La guitare flamenca de 1920 à nos jours - Université de Tours
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UNIVERSITÉ FRANÇOIS – RABELAIS DE TOURS
ÉCOLE DOCTORALE « Sciences de l'Homme et de la Société » Interactions Cutlurelles et Discursives
THÈSE présentée par :
Arnaud PAVIOTsoutenue le : 20 décembre 2017
pour obtenir le grade de : Docteur de l’université François – Rabelais deTours
Discipline/ Spécialité : Études Ibériques / Musicologie
La guitare flamenca de 1920 à nos jours
THÈSE dirigée par :GUEREÑA Jean-Louis Professeur émérite, université François – Rabelais de Tours
THÈSE co-dirigée par :BERLANGA Miguel-Ángel Professeur, université de Granada.
RAPPORTEURS :CHAPUT Marie-Claude Professeur émérite, université Paris NanterreBERLANGA Miguel-Ángel Professeur, université de Granada.
JURY :GUEREÑA Jean-Louis Professeur émérite, université François – Rabelais de ToursGONNARD Henri Professeur, université François – Rabelais de ToursCHAPUT Marie-Claude Professeur émérite, université Paris NanterreBERLANGA Miguel-Ángel Professeur, université de Granada.
1
Résumé
Dans l’imaginaire comme dans la pratique, la guitare et le flamenco sont indissociables. Cette
alliance dure depuis plus d’un siècle et demi. Depuis le creuset andalou, le flamenco s’est peu à peu
formé. D’abord art festif des fêtes privées, il est sorti de ce cadre pour trouver d’autres lieux de
représentation. Ce furent les cafés-cantantes, puis les concours, puis les opéras-flamencos. Il fût
parfois l’objet de controverses et de débats entre les défenseurs de la modernité et ceux de la
tradition.
Le flamenco est une musique immédiatement identifiable pour un auditeur profane. Il est
pourtant constitué d’un nombre important de formes et de familles de formes. L’objet de cette étude
est de montrer les récurrences dans les formes - les palos- afin de pouvoir identifier la forme par
l’analyse rythmique, littéraire et musicale, et en particulier en se basant sur le jeu de guitare.
Mots clés : flamenco, guitare, palos, cantes, analyse, flamenca guitar.
Résumé en anglais
In imaginary as well than in practice, guitar and flamenco music are inseparable . This
alliance last for more than a century and half. From the Andalusian melting pot, flamenco has little
by little formed himself. At first festive art from private parties, he went out to find new places of
representation. That was the cafés-cantantes, then the competitions, then the opéras-flamencos. He
was sometimes the object of controversy and of debates between defenders of modernity and
tradition.
Flamenco is an immediately identifiable music for a profane auditor. But he is constituted of
an important numbers or forms or of form family. This study object is to show recurrences in the
forms – the palos – to be able to identify the form by rhythmical, literary and musical analysis,
particularly basing itself on the guitar playing.
Keywords: flamenco, guitar, palos, cantes, flamenca guitar.
2
La guitare flamenca sous sa forme moderne apparaît aux alentours des années 1850. À la
même époque le flamenco éclot et commence à se développer dans une région connue depuis des
temps immémoriaux pour être une région de brassage culturel et de métissage : l’Andalousie. Elle
fût tout d’abord un comptoir de commerce phénicien puis grec. Elle fût ensuite peuplée tour à tour
par les Ibères, les Romains, les Wisigoths, les Musulmans1. Les cultures de ces différents peuples
vont se mélanger dans le creuset andalou pour créer le flamenco.
Le cante jondo, le chant profond, est le premier chant flamenco. Il est d’origine populaire et
est chanté lors des fêtes ou des réunions de famille. Il intègre des éléments issus du folklore
andalou.
Dans les années 1850, les cafés-concerts connaissent un fort succès en France et en Europe.
Les cafés cantantes espagnols et andalous vont imiter ce modèle. Au sein de ces établissements le
flamenco va trouver un lieu favorable à son développement et à sa popularisation. Le flamenco
rencontre le grand public. Il quitte le cercle de la représentation privé pour devenir un spectacle
professionnel2.
Suite à cela, dans les années 1920 le flamenco s accusé de se pervertir. Fédérico García
Lorca ou Manuel de Falla souhaitent redonner au genre ses lettres de noblesse. A ce titre ils
organisent le Concurso de Cante jondo de Grenade en 1922. Cet événement s’appuie sur une vision
conservatrice du flamenco et de sa tradition. Le concours sera un échec et le retour aux sources
n’aura pas lieu.
Dans l’entre deux guerres le flamenco va au contraire se diffuser dans des espaces encore
plus vastes et toucher un public encore plus large. Avec l’opéra flamenco le flamenco va trouver un
nouveau cadre d’expression. Il est désormais mis en scène dans les théâtres. Là aussi il est accusé
de s’éloigner de sa forme première.
Le flamenco va ensuite être présenté en spectacle dans les peñas et les tablaos. Les peñas
sont des associations de personnes réunies autour de leur passion pour l’art flamenco. Les tablaos
sont les lieux de représentation qui succèdent aux cafés-cantantes.
Dans les années 1960 et sous l’impulsion d’artistes comme Enrique Morente ou Paco de
Lucía, le flamenco va connaître une période de revalorisation. Une créativité nouvelle souffle sur le
genre. Il se libère et change de forme tout en conservant sa base traditionnelle. C’est aussi une
époque d’expérimentations avec plus ou moins de réussites.
1 ARNAUD-BESTIEU, Alexandra, ARNAUD, Gilles, La danse flamenca, Techniques et esthétiques, Paris,L’Harmattan, 2013. p.172 Ibid. p.29.
4
Aujourd’hui le flamenco est un art établi reconnu en tant que patrimoine immatériel de
l’Humanité par l’Unesco en 2010. Sa forme moderne qui mélange encore le chant, la musique et la
danse3 est indissociable de la tradition.
Des origines à nos jours, la guitare sera l’instrument privilégié du flamenco.
3 Cante, toque, baile.
5
1. Le Cante Jondo et les débuts du flamenco professionnel.
Le Cante Jondo est le chant originel du flamenco. C'est la forme la plus ancienne dans le
style même si elle est encore pratiquée. Il constitue la quintessence du style. Il est toujours pratiqué
avec la plus grande rigueur. Aux origines du flamenco, le cante jondo est aussi appelé cante grande.
On distingue aussi d’ autres styles de cante plus léger, comme le cante intermedio et le cante chico.
A partir de 1850 le cante est produit en spectacle les cafés cantantes. Ce sont des cafés
concerts qui accueillent les premiers artistes professionnels de flamenco. Parmi eux on peut citer
Silverio Franconetti4. C'est un payo5 mais il a appris le cante flamenco avec les gitans. On le connaît
pour ses seguiriyas. Il est également connu pour être l'un des premiers artistes à proposer des
spectacles de flamenco. Il donne ses premiers concerts à Madrid dans les années 1850. A partir de
1865 il ouvre des cafés cantantes. Les cafés cantantes se développent tout d'abord dans la capitale
espagnole puis en Andalousie. Partout ils connaissent un fort succès commercial. De fait,le
flamenco sort définitivement des salons familiaux pour se diffuser au grand public.
Antonio Chacon (1869-1929) est l’un des premiers chanteurs vedette du flamenco. Il
commence sa carrière dans un café cantante appartenant à Silverio Franconetti. Dans les années
1900, il est l'un des premiers cantaores à enregistrer des disques de flamenco accompagné par le
guitaristes Javier Molina qui est lui aussi est un payo.
Silverio Franconetti et Chacon sont considérés comme les premiers grands artistes de
flamenco populaires. Un certain nombre d’aficionados de flamenco apprécient pourtant peu leur
manière d’interpréter le flamenco, qu'ils jugent dégradée et dégradante par rapport à la forme
originelle pratiquée par les Gitans andalous. Ils présentent leur art dans les cafés cantantes et
contribuent ainsi à la professionnalisation du flamenco et à sa diffusion. À partir de ce moment le
flamenco connaît un succès populaire.
4 BLAS VEGA, José , RÍOS RUIZ, Manuel, Diccionario enciclopedico illustrado del flamenco, S.L. Cinterco, 1988.5 Non gitan
7
2. Les cafés cantantes (1842 – 1920).
Le premier café cantante ouvre ses portes à Séville en 18426. Il est inspiré par les cafés-
concerts français et parisiens, qui sont très à la mode en France à l'époque. Les cafés cantantes sont
les ancêtres des tablaos. Ils sont un nouveau lieu de représentation populaire pour le flamenco. Cet
art fraîchement formé sort alors du cadre familial pour s'exposer sur scène et devenir un spectacle
public. Le flamenco connaît un important succès dans les cafés cantantes.
La naissance des cafés cantantes est considérée comme un moment de convergenced'une histoire culturelle du Flamenco. Le visage d'une pratique artistique évolue, prendun tournant décisif vers une nouvelle phase de professionnalisation commune aux artsde scène : unité de lieu de représentation, rémunération et organisation par le directeurdu lieu. La réputation de ces nouveaux lieux, où il est offert aux flamencos de pouvoirdonner une représentation, n'est pas toujours des meilleures7.
La période des cafés cantantes marque pour certains le début d'un âge d'or et pour d'autres le
début d'une perte d'authenticité.
Les partisans de l'âge d'or affirment que les palos se définissent pendant cette période. C'est
une étape de formulation, de développement et de structuration des formes du flamenco. Des codes
et des conventions sont admis par les artistes et transmis au public qui les identifie peu à peu. Cette
définition des styles est vrai pour le chant (le cante), pour la musique ( le toque) et pour la danse,
( le baile ).
Dans les cafés cantantes la guitare devient l'instrument d'accompagnement des spectacles.
Elle sera dès lors inséparable du flamenco.
Pour certains aficionados8, les cafés cantantes marquent le début d'une perte d'authenticité.
Le fond aurait été délaissé au profit de la forme. Ils accusent le flamenco d’être devenu un produit
commercial formaté et de s'éloigner de ses racines gitanes. C'est le cas entre autres du poète
Fédérico García Lorca et du compositeur Manuel de Falla. C’est en partant de ce constat et en
souhaitant redonner au cante jondo ses « lettres de noblesse » qu’ils organiseront le Concours de
Cante jondo de Grenade en 1922.
Toutefois la période des cafés cantantes marque une étape importante dans la définition des
6 ARNAUD-BESTIEU, Alexandra, ARNAUD, Gilles, La danse flamenca, Techniques et esthétiques,Paris,L’Harmattan, 2013.p.29.
7 Ibid p.29.8 Le terme aficionado peut être traduit en français par le mot « amateur »
8
différents palos flamenco. Une autre pratique notable est que les artistes qui se produisent dans les
cafés cantantes sont rémunérés. Ce sont artistes professionnels qui jouent régulièrement le même
répertoire de cantes. L’interprétation et la manière de jouer s’affinent. Les formes des différents
palos se fixent peu à peu: au fur et à mesure que les interprétations9 se multiplient on observe
l’apparition de récurrences dans les palos anciens10 et l’émergence de nouveaux palos11 qui vont eux
aussi, à force de récurrences interprétatives, se formaliser.
La seguiriya , la soleá ainsi que les alegrías se définissent de plus en plus clairement au
niveau de leurs formes. Le tango, importé d’Argentine, se développe lui aussi et devient très
populaire. Les chants de ida y vuelta, originaires d’Amérique latine, apparaissent. On peut citer la
guajira ou la milonga, formes originaires de Cuba. Ces nouvelles formes, même s’ils ne rencontrent
pas tout de suite la ferveur des aficionados, sont très appréciées du grand public. Au fur et à mesure
ces nouvelles formes vont elles aussi se formaliser et leur exécution deviendra elle aussi sujette à
des récurrences interprétatives qui définiront par la suite le(s) palo(s).
Un certain nombre d’éléments d’esthétique se formalisent dans les cafés cantantes sous
l’influence des artistes professionnels.
Dans sa thèse, Mercedes Plata Gomez décrit les cafés cantantes :
Établissement public où l'on servait du café, des vins, des liqueurs et où l'on présentaitdes spectacles de chant et de danse flamenco. Les cafés-chantants sont le lieu où lechant, après une première époque d'exhibition restreinte, apparaît devant un public pluslarge. C'est là donc que le chant cesse d'être un art de minorités pour atteindre unediffusion à un public large. C'est là donc que le chant cesse d'être un art de minoritéspour atteindre une diffusion et un enracinement populaire. Les cafés-chantants étaientconçus sur le même modèle général: un salon, le plus vaste possible, décoré de miroirset d'affiches de corrida, où il y avait , outre les chaises et les tables destinées au public,la scène, lieu de représentation du spectacle flamenco. Sur les côtés du salon, des logesétaient habituellement installées pour les clients plus fortunés ; il y avait aussi des piècesattenantes réservées aux fêtes et aux repas de famille. »12
9 Chaque interprétation d’un palo par un artiste est évaluée. Les meilleurs passages sont conservés et réutilisés. Lesartistes s’empruntent entre eux des textes de cante ou des falsetas. On assiste ici à un processus de sélection et derépétition des meilleurs passages interprétatifs.
10 Les palos anciens sont ceux qui ont commencés à être interprétés à la fin du XIXème siècle comme la seguiriya, lasoleá ou l’alegría.
11 En particulier les cantes de ida y vuelta originaires d’Amérique Latine.12 establecimiento público en donde se servían café, vinos, licores y en donde se daban recitales de cante y de baile
flamenco. Los cafés cantantes representan el lugar en que el cante , tras una primera época de exhibiciónrestringida, aparece ante un publico numeroso. En ellos, pues, el cante déjà de ser un arte minoritario paraalcanzar difusión y arraigo popular. Los cafés cantantes estaban instalados alrededor de un patrón general: un
9
Les Bailes de Candil (littéralement « danse à la chandelle ») sont les premiers spectacles
payant de flamenco où des tickets sont vendus. Le spectacle s'appuyait sur des formes de danses
primitives: le zapateado et le zorongo. La danse était accompagnée de percussions et de guitares.13
Les cafés cantantes marquent véritablement le début de l'exploitation publique du flamenco.
Les cafés cantantes existent de 1842 à 1920 et sont pendant sept décennies l'unique lieu de diffusion
professionnelle du flamenco. Les spectacles font intervenir le chant, la danse et la guitare. C'est la
possibilité pour les artistes de percevoir des rémunérations et d'envisager la professionnalisation.
Ce sont des cafés concerts comme il s'en développe en Europe à l'époque, notamment à
Paris. Les premiers cafés-cantantes ouvrent en Andalousie puis à Madrid. Ils connaissent un fort
succès dans les villes où les clients viennent s'y divertir après leur journée de travail.
Le premier établissement voit le jour en 1842, rue de Lombardo à Séville. Dix ans plustard, le phénomène est courant dans toute l'Andalousie, ainsi que dans les grandes villesde la péninsule. [ …] l'Andalousie regorge de ces lieux de spectacle où tous les grandsde l'art flamenco resplendissent sous les feux de cette Belle époque. Les plus grandscafés disposent d'une salle de spectacle pouvant contenir jusqu'à cinq cents places,comme le théâtre Colón de Grenade, en plus de nombreux patios à la disposition desreprésentations pour un public plus fortuné. Les artistes bénéficient peu à peu d'unvéritable statut d'employé à la fin du dix-neuvième siècle, moyennant une compensationfinancière ou un « échange d'artistes » 14
Les cafés cantantes font se rencontrer les artistes de flamenco avec le public. Certains
artistes comme Chacón, Silverio Franconetti ou la Niña de Los Peines acquièrent ainsi une grande
notoriété artistique et accèdent au vedettariat.
Silverio Franconetti ouvre d'ailleurs son propre établissement. En 1870, il fonde à Séville le
« Café de Silverio » où il se produira. De nombreux artistes s’y produiront également. Antonio
Chacón débuta sa carrière dans les cafés cantantes , à Cadix et à Séville. Sa rencontre avec Silverio
Franconetti lui ouvrira de nombreuses portes. Il deviendra par la suite l’un des artistes les plus
salón, lo más amplio posible y decorado con espejos y carteles de toros, en el que además de las sillas y mesasdestinadas al público , se levantaba el tablao en donde actuaba el cuadro flamenco. En los lados del salón solíainstalarse palcos para los concurrentes adinerados, en los sitios colindantes, cuartos reservados para las juergas ocomidas familiares.
13 LE GALL, Vincent, La musique savante pour guitare flamenca de 1956 à nos jours, thèse de doctorat sous ladirection de Pierre-Albert CASTAGNET, Université de Rouen, 2005. p.20
14 Ibid. p.20
10
renommés et appréciés du public.
Le café cantante est aussi le lieu du développement du cuadro flamenco, un groupe
d'artistes dédié au flamenco. Le cuadro flamenco est constitué de chanteurs, de musiciens et
de danseurs. On les appelle respectivement cantaores, tocaores y bailadores. C'est l'orchestre
des cafés cantantes.
15La grande époque dorée du cante flamenco semble avoir été centrée autour des caféscantantes qui surgirent à Séville, Cadix, Jérez, Malaga et d'autres villes andalouses aumilieu du XXème siècle, ce qui ouvrit la voie à la professionnalisation de nombreuxinterprètes et à la concurrence journalière entre eux.16
Les cafés cantantes vont être le lieu de développement et de fixation des formes des
différents palos de flamenco. C'est à cette période et dans ce cadre que sont en partie fixées un
certain nombre des conventions du flamenco pour le chant, la musique et la danse. On y donne une
appellation aux palos et les formes se précisent.
L'essor des cafés cantantes va s'estomper dans les années 20. En effet à cette époque le
public les déserte au profit de l'Opéra flamenco.
Les cafés cantantes marquent aussi le début du flamenco professionnel. Vinciane Trancart
précise dans sa thèse le statut des premiers artistes professionnels 17:
« Dans les années 1860, [...] avec le début du succès des cafés cantantes , les premiersprofessionnels se font connaître comme professeurs. La rémunération lors desspectacles demeure aléatoire mais la guitare devient peu à peu une source de revenus.La fin du siècle correspond au passage à une nouvelle ère: les guitares classique etflamenca accèdent à un nouveau statut. Elles ne sont plus seulement pratiquées commeune activité de détente, mais comme une activité professionnelle pour laquelle unerémunération est recherchée et attendue. »
Pour les artistes de nouvelles opportunités de carrière se précisent. Ceci est vrai pour les
15 La gran época dorada del cante flamenco parece que debe ser centrada en torno a los cafés cantantes quesurgieron en Sevilla, Cádiz, Jerez, Máalaga y otros ciudades andaluzas a mediados del siglo XX, lo cual dio paso ala profesionalización de numerosos intérpretes y la competencia diaria entre ellos.
16 RÍOS RUIZ, Manuel, Introducción al cante flamenco, Istmo, 1972. p.5517 TRANCART, Vinciane, Accords et désaccords. Pratiques de la guitare à Madridet en Andalousie de 1883 à 1922,thèse de doctorat sous la direction de Marie FRANCO, Paris III Sorbonne, 2014.
11
payos comme pour les Gitans. Les artistes gitans peuvent désormais être rémunérés pour leur art et
pour certains en vivre. L’artiste de flamenco devient en quelque sorte une nouvelle catégorie
socioprofessionnelle. C’est le début de grande lignée d’artistes professionnels, la musique se
transmet encore aujourd’hui au sein de ces familles dans la pure tradition gitane.
« Les Gitans vivent alors de la forge, de travaux agricoles ou de la vente de poisson surles marchés: il s’agit d’un milieu simple, encore plus touché par l’analphabétisme que lereste de l’Espagne, ce qui explique la transmission orale du flamenco, essentiellementdans le cadre familial. Fernando el de Triana en vient à parler de castes artistiques, pourévoquer les familles ayant trouvé dans le flamenco la possibilité de vivre d’un artpropre, transmis de génération en génération» 18
Certains diront que les cafés cantantes ont favorisé une vision commerciale du
flamenco au détriment de la pureté originelle gitane. Mercedes Plata Gomez cite A. Machado
y Alvares (Demófilo) dans l'ouvrage Coleccíon de Cantes flamencos. Il y dénonce le fait que
les cantaores d’alors auraient été moins soucieux de la qualité artistique du flamenco proposé
au public que de la rémunération offerte en contrepartie aux artistes pour son exécution. Il
leur reproche également de «s’accommoder au goût du public » et de programmer, à court
terme la mort du cante.
18 TRANCART, Vinciane, Accords et désaccords. Pratiques de la guitare à Madridet en Andalousie de 1883 à 1922,thèse de doctorat sous la direction de Marie FRANCO, Paris III Sorbonne, 2014
12
3. Le concours de Cante Jondo de Grenade de 1922.
C’est également le constat que font en 1922 le poète Fédérico García Lorca et son ami le
compositeur Manuel de Falla.
Au début du XXème siècle le flamenco s'est largement popularisé. De plus son succès
populaire trouve un écho dans les milieux intellectuels et chez les artistes. On peut citer par
exemple Isaac Albéniz avec sa « Suite Espagnole » composée en 1892 et dont est extrait
« Asturias », célèbre transcription pour guitare classique.
A la fin du XIXème siècle l'écrivain, anthropologue et flamenquiste Antonio Machado y
Álvarez « souligne la difficulté interprétative du flamenco »19 :
« À l’exception des cantaores et des amateurs, que nous appellerions dilettanti s’ils’agissait d’opéras, le peuple ne connaît pas ces coplas; il ne sait pas les chanter [...]».
C'est ce constat qui va inciter Falla et Garcia Lorca à se lancer dans le projet du festival de
Cante jondo de 1922 qu’ils l’intituleront Concurso de Cante Jondo de Granada.
