?/l!Jl..(Q è carino. "
(27b) "Pierre a un peu travaillé il ne s'est pas du tout amusé." "Pierre ha lavorato un po l l!!l!/l!Jl..(Q non si è divertito per niente. "
(27C) "Pierre prend toujours sa voiture ffigj.§ Jacques préfère le vélo." "Pierre prende sempre la macchinal!JlJ:/I2Jl..(Q Jacques preferisce la bici. "
Au niveau syntaxique, ce connecteur relie deux énoncés
indépendants dont la structure doit étre obligatoirement explicitée:
le deuxième segment introduit par un "mais" / "ma" compensatoire ne
peut faire l'ellipse d'aucun élément. L'ordre des deux arguments P et
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359
Q n'est pas réglé par des contraintes syntaxiques; la présence d'une
négation ne constitue pas un facteur déterminant pour l'acceptabilité
de l'énoncé. contrairement au "mais" I "ma" méta-énonciatif ou
rectificatif .
Nous apporterons cependant une préci sion pour éviter que l a
première classe du "mais" rectificatif ne se superpose à la classe du
"mais" compensatoire examinée ici. Pour isoler sa valeur, le "mais"
compensato i re ne doit pas rel ier des adjectifs sUbjectifs qui sont
aXiologiquement marqués, auquel cas "mais" articule une marque
appréciative à une marque dépréciative: c'est le cas dans (27a), par
exemple, où sont évalués deux prédicats, le premier dépréciatif ("il
n'est pas intelligent") et le second ("il est charmant") appréciatif
38; meme si cet énoncé est à classer parmi les énoncés compensatoires,
il nous semble cependant peu représentatif. Très souvent, le "mais"
compensatoire articule deux faits ou rend compte de deux états à
travers deux prédicats (généralement pas des attributs) se rapportant
à un meme sujet ou un meme thème (27b), ou bien il articule deux
thèmes différents ayant deux expansions rhématiques différentes (27c).
Ce connecteur met en relation deux prédicats de manière
"différentielle" ou symétrique et non pas de manière "graduelle" ou
asymétrique. Cette caractéristique est un trait distinctif qui permet
de ne pas confondre ce "mais" avec le troisième emploi concessif que
nous examinerons plus loin. Le "mais" compensatoire relie de manière
extrinsèque deux entités qui ne peuvent etre reconnues comme
38_ Il semblerait que les adjectifs sUbjectifs pUissent etre placés sur un axe sémantique continu et que le prédicat subjectif "ne pas etre intelligent" implique spontanément s'il est suivi d'un "mais", dans les jeux de langage ordinaire, le prédicat "etre charmant" , "etre beau", "etre riche". En effet, l'énoncé "plus on est intelligent, moins on est beau" pourrait etre considéré comme un l i eu commun.
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360
s'inscrivant dans un topos graduel ou scalai re, contrairement à la
troisième classe du "mais" concessif. Les énoncés de type
compensatoire ont également en commun le fait qu'ils ne peuvent etre
paraphrasés par un énoncé contenant "bien que" et qu'ils ne peuvent
s'inscrire sur un topos graduel:
(28) ? Bien que Pierre prenne sa voiture, Jacques préfère le vélo. ? Plus Pierre prendra sa voiture moins Jacques préfèrera le vélo
En effet, il est di ffi cil ed' admett re spontanément que 1 e
fait que 'Pierre prenne sa voiture' soit "inversersement
proportionnel" au fait que 'Jacques préfère le vélo', meme si à la
faveur d'un contexte approprié, les termes de cet énoncé ne sont pas
absurdes.
Du point de vue sémantique, ce "mais"/"ma" compensatoire
effectue une mise en relation entre deux thèmes qui ne sont pas a
priori comparables, en dehors de tout contexte de communication, car
la nature de l'implication entre P et non-Q, entre non-P et Q ou meme
entre P et Q (puisque la présence de la négation n'est pas
obligatoire) n'est pas motivée sémantiquement: en effet, ils
n'appartiennent pas obligatoirement à un meme paradigme ou un meme
champ sémantique. Si nous considérons le "carré sémiotique" de
Greimas, nous ne pouvons pas di re que les deux segments rel iés par
"mais" aient un rapport de contrariété: la présence de non-P ne va pas
de pair avec la présence de Q et la présence de P ne va pas de pair
ave c la présence de non-Q. La négation de l'un n'implique pas
l'affirmation de l'autre39: le fait de "travailler un peu" n'implique
39_ La cont rari été est une "donnée perçue, 1 a pl upart du temps, comme allant de soi: exemple riche/pauvre, clair/obscur, etc". Dans le "carré sémiotique" de Greimas "deux termes (S1 et S2) sont déclarés contraires si la négation de l'un implique l'affirmation de l'autre et réciproquement" ou plus largement: "deux termes, S1 et S2, seront
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361
pas en soi que "l 'on ne s'amuse pas du tout"; ou encore la valeur
sémantique du segment "Pierre prend toujours sa voi ture" n'i nstaure
spontanément aucun lien de contrariété avec le fait que "Jacques
préfère le vélo".
Ce "mais" ne rejette donc pas directement une énonciation
antérieure, il rel ie deux jugements divergents ou différents mais ils
ne sont ni contraires ni antonymiques. La nature de la relation n'est
pas obligatoirement interprétée comme anti-implicative ou
contradictoire. Il nous semble, en effet, que l 'orientation de
l'argumentation ne soit pas identifiable de manière précise, comme si
l'énonciateur se contentait d'évaluer deux éléments de son
argumentation sans apporter de conclusion univoque ni meme sans
l'insinuer (ou l'impliciter). La perception de la contradiction ou de
la contrariété entre P et Q peut etre très ténue et elle n'est pas
admi se comme "a 11 ant de soi". La p l upart du temps "l e passage de non-
S2 à S1 (ou de non-S1 à S2) est possible, facultatif, mais non
obligatoire.,,40
P et Q sont posés comme deux entités sémantiques
indépendantes c'est-à-dire comme deux entités "discrètes":
(29) (a) "Il ne neige pasl!!!;!,jo§ il pleut." (b) "Il pleut OO!;!,t§ il ne neige pas."
(30 (a) "Il n'entend pas !R!;!,j§ il voit." (b) "Il voit I!!!;!,t§ il n'entend pas."
(31) (a) "Le pull n'a pas rétréci OO!;!,t§ il a déteint." (b) "Le pull a déteint IR!;!,j§ il n'a pas rétréci."
dits cont rai res si, et seul ement si, l a négation de l' un condui re à l' aff i rmat i on de l'aut re, et i nversement." Cf. COURfES J.: AnaTyse sémiotique du discours - De T'énoncé à T'énonciation, Hachette, Paris, 1991, p.153.
40_ ibid., p.158.
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362
En fait, les deux prédicats s'excluent l'un l'autre par une
sorte de "discrétisation" à la fois qualitative et quantitative. C'est
pour cette raison que, par exemple, des verbes généralement conjugués
t ransitivement sont, dans l e cas du "mai s" compensatoi re, employés
intransitivement. Nous pourrions dire autrement que l'action verbale
de ceux-ci est habitue11ement télique, c'est-à-dire qu'e11e se
projette dans un objectif à atteindre: ce sont des actions finalisées,
te11es que, nous dit P.M. Bertinetto, "laver une chemise", "élaborer
une statégie", "construire une maison" etc. Ces procès peuvent etre
interprétés comme accomplis, par aspectualisation du procès considéré
dans sa globalité, meme si, sémantiquement, ces verbes (employés
intransitivement) indiquent habituellement une action durative et don c
imperfective. 41 Le sens des deux procès reliés par le "mais"
compensatoire subit donc une forme de conceptualisation ou de
généralisation par abstraction. L'énonciateur opère ainsi une
disjonction en dissociant les valeurs sémantiques des deux prédicats,
ce qui lui permettra de les évaluer l'une par rapport à l'autre.
• Dans une étude récente, E.Eggs distingue quatre "mais"
parmi lesquels un "mais" compensatoire (substituable par "en
revanche": "Pierre n'est pas intelligent mais / en revanche il est
charmant") et un "mais" contrastif (substituable par "par contre":
"Pierre aime les chocolats mais / par contre Jacques aime les
4L Selon P.M. Bertinetto, les verbes dont l'action est durative se réparti ssent grossi èrement comme suit: l es résultat ifs (ceux que nous venons de citer) et les non-résultatifs ("étouffer", "arriver"); cette dernière catégorie se subdivise en statifs ("exister", "préférer", "etre avocat") et non-statifs ou conti nuatifs ("travai 11 er" , "pl eurer" , "habiter"); i n BERTINETTO P.M.: Tempo, Aspetto e Azjone nel verbo HaUano. 17 sjstema dell'jndjcatjvo, op.cit., 1986.
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363
biscuits"). Or, ils sont pour nous à ranger dans la meme catégorie:
très souvent "en revanche" et "par contre" sont interchangeables et
jouent le meme role argumentatif meme si les différents usages sont
réglés par certaines contraintes d'ordre sémantique, comme nous allons
essayer de le démontrer plus loin.
Selon un principe important de la pratique argumentative, "le
principe du dernier intervenant", nous dit E.Eggs, dans un dialogue,
"le dernier intervenant dans une chaine argumentative a un pouvoi r
communicatif énorme puisque c'est sa conclusion qui comptera jusqu'à
nouvelordre.,,42
Ainsi, dans le dialogue suivant entre un "proposant"
argumentant en faveur d'une thèse T et un "opposant" argumentant en
faveur d'une thèse contraire non-T, c'est le dernier intervenant qui
l 'emporterait dans un débat argumentatif:
(32) PROPOSANT: "Pierre doi tetre content (T), car i l gagne beaucoup d'argento OPPOSANT: i l a encore d' énormes dettes! (OONC NON-T)"
Ces deux roles (comme c'est le cas pour la plupart des
éChanges) peuvent et re mi s en scène dans un meme acte de
communication:
(32' ) "Pierre gagne beaucoup d'argent, il a encore d'énormes dettes."
Dans cette structure compensato i re, Q, la dernière instance
évoquée, serait celle qui prime par rapport à P. Reprenons l'analyse
de E.Eggs qui nous propose ces deux énoncés:
(33a) "Le restaurant est loin (-P), il est bon marché (+Q). Donc al lons-y! "
42_ EGGS E.: Grammaire du discours argumentatif, op.cit., p.21
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(33b) "Le restaurant est bon marché (+Q) , !!t{!j§ il est très loin (-P). Donc, nous ne devrions pas y aller."
Selon E.Eggs, si les conclusions inférées ou exprimées par
les deux énoncés sont contraires, c'est que le dernier argument
invoqué influence l'interprétation de la visée intentionnelle de
l'énonciateur. L'argument serait ici de type "déontique" car "il
infère, en partant d'une comparaison de deux valeurs contraires, à une
action concrète".43
Or, ces deux énoncés ne nous semblent pas représentatifs de
l'énoncé compensato i re, essentiellement pour les deux raisons que nous
a 11 ons exposer.
Premièrement, l 'opposition articulée par "mais" présente deux
prédicats dont les sémantismes sont nettement anti-orientés et ce de
manière intrinsèque ou, comme dirait Ducrot, de manière "sui-
référentielle". Dire "le restaurant est bon marché" c'est argumenter
en principe en faveur d'une conclusion R, et di re "le restaurant est
très loin" c'est argumenter - toujours en principe - en faveur d'une
concl usion opposée non-R. 44 C'est ce qui fai t di re aux tenants de l a
pragmatique intégrée que le connecteur fournit une instruction sur la
manière d'interpréter la connexion entre propositions, selon un schéma
pré-établi. Mais examinons l'énoncé authentique (34):
(34)
43_ E. Eggs di st i ngue l es arguments déont i ques des arguments épistémiques et des arguments éthico-esthétiques; ibid., p.65.
44_ Nous disons "en principe" car le fait d' "étre bon marché" est loin de constituer pour l'Italien moyen une qualité appréciable. Nous remarquerons par ailleurs que la présence de l'intensifieur "très" (dans le prédicat "très loin") argumente plus fortement encore en faveur de la conclusion non-R ("trop" le ferait de manière encore plus univoque). La méme expression sans intensifieur "le restaurant est loin" implique moins naturellement la conclusion Non-R: "donc, n'y allons pas".
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«17 est souvent cadre supérieur, vote p1ut6t à gauche, n'est pas forcément marié,l!!!lt§ vit dans ces fami l1es éc1atées nouveau sty1e où 1es enfants ont des demi-frères et un peu trop de parents.» (N.Obs., 13-6-91)
Dans cet énoncé, il est bien difficile, à notre avis,
d'inférer une conclusion que l'énonciateur voudrait imposer: quelle
action concrète pourrait découler de cet énoncé? La présence, dans la
seconde partie de l'énoncé, d'évaluatifs ou de modalités de type
axiologique telles que "éclatées" et "un peu trop" sont-ils imputables
à un énonciateur qui les prend en charge ou à un co-énonciateur auque1
il est répondu?
En fait, et ce sera là notre deuxième perplexité, c'est bien
l'énonciation explicite d'une conclusion R ou non-R qui, selon la
p1upart des théories de l'argumentation, devrait etre "inférée" ou
"implicitée", qui permet la plus juste interprétation possible de "p
mais Q". C'est l'énonciateur qui "met les points sur les i" et qui est
tenu d' apporter l ui-meme une précision en disant explicitement ce
qu'il a voulu dire ou ce qu'il entend prouver. L'énonciation de la
concl usion qui pourrait prendre l a forme d'un "je veux di re par là ... "
ou d'un "cela prouve que ... " est une opération locutoire d'''assurance
sur le vouloir-dire", sans doute une variété particulière d'acte
performatif qui consi sterait à s' assurer que ce que nous di sons sera
effectivement interprété comme ce "quelque chose" que nous avons voulu
dire. Mais ce "que1que chose" ne sera jamais à l'abri d'une "mauvaise"
interprétation ultérieure.
L'analyse de E.Eggs rejoint l'analyse classique de Ducrot qui
a mis en évidence la dimension polyphonique bien connue de tout acte
de langage où ce qui est montré et dit ne cOlncide pas toujours avec
le dire sous-jacent: "<mais Q' ne répond pas au contenu asserté, mais
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à l'assertion elle-meme". 45 Dans "p mais Q", le locuteur prend en
charge la proposition Q qui argumente en faveur d'une conclusion
opposée à celle inférée par P. Ducrot précisera cependant, en la
modifiant, cette définition. Dans cette dernière, il pose que "mais"
n'établit pas directement de relation entre P et Q et que le locuteur
fait seulement apparaltre P comme "négligeable" par rapport à Q
argumentativement plus fort.
Bien que moins contraignante, cette dernière définition nous
parait encore réductrice. Cette définition générique ne peut pas
convenir indifféremment à tous les énoncés reliés par "mais,,·46 il , nous semble qu'il faille, encore une fois, envisager ces énoncés dans
leur dimension dialogique et en contexte: la parole d'un locuteur
n'émerge pas d'un espace silencieux et elle ne reste jamais en
suspens. Le début d'un énoncé n'est pas une parole originelle. Le
dernier mot n'est jamais le mot ultime. Si tel était le cas, ces
énoncés tiendraient lieu d'oracles et n'auraient de sens que celui de
la formule magique. Qu, si l'on veut, et pour respecter le cadre de la
terminologie linguistique, ils violeraient toutes les maximes de
Grice, de la maxime de quantité à la maxime de manière en passant par
la maxime de pertinence. A notre avis, l'ordre des arguments ne dépend
pas exclusivement de la visée intentionnelle du locuteur mais bien de
la question-source à 1aquel1e il est répondu: "Pierre n'est pas
45_ DUCRQT Q. et al.: Les mots du discours, op.cit., p.126. 46_ Ainsi dans l'énoncé-type proposé par le Dictionnaire
Encyclopédique de Pragmatique, pour illustrer les deux propriétés argumentatives de "mais" (à la fois la force argumentative et la contradiction argumentative): "à ta p1 ace, je ne confierais pas ce travail à Max: il est compétent, mais brouillon" la deuxième partie de l'énoncé introduite par "mais" n'est pas, se10n notre analyse, de type "compensatoi re" , essentiellement parce qu'il contient une e11ipse. Il serait donc à ranger parmi les énoncés concessifs.
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367
intell igent mais il est charmant" répond à une question qui est celle
de savoir si Pierre est intelligent.
• Nous poserons donc qu'en dehors de tout contexte, la valeur
argumentative de l'énoncé (32) est sensiblement équivalente à un
énoncé où les deux arguments proposés sont inversés:
(32" ) "Pierre a encore d'énormes dettes m1!t§ il gagne beaucoup d'argent."
Ainsi, il n'est pas du tout certain que le dernier argument
l'emporte inéluctablement dans un débat contradictoire. C'est
pourquoi, nous nous permettrons d'avancer l 'hypothèse que ce "mais"
compensato i re recouvre à la fois les valeurs pragmatiques de "en
revanche" et de "par contre" meme si leur usage est plus
transphrastique qu'intraphrastique. Ce "mais"j"ma" compensato i re
aurait meme une fonction "neutralisante".
Nous préférons à l a p l ace des termes peut-et re t rop abrupts
de E.Eggs de "proposant" et d"'opposant" ceux de M. Yaguello qui, dans
ses remarques sur l'usage de "en revanche" et de "par contre", désigne
le premier segment de l 'opposition comme énoncé "contrasté" et le
second segment comme énoncé "contrastant": ceux-ci s'appliqueront
aussi bien aux segments reliés par "en revanche" qu'aux segments
rel iés par "par contre".
Les notions d"'équilibre" et de "symétrie" nous semblent
importantes pour défini r la nature de la relation établ ie par "par
contre" et "en revanche" synonymes du "mais"j"ma" compensato i re. Nous
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368
noterons ave c intéret que la traduction proposée par les différents
dictionnaires bilingues confirme notre classification puisque nous
pouvons relever comme équivalents de "en revanche" et "par contre":
"in compenso" (littéralement: "en compensation"), beaucoup plus
rarement "per contro", mais ces deux connecteurs sont supplantés par
le connecteur très productif en ital ien: "invece" sur lequel nous
reviendrons dans le paragraphe consacré à ce connecteur:
(35) "Il ne neige pas IQ€!L .. çQntrg il pleut." "Non nevica .llJtrf! piove (/ Non nevica; piove invece)."
(36) "I l n' entend I glJ.Cg.y€!!]ç.n.g .... ç.Qntrg il Y voi t bi en. " "Non sente ci vede bene (/Non sente; ci vede bene invece)."
(37) "Le pull n'a pas rét réci Ign .. I ...... ç.Qntrg il a déteint." "Il g07f non si è ristretto si è stinto (/ Il golf non si è ristretto; si è stinto invece)."
• "En revanche" et "par contre" sont deux connecteurs que
l'on pourrait ranger dans la catégorie des adverbes de phrases appelés
également adverbes transprédicatifs, d'après la terminologie
gui 11 aumienne. Pl us préci sément, selon l a cl assifi cation de M!lirdrup,
ils appartiennent à la catégorie des conjonctifs (proches des
conjonctions).47 Souvent antéposés, leur portée est celle d'une
proposition, d'une phrase, voire d'un paragraphe entier. Tout comme
"inversement", "cependant" , "donc" , "pourtant", ils ne peuvent etre le
focus d'une phrase clivée (38a) , de l'interrogation (38b) ou de la
néga t i on (38c); i l s ne peuven t pas non p l us se rv i r de réponse méme
accompagnés d'un "oui" à une question totale (38d):
47_ M!liRDRUP O.: Une analyse non transformationnel le des adverbes en -ment, Revue Romane 11 (numéro spécial), 1976.
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I I I I I I I I I I I I
I
(38a) * C'est (38b) * Marie (38c) * Marie (38d) ?? Marie
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en revanche que Marie a travai11é (et non pas ... )
at-e11e travai11é en revanche (ou ... )?
n'a pas travai11é en revanche (mais ... )
est-elle partie? - oui, en revanche! 48
1es rangerait p1utot, si nous interprétons correctement
sa c1assification, parmi 1es "adverbiaux contextue1s", ou p1us
précisément parmi 1es "adverbiaux connecteurs" qui renvoient au co-
texte. D'après cette cl assification, l'i nterprétation de l' adverbia1
contextue1 "fait systématiquement appe1 à des é1éments du contexte non
spa t i o-tempo re 1 et n' exe rce donc aucune i n f 1 uence su r 1 es cond i t i ons
de vérité de la phrase. ,,49
L'''adverbia1 connecteur", quant à lui, ne renvoie ni au
contexte extra-1inguistique ni à l'énonciation e11e-meme. 50 Cependant,
et le reconna'it 1ui-meme, il est parfois difficile d'affirmer
que te1 connecteur est tota1ement indépendant de la fonction
illocutoire ou énonciative. Le 1éger déca1age entre l'emp1oi de "en
revanche" et l'emp1oi de "par contre" - puisqu'ils ne se superposent
pas tota1ement - nous amène à penser que cette différence est bien due
à une "force illocutoire" ou du moins à une éva1uation subjective,
c'est-à-dire à une moda1isation énonciative témoignant de la présence
d'un énonciateur ou d'un co-énonciateur.
48_ La non-acceptabi1ité de ce dernier énoncé est p1us discutab1e car, inséré dans un contexte approprié, "en revanche" peut constituer, accompagné d'un "oui", une réponse à une assertion antécédente, comparab1e à la va1eur d'un "mais oui!".
49_ Ainsi 1es adverbes "beaucoup" et "hier" ne peuvent etre considérés comme adverbiaux contextue1s; H.: «Pertinence et moda1isateurs d'énonciation», art.cit., p.l06
50_ Ainsi 1es adverbiaux connecteurs ne sont pas des adverbiaux d'énonciation (te1s que "entre nous") qui portent sur le dire sans faire référence directement au co-texte; ils ne sont pas non p1us des adverbiaux d'énoncé (te1s que "peut-etre"), qui portent sur le contenu et sur la va1eur de vérité de l'énoncé.
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370
Le fait qu'ils soient difficilement acceptables dans une
vraie question portant sur le contenu propositionnel (39) alors qu'ils
peuvent très bien modaliser la fonction locutoire ou énonciative de
celle-ci (dans (40» la question comprend un verbe d'énonciation),
corrobore notre analyse:
(39) * En revanchejpar contre où avais-tu garé ta voiture?
(40) peux-tu me U pourrait-on savoi r) quel
temps il fera demain?"
Ils articulent deux mouvements discursifs parallèles de meme
rang: aut rement d i t, l es deux segments re l i és sont i ndépendants l'un
de l'autre et l 'ordre suivant lequel ils sont présentés peut etre
interverti sans que l 'on n'observe de réel changement au niveau des
valeurs sémantiques; la valeur pragmatique est mOdulée, quant à elle,
par un contexte de communication donné (et de la question originelle à
laquelle on choisit de répondre); c'est là, nous l'avons vu également,
l'une des caractéristiques du "mais" j "ma" compensato i re. C'est sans
doute pour cette raison qu'ils semblent articuler la connexion meme,
dans une relation quasi logique, et ce, sans faire référence à la
situation extra-linguistique ni modifier la valeur sémantique de
l'énoncé.
• Par ai 11 eurs, "en revanche" est souvent précédé et annoncé
par un "si". La construction corrélative "si ... en revanche" ou meme
"si ... par contre" est à distinguer de la structure logique "si P,
alors Q" qui, elle, s'analyse habituellement en termes de valeurs de
vérité. En syntaxe logique, dans une structure du type "si P, alors
Q", la vérité de l'antécédent implique nécessairement celle du
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371
conséquent; "si P" indique une condition suffisante pour que O se
réalise ou soit vrai.
Il est généralement admis cependant que la structure de "si P
en revanche O" ne peut pas etre analysée comme la structure
conditionnelle classique. On dénombre au moins quatre valeurs
circonstancielles de ce "si" parmi lesquelles une valeur oppositive ou
adversative (parfois appelée concessive) qui nous intéresse ici. En
effet, nous constatons que celle-ci est la seule à admettre,
contrairement aux autres, la présence de "en revanche" (ou
éventuellement de "par contre").51 De meme, en italien, elle se
distingue des autres constructions en "se" puisqu'elle est la seule
qui régisse un indicatif présent (et non un futur ou un subjonctif);
(41) "Si Paris est la capitale de la France, Lyon / I1.i!I
est la capitale des Gaules."
"Se Pa r i 9 i è la cap i t a 1 e de 11 a Frane i a l Lione LirLooQQl!!llJ!lJJiQ/ llJlt .. QQl1trJl è la capHale de11a Gal Ua."
En fait, cette dernière structure semble se démarquer des
précédentes, aussi bien d'un point de vue syntaxique que d'un point de
vue sémantique et pragmatique. Le "si" ci rconstanciel instaure une
relation asymétrique entre un antécédent P exprimant une condition
51_ Le classement de ces multiples valeurs est loin d'etre limpide; il yaurait un "si" contrefactuel (où P est la condition nécessaire et suffisante pour que O soit vrai: "si j' avais su, je ne serais pas venu"), un "si" performatif ("si tu as soif, il y a de la bière dans le frigo"), un "si" ayant une valeur inverse au "si" logique ("si tu rentres après dix heures, tu seras puni" qui devrai t, logiquement parlant, impliquer "si tu rentres avant dix heures, tu ne seras pas puni") et un "si" concessif ("si Paris est la capitale de la France, Lyon es t l a cap ita l e des Gau l es" ); cf. MOESCHLER J., REBOUL A.: Dictionnaire Encyclopédique de Pragmatique, op.cit., p.28. Pour B. De Cornulier il y aurait au moins sept valeurs principales du "si" circonstanciel auxquelles pourraient s'ajouter quelques autres valeurs marginales relevées dans le langage ordinaire. Cf. CORNULIER B.: Effets de sens, op.cit., p.SO et suivantes.
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372
(tant6t nécessaire, tant6t suffisante, tant6t nécessaire et
suffisante) et un conséquent Q auque1 il est subordonné. La vérité de
ce dernier est dépendante de la vérité du premier. Par ai11eurs, dans
l'ana1yse logique de ces propositions, il faut distinguer la re1ation
de condition entre P et Q d'une part et d'autre part, la notion de
supposition, c'est-à-dire le caractère p1us ou moins douteux de P.
Dépassant la subti1ité des critères régissant 1es va1eurs sémantiques
de ces énoncés, Cornu1ier fait apparaitre que, d'une manière généra1e,
"si" introduit une "énonciation sous hypothèse" ou "sous éventua1ité":
dans la majorité des cas, ce "si" est en effet équiva1ent à "au cas
où".52 Pour Cornu1ier, ce "sous" indique bien que l'énonciation de
l'antécédent est subordonnée "menta1ement" à l'évocation et à
l'acceptation de la part de l'inter1ocuteur du conséquent qui se
"greffe" sur cet antécédent.
• Or, la structure "si P en revanche Q" ne re1ève pas du
système hypothétique ni d'une structure conditionne11e. L'énoncé
suivant et la traduction ita1ienne que nous proposons, i11ustrent
assez c1airement que la structure "si P en revanche Q" n'entretient
pas, à proprement par1er, de 1ien imp1icatif et que le sémantisme des
propositions re1iées n'indique rien sur la vérité ou la fausseté de P
ou de Q:
(42)
52_ La détermination du sens de "au cas où" nous induit à é1argi r l'expression "sous hypothèse" proposée par B. De Cornu1 ier à la va1eur de l'éventua1ité. Nous avons discuté de cette va1eur à propos du moda1isateur épistémique ita1ien "magari" qui s'intègrerait du reste parfaitement dans une structure en "se" ("se magari P, aT10ra Q"); ce "se" prendrait dès lors une va1eur "sporadique", autre va1eur qu'i1 faudrait ajouter à la c1assification.
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373
«[ ... ] .. enfin, il apparait que la consommation quotidienne de graisses diminue, on mange beaucoup trop de ca10ries "vides" qui n'apportent ni vitamines ni minéraux.» (E.D.J., 28-3-91)
"Infine, sembra che i l consumo giornal iero dei grassi stia sì di mi nuendo, che si mangi ano f i n troppe calorie "vuote" le quali non portano né vitamine né minerali."
La traduction en i tal ien nous permet de mettre en évidence
que la construction corrélative "si P en revanche / par contre Q"
relevant de la catégorie du "si" oppositif ou adversatif, se ramène en
italien à une modalisation assertive. Cette analyse est confirmée par
la re-traduction littérale de la construction corrélative italienne en
français qui s'articulerait selon ces termes:
(42' ) il apparalt que la consommation quotidienne des graisses est
en tra i n de d i mi n ue r que l'on mange beaucoup trop de calories vides ...
Ainsi, l'énonciateur prend en charge une assertion antérieure
qu' i l réaff i rme et i l la double d'une seconde assertion
contrapunctique juxtaposée, le contrepoint étant, contrairement à
l 'harmonie, une écriture "polyphonique", d'après la définition du
Petit Robert.
Comme nous pouvons nous en apercevoi r, la traduction des
connecteurs nous démontre à quel point il est délicat pour le
linguiste d'isoler la valeur de vérité d'un énoncé de sa fonction
modalisatrice: l'énonciateur qui affirme "c'est vrai" ne manifeste-t-
il pas simultanément à la valeur de vérité un accord, un consentement
et une certaine forme de concession? La valeur de "en revanche" ne
tient pas tant à l'évaluation de la valeur de vérité, qu'à la prise en
compte d'un nouvel élément contrastant le premier, celui-ci étant
attribuable à une autre voix énonciative.
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374
La construction "P, en revanche Q", instaurerait donc un type
de re1ation symétrique entre P et Q, comparab1e à la coordination par
"et". L'énonciateur ne demande p1us à son inter10cuteur d'envisager un
monde possib1e ou un "anti-univers", mais il lui soumet successivement
la va1idité de deux faits, en 1es présentant comme certains (ce qui ne
veut pas dire qu'i1s soient vrais).
Ainsi, nous proposons de définir la construction "si P, en
revanche/par contre Q" comme "bi-assertive"53. "En revanche" et "par
contre" accompagnent en effet aussi bien une assertion négative qu'une
assertion affirmative:
(43) "S'il a de l'esprit, il n'a / guère de coeur."
(44) "Si vous connaissez 1es hommes, je connais 1es femmes."
De p1us, la dénomination "bi-assertif" nous permet,
contrairement à la dénomination "bi-affirmatif" ou "bi-négatif", de
ranger dans cette catégorie l'énoncé ironique devant etre ana1ysé
comme une antiphrase (donc en principe "bi-négative" puisqu'aucune des
deux propositions n'est vraie):
(45) "Si tu es fort aux échecs, je suis le Pape."
(46) "Se tu giochi bene a tennis, io sono Ivan Lendl. ,,54 "Si tu joues bien aux tennis, je suis Ivan Lend1."
53_ Nous préférons l'appellation "bi-assertive" à celle proposée par Cornu1 i er de "bi-afti rmative" , car e11 e nous permet d' envi sager 1 e niveau énonciatif et non pas seu1ement le niveau syntaxique ou logique; cf. CORNULIER B.: Effets de sens, op.cit., p.61.
54_ Ces deux énoncés sont respectivement proposés par Cornu1ier (ibid., p.61) et Mazzoleni M. in RENZI L., SALVI G.: Grande Grammatica Italiana di Consultazione 2, op.cit., p.766.
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375
Nous revi end rons su r ce type d' énoncé qu i admet en i ta 1 i en
p1us faci1ement le connecteur "invece" (marquant ici l'altérité) que
1es connecteurs "in compenso" ou "per contro".
Nous observons éga 1 ement que 1 e connecteu r "en revanche" est
p1us difficilement acceptab1e dans ce type d'énoncé (*"Si tu es fort
aux échecs, en revanche je suis le Pape"). La raison en est peut-étre
que, contrai rement à (42), (43) et (44), la structure coordonnée dans
(45) et (46) n'est pas tout à fait "symétrique". En effet, si nous
reprenons la définition de C.Pere1man, une re1ation est dite
symétrique en logique formelle quand:
«sa converse lui est identique. c'est-à-dire quand la meme relation peut etre affirmée entre B et A qu'entre A et B. L 'ordre de l'antécédent et du conséquent peut donc etre interverti.»55
Or si pour (42), (43) et (44) l'ordre de l'antécédent et du
conséquent peut étre interverti, ce n'est pas le cas pour (45) et
(46):
(43' ) S'il n'a guère de coeur, il a en revanche de l'esprit.
(45' ) * Si je suis le Pape, tu es fort aux échecs
(46' ) * Se sono Ivan Lend7, giochi bene a tennis * Si je suis Ivan Lend1, tu joues bien au tennis
Ce constat nous induit à conc1ure que cette dernière
structure en "si" est en réalité conditionnelle. En effet, dans un
premier temps, l'énonciateur rejette un énoncé antécédent: "je suis
fort aux échecs" et "je joue bien au tennis". Dans l'antiphrase ou
1 ' énoncé i roni que, cet énonci ateur soumet et subordonne l' acceptation
55_ PERELMAN C., OLBRECHTS-TYTECA L.: Traité de 7'argumentation, op.cit., p.297.
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376
de la valeur de vérité de cet énoncé P à l'acceptation de la valeur de
vérité d'un autre énoncé Q qui est respectivement: "je suis le Pape"
et "je suis Ivan Lendl". Or la valeur de vérité de Q est manifestement
et ordinairement mise en doute, ce qui a pour effet d'invalider
rétroactivement la première proposition P. Ainsi un énoncé tel que
(47), non i ron i que, admet "en revanche":
(47) "Si tu es fort aux échecs, moi je joue bien du piano."
POlIVANT ETRE I NTERVERTI EN:
(47') "Si je joue bien du piano, toi tu es fort aux échecs."
Autrement dit, la relation instaurée par "en revanche" ou
"par contre" pourrait se réécri re comme suit: "Si on associe à A la
prédication B en revanche on associera à A ou A' la prédication C", B
et C étant deux prédi cats ou deux entités sémanti ques comparabl es et
"équitables", ce que ne peut pas articuler un énoncé i ronique qui
déséquilibre la structure et force la conclusion inférée par
l'interlocuteur.
• Du poi nt de vue argumentatif, "en revanche" apparalt ici à
la fois comme un connecteur "quasi logique" et comme un modal isateur
assertif de "rééquilibrage" ayant une fonction argumentative
stabil isante. Sans doute ce procédé argumentatif est-il apparenté à
l'argumentation a pari ou a contrario:
«[Ceux-ci] traitent de l'appl ication ou de la non-application, à une autre espèce du meme genre, de ce qui a été affirmé pour une espèce particulière. Prenons un exemple. Une loi édicte certaines dispositions relatives aux fils d'héritiers; grace à l'argument <a pari' on cherche à étendre ces dispositions aux filles; l'argument
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377
<a contrario', permet de prétendre ne s'appliquent pas aux personnes de sexe féminin.»
Cependant, l'alternance de ces deux jugements ne s'effectue
pas, à notre avis, selon un déroulement déterminé a priori.
L'énonciation d'un point de vue peut etre considérée a posteriori et
rétroactivement, par le locuteur meme, comme trop catégorique ou trop
peu nuancée, et ce qu'il juge etre une opinion partiale est alors
contrebalancée par l'adjonction d'un argument, restaurant à ses yeux,
une forme d'objectivité.
Ces deux connecteurs sont souvent utilisés pour souligner un
nouvel élément contrastant présenté en contrepoint ou, pour garder le
vocabulaire de l'optique, en contrechamp. Les contraintes syntaxiques
et sémantiques sont celles que nous avons définies pour le "mais"j
"ma" compensato i re. Peu i mporte donc que l'un des deux segments soit à
la forme négative ou à la forme affirmative. Les deux prédicats ne
sont pas obligatoirement opposés sémantiquement et meme, la plupart du
temps, l'opposition n'est présente que par l'intermédiaire du
connecteur; en outre, il est impossible d'affirmer que la conclusion
visée ou sous-entendue par P est anti-orientée par rapport à la
conclusion visée ou sous-entendue par Q.
La différence entre l'usage de "en revanche" et celui de "par
contre" ainsi que le choix de l'un ou de l'autre semblent etre
déterminés en partie par la valeur sémantique des énoncés reliés mais,
56_ C'est nous qui soulignons; en effet l'emploi de "par contre" nous semble illustrer parfaitement et à bon escient la définition meme de C. Perelman et L. Olbrechts-Tyteca, ibid., p.325.
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378
en partie également, par le registre de langue particulier dans lequel
ils s'intègrent. Ce n'est donc pas la structure syntaxique de l'énoncé
qui conditionne l'acceptabilité de l'un et l'exclusion de l'autre,
mais de subtiles variations de sens qui ne sont pas à proprement
parler des contraintes.
Il convient tout d'abord de distinguer ici deux attitudes
possibles, socialement normées, à l'égard de l'usage de ces
connecteurs. Celle de nos "gardiens" de la langue et autres puristes
qui perpétuent la mauvaise réputation de "par contre" en cantonnant
son usage à un registre de langue familière et orale 57, et celle des
linguistes ou de simples observateurs qui s'efforcent de démontrer que
l'usage de "par contre" ne peut pas etre mis au ban de la langue
française et meme qu'il lui est indispensable. Pour les premiers, il
faut préférer l 'usage de "en revanche" à celui de "par contre" et ce,
non pas pour des raisons syntaxiques - la présence en soi de "par
contre" ne rend pas l'énoncé malformé - mais, semble-t-il, en vertu
d'une tradition qui se perpétue, sans fondement, comme le serait une
pétition de principe:
«[Cettel locution [ ... l a été [ ... l uti1isée par d'excellents auteurs [ ... l. Elle ne peut donc etre considérée comme fautive, mais l'usage s'est étab1 i de la déconseiller, chaque fois que l'emp1oi d'un autre adverbe est possib1e.» 58
L'usage de "par contre" ne serait donc plus (au moins depuis
1988, semble-t-il) tout à fait incorrect et l'Académie para'i't avoir
admis, en partie, les remarques de certains observateurs.
57-La condamna t i on de l' usage de "par cont re" nous rappe 11 e l es restrictions imposées à l'usage de "car" auxquelles nous faisions allusion dans notre première partie.
58_ L'Académie citée par Grevisse dans la 13ème édition du San Usage, 1994, § 928
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I
379
En effet, force est de constater que, dans certai ns
contextes, l'usage de "par contre" est non seulement recommandé mais
quasiment obligatoire. Ainsi Gide cité par Grevisse faisait déjà
mention de l 'incongruité de la norme d'usage imposée à "par contre":
(48) «Trouveriez vous décent qu'une femme vous dise: -oui, mon frère et mon mari sont saufs de la guerre; Jll1""[J!J!J!!1ç1JJl j'y ai perdu mes deux fi ls?»
Plus récemment, pour M. Yaguello il est préférable d'utiliser
"par contre" plutot que "en revanche" dans les énoncés du type "pole
positif -> pole négatif":
(49) «Il réussit très bien dans sa carrière.ef#["""J;""Q{ltrll, sa vie privée est un fiasco.» 60
Il s'avère don c que l'emploi de "en revanche" que l 'on
voudrait imposer ne peut pas toujours s'intégrer dans n'importe quel
mouvement argumentatif, où le contrastant exprime, quant à lui, un
jugement trop évidemment positif alors que le contrasté introduit par
le connecteur exprime, lui, un jugement trop "impudiquement" négatif.
Ainsi, dans la langue standard, les emplois canoniques et
prototypiques de "en revanche" et de "par contre" s'inscriraient dans
deux mouvements argumentatifs bien distincts: POLE NEGATIF 'EN REVANCHE'
POLE POSITlF (SOa) et POLE POSITIF 'PAR CONTRE' POLE NEGATlF (SOb):
(SOa) «Je constate d'ail1eurs que si l'image de la classe pOlitique est
Jl{l"""[Jl"'tf#t1"ç!JJl el1e est P!JJi.!ti'tr! pour le député, 7e maire ou le conseil1er généra7.» (Radio)
59_ GREVISSE M.: Le Bon Usage, 12ème édition re fondue par A. Goosse, Duculot, Gembloux (Belgique), 1986, § 928
60_ YAGUELLO M.: En écoutant par7er 7a 7angue, Seuil, Paris, 1991, p.98.
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380
(50b) «Je constate d Jail1eurs que si l'image du député, du maire ou du consei ller généra 1 est globalement P!lJ! .. tt.f.Y.fl Q{{1.r ... ,QQl1.trJ! ell e est llf/!l{{1 .. tLy.fl pou r 1 a c 1 asse po 1 i t i que. »
En italien, le développement argumentatif que développe le
correspondant de "en revanche": "in compenso", est comparable au
français:
(51) "Sono arrivato tardi in ufficio, maill .. ho lavorato più intensamente." (Treccani)
"Je suis arrivé en retard au bureau, ..... j'ai travaillé plus intensément."
(52) "Non è molto intel1igente,ilJ. ... però è molto attaccato al lavoro." (Treccani)
"Il n'est pas très intelligent, . il est très attaché à son travail."
• Envisagé en contexte et en considérant les occurrences de
"par contre" et de "en revanche" relevées dans notre corpus, il nous
est apparu que l'emploi de l'un ou de l'autre s'adaptait de manière
assez souple dans un développement argumentatif où deux points
indépendants étaient présentés, le premier succédant au second comme
un cont re-poi ds et comme pour rétablir un équilibre heureux ou
malheureux. Il s'agit généralement de relier un premier jugement
pl ut6t négatif à un second jugement pl ut6t positif ou inversement;
ainsi, dans l 'énoncé suivant "en revanche" ne semble pas introduire un
p61e téléonomique ou euphorique:
(53) «La stratégie qu' il a suivie a donc été: augmentat ion importante des moyens pour rétablir la confiance [ .. . l, incitation à la création de pOles et de centres d'excellence, avec une mention spéciale pour la création de l' Institut Universitaire de France, qui offre à de très bons enseignants, surtout de province, de mei lleures conditions de travail, à condition qu'ils restent sur place .. ft1. .. C'it'!.{{1I1f.!J'it, il préfère
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381
remettre à plus tard les grands débats qui bloquaient en fait tout progrès et surtout la question explosive de la sélection.» (le Monde, 2-6-93)
Nous relevons ici un "en revanche" là où on attendrait plutet
un "par contre" puisque le développement argumentatif est orienté d'un
pele positif vers un pele négatif. Pour le premier nous trouvons des
expressions téléonomiques ou axiologiquement marquées vers un pele
posi ti f tell es que "augmentation importante", "incitation", "de très
bons enseignants" , "de mei17eures conditions de travail", alors que
dans la seconde partie de l'énoncé nous trouvons les expressions
antitél éonomiques ou aXiologiquement marquées vers un pele négatif:
"remettre à plus ta.rd' , "bloquaient" , "question explosive" ,
expressions qui ne devraient pas etre annoncées par "en revanche".
• Nous allons maintenant essayer d'examiner de manière
précise la nature exacte de la différence d'emploi entre "en revanche"
et "par contre". En fait, il semblerait que la règle implicitement
imposée par nos "gardiens" de la langue qui obligent les utilisateurs
de celle-ci à une sorte d'''hypercorrection institutionnalisée" serait:
chaque fois que le sémantisme du deuxième argument contrastant ne
contredit pas de manière brutale et incongrue le sémantisme de
"revanche" - auquel cas on peut accepter l'usage de "par contre" - il
faut utiltser le connecteur "en revanche".
la nature de l'empechement serait, dans ce cas, plus d'ordre
moral que syntaxique. En effet, ce qui interdirait à l'énonciateur de
prononcer le mot "revanche", c'est son caractère inopportun ou
inconvenant, alors que "par contre" ne semble pas véhiculer de
réticence comparable à celle de "en revanche". l'usager se retrouve
done dans une position très inconfortable car il doit faire face à une
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382
double contrainte: d'un coté la norme linguistique impose l'emploi de
"en revanche", de l'autre l'énonciation de ce dernier ne respecte pas
toujours les règles de bienséance.
Curieusement, nous relevons une réaction similaire en italien
à l'égard du connecteur " i n compenso" (littéralement "en
compensation") qui ne peut se libérer, tout comme son homologue
français "en revanche", de sèmes qui lui sont inhérents. Ces deux
occurrences, bien qu'ayant des signifiés différents, provoquent le
meme genre de réaction méta-énonciative, c'est-à-dire qu'ils incitent
l'énonciateur à commenter son propre dire. Oans ce cas précis, il
s'agit d'une forme de réticence quant aux effets de sens produits. En
témoigne l'énoncé suivant de l'écrivain A. Moravia commentant un roman
de John Le Carré où, contradictoirement, il relève d'une part le
mérite de cet écrivain pour avoir su illustrer la "méchanceté" des
nations et leur nationalisme, mais où, d'autre part, il déplore
i roniquement la "perte de l' innocence" de Le Carré soupçonné, par
ailleurs, de partialité bienveil1ante à l'égard les espions anglais:
(54) «Cosi la scoperta del1a "cattiveria" del1e nazioni, Cloe In fondo del nazionalismo, è stata per lui un trauma dal quale non si è più rimesso e a 1 qua 1 e
deve e dobbiamo le parti migl iori, più risentite e più ispirate, dei suoi romanzi.» (A.Moravia, Diario Europeo)
"Ainsi la découverte de la 'méchanceté' des nations, c'est-à-dire au fond du nationalisme, a été pour lui un traumatisme dont il ne s'est plus remis, et auquel il doit et nous devons
.. .. l es me i 11 eu res pages, les plus émouvantes et les plus inspirées, de ses romans."
Dans bien des énoncés l'usage de "en revanche" et celui de
"in compenso" ne sont donc pas à proprement parler incorrects mais
seul ement "peu corrects" c' es t-à-d i re dépl acés, et ce, non pas pour
des raisons d'agrammaticalité mais bien à cause de leur sémantisme.
)
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383
Ces connecteurs sont en effet en contradiction avec la va1eur
sémantique globa1ement négative attribuée à la seconde partie de
l'énoncé (ou énoncé contrastant). Nous dirons meme à propos de
"revanche" et de "compenso" que ce que l' énonci ateur ne peut pas
neut ra 1 i ser en ut il i sant ces mots, ce sont 1 es sèmes qu' il s sont
susceptib1es d'actua1iser dans certains contextes. I1 est intéressant
de noter que, dans l'énoncé de Gide et dans ce1ui de Moravia, c'est le
heurt entre, respectivement, le mot "revanche" / "compenso" et le mot
"morì" / "morte" qui est à l'origine de 1eur inacceptabilité due à une
incompatibil ité non pas sémantique mais "éthique". Bien sOr, cette
i nacceptabil ité dépend dans une 1 arge mesure de facteurs culture1 s,
socio1ogiques ou idéo1ogiques et, dans ce cas particu1ier, d'une forme
de morale judéo-chrétienne pour 1aquelle la revanche associée à la
mort évoque un esprit de vengeance répréhensib1e et, peut-etre, p1us
précisément pour l'ita1ien "compenso", l'évocation d'un dédommagement
pécuniaire ou autres que cette meme morale réprimande.
Le choc des mots peut alors provoquer après coup (c'est le
cas dans 54) une réaction "autoscopique" de 1 'énonciateur dont la voix
se dédoub1e: celle d'un sujet énonçant et celle d'un sUjet exerçant un
contrale sur son dire, cette dernière étant matéria1isée ici par la
remarque sublimina1e entre parenthèses faisant apparaltre une prise de
distance. Cette marque d'hétérogénéité est à la fois constitutive et
montrée. Elle est constitutive parce qu'en utilisant ce mot de la
1angue française - et, il ne faut pas oub1ier que la norme du français
l'y contraint - ou ce mot de la 1angue ita1 ienne 61 , l'énonciateur est
6L Celle-ci, moins "impéria1iste" dispose de l'autre connecteur "invece" dont la base sémantique est p1us ténue, ce qui nous donne à penser que l'usage de "in compenso" est exp10ité à bon escient, ironiquement et stratégiquement, pour introduire un nouve1 argument.
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384
obligé de dire ce que, tout compte fait, il ne voulait pas dire. Cette
hétérogénéi té est, dans un second temps, mont rée parce que l' usage
forcé du connecteur "en revanche" et de "in compenso", obl ige
l 'énonciateur à effectuer une opération bien peu banale qui consiste à
endiguer une fui te ou une "échappée" du sens vers l a droi te. 62 Cette
surcharge de sens encombre le fil du discours car, ce qui n'aurait dO
etre qu'un simple mot-outil (et don c un mot prétendOment "vide") se
révèle etre trop grave ou trop pesant dans certaines circonstances,
c'est-à-dire dans l'entrechoc de deux sèmes avoisinants (tels que
"revanche" / "mort") socialement perçus comme malséants.
Il faudrait donc di re que nous avons affai re, dans ce cas
particulier, à un lexème morphématisé qui peut etre resémantisé par
télescopage avec la valeur globalement péjorative, ou en tout cas
franchement antitéléonomique, du segment qu'il introduit (donc à
droite). Nous voyons ici comment le palier sémantique et le palier
pragmatique sont imbriqués l'un dans l'autre, l'analyse du premier
l'emportant parfois sur le second dans la détermination du sens, meme
lorsqu'il s'agit de morphèmes. Nous remarquons également que ces
phénomènes ont surtout été étudiés comme des marques spécifiques de
l'oralité où le sens se construit de manière imprévisible. Or, nous
venons de démontrer que ces marques de l'hétérogène apparaissent tout
aussi bien dans le discours écrit qui n'est pas dénué de "bavures" et,
ce qui est encore plus paradoxal tout au moins pour le français, en
raison meme d'une norme linguistique. Ainsi, l'usage de "en revanche"
ou de "in compenso" peut créer, dans certai ns contextes, un surpl us
62_ Ces deux métaphores sont respectivement empruntées à B.N. GrUnig, R. GrUnig (La fuite du sens - La construction du sens dans 7'interlocution, op.cit.) et à H. Parret (<<De l'(im)possibilité d'une grammaire de l 'hétérogène» in PARRET H.: Le sens et ses hétérogénéités, op.cit., pp.11-25).
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d'i nformation ou une "scori e" qui broui 11 e l a communi cation.
