La relation client à la lueur d'une analyse de discours comparative

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105 La « relation client » à la lueur d’une analyse du discours comparative par Geneviève Tréguer-Felten 37 Résumé Cet article prend appui sur plusieurs corpus de discours institutionnels d’entreprises françaises, chinoises et états-uniennes, analysés dans le cadre d’une approche interdisciplinaire reliant analyse du discours et approche interprétative de la culture. On montre comment, selon si les locuteurs sont français, chinois ou états-uniens, leurs discours – en langue maternelle ou en anglais lingua franca – font émerger des conceptions différentes de ce qu’est une bonne « relation client ». Une brève exploration de courriels interpersonnels rassemblés au sein de multinationales donne une idée des difficultés que peut engendrer la méconnaissance de la spécificité culturelle des concepts managériaux, incitant à développer l’analyse du discours pour venir en aide à tous ceux qui, en situation de communication interculturelle, sont appelés à convaincre autrui. Abstract This article reports on an interdisciplinary research linking discourse analysis and a culture interpretative approach. It was performed on several corpora of French, Chinese and United-States organizations’ corporate communication documents, either produced in the speakers’ mother-tongues or in English as a lingua franca. The discourse analysis results indicate that the proper way to handle one’s customer varies according to the speakers’ culture entailing communication difficulties, as confirmed by the annoyance underpinning interpersonal e-mail messages collected in multinationals. These findings induce the conclusion that discourse analysis could help any staff needing to convince people belonging to another culture. Anglais anglo-américain ou anglais lingua franca (ALF), telle est généralement la langue de communication internationale retenue par la plupart des organisations. Il suffit de consulter les sites Internet d’entreprises non-anglophones pour s’en convaincre : quel que soit leur pays d’origine, celles-ci donnent généralement accès à une version en ALF de leur communication institutionnelle (Bargiela- Chiappini, 2006), s’évertuant ainsi à toucher, grâce à l’Internet, des audiences lointaines perçues comme unifiées linguistiquement et culturellement (Robbins, Stylianou (Winter) 2001-2002). Certains chercheurs mettent cependant en avant les gains d’efficacité à attendre d’une adaptation des discours aux audiences 37. GENEVIÈVE TRÉGUER-FELTEN, Chercheur associé, CEDISCOR, Paris 3 – Sorbonne Nouvelle Gestion & Société, CNRS, [email protected]

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La « relation client » à la lueur d’une analyse du discours comparative

par Geneviève Tréguer-Felten37

Résumé

Cet article prend appui sur plusieurs corpus de discours institutionnels d’entreprises françaises, chinoises et états-uniennes, analysés dans le cadre d’une approche interdisciplinaire reliant analyse du discours et approche interprétative de la culture. On montre comment, selon si les locuteurs sont français, chinois ou états-uniens, leurs discours – en langue maternelle ou en anglais lingua franca – font émerger des conceptions différentes de ce qu’est une bonne « relation client ». Une brève exploration de courriels interpersonnels rassemblés au sein de multinationales donne une idée des difficultés que peut engendrer la méconnaissance de la spécificité culturelle des concepts managériaux, incitant à développer l’analyse du discours pour venir en aide à tous ceux qui, en situation de communication interculturelle, sont appelés à convaincre autrui.

Abstract

This article reports on an interdisciplinary research linking discourse analysis and a culture interpretative approach. It was performed on several corpora of French, Chinese and United-States organizations’ corporate communication documents, either produced in the speakers’ mother-tongues or in English as a lingua franca. The discourse analysis results indicate that the proper way to handle one’s customer varies according to the speakers’ culture entailing communication difficulties, as confirmed by the annoyance underpinning interpersonal e-mail messages collected in multinationals. These findings induce the conclusion that discourse analysis could help any staff needing to convince people belonging to another culture.

Anglais anglo-américain ou anglais lingua franca (ALF), telle est généralement la langue de communication internationale retenue par la plupart des organisations. Il suffit de consulter les sites Internet d’entreprises non-anglophones pour s’en convaincre : quel que soit leur pays d’origine, celles-ci donnent généralement accès à une version en ALF de leur communication institutionnelle (Bargiela-Chiappini, 2006), s’évertuant ainsi à toucher, grâce à l’Internet, des audiences lointaines perçues comme unifiées linguistiquement et culturellement (Robbins, Stylianou (Winter) 2001-2002). Certains chercheurs mettent cependant en avant les gains d’efficacité à attendre d’une adaptation des discours aux audiences 37. Geneviève TréGuer-FelTen, Chercheur associé, CEDISCOR, Paris 3 – Sorbonne Nouvelle Gestion & Société, CNRS, [email protected]

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locales par le biais de marqueurs culturels dans le design des sites (Sheppard, Scholtz, 1999), de traductions en langue locale et, plus globalement, d’une adaptation à la culture locale (Robbins, Stylianou 2001-2002 ; Singh, Zhao, Hu 2005 ; Halliburton, Ziegfeld, 2009 ; Usunier, Roulin, Ivens, 2010), ou à défaut régionale (Choi, 2010).

Toutefois, le choix de la langue ne joue pas seulement un rôle dans le cadre de la communication institutionnelle des organisations, il intervient dans toutes les relations humaines en leur sein et peut avoir un impact sur leur rentabilité (Grin, 2008), sur leur fonctionnement même (Marschan et al., 1997 ; Marschan-Piekkari et al., 1999) ou sur celui des équipes de projet transnationales (Chen, Geluykens, Choi, 2006). L’association intime de la langue avec la culture des locuteurs (Usunier, 2006, [1998]) peut toutefois se transformer en atout, dans la recherche transculturelle d’équivalence des concepts managériaux (Usunier, 1999) par exemple, ou, en s’appuyant sur l’analyse du discours, pour mettre au jour les différentes conceptions du vivre-ensemble qui prévalent dans une culture nationale donnée (d’Iribarne, 1990) et influent sur les relations intervenant au sein de l’organisation comme entre cette dernière et son environnement – ce qu’exprime si bien le : [W]orkplace culture /…/ is not a cultural island » d’Alvesson (2000 : 171). C’est à une telle illustration que cet article est consacré.