Vinciane Trancart précise :
« Il existe aux yeux du flamencologue une méconnaissance du genre qui est en partiedue à sa complexité, ce qui explique, pour lui, que le flamenco soit un art réservé à uneélite restreinte. En raison de cette difficulté technique, la guitare flamenca peut, à safaçon, être considérée comme un instrument savant, de même que la guitareclassique »20.
Voilà deux constats que font aux début du XXème siècle les flamencologues: d’une part le
public ne connaît pas les coplas en tant que forme littéraire ou poétique, et d’autre part la guitare
flamenca n'est pas reconnue à sa véritable valeur artistique.
C'est également le constat que fait le poète Fédérico Garcia Lorca. Il s'intéresse à la copla
flamenca qui est à l'époque également regroupée sous les appellations de cante jondo, de copla
19 TRANCART, Vinciane, Accords et désaccords. Pratiques de la guitare à Madridet en Andalousie de 1883 à 1922,sous la direction de Marie FRANCO, Paris III Sorbonne, 2014.
20 Ibid
13
andalouse, ou de siguiriya. Il a l'idée d'organiser un concours de Cante jondo à Grenade. Toutefois
le projet n’aurait jamais vu le jour sans le soutien moral et la caution artistique du compositeur
Manuel de Falla.
Manuel de Falla fait partie des artistes éminents qui sont à l’époque directement influencés
par le flamenco21. Comme Fédérico Garcia Lorca il souhaite revenir aux sources du cante jondo et
de la seguiriya qu'ils estiment corrompus. Ils entendent redonner ses lettres de noblesse à la copla
andalouse et au cante.
A ce titre et afin d'expliciter leurs motivations, les futurs organisateurs Falla et Lorca
rédigent conjointement un document qui prend la forme d'un manifeste intitulé « El Cante jondo,
cante primitivo andaluz »22.
Ce court ouvrage est remarquable dans l’histoire du flamenco et de son étude. D'abord il est
écrit par deux artistes éminents. Le poète Lorca y explicite le cante jondo, la siguiriya et la copla.
Falla de son côte développe des arguments d'ordre musicologique et ethnomusicologique. Ce court
ouvrage étudie le flamenco en tant qu'art mais aussi sur le plan sociologique. Le manifeste est l’un
des documents littéraires majeurs de la flamencologie.
Falla y précise les origines du flamenco:
« Dans l'histoire espagnole il est trois faits […] de manifeste pertinence dans l'histoiremusicale : a) l'adoption par l’Église du chant byzantin, b) l'invasion arabe et c)l'immigration et l'établissement en Espagne de nombreuses bandes de gitans »
L'objet du concours de Grenade de 1922 est de « faire découvrir et [de] purifier les éléments
de la musique populaire andalouse23». Il souhaite aussi favoriser un retour aux sources du flamenco
que Lorca estime corrompu. L’objectif ce concours est de redonner un nouveau souffle à la forme
que les organisateurs jugent dégradée.
Le manifeste écrit par Lorca et Falla marque en quelque sorte les débuts du flamenquisme, à
savoir la volonté de certains artistes de revenir aux valeurs fondamentales antérieures du flamenco.
Falla s'associe donc avec le poète García Lorca pour publier conjointement le manifeste du Cante
jondo : El Cante jondo, canto primitivo andaluz. Ils reçoivent le soutien d’autres artistes et
21 «Danza ritual del fuego» de Falla, composée en 1915, est un exemple de ces compositions inspirées par le flamenco.22 GARCÍA LORCA, Federico, FALLA, Manuel, El « Cante jondo », (cante primitivo andaluz), Urania, Grenade,
1922. 23 C’est la traduction littérale du manifeste de 1922.
14
organisent le concours de Grenade en 1922. Comme le dit justement Eric Perez 24, l’objectif de ce
concours est la conservation et la promotion socio-culturelle du flamenco.
[…] en 1921 García Lorca avait écrit son Poema del cante jondo, marquant par cetteœuvre son attachement au cante,[…] L'enracinement du poète sur sa terre natale est lemoteur principal de cette noble entreprise. 25
Le jury du concours sera présidé par le chanteur vedette Antonio Chacón26. Parmi les artistes
qui se joignent à eu on peut citer le compositeur Felipe Pedrell27 ou le guitariste Andrés Segovia28.
Le concours est interdit aux artistes professionnels. Il révélera entre autres artistes Manolo
Ortega – agé de 13 ans à l'époque, il s'agit de Manolo Caracol 29-, Pastora Pavón30 – La Niña de los
Peines-, Manuel Torre31, ou les guitaristes Ramon Montoya32 et Manolo de Huelva33.
Le Concours de Cante Jondo de 1922 est le premier concours de flamenco. Il n’aura pas les
répercussions qu’auraient souhaité ses instigateurs. Toutefois il est l’expression d’une volonté de
comprendre les origines du flamenco et de les présenter à nouveau au public. Il inspirera d’autre
part les futurs concours de flamenco, nombreux, qui se développeront à sa suite.
4. L'entre deux guerres et l’Opéra flamenco.
24 PEREZ, Éric, Flamenco parcours d’un art, PUL, 1992. 25 TRANCART, Vinciane, Accords et désaccords. Pratiques de la guitare à Madridet en Andalousie de 1883 à 1922,
sous la direction de Marie FRANCO, Paris III Sorbonne, 2014. p.2226 (1869-1929)27 (1841-1922)28 (1896-1987)29 (1909-1973)30 (1890-1969)31 (1878-1933)32 (1880-1949)33 (1892-1976)
15
L'opéra flamenco se développe dans les années 20. Dans l'opéra flamenco, le flamenco se
met en scène et en décors sur des accents baroques. Pour certains, il marque le début d’une nouvelle
période de décadence ou du moins d’appauvrissement de l’art flamenco.
Il est sûr que l’opéra flamenco s’éloigne du flamenco originel, que ce soit au niveau du
cante, du toque, ou du baile. Le flamenco en entrant dans les théâtres prend une nouvelle
dimension, adaptée à ces salles de spectacles immenses : l’art pur cède la place à une forme qui
s’apparente plus au divertissement. Le répertoire est jugé par les aficionados, - et ce à juste titre-
comme plus commercial.
C’est aussi une période de modification du chant primitif. La virtuosité des interprètes
augmente proportionnellement à la taille des salles où le flamenco est désormais représenté.
L'opéra flamenco se déroule dans les grands théâtres espagnols. Ce sont des nouveaux lieux
de diffusion du flamenco. Ils attirent un public nouveau. L'un des vecteurs de ce développement est
sur le plan musical l’utilisation de l'orchestre classique pour l'accompagnement. Sur certaines
grandes scènes l'orchestre va remplacer la guitare :
« Dans les années 20 de notre siècle, la diffusion du flamenco subit une nouvellerévolution : le café cantante comme lieu de spectacle cède la place peu à peu auxthéâtres et aux arènes. »
« les spectacles d' ópera flamenca pouvaient être assez hétéroclites : outre le genreflamenco ils incluaient des divertissements très variés tels que des numérosd’illusionnisme ou des combats.34 »
La période de l'opéra flamenco est considérée par certains comme une époque de
dégradation du flamenco sur le plan esthétique et sur celui de la « pureté originelle ». Elle est aussi
une période où évoluent de grands cantaores comme Chacón, Manuel Torre, Pastora Pavón « Niña
de los Peines », ou José Cepero.
Les spectacles sont produits dans toute l'Espagne. L'«élément non-gitan du chant » se
propage. La pratique de la guitare est réduite. Des chants sont intégrés au répertoire du flamenco,
comme les chants de Ida y vuelta, les caracoles et les levantins.
5. Les peñas et les tablaos.
34 PLATA GOMEZ, Mercedes, Le flamenco contemporain entre tradition et évolution : Camaron de la Isla (1969-1992), sous la direction de Serge SALAÜN, Université Paris III Sorbonne, 2000.
16
a. Les peñas.
Le flamenco a généré une sociologie propre qui dépasse l'échelle locale et atteint unniveau national: les peñas flamencas. Ces dernières contribuent, dans leur ensemble, àla visibilité et à la transmission du patrimoine immatériel.35.
Après l'opéra flamenco qui se tenait dans des théâtres, le flamenco trouve dans les peñas
flamencas un nouveau lieu de diffusion. Ces structures sont gérées par des associations. La première
est « la Plateria de Grenade », elle ouvre ses portes en 1949 et existe toujours aujourd'hui. On peut
également citer les penas « Juan brava » à Malaga, « El pozo de las penas » à los Palacios, »El
taranto »à Almeria, « Torres macarena »à Séville et « El Ricon del Cante » à Cordoue. Ces
associations se développent d'abord en Andalousie puis dans toute l'Espagne.
Manuel Rios Luis précise le rôle des peñas 36:
« Les penas sont amenés à réaliser une mission fondamentale autour du flamenco :assurer son activité.[...] regrouper les amateurs de toute sphère sociale autour duflamenco, pour l'entendre, l'étudier, donner des avis sur les artistes, les styles, lesdisques d'hier et les enregistrements d'aujourd'hui.
Les peñas sont des lieux associatifs populaires et fréquentés qui participent aujourd’hui de la
pratique et de la diffusion du flamenco.
b. Les tablaos.
Les aficionados se réunissent également dans les tablaos. Ce sont des salles plus petites dont
la taille est plus proche de celle des cafés cantantes. Eux sont aussi largement fréquentées par les
touristes. Ils sont appréciées par les jeunes artistes pour qui ils représentent une chance de se
produire. En revanche cette vision « touristique » et « folklorique » du flamenco ne correspond pas
à la conception de leur art qu'ont les artistes professionnels.
6. La revalorisation des années 60.
35 UNESCO, Convention pour la sauvegarde du patrimoine immatériel, 2010. p.736 RÍOS RUIZ, Manuel, Introducción al cante flamenco, Istmo, 1972.
17
Dans les années 1960 les styles originels sont rejoués. Des concours sont organisés avec
comme motivation cette revalorisation et cette remise en lumière des anciens styles. On peut entre
autres citer le Concurso National de Cante jondo , devenu aujourd’hui le Concurso national de
arte flamenco. Le cantaor Enrique Morente fait partie des instigateurs de ce festival. De nombreux
artistes de flamenco lui apporteront leur soutien.
Parmi les artistes récompensés à ce concours citons José Menese37, Paco de Lucía38, Victor
Monge « Serranito »39, Vicente Amigo40, Paco Cepero41, Paco Peña42, José Mercé43 …
C'est aussi l'essor de la flamencologie. Amateurs, spécialistes et universitaires traitent le
sujet.
Du point de vue artistique , depuis ces années 50, une vie florissante s'épanouit à traverstrois courants flamencos :1. Un flamenco à l' « ancienne » qui recherche l'authenticité,ou du moins une authenticité. 2. Un flamenco « néoclassique » hérité du BalletFlamenco 3. Un flamenco « avant-gardiste » qui n'a eu de cesse de se consacrer à desfusions et autres explorations, toujours en privilégiant la recherche de formesnouvelles44.
C'est une époque où le flamenco reçoit dans sa globalité de nouveaux apports qui vont
nourrir le style pour les décennies suivantes et marquer durablement le flamenco. Les inspirations
extérieures au genre sont diverses et variées. Quelques décennies plus tard ce courant novateur aura
conquis le flamenco. On peut citer par exemple l’album Entre dos aguas de Paco de Lucía (1973)
qui inaugure une nouvelle organisation de l’orchestre de flamenco45. On peut aussi mentionner La
leyenda del Tiempo de Camarón (1979) qui mélange le flamenco avec une instrumentation issue de
la musique rock (1979). Ce sont deux albums qui s’éloignent de l’esthétique traditionnelle du
flamenco.
7. Les concours.
37 (1942-2016)38 (1947-2014)39 (1942- …) 40 (1967- …)41 (1942- ...)42 (1942-...)43 (1955-...)44 Ibid p.3345 Avec notamment des percussions et de la basse électrique.
18
L'organisation de concours de flamenco permettra de poursuivre la revalorisation du
genre entamée dans les années 5046.
a. Concurso Nacional de Arte Flamenco de Córdoba 1955
En 1956 le premier concours est organisé avec le soutien de la Mairie de Cordoue. Le
« Concours National de Cante Jondo » , qui deviendra en 1965 le « Concours National d'Art
Flamenco », juge le chant, mais aussi la guitare et la danse. Il consacre le flamenco en tant que
musique savante. C'est le plus prestigieux des concours de flamenco.
La guitare est divisé en deux catégories, solistes et accompagnement.
La guitare d'accompagnement est récompensée par le prix Manolo De Huelva.
L’accompagnement est jugé sur deux chants, l'un « a compás », l'autre à « caractère libre »,
plus une danse à accompagner dans son intégralité. Les concurrents sont libres d'accompagner leurs
propres cantaores ou les cantaores officiels du concours. Parmi ses lauréats on peut citer Juan
Carmon Habichuela47, Paco Cepero48, Paco Serrano49, Antonio Soto50.
Le prix Ramon Montoya51 récompense les guitaristes solistes. La guitare soliste est jouée
seule, sans accompagnement d'aucune sorte ni danse. La forme est libre, et il est autorisé de jouer
plusieurs palos.
Parmi ses lauréats célèbres citons Paco de Lucía, Victor Monge Serranito, , Rafael Riqueni52,
Manuel Domínguez53 (il gagne les deux prix de guitare en 1980), Paco Péna54, Vicente Amigo55,
Paco Serrano ou encore Manolo Sanlucar56.
Le concours s'attache à promouvoir un flamenco pur dans la lignée de la tradition. Certains
accusent le concours d'impartialité. Le jury est en effet composé de personnes influentes dans le
milieu du flamenco. Les enjeux du concours sont élevés pour la renommée artistique des
participants et des vainqueurs. La victoire à ce type de concours assure aux artistes une certaine
reconnaissance par la communauté flamenca.
46 LE GALL, Vincent, La musique savante pour guitare flamenca de 1956 à nos jours, sous la direction de Pierre-Albert CASTAGNET, Université de Rouen, 2005.
47 ( 1933-2016)48 (1942-...)49 (1964-...)50 (1897-1963)51 (1880-1949)52 (1962-...)53 (1946-2006)54 (1942-...)55 (1967-...)56 (1943-...)
19
Dans le résumé de son livre Tauromachie et flamenco : polémiques et clichés, Espagne fin
du XIXe – dédut XXe siècles,57 Sandra Alvarez introduit bien le flamenquisme :
Entre le XIXe et le XXe siècle, alors que le flamenco et la tauromachie étaient lesambassadeurs de la culture espagnole à l'étranger, ils devenaient, en Espagne, l'espacede déchirements internes. Face à cette image futile ou sauvage, émerge, en Espagne, unfront " anti-flamenquiste " qui lutte à la fois contre le flamenco et les corridas. Laquerelle des partisans et des détracteurs n'est pas si simple qu'il y paraît. Ce livre tentede comprendre pourquoi un très grand nombre d'intellectuels, de journalistes etd'hommes politiques ont alors rejeté ces deux aspects incontournables et populaires dela vie artistique espagnole. Le débat sur la nocivité des corridas et des cafés chantantsrenvoie aux questions essentielles que la nation espagnole se pose sur son identité et surson devenir. Ces polémiques révèlent la difficulté qu'ont eue les Espagnols à se définirculturellement et à se construire identitairement. Elles montrent surtout la complexitédes rapports qu'entretiennent, à une époque de tensions et de mutations, l'Andalousie etle reste de l'Espagne.
a. Flamenquisme et franquisme.
«Je trouvai la guitare captive du flamenquisme, en dépit de l’effort si remarquable pourla sauver réalisé par «Saint» Francisco Tárrega et je tâchai de la hisser jusqu’auxsphères les plus hautes de la vie musicale» Andres Segovia
L'écrivain et flamencologue Fransisco Almazán, dans son article intitulé « 50 años de
nacional flamenquisme » et publié dans la revue Triunfo, explicite les ressorts à l'origine du
flamenquisme ou plus exactement le « national-flamenquisme ». Il délimite la période national-
flamenquiste entre deux concours de cante, celui de 1922 organisé par Lorca et Falla et 1972, date à
laquelle avait lieu la cinquantième édition du Concours de Grenade. Il s'agit en fait de la période où
le flamenquisme est repris et soutenu par les nationalistes.
Ce mouvement souhaite un retour aux valeurs originelles du flamenco accusé de s'être
corrompu dans les cafés-cantantes.
Lorca soutient cette idée lorsqu'il organise le Concours de 1922. Il souhaite de même
réhabiliter les Gitans et leur musique et ses racines andalouses. Il évoque dans le manifeste
préalable « l'idée patriotique et artistique [du] concours »58, dans une vision nationaliste donc.
57 ALAVAREZ, Sandra, Tauromachie et flamenco : polémiques et clichés, Espagne fin du XIXe – dédut XXe siècles ,L’Harmattan, 2007. p. résumé
58 GARCÍA LORCA, Federico, FALLA, Manuel, El « Cante jondo », (cante primitivo andaluz), Urani
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Aux portes de l'Espagne, la France connaît à l'époque une forte croissance économique. A
cette époque, l'Espagne a raté sa révolution industrielle et affiche un fort retard économique. Les
élites intellectuelles et la bourgeoisie ont une influence limitée et ne jouent pas le rôle de catalyseur
qu'ils ont pu exercer en France ou en Russie même si la direction politique ou le choix social sont
différents.
Selon F. Almazán ce changement qui s'opère est lié à « l'apparition sur la scène historique du
peuple, qui va prendre conscience de sa condition et de la nécessité de se regrouper en associations.
[…] On parle aussi « d'éducation pour adultes », de culture populaire»59.
L 'Espagne connaît à l'époque un « déplacement géographique historique entre une société
archaïque et une société urbaine industrielle, et avec ces changements une nouvelle conception de
[la] culture.[...]. Le support social basique est modifié. ».
Il en est de même du travail qui change d'orientation avec la diminution du nombre
d'employés agricoles et l'augmentation du nombre d'ouvriers. Les populations affluent des
campagnes vers les villes avec une conception nouvelle de la culture populaire, de l'art populaire et
du cante.
Le flamenquisme originel consiste en l’attachement à une tradition du flamenco et à la
volonté de préserver le genre dans son essence originelle.
Le flamenquisme va conserver ces valeurs pendant la Seconde République et jusqu'à la
Guerre civile qui sera remportée par les Nationalistes avec à leur tête le général Franco.
Un certain nombre des valeurs du flamenquisme seront exaltées par le régime franquiste
après sa victoire comme outil de propagande et de cohésion nationale. Franco, grand amateur de
flamenco, l'utilisera comme l'un des symboles nationalistes, au même titre que la tauromachie.
Lorca, même s'il dénigrait la politique était notoirement proche de l'extrême gauche et des
anarchistes. Il sera exécuté par les milices franquistes et ses œuvres censurées jusqu’en 1953.
Le flamenquisme inscrit le flamenco dans un système social et d'idéologies. Le
flamenquisme et le franquisme possèdent un certain nombre de convergences idéologiques. Pour les
comparer on peut s'inspirer de l'étude de convergence idéologique qu'avait établi Joan-Pere Pujol60
pour comparer le franquisme à la tauromachie :
Comparaison des systèmes de valeurs du flamenquisme:
59 ALMAZÁN MARCOS, Fransisco, 50 años de nacional flamenquismo, Triunfo, Año XXVII, n°510, Pléyades, 1972.60 PUJOL, Joan Pere, Franquisme et tauromachie, texte de Conférence, 2009.
22
– l'exaltation de la forme traditionnelle et de la pureté
– la rigueur de l'interprétation
– l'esthétisme pour une élite
– la forme pure est détenue par les initiés qui seuls peuvent la comprendre
– le poids de la tradition et des grands cantaores
– l'appartenance ethnique à un groupe, les gitans, la famille.
Comparaison des conceptions sociétales du franquisme :
– le totalitarisme : les formes strictes du cante, les coplas, les compas.
– Le parti unique, les milices : la famille gitane et les aficionados
– la hiérarchie politique et sociale : cante, toque, baile s'expriment chacun à leur tour dans
ordre déterminé.La hiérachie entre les cantes, certains étant jugés plus nobles que d’autres.
Le recours à la figure de la mère, centre de la famille ou à celle du cantaor, comme « chef »
de famille.
– La propagande : la répétitivité et le caractère obsessionnel du cante.
Ces systèmes de valeurs et ces conceptions sociétales vont s'appliquer jusqu'aux années 60.
En 1959, Franco met en place un « plan de stabilisation » qui met fin à l'autarcie espagnole. C'est le
début du « désarrollismo 61», une période de croissance économique. C'est aussi le début de
l'agitation étudiante. Des artistes comme Enrique Morente vont participer au mouvement libertaire62
qui se développe de façon conjointe. Cette aspiration à la liberté va s'exprimer dans les cantes et le
flamenco va pouvoir se renouveler. Il s’exprimera aussi dans la musique qui suit la vague libertaire
entamée dans les années soixante et qui se poursuivra par la suite. Le flamenco connaît dans les
années 60 ses premières évolutions depuis les années 20.
Enrique Morente et Camarón pour le cante, Paco de Lucía pour le toque, seront les figures
de proue de cette nouvelle vague.
61 Trad. Desarollo signifie Développement en français. Le terme « desarollismo » est traduit par le dictionnaireLarousse par « développement à outrance »
62 Enrique Morente - El Nino Juntero . Enrique Morente est un artiste de flamenco né en 1942. Il est le père de lachanteuse Estrella Morente.
