La mal-mesure des Celtes. Errements et débats autour de l’identité celtique de 1850 à nos jours...

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12/1 Celtes et Gaulois dans l'histoire, l'historiographie et l'idéologie moderne sous la direction de Sabine RIECKHOFF Actes de la table ronde de Leipzig, 16-17 juin 2005 Celtes et Gaulois l'archéologie face à l'histoire

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Celtes et Gaulois dans l'histoire, l'historiographie et l'idéologie moderne

sous la direction de

Sabine RIECKHOFF

Actes de la table ronde de Leipzig, 16-17 juin 2005

Celtes et Gaulois l'archéologie face à l'histoire

RIECKHOFF (S.) dir. — Celtes et Gaulois, l’Archéologie face à l’Histoire, 1 : Celtes et Gaulois dans l’histoire, l’historiographie et l’idéologie moderne. Actes de la table ronde de Leipzig, 16-17 juin 2005. Glux-en-Glenne : Bibracte, Centre archéologique européen, 2006, p. 171-195 (Bibracte ; 12/1).

La mal-mesure des Celtes Errements et débats autour de l’identité

celtique de 1850 à nos jours

Serge LEWUILLON

Serge LEWUILLON, historien de formation classique, a essentiellement publié et enseigné sur les divers aspects des sociétés celtiques. Ses recherches actuelles portent sur l’épistémologie des sciences historiques, sur l’histoire de l’historiographie et sur l’anthropologie historique (la parenté, le don, la monnaie primitive).

Résumé

Depuis leur redécouverte, la désignation des Celtes et des Gaulois fait l’objet d’un consensus mou : ces quasi ethnonymes prennent place dans une hiérarchie de relations identitaires où les Celtes sont un genre et les Gaulois une espèce. On attribue aux premiers un domaine fondé préférentiellement sur un critère linguistique (la celtophonie). Mais en glissant du genre à l’espèce, la définition se précise : les peuples gaulois sont des acteurs historiques attestés dont le nom est en rapport avec un territoire donné et dont toute production matérielle adopte un style identifiable. Cette épaisseur historique constitue leur ethnicité (l’ethnogénèse désignant la manière dont celle-ci se forme et s’acquiert). Ce système conventionnel s’appuie sur des mentions antiques plutôt vagues, sur des inférences linguistiques (la glottogenèse récapitule l’ethnogénèse), sur une définition archéologique de la culture et sur des conceptions variables de l’ethnicité. Délaissant le registre des préjugés ethniques, on entreprend d’explorer les contextes historiques, idéologiques et scientifiques dans lesquels sont apparues les variantes ethnogénétiques : l’anthropologie physique, l’évolutionnisme social, l’archéologie nationaliste, le culturalisme et la modélisation économique. Mais le problème de l’ethnicité résiste : relève-t-il d’un “droit naturel” ou d’une évolution culturelle ?

abstRaCt

Ever since their rediscovery, a weak consensus surrounds the designations Celts and Gauls. These virtual ethnonyms fit into the hierarchy of relationships of identity in which the Celts are a genus and the Gauls a species. A domain is attributed to the former, based, in preference, on a linguistic criterion (Celtic language). As one moves, however, from genus to species, the definition becomes more precise: the Gauls are proven participants in history, whose name corresponds to a given territory and all of whose actual output adopts an identifiable style. This historical dimension constitutes their ethnicity (ethnogenesis designates the manner in which the former is formed and acquired). This conventional system is based on rather vague old-fashioned terms, on linguistic inferences (glottogenesis recapitulates ethnogenesis), on an archaeological definition of culture and on variable concepts of ethnicity. Setting aside the language of ethnic prejudice, the aim of this study is to explore the historical, ideological and scientific contexts in which the ethnogenetic variations appeared: physical anthropology, social evolutionism, nationalist archaeology, culturalism and economic modelling. However, the issue of ethnicity persists. Does it stem from a “natural law” or from a cultural evolution? Beneath the surface of Celtic ethnogenesis one can surmise issues which transcend

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historical circumstances and which tend toward a general theory of evolution (in which ethnogenesis is opposed to cladogenesis and diffusionism). Certain systems, such as those based on race, far from revealing the core Celtic identity, actually serve to discredit themselves. Genetic study of population, however, heralds the dawn of a new ethnogenesis linked to biological determinism. Is this the dawn of a new historical law or merely recourse to “nineteenth-century models to interpret twenty-first century data”? It is undoubtedly useful to re-read the old caveats.

Sous les ethnogénies celtiques, on devine des enjeux qui dépassent les contingences historiques pour atteindre à une théorie générale de l’évolution (l’ethnogénèse s’opposant à la cladogenèse et au diffusionnisme). Loin de révéler le fond de l’identité celtique, certains systèmes, comme ceux fondés sur la race, se sont disqualifiés d’eux-mêmes. Mais avec la génétique des populations, on voit poindre une nouvelle ethnogénèse liée au déterminisme biologique. Est-ce l’avènement d’une loi historique ou seulement le recours à “des modèles du xixe s. pour interpréter des données du xxie s.” ? Il n’est sans doute pas inutile de relire d’anciennes mises en garde.

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Le premier groupe, celui des têtes rondes,Iberin […] le déclare

Enraciné depuis les origines dans la glèbe d’Yahoo,Et de sang noble.

L’autre, qu’on reconnaît à sa tête pointue,Est un corps étranger qui s’est infiltré dans le pays,

Sans patrie d’origine…(B. Brecht)

Ita nationis nomen, non gentis, eualuisse paulatim…(Tacite)

COMMENT PEUT-ON ÊTRE CELTE ?

« Mieux vaudrait ne jamais l’employer » : la phrase sonne comme une malédiction. À quel propos ? Du nom d’un peuple. Bien innocent, en apparence : Celtes, celtique, celte, Celtique… comme le pas rassurant d’une horloge comtoise. Voici des mots qui semblent avoir toujours habité avec nous et que nos livres ont certifiés. D’ailleurs, ne nous a-t-on pas proposé, dans le cadre du programme “Celtes et Gaulois”, d’évoquer les évolutions significatives de l’historiographie et de l’archéologie celtiques au cours du xxe s. ? Alors, pourquoi ce ton désabusé ? C’est que, malgré l’apport de l’archéologie et de la critique historique à la connaissance des cultures matérielles au cours de ces vingt dernières années, les définitions de l’identité ethnique des peuples protohistoriques, rebattues tant et plus à la fin du xixe s. et au début du xxe s., n’ont guère été renou-velées. Suivant la coutume, nous appliquons sans état d’âme l’épithète celtique aux phénomènes his-toriques, culturels, linguistiques ou parfois même ethniques des âges du Fer, voire à ceux de périodes beaucoup plus anciennes. Pour Colin Renfrew, la pénétration des langues celtiques en Europe nord-occidentale se compterait peut-être en millénaires (Renfrew 1987). Suffit-il de hausser les épaules, en objectant qu’il ne s’agit de toute façon que d’une hypothèse linguistique, et peut-on compter pour rien le lien qui unit une langue aux peuples qui l’emploient ? À moins de parler pour ne rien dire, le simple fait d’utiliser le terme celtique à propos d’une langue et d’un peuple, c’est juger qu’il est recevable hic et nunc et c’est accorder par anti-cipation une légitimité historique aux Celtes de l’histoire et de l’archéologie (qui ne suivent pas toujours la même trace, loin s’en faut). Par exemple, tout le monde sait intuitivement de quoi il est ques-

tion lorsqu’on évoque les “principautés celtiques”, bien qu’aucun argument historique ou linguistique n’autorise à qualifier ainsi ces centres de pouvoir. Pour autant, la nature celtique des sociétés halls-tattiennes est-elle en débat quelque part ? Peut-être considère-t-on qu’elle va de soi, à moins qu’on se résigne à ce que l’archéologie n’ait rien à dire à ce sujet ou qu’on trouve tout simplement la question sans intérêt. Mais alors, pourquoi garder une cote si mal taillée ? Et pour commencer, à quoi recon-naît-on un Celte ? Quelqu’un a-t-il jamais tenté de répondre à cette question prudhommesque ? Inutile de refaire le catalogue des hypothèses hété-roclites qui ont gravité autour de l’identité celtique : on a vu par le passé que cela ne réglait pas le pro-blème (Dottin 1916 ; Collis 2003a ; 2003b). De toute façon, le recueil des définitions antiques des Celtes ne formera jamais un ensemble cohérent, parce que pour les historiens classiques, l’identité d’un peuple se conçoit d’abord comme une extension de la territorialité du groupe, avant que d’être l’ex-pression de son ethnicité1. Relisons Tacite.

Aussi, plutôt que de perdre son temps à l’album des préjugés ethniques dont nos sociétés ont le secret, on s’intéressera aux contextes historiques, idéologiques et scientifiques desquels ont émergé les paradigmes successifs de l’ethnogénèse. On en a isolé quatre, dont les deux premiers au moins correspondent à des époques spéciales : le temps de l’anthropologie physique et des ethnogénies ; celui de l’évolutionnisme social ; celui du cultura-lisme et de l’archéologie nationaliste et enfin celui de l’anthropologie historique et de la modélisation économique. Aucune de ces doctrines n’ayant jamais suivi d’évolution linéaire, il faut tenir compte de leur enchevêtrement. Les situations réelles sont donc bien plus riches et plus subtiles que ce plan ne le laisse supposer.

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DU BON USAGE DE L’ETHNOGÉNÈSE

À propos des termes ethnogénèse et eth-nogénie, une clarification sémantique s’impose. L’ethnogénèse désigne ici le mécanisme de la “cristallisation” historique d’un peuple et de la construction de son identité : c’est le processus dont l’ethnicité est l’aboutissement. Quant au con-cept d’ethnogénie, plus marginal, il fait référence aux œuvres pionnières qui ont su rompre dès le xixe s. avec l’anthropologie physique dominante pour s’intéresser à l’ensemble des instances socia-les (Moreau 1861 ; Roget de Belloguet 1868). Il est vrai que ces termes sont d’un emploi très délicat, beaucoup moins courant dans la recherche fran-çaise qu’en Amérique et surtout qu’en Allemagne – ce qui est révélateur en soi. Cependant, rien ne garantit qu’aucune notion découlant de l’ethnie puisse être considérée comme objective. L’examen des champs d’application de l’ethnie, de l’ethni-cité, etc. – l’Amérique latine, les territoires indiens d’Amérique du Nord, l’Afrique équatoriale, l’Asie centrale (notamment les anciennes républi-ques soviétiques) ou les Balkans (Leacock 1971 ; Oshanin 1964 ; Shevoroshkin 1986) – révèle que ce sont là des notions politiques, souvent liées aux entreprises de libération post-coloniales ou à des formes exacerbées de nationalisme. Les anthropologues ont souligné à maintes reprises le peu de pertinence de la catégorie d’ethnie pour l’histoire des groupes humains, en particulier sur le continent africain. Grâce au décryptage progressif de l’expérience coloniale, il apparaît que l’eth-nicité fonctionne en règle générale comme une forme fétichisée de l’identité qu’on prête au sujet observé : c’est ce que l’on appelle l’attitude ethno-centrique, sous laquelle se nichent des prétentions classificatoires comme des intentions discrimi-natoires. L’ethnicité, c’est l’alibi du conquérant confronté à ses fantasmes et à ses préjugés. Pour couper court à ces faux-semblants, on réservera le mot d’ethnogénèse aux processus de cristallisa-tion identitaire et celui d’ethnogénie aux ouvrages historiques qui en ont traité.

