L’éperon barré protohistorique de Bois Sorbier Bourg-Saint-Andéol (Ardèche)

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Ardèche Archéologie n° 29 - 2012 26 Éric DURAND 1 , collaboration Marie MATAL 2 , Laurent FABRE 3 et Hassan SIDI MAAMAR 4 Situation géographique Le gisement archéologique est implanté sur l’extrémité méridionale de l’éperon calcaire du Serre de la Côte Bouchard localisé sur le versant oriental du Bois du Laoul. Il est donc situé à mi-chemin entre la vallée du Rhône qu’il domine (vue à 180° entre au nord les défilés de Donzère et au sud la basse plaine rhodanienne de Pierrelatte) et le plateau de Gras (fig. 1 et 2). Historique du site et contexte archéologique environnant Découvert au printemps 1994 par C. Braize, après le passage d’un bulldozer qui a entaillé son enceinte et mis au jour un abondant mobilier, le site était connu depuis les années 1970. D’après le témoignage de M. Bedel (propriétaire du domaine viticole voisin du Liby), un professeur honoraire de Chambéry aurait effectué L’éperon barré protohistorique de Bois Sorbier Bourg-Saint-Andéol (Ardèche) Le Rhône L ' O u v è z e L ' A r d è c h e L'Ardèche La Beaume L'Ibie L'Auzon L ' E s c o utay C h a s s e z a c Cévennes Coiron 10 14 11 12 13 9 7 6 8 16 17 20 19 18 21 22 24 23 25 26 27 28 29 30 31 33 36 35 34 37 1 4 38 0 5 10 km 1 2 3 4 ? Les Gras 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 La Berre 52 53 54 Lez Cèze 55 56 ? ? ? ? 1100 - 1400 m 700 - 1100 m 340 - 700 m 50 - 340 m DRAC Rhône-Alpes, Service Régional de l'Archéologie, mars 1998. IGN, BD CARTO et BD ALTI. Autorisation n°50-1052. Source/DAO É. Durand, Pierre Rigaud 2012 1 : Gourdon. Le Roc 4 : Berrias-et-Casteljau. Grotte du Vent 6 : Alba. Bagnols et Saint-Pierre 55 : Alba. Grande Terre 7 : Viviers. Rue O'Farel 8 : Bourg-Saint-Andéol. Bois Sorbier 9 : Saint-Marcel-d'Ardèche. Saint-Etienne-de-Dions 10 : Saint-Marcel-d'Ardèche. Banc Rouge 11 : Saint-Martin-d'Ardèche. Ranc Pointu 12 : Saint-Martin-d'Ardèche. Les Cloches 13 : Saint-Martin-d'Ardèche. Grotte à deux ouvertures 14 : Saint-Martin-d'Ardèche. Ranc Pointu 3 16 : Gras. Chastelas de Baravon 17 : Lagorce. Le Grand Chambon 18 : Vallon-Pont-d'Arc. Maquis, rive gauche 19 : Vallon-Pont-d'Arc. Huguenots 20 : Vallon-Pont-d'Arc. Pontiar 21 : Salavas. La Chaire 22 : Lagorce. Bois d'Ajude 23 : Grospierres. Les Conchettes 24 : Grospierres. Les Sillons 25 : Berrias-et-Casteljau. Les Granges 1 26 : Berrias-et-Casteljau. Presqu'île 27 : Banne. Les Champs-Grands 7 28 : Saint-Alban-Auriolles. Chastelbourg 29 : Labeaume. Gabiane 3 30 : Ruoms. Baume Grenas 31 : Vogué. Falaise 33 : Chauzon. Beaussement 34 : Saint-Martin-d'Ardèche. Aven Meunier 35 : Vinezac. les Costes 36 : Lachapelle-sous-Aubenas. les Conchis Hauts 37 : Saint-Etienne-de-Fontbellon. la Brugière 38 : Chauzon. Grotte des Barlènes 39 : Vallon-Pont-d'Arc. Les Mazes 40 : Lachapelle-sous-Aubenas. Les Traverses 41 : Bagnols-sur-Cèze. Castel de la Fontaine-aux -Loups ; Haut Castel 42 : Saint-Laurent-de-Carnols. Barbes-et-Fon-Danis ; Bouzigues 43 : Cornillon 44 : Saint-André-de-Roquepertuis. Les Combèzes 45 : Montclus. La Bruge 46 : Montclus. Traves 47 : Bollène. Pont-de-Pierre 48 : Bollène. Les Ponsardes 49 : Granges-Gontardes. Le Logis de Berre 50- Donzère. Chauve-Souris 51 : Pierrelatte. Les Malalônes 52 : Saint-Restitut. Barry 53- Saint-Paul-Trois-Châteaux. L’Esplan 54 : Roussas. Le Moulon 55 : Alba. La Grande Terre 56 : Saint-Laurent-sous-Coiron. Roche de Luchon VIe s. av. n. è.(-575 /-525) fin VIe - Ve s. av. n. è. Ve - milieu IVe s. av. n. è. Grotte Tumulus (inhumation) Dolmen réoccupé Crémation "Agglomération" de plaine Etablissement de hauteur non fortifié Etablissement rural “dispersé” "Habitat" perché. Rempart Fig. 1 - Habitats, sépultures et réseaux en Ardèche méridionale du 2e tiers du VIe siècle au milieu du IVe siècle avant notre ère. 1 : Inrap Rhône-Alpes, UMR 5140 (Lattes), Préhistoire et Protohistoire méditerranéennes 2 : Ex-doctorante, Aix-Marseille I 3 : Inrap Méditerranée, UMR 5059 (Montpellier), Centre de bio-archéologie et d’écologie 4 : Post-doctorant, Centre d’archéologie préhistorique Rhône-Alpes (Valence)

