L'argent et la démocratie

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L’argent et la démocratie Daniel Dufourt Professeur des Universités honoraire 6 avril 2011

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L’argent et la démocratie

Daniel DufourtProfesseur des Universités

honoraire

6 avril 2011

PLAN DE L’INTERVENTION

Introduction : Les rapports entre richesse et pouvoir. Les logiquesmarchandes à l’assaut de l’esprit public.

Ière Partie – Corruption et démocratie: facteurs contingentset ressorts permanents

A – Scandales et krachs financiers: les enseignements de l’histoireB- Eléments structurels liés aux changements dans l’exercice du pouvoir

et dans le fonctionnement des démocraties

IIème partie – Finance mondialisée et corruptionsystémique

A- Les guerres perdues de la mondialisationB – Racines de la corruption systémique: les dérives financières et bancaires, une

impunité de fait !CONCLUSION : « Conflits d'intérêts : La France est caractérisée par

l'absence de règles déontologiques »ANNEXES

Introduction: Les rapports entre richesse et pouvoir.Les logiques marchandes à l’assaut de l’esprit public

Ce sont les échanges hors contrat (lequel, par nature obéit à desformes légales) qui sont le support de la corruption: ainsi en va-t-il,par exemple, lors d’appels d’offre, même modestes, de diversprocédés visant à obtenir les faveurs de membres d’une commissiond’adjudication de marchés publics.

« Bien que souvent considérée comme le fait d’agents publics, lacorruption est également répandue dans le secteur privé. On distinguela corruption active qui vise le fait de promettre ou d’offrir à unepersonne un avantage indu et la corruption passive qui consiste, pourune personne, à solliciter ou à accepter un tel avantage ». Position de laFrance en matière de lutte contre la corruption dans le cadre de son action decoopération. Ministère des Affaires étrangères et européennes, 2008.

Introduction1) Qu’est-ce que la corruption? Réponse de Al Gore,Prix Nobel de la Paix, 45ème Vice-président des USA

Dans son livre “La raison assiégée”, Al Gore consacre une très intéressanteréflexion à ce phénomène :« Le mot corruption vient du latin corruptus, qui signifie “briser” ou“détruire”. La corruption brise ou détruit la confiance absolumentessentielle à la délicate alchimie qui compose le cœur de la démocratiereprésentative. Dans sa forme contemporaine, la corruption implique presquetoujours un accouplement incestueux entre richesse et pouvoir, et décritl'échange d'argent contre un abus de pouvoir public. Peu importe quel'échange soit initié par la personne qui a l'argent ou celle qui a le pouvoir,c'est l'échange lui-même qui est l'essence de la corruption. Peu importe quel'enrichissement personnel se mesure en argent ou en prestige, influence,statut ou pouvoir : le mal est fait quand on substitue frauduleusement larichesse à la raison dans le processus de décision d'utilisation du pouvoir.Peu importe que l'usage du pouvoir acquis profite à peu d'individus ou mêmeà un grand nombre: c'est la malhonnêteté de la transaction qui transmet lepoison. »

Ce qui est corrompu, c’est l’idéal républicain et démocratique fondésur la raison

Introduction: qu’est-ce que la corruption corrompt?Corrupt legislation, peinture murale à la bibliothèque du Congrès des

États-Unis, par Elihu Vedder. On perçoit bien dans cette image de lacorruption que c’est la balance de la justice qui est brisée.

Introduction : un constat édifiant!

« Durant les quatre dernières décennies, la vie politiquefrançaise a été marquée bien souvent par une collusionentre l’argent et la politique comme on peut le constaterpar une analyse du contenu du quotidien Le Monde qui apublié entre juin 1996 et mars 2003, pendant six années etdix mois, des articles sur des affaires politico-financières,dans 1.700 sur un total de 2.150 numéros soit dans plusde 80 % des cas (6 numéros par semaines, 300 par an).»*

*Mattei Dogan « Méfiance et corruption : discrédit des élitespolitiques », Revue internationale de politique comparée 3/2003 (Vol.10), p. 415-432.

INTRODUCTION2) La corruption fruit des contradictions entre les logiquesinhérentes au capitalisme, au libéralisme et à la démocratieThomas Coutrot, «Démocratie contre capitalisme », Editions La Dispute, 2005.