L’analyse de discours institutionnels produits par des organisations chinoises, états-uniennes et françaises (Tréguer-Felten, 2009a) révèle combien ceux-ci, qu’ils soient rédigés en langue maternelle ou en ALF, portent la marque de la culture nationale desdites organisations, venant ainsi confirmer l’existence d’une tension permanente au sein de l’entreprise entre les pratiques sociales liées au contexte culturel local et un modèle généraliste visant à faire appliquer partout les mêmes pratiques de gestion (Pesqueux, 2004 : 13). Après avoir exposé l’arrière-plan théorique et la méthodologie ayant présidé au recueil et à l’analyse des données, on montrera dans une deuxième partie comment les indices linguistiques relevés dans les discours tenus par les locuteurs français, chinois, et états-uniens entrent en résonnance entre eux pour dessiner une « relation client » propre à chacune de ces cultures. La troisième partie s’appuie sur des extraits de courriels de locuteurs des mêmes langues/cultures pour donner une idée des grains de sable que la méconnaissance des spécificités de sa propre approche nationale, au sein d’équipes transculturelles – comme entre le siège de l’organisation et les implantations locales – peut semer dans les rouages de la communication interculturelle. On conclura sur l’utilité de l’analyse du discours pour faire émerger les conceptions du vivre-ensemble d’interlocuteurs appartenant à d’autres univers culturels et développer, chez toutes les personnes appelées à convaincre autrui en situation de communication interculturelle, la conscience de la spécificité culturelle des discours managériaux.

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1. Cadre théorique et méthodologique

Les recherches sur lesquelles s’appuie cet article ont la particularité de marier deux approches complémentaires : la linguistique de discours comparative (Moirand, 1992 ; von Münchow, 2008) et l’approche interprétative de la culture (d’Iribarne, 1989, 2008a ; Chevrier, 2003, 2008). On les expose ici brièvement avant d’introduire les corpus analysés et la manière dont les résultats qui en sont issus ont été croisés.

1.1. Analyse du discours comparative et approche interprétative de la culture

L’analyse du discours (AD), issue de la sémantique discursive développée par M. Pêcheux dans les années 1970, se caractérise par une articulation du cadre formel de l’énonciation d’E. Benveniste avec des « extérieurs du discours », allant de l’histoire sociale à la philosophie ou la psychanalyse, en vue d’éclairer les usages relevés – attribués, pour l’essentiel, aux contraintes collectives qui s’exercent sur le Sujet. Ancrée à ses débuts dans l’univers politique et idéologique, l’AD a évolué, d’une part en élargissant les corpus étudiés à des discours aussi bien quotidiens que spécialisés – tels les documents professionnels – et d’autre part en développant des approches comparatives (la linguistique de discours comparative) visant à mettre en relief les représentions différentes ayant cours dans telle ou telle culture. L’hypothèse de base de cette démarche consiste à « croire en la capacité de l’analyste de ‘reconstruire’ [d]es données moins directement observables à partir de l’étude des signes inscrits dans la matérialité des surfaces discursives » (Moirand, 1992 : 30).

Ainsi, la façon dont l’énonciateur désigne ou caractérise les objets du discours, son implication ou non en tant que sujet grammatical, le positionnement qu’il adopte par rapport à ce qu’il dit, sont autant d’indices qui vont être relevés, comparés, classés pour constituer une description fine du discours ouvrant sur les représentations que le locuteur a de l’objet, de lui-même, de l’audience à laquelle il s’adresse, ainsi que sur l’univers de connaissances dans lequel se situe son discours. La démarche trouve sa légitimité dans la nature même de l’activité de discours « schématis[ant] objets et positions en une organisation lacunaire d’éléments compatibles entre eux [et proposant, s]ous la forme d’un schéma, des significations /…/ dont l’essentiel peut être “réactivé” par l’interlocuteur qui y découvre un signe à interpréter » (Borel, Grize, Miéville, 1992 : 58).

L’articulation que pratique S. Moirand (2008) de la notion d’interdiscours de Pêcheux – ces discours qui circulent dans un univers social donné et se glissent subrepticement dans ceux du locuteur – et des travaux du Cercle de Bakhtine – selon lesquels chaque énoncé, bien qu’individuel, porte parallèlement inscrit dans sa trame même, la société dans laquelle évolue le locuteur et la situation dans

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laquelle intervient son énonciation (Baktine/Volochinov, 1977, [1929] : 41) – fait de la linguistique de discours comparative un complément naturel de l’approche interprétative de la culture (d’Iribarne, 1989, 2008a), dès lors qu’on aborde des discours produits dans des organisations, terrain privilégié de cette dernière.

De type ethnographique, les recherches menées visent à mettre au jour les catégories de sens qui, telles « les briques élémentaires qui servent à la construction des multiples édifices symboliques » (Chevrier, 2008 : 81) forment la base des discours. Plus que les opinions formulées, c’est leur forme discursive (récurrences, oppositions, associations métaphoriques, etc.) qui constitue l’objet de recherche, et c’est cette même forme qui, au terme de comparaisons internes et externes – en s’appuyant notamment sur l’Histoire et les institutions des sociétés concernées – livre les catégories de sens récurrentes (ibid.). Une telle démarche abductive, faite d’allers-retours permanents entre théorie et études terrain, se transpose aisément à un corpus linguistique : les traces laissées en surface des textes par l’énonciateur, la charge « historique » ou « sociale » des mots qu’il utilise, schématisent un univers assimilable au terrain qui permet à l’ethnographe d’élaborer puis de vérifier le système rendant compte de la situation constatée (Agar, 2009).

C’est en articulant ces deux théories que nous avons abordé divers corpus de communication institutionnelle produits par des organisations issues de cultures différentes et fait émerger de la comparaison des discours l’univers de sens dans lequel s’inscrit la conception de la « relation client » propre aux locuteurs de chacune des cultures concernées.

1.2. Les corpus interrogés et la méthodologie retenue

La recherche transversale dont nous rendons compte ici a été effectuée en puisant dans les résultats d’analyses de plusieurs corpus différents (Tréguer-Felten, 2002, 2009a) collectés entre 1990 et 2008.

1.2.1. Les corpus interrogés

Hormis des brochures institutionnelles d’entreprises françaises et chinoises rassemblées en Chine à la fin des années 1990, tous les documents constituant ces corpus ont été téléchargés sur Internet. Ils se décomposent en trois lots différents : le corpus n°1 comprend les auto-présentations de onze entreprises françaises et onze chinoises en ALF38 – dont les brochures évoquées ci-dessus (Tableau 1) ; les deux versions anglo-américaine (PoA) et française (NPA) des 38. Outre le critère de sélection de base consistant à ne retenir que des entreprises ayant pignon sur rue en Chine et communicant virtuellement entre elles (B-to-B), c’est la difficulté à rassembler des documents produits en ALF par des entreprises chinoises – brochures des années 1990 ou sites Internet en 2008 – qui a orienté la sélection d’entreprises françaises vers des entités exerçant leurs activités dans des secteurs comparables : cabinets d’avocats, sociétés d’ingénierie, fabricants de matériel lourd, services industriels, etc.