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Ardèche Archéologie n° 29 - 201226

Éric DURAND 1, collaboration Marie MATAL2, Laurent FABRE 3 et Hassan SIDI MAAMAR 4

Situation géographique

Le gisement archéologique est implanté sur l’extrémité méridionale de l’éperon calcaire du Serre de la Côte Bouchard localisé sur le versant oriental du Bois du Laoul. Il est donc situé à mi-chemin entre la vallée du Rhône qu’il domine (vue à 180° entre au nord les défilés de Donzère et au sud la basse plaine rhodanienne de Pierrelatte) et le plateau de Gras (fig. 1 et 2).

Historique du site et contexte archéologique environnant

Découvert au printemps 1994 par C. Braize, après le passage d’un bulldozer qui a entaillé son enceinte et mis au jour un abondant mobilier, le site était connu depuis les années 1970. D’après le témoignage de M. Bedel (propriétaire du domaine viticole voisin du Liby), un professeur honoraire de Chambéry aurait effectué

L’éperon barré protohistorique de Bois Sorbier Bourg-Saint-Andéol (Ardèche)

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1100 - 1400 m

700 - 1100 m

340 - 700 m

50 - 340 m

DRAC Rhône-Alpes, Service Régional de l'Archéologie, mars 1998. IGN, BD CARTO et BD ALTI. Autorisation n°50-1052.Source/DAO É. Durand, Pierre Rigaud 2012

1 : Gourdon. Le Roc4 : Berrias-et-Casteljau. Grotte du Vent6 : Alba. Bagnols et Saint-Pierre55 : Alba. Grande Terre7 : Viviers. Rue O'Farel8 : Bourg-Saint-Andéol. Bois Sorbier9 : Saint-Marcel-d'Ardèche. Saint-Etienne-de-Dions 10 : Saint-Marcel-d'Ardèche. Banc Rouge11 : Saint-Martin-d'Ardèche. Ranc Pointu12 : Saint-Martin-d'Ardèche. Les Cloches13 : Saint-Martin-d'Ardèche. Grotte à deux ouvertures14 : Saint-Martin-d'Ardèche. Ranc Pointu 316 : Gras. Chastelas de Baravon17 : Lagorce. Le Grand Chambon18 : Vallon-Pont-d'Arc. Maquis, rive gauche19 : Vallon-Pont-d'Arc. Huguenots20 : Vallon-Pont-d'Arc. Pontiar21 : Salavas. La Chaire22 : Lagorce. Bois d'Ajude23 : Grospierres. Les Conchettes24 : Grospierres. Les Sillons25 : Berrias-et-Casteljau. Les Granges 126 : Berrias-et-Casteljau. Presqu'île27 : Banne. Les Champs-Grands 728 : Saint-Alban-Auriolles. Chastelbourg29 : Labeaume. Gabiane 330 : Ruoms. Baume Grenas31 : Vogué. Falaise33 : Chauzon. Beaussement34 : Saint-Martin-d'Ardèche. Aven Meunier35 : Vinezac. les Costes36 : Lachapelle-sous-Aubenas. les Conchis Hauts37 : Saint-Etienne-de-Fontbellon. la Brugière38 : Chauzon. Grotte des Barlènes39 : Vallon-Pont-d'Arc. Les Mazes40 : Lachapelle-sous-Aubenas. Les Traverses41 : Bagnols-sur-Cèze. Castel de la Fontaine-aux-Loups ; Haut Castel42 : Saint-Laurent-de-Carnols. Barbes-et-Fon-Danis; Bouzigues43 : Cornillon44 : Saint-André-de-Roquepertuis. Les Combèzes45 : Montclus. La Bruge46 : Montclus. Traves47 : Bollène. Pont-de-Pierre48 : Bollène. Les Ponsardes49 : Granges-Gontardes. Le Logis de Berre50- Donzère. Chauve-Souris51 : Pierrelatte. Les Malalônes52 : Saint-Restitut. Barry53- Saint-Paul-Trois-Châteaux. L’Esplan54 : Roussas. Le Moulon55 : Alba. La Grande Terre56 : Saint-Laurent-sous-Coiron. Roche de Luchon

VIe s. av. n. è.(-575 /-525)

fin VIe - Ve s. av. n. è.

Ve - milieu IVe s. av. n. è.

GrotteTumulus (inhumation)Dolmen réoccupéCrémation

"Agglomération" de plaine

Etablissement de hauteur non fortifié

Etablissement rural “dispersé”"Habitat" perché. Rempart

Fig. 1 - Habitats, sépultures et réseaux en Ardèche méridionale du 2e tiers du VIe siècle au milieu du IVe siècle avant notre ère.