Toutefois, dans les travaux anglo-saxons, l’eth-nogénèse se présente tout autrement : il s’agit tout à la fois d’un modèle théorique et d’un principe taxonomique qui rend compte de la diversification des peuples au cours de leur évolution histori-que, ainsi que du mélange génétique, culturel et linguistique qui en résulte. « Les sociétés font nor-malement preuve d’une certaine stabilité dans leur développement et évoluent lentement du point de

vue biologique, linguistique et culturel, mais elles connaissent parfois des réorganisations radicales qui leur permettent de restructurer complètement leur économie, leurs institutions politiques et socia-les et même leur langue. Il s’agit d’un processus analogue à celui décrit par la “théorie des équi-libres ponctués” avancée à propos de l’évolution biologique… » (Moore 1995). Ainsi conçue, l’ethno-génèse s’oppose clairement à deux autres moyens d’expliquer l’évolution : la cladogenèse et le diffu-sionnisme. On n’en dira rien ici, car la critique de ces modèles explicatifs dépasse de loin le cas des Celtes. Elle relève d’une conception épistémologi-que très générale, dont la fin serait la théorie unifiée des différentes formes de l’évolution, qu’elles soient d’ordre biologique, culturel ou social. Ces propos peuvent sembler mieux appropriés aux sciences naturelles qu’à l’archéologie, mais en fait, ils nous ramènent vite à l’histoire culturelle. Ce qui vient d’être dit s’applique bien au culturalisme, dans la mesure où cette doctrine considère les cultures comme des transferts d’états stables tout constitués et non comme le résultat d’une évolution continue et de perpétuels réarrangements. C’est pourquoi l’ethnogénèse, elle, ne peut s’accommoder de cette conception rigide de la culture. En général, c’est plutôt le diffusionnisme qui a les faveurs des cul-turalistes. D’ailleurs, les anciens eux-mêmes ont souligné ce brassage incessant, dès le moment où ils furent informés de l’ethnographie des Celtes et des Germains.

« Les Gaulois ont été jadis les plus forts. L’autorité la plus considérable, le divin Jules, nous en garde la tradition ; et cela permet de croire que même des Gaulois aient passé en Germanie : qu’était-ce qu’un fleuve pour empêcher que les nations, en rapport avec leur puissance, s’emparas-sent ou changeassent d’établissements qui étaient encore confondus et que la puissance des royau-mes n’avait point encore divisés ? Donc, entre la forêt Hercynienne, le Rhin et le Main, les Helvètes et plus loin les Boïens, deux nations gauloises, ont occupé le pays. Le nom de Bohême subsiste encore et témoigne de l’antique histoire des lieux, quoique leurs habitants aient changé. Mais les Aravisques sont-ils venus en Pannonie de chez les Oses, nation germanique, ou les Oses, de chez les Aravisques, sont-ils venus en Germanie – car ils ont encore même langue, mêmes institutions, mêmes mœurs –, la chose est incertaine parce que, jadis également pauvres, également libres, les deux rives partageaient mêmes biens, mêmes maux. Les Trévires et les Nerviens, dans leur prétention à

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une origine germanique apportent même quelque vanité comme si par cette gloire du sang, ils refu-saient la ressemblance et la mollesse des Gaulois. Il n’est pas douteux que la rive même du Rhin soit occupée par des peuples germaniques […] Les Ubiens mêmes […] ne rougissent pas de leur origine…» (Tacite, Germanie, 28, 1-5).

GRANDEUR ET DECADENCE DE L’ANTHROPOLOGIE GAULOISE

La rencontre de l’anthropologie et de l’archéo-logie celtique est ancienne. Dès le début du xixe s., la celtomanie s’était découvert quelques points communs avec l’enquête ethnographique, mais cette association a dégénéré assez rapidement. Il fallut attendre le dernier tiers du siècle pour qu’on retrouve des vertus historiques à l’anthropologie. Sous le Second Empire, l’archéologie nationale avait d’autant mieux prospéré qu’elle apparaissait comme une science politiquement inerte. Mais avec le retour des idées républicaines, l’idéolo-gie investit de plus belle les cercles scientifiques. L’anthropologie fut la première concernée et Paul Broca devint son porte-parole. En 1859, il prit la direction d’un mouvement qui devait aboutir rapi-dement à la création de la Société d’Anthropologie, dissidence progressiste et polygéniste de la Société de Biologie (Harvey 1984 ; Blanckaert 1989). Les savants qui comptaient, parmi lesquels Jacques Boucher de Perthes, y adhérèrent d’emblée. La nouvelle compagnie s’inspirait du programme de la Société de Biologie, dont le volet positiviste s’exprimait surtout à travers l’anthropométrie. Bien entendu, une société si bien née ne pouvait man-quer le grand débat du darwinisme. Elle avait aussi son avant-garde, dont les membres animaient une revue ne dédaignant ni l’archéologie, ni les Celtes : les Matériaux pour l’histoire de l’Homme. Pour intensifier la diffusion de ses idées, ce club progres-siste créa en 1876 l’École d’Anthropologie de Paris, qui se partageait entre les partisans de l’anthropo-métrie et ceux de la sociologie (avec Gabriel de Mortillet et quelques intransigeants du même aca-bit). Approfondissant le sillon, l’École ouvrit vers la fin des années quatre-vingt une chaire de sociolo-gie (le mot était nouveau), qui dispensait surtout de l’ethnologie et de l’histoire sociale (Letourneau 1880). Cet enseignement précipita la rupture entre la nouvelle anthropologie, qui finirait par s’appeler sociale ou culturelle, et les thèses discriminatoires professées par les théoriciens du racisme nais-sant : Le Bon, Vacher de Lapouge ou Gobineau

(Manouvrier 1981). Le courant progressiste, qui comptait de plus en plus de préhistoriens dans ses rangs, finit par se regrouper autour d’une nouvelle revue (précédée de quelques formules provisoi-res) prônant la synthèse des sciences humaines et des sciences sociales : L’Anthropologie. C’est alors qu’une scission se produisit entre le groupe des ethnologues et celui des sociologues. Les préhistoriens optèrent pour l’ethnologie (Capitan 1927), tandis que les protohistoriens rejoignaient la sociologie. C’est donc dans ce cénacle, préfigu-ration de “l’École de Saint-Germain”, que l’on se mit à considérer sociologiquement l’ethnogénèse celtique (Mauss 1939). Cette tendance demeurait cependant minoritaire : parmi les représentants des autres systèmes, on trouvait d’une part Alexandre Bertrand, conservateur au Musée des Antiquités nationales, qui s’était entiché des mégalithes. Dans les années quatre-vingt-dix, il en avait dessiné les premières cartes de répartition, méthode inédite en France, mais bien rodée en Allemagne grâce à l’histoire du peuplement. Après avoir voulu trouver dans les monuments de pierre un indicateur du peuplement celtique de la Gaule, Bertrand s’était rallié à une explication préhistorique plus décente. Malgré ses approximations, c’est à lui que la thèse de l’ancestralité celtique est redevable de ses pre-miers arguments archéologiques. Mais la Société d’Anthropologie avait déjà publié dès 1864 une série de discussions sur l’ethnicité des Celtes, dont Broca et les “transformistes” étaient les principaux animateurs (Mahoudeau 1915). Malheureusement, au lieu d’apporter au débat les lueurs des sciences nouvelles, ils l’accablèrent d’arguties formelles et mesquines à l’ancienne mode.

Têtes rondes et têtes pointues

« J’avais passé en revue, aux vitrines de notre Muséum d’histoire naturelle, les nombreuses col-lections de têtes qu’elles renferment et dont quelques-unes sont étiquetées Gall, Kymrique, Celte, Belge, etc. Il s’y trouve en outre quelques bassins d’hommes et de femmes parmi lesquels l’un était inscrit type kymry, et un autre, de pro-portions moindres et plus ramassées, type gall […] Je demandai de tous côtés sur quel principe était fondée [cette classification] Ni livres, ni savants […] ne purent me répondre à ce sujet. J’entendis seulement émettre […] une conjec-ture fort peu scientifique […] Les cimetières gaulois se composant quelque fois de deux cou-ches de tombeaux [on aurait] attribué aux Galls,

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comme étant la population la plus ancienne, les ossements de la couche inférieure, et aux Kymrys arrivés postérieurement dans les Gaules, les osse-ments de la couche supérieure. Peu satisfait d’une telle justification, je pris enfin le parti d’aller trou-ver le classificateur même de ces crânes […] et lui demandai dans quel ouvrage […] était expo-sée la théorie d’après laquelle il avait distingué les unes des autres les têtes des deux races gauloises. […] Il me répondit, à mon grand étonnement, qu’il n’avait pas d’autre théorie que celle de M. W. Edwards [Edwards s.d. ; 1829 ; 1845] et qu’il avait nommé Kymrys les crânes à face longue, et Galls ceux qui avaient une forme ronde. Ainsi, cette classification […] n’était qu’une application faite au hasard du système de la dualité gauloise… » (Roget de Belloguet 1868, II , p.175).

Après tout, il n’y a pas grande différence entre la citation de Brecht (en exergue) et celle-ci, à part l’argument stratigraphique. Mais bien que celui-ci ait toutes les chances de fournir la solution du pro-blème, Roget de Belloguet le récuse. Finalement, il ressort des travaux de la Société d’Anthropologie un cocktail de thèses en tous genres, à base de critique historique, de linguistique et d’anthropo-métrie, mais de fort peu d’archéologie. Pour en finir au plus vite avec cette confusion, il aurait fallu trancher le nœud gordien des fragments antiques mentionnant les Celtes, tous plus allusifs les uns que les autres. À condition de ne pas être trop regardant aux contradictions, on peut tirer un enseignement général de ces citations, qui tient en peu de mots : vers le vie ou le ve s. av. J.-C., le groupe humain le plus important de l’Europe septentrio-nale méritait le nom de Celtes ou quelque chose d’approchant. À l’évidence, ce renseignement est bien trop général pour être significatif, mais il garantit l’essentiel : qu’Hécatée de Milet en ait tiré le nom d’une contrée (la Celtique) ; qu’Hérodote ait cru pouvoir préciser que le Danube y prenait sa source (une bonne information, sans doute, mais de peu d’importance face au reste passé sous silence) ; et surtout que chacun fût à sa place (les barbares au nord et la civilisation sous le soleil exactement). Fidèles à leur conception de l’iden-tité communautaire, les auteurs anciens prêtaient attention aux séjours des hommes plutôt qu’à leur ethnie - un concept à peu près vide de sens dans l’antiquité. En dépit de tant d’insignifiance, quel-ques malentendus réussirent quand même à se glisser dans la discussion.

« Mais c’est précisément là le moment scabreux où l’on passe de la composition anthropologique

des groupes effectivement désignés comme celti-ques au nom de leur formation. C’est à cet égard que l’attribution des noms à un type – de préférence à un autre – risque de provoquer des contradictions entre les conclusions ethnographiques des anthro-pologues et celles des archéologues, linguistes ou historiens. »

« Les Celtes sont-ils des héros nordiques subju-guant et gouvernant des majorités de bruns, alpins ou méditerranéens ? Sont-ils des bruns de l’Europe occidentale ou centrale absorbant des minorités de héros nordiques ? Le sens de l’histoire change suivant la réponse, et ce ne sont pas des préju-gés anthropologiques qui peuvent en décider. » (Hubert 1932a, p. 43).