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Principes d’Action du Groupe Lafarge, en langue maternelle39, constituent le corpus n°2 ; le corpus n°3 qui a servi de corpus de référence (Rastier et Pincemin, 1999 : 84) regroupe les codes d’éthique rédigés en langues maternelles de huit organisations états-uniennes et huit françaises, sélectionnées de manière à constituer un mix entre organisations de moins grande envergure et entreprises du Nasdaq ou du CAC 40 (Tableau 2).

GT LAW OFFICE Cabinet d’Avocats

SNERDI Société d’ingénierie

DBC Fabricant de chaudières industrielles

LYHCC Transport : logistique

SINOTRUST Research & Consulting Consultants : études et marketing

CZEC Société d’ingénierie

SDEPDI Société d’ingénierie : domaine électrique

The Creative Life (TCL) Fabricant d’électronique

Huawei Fournisseur de réseaux de télécommunication

ZTE Fabricant de produits de télécommunication

COSCO Transports maritimes et logistique

DS Avocats Cabinet d’avocats

CGEA-ONYX Traitement de déchets

EDF Producteur d’électricité

Bureau Veritas Organisme de contrôle qualité et de certification

Thermocoax Fabricant de câbles isolés

Schneider Electric Fabricant de matériel électrique

SGN Société d’ingénierie

Veolia Service industriel

Saint Gobain Industriel de la Chimie

ALSTOM Fournisseur de centrales électriques et d’infrastructure ferroviaire

Faurecia Equipementier automobile

Tableau 1. Corpus n°1

39. Au terme d’un processus d’écriture complexe ayant procédé d’une écriture en ALF, revue par des natifs pour la version anglo-américaine et d’une traduction en français, elle-même revue par le service communication du siège parisien (cf. Tréguer-Felten, 2009a : 324).

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Code of conduct1 Ascom

Code of Conduct2 Boeing

A Statement of Corporate Values and Ethics3 Central Garden & Pet

Code of Business Conduct4 Coca-Cola

Principles of Globalization & Global Citizenship5 DellCode of Ethics6 Global SourcesHP Standards of Business Conduct 7 Hewlett Packard Business Conduct Guidelines8 IBMCode de conduite et d’éthique des affaires9 AntargazCode d’éthique10 ALSTOMCode éthique et règles de comportement11 FaureciaCharte de déontologie12 Groupe France TelecomCode de conduite des affaires13 Hologram Industries Charte éthique14 Groupe PSAPrincipes de comportement individuel15 TOTALCode d’éthique16 Valeo

1. http://www.ascom.com/code_of_business_conduct_def.pdf#search=%22%22every%20employee%20must%22%22 (consulté le 08/09/06).2. http://www.boeing.com/companyoffices/aboutus/ethics/code_of_conduct.pdf (consulté le 08/09/06).3. http://www.central.com/about/values.htm (consulté le 08/06/09).4. http://www.thecoca-colacompany.com/ourcompany/pdf/COBC_Non-Employee_Directors.pdf (consulté le 08/04/09).5. http://www.dell.com/content/topics/global.aspx/corp/sup_prince/en/commit?c=us&l=en&s=corp (consulté le 08/09/06).6. http://www.corporate.globalsources.com/IRS/DOWNLOAD/CORGOV/CDETHICS.PDF#search=%22%22every%20employee%20is%20expected%20to%22%22 (consulté le 08/09/06).7. http://www.hp.com/hpinfo/globalcitizenship/csr/sbcbrochure.pdf (consulté le 08/09/06).8. http://www.ibm.com/investor/corpgovernance/pdf/bcg.pdf (consulté le 08/09/06).9. www.antargaz.fr/.../antargaz...part/.../code_conduite.pdf (consulté le 5/4/07).10. http://www.alstom.com/home/About_Us/Organisation/Code_of_Ethics/_files/file_23253_40004.pdf#search=%22code%20%C3%A9thique%20alstom%22 (consulté le 08/09/06).11. www.institut-entreprise.fr/.../Faurecia%20coP%20oct%2008.pdf (consulté le 5/4/07).12. http://www.francetelecom.com/fr/groupe/responsabilite/valeurs/att00022815/UPL50092_chartedeontologie_2005.pdf (consulté le 08/09/06).13. www.hologram-industries.com/.../8_fichier_en_code_conduite_affaires.pdf (consulté le 5/4/07).14. http://www.developpement-durable.psa.fr/upload/files/charte_ethique_fr.pdf (consulté le 08/09/06).15. http://www.total.com/static/fr/medias/topic1492/Total_2005_Code_conduite.pdf (consulté le 08/09/06).16.http://www.valeo.com/automotive-supplier/webdav/site/valeo/shared/fr/pdf/3finance/code-ethique-fr.pdf#search=%22code%20%C3%A9thique%20valeo%22 (consulté le 08/09/06).

Tableau 2. Corpus de référence (n°3)

Le regroupement de documents différents, par les langues, par les genres, comme la diversité des domaines d’activité des organisations concernées ou des époques de recueil des données, participe d’une volonté d’objectivité. Cette pluralité, alliée à la nature collective de l’écriture des documents professionnels, vise à écarter le risque d’idiosyncrasie comme celui de considérer comme culturelles des caractéristiques propres à un univers professionnel particulier à un moment donné. Les univers de sens qui ont émergé des analyses initiales, à travers la comparaison unilangagière (corpus n°1) et translangagière (corpus

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n°2 et 3) des discours, ont, entre autres, révélé la spécificité de la conception française de la « relation client ».

1.2.2. La méthodologie

La méthodologie suivant laquelle ces recherches ont été menées40 repose sur un principe simple : les discours de chaque sous-corpus sont dans un premier temps explorés de manière systématique. Les corpus n°1 et n°2 étant de natures différentes, le premier unilangagier et auto-apologétique, le deuxième translangagier et davantage centré sur la représentation de l’univers de travail à implanter au sein de l’organisation concernée, les entrées d’analyse retenues ont été différentes. Nous avons abordé l’analyse des auto-présentations d’entreprises (corpus n°1) par une entrée argumentative (l’ethos aristotélicien) et considéré les indices linguistiques comme révélateurs du « micro-univers » que les locuteurs schématisent en vue de convaincre et séduire leurs interlocuteurs (Grize, 1978 : 45). Les versions anglo-américaine et française des Principes d’Action du Groupe Lafarge (corpus n°2), du fait de leur quasi-identité sémiotique, ont quant à eux subi une comparaison, sinon terme à terme, du moins phrase à phrase, mais avec une finalité identique : reconstruire chacun des univers schématisés par les discours et procéder dans un deuxième temps à leur comparaison. On présente ci-après quelques exemples de la démarche d’analyse pour chacun des corpus.Les caractéristiques énonciatives des discours du corpus n°1 ont par exemple fait l’objet d’analyses précises : qui parle à qui et comment ? Autrement dit, l’énonciateur – l’entreprise – s’inscrit-il sous une forme personnelle ou adopte-t-il un discours apparemment objectif pour parler de l’entreprise en s’y référant nominativement ? De même, inscrit-il les clients dans le discours sous une forme grammaticale en s’adressant directement à eux par un You, ou lexicale, en les désignant par un vocable tel client, customer, operator, law-firm ou encore colleague, partner. Bien que la comparaison soit à la base de la démarche analytique, elle n’intervient qu’au terme de cette phase exploratoire descriptive. Les nombreux relevés établis41 pour chacun des sous-corpus en présence s’organisent peu à peu pour schématiser des univers que l’on peut alors opposer – le contraste ayant généralement pour effet de mettre en lumière des caractéristiques qui pourraient échapper à l’analyste, surtout lorsqu’il appartient lui-même à l’une des cultures concernées. Les relevés quantitatifs initiaux sont cependant rarement suffisants pour expliquer ce qui peut justifier les « anomalies » constatées.