1 : Inrap Rhône-Alpes, UMR 5140 (Lattes), Préhistoire et Protohistoire méditerranéennes2 : Ex-doctorante, Aix-Marseille I3 : Inrap Méditerranée, UMR 5059 (Montpellier), Centre de bio-archéologie et d’écologie4 : Post-doctorant, Centre d’archéologie préhistorique Rhône-Alpes (Valence)

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divers « sondages » livrant nombreuses céramiques et ossements conservés actuellement au musée de Nîmes. Depuis le XIXe siècle (Ollier de Marichard 1870), le domaine viticole voisin du Liby a révélé de nombreux sites. Ils concernent principalement la transition Néolithique-Âge du Bronze (dolmens) et une occupation « républicaine » (amphore italique, campanienne) attribuée à la fondation d’une villa gallo-romaine (Dupraz, Fraisse 2001).

En relation chronologique éventuelle avec la présence de dolmens, nous signalerons ici la découverte inédite (prospections C. Braize) d’une enceinte circulaire baptisée Bois Sorbier 2, située à 600 m à l’ouest du site (fig. 2) dont les quelques indices de surface disponibles (céramique campaniforme) marquent une fréquentation du site au Néolithique final/Bronze ancien.

En 1994, É. Durand réalisait, dans le cadre de son programme sur les sites de hauteur, quatre campagnes successives de prospections de surface et de relevés topographiques (éperon et rempart). En 1995, quatre sondages de diagnostic ont été ouverts sur les 2,4 ha enclos par le rempart protohostorique. Les travaux de fouilles ont porté sur une superficie totale de 62 m2. Deux sondages manuels (12 m2) et une tranchée mécanique (30 m2) ont été ouverts au N-O sur la terrasse sommitale, contre et sur le parement intérieur du rempart (80 m mis au jour à la main). 20 m2 ont été fouillés sur la terrasse inférieure (S-E) à l’endroit présumé d’un « dépotoir ».

Implantation topographique

L’éperon, orienté nord-ouest/sud-est, présente une forme désaxée entre sa limite nord marquée par l’éboulis du rempart et la pointe méridionale (rupture de pente). Un pendage important N-O/S-E (17 %) est observé entre la terrasse nord de la courtine (entre 324,5 m NGF et 315 m) et la partie basse du site (entre 315 et 300 m). Cet éperon est barré au nord par un important éboulis calcaire conservé sur une largeur variant entre 10 et 15 m.

Au sud de l’éboulis principal, deux prolongements du pierrier sont observés : un retour perpendiculaire N-S à l’axe du pierrier sur 37 m de développement suivant la courbe des 315 m et à l’ouest un second « clapas » marque un retour quasiment à 180° sur plus de 50 m de long. Au sud-est de cette partie haute, la pointe de l’éperon est délimitée par une rupture de pente (entre 300-290 m).

100 m

Tour

Porte

Tour ?Bastion

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1- Bois Sorbier 1 : éperon barré (Bronze final 2, milieu Ve-début IVe s. av. n. è.)2- Bois Sorbier 2 : enceintes circulaires (Bronze ancien-Campaniforme ?)

PhotoExploreur 3D - Copyright IGN - Projection Lambert II étendu / NTF DAO : É. DurandFig. 2 - Vue aérienne des sites de hauteur fortifiés de la Serre de la Côte Bouchard

1- Bois Sorbier 1 : éperon barré (Bronze final 2, milieu Ve-début IVe s. av. n. è.)2- Bois Sorbier 2 : enceintes circulaires (Bronze ancien-Campaniforme ?)

DAO : Éric DURAND - Fond PhotoExploreur 3D - Copyright IGN - Projection Lambert II étendu / NTF

Tour

Porte

300 m

280 m

320 m

310 m

Rempart : parements conservés

Limite de l’éboulis calcaire (pierrier, démolition)

Relevé topographique : S. Gagnage, F. BréchonDAO : É. DurandÉch. 1/2000

Secteur de fouilles 1995

0 100 m

Tour ?

Bastion

260 m

Terrasse inférieure

Terrasse sommitale

Surface et emprise de l’occupation (présence éco et artefacts)

Fig. 3 - Relevés topographiques du site et plan général des vestiges

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L’architecture « publique » et domestique

Une des spécificités du site est la configuration générale du rempart. Repérée sur 79 m et conservée sur 4 à 5 assises (dalles calcaires), la courtine est installée sur un axe pentu dont le dénivelé O-E avoisine les 18 m résumant le profil topographique général du site. La configuration générale de la courtine offre une structuration très complexe. D’importantes variations métrologiques sont observées entre l’ouest et l’est : entre 2,6 et 4,4 m de largeur. Trois types de sections ont été distinguées : un parement tourné vers l’extérieur et deux vers l’intérieur. S’il est aisé d’attribuer cet ouvrage à une courtine à parements multiples, Il est impossible en l’état des travaux d’y voir soit un rempart à un parement interne/extérieur ou interne/intérieur ou à deux parements. Sa datation semble de plus malaisée puisqu’en l’état actuel de la recherche, elles sont connues dès le Ve siècle comme au Camp de César à Laudun (Goury 1997). À partir du IVe siècle en Languedoc oriental uniquement, toutes les courtines semblent être des murs à parements internes construits d’un seul jet (Dedet, Py 1985).

Deux aménagements extérieurs complètent le schéma de cet ouvrage défensif. Il s’agit de la façade extérieure d’une tour. Conservé sur 0,5 m de hauteur, son saillant avoisine les 5 m. Le même module a été observé sur les cinq tours du Camp de César à Laudun (Goury 1997). Il s’agit d’un ouvrage plein, quadrangulaire de 7 m par 5 m installé sur le substrat calcaire (fig. 4).