23
Le desarollismo et la mort de Franco en 1975 marqueront le début du déclin et la fin
définitive du flamenquisme. Les formes anciennes seront toutefois conservées et jouées de façon
pure par certains artistes comme Antonio Mairena – le mairenisme sera même un courant de
flamenco dont le but est de respecter à la lettre la tradition du cante jondo- mais les nouvelles
formes prendront une place de plus en plus importante dans le flamenco. Certaines de ces nouvelles
formes resteront comme des expériences ou des recherches esthétiques et ne seront pas conservées à
long terme63 mais d'autres perdureront pour donner un flamenco nouveau.
b. Influence du franquisme sur le flamenco.
« Los pueblos que más cantan son los que más sufren »6465
On ne peut douter que l'autoritarisme du régime franquiste ait eu une influence directe ou
indirecte sur le flamenco et l'on peut s'interroger sur la manière dont le franquisme a influencé le
flamenco. Pendant toute la période franquiste l’État espagnol vit en autarcie.
A la sortie de la Seconde Guerre mondiale l'ONU pratique un blocus contre l’État espagnol
pour avoir soutenu l'Axe. L'Espagne est donc isolée du reste de l'Europe et du monde à la fin de la
Seconde Guerre mondiale et ce jusqu'à la fin de la période franquisme même si les années qui
précèdent la mort de Franco marquent une détente notable.
Le flamenco qui est déjà un style rigide comme le prouve le mouvement flamenquiste, va
subir l'enfermement culturel qui résulte du franquisme. De fait les artistes de flamenco ne
profiteront des apports culturels des autres musiques que dans la dernière moitié du XXème siècle.
Le flamenco va donc se développer de façon autonome et indépendante, avec peu d’ingérence
extérieure66, qu'elle soit stylistique, thématique ou technique. La musique qui en découle est donc
spécifiquement espagnole dans sa conception harmonique et rythmique.
63 On peut à nouveau citer l’album La Leyenda del tiempo de Camarón parue en 1979. avec entre autres Tomatito à laguitare.
64 DE PRADO Nuño, Cantaores andaluces : historias y tragedias, Tipografía de la Casa Editorial Maucci, Barcelona,1904. p.1 ?
65 « Les peuples qui chantent le plus sont ceux qui souffrent le plus. »66 À part peu être les cantes de ida y vuelta qui sont populaires dès les années 1920.
24
L'austérité du régime franquiste est également palpable dans la musique et dans
l'interprétation. Le flamenco fait rarement appel à des ressorts joyeux. Il exprime plus souvent une
souffrance, une douleur. Jusqu'aux années 70, le flamenco sera un style où la légèreté sera
quasiment absente.
La rigueur de la dictature se ressent dans le cante. Le cantaor est souvent placé dans un rôle
central, patriarcal comme la figure du dictateur. Le cante est interprété avec un extrême sérieux, on
pourrait dire avec une certaine responsabilité, en tout cas avec une forme d'éthique.
Il en est de même du jeu de guitare qui est lui aussi traité avec la plus grande rigueur. Le
tocaor se voit imposer de jouer de façon rigoureuse dans des structures complexes.
L'autarcie de l’État espagnol commence en réalité en 1939 soit à la fin de la Guerre civile et
au début de la Seconde Guerre mondiale et s'achève avec la mort de Franco en 1975. Pendant toute
cette période les artistes ne pourront pas écouter les productions étrangères et ne seront donc pas
influencés par les révolutions musicales qu'ont pu être le jazz ou le rock par exemple. Ce retard
dans l'assimilation de nouveaux concepts musicaux se ressentent encore actuellement. Ainsi les
artistes de flamenco ont ils des difficultés à assimiler et à restituer des formes comme le jazz.
De même on ressent les effets de cet enfermement au moment de l'ouverture à l'international
des années 70. C'est à cette époque que sont par exemple utilisées les premières guitares électriques
par des artistes de flamenco. Il faut savoir que les premières guitares électriques performantes sont
attribués à Gibson en 1936 et sont commercialisées sous le nom « Electric Spanish » ou ES 15067.
Quand les guitaristes espagnols ont pour la première fois dans les mains ce genre
d’instruments, ils l’utilisent de façon tout à fait originale.
De même l'autarcie va produire un phénomène inverse, la guitare flamenca va devenir une
forme en soi pratiquement impossible à reproduire pour un guitariste étranger au premier abord. On
assiste aussi à un phénomène intéressant qui est que les artistes reprennent des parties de cantes ou
des falsetas d'autres artistes qu'ils intègrent dans leur propres compositions.
Le franquisme va donc influencer par force le flamenco. Cette influence se ressent surtout
dans une concentration stylistique et dans une absence d'inspirations extérieures. Il en résulte un
style extrêmement rigoureux et pur.
De même les thèmes et les mélodies sont très codifiées et rigides ce qui fait du flamenco une
musique relativement hermétique aux influences extérieures. Cette rigidité et cet hermétisme vont
devenir une des caractéristiques du style.
67 Source Wikipédia.
25
A partir des années 70 des artistes de flamenco comme Enrique Morente ou Paco de Lucía
vont vouloir faire sortir la musique flamenco de cet hermétisme et vont créer des ponts avec
d’autres styles de musique comme la pop-music où le jazz.
26
Deuxième partie :Le cante flamenco
Le flamenco n’est pas qu’un chant ou une musique. C'est un art convergent
qui fait intervenir en son sein plusieurs disciplines artistiques : le chant, le cante, la musique, le
27
toque, et la danse, le baile68. Ces trois facettes du flamenco font de lui un art aussi complet que
complexe.
Sur le plan musical le flamenco est également une originalité. Le flamenco est construit sur
des structures harmoniques qui lui sont propres. Les cadences utilisées en flamenco sont souvent
différentes des autres modèles de musique69. De même pour les modes utilisés : le vocabulaire
modal du flamenco doit être étudié.
Le flamenco possède une seconde originalité au niveau de sa structure rythmique : le
compás flamenco. Il existe différents compás avec des structures binaires ou ternaires, de quatre70
ou six71 temps...mais la véritable originalité du flamenco réside dans ses compás d’amalgames de 12
temps avec son système d'accentuation spécifique de temps fort et de temps faibles.
Parmi les nombreuses originalités du style on peut aussi citer l'accompagnement par les
palmas. Il est assez peu courant en musique de jouer des rythmes à mains nues comme dans le
flamenco72. D’autant que les rythmes utilisés en flamenco sont parfois complexes. Le flamenco a
développé un système d’accompagnement rythmique polyphonique basé sur l’utilisation des
battements de mains. Parfois ils peuvent simplement être joués en frappant simplement sur une
table comme on le voit dans de nombreuses captations vidéographiques de cantaores.
Il en est de même des falsetas de guitare , ces morceaux d'improvisation, qui sont parfois
des petites compositions pour guitare, développés à l’intérieur des palos. Les falsetas constituent
elles aussi un univers particulier avec son vocabulaire, ses codes. L'accompagnement également
avec ses nombreux rythmes, ses techniques d’accompagnement et ses différents
rasgueados .Chaque palo obéit à un certain nombre de règles plus ou moins rigides que doivent
connaître et respecter les interprètes du cante, du toque ou du baile. Les palos ont des structures
codifiées avec leur propre vocabulaire de référence : llamada por alegría ou por solea, falseta por
fandango, tiri ti tran de l' alegría.
Peu d'arts savent faire converger plusieurs disciplines artistiques comme sait le faire le
flamenco.
68 On pourrait ajouter parmi ces disciplines artistiques les vêtements que portent les artistes, en particulier lesdanseuses, et pourquoi pas la lutherie, puisque la guitare de flamenco est d'origine andalouse.
69 La cadence II b / I par exemple par rapport à la traditionnelle cadence V / I , Dominante / Tonique ex : F / E au lieu de B7 / E , dans les soleás, les bulerías, les seguiriyas par exemple.
70 tango71 fandango72 Il existe un équivalent en musique brésilienne : dans la musique samba ou le pagode la palma da mao est
l'accompagnement que joue le public.
28
Le cante, le chant flamenco est la base du flamenco. Il est la racine de cette musique. Le
chant flamenco possède plusieurs appellations: cante, cante hondo ou jondo, cante flamenco. Le
terme cante jondo désigne littéralement le « chant profond ». Lorca et Falla le qualifient en 1922 de
« chant primitif andalou »... Nous le désignerons ici sous le nom de cante. L'interprète du flamenco
est désigné par le terme cantaor ou cantaora s'il s'agit est une femme.
Le cante s'est développé en Andalousie dans la dernière moitié du XIX ème siècle. Il est une
spécificité andalouse. Il est d'ailleurs profondément ancré dans la culture régionale dont il est issu.
Il tire sa spécificité du brassage culturel et artistique andalou, et d’un certain nombre de
convergences artistiques. Ses particularités sont liées à une géographie et à une histoire. C'est dans
ce creuset qu'il s'est constitué. Ainsi lorsque l'on écoute du chant flamenco ressent-t-on les
nombreuses influences qui ont traversé l'Andalousie au cours des siècles73.
Le cante s'est constitué par amalgame. Les racines de ce chant sont lointaines pour certaines.
Les gitans provenaient originellement du nord de l'Inde. On trouve, même à l'heure actuelle, des
ressemblances entre le flamenco et la musique et la danse du Rajasthan ou du Penjab, deux régions
situées au nord de l'Inde.
On ressent aussi une inspiration orientale lorsqu'on écoute du flamenco. Les siècles de
gouvernance Oméyyade et Abbasside de la péninsule ibérique et les mélopées maures ont influencé
cet art74. Les échanges avec le Maghreb également. Mais le cante est aussi influencé par les chant
traditionnels andalous, ou par la séguedille castillane.
Certains cante, dit de ida y vuelta, d'aller-retour, sont d'origine sud-américaine comme les
colombianas ou les tangos qui furent rapportés en Andalousie par les voyageurs de retour des
anciennes colonies espagnoles d’Amériques. Sous son caractère immédiatement identifiable pour
l'auditeur se cache un art composé de nombreuses formes d'expression.
Le flamenco est chanté indifféremment par un homme ou une femme. Le cante flamenco est
un art expressif qui impose que son interprète maîtrise à la fois le fond et la forme. Le répertoire du
cante est constitué d'un certain nombre de chansons traditionnelles ou de phrases extraites de ces
chansons.
Le cantaor de flamenco emprunte souvent son vocabulaire dans répertoire de ses
prédécesseurs et il n'est pas rare de retrouver dans une composition personnelle contemporaine des
extraits de paroles empruntés à d'autres artistes. Le cante laisse une large place à l'expression et à la
composition personnelle.
73 L'utilisation de notes conjointes dans le chant et l'accompagnement harmonique avec un seul instrument par exemple74 Il en est de même pour la guitare où l’on ressent bien souvent l’influence de la musique pour le oud
30
Le cante est l'expression vocale du flamenco qui s'inscrit dans des formes et desstructures acceptées par les individus et les communautés qui y participent.[...]. Il estperçu par l'ouïe et par sa plastique. Sa forme d'exécution est identique pour les hommescomme pour les femmes. Il fusionne la tradition orale et collective ainsi que la créationpersonnelle. Il est fondé sur des structures musicales diverses appelées chants, styles oupalos. Le cante permet d'exprimer tous les sentiments et tous les états d'esprit: la peine,la joie, la tragédie, l'allégresse, la peur, etc., à travers des paroles fruit de l'expressivitépopulaire et caractérisées par leur brièveté et simplicité.75
« la voix flamenca prend son origine dans le souffle, qui se transforme au contact descordes vocales du larynx, et qui est sculpté au niveau des résonateurs pharyngaux etbuccaux. Au lieu de considérer le souffle comme la première étape du trajet sonore, ellel'appréhende comme une matière qui garde les traces des différents impacts rencontréstout au long de l'appareil vocal. La voix flamenca peut utiliser comme point d'appui ,l'abdomen ou la poitrine selon la technique vocale. Elle envoie respectivement, soit àune attitude relâchée qui concerne l’effort musculaire sur la région stomacale, soit uneattitude tendue qui s'ancre dans cette partie du corps, en prenant appui sur leflamenco. »76
Le cante obéit à un certain nombre de règles et de conventions que doivent connaître les
chanteurs interprètes. Le cantaor de flamenco doit être capable de chanter les différents palos
flamencos. Une fois ces règles acquises et assimilées, le cante est un espace de création et
d'expression ou les cantaores peuvent laisser libre cours à leur imagination, sous condition de
respecter la forme, et composer leurs propres cantes.
Le cante est constitué d'un grand nombre de palos qui sont des appellations qui désignent
des formes harmoniques, rythmiques77 et littéraires. La plus primitive de ces formes, le palo
fondamental sur lequel s'est crée le flamenco, est la tonás, un chant a capela. Comme les autres
palos qui constituent cet art, elle s'est formalisée au milieu du XIX ème siècle. Parmi les autres
palos fondateurs du flamenco on peut aussi citer la soleá et la seguiriya qui sont des formes
primitives du flamenco.
A l'origine ces palos ont été créés lorsque les cantaores ont commencés à se faire
accompagner par des guitaristes. On peut également citer les fandangos puis la bulería et l'
75 Ibid. p.576 LE GALL, Vincent, La musique savante pour guitare flamenca de 1956 à nos jours, sous la direction de Pierre-
Albert CASTAGNET, Université de Rouen, 2005. p.14677 La structure rythmique est appelée compás.
31
alegría… pour rester dans les palos ancestraux et fondateurs du flamenco. Aux origines du
flamenco c'étaient les tonás, les soleás et les seguiriyas qui étaient le plus interprétées. Puis avec le
temps d'autres styles se sont imposés et ont connu la faveur du public. Ce sera le cas pour la
bulería, qui conquit à la fois le public et les aficionados, et s'imposa dans les représentations
publiques comme dans les fêtes privées. Plus tard le tango connaîtra ce succès puis des formes
aflamencadas, moins appréciées des aficionados, comme la rumba ou le tango. Les formes de Ida y
vuelta, comme les guajiras78 retrouveront plus tard l’affection des aficionados.
Le cantaor doit pouvoir interpréter des chants qui vont de la musique liturgique sacrée79 à la
musique profane, de la chanson folklorique à l'accompagnement de la danse.
« D'après Mairena et Molina, on ne retrouve pas dans le chant flamenco les différents
registres (basse, baryton, ténor, soprano etc..). »80Les chants flamencos sont monodiques. En ce qui
concerne les registres de voix du cante, Mairena et Molina parlent de voix afillá , sur le modèle d'
El Fillo, chanteur non enregistré, de voz de pecho o natural, sur le modèle de Manuel Torre et de
voz de falsete sur celui d'Antonio Chacón.
El predominio de la voz affilá en el siglo pasado, coincidió con el escaso conocimientoque se tenía en el arte de acompañar a cantar flamenco con la guitarra a base de dostonos únicos, mi por arriba y la por medio, lo que obligada a una adaptación forzosaque producía el enronquecimiento de la voz.
La prédominance de la voix afillá au siècle dernier coïncida avec une méconnaissancede l'art d’accompagner le chant à la guitare : il y avait une adaptation forcée de la voix àl'accompagnement musical, basé sur deux cadences uniques, mi por arriba et la pormedio81, ce qui provoquait son enrouement.
La voz de pecho o natural est une voie de poitrine naturelle, voie grave et naturelle, non
forcée contrairement à la voix afillá, et à la voz de falsete.
78 Sabicas a beaucoup interprété cette forme à la guitare.79 Les saetas sont des chants produits lors de fêtes religieuses et dédiées à la Vierge et au Christ.80 PLATA GOMEZ, Mercedes, Le flamenco contemporain entre tradition et évolution : Camaron de la Isla (1969-
1992), sous la direction de Serge SALLUN, Université Paris III Sorbonne, 2000.81 Ces modes sont présentés dans la cinquième partie : les modes du flamenco et la cadence andalouse.
32
Ils indiquent que la voix naturelle se « singularise par le rajo, la déchirure, qualité qui donne
l'impression qu'à certain moment du chant la voix du cantaor est légèrement fêlée ou cassée.
Cet effet vocal, qui consiste à casser la voix, (romper la voz) est obtenu quand le cantaor
chante avec une forte intensité dans son registre . Le rajo, qualité très appréciée des aficionados et
qui donne l'impression que la voix est brisée par l'émotion, contribue à la dramatisation du chant. »
Le cantaor corto est un cantaor qui prend peu de risque dans ses interprétations ou ses
mélismes. D’autre part dans le cante largo, les mélismes sont plus longs.
Molina et Mairena considèrent Chacón, l'un des premiers interprètes professionnels de
flamenco, comme le « prototype » de la voix de fausset. Cette voix spécifique au flamenco peut
s'expliquer par la difficulté des harmonies liées aux accompagnements originels à la guitare qui ne
jouait que deux tonalités et aux conditions de travail difficiles des premiers interprètes
professionnels. Antonio Chacón disait ceci :
« Los café cantantes, era morir, matarse. Había que cantarlo cuatro veces al cuadro« pa bailar », más después cuatro veces solo. Luego venía la fiesta. Era entrar a lasocho de la noche y salir a la diez o doce de la mañana »
les cafés cantantes, c'était mourir, se tuer. Il fallait chanter quatre fois pour accompagnerle groupe de danseurs, puis quatre fois en solo. Ensuite venait la fête. C’était sortir àhuit heures du soir et rentrer à dix heures ou midi le lendemain.
L'une des particularités du cante réside dans l'utilisation de mélismes. Les mélismes sont des
figures mélodiques développées sur une syllabe. En flamenco ils sont souvent constituées de notes
conjointes.
Le placement du mélisme lui-même est caractéristique de certaines formes ainsi dans une
bulería la figure mélodique s'effectue sur l'avant dernière syllabe de la phrase, comme dans
beaucoup de formes flamenco. Ce placement du mélisme détermine parfois la qualité flamenca ou
aflamencada. Ainsi dans le tango flamenco le mélisme s'effectue sur l'avant dernière syllabe. Dans
la rumba flamenca, qui contrairement au tango est considérée comme une forme aflamencada, le
mélisme se fait sur la dernière syllabe.
Si la tradition veut que le cantaor ne s'accompagne pas lui même pendant son récital,
33
beaucoup de cantaores possèdent des notions où sont d’excellents joueurs de guitare.
[…] various cantes have achieved prominence by their links with individual singers(e.g. soleá Tomás Pavon, siguiriya El Manolito) or by their stylistic amalgamation withother cante (chuflas por ('sung in the manner of ') bulerías , fandanguillos por soleares,saeta por siguiriya etc...)82.p.921
de nombreux cantes sont devenus majeurs de par leur lien avec des chanteurs en tantqu'individus (ex: soleá Thomas Pavon, Seguiriya, El Manolito) ou par leur amalgamestylisique avec un autre cante , chuflas por ( 'chanté à la manière de') bulerias,fandanguillos por soleares, saeta por siguiriya etc...).
While the derivations of numerous cante have been firmly established, the identity ofmusicals precursors for the remainder, as well as related forms, has been problematic.In some case two or more derivations have been suggested for particular cantes. Thecaña, fandango, polo, soleá and toná constitue the most basic songs in the flamencohierarchy.83
Même si la dérivation d'un certain nombre de cantes a été fermement établie, l'identitédes précurseurs pour le reste, comme pour les formes reliées, a été problématique. Danscertains cas deux dérivations ou plus ont été suggérées pour certains cantes particuliers.La caña, le fandango, le polo, soleá et la toná constituent les chants les plus basiquesdans la hiérarchie du flamenco..84
Les thèmes du cante sont nombreux et peuvent être légers ou au contraire graves. Parmi les
thèmes majeurs on peut citer l'amour, le mariage, la recherche de l'être aimé, les villes andalouses…
Certains palos ont leur propre thématiques. Ainsi les mineras parlent du travail de la mine. Les
carceleras des geôles et des prisons. De nombreuses paroles de fandangos font références à la
géographie et aux villes andalouses. Les nanas sont des berceuses, les villancicos des chants de
noël…
La saeta est une forme intéressante pour entrevoir la nature profonde du cante et son
intensité émotionnelle. Les saetas sont des chansons religieuses originellement chantées a cappella
lors des célébrations de la Semaine Sainte. Ces cantes, dédidés au Christ et à la Vierge sont chantés
avec une grande ferveur religieuse par les interprètes. Cette profondeur religieuse ou mystique se
82 The New Grove, Dictionary of music and musicians, second edition, Stanley Sadie, 2004.p.92183 Ibid. p.92184 Ibid. p.921
34
retrouve dans certains cantes. On voit ici une convergence du flamenco avec la liturgie catholique,
l’expression d’une foi à travers l’interprétation.
De même, le martinete est un bon exemple de l'état d'esprit particulier du flamenco. Le
martinete est une toná85 qui a pour principal thème littéraire le travail de la forge86.
Traditionnellement le rythme est battu par des outils de forge. Aujourd'hui encore ce cante est
parfois interprété de cette manière.
Le fandango est une autre illustration de cet état d’esprit du flamenco. C’est l’une des
formes les plus anciennes, avec la soleá et la seguiriya. C'est aussi la forme régionale par
excellence, certains artistes la distingue même du flamenco. D'autres se consacrent exclusivement à
ce palo dont on recense une quinzaine de formes dans la région de Huelva. En dehors de ces
nombreuses formes régionales il existe de nombreuses formes personnelles87 ou de formes libres88.
Dans le flamenco le fond est aussi important que la forme. Ainsi le cantaor ne peut pas se
contenter de chanter les paroles en récitant son texte. L'objet n'est pas non plus la recherche d'une
perfection formelle dans l'interprétation, en tant qu'unique objet du moins. Le cantaor doit s'
impliquer physiquement et émotionnellement dans son interprétation. C'est là qu'apparaissent les
concepts de duende et de flamencura.