On en prendra pour exemple les relevés des inscriptions grammaticales des énonciateurs (les organisations) et des destinataires (les clients) du corpus n°1 (Tableau 3).

40. On renvoie à Tréguer-Felten (2009a) pour un exposé plus extensif de la méthode.41. Au moyen du logiciel de lexicométrie, Lexico 3 (développé à l’EA 2290 Syled, Paris 3 - Sorbonne nouvelle).

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Ss-corpuschinois

Total18792

Inscription 1° pers.

Inscription 2° pers.

Ss-corpusfrançais

Total12335

Inscription 1° pers.

Inscription 2° pers.

B1 1151 23 BF1 1002 1

B2 845 1 BF2 1089 1

B3 1100 BF3 1139 5 2

B4 553 BF4 560 11 6

B5 481 4 4 BF5 143 1

B6 1017 2 BF6 883 11 12

B7 1933 6 Let’s makejoint efforts!

BF7 1728 8 20

==== === === ======== ===== === ====== =======

B11 1933 38 BF11 2151 36 Adapt… !

B12 2658 90 BF12 1361 6 1

B13 1754 BF13 976 2

B14 5367 108 BF14 1303 1

Tableau 3. Inscriptions grammaticales des protagonistes (Corpus n°1)

Statistiquement, les entreprises françaises sont plus nombreuses que les chinoises à recourir au procédé, tant pour la première que pour la deuxième personne grammaticale. En revanche, les occurrences par document ne sont guère nombreuses42, comparées à celles de certains des documents chinois. En fait, les données ne se sont avérées significatives qu’une fois ces premières personnes réinsérées dans leurs contextes d’apparition. Toutes provenaient bien du cotexte (l’environnement discursif) de références aux clients, mais dans le sous-corpus chinois, c’était au sein de sections spécifiques généralement intitulées Introduction, Chairman’s Speech ou Chairman’s Address et le plus souvent illustrées par la photo (souriante) du/des dirigeants : une mise en scène poly-sémiotique qui instaurait un échange complice entre l’entreprise personnifiée et le client (cf. Veniard, Tréguer-Felten, 2006). Du côté français, les rares occurrences relevées tendaient plutôt à exprimer ce que l’organisation savait pouvoir faire pour le client : We trust we can help you, ou We know how important it is to stand by you et incluaient souvent des syntagmes verbaux renvoyant à des procès intellectuels. Ces indications n’ont à leur tour pris sens qu’au cours des étapes suivantes consistant, d’une part à trouver d’autres indices discursifs allant dans le même sens dans chaque sous-corpus, d’autre part à vérifier la cohérence de l’interprétation en s’appuyant sur la littérature produite au sein d’autres disciplines (philosophie, anthropologie, sociologie, sinologie, etc.). Les recherches menées sur le corpus n°2, bien que s’inscrivant globalement dans la même démarche, ont procédé différemment du fait de la nature bilingue du corpus et de la parenté maximale entre PoA et NPA. Produites sous la 42. À une exception près : un site Internet incluant des extraits du rapport annuel de l’entreprise.

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supervision étroite du Comité Exécutif du Groupe43, ces versions des Principes d’Action du Groupe Lafarge ne devaient se distinguer que par la langue d’expression : même forme poly-sémiotique, même statut au sein du Groupe. Or, les différences mises en lumière par la comparaison des discours dessinaient des univers de travail sensiblement différents (Tréguer-Felten, 2009a, 2010) que seule une interprétation culturelle semblait pouvoir expliquer. Les indices relevés n’étaient pas exclusivement discursifs. Certains des éléments de dissemblance relevant des langues (systèmes) à la disposition des locuteurs (les quantitatifs, par exemple) ont aussi été envisagés comme facteurs de différence culturelle (Whorf, 1956) puis écartés, faute d’indices discursifs similaires. Seule une formule de la langue anglaise dont le champ sémantique n’était que très partiellement recouvert par l’expression française correspondante a été retenue. Being a customer-driven organization, la formule à laquelle recourt l’entreprise pour définir son positionnement est d’emploi fréquent dans les discours nord-américains, comme dans les organisations du monde entier, que ce soit en ALF ou dans le « franglish », « spanglich » et autres, qui s’y pratiquent. Cette formule métaphorique, construite sur le modèle de horse-driven cart ou steam-driven train, met en scène un agent – le cheval, la vapeur – qui exerce sur le patient – la charrette, le train – une force suffisante pour le mouvoir. Employée métaphoriquement, la formule désigne généralement un patient incapable de résister à la force exercée par l’agent : money-driven modern China ou sex-driven males en sont des exemples récurrents sur Internet. Dans a customer-driven organization, c’est donc le client qui « tire » l’entreprise. Aucune expression axiologiquement comparable n’existe en français : la construction la plus proche [N1 poussé par N2] ne figure guère que dans des expressions peu valorisantes comme « poussé par la colère » ou « poussé par l’appât du gain ». C’est certainement ce qui explique l’emploi fréquent du terme anglais en l’état. Le concept, transposé en français, présente généralement l’entreprise (N2) comme « axée, tournée ou orientée vers » le client – c’est le cas dans la version française où l’ambition énoncée devient : Orienter notre organisation vers le client. Si ces expressions françaises accordent bien une position privilégiée au client, elles en diffèrent nettement sur le plan agentif : il perd son rôle d’agent au profit de l’entreprise. À elles seules, ces dissemblances d’ordre linguistique ne peuvent être considérées comme révélatrices de positionnements culturels différents. En revanche, lorsque des basculements syntaxiques similaires apparaissent ailleurs dans les discours, on est en droit d’en tenir compte au stade de l’interprétation. C’est le cas au sein de la même liste d’items. Ainsi le Being measured by our customers’ satisfaction and loyalty correspond à un Faire du niveau de satisfaction des clients et de leur fidélité la mesure de notre succès, dans lequel l’entreprise assume un rôle actif, là où la version anglo-américaine la présente dans une position statique dépendante du jugement des clients (Tréguer-Felten, 2009a : 363-364). Ce constat est renforcé par le contraste entre Developing and 43. (Collomb, 2007 : 11).