L'énonciateur effectue ce que F. Gadet appe11 e un "retour-remords"
(peut-etre feint) sur une forme "dans un après-coup expl ici te". 63 Il
corrige ainsi ce que nous pourrions appeler un phénomène de réfraction
sémantique ou comme l 'appe11 e F.Rastier de dissimilation
contextuelle 64: une lexie ayant une faible densité sémique réactualise
à la faveur d'un contexte favorable un sème qu'elle avait inhibé.
• C'est pourquoi, "par contre" s'avère etre plus rentable ou
plus économique car il dispose indubitablement d'un avantage sur son
concurrent. En effet, les contraintes liées au sémantisme de "contre"
sont à l'évidence beaucoup plus floues puisqu'il s'agit habituellement
d'une préposition et que ce morphème ne dispose pas de référent. Il en
résulte que l'éventail pragmatique qu'il est susceptible de recouvrir
est naturellement et spontanément (abstraction faite donc de la norme
du français) beaucoup plus large que celui de "en revanche". Ainsi:
(55) «L'individualisme à l'occidentale n'a pas de racines dans 7es masses chinoises. L'espoir de transformation, /lf![ .. ç.Ql1.trl;J, est un sentiment très puissant.» (Malraux cité par Grevisse)
(56) «Si le jardin se trouvait à l'ombre, la maison, /lf!C._QQl1t[@, était en plein soleil.» (Maupassant cité par le T.L.F.)
Dans ces énoncés, "par contre" introduit bien une entité
sémantique connotée positivement et il s'agit là de cas où l'Académie
préconiserait l'emploi de "en revanche". Un correcteur qui serait
amené à réviser une traduction convertirait instinctivement ce "par
63_ GADET F.: «La distance syntaxique dans les ruptures de construction» in PARRET H. (éds.): Le sens et ses Hétérogénéités, op.cit., pp.69-79.
64_ Voir entre autres RASTIER F.: «Tropes et sémantique linguistique» in Langue Française 101, 1994, pp.80-101.
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contre" en un "en revanche" ou bien encore il permuterait l 'ordre des
arguments. Encore que, il faudrait se demander quelle est la visée
téléonomique de l'énonciateur: dans (55), il est clair que "T 'espoir
de transformation" constitue intrinsèquement, meme en dehors de tout
contexte, un pele téléonomique ou euphorique, c'est-à-dire envisagé
par l'énonciateur comme souhaitable; la détermination des deux peles
dans (56) est beaucoup plus incertaine, tout au moins à ce niveau
mésosémantique, où le "pTein soTeil" peut aussi bien etre affecté du
sème /péjoratif/ que du sème /mélioratif/.
Avant d'aborder les problèmes liés à la concession proprement
dite (relatifs à la syntaxe en tant que telle mais aussi plus
directement aux connecteurs concessifs), nous allons essayer de
définir la troisième valeur de ce "mais" / "ma" qui n'est que
potentiellement concessive et qui fait donc pleinement partie, dans
l'argumentation, de ce que l'on appelle la stratégie concessiVe.
Ce "mais" / "ma" se différencie du deuxième cas que nous
avons analysé par le fait qu'il est substituable par "bien que"
(concession forte) et par le fait également qu'il est compatible avec
la présence de "quand meme" (concession faible). En italien, la valeur
de ce "ma" est celle qui se rapproche le plus de "però". "Ma" et
"però" sont ici synonymes. La valeur oppositive de "però" est
cependant plus accentuée que celle de "ma", c'est pourquoi il est
souvent traduit par "quand meme". Ils ne sont pas pour autant bi-
univoques. L'éventail des valeurs pragmatiques concessives de "quand
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387
meme" (ou "tout de meme") est beaucoup plus étendu que celui de "però"
comme nous le verrons dans l'analyse consacrée à ce connecteur.
Du point de vue syntaxique, certains énoncés compensatoires
peuvent admettre une lecture concessive, à condition qu'ils soient
intégrés dans un contexte argumentatif adapté qui puisse favoriser une
telle interprétation. Ainsi, nous remarquons que la plupart des
énoncés compensatoires acceptent le connecteur "quand meme" et qu'ils
peuvent donc etre perçus comme concessifs:
(57) "Pierre prend toujours sa voiture mais Jacques préfère vélo. " " Pierre prende sempre la macchina / Pllfll Jacques bici. "
(58) "Le pull n'a pas rétréci mais il déteint." Il La maglia non si è ristretta / Ptl.rQ si è stinta. "
(59)
.....
preferjsce
"Pierre n'est pas intell igent mais il charmant." "Piero non è inte77 igente l!l!!: / è carino. "
(60) "Il ne neige pas mais il pleut Il Non nevica / piove. "
le
la
La possibilité d'intégrer "quand meme" n'implique pas
automatiquement l'acceptation de tlbien que" qui cl asserai t
définitivement et résolument ces énoncés dans la catégorie des
concessifs. Nous noterons avec i ntéret que si l es connecteurs "en
revanche" et "par cont re" avaient l a faculté d' opérer sur l es deux
segments rel iés une "discrétisation" des deux entités sémantiques dès
lors indépendantes l'une de l'autre, le connecteur "quand meme"
bénéficie, quant à lui, de la faculté d'inserire le mouvement
argumentatif dans une meme perspective énonciative: il instaure un
lien de dépendance ou meme de subordination relativement étroit entra
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les deux segments, l'antécédent et le conséquent. En effet, "les
constructions concessives sont prototypiquement hypotaxiques, alors
que les constructions adversatives sont prototypiquement
parataxiques".65 l'énoncé concessif se distingue donc de l'énoncé
compensato i re par son caractère essentiellement hétérogène et
dissymétrique.
Dans 1 es énoncés que nous avons p roposés c i -dessus (de 57 à
60) qui sont peu représentatifs de l'emploi concessif, ce lien peut
apparaltre forcé ou en tout cas peu naturel, ce qui ne veut pas dire
pour autant que l'énoncé soit incorrect. "Quand meme" coexiste dans
ces énoncés avec "mais": si ce dernier occupe la fonction d'un
adverbial connecteur (qui articule la connexion meme) , le premier
semble etre interprétable comme un adverbial illocutoire renvoyant à
la situation énonciative précédente.
Ce qui permettra de distinguer plus nettement l'énoncé
compensatoire de l'énoncé concessif - et ce, sans faire appel à un
contexte de communication précis - ce seront pl us des considérations
d'ordre sémantique que syntaxique. Du point de vue syntaxique, nous
trouverons en effet indifféremment des structures du type: (a) "p MAIS
[QUAND MEME] NON-(}", (b) "NON-(} MAIS [QUAND MEME] p", ou bien (c) "NDN-P MAIS
[QUAND MEIIE1 NDN-Q" ou encore (d) "NON-(} MAIS [QUAND MEME1 NON-P"; le point
commun de ces énoncés consiste dans le fait que les deux arguments P
et non-Q sont anti-orientés par rapport à une conclusion impl icite R
et que, dans l' énoncé négat if, non-P et non-Q (1 orsqu' il s sont en
65_ MAZZOLENI M.: Costrutti conceSS7V7 a7cune 7ingue d'Europa, Pubbl icazioni Filosofia dell 'Università di Pavia, Firenze, 1990, p.54 (traduit par nous).
e costrutti avversativi in del 1 a Facol tà di lettere e la Nuova Italia Editrice,
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première position), la loi d'abaissement et la loi de litote relatives
à la négation soient invalidées (dans a, dans c et dans d).
Ainsi les énoncés qui suivent semblent plus aisément
interprétables comme des énoncés concessifs; ils sont pour nous plus
représentatifs de cette catégorie:
(61a) "Il n'est pas milliardaire m5!j§. il est riche [quand meme]." "Non è mn iardario / però è ricco. "
(62a) "Il ne t'aime il t'apprécie [quand meme]." "Non t i ama / però t i apprezza. "
(61b)
- - - - -· ...
"Il est riche (il n'est) pas milliardaire [quand meme]." "E' ricco / llJlCQ non è mn iardario. "
(62b) "Il t'apprécie il ne t'aime pas [quand meme]." "Ti apprezza l!!ol!: / IlJz[oQ non ti ama."
(61C)
- - - - -· ...
"Il n'est pas milliardaire il n'est pas pauvre [quand meme]." "Non è mi 1 iardiario l!ll!: / llJL[Q non è povero"
(62c) "Il ne t' aime pas il ne te déteste pas [quand meme]." "Non t i ama / /l.ll[Q non ti odia. "
(61d)
- - - - -· ...
"Il n'est pas pauvre I!I5!j§ il n'est pas milliardaire [quand mème]." "Non è povero / non è mi 1 iardario."
(62d) "Il ne te déteste il ne t'aime pas [quand meme]." "Non t i od i a / non t i ama. "
Bien entendu l'ordre des propositions est dépendant de
contextes de communication, et la permutation que nous avons proposée
ne va pas sans provoquer quelques variations de sens, en particul ier
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390
lorsque "quand meme" s'applique à un prédicat négatif; nous essaierons
de déterminer ces variations dans notre ana1yse consacrée au
connecteur concessif "quand meme".
La nature des assertions pourra etre qua1ifiée de
"po1émique", définition qui nous induit à envisager le niveau
pragmatique. Cette "assertion affi rmative po1émique" est très proche
de l'assertion ayant une fonction ou une va1eur concessive. Les
re1ations concessives sous-tendues par 1es énoncés proposés étant
faib1es, nous pouvons presque considérer que "quand meme" et "tout de
meme" assument, dans certains cas, la fonction de moda1isateurs de
1 'assertion négative. 66
La présence du connecteur "però" phoniquement p1us lourd -
car accentué sur la dernière syllabe - que le monosyllabique "ma"
suffi rait à attribuer à l'énonciateur une intention po1émique p1us
intensive par rapport à celle que sous-tend l'emp1oi du "mais"
français; le traducteur considèrera la force argumentative de ce
dernier comme trop faib1e, et il lui préfèrera dès lors un connecteur
pl us nettement concessi f te1 que "quand meme". La conversion des
énoncés précédents en rép1iques de dia10gue démontre cette tendance.
Nous pouvons proposer ainsi un exemp1e de conversion:
(61a' ) «-Il n'est pas mi11iardaire. -Non, mais (il est) qyg,ng ... riche»/ "-Non, mais il est
" «-Non è mi l iardario. -No, è ricco.» / "-No, è ricco PJ/!.Eg!"
66_ En fait cette va1eur po1émique de "quand meme" est très voisine de 1 'assertion affirmative moda1isée par "bien". Comparons: "J'ai (tout de meme) bien l 'intention d'y aller" "Je n'ai tout de meme pas 1 'intention d'y aller" où l'assertion négative est rendue po1émique en raison de la moda1isation par "tout de meme".
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391
(61b') «- Il est riche. - Qui, mais (il n'est) pas milliardaire.» / "-Qui, mais il n'est pas mi 11 i ardai re "
«- E' ricco. - Sì, non è mi 7 iardario.» / "-Sì, non è mi 7 iardario "
La parenté pragmatique entre le français "quand meme" et
l'italien "però" est confortée par le fait qu'ils possèdent tous deux
cette faculté de se déplacer sur l'axe syntagmatique, contrairement à
"mais" et à "ma"; ils peuvent etre soit antéposés, soit postposés au
segment prédicat. "Quand meme" dispose en outre d'une ultérieure
possibilité: dans certains cas, il peut etre intégré au procès verbal,
meme si cette position entra'ine de légères variations pragmatiques
relatives à la portée du connecteur.
L'antéposition confère au connecteur une fonction "logique",
sa valeur étant parallèlement atone (avec les réserves d'usage
relatives à l'emploi de ces qualificatifs qui n'ont rien d'absolu). La
postposition apporte, quant à elle, une légère altération sur le plan
pragmatique car cette position est marquée par rapport à la
précédente. Dans une structure d'échange, en effet, lorsqu'ils sont
postposés, ils confèrent à l'intervention une fonction illocutoire
réactive mais aussi une fonction interactive. 67 La portée de "quand
meme" et de "però" est rétroactive: ils renvoient anaphoriquement à
l'assertion antérieure qu'ils contestent ou qu'ils modifient
partiellement.
67_ Selon les classifications proposées par E. Roulet, la fonction illocutoire dépend de l'usage d'un verbe performatif sous-jacent du type "je concède que ... ", et la fonction interactive assure le lien entre un acte directeur et un acte subordonné. Cf. RQULET E. ET AL.: L'articu7ation du discours en français contemporain, op.cit., p.133.
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392
"Quand meme" et "però" nous semb1ent rassemb1er à la fois des
fonctions contre-argumentatives et des fonctions rééva1uatives (ou
reformu1atives). D'une part, ils entretiennent une re1ation de
"contradiction" entre deux actes, rejetant partiellement la teneur
d'un argument précédent; d'autre part, i1s opèrent, comme les
connecteurs reformulatifs, une "rétrointerprétation" de l'énoncé ou du
mouvement discursif précédent: dans "p mais Q" (ou "p mais non-Q",
"Non-P mais Q", etc ... ) la seconde partie de l'énoncé constitue une
rectification de l'implication inférable de la première partie de
l'énoncé. De "ne pas etre milliardaire" on pourrait inférer "etre
pauvre" (en vertu de la loi de litote) mais la seconde partie de
l'énoncé rectifie cette impl ication en précisant "il est riche" (61a),
"il n'est pas pauvre" (61c).
Il semblerait donc que ce qui distingue ici l'énoncé
concessif de l 'énoncé compensatoire, ce sont des contraintes de nature
sémantique. Dans un énoncé du type "p mais concessif Q", P et Q sont
reliés sémantiquement par un rapport graduel, autrement dit par un
topos de type scalai re: "etre riche" impl ique que l 'on pUisse aller
jusqu'à "etre milliardaire", "apprécier quelqu'un" implique que l'on
puisse al1er jusqu'à "aimer que1qu'un". Dans "p mais Q", on dira que
"mais" a un emploi scalaire si:
«p et Q peuvent étre éva1ués en termes de force argumentative soit via 1es conclusions qu'ils servent, soit via un contenu p' = non-P éva1uable sur la meme échelle argumentative que P et où p' est p1us fort argumentativement que Q.» 68
68_ On illustre ces deux cas, respectivement, par 1es exemples suivants: "Cet artic1e est intéressant: il est un peu court mais p1ein de suggestions" "Pierre a été assez serviab1e: il n'a pas vou1u m'emmener jusqu'à Paris mais il a accepté de me conduire jusqu'à la gare."
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393
Ce type d'énoncés consti tue, selon les analyses qui leur sont
consacrées, le prototype de l'emploi concessif.
Cependant, comme nous l' avons soul i gné p l us haut, l e
contraste oppositif peut apparaftre, en dehors d'un contexte de
communication qui l égit imerait une visée intentionnelle de
l'énonciateur, plus incongruo Et surtout, certains des énoncés qui
acceptent une lecture concessive (ainsi que l' introduction de "quand
meme") ne sont pas reliés par un topos graduel, comme par exemple dans
l'énoncé (57) que nous avions classé comme compensatoire mais qui peut
recevoir une lecture concessive:
(57) "Pierre prend toujours sa voiture Jacques préfère le vélo" "Pierre prende sempre la / PJ1..r:ll Jacques preferisce la bicj"
La relation entre P et Q est en principe reconnue comme étant
anti-implicative, puisque P et Q infèrent des conclusions opposées.
L'opposition et la concession instaurées par ce "mais" sont
généralement qualifiées d'''indirectes'' (donc en principe non
"naturelles"69), car elles nécessitent de la part de l'interprétant
une opération d'induction pour lui permettre de situer les lieux
argumentatifs auxquels se réfère le discours de son interlocuteur: il
doit reconstruire une relation de cohérence (un pont sémantique) entre
le contenu de P et le contenu de Q (par exemple, on pourrait induire
de cet énoncé concessif que Pierre et Jacques étaient d'anciens
ROULET E. ET AL.: L'artjculatjon du djscours en françajs contemporain, op.cit., p.135
69_ Létoublon utilise le terme "naturelle" pour l'appliquer à une concl usi on impl i cite i nférée intuitivement par l'i nterprétant. Cf. LETOUBLON F.: «"Pourtant" , "cependant" , "quoique" , "bi en que": dérivation des expressions de l 'opposition et de la concession» in Cahiers de linguistjque française 5, 1983, pp.85-110.
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coureurs cyclistes ou d'anciens coureurs automobiles). En effet, comme
le fait justement remarquer E.Eggs, dans les structures anti-
impl icatives, on ne peut pas toujours extrapol er de topos graduel
implicite ou sous-jacent. Cette remarque qui s'appliquait déjà au
"mais" / "ma" compensato i re, s' avère, à not re avi s, égal ement
pertinente pour la structure concessive, puisque c'est le contexte de
communication et la visée argumentative de l'énonciateur qui
accentuent les deux p61es de l 'opposition en adjoignant le marqueur
"quand meme" ou le marqueur "però". La présence de ce dernier peut
transformer un énoncé compensato i re en énoncé concessif. C'est
pourquoi, l'argumentation est toujours pour nous plus ou moins
épistémique 70 car elle n'invoque pas de règles universelles et
communément admises. Dans le langage quotidien, ces règles, si tant
est qu'elles existent, sont soumises à l'air du temps et elles ne sont
pas interprétables de manière univoque ni définitive 71 : leur sens est
dialectique et la complexité de nos cultures ne cesse de multipl ier
les facettes de notre savoir. La "gestion" de nos connaissances, comme
l'appellent certains, est un leurre car nous ne disposons pas de
représentation synoptique ou de vision d'ensemble clai re et exhaustive
de celles-ci.
70_ E. Eggs voud ra it oppose r une accept i on "no rma l e et quot i d i enne" à une argumentation de type "épistémique". Notre perplexité nait du fait qu'en dehors des contraintes syntaxiques irréductibles, il est malaisé pour nous de faire une distinction entre les deux formes d'argumentation. N'y a-t-il pas un continuum entre l'une et l'autre? Ne peut-on pas toujours déplacer notre angle de vue et classer l égitimement un énoncé aussi bi en dans une st ructure compensato i re que dans une structure concessive, surtout si nous nous référons au r61e argumentatif et non pas à la fonction syntaxique, c'est-à-dire si nous nous situons dans le cadre d'une macro-sémantique?
71_ Affirmer qu'il existe des règles d'interprétation sous-jacentes ou implicites peut donner à penser que celles-ci sont immuables, qu'elles se situent en dehors de l'instance de l'énonciation et que le langage est un lieu où la parole des individus chercherait à se loger.
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395
Ce "mais" / "ma" concessif permet d'articuler des
enchainements concessifs au sens l arge. En effet, il a souvent pour
simple role d'assurer les transitions de paragraphe. Il charpente tout
discours argumentatif et pourrait etre paraphrasé par "oui mais ...
(quand meme) " ou un "non mais ... (quand meme)".
Ce connecteur consti tue une marque de transition dans
l'argumentation ou la progression narrative, et sa valeur oppositive
est souvent très émoussée. Tous les "mais" du discours argumentatif
et, en particulier, lorsqu'ils sont situés en début de paragraphe - là
où justement certains ont remarqué l'impossibilité de le paraphraser
par un synonyme interchangeable -, sont toujours plus ou moins
équivalents à un "oui, mais ... " ou à un "non, mais ... ". Cet emploi
semble donc faire apparaitre de manière plus apparente la voix d'un
co-énonciateur.
Dans le proceSSU$ de compréhension d'un texte, le connecteur
"mais" constitue une rupture dans la linéarité du discours, il
témoigne d'un écart par rapport à un proceSSU$ "prototypique"; il est
le signal pour l'interprétant d'une "déviance" , et l'énonciateur /
scripteur va à l'encontre de son attente en contrariant ses
prévisions. C'est là, en tout cas, une définition classique souvent
proposée dans les analyses textuelles: R.A. Beaugrande et W. Dressler
considèrent l es connecteurs oppositifs tel s que "au cont rai re" ,
"toutefois", "de toute façon", "néanmoins", "pourtant" ("invece",
" tuttavia" , "comunque" , "cionondimeno" • "eppure") et, l e pl us
fréquent, "mais" comme des "contre-jonctions" (pour les distinguer des
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"con-jonctions"). Ces contre-jonctions, avec les disjonctifs, les
conjonctifs et les subordonnants, sont chargées d'assurer la cohésion
du texte:
«La contre-jonction a pour fonction de faciliter les transitions problématiques dans lesquelles apparaissent des combinaisons d'événements ou des situations apparemment improbables.»72
Or si nous avons souligné le terme "improbable", c'est que
celui-ci ne nous semble pas définitoire du connecteur "mais", pas plus
qu'il ne l'était pour "meme" ou pour "car". Cette définition reprend
celle de Frege habituellement mentionnée dans les études portant sur
ce connecteur: ''mais'' ("aber") se distingue de "et" ("und') car son
emploi indique "que ce qui suit s'oppose à ce à quoi on peut
s'attendre compte tenu de ce ce qui précède". 73 Il en est de meme dans
la progression narrative 00 "mais" / "ma" assure la transition
temporelle: "mais un jour ... " annonce un événement pertinent "inoul"
(comme le dit H.Weinrich) appartenant au premier plan narratif pour la
construction du récit. On invoque souvent, pour différencier les
emplois concurrents de deux connecteurs, cette modal ité "expectation"
(le dire à venir est soit attendu, soit inattendu), mais
l' improbabil ité ne constitue-t-elle pas l'un des traits communs de
tout acte d'argumentation et sans doute de tout acte de communication,
toujours plus ou moins inattendu?
La nature de cet écart entre le prévisible et l'imprévisible
n'est pas aisée à identifier, car il semble résulter de tensions
72_ BEAUGRANDE R.A., DRESSLER W.: Einfiihrung in die Textlinguistik, Niemeyer, TObingen, 1981. [Tr.It.: Introduzione a17a linguistica testuale, Il Mulino, Bologna, 1984] p.91; (Nous traduisons de l' ital ien).
73_ Cité par MARCONI D., BERTI NETTO P. M.: «"Ma" i n ita l i ano - Parte prima: Semantica e pragmatica», art.cit., p. 230.
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interactionnelles complexes entre le dire et le dit, entre ce que
l'énonciateur a anticipé et croit deviner des réactions de son
interlocuteur, et ce que celui-ci aura effectivement interprété en
déjouant peut-etre ses stratégies; ceci ne l'empechera d'ailleurs pas
d' affi rmer si ncèrement qu'il "comprend parfaitement
interlocuteur a voulu dire", bien qu'il ait compris
teneur du message transmis.
ce que son
autrement 1 a
Ainsi le "mais" / "ma" argumentatif assure la progression
narrative et argumentative par enchalnements successifs de
concessions. Ce connecteur oblige à reconsidérer "rétroactivement" les
arguments situés en amont comme étant de moindre pertinence par
rapport aux arguments situés après "mais" / "ma" (ou "però") en aval
du texte, par rapport au discours antérieur. Si nous nous référons à
l'activité énonciative proprement dite, le "mais" / "ma" argumentatif
met en scène deux voix ou deux assertions. Ces dernières, reliées par
"mais" / "ma" ne sont pas prises en charge par l'énonciateur de
manière équivalente. L'assertion conséquente a pour but, en fait,
d'opèrer une reconsidération de l'assertion précédente dont la portée
doit étre soit mi nimisée, soit "négl igée", soit encore dépassée.
Ainsi, l'opposition ou la contrastivation se construit entre un
arrière-plan plutot descriptif (en amont) et un premier plan
rhématique (en aval), objet de l'acte de communication, porteur d'une
i nformation nouvell e. Dans l' argumentation, l'arri ère-pl an situe 1 e
discours dans un univers déjà donné appartenant au savoir partagé, où
l'interprétant reconnalt ou, tout au moins, admet l'enjeu de la
problématique posée. "Mais" et "ma" annoncent un changement de
perspective énonciative et suscitent une attitude plus vigilante de la
part de l'interprétant.
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Dans 1 es énoncés de not re co rpus, nous remarquons que dans
1es séquences argumentatives du type "p mais Q", P n'est que
partie11ement pris en charge par l'énonciateur qui manifeste un
consentement nuancé. Les formes de modalisation y sont, en effet, très
nombreuses: qu'i1 s'agisse d'adverbiaux d'énonciation ou de marqueurs
épistémiques te1s que "peut-étre", "certes" , "bien" (" forse",
"senz'altro" , "certo", "pure"), ou de verbes moda1isant la va1eur de
vérité de la première assertion, soit par leur sémantisme, soit par
des marques mo rpho 1 og i ques de moda 1 i sa t i on comme 1 e cond it i onne 1 de
l'évidentia1ité ou le futur épistémique pour l'ita1ien: "il semb1erait
que ... ", "il est vrai que ... ", "il se pourrait que ... " ("sembrerebbe
che ... ", "é vero che ..• ", "futuro epistemico + pure ... "). Ainsi,
paradoxa1 ement, aff i rmer 1 a vérité d'une proposition, signifier son
accord avec un discours antérieur de manière ostentatoire, au moyen de
1exies du type "c'est vrai", "je ne le nie pas", qua1ifier des propos
d' "indéniab1es", c'est déjà insinuer que 1 'on ne va pas en rester là
et que, sous une apparente communion de pOints de vue, se glisse le
dissemb1ab1e. Cette fonction argumentative n'est en réa1ité pas très
é10ignée du "mais" / "ma" quantitatif identifiab1e dans "non
seu1ement... mais encore" que nous évoquions dans notre parcours
diachronique. Reprendre un discours, c'est essayer de le comprendre en
le reformu1ant, comme dit M.Bakhtine, avec des "é1éments 'à soi' (du
point de vue du 10cuteur), et 'à l'autre' (du point de vue de son
partenaire)" 74, c'est don c le remanier, l'a1térer justement, en y
apportant des précisions ou des restrictions.
74_ BAKHTINE M.: Esthétique et théorie du roman, Gall imard, Paris, 1978, p.105.
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Nous donnerons un échantillon de cette activité fondatrice de
l'acte d'argumenter à travers quelques énoncés authentiques dans les
deux langues (nous ne proposons que la traduction des énoncés italiens
vers le français):
(63) «Icj, pas de tours, majs des majsons jndjvjduelles, pas très gajes
, l!1llL§ que l que fo j s a vec j a rd j n .» (N. Obs " 14-5-91)
(64) «C'est un bonheur d'avojr un mad quj bdcole, comme djsaH la chanson. Mlti§ quel1e rujne d'avojr un mad quj jnvente!» (N.Obs., 30-5-91)
(65) «D. C. avaHfl}(:lll tenté de reconquen r son épouse,!!ll!,i§ des amours quj se détérjorent ne se reprennent pas comme des socjétés en fan l He.» (N.Obs., 14-5-91)
(66) «"f":"g"'t.'t.iQ, l'amore nutre n nostro narC7S7smo e qUjndj aUmenta la nostra jnsjcurezza . ..M§!, con molte sfumature.» (Panorama, 7-7-91)
l'amour nourrit notre narcissisme et al imente done notre insécurité. avec beaucoup de nuances."
(67) un fatto cjcUco, lllI!, un segnale dj djsagjo verso un
sjstema che non funzjona». (Panorama, 7-7-91)
"C' est un fait cycl ique, c' est un signe de malaise à l'égard d'un système qui ne fonctionne pas."
(68) «[ ... ] Che è,§}, jnattuale, come ha scrHto G. V •... , che non dj meno è oggetto di una nostalgia tutt'altro che epjdermica e certamente jnappagata.» (Panorama, 7-7-91)
" [ ... ] Qui est dépassé, comme l'a éc r it G . V ... , qui est néanmoins l'objet d'une nostalgie qui est loin d'etre épidermique et qui est certainement inassouvie."
L'emploi de "mais" et de "mali témoigne sans doute d'une mise
en ordre de la pensée, une pensée rationnelle qui ne se contente plus
d'associer des éléments (comme par exemple au moyen de la coordination
"et" I "eli) mais de les différencier. La forme meme de nos discours
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400
ref1ète cette évo1ution "rationnelle". Comparons, en effet, 1es
énoncés suivants:
(69) "Tu as eu tout ce que tu avais .. t tu p1ains?" "Hai avuto tutto quello che avevi chiesto ti lamenti?"
(69') "Il a eu tout ce qu'il avait demandé il se p1aint." "Ha sempre avuto quello che aveva chiesto!!t./;!, ... L.J!Jlt:ll si lamenta."
Dans (69), le tutoiement et la structure d'échange entralnent
l'emp10i de la coordination "et" / "e" ("mais" et "ma" seraient ici
bizarres) a10rs que dans (69'), l'emp10i de "mais" / "ma" est p1us
nature1 car l'énoncé se donne à voir comme objectif: son emp10i se
situe hors système interactif, et ne 1aisse transparaltre aucune trace
de subjectivité énonciative. Il semb1e meme favoriser, dans l'activité
1angagière, la coopération, la négociation, donc la concession. Ces
remarques nous permettent de mettre en évidence le fait que le facteur
de l'attente contrariée, la notion de structure anti-imp1icative, et
la présence d'un énoncé sous-jacent sont éga1ement pertinents pour
l'énoncé contenant 1 e connecteur "et" / "e" auque1 on oppose pourtant
le connecteur "mais" / "ma".
• Toute argumentation recè1 e une part de non-dit et de non-
exp1icité. Si notre ana1yse devait consister à rendre transparents 1es
propositions ou 1es arguments sous-jacents auxque1s l'énonciateur
s'oppose, a10rs nous devrions nous évertuer à faire la chronique d'une
ou des objection(s) annoncée(s). C'est pourquoi, il faudrait au
contraire, nous semb1e-t-il, adopter dans l'interprétation des
discours ce que J.Courtès appe11e une "logique à rebours": une phrase,
un discours, un récit ne sont interprétab1es que 10rsqu'ils ont été
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401
intégra1ement proférés. 75 Le sens se construit de manière
différentielle, c'est-à-dire en éva1uant tous 1es é1éments présents
1es uns par rapport aux autres.
Les phénomènes argumentatifs re1evant de la négation ou de la
contre-argumentation démontrent encore une fois que l' activi té
1angagière est avant tout une interactivité individuelle et sociale:
"1es conduites [argumentatives] sont essentiellement ouvertes", [des
conduites] où de la confrontation des opinions peuvent toujours surgir
des opinions ou idées nouve11es que nu] n'avait prévues." 76
1 O _ AUTRES Il QUAND MEME Il
CONNECTEURS CONCESSI FS ET DE Il COMUNQUE"
AUTOUR DE
La littérature concernant le phénomène concessif est prolixe.
Dans le panorama diachronique que dresse F. Létoublon, il apparait que
la notion de simil itude et la valeur adversativo-còncessive auraient
une origine commune. De nombreuses conjonctions reflètent dans leur
aspect morphologique cette va1eur: en français, par exemple, la
locution "tout de méme" signifie littéralement "tout pareillement". En
diachronie comme en synchronie les expressions d'opposition ou de
concession dérivent d'expressions tempore11es (ex.: "quand méme"),
causales (ex.: "pourtant") ou comparatives (ex.: "pour autant"). 77
Ainsi la similitude engendre-t-elle, nous l'avions déjà relevé pour
75_ COURTES J.: Analyse sémiotique du discours - De l'énoncé à 7'énonciation, op.cit., p.89
76_ APOTHELOZ D., BRANDT P. Y ., QUIROZ G.: «Champ et etfets de 1 a négation argumentative: contre-argumentation et mise en cause» in Argumentation 6-1, 1992, pp.99-113, p.111
77_ LETOUBLON F.: «"Pourtant", "cependant", "quoique", "bien que": dérivation des expressions de 1 'opposition et de la concession», art.cit., pp.85-110.
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"mais", comparaison et contrastivation; s'il y a de plus concomitance,
les éléments ne se succèdent pas les uns aux autres mais leur "co-
présence" suscite, en quelque sorte, une forme d'incompatibilité donc
une opposition. 78 Par ail1eurs, la concession est un phénomène
discursif intrinsèquement lié, plus que la simple opposition, à une
activité dialogique qui consiste pour l'énonciateur à se placer dans
le camp de son interlocuteur, à lui "céder" un espace d'expression
pour mieux faire admettre sa propre opinion. Comme la négation, la
concession est avant tout dialogique et polémique:
«La négation, en généra1, joue un ro1e pro che de ce1ui de la concession: on renonce à une affirmation que l'on aurait pu soutenir, ou que des tiers soutiennent, mais en gardant une trace de celle-ci comme témoin de la richesse d'information et de la c1airv%anCe de qui a reconnu la non-va1eur d'une proposition.» 9
Le terme "concession" s'applique, dans les classifications
syntaxiques, à des propositions subordonnées introduites par des
"locutions adverbiales" telles que "bien que" , "meme si", "quoique" et
d'autres. En règle générale, la proposition concessive est
identifiab1e par le fait que la relation logique attendue entre
l'antécédent et 1 e conséquent n'a pas eu 1 i eu. Nous ne ci terons que
trois définitions parmi d'autres de l'énoncé concessif à partir
desquelles trois aspects principaux se dégagent: le caractère
hétérogène de la re1ation (A), la présence d'un é1ément empechant mais
non efficace au regard de la réa1isation d'un acte ou d'une pensée (B)
et enfin, le fait que l'énoncé concessif a partie 1iée aVeC un énoncé
78_ Il suffit de penser par exemp1e à la forme "tout + gérondif" où concomitance et concession sont étroitement liées.
79_ PERELMAN C., OLBRECHTS-TYTECA L.: Traité de 7 'argumentation, op.cit., p.648. (C'est nous qui sou1ignons)
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contrefactuel (C) (par ex. "Pierre est parti malgré le retour de
Sophie" renvoie à "Si Sophie revient alors Pierre ne s'en va pas"):
(A)- « [ ... ] Une relation entre A et B est dite concessive dans tous les cas où (et seulement où) A et B disjoints au niveau du fJ.résupposé, se trouvent conjoints au niveau de l'énoncé.» 80
(B)- «Nous considérons comme concess i ves toutes les tournures propositionnelles qui expriment que -a) un fait, -b) une éventualité ou -c) la nature d'un terme, ne constitue pas un obstacle à la réalisation d'un procès [ ... ] linguistiquement exprimé par une tournure dite proposition principale.» 81
(C)- «[ ... ] Dans tout énoncé concessif, on perçoit, sous-jacente, inserite dans une image d'univers, une relation hypothétique don t l'antécédent est vrai et don t le conséquent est faux.» 82
Or, les connecteurs que nous allons étudier ici: "quand meme"
(ou "tout de meme") d'une part et "de toute façon", "en tout cas"
d'autre part, qui sont généralement considérés comme des connecteurs
concessifs, se trouvent parfois en corrélation avec ces conjonctions
elles-memes concessives qui introduisent la subordonnée (" ... bien
qu'il décide quand meme d'y répondre"; " ... bien que, de toute façon,
cela lui importe peu"; " ... bien que, en tout cas d'après ce que je
peux en savoir, cela lui importe peu"; "De toute façon, il viendra
quand meme"). Ceci pourrait nous induire à classer ces connecteurs
comme des adverbiaux d'énonciation.
Les différents dictionnaires bilingues proposent des
traductions différentes et non i nterchangeabl es des connecteurs "quand
80_ VEYRENC J.: «La concession en russe moderne» in VALENTIN P. (éd.): L'expression de la concession, Actes du Colloque de l'Université de Paris-Sorbonne - 3-4 déc.1982 - (Linguistica Palatina, Colloquia I), Paris, 1983, pp. 137-144.
81_ LAUNEY M.: «Concession de phrase et concession particul ière en nahuatl classique» in VALENTIN P. (éd.): L'expression de la concession, op.cit., pp.145-161.
82_ MARTIN R.: Langage et croyance, op.cit., p.81.
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meme" et "tout de meme": "lo stesso", "comunque", "nonostante", "dopo
tutto", "pur sempre", "ugualmente" (Ferrante-Cassiani et Boch).
Nous pouvons nous rend re compte dans 1 es énoncés que nous
a110ns traduire en ita1ien que le correspondant du connecteur
concessif français "quand meme" n'est pas toujours invariab1e, puisque
nous proposons se10n le cas "però ... lo stesso" (ou "pur sempre") ou
"comunque" qui ne sont pas substituab1es l'un à l'autre. A ces deux
équivalents nous devons adjoindre une troisième possibi1ité de
traduction dont nous avons partiellement traité dans notre première
partie, à savoir le marqueur épistémique négatif: "mica" qui
s'applique à l'assertion négative po1émique. "Quand meme" a
généra1ement été étudié comparativement à d'autres connecteurs
concessifs te1s que "pourtant", "pour autant" , "bien que",
"cependant". Pour l' ita1 ien, une étude récente de C. Rossari examine
le connecteur ita1 ien "comunque" dans sa traduction en français par
1es connecteurs rééva1uatifs "de toute façon", "en tout cas" et "quoi
qu'il en soit". 83 Nous allons essayé quant à nous, grace aux trois
traductions possib1es du français "quand meme" ou "tout de meme":
"però ... lo stesso", "comunque" (qui à son tour peut etre aussi
traduit par "de toute façon" et "en tout cas") et "mica", de donner un
éc1airage nouveau sur l'emp10i de ce connecteur, en étab1issant le
plus précisément possib1e 1es contraintes qui déterminent la
traduction par l'un ou l'autre de ses équiva1ents ita1iens. Nous
ferons tout d'abord que1ques remarques pré1iminaires et généra1es sur
83_ C. Rossari mentionne, mais de façon marginale, parmi 1es équiva1ents possib1es de "comunque", le français "quand meme" qui en principe, il est vrai, n'est pas un connecteur reformu1atif. Cf. ROSSARI C.: Les opérations de reformulation - Analyse du processus et des marques dans une perspective contrastive français-italien, op.cit.
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"quand meme" et "tout de meme" avant de di s t i ngue r l eu rs fonct i ons
syntaxiques par rapport aux entités sémantiques qu'ils relient et les
valeurs pragmatiques qui en dérivent.
On ne reconnalt habituellement que deux valeurs à ce
connecteur: Anscombre et Ducrot ont identifié une fonction
d' opposition di recte (="pourtant") et une fonction d' opposition
indirecte dans l'emploi scalaire, en combinaison avec "mais".84 Comme
pour le "mais" concessif, nous constatons que le type de structure
dans lequel ces connecteurs s'intègrent, peut etre symétrique ou
dissymétrique. Ceci contredit partiellement un certain nombre d'études
menées sur les structures concessives pour lesquelles on ne reconnalt
que des types di ssymét ri ques. Pour d'aut res, il est nécessai re de
di sti nguer ent re un "quand meme" concessif et un "quand meme" dont l a
fonction est commentatrice. 85 Pour d'autres encore, les effets de sens
concessifs, emplois essentiellement monologaux, se différencient des
effets de sens réfutatifs, emplois essentiellement dialogaux. 86
On trouve généralement "quand meme" dans les énoncés
dialogaux en combinaison aveç "mais"; il semblerait qu'on lui préfère
"tout de meme" dans les énoncés monologiques. C'est pourquoi, ce
dernier est considéré comme appartenant à un registre plus soutenu.
Nous pourrions di re autrement que la valeur concessive de "tout de
84_ ANSCOMBRE J.-C., DUCROT O.: «Lois logiques et lois argumentatives» in Le Français moderne 47, 1979. pp.35-52.
85_ GETTRUP H., Nj7jLKE H.: «Stratégies concessives: Une étude de six adverbes français» in Revue Romane 19, 1984. pp.3-47.
86_ MOESCHLER J., SPENGLER N.: «"Quand meme": de la concession à la réfutation» in Cahiers de linguistique française 2, 1981. pp.93-112.
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meme" semb 1 e p 1 us émoussée que ce 11 e de "quand meme"; ou eneo re, que
l'énonciateur qui choisit d'uti1iser "tout de meme" fait preuve d'une
p1us grande réticence quant au poids de l'assertion qu'il moda1ise,
comme s'il constituait une forme 1égèrement euphémique par rapport à
"quand méme".
La fonction de "quand meme" est indubitab1ement i11ocutoire:
e 11 e do it et re ana 1 ysée en re 1 a t i on avec des énoncés ou des ve rbes
performatifs, donc orientés vers l'inter10cuteur; deuxièmement, "quand
meme" a une fonction interactive: il renvoie à des entités sémantiques
appartenant au co-texte mais aussi au contexte extra-1 inguistique; 87
enfin, il peut modifier ou modaliser certaines entités sémantiques
dans lesquel1es il est intégré. La structure syntaxique de ces énoncés
ne constitue pas en soi un cadre contraignant pour l'insertion de
"quand méme" - toujours présent dans le conséquent - puisque, dans
l'énoncé mono10gique, nous aurons aussi bien: "p mais quand meme pas
Q", "p mais quand meme Q", "non-Q mais quand meme P" ou encore "non-Q
mais quand meme pas P". Nous remarquons cependant que ces permutations
entrainent un changement dans 1es effets de sens de "quand meme" et
dans la va1eur globale de "énoncé. Les contraintes qui s'exercent sur
son emp10i seront donc, à notre avis, de type sémantique.
Ces contraintes nous conduiront à une classification qui
diverge sensiblement de celles proposées pUisque la traduction par des
connecteurs équiva1ents en ita1 ien nous obl ige à choisi r au moins
87_ Si l'on se réfère à la description des connecteurs pragmatiques, il semb1erait que "quand meme" réunisse à la fois (se10n ses emplois) les propriétés des marqueurs de fonction i l1ocutoi re, des marqueurs de fonction interactive et meme des marqueurs de structuration de la conversation (très proche de la va1eur pragmatique de "oui mais" ou "non mais" qu'il peut du reste accompagner). Cf. ROULET E. ET AL.: L'articulation du discours en français contemporain, Op.cit., p.85 et suiv.
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entre trois possibilités: le "paradigmatisant" (ou anaphorique), le
"scalaire" (ou syntagmatique) et l • "empathique".
Nous essaierons d'établir ici les contraintes particulières
qui régissent cet emploi particulier de "quand meme". A notre
conna i ssance, ce cas n'a pas été ana l ysé j usqu' i ci. Cet te va l eu r
paradigmatique se traduit par l'italien "To stesso" généralement en
corrél ation avec l' adversatif "però" (l ittéral ement: "mais
parei 11 ement" , "mais de meme"). C'est la traduction par "70
stesso" qui nous permettra de dégager cette valeur paradigmatisante:
Soient les énoncés suivants:
(70) "Il pleut mais je viendrai te voi "Piove ll!fI, / Qg.r.Q verrò a trovarti.IQ ....
(71) "Il est en vacances mais il .... "E' in ferie / 7avoralQ ...
(72) "Il ne s'est jamais manifesté mais elle y "Non si è mai manifestato!!lfl, / ci crede
(73) «Vous n'avez pas grand chose puisque vous avez faim .. vous devriez gYJ!IJJ!. .... J!1l1l!!Jfl vous reposer que7ques jours. Ce serait p7us prudent.» (Ionesco cité par le T.L.F.)
"Poiché lei ha fame, non è grave . si dovrebbe riposarel.Q qualche giorno. Sarebbe più prudente."
(74) «Lei avrebbe preferito che non pubblicassi la sua Tettera, e 7e chiedo scusa se l 'ho fattoJ"Q" ... (suppl. La Repubbl ica, 19-5-95)
"Yous auriez préféré que je ne publie pas votre lettre et je vous demande de m' excuse r si j e l ' ai f a ... "
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(75) «Tu [ ... ] sei venuto a domandarmi i l mio parere, fingendo di non aver visto nulla ... con la speranza che ti avrei dato il consigl io di fare .LQ ... Ji.lfl6JlQ la sceneggiatura .•. » (A.Moravia, Il disprezzo)
"Toi, tu es venu me demander mon avi s, fei gnant de n' avo i r ri en vu ... dans l'espoir que je t'aurais donné le conseil de ... cette mise en scène ... "
Nous avons relevé cette première valeur de "mais ... quand
meme" qui est la seule à pouvoir se traduire par l'italien "però ...
lo stesso,,88, essentiellement dans les assertions à la forme
aff i rmat ive a l ors que l e premi er segment P ou antécédent peut et re
soit à la forme affirmative, soit à la forme négative. L'usage de
"però ... lo stesso" dans un segment à la forme négative n'est pas
exclu, meme s'il apparait relativement rarement dans le corpus dont
nous disposons: ceci semble etre dO en partie au registre de langue
adopté par l'énonciateur:
(76) «[Ed è cosi che è stato arresto Totò Riina] La caccia llJlL.Q, a quanto pare, non è stata .lQ"".6.'tfl6..§..Q semplice.» (La Repubbl ica, 5-2-93)
"C'est ainsi que Totò Riina a été arreté]. M{,tt§. la chasse, parait-il, n é t é f ac il e / ça n' a pas ét é f ac il e 'p"QY .. [ ..
Les énoncés proposés ci-dessus (de 70 à 75) peuvent etre
convertis à la forme négative, auquel cas "però ... non ... lo stesso"
sera traduit par "mais ... ne ... pas pour autant" et Vice-versa;
Ainsi:
(70a) "Il ne pleut pas mais je ne viendrai pas te voi r .. Non piove ma non verrò a trovarti .IQ"".Jitfl§§Q"
(71a) .. Il n'est pas en vacances mai s il ne t rava i 11 e pas 'pQ .. Y ... .. Non è in /llJlEQ non lavora JQ ...... §..'tJl.§..$..Q. "
(72a)
88_ L'adversatif "mais" et "però" a tendance à disparaitre dans l'emploi pour les raisons évoquées plus haut.
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"Il s'est souvent manifesté mais elle n'y croit pas PQyJ:: ..... "Si è manifestato spesso, I2grl! non ci credeZQ_§J§!§l§Ji'
etc ...
"Quand meme" est substitué dans l'énoncé négatif par le
déictique "pour autant", dont la valeur est axiologiquement marquée
vers un pale négatif (mise en évidence par J.-C. Anscombre 89). Sa
morphologie meme laisse présager la valeur pragmatique qu'il sera
susceptible de recouvrir: plus qu'une valeur quantitative ou une
fonction causale (mises en évidence dans l'étude diachronique de
Létoublon), "pour autant" semble assumer en réal ité une fonction
déictique. Nous postulerons que cette fonction déictique est également
présente dans "quand meme"; "pour autant" et "quand meme" pourraient
etre considérés comme des "reliquats ostensifs", à la manière d'un
"pour cela".90
Certains énoncés admettent en français "quand meme" (aussi
bien dans l'énoncé affirmatif que dans l'énoncé négatif) mais
n'admettent pas "pour autant" dans l'énoncé négatif. Corollairement la
traduction par l'italien "lo stesso" est i nacceptabl e: en conséquence,
ces énoncés modal isés par "quand meme" doivent etre considérés comme
appartenant à une autre catégorie qui n'est pas celle du connecteur
paradigmatisant (il s'agit ici du "quand meme" scalaire que nous
analyserons plus loin):
(77a)
89_ ANSCOMBRE J .-C.: «"Pour autant", "pourtant" (et "comment"): à petites causes, grands effets» in Cahiers de Linguistique Française 5, 1983, pp.37-83.
90_ D'après l'expression de KLEIBER G.: «Anaphore-deixis: deux approches concurrentes», art.cit. Les morphèmes que nous analysons ici introduisent des énoncés dont la valeur sémantique est plus proche de la motivation ou du mobile. La parenté entre la fonction causale et la fonction déictique ou ostensive est confirmée par la morphologie de nombreux connecteurs concessifs tels que "pourtant" ou "pour autant" en frança;s et en italien par l'origine morphologique de "però" (du latin "per hoc").
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"Il p 1 eut ma i s il ne nei ge quand meme pas." (77b) * Il p1eut mais il ne neige pas pour autant. (77C) * Piove però non nevica lo stesso.
(78a) "Ce n'est pas une angine mais c'est quand meme une grippe." (78b) * Non è un'angina però è un'influenza lo stesso.
"Pour autant" apparalt dans un contexte sémantique
globa1ement négatif ou dubitatif 91, dans 1es interrogations à va1eur
rhétorique appe1ant une réponse négative ("Fallait-il pour autant
accepter cette proposition?"92) mais il est éga1ement de p1us en p1us
fréquent dans le sty1e journa1istique, dans un emp10i qui peut
apparaltre abusif dans la mesure où il n'est plus 1égitimé par la
présence d'un contexte globa1ement négatif: en effet, il exprime a10rs
"l'opposition dans un contexte positif" (il ne s'agit ici que de la
structure syntaxique), définition surprenante qui fr61e l'oxymore.
Ainsi Grevisse cite dans sa dernière édition 93.
(79) «En apparence, le gouvernement [ ... ] pourrait donc [ ... ] afficher une certaine sérénité. [ ... ce c1imat socia1 marqué par des conf1its morce1és reste dangereux.» (Le Monde, 22-10-88)
De meme, nous avons pu re 1 eve r dans un art i cl e du Monde où
l'on attire l'attention du 1ecteur sur 1es risques probab1es de
ma1formation provoquée par la congé1ation des embryons humains:
(80)
9L Il faut entendre par "contexte négatif" aussi bien la négation syntaxique que la négation argumentative; cf. ANSCOMBRE J.-C. in «"Pour autant", "pourtant" (et "comment"): à petites causes, grands effets», art.cit.
92_ Nous noterons que cette fonction i110cutoire et interactive particu1ière n'est pas présente dans l'énoncé ita1ien correspondant: "Si doveva accettare la proposta lo stesso?", puisque "10 stesso" n'apparait pas ob1igatoirement dans les contextes négatifs.