Le duende est un terme abstrait qui désigne l'émotion ressentie, tant par les artistes que par
les auditeurs à l'écoute ou lors de l'interprétation du flamenco. Le mot est espagnol, comme le terme
flamencura.
Le duende ne dépend pas de l'interprétation littérale et il peut être rattaché, assimilé, à un
certain nombre de concepts utilisés dans d'autres formes de musiques. Il peut se rapprocher de ce
que l'on appelle le feeling dans le blues ou le swing dans le jazz. Nous aborderons ce terme en tant
que concept assimilable, d'une façon ou d'une autre , à ces notions, à ses conceptions.
Le terme de la musique arabe tarab, est également proche de cette notion de duende. Il
désigne la sensation éprouvée à l'écoute d'une musique, sensation physique alimentée par des
ressorts émotionnels. On pourrait aussi le traduire par le mot tarab par horripilation. La qualité de
duende participerait à quantifier la qualité authentique de l'interprétation, la flamencura.
On comprend bien ce qu'est la flamencura lorsque l'on observe le début du cante. Lorsqu'un
85 chantée a capela86 ou les chants de forgerons andalous.87 Fandangos personales88 Fandangos libres.
35
cantaor et un guitariste commencent l'interprétation d'un palo flamenco. Une fois le palo déterminé
par les interprètes on observe souvent un passage où les interprètes cherchent à se placer dans le
contexte interprétatif souhaité.
Le guitariste joue des falsetas sur lesquelles le cantaor va venir s'installer en chantant des
« ayes » par exemple. Ces « ayes » ont pour objectif de placer les interprètes dans les conditions
harmoniques, rythmiques et émotionnelles, propices à l’exécution et au déroulement du cante.
Pendant cette période de positionnement sur le compás et l'harmonie, les interprètes sont à la
recherche de la flamencura qui est en réalité un état, un espace propice, un environnement dans
lequel le flamenco va pouvoir se développer, un lieu où il sait s'exprimer et un espace d'expression
dans lequel il se meut.
Les cantaores doivent être totalement impliqués dans le cante. Cette implication est à la fois
physique, émotionnelle et littéraire. Ainsi la poésie du chant est, bien évidemment, importante. La
letra, les paroles du cante sont donc choisies avec le plus grand soin. L'aspect littéraire suggère lui
aussi un impact émotionnel et chaque mot, chaque syllabe doit être interprétée.
Certains palos peuvent imposer une thématique littéraire comme les carceleras. Ce palo a
pour thématique l'emprisonnement au sens physique du terme…
Le cante utilise les ressources poétiques et littéraires de la langue espagnole. Il exploite
aussi ses sonorités. Toutefois la perfection formelle n'est pas la seule fin en soi. Ainsi la langue
espagnole est elle souvent déformée, contractée...Les cantaores utilisent énormément le caló , la
langue des gitans andalous89 qui est très proche de l' Espagnol mais contient également d'autres
mots. Il faut ajouter que les paroles demeurent parfois mystérieuses même pour un espagnol qui
connaît le caló.
Le flamenco est généralement chanté avec une voix puissante qui nécessite une implication
physique et émotionnelle importante. La palette des voix est large. La personnalité du cantaor est
prépondérante.
De même il faut rappeler les conditions particulières dans lequel le cante est interprété.
89 Le caló peut de fait être considéré comme une langue régionale andalouse même si c'est une langue d'origine gitane.Il dérive de la langue romani et du castillan.
36
Desde un doble punto de visto humano y artístico, el flamenco tiene mucho deceremonia o, mejor, de rito poco menos que secreto , cuyas claves sólo pueden serentendidas en la práctica a través de cierta iniciación. No sería prudente interpretarlode otra manera, aun considerando sus actuales vías de expansión comercial y susconsabidos sometimientos a las exigencias teatrales.
J. M. Caballero Bonald, Luces y sombras del Flamenco, ed. Cit, p 64
D'un point de vue humain et artistique, le flamenco s'apparente à une cérémonie, ouplutôt à un rite presque secret, dont les clés ne peuvent être comprises dans la pratiqueet à travers une certaine initiation. Il ne serait pas prudent de l'interpréter autrement,même en considérant ses voies actuelles d'expansion commerciale et ses soumissionsbien connues aux exigences théâtrales.
La connivencia entre cantaor , tocaor y público es la que permite la emergencia delsentido, ya que los tres actores poseen a la perfección las llaves para entrarefectivamente en el cante. Éste aparece como un ritual, por eso es necesario, para elque quiera asistir y por lo tanto participar , conocer los códigos. Compás comprensióndel caló, domino de las elipsis, imágenes, alusiones diversas, históricas, conocimientopersonal de los artistas son los obstáculos que debe franquear el que pretenda entraren el círculo de los aficionados.
C'est la connivence entre cantaor, tocaor et public qui va permettre l'émergence dusentiment, les trois acteurs possédant parfaitement les clés nécessaires à l'entréeeffective dans le chant. Car si celui-ci apparaît comme un rituel, il s'agit naturellementd'en connaître les codes pour qui veut assister et donc y prendre part. Compás,compréhension du caló, maîtrise des ellipses, images, allusion diverses, historiques oulocales, connaissances personnelle des artistes sont autant d'obstacles à franchir pour quiveut se ranger parmi les aficionados.
D.M. Garin, Papel y función del silencio y de la ruptura en el Cante jondo. Ensayosobre el tiempo de la soledad, Revista de Flamencología Año IV, n°7, 1 er sem. 1998,p.32
L'interaction entre le public et les artistes se fait via les palmas, les jaleos et les piropos
(« olé ! », « Paco ») . Le mot piropo signifie littéralement « compliment ». Les piropos permettent
de signifier à l'interprète que l'on apprécie ou que l'on connaît ce que chante l'artiste, ou ce que joue
le guitariste, ou ce à quoi ils font références. Il correspond souvent à une difficulté surmonté par les
interprètes et que le public marque par ces interventions.
Le cante suit généralement un déroulement assez précis que décrit le New grove :
37
The performance usually begin with some form of jaleo ('shouts of encouragement').[...] The guitarist always provide a tiento or temple (introduction or prelude) forsinging and dancing to create the proper atmosphere and mood.90 p.923
La performance débute généralement avec quelque forme de jaleo ( crisd'encouragement) [...]Le guitariste joue toujours un tiento ou temple (introduction ouprelude) pour créer l'atmosphère et l'ambiance nécessaire au chant et à la danse.
While preparing to sing the more traditional cante […] the singer literally tunes thevoice (temple) before entering into the vocalized melismas91 (salidas), on the syllabe'ay', preceding the first line of the song.92 p.923
Tandis qu'il se prépare à chanter le plus traditionnel cante […] le chanteur accordelittéralement sa voix avant d'entrer dans des mélismes vocalisés (salidas) , sur lasyllabe 'ay', avant la première ligne de la chanson.
The guitar […] plays a dual role as solo and accompaniment: rasgueado (strumming),paseo (spiritely melodic passage work) and falsetas or rosas (improvised melodicphrases between the sung strophes, including a prelude).93
La guitare […] joue un double rôle de soliste et d'accompagnement: rasgueado( grattage), paseo (passage travaillé de fantaisie mélodique ) et falsetas ou rosas(phrases mélodiques improvisées entre des strophes chantées, y compris un prélude).
Pour donner un exemple de déroulement du cante on pourrait donner une structure d'un morceau :
CANTE TOQUE
Rasgueados de guitare
90 The New Grove, Dictionary of music and musicians, second edition, Stanley Sadie, 2004. p.92391 « mélismes » en français.92 Ibid. p.92393 Ibid. p.923
38
Falsetas
Llamada94
Ayes ou temple Rasgueados de guitare , accompagnement
Copla ou letra accompagnement
Falseta
Copla ou letra accompagnement
Remate Remate
Le cante s'introduit généralement par des rasgueados de guitare qui peuvent être soutenus
par des palmas selon le palo interprété. Ce passage permet de se préparer pour la suite du morceau.
La guitare joue ensuite une falseta dont la durée varie selon le désir du guitariste. Puis la voix fait
son entrée par des mélismes dont l'objectif est de placer la voix par rapport à la musique, tant
rythmiquement qu'harmoniquement : cette phase est appelée ayes ou temple. Le cantaor chante
alors les différentes coplas ou letras qui sont entrecoupées par des falsetas de guitare. Les falsetas
sont souvent aussi nombreuses que les coplas. Le remate est la courte phrase qui conclut le cante.
C'est une strophe aux vers plus courts que les autres. Après cette dernière copla le cante va
s’achever. Parfois le remate est joué par la guitare qui clôt le cante.
2. Premières classifications du cante
94 Utilisé également pour les formes sans chant pour faire débuter le baile.
39
Depuis les débuts de la flamencologie à la fin du XVII ème siècle, les flamencologues ont
tenté de classer les cantes. L'objectif de ces classifications est de préciser les formes des chants
flamencos ou de les rendre plus compréhensibles…Il s’agit aussi d’identifier les récurrences entre
les styles. La classification a pour but de mettre en évidence les points communs et les différences
entre les différents palos. Elle a aussi pour but d’établir des liens de parentés entre les formes, c’est
à dire de déterminer quelle forme descend d’une autre et inversement quelles sont les origines d’un
palo.
Les formes sont nombreuses et constituent une hiérarchie. Dans les premières
classifications, le cante jondo (ou hondo) occupe la place la plus élevée. Il est considéré depuis
toujours comme l'interprétation la plus profonde du chant flamenco. De nombreux défenseurs du
cante jondo existent aujourd'hui encore.
Le cante grande est lui aussi tout en haut de la hiérarchie des cantes. Les aficionados se
délectent de la saveur cante grande tout autant du cante jondo. La nuance entre les deux termes est
infime et perceptible dans la traduction littérale : « grand chant » d'une part et « chant profond »
d'autre part.
Le cante grande et le cante jondo occupent donc la plus haute place dans la hiérarchie des
premières classifications du chant flamenco. D'autres types d'interprétations existent. Le cante
chico est un chant « chic »95 dont la place serait les salons ou les salles de spectacle traditionnelles96.
Il est plus poli, plus mesuré, moins emphatique...
Le cante intermedio intervient dans la hiérarchie entre le cante jondo ou grande et le cante
chico.
L'appellation cante largo est peu utilisée. Elle correspond à une interprétation du cante dans
laquelle le cantaor va réaliser de long mélismes. A l'opposé, le cante corto correspond à
l'interprétation du chant avec le minimum de mélismes.
De nombreuses classification du cante existent, nous en avons repris ci-dessous quelques-
unes.
95 Traduction littérale de chico96 J'entends par là où l'écoute du flamenco n'est pas une affaire d'aficionados.
40
classification première selon The new grove, Dictionary of Music and Musicians, ed.
Stanley Sadie, second edition p.921.
2, CLASSIFICATION An indiscriminate classification of the cante as hondo orflamenco neglects the fact that cante hondo constitutes a major flamenco category.Nonetheless, two basic divisions of cante flamenco appear to have gained widecurrency: the first, twofold, with cante grande comprising songs of the hondo type, andcante chico the remainder; and the second, threefold, with the category canteintermedio inserted between grande and chico. […] the hondo and chico categoriesrepresents represent the most and the least difficult cante respectively in terms of theirtechnical and emotional interpretation.97921
Une classification indiscriminée du cante hondo ou flamenco néglige le fait que lecante hondo98 constitue une catégorie majeure du flamenco. Néanmoins, deux divisionsbasiques du cante flamenco apparaissent comme ayant gagné une profonde valeur; lapremière , avec le cante grande comprenant les chansons du type hondo, et le cantechico, ce qui reste; la seconde, avec la catégorie du cante intermedio comprise entre legrande et le chico. […] les catégories hondo et chico représentent respectivement leplus et le moins difficile cante en termes de technique et d'émotion dansl'interprétation.
Longtemps les chants andalous ont été systématiquement classés en trois catégories :cante grande (grand chant) ou cante jondo (chant profond), cante intermedio (chantintermédiaire), cante chico (petit chant)99. p.29
Manuel Ríos Ruis précise cette classification du flamenco en établissant la distinction entre
cante jondo et cante flamenco. Le cante flamenco est un ensemble dont le cante jondo est la partie
la plus élevée hiérarchiquement :
Todo cante jondo es cante flamenco, si bien todo cante flamenco no es cante jondo, yhasta ocurre que el cante jondo es el más genuinamente flamenco o gitano.100
97 The New Grove, Dictionary of music and musicians, second edition, Stanley Sadie, 2004. p.92198 Ou jondo.99 PEREZ, Éric, Flamenco parcours d’un art, PUL, 1992,p.29100 RÍOS RUIZ, Manuel, Introducción al cante flamenco, Istmo, 1972.,p.57
41
Machado Alvarez, Op. Cit p.57
Tout cante jondo est un cante flamenco, même si tout cante flamenco n'est pas un cantejondo, et ceci implique que le cante jondo est le [cante le] plus véritablement flamencoou gitan.
Il met également en avant la différence entre Cante grande et cante chico :
También se estableció una separación entre cante grande y cante chico, entrando en laprimera clasificación, sobre todo los polos, las cañas y las serranas, aunque enrealidad se consideran grandes, según García Matos, aquellos « que poseían mayorlongitud, más anchura de ámbito, melódico y sentimiento más fuerte »., y chicos, losque no cumplían tales características. Ahora bien, tiempo adelante pasaría adenominarse cante grande únicamente al considerado como jondo.
Manuel Ríos Ruiz, Introducción al Cante flamenco, p.57
Il s'établit aussi une séparation entre cante grande (« grand chant ») et cante chico(« chant chic »), entrant dans la première classification, surtout les polos, les cañas etles serranas, même si en réalité on considérait « grandes », selon García Matos, ceux« qui duraient plus longtemps, qui étaient plus larges au niveau de la portée de lamélodie et des sentiments ; et « chicos », ceux qui n'avaient pas des caractéristiquestelles. Même si quelques temps auparavant on dénommait cante grande uniquementcelui [qui était] considéré comme jondo.
De même il propose sa définition du cante largo et du cante corto :
También por entonces se estableció la denominación de largo para el cante de másprolongados tercios, y corto para el que los poseía más breves.
Manuel Ríos Ruiz, Introducción al Cante flamenco, p.57
De même alors s'établit la dénomination de largo pour le cante avec des couplets pluslongs, et corto, pour ceux qui étaient plus courts.
Les flamencologues Molino et Mairena proposent une autre classification des cantes dans
42
Mundo y formas del flamenco. Cette classification bien qu'antérieure est admise comme une
classification aboutie par un grand nombre de spécialistes et d'amateurs de flamenco :
Nuestra clasificación se basa en la experiencia y se funda en hechosevidentes[…]Consideramos que la totalidad de los cantes flamenco es reductible acuatro grandes categorías :
1) Cantes flamencos básicos
2)Cantes flamencos emparentados con los básicos o influidos por ellos
3)Cantes flamencos derivados del fandango andaluz
4)Cantes folclóricos (regionales) aflamencados
Notre classification est réaliste, elle se base sur l'expérience et se base sur des faitsévidents. Nous considérons que la totalité des chants flamencos se réduit à quatregrandes catégories :
1) les chants flamencos basiques
2)les chants flamencos apparentés aux chants de base ou influencés par eux.
3)les chants flamenco dérivés du fandango andalou
4)les chants folkloriques (régionaux) aflamencados
Les paroles du flamenco sont, en plus, un chant à la cohabitation, la tolérance,l'acceptation de la diversité et le respect mutuel. Un art solidaire et engagé envers lesvaleurs de la démocratie, qui chante la liberté et qui poursuit la justice, qui mise sur ledialogue et qui constitue un pont culturel de l'Andalousie et de l'Espagne vers d'autreslatitudes.101
Le cante se transmet par voie orale et c'est donc naturellement que les cantaores reprennent
des letras102 à leurs prédécesseurs. Il est courant de trouver plusieurs versions d'un même cante ,
comme pour Rosa Venenosa, chanté par des cantaores différents. Ces interprétations donnent lieu à
des versions qui peuvent être très différentes entre elles, chacune possédant sa propre originalité.
101 UNESCO, Convention pour la sauvegarde du patrimoine immatériel, 2010.,p.7-8102« paroles » de chansons.
43
Les différences d'interprétation peuvent être majeures. Ainsi d'un artiste à l'autre on peut
écouter une version binaire ou ternaire d'un même cante103. Utiliser une interprétation avec des
mélismes longs ou des mélismes courts104. Les paroles sont parfois conservées dans leur intégralité.
D'autres fois elles subissent des modifications minimes qui peuvent échapper à l'auditeur à la
première écoute.
Souvent l'interprétation de la letra est complètement différente d'une version à l'autre, y
compris les mélismes même si la mélodie est globalement conservée.
Parfois un même cante est interprété de façon différente par un même cantaor , comme pour
Como el agua de Camarón qui donna en concert des versions différentes de ce titre.
Toutefois l'interprétation de cantes à la manière des standards de jazz105 n'est pas la pratique
majoritaire. Il est de bon ton pour un cantaor de proposer un interprétation originale et personnelle
d'un cante célèbre.
Il arrive également que les cantaores interprètent des œuvres étrangères au répertoire du
flamenco, comme pour la chanson Volver de Carlos Gardel, qui est à la base un tango argentin
repris à mainte reprise dans le répertoire flamenco par des artistes contemporains majeurs comme
Estrella Morente ou dans le film éponyme de Pedro Almodovar.
Parfois les cantaores interprètent des chansons étonnantes comme José Merce qui reprend la
chanson Mammy Blue , issue du répertoire de la chanson de variété internationale allemande – et
interprété en français par Nicoletta ou Julio Iglesias106...
Le cante flamenco est un art créatif dans son ensemble. Il laisse une large place à
l'expression personnelle des artistes qui peuvent faire preuve de rigueur stylistique dans
l'interprétation de la forme ou d'originalité dans leur création. Ceci est aussi valable au niveau des
paroles, les letras. Le flamenco est propice à la composition originale et au travail d'écriture des
auteurs. Les cantaores sont le plus souvent auteurs , compositeurs et interprètes. L'écriture de letras
103 Comme pour Rosa venenosa.104 On pourrait parler d'interprétation de type « cante largo », avec de longs mélismes, ou de type « cante corto » avec
des mélismes plus courts, ou encore de type « cante largo » ou « cante chico »,mais avec une conception moinshiérarchisée dans l'utilisation des termes de la classification des cantes de Manuel Ríos Ruis.
105c'est à dire qui peut être interprété de façon très différente mais en conservant d'une part le thème,c'est à dire lamélodie, et d'autre part la base harmonique du morceau. Tout peut être modifié : la tonalité, la mesure, le tempo, lasignature rythmique (mesure), accords, la longueur des notes,la façon de l'interpréter, l'intention... on peut aussisubstituer des accords, ou utiliser des accords de passages, mais le principe est de respecter le développement duthème.
106 Ici les critiques virulents pourraient voir une volonté commerciale de l'artiste, la reprise étant une sorte d'accès austatut d' intèrprète reconnu du public.
44
fait souvent appel à des ressources poétiques et littéraires.
A l’origine du flamenco le cante n’était pas accompagné. La guitare s’est rapidement
imposée comme l’instrument du flamenco. Elle était au début cantonnée à un rôle
d’accompagnement. Puis le jeu de guitare a pris de plus en plus de place dans le flamenco. Il s’est
enrichi, les falsetas ont pris de plus en plus d’importance et sont devenues de plus en plus virtuoses.
A un certain moment certains ont même jugé que la guitare prenait une trop grande place par
rapport au cante. C’est le cas de García Lorca qui écrivait en 1931:
La guitarra comenta, pero también crea, y este es uno de los mayores peligros que tieneel cante. Hay veces que un guitarrista que quiere lucirse estropea en absoluto la emociónde un tercio o el arranque de un final.
La guitare commente mais aussi crée et ceci est l’un des danger majeurs pour le cante.Parfois le guitariste veut se distinguer et dégrade la musique dans l’absolue émotiond’un tercio ou la prive de final.
Toutefois la guitare flamenca a continué son développement et s’est mise à occuper une
position de plus en plus importante dans le flamenco. Les guitaristes ont eux aussi affirmé de plus
en plus leur place par rapport au cantaor dans l’interprétation du flamenco. La virtuosité s’est
développée et les guitaristes se sont finalement mis à interpréter le flamenco seul proposant des
récitals pour guitare où ils occupèrent la place de soliste. On peut citer parmi eux Diego del Gastor
ou Sabicas. Aujourd’hui, avec l’influence de musiciens comme Paco de Lucía ou Tomatito qui ont
développé un répertoire en tant que solistes, la guitare occupe une place prépondérante.
45
1. Le compás: «l'originalité rythmique du flamenco».
Cette partie a pour objectif de préciser ce que sont en flamenco les rythmes binaires, les
rythmes ternaires et les compás d’amalgame de douze temps.
Los yunques y las ruedas cantan al compás del himno de la fe107.
Les enclumes et les roues chantent [à la mesure,au rythme,au compas ] de l'hymne dela foi.
Extrait de la Marcha Real, hymne national
espagnol dans sa version franquiste
A propos du compás en tant qu' «originalité du flamenco » Manuel Ríos Ruis cite Julián
Pemartin, Op. Cit. p. 51 :
Siempre hemos pensado que una de las principales características de los estilosflamencos gitanos era la del compás. Los cantes oriundos de esta zona andaluza –desde las diferencias cantinas locales hasta sus decimononas ramificaciones dealegrías, mirabrás, romeras y caracoles -tan ligadas al rítmico despliegue de lassoleares , han denotado siempre un magistral sometimiento al compás. No pretendemosafirmar con ello que esa fundamental medida del cante- y acaso su atributo másdecisivo- sea un patrimonio gitano, sino que ha sido en esta ciudad donde másfundamentales garantías se han ajustado los cantes a las exigencias de su compás.