Comme s’il fallait à tout prix en dire plus que les historiens antiques eux-mêmes, mais sans autres arguments que leurs généralités cent fois ressas-sées, les modernes finirent par sacraliser un corpus textuel pratiquement inexploitable. Il n’est même pas sûr que ces opinions fragmentaires, détachées de leur contexte, suffisent à certifier l’existence historique des Celtes. Dans bon nombre de cas, il pourrait tout aussi bien s’agir de topiques sur la dualité d’un monde partagé entre l’ordre et le désordre. Quant à signifier l’origine des peuples, n’y pensons même plus. Après tout, les certitudes sont peut-être ailleurs, par exemple dans la linguistique, où les Celtes ont imprimé leur marque. Les pre-mières ethnogénies ne s’y sont pas trompées : leur argumentation était essentiellement linguistique et nous ne nous sommes jamais défaits de ce pli. Mais à bien y regarder, nos anthropologues n’y virent que de fausses certitudes. Là où les langues donnaient l’impression d’une large unité des populations cel-tiques (pour autant que les reconstitutions tirées de la toponymie fussent exactes), l’anthropométrie des populations celtophones actuelles concluait au mélange des types.

De cela et d’autre chose, on débattit à perte de vue à la Société d’Anthropologie de Paris, sans parvenir à conclure. Pour notre propos, il importe surtout de noter l’apparition du postulat de la continuité ethnique : selon cet argument, qui sera remis au goût du jour par la paléogénétique, les caractéristiques anthropologiques des populations actuelles (en l’occurrence, le phénotype) corres-pondent ne varietur à la somme de ceux de toutes les générations passées. S’il en était ainsi, notre patri-moine génétique n’aurait plus d’histoire. Le plus étrange est que cette prémisse n’ait jamais fait l’ob-jet d’un débat ni même suscité le doute. Pourtant, des désaccords devaient bien vite surgir entre

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les observateurs quant à la reconnaissance des types anthropologiques. Qui étaient les vrais Celtes, des dolichocéphales élancés à l’éclatante tignasse ou des modestes brachycéphales au poil foncé ? Qui l’autochtone et qui l’envahisseur ? Comme les Celtes de l’histoire n’étaient plus là pour répondre à cette question, il était fatal que l’on rechutât dans les vieilles querelles, autour des citations éventées et des apories linguistiques : tout ce qu’on avait pré-cisément cru pouvoir régler par l’anthropologie. À l’évidence, l’affaire tournait au cercle vicieux.

Broca tenta néanmoins d’y mettre bon ordre, mais le pouvait-il sans recourir à l’argument d’autorité ? À son corps défendant, il inaugura une longue tradition de manipulations, de sophismes et de jugements arbitraires, dont le détail nous indiffère désormais (Broca 1873). Au passage, il retourna l’opinion dominante, reconnaissant les Celtes et les Gaulois authentiques dans la race courte et opiniâtre de la paysannerie française. À s’en tenir aux faits, c’est-à-dire à l’anthropologie et aux sources littéraires, on a le plus grand mal à saisir ce qui a poussé les savants du “siècle de l’his-toire” à polémiquer dans le vide, à décréter le vrai et le faux à l’aide d’arguments qui feraient honte à des écoliers. Henri Martin, figure emblématique de l’historiographie celtique, pensait exactement le contraire de Broca, d’abord par principe et ensuite parce qu’il supportait mal que l’on fît des Gaulois – qu’il voulait forcément grands et blonds – une sorte de préfiguration ratatinée des Auvergnats et des Bretons. (Figurons-nous l’Auvergne et la Bretagne profondes en plein xixe s. !) Pour lui, inva-riablement, les Celtes et les Kymris étaient une seule et même race, arrivée en Occident en deux vagues successives. Las, cette opinion maintes fois affirmée n’est soutenue par aucun argument concret. Mais répétons-le, il n’y a pas lieu de s’en offusquer, puisque cette problématique est tout bonnement inconsistante : il est aussi illusoire de chercher à définir anthropologiquement les Celtes de l’histoire que de vouloir reconnaître his-toriquement ceux de l’anthropologie. Néanmoins, une fois cette nouvelle “théorie des deux races” installée dans la durée, la controverse s’étendit jusqu’au point de savoir dans quelles proportions celles-ci s’étaient mélangées. Tout absurde que soit ce questionnement dans sa version anthropomé-trique, remarquons qu’il rejoint lui aussi certaines préoccupations de l’actuelle paléogénétique. Ce qui n’est pas forcément rassurant.

Le “roman” de l’ethnogénèse celtique, qui s’est prolongé tard dans le xxe s. (Demoule 1999) ne

nous apprend donc rien de l’histoire des Celtes, mais en dit long sur les structures de la pen-sée savante. Il témoigne de l’élaboration d’un nouveau paradigme appelé à se substituer aux anciennes théories généalogiques par lesquelles s’expliquaient les classes sociales en Gaule.2 Cette lecture réformée de l’historiographie, dualiste comme la précédente (quoique pour d’autres rai-sons), additionne le matériau humain aux sources littéraires. Cependant, l’évolution biologique de l’homme et la taxonomie du vivant étaient encore des sciences bien incomplètes au tournant du siè-cle : si l’évolutionnisme était à peu près acquis, on ignorait encore tout des lois de l’hérédité et de la génétique ; des analogies simplistes prévalaient sur la complexité des transformations humaines. Dans ce champ de connaissances approximatives, la naturalisation des “races” politiques et historiques de Boulainvilliers ne parut pas une idée plus sotte qu’une autre ; elle fut pourtant à l’origine d’un concept “raciologique” incontrôlable dont l’em-ploi s’annonçait redoutable pour l’avenir. Comme pour enfoncer le clou, la sociobiologie s’érigea en science nouvelle, postulant que la transformation sociale et l’évolution biologique étaient des pro-cessus de même nature, et même que la seconde commandait à la première. Avec de tels arguments, l’histoire des sociétés se trouvait réduite à un empi-lement de strates humaines, incapables d’agir par elles-mêmes, déposées par le déferlement périodi-que des migrations et soumises à la dictature des caractères ethniques. Dès lors, le diffusionnisme se voyait fondé en anthropologie.

L’hypothèque culturaliste

Certains archéologues n’ont pas manqué d’at-tirer l’attention sur la confusion que suscitait le recours aux descripteurs de la culture matérielle pour la définition des Celtes (Collis 1992 ; 1994 ; 2003 ; 2006). Les conclusions méthodologiques auxquelles ils sont parvenus semblent si limpides qu’elles devraient être considérées comme définiti-vement établies, afin qu’on ne se sente plus obligé d’y revenir à la moindre occasion. Si les travaux anciens sur l’ethnogénèse celtique ne devaient avoir servi qu’à une chose, ce serait certainement à démontrer qu’il est impossible, par les seuls moyens de la critique historique, de tirer un tableau cohérent des Celtes protohistoriques du corpus contradictoire et lacunaire qu’on vient d’évoquer. Sa liquidation, ainsi que la levée de l’hypothèque anthropologique, ouvriraient dès lors de nouvelles

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perspectives aux historiens, car elles permettraient de dégager quelques principes simples :1. Les Celtes constituent un groupe installé dans

la Provincia ou à proximité de celle-ci à partir du moment où les auteurs classiques en pren-nent conscience ;

2. Ils appartiennent à un ensemble plus large, que César et quelques autres désignent comme étant celui des Gaulois ;

3. L’utilisation de l’ethnonyme “Celtes” pour désigner la catégorie la plus générale d’une certaine identité protohistorique est donc au mieux abstraite, au pire infondée ;

4. Dans cette acception, l’ensemble virtuel des Celtes comporte nécessairement des celtopho-nes, mais aussi d’autres qui ne le sont pas ou du moins pas au même degré (César ne dit pas autre chose) ;

5. Si l’on reconnaît à travers quelques aires gauloises les traits d’une culture matérielle cohérente (celle de La Tène n’étant qu’une possibilité parmi d’autres), tous les occupants de cette aire ne partagent pas nécessairement les mêmes modes d’expression.

Ceci étant acquis, nous n’en aurions pas fini pour autant avec les hypothèses encombrantes sur la civilisation celtique. La nécessité historique et logique de relativiser cette définition avait frappé Henri Hubert, qui fut le seul à l’exprimer sans ambages :

« Certains archéologues et historiens ont fait quelquefois de la notion de cette civilisation un usage malencontreux que nous aurons à redres-ser. Un sophisme analogue à ceux qui ont été commis, à propos des Celtes, en anthropologie, l’a été en archéologie. On a généralisé indûment la signification de l’indice et on l’a pour ainsi dire substantialisé en instituant, entre les deux termes civilisation de La Tène et Celtes, une véritable équation. Une école de celtisants a raccourci de la sorte, de la façon la plus fâcheuse, l’histoire des Celtes d’Irlande : elle la fait commencer aux pre-mières trouvailles d’objets de La Tène dans cette île. » (Hubert 1932a, p. 92).

Ce que l’archéologue met en cause ici, c’est l’hypothèque culturelle, c’est-à-dire le jugement a priori qui fait de la civilisation le principe unifica-teur des phénomènes identitaires. En combinant sa remarque avec les principes précédents, on en arrive à la situation suivante (elle implique le critère linguistique, les périodes historiques et les aires culturelles, mais ne tient plus compte de la

définition anthropologique des Celtes ni les réfé-rences littéraires, qui viennent d’être liquidées) :

On peut se demander s’il est bien nécessaire de conserver le critère de la langue, dont plusieurs auteurs – à commencer par Henri Hubert – ont décrété que c’était là le seul marqueur qui vaille : « La langue est l’une des caractéristiques les plus claires et les plus exactes des sociétés. Parmi les faits de civilisation qui se circonscrivent dans les limites des sociétés, c’est l’un des plus typiques ou des plus apparents. […] En somme, grosso modo, la langue coïncide avec la société.

« On peut dire que les Celtes sont le groupe des peuples qui parlaient, ou parlent encore, des dialectes d’une certaine famille que l’on appelle les langues celtiques […] Les moindres traces des parlers celtiques attestent avec certi-tude la présence des Celtes en un certain lieu, à une certaine date. Elles permettent de jalonner le domaine celtique et ses limites changeantes avec un maximum de sécurité […] Les lan-gues sont, dans leur constitution, un indice des relations de parenté ou de voisinage que les sociétés ont eues entre elles. » (Hubert 1932a, p. 46-47).

1. L’imbrication des ensembles celtiques réels (la langue, la culture archéologique et les styles laténiens), abstraits (l’art, la civilisation) ou relatifs (les Celtes eux-mêmes).

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Même si l’on renonce à faire de la langue le critère absolu de l’identité celtique, on doit au minimum la considérer comme une référence culturelle objective, au même titre que le style des épées hongroises, le répertoire décoratif des céramiques marniennes et l’ensemble des objets laténiens, par exemple, puisque la celtophonie de quelques peuples est une de nos rares certitudes. D’autres font de même en s’attachant aux produc-tions matérielles, persuadés que les expressions stylistiques, en tant que marqueurs identitaires, constituent la clef de la civilisation celtique (Kruta 1979 ; 1985 ; 1995).