93_ GREVISSE M.: Le Bon Usage, 13ème édition, op.cit., § 984
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«Les résultats de ces travaux ne doivent pas affoler les personnes concernées, insistent les auteurs, qui n'estiment pas souhaitable la mise en place d'un moratoire. I?JlYl:"""" """§'"I!J,.§,(lt, cette étude fournit des arguments plaidant en faveur d'un approfondissemen t de l'expérimentation dans un secteur d'activité biologique et médical qui, no tammen t en France, souffre d'une grave crise de croissance.» (Le Monde, 18-1-95)
Cet emploi marginal de "pour autant" nous semble
particulièrement intéressant car il permet peut-etre d'isoler cette
premi ère valeur "paradigmati sante" de "quand meme" qu' il substi tue
j ustement dans 1 es deux énoncés précédents, avec 1 a di fférence que
"pour autant" est en posi tion d' adverbe de phrase et que "quand meme"
est normalement satell isé par le procès verbal. "Pour autant"
fonctionne ici comme une négation de "c'est pourquoi", à savoir qu'il
amorce un processus de développement argumentatif où l'i nterpétant
n'est pas invité à inférer une conclusion 10giquement inférable R mais
une conclusion anti-orientée non-R. Dans les énoncés (79) et (80),
"absence de ce pale négatif attendu (syntaxiquement ou sémantiquement
parlant), n'annule pas ou n'invertit pas le processus de raisonnement
habi tuellement associé à "pour autant". Tout se passe comme si "pour
autant" gardait la trace d'une inversion contre-inférentielle,
glosable par "n'al1ez pas croire pour autant que ... au contraire
... ". Si une contre-inférence fait remonter d'une information faible à
une information implicite plus forte 94, nous avons affaire en outre
ici à un connecteur "résiduel", partie visible d'un long parcours
contre-argumentatif sous-jacent qui s'articulerait ainsi:
(79) CONTRE-INFERENCE: "[ ••• ... ce cl imat social marqué par des conflits dangereux
+ INVERSION ARGUMENTATIVE: il reste dangereux]"
(80)
94_ D'après BERRENDONNER A.: «Note sur la contre-inférence», art.cit.
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CONTRE-/ NFERENCE: "[ ••• ] cet t e é t ude fournit des arguments écartant tout risque
+ /NVERS/ON ARGUMENTATlVE: elle plaide en faveur d'un approfondissement de l'expérimentation dans un secteur d'activité biologique et médical]."
Ainsi, l'expression "contexte positif" n'est-elle pas très
appropriée, puisque "pour autant" permet en réalité de faire l'ellipse
d'une partie du parcours argumentatif et, ce qui nous paralt efficace
du point de vue de la force argumentative, "pour autant" projette sur
l'énoncé à veni r une contre-argumentation, attendue mais non
explicitement formulée. L'interprétant détecte l'allusion à cette
polarité négative qui n'est pas explicitement présente dans l'énoncé.
Nous pouvons remarquer par ailleurs que l'énoncé présupposé par "pour
autant" est un énoncé contradictoire symétriquement opposé à l'énoncé
antécédent auquel il est relié: l'énoncé contradictoire est le seul
énoncé en effet à polarité négative qui soit compatible ave c "au
contrai re", comme nous le verrons dans le paragraphe consacré à ce
connecteur. Toutes ces remarques nous conduisent à rectifier la
définition de "pour autant" qui apparalt non pas dans un contexte
négatif mais plus précisément dans une "atmosphère forclusive"95.
• Contrairement à d'autres structures concessi ves
généralement étudiées (par exemple les structures en "bien que"), la
structure concessive "p mais quand meme Q" telle que nous l'avons
présentée dans les énoncés ci-dessus, établit une relation
relativement symétrique ou paradigmatique entre l'antécédent et le
conséquent. Comme sa traduction en ital ien "70 stesso" (= "la meme
95_ Selon l'expression de M. Arrivé in: Langage et psychana7yse, 7 inguistique et inconscient - Freud, Saussure, Pichon, Lacan -op. cH.
I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I
413
chose", "pareil1ement") tendrait à le démontrer, nous formu1erons
1 'hypothèse que la va1eur de "quand méme" est ici anaphorique, bien
que cette anaphore soit d'un type particu1ier. En effet, comme
"aussi", "quand méme" - et a fortiori son équiva1ent ita1 ien "70
stesso" - semb1e introdui re sémantiquement "une présupposi tion sur
l'existence d'un paradigme" 96: il s'agirait don c d'une sorte
d'embrayeur que nous pourrions qua1ifier de "lacunaire" car la
référence implicite (ou présupposée?) n'est pas directement accessib1e
à l'interprétant: elle n'est pas repérab1e dans le co-texte mais elle
contraint de manière assez stricte l'interprétant à opérer une
inférence ou, p1us précisément, une contre-inférence, que A.
Berrendonner définit comme inférence ascendante97• En utilisant "quand
méme" et "pour autant" , l'énonciateur indique un parcours argumentatif
à l'i nterprétant qui doit "remonter" vers un énoncé in absentia
(appe1é éga1ement am phantasma); ce parcours ascendant s'effectue de
manière univoque grace à une compréhension intersubjective presque
infai11ib1e, ce qui, reconnaissons-1e, peut dérouter quant à la
détermination du statut de ces connecteurs. Si "pour autant" était une
simp1e anaphore, il suffirait d'inférer un é1ément présent dans le co-
texte antérieur; or, cet é1ément n'est pas toujours directement
accessib1e mais semb1e etre présent dans la mémoi re discursive de
96_ Cette définition proposée pour la c1assification de "aussi" ou "meme" convient parfaitement au connecteur que nous ana1ysons ici. Cf. N(I5LKE H.: «Les adverbes paradigmatisants: fonction et ana1yse» in Revue romane 23, No spécial, Akademisk For1ag, Copenhague, 1983, p.11.
97_ La contre-inférence "remonte d'une information faib1e à une information forte" a10rs que l'inférence commune ou inférence "descendante" fait décou1er une information faib1e d'une information p1us forte (le raisonnement est de type déductif); cf. BERRENDONNER A.: «Note sur la contre-inférence», art.cit.
I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I
414
l'interprétant, c'est-à-dire plus largement dans un environnement
textuel ou extra-textuel.
De pl us, cet adverbial paradigmati sant et homophori que (que
nous définirons plus loin) recouvre pour nous une fonction apparentée
à celle d'une modalisation assertive. "Quand meme" semble en effet
présupposer l'énonciation précédente d'une assertion, réaffirmée: le
moment de l'énonciation T-1 de cette première assertion est souvent
différé par rapport au moment TO de l'énonciation de l'assertion
réaffirmée. L'énonciateur entend signifier que celle-ci est toujours
valable: "quand meme" réitère donc la val idité d'une déclaration
antérieure, il marque la persistance d'un jugement, d'une prédication.
Ainsi, dans "je viendrai quand meme" / "verrò lo stesso",
l'énonciateur assure qu'une précédente assertion "je viendrai"
continue d'etre valable, et ce malgré la prise en compte d'une
information nouvelle présumée pertinente selon le point de vue d'un
auditeur ou d'un interlocuteur et qui, selon celui-ci, aurait pu
l'invalider. Nous pourrions imaginer le dialogue suivant pour
illustrer notre analyse et pour rendre explicites les différentes
phases du parcours argumentatif à l'origine de l'emploi de "quand
meme" et de "lo stesso":
(70b) A- "Je viendrai te voir, on ira au bord de la mer." (T-I) B- "Il pleut, qu'est-ce qu'on fait?" (.,o) A- "Je vi ens quand meme!" (T') 98
A- "Verrò a trovarU, si andrà sul lungomare." (,1) B- "Sta piovendo, cosa si fa?" (.,o) A- "Vengo lo stesso!" (T')
Nous pouvons remarquer que la réplique du locuteur B sous la
forme d'une interrogation est le signe d'une hésitation quant à
98_ Le temps T'est contigu à TO de l'énonciation.
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415
l'interpétation de la première réplique du locuteur A qui a été
énoncée sous la forme de deux assertions: (1) "je viendrai te voir" et . le/
(2) "on ira au bord L'origine de cette hésitation est certes
due à la survenue d'un fait nouveau qui n'avait pas été envisagé: la
pluie (la cause potentiellement agissante à l'origine de l'énoncé
concessif); mais ce flottement provient bien plus, à notre avis, d'une
interprétation erronée de la part du locuteur B de la première
réplique énoncée par le locuteur A. En effet, le locuteur B établit
abusivement un rapport strict de cause à effet entre "je viens te I
voir" et "on ira au bord susceptible d'etre interprété dès v
lors comme: "s'il vient, c'est pour aller au bord de mer et pas pour
me voir". En invalidant cette inférence, "quand meme" dissipe le
malentendu. Le locuteur A a réaffirmé l'une de ses intentions
précédentes: dans le cas de l'énoncé étudié ici "je viendrai quand
meme" (1). Notons par ailleurs que ce meme locuteur aurait tout aussi
bien pu réaffirmer grace à ce meme connecteur l'autre intention (2):
"on ira quand meme au bord pour évincer l'inférence "s'il // //
f./IT pleut, on n'ira pas au bord de/iner".
Cette analyse nous conduit à formuler une autre hypothèse. La
proposition concessive a partie liée, nous dit R. Martin, avec une
cause "que l' on a pu envi sager comme agi ssante mai s qui n'a pas agi en
fait", ou encore "un fait qui aurait da en empecher un aut re". 99 En
réalité, cet obstacle à la réalisation d'un acte ou d'une intention
précédemment annoncée n'est qu'un prétexte servant de support à une
mise au point, matérialisée par l'énoncé modalisé par "quand meme".
Cette cause agissante n'est peut-etre qu'un révélateur du caractère
imprécis et indécidable de l' intention première du locuteur A. "Quand
99_ MARTIN R.: Langage et croyance, op.cit., p.84.
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416
meme" aurait donc pour tache de 1 imiter la dispersion des
informations: il canalise l'information en affirmant la pertinence
d'un énoncé dOnné par rapport à un autre, QU d'une inférence donnée
par rapport à une aut re. Nous pourrions di re autrement, toujours à
propos de l'énoncé ana1ysé, que le phénomène "p1uie" ne constitue pas
à proprement par1er un empechement mais que ce nouve1 é1ément permet
d'actualiser par prescription contextuel1e un sens qui n'avait pas été
précédemment perçu: c'est bien parce qu'i1 pleut que le locuteur B est
amené à réinterpréter l'énonciation de la première rép1ique de A.
"Quand meme" et "lo stesso" rétab1 i ssent donc 1 a stabil ité de
l'information transmise en réaffirmant la va1eur de vérité associée à
l'une des deux assertions présupposééS.
Nous remarquons ainsi que cette conc1usion implicite inférée
par l'inter1ocuteur - qui est cette conc1usion R associée à la
proposition antécédente P dans l'énoncé mono1ogique - est due au
caractère incertain, douteux, voi re indécidable de la première
répl ique: cette conclusion, qui reste impl icite dans l'énoncé
monologique, est donc épistémique ou indirecte. La question du
locuteur B aurait pu, en effet, prendre une autre forme du type: "il
est possible qu'il ne vienne pas" ou bien "il est possib1e qu'on VJ/ n'aille pas au bord de)ner".
Ces remarques ne vont pas sans poser quelques problèmes
délicats quant à l'emploi de la terminologie métalinguistique: ce
connecteur est-i l anaphorique ou déictique? Renvoie-t-i l à un énoncé
sous-jacent, à un énoncé sous-entendu ou présupposé, ou bien est-il le
résultat d'une e11ipse? Pour répondre à la première question nous nous
I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I
417
servi rons des données posées par G. Kleiber .100 "Quand meme" et "10
stesso", tout comme "cela", seraient plut6t à classer dans la
catégorie des déictiques car "i ls atti rent l'attention de
1 'inter1ocuteur sur un nouvel objet de référence"101 . Cet objet n'est
donc pas "saillant" et l'inférence opérée par l'inter1ocuteur-
interprétant n'est pas logique mais épistémique. Ce terme
d'''épistémique'' nous semb1e particu1ièrement bien approprié pour ce
type d'inférence, où "quand meme" (et "10 stesso") renvoie à deux
possibilités qui se trouvent en situation d'éga1es "sail1ances" Cles
segments d'énoncés (1) et (2». l'énoncé: "il p1eut mais je viendrai
quand meme" convoque au moi ns quat re aut res énoncés présents dans
l'espace mental ou mémorie1 de l'interprétant: le premier aurait la
forme de l'assertion antécédente "je viendrai", le deuxième celle de
son déictique négatif: "je ne viendrai pas"; le troisième est
l'interprétation présumée pretée à un interlocuteur virtue1 ou rée1:
"il p1eut donc il est possib1e qu'i1 ne vienne pas" 102, elle-meme
dérivée d'un autre énoncé encore, abusivement inféré par cet
inter1ocuteur: "il viendra à condition qu'il fasse beau / si et
seu1 ement s'il fait beau", i nférence que "quand meme" et "10 stesso"
ont pour r61e d'inva1ider.
Pour répondre précisément à notre seconde question, nous
dirons que la structure et le sémantisme de l'énoncé qui est rejeté:
100_ KlEIBER G.: «Anaphore-deixis: deux approches concurrentes» in MOREl M.A., DANON-BOILEAU l. (éd.): La Deixis, op.cit., pp.613-126.
101_ A10rs qu'une "expression anaphorique est une expression qui marque avant tout la continuité avec un référent déjà p1acé dans le focus", ibid., p.618.
102_ Rappelons que le possib1e "peut etre représenté comme construisant une bifurcation, où deux chemins mènent à deux points de va1idation imaginab1es." Cf. A. CULlOLl: «Autres commentaires sur "bien"» in Pour une Linguistique de l'Enonciation- Opérations et représentations-t, op.cit., pp.155-168, p.162.
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418
"je ne viendrai pas" (ou "il ne viendra pas" selon le point de vue
énonciatif adopté), doivent etre identiques ou du moins appariés à
celui qui est modalisé par "quand meme": c'est pourquoi cette forme de
concession a été appelée par nous "paradigmatisante", car
l'accessibilité à cet énoncé par contre-inférence est aisée. Cet
énoncé semble dès lors etre plus proche d'un présupposé (au sens de
Ducrot) que d'un sous-entendu.
Toutes ces réflexions pourraient nous conduire à proposer le
classement de "quand meme" dans la catégorie des homophoriques, car il
sembl e présenter ses memes caractéri sti ques fonctionnell es: en effet,
l a référence de l' homophore ne peut et re recherchée ni dans
l'environnement contextuel (comme c'est le cas pour l'exophore) ni
dans l'environnement co-textuel (comme c'est le cas pour l 'endophore) ,
mais dans les connaissances d'arrière-plan. 103 La valeur de cette
homophore n'apparalt que grace à une interprétation rétroactive et ce,
meme si elle ne renvoie à aucun élément directement perceptible ou
visible: il s'agirait d'une modalisation assertive "réduplicative" qui
fait allusion à une assertion précédente vi rtuelle. Cependant - et
c'est ce qui le différencie d'un aut re modalisateur assertif:
"bien"104 cette assertion réduplicative ne répond pas à une mise en
doute ou à une incertitude, mais elle sous-tend, pensons-nous, une
assertion négative sous-jacente ("je ne viendrai pasti), dejxjs
103_ Nous empruntons ces termes aux études récentes consacrées à l'anaphore (qui s'inspirent de: HALLIDAY M.A.K., HASAN R.: Cohesjon jn EngUsh, Longman, London, 1976); en particulier APOTHELOZ D.: Role et foncOonnement de l'anaphore dans la dynamjque textuel7e, op.cit.; voir également: MAILLARD M.: «Comment un déictique accède au générique - Du "ça" français au "sali seychellois- La loi des trois états.» in MOREL M.A., DANON-BOILEAU L. (éd.): La Dejxjs, op.cit., pp.65-74.
104_ Sans oublier les contraintes sémantiques très particulières liées à l'emploi de "bien" qui déterminent sa spécificité par rapport à "quand meme" et à "tout de meme".
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419
négative rejetée de l'énoncé modalisé par "quand meme" ("je viendrai
quand meme"). Autrement dit, la fonetion de "quand meme" renvoie à une
double inférence: répétition d'une assertion antérieure présupposée et
rejet d'un élément dont le référent est reconstruit, en termes
cognitifs, à partir d'un environnement textuel ou non-textuel, c'est-
à-dire inscrit dans la mémoire immédiate, dans un espace mental ou
mémoriel. Ceci expl ique la forme corrélative particul ière de
l'équivalent ital ien où "però" annonce le rejet et où "70 stesso",
déictique neutre reprend l'assertion antérieure (in absentia don c
présupposée)
• C'est dans cette perspective que nous pouvons analyser les
énoncés suivants où la partie de l'énoncé modalisée par "quand meme"
(et "70 stesso") renvoie à un énoncé présupposé en "comme si" ("come
se"):
(81) "I l s'est caché mgj§ j e l'a i vu .. .. " "Si è nascosto 7'ho "
QUANO ME ME ET "LO STESSO' RENVOIENT RESPECTIVEMENT A: COIIME s' I L NE s' ETA I T PAS CACHE / "COME SE NON S I FOSSE NASCOSTO'
(82) "I l y ava i t une 9 rève mgj§ j' a i p r i s l e mét ro. " "C'era uno sciopero ho preso 7a
QUANO MEIrIE ET "LO STESSO' RENVOIENT RESPECTIVEMENT A: COMME S'IL N'y AVAIT PAS EU GREVE / "COME SE NON CI FOSSE STATO UNO SCIOPERO'
(83) "C'était cher ... t§ je l 'ai acheté." "Era caro /l(t[Q 7'ho
QUANO MEME ET "LO STESSO' RENVOIENT RESPECTIVEMENT A: COMME SI CE N'ETAIT PAS CHER / "COME SE NON FOSSE STATO CARO'
(84) "Il prenait des calmants il ne dormait (/ ...
i l ne do rma i t "Prendeva dei non dormivaIQ§f(t§.§.Q. "
I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I
420
NE. •• PAS QlJAND MEME ET 'NON •••• LD STESSO' RENVDI ENT RESPECT I VEMENT A: COlINE S'I L NE PRENA I T PAS DE CALMANTS / 'COllE SE NDN PRENDESSE DE I CALMANTI'
La structure de ces énoncés et leur paraphrase nous
permettent de conforter notre analyse. Nous constatons en effet que le
déictique "quand meme", converti dans l'énoncé négatif en "pour
autant", a bien une fonction homophorique que nous avons rendue par
les paraphrases en "comme si", paraphrases qui ne sont pas acceptables
dans d'autres types d'énoncés contenant "quand meme" tels que:
(77a) "Il pleut mais il ne neige quand meme pas." (77b) * Il pleut mais il ne neige pas pour autant. (77c) * Piove però non nevica 70 stesso.
DDNT DN NE PEUT PAS I NFERER: * COlINE S'IL NE PLEUVA I T PAS / *' COllE SE NON PI aVESSE'
(78a) "Ce n'est pas une angine mais c'est quand meme une grippe." (78b) * Non è un'angina però è un'inf7uenza 70 stesso.
DDNT ON NE PEUT PAS I NFERER: * COlINE SI C'ETAIT UNE ANGINE / * 'COllE SE FOSSE UN'ANGINA'
• L'énoncé auquel l'énonciateur fait allusion, apparait
également de manière assez claire si nous essayons d'analyser le
raisonnement mis en oeuvre par l'énonciateur, en appliquant librement
le parcours proposé dans le "carré sémiotique" de Greimas. Ce dernier
s'applique en principe à une catégorie sémantique mais il peut tout
aussi bien servi r de modèle à certains schémas argumentatifs. Ainsi,
si nous examinons l'énoncé emprunté au T.L.F:
(73)
I I I I I I I I I I I I I I I I I I I
421
«Vous n'avez pas grand-chose puisque vous avez faim. Cependant vous devriez quand meme vous reposer quelques jours. Ce serait plus prudent .»
PARPHRASABLE EN: "vous n' avez pas grand-chose" IMPLIQUE => "vous etes en bonne santé" (ET INVEflsEliENT) "vous devez vous reposer" IMPLIQUE => "vous n' etes pas en bonne santé" (ET INVERSEIIENT)
vous etes en bonne santé
(" vous avez faim")
51
NON-52
---------> vous etes mal ade [= COIIIIE SI VOIJS ETIEZ IlALADE1 (" vous avez que l que chose")
52 >
> NON-51
vous n'etes pas ----------> vous n'etes pas mal ade en bonne santé
(" vous n' avez pas grand-chose") (" vous devez vous reposer")
8i, normalement, dans le carré sémiotique, 81 ("vous etes en
bonne santé") entretient avec 82 ("vous etes mal ade" ou "vous avez
quelque chose"; 82 étant dans (73) impl icite) une relation de
contrariété, "quand meme" rétablit une compatibilité entre ces deux
énoncés, via un énoncé contradictoire non-81 ("vous devez vous
reposer U) que sous-tendrait logiquement cet énoncé 82 implicite ("vous
avez quelque chose") ou qui l' impl iquerait "naturellement". Grace à
cette joi nture commode que constitue "quand meme", l'énonciateur
articule deux entités Sémantiques contradictoires dont la co-présence
serait autrement impossible. Le déroulement argumentatif se réécrirait
donc comme sui t "VOuS n' avez pas grand-chose (Non-82), donc vous etes
I I I I I I I I I I I I
I I I I I I I
422
en bonne santé (81) mais vous devriez vous reposer quand meme (Non-
81), puisque vous avez quelque chose comme si, malgré tout, vous étiez
malade (82)".
Ce schéma qui ne consti tue que l'une des représentations
possibles de ce phénomène concessif 105 nous permet de faire
apparaftre cet énoncé impl icite dont "quand meme" garde la trace. Il
serait sans doute bien dél icat d'interpréter un énoncé tel que: "vous
etes en bonne santé mais vous etes mal ade" ou sa converse "vous n'etes
pas malade mais vous n'etes pas en bonne santé". L'intégration de
"quand meme" dans l' énoncé affi rmatif et de "pour autant" dans
l'énoncé négatif permet de restituer une certaine plausibilité au sens
du message, puisque ces connecteurs entérinent et par là me me
neutralisent la contradiction.
• Par ailleurs, nous pouvons proposer une autre glose
poss i b l e de l' énoncé concess if suscept i b l e de mett re en évi dence par
exemple la fonction homophorique de ce "quand meme" et de "pour
autant" qui évoquent a posteriori un paramètre de comparaison
préconstruit - opération pouvant etre matérial isée par "comme si +
énoncé négatif" - auquel l'interlocuteur ou l'interprétant est invité
à se référer. 106 Tout porte donc à penser que ce connecteur, en tout
105_ Nous constatons d'ailleurs que ce carré sémiotique converti en carré argumentatif permet d'illustrer également la valeur pragmatique de "puisque" qui introduit non pas une cause mais ce que nous proposons d'appeler une "implication naturelle" ou meme "tautologique". Nous aurions ainsi un énoncé du type: "NON-S2 PUISQUE SI"ou encore "NON-SI PUlsQUES2" où "puisque" introduirait donc soit "la déixis positive", soit la "déixis négative".
106_ Cette proposition implicite n'est inférée à notre avis qu'au moment de l'énonciation meme et en tout cas après que le locuteur a p rononcé son énoncé moda l i sé par "quand meme"; l' encha l nement des énoncés n'est pas toujours logique et c'est ce qui explique qu'un énoncé du type: "il pleut mais il a quand meme pris son parapluie"
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423
cas dans cette première valeur, n'est en fait qu'un représentant de
cet énoncé virtuellement nié. L'emploi de "pour autant" indique que
l'énonciateur a pris en compte un nouvel élément (c'est peut-etre en
ce sens que sa valeur est dite "quantitative") et qu'il ne l'a pas
jugé pertinent pour une remise en cause de la conclusion
argumentative. Comparons les énoncés:
(70C) A- "Que feras-tu s'il fait beau?" B- "Je viendrai te voi r! " A- "Et s'il pl eut?" A- "Je viendrai aussi!" = S'il pleut je viendrai quand meme!
A- "Cosa farai se farà bel tempo?" B- "Verrò a trovarti!" A- "E se piove?" B- "Verrò lo stesso!" = Se piove verrò lo stesso
(70d) A- "Que feras-tu s'il pleut?" B- "Je ne viendrai pas te voir!" A- "Et s'il fait beau?" B- "Je ne viendrai pas non plus!" = S'i l fai t beau je ne vi endrai pas pour autant.
A- "Cosa farai se pioverà?" B- "Non verrò a trovarti!" A- "E se farà bel tempo?" B- "Non verrò lo stesso!" = Se farà bel tempo non verrò lo stesso!
Toutes ces remarques ne nous semb 1 ent pas t rès é l oi gnées de
celles de J.-J. Franckel qui relève à propos de l'énoncé: "Il n'aime
pas le café, mais il en boit quand meme" ("Q mais quand meme P"):
«La mi se en concomi tance de à ..... 1!J!Ji ne remet pas en cause Cela
revient à marquer la pérennité de P, y compris à travers 1es mises en re1ation susceptib1es d'inva1ider P.» 107
est tout à fait acceptable bien que son impl ication sous-jacente soit "non nature" e" ou "i ndi recte" .
107_ FRANCKEL J.-J.: Etude de quelques marqueurs aspectuels du français, op.cit., p.164. C'est nous qui soulignons.
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424
Dans ces conditions, ne pourrait-on pas revoir la catégorie
grammaticale sous laquelle on range ce connecteur dont la fonction
n'est pas à proprement parler concessive? La fonction pragmatique de
"quand meme" s'apparenterait pour nous à celle de "aussi" qui, comme
l'indique le T.L.F., "exprime l'idée que deux entités différentes
présentent une identité": il s'agit là d'une définition qui pourrait
également conveni r à "non plus". Il faudrait presque ici renverser
cette définition pour l'appliquer à notre connecteur "quand meme":
celui-ci n'exprimerait-il pas l'idée que deux entités a priori
identiques pourraient présenter une différence, c'est-à-dire qu'un
énoncé modal isé par "quand meme" est la copie à l' identique d'un autre
(présupposé et présent dans la mémoi re discursive), et ce, malgré la
présence d'un argument ou d'un élément (d'un fait) qui n'avait pas été
envisagé jusqu'au moment TO de l'énonciation? Identité et concomitance
s'avèrent etre effectivement dans ce cas à l'origine de la fonction
concessive. En italien, on peut du reste trouver une tournure
équivalente à "però ... 10 stesso" qui confirme cette fonction
déictique: "ma ... ugualmente" et "ma non ... per questo" (= "mais ...
également", "mais ... tout autant", "mais ... ne ... pas pour autant"):
(85) «In realtà, ella non partecipava in alcun modo all'abbraccio, 10 subiva .. Mg ... ___ ... f!flyg .... ll!JJlll . .tf!J mi n ludevo che questa passivHà non fosse del tutto indifferente e contenesse un principio di attrazione.» (Moravia, Il disprezzo)
En réalité, elle ne participait en aucune façon à mon étreinte, elle la subissait. M!:!:]§ je me des illusions sur le fait que cette passivité n'était pas tout à fait indifférente et qu'elle contenait un début d'attraction.
(86) « ... egli continuava a tenere i piedi in terra e diceva per 10 più cose interessanti; come quando ci raccontò con vivacHà, ma anche con serietà di giudizio, 11 suo recente viaggio in America e una sua
I I I I I I I I I I I I I I I I
visHa agU studi di prepotente, esclusivo (Moravia, Il Disprezzo)
425
Ho l l ywood .......... e indiscreto mi dusciva
i 1 suo tono intol lerabi le.»
il continuait à garder 1es pieds sur terre et il disait des choses p1 utot i ntéressantes; comme 1 orsqu' il nous raconta avec vivacité, mais aussi avec le sérieux de la sagesse, son récent voyage en Amérique et l'une de ses visites aux studios son ton impérieux, exc1usif et indiscret, m'apparaissait (tQ.Y.!
. into1érab1e."
(87) « .. MI!: non si può negare, 12Jt.L ..... QJ!J!.§.tQ, che il terremoto c'era stato davvero.» (A.Moravia, Diario Europeo)
on ne peut pas ni er, QQ.Y.r ... qu' i 1 y avai t bi en eu un tremb1ement de terre."
• Certaines études ont re1evé la présence d'une re1ation
causale sous-jacente dans 1es constructions concessi ves. L'opposition
contrefactuelle sous-tend en effet une "cause contrariée", une "cause
non effi cace", une "cause ni ée"108. C'est 1 à sans doute ce qui confère
à "quand meme" sa va1eur déontique relative à l'ob1igation et à la
nécessité et qui le teinte d'une fonction moda1isatrice. En effet,
l'emp10i prototypique de cette va1eur de "quand meme" est pour nous:
"tu dois le fai re quand meme" (= "lo devi fare lo stesso"), "il faut
1 e fai re quand meme" (= "bisogna farlo lo stesso"). Le statut de
l'énoncé qu'i1 moda1ise n'est pas statif mais transformatif, donc
caractérisé par une marque de changement.
Cette dernière caractéristique semb1e etre confirmée par le
fait que ce connecteur accompagne vo10ntiers en français comme en
ita1ien l'impératif:
(88) Il F a i s-1 Il
" Fa l l o.lQ ... "
(89)
108_ Note entre autres GREVISSE M.: Le Ban Usage, 12ème édition, op.cit., § 1090.
I I
I I I I I I I I I I I I I I I I
426
" " Vacc iJQ ___
Nous constatons cependant que, dans certains cas, l'emploi de
"quand meme" paradigmatisant avec certains verbes à l'impératif rend
l'énoncé inacceptable:
(90) ? Comprends-le quand meme! * Capisci lo 10 stesso!
(91) * Digère-le quand meme! * Digeriscilo lo stesso!
(92) * Pleure quand meme! * Piangi 10 stesso!
En effet, nous avons toutes les raisons de penser que, dans
ce cas, le connecteur "quand meme" est difficilement acceptable ou,
tout au moins, qu'il ne fait pas partie de la catégorie que nous
venons d'analyser: il est ici plutòt interprétable comme concessif
"empathique". Nous noterons également que, dans cette valeur
empathique, qui porte sur l'ensemble de l'acte énonciatif, "tout de
meme" sembl e pl us naturel que "quand meme". Les énoncés ci-dessus à
l' impérati f pourraient deveni r acceptables ave c "tout de meme" si
cel ui-ci est i nterprété comme un injonctif (90a: "Comprends-l e, tout
de meme!"). C'est la troisième valeur que nous al10ns étudier,
paraphrasable éventuellement par "malgré tout", "au moins" ou meme
"enfin" (en ital ien cette valeur sera plus facilement rendue par
"insomma" ou "però" 109). Cette i nterprétation sera d' autant mieux
identifiable que l'énoncé sera modulé par un changement d'intonation:
"quand meme" (mais plus fréquemment "tout de meme") est alors
109_ Ce qui pourrait donner: "Mais pleure, tout de meme!"; "Mais comprends-le, enfin!" "Ma piangi, però!"; "Ma capisci7o, insomma!"
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427
volontiers précédé d'une pause, en position détachée à droite (moins
fréquemment à gauche, auquel cas, il est également suivi d'une pause);
il est en outre prononcé avec une intonation descendante. Sa valeur
pragmatique, que nous avons décidé de défini r comme "empathique", est
nettement ici illocutoire ou énonciative.
Parallèlement, ces expressions n'acceptent pas le déictique
correspondant de "quand meme" à la forme négative "pour autant". "Pour
autant" ne peut etre intégré en effet que dans un énoncé déclaratif ou
interrogatif ("Pour autant, fallait-il s'y soumettre?") et dans un
contexte axiologiquement marqué par un pele négatif ou par une
atmosphère forclusive, comme nous l'avons relevé plus haut:
(90' ) * Ne le comprends pas pour autant! (91' ) * Ne le digère pas pour autant! (92' ) * Ne pleure pas pour autant!110
La contrainte qui détermine l'inacceptabilité de telles
expressions semble relever d'un problème sémantique lié à l'action du
verbe. Celui-ci doit etre intentionnel et la réalisation de son procès
doit dépendre de la volonté du destinatai re., "Quand meme" aurait donc
d'une part une valeur performative et, d'autre part, une valeur
illocutoire évidentes; il s'appliquerait toujours plus ou moins aux
énoncés dont le sémantisme du verbe est factuel (c'est-à-dire non
statif) 111 Ce verbe a la particularité d'etre orienté vers la zone
110_ Cet énoncé redevient acceptable si "pour autant" est interprété comme le déictique synonyme de "pour cela".
111_ Dans les catégories sémantiques des "aires événementielles" établies par B.Pottier, il s'agit d'énoncés appartenant à ce qui est représenté dans son schéma par la zone p, celle de l'activité (l'une des quatre aires avec celle de la propriété, de la localisation et de la cognitivité): par ailleurs ces quatre activités sont soit "endocentriques" soit "exocentriques" par rapport à une entité
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428
de l'Agir: d'abord les énoncés du Dire, essentiellement des verbes de
communication ou d'intellection tels que "avouer (que) " , "admettre
(que)", "promettre (que)", plus rarement "savoir (que)" (qui indique
un état permanent et continuatif); ensuite les énoncés du Faire tels
que "essayer" qui, significativement, peut servir d'élément médiateur
pour actual iser un verbe épistémique tel s que "penser", "eroi re" ou
"etre". Ainsi, l'énoncé (90a) devient acceptable grace à l'intégration
de ce verbe médiateur "essayer":
(90" ) "Essaie quand meme de comprendre!" 112
De meme, on trouvera:
(93) "Essaie quand meme d'etre sage!"
• En conclusion, nous avons essayé de démontrer à travers les
différentes gloses ou schémas que ce connecteur établissait entre les
deux segments de l'énoncé, une relation de type logique, notamment en
vertu des paraphrases en "si" ou grace à l'accessibilité aisée d'un
énoncé présent dans la mémoire discursive. Ce n'est pas le cas de la
deuxième valeur que nous allons étudier où la relation sous-jacente
est de type syntagmatique.
centrale, l'aire existentielle. Cf. POTTIER B.: Sémantique généra7e, op.cit., p. 97.
112_ Notons que la postposition de "quand meme" (position détachée à droite): "essaie d'etre sage quand meme" qui semble plus naturelle, change 1 'interprétation de sa valeur pragmatique, plus proche ici de l'injonctif "enfin".
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429
Cette deuxième valeur de "quand meme" se traduit en italien
par "comunque". Cependant "quand meme" et "comunque" ne sont pas bi-y
univoques. "Comunque" peut également se tradui re par "en cas" et
par "de toute façon". A notre avis, si les différences entre les
valeurs pragmatiques des uns et des autres sont bien perceptibles, la
traduction sera, dans une large mesure, déterminée par la position de
" comunque" .
Dans cette deuxième valeur, nous noterons incidemment que la
forme italienne n'est pas corrélative alors que le connecteur français
est toujours en corrélation avec le morphème oppositif "mais", sauf
dans les emplois dialogaux où "mais" n'est pas obligatoire. Ceci nous
conduit à conc1ure que "comunque" contient à la fois l'idée d'une
opposition constatée (comme "mais") et l'idée d'un dépassement d'une
frontière étab1ie préalab1ement et subjectivement (préconstruite) par
l'énonciateur. Par ailleurs la position de "comunque", généralement
antéposé par rapport à l'acte argumentatif qu'il introduit, et la
position de "quand meme" généra1ement intégré au procès verbal, 1es
distinguent de fait. L'ita1ien assume c1airement une fonction de
connecteur, en subordonnant l' énoncé qu' il i nt roduit et en ob1 i geant
l'interprétant à une rétro-interprétation; de plus "comunque" est, la
p1upart du temps, précédé d'une pause forte: un point, un point
virgu1e ou meme isolé dans une incise. Le français "quand meme" peut
etre ana1ysé, quant à lui, comme un marqueur aspectue1, modifiant la
valeur du procès verbal: cette variation dépendra donc en partie
(comme dans le cas du "quand meme" paradigmatisant) de prob1èmes
sémantiques 1iés à l'action du verbe.
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430
• Nous allons analyser les énoncés suivants:
(94a) "Il pa r l e bi en le f r ança i s mais il des p rob l èmes d'accent." "Parla bene i l francese. Jl.QIJlYlJqYJl ha dei problemi di accento."
(94b) "C'est mieux mais ce ce à qUOl Je m'attendais." "E' meglio. Jl.QIJl.yngJlJl non è quel lo che mi aspettavo."
(94c) "C'est i mp robab l e mais ce n'es i mposs i b l e." U ... c'est quand meme possible) "E' improbabile. (;.QIJlYl1gyft non è impossibile."
(94d) "Ce tissu n'est pas noir mais il estg"!:!"gng" .. gris." "Questa stoffa non è nera. PQIJlYl1gY.!t è grigia."
(94e) "Il p l eut mais il ne nei " "Piove. (;.Q(!!.YlJJIYJ!l non nevica. "
Camme nous pouvons le remarquer, cette valeur de "quand meme"
s'intègre dans la seconde partie d'un énoncé qui peut aussi bien etre
à la forme négative qu'à la forme affirmative; nous constatons
parallèlement que, contrairement au cas précédent, "pour autant" n'est
pas admis dans ce type de structure que nous qualifierons de structure
graduelle:
(94b') *C'est mieux, pour autant ce n'est pas ce à quoi je m'attendais"
Du point de vue de la structure syntaxique, dans ce type
d'énoncé concessif, les deux segments P et Q sont généralement unis
par un 1 i en de type syntagmat i que et non pas paradi gmat i que. Nous
entendons par là que, dans la dynamique du mouvement discursif, les
arguments se déploient les uns à la suite des autres
"horizontalement"; ce n'était pas le cas précédemment OÙ nous avons pu
montrer que l'énoncé modalisé par "quand meme" possédait cette faculté
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431
de faire naltre, par un processus contre-inférentiel ascendant, dans
l'esprit de l' interprétant ou de l' interlocuteur (ou dans sa mémoi re
discursive), un énoncé que nous avons identifié comme étant jn
absenUa. Nous allons déterminer précisément les caractéristiques de
ce développement argumentatif.
Tout d'abord "quand meme" et "comunque" sont i ci
identifiables comme des connecteurs de type scalai re, si bien que,
"mais ... quand meme" signale, sur une échelle argumentative, un seuil
minimal, comme le serait dans un autre contexte énonciatif "au moins";
"mais ... quand meme pas" signale sur une échelle argumentative un
point visé par ,'énonciateur qui serait té1éonomique, donc de l'ordre
du souhaitable (un "maximum" non encore actualisé). C'est sans doute
une observation similaire que met en évidence J.-C. Anscombre en
notant que "quand meme pas" s'i ntègre dans l' énoncé comme une négation
de "meme", et que "quand meme" apparalt comme une négation de "meme
pas" 113:
(95a) A- "Tout le monde est venu à la fete" B- ,. p i e r re? ,. A- "Si Pierre!"
(95b) A- "Personne n'est venu à la fete" B- "P i e A- pas Pierre!"
Les deux rhèmes articulés par le connecteur concessif doivent
appartenir au meme paradigme sémantique et le développement
argumentatif doit se déployer linéairement suivant un axe gradue1
orienté sémantiquement d'un pale positif vers un pale négatif ou
inversement d'un pale négatif vers un pale positif. Ainsi ce
113_ ANSCOMBRE J.-C.: «Meme le roi de France est sage», art.cit., p.74
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432
connecteur articule, par exemple, deux degrés différents d'une
modalité épistémique ou d'une modalité aXiologique ou évaluative, à
condition que ces deux degrés soient contigus ou proches sur cet axe.
L'argumentation se déploie selon un mouvement progressif qui présente
deux arguments co-ori entés, i ndépendamment de l a forme syntaxi que -
affi rmative ou négative - des deux segments connectés par "quand
meme": dans "p mais quand meme O", P et O peuvent etre soit à la forme
négative, soit à la forme affi rmative mais le sémantisme des deux
procès ou des deux prédicats P et O sont identifiables comme des
degrés rapprochés d'une meme valeur sémantique. Celle-ci doit
naturellement etre "graduable" , c'est-à-dire qu'elle doit se situer
sur une échelle continue où les valeurs sont interprétées comme étant
relatives les unes par rapport aux autres et non com me des valeurs
absolues ou discrètes. A travers ce type d'énoncés, l'énonciateur
opère un réajustement quantitatif ou qual itatif sur un objet (en
pointillé dans le schéma ci-dessous), ce qui qu'il se
réfère à une norme préconstruite subjectivement. Nous pourrions ainsi
schématiser les développements argumentatifs:
'OM'= "quand meme" Ces schémas sont également valables pour les énoncés italiens correspondants, modalisés par "comunque"
(94a) et (94b)
, mauvais' 1--------------------------
zone de réajustement
11---------------> 'QM mieux'
'''1-->-->--> >-->-->-->.' 'NON MAUVAIS'
(94c)
• 'parfait'
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, probab7e'
433
zone de réajustement 11--------....... ----> • 'impossib7e'
'QM /\ possib7e'
f
'-11-->-->--> >-->->-->.,,' • NON PROBABLE'
(94d) zone de
'b7anc' réajustement 11--------.......... ----> • 'no i r'
'QM ;\ gris'
I • \"1 __ > __ > __ > > __ > __ > __ >1_,1 'NON NOIR'
(94e)
'beau temps' zone de réajustement
11---------------> 'mauva i s , QM t7..,ll!ff'
i7 pleut' I I I .-->-->-->----->-->-->-->1--'
'NON NEIGE'
Pour tous ces énoncés, 1es arguments sont p1acés se10n une
certaine graduation qui peut etre soit subjective soit objective (ou
physique). Nous constatons ainsi que (94a) et (94b) déve10ppent un
mouvement argumentatif se10n un axe des moda1ités éva1uatives qui
irait du "mauvais" (te1 que peuvent etre compris: "il a des prob1èmes
d'accent" et "ce n'est pas ce à quoi je m'attendais") vers le
"parfait"; pour (94c) le mouvement argumentatif s'inscrit sur l'axe
des moda1 ités épi stémi ques, du "probabl e" vers 1 '" impossi b1 e"; pour
(94d), l'échelle sans doute p1us objective des cou1eurs: le "non noir"
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434
et le "gris" font référence à un axe allant du clair vers le foncé (ou
du blanc vers le nOir); enfin en (94e), sur l'échelle des phénomènes
atmosphériques, l'énonciateur effectue une prédication dont
l'évaluation se situe entre le beau temps et le mauvais temps.
Si nous essayons de suivre les mouvements argumentatifs tels
que nous les avons représentés dans les schémas ci-dessus, nous
constatons que l'énonciateur opère par l'intermédiaire du modalisateur
"quand méme" (et en italien du modalisateur "comunque") un
réajustement de son jugement antérieur. Ce réajustement s'effectue
se l on un mouvement " rét rocess if" pu i sque l a part i e de l' énoncé
modal isée par "quand meme" est un prédicat dont le sémantisme se situe
en retrait, sur une échelle déterminée de valeurs graduables, par
rapport à la première partie de l'énoncé dont l'assertion est
susceptible d'etre mal interpétée car jugée trop imprécise ou trop
ouverte: l'un des ròles assumé par l'énoncé conséquent modalisé par
"quand méme" ou par "comunque" est d'invalider la loi d'abaissement ou
la loi de litote relatives à la négation. En effet, en proférant: "ce
tissu n'est pas noir", on comprend généralement "ce tissu est de tout
autre couleur que noi r" (interprétation trop imprécise) et un énoncé
tel que "ce n'est pas mal" est généralement compris comme "c'est bien"
(loi de litote).
"Quand méme" institue une frontière stable au-delà de
laquelle on vise un point optimal virtuel, sans que celui-cift( soit
obligatoirement considéré comme un objectif à atteindre: ce point, en
effet, n'est pas de l'ordre du souhaitable mais seulement de
l'envisageable, du val idable non encore val idé. C'est pourquoi, tous
ces énoncés sont paraphrasables par "ne pas aller jusqu'à"; Ainsi:
(94a et 94b)
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435
Il C'es t m i eux , ma i s e t re pa r f a i t. Il -> pa rf a i t . Il
(94c) "C'est improbable etre impossible."
l' i mposs i b l e. "
(94d) "Ce t i ssu n'es t pas no i r mai et re b l anc. "
b l anc. "
(94e) "Il ne fait pas beau mais neiger."
phénomène nei ge. "
Ainsi, l 'opposition concessive ne porte pas sur une
différenciation nette et tranchée mais sur des nuances ou des
réajustements. L'écart entre les deux prédicats doit cependant, comme
nous le soulignions plus haut, etre faible ou considéré comme tel dans
une perspective énonciative donnée; sur l'axe des couleurs foncées, le
noir et le gris sont proches; il en est de meme de l'écart entre
"mieux" et "ce à quoi je m' attendais", entre "improbable" et "pas
impossible", entre "la pluie" et "la neige". La bizarrerie des énoncés
tels que:
(96) ?? "Il pleut mais il ne fait quand meme pas beau."
(97) ?? "Ce tissu n'est pas noir mais il est quand meme blanc."
(98) ?? "Ce tissu n'est pas noir mais il est quand meme rouge. "
découle du fait que les valeurs sémantiques des deux
prédicats qui s'inscrivent cependant sur un meme axe ne sont pas
voisines l'une de l'autre, bien qu'elles appartiennent au meme
paradigme sémantique. Pour certains de ces énoncés "quand meme" doit
etre résolument écarté car les deux prédicats ne peuvent pas se situer
a pdori graduellement sur un meme axe, dans un meme continuum de
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436
valeurs: c'est le cas par exemple des deux attributs "noir" et
"rouge". Naturell ement, il serait toujours possi bl ed' envi sager un
contexte approprié à ce type d'énoncé. Il faudrait pour cela imaginer
un arrière-plan énonciatif dans lequel on présente la pluie et le beau /
temps. la couleur noire et la 1\a. couleur blanche comme des variantes
proches d'une meme entité sémantique ou applicable à un meme objet.
• Pour corroborer notre analyse, nous pouvons comparer la
valeur qui se dégage de ces énoncés avec celle qui apparalt dans les
énoncés ei-dessous où l es deux prédieats connectés par "quand meme"
n'appartiennent pas au meme paradigme sémantique et ne peuvent don e
etre considérés comme des aspects voisins d'une meme entité ou d'un
meme att ri but.
(99) "La table est earrée mais elle est jol "17 tavolo è quadrato;ç.QIflYIJqYJl è bel lo / ... [email protected] è "
(100) "La viande était froide mais elle était .. La carne era fredda; Jl.Q!!1Yl1gYJl era buona /... l!!i!.rQ era buona J.Q
1/
(101) "Pierre est au eh6mage mais Sophie a trouvé du travail "Pierre è disoccupato; PQIflYl1gYJl Sophie ha trovato lavoro." / ... llf1t.Q Sophie ha trovato
La "discrétisation" des deux prédicats rel iés par "quand
meme" a pour conséquence directe de faire apparaHre, dans la
traduction en italien, le connecteur paradigmatisant "però '" lo
stesso". "Quand meme" prend ici une valeur dialogique ou énonciative,
essentiellement interactive et illocutoire, grace en partie à la
postposition à droite adoptée par celui-ci de manière assez naturelle.
Cette postposition est plus évidente lorsque "quand meme" accompagne
I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I
437
un procès conjugué à une forme simple et où il échappe volontiers au
champ de la négation. C'est pourquoi, la position de "quand méme" nous
semble plus naturelle dans (102a) que dans (102b):
(102a) "La table est carrée mais elle ne me plait
(102b) "La table est carrée mais elle ne me pas."
Cette postposition que nous avons pu remarquer dans les
énoncés dialogaux fait que la portée du connecteur s'élargit, adoptant
a i ns i l es fonct i ons de l' adve rbe de ph rase. Comme nous pouvons l e
constater, la nature sémantique des deux prédicats est différente,
établissant de fait une relation dissymétrique, puisque l'un
représente une entité objective et l'autre une entité subjective
("jolie", "bonne" , "plaire"); dans l'énoncé (101), sur lequel nous
reviendrons, "quand méme" rel;e deux entités discrètes ("étre au
chomage" et "trouver du travail"), dont le sens respectif ne s'évalue
pas généralement l'un par rapport à l'autre, c'est-à-dire dans
l'intervalle sémantique qui relierait ces deux entités. La relation
sous-jacente dans "p mais Q quand méme" n'est donc ni quantifiable ni
graduable au moyen d'un paramètre extérieur et objectif. Nous pouvons
dire que la relation établie entre P et Q est discontinue et que Q
invertit de manière impromptue la situation évoquée dans P. Ainsi,
pour (99), "Q quand méme" influe rétrospectivement sur le sens associé
à P globalement interpétable comme une entité sémantique continue et
constante: "Habituellement, je trouve les tables carrées laides"; et
Q, respectivement à p, est interprétable comme une entité sémantique
globalement perçue comme ponctuelle mais aussi comme se référant à une
action soudaine ou un état de chose subito
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438
c'est pourquoi, "quand meme" assume ici une valeur
réévaluative ou reformulative proche de "tout compte fait", "enfin",
"au bout du compte", traduisible en italien par les connecteurs
" insomma", "tutto sommato", " però" (en position détachée à droite).
Ces connecteurs consacrent tous une rupture énonciative et reflètent
le désir de l'énonciateur de couper court à toute ultérieure
tergiversation.
Dans de nombreux énoncés, nous ne pouvons invoquer la zone de
réajustement pour légitimer l'emploi de "quand meme" et de "tout de
meme". Cette opération cognitive plaçait d'emblée le prédicat modalisé
dans le domai ne encore flou du non encore actualisé; l'espace
sémantique creusé entre le premier prédicat et le second peut etre
comblé par un parcours effectué mentalement par l'énonciateur et le
co-énonciateur qui identifient la partie de l'énoncé modal isée par
"quand meme" comme l'instance validée d'un procès, non plus
virtuellement envisageable mais reconnue comme un objectif déjà
atteint. "Quand meme" n'a donc plus pour rale de consacrer ce
déca l age, ma i s de ramene r l a seconde const ruct i on p rédi cat i ve à une
certaine conformité par rapport à la première, cette seconde
construction étant axiologiquement marquée par un pale positif. Toutes
ces caractéristiques font que ce type d'énoncé n'est plus
paraphrasable par "ne pas aller jusqu'à" mais, selon une dynamique
argumentative exactement inverse, au moyen de "finir par" généralement
suivi d'un verbe télique ou téléonomique; en italien "finire con" /
"finire per" est souvent employé en corrélation ayec "10 stesso":
(101a)
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439
"Pierre est au ch6mage mais trouvé du travail."
(101b) "Pierre est au ch6mage mais __ trouver du travail."
( 103) «U7timamente non cerca più di nascondermi queste cose. Forse perché si è reso conto che ho troppo intuito e fini§çg_§Jl!!l121:Jl" ___ J1Jlt: ___ çJ!Jl_il:Jl __ "_lJl §Jf!1§_§Q.»