Nous avons toujours pensé qu'une des principales caractéristiques des styles flamencosgitans était celle du compás. Les cantes originaires de cette zone andalouse -depuis lesdifférentes cantiñas locales jusqu'à ses anciennes ramifications d'alegrías, demirabrás,de romeras et de caracoles – tant liées à la rythmique développée dans lessoleares , ont toujours témoigné d'une magistrale soumission au compás. Nous neprétendons pas affirmer avec lui que cette mesure fondamentale du cante – et en toutcas son attribut le plus décisif- était un patrimoine gitan mais qu'il était une garantiefondamentale dans ces villes où ont été ajustées les cantes aux exigences de soncompás.
Le compás constitue la base rythmique du flamenco. Il est d'origine andalouse.
107Cette phrase est répétée deux fois après le deuxième couplet – coplas- de l'hymne national espagnol dans saseconde version. Une partie du texte de la Marcha Real fût modifié pendant la période franquiste, et ce jusqu'à unenouvelle retouche du texte après la mort de Franco. Elle met en évidence l'importance du compás dans la cultureespagnole. Il faut ajouter que le mot compás n'a pas d'équivalent en français sauf lorsqu'il désigne l'outil du mêmenom, le compas. On pourrait ici voir le compás non comme une mesure ou un rythme (qui sont des traductionspossibles de ce mot) mais comme une longueur, une « distance musicale » que l'on reproduit lorsqu'on joue duflamenco.
47
Le compás est l'élément rythmique du flamenco. En flamenco on ne parle pas de « mesures »
ou de battements comme dans la plupart des formes de la musique occidentale, on parle de compás.
On ne parle pas de « compas ¾, 2/4 », mais de compas de siguiriyas, de tango, de soléa...
Comme le dit Miguel Angel Berlanga, le compás constitue une « originalité musicale du
flamenco108 ».
Le rythme est un élément essentiel en musique. Dans le cas du flamenco , beaucoup leconsidèrent comme sa principale caractéristique distinctive. […]
Le concept de compás ne se réfère pas en exclusivité au cycle rythmique mais ilimplique les accents rythmico-harmoniques.
L'importance spéciale et la versatilité de l'élément rythmique est propre aux musiquesfortement assises dans la tradition orale.
L'esthétique de la musique flamenca s'est forgée en relation avec le toque et le baile – etpas seulement par rapport au cante-, l'élasticité du compás flamenco est une façon derésoudre la tension entre la nécessité de dire le chant avec expressivité et celle dechanter a compás. On peut distinguer trois types de processus historiques d'évolution ducompás , apparemment contradictoires : a) d'une part l'apparition des cantes libres. b)d'autres part un « mode libre » de chanter les cantes a compás. et c) l'importancecroissante qui a été acquise par le marquage du compás dans la musique flamencamoderne.109
Miguel Angel Berlanga nous explique ici que l'évolution du compás s'est faite de
manière progressive, d'une forme ancienne libre à une forme moderne où le compás est plus
fortement et plus précisément marqué.
Dans le flamenco on a toujours cette sorte de « tension » entre « suivre les formas » -rythmiques, mélodiques, et de prononciation- et les exigences de la « libertéexpressive ».
Cette flexibilité procède d'un mode particulier de résolution de la tension entre lanécessité qu'a le cantaor de chanter avec lyrisme, […] , et la nécessité de le faire acompás.110
108 Le titre de ce paragraphe est emprunté à M.A. Berlanga109 BERLANGA, Miguel Angel, La originalidad musical del flamenco : el compás, Sinfonía virtual, edicíon 26,
janvier 2014. p.3110Ibid
48
L'élasticité du rythme dans le flamenco est due à l'expressivité liée au sens de la phrase dans
ses deux versants de phrase musicale et de phrase littéraire, c'est à dire lié au phrasé des tercios du
cante, au « « dire » le cante ».
De même le baile, partie constitutive de l'expression flamenca, comme le toque, introduit
une nouvelle tension entre la nécessité de « dire le chant » de façon expressive et lyrique et la
nécessité de le dire a compás.
C'est toujours de la décision concrète des interprètes d'ajuster plus ou moins lecompás111.
Si la structure des cantes s'articule principalement à travers la mélodie, quoi qu'il en soitle compás doit être en fonction du phrasé musical, et non l'inverse. Ceci est tout à faitcompatible avec le fait que quand on chante pour le baile, le compás est aussi importantque le phrasé mélodique.
Miguel Angel Berlanga propose d'étudier le compás en distinguant trois types de canevas
rythmiques fondamentaux
1.a) les compás de tango (binaires)
1.b) les compás de fandango (ternaires)
1.c) les compás de amalgamas de 12 tiempos ou compás d'amalgames de 12 temps qui sont les
plus distinctifs du flamenco
et parmi ceux-ci trois façon de jouer ces compás d'amalgames :
c.1) compás (d'amalgames de 12) de petenera / guajira
c.2) compás (d'amalgames de 12) de soléa
c.3) compás (d'amalgames de 12) de siguiriya
Nous reprendrons ici son analyse.
111 Ce même processus de décision peut être employé dans le choix des harmonies qui accompagnent le cante.
49
2. les compás de tango (binaires)
Les styles binaires ont pour base le tango. Tous les cantes qui ont un compás binaire ont
pour modèle le tango. Le compás de tango est résolument binaire et répond à la forme suivante :
1 2 3 4 1 2 3 4
Le premier temps n'est pas accentué dans le compás112 de tango.
Miguel Angel Berlanga met en évidence les propriétés polyrythmiques du flamenco via
l'étude du tanguillo, un cante moderne dérivé du tango.
Tanguillo Andalusia - Sentir flamenco
Faustino Nuñez analyse le compás du tanguillo comme basé sur une polyrythmie danslaquelle convergent ou se superposent trois métriques musicales : le 6/8, le 3/ 4 , et le2/4, c'est à dire une combinaison du compás ternaire de subdivision 3 / 4 avec lescompas binaires, tantôt de subdivision binaire (3 /4),avec les compas binaires, tantôt desubdivision binaire (2/4) comme ternaire (6/8) . Dans le monde du tanguillo plusmoderne, principalement à partir de Paco de Lucía, on rejoue ce type de polyrythmie oude richesse interprétative, sans doute une approche à la façon afro-cubaine, ou afro-américaine d'interpréter. […] c'est dans le monde du tanguillo et de la rumba que l'ontrouve la plus grosse influence américaine sur la pratique interprétative actuelle.
112 Les temps à accentuer lorsque l'on joue les palmas sont soulignés.
50
3. les compás de fandango (ternaires)
De même pour les styles ternaires :
Le rythme ternaire abonde dans beaucoup de musiques de danse traditionnelle enEspagne, dans lesquels nous savons que le flamenco a reçu tant d'influences.Et en effetles cellules ternaires sont très présentes dans la musique flamenca. Il apparaît bien définidans les fandangos a compás et dans quelques chants aflamencados comme lescampanilleros et les sevillanas. De plus les cellules ternaires sont constitutives de toutles cantes en compás d'amalgame irrégulier de 12 temps.
Tous les fandangos a compás s’intègrent dans un cycle rythmico-harmonique de 12temps, groupement de quatre cellules ternaires (3+3+3+3), distinctes du cycle régulierdu compás flamenco de amalgama (3+3+2+2+2 que beaucoup retiennent comme lecompás flamenco par antonomase113).
Les fandangos pré-flamencos de type verdial montrent dans leur organisation métriqueune intéressante ambiguïté, une conjonction spéciale entre l'isocronie del'accompagnement et l'anisocronie du chant : ceci est mesuré mais anisocrone.
Le fandango est donc la forme ternaire la plus ancienne mais aussi la plus simple. On peut
penser le fandango de différentes façons. On peut le penser en groupes de 3 temps étalés sur 4
mesures, en groupes de 6 temps sur 2 mesures, ou en un groupe de 12 temps 114 comme dans les
bulerías mais avec une accentuation sur les 1er et sixième temps.
Dans tous les cas on peut considérer le compás soit en commençant par le premier temps,
soit par le douzième115 temps. Nous préférerons la seconde méthode116.
On obtient donc 4 manières de compter le fandango :
1 2 3 1 2 3 1 2 3 1 2 3
1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
113 L'antonomase est une figure de style qui transforme un adjectif en nom propre114 Au niveau de la versification, les fandangos utilisent le plus souvent des compás de 12 temps.115dernier116Dernier tableau
51
12 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Les formes à 12 temps sont susceptibles d'être accompagnées par des palmas (et du cajón
plus tard). On compte un nombre important de formes à 12 temps. Elles ont la faveur des
aficionados et des artistes et sont considérées souvent à juste titre comme les formes les plus
évoluées mais aussi les plus difficiles à interpréter et à jouer.
52
4. les compás de amalgamas de 12 temps
Les compás d'amalgames de 12 temps sont les plus distinctifs du flamenco. Ils sont la
spécificité du style et sont les plus difficiles à appréhender. Ils sont ainsi nommés car ils sont
constitués d'un amalgame de battements binaires et ternaires. Pour mieux visualiser ces compás, on
peut imaginer qu'on suit le défilement d'une horloge, chaque heure correspondant à un temps du
compás...
Les compás d'amalgame de 12 temps se comptent soit en commençant par le 12 ème temps
comme pour les soleas, les bulerías et leur formes dérivées, soit en commençant par le 8 ème temps
pour les seguiriyas et les formes qui en découlent. Les compás sont constitués de temps forts117 et de
temps faibles.
Pour les compás d’amalgame de 12 temps :
Le compás d’antonomase -ou compás flamenco- est le compás d’amalgame de 12temps, un cycle rythmico-harmonique basé sur la combinaison de deux cellules binaireset trois ternaires ( 3+3+2+2+2)118.
Dans l'histoire du flamenco on constate que les formes antiques, comme les alegrias et les
bulerías alternent entre des des cycles de 6 temps (3+3)119 et des cycles d’amalgame de 12 temps
qui varient selon les passages.
Il est un fait que le compás d’amalgame de 12 est rarement marqué avec précision, au moins
dans les formes anciennes de cante120. En revanche dans le flamenco contemporain le compás est
marqué avec plus de rigueur. La musique flamenca basée sur le compas d’amalgame est dans tout
les cas mesurée. De façon générale, l'accompagnement est isochrone et le cante anisochrone,
Quelle que soit la façon dont sont marqués les compás, le cycle de 6 a une grande
importance pour le comptage des compas d'amalgame.
117Les temps 12, 3, 6, 8, 10. 118BERLANGA, Miguel Angel, La originalidad musical del flamenco : el compás, Sinfonía virtual, edicíon 26, janvier2014.119Bulería por tres, nous y reviendrons plus loin.120Cette « élasticité » du compás a tendance à devenir de moins en moins présente à mesure que le flamenco devient
un art écrit comme chez certains guitaristes comme Paco Serrano par exemple qui écrivent leur falsetas.
53
a. Compás de guajiras, peteneras 3+3+2+2+2
C'est la forme la plus facile à retenir des compás d'amalgame. Elle est composé de deux
groupes ternaires et de trois groupes binaires 3+3+2+2+2. On voit ici qu’il y a plusieurs notations
possibles pour représenter ce compás: par exemple deux mesures 3/4 + une mesure 6/ 4 ou une
mesure 6/4 et 3 mesures 2/4, ou deux mesures 3/4 et 3 mesures 2/4.
On le compte de la façon suivante :
1 2 3 1 2 3 1 2 1 2 1 2
un dos tres un dos tres un dos un dos un dos
un dos tres un dos tres un dos tres
une proposition de comptage en français :
1 2 3 1 2 3 1 et 1 et 1 et
On peut aussi le compter des manières suivantes :
12 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11121
1 et puis 2 et puis 3 et 4 et 5 et122
b. Compás de soleares et ses dérivés 3+3+2+2+2 compté en anacrouse
C'est le compás le plus représentatif de l'esthétique flamenca. On peut le compter de la façon
suivante :
un dos, un dos tres, cuatro cinco seis, siete ocho nueve y diez
1 2 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
doce un dos tres, cuatro cinco seis siete ocho nueve(y)diez once
12 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 (sans anachrouse)
121 On voit ici la proximité, la filliation avec le compás de amalgama.122Cette méthode de comptage fonctionne bien en français. Toutefois la tradition veut que le compás débute par le 12
ème temps.
54
C'est la même séquence que la guajira ou la petenera mais comptée différemment même si
les temps faibles et fort coïncident si on superpose les deux formes.
1 2 3 1 2 3 1 2 1 2 1 2
2 1 2 3 4 5 6 7 8 9 y 10 1
12 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Les arrêts se font généralement sur le 10ème temps. Les falsetas et les cantes commencent
sur les premiers temps forts, 12 ou 2 selon la méthode de comptage retenue. Dans ce travail nous
commenceront nos comptages par un temps que nous nommerons 12123.
Le compás de soleá est utilisé pour jouer la cana, le polo, les bulerías, les alegrías, les
mirabras, les romeras et les bomberas. Selon les styles le compás est plus ou moins présent ou
effacé.
En général, les polos et canas sont jouées avec un tempo plus libre, plus ad libitum tandis
que les soleás, les bulerías et les alegrías utilisent un compás plus vif, plus marqué et plus précis
auquel les interprètes se soumettent plus que dans les formes précédentes.
c. compás de siguiriyas
Le compás de siguiriyas est le plus complexe du flamenco et il est assez peu joué de nos
jours. Il peut se compter des manières suivantes :
1 2 1 2 1 2 3 1 2 3 1 2
un dos tres cuatro cinco
8 9 10 11 12 1 2 3 4 5 6 7
1 et 2 et 3 et puis 4 et puis 5 et
123 Celui de la troisième ligne.
55
Si l'on reprend le modèle de l'horloge, la siguiriya possède le même compás que la bulería
mais celui ci commence sur le 8 ème temps et non sur le 12 ème. Le compás est identique. Les
temps forts et les temps faibles qui accentuent le compás sont conservés dans leur position
rythmique. Toutefois l’interprétation stricte de la seguiriya ne réside pas dans un autre comptage
por bulería mais bien dans la compréhension d’une forme autotélique. Les arrêts se font
généralement sur le 6ème temps.
Miguel Angel Berlanga insiste sur le fait que les siguiriyas124 qui étaient à l'origine une
forme libre sans compás se sont structurées pour aboutir à l'actuel compás de siguiriyas.
La séquence rythmique de la seguiriya s'est généralisée peu à peu et le compas s'est précisé
avec les pratiques guitaristique. La seguiriya est une forme où l'on perçoit souvent une fluctuation
de la pulsation.
De la même manière que nous avions constaté que dans le flamenco il y avait unprocessus de perte de compás qui donna naissance aux cantes libres, il s'est exercé unprocessus inverse ; certains cantes, qui provenait d'une pratique interprétative très libre,ont expérimenté un processus historique de soumission au compás. C'est le casparticulier des siguiriyas, des cabales et des serranas.
La pratique de la seguiriya a compás bien mesurés, est une pratique moderne qui s'estconsolidée dans la seconde moitié du XX ème siècle.125
124 On peut utiliser les termes seguiriryas, siguiriyas pour désigner la même forme mais avec deux orthographes 125Ibid
56
Beaucoup d'études se sont appliquées à classifier les palos en fonction du cante.
Nous souhaitons ici proposer une classification en fonction du toque partant de la proposition qu'il
est possible de classifier les palos en se basant sur des indications liées au toque. Nous ajoutons que
cela est nécessaire dans le cas du flamenco instrumental qui est une forme courante.
Le toque flamenco est inévitablement lié au jeu de la guitare. La guitare flamenca emprunte
un grand nombre de techniques à la guitare classique mais c'est également une forme de guitare qui
possède ses propres caractéristiques. L'objet de cette partie est de dégager un certain nombre de
techniques utilisées à la guitare dans le flamenco et récurrentes.
Le travail de la guitare flamenca est une entreprise de longue haleine qui nécessite une
pratique régulière. Pour être efficace chaque technique doit être travaillée lentement en
décomposant de façon précise les mouvements de chacun des doigts.
En utilisant l'une ou l'autre des techniques, on obtient des sonorités diverses et des
ambiances différentes. Certaines techniques sont utilisés de préférence sur certains palos dans
lesquels leur usage est « traditionnel », mais dans l'ensemble elles peuvent s'appliquer à n'importe
quel palo.
58
1. Jeu au pouce, pulgar.
Le jeu au pouce est beaucoup utilisé dans le flamenco. Le terme pulgar signifie « pouce » en
Espagnol et constitue une technique à part entière. On utilise l'ongle du pouce mais aussi la pulpe.
L’usage de l’un ou de l’autre modifie le son obtenu. Si l’on gratte avec l’ongle on obtiendra un son
sec et métallique. Si l’on joue plus avec la pulpe du pouce le son obtenu sera plus rond. C'est un jeu
puissant et performant utilisable à volonté en raison de la diversité de ses mouvements. Il permet de
jouer un grand nombre de mélodies, même relativement rapides sans avoir recours à la technique du
picado. Le pouce intervient également régulièrement en complément des autres doigts dans d'autres
techniques.
2. L'alzapua
L'alzapua est une technique spécifique du flamenco. C'est une extension de la technique du
jeu au pouce. Elle permet d'effectuer des figures rythmiques et mélodiques complexes en utilisant
uniquement l'ongle du pouce en aller-retour. L'effet crée est celui d'un roulement sec. Cette
technique peut être très démonstrative et fait partie des techniques spécifiques à connaître pour le
guitariste de flamenco.
La technique peut être réalisée avec l'ongle du pouce seul et ne nécessite qu'un seul doigt : le
pouce126. Pour réaliser cette technique il faut tout d'abord jouer une note unique dans un mouvement
descendant en venant s'appuyer sur la corde située en dessous de celle que l'on vient de gratter.
Dans un second temps il faut gratter toujours vers le bas les cordes dans un mouvement sec. Puis il
s’agit de gratter les cordes en remontant. Il existe deux types d' alzapua à 3 et 4 notes. Dans le
mouvement à quatre notes la première et la dernière note sont attaquée de la même manière.On
peut donc décomposer le mouvement ainsi :
126 Certains guitaristes accompagnent le mouvement avec d'autres doigts, ex : le retour du pouce avec l'index.
59
1ère note Note jouée vers le bas on vient s'appuyer avec l'ongle sur la corde inférieure.
2ème note On gratte les cordes vers le bas d'un mouvement sec
3ème note On remonte avec le dos de l’ongle du pouce avec le même mouvement sec
4èmenote127
On rejoue la première note de la même façon
La troisième note peut être accompagné par l'index dans un mouvement ascendant. En
utilisant l'alzapua et en combinant les groupes de 3 et 4 notes, on peut jouer une grande diversité de
motifs rythmiques, triolets, doubles-croches.
Pour résumer on a donc deux formes d'alzapua :
- Alzapua en groupes de 3 notes avec 1 seule note principale qui peut être utilisé pour jouer des
groupes de 3 notes, en triolet, ou en double croches.
- Alzapua en groupes de 4 notes avec 2 notes principales : généralement utilisé pour jouer des
doubles croches
127Si l'on souhaite faire un alzapua sur un groupe de 3 notes on ne joue pas cette note.
60
L’ alzapua peut être accompagné d’une golpe sur les temps, sur les croches ou même sur des
doubles croches, tant que ces notes attaquées avec le pouce vers le bas. Cette technique qui mélange
l’alzapua avec le golpe est beaucoup utilisée en flamenco. Le golpe est réalisé avec le majeur128.
3. Jeu avec l'index
Le jeu avec l'index est très utilisé dans le flamenco. Il existe plusieurs techniques d'index :
-Index utilisé pour gratter les cordes :
L'index, utilisé en aller-retour, permet de réaliser un grand nombre de rythmiques flamencas
et il constitue la base de l'accompagnement des palos. Il permet de jouer des tempi rapides.On joue
le temps en grattant vers le bas et le contretemps (croches) en remontant. Ce retour de l'index est
l'élément qui introduit le contretemps dans le flamenco. Ce mouvement d’index est comparable à
celui d’un médiator en guitare électrique ou en jazz-manouche : c’est un mouvement d’aller-retour.
L'index est utilisé pour gratter les cordes vers le bas (en descendant) ou vers le haut (en remontant).
La technique du jeu à l'index est primordiale pour l'accompagnement. Il marque les temps et le
compás et assure la précision des ornementations rythmiques. Il suit les palmas. C'est peut être le
premier élément de technique à aborder dans le flamenco et le premier utilisé pour
l’accompagnement.
128 Voir le chapitre sur les golpes
61
- Index utilisé pour pincer les cordes :
L'index est souvent utilisé en contretemps du pouce en pinçant une seule corde. Certains
morceaux pour guitare classique utilisent cette technique129. Cette utilisation du retour pincé de
l’index est pourtant typique de l'accompagnement flamenco.
Par ailleurs, l'index est régulièrement associé à d'autres doigts, soit pour pincer une corde
soit pour en gratter plusieurs, dans certaines des techniques suivantes.
- Index et golpe :
L’index peut être joué en même temps qu’on réalise un golpe. L’index attaque les cordes du
grave vers les aigus tandis que l’annulaire vient frapper la caisse entre la rosace et le chevalet pour
faire un golpe.