Cette position, qui s’accommode mieux du diffusionnisme (supposant des “transferts d’états stables”) que de l’évolutionnisme (impliquant des “réarrangements” incessants), sous-estime le fait que les manifestations artistiques ou stylistiques sont en perpétuelle évolution : quelle parenté réelle peut-on établir, sur la base de simples inférences stylistique, entre des productions maté-rielles relevant d’un répertoire iconographique mouvant, disparate et réparti sur de longues pério-des chronologiques (Adam 2003) ? La parenté postulée sur la base de simples apparences risque bien d’être récusée par l’histoire elle-même. On a noté qu’il existait, dans certaines régions de l’aire gauloise (en l’occurrence, l’Ile-de-France), un rapport entre l’évolution du “style plastique” et celle des élites dont la puissance militaire et tech-nologique va s’affirmant dans le courant du iiie s. av. J.-C. (Ginoux 2002 ; 2003a ; 2003b). Cette obser-vation implique de relativiser les manifestations culturelles tenues pour représentatives de l’art celtique, puisque ces phénomènes accompagnent historiquement l’émergence de sociétés fortes et autonomes. En d’autres termes, l’art celtique, dans ses manifestations concrètes, procède par l’agréga-tion d’inventions locales au lieu d’émaner d’une koinè culturelle aussi abstraite qu’introuvable.

Pour se défaire de ces préjugés substantialistes, sans doute faut-il se résoudre à considérer la culture comme une catégorie objective de l’anthropologie et non comme une branche de l’archéologie des-criptive. Cette reconsidération suppose aussi que l’on s’attache à clarifier les processus de l’évolu-tion et de la transmission culturelle – ce délicat concept d’acculturation, qui fait aujourd’hui l’ob-jet de tant de réserves (Bats 1988 ; 1994 ; 2006). Cela signifie que, du point de vue de l’anthropologie, le concept de culture ne peut avoir de contenu pro-pre, que l’identité communautaire ne se réduit pas à un “noyau dur” de comportements, de styles, de

croyances et de représentations et que, par consé-quent, il n’existe nulle part de référence culturelle absolue (ou classique ; Boissinot 1998 ; Bayard 1996). D’ailleurs, on ne voit pas quelle force imma-nente pourrait instituer ce pôle culturel, hormis une puissance externe dotée d’un grand pouvoir de contrainte : l’impérialisme ou la colonisation, par exemple. Or, dans ce cas, ce n’est jamais à un enrichissement culturel que l’on assiste, mais à une déculturation systématique des dominés. Ce n’est sans doute pas un hasard si les conceptions substantialistes de la culture nous sont venues de “l’anthropologie culturelle de terrain” (en gros, par Tylor et Boas) née aux marges des sociétés tradi-tionnelles entrées en décomposition sous l’effet de la guerre et de la traite (les Indiens des plaines et de la côte ouest).

Le rejet de la conception substantiviste de la culture, si aisément intégrée par l’archéologie, aurait dû conduire à l’abandon définitif des ethnogénies. Mais loin d’observer une rupture aussi radicale, on a vu l’obsession des critères identitaires se prolon-ger jusqu’à nos jours et même trouver un second souffle dans les recherches indo-européennes. La dernière ethnogénie celtique de forme classique doit d’ailleurs être recherchée, en dehors des ouvrages de vulgarisation, dans L’énigme indo-européenne de C. Renfrew (1987). Malgré les réserves de l’auteur sur la pertinence du concept de culture archéologique, l’ouvrage perpétue la démarche ethnogénétique, récapitulée par le triptyque de la langue, de la culture matérielle et de l’ethnicité. Etait-ce bien la peine de se débarrasser de la culture des Celtes pour réinven-ter celle des Indo-Européens ?

LA TENTATION DE SAINT-GERMAIN

De la fin du xixe s. au lendemain de la Grande guerre, le paysage intellectuel français fut marqué par l’influence quelque peu envahissante de la sociologie durkheimienne sur les autres scien-ces humaines. Du point de vue de l’archéologie, c’est surtout la figure d’Henri Hubert, le “jumeau scientifique” de Marcel Mauss, qui se détache (Brun, Olivier 2000). S’il ne fut pas vraiment pro-phète en son pays, ses ouvrages sur la civilisation celtique, encore réédités, ont conservé longtemps des admirateurs. Ceux-ci ne manquaient pas de rappeler jusque dans les cours universitaires, que le premier volume des Celtes (1932a) offrait une récapitulation de toutes les thèses françaises et étrangères sur l’ethnogénèse des Celtes, tandis que le second volume (1932b) contenait un chapitre

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de sociologie historique unique dans son genre et destiné à le rester. Le fait d’avoir été publié par la Bibliothèque de synthèse historique (L’Évolution de l’humanité) d’Henri Berr n’est sans doute pas pour rien dans ce succès d’estime.

En rejoignant le Musée des Antiquités natio-nales de Saint-Germain-en-Laye dès 1898, Henri Hubert se donnait les moyens de faire évoluer suffisamment l’archéologie nationale pour la met-tre sur un pied d’égalité avec l’anthropologie culturelle (Brun 2000a). Placé sous l’autorité de Salomon Reinach, un esprit universel, Hubert pouvait se sentir autorisé à développer les idées comparatistes auxquelles sa formation éclectique l’avait prédisposé. À l’Année sociologique, il colla-borait étroitement avec Marcel Mauss, qui l’avait introduit dans le cercle des durkheimiens. À ce poste, il bénéficiait d’informations qui dépassaient largement le cadre national et même européen. Trois ans plus tard, Hubert devait rejoindre l’École pratique des hautes Études où il avait étudié, mais cette fois comme titulaire de la chaire des religions primitives de l’Europe. Ces différentes fonctions le plaçaient à un carrefour stratégique : s’y donnaient rendez-vous l’archéologie elle-même, dans sa tra-dition muséographique, l’histoire du peuplement (sur fond de linguistique) et enfin l’anthropolo-gie et l’évolutionnisme culturel (susceptible de redonner du sens aux typochronologies). Dans le domaine de la périodisation, l’archéologie et l’histoire avaient démontré la nécessité d’inter-caler une époque spéciale entre l’histoire et la préhistoire.3 C’est ainsi qu’avait commencé à s’imposer, non sans difficultés, la protohistoire française. Hubert se saisit de cette novation pour élaborer sa théorie des périodes historiques, pour peaufiner sa définition des cultures matérielles et pour approfondir la nature du temps lui-même. Pour Hubert, en effet, le temps occupe une place essentielle dans l’interprétation archéologique, car la manière de le concevoir est aussi celle qui sert à penser l’ensemble des catégories matériel-les et des instances sociales (la parenté, la religion, l’échange) (Hubert 1909 ; Lewuillon à paraître).

Chronologie, taxonomie, sociologie et même philosophie : par degrés, la doctrine de “l’École de Saint-Germain” prenait corps, se saisissant peu à peu du droit, de la linguistique et de l’ethnologie. L’apport spécifique de Hubert, à travers l’agence-ment des collections du musée comme dans ses enseignements, fut de rapporter les diverses instan-ces de la civilisation celtique à celles des sociétés dites primitives : la “salle de Mars” devait y pourvoir

par l’exemple. Hubert était enfin le dépositaire d’une masse considérable de documents icono-graphiques réalisés dans les musées d’Europe par une poignée d’habiles dessinateurs, tous de formation archéologique. Comme Hubert, ceux-là pressentaient que le mobilier des cultures proto-historiques ne livrerait tout son sens que dans le dévoilement de sa dimension ethnographique, grâce à de larges comparaisons interculturelles. Il restait à tirer parti de ce musée de papier, qui laissait présager l’avènement d’une archéologie d’ouverture (Lewuillon 2002). Mais Hubert n’eut ni la force, ni le temps de mener à bien ce vaste projet, abandonnant ces documents à la grande misère des archives françaises.

Si dense soit-elle, la pensée d’Henri Hubert est desservie par des éditions posthumes ou incom-plètes, comme c’est le cas pour sa sociologie historique4. Cédant à la facilité, certains se sont emparés de cet argument pour retourner le juge-ment porté sur Hubert. La plus virulente de ces critiques en vient à dénier au conservateur de Saint-Germain toute qualité d’archéologue, d’his-torien et même de sociologue, pour en faire, à peu de chose près, le chef de file du conservatisme et l’inspirateur de la réaction (Brun 2000b). Quoique cet acharnement confine au procédé, ces pro-pos péremptoires peuvent être mis au compte d’une analyse superficielle de l’œuvre proprement sociologique de Hubert (au motif qu’il serait insuf-fisamment durkheimien ?). On peut tout de même se faire une idée de sa conception de l’ethnogé-nèse par une lecture croisée des Celtes (surtout le premier volume), des Germains (Hubert 1952) et de ses archives d’enseignement. C’est une nouvelle ethnogénie celtique, quoique de facture classique en apparence, qui est recomposée à partir de l’ar-chéologie et surtout de la linguistique. Du point de vue de la culture matérielle, le premier volume des Celtes n’est pas sans rappeler le Manuel de Déchelette, auquel il puise abondamment. Il le dépasse néanmoins par l’intention analytique, en dépit d’un certain nombre d’erreurs ou d’idées obsolètes (contra : Brun 2000b). Par rapport aux ethnogénies classiques, la rupture tient essen-tiellement au rejet très ferme de l’anthropologie physique. Sur le plan de l’ethnogénèse, l’auteur des Celtes récuse explicitement l’hypothèse des peuples homogènes (et a fortiori celui des races pures), qui auraient conservé on ne sait quel fonds d’identité naturelle par-delà les vicissitudes de l’histoire. Les thèses de Hubert constituent enfin un plaidoyer pour la diversité humaine et la con-

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tinuité historique au service d’un humanisme qui tranche singulièrement avec l’ambiance idéologi-que de la charnière du siècle. Mais comme on l’a déjà souligné, l’obsession du critère culturel le plus objectif possible conduit Hubert à le rechercher sans doute trop exclusivement dans la langue :

« Le moins sujet à controverse est l’élément linguistique. Le parler celtique est l’indice prin-cipal de la celticité, si l’on peut ainsi s’exprimer. Tous ceux qui ont parlé celtique ont été Celtes d’où qu’ils vinssent. Ceux qui cessaient de par-ler celtique se perdaient dans les peuples qui les absorbaient et cessaient d’être des Celtes. » (Hubert 1932a, p. 31-32)

Sous ce trait, on soupçonne une autre réalité, plus difficile à cerner. Finalement, c’est moins la théorie linguistique qui compte que la “glotto-genèse”. À l’œuvre dans l’évolution des parlers, on observe les mécanismes de la sélection, de la délétion, de la dérivation, de la contamination et surtout de l’hybridation. En dépit de certaines réser-ves, on est tenté d’identifier dans la description du fait linguistique, porteur de l’identité culturelle des Celtes, une métaphore quasi génétique : la glotto-genèse récapitule l’ethnogénèse, en quelque sorte. Le recours aux concepts des sciences exactes n’est pas exceptionnel chez Hubert. Il en fait également état dans sa sociologie du temps, en distinguant les rythmes propres à chaque instance sociale.