"Dernièrement il n'essaie plus de me cacher ces choses. Peut-etre parce qu'il s'est rendu compte que j'ai trop d'intuition et .ttr:lt§ toujours __ tout comprendre" ( ... / et __ J,lQYJ
, j efjnJ!?_I1_!;!'_I t ou t comp r end re)
Du point de vue cognitif, le processus accompli dans
l'énonciation de ce modal isateur aspectuel "fini r par" nous semble
apparenté au processus que sous-tend l'emploi de "quand meme"; ils
peuvent meme etre combinés l'un à l'autre ("finir par quand
meme"). Cette valeur particulière peut également etre traduite en
italien par "però ... 70 stesso". En effet, meme si le mouvement
argumentatif en français est linéaire, l'italien ne prend en compte
que le pOint terminal de l'actualisation du procès: l'aspectualisation
de l' action par "fini r par" ou "finire per" fait référence à la fois à
la continuité d'une action et à une visée rétrospective sur le procès.
Ce développement s'inscrit en effet dans un continuum meme si celui-ci
est reconstruit par l'interprétant. Ce dernier opère une connexion ou
un raccord ent re deux va l eu rs sémant i ques meme s i ce 11 es-ci sont de
nature différente et que cette asymétrie contraint l'interprétant à
reconstruire le sens global de l'énoncé au niveau énonciatif ou
pragmatique. Ainsi, "P (mais) Q quand meme" n'infère pas une cause
niée, ni une proposition contrefactuelle mais il est perçu dans sa
globalité comme un processus à la fois continu et réversible.
En effet, comme "finir par" ou meme "réussir à", "quand meme"
accompagne des verbes dont l'aspect représente une visée sur le
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440
procès, un aspect à la fois résultatif et transformatif. "Quand meme"
adopte cette valeur "transformative" lorsque son envi ronnement co-
textuel le permet, en particulier si les verbes qu'il modalise sont
justement compatibles avec l'aspectualisation par "finir par" et
"réussir à" (cette aspectualisation ne peut pas, par exemple,
s'adapter aux verbes dits permansifs ou continuatifs l14): ainsi
l 'énoncé compensato i re (27C) ne peut pas etre paraphrasé par un énoncé
contenant une aspectualisation du procès:
(27c' ) * Pierre prend toujours sa voiture mais Jacques .. " .... ltn .. t ......... r:H!r préférer le vélo.
Le lien instauré par "quand meme" s'établit comme nous
l'avions dit plus haut, de manière indirecte, et l'interprétation de
l'énoncé est reconstruit à un niveau pragmatique. C'est pourquoi (27c)
admet les connecteurs reformulatifs ou réévaluatifs "tout compte
fait", "finalement" qui présupposent que l'énonciateur réexamine un
argument ou une suite d'arguments antécédents dans un parcours continu
que le connecteur interrompt. Parallèlement, en italien, on trouve le
connecteur reformulatif "comunque", "tutto sommato":
(27e) "Pierre prend toujours sa voiture mais,lQ!Jl ... Jacques préfère le vélo."
"Pierre prende sempre Ta /.Ey.ttQ .... ti.Q/fl/fl.é1tQ Jacques prefedsce 7a bici. "
Dans (27e), le fait que "Pierre prenne toujours sa voiture"
n'est pas envisagé comme constituant un obstacle au fait que "Jacques
114_ Ce sont des verbes duratifs non-résultatifs; il s évoquent une situation "dense". non susceptible d'etre interrompue sans cesser d'exister. Le procès se déroule sans changement d'état et sans indiquer l'atteinte d'un but; Cf. BERTINETTO P.M.: Tempo, Aspetto e Azione ne7 verbo ita7iano. IT sistema de7T'indicativo, op.cit.,
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441
prenne son vélo", mais les connecteurs "quand mème", "tout compte
fait", "finalement" indiquent que le sujet de la seconde proposition:
"Jacques" a changé d'avi s par rappo rt à ce qu i éta it prévi si b l e.
L'interprétant opère un parcours mental d'évaluation entre une
première instance P et une seconde instance Q et rétroactivement entre
Q et P, mème si, a priori, le lien sémantique entre P et Q semble
distendu.
C'est ainsi que les deux constituants de l'énoncé
s'articulent selon une orientation dynamique à la fois prospective et
rétrospective. Il n'y a plus tentative d'ajustement ou approximation
comme dans l'emploi scalaire - entre le localisé et le validable.
Mais, au contrai re, il y a "emboftement" de l'un dans l'autre,
conformité entre le point visé par l'énonciateur ("l' idée regardante")
et le point actualisé d'un procès ("l'idée regardée"). La relation
entre ces deux pOints, celui de l'antécédent et celui du conséquent,
suggère une différence entre un avant et un après c'est-à-dire un état
globalement transitoire ou encore un état globalement perçu dans sa
réversibilité. Cette perception de la réversibilité apparalt par
contrastivation entre deux événements "qui impliquent deux changements
d'état symétriques".115 Ainsi dans:
(104) "Il était énervé mais il s'est calmé quand mème",
"ètre énervé" représente un état passager que nous pourrions
qual ifier de "labile"; ce trait sémantique est activé par contact avec
le sème du second prédicat ("s'est calmé") et c'est l 'interstice entre
115_ Les transformatifs réversibles sont affectés du trait d'''inversion'' qui consiste à mesurer l'intervalle "inerte" qui sépare deux événements directement contrastants; (cf. Bertinetto P.M., ibid., p.283). Notons que cette définition de l'action réversible peut parfaitement convenir à la définition d'un connecteur réévaluatif tel que "finalement".
I
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442
les deux prédicats qui est interprété comme mouvement réversible. De
plus, cette construction prédicative prévoit, dans son orientation
intrinsèque, une résolution ou une issue positive (ce qui, par éxemp1e
ne serai t pl us tout à fait l e cas avec "il était nerveux" qui indi que
plut6t un état permanent). Nous pourrions visualiser ce processus
d'emboitement et cette réversibilité selon le schéma suivant:
'. il calmé' !
"Quand meme" semble bien assumer les traits définitoires des
connecteurs reformulatifs qui "indiquent à la fois la subordination
rétroactive et un changement de perspective énonciative,,116;
cependant, pour affiner cette définition, nous dirons que "quand meme"
réalise la jonction entre deux instances prédicatives; il y a
convergence entre la prévisibilité associée au premier constituant (le
mouvement est ici prospectif ou projectif) et l' actual isation
résolutrice de la seconde instance qui s'avère etre en co'incidence
parfaite avec cette première anticipation (le mouvement est ici
rétroactif ou rétrospectif); cette dernière instance est par
conséquent validée, don c stabilisée. "Quand meme" prend iei, à la
faveur d'un co-texte approprié, une valeur résultative, ce qui le
rapproche de la catégorie des connecteurs reformulatifs parmi lesquels
on n'a pas l'habitude de le classer. L'italien "però ... 70 stesso"
116_ ROULET E.: «Complétude interactive et connecteurs reformulatifs» art.cit., p.116.
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443
qui évoque paradigmatiquement un énoncé in absentia et qui relie deux
entités sémantiques discrètes, ne reflète pas le parcours cognitif
accompli dans la réévaluation de P par rapport à Q mais seulement le
point terminal et résultatif exprimé par l'action de la seconde
proposition. Il doit donc accompagner une aspectualisation par "finire
per", si le verbe le permet, pour traduire l'opération réévaluative.
• Enfin, toujours dans cette catégorie du connecteur
"syntagmatique", nous avons relevé dans notre corpus ital ien de
nombreuses occurrences d'un autre modalisateur synonyme de "comunque",
se traduisant par "tout de méme": " pur sempre" (littéralement "encore
toujours", " auss i toujours" ou méme "bien toujours"). Le déroulement
syntagmatique étant mimétique du développement argumentatif, rien
d'étonnant à ce que ce connecteu r pu i sse marque r l' axe tempo re l ou
chronologique.
L' ita l i en "pur sempre" (synonyme de "sempre e comunque ")
synthétise à notre avis à la fois la valeur de "encore" et celle de
"toujours", du reste coordonnable en français: "encore et toujours".
Obligatoirement employé à la forme affirmative, "pur sempre" s'intègre
dans une st ructure de type constatif, c' est-à-di re dans des énoncés
attributifs, équatifs, existentiels ou descriptifs et, contrairement à
"toujours", il ne peut modifier un procès verbal de type "actif" , ou
si l'on préfère de type performatif. Ainsi:
(105) «Rheingold non era certo del la classe dei Pabst o dei Lang; ma era .llJlI
.. un regista dignitoso per niente commercia le, con ambizioni forse discutibili ma PY}: .. serie.» CA. Moravia, Il Disprezzo)
"Rheingold ne faisait certainement pas partie de la classe des Pabst ou des Lang; mais c'était JQ.I:!.lQ.Yt:§ / !QY.t ..... un metteur en scène respectable, aucunement commerci al , aux ambitions peut-étre discutables mais qui sérieuses."
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444
( 106) «Diciamo, dunque, che il nu77a non c'era p7U, a questo punto. Ma Dio non era ancora contento. Il cielo era nero, la terra era nera, il mare era nero. Probabilmente, questi tre elementi fondamentali avevano tre gradazioni di nero. Ma si trattava JlJl.[§Jl!!!l2tJ!! di nero." (A. Moravia, Diario Europeo)
"Disons, donc, que dès 10rs le néant n'existait p1us. Mais Dieu n'était toujours pas content. le ciel était noir, la terre était noi re, le mer était noi re. Probab1ement, ces trois é1éments fondamentaux avaient trois degrés de noi r différents. Mais il s ' ag i ssa i t 19yjQ.YI§ / lQY .. /§.OI;;;.QI.§._§:!; .. JQ.Y.JQ.YJ::.§ de no i r . "
(107) «17 furore popolare [ ... ] non si limitava ad abattere statue contemporanee. A Notre Dame furono staccate e gettate 28 statue gotiche dei re bib l ici. EranollYL§J!!!!!l2rg re.» (La Repubb1 i ca, 30-8-91)
"La fureur popu1aire [ ... ] ne se limitait pas à abattre des statues contemporaines. A Notre-Dame on décrocha et on jeta 28 statues gothiques de rois bib1iques. C'étaientl,QyjQ.YI§ / des rois. "
"Pur sempre" a été traduit par nous soit par "toujours", soit
par "tout de meme" (ou accessoirement par "encore et toujours"). I1s
indiquent tous deux la persistance d'un caractère ou la permanence
d'un procès envisagé dans sa durée mais qui s'étend au-de1à d'un terme
pré-établi par le point de vue énonciatif, ou sans doute plus
précisément, d'un terme présupposé ou pré-construit, donc attribuab1e
à une autre voix énonciative. Il semb1erait que "tout de meme" soit
ici p1us approprié que "quand meme"; l'énoncé est dans ce cas
caractérisé par 1 "'invariance" temporelle ou argumentative alors que
dans l'opposition concessive, nous avons affaire au dépassement d'un
obstac1e. C'est pourquoi, en français, il est possib1e - si la phrase
n'était pas rendue iné1égante -, 10rsque l'action du verbe n'indique
pas référentie11ement la permanence ou la durée, d'aspectua1iser cette
action grace à des verbes tels que "continuer (de)" ou "rester" (cf.
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445
105: " ... qui étaient peut-etre discutables mais qui restaient
sérieuses ... "). L'aspectualisation durative, aussi bien par
l'intermédiaire de verbes que par l'intermédiaire de "marqueurs
aspectuels", intervient à la suite d'un énoncé ou dans un contexte où
la cessation d'un état donné était attendue, où une caractérisation
donnée aurait da cesser d'exister. 117 La présence de "toujours" et de
"tout de meme" est la marque d'une discontinuité dans la construction
prédicative (l a discontinuité est caractéristique de toute
construction concessive). Il apparait à travers ces énoncés que
l' ital ien "pur sempre" correspond en français à "tout de meme" (ou
"toujours"), forme intensive et emphatique de "encore" dans sa valeur
dite "notionnelle" 118. Le choix entre "toujours" et "tout de meme" est
dicté par les contraintes sémantico-pragmatiques l iées à la valeur
particulière que peut assumer "toujours". Il peut s'agir de la valeur
de persistance, c'est-à-dire du marqueur quantitatif modifiant le
procès verbal équivalant à "toujours autant" ('il aime toujours autant
le chocolat') ou du marqueur qualitatif modifiant un adjectif
équivalant à "toujours aussi" ('il est toujours aussi antipathique');
ces marqueurs présupposent un paramètre de comparai son auquel il s se
réfèrent implicitement. Il peut s'agir également de la valeur
omnitemporelle ou extensive correspondant au contraire de "jamais"
qui, elle, ne présuppose aucun paramètre de comparaison.
Dans les énoncés que nous avons proposés, la deuxième
expansion rhématique indique une entité considérée comme un caractère
117_ Voir l'analyse menée par C.Fuchs sur "encore" où il est montré que sa valeur durative est réalisée grace au type lexical du verbe (procès non terminatif statif), au temps (imparfait à valeur non accompl i); in FUCHS C.: Paraphrase et énoncjatjon, Ophrys, Gap, 1994,'p. 116.
118_ selòh la classification de FUCHS C., ibid.
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446
résiduel c'est-à-di re encore présent (ou toujours présent, selon le
point de vue énonciatif) qui n'aurait pas pu etre précisément focalisé
ou repéré dans la première partie de l'énoncé car celui-ci fait
référence à un ensemble trop flou, non stabilisé. Cet emploi de
"toujours" dans le discours argumentatif diffère sensiblement des
emplois généralement identifiés dans les énoncés hors contexte.
Ainsi l'expression: "des ambitions toujours sérieuses" où
"toujours" assume également de manière ambigue la valeur
omnitemporelle, ne traduit pas la valeur de persistance associée à
"pur sempre" 119. Dans ce type d' énoncé attri butif où l e prédi cat est
appréhendé comme une entité "compacte" (ni quantifiable ni sécable) ,
il est nécessai re de t radui re ce derni er marqueur par l e f rançais
"tout de meme" qui fait clai rement référence à la fois à une idée de
permanence temporelle et à une idée de persistance dont la valeur est
dialogique ou "polémique". "Tout de meme" et "toujours" gardent la
trace d'une opération énonciative qui consiste à parcourir un champ
notionnel donné et à englober dans celui-ci une valeur limite qu'un
co-énonciateur aurait pu a priori exclure. 120 Ainsi dans l'énoncé
(105), l'énonciateur fait savoir que Rheingold, selon lui, fait partie
119_ Alors que "toujours pas" est clai rement interprétable comme un marqueur ayant une valeur modale ou "notionnelle".
120_ l'une des valeurs de "encore" a justement été répertoriée comme valeur "notionnelle" par B.Victorri et C.Fuchs (VICTORRI B., FUCHS C.: «Construire un espace sémantique pour représenter la polysémie d'un marqueur grammatical: l'exemple de "encore"» in Linguisticae Investigationes XVI-t, 1992, pp.125-153); mais il nous semble que l'énoncé proposéJJpour illustrer cette valeur, fausse légèrement ) celle-ci. En effet, dans l'énoncé: " ... quoique, évidemment, on soit en droit de se demander
l a vase à de l' eau" , il faudrait se demander si la valeur l imite n'est pas en réal ité sémantisée par "jusqu'à quel point" et "s'apparente", alors que "toujours" dans un autre énoncé pour nous équivalent: " l a de l' eau" , pourrait suffi re à 1 ui seul à repérer "l a vase" dans l e domai ne notionnel "eau" , sans l'appui d'autres sèmes circonstants.
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de la classe des "metteurs en scène respectables et sérieux" dont le
degré d'excellence est attribué à la classe des "pabst et des Lang".
Cette construction prédicative témOigne d'un conflit quant au repérage
de la frontière qui se situe entre ce qui est eneo re "respectable et
sérieux" (le point de vue énonciatif se situe en deçà de cette
frontière) et ce qui est toujours ou "tout de fReme" "respectable et
sérieux" (le point de vue énonciatif se situerait alors au-delà de
cette frontière). Pour les énoncés (106) et (107), il est aisé
d'interpréter, de la méme manière, comment l'énonciateur "formate" une
catégorie, celle de la "couleur noi re" pour l'un, celle des "rois"
pour l'autre, en englobant dans chacune de ces catégories des
propriétés limites ou périphériques qui auraient pu en étre exclues.
Il y a donc extension d'une catégorie ou d'un domaine notionnel à un
caractère qui aurait pu étre considéré comme marginal. "Tout de méme"
signale ici à la fois une discontinuité "polémique" dans le fil du
discours ou 1 'opération de repérage, et une contigui'té entre deux
propriétés (ou deux ensembles de propriétés) dont l'une est considérée
comme prototypique par rapport à l'autre et admise par une autre voix
énonciative.
La similitude entre, d'une part, les marqueurs "encore" et
"toujours" et, d'autre part, 1es marqueurs "toujours" et "tout de
méme" nous apparalt ainsi de manière plus évidente. "Encore",
"toujours", IItout de méme" orientent ,'argumentation dans le méme sens
(elle est anti-orientée) selon des forces argumentatives différentes
et progressives. On peut di re que "encore" et "toujours" garden t un
tant soit peu une valeur temporelle ou notionnelle alors que "tout de
méme" (et, à notre avis, à la différence de "quand méme") se situe de
manière p1us univoque au niveau pragmatique, dans la mesure où il nous
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448
semble etre orienté vers l'interlocuteur et qu'il modifie l'espace
interlocutif. Le rapprochement entre ces trois marqueurs a d'ailleurs
été en partie analysé dans certaines études. 121 Ainsi, nous pouvons
reprendre les énoncés proposés par J.-J. Franckel et appliquer à "tout
de meme" les définitions qu'il propose pour "encore" et pour
"toujours"; dans:
(108) "J'aime les glaces certes, mais je les sorbets",
on peut substituer "encore" à "tout de meme" qui marquent
tous deux "non pas un cran de plus dans l'enthousiasme, mais le retour
à un choix premier"; tous deux indiquent "en d'autres termes que l'on
demeure en deçà du potentiellement meilleur" .122
De meme dans:
(109) "Tu viens tm:lj"Q"MI"§ ce soir?"
"toujours" est substituable à "quand meme" (ou à "tout de
meme") et ils pourraient aussi bien l'un que l'autre apparaitre "dans
un contexte impliquant une remise en cause bien déterminée de 'ta
venue ce soir' .123
12L Des simil itudes entre le marqueur "quand meme" et le marqueur "toujours" ont été relevées mais pas entre "quand meme" et "encore"; Notre analyse diffère de celles-ci en ce que nous essayons d'opérer une distinction entre "quand meme" et "tout de meme". FRANCKEL J .-J.: Etude de que7ques marqueurs aspectue7s du français, op.cit., p.164. CADIOT A. ET AL.: «Sous un mot, une controverse: les emplois pragmatiques de "toujours"» in Modè7es Linguistiques VII-2, 1985, pp.105-124.
122_ ibid., p.231 123_ ibid., p.292
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449
... ........ I CA " .........
Nous avons appelé cette valeur, dans notre première partie,
la valeur conative ou d'anticipation. Ces deux qualificatifs
conviendraient sans doute mieux à une définition sémantique qu'à une
définition pragmatique. En réal ité, si nous prenons en compte non
seulement le caractère duel (oppositif ou al ternatif) mais aussi le
caractère dual (coopératif ou intersubjectif) de tout acte de
communication, il faudrait préciser que cette valeur conative est plus
ou moins perceptible au niveau énonciatif et que nous pourrions
qualifier la nature de la relation établie entre énonciateur et
interlocuteur (ou co-énonciateur) comme "empathique", terme que nous
avons emprunté à C.Hagège 124. Ce terme désigne un mouvement sUbjectif
ou affectif de l'énonciateur vers son interlocuteur qu'il veut
influencer et qu'il veut impliquer dans son propre acte énonciatif.
L'énonciateur instaure au regard de son proche entourage (généralement
un autre locuteur), une relation intersubjective étroite ou, comme dit
C.Hagège, une "identification préférentielle" avec lui-meme et sa
sphère personnelle: ce qu'il appelle l JI'empathie d'ego" .125 Cette
définition ne nous semble pas etre en contradiction avec celle du
phénomène concessif en général. En effet, nous avions mis en évidence,
dans l'activité énonciative, cette stratégie qui consistait à se
placer dans le camp de l'adversaire, devenant dès lors un partenaire,
pour mieux le convaincre ou, sans doute, pour ce qui relève plus
précisément de cette valeur empathique, pour "mieux parler d'une meme
voix" .
124_ HAGEGE C.: La structure des Tangues, op.cit., pp.l05-106. 125_ ibid.
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450
Si cette caractéristique apparalt nettement dans l'énoncé
italien contenant le modalisateur assertif "mica", celle-ci n'a
pourtant jamais été relevée, à notre connaissance, dans l'énoncé
français modalisé par "tout de meme" et "tout de meme pas" qui lui
correspond 126, sans doute à cause de la polyvalence et des nombreuses
valeurs pragmatiques relatives à ce connecteur que nous avons essayé
de désambigulser.
• Si nous examinons la distribution de "mica" , nous
constatons qu'il peut assumer aussi bien la fonction d'une négation
intensive (dans l'énoncé assertif) qu'une valeur pragmatique
épistémique comparable à celle que nous avions identifiée pour "bien"
(dans l'énoncé exclamatif ou interrogatif). En cela, il recoupe
exactement les fonctions et les valeurs de "bien". "Tout de meme" et
"mica" bénéficient d'une mobilité partielle sur l'axe syntagmatique.
Ils modifient l'acte énonciatif principal: ils sont soit intégrés au
procès verbal, soit antéposés, soit postposés.
Ainsi 127:
(110) "Non l' ho lll.fçJ# chiesto io" / "MtçJ# l' ho chiesto io" 128 " CIQ.yl ... çfJL .. ,) ce n'es t CtQY1 ..... .... pas mo i qu i l' a i demandé
! Il
( 111) "Non mangiar lll!çl!: quella roba!" / "MLç?, mangerai quella roba!"
126_ On a généralement essayé de classer cette valeur dans différentes catégories disparates: il peut marquer, nous dit-on, la surprise, l'exagération, etc.
127_ Nous empruntons certains de ces énoncés à CINQUE G.: «"Mica": note di sintassi e pragmatica» in Teoria Linguistica e sintassi italiana, op.cit.
128_ Ces énoncés constituent précisément la négation de: "C'est bien moi qui l'ai demandé" Nous renvoyons au paragraphe consacré à la valeur assertive de "bien".
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..... tu ne vas UQYJ .... ... pas manger ça C!:.Q.y.t .. ""Q!;! Il
( 112) "Non vi fermeretelJl.!Q!1 qui?" / "M.tJ!.é!: vi fermerete qui?" "Vous n'allez pas vous arreter ici, j'espère?" / "(IQ1tt .. g .. ..... vous n'allez CtQ.y.t .... ... pas vous arreter ici (IQ.yt ... ? Il
On le trouve la plupart du temps dans l'exclamation, dans une
forme impérative et dans la question rhétorique, c'est-à-dire en
réalité dans une assertion que l'énonciateur double d'une sorte
d'interpellation (ce que les Anglo-saxons ont appelé la "tag
question"). Cette distribution fait que "mica" est presque
exclusivement employé dans une structure d'échange. En ce sens, on
pourrait presque dire que "mica" est le signe apparent d'une co-
présence, puisqu'il est toujours destiné à un interlocuteur. Comme
"bien", il assume une fonction de morphème assertif intensif. "Bien"
étant réservé à l'énoncé affirmatif, le français adopte un autre
marqueur assertif intensif dans l'énoncé négatif: "tout de meme" qui
peut modaliser aussi bien une assertion négative qu'une assertion
aff i rmati ve.
Etant donné cette distribution, rien d'étonnant à ce que
"tout de meme" soit difficilement enchàssable (113). Cette
caractéristique le distingue nettement de "quand meme" à valeur
performative (le concessif paradigmatisant modalisant un énoncé qui
comprend un verbe du Faire ou du Dire) qui, lui, peut etre enchassé.
Dans cette fonction de morphème asserti f intensi f, "tout de meme" est
de préférence antéposé ou postposé à l'acte énonciatif. Cependant,
"mica" est pl us facil ement enchassabl eque son correspondant français
(114); la position de "mica" et de "tout de meme" nous semble plus
naturelle dans (113') et (114'):
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(113) * Ti ordino di non usoire mioa. * Je t'ordonne de ne tout de meme pas sortir. (113')
ti sto ordinando di non uscire." "I9JJJJ;tt;l.J1!§,!!lg, je ne te donne pas l' ordre de ne pas sort i r. "
(114 ) "Credo che G. non ogg i . " "Je croist.Qy.l .. ... I que G. ne viendra pas aujourd' hui ." * Je crois que G. ne viendra tout de meme pas aujourd'hui. (114') "Non credo che G. venga ogg i . " "Je ne crois pas, ..... que G. viendra aujourd'hui."
En effet, ces deux connecteurs modifient l'ensemb1e de l'acte
énonciatif 1ui-meme dans 1es interventions initiatives ou réactives et
s'app1iquent p1us au discours qu'au récit. "Tout de meme" et "mioa"
s'expriment p1us naturellement dans un cadre énonciatif intersubjectif
(imp1iquant la première et la seconde personne), et ce meme si l'acte
porte sur une une tierce personne.
Dans l' assertion intensive, "tout de meme" et "mica" sont
orientés vers l' interlocuteur et lui sont destinés. Leur présence
transforme l'assertion affirmative "descriptive" en assertion
"polémique", meme si cette dernière catégorie n'a généra1ement été
reconnue que pour l'assertion négative. Elle est accentuée par une
va1eur subjective: "non dice mica 7a verità" serait p1us ou moins
équiva1ent, sémant i quement par1ant, à "non dice affatto 7a verità"
("il ne dit abso1ument pas la vérité"). Mais "mica" (à la manière de
"bien") possède cette facu1té d'affecter l'énoncé d'une nuance émotive
due à 1 a présence de l' inter1 ocuteur. L' assertion "descri ptive" donne
l'impression que l'acte de communication s'effectue de manière
solitaire, indépendante, exc1usive, l'énonciateur se donnant à voir
comme le point d'ancrage - à la fois origine et visée - de son dire;
il assume une responsabi1ité totale et unique (l'énoncé est à
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453
considérer a10rs comme strictement mono1oga1, qui n'existe pour nous
que de manière idéa1e); dans l'assertion po1émique au contrai re,
l'énonciateur imp1ique, exp1icitement et de la manière la p1us ouverte
possi b1 e, son i nterl ocuteur en s'i nsi nuant dans l' espace qui 1 ui est
ordinairement réservé. C'est ce que démontrent 1es différentes marques
empathiques qui apparaissent dans la traduction des énoncés suivants:
(115) "Non la verHà." / "MIQlJ djce la verHà."
il ne di t pas la vérité "
( 116) "Non tj ordjnando dj non uscjre."
je ne t'interdis pas de sortir! L I TTERALEMENT:
je ne suis pas ... n ....... .. " .. te donner 1 'ordre de ne pas sortir."
La val eu r empa t h i que semb 1 e eneo re p 1 us comp 1 exe dans ces
énoncés, puisqu'elle est rendue en français, dans (115), par
l'interpellation "tu sais" qui est une requete pressante de
consentement et, dans (116), par 1 e présent progressif qui a pour
effet au contraire de scinder en deux l'espace intersubjectif; en
effet, la fonction aoriste de la forme progessive en français (au
demeurant p1us rare qu'en ita1ien car sa va1eur ne dépend pas
directement de l'action du verbe ou de son aspect mais du contexte
pragmatico-énonciatif) entralne, sur le p1an pragmatique, une va1eur
performative de justi fication du "je" par rapport à un reproche du
"tu" .129 Nous pouvons consi dérer ce cas parti cu1 i er comme étant en
129_ G. Brianti cite une étude de W. Dietrich (Der perjphrastjsche Verbalaspekt jn den romanjschen Sprachen, Niemeyer, TObingen, 1973) où il est montré que certaines formes progressives ita1iennes sont caractérisées par le trait "démarcation": "l'action est représentée exp1icitement comme séparée du contexte, comme 'décrochée' [ ... ]. On peut exp1 iquer ainsi des interprétations telles que le reproche, l'inattendu, le particu1ier." Cette remarque nous semb1e p1us appropriée au français qu'à l'ita1ien où la forme progressive se réfère à une action en cours d'actua1isation qui n'est pas nécessai rement durative (ex.: "sto ardvando" tradui t par
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fait la valeur dialectiquement opposée à la valeur empathique où "je
ne suis pas en train de ... " est synonyme en fait de "tu ne vas pas
croire que je ... " ou, plus précisément encore "tu ne vas tout dememe
pas al1er jusqu'à eroi re que je ... " .
Ainsi, il n'est pas toujours aisé d'établir une équivalence
illocutoire de "mica" en français: l'opération de traduction fait
apparaltre d'une part un renforcement de l 'opposition ("mais" qui
sous-tend la présence d'un co-énonciateur accompagnant la forme
progressive de justification), d'autre part une interpellation directe
de l'interlocuteur ("tu sais") qui ramène toujours l'acte énonciatif
sur le terrain intersubjectif (il se joue toujours à l' intérieur du
couple 'je-tu') et ce, meme si cet acte n'aurait pas dO l'impliquer
di rectement , puisqu'il porte sur la troisième personne ("il ne dit pas
la vérité"). A notre avis, un mécanisme semblable peut etre reconnu
dans l'énoncé:
(117) "Je sais (bien) si Paul est parti ou pas,
oa l'énonciation à la première personne d'une interrogation
en "si" est atypique. Celle-ci est une translation, à la première
personne, de l'énonciation à la seconde personne plus courante et plus
acceptable: "tu dois bien savoir si Paul est parti ou pas (tout de
meme)!". 130 L'énonciateur enr6le presque de force son interlocuteur
"j'arrive"); cf. BRIANTI G.: Périphrases aspectuel1es de 7'ita7ien. Le cas de "andare" et "stare + gérondif", Publ ications Universitaires Européennes, Peter Lang, Berne, 1992, p.165.
130_ A comparer avec: "*je sais si Paul est parti". Ces énoncés ont suscité les réflexions des linguistes. Certaines contraintes régissant l'emploi de "bien" sont également imputables à ces opérations cognitives (voir 1ère partie); cf. A. CULIOLI: «Valeurs modales et opérations énonciatives» in Pour une Linguistique de 7 'Enonciation- Opérations et représentations- op.cit., pp.135-155, p.152.
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dans cette assertion, en l'énonçant à sa place et en usurpant sa
parole. La valeur empathique semble bien etre confirmée ici.
La mOdal isation par "mica" et "tout de meme" peut entra'ìner
l'interprétation (ou la traduction) d'un énoncé par une forme
exclamative ou par une question rhétorique. meme si ces dernières ne
sont pas directement exprimées dans l'énoncé source. 131 Il est parfois
dél icat d'évaluer la distinction entre le pOint d'exclamation et le
point d'interrogation qui dépend en fait de la courbe descendante ou
ascendante de l'intonation:
(118) «A peine un crime a-t-il eu l ieu dans un village isolé qu' ils [les psychanalystesl v iennen t expliquer sans avoir étudié le cas, les raisons du crime [ .. . l. Cela est évidemment malsain et appelle le rire. -Il s ne son t si nomb reux à fai re l es p it res à l a télévision!» (N.Obs., 14-9-95)
,,--"Non appena un delitto avviene in un paesino sperduto, essi [gli psicanalisti] vengono a spiegare senza avere studiato il caso, le ragioni del delitto [ ... ] Questo è ovviamente malsano e fa venir da ridere. Non sono mica in tanti che fanno i pagliacci in T.V.!"
(119) "Non t i fermera i "miçJ!, qu i" "(Ah, non!) Tu ne vas pas t'arreter ici.J / "'t'
NouS remarquons que "tout de meme pas" et "mica" sont ici
synonymes de "mais enfin!" et de "ma insomma!" dont la valeur
131_ Il est d'ailleurs significatif que la ponctuation en italien, par exemple dans les énoncés proposés par G.Cinque, ne soit pas toujours exprimée, comme si le choix était laissé au lecteur de moduler à la fois l'intonation et l 'interpétation de ces énoncés: "Non sarete mica cosi scemi da farlo entrare" -> interprétable pour nous comme question rhétorique, auquel cas un point d'interrogation serait attendu (= "Vous n'etes pas fou au point de le faire entrer?" / "Vous n'allez tout de meme pas le faire entrer, j'espère?"). De meme: "Non è mica alta exclamation auquel "Elle n'est tout de
la Loren, però" -> i nterprétabl e comme une cas un point d'exclamation serait attendu (= meme pas si grande que ça, Sofia Loren!").
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pragmatique semble exprimer un désir de poser des limites à un
jugement trop "expansif" (118).
Du reste, "tout de meme" et "mica" accompagnent souvent un
reproche (119)= l'énonciateur signifie alors sa désapprobation par
rapport à la réalisation d'un acte non souhaitable ou d'un dire qu'il
juge exagéré. Nous avions signalé à ce propos que ces modal isateurs
s'appliquaient volontiers à des verbes dont le sémantisme lui-meme
indiquait déjà une exagération ou le dépassement d'une limite. Pensons
à l'énoncé qui semble représentatif de cette valeur: "il y a des
l imites, tout de meme!". Ces deux valeurs pragmatiques sous-tendent le
dépassement d'une norme pré-construite en meme temps qu'une
réévaluation de celle-ci. Par ailleurs, l 'exagération qui constitue un
pòle dysphorique, n'est en fait que le versant négatif du pòle
euphorique de la surprise ou de l'étonnement admiratif. C'est cette
valeur laudative qui apparait dans certains énoncés tels que:
(120) "MiQf#: male però!" / "Niente male però!" "Ce n'es t pas ma l lQ!JJ ... ... / "C'es t pas ma l, g.i.§.=g.Q,!:lç!"
La position détachée à droite de "tout de meme" et de "però"
favorise leur emploi elliptique dans une intervention réactive (en
situation dialogale donc). En emploi absolu, ils expriment tous deux
ce meme jugement laudatif ou, au contrai re, le reproche selon la
courbe intonative (ascendante ou descendante) qui les accompagne.
Notons cependant que cette modalité axiOlogique ou évaluative
n'est pas réservée à l'énoncé négatif et à la structure dialogale.
Dans l'énoncé monologique (121), qui constitue la première phrase d'un
article, "tout de meme" recouvre bien également cette valeur
Taudative:
I I I
I I I I I I I I I I I I I I I
457
( 121) «Les Ang7ais qui ont p7us d'un tour dans 7eur sac à provisions, 7orsqu'i7s ne se consacrent pas aux fi7atures amoureuses, viennent de s'aventurer sur un terrain vierge [ ... J.» (le Monde, 5-10-95)
C'est justement la situation de "tout de meme" dans (121) qui
lui confère de manière univoque une valeur empathique et laudative.
alors qu'à un autre niveau discursif (dans un argument subordonné à un
acte énonciatif principal) il aurait tout aussi bien pu recouvri r la
valeur contre-argumentative et rétroactive qui lui fait défaut ici.
Dans cet énoncé, "tout de meme" assume la meme valeur pragmatique,
laudative ou de reproche selon la courbe intonative adoptée, qui peut
etre identifiée dans les emplois absolus tels que "tout de meme!",
"dis-donc!" (correspondant à l'italien "però!").
là où la valeur empathique apparait le plus clairement. c'est
lorsque l'énonciateur précède l'intention de son interlocuteur: ce
sont les énoncés qui contiennent le verbe à valeur épistémique "aller
+ infinitif" (qui se traduit en ital ien par le futuro epistemico): "tu
ne vas tout de meme pas ... " ponctué d'un point d'exclamation ou d'un
pOint d'interrogation (dans (111), (112), (118), (119».
• Pour expliquer la valeur pragmatique particulière de cette
particule négative marquant un mouvement empathique dans un énoncé
dialogique, nous allons nous arreter un instant sur la forme
syntaxique particulière dans lequel il est intégré. D'un point de vue
formel, c' est-à-di re au niveau meme de l' agencement des mots, nous
avions soul igné le fait que "mica", exclusivement employé dans un
énoncé négatif, était facultativement accompagné de la particule
"non", en principe obligatoire en italien comme le "ne" français:
" non. .. nessuno" (= "ne ... pe rsonne" ) , " non. •. ma i" (= "ne
I I I I
I I I I I I I I I I I I I I
458
jamais"), etc. De plus, contrairement au français, pour lequel "ne"
est toujours accompagné du forclusif "pas", le "non" italien suffit à
lui seul à la formation de l'énoncé négatif.
Pou r pousse r p l us avant not re ana l yse, "tout de meme pas" et
plus encore "mjca" qui peut etre employé seul, et qui est dans ce cas
antéposé dans l'énoncé ("énoncé négatjf + mjca" devient "mjca + énoncé
affjrmaUf"), pourraient etre considérés en fait comme des marques
linguistiques de la forclusion. Cette valeur peut en effet également
etre reconnue dans les énoncés où "tout de meme" est en position
détachée à droite et OÙ, d'après nous, il assumerai t de manière
identique la fonction de forclusif.
En ital ien, l'absence du discordantiel "non" dans les
constructions négatives contenant le modalisateur "mjca" reflète peut-
etre de manière significative l 'opération prédicative (au sens
cognitif) qui consiste à exclure ou à rejeter hors du champ du réel un
signifiant avant meme qu'il ne s'exprime. L'énonciateur dénie à son
interlocuteur la possiblité d'exprimer un désir ou un souhait, en
sachant ou en présumant que celui-ci est sur le point de le fai re: il
s'agit d'un mécanisme particulier suivant lequel une représentation
n'est pas simplement niée (la négation aurait alors fait suite à une
question ou à l'assertion d'un autre locuteur), mais elle est dans ce
cas évacuée avant meme qu'elle ne soit énoncée: elle précède donc
l'intention de l'interlocuteur de s'exprimer ou de faire quelque
chose. 132
L'absence du discordantiel accentue le mouvement empathique
suscité par "mjca": celui-ci insuffle une continuité "synergique", une
132_ Voir l'analyse faite par M.Arrivé à propos de la forclusion in ARRIVE M.: Langage et psychanaTyse, UngujsUque et jnconscjent -Freud, Saussure, Pjchon, Lacan -, op.cit.
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459
concordance entre les deux locuteurs; de plus, l'énonciateur semble
faire apparaltre un désir d'unité émotive entre son propre énoncé et
son énonciation. 133 La fonction dialogique de "mica" consiste non pas
à faire eroi re, faire dire ou faire faire quelque chose mais à
transformer, de manière insidieuse, la pensée de l'autre. C'est
pourquoi dans un mouvement symétriquement inverse par rapport au
caractère répondant et confi rmatif de "bien" (valeur anaphorique et
rédupl icative), "mica" est projeté vers l'autre, anticipant une
réact i on ou une pensée qu' on l u i devi ne (va l eu r cona t i ve ou
empathique). Parier sur ce que l'autre va faire, va dire, va penser
c'est s'insinuer dans un espace ordinairement inviolable. Si
l'énonciateur pré-dit une pensée ou un acte, c'est pour mieux les
prévenir. C'est ainsi que l'énoncé modalisé par "mica" exerce un
pouvoi r d'exorcisme: nous pourrions le défini r comme un acte
performatif particulier où la parole permet d'éviter le passage à
l'acte.
Le mouvement empathique fait apparaitre une identification de
l 'énonciateur avec l'auditeur ou l'interlocuteur. Si, en disant "tu ne
vas (tout de meme) pas ... " on usurpe la place de son interlocuteur,
c'est que la valeur épistémique particulière véhiculée par ce verbe
("all er + i nfi nitif" équival ant au futur épi stémi que ital i en) est sans
doute dérivée - ou tout au moins associée - à la catégorie de
l' "andatif". En effet, dans un mouvement inverse par rapport au
"venitif" , l '''andatif'' représente un mouvement orienté, qui part de
l'énonciateur, vers un interlocuteur. Par une sorte de translation
133_ M.Arrivé (ibid., p.172) cite ces l ignes, de Lacan qui pourraient servir notre analyse ici pour justifier l'absence de "non": "La particule négative 'ne' [ne] vient au jour qu'à partir du moment où je parle vraiment [ ... ] et non pas au moment OÙ je sui s parl é [ ... ] "
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460
significative, en util isant "mjca" et "tu ne vas tout de meme pas",
l'énonciateur anticipe et par là-meme neutralise l'intention de son
interlocuteur en prenant sa pl ace: nous pourrions di re que dans un
énoncé dialogal, l'énonciateur devient alors, à proprement parler, un
co-énonciateur. De là le classement possible de la valeur de "mjca"
dans la catégorie de l'anthropophorique 134, meme si ce marqueur
aspectuel négatif ne s'applique pas directement à l'environnement
physique des locuteurs, mais bien à un état d'àme (une intention).
• Enfin, dans l'acte illocutoire de la requete, "mjca" a pour
fonction d'atténuer cette demande. La valeur que la traduction de
"mjca" met en évidence, essentiellement dans la question, démontre que
celle-ci est équivalente à la valeur "euphémique" qui émerge du
conditionnel de courtoisie; il s'agit d'un acte où l 'on s'excuse
d'avoir à demander quelque chose, où le locuteur se trouve en position
de faiblesse puisqu'il se met l ui-meme dans une si tuation
inconfortable: tout en exprimant une requete, i l envisage et accepte
la possibilité d'avoir à essuyer un refus:
(122) "Non haj 11Jlffl mnle Ure da prestarmj?" EQUIVALANT A: "Non avresU mnle Ure da prestarmj 11J!t::. ... f§1§g?"
=> "Tu n'aurais pas mille lires à me preter
(123) JJ Non mj staj/staraj I!LlQ.l!: nascondendo qualcosa?" / "MlQ.fl mj staj/staraj nascondendo qua l cosa?"
134_ Nous nous inspirons lCl des suggestions de C.Hagège qui met l'accent, dans ses analyses, sur la présence primordiale de l'homme dans la morphogenèse des langues. Les démonstratifs, les possessifs, les directionnels, etc. sont ainsi des marques apparentes de la p l ace de l' homme dans l a l angue; cf. HAGEGE C.: «Le système de "anthropophore et ses aspects morphogénétiques» in MOREL M.A., DANON-BOILEAU L. (éd.): La Dejxjs, op.cit., pp.115-122.
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I I
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461
EQUI VALANT A: "Non mj staraj nascondendo qualcosa PJlC ... çJ!§Q?"
=> "Tu ne me caches /cacherais pas quelque chose ..... U "Tu ne serais pas en train de me cacher quelque chose, toi, par hasard?")
Comme le conditionnel de courtoisie français, "mjca" éloigne
encore davantage la possibilité d'actualisation d'une action, plus que
ne le ferait l'usage d'une simple négation. Ainsi, "par hasard" (en
italien "per caso") semble revetir une valeur optative: en exprimant
le désir de voir se réaliser une action, cette lexie annule l'effet
d'éloignement produit par "mjca". En fait, en utilisant la forme
négative et en modal isant sa requete par l' invocation du "facteur
chance", il fait croire au destinataire de cette requete qu'il ne
croit pas à la réussite de l'acte. Il se met de ce fait en position de
faiblesse par rapport à l'interlocuteur, et désamorce ainsi "effet
agressif que ce refus pourrait exercer sur sa face.
• Comme cela apparait dans les traductions proposées de
l'italien "mjca", le français "tout de meme" semble correspondre, à
notre avis, plus fidèlement que "quand meme" à la valeur euphémique de
la particule italienne. En effet, si l'on s'en tient au sémantisme
meme de la lexie composée de "quand" et de "meme" , nous constatons que
sa matière est plus lourde que celle de "tout de meme" plus ténue, en
grande partie, comme le fait remarquer J.-J. Franckel, parce qu'elle
est proche de "meme quand" (et don c corollairement de "meme si"):
«"Meme", dans "quand meme p" permet, en fondant Q comme valeur limite, d'envisager une circonstance telle que P ne serait plus vérifié, et marque en meme temps que cette circonstance se solde par une concomitance à p, marquée par "quand".» .135
135_ FRANCKEL J .-J. : Etude de quelques marqueurs aspectuels du françajs, op.cit., p.164.
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462
Avec "tout de meme pas", au contrai re, il nous semble que
l'emploi généralement affectif de l'adverbe "tout" (par exemple dans
"tout peti t") contribue analogiquement à atténuer la valeur sémantique
et référentielle associée à "quand meme".136 En position détachée à
droite ou à gauche, il assume dès lors la fonçtion d'un adverbe de
phrase ou d'un adverbe d'énonciation, alors que "quand meme" dans
l'emploi que nous avons étudié plus haut avait le pouvoir de modifier
l e sémanti sme de certai ns verbes. "Tout de meme" (antéposé ou
postposé) et "mica" (antéposé) assument ainsi, dans l'énoncé dialogal,
une fonetion "injonctive" ou "vocative" (1' interpellation à laquelle
nous faisions allusion). Loin d'etre dénué "de tout contenu émotif et
cognitif" , il nous semble que la particule italienne et son
correspondant français "tout de meme" ont un impact important sur le
eontenu global du message, sa valeur illocutoire voire perlocutoire,
contrairement aux "Abtonungspartikel" avec lesquelles on a parfois
comparé ces connecteurs. 137
Généralement "de toute façon" et "en tout cas" font l 'objet
d'une étude comparative mais on n'a pas l 'habitude de les analyser
complémentai rement à "quand meme" ou à "tout de meme". Or cette
136_ Cette considération n'est évidemment pas objective et pourrait etre ramenée à des effets de perception sémantique. Ainsi, dans la valeur intensive de persistance "tout de meme" aurait pu etre de la meme manière rapproché de "toujours" qui, comme nous l'avons vu, peuvent etre i nterchangeables et qui partagent l e meme signifi ant initial [tu].
137_ H. Gettrup et H. les comparent en effet à ces particules appelées "Abtonungspartikel", présentes dans certaines langues (le danois ou l'allemand) qui "ne sont pas énoncées en vue d'etre interprétées par l'allocutaire"; cf. «Stratégies concessives: Une étude de six adverbes français», art.cit, p.32.
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463
analyse nous semble opportune car, comme nous l'avons vu, ces derniers
se traduisent également par "comunque". En outre, le moment est venu à
ce stade de l'analyse, d'essayer d'élucider les valeurs qui sont pour
nous "subsidiai res" relatives à "de toute façon" et à "en tout cas".
Tout d'abord, il faudra essayer de répondre à la question de savoir si
l 'on peut repérer des éléments objectifs permettant de discerner les
emplois de "quand meme" de ceux de "de toute façon" et de "en tout
cas". Or, il est relativement fréquent que "de toute façon" et "en
tout cas" soient interchangeables, sans pour autant qu'on pUisse les
considérer comme synonymes. En effet, s'il est toujours possible de
les distinguer par l'intention que l'énonciateur exprime en
choisissant l'un ou l'autre, les énoncés ne font apparaitre que
quelques éléments "de surface" susceptibles d'orienter de manière
univoque la traduction de "comunque" en français. Cette particularité
a été notée par E. Roulet dont nous reprendrons les définitions, après
avo i r fa it que 1 ques remarques su r l e séman t i sme meme de ces
connecteurs.
Ceux-ci semb l ent en effet véhi cul er un poi ds sémi que dont
l'incidence sera forcément plus large que celle exercée par "quand
meme", dont la base sémantique est relativement plus ténue ou plus
Ifaible" 138. Ceci est dO, à notre avis, au fait que "de toute façon"
est un synonyme de "de toute manière": nous avons vu à quel point (par
exemple dans le cas de "justement") le poids de l'adverbe de manière,
donc de sens "pl ein", influençait des éléments environnants (verbes,
adjectifs, etc.) ou, réciproquement, pouvait recevoi r diverses
influences à partir de ces éléments. ilDe toute façon" se rapproche
138_ Cette remarque est bien entendu relative et ne contredit pas le fait qua "quand meme" soit phoniquement et sémantiquement plus lourd que "tout de meme".
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464
souvent de cette valeur "forte", si bien qu'il n'est pas rare
d'entendre "de toutes les façons" ou "de toutes les manières", comme
si, encore une fois, le pOids phonique et graphique constituait pour
l'interprétant un signal fournissant une "instruction" particulière
qui pourrait prendre la forme suivante: "ce mot ou cette expression
veulent bien dire ce qu'ils veulent dire", "ce mot ou cette expression
gardent tout leur sens 'littéral d39", etc. Les trois énoncés suivants
seraient donc plus ou moins équivalents:
(124a) Il I l y a r r i ve r Il
(124b) Il I l y a r r i ve r Il
(124c) Il I l y a r r i ve r Il
Quant à "en tout cas" , il bénéficie lui aussi de l'apport
sémantique d'autres expressions telles que "dans tous les casIO ou
encore "dans ce cas". Or, contrai rement à "en tout cas", "dans tous
les cas" implicite "dans tous les cas de figure" et se rapproche donc
de très près de la valeur sémantique de "de toute façon" (125b). Ce
chassé-croisé brouille les pistes de l'itinéraire de désambigulsation
pragmatique. Ainsi:
( 125a) "Je ne sais pas s'il viendra; il ne m'a rien dit."
MAIS: (125b) * J e ne sai s pas s' i l vi end r a ... Lgg
i l ne m'a r i en d i t
139_ L'expression "sens littéral" a été remise en cause, en particulier par F.Rastier; il n'en demeure pas moins que cette expression continue de signifier quelque chose pour le sens commun. En fait, il semblerait qu'il faille souvent l'entendre comme "dans l'autre sens du terme".
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465
Il existe en ital ien, en dehors de "comunque", deux
connecteurs synonymes: "in ogni modo" et "in ogni caso" qui, mal gré
l eu r sémant i sme (" modo" = "façon"; "caso" = "cas") assument tous deux
la me me valeur pragmatique que le français "de toute façon", "dans
tous l es cas". "In ogni modo" et "in ogni caso" peuvent don c tradui re
la valeur présente dans (124) mais pas dans (125):
(124' ) "Ce 7 afa ràfl1 __ -_::111_"gflllL_J!lQrlQ ce 7 afa r à. "
(125' ) * Non so se non mi ha detto niente.