4. Pouce associé a d'autres doigts
Le pouce est souvent joué en alternance de l'index ou d'autres doigts, sur un motif rythmique
répété dans l'objectif de dégager d'une part une mélodie jouée par le pouce et de l'autre un
accompagnement ou un motif harmonique joué par les autres doigts. L'index joue en remontant. Il
peut jouer une note seule ou un motif harmonique ou un accord. Il peut aussi jouer des basses ou
des arpèges pour accompagner une mélodie130.
Groupe de notes Doigté
2 notes Pouce / index : p i p i
3 notes Pouce/ index / majeur : p i m p i m 131
3 notes132 Pouce/ majeur / index : p m i p m i
129On peut citer Asturias d'Isaac Albéniz. Il faut noter qu’en musique classique ce mouvement se fait en alternant lesattaques de l’index et du majeur, ce qui donne le doigté p i p m.
130 Comme dans les trémolos des soleás par exemple.131On peut également utiliser les doigté p a m , pouce annulaire majeur ou p m a.132Cette variante est appréciable si l’on joue binaire.
62
5. Le golpe
Le golpe est une technique caractéristique du flamenco qui consiste à frapper la caisse de la
guitare avec l'ongle de l'annulaire133. Il est utilisé pour donner des indications rythmiques sur les
compás ou à accentuer des notes ou des accords. Le golpe peut être soit joué seul soit associé à un
autre doigt comme le pouce ou l'index. Il existe donc 3 types de golpes :
Type de golpe Réalisation
Golpe seul On frappe sur la caisse avec l'ongle de l'annulaire. Le majeur peut soutenir le
golpe.
Golpe + pouce On joue simultanément une note ou un accord au pouce et le golpe. Le
mouvement est réalisé en imitant le mouvement que l'on fait en ouvrant un
pot de confitures.
Golpe + index On joue simultanément une note ou un accord avec l'index et le golpe.
L'attaque de l'index se fait vers le bas.
*
6. Les rasgueados
Les rasgueados font partie des techniques de guitares caractéristiques du flamenco. Ils
consistent à jouer des figures rythmiques simples ou complexes sur des accords de guitare. Les
techniques de rasgueado peuvent être comparées aux techniques de roulements de tambours, de
frisé ou de batons-mêlés134. Elles sont nombreuses et doivent être travaillées avec précision. Pour
cela il faut bien décomposer le mouvement de chaque doigt. Nous distinguerons la technique des
rasgueados de celles des abanicos.
Les rasgueados sont joués sur des accords ou en étouffant les cordes. On gratte
généralement de 4 à 6 cordes. Les rasgueados sont traditionnellement joués sans utiliser le pouce.
133L'annulaire peut être soutenu par le majeur.134Plus connues sous le nom de para-diddles en anglais
63
Il faut noter que dans le flamenco contemporain on utilise de plus en plus le rasgaueado « en aller-
retour ». On utilise alors sa main droite comme un plectre135.
On distingue les rasgueados en groupes de 3 notes, ou de 4 notes.
Groupe de notes Doigté
3 notes Index vers le bas / index vers le haut /annulaire
3 notes Index vers le bas / index vers le haut /majeur
4 notes Index vers le bas / index vers le haut /annulaire / majeur
4 notes annulaire / majeur / index vers le bas / index vers le haut /
4 notes Auriculaire / annulaire / majeur / index vers le bas
4 notes Auriculaire / annulaire + majeur136 / index vers le bas / index
vers le haut /
7. Les Abanicos :
Le abanico est une technique qui a sensiblement la même utilité que les rasgueados mais
dans laquelle on utilise le pouce. Le mot abanico signifie en espagnol « éventail » et c’est bien de
ce type de mouvement dont il s’agit dans cette technique.
Le abanico comporte des mouvements à 2 ou 3 notes. On l’utilise surtout pour jouer des
division rythmiques telles que croches, doubles-croches, sextolets.
Les mouvements à 2 notes sont simples :
- première note: on gratte les cordes du grave vers l’aigu avec l’annulaire137 et le majeur ensemble.
- seconde note: on gratte les cordes de l’aigu vers le grave avec l’ongle du pouce.
135 On peut obtenir un rasgueado très précis juste avec l’index. Dans le toque moderne, les guitaristes utilisent de plusen plus un mouvement d’aller-retour. La position du pouce, de l’index et des autres doigts est assez difficile àdécrire, il faut utiliser la main comme un plectre.
136Dans cette technique de rasgueados, le majeur et annulaire sont joués ensembles comme un seul doigt.137 On peut utiliser uniquement l’annulaire.
64
Ou :
- première note: on gratte les cordes de l’aigu vers le grave avec l’ongle du pouce.
- seconde note: on gratte les cordes du grave vers l’aigu avec l’annulaire138 et le majeur ensemble.
La particularité de cette technique est que l’on va se retrouver à gratter « à l’envers », les
temps forts étant joués vers le haut et les contre-temps vers le bas.
Il existe également un abanico à 3 notes :
La technique se décompose ainsi :
- la première attaque du pouce est jouée de l'aigu vers le grave en remontant jusqu’à achever
l’action du poignet.
- la seconde attaque se fait avec l’annulaire où l’annulaire et le majeur ensembles. Le mouvement
est joué vers le bas.
- la troisième note est une attaque de pouce qui se fait vers le bas, dans le prolongement du
mouvement de poignet engagé à l’étape précédente, en grattant toutes les cordes. L’enchaînement
entre l’annulaire et le pouce doit être fluide.
Dans les accompagnements du cante, les abanicos et les rasgueados sont fréquemment
mélangés. Il est important de noter que sur les plans théoriques et techniques ces mouvements
s’enchaînent parfaitement entre eux si l’on respecte les doigtés. Il existe alors une grande variété de
rythmes et différentes façon de jouer une même figure rythmique ou de les enchaîner entre elles.
138 On peut utiliser uniquement l’annulaire.
65
8. Les picados
La technique du picado est très utilisée en flamenco. Elle consiste en un mouvement
d'alternance entre l'index et le majeur qui viennent buter alternativement les cordes. Elle est utilisée
pour jouer des mélodies ou des gammes. Pendant ce mouvement le pouce vient s'appuyer sur la
corde de Mi pour asseoir la position.
Chaque phalange de ces doigts travaille. La phalange supérieure139 influe sur le rythme et la
précision tandis que la phalange inférieure140 a une influence sur la puissance et l'attaque. Comme
pour les attaques au pouce on utilise à la fois l’ongle et la pulpe du doigt pour faire varier le son
obtenu. L’attaque de la pulpe précède celle de l’ongle qui viendra traverser la corde et se placer en
butée sur la corde inférieure sauf bien entendu si les notes sont jouées sur la corde de Mi grave. On
peut également jouer les picados sans venir en butée sur la corde inférieure ce qui permet
d’augmenter la vitesse d’exécution.
Pour réaliser des picados la main droite se place derrière la rosace de la guitare141. La main
droite va légèrement se déplacer en fonction de la position des notes jouées à la main gauche sur le
manche. Plus la longueur de corde sera courte et plus on se rapprochera du sillet.
On peut donc modifier l’attaque des picados à sa guise, parfois sur des séries de notes
comme des descentes de gammes longues ou bien encore sur un motif répété.
Les picados restent un élément de virtuosité. Quand ils doivent être joués sur un tempo
rapide ou à un rythme élevé ils sont joués derrière la bouche de la guitare, près du chevalet142, en
particulier. Si l'on souhaite pratiquer cette technique avec une grande vélocité, l'alternance des
doigts doit être parfaitement rigoureuse et maîtrisée. On commence par l’index. C'est la condition
pour accéder à une bonne vélocité, voire à des vitesses « supersoniques » comme certains guitaristes
virtuoses.
139Phalange proximale, celles ou l'on met les bagues.140Phalange distale, ou se trouve l'ongle.141On peut aussi nommer cette partie de la guitare la rosette.142Où sont accrochées les cordes de la guitare.
66
9. Les arpèges
Les arpèges sont utilisés en abondance en flamenco mais il est difficile de dégager des
techniques particulières. Toutefois il faut noté que les arpèges les plus utilisés sont des arpèges
descendants de trois notes jouées avec le doigté p m i ( et non p i m). Le majeur et l’index jouent
les notes situées sur les cordes de mi aigu et si.
L’arpège produit par le majeur et l’index enrichit généralement une mélodie jouée au pouce
sur les cordes de Mi, La, Ré, et Sol. On préfère ce premier doigté qui vient placer la note aiguë sur
une croche en l’air accentuant la sensation de contretemps et imprègne de fait une pulsation interne
à l’arpège.
Il est également fréquent de réaliser ce type d’arpèges avec l’annulaire et le majeur, ce qui a
pour effet de libérer le pouce et de permettre de réaliser plus facilement les arpèges de quatre notes.
De nombreux exercices de flamenco mélangent les arpèges et les picados. Nous proposons
ci-dessous des exemples d’exercices qui font intervenir ces deux techniques.
69
10. Les tremolos
Il semble que les tremolos soient un héritage ou une convergence de la musique classique et
de la musique pour guitare andalouse. En effet le trémolo en groupe de 4 notes est utilisé d’une part
dans la guitare flamenca mais aussi dans des œuvres appartenant au répertoire classique comme
dans Recuerdos de la Alhambra de Francisco Tárrega, qui est peut être la pièce la plus connue qui
utilise cette technique.
Le trémolo le plus utilisé dans la guitare flamenca malgré sa complexité rythmique
théorique est celui à 5 notes. Le trémolo est une technique d’ornement. Il est intéressant de noter
que les guitaristes de flamenco ont choisi d’utiliser préférentiellement une technique qui sur le plan
théorique est ambiguë. En effet l’usage du quintolet est peu répandu en musique et on a que deux
possibilités évidentes pour jouer ce trémolo, l’autre étant celle correcte sur le plan théorique de
jouer une figure en sextolets.
Dans la réalité on oscille bien souvent entre ces deux figures rythmiques. Pour jouer cette
technique il faut détacher l’attaque des quatre doigts utilisés, l’index et le pouce, ainsi que de
l’annulaire qui appuie la position de retour des doigts. En même temps il faut se soucier de la
fluidité du mouvement.On peut ressentir une oscillation théorique et interprétative d’où la nécessité
de « recaler » la position sur l’un des doigts , ce qui crée une nouvelle oscillation etc...
Groupe de notes Doigté
Groupes de 4 notes :1+3 143 p a m i p a m i
Groupes de 5 notes :1+4 p i a m i p i a m i
Groupes de 6 notes144 : 1+5 p i an au m i p i an au m i
Les trémolos sont une technique difficile à réaliser. Ils sont la plupart du temps jouée
par la guitare seule, sans accompagnement.
143 Cette technique n’est pas celle qui à les faveurs des guitaristes de flamenco qui préfèrent souvent les autrestechniques de trémolos à 5 notes.
144 Cette technique existe mais est peu utilisée.
77
11. Utilisation d'accords spécifiques au flamenco.
Le flamenco s'appuie sur des positions d'accords spécifiques liés au tonalités flamencas
jouées. Ces accords donnent vraiment la « couleur » flamenca. Parmi ces positions on peut citer :
- Mi majeur : la position de mi majeur utilisée en flamenco est la même que dans d’autres styles de
musiques. Toutefois il constitue la base du mode por arriba.145
- La majeur position flamenca
Le La majeur est utilisé en haut de manche avec un barré sur 2 cordes (cordes de Ré et Sol)
avcec l’index pour jouer les notes Mi et La. Cette position permet de jouer plus facilement certains
accords comme le La avec la 9ème bémol qui est l'un des accords caractéristique de la guitare
flamenca en mode por medio, ou tout en accédant facilement à une position de La septième et à
d'autres altérations. On retrouve abondamment dans tous les palos utilisant le mode por medio. On
trouve cette position dans les tangos et dans les bulerías et les seguiriyas.
- Mi majeur 9 ème bémol :
Cet accord est très utilisé dans les palos qui utilisent le mode por arriba comme les soleás.
Sur le plan technique il faut noter que la neuvième bémol peut être jouée avec l’annulaire sur la
corde de Ré, à la troisième case, ce qui en fait une position facile sur le plan théorique et logique sur
le plan technique.
- Si septième position d'alegría:
Il est utilisé dans les alegrías et dans d'autres formes de la famille des cantinas.
- Fa dièse ouvert: l’accord qui induit le mode des tarantas.
-Si ouvert: celui qui induit le mode des granaínas.
145 cf. Les modes du flamenco
78
Le flamenco comporte beaucoup d’accords spécifiques et de particularités harmoniques.
L’étude des accords est liée à l’organologie de la guitare qui fait que certaines tonalités seront
difficiles à reproduire pour d’autres instruments.
Nous préciserons les doigtés de ces accords dans le chapitre où nous étudierons les grands
palos du flamenco.
En dehors de la connaissance de ces accords de base, il est important de travailler les
renversements d’accords.
12. Le presentible
Le presentible est une particularité de la guitare flamenca. C'est un fragment rythmico-
mélodique d'une durée de trois temps qui vient clôturer les compás de guitare146. Le motif peut être
accompagné par les palmas. Cette figure se répète souvent plusieurs fois dans un morceau. Le
presentible est présent dans la plupart des palos, où il achève les falsetas et les llamadas de guitare.
Il conclut les phrases de guitare.
Il existe différentes manières de jouer les presentibles qui sont liées à la nature du palo qui
est joué. Ainsi le presentible est légèrement différent en fonction de la forme. Il est utilisé lorsqu'il
s'agit d'une soleá, d'une bulería , d'une alegría, d'un tango ou d'une seguiriya. Les fandangos
n'utilisent pas ce procédé, ni les sevillanas…
La façon de jouer les presentibles est différente d'un guitariste à l'autre et d’une
interprétation par un même artiste à une autre. Toutefois chaque guitariste possède sa ou ses
manières personnelles de les interpréter en fonction des formes. Répétée tout au long de la partie de
guitare, la figure indique au cantaor, aux autres musiciens ou aux danseurs la fin d'un compás et
l’endroit où il est supposé intervenir.
146 Dans les palos ternaires ou d’amalgame. L’utilisation du presentible n’est a priori pas systématique le compás peuts'achever par des rasgueados ou de façon différente. Mais l’usage du presentible est très fréquent dans la clôture dephrases de falsetas.
79
13. Évolution des techniques de la guitare flamenca.
Il est important de noter que les techniques utilisées à la guitare dans le flamenco évoluent
sans cesse. Certains guitaristes ont une influence majeure sur l’histoire de la technique de la guitare
flamenca. Parmi les premiers guitaristes dont on possède des captations, Niño Ricardo et son
extrême virtuosité dans l’application des techniques de guitare est le premier artiste de toque qui a
marqué le style de son empreinte et a influencé de nombreux guitaristes.
Diego del Gastor fût lui aussi un artiste influent. On peut le citer pour la précision et la clarté
de son jeu de guitare et pour la forme d’humour qu’il savait mettre dans l’interprétation des grands
palos du flamenco. Il utilisa aussi une technique dont on pourrait dire qu’elle est tombée en
désuétude. Il incorpora dans son jeu une particularité technique qui n’a pas fait école mais qui a
pourtant une sonorité intéressante ; l’utilisation du majeur en renfort de l’index pour gratter les deux
cordes aiguës en contre-temps tandis que le pouce réalise des mélodies. Cette technique n’a semble-
t-il pas convaincu les guitaristes de flamenco...C’était là un exemple assez rare de technique qui n’a
pas ou peu été réutilisée par d’autres guitaristes.
On peut également citer Paco de Lucía qui, interprétant des palos flamenco dans des
tonalités inédites a découvert des positions inédites. Il sût explorer des tonalités jusque là peu
utilisées pour développer des sonorités nouvelles. Certaines de ses compositions utilisent ces
originalités créées pas l’interprétation d’un palo traditionnel dans une tonalité inédite. Des
compositions comme Zyriab sont un bon exemple des sonorités obtenues avec ce procédé : ce titre
est une bulería mais sur une cadence andalouse en Do dièse, comme si l’on jouait le mode por
medio mais transposé une tierce plus haut147. De fait les doigtés diffèrent en fonction du ton , de
même que la position des cordes à vides dans les tonalités utilisées qui donne des sonorités tout à
fait originales. Ainsi dans l’arpège d’introduction de Zyriab , la corde de Mi aigu jouée à vide donne
une couleur spécifique au morceau que l’on aurait pas obtenu en jouant en mode por medio.
Paco de Lucía a donc joué certains palos de façon originale et nouvelle. On peut également
citer d’autres exemples comme des bulerías sur un accord de base de Ré majeur148 ce qui
équivaudrait à jouer en mode por medio transposé d’une quarte juste. Dans ce second exemple on
retrouve aussi de nouveaux appuis harmoniques et guitaristes, comme un mode original basé sur la
note de Ré et donc sur la corde de Ré. Il a d’autre part limité l’usage du capodastre dans ses
147 C’est aussi l’équivalent d’une tonalité de C # mineur , relative de Mi majeur soit la tonalité d’une alegría en Mi.148 La mineur ou Ré phrygien pour prendre les modes les plus proches.
80
interprétations ce qui lui a permis d’explorer toute la tessiture de la guitare149, en particulier dans ses
solos ou il utilise régulièrement des notes situées haut dans les aigus de la guitare.
149 La tessiture est l’intervalle entre la note la plus grave et la note plus élevée qui peuvent être jouée sur un instrument.
81
Le compás permet d'analyser un cante flamenco sous son aspect rythmique. Pour compléter
l'analyse musicale il faut ensuite étudier les modes qui s'y rattachent pour analyser son contenu
mélodique et harmonique. L'étude des modes est tout à fait relative, surtout pour les anciens cantes
ou la musique était transmise oralement. En effet les anciens cantaores et guitaristes ne
connaissaient pas le solfège et la théorie musicale. Beaucoup jouaient à l'oreille. Le flamenco nous
ouvre donc un monde harmonique où tout est permis, la seule justification étant la sonorité.
As in the popular music of Andalusia, the scales used for flamenco mostly exhibit anaffinity for three principal types: firstly, the medieval Phrygian (or greek Dorian );secondly a modified scale resembling the arab Maqam Hijazi; and thirdly, a bimodalconfiguration alternating between major and minor 2nds and 3rds (ex.1). The melodiesare predominately diatonic, with occasional leaps of 3rds and 4ths, and the Phrygiancadence (A-G-F-E) is a common feature. According to the individual cante of theflamenco repertory, the use of ornamentation varies from light to heavy, and ascendingor descending appogiatura-like inflections are commonly used to accentuate certainnotes. Such inflections are microtonal and are a particular feature of cante hondo. It ishere that with North Indian and Arab modal practices are valid. The flamenco repertoryincorporates many metres: binary, simple and complex; ternary; and combination ofboth. Polyrythmic passages also occur in which the vocalist, singing in binary metre,may be accompanied in ternary metre.150
Comme dans la musique populaire andalouse, les gammes utilisées pour le flamencomontrent principalement des affinités avec trois types principaux : premièrement, lephrygien médiéval (ou dorien grec) ; deuxièmement une gamme modifiée ressemblantau Maqam Hijazi arabe et troisièmement, une configuration bimodale alternant entresecondes et tierces majeures et mineures. Les mélodies sont majoritairementdiatoniques, avec des sauts occasionnels de tierce et de quartes, et la cadencephrygienne (La- Sol-Fa-Mi) est une caractéristique commune.Selon le chant individueldu répertoire flamenco, l'utilisation d’ornementation varie de la légère à lourde, et desappogiatures ascendantes et descendantes – comme les inflexions sont utilisées pouraccentuer certaines notes. De telles inflexions sont microtonales et sont unecaractéristique particulière du cante hondo. C'est ici que les pratiques modales du nordde l'Inde et arabes sont valables.Le répertoire flamenco intègre de nombreuses mesures:binaire, simple et complexe; ternaire, et des combinaisons de l'ensemble. Des passagespolyrythmiques apparaissent quand le vocaliste, qui chante en mesure binaire, doit êtreaccompagné en mesure ternaire.
Cette courte définition dessine les grandes lignes des concepts harmoniques en
flamenco, même si cette définition reste brève et encyclopédique.
En fait il existe assez peu de modes en flamenco mais leur étude est vaste.
150 The New Grove, Dictionary of music and musicians, second edition, Stanley Sadie, 2004. p.923
83
1. Le mode mineur:
L'accord fondamental est La mineur on joue en La mineur avec toutes les possibilités
mélodiques et harmoniques associées (mineur harmonique, mineur mélodique). Le V ème degré
(Mi septième) et le VI degré (Fa majeur) sont souvent utilisés. C'est le mode des fandangos, des
sevillanas. On peut aussi estimer que l'on joue en Mi flamenco c’est à dire por arriba.
On trouve également des passages en Ré mineur, soit l’équivalent du mode por medio
Mode de La mineur151 :
Le mode mineur harmonique152 est aussi beaucoup utilisé dans le flamenco. Le mode
mélodique semble en revanche peu utilisée.
151 Soucre de l’image : wikipédia152 Le mode mineur naturel contient des « degrés mobiles » ou « notes mobiles » dont la hauteur peut être modifié. En
montant d’un demi-ton le VIIème degré de la gamme mineure naturelle on obtient une gamme mineure harmonique.En montant d’un demi-ton les VI et VII degrés on obtient le mode mineur mélodique.
84
2. Le mode majeur:
Les modes majeurs les plus courants sont Mi majeur et Do majeur. Si l'accord fondamental
est Mi majeur. La gamme correspondante est celle de Mi majeur. On retrouve souvent les accords
de Si septième et La majeur. C'est la tonalité des alegrías,des cantinas…
Les tonalités majeures les plus utilisées sont Mi majeur, Do majeur, La majeur, et Ré majeur.
Mode de Do majeur154:
Ci-dessous quelques exemples de ces gammes avec des doigtés empruntés à Andrés Ségovia
aussi connues sous le nom de « gammes de Ségovia ».