« Il ne faut plus recourir à cette source iné-puisable d’erreurs et de contradictions qu’avec beaucoup de critique et de modération et ne pas oublier que peuples et races étant choses différen-tes, ne concordent pas nécessairement et, en fait, ne concordent jamais exactement. Nous ne connais-sons pas en Europe, depuis l’époque quaternaire et l’âge de la Pierre éclatée, de groupes humains qui ne soient composés d’éléments anthropologiques différents. Les caractères physiques de ces groupes varient et peuvent varier sans que ces variations aient le moindre rapport avec leur histoire. Ils se modifient pour ainsi dire automatiquement sans introduction d’élément nouveau par la variation proportionnelle de leurs éléments, ou par l’intro-duction d’éléments nouveaux, comme des esclaves ou des métèques, qui ne déplacent pas l’axe poli-tique de leur composition. Races et peuples ont leurs variations. Elles ne sont pas nécessairement de même sens ; il n’est pas exclu qu’elles soient de sens contraires. » (Hubert 1932a, p. 44-45).

Comme en témoigne le vocabulaire, son analyse s’inspire des sciences exactes ; en certaines occa-sions, il paraît même tirer parti des ensembles de

Cantor, son contemporain (Lewuillon à paraître). Tant il est vrai que chez l’archéologue-sociologue, la synthèse scientifique ne se conçoit pas comme une hiérarchie de disciplines, mais comme la fusion des savoirs et des cultures.

SOUS LE SIGNE DE L’ETHNOS

L’école de Saint-Germain n’eut finalement qu’une existence assez brève : la première guerre mondiale, la disparition de Durkheim en 1917 et celle de Hubert en 1927 portèrent un coup fatal à la première tentative de réaliser la synthèse des sciences humaines. Un second essai fut couronné de succès à la fin des années vingt avec l’École des Annales, mais comme on sait, l’archéologie n’en fut pas. Cette absence eut pour conséquence l’effondrement durable de la réflexion théorique en archéologie. La notion de culture fut rangée au rayon des philosophies de l’histoire. Elle ne s’en remit pas et disparut avec tout son fourniment sociologique.

L’illusion nationale

Les historiens anglais furent sans doute les premiers à proposer une critique au fond de l’ar-chéologie nationaliste (Champion 1991, 1996), mais la même analyse, réalisée par les historiens allemands, semble avoir produit des enseigne-ments d’une portée plus générale. Le fait d’avoir eu à dénoncer les formes organiques de l’ar-chéologie nazie (Millotte 1978) et d’avoir pris conscience de l’existence d’une opposition pré-coce (dès l’époque de Kossinna) à cette forme d’oppression intellectuelle (Härke 1991 ; Olivier 2003) a sans doute exigé de la part des historiens et des archéologues allemands une implication plus profonde. La leçon n’en est que plus forte, car il n’a pas dû être facile de remettre en cause une ethnogénèse germanique dont la tradition avait fait depuis un bon siècle une nécessité historique.

Dès la fin du xixe s., G. Kossinna entreprit de développer un système où l’interprétation ethni-que, élevée à la qualité de constante, fournissait la clef de tous les phénomènes observables par l’archéologie. Son système très élaboré plongeait ses racines dans l’archéologie et l’historiographie germaniques : dans l’histoire du peuplement (comme si la Siedlungsgeschichte de Meitzen5 s’était muée en Siedlungsarchäologie), dans l’anthropogéographie (héritée de la Geopolitik

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de Ratzel) (Thomas 2000, p. 436-439), dans la Naturphilosophie post-romantique (Gusdorf 1985), dans l’ethnologie. C’est au cœur de cette nébuleuse diffusionniste qu’il faut chercher l’ori-gine des concepts de Kulturenkomplex et de Kulturkreis6. En se limitant à l’ethnogénèse, on ramènera les entreprises de Kossinna à quel-ques règles élémentaires, où le critère ethnique justifie tout, rend compte de tout : de la percep-tion des caractères culturels des civilisations ; de l’identification de celles-ci avec les races ; des représentations matérielles de la culture ; et par-dessus tout, de l’autochtonie des peuples germaniques. Aux influences qu’on a déjà signa-lées (Olivier 2003), il faut ajouter la sociologie de Gumplowicz, qui posa l’équivalence entre le droit du sol et celui du sang (Gumplowicz 1893 ; Pichot 2000). Enfin, si l’on prend en consi-dération l’usage systématique que Kossinna fit des cartes de répartition, on obtient un tableau général où la culture matérielle se confond avec la civilisation, autant qu’avec le peuple qui la porte et l’incarne. Enfin, l’observation des descripteurs de la culture matérielle nécessitait un classement par fonction et par époque. Les archéologues scandinaves en ayant élaboré le cadre théorique, ce modèle se diffusa en Europe (Montelius, 1900a ; 1900b ; 1912). Kossinna ne manqua pas de s’en saisir. Et s’il ne peut être tenu pour l’inventeur d’une méthode typochronolo-gique à laquelle d’autres eurent abondamment recours (comme Déchelette), il reste néanmoins celui qui sut la mettre en résonance avec sa vision politique et sa philosophie de l’histoire. Ce qui, chez Kossinna, s’exprime par une règle sim-ple : les critères culturels d’identité fonctionnent sur le mode de l’exclusion et non sur celui de la distinction.

Tandis que la personnalité de Kossinna donne à penser aux archéologues allemands, celle de V. G. Childe ne laisse pas de troubler les Anglo-Saxons. Si le premier est connu pour avoir donné corps à la notion de culture (archéologique), le second passe pour lui avoir fourni ses lettres de noblesse (Childe 1925, 1950 ; Trigger 1989 ; Veit 1994 ; Renfrew 1987). Et si les intentions ne sont pas les mêmes chez l’un et l’autre, les modes d’enquête apparaissent compatibles. Sur un fond incontestablement plus humaniste et même socialisant, Childe tenta de bâtir une hiérarchie des attributs archéologiques, les uns servant à définir la culture (ou civilisation), les autres le groupe (ou faciès) culturel. Mais les conclusions

des deux analyses aboutissent au même point : l’expression archéologique des groupes cultu-rels consacre l’identité ethnique des peuples. En temps que descendants des Aryens, dont Childe et Kossinna font grand cas, les Celtes se retrouvent impliqués dans cette problématique. Toutefois, contrairement aux Germains, les Celtes ne sont pas réputés autochtones : ils sont donc les produits de la migration. À l’inverse, les Germains sont un peuple de l’expansion.

La maison commune des Celtes

L’ambiance politique dans laquelle a baigné la célèbre exposition vénitienne sur “Les Celtes : la première Europe”, a marqué les esprits. Cela se passait à l’époque de la réunification allemande. Jamais depuis la montée des totalitarismes dans les années trente, l’imbrication des concepts de culture et d’ethnogénie n’avait été aussi expli-citement formulée. Cette fois, elle l’était avec la caution d’un comité scientifique et dans le cadre d’une manifestation culturelle prestigieuse. Ces Celtes, « …un peuple dont l’empreinte a modelé durablement une grande partie de l’Europe, [caractérisé] par une connexion profonde et même une cohérence originaire entre l’est et l’ouest de l’Europe : ce qui est particulièrement important pour le rapprochement actuel entre les deux mondes. Avec les Phéniciens, on avait mis en évidence le développement méditerranéen de la société ; avec les Celtes, c’est la gravitation européenne qui est soulignée. »

« On a prêté une attention particulière aux problèmes d’intégration ethnique et culturelle générés par l’expansion. C’est de cette fusion eth-nique des Celtes avec les populations indigènes de souches différentes que se forma la “première Europe”. » (Anonyme 1991).

« L’expansion danubienne illustre remarqua-blement la capacité des Celtes d’intégrer les populations locales et de constituer des ensem-bles ethniques composites dont les vicissitudes ultérieures démontrent la solidité […] Il appa-raît donc aujourd’hui clairement que les Celtes apportèrent une contribution fondamentale à la formation de l’Europe […] C’est dans le rap-port dialectique entre la civilisation romaine et le fonds celtique que doivent être cherchées les racines profondes de l’Europe médiévale et moderne. » (Kruta 1991).

« Si l’on compare [le cas des Celtes avec] des peuples contemporains, tels que les Scythes et

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les Ibères, on remarque que les cultures de ces populations n’ont pas eu, en Europe, une telle diffusion. Indépendamment de la variété des spécialisations de la culture celtique selon les aires, son raccord général est incontestable et en justifie la qualification en termes de ‘première Europe. » (Moscati 1991).

Ces textes se suffisent à eux-mêmes, tant les thèmes en sont transparents (Dietler 1994, p. 595-596) : l’authenticité des souches ethniques, le dynamisme de l’expansion, la promesse de l’in-tégration et même, si l’on veut, le modèle de l’économie-monde. L’ethnogénèse atteint ici une portée quasi universelle : l’Europe est une des-tinée qui s’accomplit depuis l’aube des temps et les Celtes en sont les acteurs premiers. On saisit mieux ce qu’il manquait aux ethnogénèse rencontrées jusqu’ici : un destin. À ce stade, on pourrait introduire toutes les variations que l’on veut dans l’espace ou dans les formes de la culture celtique : ce ne serait plus qu’une ques-tion d’échelle.

Ce qui importe, ce n’est pas la signification exacte des traits culturels, mais la possibilité de faire référence à un bloc culturel stable et immédiatement identifiable. Dans le cas présent, c’est la préfiguration européenne qui justifie le ralliement des peuples protohistoriques et leur propose une identité : l’Europe est la “maison commune” des Celtes et le stade ultime de leur ethnogénèse. Malheureusement, cette version fédérale l’identité culturelle ne constitue pas un progrès, mais un enkystement du culturalisme. Elle continue d’inspirer les courants historio-graphiques qui conçoivent la formation des peuples non pas comme la synthèse de leurs éléments constitutifs, mais comme leur addition. Ce n’est pas une théorie compliquée : elle décrit la culture comme un socle supportant la civilisa-tion, sur les faces duquel s’affichent les symboles, les représentations et les attitudes identitaires. Le culturalisme ne renvoie pas au contenu des cultu-res, mais à leur hiérarchisation : « tout se passe comme si les cultures pouvaient être considérées comme des données dont il faudrait établir la systématique » (Boissinot 1998, p. 20). Ceci étant, il est décevant – sinon de mauvais augure – de constater qu’une idée aussi progressiste que la construction européenne soit devenue prétexte à recycler la vieille ethnogénèse. Et d’un point de vue strictement corporatiste, il est dommage que ce soient les Celtes qui en fassent les frais.

LES CELTES DE L’ARCHÉOLOGIE EXISTENT-ILS ?À PROPOS DE qUELqUES IDÉOLOGIES DE RECHANGE

Les formes archaïques de l’ethnogénèse ont mal fini. Même leur échec n’a pas rendu service à l’archéologie française, car le rejet des idéologies a laissé celle-ci fort démunie après la seconde guerre mondiale. Il fallut attendre la fin des années soixante pour qu’un frémissement se fasse sen-tir, qui laissait espérer une reprise de la critique historique. D’un côté, on vit fleurir les débats phi-losophiques et politiques issus des mouvements protestataires ; de l’autre, on observa la tentative d’aggiornamento de la pensée marxiste confron-tée à l’expérience des “compromis historiques”. C’est dans ce contexte que l’archéologie nouvelle débarqua d’outre-Atlantique. Bien qu’il ne lui ait pas été fait un accueil particulièrement chaleu-reux en France, c’est à partir de sa révélation – sa compréhension étant une autre histoire – qu’une partie de l’archéologie française entreprit de se reconstruire. À vrai dire, les principes de la new archaeology sont de peu d’importance dans ce ravalement, car parallèlement à leur nouvel inves-tissement théorique – ou peut-être pour se le faire pardonner –, les réformateurs mirent au point un programme positiviste et méthodique : comme si la seule vérité qu’on put attendre de l’archéologie résidait dans la systématique des objets et des sites.