• E. Roulet classe "de toute façon" plut6t dans la catégorie
des récapitulatifs: ce connecteur présente deux arguments antiorientés
comme "posant une alternative dont le choix est jugé après coup
inapproprié"; "il annule rétroactivement une perspective énonciative
évoquant une interrogat ion en 'comment "': l' énonci ateur remet en cause
un état de chose exprimé antérieurement après avoi r envisagé toutes
les manières qui auraient pu au contraire valider ce premier mouvement
discursif .140
Dans les définitions qui ont été proPosées pour le connecteur
français "en tout cas" , il apparalt que la valeur de celui-ci oscille
entre une valeur concessive et une valeur réévaluative (ou
reformulative). En tant que connecteur reformulatif "en tout castI
"subordonne rétroactivement un mouvement discursif antérieur ou un
implicite, à une nouvelle intervention principale, en indiquant un
140_ C'est ce qui apparait dans l'analyse plus récente de C.Rossari in Les opérations de reformu7ation - Ana7yse du processus et des marques dans une perspective contrastive français-ita7ien, op.cit., p.212.
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466
changement de perspective énonciative."141 Plus précisément, "en tout
cas" présente le mouvement discursif auquel il est subordonné
rétroactivement comme "impliquant une incertitude": il annulerait "une
perspective énonciative évoquant une interrogation en 'si'''142; on le
définit également parfois comme un "correctif".
La substituabilité de l'un par l'autre est possible lorsque
le premier mouvement discursif peut etre interprété aussi bien comme
un problème ("de toute façon") que comme une incertitude ("en tout
cas") .
• Quant au connecteur italien "comunque", sa polyvalence est
conf i rmée dans son emp l oi de rééva l uat if car il peut auss i bi en se
tradui re par "en tout cas" que par "de toute façon", comme C. Rossari
l'a démontré. Pour cette dernière, il faut distinguer un "comunque" de
remise en cause directe (auquel cas il serait plutòt traduit par
"quand meme" ou "de toute façon") et un "comunque" de remise en cause
indirecte (auquel cas il serait plutòt traduit par "en tout cas" ou
"quoi qu'il en soit"). 143
• Si nous observons l a st ructure apparente des énoncés dans
lesquels sont intégrés les deux connecteurs français, nous remarquons,
d'après notre corpus, que "de toute façon" et "en tout casti sont, dans
la majorité des cas, transphrastiques. Ils opèrent, en la légitimant,
une coupure (qui ne va pas jusqu'à la rupture et toujours en
141_ ROULET E.: «Complétude interactive et connecteurs reformulatifs», art.cit., p.117.
142_ ibid., p.122. 143_ C. Rossari traite donc aussi de la traduction par "quoi qu'il en
soit" que nous n'analyserons pas. Cf. ROSSARI C.: Les opérations de reformulation - Analyse du processus et des marques dans une perspective contrastive français-italien, op.cit.
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I I
467
respectant le principe de coopération) dans le fil du discours ou le
mouvement argumentatif, sans pour autant introduire un argument anti-
orienté par rapport à l'argument précédent. On les trouvera don c très
fréquemment après un point (ou une pause forte) ainsi que dans les
dialogues où l'interlocuteur opère un changement de perspective, dans
une intervention réactive. 11s font apparaitre une autre voix
énonciative sans que ne soit remise en question l 'assertion précédente
à laquelle ils renvoient.
Par ailleurs, il est intéressant de souligner que l'emploi de
"de toute façon" et cel ui de "en tout cas" n' excl uent pas toujours
l'emploi de "quand meme" , en particu1ier le concessif
"paradigmatisant", ce qui tend à corroborer notre classification
puisqu'il s'agit là de la seule valeur de "quand meme" qui admette
aussi la présence de l'un des deux autres connecteurs. leurs fonctions
pragmatiques seraient donc différentes. Ainsi:
( 126) j e voud ra i s quand meme y alle r . "
( 127) ""I;Il!Q1!1"ç"§§, je voudrais quand meme y aller."
(126) et (127) se traduisent tous deux par:
(128) uçQl!!J!RqU.f! vorrei andarci lo stesso."
Nous pourrions citer de nombreux énoncés où la traduction de
"comunque" admet aussi bien "en tout cas" que "de toute façon", 144 et
naturel1ement "quand meme" lorsqu'il introduit un énoncé évoquant le
dépassement d'un obstacle à la réalisation d'une action, ou la
persistance d'un caractère comme dans l'énoncé qui suit:
(129)
144_ Ainsi que "quoi qu'il en soit" dont nous ne traiterons pas.
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I I I I I I I I I I I I I
I I
468
« ... avevamo coTto i segni di un degrado che stava per tentavamo di impedi rl0. Oggi, il disastro c'è. Si raccontar 10. Ed èfQI[IJ,!l1gYJ! il modo per cercare gl i (Panorama, 30-6-91)
avveni re, può solo
an t i do t i . »
"Nous avions perçu les signes d'une dégradation qui était imminente, nous tentions de l'empecher. Aujourd'hui le désastre est là. On peut seu l emen t en pa r l e r . Et c'es .. .... /
une de chercher des anti dotes. "
De meme, l'emploi de "en tout cas" au détriment de "de toute
façon" dans l'énoncé (130) ne nous semble pas objectivement
justifiable:
(130) «L'image de Juliette Binoche reste ceTTe d'une femme française parmi les autres, mais qui irradie une conscience, un caractère, un bonheur ou un manque de bonheur. ETTe ne "joue" pas plus qu'iT ne faut. ETTe j .. tQ.llt.f!J§ du dedans, e t à l a fo i s comme dans l' é t he r .» (N. Obs. , 14-9-95)
L'énoncé (129) nous pe rmet de change r l a pe rspect i ve
d'analyse de E.Roulet: en effet, le terme meme de "modo" ("manière")
introduit par le connecteur "comunque" devrait en principe influencer
sa traduction par "de toute façon" (puisqu'il sous-tend, selon
E. Roul et, une i nterrogation en "comment"). Or, l es t raductions que
nous proposons tendraient à démontrer que cette définition est
incomplète et qu'elle appelle quelques précisions susceptibles
d'établir une classification plus univoque.
"De toute façon" présente une souplesse syntaxique évidente
par rapport à "en tout cas": le premier accompagne plus volontiers que
le second une question, une forme impérative et il peut etre enchassé
dans une subordonnée; contrairement au second, le premier peut servir
de réponse à une question totale, accompagné d'un "oui" ou d'un "non":
I I 469
I I I I I I I I I I I I I I I
(131a) "De toute façon où veux-tu qu'il aille?" (131b) ? "En tout cas où veux-tu qu'il aille?"
(132a) "De toute façon pourquoi a-t-il agi ainsi?" (132b) * En tout cas pourquoi a-t-il agi ainsi?
(133a) "De toute façon, suis bien mes conseils!" (133b) ?"En tout cas, suis bien mes conseils!"
(134a) "Il pensait que de toute façon il n'y arriverait pas." (134b) * Il pensait qu'en tout cas il n'y arriverait pas
(135a) "Il ne viendra pas parce que, de toute façon, il n'a pas de voiture." (135b) * Il ne viendra pas parce que, en tout cas, il n'a pas de voiture
( 136a) "Viendra-t-il ce soi r? - Oui, de toute façon." (136b) * Viendra-t-il ce soir? - Oui, en tout cas.
Les degrés d' acceptabil i té des énoncés contenant "de toute
façon" et "en tout cas" sont généralement très variables; ils ont été
établis par nous spontanément au niveau de l'énoncé et dépendent sans
doute en partie de notre idiolecte. Les différences sont en effet
difficilement saisissables lorsqu'elles ne sont pas situables dans un
cadre énonciatif précis. Ainsi, il apparalt que la présence de "en
tout cas" dans les énoncés interrogatifs, impératifs ou enchassés
(respectivement: (131b) (132b), (133b» "sonne faux"; pour les énoncés
( 134b) et ( 135b ) nous pou r r i ons nous demande r s i l a p résence de "en
tout cas" est à excl ure défi ni tivement. Nous remarquons qu' i l
suffirait de déplacer le connecteur et de le mettre en position
I I
I I I I I I I I I I I I I I I I I
470
d'adverbe de phrase pour que 1eur degré d'acceptabilité soit p1us
é1evé:
(134c) "En tout cas, il pensait qu'il n'y arriverait pas."
(135C) "En tout cas, il ne viendra pas parce qu'il n'a pas de voiture."
De meme, en ita1ien, il nous semb1e que certains des énoncés
proposés par C. Rossari et consi dérés comme inacceptab1 es pourrai ent
regagner leur cohésion si le connecteur "comunque" était dép1acé 145.
( 137a) * Mi piacerebbe andare a sciare domani le previsioni annunciano un tempo splendido
flEDEVIENT ACCEPTABLE EN:
(137b) "Mi piacerebbe andare a sciare domani. Le previsioni annunciano
un tempo splendido"
(138a) * Dovresti andare a vedere un le spese ti sono rimborsate dalla cassa malattia
REDEVIENT ACCEPTABLE EN:
(138b) "Dovresti andare a vedere un dottore. Le spese ti sono .QQ!!lYllqYJl rimborsate da77a cassa malattia"
• Ce que 1es contraintes syntaxiques 1imitant 1es emplois de
"en tout castI semb1ent démontrer, c'est que l'emp1oi de ce dernier
s'applique p1utot à des énoncés constatifs (appartenant p1us à la
sphère de l'Etre) qu'à des énoncés performatifs ou "per1ocutoires".
Dans 1 'opération de traduction, on peut a10rs considérer que
145_ ROSSARI C.: Les opérations de reformulation - Analyse du processus et des marques dans une perspective contrastive français-italien, op.cit., p.118.
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"comunque" est équival ent à "en tout cas" l orsque l e connecteur
italien est en position d'adverbe de phrase Cen position détachée à
gauche ou plus rarement à droite) et lorsque l'énoncé ne fait
apparaltre aucune "force illocutoi re". Ainsi:
(139) «O forse io vedevo i suoi djfetU e lei vedeva i miei, ma per una trasmutazione misteriosa prodotta dal senUmento d'amore, essi ci apparivano ad entrambi non soltanto perdonabili ma anche amabili, come se invece di difetU fossero stati qualità, seppure di un genere
non ci giudicavatRO: ci amavamo. » (A.Moravia, i l Disprezzo)
"Ou peut-etre que je voyais ses défauts et qu'elle voyait les miens, mais par une mutation mystérieuse que le sentiment de l'amour produisait, ceux-ci nous apparaissaient à tous les deux non seulement pardonnables mais aimablés, comme s'ils avaient été des Qualités au l i eu d'et re des défauts, encore que d'un genre part i cul i er. "';"n""JQY.!
nous ne nous jugions pas: nous nous aimions."
(140) «Era geloso? Non saprei. Lo sperai, J;Pl!lll[lgYfl: mi avrebbe fatto sentire, non so, importante.» (D. Tonon, Racconto di Carnevale)
"Etait-il jaloux? Je ne savais pas tropo Je l'espérais, cela m'aurait fait comprendre, je ne sais pas, que je comptais."
Il semblerait meme que "en tout cas", qui introduit un
prédicat relevant du certain ou de l'établi (ou du moins qui se donne
à lire comme tel), fasse cOlncider le moment de l'énonciation avec le
constat de "événement ou de l'état de choses auquel on renvoie: il y
aurait alors adéquation entre ces deux instants. 146 "En tout cas"
semble annoncer de la part de l'énonciateur une sorte de repli sur sa
propre énonciation. Il renvoie rétroactivement à l'énoncé antécédent
qui doit etre interprété comme une assertion non encore validée
caractérisée par une forme de suspens alors que l'énoncé conséquent
est pris en charge par l'énonciateur. Il recentre ainsi son
146_ Nous verrons que cette caractéristique définit également le connecteur "en fait".
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argumentation et canalise l'éventail des interprétations possibles en
présentant une assertion stabi l isée qui repose sur sa propre
expérience.
Lorsque "comunque" modifie un verbe ("verbe + comunque") dont
le sémantisme indique une activité et dont le procès privilégie
également une acception dynamique ou ouverte (par exemple un futur),
alors on préfèrera tradui re "comunque" par "de toute façon"; nous
pouvons ainsi opposer les deux énoncés représentatifs suivants:
(141) "J;Q/!JJ!I1.QYJ! non c'è (: è poco ma si cu ro) . "
(une chose est sOre:) il n'est pas là!"
(142) " C i andrò J2QIJ1YIJQMfl! " " J ' ira i
• Cependant, nous constatons que ces distinctions ne
permettent pas d'isoler de manière précise les valeurs respectives de
"en tout casIO et de "de toute façon". Sans contexte énonciatif précis,
la plupart des énoncés proposés (y compris ceux qui servent les études
consacrées à ces connecteurs), nous paraissent généralement peu
probants quant à la détermination de la valeur pragmatique de
" comunque" .
Pour déterminer de manière plus univoque cette dernière nous
prendrons en consi dération l es énoncés que nous avons proposés pl us
haut et qui nous ont permis de mettre en évidence l'une des valeurs de
"quand meme" (le concessif syntagmatique). Ainsi, si nous reprenons
ces énoncés (94), les deux segments peuvent etre intervertis sans que
ne soit observé de changement dans la signification globale de
l'énoncé, meme si, naturellement, cette permutation dépend en réalité
de la visée argumentative de l'énonciateur; ceci implique don c que le
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"sens" de l'énoncé, c'est-à-dire sa "direction" (ou son argumentation
intrinsèque selon la définition de Ducrot), soit différent. Nous avons
renversé le développement argumentatif pour dégager la valeur de
"comunque": ce développement se déploie ici selon un mouvement inversé
par rapport à celui que l 'on pouvait identifier pour "quand meme"
synonyme de "encore". Ainsi:
(94a' ) "Il a des problèmes d'accent mais il ne pas trop mal le français." "Ha dei prob7emi di accento. "çQIf1Y!1Qllll, i l francese non 70 parla cosi ma7e. "
(94b') "Ce n'est pas ce à qUOl Je m'attendais mais mieux." "Non è que 77 o che m i aspe t t avo. PQIJLYJ1QYll è meg l i o. "
(94c') "Ce n'est pas impossible mais c'est improbable." "Non è i mposs i b i l e . "çQ!!l"Il!1gJ1.11 è i mp robab i l e. "
(94d') "Ce tissu est gris mais il noir." "Questa stoffa è grigia.çQIf1Y!1QY"ll non è nera. "
(94e') "Il ne neige pas mais il pleut "Non nevica.pQIf1Y!1QY"ll piove. "
Ainsi, le mouvement argumentatif dans cette série d'énoncés
est de type scal ai re mai s sa nature est di fférente par rapport au
premier type (94a, 94b, 94c, 94d, 94e) qui s'inscrivait dans un
mouvement progressif augmentatif, alors que celui-ci (94a', 94b',
94C', 94d', 94e') s'i nsc r it dans un mouvement rét rocess if. Les deux
prédicats ou les deux expansions rhématiques sont ici dans un ordre
inversé et la graduation s'opère dans la direction contrai re. Notre
hypothèse est que, chaque fois que ce mouvement rétrocessif sera
identifiable, il sera possible de tradui re "comunque" par "en tout
cas" :
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(143a) " I l a des p rob l èmes d' accen il ne pa r l e pas t rop mal le français."
( 144a) "Ce tissu est il n'est pas noir."
( 145a) " Il ne nei ge pas i l p l eu t . "
Nous remarquons cependant que la direction de la relation
établie par "en tout cas" semble etre moins contraignante ou moins
univoque que celles ordinairement établies par "quand meme". Ainsi ce
mouvement rétrocessif n'est pas toujours objectivement perceptible, si
bien que "en tout cas" est aussi susceptible de s'intégrer dans une
structure inversée par rapport à la précédente:
( 143b) "Il ne parle pas trop mal le français.!;n"tQy"t"""ç1!§, il a des problèmes d'accent."
( 144b) "Ce t i ssu n ' est pas noi r . !;IL"tQ"lJt" J;?"1!§ , il est 9 r i s. "
( 145b) "Il p l eu t.!;I:t"JQ!,tt"ç"1!§ , il ne nei ge pas."
Si dans ces énoncés où les deux arguments peuvent etre
présentés sous deux ordres différents, la substitution de "quand meme"
par "en tout cas" est possible, c'est parce qu'aussi bien les premiers
que les seconds peuvent etre interprétés comme développant un
mouvement "rétrocessif": ce mouvement, en effet, ne s'applique pas
toujours à un axe objecti f (comme nous l' avions montré pour "quand
meme") mais il peut également s'appliquer au plan cognitif ou
énonciatif. Ainsi, dans "p en tout cas Q", P est considéré comme
incertain, indéterminé, ouvert et ce, meme pour des prédicats
objectifs tels que "il ne neige pas" ou "le tissu est gris".
L'énonciateur peut par exemple considérer ces derniers comme des états
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de chose temporaires: "il ne neige pas pour l'instant mais ... "; ou
soumis aux aléas du jeu énonciatif: "ce tissu est gris peut-etre, je
ne le Me pas mais ... ". Par ailleurs, nous observons que le changement
de perspective énonciative reflète en réal ité un changement de voix
énonciative car les deux segments reliés par "en tout cas" sont ici
difficilement coordonnables et pourraient appartenir à deux répliques
différentes, par exemple dans une structure d'échange. C'est pourquoi,
les énoncés que nous venons de proposer ci-dessus ne semblent pas etre
probants quant à la détermination de la valeur pragmatique de "en tout
cas". En effet, leur acceptabilité paraH "instable": cette
caractéristique détermine en fait, paradoxalement, la spécificité de
ce connecteur. Cette instabilité est due, nous semble-t-il, au fait
que la présence de "en tout cas" non seulement légitime un changement
de perspective mais justifie de plus une forme d'incohérence dans la
succession des arguments. En effet, la condition de "continuité portée
par des relations de pertinence auxquelles s'attend
l'interprétant ..J47, n'est pas satisfaite. "En tout cas" exercerait une
fonction cohésive dans un co-texte sinon incohérent du moins délié ou
décousu. C'est également ce qui explique, à notre avis,
l'indétermination de certains énoncés proposés par C.Rossari (137 et
138).
• En revanche dans les énoncés qui suivent, un seul ordre est
acceptable car le mouvement rétrocessif est plus lisible ou plus
apparent:
147_ Il s'agit de l'un des traits définitoire de la cohérence d'un énoncé avec la "finitude" ou l' "intégrité", proposés par HATAKEYAMA K., PETOFI J., SOZER E.: Texte, connexHé, cohésion, cohérence, op.cit.
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(146a) "Ce n'est pas ce à quoi je ... c'est mieux."
( 14Gb) * C'est mieux. En tout cas, ce n'est pas ce à quoi je m'attendais
( 147a) "Ce n'es t pas i mposs i b 1 e . .l;n ..... tQ.y.t .. c'es t i mp robab 1 e. "
( 147b) * C'est improbable. En tout cas, ce n'est pas impossible
Si les énoncés (94a) , (94b), (94C) , (94d) , (94e) présentaient
le second segment Q comme "potentiellement meilleur" (le mouvement est
augmentatif) par rapport au premier segment P, dans le cas des énoncés
(94a'), (94b'), (94c'), (94d'), (94e'), le second segment Q est
présenté comme un prédicat minimal par rapport à P, un "minimum
énonciati f" seul susceptibl ed' etre enti èrement pris en charge par
l'énonciateur. Ainsi, "en tout cas" est synonyme de "au moins" pour
les prédicats de type objectif ("il ne neige pas mais au moins il
pleut") et de "du moins", "pour le moins", "tout au moins" - ou "tout
au plus" selon la perspective énonciative - pour les prédicats de type
subjectif ("Ce n'est pas ce à quoi je m'attendais, du moins c'est
m i eux" ). De meme, en i t ali en , nous pouvons t rouve r dans ce type de
relation argumentative le connecteur "per lo meno" qui introduit la
partie irréductible du message, dont l'énonciateur se porte en quelque
sorte garant, alors que l'assertion présentée dans la première partie
de l'énoncé est rétroactivement considérée comme potentiellement
inexacte:
(148) «Oratorio a modo suo, cioè al modo de 71 'accusa, de 71 'invettiva, de77a requisitoria, Céline finisce per ascoltare la propria voce senza dare troppa importanza a quel lo che dice. O llJtL .. IQ ... !!ll111Jl senza rinunziare a dire cose che erano "più" ne77a sua voce che nel suo pensiero.» (A.Moravia, Diario Europeo)
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"Oratoire à sa manière, c'est-à-dire à la manière de l'accusation, de l'invective, du réquisitoire, Céline finit par écouter sa propre voix sans etre très attentif à ce qu'il dit. sans renoncer à dire des choses qui étaient "plus" dans sa voix que dans sa pensée."
"Per 70 meno" et "tout au moins" sont bien ici synonymes
respect i vement de " comunque" et de "en tout cas". Ces connecteu rs
réduisent la portée d'une énonciation antérieure jugée trop vague, en
la ciblant et en lui donnant des contours précis. "En tout cas" n'est
ni co-orienté, ni anti-orienté par rapport à l' argument qui précède,
il ne remet pas directement en cause l'énonciation précédente. "En
tout cas" n'est pas à proprement parler un connecteur anaphorique dans
la mesure où il opère une coupure énonciative par rapport à la partie
de l'énoncé qui précède. C'est la raison pour laquelle, pensons-nous,
le connecteur spécifiquement contre-argumentatif "mais" a tendance à
disparaltre, meme s'il reste acceptable dans ce type d'énoncé: "p mais
quand meme Q" aurait tendance à se transformer en: "P. En tout cas Q".
Cette discontinuité énonciative matérialisée par un point peut etre
attribuée à un changement de perspective énonciative sans remise en
cause, pui squ' il n' y a ni rejet ni refus; dans "P en tout cas Q", Q
suspend la relation de P à non-Q sans l'annuler.
Il existe au moins un type d'énoncé dans lequel seul "en tout
cas" est admis au détriment de "de toute façon"; nous appellerons
cette valeur, la valeur médiative. Le "en tout cas" médiatif est le
seul, à notre connaissance, à ne pas accepter la traduction par
" comunque" :
( 149) "Il y aurait eu plusieurs arrestations. C'est .... 1QY.l ... ce que révèle le Figaro de ce matin."
"Ci sarebbero stati a 7cuni arresti. I!Jl.r. ..... JQ . ..J!!..f!.t19 è quanto rivela il Figaro di stamattina. Il
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MAIS PAS: * Ci sarebbero stati alcuni arresti. Comunque è quanto rivela il Figaro di stamattina
Il est évident que, dans cet énoncé, "en tout cas" signale à
l'interprétant que le contenu de la première partie de l'énoncé doit
etre lu rétroactivement comme une citation que l'énonciateur ne prend
pas en charge. En obligeant à une réévaluation rétroactive de la
première assertion, "en tout cas" code un événement "dont la réalité
est présentée comme non confirmée".148 S'il est possible ici de
considérer la fonction de "en tout cas" comme anaphorique (meme si
nous préférons la qualifier de rétrospective) , c'est que l'énonciateur
donne l' impression de se raviser, de reveni r sur une affi rmation en
reprenant parfois les termes memes de celle-ci. Par ailleurs, "en tout
cas" semble rétablir, par contraste avec l'emploi par exemple d'un
conditionnel à la fois "médiatique" (ou "journal istique") et
"médiatif" (ou "évidentiel"), ce que l'on pourrait appeler un "solide
de référence". En effet, nous pourrions proposer la glose suivante de
l'énoncé (149):
( 149a) l Y a eu des arrestations (car je n' y étai s pas),
... en revanche c'est que c'est écrit (car je l'ai lu) dans le Figaro."
Mais ce qui paralt plus intéressant du point de vue de
l 'économi e du l angage, c'est que l' empl oi de "en tout cas" peut
dispenser d'une modalisation par un conditionnel, tout en plaçant
l'énoncé antérieur dans le registre du médiatisé énonciatif 149:
148_ GUENTCHEVA Z.: «Manifestations de la catégorie du médiatif dans les temps du français», art.cit., p.14.
149_ Z. Guentcheva (ibid.) opère une distinction entre le registre du médiatisé énonciatif, le médiatisé actualisable et le médiatisé non actualisé.
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(149b) plusieurs arrestations. .... lQ!:!Jçg§ ce que révèle le Figaro de ce matin."
"En tout cas" est le signal d'une rupture entre la situation
énonciative d'origine et la situation médiatisée, considérée comme un
"décrochage énonciatif". Ce connecteur assumerait meme une fonction
plus précise que le conditionnel épistémique, puisqu'il signale à
l'interprétant que l'expression de ce fait rapporté est un emprunt de
type citation et non plus simplement une information dont la source
est incertaine ou imprécisée.
• "De toute façon" est non seul ement synonyme de "de toute
manière" mais aussi de "quoi qu'il arrive", "quoi qu'il en soit" ainsi
que de "en tout temps et en tout l ieu", "où que ce soit" et meme "tot
ou tard". Ainsi, à la différence de "quand meme", connecteur
paradigmatisant, "de toute façon" n'introduit pas un argument anti-
orienté après réévaluation d'un jugement jugé après coup inapproprié
150 mais il introduit une réévaluation qui se donne à voir comme
applicable au-delà de toute contrainte et de toute objection qui
pourraient lui etre opposées. C'est pourquoi "p de toute façon Q"
indique que l'énonciateur a parcouru mentalement tout le champ des
empechements possibles et potentiels, un ensemble de virtualités (ou
un domaine notionnel), et qu'il déclare en faire abstraction. De là la
différence très sensible entre "je viens quand meme" ("vengo lo
stesso"), renvoyant à un seul élément inférable et facilement
accessible à l'interprétant, et "je viens de toute façon" ("vengo
comunque"), renvoyant à tous les éléments, y compris ceux auxquels
l'interprétant n'a pas accès directement (par exemple aux objections
150_ selon la définition proposée par ROULET E. ET AL.: L'articu7ation du discours en français contemporain, op.cit., p.174 et suiv.
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ou aux empéchements qui pourraient éventuellement lui étre opposés
dans l'aveni r). De fait, "de toute façon" présente l' avantage de
couper court à toute forme de conjectures ou de discussions. C'est en
ce sens qu'il revét à nos yeux, par rapport à "en tout cas", une
valeur "performative" dans la mesure où il relie plus facilement des
énoncés de type actif orientés vers l'Agir.
Dans les discours argumentatifs, nous avons remarqué que la
traduction de "comunque" par "de toute façon" pouvait étre motivée par
la prise en compte d'une séquence plus longue, justement parce que ce
connecteur apparaissait après une énumération plus ou moins bien
fournie d'arguments divers qui auraient pu invalider l'assertion
introduite par "comunque" et "de toute façon". Il n'est pas rare non
plus que l'énoncé rhématique introduit ou modal isé par ces derniers
soit précédé d'un énoncé thématique appartenant, selon les catégories
répertoriées par R. Martin, aux concessives extensionnelles: 151
(150) «P}!:!QQLf4 .. Q ... l1Q{].JLI.f4Q.QLf#, èQQ!!!J!llqYJt evjdente che "Manjacj sent jmenta l i" propdo per le sue caratteristiche di fHm autogestHo [ ... ] ha uno slancio parUcolare giustamente recepHo dal pubblico.» (L'espresso, 15-7-94)
..... .. .. Q!:!.JJQI! , i l es .. év i den t q ue • Man i ac i senUmentali' justement grace à ses caractéristiques de film autogéré [ ... ] a un élan particulier apprécié à sa juste valeur par le public."
(151) «.ç!1t;tQQ!1g ci dserbi i 1 futuro, .QQIJ!JJl1qY.fit, noi stiamo già cambiando le regole che ci hanno plasmato.» (Le scienze, dic.94)
1 'aveni r nous rése rve, g .. .. .. nous sommes dé j à en train de changer les règles qui nous ont formés."
Ainsi, "de toute façon" transcende la force d'une éventuelle
contre-argumentation et l'énonciateur situe la portée de son
argumentation au-delà de ce qu'il considère comme des contingences.
151_ MARTIN R.: Langage et croyance, op.cit., p.86.
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• Pour déterminer de manière encore plus précise les
différences entre "en tous cas" et "de toute façon", nous allons
partir de la distinction entre deux énoncés qui pour nous sont
prototypiques des emplois de l'un et de l'autre:
(152) A- "Il faut que je m'en aille, il est tard." B- "Tu pourrais rester: il n'est pas minuit je te raccompagne."
(153)
encore!"
Si nous observons la structure syntaxique de ces énoncés, "de
toute façon" est introduit par la coordination "et", "en tous cas",
quant à lui, est introduit par une autre coordination "ou" et, ce qui
est significatif, elles ne sont pas interchangeables:
(152' ) [ ... ] * Tu pourrai s restar: il n'est pas mi nuit je te raccompagne
(153' ) [ ... ] * Mai s Jean-Pi erre n'est pas médeci pas encore
Ces coordinations ne sont pas obligatoires mais la tentation
est forte de les considérer comme implicitement présentes et
étroitement associées respectivement à l'un et l'autre de ces
connecteurs. "(Et) de toute façon" renchérit à la manière d'un "meme"
sur l'énoncé précédent alors que "(ou) en tout cas" semble etre un
connecteur de mOdification, corrigeant une énonciation précédente,
l'ajustant au plus près, précisant les contours d'une définition: il
se rapprocherait de la valeur pragmatique méta-énonciative ou
corrective de "plutot". La différence entre le premier et le second
semble provenir du fait que l'un C'de toute façon") imputable à une
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seule vOix, est à l'origine d'un meme acte énonciatif qu'il modifie:
il invoque presque par la force, à la manière d'un "puisque" ou d'un
"forcément", un argument "par autorité"; alors que l'autre ("en tout
casIO), plus dialogique, introduit un acte énonciatif différent qui
annule le précédent sans l'exclure: cette mise en suspens ne
consti tue, comme nous l' avons di t, ni un refus ni un rejet. Cette
distinction transparait dans la position meme qu'ils sont suceptibles
d'adopter: "en tout casIO en position d'adverbe de phrase, assume la
fonction d'un adverbe d'énonciation, "de toute façon" peut etre
postposé ou intégré au procès verbal et il assume les fonctions d'un
modalisateur assertif.
Leur propriété distributionnelle semble favoriser pour "de
toute façon" une lecture "projective" alors que "en tout casIO semble
plutòt favoriser une lecture rétrospective. En effet, l'énoncé
introduit par "et" dénote un supplément d'information alors que celui
annoncé par "ou" est à considérer comme un décrochage alternatif, "la
seconde énonciation présentant la possibilité d'une explication
concurrentiell e de 1 a première ( "alternative"). ,,152 Ainsi, la simpl e
présence des coordonnants "e" (= "et") et "o" (= "ou") conditionne de
man i ère un i voque l a t raduct i on: " e comunque" et " o comunque"
correspondront donc respectivement à "et, de toute façon" et "ou, en
tout cas":
( 154) «L'istinto materno non esiste,Q ..... ç.Q!!!J!l1.QYJ! non è da dare per scontato, e meno che mai va considerato un dovere.» (La Repubblica 1-7-94)
152_ Nous pensons en effet que cette remarque de Cornulier à propos de l'énoncé: "Pierre doit etre malade. Ou peut-etre qu'il s'est encore saoulé", convient parfaitement à l'analyse de "(ou) en tout cas"; cf. CORNULIER B.: Effets de sens, op.cit., p.155.
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"L'instinct maternel n'existe on ne doit pas le cons i dé re r comme quel que chose d' escompté, et eneo re mo i ns comme un devoir."
( 155) «Però, a essere sinceri, una cosa del genere, qualcosa di molto simile, l'avevo pensata sin dall'inizio.» (radio)
"Mais, pour étre frane, j'avais bien pensé à quelque chose de ce genre dès l e débu t à quel que chose de t rès semb l ab l e. "
( 156) «La sola maniera per Pau l Nizan di rispondere al le accuse era di scrivere dei l ibri straordinari. Purtroppo è morto prima di aver l i
è da dubitarsi che se fosse rimasto vivo li avrebbe scritti.» (A.Moravia, Diario Europeo)
"La seule façon pour Paul Nizan de répondre à ces accusations, c'était d'écrire des livres extraordinaires. Mal heureusement , il est mort avant de l es avoi r il n'est pas certai n que, s'il avait vécu plus longtemps, il les aurait écrits."
• S'il Y a différence entre "de toute façon" et "en tout
cas" , elle se situe au niveau de l'investissement subjectif de
l'énonciateur l ui-méme. "De toute façon" impose arbitrai rement une
vérité absolue, universelle et omnitemporelle (tel que l'on peut
interpréter la vérité des faits associée à "quoi qu'il en soit" , "quoi
qu'il arrive", etc.), alors qu'en utilisant "en tout cas" , surtout si
celui-ci accompagne un verbe épistémique, l'énonciateur désinvestit le
champ du réel, se désengage d'une forme de responsabilité vis-à-vis de
celui-ci: il se retranche sur une position plus défendable, celle de
sa propre subjectivité sur laquelle il recentre son di re. Nous
retrouvons ici un couple énonciatif dont les différences peuvent étre
analysées à partir de certaines caractéristiques repérables au niveau
textuel: hors système i nteractif, i l serait préférabl e de tradui re
"comunque" par "de toute façon", alors qu'à l' intérieur du système
interactif, "en tout cas" serait plus adapté, pUisque l'énonciateur
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s'octroie en quelque sorte le statut de sujet énonçant donc
d'interlocuteur potentiel. En effet, dire "en tout cas, je pense
que ... ", c'est inscri re son discours dans un espace dialogique, alors
que l' énoncé "de toute façon, je pense que ... ", est déjà en rupture
par rapport à ce système. L. Danon-Boileau relève que le "ou" exclusif
se situe à l'intérieur du système interactif, ce qui corrobore notre
hypothèse. 153
Ainsi, comme nous l'avions fait pour d'autres connecteurs
(par exemple "car" et "parce que"), nous pourrions situer "en tout
cas" et "de toute façon" sur l' axe épistémique en constatant que, du
premier vers le second, nous allons d'un maximum d'ouverture vers un
maximum de fermeture. "En tout cas" tendrait à accompagner les
modalités épistémiques alors que "de toute façon" s'accorde volontiers
avec les modalités déontiques:
(157) «lo non volevo farlo. E' stato un errore. Il fatto poi di essere el iminata non fa certo piacere. non capisco davvero tutto questo stupore.» (La Stampa, 30-4-93)
"Moi je ne voulais pas le fai re. ça a été une erreur. Et puis le fait d'etre éliminée, ça ne fait certainement pas plaisir.
je ne comprends vraiment pas tout cet étonnement."
(158) «E' una donna di grande anche monsignor E.T., Repubblica, 9-6-94)
ne è convinto amico e confidente spirituale [ ... ].» (La
"e' est une femme d'une grande foi __ __ Mgr E.T. aussi, ami et confident spirituel, en est convaincu ... "
( 159) «Le diverse corporature sono come le cilindrate de77e macchine. Ciò che si mangia è il carburante. I ritmi di vita sono i giri .çQmldllgYll, dopo un certo numero di chi lometri, tuttiqll_'!.QIlQ_" ___ f{![Jt i l tagl iando.» (Panorama, 23-12-94)
153_ DANON-BOILEAU L.: Le Sujet de l'énonciation: psychanalyse et linguistique, op.cit., p.39.
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"Les différentes constitutions physiques sont comme les cylindrées des voitures. Ce qu'on mange, c'est le carburant. Les rythmes de vie, ce sont les après un certain nombre de kilomètres,
une révision. Il
Les traductions que nous avons proposées de "comunque" par
"de toute façon" et par "en tout cas" ne sont généralement pas
exclusives: en effet, au-delà des contraintes de type syntaxique, les
valeurs sémantiques des mots avoisinants n'empechent généralement pas
l'emploi de l'un ou de l'autre qui dépend presque toujours du choix
sUbjectif, en dernier ressort, de l'énonciateur.
Tout au long de cette analyse consacrée à "quand meme", à
"tout de melne" et à ses équivalents italiens, nous avons constaté la
variété et la comp1exité surprenantes des facettes d'emp10is
pragmatiques qu'offre ce connecteur. Il nous a semb1é que, dans la
contre-argumentation, il occupai t une fonction à bien des égards
comparab1e à celle de "bien" dans l'assertion affirmative; ils sont
tous deux po1yva1ents, à la fois marqueurs aspectuels et moda1isateurs
assertifs, tantot renforçant l'acte énonciatif, tantot l'atténuant.
"Quand meme" (avec sa variante "tout de meme") semble etre un
"régu1ateur de tension dialogique" rétablissant une continuité
discursive toujours en équi1ibre instable, et ce, aussi bien dans
l 'énoncé d i al oga l que dans l' énoncé mono l og i que . Comme "b i en", son
utilisation dépend du "jeu mimétique"154 entre interlocuteurs,
autrement appe1é par nous mouvement "empathique". Le cas de "tout de
154_ Selon l'expression de D. ANDRE-LAROCHE BOUVY: Introduction à 7'ana7yse sémio-7inguistique de 7a conversation, op.cit., 1984.
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486
melne" et de "mica" nous parait particulièrement intéressant pour le
ròle qu'ils jouent dans la construction de la relation
interpersonnelle car il est parfois difficile de déterminer si ce sont
des réducteurs d'''agòn'' ou au contraire s'ils constituent un
signal de rupture de coopération, entendue comme aménagement d'un
espace dialogique.
11_ Il INVECE" ET SES EQUIVALENTS FRANçAIS
"Invece" est un connecteur oppositif ou contre-argumentatif
d'insistance. Sa force argumentative est supérieure à celle d'un "ma"
ou d'un "però". Son ròle argumentatif consiste à appuyer un
contrepoint discursif ou à accompagner une contrastivation entre un
arrière-plan et un premier plan discursif; il est relativement
fréquent en italien mais il n'est pas rare que l 'on néglige de le
traduire en français si, dans cette langue, l'opposition ou la
contradiction est jugée peu pertinente ou bien si elle est clairement
exprimée par la relation entre deux arguments donnés: l'emploi de
"invece" semble alors pléonastique. Ainsi, on tradui ra "invece" par
"au contrai re" pour relier deux prédicats dont les sémantismes sont
nettement antithétiques, mais on préfèrera pour traduire un connecteur
reliant deux mouvements discursifs contradictoires avoir recours à
d'autres marqueurs d'opposition qui ne soient pas "antonymiques" tels
que: "en fait", "en revanche" ou "par contre" que nous avons déjà
analysés plus haut, ainsi que "or" (ou, accessoirement "au lteu de
cela"). Les contraintes qui vont régler la traduction de "invece" au
niveau de l'énoncé sont donc généralement d'ordre sémantique, étant
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487
entendu que les contraintes syntagmatiques (essentiellement celles qui
relèvent de la négation) sont étroitement liées à cette analyse
sémantique. La traduction de "invece" par "en revanche" ou "par
contre" (sur lesquels nous ne reviendrons pas en détail ici) dépend
également, nous l'avons vu, de contraintes syntaxiques et sémantiques.
Les emplois de "en fait" et de "or" semblent, quant à eux, beaucoup
plus influencés par la nature des unités macro-sémantiques qu'ils
relient.
La première traduction possible de "invece", dans cet emploi
synonyme de "anzi" ou de "a 7 contrario" (ce dernier étant rel ativement
rare en italien), est le connecteur antonymique "au contraire". La
base sémantique du connecteur "au contrai re" influe de manière non
nég l i geab l e su r l es énoncés qu' il est suscept i b 1 e de connecte r . La
notion de "contrai re", en effet, indique une altérité radicale
construite de manière primitive, autour d'un couple sémique
indissociablement lié, donc situé sur un meme axe sémantique. On
considère généralement deux termes contraires si la négation de l'un
implique l'affirmation de l'autre. 155
Au niveau de l'énoncé, et abstraction faite don c de tout
contexte énonciatif, cette bi-polarité est marquée dans la structure
syntaxique meme: l'énonciateur instaure une opposition entre un énoncé
négatif qui porte la trace de l'argument réfuté attribuable à un co-
énonciateur, et un second énoncé qui, en principe, doit etre reconnu
155_ COURTES J.: Analyse sémiotique du discours - De 7 'énoncé à 7'énonciation, op.cit., p.153; Nous reprenons les termes de la définition de A.J.Greimas.
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488
comme antonymique. C'est pourquoi "au contrai re" relie assez
naturellement un énoncé négatif polémique (éventuellement introduit
par "mais": "mais il n'est pas riche ... ") à un contre-argument
introduit par "au contraire" (" ... au contraire il est pauvre"). Cette
opposition syntaxique se double ; ci d'une "bi-polarisation"
sémantique. la reconnaissance peut s'opérer en effet au niveau
microsémantique où deux termes sont opposés de manière "primitive" ou
"binai re" (généralement l 'opposition est perçue comme "allant de
soi"): "riche" / "pauvre", "bete"/ "intelligent", "petit" / "grand",
etc. (de meme en ital ien: "rjcco" / "povero" , "stupjdo" /
"jnteTUgente", "pjccoTo" / "aTto", etc.). Généralement, nous avons
affaire au schéma syntactico-sémantique suivant: "ENONCE NEGATlF AU
CONTRA/RE ENONCE POS/TlF'. On tradui ra, dans cette fonction, "au contrai re"
par "jnvece" ou par "anzj" dont on remaquera qu' il s n' adoptent pas l es
memes positions. Cette différence semble indiquer que la fonction
pragmatique et les roles argumentatifs de "anzj" et de "jnvece" ne se
recouvrent pas. Ainsi:
(160) "Il n'est pas riche, il est pauvre!" "Non è dcco,{![!?l è povero! /I / "Non è rjcco, è poverOinl{@J1Jt!"
la partie antécédente de l'énoncé Non-A est une assertion
négative pOlémique appartenant à une autre voix énonciative qui garde
la trace d'une assertion antérieure A ou encore d'une question
rhétorique antérieure présupposée: "il est riche (n'est-ce pas?)" et
en i tal ien "è rjcco (vero?)".
Très souvent, "au contrai re" semble s'appliquer à la partie
rhématique ou prédicative des deux segments qu'il relie et non pas à
la partie thématique ou au sujet de ces deux segments. On dira plus
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489
naturellement: "Jean n'est pas riche. Sa femme au contraire est
milliardaire" que: * "Ce n'est pas Jean qui est riche. Au contraire
c'est sa femme" .156 Lorsque 1 a différence porte sur 1 e thème de
l'énoncé, on préfèrera en principe traduire "invece" par "en revanche"
ou "par contre" (comme nous l'avons démontré plus haut): "Jean n'est
pas riche; sa femme l'est en revanche / par contre."
De meme:
(161) «Non ci importa notare l'inarticolato e casuale razzismo francese, che ha lontane origini storiche e socia 1 i: que 770 che ci preme, è distinguere e precisare i due aspetti del razzismo, l'uno individuale e psicologico, l'altro co77ettivo e continentale.» (A.Moravia, Diario Europeo)
"Le racisme français désordonné et occasionne1, qui a de 10intaines origines historiques et sociales, nous importe peu: ce qui nous tient à c'est de distinguer et de préciser 1es deux aspects de ce racisme, l'un individue1 et psychologique, l'autre co1lectif et continenta1."
ET NON PAS: * ... ce qui nous tient à coeur au contraire ....
Comme il a été dit dans les différentes analyses consacrées à
"au contrai re", ce morphème est un "opérateur d'antonymie" dont la
caractéristique principale est de relier deux prédicats, ou deux
arguments que l'énonciateur situe l'un aux antipodes de l'autre. 157
L' énonci ateur opère donc ainsi une sorte de "bi-po1 ari sation"
argumentative; du point de vue de 1 'opération cognitive, il situe un
argument réfutatif dans une zone extreme diamétra1ement opposée à
156_ Ou encore: * "Jean n'est pas riche; sa femme au contraire est mi 11 iardai re".
157_ C'est également ce qui ressort des ana1yses menées par N. Danjou-f1aux sur le type de relation instaurée par "au contrai re"; in DANJOU-FLAUX N.: «"Au contrai re", connecteur adversatif» in Cahiers de Linguistique française 5, 1983, pp.279-303. DANJOU-FLAUX N.: «Propositions pour une définition de "au contrai re". Réf1 exi on sur un opérateur d' antonymie di scursive» i n Modèles linguistiques 1-2, 1979, pp.61-98.
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490
l'argument réfuté, d'oD la possible substitution de "au contraire" par
"loin de là": ce dernier correspondrait en italien à "tutt'altro" -
l ittéralement "tout autre chose" - qui indique bien cette altérité
radicale.
• Cependant, meme au niveau lexical ou microsémantique, "au
contrai re" est susceptible de relier une grande variété de relations
au sein d'un taxème ou d'une classe sémantique donnée. "On ne peut
ériger l ' antonymi e en règle", nous suggère F.Rastier 158 et "au
contrai re" s' appl ique aussi bien à des oppositions entre contrai res
("màle" / "femelle") ou entre contradictoi res ("possible" /
"impossible"), qu'à des implications ("démobilisé" / "mobilisé") ou à
des complémentai res ("mari" / "femme"; "théorie" / "pratique"; "faim"
/ "soif"; "vendre" / "acheter") 159. "Au contrai re" et "invece" ont
pour fonction de rel ier ces oppositions l orsqu' ell es sont i ntégrées
respectivement dans deux opérations prédicatives différentes:
(162) «In altri termini, poiché il nero è, diciamo cosi, il colore de 77 'assenza, il mondo era invisibile. Con la luce diventò "tllXll"Qfl visibi le. Che cosa diventò visibi le con la luce? Diventarono visibi l i i colori Insomma, diventarono visibili gli oggetti.» (A. Moravia, Diario Europeo)
"En d'autres termes, puisque le noir est, disons, la couleur de l'absence, le monde était invisible. Avec la lumière il devint1!Y
visible. Qu'est-ce qui devint visible avec la lumière? Les cou l eu r s de v i n r e n t v i s i b l es , a i ns i q ue ,
Bref, ce sont les objets qui devinrent visibles."
158_ Nous reprenons ici les termes de F.Rastier in RASTIER F., CAVAllA M., ABEILLE A.: Sémantique pour 7 'analyse - De la l inguistique à l'informatique, op.cit., p.65.
159_ Le classement de cette typologie quaternaire des termes de perception catégorielle (relatifs, contraires, privatifs, contradictoires) remonte à Aristote.
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491
"Invece" entérine ici une relation entre deux termes
cont radictoi res "invisibile" (" i nvisi bl e") et "visibile" ("visi bl e")
mais également plus largement au niveau argumentatif deux termes
complémentaires "la luce" ("lalumière") et " l'ombra" ("l'ombre"),
explicitement indiqués par l'énonciateur comme "contraires".
Si la notion de "contrai re" est susceptible d'associer des
termes antonymiques, elle s'applique aussi à l'inversion de deux
relations comme dans l'énoncé dialogal suivant où "au contrai re"
(correspondant toujours à "invece") entérine un renversement
argumentatif ou un changement de direction argumentative. Dans ce cas,
il est substituable par "justement" ( et parallèlement en italien:
" appunto" ) :
(163) A -"ça n'est pas important." B -" ça l' "» / "ça 1 ' est / "Mais §j
! "
A -" Non è importante." 8 -"Lo è "» / /
Comme "invece" et "au contraire", "justement" peut prendre le
contre-pied de l'argumentation précédente, non pas en y opposant un
contre-argument mais en tirant une conclusion diamétralement inverse à
partir de prémisses identiques.
La substitution de "au contrai re" par "justement" (et
parallèlement en italien de "invece" par "appunto") est facilitée par
le fait que le connecteur introduit exactement les memes termes de
l'argument réfuté tout en en modifiant la direction argumentative:
nous avions souligné que cette caractéristique pouvait classer
"justement" dans la catégorie des méta-énonciatifs:
(164)
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492
«Mais nous devons cesser de lier indissolublement jacobinisme et lafcité. Il faut, .r!Id ....... (;.Qf1J[l!L[fl, Tier l'abandon du jacobinisme à la régénération du lai"cisme.» (Le Monde, 5-7-91) ( l ... Il faut, .J.y§ . .t§ID.§!1.L lier l'abandon du jacobinisme à la régénération du lalcisme)
"Ma dobbiamo smettere di legare laicità. Bisogna, invece, legare rigenerazione del laicismo." ( I... Bisogna, appunto, legare rigenerazione del laicismo)
indissolubilmente giacobinismo e l'abbandono del giacobinismo alla
l'abbandono del giacobinismo alla
I Si nous essayons d'analyser la structure syntagmatique de ces
énoncés, "au contraire" s'intègre dans une relation oppositive où le
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premier argument sous la forme d'une assertion négative Non-A 160 est
déjà en opposition contradictoire avec un énoncé présupposé A.
L'assertion Non-A garde la trace de l'argument réfuté A (assertion ou
question rhétorique). Non-A est relié par l'intermédiaire de "au
contra; re" à une notion sémantique B non pas contrai re, comme on
aurait pu s'y attendre, mais identique ou synonyme (B = Non-A). "Au
contrai re" relie ainsi à la fois implicitement deux notions
contradictoires A et Non-A (l'argument présupposé A est l'objet de la
réfutation Non-A) et deux notions contraires Non-A et B (la réfutation
de l'argument A, la proposition Non-A a exactement le meme sens et la
meme référence que B):
(165) A = ARGUIIENT PRESUPPOSE OBJET DE LA REFUTATlDN -Il est riche. (Il est riche, non?)
NON-A (= ARGUIIENT REFUTE) [AU CONTRA/RE] B (= NON-A) -Non, il n'est pas riche, au contraire il est pauvre
"Au contrai re" n'instaure donc pas directement une relation
d'opposition entre les deux segments de l'énoncé mais une relation
d'implication. En effet, "il n'est pas riche" n'est pas en
160_ Non-A prend généralement la forme d'une négation syntaxique mais il peut également s'agir, au niveau textuel, d'une opposition argumentative (comme dans (164».