154 Soucre de l’image : wikipédia
86
3. Le mode por medio :
On peut l'assimiler à un mode de La phrygien sur un accord de La majeur155, soit l'équivalent
d'une tonalité de Ré mineur156. Toutefois les guitaristes de flamenco appellent cette position « La
flamenco » ou « por medio ». Des altérations peuvent être utilisées sur certaines notes comme le
Do dièse ou le Sol dièse. L'accord associé à la cadence pour sa résolution est souvent Si bémol ou
Sol mineur. La cadence de résolution classique V/I ( E7/A ) n'est pas utilisée au profit de la cadence
Bb/A (seconde bémol / premier degré).
Le mode por medio comme le mode por arriba correspondent à des séries de positions sur le
manche de la guitare qui font la particularité de la guitare flamenca.
On utilise aussi abondamment la cadence andalouse en La : Ré mineur / Do157 / Si bémol / A
Mode por medio
155 Pour simplifier 156 Ce mode n'est pas le mode phrygien. Les artistes de flamenco parlent de « La por medio » et « Mi por arriba ».157 Le C peut être un C7.
88
4. Le mode por arriba :
C'est le mode por medio transposé sur un accord de fondamentale de Mi majeur. Ce mode
peut être rapproché du mode de La mineur ou du mode majeur de Do158. Ce mode est également
proche du mode de mi phrygien. La aussi on est très proche du mode phrygien mais les artistes
flamenco utilisent les termes soit de « por arriba », soit de « Mi flamenco ».
On peut altérer entre autres le Sol dièse et le Ré dièse. La aussi on n'utilise pas la cadence
B7/ E. La résolution se fait souvent en passant par un Fa majeur. La encore nous sommes en
présence d’un mode étudié pour la guitare. La cadence andalouse en Mi, La mineur / Sol /Fa / Mi
est largement utilisée.
Mode por arriba
158 Le mode por arriba est le « Do majeur » du flamenco
89
5. Le mode des granaínas :
C'est un mode du Levant. Il correspond à la transposition au ton supérieur du mode por
medio, soit un accord de fondamental de Si majeur ( donc Si phrygien, gamme de Sol majeur,
gamme relative mineure Mi mineur). La tonalité la plus proche est Mi mineur.
Mode des granaínas
90
6. Le mode des tarantas :
C'est un mode du Levant. Il correspond à la transposition au ton supérieur du mode por
arriba, soit un accord de fondamental de Fa dièse majeur ( donc Fa dièse phrygien, gamme de Ré
majeur,gamme relative mineure Si mineur). La tonalité la plus proche est Si mineur.
Mode des tarantos et tarantas
91
7. Le mode des mineras:
Ce mode correspond à une transposition du mode por medio un demi-ton plus bas soit sur
un accord de fondamental de Sol dièse majeur ( donc Sol dièse phrygien, gamme de Mi
majeur,gamme relative mineure Do dièse mineur). C'est un mode du Levant.
Mode des mineras
92
8. Le mode des rondeñas
La rondeña est un palo récent. Il est interprété à la guitare soliste. L’accordage de la
rondeña est spécifique : Ré, La, Ré, Fa#, Si, Mi159.
Mode des rondeñas
159 Du grave vers l’aigu
93
9. Le mode andalou160
Un des modes les plus utilisés en flamenco est le mode andalou aussi connu sous le nom de
mode tzigane. Ce mode andalou est le véritable mode sur lequel se développe le flamenco.
« Le mode andalou est l’une des deux formes de l’échelle à double seconde augmentée– l’autre étant le mode tzigane. Il dérive du mode phrygien de mi à travers la mise en jeude notes mobiles qui peuvent modifier la directivité éminemment descendante de celui-ci. Soyons plus précis : le mode andalou donne lieu principalement, par le biais de sesnotes mobiles, à la transformation, soit : 1) de l’un ; 2) de l’autre ; 3) des deuxtétracordes à la fois du mode de mi. Dans les deux premiers cas, il demeure dedirectivité descendante en vertu de la présence d’un tétracorde descendant en son sein(le second dans le premier cas, le premier dans le second cas, dont le demi-ton, quiintroduit une différence par rapport aux tons, est situé dans le grave) ; dans le troisièmecas, il devient stable et peut alors être présenté aussi bien de façon ascendante quedescendante (ces deux formes sont symétriques) ; c’est dans ce dernier cas de figureseulement qu’il acquiert sa physionomie caractéristique d’échelle à double secondeaugmentée (Ex. 1).
Exemple 1 : Les trois formes principales du mode andalou
« Au plan harmonique, on peut considérer – en continuant à le référer au modedescendant de mi, y compris dans le troisième cas de figure identifié ci-dessus – que sonaccord de dominante lui-même doit non seulement être appréhendé en tant que Ve degré« du dessous », mais dans l’ordre descendant (de l’aigu au grave), c’est-à-dire avec les
160 Le mode andalou peut être transposé dans les tonalités por medio, por arriba, por minera, por taranta, porgranaína...
94
notes la-fa-ré – et, si l’on ajoute la 7e,77 l’accord de septième mineure et quintediminuée la-fa-ré-si –, le la (et non le si) étant la note dominante (Ex. 2). »161
Exemple 2 : Dominante « du dessous » et descendante du mode andalou
De ce mode découle la cadence andalouse, construite sur le mode andalou.
Manuel Ríos Ruis cite le flamencologue George Hilaire :
La música andaluza es modal. El sistema armónico de falsas relaciones, le es propicioy constituye según Falla, una de las maravillas del arte natural. Su cadencia decente enLa, Sol, Fa, Mi es característica del modo frigio y produce efectos de expectación,inestabilidad, inquietud, que acentúa el uso frecuente del acorde moderno en séptima.162
P 96
La musique andalouse est modale. Le système harmonique de fausses relations, lui estpropre et constitue selon Falla une des merveilles de l'art naturel. Sa cadencedescendante ne La, Sol, Fa, Mi est caractéristique du mode phrygien et produit deseffets d'expectation, d'instabilité, d’inquiétude, qu'accentue l'usage fréquent de l'accordmoderne en septième.
Le mode andalou peut être transposé.
161 GONNARD, Henri, Le 2ème mouvement du Quatuor à cordes (1893) de Claude Debussy : à la recherche del’identité à travers la confrontation des cultutres,sous la direction de Christiane Heine, Buscando identidades : músicade camará en los países mediterráneos durante el tardio siglo XIX y temprano siglo XX, Sevilla, Doble J. , 2014.162 Introducción al cante flamenco, Manuel Ríos Ruiz, ed. ISTMO, 1972,
95
10. Mode double-diminué163
Ce mode aux couleurs modernes a été popularisé par Paco de Lucía. Il est intéressant pour
ses sonorités et dans l’exécution pour la symétrie dans les positions de guitares, le doigté étant
identique sur les cordes, voir l'exemple ci-dessous sur un accord de la majeur. Dans l'improvisation
il est utilisable pour passer d'un accord à l'autre via des mélodies.
163De même que le mode andalou, le mode double-diminué peut être transposé dans les tonalités por medio, porarriba, por minera, por taranta, por granaína
96
En dehors des modes majeurs et des modes mineurs, on peut considérer que certains modes
sont des modes harmoniques et d’autres des modes mélodiques. Les modes harmoniques seraient
les modes por medio, por arriba, le mode des granaínas, celui des tarantas et celui des mineras.
Ces modes déterminent des structures harmoniques liée à une tonalité et à des positions spécifiques
de placement sur le manche de la guitare.
Le mode andalou ou le mode demi-diminué seraient en revanche des modes mélodiques qui
peuvent être utilisés dans chacun des modes harmoniques ou des tonalités utilisées.
97
11. La cadence andalouse
La cadence andalouse est la cadence de référence du flamenco, celle qui fait sa spécificité.
Lorsqu’on la joue on a immédiatement la sonorité, la « couleur » flamenco.
La cadence andalouse est une cadence constituée des accords suivants :
A- G (7) F E
Elle peut être transposée dans toutes les tonalités et dans tous les modes étudiés
précédemment, en fonction de la tonalité demandée. Elle est également beaucoup utilisée en La
andalou :
D- C (7) Bb A
La cadence andalouse ci-dessus est une cadence en Mi andalou. Sa structure est donc :
IV- III (7) II b I
La cadence andalouse est une cadence à directivité descendante.
Si l’on étend cette cadence a toutes les notes du notes du mode por medio on obtient la
gamme en accords suivante :
A Bb C7 D- E- F G-
Soit
I II III 7 IV- V- VI VII -
On peut procéder à des substitutions de certains accords.
- Exemples de substitution en La andalou :
98
D- C Bb A
- Substitution du II ème degré par le VII ème degré mineur :
D- C G- A
Cette substitution est abondamment utilisée dans les tangos, les bulerías et les seguiriyas.
ou
99
- Substitution du II degré par le VII ème degré du mode andalou :
D- C G # b5 ou G- / G# ouBb7 / Ab164
A
164 Cet accord est utilisé dans le morceau Como el agua de Camarón.
100
1. Les grandes palos du flamenco
Afin de faciliter la compréhension de ce que sont les palos flamencos, nous allons ici étudier
plus précisément quelques uns des grands palos qui sont les piliers du cante flamenco et qui ont
servi de modèle pour la construction des autres palos. Notre étude portera plus particulièrement sur
les interprétation à la guitare.
Nous nous attacherons donc à préciser ici la nature des palos suivants :
– Les tonás165
– les tangos
– les fandangos
– les soleás
– les bulerías
– les alegrías
– les granaínas
– les tarantas et les tarantos
– les seguiriyas
Nous étudierons aussi d’autres formes plus récentes du flamenco. Parmi elles des formes
locales ou régionales166, des formes libres167, des formes de ida y vuelta168, et des formes
aflamencadas169 :
– les malagueñas
– les granaínas
165 Ce style est joué sans guitare, a capela.166 Malagueñas, granaínas167 Tarantos, tarantas168 Guajira169 Sevillanas
102
– les tarantas
– les tarantos
– les guajiras
– les sevillanas
Chacune de ces formes est un exemple de l’évolution du toque flamenco au cours du temps.
Nous étudierons donc ces palos en fonction de leurs particularités et dans l’orde énoncé ci-dessus
afin de nous inscrire dans la poétique170 du flamenco et d’une logique d’étude.
170 La poétique désigne l'étude et la théorisation de la création artistique
103
Le toque flamenco est l'art qui consiste à jouer la musique du flamenco ou à accompagner
musicalement le cante et le baile. Le cantaor de flamenco est traditionnellement accompagné par
un guitariste.
Toutefois, l'accompagnement musical du flamenco ne se limite pas à la guitare. De
nombreux accompagnements font intervenir des claves, des motifs rythmiques joués par les mains,
les palmas171. Elles peuvent être jouées ponctuellement par le cantaor qui précise ainsi le compás
ou en joue quelques notes en frappant sur une table172. Mais elles sont généralement jouées par deux
musiciens au moins. Elles forment une entité rythmique percussive polyphonique propre au
flamenco. Avec la guitare elles constituent l'accompagnement traditionnel du flamenco173.
Au fur et à mesure de l'évolution de la musique flamenca , d'autres instruments sont venus
enrichir l'accompagnement. C'est le cas du cajón , un instrument péruvien sur la base d'une simple
caisse de bois et qui accompagne le flamenco depuis les groupes de Paco de Lucía des années 1970.
Le cajón est beaucoup utilisé aujourd'hui car il permet de restituer les sonorités des palmas.
Il apporte aussi au style un soutien rythmique et des possibilités que n’offrent pas les mains nues.
Enfin il s'accorde bien avec les rasgueados de guitare.
D'autres instruments on été introduits dans le toque flamenco, comme la basse électrique, la
flûte, le mélodica, l'harmonica, le piano...Il faut préciser que le toque flamenco peut être joué par
d'autres instruments que la guitare174. Toutefois la guitare reste l’instrument le plus utilisé pour
l’accompagnement ou l’interprétation soliste du flamenco.
A partir des années 50 et sous l’impulsion de grands guitaristes comme Sabicas puis des
guitaristes de la génération de Paco de Lucía, le toque va peu à peu se libérer du chant et donner
lieu à une nouvelle pratique du flamenco sous la forme d'une performance instrumentale soliste ou
en orchestre telle celles que produisent à l'heure actuelle des guitaristes comme Manolo San Lucar,
Tomatito ou Vicente Amigo.
De nombreux guitaristes classiques se sont intéressés au flamenco, tout comme certains
artistes de flamenco, sont de très bon interprètes classiques comme Pépé Romero. Créant ainsi un
pont entre la musique populaire andalouse et la musique classique. On peut citer entre autres John
171 Les castagnettes font aussi parti des instruments traditionnels d'accompagnement mais sont peu utilisées de nosjours.
172 Le compás peut être joué avec une main en tapant sur une table et en accentuant les temps forts avec le poing (enfait avec la première phalange du majeur, de l'annulaire et de l'auriculaire) et le pouce et les temps faibles avecl'ongle de l'index, à la manière d'une pichenette ou d'un joueur de billes.
173Les castagnettes peuvent être utilisées174On peut citer Chano Dominguez qui a produit d'excellents albums de flamenco au piano.
104
Williams, guitariste et célèbre compositeur hollywoodien. Les deux musiciens collaborent d’ailleurs
parfois175. Pour Manolo San Lucar, qui enseigne le flamenco, il est impossible d’enseigner cet art
sans avoir de connaissances en musique classique pour guitare.
Traditionnellement la transmission du toque se faisait par voie orale et on observe des
lignées dans la pédagogie. Ainsi Tomatito est-il l'élève de Paco de Lucía qui était lui-même celui de
Niño Ricardo. Les falsetas de guitare se transmettent ainsi de maître à élève comme les paroles des
cantes.
Le toque naît en tant qu'accompagnement instrumental du cante et du baile. Avec letemps, il se libère de son rôle secondaire. La guitare constitue la colonne vertébrale dutoque dans trois options interprétatives: accompagnement du cante, du baile et en solo.Le flamenco s'appuie sur d'autres instruments tels que les castagnettes, les palmas(claquements de mains), le zapateado (martèlement des pieds) 1 les coups avec lesjointures des mains et, plus récemment, le piano, le cajón (caisse), la flûte, le violon,etc.176
Il faut noter que dans le toque moderne, la guitare peut occuper la fonction de soliste
qu’occupait dans la tradition le cantaor. Le répertoire pour guitare étends ses limites. La technique
instrumentale s’élargit.
L'objet de cette partie est de donner les grandes lignes harmoniques et rythmiques des palos
et de l'accompagnement des cantes. L'association de ces deux variables permet à l'auditeur de
reconnaître les formes traditionnelles du flamenco. Les points communs et les différences entre les
palos permettent d’établir des liens de parenté entre les formes en dehors de l’analyse du cante. Les
palos du flamenco instrumental et de la guitare flamenca peuvent donc être analysées.
Les premiers termes pour désigner les palos flamencos apparaissent dans la seconde moitié
du XVIII ème siècle. Les termes de saetas, tonas ,martinetes, siguiriyas, soleá qui sont les formes
les plus anciennes, commencent alors à apparaître. Les fandangos existaient déjà, sous d’autres
formes. Les premiers palos font l'objet d'un ouvrage, Colección de Cantes flamencos recogidos y
175 Une excellente version d’un zapateado existe qui fait intervenir John Williams et Pépé Romero.176 UNESCO, Convention pour la sauvegarde du patrimoine immatériel, 2010. p.5
105
anotados por Démofilo, écrit en 1881 par Antonio Machado y Alvarez.177
Tango ou alegría ? Comment distinguer les cantes entre eux ?
Voilà l'une des questions que l'on se pose quand on débute l'étude du flamenco. Quelle est la
forme du morceau que j'écoute ? Le flamenco est un style avec des formes musicales – cantes ou
palos178- codifiées qui ont été développées par les artistes flamencos andalous ou espagnols. Les
artistes et le public reconnaissent ces formes.
Le flamenco est un art qui se réfère à un vocabulaire précis. Chaque terme en soi est un
concept, une façon de faire, une méthode à suivre. Si le concept est plus long a développer, jouer
por tango désigne précisément une forme.
Pour mieux comprendre les formes du cante et arriver à identifier les palos entre eux, il faut
revenir à des notions musicales élémentaires et simples, mnémotechniques:
– identifier le compás : le rythme est-il binaire, ou ternaire, ou un compás d’amalgame de
douze temps.
– Savoir si la tonalité est mineure179, majeure180, ou en cadence andalouse, por medio ou por
arriba. Par extension, savoir si le cante est accompagné sur le mode des granaínas ou dans
le mode des cantes de Levante181, ou est-il une forme de Ida y vuelta... Ces modes et
tonalités peuvent être analysés en se basant sur des positions de guitare. Chaque position a
ses particularités musicales propres182 qui donne parfois au cante sa « couleur »183.Grâce à
l'usage du capodastre le guitariste peut de plus déplacer ces positions pour adapter son
accompagnement à la mélodie du cante184
177Ibid.178Le terme palo réfère à des structures rythmiques et harmoniques du flamenco. 179Comme les Fandangos180Comme les Alegrías181Mode des tarantas182Ces particularités sont crées par les cordes à vides et liées à l'accordage traditionnel de la guitare en intervalles de
quartes ascendantes sauf pour l'intervalle entre la cinquième et la sixième corde qui est une tierce ascendante (icil'accordage est vu du grave vers l'aigu.). L’utilisation des cordes à vide engendre des couleurs harmoniquesdifférentes en fonction des tonalités. De plus il existe d’autres formes d’accordages, comme pour la rondeña, ou lesguajiras par exemple.
183Ex : les tarantas ou tarantos184L'accompagnement du flamenco nécessite de connaître ces positions qui font la particularité musicale du style au
niveau de la guitare et en dehors de toute considération technique virtuose.
106
– les indications métronomiques. Le tempo peut distinguer les formes entre elles185.
– La letra du cante, ses thèmes poétiques186 ou lyriques traditionnels où les conventions qui
sont liées au cante, comme le fameux « tirititran » des alegrías187.
L'analyse rapide de ces variables ou de ces données musicales peut permettre d'identifier
entre elles, soit par coïncidence, soit par différenciation, les formes du flamenco ou, tout au moins,
de savoir à quelle grande famille ou à quel groupe appartient un cante ou un toque.
Nous nous attacherons ici à analyser les palos sur le plan musical. Nous ne ferons
qu’aborder l’analyse poétique et littéraire des cantes. Pour procéder à cette analyse il faut tout
d'abord étudier les différents compás flamencos ainsi que les modes dans lequel ils sont joués. On
pourra ensuite étudier les nombreuses formes de palos sur le plan musical et donner quelques
indications littéraires.
Il existe plusieurs façons d'étudier les palos flamencos. L'une des possibilités est d'en dresser
la liste, avec le maximum d'exhaustivité. C’est ce qu'a fait Luis López Ruis dans son Guide du
flamenco qui recense plus d'une cinquantaine de formes188. D'autres comme Manuel Ríos Ruiz
choisissent un ordre logique pour décrire les divers styles de cantes. Il commence par la toná, la
forme a cappella ( a palo seco) la plus ancienne. Puis il étudie les martinetes et les carceleras qui
sont des dérivés des tonás. Ensuite il achève son étude des cantes a palo seco par l'analyse de la
saeta qui est un chant religieux. Il poursuit avec la seguiriya , la forme la plus ancestrale de cante
accompagné par la guitare, puis les soléas etc...
Nous développerons trois parties pour bien comprendre les palos :
– d'une part une partie analytique où je m'inspirerai du travail de Miguel Angel Berlanga sur le
compás pour l'étudier. Je poursuivrai par de courtes analyses harmoniques ou modale
inspirées par les thèses de Vincent Le Gall et Philippe Donnier189.
– Une partie où nous nous intéresserons plus spécifiquement à quelques palos majeurs pour
l’étude des formes du flamenco.Nous identifierons les récurrences dans le jeu de guitare qui
permettent de distinguer entre elles les formes.
185L'accompagnement du tiento (lent) diffère de celui du tango par son tempo, la structure harmonique et rythmiquedes deux formes est identique.
186Les carceleras parlent de prison, de prisonniers, de cachots, les mineras de travail, de forge, les saetas sont desprières, les villancicos des chants de noël...
187Cette introduction chantée indique que les artistes jouent por alegría, ou dans une des formes qui emprunte à l'alegría sa structure harmonique et rythmique. Cette llamada peut aussi introduire une cantiña.
188Luis López Ruis en recense 52, Tandis qu' Isabelle Jacq en compte 56.189Respectivement « la musique savante pour guitare flamenca de 1956 à nos jours » et « relations temporelles et
processus d'improvisation »
107
– D’autre part une partie descriptive où nous essaierons de faire le point sur l'ensemble des
palos.
Notes sur les transcriptions :
Les transcriptions en tablature et solfège proposées dans cette thèses sont transcrites
de façon à pouvoir analyser les doigtés utilisés par les guitaristes de flamenco afin de relever
les originalités et mettre en avant les récurrences dans le jeu de guitare en flamenco. Pour
cette raison nous avons choisi de retranscrire des parties de guitare mais aussi d’indiquer des
diagrammes d’accords qui indiquent les positions utilisées. Ils permettent aussi de pouvoir
étudier l’accompagnement. Ils permettent aussi de préciser les cadences utilisées en fonction
des palos.