Apories économiques et sociales

Gardons-nous cependant d’une vision à sens unique. Feindre de croire que le fait de s’engager tête baissée dans la New archaeology aurait pu représenter la solution à tous les conservatismes est un raisonnement aussi simpliste qu’hypocrite. Après tout, il devait bien y avoir entre les Anglo-Saxons et le reste du monde des influences réciproques. D’ailleurs, si l’anthropologie cultu-relle anglo-américaine avait imposé son modèle fonctionnaliste et culturaliste dans la première moitié du xxe s., l’influence française avait rega-gné beaucoup de terrain par la suite grâce au structuralisme. En fait, il semble que les Anglo-Saxons aient été particulièrement sensibles au structuralo-marxisme, alors que les Français se montraient réceptifs à un mode de pensée néo-évolutionniste. Le principal mérite de ces deux attitudes, convergentes pour l’occasion, fut de

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replacer la définition de la culture à mi-chemin entre le point de vue de l’individu et la référence au groupe. Une position aussi conciliante, propice à la fédération de disciplines assez différentes, avait de quoi séduire les Anglo-Saxons (Trigger 1989 ; Thomas 2000), mais la New archaeology ne fut pas le seul paradigme de cette époque. Sous l’influence prépondérante de Morgan (1877) et de Tylor (1871) et plus encore sous celle de leurs premiers lecteurs socialistes (dont Marx et Engels eux-mêmes), il s’était greffé sur l’évolutionnisme social une sorte de marxisme diffus, d’allure très théorique, qui imprégna durablement le milieu intellectuel anglo-saxon. V. G. Childe ayant plaqué dessus ses propres convictions, on vit apparaître dans le paysage archéologique une doctrine culturaliste assez stable. Elle ne fut contestée dans l’entre-deux-guerres que par la montée des cou-rants relativistes7, selon lesquels la culture devait être interprétée soit comme du comportement social fossilisé, soit comme une construction sym-bolique de l’identité des sociétés, mais en aucun cas comme rien qui eût une substance propre. En conséquence, elle ne pouvait avoir de valeur abso-lue ni de portée identitaire. La signification de cette contestation radicale risquait d’être tragique pour l’archéologie, car à quoi servait-il encore de collecter les traces matérielles des sociétés pas-sées, si elles se montraient impuissantes à révéler l’identité de ceux qui les avaient produites ?

Résoudre ce problème, c’est d’abord saisir les gestes qui ont fait les objets, c’est compren-dre le langage qui se niche sous le faisceau des expressions sociales. C’est surtout apporter un supplément d’âme aux sociétés historiques, en admettant que la culture ne nous parle pas de cul-ture, mais de parenté, de solidarité, de réciprocité, de religion ou d’esthétique. Ces combinaisons propres à l’intimité de chaque peuple sont le seul moyen d’atteindre à la vérité de la fibre identitaire. Car si celle-ci apparaît à la lueur du communau-tarisme actuel comme un principe d’exclusion, une interprétation plus optimiste peut regarder la culture identitaire comme le lieu de l’agrégation des hommes et de l’intégration de leurs modes de vie. C’est sur cette voie que se sont engagés quel-ques historiens anglo-saxons, dans une démarche assez comparable au structuralo-marxisme fran-çais (Giddens 1987). L’histoire intellectuelle de la période qui va de l’après-guerre aux années soixante-dix serait certainement à reprendre, afin d’apprécier la portée des divers courants de pensée et en particulier celle du marxisme.

Ceux qui s’en réclamaient ont privilégié l’étude des transitions entre les cultures, rebaptisées tantôt “ensembles-périodes”, tantôt “formations économiques et sociales”. Dans leur effort de conceptualisation, ils ont appelé à rien moins qu’à « construire une nouvelle base pour une science comparative de l’histoire et des structures socia-les, […] à combattre et éliminer le positivisme qui se refuse à la comparaison historique et à la recherche des structures cachées et des mécanis-mes inapparents […] qui expliquent en dernière analyse la logique [du développement social] » (Godelier 1970 ; Sereni 1971 ; Glucksmann 1971). Ce discours nous apparaît aujourd’hui comme le produit très marqué d’une époque où l’on pouvait encore chercher dans le matérialisme historique les moyens d’en finir avec les crises idéologiques et politiques du xxe s.8 Et quoi qu’en disent les philosophes de boudoirs, le matérialisme dialec-tique n’avait d’autre ambition que de rénover les principes scientifiques de l’analyse historique. Cette exigence les a parfois conduits à la rigidité théorique. La conception des stades historiques caractérisés par des modes de production en est l’exemple le mieux connu et le plus caricatural, qu’on pensait évanoui à tout jamais. Ce n’est peut-être pas tout à fait le cas.

En raison de leur longue tradition anthropologi-que, les historiens anglo-américains ont été marqués par des épisodes scientifiques de grande ampleur au cours desquels plusieurs systèmes théoriques, parfois très différents, se sont superposés. Ce fut le cas des études sur la réciprocité, de Morgan à Boas et Malinowski, et plus encore des recherches sur les formes de l’échange, de Veblen (Veblen 1913) à Barzun, Polanyi, Bohannan et M. Douglas. Mais ce que la pensée y gagnait en variété, elle l’a parfois perdu en souplesse : le marxisme, souvent impli-qué dans ces vastes combinaisons, l’a payé d’un surcroît de dogmatisme, encore perceptible de nos jours chez des auteurs anglo-américains. Il est en bonne compagnie, avec la théorie maussienne du don, qui a payé son succès d’une autre forme de sclérose, ce qui ne va pas sans conséquences pour l’analyse des sociétés celtiques. D’un mélange de témoignages antiques et de parallèles ethnologi-ques (l’increvable potlatch, par exemple) a émergé une théorie assez hybride des biens de prestige. La synthèse canonique qui en a été proposée depuis une trentaine d’années a rencontré un grand suc-cès et sert encore de référence, à des degrés divers, pour l’analyse de l’économie des deux âges du Fer (Frankenstein 1978).

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Un autre gauchissement théorique dont les effets touchent les Celtes concerne le “modèle d’échelles économiques” conçu par Wallerstein et appliqué par Braudel à l’espace méditerranéen des xve au xviiie s. (Wallerstein 1974 ; Braudel 1979 ; Champion 1991 ; Lewuillon 1995) : “l’économie-monde” a tellement fasciné certains archéologues français et anglais qu’ils en ont reproduit le schéma de façon compulsive (Kristiansen, Jensen 1994). Comme il fallait s’y attendre, les critiques n’ont pas manqué, tant du point de vue général de l’application des modèles marchands aux socié-tés non marchandes que du point de vue local des économies celtiques (Dietler 1989 ; 1999). La difficulté du transfert de l’économie-monde à l’antiquité celtique provient du fait que, contrai-rement aux économies modernes étudiées par Braudel, on ne saurait parler à propos du couple formé par les sociétés hallstattiennes et par les sociétés méditerranéennes classiques de l’ajuste-ment de deux systèmes de production obéissant une même logique marchande. D’une part, ces économies antiques sont-elles marchandes ou ne le sont-elles pas ? Cette question n’est peut-être pas encore résolue (Bresson 2001). D’autre part, loin de les retrouver à l’œuvre dans le modèle de l’économie-monde, l’histoire des Celtes et des sociétés méditerranéennes rend compte des actions dissociées de deux mondes radicalement différents. Leurs règles socio-économiques ne sont pas opposées, mais irréductibles les unes aux autres. Enfin, malgré les progrès accomplis dans la connaissance des objets circulants, notre igno-rance macro-économique reste quasi absolue. L’abondance des produits méditerranéens jalon-nant des voies commerciales (hypothétiques) ne révèle rien par elle-même des mécanismes qui les ont amenés là, d’autant que les biens transportés – le vin, par exemple (Poux 2004) – ne sont pas de ceux qui font tourner l’économie ordinaire de toute une société. Que n’a-t-on dit des mérites réciproques de la voie rhodanienne et de l’alpes-tre, sans parvenir à en saisir le fonctionnement ? Or, on s’avise aujourd’hui que le modèle des principautés celtiques souffre de la même incom-plétude (Fischer 1995 ; Brun 1997) et que l’idée d’un réseau commercial reliant les deux mondes devient de plus en plus problématique (Eggert 1997, p. 288-289 ; Adam 2006). Des contacts, certes, mais de quelle nature ?

Quoi qu’il en soit, les débats suscités par la transposition hasardeuse des modèles seraient plus profitables à la connaissance des sociétés

pré-classiques si l’on se gardait des deux défauts principaux qui en vicient l’analyse : le préjugé d’archaïsme et l’indifférenciation chronologique. Le premier, qui résulte d’une mauvaise apprécia-tion des situations ethnologiques, voudrait faire accroire que les pratiques commerciales imposées par les sociétés méditerranéennes relèveraient de l’économie, tandis que les peuples protohistoriques ne seraient capables que d’archaïques pratiques “anté-culturelles” (Lewuillon 1995). Le second pos-tule la validité générale d’un modèle à partir d’une situation précise et le transpose ensuite, sans autre forme de procès, à d’autres époques ou d’autres sociétés. C’est précisément le cas de l’économie des biens de prestige, initialement conçue pour les économies hallstattiennes, mais qui glisse insi-dieusement vers le second âge du Fer (Pion 1990 ; Brun 1997). Corollairement, la théorie du don, dont un volet est commun à celle des biens de prestige, suit un mouvement inverse de vieillissement. À la lueur de ces exemples, il semble bien improbable que l’on puisse tirer de l’étude des sociétés proto-historiques, par les méthodes de l’archéologie, un tableau suffisamment cohérent pour désigner un ou plusieurs peuples et leur attribuer une identité. Le nom des Celtes, s’il mérite d’être porté, doit être cherché ailleurs.

2. Quand les modèles se substituent à la réalité : le modèle maussien (qui est également celui de Hubert [Hubert 1925 ; Mauss 1924]) rend compte de l’échange celtique, en particu-lier de celui des biens de prestige ; le modèle braudélien rend compte de l’impérialisme économique de Rome. La synthèse des deux produits un paradigme à la fois fragile et coriace.