On connaît les deux visages du libéralisme. Sa facepolitique - liberté d’expression, d’association, de presseou de religion - est séduisante et fait quasimentl’unanimité, même si elle passe sous silence que ces droits« libéraux » sont devenus réalité grâce aux luttes sociales.Sa face économique est plus controversée : les vertus dulaissez-faire, de la main invisible du marché, le caractèresacré de la propriété privée, sont des croyances certesancrées dans l’idéologie dominante mais aucunementconsensuelles.

Introduction2) a. Rapports ambigus du libéralisme et du capitalismeselon Thomas Coutrot

« Le libéralisme économique accélère la concentration capitaliste etrenforce les féodalités de l’argent. Il sape par là même les bases dulibéralisme politique, l’égalité des citoyens devant la loi et la chosepublique.

Le libéralisme conçoit l’État comme État de droit autant que commeÉtat minimal » (Norberto Bobbio, Libéralisme et démocratie, Cerf,1996). L’État de droit est supposé protéger le citoyen de la violence etde l’arbitraire. Mais l’État minimal laisse les propriétaires du capitalaccumuler des pouvoirs illimités ; en même temps, pour les protégerdes protestations des opprimés, il use de son monopole de la violencelégitime, selon la définition que Max Weber donnait de l’État. Quandles inégalités s’accroissent et quand l’insécurité se répand, l’Étatminimal devient autoritaire et commence à mettre à mal l’État dedroit. »

2) b.- Rapports tumultueux entre démocratie etlibéralisme selon Thomas CoutrotCapitalisme contre démocratie | Revue du Mauss permanente

Selon Bobbio, le terme de démocratie recouvre au moins deux conceptsdistincts : d'une part, la « démocratie formelle » qui consiste dans le respectdes règles - suffrage universel, droits civiques et politiques...- visant à ce que« le pouvoir fasse l'objet d'une distribution touchant la majorité des citoyens ;d'autre part, la « démocratie substantielle » fondée sur l'idéal d'égalité et departicipation des citoyens aux décisions collectives. La démocratie formelleest une condition absolument nécessaire, mais pas suffisante : la démocratiesubstantielle exige aussi une certaine égalité des conditions économiques, descapacités réelles de compréhension et d'intervention des citoyens.

La différence de point de vue entre libéralisme et démocratie est claire : leslibéraux sont partisans d'un État qui gouverne le moins possible et assure lasécurité. La démocratie formelle leur suffit. Les démocrates veulent un état oùle gouvernement soit le plus possible entre les mains des citoyens, etrevendiquent la démocratie substantielle.

3) Un exemple de corruption par effacement desfrontières public-privé: le « pantouflage »

Dans son livre de 1992 intitulé La Corruption de la République , lepolitologue Yves Mény s'attarde sur le « pantouflage », autrement dit lepassage des hauts fonctionnaires dans le secteur privé, leur procurantd'ordinaire une considérable hausse de rémunération. Le mot est apparu dansl'argot de l'École polytechnique vers 1880. La «pantoufle » fut d'abord lasomme que l'on devait rembourser à l'État lorsqu'on l'abandonnait pour lesecteur privé, puis devint logiquement le point de chute lui-même, supposépar définition confortable et mieux payé.

Entre 1974 et 1989, 102 inspecteurs des Finances ont rejoint le privé, soit plusde six par an, ce qui correspond au rythme annuel de recrutement dans lecorps...

Des interrogations demeurent sur le risque qu'un haut fonctionnaire en placene favorise une entreprise qui le recrutera ensuite.

Ière Partie - Corruption et démocratie: facteurscontingents et ressorts permanents

A – Scandales et krachs financiers: les enseignements del’histoire

Quand on étudie le rapport entre République et Argent, il faut remonter à la IèreRépublique, "l'Incorruptible" qui se définit par opposition à la corruption del'Ancien Régime. À cet effet, il est à noter que le 1er à avoir eu sa têtebrandie sur une pique est l'intendant Folon, un homme d'argent, donc.

Même rapport de définition par opposition entre la IIIe République et le régimequi la précède, le 2nd Empire, cf. J.Ferry et les "Comptes d'Haussmann » *.La République promet d'agir autrement que le régime précédent, d'êtrevertueuse. Or, dès les années 1880, les "affaires" surgissent, ce sont les"krachs". La République se révèle être incapable d'agir autrement que le 2ndEmpire, voire semble être capable de faire pire puisque plus d'une centaine dedéputés, sénateurs et ministres sont impliqués dans le scandale de Panama. LaRépublique se révèle d'une corruption plus grande que le régime précédent cequi est abondamment dénoncé par la presse.