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delivering the most valuable products et Concevoir et proposer les produits /…/ les mieux adaptés dans lequel le sémantisme des verbes concernés donne à voir les mêmes acteurs dans des positions de donneur d’ordres en anglais, mais de concepteur proposant ses créations en français ; le fréquent remplacement des provide de la version anglaise par des offrent ou proposent, venant compléter l’image. L’organisation états-unienne se donne à voir aux ordres du client là où l’entreprise française semble garder la haute-main. Ces constats ont d’ailleurs été confirmés par les choix lexicaux relevés dans le corpus n°3 (Tableau 4).

Ainsi, tout au long des analyses, des allers-retours ont été effectués entre les caractéristiques mises au jour et les discours eux-mêmes, à la recherche de nouveaux indices susceptibles de conforter l’interprétation à même d’expliquer les « anomalies » mises en lumière par la comparaison des sous-corpus44 – celle-ci devant par ailleurs trouver un écho dans les données extérieures au discours pour chacune des cultures concernées.

2. La « relation client »

Depuis une vingtaine d’années, les relations à entretenir avec ses clients ont peu à peu occupé le devant de la scène, donnant naissance au marketing relationnel. « Le marketing est passé d’une vision tournée vers des biens […] à une vision tournée vers les services » (Vargo et Lusch, 2004, cité dans Gruen, 2005 : 74). Les stratégies dont les organisations se dotent dans ce cadre visent à optimiser les relations entretenues avec les clients et reposent sur un processus reliant la satisfaction du client, sa fidélisation et l’augmentation de la rentabilité de l’entreprise (Iyer, Sharma, Bejou, 2005). Ces auteurs montrent cependant, notamment à propos des économies en transition ou en voie de développement, que les contextes nationaux (comprenant aussi bien les institutions formelles qu’informelles) dans lesquels évolue l’organisation peuvent avoir un impact sur « le niveau de service attendu par le client » et incitent les responsables de la conception des « stratégies de marketing relationnel » à « remettre en cause leurs a priori personnels et à remplacer leurs propres systèmes de valeurs et de croyances par une recherche véritable et concrète concernant les interprétations du monde qui les entoure » (ibid. : 111).

L’analyse de discours institutionnels tenus dans des contextes culturels différents semble de fait indiquer que l’idée que les uns ou les autres se font d’une « bonne relation client » est fonction de ces derniers. Le croisement des résultats de l’analyse des discours réunis dans nos corpus montre que ces différentes conceptions sont inscrites dans leur matérialité même, notamment en ce qui concerne les positionnements respectifs de l’organisation et de ses clients. On expose ci-après ce qui distingue le point de vue français des points de vue états-unien ou chinois et les caractéristiques linguistiques sur lesquelles s’appuie 44. On trouvera une présentation plus précise de la méthode employée dans Tréguer-Felten (2010 : 64).

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ce constat, avant de montrer la compatibilité de ces positionnements avec le contexte culturel propre à ces sociétés.

2.1. La mise en avant du statut professionnel et des qualités qui le justifient

L’image que se donnent les organisations françaises est apparue d’autant plus particulière qu’elle tranche avec celle qui se dégage des discours chinois correspondants. Le recours accentué de ces derniers à une formulation personnelle (35% de toutes les formes verbales) participe d’une atmosphère affective45 générale, perceptible aussi bien dans la mise en scène poly-sémiotique du Chairman’s Speech (cf. I supra), que dans le registre lexical auquel empruntent les discours46, les actes de langage (vœux ou promesses) qui les accompagnent47 ou les multiples références à la sincérité et à l’effort déployés pour servir le client :Huawei will continue to /…/ encourage employees to devote themselves in creating long-term value for customers through consistent hard work and innovation.

Formant un vif contraste avec cette relation personnelle, les informations fournies dans les discours français sur le rang que tient l’entreprise et sur les qualités intrinsèques à l’origine de ce succès revêtent une apparence de discours objectif : 20% de toutes les formes verbales sont régies par le nom de l’organisation ; caractéristiques qui ne semblent pas a priori bien différentes de celles sur lesquelles s’appuie PoA (corpus n°2), sinon qu’à la volonté réitérée de faire mieux que les concurrents se substitue de manière générale dans NPA une ambition d’excellence, une volonté d’être « à la pointe de l’innovation » dans laquelle on reconnaît l’aspiration à la grandeur signalée par P. d’Iribarne (2006). Ce « discours de vérité » s’accompagne non seulement de statistiques diverses – nombre de clients, d’implantations, de réalisations, etc. – visant à soutenir les affirmations de leadership, mais se traduit également dans la forme du discours. Des structures syntaxiques construites sur le modèle :

Affirmation d’excellence ou de succèsQualité X ou Y

/because / is the result of // have earned / have made us / allows/ + affirmation de succès

font apparaître succès, affirmations de leadership ou auto-évaluations valorisantes, comme le résultat direct de l’expertise de l’entreprise, de la justesse de sa stratégie ou de son efficacité. Ainsi, raisons, causes, finalités participent, au gré des énoncés, à la construction de l’édifice au terme duquel la thèse présentée – la valeur de l’entreprise – apparaît comme une évidence, tout en conférant aux discours une apparence de logique (Grize, 2002) qui contribue à placer l’organisation dans la posture d’un mentor, détenteur du savoir dont le 45. Le cœur (xin) est traditionnellement considéré comme le siège même de la pensée (Yu, 2003 : 18).46. (Cf. Tréguer-Felten, 2009a : 202 sq.).47. Généralement en clôture de séquence, conformément à une pratique courante dans les lettres commerciales chinoises (Zhu, 1999).

La « relation client » à la lueur d’une analyse du discours comparative

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client a besoin.