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Chassez le naturel…

L’archéologie allemande a fondé sa réputation sur la collecte scrupuleuse des indices matériels et sur l’excellence de ses publications scientifi-ques : ce sont des faits incontestables. L’opinion courante voudrait aussi que ses représentants n’éprouvent qu’une attirance modérée pour la réflexion théorique : c’est sans doute injuste. En effet, l’histoire de la discipline met en évidence l’emprise constante des idéologies germaniques sur les sciences humaines et révèle l’influence persistante de l’école d’anthropologie allemande (cf. supra). Dans ces circonstances, il aurait été dif-ficile pour les archéologues d’échapper au débat d’idées. Si nous ne le connaissons pas, c’est qu’il est demeuré caché, peut-être sous la chape du totalitarisme, peut-être sous celle de notre propre indifférence. Par contre, il est plus évident que tou-tes ces disciplines ont baigné, à un moment ou à un autre, dans le même endoctrinement à base de diffusionnisme. C’est sans doute de là que provient la préférence des protohistoriens allemands pour la problématique, en soi très théorique, du pouvoir et du territoire. C’est de ce contexte qu’a émergé le modèle si caractéristique des résidences prin-cières (Fürstensitze). Profondément enraciné dans la culture nationale et porté depuis toujours par W. Kimmig (Fischer 1997 ; Eggert 1997), cet exem-ple demeure fascinant, peut-être en raison de la part d’ombre qu’il recèle (Olivier 2000 ; Lewuillon 2003). En dehors de la question de ses origines, le recours systématique à l’analyse stylistique, à l’érudition muséologique, aux typochronologies et aux cartes de répartition lui font une signature reconnaissable entre toutes.

En dépit de cet air de famille kossinnien, les archéologues français ont attaché d’emblée un grand prix à ce modèle. Dès la découverte de la tombe de Vix, l’hypothèse d’une extension sur le sol français de l’aire des résidences princières est devenue consistante. Il est possible qu’au cours des deux dernières décennies, ce modèle et les concep-tions économiques et sociales qui s’y rattachent aient servi pour beaucoup de chercheurs d’alter-native à l’archéologie théorique. Pour certains, la question de l’origine des résidences princières fut l’occasion de rouvrir le dossier de l’ethnogénèse celtique. Cette “idéologie de secours” offrait en effet l’opportunité de mettre à l’épreuve les thèmes récurrents de la longue durée, de la continuité et des transitions. Les résidences princières sont enfin un théâtre bien commode pour des scénarios éco-

nomiques construits – parfois à la hâte – autour de la circulation des biens de prestige (Eggert 1991). Mais si c’est une chose que de repérer des objets d’origine étrangère dans une société, c’en est une autre que de démontrer, avec toute la certitude dont l’économie a besoin, les pratiques commerciales auxquelles ils sont censés avoir donné lieu.

Il est vrai que jusqu’à une époque récente, on n’avait rencontré que peu d’évaluations critiques de la pertinence des systèmes économiques et sociaux hallstattiens, plus disparates et moins bien documentés que ceux de La Tène. Un argument classique et sans doute trop commode en rejette la faute sur la mentalité empirique, supposée conforme à la tradition scientifique allemande (Härke 1991). Aujourd’hui, en tout cas, des archéo-logues ne craignent plus de remettre en cause un bon siècle d’érudition ou de révéler les mauvaises habitudes méthodologiques et heuristiques d’une archéologie essentiellement funéraire, peu encline à confronter ses résultats à ceux de l’anthropologie culturelle et dont on attend implicitement qu’elle valide le schéma posé par la tradition philologi-que (Fischer 1995 ; Eggert 1997). Bien entendu, ces réserves récentes n’ont pas empêché l’image envahissante des résidences princières d’apparaî-tre comme un des symboles les plus forts l’histoire celtique, car il y va de la genèse, de l’apogée et de la transformation d’une société en marche vers la ville, les classes et l’État.

L’influence des principautés hallstattiennes s’avéra si prégnante qu’elle finit par déteindre sur les époques suivantes. Le désir d’inscrire la démar-che historique dans la longue durée, la volonté d’affirmer la rupture avec la vieille théorie migrationniste, l’obsession de la périodisation et des transitions ont conduit à la transposition du modèle des résidences princières au second âge du Fer, au prix d’une légère variation termi-nologique : plus de référence aux sites ou aux territoires, mais à des cultures, plus intemporelles. Ainsi, on en arrive à reconnaître dans le groupe Aisne-Marne, « un modèle centralisé […] quali-tativement proche de celui qui est proposé pour les “cultures princières” à la périphérie desquelles il se développe » (Pion 1990, p. 233). Au-delà de cette réduction conceptuelle, l’analyse se plie au diktat de la hiérarchisation des aires culturelles : « Fondées sur l’étude de la culture matérielle, les entités spatiales perçues par les archéologues sont généralement définies comme des aires géogra-phiques au sein desquelles des “types” mobiliers et immobiliers (attributs) sont plus fréquemment

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associés en ensembles clos qu’à l’extérieur de ces aires. Ces “assemblages polythétiques” déterminent des entités culturelles homogènes et formellement hiérarchisées générant spatialement des entités géographiques emboîtées » (Pion 1990, p. 187).

Au terme d’un long détour par l’enfer des théo-ries, nous venons de renouer discrètement avec les accents du culturalisme – ce dont les auteurs cités se défendraient certainement avec la dernière énergie. Nul reproche ici, cependant, car on com-prend le sens de leur démarche : les dynamiques sociales, la mobilisation des instances religieuses, l’emboîtement des hiérarchies spatiales et politi-ques, les formules inventives de l’échange et de la redistribution, voilà ce qui fait la réalité aussi chatoyante que fluctuante des peuples protohisto-riques. Mais de nouveau, on s’insurge : à force de la démembrer, de la disséquer, d’en démonter les moindres rouages, leur personnalité s’est évanouie. À ce jeu de déconstruction, tous les peuples se ressemblent et leur identité polymorphe, émiettée même, est devenue si évanescente qu’il faut renon-cer à lui reconnaître une essence ethnique. À suivre cette méthode, la distinction entre les Celtes, les Ibères ou les Scythes, par exemple, ne tiendrait plus qu’à de subtiles combinaisons économiques et sociales. Mais alors, quand et comment saurions-nous à qui nous avons affaire ? C’est la même incertitude que nous éprouvons, lorsque nous nous interrogeons avec César sur ce qui sépare les Gaulois des Germains ou même les Gaulois entre eux. Bien que les auteurs anciens, guère mieux renseignés que nous, n’aient pu qu’entretenir la confusion à ce sujet, l’archéologue ne peut se résoudre à cette ignorance : une fois pour toutes, il veut des noms qu’il mettra sur ses étiquettes, et cel-les-ci à leur tour sur ses objets … C’est pourquoi, si inspiré soit-il par les modèles de l’économie, de l’analyse spatiale ou de l’anthropologie sociale, il a vite fait de reprendre de mauvaises habitudes, en postulant l’équivalence entre la culture matérielle et l’identité ethnique.

LE DERNIER PARADIGME :FAUT-IL BRûLER LA GÉNÉTIqUE DES POPULATIONS ?

Les fragments d’analyse qui précèdent n’avaient d’autre ambition que de mettre en évidence les deux aspects de l’ethnogénèse : d’un côté, loin de se limiter à une pratique savante désuète, elle a tou-jours été impliquée dans les débats idéologiques touchant à l’identité culturelle (ce qui ne compte

pas pour rien dans l’histoire européenne) ; d’autre part, de son enfance partagée avec l’anthropologie physique, elle a conservé un indéfectible attache-ment aux sciences naturelles. Avec l’ethnogénèse pour pierre de touche, on prend mieux conscience de la force des liens qui ont rapproché, aux époques cruciales, l’archéologie naïve et le nationalisme ombrageux. Si le procès de celui-ci est désormais bien instruit, celui du culturalisme reste à faire. À l’abri de tout reproche, les courants culturalistes, qui ne sont ni éteints, ni figés, prospèrent encore et savent se mettre au service de nouveaux maîtres. Le symbole de l’unité celtique primordiale est un poncif de la culture européenne comme de celle d’extrême-droite : il a de beaux jours devant lui.

Tout le monde en tombera d’accord, les fan-taisies culturalistes qui agrémentent la politique communautaire sont tout de même bien innocen-tes en regard de certaines erreurs – requalifiées en crimes – du passé. Or, voici qu’une veille bibliogra-phique consacrée aux thèmes de l’identité et de l’ancestralité fait apparaître des signes inquiétants et persistants. On le sait, la mode est aux ancêtres : non plus ceux du folklore vieux-gaulois, qui a som-bré dans le ridicule, mais ceux d’une généalogie au long cours. Une chose en entraînant une autre, on se préoccupe désormais de paléontologie, de paléo-génétique et même de génétique des popu-lations. Cette nouvelle pression épistémologique a pour conséquence de redonner vigueur à la taxo-nomie. Mais aucune méthode taxonomique n’est innocente, car classer, c’est d’abord hiérarchiser. Ainsi, du strict point de vue théorique, le racisme est devenu ce que l’on sait moins par sa descrip-tion des différences entre les races – fussent-elles illusoires – que par la hiérarchie qu’il prétendait en inférer (Pichot 2000, p. 338-339). En archéologie, les méthodes taxonomiques sont aux prises avec trois types de problèmes distincts : le premier tou-che à l’agencement des données, le second à la validité du calcul et le troisième à l’interprétation des résultats. L’interprétation est de loin l’étape la plus compliquée, car elle exige d’apprécier correctement l’écoulement temporel, le principe de causalité et le processus d’évolution du phéno-mène traité. Actuellement, on met plus volontiers l’accent sur ce troisième moment. Parallèlement, la forme dominante de la taxonomie est la systé-matique et le principe d’évolution qui en découle est la cladogenèse. Les arbres d’évolution imaginés par Darwin et vulgarisés par Haeckel n’ont jamais été plus populaires (Cohen 2001). En réalité, ce ne sont plus des arbres généalogiques, mais des

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schémas phylogénétiques (ou phylétiques) : les espèces n’occupent que l’extrémité des rameaux et les embranchements ne sont que des “nœuds” de spéciation. Dans la forme, le procédé classifi-catoire n’est pas nouveau, mais sur le fond, cette représentation de l’évolution ne rend pas compte des processus d’hybridation, d’assimilation ou d’intégration. On est d’une branche ou on n’en est pas : il n’y a pas de place pour les demi-mesures ni pour les repentirs.

Quel rapport avec l’ethnogénèse celtique ? Le voici : le dépouillement des revues qui font l’opinion scientifique (Nature et Science, entre autres) laisse entrevoir clairement que le principe phylogénétique est devenu au cours de la der-nière décennie un paradigme particulièrement envahissant non seulement en biologie, où il a sa place, mais également en sciences humaines. À l’aide des arbres phylétiques, on veut expliquer aujourd’hui aussi bien l’évolution des espèces que celle des langues. Souvenons-nous de la relation intime qu’entretiennent la linguistique et l’ethnogénèse (Demoule 1998). Chez certains chercheurs particulièrement médiatiques, comme L. Cavalli-Sforza (1993 ; 1996 ; 2004), la conver-gence est totale : la génétique des populations, formule ripolinée de l’ancienne ethnogénèse, s’impose comme le lieu d’une nouvelle synthèse entre la génétique, l’anthropologie, la sociologie, la linguistique, l’archéologie, et bien d’autres discipli-nes encore. Par définition, elle peut rendre compte de tout, à condition d’admettre au préalable la primauté du principe phylogénétique. La cartogra-phie dont Cavalli-Sforza se montre prodigue a de quoi laisser songeur. Au gré des cartes génétiques

des populations actuelles, les gènes sont devenus les témoins irrécusables de la longue marche de Cro-Magnon, de la diffusion de l’agriculture, de la progression des pasteurs néolithiques, de la ruée pan-européenne des Celtes ou de l’invasion des premiers Grecs (Cavalli-Sforza 1993, p. 215, fig. 8 ; 1996 : p. 189, fig. 8), etc… La similitude avec l’an-cienne anthropologie physique est troublante : au nom de l’unité anthropologique, les groupes humains conservent pour l’éternité les traces de leur histoire, toutes générations confondues. Au nom du primat de l’évolutionnisme biologique, il est permis au chercheur de choisir à quels épiso-des historiques se rattache telle ou telle sélection arbitraire du patrimoine génétique. Quant à la jus-tification archéologique de ce choix, elle consiste en réalité en un amalgame d’éléments linguis-tiques ad hoc grâcieusement sélectionnés par les partisans les plus en vue de la cause indo-européenne (de M. Gimbutas à C. Renfrew). Ces accointances ne relèvent évidemment pas du hasard, comme en témoignent ces ouvrages où l’archéologie, la génétique historique et la lin-guistique font si bon ménage (Bellwood 2004 ; Cavalli-Sforza 20049). Le néo-évolutionnisme et la paléogénétique ne sont pas seulement le dernier cri de la vulgarisation scientifique ; ils constituent d’abord les axes majeurs d’une recherche interna-tionale richement dotée (le très contesté Human Genome Diversity Project) et dont les auteurs qu’on vient de citer sont des acteurs de premier plan (Renfrew 2000 ; Moore 1995, p. 627).