*Le préfet Haussmann a entraîné la ville à emprunter indirectement, en émettant des " bons dedélégation ", sans attendre l'accord préalable du Parlement, alors juridiquement nécessaire, et qui nesera accordé qu'après coup. Jean-Paul Lacaze, La Jaune et la Rouge, septembre 2001, n°567

.

Ière PartieA – Scandales et krachs financiers: les enseignements del’histoire

Pour le scandale de Panama, l’investigation s'est notamment effectuéeà partir de 42 cartons d'archives d'une banque allemande, archives quiont permis de reconstituer la manière dont les grandes banquesapprochaient les hommes politiques.

L'astuce est d'intéresser les hommes politiques a posteriori : il n'y apas d'achat d'actions directement par les députés ou les sénateurs ; enrevanche, ils sont avisés a posteriori que la banque x ou y a avancél'argent pour acheter en leur nom des actions dont on leur proposegracieusement de toucher les dividendes. En 1893, à l'occasion desélections, les Français donnent une leçon aux députés puisque les 2/3de la chambre sont renouvelés même si le rapport gauche/droite reste,lui, inchangé. On assiste là à un sursaut citoyen

Ière Partie:B- Eléments structurels : le financement des partis politiquesAngelo d'Orsi, «Refaire l’Italie. L’expérience de la gauche libérale (1992–2001) publié sousla direction de Piero Caracciolo, avec une préface de Marc Lazar (Éditions rue d’Ulm, 2009)

17 février 1992 : à Milan un petit patron d'une entreprise de nettoyage dénonce le fait qu'on lui aitdemandé une enveloppe de 10 millions de lires pour obtenir un marché.

C'est le point de départ de l'opération "Mani pulite". Les magistrats deviennent très populairesen Italie tant et si bien que tout un merchandising se développe, par exemple, autour de lapersonne du juge Di Pietro (Tee-shirts, chansons etc.). De même, on note la création devéritables files d'attente pour entrer au palais de justice et assister aux procès. C'est la 1ère fois,en Italie, que le peuple est du côté de la justice.

C'est qu'il s'agit de mettre au jour un système scientifique de corruption organisé par BettinoCraxi, corruption qui existait déjà avant, mais qui n'avait pas cette dimension "scientifique".

Ainsi, pour les travaux de la ligne 2 du métro de Milan, une stricte répartition des pots de vinavait été établie:

Partis politiquesitaliens

PS Démo-Chrétiens PC Parti socio-démocrate

Parti républicain

Part de l’électorat enpourcentage

Inférieur à10%

30% 30%

Part des pots de vins

en pourcentage

37,5 18,75 18,75 17 8

Journal L’express « Italie: le coup de torchon »publié le 11/03/1993

« Sept suicides - dont l'un, celui de Sergio Castellari, directeur desparticipations d'Etat, reste douteux; des dizaines d'incarcérés, près de 200parlementaires, sur les 600 que compte la Chambre des députés et les 315 duSénat, impliqués dans des affaires de pots-de-vin, plus de 900 enquêteslancées. La médiocre affaire qui permit à Di Pietro et à son équipe de déviderla pelote - la négociation d'un dessous-de-table de 10% par un socialistemilanais pour accorder un contrat de nettoyage à un entrepreneur du cru -est devenue l'agonie de la première République, née dans les cendres dufascisme après le référendum de 1946. C'est la mise à nu d'un système depouvoirs politique et industriel, qui ont cogéré les richesses publiques,prélevé sans vergogne leur dîme, assuré leur coexistence pacifique. Tantqu'existait le risque de voir le puissant Parti communiste italien accéder aupouvoir, jamais ce séisme n'aurait été possible. Après la chute du mur deBerlin, il n'était plus utile de soutenir ce rempart qu'était la Péninsule contrela menace rouge. »

Bettino Craxi fut de 1976 à 1993, le secrétaire du Parti Socialiste Italien "PSI". De 1983 à 1987, il fut Premier Ministre de la République italienne. Il estdécédé le 19 janvier 2000 à Hammamet (Tunisie)

Le financement de la politique en France

Le financement de la politique a été longtemps un problème ignoré.