I I
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493
contradiction avec "il est pauvre" mais bien en contradiction avec "il
est riche". Ce premier segment est en re1ation d'imp1ication avec le
second; "au contrai re" entérine une re1ation ici équiva1ente à celle
de "donc" ou à celle de "puisque": "il n'est pas riche puisqu'i1 est
pauvre!", "il n'est pas riche, donc il est pauvre". De là éga1ement la
possibilité de substituer "au contraire" par "meme" et parfois de 1es
combiner: "au contrai re meme" correspond à "anzj" ou, plus rarement à
"anzi, al contrario". 'I\u contraire" et "anzi" assument une fonction
de "re1ateurs po1yva1ents"; ils entretiennent à la fois un rapport
d'opposition avec le segment de l'énoncé précédent qu'i1s rejettent et
un dépassement de ce rejet par un renchérissement, dans la progression
argumentative. Dans 1es énoncés (166) et (167) la co-présence des deux
connecteurs "au contrai re" et "meme" et, pour l'ita1ien, de "al
contrario" et "anzi" fai t exp1 icitement référence à ces deux fonctions
argumentatives. Contrairement au français cependant, cette co-présence
en ita1ien n'est pas indispensab1e à l'expression de la doub1e
re1 ation d' opposition et de renchérissement et semb1 e p1 éonastique:
dans (167) "anzi" seu1 aurait suffi pour rendre cette doub1e fonction:
( 166) «Meme si ces reves paraissent plausibles, ce n'est certainement pas en laissant des millions d'Américains se traiter inconsidérément avec une drogue douteuse que 1 'on fera avancer le schmi1blick de la mélatonine. Ay. ... ..... car "un jour ou l'autre il Y aura un pépin", avertit P.P.» (N. Obs., 9-11-95)
"Anche se questi sogni sembrano plausibili, non sarà lasciando milioni di americani curarsi sfrenatamente con una droga inaffidabile che si risolverà il mistero della melatonina. Anzi, al contrario, anche perché "prima o poi ci sarà qualche grana", avverte P.P."
(167) «11 moralismo non djfende da77a violenza,f!,l1:?L •......... f!,.I ...... çQ[1..tr.f!,.rIg, esponendo la ragazza a 77a riprovazione e al disprezzo genera 1 i, la favorisce.» (A.Moravia, Diario Europeo)
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494
"Le moralisme ne protège pas de la en exposant la jeune fille à la réprobation et au mépris général, il la favori se. "
Ainsi, si nous prenons le carré sémiotique proposé par
Greimas 161 , nous pouvons placer "au contrai re" sur J'axe des
complémentaires:
SI S2 , riche' <- RELATION DE CONTRARIETE -> 'pauvre'
RELA TlON DE T CONTRAD ICTO I RE ::;: RELA TlON DE , COMPLEMENTAR I.TE ,
, non-pauvre' NON-S2
I I COMPLEMENTAR I TE I I \j
<- SUBCONTRAIRES -> 'non-riche' NON-Sl
Nous voyons ainsi que "au contrai re" peut etre identifié dans
la relation établ ie de Non-S2 à S1 et de Non-S1 à S2. "Au contrai re"
garde la trace de l'argument implicite auquel il s'oppose. Dans ce cas
particulier, nous pouvons confirmer l'analyse de Ducrot pour qui les
connecteurs orientent intrinsèquement l'argumentation grace à leur
sui-référentialité.
Le type de relation que nous venons d'élucider explique le
fait que les deux arguments reliés s'inscrivent l'un et l'autre dans
un meme mouvement argumentatif et que, contrai rement à ce que l 'on
aurait pu déduire du sémantisme de la lexie "au contrai re" , ces deux
arguments ne sont pas anti-orientés mais bien co-orientés. S'il y a
contre-argumentation, c'est par rapport à un énoncé antérieur souvent
présupposé ou, en tout cas, attribuable à un co-énonciateur.
16L COURTES J.: Analyse sémiotique du discours - De l'énoncé à l'énonciation, op.cit., p.152.
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495
• Le processus argumentatif entralnant l'emploi de "au
contrai re" peut se définir comme un processus cognitif au cours duque1
l'énonciateur appréhende, en 1es choisissant, certaines données; il
opère une dissociation entre deux termes ou deux mouvements qu'i1 pose
comme étant antagonistes et dont la co-présence est, se10n son point
de vue subjectif, impossib1e. C'est pourquoi, "au contraire" et
"invece" s'intègrent vo1ontiers dans des structures corré1atives du
type: "ou A ou au contrai re 8" ("o A o invece 8"), "si A, si au
contraire 8" ("se A, se invece 8") qui re1ient deux prédicats
incompatib1es entre eux. L'opération de rejet au moyen de la négation
n'est a10rs p1us ob1igatoire:
(168) «$g mi avesse detto di fare la sceneggiatura, questo significava che mi disprezzava ormai al punto di considerare che i l mio lavoro poteva continuare, nonostante la risposta, "il1l!JlJlJl, era negativa, questo voleva dire che conservava ancora qualche rispetto per me, e non voleva che io lavorassi a77a dipendenza del suo amante.» (A.Moravia, Il disprezzo)
SJ. elle m'avait dit de fai re la mise en scène, ceci signifiait qu'elle me méprisait désormais au point de considérer que mon travai1 pouvait continuer, ma1gré tout; §j la réponse, était négative, cela vou1ait dire qu'e11e gardait encore pour moi un certain respect, et qu'e11e ne vou1ait pas que je travai11e sous la dépendance de son amant.
"1"",1, ..
Nous avons pu remarquer dans 1es traductions proposées de
1 'opérateur d'antonymie "au contrai re" que l'ita1ien dispose d'un
connecteur po1yva1ent "anzi" qui est susceptib1e d'entériner aussi
bien une re1ation de progression dans la force argumentative (comme
"meme") qu'une relation d'opposition radicale (comme "au contrai re").
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496
"Anzi" ne possède pas cependant une base sémantique clai re à la
différence de "contraire".
Du point de vue syntaxique, dans la première de ces
fonctions, comme "au contrai re" , "anzi" relie un argument réfuté Non-A
à un argument complémentaire B. Notons incidemment que, comme le
relevait G.Antoine dans son étude diachronique, l'ancien français
disposait d'un connecteur "ainz" (ou "ainçois"), fortement concurrencé
par "mai s" qui était presque "excl usivement employé [ ... ] derri ère
proposition négative [ ... ]: il reliait des membres qui étaient en
opposition tranchée, si bien qu'on pourrait souvent le traduire par
'mais au contrai re'" .162 Comme son homologue en ancien français, le
connecteur ital ien "anzi" fait converger la valeur pragmatique de
renchérissement (relative à la force illocutoire qui se traduit par
"meme" ou "je dirais meme") et la valeur sémantique de contrariété
(qui se traduit par "au contrai re"). Ainsi:
(169) "Ma questo convegno non consiste s070 in dibattiti e riunioni .. c'è m07ta mondanità. " (radio)
"Mais ce congrès ne consiste pas seulement en débats et en réunions. qu'), i l y a beaucoup de mondani tés ...
Aujourd'hui, en français, cette "opposition tranchée" est
annoncée par "au contrai re" , et "explicitation de cette opposition
n'est pas nécessaire à l'interprétation de l'énoncé: c'est pourquoi.
étant donné leur sui-référential ité grace à laquelle 1 'expl icitation
de la seconde partie de l'énoncé n'est pas nécessai re, "au contrai re"
et "anzi" sont souvent utilisés en emploi absolu. Complémentairement,
nous pouvons remarquer que "au contrai re" et "anzi" ont souvent un
usage pléonastique lorsque le deuxième segment de l'énoncé est
162_ ANTOINE G.: La coordination en français, op.cit., p.1122.
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497
exp l i c ite. En conséquence, l' emp l oi abso l u de ces deux connecteu rs
laisse inférer univoquement à l'interprétant la suite de l'énoncé:
(170) «Non è sta to un i mpa t to f ae il e. (pano r ama, 26-3-91) "L'impact n'a pas été
(171) «A-t-elle suffisamment averti et protégé son eollaborateur le plus exposé aux so11ieitations?/3Y."J;'Ql1tr{!,.irfl.» (E.D.J., 28-3-91)
"Lei ha avvertito e protetto abbastanza il suo co 11 aboratore pi Ù esposto alle sollecitazioni? An"f.J .. Il
"Anzi" et "au contraire" peuvent tous deux etre utilisés en
emploi absolu; pour traduire la valeur renchérissante associée au
connecteur italien, et qui en fait un "adverbial illocutoire" portant
sur l'acte d'énonciation lUi-meme, le français peut avoir recours à
une forme plus explicite: "je dirais meme au contraire!". Cette
traduction serait donc plus précise que le simple "au contraire" qui
ne fait qu'indiquer référentiellement un pele antithétique.
"Anzi" est donc un connecteur bivalent (ou comme nous l' avons
dit un "relateur polyvalent") dont la spécificité est d'instaurer une
dynamique dialectique dans le développement argumentatif. En effet, il
est apte à connecter deux types de relations argumentatives
apparemment incompatibles: le renchérissement et la réfutation. Cette
ambigu'ité de principe fait que la valeur de "anzi", en emploi absolu,
dans l a réponse à une quest i on pou r ra it, en l' absence de contexte
énonciatif précis, ne pas etre immédiatement interprétable s'il n'est
pas suivi de l'énoncé explicite:
(172) A- Il E' be11o?" B- "/311?.i! /I
PEUT ETRE INTERPRETE COlINE: 1) - NQJ"""."{!'ll.?'} è brutto! Il => Non è bello, anzi è brutto!
I I
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498
ou: 2 ) è be 11 i ss i ma! " => E' bello, anzi bellissimo!
A la question du locuteur A: "E' bello?" (= "Il est beau?"),
le locuteur B répond "anzi/", interprétable selon l' intention de
celui-ci comme: 1) "(Non), au contrai re, il est laid!" / "Non, il est
meme laid!"; ou également: 2) "(Qui), il est meme très beau!" / "Il
est beau, (je dirais) meme très beau!". Cette polyvalence des valeurs
pragmatiques peut entrainer des malentendus quant à la direction
argumentative qu'entend adopter l'énonciateur.
• Bien qu'assumant la position de connecteur, "anzi" semble
recouvrir la fonction d'un adverbial portant sur l'acte illocutoire
qu'il intensifie: il accompagne en effet volontiers un verbe du dire
ou, plus l argement , un verbe de communication. Dans le discours
rapporté, il s'inscrit alors dans un mouvement de progression de force
argumentative. A la différence de "au contrai re" , "anzi" peut etre
classé comme un marqueur de force illocutoire. Ainsi:
( 173) «Non dico questo per unirmi al coro di coloro che si scandalizzano perché la stampa straniera guarda con preoccupazione la nuova pOlitica i t a 1 i ana. che ques t i mon i t i siano ut i 1 i e dove ros i , e ringrazio l'Europa di esistere. » (Panorama, 27-5-94)
"Je ne dis pas cela pour m'unir au choeur de ceux qui se scandalisent parce que la presse étrangère regarde ave c inquiétude la nouvelle po l i t i que i tal i enne que ces reproches sont utiles et nécessaires, et je remercie l'Europe d'exister."
(174) «17 fenomeno mi pare fisiologico. Al1?i,""" JtLt:fl! che questo tentativo di delegittimazione c'è sempre stato, salvo che prima nessuno ci faceva caso.» (Panorama, 27-5-94)
"Ce phénomène me semb l e phys i o l og i que __ U!;l __ que cette tentative de délégitimation a toujours existé, sauf
qu'auparavant personne n'y pretait attention."
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499
Parmi les relations oppositives catégorielles classiques, le
seul type que "au contrai re" semble exclure - et ceci le distingue de
la relation concessive -, c'est l 'opposition graduelle telle que par
exemple "non chaud" / "tiède" (* "Il n'est pas chaud, au contraire il
est tiède") . Lorsque "anzi" (et, naturel lement , l 'opérateur
d'antonymie "invece") entérine ce type de relation graduelle, alors le
français peut avoi r recours au renchérisseur "meme" (ou plus
explicitement "je dirais meme"), mais aussi à un marqueur
métadiscursif de rectification tel que "pl utòt":
(175) "Non è caldo, J!!1? . ..! è tiepido."
"I l n'est pas chaud, il est t i ède." / ... qu' il est tiède. "Il n'est pas chaud; il est ti ède QIIJ.tQt. "
• Ainsi, dans le prolongement de la valeur illocutoire,
"anzi" peut également assumer une autre valeur pragmatique, celle d'un
connecteur métadiscursif susceptible de rectifier ou de préciser un
di re, pouvant correspondre au français "plutòt" ou "mieux" (plus
rarement "pire"). Il modalise alors le discours en y introduisant une
forme d'hétérogénéité et de rupture énonciative où le sens se montre
puis se reti re. Cette dynamique particulière peut etre considérée
comme une figure de décentration-distanciation du dire: le sujet
énonçant se donne à voir comme le seul ma'tre-énonciateur articulant
jusqu'aux ambivalences de sens et dédoublant celui-ci dans une
activité locutoire que nous pourrions qualifier de ludique. Ainsi:
(176) «Ma torniamo al le nostre (lJ.!1?.!.JJ.lIlL .... .LQ[QJ classifiche.» (Panorama, 26-3-91)
"Mais revenons à nos (QY .. QJ .. ... classifications."
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(177) «Secondo me, potrebbe veni re, verrà i 1 giorno in cui il parlamento si rivelerà utile ... » (A.Moravia, Diario Europeo)
"D'après moi, le jour pourrait venir,Q.Y ... le jour viendra où le parlement se révèlera utile ... "
Comme nous pouvons nous en rendre compte (et comme nous
l'avi ons éga l ement re 1 evé pou r d'aut res connecteu rs te l s que
"justement"), "anzj" peut casser la chaine syntagmatique en séparant,
par exempl e,l' adjectif possessif du substantif qu' il détermi ne, ce
qui est l'une des propriétés de ces formes métadiscursives de
l'hétérogénéité montrée. 163 En disant "X, anzi Y" l'énonciateur
revient sur une assertion précédente comme pour l'effacer: souvent,
dans l'incise, le déroulement syntaxique se dédouble en deux
constructions superposées: la première de celle-ci est celle qui "va
de soi" alors que la seconde qui semble constituer un "retour-remords"
sur ce dire, reflète en réalité plus fidèlement le jugement de
l'énonciateur; cette forme pourrait s'apparenter au français "Je dis
X, mais mieux vaudrait di re V", ou encore dans un registre pl us
soutenu (parfois ironique): "X, que dis-je? V", "X, j'allais dire V".
A l'écrit et dans un discours argumentatif, ce dédoublement de l'acte
énonciatif n'est pas da à un tatonnement ou à une indécision quant à
la volonté de faire coi·ncider les mots avec eux-memes, mais à une
stratégie fine et conciliante (car elle préserve une marge d'espace
dialogique négociable) qui consiste à faire admettre de manière
163_ Il faudrait meme se demander ici si le traducteur n'hésiterait pas à rompre cette chaine, considérant que cette opération est agrammaticale pour le français. En traduisant alors différemment par: "Mais revenons à nos classifications (ou plutot à leurs classifications)", le traducteur renoncerait en partie à transcrire en français cette forme d'hétérogénéité.
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progressive et prudente un jugement trop abrupt ou di rect, parfoi s
mème paradoxa1.
Cette indétermination s'app1 ique aussi bien au français "au
contrai re" qu'à l'ita1ien "anzi", lorsque ces connecteurs sont
emp 1 oyés dans un énoncé e 11 i pt i que. Su r 1 e p 1 an argumentat if, il n'est
pas rare que "au contrai re" s'inscrive dans un mouvement dont
l'opposition antipodique njest pas immédiatement repérable. Au niveau
macrosémantique ou textue1, 1es topoi" ne sont pas toujours di rectement
inférab1es. Si te1 était le cas, le mouvement argumentatif ne
nécessiterait aucune expl icitation et l' interprétant reconnaHrait de
manière anticipée ou implicitement le contenu du message à venir. En
effet. et nous rep renons 1 es remarques avancées par N. Danjou-Fl aux,
"au contraire" a non seu1ement la capacité de "convertir une simple
différence en opposition" mais il a également cette facu1té de relier
un énoncé marqué négativement du point de vue aXiologique ou évaluatif
à un autre énoncé que l'énonciateur juge positif. C'est dire si la
notion de "contrai re" , au niveau macrosémantique ou textuel, oriente
une argumentation selon la subjectivité de celui qui en fait usage et
non pas selon l'orientation intrinsèque de cette argumentation. C'est
ce que démontre 1es termes de ce "dia1ogue de sourd" relaté dans le
Monde:
(178) «"Mes freins ABS ne m'ont pas empéché de glisser sur Te vergTas." Ainsi se défend, à Ta radio, un automobiliste auteur de caramboTages en série. L 'homme ajoute, comme un enfant: "On m'a vendu de Ta vi tesse, - "Qu' appe T ez-vous
demande Te reporter. Silence stupide: Monsieur ne sait pas. IT va se plaindre au constructeur.» (Le Monde, 28-12-94)
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Ainsi, nous pourrions nous demander si le "contraire de la
vitesse", que l'auteur de l'article semble considérer comme un non-
sens, se réfère au "contrale de la vitesse", à la "décélération", au
"ralenti", à la "lenteur", à la "prudence", etc.: en tout cas,
l'intention de l'énonciateur seconda i re (dont les paroles sont
rapportées entre guillemets) n'est pas ici précisément identifiée par
son interlocuteur ni meme par l'auteur de l'article. Nous pourrions
meme nous demander si l'automobiliste en question qui profère "on m'a
vendu de 1 a vitesse et pas 1 e cont ra i re" a p résent à l' esp r it une
référence précise à quoi renverrait "le contraire de la vitesse".
Mais sans doute aurait-il fallu à l'automobiliste le loisir
de construi re une argumentation pl us compl exe. "Au contrai re" peut
ainsi connecter deux mouvements argumentatifs opposés sans que cette
opposition soit de type antonymique ou univoquement sui-référentielle.
Ainsi, dans (179) c'est la présence de "au contrai re" qui rend la
relation entre les deux parties de l'énoncé antonymique:
(179) «Depuis des années, j'avais le sentiment que cette femme, que certains traitaient de "mémère" détenait!!:J!.""""".J2.QtLtrl4"irJ!J une vérité forte et féroce, d'où sa réputation trahissant 1a crainte qu'on avait d'ene.» (M.Chapsal, La maison de Jade)
Dans cet énoncé, l'opérateur d'antonymie "au contrai re"
actual ise des sèmes opposés, respectivement associés à "mémère" (qui
par contraste avec "vérité forte et féroce" actual ise 1 es sèmes /mou/,
/docile/, /fuyant/) et à "vérité forte et féroce" (qui par contraste
avec "mémère"; actual ise les sèmes /dynamique/ ou /jeune/):
l'antonymie nait de la relation entre les deux segments de l'énoncé et
ne peut etre instaurée de manière figée, a priori.
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503
C'est pourquoi, à notre avis, l'emploi de "au contrai re" est
toujours intégré dans un énoncé prédicatif de type dialogique ou
polémique (puisque, pour nous, il est très difficile d'isoler l'énoncé
"descriptif"). Si nous reprenons notre classification des énoncés
rel iés par "mais", nous constatons que "au contrai re" est admis dans
les énoncés de type attributif ou statif, essentiellement ceux de type
contradictoire (ex.: "la porte n'est pas ouverte, au contraire elle
est fermée") ou antonymique (ex.: "il n'est pas grand, au contraire il
est petit"). 164 Nous ne pouvons traduire "anzi" par "au contraire"
que dans le cas où il articule deux prédicats logiquement
complémentaires ou antonymiquement opposés; c'est-à-dire que, dans une
perspective argumentative donnée, la première partie de l'énoncé à la
forme négative ne doit laisser aucune ambigulté sur la valeur
sémantico-référentielle de la seconde partie de l'énoncé; l'énoncé "il
n'est pas rouge au contraire il est vert" est ordinairement peu
acceptable; cette express;on ne peut etre env;sagée que si l'objet de
référence est soit rouge soit vert et si cette alternative fait déjà
partie d'un savoir partagé ou de la mémoire discursive (par exemple si
l'un des interlocuteurs est daltonien). En effet, c'est cette
assomption qui va permettre à l'énonciateur de fai re l 'ell ipse de la
seconde partie de l'énoncé; ce n'est qu'à cette condition que l'énoncé
elliptique: "il n'est pas rouge, au contraire!" pourra etre compris.
C'est aussi en vertu de ce principe que l'auteur de l'article du Monde
164_ Pour l'identification des énoncés négatifs nous reprenons la classification de R.Forest (qui s'inspire indirectement de C.Hagège) qui en reconnait cinq: le type équatif, le type contradictoire, le type existentiel, le type dénombrant et le type antonymique; cf. FOREST R.: «L'interprétation des énoncés négatifs» in Langue Française 94, 1992, pp.35-47.
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(178) et l'énonciateur secondaire se sont arrogé la facu1té de ne pas
comprendre la référence de "contraire de la vitesse".
• De meme en ita1ien, l'emp1oi abso1u de "anzj" qui autorise
lui aussi l'e11ipse du second argument peut engendrer certaines formes
d'incompréhension (feintes?) comme le démontre le dia10gue suivant:
(180) «Ma perché ... dovrej ddjre le cose che ho gjà detto tante volte ... mjca ho cambjato opjnjone perché sono venuta a Capd: é!11li". "Come sarebbe a djre: "lf1t1li?".
spiegò lej un pò confusamente, "volevo djre che non l'ho cambjata: ecco tutto".» (A. Moravia, Il Disprezzo)
-"Mais pourquoi ... devrais-je répéter 1es choses que j' ai déjà dites si souvent ... je n'ai pas changé d'opinion parce que je suis venue à Capri, tout de -"Qu'est-ce que tu entends par (1 à)
exp1iqua-t-e11e, un peu embarrassée, "je vou1ais dire que je n'en ai pas changé: voilà tout".
Nous ne sommes pas sa re que 1 a t raduct i on de "anz j" p roposée
par nous ici corresponde tout à fait à la va1eur sémantico-pragmatique
de "au contraire". Directement re1ié à une assertion négative, la
traduction la p1us probab1e semb1e etre certes "au contraire", mais
l'énonciateur de la première rép1 ique marque une hésitation lorsque
son inter10cutrice le somme d'exp1iciter son énoncé et de fournir la
teneu r sémant i que (1 e sens en meme temps que 1 a di rect i on) de ce
"anzj". En fait, la traduction par "au contraire" n'est 1égitimée que
par la suite de l'énoncé dont le sémantisme est en opposition
contradictoire avec la partie de l'énoncé antécédente. Mais
l'interprétant (et l'inter1ocuteur) aurait pu éga1ement et à juste
titre inférer, à partir de ce "anzj", une conc1usion qui étaie
l'assertion antécédente "non ho cambjato opjnione" ("je n'ai pas
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changé d' opinion"): "anzi, la mia opinione si è rafforzata" ("je
dirais meme que mon opinion s'est renforcée").
Quel que soit son emploi - emploi absolu ou emploi de
relateur pOlyvalent "anzi" garde son ambivalence quant à la
détermination de son orientation argumentative intrinsèque.
Il existe certains emplois de "invece" que le français hésite
à traduire car cette marque d'opposition semble etre considérée dans
cette langue comme redondante ou superflue.
Tout d' abord, nous avons pu nous rend re compte dans l es
traductions proposées du français "au contrai re" que si "anzi" gardait
la meme place que son homologue dans la structure de l'échange,
l' ital ien "invece" assumait la position détachée à droite. Cette
particularité a pour conséquence le fait que la portée de "invece" est
plus large puisqu'elle s'étend à l 'ensemble de l 'acte énonciatif:
(181 ) A- "Paolo è stupido!" B- "Non è stupido; è molto
A- "Paul est idiot!" B- "Non, il n'est pas idiot; il est très /
il est très intelligent!
Si nous observons l'origine étymologique de "invece" (du
l at i n "in vicem" 165), nous rel evons que son sens "au l i eu de", "à l a
place de" détermine, dans une certaine mesure, sa fonction actuelle
d'anaphorique et le distingue de fait du connecteur français "au
contraire". Ceci pourrait nous induire à classer "invece" non pas
165_ A c6té de "invece" il existe également en italien la forme" in vece di": "en qualité de", "dans la fonction de".
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comme un opérateur d' antonymie mais comme un "opérateur de
substitution" signifiant "au l ieu de cela".
• Plus l argement , "invece" est susceptible de s'intégrer dans
une relation intersubjective, par exemple dans une structure
d'échange, simplement pour amorcer et souligner le passage du tour de
parole ou pour solliciter l'intervention de l'interlocuteur. "Invece"
est dans ce cas un marqueur de fonction illocutoire ou interactive166
qui ne peut etre traduit en français:
( 182) «"Dimmi prima di tutto se è vero o no. " E77a dbatté con ostjnazione: .. JI,lL .. che cosa tj fa pensare questo". "Tutto", ripetei.» (A.Moravia, Il disprezzo)
«"Dis-moi d'abord si c'est vrai ou pas." Ell e répl i qua avec obstinati on: l'Q1§=J!!QJ .... 1Qj ce qui te fai t penser ça". "Tout" , répétai-je.»
( 183) «Dissi conciliante: "Mettiamols pure cosi: io aspiro ad un mondo simile .. . Zf/!..i •.. no.''» (A.Moravia, Il disprezzo)
"Je dis sur un ton conciliant: "Disons-le comme cela, si vous voulez: moi, j'aspire à un monde semblable ... y.Q.y§l ...
Dans une dynami que inverse par rapport à cell eque nous
avions évoquée pour décri re la valeur empathique de "mica", "invece"
opère une sorte de scission dans l'espace intersubjectif et inter-
personnel, en attribuant à chacun des interlocuteurs en présence une
sphère de liberté locutoire: c'est pourquoi cette valeur pourrait etre
qualifiée de "dysphorique", sa fonction étant celle d'un marqueur de
166_ Rappelons que, malgré la distinction opérée par Roulet, il est parfois délicat de différencier ces deux fonctions, surtout au niveau de l'analyse pragmatique. Voir ROULET E. ET AL.: L'articulation du discours en français contemporain, op.cit., p.27.
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507
dualité ou plus largement d'altérité. 167 Nous pouvons relever cet
emploi, en particulier, lorsque "invece" est situé directement après
le pronom personnel sUjet dont la présence n'est pas obligatoire et
qui assume de ce fait une fonction de pronom tonique. Di re "io,
invece ... ", "tu, invece ... " etc., c'est s'inscrire dans le discours en
tant que sujet et reconnaitre par là-méme ce statut à nos
interlocuteurs. Ainsi, dans (184), le locuteur B renvoie poliment
l'acte illocutoire de requéte du locuteur A grace à "invece" qui
accompagne le pronom sujet "tu" ("toi") et isole en méme temps le
sUjet allocuté:
(184) A- "Cos'hai fatto ieri sera? B- Sono andata al cinema, A- lo [invece] sono rimasto a casa. "
A- "Qu'est-ce que tu as fait hier soir? B- Je suis allée au (gJQr§J? A- Moi, je suis restée chez moi."
"Invece" revét non seulement une fonction illocutoire (le
renvoi courtois d'une question à son interlocuteur) mais il présuppose
en principe que le locuteur A a occupé sa soirée à fa;re autre chose
que d'aller au cinéma; de ce fait, le locuteur B autorise une
autonomie et une liberté d'action à son interlocuteur; nous pouvons
aussi l'interpréter comme une volonté du locuteur B d'éconduire ou de
détourner la requéte ressentie comme importune ou indiscrète. Cette
opération est beaucoup plus difficilement actualisable pour le
français qui ne peut effectuer directement cette distanciation dans la
167_ Autrement appelés dans la classification de D.Laroche-Bouvy "signaux de différenciation et de distanciation" destinés à "marquer la spécificité du locuteur par rapport aux autres membres du groupe et aux habitudes de ce groupe". Cf. ANDRE-LAROCHE BOUVY D.: Introduction à l'analyse sémio-7inguistique de la conversation, op.cit., p.152.
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relation interpersonnelle, si ce n'est peut-etre par l'ajout d'un
"opérateur de disjonction" tel que "alors".
• Ces emplois très fréquents dans la structure d'échange en
italien peuvent etre considérés comme des versions dialogales des
emplois monologiques que nous allons examiner.
Dans de nombreux cas, "invece", dont la valeur n'est très
souvent que "contrapunctique", semble recouvrir des fonctions de
modalisateur assertif (dans la mise en relief du thème), plus que de
connecteur contre-argumentatif. Nous avons ainsi relevé dans notre
corpus:
(185) «[Il Papa va e7aborando una "terza via"]: una società spiritua7e che superi 7a dittatura de7 partito propria dei paesi de77 'Est e 7a dittatura de7 mercato proprio, dell 'Ovest.» (L'Espresso, 7-4-91)
"[Le Pape est en train d'élaborer une "troisième voie"]: une société spi rituelle qui dépasse la dictature du parti, qui caractérise les pays de l'Est et la dictature du marché qui .. l 'Ouest."
Dans cet énoncé, la "bi-polarisation" argumentative est on ne
peut plus évidente, puisque l 'opération cognitive semble aller de pair
avec un repérage topographique lui-meme "antipodique": bi-polarisation
géographique, économique, et bi-polarisation des systèmes de pensée
que l'énonciateur matérialise au travers de cette structure
"disjonctive". C'est au moyen de celle-ci que l'énonciateur compare
deux univers radicalement différents, une différence autour de
laquelle se sont construits tous les lieux communs de notre mémoire
collective et qui sont propres de la culture du XXème siècle: "l'Est"
et "l' Ouest". Or l e f rançai s préfère, dans l e cas d'une i sotopi e
prégnante de sèmes qui actualisent déjà le thème de la différence, ne
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509
pas avoi r recours au connecteur "au contrai re". Comme nous pouvons le
remarquer dans la traduction, 1 'opposition est tout de meme marquée
("la dictature du marché [ ... par une sorte de
discrétisation des deux entités ou des thèmes examinés, appréhendés
dans 1eur différence irréductib1e. C'est éga1ement cette
irréductibilité qui est thématisée dans l'énoncé suivant 00 "invece"
n'est pas directement traduit en français:
(186) «"Vede MoTteni ... anch'io 70 conosco poco, ma so, più o meno, quello che pensa e vuoTe... e prima di tutto è un tedesco, non è vero? E llQoLf!,ltrfoo§offJlI1Qoooofll'!J1Q.f1 .. ftf!,lLf!,llf: due mondi, due concez i on i de 7 7 a v i t a, due sensibi7ità ... '» (A.Moravia, Il disprezzo)
"Voyez-vous, Molteni ... moi aussi je le connais peu, mais je sais, p1us ou moins, ce qu'i1 pense et ce qu'i1 veut ... et tout d'abord il es t bi en a 11 emand, n' es t-ce pas? deux mondes, deux conceptions de la vie, deux sensibil ités ... "
Dans 1es emp10is mono10giques, 1 'opposition peut éga1ement
etre marquée, significativement, par un connecteur tempore1,
"mentre"168. "Mentre invece" se traduit par "a10rs que" (ou parfois
"a10rs meme que") 10rsque 1es termes de l'opposition n'indiquent pas
la durée ou 10rsque cette opposition se réduit à une contrastivation
entre un arrière-p1an narratif et un premier p1an discursif:
(187) «Perché sentiamo spesso il desiderio di riprendere in mano il poema
a 7 meno per me, <11 Caste II o' non sembra richiedere una seconda 7ettura? La ragione sarebbe che '17 Caste770' è "perfetto", e <La Divina commedia', invece, "imperfetta".» (A.Moravia, Diario Europeo)
"Pourquoi ressentons-nous souvent le dési r de reprendre en main le poème de Dante, tout au moins pour moi, 'Le Chateau', ne semb1e pas exiger une deuxième 1ecture? La raison serait que 'Le Chateau' est parfait, et que 'La Divine comédie', au contraire est 'imparfaite'. "
168_ "Mentre" se traduit, dans son acception temporelle, par "pendant que" (cette va1eur temporelle est actua1isée par le sémantisme du verbe ou du substantif introduit qui doit etre de type duratif).
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La mise en re1ief en ita1ien, avec dis1ocation et remontée du
verbe à gauche est éga1ement sou1 ignée par le moda1 isateur "invece".
Meme si, pour la thématisation, il est toujours possible de recourir à
"en revanche" et à "par contre", il nous semb1e (sans doute parce que
l'usage de ces deux connecteurs re1ève d'un registre de 1angue moins
soutenu) que le français préfère jouer sur la ponctuation et le non-
dit:
( 188) «L'idea di uno sforzo col1ettivo, tra parti diversissime e tradiziona 7mente antagoniste, non spaventa poi troppo. SpaventaI!I'!JlfJl 7a nascita di un nuovo fronte anticapita7istico che comprende i resti di una sinistra comunista fa77ita.» (L'Espresso, 9-4-91)
"Après tout, l'idée d'un effort collectif, entre des parties très différentes et traditionne11ement antagonistes, ne fait pas peur.
.. c'es t 1 a na i ssance d'un nouveau front anti-capitaliste qui comprend 1es restes d'une gauche communiste en échec."
La traduction de "invece" par "en revanche" ou "par contre"
dont nous avons traité p1us haut, peut certainement convenir pour
traduire ce type de valeur pragmatique qui est ici l'éva1uation
compensatoi re de deux entités thématisées. Cependant, la va1eur
pragmatique associée à "en revanche" et à "par contre" relève sans
doute bien p1us, dans ce cas, de l'alternative ou de l'a1ternance qui
sont interactives, que de l'altérité proprement dite qui est
dissociative. En effet, ces derniers accompagnent 1eurs arguments
respectifs d'une moda1ité éva1uative ou axio1ogique: té1éonomique pour
l'un, antité1éonomique pour l'autre. L'appréciation et la dépréciation
n'apparaissent alors que dans le passage du premier argument au second
argument. Le jugement introduit par l'un de ces connecteurs est donc,
comme nous l'avions précisé p1us haut, de type "compensatoire" et la
direction argumentative va dans le sens du rétab1issement d'un
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équil ibre, ce qui n'est pas le cas ici pour "invece". Il nous semble
que le français préfère encore une fois s'abstenir de "surcharger" son
énonciation par une ultérieure modalisation subjective.
• Les cas où "invece" s'avère difficilement traduisible en
français ne sont pas rares. Ceci semble etre dO au fait que le
connecteur italien peut facilement etre enchàssé dans une proposition
subordonnée alors que le français "au contrai re" s'intègre plus
facilement dans un second énoncé indépendant du premier. Dans les
énoncés (189) et (190), "invece" est enchàssé dans une subordonnée et
sa position se situe souvent à l'intérieur d'une meme expansion
rhématique. Par ailleurs, il semble consacrer un type de relation
oppositive: la relation contradictoi re (de 81 à Non-81 ou
réciproquement, et de 82 à Non-82 ou réciproquement) que le français
"au contraire" ne peut pas entériner; ainsi l'énoncé contradictoire:
"cette erreur n'en était pas une" peut etre en italien modalisé par
"invece": "quest 'errore che invece non era un errore". De meme:
(189) «[ ... ] sebbene 7a fortuna de7 fi7m dipenda per due terzi da 7ui, non vedrà mai i7 proprio nome sui carte710ni pubb7 icitari dove sono ".illYJlJIJl indicati quell i del regista, deg7 i attori e del produttore.» (A.Moravia, Il disprezzo)
"[ ... ] bien que le destin du film dépende de lui pour les deux tiers, il ne verra jamais son nom sur les affiches publicitaires où sont indiqués ceux du metteur en scène, des acteurs et du producteur."
( 190) «Ridurre i 7 tasso di sconto servirebbe a ri 7anciare le imprese che .!l1.'!Jlf.f!l stanno ra l1entando.» (Journal tél évi sé)
"Réduire le taux d'escompte servirait à relancer les entreprises qui (,elles,) sont en train de ralentir (leur croissance)."
Nous constatons que " invece" permet à l' énonci ateur de
consacrer ce décalage entre deux mondes qui sont mis en parallèle: un
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monde hypothétiquement possib1e ou contrefactue1 et ce1ui de l'univers
de croyance du 10cuteur qui est "1'ensemb1e indéfini des propositions
que le 10cuteur, au moment où il s'exprime, tient pour vraies ou qu'il
veut accréditer comme tell es" 169. Ai nsi nous constatons que "invece"
peut s'intégrer dans une structure comparative introduite par "comme"
ou encore dans une structure contrefactue11e: toutes deux évoquent un
"anti-univers" qui est aussi l'univers des attentes "conçu comme un
ensemb1e de propositions que le 10cuteur tient pour fausses, mais qui
ne le sont pas nécessairement, c'est-à-dire qui pouvaient etre vraies
ou que l'on imagine comme te11es":
(191 ) «E tira un sospiro di so77ievo quando apprende che non lJ un feroce k i l l e r ( P ano r ama, 1 4-7 -91 )
"Et il pousse un soupir de soulagement 10rsqu'il apprend que ce n'est pas un tueur féroce
(192) «In breve, Jung pensava che tutto i l male del mondo viene dal fatto che i l Diavolo non è stato inc7uso nel la Trinità la
" "!l1l211:l§Q , sa rebbe di ven t a t a una "Quaternità".» (A.Moravia, Diario Europeo)
"En résumé, Jung pensait que tout le mal du monde provenait du fait que le Diab1e n'avait pas été inc1us dans la Trinité
U §JI1QI1) , serait devenue une 'Quaternité'."
Dans toutes ces structures où le trançais hésite à tradui re
"invece", ce1ui-ci semb1e agir comme un "opérateur de disjonction" qui
scinderait en deux la représentation de la réa1ité: d'un coté, le
monde te 1 qu' i 1 est, de l'aut re, annoncé par .. invece", 1 e monde des
attentes.
169_ Se10n la définition proposée par R.Martin; MARTIN R.: Pour une logique du sens, op.cit., p.36.
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513
Ces structures doivent également etre mises en relation avec
l e cas que nous all ons anal yser dans l e paragraphe qui suit où
Il invece" se traduit par "en fait".
Si nous reprenons les quatre derniers énoncés examinés, nous
constatons que pour (189) et (190), l' introduction de "en fait" peut
etre admise, contrairement aux cas de (191) et de (192), où le
mouvement argumentatif articule des entités sémantiques mettant en
scène d'abord un monde réel et consécutivement un univers d'attente.
"En fait", l'un des correspondants possibles de "invece",
rel ie donc une proposition contrefactuelle à une proposition de type
constatif ou non-actif.
• Dans l es études consacrées au connecteur "en fait", il
ressort que la fonction de celui-ci est de mettre en corrélation deux
mouvements argumentatifs contradictoires (dans le sens large du
terme): ce connecteur fait apparaitre la première partie de l'énoncé
comme "superficielle", "incomplète" ou "il lusoi re" en présentant la
seconde partie de l'énoncé qu'il introduit comme "thématique", c'est-
à-di re comme "pourvue d'une forte val eur i nformationnell eli. 170 "En
fait" semble etre défini ainsi comme une sorte de modalisateur
assertif exerçant sur l e développement di scursif une certaine force
argumentative. Plus précisément encore, selon la remarque de A.
Berrendonner rapportée par C.Rossari, en disant " en fai t",
170_ DANJOU-FLAUX N.: «A propos de "de fait", "en fait", "en effet" et "effectivement"», art.cit.
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514
l'énonciateur exercerait "un coup de force présuppositionnel" c'est-à-
dire qu'il "fait comme si la mémoire discursive de l'interlocuteur
contient déjà le point de vue auquel le connecteur renvoie, meme si ce
dernier n'y a jamais été introduit". 171 Bien que cet aspect ne nous
semble pas spécificique à l' inférence provoquée par "en fait", cette
perspective nous permet, comme nous l'avions annoncé dans notre
première partie, d'expl iquer pourquoi "en effet" et "en fait" sont
dans certains cas interchangeables. Tous deux, en effet, introduisent
dans un discours monologal ou monologique une justification du dire.
Dans la réponse à une question totale - la réplique A de (193) et de
(194) -, "en fait" (accompagné d'un "oui" ou d'un "non") sert aussi
bien de confi rmation (il correspond alors à "en effet" dans B) que
d'infirmation (il correspond alors à "oui, au contraire" / "non, au
contrai re" dans B'):
( 193) A- "Tu es fatiguée? REPONSE CONF I RMA TI VE B- 1'J;D .. ... Qyj.! Il / Il •
REPONSE I NF I RMATI VE
B' - 1'J;J:L .. •.. nQD! Il / ... !:lQnL .... Il
A- "Sei stanca?" REPONSE CONF I RMATI VE
B - "$.i.", ... _ ..... ill.t?,.t.ti!" / REPONSE I NF I RMA TI VE B '- Il - * Infatti no!
( 194) A- "Tu n'es pas fatiguée? REPONSE CONF I RMATI VE B- 1'J;JI .. .... nQn! Il / 1'J;n ... §Lf.§1. Il
REPONSE INFIRMATIVE B ' - Il •..... QYt! Il / Il .... §j,.
Il
A- "Non sei stanca?" REPONSE CONF I RMATI VE
B - ..... / "Il1tJltti!" REPONSE I NF I RMA TI VE B '- .. ç.fl.§i! Il - * Infatti si !
Dans la confirmation (c'est-à-dire si les arguments sont co-
orientés), "en fait" est synonyme de "en effet" (tous deux se
traduisent en italien par "infatti"); dans l'infirmation en revanche
17L ROSSARI C.: Les opérations de reformulation - Ana7yse du processus et des marques dans une perspective contrastive français-ita7ien, op.cit., p.136.
I I I I I I I I I I I I
•
515
(les arguments sont alors anti-orientés), "en fait" n'est pas
interchangeable avec "en effet"; dans ce cas, en italien, c'est
"invece" qui, accompagné d'un "si" ou d'un "no" sert de réponse
infi rmative, ce qui est impossible pour "infatti" qui ne peut
introduire en italien qu'une réponse confirmative.
Comment expliquer le fait qu'un meme connecteur puisse
recouvrir ces deux emplois pragmatiques apparemment aussi
contradictoires: la confirmation et l'infirmation? En réalité, si nous
voulons préciser la valeur pragmatique de "en fait" pour la distinguer
de celle de "en effet", nous di rons que "en effet" recouvre une
fonction anaphorique ou en tout cas présuppose que l'information était
déjà présente dans la mémoire discursive du locuteur B, alors que "en
fait" signale à l' interprétant que la prise en compte d'un nouvel
élément informatif s'est faite "sur-le-champ". Si la confirmation ou
l'attestation par "en effet" est anaphorique, la prise en compte d'une
nouvelle information grace à "en fait" ne l'est pas, meme si celle-ci
s'accompagne d'une réévaluation rétroactive: "en fait, oui / non!" est
paraphrasable par "maintenant que j 'y pense, oui / non!" (ou
"maintenant que tu me le dis, c'est vrai / tu as raison!"). L'italien
"infatti" semble donc transcender ces deux valeurs pragmatiques:
l'acquiescement ou la confirmation mais aussi le signal "après-coup"
de réception d'une information nouvelle. Quant au connecteur "invece"
(présent dans la réponse B'), celui-ci est réservé à la contre-
argumentation et meme, iCi, si l' intervention A de (194) est
interprétée comme question rhétorique, à un acte argumentatif de
rejet: l a réponse "invece sU" serait pl us proche d'un "mai s si (au
contraire)!" que d'un "en fait, oui!" .
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516
• Nous pouvons re1ever ces memes emp10is dans 1es énoncés
mono1ogaux qui cristallisent le type de re1ation que nous décrivons
dans 1es énoncés dialogaux.
On reconna'ìt généra1ement à "en fait" la capacité de
s'intégrer sur un axe sémantique qui thématise le biname apparence /
réa1 ité. "En fait" est du reste souvent considéré comme un synonyme de
"en réa1 ité". Après une assertion négative du type Non-A (qui rejette
A), "en fait" peut introdui re une assertion B qui est en re1ation
d'opposition radicale comme dans le cas de "au contrai re". Nous
remarquerons également que 1es énoncés oppositifs qui n'admettent pas
le connecteur "au contrai re", admettent tous d'etre connectés par "en
fait", qu'il s'agisse de l'opposition graduelle, ou bien de
l'opposition thématique alternative. Nous notons que l'ordre des
propositions, en vertu de ce "coup de force présuppositionne1", est
commutab1e; cet ordre dépendra en dernier ressort de la progression
argumentative particu1 ière à un contexte de communication donné ("en
fait" i nt roduit l'i nformat i on nouve 11 e, rhémat i que):
( 195a) "Il n'est pas ri che il est pauvre!" "Non è ricco. è povero!"
( 196a) " Il n'est pas c haud il est t i ède. " "Non è caldo. è tiepido."
( 197a) "Ce n'est pas Jean qui est riche. En fai.t c'est sa femme." "Que110 ricco non è Jean. .. tf è sua moglie. "
PEUVENT ETRE I NTERVERTIS EN:
(195a) " Il es t pau v re. il n'es t pas r i che. " "E' povero. ... tt .. t. non è ricco."
(196a) "Il est tiède. il n'est pas chaud." "E' tiepido. non è caldo."
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517
(197a) "Sa femme est riche.J;Jl".t{:!j.t, c'est Jean qui ne l'est pas." "Sua mog 7 i e è ricca .la:tfJtti , Jean non 10 è. "
Ceci nous conduit à concl ure que l a suite des proposi tions
Non-A et B ne véhicule pas référentiellement l'axe sémantique
apparence / réalité, mais que ce sens peut etre reconstruit par
l'interprétant grace à la présence meme du connecteur "en fait". Le
choix du traducteur sera donc subjectif, puisqu'il dépend de lui et de
lui seul d'affecter l'énoncé d'une évaluation supplémentaire que
l'italien "invece" ne possède pas. En disant "Non-A. En fait B",
l'énonciateur pose B comme étant plus conforme à une réalité et ceci,
en partie, à cause du sémantisme véhiculé par "en fait".
C'est pourquoi, dans un discours argumentatif, le bin6me
philosophique apparence / réalité pourrait se transformer en un autre
bin6me: prémisse endoxale / assertion paradoxale (dans les énoncés qui
pourraient etre paraphrasés comme suit: "on pense généralement que ... ,
il s'avère en fait que ... "):
(198) «Le strip-tease n'est pas une so77icitation érotique: f!11 ......... r4ttJ il désexua7ise 7a femme.» (Roland Barthes par R.Barthes)
Mais là encore, cet ordre n'est pas contraignant puisque
l'inversion des arguments, à condition toujours qu'ils soient co-
orientés et en relation d'implication l'un par rapport à l'autre, est
tout à fait acceptable. Nous avions noté un phénomène similai re à
propos de l'expression de la cause et de l'effet ou plut6t, dans le
discours argumentatif, lorsque deux assertions s'étayaient ou se
justifiaient l'une l'autre (c'est le cas par exemple pour "car" et "en
effet" qui sont interchangeables ici ave c "en fait"); ainsi, l'énoncé
(198) peut etre interverti en:
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518
(198' ) .. Le st ri p-tease désexua 1 i se l a femme: ..... __ il n'est pas une sollicitation érotique."
Il peut également etre interchangeable avec "car" et "en
effet" :
(198" ) "Le strip-tease désexualise la femme: .... . .t. / il n'est pas une sollicitation érotique."
• A notre avis, lorsque l'articulation sémantique apparence /
réal ité ou prémisse endoxale / assertion paradoxale met en scène des
arguments clairement anti-orientés, celle-ci est directement
dépendante d'un axe temporel susceptible, lui aussi, d'etre marqué en
ital ien par le connecteur "invece"; dans la seconde partie d'un
énoncé, ce dernier sous-tend une marque aspectuelle temporelle
rétrospective et réévaluative; la présence de cette marque indique
qu'il n'y a pas eu adéquation entre le monde des attentes et le monde
réel, ou eneo re qu'une prévision antérieure n'a pas été validée par un
état de chose actuel constaté:
(199) «Pensavamo chissà che inferno di telefonate adesso. .I!1'!JlQ.f! niente.» (Panorama, 26-3-91)
"Nous pensions que nous allions etre envahis par les coups de téléphone .. !;:t ... P'.yj.§ ..... rien." (. .. / Et puis, en fait, pas du tout.)
(200) «"Non sono mai stato d'accordo con lui su niente, ma pensavo fosse una persona corretta. " E . pare di no.» (Panorama, 30-6-91)
""Je n'ai jamais été d'accord avec lui sur rien, mais je pensais que c'étalt quelqu'un de correct.'
.. J2Y.i§ . il paralt que non."
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519
"Invece" a pour r61e, dans l'argumentation, de souligner la
distinction entre deux univers ou deux croyances, dont l'une est
considérée comme dépassée et révolue par la seconde que l'énonciateur
donne à voir comme étant plus conforme à une réalité perçue
di rectement ou attestée de source sOre. "Invece" consacre ce décal age
entre deux états ou deux univers qui, non seulement diffèrent l'un par
rapport à l'autre mais dont l'un est différé par rapport à l'autre,
comme le démontre l'emploi en français de la conjonction temporelle de
succession narrative (dans 199 et 200): "et puis". "Invece" signale à
l'interprétant qu'il n'ya pas eu adéquation entre ces deux univers
qui correspondent mimétiquement à deux moments de référence distincts:
l . T-1 e premler s'inscrit dans un univers d'attente antérieur à
l'énonciation, le second TO indique le moment de vérification qui
dissipe cette attente: l'énonciateur prend alors en compte (on
pourrait presque di re "accuse réception"), au moment meme où il
l'énonce, un fait concret ou une "vérité" brute.
Ce facteur temporel ést indubitablement présent dans les
énoncés qui suivent où "invece" accompagne une aspectual isation
résultative:
(201) «La djfferenza principa7e tra questo nuovo mecenaUsmo e que770 ormai storico di X, è che a770ra si scommetteva sul7'avanguardia, su77e idee di domani. Premiando s070 7 l accademia consacratail1.'!JlJ;Jt.I_"""""J!ljt .. che 7 'azienda riceve da7 mondo de77a cu7tura più di que7 che dà.» (Panorama, 26-3-91)
"La différence principale entre ce nouveau mécénat et le mécénat désormais historique de X, c'est qu'alors on pariait sur l'avant-garde, sur l es i dées de l'aveni r. En ne récompensant que l' académi e consacrée est que l' ent repri se reçoit du monde de la culture plusque ce qu'elle ne donne."