Un autre décrochement original a été repéré à l’extrême ouest de la courtine, à proximité de la rupture de pente. Seule sa largeur (5,4 m) prise dans la largeur du rempart et la longueur de la façade extérieure (2,3 m) nous est connue. Ce type de structure que l’on pourrait assimiler à un bastion quadrangulaire en légère saillie protège une entrée évaluée à moins de 2 m de large (fig. 5). Un exemplaire similaire est connu à Roque de Viou (Saint-Dionisy, Gard) daté par M. Py vers 375 av. n. è.

L’originalité de cet ouvrage est l’existence d’un imposant aménagement en pierres sèches installé perpendiculairement à l’axe du rempart sur la courbe des 315 m. Reconnu sur 42 m de longueur, cette « terrasse » est composée par deux murs présentant les mêmes caractères que la courtine : pierrier (entre 8 et 5 m d’extension), parement extérieur (L. 25 m / l. 1,5 m), parements interne/intérieur et interne/extérieur accolés. Ces deux murs N-S sont liés au nord à une double structure ovalaire peut-être postérieure (circulaire : 3 x 2,5 m ; semi-circulaire : 3,5 x 1,5 m) accolée elle-même au parement interne/intérieur de la courtine.

Aucune structure d’habitation en dur et autre trou ou calage de poteau conservé n’a été mis au jour sur le site intra muros. Sur toute la longueur de la tranchée de la terrasse nord, seul un riche niveau de remblai fortement anthropisé qui nivelle

le substrat a fourni quelques indices. 317 restes de torchis avec négatif de clayonnage attestent l’existence d’habitations en matériaux périssables démantelées par colluvionnement, érosion et/ou aménagements anthropiques postérieurs (cf. rares tessons de céramique kaolinitique, Antiquité tardive).Le secteur méridional présente quelques lambeaux de « sol » en terre battue et des restes de torchis. Ces maigres indices ne permettent pas d’appréhender ni la superficie et encore moins l’agencement interne de ce dépotoir et/ou démolition d’une unité domestique ?

Chronologie de l’occupation

Les données hors stratigraphie des prospections de 1994 étudiées en collaboration avec B. Dedet, ont permis de distinguer une seule période d’occupation couvrant un siècle environ. Si quelques indices indiquent une fréquentation ponctuelle et/ou résiduelle au Bronze final 2 (1 décor et 1 anse), le lot céramique très homogène atteste une occupation unique entre le milieu du Ve et le début du IVe siècle avant notre ère. L’étude de cette première phase a porté sur un important corpus céramique de 870 fragments de céramique non tournée (CNT : 28 bords, 20 décors), 77 tessons d’amphore de Marseille (A-MAS : 1 bord) de grise monochrome (GR-MONO), 31 pâte claire peinte (CL-MAS : 1 fond annulaire). La découverte hors contexte, sur le substrat de la terrasse sommitale, d’une obole de Marseille type OBM-7a ou BN 543-564, série dite à la roue et MA avec tête à droite (fig. 7, 23) affine ces premières données typochronologiques. Ce type de monnaie (ici de 0,78 g ; 10,7-10,9 mm ; 19 mm) mis également au jour sur les sites du Pègue, Cavaillon, Gaujac ou l’Ermitage (Alès) semble émis entre -410 et -300 (Py 2010). Si la découverte d’un talon de lance en fer, conique à douille (fig. 7, 21), similaire à celui de Bragny/Saône daté entre -500 et -350 (Feugère 1986, 188) n’apporte guère

Fig. 4 - Parement nord dérasé de la tour orientale. Photo Éric Durand.

Fig. 5 - Angle nord-ouest du parement du « bastion ». Photo Éric Durand.

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de précisions chronologiques, la présence d’une fibule en fer type Tendille 10 (fig. 7, 20) marque l’abandon du site dans la seconde moitié du IVe s.

L’étude du mobilier céramique et métallique de 1995, a mis en relief deux phases d’occupation successives dont la première (vers -450) est peut-être plus marquée sur la terrasse haute. Le mobilier de la terrasse basse a livré moins de CL-MAS antérieures à 400 av. n. è.Le corpus céramique concerne un total de 5855 fragments, composés par 87,62 % de céramique non tournée, 3,83 % de céramique à pâte claire et 8,48 % d’amphore de Marseille.

Les CNT représentent entre 93 et 96 % des fragments de la vaisselle, soit en moyenne 95,78 % ou 92,09 % des NMI. La céramique fine correspond à 4,23 % de la vaisselle (NFR).

Les vases en grise monochrome (pâte vauclusienne) présentent seulement deux fragments conservés mais les plus anciens du site. Une anse de coupe type GR-MONO 5c produite entre -550/-450 témoigne peut-être d’une première fréquentation des lieux au plus tard au milieu du Ve s.

Le vaisselier des céramiques tournées « fines » est surreprésenté par la ou les productions à pâte claire. Ces formes concernent des coupes type CL-MAS 241, 429, des gobelet (452a, 453b), et des urnes type CL-MAS 513 (fig. 7, 1 à 17) produites principalement au Ve s. Quelques formes (urne CL-MAS 525 et couvercle 711 ; fig. 7, 12 et 14) renvoient aux productions du IVe siècle La présence d’une fibule Tendille 8 (fig. 7, 19) en alliage cuivreux peut également être associée à la dernière phase d’occupation. Si deux tessons pourraient se rattacher aux productions étrusques, l’ensemble du mobilier amphorique à pâte micacée provient des ateliers de Marseille. Le seul bord d’amphore vinaire mis au jour de type Py 3/5 (Lattara 1993) fournit une fourchette chronologique entre -475 et -400 (fig. 7, 18).