Les lois Rocard du 15 janvier et du 10 mai 1990, qui ont à la fois plafonné les dépensesélectorales et confirmé une transparence des comptes de campagne, ont limité les donsprovenant d'une personne physique à 30 000 francs et à 10 % du plafond des dépensesélectorales (dans la limite de 500 000 francs) s'ils sont le fait d'une personne morale.La loi Balladur du 19 janvier 1995 a franchi un pas de plus, en interdisantradicalement tout apport provenant des entreprises. En même temps etlogiquement, l'État, depuis une loi du 11 mars 1988, contribue à un niveau élevé auxdépenses ordinaires des partis politiques (114 millions dès 1989).

Comme ces personnes morales ne sont plus autorisées à financer les partis politiques,on crée des fondations, des instituts de formation qui récupèrent l'argent des personnesmorales publiques et privées pour "éviter des dépenses" aux partis politiques (ex. :location de salles pour les réunions, fourniture de matériel de communication etc.…)

L’avertissement de Jean-Noël Jeanneney

« C'est une hypocrisie ravageuse de prétendre que les hommes politiquespeuvent vivre de l'air du temps et les partis des seules cotisations desmilitants. Il faut rétribuer dignement les élus, avec le courage d'affrontertoutes les protestations démagogiques. En 1906, la décision du Parlement dehausser l'indemnité parlementaire de 9 000 à 15 000 francs (soit moins que letraitement, à l'époque, d'un professeur d'université), saine mesure comptetenu du coût de la vie pour un élu moyen, suscita des indignationsvéhémentes qui durèrent jusqu'à la guerre. On n'est pas au bout du chemin,pour les indemnités des maires en particulier. La République exploite ledévouement de la plupart, et elle a tort ».

IIème partie – Finance mondialisée etcorruption systémique

Introduction: de la destruction de la confiance à la destruction de lasociété

Joseph STIGLITZ, prix Nobel d’économie, publie en 2010 « Le triomphe dela cupidité » où il explique indirectement le scandale de la Société générale*et la responsabilité directe de ses dirigeants ( cela valant pour n’importe quelautre banque dans la même situation):

« Une longue expérience nous l’a enseigné: quand des banques sontmenacées par la faillite, leurs dirigeants se livrent à des agissements quirisquent d’aggraver considérablement les pertes des contribuables. Cesbanques peuvent par exemple parier très gros: si elles gagnent, elles gardentles recettes, si elles perdent, qu’est-ce que ça change? Elles seraient mortes detoute façon** » (Ouvrage cité, p.223)

*Jérôme Kerviel est un opérateur de marché salarié de la Société générale, jugé responsable, àhauteur de 4,82 milliards d'euros, des pertes de la banque découvertes en janvier 2008, celles-cirésultant de ses prises de positions sur des contrats à terme sur indices d'actions s'élevant à cetteépoque à environ 50 milliards d'euros.

**Renflouée par l’Etat, elles peuvent incriminer un de ses employés (un « trader, par exemple » etensuite spéculer à nouveau et verser des bonus édifiants! Cf. caricature pages suivantes.

On peut dire qu'un gouvernement est parvenu à son dernierdegré de corruption quand il n'a plus d'autre nerf quel'argent. J-J. ROUSSEAU {Éc. pol, III, 266)

«Extraits de «The Five Wars of Globalization» by MoisésNaím Foreign Policy, janvier-février 2003Disponible en ligne à :http://www.foreignpolicy.com/Ning/archive/archive/134/5wars.qxd.pdf

A- Les guerres perdues de la mondialisation These are the fights against the illegal international trade in drugs,

arms, intellectual property, people, and money. Religious zeal orpolitical goals drive terrorists, but the promise of enormous financialgain motivates those who battle governments in these five wars.Tragically, profit is no less a motivator for murder, mayhem, andglobal insecurity than religious fanaticism In one form or another,governments have been fighting these five wars for centuries. Andlosing them.

Indeed, thanks to the changes spurred by globalization over the lastdecade, their losing streak has become even more pronounced.

Les faits

More than one fifth of the 120,000 workers in Russia’s former “nuclear cities”—where more thanhalf of all employees earn less than $50 a month—say they would be willing to work in the militarycomplex of another country.

In 1986, an ak-47 in Kolowa, Kenya, cost 15 cows. Today, it costs just four.

Illict trade accounts for almost 20 percent of the total small arms trade and generates more than $1billion a year. Small arms helped fuel 46 of the 49 largest conflicts of the last decade and in 2001were estimated to be responsible for 1,000 deaths a day; more than 80 percent of those victims werewomen and children.