(202) «La p07izia avrebbe 7e mani 7egate e i7 c7andestino si garantirebbe un annetto di autonomia in attesa de77a sentenza definitiva. L'espu7sione
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520
vera e propria.il1J!J!.Q{{!, scatta solo se 10 straniero vie(1(;! .. .l.(;![!!lJJ.tQ di nuovo dopo i fatidici 15 giorni.» (L'Europeo, 29-3-91)
"La police aurait pieds et poings liés et le clandestin s'assurerait une petite année d'autonomie dans l'attente d'une sentence définitive . . f:.!1 ....... son expulsion effective ne survient que si l'étranger est de nouveau arreté après les 15 jours fatidiques."
La traduction de "invece" par "en fait" est ici favorisée par
le sémantisme des éléments environnants et en particulier par l'action
du verbe généralement de type résultatif ou statif: l'aspectualisation
résultative des deux expressions verbales "va a finire" et "viene
fermato" fait suite à l'expression explicite d'un moment antérieur à
l'énonciation ("a71ora si scometteva su71'avanguardia" = "alors on
pari ait sur l' avant-garde"; et "in attesa de71a sentenza definitiva" = "dans l'attente d'une sentence définitive"). Le déroulement
syntagmatique qui porte ces marques aspectuelles et qui est mimétique
de 1 'axe temporel légitime la traduction de "invece" par "en fait".
• Toujours sur l'axe sémantique apparence / réal ité et
introduisant une pause réévaluative et rétrospective (ou
reformulative), "en fait" (et "invece") peut également signaler à
l'interprétant que le registre énonciatif est changé. Le connecteur
relie une proposition contenant un verbe de modalité ou un verbe
épistémique et dont la valeur de vérité n'est pas attestée à une autre
proposition dont la valeur de vérité n'est pas non plus directement
prise en charge par l'énonciateur:
(203) "Je croyais qu'il était personne ne répond au téléphone." "Credevo fosse tornato;ia'tJtQ{{! non risponde nessuno al telefono."
(204) "Il s'est déclaré il semblerait qu'il soit coupable." "Si è dichiarato innocente; .. !lllfftQ{{! sembrerebbe che sia colpevole."
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521
Dans (203) et (204), "en fait" et "jnvece" pourraient etre
considérés comme des marqueurs susceptibles d' introdui re un registre
évidentiel; en effet, ils relient un énoncé contenant un verbe de
communication (au sens large du terme: "eroi re", "di re", "déclarer",
"constater", "se rendre compte", etc.) à un second énoncé contenant un
autre verbe que l' on pourrait considérer comme médiati f. En effet,
l'information que l'énonciateur propose ainsi au jugement d'autrui
n'est pas pleinement prise en charge; si elle est présentée comme
attestée ou comme ayant été soumise à vérification, cette vérification
s'est opérée de façon médiate; d'où la possibilité de remplacer, dans
le cadre de ce registre, "en fait" par "manifestement", avec la
différence que le premier peut introduire une proposition modalisée
par un conditionnel évidentiel alors que le second indique à lui seul
que nous nous situons de "plain-pied" dans ce registre évidentiel ou
médiatif et n'admet pas d'ultérieure modalisation:
(205) "Je croyais qu'il était rentré; / il n'y a personne."
MAIS PAS: (205') * Je croyais qu'il était rentré; manifestement il ne répond pas au téléphone
(206) "Il s'est déclaré innocent; il est coupable."
MAIS PAS: (206') * Il s'est déclaré innocent; manifestement il semblerait qu'il soit coupable
L'évidentiel ne nous indique rien sur la "réalité" des faits,
il permet de fournir des précisions quant à l'origine de l'information
rapportée qui peut etre "empruntée par le locuteur à autrui [. .. ] ou
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522
créée par le locuteur lUi-meme, moyennant une inférence ou une
perception." 172 La possibilité d'introduire l'évidentiel distingue "en
fait" de "en réalité" qui admet plus difficilement le registre du
médiatif, à cause de son poids sémique.
• Cependant, nous avons pu constater dans not re corpus que
"en fait" traduisant Il invece" pouvait parfois etre en concurrence avec
une autre lexie, jamais examinée dans les études consacrées à ces
connecteurs: "au lieu de cela" 173. En particulier, il n'est pas
nécessaire que l 'ordre des arguments reflète l'ordre naturel ou
logique des événements rapportés, ou du processus "abductif" autour
duquel se déroule le raisonnement et qui fait apparaltre le registre
de l'évidentiel. En traduisant .. invece" par "au lieu de cela" et non
pas par "en fait", l' interprétant décide de considérer le facteur
temporel comme non pertinent. Ainsi:
(207) "Dovrebbe studiare;ir1Y.Jlf;.fl sta guardando la T. V." "11 devrait travailler; .. il regarde la télé."
(208) «Mi ero messo in testa, proprio come un deportato che ancora ignora tutto del campo dove perirà, che Struthof fosse in pianura: e}t1y'fl.f;..fl, con sorpresa, vedo ad un tratto che gli autobus prendono a salire, un tornante dopo l'altro, su per una collina [ ... l.» (A. Moravia, Diario Europeo)
"Je m'étais imaglne, exactement comme un déporté qui ignore encore tout du camp où il péri ra, que St ruthof était dans une pl ai ne:
.. ... J;'§L ... je vois, avec surprise que les autobus commencent à monter, un virage après l'autre, sur une colline."
(209)
172_ DENDALE P., TASMOWSKI L.: «L' évi dent i al i té ou l e marquage des sources du savoir» in Langue Française 102, 1994, pp.3-7.
173_ "Au l ieu de cela" se rapproche ainsi de très près du sens étymologique de l' ital ien "invece".
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523
«Disse che avrebbe governato riducendo i 7 numero dei decreti legge . .. .lllYJlJlJz ne ha inventato una nuova categoria: i decreti annunciati.» (Panorama, 7-7-91)
"Il a dit qu'il aurait gouverné en réduisant le nombre des lois par déc re t s ..!;JJ ....... il en a i nven t é une nouve 11 e catégorie: les décrets annoncés."
"Au lieu de cela" est un anaphorique qui permet, comme "en
fait" , de mettre en relief l'altérité irréductible entre un monde
possible ou l'univers des attentes et un état de fait actuel ou un
monde factuel qui va à l'encontre du premier. "Au lieu de cela"
introduit généralement un énoncé affirmatif dont le verbe appartient à
la sphère de l'Agir: en effet, des énoncés du type (210) ou (211)
semblent bizarres voire i nacceptabl es , alors que l'italien "invece"
peut s'y adapter:
(210) ?? "J'avais commandé une voiture bleue. elle est rouge. "
Il Avevo ordinato una macchina celeste. 111.'!Jtf2.ll è rossa. "
(211) ?? "Il revait d'et re médeci n il est pat issi er. "
Il Sognava di fare il medico . .lll'!Jlf2.ll fa il pasticciere."
"Au l ieu de cela", tout comme "en fait", rel ie souvent un
acte performatif à un acte constatif ou inversement:
(212) "Il devrait écrire une lettre de /
il se plaint."
"Il se plai nt / il devrait écri re une l ettre de protestation."
Le discours s'organise autour de deux assertions qui ne sont
pas mimétiques d'un déroulement temporel objectif et réel auquel il
serait fait référence, d'une succession de faits ou d'états de choses
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524
dont le premier se réfèrerait à l'apparence et le second à la réalité.
La succession des énoncés marque simplement une opposition alternative
ou peut-etre une alternance oppositive (que nous avons également
appelée "altérité irréductible fl).
• Nous pouvons donc proposer une définition plus large de "en
fait" qui le rapprocherait de la valeur pragmatique de l'italien
"invece" et qui aurait pour fonction argumentative d'annuler une
assert ion précédente et de présenter en remplacement une seconde
assertion. L'une véhicule une information qui est perçue comme non
encore validée tandis que l'autre bénéficie d'une accréditation plus
importante de l'énonciateur; cette accréditation n'indique pas qu'il
lui confère une valeur de vérité irrécusable et peut se présenter sous
la forme d'une assertion rhématique véhiculant une information
nouvelle, actualisée donc plus pertinente. "En fait" relie aussi bien
des arguments co-orientés que des arguments anti-orientés et il a pour
fonction d'entériner une relation entre deux mondes parallèles et
disjoints, tout comme "au lieu de cela" dont l'emploi est cependant
réservé aux énoncés de type actif.
"En fait" peut etre interchangeable avec "or" que nous
proposons comme traduction également possible de "invece" et ce, meme
si l'italien dispose d'un correspondant littéral "ora"; "ora" se
traduit soit par "maintenant" soit par "or" suivant le contexte OU le
co-texte auquel il est lié. Avant d'analyser la traduction de "invece"
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525
par "or", nous allons brièvement situer les conditions d'emploi de
1 ' ita 1 i en "ora".
Schématiquement, lorsque le co-texte est objectif et si le
moment de référence co;'ncide avec celui de l'énonciation (par exemple
dans le récit ou dans une narration énoncée à voix haute), "ora"
assume la fonction du déictique temporel et se tradui t par
"maintenant"174; lorsque le co-texte est subjectif et si "ora"
introduit un verbe épistémique ou un verbe de communication, il se
traduit par "or". "Or" annonce un acte énonciatif appartenant au
premier plan discursif et l'affleurement de la voix de "énonciateur:
si "maintenant" appartient au registre du récit, l'énoncé introduit
par "or" relève du registre du discours, comme dans l'énoncé qui suit:
(213) «Intanto, passavo molto tempo nella sala di aspetto e avevo cosi agio di osservare tutto quello che succedeva. "Qr,!!:. 11fJ""[1QJJttfJ che quasi ogni volta che mi trovavo nel consolato arrivavano delegazioni e funzionari della Cina per una visita politica o turistica o altro.» (A.Moravia, Diario Europeo)
"En attendant, je passais beaucoup de temps dans la salle d'attente et j'avais ainsi le loisir d'observer tout ce qui se passait.QI,l"'"g,j
que presque chaque fois que je me trouvais dans le consulat, des délégations et des fonctionnaires de la Chine arrivaient pour une visite pol itique ou touristique ou autre."
Si 1 'on ne tient pas compte du registre qui oriente la
traduction, les cas-limites ne sont pas rares et il arrive que les
deux traductions soient également possibles, en particulier si
l'énoncé est au présent de l'indicatif:
(214) «Naturalmente Kafka è un classico moderno; ma non si può fare a meno di avvertire nella parola "moderno" un carattere limitativo. Pr,!!:. riflettendoci su, mi sono convinto che i l fatto di non desiderare di
174_ Le moment de référence peut également etre envisagé selon un are temporel élargi: il correspondrait alors à "de nos jours", "en ce moment".
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rileggere Kafka dipende dalTa "perfezione" [ ... ] dei suoi testi.» (A.Moravia, Diario Europeo)
"Naturellement Kafka est un classique moderne; mais on ne peut pas s'empecher de déceler dans le mot "moderne" un caractère limitatif. Or / ... en y réfléchissant, je suis convaincu que le fait de ne pas désirer relire Kafka dépendait de la "perfection" [ ... ] de ses textes."
La distinction entre le connecteur objectif et le connecteur
subjectif rappelle celle que nous avons identifiée pour d'autres
connecteurs, par exemple entre "parce que" et "car" ou entre "en tout
cas" et "de toute façon"; nous pourrions réitérer ici notre analyse
permettant de différencier l'emploi de "maintenant" et de "or" d'après
leur distribution ou l'identification du registre énonciatif. Le
connecteur italien "ora" sert aussi bien de déictique temporel et,
pourrait-on di re, de "déictique textuel" mais ces deux fonctions ne
semblent pas toujours très distinctes. 175
• Les contraintes syntaxiques régissant l'emploi de "or" le
différencient de "en fait" ou de "au contrai re". "Or" n'est jamais
enchassé (215) 176. De meme, il est inacceptable dans une question
(216), il ne peut jamais servir de réponse méme accompagné d'un "oui"
(217); il ne peut pas non plus l 'introduire (218):
(215) "Il faut dire la vie est difficile." * Il faut dire qu'QI: la vie est difficile
175_ Il y aurait meme une troisième valeur assumée par "ora" dans sa variante à l'oral "ho", marqueur de structuration de la conversation introduisant, après une pause forte, une diversion dans l'exposition. Il signale le passage d'un acte directeur à un acte subordonné à l'intérieur d'une meme intervention: sa fonction pragmatique est identique à celle du "or" français mais, contrai rement à ce dernier, il est réservé au registre oralo Ce marqueur n'est signalé dans aucun des dictionnai res que nous avons consultés.
176_ Ce qui distingue également en italien le "ora" déictique temporel du "ora" argumentatif c'est que le premier peut etre enchassé (comme le français "maintenant") alors que c'est impossible pour le secondo
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(216) qu' en pensez-vous?"
*Q.r qu'en pensez-vous?
(217) " , O u i . " * Qr, oui.
(218) A- "Où allez-vous ce soir?" B- je n'ai pas de voiture."
A- "Où allez-vous ce soir?" B- * Qr je n'ai pas de voiture.
Mais il est très fréquent dans l'introduction d'une question
rhétorique, ce qui laisse supposer qu'il introduit un acte énonciatif
relatif à une mise en doute d'une opinion: "or" s'apparente dans ce
cas à un connecteur méta-énonciatif pouvant accompagner ou remplacer
un acte tel que: "(Or,) je pose une question", "(Or,) nous sommes en
droit de nous demander" qui sont des pré-actes (ou des "speech acts
designating') annonçant l'émergence d'un nouvel argument ou d'une
nouvelle problématique contre-argumentative (la question rhétorique
est énoncée dans un contexte argumentatif négatif); dans (219), par
exemple, la question introduite par "or" est équivalente à une
assertion négative:
(219) «11 n'est pas sOr que l' intérét électora l d'un candidat conservateur réside dans la "gauchisation" de son discours. La cible par excellence de la campagne reste le noyau centra 1 de la société française, à savoir les classes moyennes.Q[ a-t-on apporté la preuve que ces dernières étaient prétes à défendre jusqu'au bout une politique de lutte contre l'exclusion?» (Le Monde, 13-1-95)
"Or" est, dans tous les cas de figure, transphrastique et en
première position de la phrase assertive, ce qui consti tue une
particularité plut6t rare puisque, de tous les connecteurs que nous
avons analysés, c'est bien le seul à adopter cette unique position
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fixe. Si nous reprenons la classification de H. N951ke, ce serait le
seul de tous les connecteurs que nous avons analysés à satisfaire les
critères permettant de le distinguer en tant qu'''adverbial connecteur"
par rapport aux autres adverbiaux: en effet, il ne donne pas
d'instruction relative à l'interprétation de l'illocutoire (comme
"franchement" ou "vraiment"), il ne fait pas directement référence au
contexte; "or" doit etre analysé au niveau du texte et de la
structuration discursive car il "articule la connexion meme".177
• "Or" peut introduire un mouvement argumentatif co-orienté.
C'est le cas par exemple dans: "tous les hommes sont mortels; or
Socrate est un homme". Cette suite peut etre ramenée à une forme de
syllogisme appelée "modus ponens": "si Q alors P; or Q; donc P". Mais
il existe également une valeur oppositive de "or" telle qu'elle
apparaìt dans l' énoncé suivant et qui est l a seul e à pouvoi r etre
traduite par "invece" (et, éventuellement par "orali). Nous y
reconnaissons une forme de raisonnement syllogistique appelée "modus
tol1ens": "si P alors Q; or non-q; donc P". Ainsi:
(220) "Tous les hommes sont mortels.Qr Gabriel n'est pas un homme." "Tutti gli uomini sono mortali . ... !ll.'t"JJJ;JJ Gabriele non è un uomo." "Tutti gl i uomini sono morta l i .. Qrll Gabriele non è un uomo."
(221) "L'accusé s'est déclaré innocent;QX il est coupable." "L'accusato si è dichiarato innocente;i[lI{J1J;J! è colpevole. " "L'accusato si è dichiarato innocente;.Ql:1l è colpevole. Il
Du point de vue argumentatif, "orli se traduisant par "invece"
rel ie deux énoncés anti-orientés. S'i 1 ne rel ie jamais deux énoncés
cont radi ctoi res, "or" peut entéri ner une opposit ion qui s'i nscrit sur
177_ N95LKE H.: «Pertinence et modalisateurs d'énonciation», art.cit.
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529
un axe graduel; il est ici interchangeable avec "en fait" et, à
l'instar de "en fait", il peut annoncer le registre de l'évidentiel.
De meme, l 'ordre des arguments connectés n'est pas contraignant
puisque la suite des arguments dans (220) ou (221) peut etre
interverti:
(220' ) "Gabriel n'est pas un homme. Or tous les hommes sont mortels."
(221') "L'accusé est coupable.Qx l'accusé s'est déclaré innocent."
• Comme il a été démontré dans les analyses diachroniques
consacrées à "or", ce connecteur était un déictique temporel, puis sa
valeur pragmatique a évolué; marquant autrefois le temps objectif de
la narration, il accompagne aujourd'hui une ponctualisation d'un temps
subjectif, le temps de l'énonciation: "ainsi nalt, du 'or' tempore1,
celui de transition ou de conclusion". 178 A bien des égards, "or"
garde sa fonction de "bornage" du texte, ainsi que sa fonction sui-
référentielle (nous parlons bien ici de fonction et non pas de sens,
puisqu'il ne s'agit pas de la "sui-référentialité" au sens de Ducrot):
son rale était de faire coincider son occurrence meme avec son
référent. Si nous considérons par exemple des expressions du type "Or
il se trouve que ... ", l'énonciateur indique référentiel1ement un point
particulier de la narration ou de l'argumentation et sollicite
l'attention vigilante (ce que H.Weinrich appelle "Gespanntheit") du
lecteur. L'immobilité de "orli tendrait meme à conférer à celui-ci une
fonction indexicale textuelle: l'énonciateur montre de manière
178_ ANTOINE G.: La coordination en français, op.cit., p.1195. PERRET M.: «"Orli et "ci" de référence textuelle» in MOREL M.A., DANON-BOILEAU L. (éd.): La Deixis, op.cit." pp.579-582.
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530
ostentatoire l'avènement d'un fait. Significativement, en italien, la
progression narrative et la progression argumentative peuvent etre
articulées par un autre connecteur narratif, synonyme de "ora": "a
questo punto" (littéralement "à ce point").
Annonçant le premier plan dans le système du discours, "or"
accompagne les temps commentatifs: les lexies "Or, un jour ... ", "Or, à
ce moment-là" (et, en italien: "Ora, un giorno ... ", "Ora, a quel
punto", "Un giorno, invece ... ", "Invece un giorno accadde che ... ")
introduisent le temps de l'action.
Si nous proposons comme t raduction possi bl e de "invece" 1 e
connecteur français "or", c'est que ce dernier nous paralt assumer la
fonction de connecteur contre-argumentatif tout en préservant une
certaine retenue. "Or" pourrait etre considéré comme une connecteur
"euphémique", comme une figure de sous-entente (d'''understatement'').
Cette définition assure une spécificité à "or" relativement aux forces
argumentatives de "au contrai re", "en revanche", "par contre" ou
"invece" que nous avons justement définis comme connecteurs oppositifs
d'insistance (ou pOlémiques) et relativement à "en fait" qui exerce un
coup de force i nférentiel . Compl émentai rement à ces derni ers,
l'énonciateur disposerait donc d'un troisième connecteur, "or", dont
la force argumentative est bien moindre et dont le r6le argumentatif
se limite à l'ex-position d'un argument, sans pour autant que
l'énonciateur ait à s'engager sur la suite de son raisonnement. En
effet, comme nous l' avons dit, "or" est habituell ement considéré comme
un connecteur logique qui introduit la seconde prémisse dans un
raisonnement de type syllogistique. Sa présence signalant l'ouverture
et l'expansion d'un nouveau mouvement argumentatif engendre, dans le
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531
processus interprétatif, un mécanisme mental d'inférence de type
logique:
(222) «[C7inton] si era fatto e7eggere contro g7i intrallazzi: 7'affare Whitewater 70 ha c0770cato tra i sospetti faccendieri. De77a parità sessua7e aveva fatto una è stato investito da una va7anga di accuse di presunte ex amanti. Parlava di riconciliazione naziona7e: non è riuscito a sventare neppure 70 sciopero de7 baseba77.» (Panorama, 23-12-94)
"[Clinton] s'était fait élire contre les manigances: l'affaire Whitewater l'a placé parmi les intrigants suspects. Il avait fait de l 'éga l ité des sexes un cheva l de bata i 11 e :QI il a été envahi par une avalanche d'accusations d'ex-maHresses présumées. Il parlait de réconciliation nationale: il n'a meme pas réussi à déjouer la grève du base-ball."
Contrairement à "en fait" dont le r61e argumentatif est
plut6t conclusif, "or" permet à l' énonci ateur d' amorcer une
démonstration sans imposer ouvertement une concl usion qu'il estime
sans doute malvenue ou trop abrupte pour la face de son interlocuteur,
ce qui est une stratégie subtile de la conviction. C'est pourquoi, un
raisonnement qui s'interrompt à la deuxième prémisse et qui revet de
ce fait la forme d'un questionnement, ménage un espace interlocutif à
l'interprétant; celui-ci est chargé par l'énonciateur d'induire lui-
meme sa propre conclusion. Dans l'intention de l'énonciateur cette
conclusion est seulement probable, puisqu'il prend le risque, en
laissant la charge à son interlocuteur de l'énoncer, de ne pas etre
suivi. Cette conclusion n'est pas tautologique et, en ce sens,
l'inférence opérée s'assimile à celle d'un processus abductif: "ces
haricots sont blancs; or tous les haricots de ce sachet ne sont pas
blancs" ou inversement "tous les haricots de ce sachet sont blancs; or
ces haricots ne sont pas blancs", énoncés qui laissent tous deux
inférer une troisième assertion (meme si celle-ci reste en suspens):
"ces haricots ne proviennent pas de ce sachet".
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532
• "Or" peut etre considéré comme une figure de la réticence
ou encore comme une figure textuelle du silence: "au lieu de tirer du
co-texte, comme l'ellipse, les données sémantiques qu'elle soustrait à
l'expression, elle s'adresse directement à l'interlocuteur, à son
pouvoir d'interprétation autonome".1 79 C'est pourquoi, malgré les
définitions classificatoires proposées par H. Nf61ke, nous ne pouvons
pas affirmer que "or" n'exerce aucune force illocutoire ni qu'il n'a
aucune fonction modalisatrice: en invitant son interlocuteur à inférer
lui-meme une conclusion (c'est-à-dire l'hypothèse selon le
raisonnement abductif), l'énonciateur investit meme indirectement son
discours d'une fonction "perlocutoire".
"Invece" assume des fonct i ons beaucoup p l us l arges que ce 11 es
d'un simple connecteur contre-argumentatif tel que le français "au
contraire". Il semble en effet consacrer une différence ou une
altérité radicale (nous pourrions meme risquer ici le terme de
"différance") entre deux mondes, deux points de vue, sans faire
obligatoirement allusion au sens ou à la direction argumentative, ou
meme il peut opérer une scission dans l'espace interlocutif (dans un
mouvement inverse par rapport au mouvement empathique). Sa fréquence
est très élevée et semble meme etre parfois idiosyncrasique. Une fois
de plus, dans la (non-)traduction, le français montre une relative
retenue par rapport à l'italien et fait apparaltre ce qui semble
179_ PRANDI M.: «Figures textuelles du silence: la réticence» in PARRET H. (éds.): Le sens et ses HétérogénéHés, op. cit., pp. 155-174, p. 159.
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533
décidément etre un caractère du "génie" de cette langue, une certaine
mesure dans l'expression et un goQt de la modération comme le démontre
sa traduction possible par "or".
---- ... -----••• iii •••••
I
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534
12- CONCLUSION
Au terme de cette étude nous avancerons un certain nombre de
remarques conc1usives:
Tout d'abord, la perspective comparative nous a permis de
dép1acer sensib1ement le point de vue se10n 1eque1 1es connecteurs ont
généra1ement été ana1ysés jusqu'à présent dans 1es études
pragmatiques. Si ces dernières ont été confortées grace à l'épreuve de
la traduction, notre étude a aussi démontré, ici et là, que le choix
d'utiliser l'un ou l'autre des connecteurs concurrents ("aussi" /
"meme"; "car" I "parce que"; "de toute façon" I "en tout cas") pouvait
dépendre, en dernier ressort, de l'attitude subjective de
l'énonciateur ou du traducteur-interprétant qui n'a ma1heureusement
pas accès à l'intention de l'émetteur. A ce propos, nous nous sommes
demandé à p1usieurs reprises si l'usage de tel ou te1 connecteur
n'exerçait pas un pouvoir de contrainte sur 1es processus inférentie1s
et s'il ne dépendait pas, en fait, de ce que A. Berrendonner a appe1é
"un coup de force présuppositionne1": mais a10rs nous pourrions nous
poser la question de savoir s'il ne faudrait pas examiner plus
précisément en quoi ce "coup de farce" app1iqué par exemp1e à un
"forcément" se di fférencierait de ce1 ui qui s' app1 i que à un "puisque",
à un "quand meme" ou à un "en fait". 1
Ces perp1exités naissent surtout de l'analyse du niveau
macrosémantique, transphrastique ou textue1 - au niveau syntaxique ou
1_ Des travaux récents ont mis l'accent sur la difficu1té de distinguer 1es orientations argumentatives de certains connecteurs de 1angues différentes et de leurs "procédures instructionnelles" qui ne coYncident que partie11ement. Cf. MOESCHLER J. ET AL.: Langage et pertinence, Presses Universitaires de Nancy, Nancy, 1994. LUSCHER J.-M.: «Connecteurs et guidage inférentie1, propositions pour une perspective inter1ingue», Bul1etin elLA 50, 1989, pp.47-58.
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535
mésosémantique, les contraintes sont en effet plus tangibles - où
l 'observation des énoncés authentiques conduit à une classification
"tendancielle" des emplois des connecteurs. Ces tendances
n'établissent pas à proprement parler une norme, néanmoins elles
établissent un noyau relativement stable et invariant des productions
et peuvent servir à construire une "stratégie" de traduction.
L'étude différentielle des fonctions et des valeurs
respect i ves dans l es deux l angues nous engage à envi sage r l' ana l yse
linguistique selon une perspective globale et non atomiste: un
connecteu r dans une l angue peut p rovoque r, dans l'aut re l angue, des
mutations sémantiques de certains éléments à l'intérieur de l'énoncé,
voire changer de fonction. Comme toute traduction, celle des
connecteurs comporte une part d'entropie, de perte de sens ou de
glissement de sens: ce phénomène bien connu nous induit à conclure que
ces éléments articulent le discours de manière différente dans une
langue et dans l'autre. L'analyse pragmatique des connecteurs, qui ne
sont pas toujours des mots vides, ne peut pas faire abstraction de
l'analyse sémantique elle-meme dépendante des positions occupées par
ces mots sur l'axe syntagmatique: ils iradient ou absorbent des effets
de sens grace au co-texte qui favori se ou i nhi be l es sèmes qu' i l s
véhiculent. Nous avons également pu observer que les valeurs
pragmati ques de certai nes locutions sont conditionnées par l e statut
meme des coordinations ("ou", "et") qui sont susceptibles de les
introduire. 2 Cela nous a entralnée à prendre en considération ces mots
du discours dans leur ensemble, en ne séparant pas les opérateurs des
2_ C.Rossari relève également l'impact sémantique des prépositions util isées dans ces locutions; cf. ROSSARI C.: Les opérations de reformuTation - AnaTyse du processus et des marques dans une perspective contrastive français-itaTien, op.cit., ch.4.
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536
connecteurs, des marqueurs aspectuels ou des modalisateurs, et en
essayant de mettre en évidence les mutations pragmatiques progressi ves
qui gouvernent leurs emplois respectifs.
Le passage d'une l angue à l'aut re, et 1 a t raduct i on des
connecteurs en particulier, peut constituer une méthode heuristique
féconde pour l'identification de valeurs pragmatiques nouvelles et
différentes: en effet, elle conduit à l'adoption d'une perspective
légèrement décalée par rapport à celles qui nous sont généralement
présentées dans les études "homologiques", c'est-à-dire à l'intérieur
d'un meme système d'une meme langue. Les manifestations particulières
d'une langue servent de révélateurs pour isoler des fonctions
syntaxiques, ou pour identifier les parcours cognitifs à l'origine de
l'express;on de tel ou tel connecteur. Nous avons par ailleurs
remarqué que la comparaison entre deux langues aussi voisines que le
français et l' ital ien, nécessitait la prise en compte d'une analyse
diachronique: en effet, il n'est pas rare de découvrir un point de
co'incidence entre un emploi attesté de l'ancien français et un usage
actuel de la langue italienne contemporaine (par exemple, l'emploi de
"ainz" en ancien français aujourd'hui disparu, perdure dans l 'usage de
l'italien contemporain "anzi"). Ce chassé-croisé sémantique nous a
permis de mettre au jour de nouvelles catégories qui ne recouvraient
pas exactement celles qui ont pu etre proposées dans les études
pragmatiques récentes.
C'est pourquoi, l'étude comparative et la traduction des
connecteurs nous ont
appareillages théoriques
amenée d'une
auxquels il
part
est
à assouplir certains
fait traditionnellement
référence, par exemple ceux de la pragmatique intégrée de Anscombre et
Ducrot ainsi que ceux de l'analyse des articulations du discours de
I I I
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537
E. Roul et; d'aut re part, nous avons accuei 11 i di verses aut res études
suscept i b l es de fou rn i r des exp l i ca t i ons su r nomb re de phénomènes
langagiers qui accompagnent l'emploi de tel ou tel connecteur: celles
d'A.Culioli ou de J.-J.Franckel pour l'analyse des marques
aspectuelles ou celles B.Pottier pour la mise en évidence des axes
sémantiques des modal ités; les études menées par P.M. Bertinetto sur
le sémantisme du verbe, celles qui nous proposent une classification
des registres énonciatifs (H.Weinrich ou Z.Guentcheva), ou celles,
également, qui ont soul igné la présence de formes disparates
d'hétérogénéités (entre autres celles analysées par J.Authier-Revuz).
Nous avons pu utiliser tout au long de notre étude les
catégories linguistiques habituellement invoquées dans les
descriptions linguistiques, qui s'organisent traditionnellement autour
de bin6mes tels que: récit / discours (du système énonciatif); valeur
de vérité / valeur illocutoire (d'un énoncé ou d'un adverbe); valeur
ontologique / valeur épistémique (des verbes modaux); action ou temps
objectif / aspect ou temps subjectif; relation directe ou primitive I
relation indi recte ou polémique (de l 'opposition ou de la négation),
etc. En réalité, il n'y a pas de césure nette entre ces valeurs, mais
un continuum et, surtout, elles ne servent pas de manière bi-univoque
la description des deux langues. En effet, nous avons acquis la
conviction que les connecteurs n'entérinent pas une relation logique
pré-existante et que leur usage était parfois imputable à de simples
réflexes de langage, qu'ils soient attribuables à un "style collectif"
ou à des formes apparemment "idiosyncrasiques". Ainsi, le français
doit-il choisi r pour tradui re "anche" entre une forme non marquée
"aussi" et une forme marquée "meme" et ce, meme s'il existe en italien
une forme marquée "persino" (qui devrait don c correspondre
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538
univoquement à l'usage de "meme"). En effet, la différence du degré
d'intensité entre "anche" et "persino" ne se ref1ète pas exactement
dans celle qui existe en français entre "aussi" et "meme": 1 a force
argumentative de ce dernier est équiva1ente à "aussi" 10rsqu'i1 est
accompagné d'une intonation incise.
S'il est arrivé que nous ayons eu recours dans notre étude à
des distinctions entre un emploi objectif et un emp10i subjectif des
connecteurs, pour différencier par exemp1e "ear" de "parce que", "de
toute façon" de "en tout cas", celles-ci ne doivent pas etre cependant
considérées comme des va1eurs abso1ues: elles ne sont identifiab1es
que de manière relative ou différentielle à l'intérieur d'un meme
système dont 1es paramètres ne s'agencent pas de façon identique dans
1es deux 1angues. "Car" est réservé au registre soutenu alors que son
correspondant italien "anche perché", étab1issant le meme type de
re1ation inférencie11e, appartient p1utot au registre standard ou
fami1ier. leur emploi n'est donc pas bi-univoque.
Pour aller p1us loin, il nous a semb1é qu'une perspective
intéressante pourrait etre plus systématiquement examinée à travers la
détermination du sens de certains connecteurs qui semb1ent se
dédoub1er dia1ectiquement en acceptions oPposées. Ainsi, il faudrait
déterminer par exemp1e plus en profondeur, en quoi "à l'évidence" et
"évidemment" diffèrent l'un de l'autre; notre intuition est que, loin
d'etre opposés, leur sens se confond parfois et apparait meme
indécidable. C'est le cas également de "visiblement" qui n'indique pas
(toujours) ce qui est visible ou évident mais ce qui est apparent,
done trompeur. Ce sens opposé des connecteurs a pu affleurer ici et là
dans l'analyse par exemple de "justement" qui est apte à entériner
deux relations contraires (à la fois une jonction et un renversement)
I I I I I I I I I I I I I I I I I I
539
ou de "en fait", souvent interchangeab1e avec "en réa1 ité", que nous
avons rapproché de manière inattendue de "manifestement" (souvent
interchangeable avec "apparemment").
Si certaines va1eurs pragmatiques contradictoires ont pu etre
constatées pour un certain nombre de connecteurs que nous avons
examinés, cette caractéristique inattendue pourrait éga1ement
s'app1iquer à certains types de re1ations instaurées dans 1es
structures d'échanges; en effet, dans des contextes particu1iers, la
va1eur des connecteurs (en particulier ceux qui résu1tent de la va1eur
empathique) pourraient etre envisageab1es sous l'ang1e du "doub7e
bind' ou de la doub1e contrainte qui agit par modu1ations tantot
stabiTisatrices tantot déstabi1isantes sur 1es interactions entre deux
locuteurs en présence: "tout de meme" peut, par exemp1e, tour à tour
amp1 ifier ou minimiser le jugement d' autrui; 3 combiné avec le futur
épistémique, il confère meme à l'ensemb1e de l'énoncé un sens
paradoxa1.
Enfin, il nous est apparu que le caractère particu1ier de la
1angue ita1ienne se réa1isait à travers différents traits rendus
évidents grace à la traduction: en particu1ier, la mobilité supérieure
de certains morphèmes sur l'axe syntagmatique (et p1us précisément la
possibilité de les enchasser), a10rs que le français, plus "rigide"
semb1ait plus 1inéaire, p1us régu1ier ou moins "cahoteux". Le français
est en outre caractérisé par un certain goQt de la modération, au
3_ Les récentes études sur les interactions verbales semb1ent s'orienter vers cette perspective et mettent en évidence cette double tendance; Cf.: KERBRAT-ORECCHIONI C.: Les interactions verba7es (2), A. Co1in, Paris, 1992. KERBRAT-ORECCHIONI C.: «La construction de la relation interpersonne1le: quelques remarques sur cette dimension du dia1ogue» in Cahiers de Linguistique Française 16-1, 1995, pp.69-88.
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540
travers des traits de bienséance, de retenue ou de sous-entente dans
le choix des mots: c'est ce que démontre la présence importante
(toujours par rapport à l'italien) de toutes sortes d'expressions
euphémiques ou "réticentes".4 Le baroquisme du style italien s'oppose
ainsi au classicisme de l'usage français, peut-etre meme à son
conservatisme. Nous pourrions identifier ainsi, face au complexe dit
de "Pietro Bembo" qui qual ifie, pour P. Scavée et P. Intravaia 5, le
goOt atavique de l'italien pour les redondances et les tournures
ampoulées, un complexe "Descartes" pour définir cette circonspection
et cette réserve ancestrales.
-------.......
4_ Il est frappant de relever en français la quantité d'expressions négatives relevant de la litote, telles que "ce n'est pas évident", "ce n'est pas facile", "il n'est pas bete", "il ne l'aura pas volé", etc. que l 'italien ne traduit pas littéralement.
5_ L'ouvrage de P. Scavée et P. Intravaia (Traité de stylistique comparée, Didier, Bruxelles, 1979) analyse de manière précise et convaincante encore aujourd'hui ces traits distinctifs du style collectif de la langue italienne; il manque à ce jour un ouvrage qui pourrait établir, dans l'autre sens, les traits distinctifs de la langue française.