Deux grands groupes de céramiques non tournées ont été distingués. Le premier, le plus abondant, se caractérise par des cuissons irrégulières réductrices/ oxydantes. Les couleurs des surfaces vont ainsi du gris-noir au rouge (cuisson primitive en mode A ou B). Le second groupe présente une pâte de couleur beige-orangé à beige clair, parfois grise à l’intérieur, avec un dégraissant de différents modules constitués de quartz et de calcite.

TOTAL US CATÉGORIE

NFR NB

NFR %/TOT

NFR %/GRP

NMI NB

NMI %/TOT

NMI %/GRP

NBD NB

NBD %/TOT

NBD %/GRP

FORME CHRONO-LOGIE

N° FIG

GR-MONO 2 0,03 0,04 1 0,36 0,36 1 0,34 0,34 coupe 5 ou olpé 10 550/450 575/400

CL-MAS 224 3,83 4,19 21 7,53 7,55 23 7,82 7,85 coupe 412a, 425, 426, 429a, gobelet 452a, urne 513, cruche 525, mortier 633 ?

450/400 475/375 525/475 575/400 550/375 500/400 400/175 450/100

fig.7, n° 1 à 17

CNT-LOR 5126 87,55 95,78 256 91,76 92,09 269 91,50 91,81 coupe C1a, C2b, C3a, C3b, C4a ; jatte J1b, J1c, J1d, J1f ; urne U2b1, U3a, U3b, U5a2, U5d5, U6 ; couvercle V2b, V2c1

700/1, 500/75 600/1 450/100 450/1 550/350 600/350 525/350 525/200 500/100

fig.8, n° 1 à 9 fig. 9, n°1 à 6

VAISSELLE 5352 91 278 293

A-ETR ? 2 0,03 0,40 0 0 0 0

A-MAS 496 8,47 99,60 1 0,36 100 1 0,34 100 2A, bord 3/5 475/400 fig.7, n° 18

AMPHORES 498 9 1 0 1 0

dolium 5 0,09 0 0

TOTAL CER 5855 100 279 294

Objet argent 1 1 obole MA type OBM-7 410/380 fig.7, n° 23

Objet bronze 2 fibule Tendille 8, anneau 400/350 fig.7, n° 19, 22

Objet fer 17 1 fibule Tendille 10, 1 talon lance, 11 clou, 4 ind.

350/300 475/50

fig.7, n° 20, 21

Meule basalte 19

Meule grès 2

Galets quartzite 6

Torchis 317

Fig. 6 - Mobilier céramique (-450/-375) : données quantitatives et statistiques générales (M. Matal).

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1

11

2 3

8

11,5

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8

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12

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12

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9

10

18

4 56

7

1 5 10 cm

14 15

16 17

10

18

engobe brune ou orangé

10

9

1- CL-MAS 412a (450/400) ; 2- CL-MAS 452a (550/375) ; 3- CL-MAS 426 (475/375) ; 4- CL-MAS 525 (400/175) ou Goury 15 ; 5- CL-MAS ; 6- CL-MAS ; 7- GR-MONO 8d (550/450) ou Goury 15 ; 8- CL-MAS 429a (575/400) ; 9- CL-MAS 513 (500/400) ; 10- Goury 2 (500/400) ; 11- CL-MAS 525 (400/175) ; 12- CL-MAS 711 (400/100) ; 13- Goury 5 ou 15 (500/400) ; 14- CL-MAS 525 (400/175) ; 15- CL-MAS ; 16-17- CL-MAS peinte ; 18- A-MAS bd 3/5 (475/400) ; 19- fibule en alliage cuivreux type Tendille 8 ? (1ère moitié IVe s.), éch. 1/2 ; 20- fibule en fer type Tendille 10 (2e moitié IVe s.), 1/2 ; 21- talon de lance en fer type TLL-3003 (475/50), 1/2 ; 22- anneau (suspension) en alliage cuivreux, 1/2 ; 23- obole de Marseille type OBM-7 (émission 410/350), 1/1 dessin/DAO M. Matal ; J.-C. Mège

1920

23

21

21

22

Fig. 7 - Vaisselle d’importation, amphore et petits objets métalliques.

Ardèche Archéologie n° 29 - 2012 31

1- CNT-LOR C2 (700/1) ; 2-3- CNT-LOR C1 (700/1) ; 4- CNT- LOR C4a (700/1) ; 5 et 9- CNT-LOR J1d (450/100) ; 6- CNT-LOR J1b (500/1) ; 7- CNT-PRO C3a (700/1) ; 8- CNT-LOR J1f (450/1) ; 12- CNT-LOR C3 (700/1)

29

7

34

8

15

3

32

9

22

20,5

4

10

+26

5

6

1 5 10 cm

+-40

28

26

1

2

dessin/DAO M. Matal

Fig. 8 - Vaisselier «indigène» : céramique non tournée, formes ouvertes.