The cost of production of a replicated computer program , for example, is estimated at 0,20 Eurowhile its sales price can reach 45 Euro – a profit margin that is much greater th an that generatedby a gram of cannabis whose cost of production is circa 1,52 Euro w ith an average sales price of12 Euro

Les multinationales utilisent tous des paradis fiscaux pour pratiquer « l’optimisation fiscale ». Ils’agit d’un véritable pillage organisé des pays du Sud. Mais les pays riches en pâtissent aussi. LeConseil des Prélèvements obligatoires français vient d’ailleurs de confirmer dans un rapport queles multinationales paient 2,3 fois moins d’impôts que les PME. Seules les entreprises de moins de 9salariés paient réellement 30% d’impôts, tandis que pour les groupes du CAC 40 le taux tombe à...8% ! Ce qui constitue à la fois une injustice et une distorsion de concurrence!

IIème PartieB-Racines de la corruption systémique

«Les méfaits associés au nouveau visage du capitalismene doivent rien à une soudaine poussée d’immoralité. Ilsrésultent avant tout de l’explosion des opportunités deprofits rapides, légaux ou illégaux, engendrés par lalibéralisation des marchés financiers et une gouvernanced’entreprise obsédée par la montée des cours boursiers.On peut certes mieux surveiller et punir les voyous, maissi l’on ne remet pas en cause la fabrique à voyous qu’estune société ne valorisant rien d’autre que les dollars, lessurveillants auront toujours un train de retard par rapportà l’imagination et à l’information des voyous, et ils seronttoujours tentés de devenir voyous à leur tour »*

*Jacques Généreux, Professeur à Sciences-Po, « L’après-Enron: gouvernance oudémocratie », Alternatives économiques, n° 202

Comment les fonds spéculatifs étranglent les peuples grecs etportugais en toute légalité, avec la complicité des agences denotation financière, sociétés privées dont l’identité des actionnairesreste confidentielle (peur de dévoilement de conflits d’intérêts?)

Les fonds spéculatifs vendent à découvert les dettes grecque, portugaise etespagnole, pariant sur une baisse continue du cours des obligations. En mêmetemps, ils acquièrent des CDS, qui servent à se " couvrir " d'un possibledéfaut de remboursement. Plus le prix du CDS est élevé, plus l'obligationbaisse. Les fonds activistes comptent sur un effet boule de neige pourprovoquer l'effondrement de la dette.

Un système où, a priori, on gagne à tous les coups. Adeptes de la discrétion, lesmanagers de ces fonds ne répondent à aucune question depuis qu'ils sont surla sellette. Impossible, par exemple, de joindre North Asset Management quia pourtant prêté la main à JP Morgan. Seul Hugh Hendry, du fonds Eclectica,a osé se présenter à un débat télévisé de la BBC. Au prix Nobel d'économieJoseph Stiglitz qui lui reprochait de spéculer avec le seul but d'amasser del'argent, il a répondu, plein de morgue : " Nous allons gagner des millions delivres, c'est vrai. Et alors ? " Pourquoi se gêner puisque tout ça est légal etque, malgré leurs promesses, les Etats n'ont rien fait pour réglementer lemonde de la finance ?

Consulter: DOSSIER - Les spéculateurs contre la démocratie Marianne n°670 Evènement20/02/2010

La dérèglementation légitime toutesles pratiques …

Philippe JANOT Firmes transnationales, corruption, Etats.Une dynamique ambiguë. Annuaire Français des relationsinternationales, 2005. http://www.afri-ct.org/IMG/pdf/afri2005_janot.pdf

L’incapacité des Etats et des conventions internationales à freinerla corruption*

Les législations nationales ont montré leurs limites. D’une part, peud’Etats ont adopté de législation véritablement contraignante (créantainsi une distorsion de concurrence inversée du fait que les sociétéssoumises à un droit national peu rigoureux se voient favorisées dansleur entreprise corruptrice face à d’autres sociétés soumises à un droitplus sévère).

D’autre part, les législations nationales se révèlent souvent peu efficaces.Il en est ainsi de la législation américaine (12) en place depuis 1977,qui n’a à son actif que quatre condamnations effective de cas decorruption internationale

*La Convention OCDE sur la lutte contre la corruption d’agents publicsétrangers dans les transactions commerciales internationales, du 21novembre 1997, n’a été ratifiée que par 35 Etats.