2.2. Une expertise au profit des clients

Les registres lexicaux du Droit et des Mathématiques auxquels empruntent les discours français analysés – demonstrate, proven, by definition, result, guarantee, ensure – contribuent à l’image de détenteur de savoir ébauchée dans les auto-caractérisations des entreprises. A l’inverse des discours chinois, c’est l’expertise qui prime sur l’expérience48 comme sur l’effort accompli (cf. d’Iribarne, 2009 : 36), constat que vient confirmer l’abandon dans NPA de toute référence à l’effort pour rendre la phrase correspondant à Striving to continuously improve our offer to our customers. L’expertise revendiquée constitue le socle même de la « relation client », c’est elle qui est mise à son service, comme en témoignent les positions de bénéficiaires – ou de patients – des procès régis par l’énonciateur au sein des discours49. Le service au client n’apparaît pas comme un dû mais comme un service qu’on a l’obligeance de lui rendre, attitude que P. d’Iribarne (1989 : 107) résume sous la formule : « Rendre service sans être servile ». On constate en effet l’adjonction à la plupart des occurrences du verbe provide – verbe dont le sémantisme pourrait évoquer une certaine soumission – d’un vocable dénotant une attitude de soutien comme support ou assistance50. L’entreprise se dit à son écoute et prête à répondre à ses attentes, elle le guide, le fait bénéficier de son assistance, de ses conseils… Le We trust we can help you est représentatif d’un positionnement qui tranche avec les nombreuses formules du type : provide services to the client du sous-corpus chinois et de PoA, aux côtés des meet customers’ needs ou deliver dont on trouve un écho dans les corpus de référence (Tableau 4).

Providing great customer value

Dedication to every client ’s success

…in order to meet the expectations of our

customers and other stakeholders

Responding to customer needs in a timely & reasonable manner

Increase its understanding of global customer needs

Creating loyal customers by providing a superior experience

Reaching out to customers around the world

Its unique one-to-one relationships help

customers worldwide learn about /…/ each other

HP wins and maintains customer relationships based on the quality and value of its products and services

48. Si le vocable experience apparaît aussi fréquemment dans les deux cas, les références à l’expertise sont en revanche quatre fois plus nombreuses dans le sous-corpus français, tandis que d’autres facteurs syntaxiques et sémantiques contribuent à faire de l’expérience l’argument fort de la démarche persuasive des discours chinois.49. Cf. Tréguer-Felten (2009a : 228 sq.) pour une présentation complète du phénomène.50. À titre indicatif, sur les 24 occurrences du verbe provide dans le sous-corpus français, 8 seulement ne sont pas accompagnées d’un vocable évoquant le soutien qu’offre l’organisation.

117

In order to meet the expectations of our

customers and other stakeholders

Deliver on commitments, results & quality to

customers

&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&

&&&&&&&& &&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&

Au profit de ses clients

L’ambition du Groupe est d’offrir à tous ses

clients des services sans cesse améliorés /…/

/…/ vise à satisfaire les attentes présentes et à venir de ses

clients

FT fonde sa réussite sur /…/ la satisfaction de ses

clients

Attentif à leurs besoins et à leurs attentes

Sa démarche de qualité et d’innovation, au service de ses

clients est au cœur /…/

En vue de faire bénéficier ses clients du meilleur niveau de prestations

La société fournit à ses clients des produits et des services de qualité /…/

La société est attentive aux attentes de ses

clients

Le Grope Faurecia /…/ doit accompagner ses

clients dans leur développement international

Tableau 4. Cotexte customer / client – Codes états-uniens /français (Corpus n°3)

À l’asymétrie du fournisseur, mentor du client, correspond une autre asymétrie dans les discours états-uniens : celle qui lie par contrat un fournisseur à un donneur d’ordres dont il exécute les commandes. Le contraste avec le sous-corpus chinois est tout aussi frappant car l’asymétrie de la relation marchande qui y figure également est statistiquement51 dominée par la représentation d’une sorte d’horizontalité entre les partenaires. Les références au client s’accompagnent de vocables évocateurs de coopération jointly, hand in hand, together, partnership(s), ou tout simplement cooperate, cooperation, etc., quand cette volonté de travailler ensemble ne s’exprime pas plus clairement encore par un Let’s make joint efforts to bring out a brilliant future. On pourrait croire ces manifestations un peu dépassées et propres aux brochures des années 1990, il n’en est rien. Si dans les auto-présentations téléchargées de l’Internet, 70% des cotextes illustrent bien une situation marchande, les 30% restants mettent toujours en scène une relation de type apparemment égalitaire.

En résumé, la « relation client » qui se dessine dans chacun de ces discours prend sens dans le contexte culturel et social qui est le sien. C’est en partie du 51. 62% de relations de type égalitaire, 38% de type asymétrique.

La « relation client » à la lueur d’une analyse du discours comparative

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culte de la raison hérité du siècle des Lumières (Boudon, 1995 : 35-36) et de la conception du Sujet réfléchissant (Mesure, Savidan, 2006 : 9) que relèvent l’appui systématique sur le logos (Tréguer-Felten, 2002 : 110) ou la logique des raisonnements à la base d’un positionnement de mentor offrant son expertise et son savoir-faire – positionnement l’autorisant même à arguer d’une aptitude à connaître mieux que ce dernier the system [his] plant really wants. Cette posture peut également se comprendre comme le retournement d’une situation assimilable à la position servile honnie en une situation valorisante de pourvoyeur de conseils et de soutien (d’Iribarne, 2008a : 55, 66). À l’inverse, dans l’univers états-unien, la situation du fournisseur exécutant ce qui lui est demandé et se donnant à voir comme soumis à ses exigences, est cohérente avec la situation contractuelle librement et mutuellement consentie sur laquelle les partenaires de l’échange comptent pour se protéger de tout arbitraire (Foner, 1998 : 120 ; d’Iribarne, 1994 : 107). La relation de type affectif émanant des discours chinois, le pathos dont témoignent les discours (Tréguer-Felten, 2002 : 110) apparaissent également cohérents aussi bien avec la tradition rhétorique chinoise qu’avec la recherche systématique d’harmonie entre des individus qui, s’ils ne négligent pas leurs intérêts respectifs, tiennent à maintenir des relations harmonieuses (Lu, 1998 ; Cheng, 1997 : 65 ; Besanger, 1997 : 173).