Ardèche Archéologie n° 29 - 201232

17

1

6

15/16

2

10

3 4

14

7

9

18

8

14 1511

1213

10

1716 19

5

1- CNT-LOR U5 (525/50) ; 2- CNT-LOR U5d5 (500/100) ou U5a2 (525/200) ; 3-4- CNT-LOR U2b1 (550/350) ; 5- fusaïole CNT, section bitronconique ; 6-19 : décor imprimés sur CNT

1 5 100

cm

dessin/DAO M. Matal

Fig. 9 - Vaisselier «indigène» : céramique non tournée, formes fermées et décors.

Ardèche Archéologie n° 29 - 2012 33

L’importance quantitative des jattes de type CNT-LOR J1d ou J1f est à mettre en relief (fig. 8, 5 à 9). Ces formes se développent à partir du début du Ve siècle. Les lèvres de jattes décorées sont assez fréquentes. Le corpus des urnes associe des vases dans la lignée du 1er Âge du Fer avec des cols divergents ou des cols rectilignes (fig. 9, 1 à 4), proches des profils existant à Charaubarès ou de ceux de Banc Rouge, et des vases plus ouverts, à lèvres déversées et cols divergents. Ce type de vase apparaît autour de la fin du VIe s. mais se développant surtout aux Ve et IVe s. (Py 1990).

Le registre de décors présente diverses impressions. Les formes ouvertes (coupe, jatte), sont parfois décorées d’impressions diverses (fig. 8, 5 à 8) ou d’incisions formant des chevrons (fig. 8, 9, 10). Ce motif évoque celui observé sur les lots de Beaussement à Chauzon (-450/-350), de la grotte de la Falaise à Vogué (-525/-450), de Saint-Étienne-de-Dions (-400/-300) et de la grotte de la Chaire à Salavas (-475/-400).Les formes fermées présentent des impressions à l’ongle (fig. 9, 18), au doigt (fig. 9, 16, 19) ou autres (fig. 9, 17) sur les panses ou sur les bords d’urnes, de cordons digités (fig. 9, 6, 8), de chevrons doubles (fig. 9, 7), de chevrons multiples (fig. 9, 2) ou de fines incisions décrivant des motifs géométriques (fig. 9, 11 à 15). Les mêmes impressions digitées ont été mises au jour à la grotte de la Falaise (-525/-450), à Banc Rouge (-475/-400) et à la grotte de Ranc Pointu (-525/-475). Les incisions sont présentes à Beaussement, Gailhan (-475/-400) et au Pègue (-520/-480).

Le faciès culturel de ce corpus céramique très proche de celui de Saint-Étienne-de-Dions témoigne de l’appartenance de cette région au monde languedocien avec toutefois quelques références marquées et une filiation plus ou moins discrète avec les faciès médio-rhodaniens plus septentrionaux, notamment vers la vallée de la Drôme comme à Crest-Bourbousson (Treffort 2009). Les productions de CL-MAS sont souvent en rapport avec les formes recensées dans le nord du Gard (Goury 1995) et appartiendraient donc aux groupes des vallées de la Cèze et de la Tave (Goury 2006).

Forme et fonction du site

Il est désormais possible d’attester la présence d’un nouvel habitat perché et fortifié situé sur le front de la garrigue du plateau des Gras d’Ardèche méridionale. Cette petite agglomération de type hameau est connue principalement par son enceinte qui barre un espace de 2,7 ha et protège une petite communauté agro-pastorale avec son cheptel (restes fauniques) et ses structures de stockage (dolium).

Si les habitations en matériaux périssables sont mal conservées (aménagement certainement en terrasses), la nature des nombreux artefacts exhumés nous renseigne sur les relations de site avec le monde méditerranéen entre le milieu du Ve et le milieu du IVe siècle av. n. è. Le site pourrait être en relation directe avec un axe de communication reliant vallée du Rhône et Massif central (fig. 1). Cet habitat de hauteur a pu servir de relais entre les « points de transbordement » de la vallée du Rhône et de l’Ardèche (carrefour triangulaire : Banc Rouge, Saint-Étienne-de-Dions, Ranc Pointu et les sites de l’arrière pays de la vallée de l’Ibie et de la moyenne vallée de l’Ardèche. Cet « itinéraire » protohistorique était parallèle et plus direct que celui plus au sud qui longeant les gorges de l’Ardèche (rive gauche) jalonnées, outre l’habitat permanent de l’oppidum du Ranc Pointu, d’indices d’occupation temporaire en grottes (Durand 1996, 2002 et 2008). Ainsi la découverte de cet éperon en retrait du sillon rhodanien confirme donc l’existence présumée d’un nouveau point de départ ou d’un jalon supplémentaire d’une « voie » terrestre transversale empruntée par le vin massaliète aux Ve-IVe siècles avant notre ère (Bellon 1990, Dedet 1995 et 2003, Dietler 1992).

Annexe 1

Analyse anthracologique du site de Bois Sorbier (Bourg-Saint-Andéol) et premières données paléoécologiques d’Ardèche méridionale (L. Fabre)

Quatre prélèvements anthracologiques ont été effectués : us 45 (Z15), us 50 (Z1), us 140 (Z31) et us 127 (Z18). Leur contenu anthracologique fait part d’un assez large éventail spécifique (11 taxons) correspondant à des niveaux de rejets domestiques (fig. 10).