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INDEX DES NOTIONS
[les pages renvoient aussi aux notes]
à l'évidence, 285, 539 à man avis, 52 à vrai dire, 52 abduction (processus, raisonnement abductif), 33-35,162,210,270,271,272,522,531-
532 abso I ument , 51, 130 acte argumentatif (acte d'argumenter), 61, 66, 75, 396, 397, 399, 429, 515 acte d'énonciation (de parole, de lan9age, de communioation, du dire, locutoire), 3, 6,
27-28, 30, 53-55, 61, 63, 89, 96, 125, 129, 140, 154, 163, 168, 193, 198, 206, 234, 234, 241, 244, 250, 251, 252, 253, 256, 260, 270, 283, 295, 300, 301, 337, 338, 341, 343,363,365,392,426,449-452,454,456-457,460,482, 485, 497, 500, 505, 525, 527
acte d'exécution, 238 aote d' interpellation, 189 acte de confirmation, 339, 340-341, 353, 459, 514, 515 acte de justification, 79, 244, 255, 258, 260, 272, 274, 275, 276, 296, 297, 321, 337,
453, 454, 514, 517 acte de prédication (-prédicatif, contruction prédicative), 33, 54-55, 65, 67, 140, 177,
234, 271, 342, 344, 376, 414, 434, 438, 442, 445, 447, 458, 488, 490, 503 actè de requete, 173, 205, 453, 460, 461, 507 acte directeur, 45, 247, 335, 391, 526 acte illocutoire (valeur-, fonction-), 28,50,51,52,58,62,123,244,260,268,332,
349, 350, 351, 355, 369, 388, 391, 406, 410, 460, 498, 507 acte performatif (valeur-), 153, 156, 157,164,201,203,229,238,365,371,391,406,
427, 436, 443, 451, 453-454, 459-462, 470-471, 480, 496-499, 506-507, 523, 528, 532 acte promissif, 236 acte réduplicatif, 79, 297, 418, 459 acte subordonné (énoncé, constituant), 45, 49, 246, 247, 250, 260, 335, 391, 526 acte, 28, 45, 54-55, 61, 87, 150, 157, 177, 179, 224, 285, 296, 302, 312, 313, 315, 324,
325, 402, 415, 459, action (du verbe) , 83, 119, 120,124,134-136,138,140-141, 153-157, 181, 192-
194, 197, 222, 233, 362, 427, 429, 437, 439, 443-444, 453, 461, 520, addirittura, 75, 113-121, 210, adjectif, 82, 96,99,125,139,143,145-149,212,215,220,225,236, 311, 313, 314,
329, 359, 445, 463, 500, adjoint de nom, 80, 81, 85, 87, 93, 95, 97, 110, 114, adjoint de phrase, 96, 97, 114, 115, 141, adjoint de prédioat, 80, 81, 87, 95, 114, 122, 229, 220, adverbe anaphorique (connecteur-), 130, 416, 477, adverbe d'assertion (morphème adverbial d'assertion), 134, 137, 141, 146, 172, 226, 227,
240, 242, adverbe d'énonciation, 96, 130, 147, 202, 213, 226, 229, 241, 398, 403, 462, 482, adverbe de coordination, 246, 332, adverbe de degré, 146, adverbe de focalisation, 248, adverbe de fréquence, 84, adverbe de manière (adverbe de qual ité, lexème de qual ité), 49, 74, 75, 79, 88, 124,
134, 137, 139, 149, 213, 216, 225, 235, 240, 241, 242, 287, 310, 317, 463, adverbe de modalité, 66 adverbe de négation (voir: forclusif), 356,
I I I I I I I I I
574
adverbe de phrase, 49,85,123,130,226,229,287,348,368,411,437,462, 470,471, 482,
adverbe de quantité, 133, 141, 208, adverbe de temps, 84, 85, 197, adverbe en "-ment", 49, 50, 55, 73, 79, 225, adverbe intensif (intensifieur), 145, 149, 334, 335, adverbe mOdificateur, 334, adverbe, 38, 45, 46, 49, 51, 55, 57, 58, 82, 111, 213, 240, 242, 314, 339, 348, 378, adverbial connecteur, 123, 369, 388, 528, adverbial contextuel, 369, adverbial d'énoncé, 122, 287, adverbial i Ilocutoire, 122,388,497,497, adverbial paradigmatisant, 80, 101, 414, adverbial, 45, 52-54, 59, 93, affirmative (assertion), 126, 129, 131-132, 139, 143, 202, 215, 223, 231, 239, 249, 272,
325, 334, 337, 340, 355, 360, 374, 377, 390, 402, 408, 409, 416, 422, 430, 432, 443, 451, 452, 458, 478, 485, 487, 523
alors que, 100, 509, alors, 48, 50, 85, 351, 508, 509, anaphore (emploi, fonction anaphorique), 17, 18, 59,71,80,83, 101,110, 111,119,
130,143,156,161,162,169,225,232,241,242,267,293, 319,321,356,391,407, 413, 416, 417, 459, 477, 478, 505, 515, 523,
anche perché, 75, 243, 258-259, 263, 264, 266-267, 270, 274 anche, 1, 75, 79, 80-113, 114, 115, 121, 142, 169-196, 203-212, 223, 536 ancora, 85-86, 157 anthropophorique, 96, 460 anti-orientation (arguments anti-orientés), 274, 330, 337, 361, 364, 377, 388, 393-394,
400, 411, 447, 467, 477, 479, 494, 515, 518, 524, 528 antonymie (relation antonymique), 328, 343, 361, 486-491, 495, 499, 502-503, 506 anzi, 76, 93, 106, 298, 536 apparemment, 539 appunto, 75, 286-310, 491 après tout, 145 argument a contrario, 377 argument, 42, 43,67,70,75,80,84,86,89,90,91,95,101-102,108-109, 112, 113,
116,118,119,166,185,186,210,231,259,266-267, 288-289, 291, 315, 330, 335-337, 344, 350, 358, 364-367, 376-377, 381, 386, 388, 392, 397, 400, 424, 430, 432-433, 440, 457, 465, 467, 474-475, 477, 479-480, 482, 486-487, 489-492, 494, 496, 504, 510, 514-515, 517-518, 522, 524, 527, 529-530
argumentation, 3, 31, 32, 35, 42-44, 53, 66, 68, 75, 79, 88, 91, 94, 102, 110, 155, 186, 209, 212, 213, 244, 260, 261, 265, 273, 274, 275, 289, 290, 292, 294, 296, 300, 311, 316, 322, 332, 361, 365, 376, 386, 394-397, 400, 432, 444, 472, 473, 480, 491, 494, 501-502, 519, 529,
argumentative (séquence), 63, 77, 262-263 aspect (valeur aspectuelle du verbe, aspectual isation, problèmes aspectuels), 54, 58,
63,82,120,124-127,133-135,138,143,145,153-156, 167,181,192-193,261,339, 362, 439, 440, 443-445, 453, 518-520
assolutamente, 130 asymétrie, dissymétrie (relation asymétrique, dissymétrique), 304, 359, 371, 388, 405,
437, 439 attente (expectat ion), 16, 74, 101, 106, 175, 279, 284, 295, 92, 95, 102, 106, 109, 113,
129, 133, 160, 163, 172, 175, 234, 255, 272, 279, 284, 295, 395-396, 400, 402, 412, 444, 453, 455, 475, 512-513, 518-519, 523
au bout du compte, 281 au contraire, 76, 77, 332, 395, 412, 486, 487-499, 501-505, 509, 511, 516, 526, 530, 532 au fond, 46, 283
I
I I I I I I I I
au juste, 283, au lieu de cela, 486, 506, 522-524, 532 aufhebung, 298, 324 aussi bien, 89
575
aussi, 46, 53, 75, 79-93, 94, 95, 97, 102, 112, 121, 185, 263, 264, 267, 413, 424, 534, 539
autophorique (fonction-), 96 autotélique, non autotélique (séquence-), 63, 262, 263 axiologique (valeur-), 125, 135, 141, 178, 179, 212, 218, 219, 258, 268, 316, 356, 359,
365,381,409,427,432,438,456,501,510 bene (ben), 75, 125, 126, 133, 139, 140, 141, 182, 183, 213-223, 236, 341 bensì, 133, 341 bien que, 45, 360, 386, 387, 402, 404, 412 bien sar, 134 bien, 53,75,122-225,226-230,232,233,235-238,241,283, 297,339-341,390,398,
418, 443, 450-452, 454, 459, 485 bravo, 215, 235, 236 brièvement, 50 car, 45, 46,48,75,239,243-247,249-252,255,256,258-261, 263-272,274,276,278,
279, 283, 285, 396, 484, 517, 518, 526, 534, 538 carré argumentatif, 330, 335 carré logique (-aléthique), 125, 328 carré sémiotique, 328, 360, 420-422, 494 carrément, 114 cataphore (fonction cataphorique) 258, 272 cause (valeur causale, proposition causale), 100, 119, 244, 245, 247, 248, 252-255, 259,
264, 266, 267, 270-272, 289, 297, 300, 401, 409, 415, 422, 425, 439, 448, 517 certes, 46, 50, 134, 240, 398, 399 certo, 398 chronologie (axe chronologique), 44, 67, 178, 179, 225, 252, 254, 256, 268, 443 co-énonciateur, 61, 63, 104, 109, 112, 115, 119, 132, 148, 210, 212, 249, 277, 289, 324,
337, 354, 365, 369, 395, 438, 446, 449, 454, 460, 487, 494 co-orientation (arguments co-orientés), 79, 101, 112, 235, 259, 330, 432, 477, 494, 514,
517, 524, 528 co-texte (co-textuel), 18, 53, 79, 87, 111, 121, 135, 153, 160, 167, 174, 193, 203, 241,
277, 281, 284, 301, 324, 369, 406, 413, 442, 475, 525, 532, 535 cognitif (processus-, structure-), 5-6,10,11,12,15,17,21,23,39,55,60,66,71,
145,151,164,179,248,290,292,306,310,316,328,419, 427,438,439,443,454, 458, 462, 474, 489, 495, 508, 536
cogn i t i on, 13 cohérence, 17, 41, 43, 72, 271, 301, 302, 305, 313, 393, 475 cohésion, 17, 41, 263, 302, 396, 470, 475 come, 144 comme, 81, 219, 272, 308 commentai re, 166, 185, 261, 303, 308, 337, 530 compact (entité-), 145, 446 compétence, 4, 5 COIIIUnque, 76, 351, 395, 401, 404, 429-434, 436, 440, 443, 462-463, 465-468, 470-473,
477-480. 482-485 conative (valeur-), 129, 132, 150, 157, 164, 200, 218, 224, 226, 229, 237, 449, 459 concept (catégorie, unité conceptuelle), 10, 13, 14, 16, 21, 25, 179, 245, 290, 292,
304, 305, 346, 362 conditionnel, 142, 159,162,167,172,173,176-177,181-183, 194, 211,257,270,371,
372, 375, 398, 460, 461, 478, 479, 521 conjonctif, 50, 332, 368, 396 connecteur adjonctif (valeur-), 86, 183, 377
I I 576
I I I I I I I I I I I I I I I
I
connecteur adversa t i f (va I eur-), 76, 100, 103, 106, 331, 332, 333, 334, 336, 342, 348, 371, 373, 388, 401, 407, 408
connecteur antonymique (opérateur-), 487, 495 connecteur argumentatif, 1, 2, 30, 45, 50, 79 connecteur compensatoire, 357, 510 connecteur concessif (valeur-), 76, 188, 339, 348, 359, 360, 366, 371, 373, 386-390,
392-395, 397, 400, 401-405, 407, 409, 412, 415, 418, 422, 424-426, 429-431, 435, 444-445, 449, 451, 465, 467, 472, 480, 499
connecteur consécutif, 43, 46, 276, 280 connecteur contre-argumentatif, 1, 45, 50, 113, 132, 508, 530, 532 connecteur coordonnant, coordinatif (fonction-), 80, 85, 133, 246, 247, 249, 317, 330-
332, 334, 342, 374, 399-400, 443, 475, 481-482, 535 connecteur culminatif (voir: addirittura) connecteur d' insistance (valeur d'-), 79, 80, 92, 98, 100, 103, 121, 157, 486, 530 connecteur énumératif (énumération), 85, 86, 87, 110, 210, 250, 281, 480 connecteur injonctif, (valeur-), 130, 163, 426, 428, 462 connecteur justificatif (justification), 79,244,255,276,258,260,272,274,275,
276, 296, 297, 321, 337, 453-454, 514, 517 connecteur laudatif (valeur-), 456-457 connecteur logique (opérateur logique), 47, 81, 376, 391, 428, 530 connecteur méta-énonciatif, méta-discursif, métal inguistique, métatextuel (fonction-),
155, 260, 268, 270, 287, 301, 303, 305, 311, 336-339, 340, 342, 344-347, 353, 358-359, 382, 481, 491, 499-500, 527
connecteur narratif, 530 connecteur oppositif (-adversatif), 336, 395, 486 connecteur optatif (valeur-), 200, 202, 203, 204, 206, 211, 461 connecteur paradigmatisant (fonction paradigmatique), 80, 93, 101, 210, 409, 436, 479 connecteur pragmatique, 46, 53, 59, 406 connecteur réduplicatif (réduplication), 79,151,160,162,181,189,213,223,224,
233, 241, 297, 418, 459, connecteur réévaluatif (réévaluation), 43, 46, 145, 236, 274, 276, 284, 392, 404, 438,
440-441, 443, 456, 465, 466, 478-479, 515, 518, 520 connecteur reformulatif (-réévaluatif), 392, 404, 440-442, 465 connecteur résomptif, 236 connectéur rétrointerprétatif, rétroactif (point de
302,311,312,313,315,321,376-377,391-392, 465-466, 471, 476, 478, 515
connecteur syntagmatique, 429, 443, 472 connecteur temporel, 509 connecteur textuel, 43, 529 connecteur t rans i t i onne I , 71, 395, 529
vue-, valeur-), 145, 155, 156, 219, 397, 418, 429, 437, 441-442, 457,
connecteur, 3, 17, 18, 19, 37, 38, 39, 40-54, 56-73, 75, 339, 527 connexité, connexion, 17, 123, 166, 246, 364, 370, 388, 439, 528 constatif, factuel (énoncé-, valeur-), 34, 69,107,121,143-144,162-163,166,236,
238, 279, 281-282, 334, 427, 443, 470, 513, 523 constructivisme, 3, 10, 15, 179 contexte, 18, 19, 28, 29, 30, 47, 52, 53, 60, 65, 68, 338, 360, 366, 367, 369, 370, 379,
380, 383-389, 393-394, 406, 410, 412, 427, 431, 436, 445, 446, 448, 453, 472, 487, 497, 516, 524, 527, 528,
continu, 136-137, 187, 359, 362, 417, 428, 432, 435, 437, 439-440, 444 contradiction (énoncés contradictoires), 159, 162, 168, 170, 185, 212, 224, 268, 282,
291,298,309,325,328,330,335,343,361,366/367, 382-383,392,412,421-422, 486, 490-494, 503-504, 511, 513, 528
contraire (relation de contrariété), 327, 328, 330, 360, 361, 363, 395, 421, 473, 487, 491-492, 494, 496, 501-502
contre-argument, 330, 337, 488, 491
I
I I I I I I
I
577
contre-argumentation, 66, 67, 74, 112, 149, 152, 196, 200, 234, 337, 350, 401, 412, 480, 485, 515, 527, 530
contre-inférence, 293-294, 411-413, 418, 431, 439 contrefactuel, 172, 178, 179, 207, 371, 403, 425, 512-513 correctif, 145, 333, 466, 481 così, 130, 144, 147, 148, 233 d'abord, 44 de fait, 165-166 de toute façon, 76, 395, 403-404, 429, 462-469, 472, 477, 479, 480-485, 526, 538 déeidément, 50, 53 déduction (raisonnement hypothético-déductif), 33, 35, 71, 109, 110, 252, 270, 272, 413 déietique (déixis), 130,155,156,162, 183,191,194,197,267,318,319,321,322,
409, 416-420, 422, 424, 427, 525-526, 529 dél ibérative (séquence), 63, 77, 261 dense, 145 deuxièmement (en deuxième lieu), 44 di fatto, 75, 126, 165-166, 225, 281-282 diaehronie (origine étymologique), 73-74, 81, 85, 98, 114, 148, 166, 202, 247, 332-335,
398, 401, 409, 496, 505, 529, 536 dialogue (dialogai, d i a I og i que) , 21, 31, 36, 37, 61, 62, 77, 113, 129, 147, 149, 165,
166, lEì9, 172, 204, 206, 219, 223, 226, 228, 233, 235, 237, 239, 241, 249, 261, 276, 293, 303, 329, 331, 346-347, 349, 354-355, 363, 366, 390, 402, 405, 414, 429, 436-437, 446, 456-457, 459, 460, 462, 467, 482, 484-486, 491, 500, 503-504, 508, 516
discontinuité, rupture, 117,119,235,283,349-350,355,421,437,445,466,449,477, 479
discordantiel (particule discordanciel le, ne), 149, 457-458 discours (définition, voir: registre énonciatif), 15, 16, 21, 23, 29, 30, 31, 32, 34-37,
40, 43, 48, 52, 54, 55, 59, 61, 62, 63, 64, 65, 70, 73 discours argumentatif, 86, 88, 90, 95, 102, 244, 275, 289, 395, 446, 480, 500, 517 discret (discrétisation, entité discrète, discontinue), 117, 143, 145, 224, 233, 361-
362, 387, 432, 436-437, 443, 509 disjonctif, 50, 227-228, 240, 287, 395 divergence / convergence, 289-292, 294, 297, 301, 324, 338, 361 domaine notionnel (cognitif), 104, 107, 151-152, 290, 446, 447, 479 done, 46, 48, 50, 368, 493 double contrainte, 382, 539 dysphorique (pòle-), 147, 456, 506 e (conjonction de coordination), 80, 133, 399-400, 482 échange, 44, 45, 62, 200, 202, 226, 228, 236, 293, 295, 298, 302, 311, 349, 354, 363,
391, 400, 451, 475, 505, 506, 508, 539 échelle argumentative (voir: emploi sealaire) effect ivement , 46,50,74,75,129,133,134,137,139,141,143,163, 176,225-235,
238, 239-243, 276, 287 effettivamente, 75, 134-135, 141, 225, 227, 228, 231-233, 240, 242 également, 50, 75, 87, 89-91, 121 ellipse (emploi, structure elliptique), 25, 80,81,83,106,110,113,130,202,204,
232, 233, 236, 253, 263, 270, 287, 288, 298, 342-343, 346, 355, 358, 366, 412, 416, 456, 501, 503, 504, 532
empathie (valeur empathique), 124, 144, 147, 150,157, 162,164, 166,174,177,200, 218, 223, 224, 229, 407, 426-427, 449, 453-455, 457-459, 485, 506, 539
emploi scalaire, 61,86,91,103,104,112,113,116,117,226,360,392,405, 407, 409, 431-432, 441, 473
en effet, 45, 46, 48, 50, 53, 75, 225, 226-235, 238-239, 240, 243-244, 258, 259, 266, 274, 276-280, 514-515, 517-518
en fait, 46,75,76,77,160,161,225,226,234-235,238,239, 243-244,246,274-285, 317, 471, 486-487, 513-517, 520-524, 526-527, 529-531, 534, 538
I
I I I I I I
I
en fin de compte, 52 en réalité, 242, 539
578
en 76, 358, 362-363, 367-371, 373-382, 384-387, 486-487, 489, 510, 530 en tout cas, 76, 403-404, 462-485, 526, 534, 538 enantiosémie, 298, 308, 328 encore, 85, 86, 103, 106, 106, 443-448, 473 endophore (fonction endophorique), 46, 106, 130, 155, 162, 267, 418 enfin, 44, 281, 283 énonciateur, 17, 34, 50, 52, 57, 58, 59, 60-64, 65, 66 ensuite, 44 enthymème, 33, 109 entre nous, 52 entropie, 535 épigenèse, 6 épistémique (interprétation-, attitude-), 34, 176, 184, 269, 394, 416, 364 épistémique (moda I i té-, valeur-, catégorie-, axe-) , 109,
173, 178, 17a, 183, 185, 187, 189, 195, 197, 203, 207, 432, 433, 450, 457, 459, 479, 484, 537
épistémique (verbe-) , 128, 171, 173, 175, 188, 191, 198, 483, 520, 525
eppure, 188, 395 et, 46, 47, 79, 327, 334, 342, 374, 396, 399, 400, 481-482 Etre (zone modale), 178, 179, 208, 224, 238, 342, 470,
124, 125, 127, 152, 208, 211, 224, 225,
201, 222, 257, 268,
162, 268,
280,
171 , 372,
428,
euphémisme (expression euphémique, modestie, modération, circonspection), 84, 111, 121, 168, 200, 356, 406, 460-461, 530, 540
euphorique (pole-), 147, 380, 386, 456 éventuellement, 205, 206, 211 évidemment, 50, 240, 334-335, 346, 357, 450-451, 455, 457, 539 elCactement, 233 exclamation, 125, 144, 149, 238, 258 exophore (fonction exophorique), 46, 105, 106, 130, 162, 170, 241, 267, 418 Faire (Agir, zone modale factuel le), 129, 178-179, 208, 224, 238, 268, 428, 480, 523 finalement, 46, 52, 281-282 Finalmente, 281 focal isateur (foca I isation), 92, 96, 98, 110, 111-112, 115, 248, 286, 291, 297, 318-323 force argumentative, 53,65,90,95,97,104,112,113,115,121,157,165,187,196,
202, 267, 330, 366, 390, 392, 412, 486, 495, 498, 530 forcément, 53, 536 forclusion (forclusif), 149, 189, 200, 356, 412, 427, 458, forse, 398 franchement, 50, 52, 260, 482, 528 frontière, 79, 86, 107, 116, 146, 150-151, 175, 204, 212, 325, 429, 434, 447 futur, 124, 125, 142, 166, 171, 173, 176, 188-207, 214, 398, 459, 472 futuro epistemico, 189, 191-192, 207, 211, 398, 457, 459 gestalt (psychologie de la forme), 11-12, 14 geste, 291, 352, 353 già, 230, 231, 232 giustamente, 75, 286, 310, 312-314, 316, 323 giusto, 230, 286, 310, 311-314, 318 grammaire générative (générativisme), 5, 8, 24, 40, 42, 45 hétérogenéité, 35,37,46,62,261,268,299,303,306,327,383-384,388, 402,499,
500, 537 heu (euh) , 351, 353 ho, 526 homophore (fonction homophorique), 414, 418, 420, 422 idiosyncrasique (emploi), 71, 215, 235, 243, 323, 352, 532, 537
I
I I I
579
illocutoire (acte, fonction, force), 110, 123, 163,165,173,194,228,231,244,250, 258, 260, 268, 332, 349-351, 355, 369, 391, 406, 410, 427, 436, 454, 460, 462, 471, 496, 498-499, 506-507, 528, 532, 537
impératif, 125, 156, 194, 228, 229, 238, 425-426, 451, 468-469 implicite, 24, 28,35,36,46,52,59,66,96,101,105,106,109,113,132, 150,154,
159, 161, 163, 199, 213, 230, 256, 265, 288, 292, 330, 334, 338, 347, 354, 361, 376, 381, 388, 394, 411, 413, 416, 421-422, 447, 464-465, 481, 492, 494, 501
in compenso, 368, 371, 375, 380, 382-384 in ogni caso, 465 in ogni modo, 465 incidence, 55-56, 75, 82, 83, 96, 97, 100, 122, 130, 145, 167, 272, 346, 463 incohérence, 475 induction, 33, 35, 110, 270, 272, 393 infatti, 75, 160, 193, 225, 227, 230-231, 233-234, 235, 239, 243-244, 258-260, 274-275,
277-280, 514-515 inférence, 16, 21, 33, 52, 70, 71, 101, 121, 124, 162, 170, 190, 191, 209, 210, 257,
265, 267, 270, 271, 289, 290, 291, 292, 413, 415-417, 419, 514, 522, 530, 531, 534 innéiste (théorie), caractère inné, 2, 6, 11, 42 insomma, 438 intention (visée intentionnelle), 28, 52, 60, 65, 109, 121, 169, 196, 197, 198, 199,
205, 211, 213, 226, 235, 245, 282, 295, 296, 301-303, 338, 364, 366, 393, 415, 457-458, 460, 463, 498, 501-502, 531
interprétant, 17, 29, 30, 34, 44, 54, 64, 72, 74, 87, 93, 109, 110, 121, 140, 167, 169, 201, 209, 210, 235, 241, 265, 267, 269, 295, 298, 309, 322, 340, 393, 395, 397, 412-414, 417, 422, 429, 431, 439, 441, 464, 475, 478, 479, 497, 501, 504, 515, 517, 519, 520, 522, 531
interprétation, 4, 8,9,15-19,30,36,46,51,52,56,57,71,82,88,96,101,106, 135, 137, 141, 146, 147, 150, 163, 165, 176, 182, 197, 204, 245, 255,286, 289,291, 294, 298, 302, 344, 346, 364, 365, 369, 387, 394, 400, 415, 417-418, 426, 428, 434, 440, 453, 455, 472, 496, 528, 532
interrogation (question), 129,176,191,192,245,258,287,296,368,370,410,414, 416, 427, 450, 454-455, 457-458, 460, 465-466, 468, 469, 497-498, 507, 514, 526-527
intertexte, 54 intervention, 44, 45,133,172,230,235,276,234,337,351,352,354,391, 452,456,
465, 467, 506, 515 intonation, 92, 97, 112, 158, 197, 204, 206, 221, 343, 345, 350, 426, 427, 455, 538 invece, 76, 77, 160, 274, 275, 295, 347, 368, 371, 375, 383, 395, 486-492, 495, 499,
505-515, 518-514, 522, 528, 530-532 ironie, 98, 308-309, 374-376, 382-383, 500 isotopie, 14, 18, 36, 72, 302 juste, 57, 311, 312, 314, 318-323 justement, 50, 53, 59, 74, 75, 129, 219, 248, 286-310, 311-312, 316-318, 320-324, 463,
491, 500, 539 lo stesso, 410, 412-414, 416-417, 419, 425, 438, 479 locutions adverbiales, 402 logique, 3, 5, 8-11, 14, 20-22, 25, 26, 33, 34, 39, 41, 44, 45, 47, 48, 53, 55, 65, 67,
68, 70, 72, 94, 102, 123, 202, 225, 244, 252, 254, 274, 289, 308, 313, 314, 328-330, 370-372, 374-376, 391, 400, 402, 417, 422, 428, 522, 530-531, 537
IIIB., 1, 76,212,267,327, 330-337,341, 345-349,352, 354,357-359, 370,377, 386,390-391, 394-400, 424, 455, 486
IIIB.cché, 207, 330, 349, 353-357 macro-sémant i que (ana I yse-, pa I i er-,
122, 184, 246, 261, 267, 275, 2BO, IIIB.gari, 75, 173, 202-213, 372 IIIB.h, 330, 349-353, 355 maintenant, 515, 524-526
niveau-, unité macro-structurelle), 394, 487, 501, 536
15, 57, 73,
I I I I
Il Il , I Il \ I I I
580
mais, 1,17,18,35,45-47,76,249,323,330-347,354-355, 357-367,369-370,377,386, 388, 390-400, 402, 405, 407-408, 424, 429, 431, 453-455, 477, 488, 496, 503, 514-515
mais si, 515 manifestement, 539 marqueur aspeetuel, 65, 126, 142, 153, 185, 429, 439, 445, 460, 485, 436 marqueur de strueturation de la eonversation, 231, 242, 349, 351, 353-354,406, 526 marqueur épistémique (modal isateur), 142, 169, 170, 171, 176, 177, 179, 181, 182, 188,
191-193, 195, 214, 222, 339, 398, 404 médiatif (évidentiel), 161-162,190,191,197,257,269,270,280,285,398,477-478,
521-522, 529 mème, 53, 75, 79-81, 86-121, 122, 185, 208-209, 211, 212, 219, 319, 320-321, 334, 396,
413, 431, 461, 481, 493, 495-496, 499, 536 mémoire diseursive, 72, 74, 169, 235, 246, 274, 413, 424, 428, 431, 503, 514-515 mésosémantique (analyse-, palier-, niveau-), 57, 73, 153,386 méta-eonneeteur, 26 méta-énoneiateur, 301 mica, 76, 144, 147-150, 189, 198, 340, 404, 449-462, 486, 506 mierosémantique, (analyse-, palier-, niveau-), 15, 57, 488, 490 modalisateur, 51,58,59,62,65,117,124,125,127,129,138,140,171, 172, 182, 184,
188, 194, 202, 204, 208, 209, 211, 212, 214, 218, 225, 283, 286, 353, 356, 372, 376, 390, 418, 425, 434, 439, 443, 450, 456, 458, 482, 485, 508, 510, 513, 536
modalisation (fonetion mOdalisatriee), 37,51,52,56,58,63-65,88,90,91,96,101, 122,125,134-136,137,139,141,144,147,161,165,168, 176,182-183,191-192, 197, 206-209, 213, 215, 220, 222, 339-341, 353, 369, 373, 390, 398, 414, 418, 455, 461, 478, 511, 521, 532
modalité, 17,64,66,108,109,122,124,125,128,129,132,137,159, 171, 176-181, 184, 190, 226, 256, 258, 262, 268-269, 303, 316, 356, 365, 396, 432, 433, 456, 484, 510, 520, 537
monde eommenté (diseours, voir: registre énoneiatif), 166,167,185,251,260,261,267, 268, 452, 507, 525, 530
monde possible, 142, 168, 171, 172, 173, 175, 193, 374, 523 monde raeonté (réeit, voir: registre énoneiatif), 261, 525 monologal, monologique (séquenee-, diseours-), 61-63, 77, 132, 202, 206, 210, 219, 230,
233,235,237,239,240,250,261,276,295,296, 299, 305, 311,405-406,416,452, 456, 485, 508-509, 514, 516,
neanche, neppure, nemmeno, 80, 110, 111 négation (forme négative, assertion négative), 3, 50, 54, 59, 67, 68, 69, 80, 106, 107,
110-112, 127, 128, 130, 131, 132, 134, 137, 139, 143, 145, 147-150, 152, 166, 171, 189,198,200,202,215,223,236,249,287,298,327,331, 334, 336-346, 355-356, 359-360, 368, 374, 377, 388-390, 404, 408, 409, 417-418, 422, 427, 430-432, 434, 437, 450-452, 456-458, 461, 487-488, 492, 495-496, 501, 503-504, 516, 527
négation argumentative, 70, 330, 337, 344, 379-381, 383, 401, 409-412, 420, 431, 492, 527
négation deseriptive, 338, 340, 346 négation métal inguistique, 337-338, 340, 344 négation mOdale, 67, 68, 148 négation polémique, 67, 69, 149, 337, 339, 340, 390, 402, 404, 492, 536 négation primitive, 67, 69, 487, 488 neustic, 66 norma I (norma I ement), 313, 314, 315, 316 ontogenèse, 37 opérateur, 41-42, 53, 81, 123, 324, 489, 495, 499, 502, 506, 508, 512, 535 oppositif (oPPosition, voir: adversatif», 36, 47-48, 67, 76, 234, 275-277, 280, 283-
284, 288-289, 292-295, 298, 324, 327-329, 331, 334, 337-338, 346-347, 354, 363-364, 367, 371, 373, 377, 386, 393-397, 400-402, 405, 410, 412, 425, 429, 435, 444, 449, 454, 479-480, 486-497, 499-504, 509, 511, 516, 524, 528, 530, 536
I
I
or, 46, 48, 16, 486-481, 524-533 ora, 16, 524-526, 528, 530 ou, 41, 481, 482, 484 oui mais, non mais, 350, 395, 406 par conséquent, 46
581
par con t re, 16,358,362,363, 361-311,313-314,316-381,385-381,486-481,489,510, 530
parce que, 45, 46, 15, 100, 484, 526, 534 pause, 91, 145, 155, 206, 252, 258, 344-345, 349-352, 421, 429, 461, 520, 526, 538 per contro, 368, 311, 315 per lo meno, 416 performatif (acte-, énoncé-), 101, 156, 151,164,201,203,229,238,365,311,391,
406, 421, 443, 451, 453, 459, 410, 480, 523 perlocutoire, perlocutionnaire (valeur-), 129-130, 149, 151,163-164,200,230-231,462,
410, 532 però ••• lo stesso, 16, 404, 401-409, 419, 424, 436, 438-439, 442 però, 16, 113,114,144,149,330,333,345-348,386-381,390-392, 394,391,401,419,
426, 456-451, 486 persino, 15, 103, 117, 171, 175, 194-195,202-203,208,211,212,536 peut-étre, 50, 115, 194, 195, 202, 203, 208, 211-212, 369, 398 phrastic, 66, phy I ogenèse , 9, 31 poiché, 161 poids sémantique ou phonique (sens plein), 22, 55, 58, 14, 86- 88, 91, 125, 140, 213,
215, 229, 240, 242, 286, 310, 311, 345, 341, 390, 461, 463, 464, 483, 522 ponctuation, 18, 12, 218, 252, 258, 344, 455, 451, 502, 510 portée (champ), 81, 82, 93, 91, 100, 123, 125, 129, 130, 138, 140, 164, 221, 229, 280,
294, 316, 318, 319, 344, 346, 352, 368, 391, 391, 431, 505 position (-syntaxique, dislocation, remontée), 22, 56-58, 14-15, 80-81, 84-85, 81, 89,
90, 93, 96-91, 99, 100, 111, 123, 126, 131, 141, 141, 153, 158, 165, 111, 213, 215-216, 218, 221-223, 221, 229, 231, 240, 245, 241-248, 261, 215, 281, 295, 303, 312, 311, 319, 347-349, 368, 389, 391, 411, 427-429, 436-438, 450-451, 456, 458, 462, 469, 471,482, 498, 505, 510-511, 527, 536
pour autant, 76, 401, 404, 409-413, 420, 422-423, 427, 430, pourtant, 44, 50, 368, 395, 401, 404-405, 409 pragmatique intégrée, 52, 59, 61, 101 pra9matique, 3-4, 15, 32, 38, 40, 41, 44, 49, 61-62, 13, 19, 82, 90, 94, 96-97, 100,
104, 113, 122, 124, 126, 129, 132, 131, 139, 142-143, 147, 150, 153, 157, 159, 160, 161, 164-165, 170-174, 183, 181-188, 190, 192-194, 198, 202, 204, 205-206, 211, 213, 223-226, 230-233, 235-236, 239, 244, 246, 251, 261, 263-264, 272, 214-216, 283, 285, 289,295,297,311,317,323,329-330,334,336,338-340, 346,352-353,364,367, 370-371, 384-386, 390-391, 405-406, 409, 422, 424, 427-429, 439-440, 445, 447, 449-450,453,456-457,464-465,467,472,415,481,485,488, 496,498-499,504,506, 510, 515, 524, 526, 529, 536
pré-acte (speech act designating) , 260, 525 pré-Iogique (stade), 69 préci sément , 80, 248, 291, 299, 319-320, 322 prédication (acte prédicatif), 140, 177, 234, 271, 334, 344, 376, 414, 434, 438, 442,
445, 447, 458, 488, 490, 503 premièrement (en premier lieu), 44 préposition, syntagme prépositionnel, 12, 46, 55, 166, 119, 385, 535 présupposé (présupposition), 17, 18,35,53,80,83,93,96,101,106,109,119,132,
144, 161, 234, 246, 336-338, 341, 403, 412-414, 416, 418-419, 424, 444, 488, 492, 494, 514, 516
problématologique, questionnement, interrogativité (voir: réponse), 31,32,35-36,65, 289, 531
I 582
proprio, 75,126,129,130-132,134,139,141,213,225,233,248, 286,296,297,299, 318-319, 321-323
prospectif (valeur, point de vue) , 188, 236, 237, 280, 282, 316, 441-442 pseudo-concept, 21 psychologie, 28, 60, 68 puis (et puis), 44, 85, 419, 518-519 puisque, 46, 243, 246, 272, 296, 422, 482, 492-493, 536 pur sempre, 404, 443-446 pure, 116, 168, 171,176,182,184,188-189,398 quand meme, 45, 76, 88, 149, 252, 348, 386-388, 390-394, 401, 403-407, 409, 411, 413-
422, 424-442, 444, 447-448, 451, 461-463, 466-467, 472-474, 479, 485 question rhétorique, 129, 149, 177, 184, 188,204,218,227,230,251,294,334,354-
355, 410, 451, 455, 488, 492, 515, 527 raisonnement, 3, 8, 16, 22, 31, 32, 33, 34, 39, 44, 48, 102, 109, 162, 210, 252, 257,
263-265, 266, 270-272, 288-289, 293, 304, 306, 308, 411, 413, 420, 522, 528, 530-532 récit (narration), 166, 224, 261, 262, 267, 396, 452, 525, 529 réellement, 242 refus, 128, 172,207,290,296,331,349, 353-354, 460-461, 477, 482 réfutatif (énoncé-,réfutation) , 95, 333, 343-345, 405, 487, 489-492, 496-497 registre de langue, 27, 57, 98, 114, 118, 132, 149, 158, 174, 184, 243, 258-259, 274,
324, 318, 405, 408, 479, 500, 510, 526, 538 registre énonciatif, 63-64,166,167,184-185,251,259-260,261,267-269, 293,357,
438, 452, 478, 484, 499, 520-522, 525-526, 529, 530, 537 rejet, 132, 148, 207, 249, 337, 340-341, 354-355, 375, 392, 417, 419, 458, 477, 482,
493, 495, 515-516 relateur, 298, 493, 497, 505 renversement ar9umentatif, 79, 286, 295, 297, 305, 491 repérage (cognitif), 318, 447, 508 réponse (caractère "répondant"), 22, 29, 31,32,35,50,51,61,81,124,129,130,132-
133,137,144,150,165,167,172,184,189,191,205,207, 208,210,225-227,229-230, 232, 235-236, 238, 247, 253, 255, 265, 276, 283, 287, 289, 292, 294-296, 313, 336, 339, 350, 354, 365-369, 370, 410, 418, 459, 463, 468, 497-498, 514, 515, 526
réticence (silence, non-dit), 17,36,95,111,210,265,267,350,353,381-382,400, 406, 510, 532, 540
rétrocessif (mouvement-), 434, 473-475 rétrospectif (valeur-, point de vue-) , 135, 167, 224, 236. 237, 280, 282, 439, 441-442,
478, 482, 518, 420 réversibilité (voir: chronologie), 253, 439, 441-442 rhème (fonction, position, proposition rhématique), 83, 91,110,117,129,246,248,
317, 343, 359, 397, 431, 445, 473, 480, 488, 511, 516, 514 rhétorique, 6, 27, 32, 33, 102, 110, 260, 273, 308, 309, 332 sans doute, 50, 172, 175, 182, 194-196, 200, 212, 213, 249 sans r i re, 52 schèmes sensori-moteurs, 10, 12 se, 348, 371-372, 374 sémantique cognitive, 11 sémantique du prototype, 11, 13 sémantique syntagmatique, 57, sémantique, 80-83, 86, 89, 91, 94-97, 100, 113, 115, 117, 119, 120, 122, 124-126, 134-
138, 140-144, 147-148, 152-154, 156-157, 159, 161, 162, 164, 166-167, 178, 181, 183-184, 192, 204, 209, 213-215, 218, 222, 224-225, 233, 235, 240-241, 244-246, 252, 256, 266,276,280-281,265,267,302,304,306,310,315-317, 326,331,336-340,346, 352-353, 359-361, 363, 370-371, 377, 363-365, 368, 392-393, 406, 410, 420, 427, 431-432, 435-436, 441, 449, 462-464, 486-468, 490, 492, 496, 504, 516-516, 520, 535-536
sens (voir: sémantique), 4,8,14-16,16,19,21,29-31,34,35-37,43,46,47,52-55, 60, 63, 64, 72, 73-75
senz'altro, 171, 398 sérieusement, 50, 52 seulement, 80, 248, 322 si, 370-376, 426, 495, 528
583
signifiant, 20, 26, 58, 64, 73, 89, 97, 157, 188, 245, 304, 306, 310, 324, 346, 458, 462 signification, 3,8,9,14,17,23,29,35,37,55,58,60,61,71,73,82,86, 94,104,
110, 128, 140, 162, 225, 231, 244, 290, 294, 318, 329, 351-352, 472 signifié, 19, 20, 26, 56, 58, 73, 89, 97, 188, 304, 310, 324, 346, 382 soltanto, 322-323 somme toute, 46 sous-entendu, 28, 104, 145, 194, 203, 223, 236, 253, 321, 377, 416, 418 sous-jaeent (énoncé-, règle-. motivation-), 6, 25, 54, 60, 209, 338, 365, 391, 394, 400,
403, 411, 416, 418, 422, 425, 428, 437 souvent, 84 spécificateur, 81, 97, 99, 147, 248, 310, 320, 321, 322 subjectivité, espace inter-subjectif, 31, 50, 53, 68, 88, 95, 113, 116, 120, 130, 134,
144-145, 149, 163, 168-169, 174, 177-178, 184-185, 195, 200, 201, 205, 211, 218, 220-224,233,236,238,245,252,255,267-269,272-273,275, 287, 306, 311, 312, 323, 357, 359, 369, 400, 413, 429, 432-433, 437, 449, 452-454, 476, 483, 485, 495, 501, 506, 511, 517, 525-526, 529, 534, 537-538
sui-référential ité, 59, 101, 244, 364, 494,496, 502, 529 symétrie (relation symétrique), 26, 47, 84, 97, 359, 367, 374-375, 405, 412, 441, 459 syntaxe (fonction, structure syntaxique, voir: position), 3, 11, 14, 41,57, 79-81,93,
96-97, 122, 126, 144, 153, 157-159, 162, 166, 198, 213, 225, 229, 238, 244-247, 249-250, 254, 256, 266, 272, 276, 285, 327, 329, 333, 336, 340, 344, 347, 358-359, 370-371, 377-378, 381, 386-388, 402, 405-406, 410-411, 430, 432, 457, 468, 470, 481, 485, 487-488, 492, 496, 500, 526, 535
téléonomique, antitéléonomique, 113,116,147,148,149,199,211,380-381,384,386, 431, 438, 510
temps (axe du temps, facteur temporel, ancrage temporel), 63, 76, 86, 137, 145, 191-194, 197,201,238,252,280,284,318,320,322-324,350, 414, 443-444, 446-447, 518-520, 522-523, 525, 529
texte, 3, 13, 14, 15, 16, 18, 34, 36, 37, 38, 40, 41, 53, 57, 58, 63, 72, 74, 134, 155, 169, 170, 184, 262, 318, 329, 395-397, 528-529
thème (fonction, position thématique), 83, 88, 91,98, 99, 117, 153, 158, 160, 221,253, 295, 337, 341-344, 347, 359-360, 480, 489, 508-510, 513, 516
topos, 17,21,54,60,93,101,104,116,292,360,392-394,501 toujours, 443-448, 462 tout (adverbe), 462 tout à fait, 51, 130, 131, 146, 176, 200, 233 tout au moins, 476-477 tout aussi bien, 209 tout compte fait, 46, 438, 440-441 tout de mème, 76, 149, 150, 173, 189, 198, 221-223, 348, 387, 390, 401, 403-406, 418,
426, 438, 443-452, 455-458, 461-463, 485 toutefois, 395 troisièmement (en troisième lieu), 44 tropic, 66 tuttavia, 395 tutto sommato, 281, 438, 440 universel (caractère), grammaire universelle, 4, 6, 7, 12, 13, 14; 29, 42, 69, 73 verbe, 54, 82, 83, 88, 110, 119, 120-122, 125, 128, 133-141, 150, 153-155, 156, 159-164,
167,168,171,173,175-177, 179-183, 185,187-189,191,193,197,198,202,205, 207,208,211,213-216,218,222,224,229,233,240,257, 268, 280,281,284,286, 287, 316, 319, 323, 328, 344-345, 357, 370, 391, 427-429, 438, 443-445, 451, 453, 457, 459, 472, 483, 498, 509-510, 520-521, 523, 525
584
véritablement, 242 vérité (valeur de vérité, vériconditionnal ité), 50, 51, 53, 70, 108, 122-123, 125-126,
131-132,142,154,161,163,165,185,195,207,227,234, 254, 264, 275, 282-283, 285, 287, 328, 338, 342, 369, 370, 372-373, 376, 398, 416, 483, 520, 524, 537
visée argumentative (direction-, orientation-), 30,54,60,65,67,84,86,93,101, 104, 185, 232, 274-275, 288, 293, 295, 298, 301, 330, 361, 394, 472-474, 491, 498, 501, 505, 510, 532
voire, 75, 115, 116, 117, 118 voix énonciative (polyphonie, diaphonie), 23, 61-63, 106, 112-113, 115, 219, 312, 324,
337, 340, 365, 373, 383, 395, 397, 444, 447, 449, 467, 475, 482, 488, 525, vraiment, 50, 53, 130, 131, 134, 242, 528
585
INDEX DES NOMS PROPRES
ABE I LLE A., 304, 490, ADAM J.-M., 39, 63, ALME I DA I., 35, ANDRE-LAROCHE Bouvy D., 351, 352, 485, 507, ANDREWS B., 350, ANSCOMBRE J.-C., 38, 59, 60,100,112,273, 333, 405, 409, 410, 431, 536 ANTOINE G., 48, 331, 334, 496, 529, APOTHELOZ O., 66, 70, 106, 162, 267, 401, 418, BRANDT P.Y., 70, 401, HALL I DAY M.A.K., 418, HASAN R. (VOIR: HALLIDAY) QUIROZ G., 70, 401, ARI STOTE , 32-33, 65, 328, 490, ARRIVE M., 246, 298, 329, 344, 357, 412, 458, 459, ATTAL P., 339, AUCHLIN A., 231, 351, 352 AUROUX S., 9, 168 AUSTIN J., 28 AUTHIER-REVUZ J., 62, 268, 301, 303, 537 BAKHTINE M., 23, 24, 31, 36, 61, 74, 398 BANFI M.A., 27 GENS I N I S., 27 PELLEREY, 27 BARTLETT B., 25 BASSANO D., 93 BEAUGRANDE R.A., 41, 395-396 BEAUZEE N., 25 BEGUE D., 28 BENVEN I STE E., 119, 183 BERRENDONNER A., 71, 293, 234, 246, 294, 309, 411, 413, 513, 534 BERTINETTO P.M., 119, 120, 121, 136, 191, 333, 362, 396, 440, 441, 537 BORILLO A., 226 BOUVERESSE J., 4, 262, 310 BOYSEN G., 138 BRES J., 302 BRIANTI G., 453 BRONCKART J. -P., 39 BRUNOT F., 26, 119,251 BRUXELLES S., 290 CADIOT A., 448 CALBRIS G., 352 CAVAZZA M., 304, 490 CERVONI J., 82 CHAMPAUD C., 93 CHOMSKY N., 5, 6, 9, 10, 24, 25
C I NQUE G., 148, 158, 450, 455 CARLSON T. B., 101 CLARK H. H., 101 CLERICO G., 25 CONTE M. E., 41, 302 COQUET J.-C., 65, 108, 187 CORNULIER B., 253, 371, 372, 374, 482 COURTES J., 360, 400-401, 487, 494 CREISSELS D., 81, 82 CROCE B., 26, 27 CULIOLI A., 39, 63, 67, 68, 142, 145, 150, 151, 152, 184, 192, 325, 417, 454, 537 CYRULNIK B., 7 CHANGEUX J. -P., 7 DAMOURETTE J., 157
70, 122, 185, 187,
DANJOU-FLAUX N., 52, 225, 226, 238, 241, 243, 288, 290, 489, 501, 513 DANON-BOILEAU L., 68, 96, 184, 254, 484 DENDALE P., 173, 190, 269, 522 DERR I DA J., 329 DESCARTES R., 4, 9, 27, 65, 540 DI CESARE D., 24 DI ETRICH W., 156, 453 DOM I N I CY M., 9 DRESSLER W., (VO I R • BEAUGRANDE) DUBO I S J., 246 DUCROT O., 17, 38, 45, 53, 59, 60, 61, 84,100,101,104,110,112,243,244, 333, 335, 337, 338, 364, 365, 366, 405, 418, 473, 494, 529, 536 ECO U., 169, 271 EFRON D., 354 EGGS E., 33, 362-365,367, 394 ENGLER R., 20 FEUILLET J., 144, 322 FONTANI LLE J., 125 FOREST R., 221, 339, 503 FOUCAULT M., 9 FOULQU I E P., 102 FRANCKEL J.-J., 39, 58,116, 145,147, 151, 192, 282, 423, 448, 461, 537 FREDERIX M., 93, 95 FREGE G., 396 FUCHS C., 71, 200, 445-446 GADAMER H. G., 20 GADET F., 20, 246, 344, 385 GALM I CHE M., 246, 344 GARDES-MADRAY F., 302 GARD I ES J. -L., 125 GETTRUP H., 405, 462 GOMBR I CH E., 15
I
I I GRAMSC I A., 27
GREENBAUM S., 49 GREIMAS A.-J., 147, 328, 360, 420, 487, 494 GREVISSE M., 81, 260, 378, 379, 410, 425 GRICE H.P., 17,21, 64, 72,128, 185,231, 301 GRONIG B.-N., GRONIG R., 14, 28, 64, 169, 384 GUENTCHEVA Z., 161, 162, 269, 478, 537 GUILLAUME G., 55, 56, 63, 74 GUILLAUME P., 12 GU I M I ER C., 200 GOLICH E, 231 HAGEGE C., 7, 8, 23, 96, 130, 143, 155, 159, 328, 339, 342, 345, 449, 460, 503 HARE R. M., 66 HARR I S M. B., 202 HATAKEYAMA K. ,17, 41, 475 HELLAND H. P., 192 HINTlKKA J., 168-169 HORN L., 339 HUMBOLDT W., 4, 9, 23, 24 HUPET M., 93 10RDANSKAJA L., 243, 273 JACQUES F., 35, 36 JAKOBSON R., 22 JAMES W., 10, 19, 31 JAYEZ J., 71 KERBRAT-ORECCHIONI C., 28, 101, 539 KLEIBER G., 17, 18, 65, 71, 156, 208, 409, 417 KOTSCHI T. (VOIR: GOLlCH) LAGANE R., 246 LAURSEN B., 314 LE BIDOIS G. ET R., 246 LE GROUPE 1J-1, 243 LEPSCHY A. L., 99 LEPSCHY G., 298, 329 LETOUBLON F., 393, 401, 409 LO CASCIO V., 42, 43, 44, 280 LORIAN A., 247, 248 LUNDQUIST L., 72 LUSCHER J. -M., 534 MCDONALD D., 42 MAILLARD M., 418 MARCONI D., 333, 396 MARTIN R., 122, 146, 175, 190, 194, 203, 403, 415, 480, 512 MAURY L., 10 MAZZOLENI M., 202, 374, 388 MAYERUS P., 93 MEYER M., 18, 32, 33, 35, 66, 168, 169 M I LNER J. -C., 14, 56, 123 MOESCHLER J., 42, 123, 339, 342, 371, 405, 534
586
MOIGNET G., 56, 74, 332 MONTREDON J. (VO I R : CALBR I S ) MORRIS C., 15 MORTARA-CARAVELLI B., 41 MULLER C., 59, 148, 339, 354 MjlSRDRUP O., 49, 50, 51, 54, 227, 240, 287, 368 NEF F., NjlSLKE H., 50
NjlSLKE H., 52, 53, 54, 80, 92, 100, 101, 122,287, 320,338,344,346,369,405, 413, 462, 528, 532 NYROP K., 334 OLBRECHTS-TYTECA L. (VO I R: PERELMAN) PARRET H., 108, 384 PEIRCE C.S., 34, 162, 271-272, 286 PELLEREY R., 27 PEQUEGNAT C., 64 PERELMAN C., 32, 84, 275, 293, 316, 375, 377, 402 PEROZ P., 122, 147, 156 PERRET M., 529 PEToFI J., (VOIR: HATAKEYAMA) P I AGET J., 10, 16, 21. 179 PICHON E. (VOIR: DAMOURETTE) PIATELLI-PALMARINI, 6 PIOT M., 331 PLATON, 4, 9, 32 POPPER K. R., 15 POTTIER B., 177,184,224,268,342, 427, 537 PRAND I M., 350, 532 PUTNAM H., 10, 19 RACCAH P. Y., 304 RASTIER F., 14,15,18,40,57,73,304, 385, 490, 464, 490 REBOUL A., 42, 123, 342, 371 RENZI L.: 40 REY A., 85 R I COEUR P., 169, 186 RIVAROL A., 111 ROHLFS G., 85, 148, 210 RONAT M., 28 ROSCH E., 12 ROS J ELLO L., 9 ROSSARI C., 40, 166, 234, 246, 281, 404, 465, 466, 470, 475, 513, 514, 535 ROULET E., 38, 45, 46, 59, 62, 63, 228, 247, 261, 276, 351, 391, 392, 406, 442, 463, 465, 466, 468, 479, 506, 537 RUBATTEL C., 45, 46, 331 SAL V I G. (VO I R : RENZ I ) SANCTIUS F., 25 SAUSSURE F., 7, 20, 23, 31
I
SCAVEE P., 540 INTRAVAIA P., (VOIR: SCAVEE) SCH I LLER F., 24 SEARLE J., 28, 29, 73 SEBEOK T., 168 SOZER E. (VOIR: HATAKEYEMA) SPENGLER N., 405 SP I T I M. G., 202 STATI S., 220 SUEUR J.-P., 173, 175 TASMOWSKI L., 173, 190, 269, 522 TESN I ERE L., 246 T I ERCELI N C., 272 TODOROV T., 17, (VOIR: BAKHTINE) TRABANT J., 23, 24 VANDELOISE C., 12, 13, 245, 304 VASSANT A., 56 VEN I ER F., 66 VEYRENC J., 403 V I CTORR I B., 446 LAUNEY M., 403 VICO G., 26, 27 VIGNAUX G., 31, 32, 61, 290, 292 VOGT C., 333 VYGOTSKY L.S., 10,21,69 WALLON H., 327 WEINRICH H., 27, 56, 58, 74, 120, 134, 153, 166, 167, 185, 261, 272, 320, 396, 531 WERTSCH J. V., 21 WHORF B. L., 13, 245 WITTGENSTEIN L., 29, 30 WOODFIELD A., 8 YAGUELLO M., 367, 379 ZEMB J. -M., 65 ZIMA P., 329
587
588
- TABLE DES MATIERES -
J- INTRODUCTION P. 2
LES CONNECTEURS: DE LA LOGIQUE A L' ARGUMENTATION EN PASSANT PAR LA LANGUE P.3
LES CONNECTEURS ARGUMENTATIFS DEFINITIONS ET CLASSIFICATlONS - P.38
... ! ..... t .. ! .. ETAT DES RECHERCHES P. 38
..•. : ..• ..... !... LES CONNECTEURS ENTRE ENONCE ET ENONCIATION DEFINITIONS ET CLASSIFICATlONS - P.41 1.: .. 1 .. :.. LE CORPUS p. 76
I- PREMI ERE PARTI E LES CONNECTEURS ET L'ANCRAGE ARGUMENTATlF DE LA CONFIRHATION AU "RENVERSEMENT" ARGUMENTATIF - P.78
.4.- "ANCHE' I "AUSSI", "MEME"
.4 ...•.. J ..... !.. "AUSSI" I "ANCHE', ADJOlNTS DE NOM OU ADJOINTS DE PREDICAT .4 .... : .... f ... : ... "MEME" I "ANCHE' - LA OU LE "POIDS DES MOTS" NE SUFFIT PAS .4 ..... : ... f ... : ... 1 ... : .. "MEME" ADJOINT DE NOM OU ADJOINT DE PREDICAT .4 ... : .... f .... : ..... f ... ! .... "MEME" ADJOINT DE NOM ET SPECIFICATEUR .4 .. ! .... f .... : .... ... : .. LA VALEUR ARGUMENTATIVE DE "MEME" .4 ... : .... f ..... : . .4 ... : ... "MEME"I "ADDIRITTURA" - LA VALEUR DIAPHONIQUE 4 ..... ! .... .. :.5 .... : .. LA VALEUR CULMINATlVE DE "ADDIRITTURA" I "JUSQU'A" A: .. ! .... ...... : ... POUR CONCLURE SUR "AUSSI" ET "MEME"
.2.- "BIEN" ET LES MODALITES DU DIRE ... : .... 1 ..... ! ... PROBLEMES DE CLASSIFICATIONS
.2 ..... ! ... f ..... : .. D.E:FINITION DE "BIEN"
.2 ..... !.J .... : ... "BIEN" / "PROPRIO", "DI FATTO", "BEN', INDICES DE VERITE 2 .... :.J .... :.J ...... : ... LA VALEUR ASSERTIVE INTENSIVE .2 .... ! ... .. ... f .... !. LES PROBLEMES ASPECTUELS: "BIEN" MORPHEME ASSERTIF, LEXEME DE MANIERE OU ADVERBE DE QUANTITE?
.. 2 ... !J .... !.J .... : ... "BlEN" ET L' ADJECTIF
.2 ... : ... 4 .. :.. FONCTION ARGUMENTATIVE ET TEXTUELLE DE "BlEN"
.2 ..... : .... 4 ... : . ..1. ... :.. IDENTIFICATION DU "BIEN" ASSERTIF ...... ! .. A .... ! .... f ... :... IDENTIFICATION DU "BIEN" EPISTEMIQUE - "BIEN" I
"ANCHE' (" PURE') ET L'OUVERTURE SUR UN MONDE POSS IBLE -"BIEN" ET LES VALEURS MODALES DU FUTUR -"BIEN" I "HAGARr'
.2 .... : .... 4 .... :.J .... !... "BENE' I "B I EN" 2 .... ! ..... 2 ..... : .. POUR CONCLURE SUR "BIEN"
§- "EFFECTIVEMENT", "BIEN"I "PROPRIO" ... ! ..... l ... : ... "EFFECTIVEMENT" - "BIEN"
/5. .... : .. J ....... : .. .1 .... :.. "EFFECTIVEMENT" , "EN EFFET", "EN FAIT", "BIEN -L'EMPLOI DIALOGAL
P.79
P.80
P.93 P.95 P.97
P.100 P .113 p .118 P .121
P.122 P.122 P .124 P.126 P.126
P .133 P.143 P.153 P .153
P.168 p.188 P.202 P.213 P.223
P.225 P.225
P.226
589
"EFFECTIVEMENT", "EN EFFET, "EN FAIT" , "CAR" - L'EMPLOI MONOLOGIQUE
DIFFERENCES ENTRE "EFFECTIVEMENT" ET "EFFETTIVAMENTE' DANS UN EMPLOI MONOLOGIQUE
Z -"CAR", "PARCE QUE" , "EN EFFET", ("EN FAIT") / "PERCHE', "ANCHE PERCHE', "INFATTr' 1 ... .. J ..... .. PROBLEMATIQUES SYNTAXIQUES ET DISTRIBUTION
.... f .... LES PROBLEMATIQUES SEMANTIQUES Z .. , .. .. VALEURS PRAGMATIQUES ET ROLES ARGUMENTATIFS DE "CAR" ET DE "PARCE QUE"
.... .... , ..... .. "CAR", "EN FAIT" / "INFATTI" Z .. ! .... 4 ... .. POUR CONCLURE SUR "CAR", "PARCE QUE" ET "EN FAIT"
?- "JUSTEMENT" / "APPUNTO", "PROPRIO", "GIUSTAMENTE' .? ... ..... 1 ... .. "JUSTEMENT" / "APPUNTO" ET LE RENVERSEMENT ARGUMENTATIF .. ? .... ..... f .... !. "JUSTEMENT" / "APPUNTO" ET L'HETEOGENEITE DISCURSIVE .? ... ! ..... ..... "( TRES) JUSTEMENT" / "GIUSTAMENTE" .? .. !.A ..... !. "JUSTE" ET "JUSTEMENT" / "PROPRIO" .. ..... .. ... ! ... POUR CONCLURE SUR "JUSTEMENT"
11- DEUXIEME PARTI E -- LES CONNECTEURS ET LA CONTRE-ARGUMENTATION - - OPPOSITIONS, REJETS OU REFUS, CONCESSIONS .2.- "MAIS" / "MA", MORPHEMES OPPOSITIFS .9 .... ! .. J ..... .. LA PREMIERE VALEUR: LE "MAIS" / "MA" META-ENONCIATIF .2 .... .. J ..... ! .... 1 ... !... "MA" CONCURRENCE PAR "PERO'" .. 2 ..... ! .. J ...... ! ... f .... ! ... LES EMPLOIS DIALOGAUX DE "MAIf', "MACCHE'
-"MAH" -"MACCHE'"
.. 2 ..... ..... f ..... ! ... LA DEUXIEME VALEUR: LE "MAIS" / "MA" COMPENSATO IRE
.. 9 .... ..... Z ... ! .. J ...... "EN REVANCHE" ET "PAR CONTRE" ET LEURS CORRESPONDANTS ITALIENS
.. 2 .... ! .... f ..... ! .. .f .. ! ... DIFFERENCE ENTRE "EN REVANCHE" ET "PAR CONTRE"
.2 ..... ! ..... 1 .. ... LA TROISIEME VALEUR: LE MAIS / "MA" CONCESSIF
.. 2 .... !.J ..... .. J ...... ! ... "MAIS" / "MA", TRANSITIONS ARGUMENTATIVES
10- AUTRES CONNECTEURS CONCESSIFS - AUTOUR DE "QUAND MEME" ET DE "COMUNQUE' lO.!J, "QUAND MEME" - "TOUT DE MEME" ET LEURS CORRESPONDANTS ITALIENS
LA PREMIERE VALEUR DE "QUAND MEME": LE CONCESSIF "PARADIGMATISANT"
LA DEUXIEME VALEUR DE "QUAND MEME": LE CONCESSIF SYNTAGMATIQUE
_nQUAND MEME", "TOUT DE MEME" ET LES PROBLEMES ASPECTUELS
LA TROISIEME VALEUR DE "QUAND MEME" - "TOUT DE MEME" / "MICA" : LA VALEUR EMPATHIQUE
"QUAND MEME", "EN TOUT CAS", "DE TOUTE FAçON" / " COMUNQUE'
-DIFFERENCE ENTRE "EN TOUT CAS" ET "DE TOUTE FAçON" 19.! ... POUR CONCLURE SUR "QUAND MEME"
P.239
P.240
P.243 P.246 P.252
P.261 P.274 P.285
P.286 P.286 P.299 P.310 P.318 p.323
P.326 P.330 P.336 P.346 P.349 P.349 P.353 P.357
P.367 P.377 P.386 P.395
P.401
P.405
P.407
p.429
p.438
P.449
p.462 P.468 P.485
590
J .. J .. - "INVECE" ET SES EQUIVALENTS FRANçAIS J.J .. ! .. J .... ! ... "INVECE" - "ANZI" / "AU CONTRAIRE" .tJ ..... ! ... J ...... ! .. J ....... ! ... SPECIFICITE DE "ANZr' .1..J ...... ! .. J .... ! ..... f .... ! .. INDETERMINATION DE L' INTENTION ENONCIATIVE J .. J.! .... f .. ! .. EMPLOIS ETENDUS DE "INVECE' .1J .... ! .... f ... ! .. J ..... !. "INVECE' / "EN FAIT" J .... l.! .... f .. ! .... f ..... !... "INVECE' / "OR"
POUR CONCLURE SUR "INVECE:'
.1 .. f.- CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
INDEX DES NOTIONS
INDEX DES NOMS PROPRES
TABLE DES MATIERES
P.486 P.487 P.495 P.501 P.505 P.513 P.524 P.532
P.534
P.541
P.573
P.585
P.588