Comme le montre l’ouvrage que Davel, Dupuis et Chanlat (2008) lui ont consacré, la gestion elle-même ne peut ignorer la singularité des contextes culturels. Mettant en parallèle la manière dont les Nord-Américains et les Français conçoivent la relation client-fournisseur, P. d’Iribarne distingue la vision américaine dans laquelle « il paraît naturel de se mettre au service du client, de s’efforcer de satisfaire au mieux ses exigences, sans se croire autorisé à les discuter, en cherchant à lui donner le maximum de value for money » et la vision française dans laquelle le fournisseur tend à se considérer comme un « ‘médecin généraliste’ à qui l’on se ‘confie’, qui ‘règle’ les problèmes, ‘oriente’ ceux qui sont en difficulté » (Iribarne, 2008b : 15), attitudes respectivement compatibles avec un univers au sein duquel le contrat est vu par certains comme « the foundations of civilization » (Foner, 1998 : 120), ainsi qu’avec le contexte social français dans lequel il n’est guère honorable de « plier par peur ou par intérêt devant plus fort que soi » (d’Iribarne, 2008a : 58). La relation qu’entretiennent les Chinois avec leurs clients s’insère, elle aussi, dans un contexte culturel qui lui est propre : « [l]’homme civilisé [y] existe d’abord comme être social, autrement dit dans sa relation à l’autre » (Piques, 1996 : 40), ce qui explique l’importance accordée partout, y compris au sein de l’entreprise (Besanger, 1997 : 74), à la relation humaine, à son harmonie, aux discours implicites, « de biais » – pour reprendre la désignation de F. Jullien (1995 : 165) – lesquels la favorisent et contribuent à ne pas faire perdre la face à autrui (Fernandez, Zheng, 2008 : 28, 41).

Toutefois, l’organisation multinationale est rarement le théâtre de conversations explicites sur les divergences de conceptions qu’ont Français, Chinois ou Ėtats-

119

uniens de la « relation client », à moins que ce thème ne surgisse inopinément à la faveur de difficultés rencontrées, comme en témoignent les courriels dont on rend compte ci-après.

3. Des divergences pouvant engendrer des dialogues de sourds

Une exploration de courriels interpersonnels rassemblés entre 2002 et 2009 au sein de plusieurs multinationales a révélé quelques cas dans lesquels des locuteurs des cultures évoquées ci-dessus, s’appuyant chacun sur son idée de ce qu’est une bonne « relation client », ne parviennent pas à s’entendre. On en évoquera deux, l’un sur la base d’échanges intervenus entre les membres d’une équipe de projet transnationale52, l’autre à travers les courriels échangés par deux directeurs états-uniens de la filiale américaine d’une multinationale française.

3.1. Au sein d’une équipe de projet

Bien que la lingua franca de l’échange joue ici le rôle de « détonateur », il apparaît clairement que contrairement à ce qui se passe généralement (Chen et al., 2006), le malentendu ne saurait lui être exclusivement attribué. L’incompréhension entre les deux partenaires de l’échange puise sa source dans la conception que chacun a de l’attitude qu’il convient d’adopter face à un client.

(F) et (C) sont deux ingénieurs travaillant, l’un en France, l’autre en Chine, pour un équipementier automobile occidental implanté dans ce pays. (F), le chef de projet français, envoie à son homologue chinois (C) le planning qu’il propose de mettre en place pour la fabrication d’un composant électronique spécifique au modèle de voiture retenu par un client chinois. Au-delà de la date butoir proposée, plus aucune modification ne pourra être intégrée. En réponse, (C) demande un sursis de deux mois. Après avoir énuméré toutes les étapes nécessaires à la fabrication et leurs durées respectives, (F) s’enquiert de la raison de cette demande de report. (C) parle par expérience, il craint des modifications tardives de la part de son client et ajoute : I know that we can ask customer pay for a modification. But we don’t like to do some futile work, avant de conclure qu’il fera de son mieux pour obtenir une confirmation en temps voulu. Réagissant vivement au terme futile53, (F) lui explique que toute modification tardive a un coût qu’il faut faire assumer au client, seule manière possible pour le rendre responsible ; et il enchaîne : That’s the way we proceed in Europe54. I know that Chinese customer may have different way of thinking, but it’s our job to “educate” him. Avec cet argument de type ethnocentriste, (F) tente d’imposer à son correspondant son idée d’une bonne « relation client », celle d’un fournisseur rigoureux (le mentor dont les discours analysés ont dessiné les contours) qui a le devoir de faire respecter les 52. Cf. Tréguer-Felten (2009b).53. Qu’il comprend comme l’axiologique négatif français, et non dans le sens de « trivial » qu’il aurait en anglais, ou pour traduire les termes correspondants chinois.54. Bien que français, (F) travaille dans une entreprise italienne, mais la conception qu’il défend pourrait bien n’être que française.

La « relation client » à la lueur d’une analyse du discours comparative

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règles et d’éduquer son client. (C), quant à lui, joue dans la finesse. D’une part, il sait que le client chinois a toutes chances de se réveiller tardivement et qu’il serait vain d’exiger de lui une réponse définitive (d’où le futile, renvoyant à l’inutilité des démarches qu’il pourrait faire en ce sens) ; d’autre part il est conscient que la relation harmonieuse qu’il entretient avec son client ne pourra que gagner en qualité et longévité s’il lui octroie, en guise de faveur supplémentaire, un délai auquel il n’a théoriquement pas droit. Il met donc les chances de son côté en faisant discrètement modifier le planning afin d’écarter les risques inhérents à un délai supplémentaire.

On le voit à travers cet exemple, les convictions d’être dans le vrai dont résonne le courriel de (F) ont toutes chances de rendre la tâche qui les réunit bien difficile à mener à bien.

3.2. Relations filiale / Siège

Comme en témoigne le dossier qu’a consacré la Revue de Gestion Française en 2011 aux relations qu’instaurent les sièges des FMN avec leurs diverses filiales, nombreuses sont les configurations possibles. La typologie développée par Forsgren (2008) que rappelle U. Mayrhofer (2011 : 72) inclut une relation « dominante » qui pourrait bien définir les relations « hiérarchiques » et la situation de « contrôle étroit » exercé sur les filiales – sans pour autant, dans ce cas précis, que ce dernier soit énoncé de manière explicite – qui se profile derrière les échanges de courriels constituant notre exemple. À la lecture de ce dernier, on voit combien la méconnaissance et l’incompréhension des différences de management séparant une culture de l’autre sont à même d’engendrer d’amertume et de perturber le bon fonctionnement d’une organisation.

John Brown55 est Directeur commercial de la filiale états-unienne d’un grand Groupe français, producteur de gros équipements industriels. Henry Black, un de ses directeurs régionaux, a un client en attente d’une offre commerciale à propos de laquelle il demande un rendez-vous aux supérieurs français, en vue d’obtenir leur accord formel sur l’offre à soumettre. L’échange, reproduit ici dans son intégralité, témoigne de l’égarement de ces directeurs face à une attitude qu’ils ne comprennent pas et de la dérive vers le stéréotype qui en découle (cf. intitulé du message et ligne 3).

From: Henry BLACK Sent: Friday, January 12, 2007 11:59 AM

55. Les noms ont tous été modifiés.

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To: BROWN John Subject: 16th No Go Usual French Stonewalling “M. Jonas “is very busy and we don’t understand the urgency” Importance: High

John,

I just picked up the phone and called France. In spite of their calendars being open they don’t understand the urgency and René is «very busy».