L’écologie de ces taxons fait part d’une collecte de bois dans un milieu forestier du contexte bioclimatique de type supraméditerranéen, infiltré du contexte mésoméditerranéen. Le milieu forestier présente plusieurs faciès. Un faciès mésophile mature de type chênaie-hêtraie à chênes pubescents (Quercus humilis) largement répandu à l’heure actuelle. Un faciès mésophile plus ouvert installé sûrement en bords de rivière (une ripisylve) où le frêne (Fraxinus sp.) et les salicacées peuvent se maintenir. Enfin, un faciès xérophile de lisière forestière composé d’une strate arbustive développée avec les pomoïdées et le noisetier (Corylus avellana).

Ici, entre le milieu du Ve siècle et le début du IVe siècle avant notre ère, la végétation montre encore une ouverture du milieu forestier sous impact anthropique, mais de manière beaucoup plus discrète que sur le site de Ranc Pointu (Durand 1996). D’un point de vue biogéographique, il se peut que cette zone se soit montrée plus « résistante » à une ouverture du milieu forestier, par une régénération rapide des couverts (qualité des sols) et/ou parce que cette zone forestée n’a pas été déboisée. Le traitement en taillis, c’est-à-dire une coupe régulière des mêmes parcelles forestières, n’est intervenu qu’à l’Âge du Fer. Il a pu assurer aux communautés un apport régulier en combustibles à partir d’espèces résistantes, car douées des plus forts pouvoirs de régénération végétative (chênes verts) à la coupe. Ces communautés apparaissent alors comme les groupes à l’origine des formations forestières actuelles. Depuis l’Âge du Fer, le modèle forestier du taillis de chênes verts, véritable modèle de résistance, se montrera présent et maintenu tout au long de l’Antiquité et de l’Histoire. Il se montrera valable dans un système économique de type agro-sylvo-pastoral durant deux millénaires et être à l’origine de l’espace des garrigues.

TAXONS US 45/50/127/140

Érable champêtre Acer campestre 10

Arbousier Arbutus unedo 17

Noisetier Corylus avellana 36

Bruyère Erica sp. 2

Hêtre Fagus silvatica 12

Frêne Fraxinus sp. 27

Pin sylvestre Pinus sp. type sylvestris 12

Chêne Quercus sp. FC 18

Chêne Quercus sp. FS 67

Rosacées Pomoïdées 11

Salicacées 3

Total 215

Fig. 10 - Paléoécologie du site, résultats (taxons) anthracologiques bruts (L. Fabre).

Ardèche Archéologie n° 29 - 201234

Annexe 2

Caractéristiques de l’assemblage faunique du site de Bois Sorbier (Bourg-Saint-Andéol) H. Sidi Maamar

L’assemblage faunique du Bois Sorbier est constitué de 241 restes osseux. Le taux de détermination atteint 27 % en nombre de restes et environ 68 % exprimés par la masse pondérale (poids de restes en g) des fragments analysés. Ce premier caractère taphonomique indique une forte fragmentation des vestiges déterminés et des restes indéterminés (esquilles) qui plaide pour une fonction détritique du matériel.Les surfaces osseuses de l’assemblage présentent une faible altération (radicelles) mais la desquamation du périoste suggère un séjour en plein air et une exposition aux variations climatiques et aux actions des bactéries en phase post-dépositionnelle. Cependant, le machouillage par les carnivores/suidés demeure discret avec seulement deux vestiges osseux en attestent. Ce dernier fait contraste fortement avec les effets d’une exposition des déchets osseux et leur séjour en plein air, mais peut suggérer

un enfouissement progressif provoqué par des remaniements anthropiques ou naturels. Les traces de feu affectent seulement 7 restes indéterminés et 2 restes déterminés (3,8 % de l’ensemble). Le spectre des espèces domestiques et sauvages reconnu dans l’assemblage du Bois Sorbier (fig. 11) est représenté par 65 restes dont 80 % sont attribuables à des taxons domestiques qui cumulent une masse (poids des restes) qui atteint 63 % de l’ensemble des vestiges déterminés.

Les espèces domestiques sont représentées par la trilogie classique des bovins, des caprinés et des suidés domestiques. Malgré le faible poids statistique de l’assemblage, cette configuration reste dominée par les caprinés qui cumulent environ 37 % du nombre de restes, puis par les bovins (29,2 % du NR) et les porcs (13,8 %).Les animaux sauvages sont représentés par trois espèces. Le cerf occupe la première place avec 15,4 % (NR) suivi par la discrète présence du lièvre (3 %) et du renard avec 1,5 %.Le croisement des données des trois paramètres de quantification basés sur le NR (nombre de restes), le Pdr (poids des restes) et le NMI (nombre minimum des individus), montre une certaine cohésion entre le nombre de restes et le nombre minimum des individus des différentes espèces présentes (fig. 12).

Taxons NR % NR NMI %NMI Pdr % Pdr NR/Pdr

Domestiques

Bovins Bos taurus 19 29,2 1 10 215 43,8 11,3

Caprinés Caprini ind. 20 2 45

Mouton Ovis aries 2 36,9 1 40 27 15,4 3,1

Chèvre Capra hircus 2 1 3,4

Porc Sus domesticus 9 13,8 1 10 18 3,7 2,0

Total domestique 52 80 6 60 308,4 62,9 5,9

Sauvages

Cerf Cervus elaphus 10 15,4 2 20 174 35,5 17,4

Renard Vulpes vulpes 1 1,5 1 10 0,7 0,1 0,7

Lièvre Lepus capensis 2 3 1 10 7,3 1,5 3,7

Total sauvage 13 20 4 40 182 37,1 14

Total déterminés 65 27 10 490,4 67,7 7,5

Indéterminés

Petits mammifères

Os longs 99 68,3

Côtes 3 5

Grands mammifères

Fragments dents 4 2

Os longs 66 136

Côtes 2 11

Vertèbres 2 12

Total indéterminés 176 73 234,3 32,3 1,3

Grand total 241 724,7

Fig. 11 - Résultats synthétiques du spectre faunique du site (H.-S. Maamar)