Conclusion - Conflits d'intérêts : "La France estcaractérisée par l'absence de règles déontologiques »

« La plupart des démocraties anciennes d'Europe, tout comme le Canada et les Etats-Unis, se sont dotées soit d'une législation en la matière, soit d'un code déontologiqueavec des procédures de contrôle et de compte rendu fait par des responsables politiquesaux Parlements et aux citoyens.

Ce qui caractérise la situation française par rapport à d'autres grands paysdémocratiques, c'est l'absence presque complète de règles légales ou déontologiquesvisant à prévenir les conflits d'intérêts pour les hommes politiques, mais également lestitulaires de charges publiques.

L'exécutif improvise, bricole des réponses au gré des affaires et des scandales quiéclatent. Logements de fonction, transports, cadeaux... A chaque affaire on avance deséléments de réponse, mais tout ça ne forme pas un ensemble cohérent, il n'y a pas uncode de conduite qui prendrait en compte tous les risques de conflits d'intérêts.Cependant, il y a deux semaines, un rapport a été rendu (26 janvier 2011) au présidentde la République sur les problèmes de conflit d'intérêts, le rapport Sauvé. Il dresse unbon état des lieux de la situation française et donne de nombreuse recommandationstrès cohérentes. »

Daniel Lebègue, président de Transparency France et ancien directeur général de laCaisse des dépôts et consignations

Annexe: une référence incontournable.Le magazine de l’UNICRI (United Nations Interregional

Crime and Justice Research Institute): Freedom for Fear

Décision de la Cour Européenne deJustice (14/06/2001):

« A cet égard, il échet de rappeler que lerequérant a été condamné pour corruption et nonpour ses idées politiques, et que rien dans lesdécisions judiciaires rendues dans le cadre del'affaire Metropolitana Milanese ne permet deconclure qu'elles ont été influencées par deséléments autres que les faits matériels à la basedes chefs d'accusation. »

ANNEXE : Quelques propositions du rapport de Jean-Marc SAUVĖ,Président de la Commission de réflexion pour la prévention des conflitsd’intérêts dans la vie publique

« Ainsi le rapport propose-t-il de rendre incompatible les fonctions de ministre avecdes "fonctions de direction ou d'administration au sein d'associations, de syndicats, defondations ou de tout autre personne morale, y compris dans des partis politiques".EricWoerth avait été particulièrement attaqué pour avoir cumulé pendant un temps sesfonctions de ministre du budget avec celles de trésorier de l'UMP.

Du côté des entreprises publiques, le cas d'Henri Proglio qui s'était retrouvépendant un temps à la tête de Véolia et d'EDF a aussi retenu toute l'attention desauteurs du rapport qui édicte : "une incompatibilité entre les fonctions dirigeantesd'entreprises publiques et d'entreprises privées, en rendant incompatibles les fonctionsde président du conseil d'administration, du directoire ou du conseil de surveillanced'une entreprise publique et toute fonction identique dans une entreprise privée". Suiteau scandale du Mediator, les auteurs ajoutent des mesures d'incompatibilités et dedéclaration d'intérêts pour les membres de cabinet ministériel... »*

*Article de Valérie de Senneville, Les Echos, 26 janvier 2011 Les passages soulignés sont lescommentaires de l’auteure de l’article, présentés sous cette forme.

Références

ONU Eliminating Violence Against Women. Forms, Strategies and Tools (lire pp. 40-46)

Organisation Mondiale des Douanes Actualités, n°54 Octobre 2007 Contrefaçon etpiraterie: crime du XXIème siècle (lire le dossier)

Friedrich Ebert Stiftung Money Laundering and Tax heavens (lire pp.14-19) UNICRI Freedom From FEAR vol.1 Illicit traffic - The invisible Hand (lire pp.26-30

et 38-41) Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime. Rapport mondial sur la traite

des personnes 2009 Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime. Rapport mondial sur les

drogues 2009 CEIPI Impacts de la contrefaçon et de la piraterie en Europe. Rapport final 2004 L'eurodéputée Eva Joly accuse: " l'évasion fiscale nous coûte 1000 milliards de

dollars" 24 janvier 2010 Effets de l'optimisation fiscale (prix de transfert etc..) sur le taux d'imposition des

entreprises au titre de l'IS (CPO, Rapport 2009) Transparency International Rapport mondial sur la corruption 2009, La corruption et

le secteur privé