This is the usual French response. So I will send an email out to Bernard Pellad, René Jonas, AND Armand Planchon, which Miriam Esto (René’s Secy*) suggested.The 16th** is off so I will have to continue to work through gentle persuasion. I got NO commitment for next week for René and Miriam suggested the following week so here we go…I have a brief phone call with you at 1:00 and I will update you then.

Thanks for your patience I think we are both going to need it...

HB

* Diminutif pour Secretary.** Date initialement retenue pour le rendez-vous.

Dans sa réponse (ci-dessous), J. Brown évoque une situation similaire intervenue quelques mois auparavant (ligne 6). Bien que ne disposant pas d’accord formel, il s’était senti autorisé à soumettre une offre commerciale à la société LEC. Il se l’est vu violemment reprocher. La nouvelle situation correspondant au même schéma, il refuse donc d’aller de l’avant sans avoir obtenu d’autorisation écrite du siège français (ligne 4). Il insiste en conséquence pour que H. Black, qui gère le dossier du client demandeur, obtienne, sinon les rendez-vous des supérieurs français, du moins « l’autorisation » de « vendre » (les caractères gras et soulignés témoignent d’une certaine rage, tout comme les formulations employées). Encore très amer, il préfère, quant à lui, rester dans l’ombre. De : John BROWN Envoyé : vendredi 12 janvier 2007 18:05 À : Henry BLACK Cc : Jean DUPONT ; Peter Marlborough Objet : RE: 16th No Go Usual French Stonewalling “M. Jonas” is very busy and we don’t understand the urgency”

Push.

Tell them we can do it in 15 minutes and need advice - go or no go.

If they send us an email and say «go» then we will skip it all together and go - no need to meet.

Tell them I am paranoid after LEC. I want written permission to proceed.

If they stone wall you again I will call. Push.

After LEC literally limited my career I am not going to tolerate this.

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We need approval. The customer is waiting. I want attention!!!!

It is unacceptable to beat people up for trying to sell and then refusing to talk to them, when they are asking permission to sell.

Push!

John BrownSenior Vice PresidentSales and Marketing

Pour J. Brown, le client constitue la priorité absolue (il adhère certainement au customer-driven évoqué ci-dessus), or les supérieurs français censés lui donner l’autorisation d’avancer – conclusion à laquelle il est arrivé après l’épisode non approuvé qui a failli lui coûter sa place – ne répondent pas au téléphone, repoussent les rendez-vous demandés, etc. Dans le contexte qui est le sien, ces comportements sont tout simplement incompréhensibles. En tant que directeur commercial, il doit faire vendre les produits de la société, ce que stipulent plus que vraisemblablement son contrat et ses objectifs annuels. Comment est-il possible dans ce cas qu’on le fustige pour avoir accompli la tâche qui lui était assignée ? Par ailleurs, laisser un client en attente est incompatible avec le positionnement d’une entreprise au service de son client. Cette situation qui lui est imposée par la direction française lui est insupportable, la violence de ses propos en témoigne.Bien qu’on ne puisse procéder à une véritable analyse des discours de ces courriels, faute de disposer d’informations complètes et précises sur les conditions dans lesquelles ils ont été produits, les échanges cités ci-dessus donnent un aperçu des difficultés que peut engendrer la méconnaissance de la spécificité culturelle de la conception qu’on a de ce qu’est une bonne « relation client » – et vraisemblablement de bien d’autres concepts managériaux.

Conclusion

Cet article a montré comment l’analyse comparative des discours de locuteurs de langues et cultures différentes peut – y compris à travers des discours échangés dans une lingua franca à laquelle on aurait pu attribuer des vertus harmonisatrices – mettre en lumière la face émique (Pike, 1967) d’un concept, souvent implicitement considéré comme universel, tel la « relation client ». Alors que, pour une organisation française, bien servir son client consiste à mettre toute son expertise afin de lui fournir la meilleure solution possible, il s’agit, dans le cadre états-unien, d’accomplir au mieux ses exigences et, dans le cadre chinois, de faire preuve à son égard, d’un dévouement teinté d’affectivité qui contribue à maintenir, au sein de la relation marchande, une entente harmonieuse.

Faire appel à la linguistique pour éclairer les situations professionnelles dans lesquelles des cultures différentes sont en contact n’est pas nouveau (Bargiela-Chiappini, 2006 ; Charles, 2006 ; Chen et al., 2006 ; Usunier, 1999, 2006

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[1998]). L’impact de la langue elle-même sur la vision/perception du monde était déjà invoqué par W. von Humboldt (cf. Badiou, Cassin, 2000), E. Sapir (1967 [1921]) et B. Whorf (1969 [1956] : 193). Toutefois, l’apport du travail dont on a ici rendu compte va plus loin qu’une étude d’ordre sémantique ou étymologique, dans la mesure où il ne se concentre pas tant sur les termes eux-mêmes, ou sur les structures grammaticales qui les introduisent, mais prend les discours en charge dans leur intégralité56, mettant ainsi au jour les positionnements respectifs accordés aux partenaires que sont l’entreprise et son client. La spécificité de la démarche tient à sa transdisciplinarité, mêlant analyse de discours comparative et approche interprétative de la culture, et montrant en quoi chaque version du concept prend sens dans la conception du vivre-ensemble propre à chacune des sociétés concernées.

La conception française de la « relation client », telle qu’elle s’est fait jour dans ces corpus, mérite d’être approfondie et mieux connue, car sa spécificité, le plus souvent méconnue par les Français eux-mêmes et incomprise par les autres tend à être taxée d’arrogance (d’Iribarne et al., 2004 ; Fernandez, Zheng, 2008 ; Chevrier, Segal, 2011), et à entacher des relations qu’une meilleure compréhension du sens contextuel rendrait plus sereines et productives. Ce travail pourrait être prolongé, d’une part en rééquilibrant par l’inclusion des auto-présentations sur Internet des entreprises figurant en tête de chacun des marchés explorés, des corpus qui avaient été contraints du fait du faible niveau de communication du monde professionnel chinois aux époques de collecte, d’autre part en s’ouvrant à d’autres concepts que la « relation client ».

Pour conclure, l’approche dont nous avons ici fait état nous semble pouvoir venir en aide à quiconque est appelé à convaincre autrui dans une situation de communication interculturelle.

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56. L’analyse du discours ne doit cependant pas être confondue avec la (Critical) Discourse Analysis, occasionnellement mobilisée en milieu professionnel – (cf. par exemple : Ahonen et al., 2011) – pour éclairer les jeux de pouvoir et autres présupposés véhiculés par les discours.

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