Ardèche Archéologie n° 29 - 2012 35

Le paramètre de la masse osseuse indique une prédominance des bovins dans le cortège domestique (43,8 %) et le cerf domine sur le versant des activités cynégétiques (35,5 %). Les bovins semblent donc apporter la plus forte contribution au bestiaire de la table en termes de masse carnée, statut qu’assure le cerf dans le spectre sauvage. La contribution des caprinés à la biomasse carnée globale occupe la 3e position (15,4 %) du poids de restes. Avec quatre individus abattus, les caprinés occupent la première place dans les rythmes d’abattage du cheptel domestique. On note la présence d’un ovin (humérus). Une quatrième prémolaire lactéale portant des colonnettes interlobaires signe la présence de la chèvre dans ce spectre. Dans le rythme des abattages du spectre domestique, les bovins et les porcs contribuent avec un seul individu chacun.

Les espèces domestiques qui dominent le spectre faunique (80 % du NR), atteignent 60 % en individus abattus et leur contribution à la masse carnée, suggérée par le paramètre du poids des restes, culmine à 63 %. Les caprinés représentent environ 40 % des bêtes abattues. Ces modes de prélèvement dans le cheptel domestique indiquent une certaine régularité qui compense un abattage relativement faible des bovins et des porcs. Nous observons effectivement que la densité des mises à mort dans le troupeau domestique affiche un rapport de 1 bovin ou porc pour 4 caprins. Ces prélèvements coïncident avec l’apport carné des bovins et des porcs qui demeure supérieur à celui des caprins. Cette régulation des rythmes d’abattage laisse entrevoir un milieu et un paysage d’élevage favorables aux besoins nutritifs et à l’entretien des caprins.Les âges d’abattage des caprins se situent à des moments où l’équilibre zootechnique n’est pas atteint. À cet effet, sur les quatre individus abattus, un seul individu est âgé entre 2 et 4 ans. Deux caprinés sont abattus vers l’âge d’1 an et le quatrième (chèvre) est abattu entre 1,5 et 2 ans. Il est communément admis que dans les élevages extensifs et traditionnels, les caprinés atteignent leur maturité sexuelle de façon tardive soit vers 1 an au lieu de 8 mois, comme on l’observe dans les élevages modernes. Ce fait zootechnique indique que les modes d’abattage sur le site du Bois Sorbier se sont effectués en tenant peu compte des produits seconds (lait, laine) que peuvent fournir les ovins et les chèvres.

Ces modes d’abattage suggèrent une gestion des petits ruminants qui favorise la recherche de la viande, car, d’une part, la maturité pondérale est atteinte vers 1-2 ans voire plus tôt, dans de bonnes conditions d’affouragement et d’entretien ; et d’autre part, les bêtes réformées sont absentes de l’assemblage. Malgré tout l’intérêt que représentent ces faits pastoraux et zootechniques, ils demeurent cependant lacunaires par la taille de l’échantillon analysé (NR des caprinés : 24) et interdisent l’élaboration d’un scénario plus exhaustif.L’unique représentant des bovins est mis à mort à l’âge adulte (2-4 ans) et renforce l’idée d’une orientation alimentaire de l’abattage. Aucun élément osseux ne nous a permis d’établir une diagnose sur le sex-ratio du bovin abattu à Bois Sorbier.Le porc abattu était un mâle (canine supérieure) d’âge adulte.

Les activités de chasse sont dominées par le cerf qui contribue avec deux individus abattus. La présence d’un lièvre et d’un renard fournit des indications sur la diversité du spectre. Le produit des activités cynégétiques atteint un taux de 20 %, ce qui mérite une attention particulière dans ce contexte protohistorique.Dans l’optique alimentaire, il est à noter un fait d’ordre nutritionnel qui est la dominance de deux grands mammifères que sont le bœuf et le cerf. Ces deux espèces semblent jouer un rôle déterminant par leur contribution majeure dans l’apport carné sur le site de Bois Sorbier. Dans le cas présent, ce binôme domestique/sauvage marque un point d’identification qu’il serait opportun de pouvoir comprendre : les faits agissant dans l’emprise de l’homme sur son environnement et aussi sur la pérennité de ce type d’association. Deux fragments distaux d’humérus de cerf présentent des traces de désarticulation sur leur trochlée et l’impact d’un outil contondant sur leur diaphyse atteste d’une probable exploitation de la moelle osseuse.

Si la taille réduite de l’assemblage invite à une large prudence interprétative, néanmoins le faciès culturel et anthropozoologique de ce site mérite une analyse plus exhaustive afin de mieux cerner les processus de complémentarité ou d’exclusivité des sites de cette zone géographique dont le potentiel demeure encore inexploité.

0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50

Bovins Caprini Porc Cerf Renard Lièvre

Fig. 12 - Contribution des différents taxons archéozoologiques selon les paramètres NR, NMI et Pdr (H. Sidi Maamar).

Ardèche Archéologie n° 29 - 201236

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