Ce n’est pas le lieu ici de développer une critique de la génétique des populations en tant que technique d’investigation. Sur le plan éthique

3. Cette carte, reproduite dans plusieurs de ses ouvrages, illustre le procédé de Cavalli-Sforza. Bien qu’elle soit censée montrer une corrélation des données génétiques avec des données archéologiques, elle ne réussit qu’à porter la confusion et le mélange des genres à leur comble. Les données archéologiques évoquées sont celles qui témoigneraient de l’expansion des pasteurs nomades de lan-gue indo-européenne à partir des steppes eurasiatiques, il y a 6000 à 4500 ans, qui auraient été eux-mêmes les descendants des premiers agriculteurs à avoir migré dans la région des steppes, au nord de la zone d’ori-gine de l’agriculture (sic).

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et politique, entre racisme et “biocolonialisme”, le projet de recherche génétique sur la diversité humaine a reçu plus de critiques qu’il n’en faut. Il n’est donc pas étonnant qu’en dépit du bel humanisme affiché par son auteur, la cartogra-phie génétique de L. Cavalli-Sforza, appliquée à l’histoire des sociétés européennes, soit de nature à susciter les mêmes inquiétudes. En pre-nant la place qu’occupait jadis l’anthropologie physique au sein de l’ethnogénèse, la génétique des populations relance les craintes inspirées naguère par le déterminisme biologique. À vrai dire, cette pratique présente un fâcheux air de parenté avec le racisme “théorique” de Gobineau ou de Vacher de Lapouge. Déjà exposée aux dérives idéologiques du nationalisme, l’ethno-génèse des Celtes, comme celle de l’ensemble des peuples européens d’ailleurs, se serait bien passée de telles réminiscences. C’est pourquoi il est utile de méditer l’analyse historique d’Henri Hubert, en dépit de ses lacunes et de ses aspects dépassés. Allant à contre-courant des idées de son époque, il proposait de substituer à l’ethno-génèse classique un modèle où les peuples et les sociétés s’élaborent par intégrations succes-sives, par contaminations, par hybridations et par recompositions incessantes.

« Nos sociétés, dans l’espèce, il s’agit de nations, sont des êtres complexes, constitués d’éléments de natures diverses, les uns physiques, les autres moraux. Elles ne se sont pas formées par simples additions. On peut comparer leur formation à celle d’un cristal. Dans la nôtre, le premier élément qui ait fait cristalliser le mélange, est l’élément celtique. La cristallisation a été si nette que le cristal a gardé ses arêtes franches et ses faces limpides. » (Hubert 1932a, p. 26).

L’image est forte et la parole se fait plus pro-fonde encore quand l’historien diagnostique le fourvoiement épistémologique :

« L’esprit de confusion a soufflé chez les anthropologues quand ils se sont occupés des Celtes, et ils s’en sont beaucoup trop occupés. On s’est préoccupé longtemps parmi eux d’at-tacher des noms propres ethniques à des races pures. Il en a été des Celtes comme des Aryens. On a voulu donner leur nom à l’un ou à l’autre des types physiques régnant en Europe. Tous ne sont pas, heureusement, tombés dans ce travers […] Mais les erreurs simplificatrices, qui sont les plus naturelles de toutes, troublent le langage des sciences longtemps après avoir été ligotées. » (Hubert 1932a, p. 40).

Bien sûr, on a continué après Hubert d’em-ployer sans précautions ce “vieux nom” de Celtes et, sous cette bannière, on a rangé quelques fan-tasmes bien sentis : l’autochtonie, un vieux fond paysan, une énergie vitale et conquérante, tout ce dont l’archéologie n’a pas à connaître, mais dont Gaston Roupnel, par exemple, se fit le chan-tre en temps voulu (Roupnel 1932). Cette vision inspirée ne rompt pas avec l’ancien nationalisme, mais le met au goût du jour. De ce fait, l’ouvrage de G. Roupnel est loin d’être anecdotique : il exprime une perception renouvelée de l’histoire dont l’environnement – c’est-à-dire la terre pay-sanne – constitue une donnée vitale. Cette terre est le berceau d’une race opiniâtre (les Gaulois autochtones) qui s’est mélangée, aux époques his-toriques, avec un peuple neuf (les Celtes), intrusif, impulsif, mais inventif. La synthèse a produit l’eth-nie française, marquée par l’alliance du labeur et de l’esprit. Cette nouvelle vision dualiste marqua les imaginations pour trois ou quatre décennies. Après la guerre, F. Lot publia un ouvrage qui fit longtemps autorité, où il exposait sans détours sa vision des fondements ethniques de la Gaule. Après avoir mis en évidence, en bonne méthode, le rôle de la linguistique indo-européenne dans la définition des Celtes, l’auteur y réglait à l’ancienne le paradoxe anthropologique de la dualité des races. Au passage, il réaffirmait le principe de la continuité ethnique :

« En fin de compte, que les Celtes soient les des-cendants des races néolithiques qui ont occupé la Gaule ou qu’ils soient des nouveaux venus appa-rus vers l’an 1 000 avant notre ère […] le fait est que le Gaulois historique est l’ancêtre du Français et physiquement et moralement dans l’immense majorité des cas […]. Si donc nous voulons nous représenter les Gaulois tels qu’ils étaient au temps où César va les soumettre à Rome, regardons autour de nous nos compatriotes et regardons-nous dans une glace. » (Lot 1947, p. 25-26).

Ses références nous éclairent sur sa méthode et son inspiration. Pour F. Lot, l’anthropologie française de 1947 se situait quelque part entre l’Ethnogénie gauloise de Roget de Belloguet (tou-jours d’actualité, selon lui, soixante ans après sa parution) et l’Ethnie française, livre ouvertement raciste de G. Montandon, de sinistre mémoire10 Malgré ces deux ouvrages, qui ont de quoi nous laisser perplexes, il subsistait dans l’esprit de Lot un doute sur l’origine ethnique des Celtes, mais il en voyait la cause dans l’absence d’une enquête nationale sur l’anthropologie de la France (en

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dépit de l’insistance de Montandon, qui en avait conçu le projet, auprès de Vichy). Nul doute que la génétique des populations comblerait aujourd’hui les vœux de l’un et de l’autre.

Certes, la situation a bien changé en quatre-vingts ans – question d’échelle, surtout : les Gaulois ne sont certainement plus les ancêtres des Français, tandis que les Celtes sont peut-être devenus ceux des Européens. Il reste aux promoteurs de cette idée à préciser à quelle Europe ils pensent. Bien sûr, nous devons nous rendre à l’évidence : l’his-toire de l’ethnogénèse des Celtes ne règlera pas la question de leur ethnicité ni même de celle de leur

identité : cela reste une notion aussi inexplicable qu’incontournable. Tout n’est pas vain, cependant, car chemin faisant, nous avons recueilli un conseil ou peut-être un avertissement :

« Un anthropologue qui parle de Celtes devra toujours se faire violence pour ne pas attacher ce nom comme étiquette à une série de crânes semblables. Mieux vaudrait ne jamais l’employer. » (Hubert 1932a, p. 45).

Les crânes sont démodés, de nos jours : place aux gènes. Ceux-ci, comme les “erreurs simplifica-trices qui troublent les sciences”, sont immortels.

BIBLIOGRAPHIE

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NOtEs

1. Ce concept ayant été utilisé en premier lieu par G. Montandon (cf. infra) dans ses ouvrages antisémites, on a tenté d’en annuler les conno-tations racistes en en faisant la marque d’une communauté culturelle. Par la suite, l’ethnicité est devenue un concept courant du militantisme inter-ethnique, d’essence plus sociale et plus revendicative, insistant sur les droits historiques des communautés.

2. La plus ancienne est sans doute la théorie “des deux races”(Boulainvilliers 1732). À l’origine de cette thèse se trouve un ouvrage (inédit) de l’abbé Le Laboureur (1664), destiné à établir « les preuves des droits et prérogatives attachées à leur rang ». Cette théorie fut réactivée à la chute du Premier Empire : Montlosier 1815.

3. Il y a d’autres raisons à cela : par exemple la querelle sur la reconnaissance de l’âge du Bronze.

4. Cet ouvrage préparé pour la collection de “l’Évolution de l’Humanité”, n’est jamais paru. Le dactylogramme en est actuellement égaré, mais une part significative a pu en être reconstituée à partir de divers manuscrits.

5. À mon sens, cette influence se fait surtout ressentir dans Kossinna (1911a ; 1911b : deux contributions – pour ne rien dire de Kossinna 1921 – qui, sur le plan méthodologique de l’étude du peuplement, se rapprochent de la problématique de Meitzen). Les Celtes n’en sont pas absents puisque Meitzen avait classé les modes de culture et d’habitat des territoires du nord-ouest de l’Allemagne à l’âge du Bronze dans la catégorie de “type celtique” (Meitzen 1895).

6. Notamment chez Fritz Graebner (1924), qui fondait son analyse sur le classement muséographique, tout comme les archéologues scandina-ves, fondateurs de la typochronologie (Graebner 1930). Et comment passer sous silence l’œuvre foisonnante de Leo Frobenius (1904 ; 1940) ?

7. Les théories processuelles (analytiques ou hyper-fonctionnalistes) et post-processuelles sont toutes relativistes.

8. De trois crises ayant eu un impact sur l’archéologie et l’histoire (le totalitarisme, l’impérialisme et le nationalisme), seul le nationalisme a fait l’objet d’analyses approfondies (Kohl, Fawcett 1995 ; Diaz-Andreu, Champion 1996).

9. Cavalli-Sforza signe la conclusion de Renfrew 2000.

10. Ce médecin d’origine suisse fut d’abord membre de l’École d’anthropologie de Paris, avant de devenir, dans les années trente, un théoricien en vue de l’ethnicité, puis un militant raciste et eugéniste et finalement, collaborateur et médecin activiste au service de la déportation des Juifs. Il fut exécuté par la Résistance en 1944. Sur ses théories et son action, cf. Jarnot 2000.

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