Choix de la mesure :
Les compás flamencos sont de différentes formes nous l’avons vu. Si la transcription
rythmique des certains palos est évidente, elle l’est moins pour d’autres. Ainsi il est admis que
le tango et les formes binairessoient transcrites en mesure 4/4. C’est beaucoup moins évident
pour les formes de compás d’amalgame. Plusieurs méthodes étaient possibles. On trouve
différentes transcriptions de ces compás en ce qui concerne le choix des mesures. Les mesures
12/4 et 12/8 ne nous on pas semblé pertinentes pour la transcription pour des raisons de
lecture. La notation 12/8 en croche pour les bulerías par exemple n’a pas été retenue car nous
considérons que le compás est construit sur des noires et non sur des croches. Nous avons
plutôt choisi de garder le même type de mesure dans l’écriture et de distinguer les tempos
pour un même compás, par exemple lent pour la soleá et rapide pour la bulería.
Les séries de mesures de type 6/4 + 3*2/4, 6 temps ternaires et six temps binaires
n’ont pas été non plus retenues car l’alternance binaire/ternaire n’est pas toujours exacte et de
plus cette notation complexifie l’écriture et la lecture, du fait de l’alternance de mesures
différentes.
Nous avons donc choisi pour nos relevés la mesure 3/4. Elle a l’avantage d’être facile
à lire et à écrire. Elle permet de respecter les accentuations particulières du compás flamenco.
Dans les transcriptions le compàs est toujours écrit en commençant par le 12ème
108
temps, qui est en réalité le premier temps du flamenco. On lira donc bien à partir de la
première note 12 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 et non 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12.
Transcription des accords :
Pour la transcription des accords noues utiliserons la notations utilisée dans le jazz à
savoir : C= Do, D = Ré, E= Mi, Fa= F, G= Sol, A= La, B= Si. De même pour les altérations.
Exemples :
- A - = La mineur,
- A 7 = La septième (avec une septième mineure).
- A9b = La neuvième bémol ( avec un Si b)
109
a. Les tonás
Il faut préciser que cette forme est jouée sans guitare. Les tonás sont des chants a capela.
Toutefois il est impossible d’étudier la guitare flamenca sans faire référence à ce chant originel du
flamenco sur lequel les guitaristes andalous ont construit leur mode d’accompagnement et leur
falsetas.
Le terme toná vient de l'espagnol tonada qui signifie air, chanson et désigne dans les
provinces d'Andalousie, de Castille, de Léon et d' Extremadura des chants traditionnels. On peut
penser que les tonás étaient à la base des chants dédiés ou destinés à des activités spécifiques de la
vie quotidienne andalouse: le travail de la forge, la vie pénitentiaire, les berceuses, les chansons de
taverne, les chants religieux…
La toná est le plus ancien des cantes andalous et aussi le plus primitif. La toná est un cante
a palo seco ce qui signifie qu'il est chanté a cappella . Les tonás sont des chansons tristes, au ton
grave et pathétique dont la majeure partie de la création et de l'interprétation sont attribuées à des
Gitans de Jerez, Cadix ou Séville. Plus précisément, les tonás ont la même origine géographique
que les siguiriyas : le quartier de Triana à Séville, Jerez de la Frontera, Cadíz et los Puertos. Ce
sont des chansons qui relèvent de la tradition orale. On peut penser que les tonás sont à l'origine de
tout les cantes interprétés par les chanteurs gitans. En tout cas ils sont à l'origine des martinetes et
des saetas.
La copla est composée de quatre vers de huit pieds auxquels s'ajoute en général un tercet.
Les tonás sont proches des martinetes et des carceleras qui appartiennent à sa famille.
Entre ces cantes, seul les thèmes abordées varient. Les textes sont sombres et parlent de
persécutions, de tortures, de mort. Ces chansons reportaient le quotidien des andalous au XIX ème.
Il existerait un grand nombre de tonás, trente-trois pour Rafael Marín, vingt-six pour
Démófilo, dix-neuf pour Blas Vega. De nos jours on divise la toná en trois genres : la grande, la
petite et celle « du Christ ».
Les tonás sont inspirées par les antiques romances castellanos comme le Romance del
Conde Sol. Ce sont des chansons romantiques qui parlent d'amour, d'aventures et de captivité.
« La toná flamenca procède dans sa forme littéraire du romance, mais adapté à laparticularité andalouse, c'est à dire transformant son contenu, le rendant plus subjectif,ce qui inclut des personnalisations, et qui prend au quotidien et à l'intimité de chaque
110
interprète son thème, et même sa particularité sonore.190»
Les tonás suivent toutes une ligne mélodique identique et se différencient entre elles par les
textes et les thèmes abordés par le cantaor. Ce sont des chants personnels où le chanteur exprime
son lyrisme. Inspirées des chants populaires, d'après Manuel Ríos Ruis ce sont les gitans qui lui ont
donné sa forme.
José Blas Vega dans son Dictionario del flamenco 191indique l'importance des tonás dans la
généalogie des cantes flamencos :
On peut vérifier que les tonás ont une fonction délicate et fondamentale, comme base,dans l'origine et la formation des chants flamencos, car sans aucun doute, ce sont leschants les plus primitifs qui ont été élaborés à partir de vestiges de chansonsdisséminées au sein de la géographie folklorique espagnole, dans lesquelles apparaissentclairement les empreintes laissées par diverses races et populations qui se sont établiesau cours des siècles en Espagne.
Blas Vega attribue aux tonás un rôle fondateur dans les cantes flamencos en tant que
première forme de cante créée et base historique des autres cantes. Cet avis est partagé par un
certain nombre de flamencologues.
Les tonás sont généralement des chansons tristes au ton grave dont la majeure partie de la
création et de l'interprétation sont attribuées à des Gitans de Jerez, Cadíz ou Séville. Ce sont des
chansons qui relèvent de la tradition orale. On peut penser que les tonás sont à l'origine de tous les
cantes interprétés par les chanteurs gitans. En tout cas ils sont à l'origine des martinetes et des
saetas.
Les tonás suivent toutes une ligne mélodique identique et se différencient entre elles par les
textes et les thèmes abordés par le cantaor. Ce sont des chants personnels où le chanteur exprime
son lyrisme. Inspirées des chants populaires, d'après Manuel Ríos Ruis ce sont les Gitans qui lui ont
donné sa forme.
Pour Philippe Donnier, la toná « occupe une fonction fondamentale » en tant que base et
origine des cantes flamencos ».
Les tonás ont la même origine géographique que les siguiriyas : le quartier de Triana à
190Manuel Ríos Ruis Introdducion al cante flamenco
191 BLAS VEGA, José , RÍOS RUIZ, Manuel, Diccionario enciclopedico illustrado del flamenco, S.L. Cinterco, 1988p.753
111
Séville, Jerez de la Frontera, Cadíz et los Puertos. Les tonás sont un chant a palo seco.
Manuel Ríos Ruis confirme que la toná est à l'origine des cantes avant l'apparition de la
guitare en tant qu'instrument accompagnateur192. Elle est aussi à l'origine des cantes antérieurs dans
toute leur variété.
192 RÍOS RUIZ, Manuel, Introducción al cante flamenco, Istmo, 1972
112
b. Les tangos
Le tango flamenco est l’un des palos les plus simples à jouer. Nous le prendrons comme
base pour l’étude des palos et des récurrences dans le jeu de guitare flamenca. Nous avons placé ce
palo en premier dans notre étude pour deux raisons. Tout d’abord c’est un rythme binaire donc
simple à comprendre. Ensuite il est joué en mode por medio, sur un accord de base de La majeur.
Spontanément les guitaristes non-initiés jouent sur la cadence andalouse en Mi majeur lorsqu’on
leur parle de flamenco. Nous tenions à l’emmener directement sur un terrain étranger avec des
repères moins évidents.
Le tango tire son nom du tango argentin dont il s’inspire. Comme son homologue argentin,
une un chant et une danse lui sont associés. Certains artistes reprennent en flamenco des
compositions de tango argentin193. Il est la base de plusieurs autres palos comme les tientos qui sont
des tangos lents. C'est un palos qui se développe à partir des années 1920. Il était à la base un cante
de danse qui est devenu un cante pour la musique. Les tangos sont géographiquement originaires de
Cadíz, Jerez, du quartier sévillan de Triana et de Málaga.
Le tango flamenco est un style qui peut être considéré comme l'un des piliers du flamenco et
l'une des bases du toque. Selon M. Ríos Ruis son origine remonterait au XVIII ème siècle . Au XIX
ème siècle certains interprètes auraient étendu la forme. Ils la rendirent plus lente et solennelle ce
qui eut pour conséquence la naissance d'une nouvelle forme, les tientos. Il existe des tangos
régionaux ou locaux comme ceux de Triana, de Cadix, Jerez ou Malaga.
Le tango est un cante simple à interpréter et à jouer. Pour ces raisons il a la faveur des
artistes, et en particulier des guitaristes. Le tango est devenu un style très populaire et beaucoup
interprété. C'est un style moderne. Son rythme binaire en fait un des palos les plus simples à
comprendre194 tout en conservant une forte personnalité flamenca.
Le tango est le modèle de base des cantes binaires. C'est un palo qui est beaucoup utilisée
pour ses vertus pédagogiques notamment à la guitare. En effet il agglomère un ensemble de
positions qui font partie du vocabulaire indispensable du tocaor de flamenco, mais sur un rythme
binaire, plus perceptible par le novice que les compás ternaires ou les compás d’amalgames de
douze temps. Le tango est joué en mode por médio. C'est un palo idéal pour aborder ce mode.
193 On peut citer le titre Volver, de Carlos Gardel repris par la chanteuse Estrella Morente.194 Comme la rumba, d’inspiration cubaine aux origines et qui est aujourd’hui une forme très populaire.
113
Les tangos ,tientos et tanguillos sont parfois interprétés ensembles ou plutôt les uns après les
autres. Un tiento débute le cante puis le rythme s'accélère et se poursuit par un tango, moins
expressif et lyrique mais plus rapide. En accélérant encore les interprètes se retrouvent à jouer un
tanguillo.
compás et palmas de tango
Le tango bien qu'étant une forme qui s'est développée plus tard que d'autres palos, est une
des formes les plus intéressantes du flamenco, en particulier à la guitare. C'est une forme à refrain
qui est jouée por medio. Harmoniquement il utilise les accords de la cadence andalouse et est basé
sur les accords de La majeur et Si bemol majeur. Construit sur quatre temps, il est l'un des palos les
plus simples à comprendre
Le compás pour tango est le suivant :
1 2 3 4 1 2 3 4
Le premier temps est un temps faible et n'est pas accentué. En revanche c'est là que
commencent le cante et les falsetas. Les trois autres temps sont des temps forts. Ils sont accentués
par les palmas.
114
Palmas por tango
Accords de Tango
1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4
Bb G- Bb A Bb G- Bb A
Bb G- Bb C C G- C ou F Bb Bb G- Bb A
Le tango est un style qui évolue beaucoup en raison de sa rythmique binaire qui offre de
grandes possibilités d’enrichissement sur le plan musical. Le tango est originaire de Cadix, comme
la bulería dont il découle harmoniquement. Comme elle il se joue en mode por medio. C’est un
palo qui permet aux artistes de jouer sur un rythme rapide propice à travailler la vélocité. Sa forme
binaire plus simple à comprendre que les compás ternaires est à l'origine de son succès populaire.
C'est l'un des palos qui connaissent des grands succès commerciaux comme le titre de Camarón
Como el agua.
115
Compás por tango
Ci-dessous un exemple de compás por tango à la guitare. Ce compás peut faire office de
llamada comme dans Como el agua Camarón.
Les notes situées sur les temps sont jouées avec le pouce ou l'index jouées vers le bas. Les
accords sur les contre-temps sont joués avec l'index en remontant vers le haut.
Il est important de noter la position particulière d’accord de Si bémol utilisé en tango.
Cette position permet de jouer des notes dans les graves avec l’index et le majeur de la main droite.
116
De même il faut noter la position de l’accord de La majeur en flamenco. Un barré est réalisé
par l’index sur les troisième et quatrième corde. Le majeur vient se placer sur la cinquième corde.
On utilise donc que deux doigts pour réaliser l’accord de la majeur.
Ces positions spécifiques au flamenco sont empruntées aux seguiriyas et aux bulerías.
117
Falsetas por tangos n°1
Ci-dessous une série de retranscriptions de falsetas de guitare por tangos de Payo
Humberto:
118
Observations sur la falseta :
Dans cette première transcription on peut noter les éléments suivants :
- l’utilisation de l’accord de La majeur avec un barré sur les cordes de Ré et Sol réalisé par l’index.
- à partir de la mesure 7 on peut garder l’accord de Bb plaqué et jouer la mélodie. On constate qu’en
gardant cette position on va créer des accords comme sur le deuxième temps de la mesure 7 , un C9,
mesure 8 également. On crée également un G - , mesure 7, 4ème temps.
- on peut noter que la mélodie de cette falseta est constituée pratiquement exclusivement de notes
conjointes.
119
Observations sur la falseta :
On peut faire différentes remarques sur cette transcription :
- mesure 1 : On trouve ici une seconde position d’accord pour tangos. Cet accord est réalisé en
barré par l’index. Nous sommes ici en présence d’un accord ambigu. Il est constitué des notes La,
Fa, Si b, Ré, La. On aurait aussi pu jouer l’accord suivant : La, Fa, Si b, Ré, La. On voit bien que
sur cet accord la basse pourrait être indifféremment un La ou un Sib.
- On pourrait considérer que cette falseta est en quelque sorte construite sur un mode mixolydien
(mode de Sol).
- Cette position avec le barré de l’index sur la 3ème case (qui suggère aussi un G - ) pourrait être
considérée comme une seconde position du mode por medio.
121
- Une mélodie débute au 4ème temps de la mesure 5. Elle se développe des mesures 5 à 9. Des
mesures 10 à 14 on jouera la même mélodie transposé au mode supérieur. A la guitare on observe
que le barré réalisé par l’index sur les cordes de Ré, Sol et Si se déplace d’1/2 ton. On obtien donc
un renversement d’une triade de La majeur, A, (Fa, La , Do #) puis d’une triade de Bb, Si bémol
majeur ( Fa, Si b, Ré). La base harmonique de la falseta ets donc solide.
- Il est intéressant de noter que la mélodie et l’harmonie sont entrelacées dans cette falseta.
- On note une première position assez difficile à réaliser mesure 10, avec un écart important.
- Là aussi on peut noter que la mélodie de la falseta est construite en utilisant presque
exclusivement des notes conjointes
122
Falseta por tango n°3
Cette falseta est retranscrite d’après les leçons en ligne de Payo Humberto.
123
On peut noter les éléments suivants sur cette falseta :
- Cette falseta se joue avec le pouce à part le remate de la dernière mesure qui est joué en
rasgueados.
- Elle est basée sur un arpège et un accord de G-. La cadence de base du tango est Bb / A. On a ici
une première substitution possible : le Bb est remplacé par un G-, la cadence devient G- /A.
- On voit dès la première mesure une série de notes que l’on trouve souvent en flamenco qui est
basée sur un arpège ascendant de G – suivie de notes conjointes sur le mode por medio.
124
Falseta por tango n°4
Cette falseta est extraite des cours en lignes de Payo Humberto.
Observations sur la falseta :
- Les groupes de trois notes en triolet peuvent être jouées avec le pouce et l'index. Le doigté est
p p i (pouce pouce index) mais on peut également le jouer en arpège avec l’index et le majeur ou le
majeur et l’annulaire.
125
- On note ici une nouvelle position de guitare en mode por medio basée sur les mêmes accords que
précédemment mais à une autre place sur le manche.
Falseta por tango n°5
Cette falseta est extraite d’un tango de Luis de Cordoba intitulé Quiero ser libre.
126
Observations sur la falseta :
- mesures 1 et 3 : on a ici une utilisation de la corde de Mi aigu à vide.
- mesures 5, 7, 9 et 14 : on utilise les cordes de Sol, Ré et La à vide. Les notes peuvent être jouées
au pouce ou en picado. On peut également utiliser un système de hammer-on et de pull-off associé
au pouce. Ce type de doigtés de falsetas dans cette position sont courants.
- Il est intéressant de noter comment la cadence andalouse est développée dans la falseta qui alterne
la mélodie jouée sur des cordes à vide et les accords qui ponctuent le rythme et exposent la cadence
harmonique, ici la cadence andalouse.
- on observe à nouveau une utilisation des notes conjointes.
128
Observations sur la falseta :
- mesures 1 à 6 : on observe un mouvement mélodique sur une tonalité de Ré mineur aux
consonances orientales. On semble sentir dans cette falseta l’influence du maghreb et du oud195.
- mesures 6 : on voit une résolution mélodique sur la quinte de l’accord, Mi pour un La majeur.
- mesures 7 à 8 : la falseta se déroule avec des côtés sud-américaines cette fois ci. On est proche
d’une structure d’alegría.
- mesures 9 et 10 on revient sur une résolution aux consonances orientales, tant sur le plan
rythmique que sur le plan harmonique.
- sur le 4 ème temps de la mesure 9 on notera l’utilisation des octaves sur le Mi pour produire un
195 Le oud est un instrument oriental à cordes pincées, joué au plectre, très populaire au Maghreb.
130
effet de bourdonnement.
c. Les fandangos
Les fandangos sont une forme ancienne. Domenico Scarlatti composait des fandangos au
XVIIème siècle. Le mot proviendrait du Portugais « fado », du nom de la danse et de la musique
populaire. Cette danse accompagnée de chants aurait des racines arabes. Il faut noter qu’il existe des
fandangos andalous et des fandangos flamenco. Les fandangos andalous traditionnels appartenaient
à la musique populaire du XIXème siècle. Ils étaient joués par des flûtes et des tambourins. Nous
n’étudierons pas cette forme qui est par ailleurs développée dans la thèse de M. A. Berlanga
intitulée Los fandangos del sur: conceptualización, estructuras sonoras, contextos culturales. Nous
limiterons notre étude au fandangos flamenco.
La copla y est généralement composée de quatre ou cinq vers octosyllabiques, parfois plus
si certains sont répétés. La forme peut varier.
Le palo a évolué, d'une musique de danse, vers un cante où l'importance du chant est
primordiale. Le fandango est une forme très ancienne, en Andalousie, et en Espagne. Elle s'est
développé pour devenir un des grands cantes flamencos. Pour certains artistes locaux andalous, elle
est une forme en soi à laquelle il se consacrent.. Le fandango de moins en moins pratiqué par les
guitaristes dans sa forme pure. Ils lui préfèrent bien souvent des formes régionales comme la
malagueña ou la granaína, ou encore des formes libres comme la taranta ou les tarantos.
Les fandangos ne sont pas connus en tant que style musical pendant presque tout leXVII ème siècle. C'est dans les années 1780 qu'ils s'imposent comme tel et le XIX èmesiècle les laisse à la périphérie du chant profond qui ne les inscrit presque jamais à sonrépertoire. 196
Le terme « afandangado » était d'ailleurs utilisé au XVIème siècle pour désigner un chant
populaire.
196Flamenco parcours d'un art, Eric Perez..ed. Broché 1992. p.27
131
Dans son Introducción al cante flamenco, Manuels Rios Ruis relève une définition ancienne
du fandango de l' enciclopedia de Música de Levignac qui le désigne ainsi :
[le terme fandango est la] dénomination d'un air de danse espagnol de trois pour quatre,de mouvement rapide auquel peuvent être affiliées les malagueñas, les rondeñas, lesgranaínas et les murcianas, qui différent peu entre elles197.
Le fandango est l'un piliers du flamenco. C'est un palo ancestral qui a donné naissance à de
nombreuses autres formes, fandangos régionaux, locaux ou personnels.
Manuel Rios Ruis, définit ainsi le fandango originel qui à l'origine était dédié à la danse:
c'est une forme essentielle de danse accompagnée par des chansons, arabe dans sesorigines et ses similitudes avec la zambra arabo-andalouse et les jarchyas mozarabes,étendues et acclimatées dans les régions espagnoles.198 p86
Il précise son importance :
[Le fandango] est arrivé au XIX ème a être le chant et la danse national par excellencecomme le démontrent les écrits de Giovanni, Casanova, Borrow, Ford, Quinet, Gautier,Damicis...
Depuis 1870, le mélange des chants gitans et andalous ouvrait de larges horizons et seconfiguraient des formes expressives nouvelles et stylistiques, le fandango étant le stylele plus favorisé par cet enrichissement de couleurs. 199
Manuel Rios Ruis indique que les fandangos se sont popularisés entre 1880 et 1915 à
l'époque où les chants du Levant, qui sont affiliés aux premiers, était à l'apogée de leur splendeur. Il
précise que les fandangos étaient alors une forme qui comprenait un mélisme a chaque tercio. Il faut
noter la parenté et l’affiliation qui existe entre les fandangos et les styles du Levant, granainas,
tarantas, malagueñas entre autres. Ces styles sont souvent interprétés dans les récitals pour guitare
flamenca seule. Ils empruntent souvent au fandango sa structure même s’ils sont joués dans des
modes différents200.
Le fandango est une forme provinciale. Ce fût Ricardo Molina qui affirma l’existence des
« fandangos et les fandanguillos, de type/forme régionaux ou locaux, comme celui de Lucena, et les
flamencos transformés en espèces flamencas de type/forme artistique comme la malagueña. »
197 Selon Manuel Rios Ruiz , les variations sont minimes au niveau de ces cantes. En revanche chacune de ces formespossède sa propre particularité interprétative spécifique en ce qui concerne le jeu de guitare. (voir les paragraphesconsacrés à ces palos).
198 Introducción al cante flamenco, Manuel Ríos Ruiz, ed. ISTMO, 1972,199 Ibid. p.87200 Ils empruntent aussi à la soleá dont la structure est proche du fandango. On peut d’ailleurs penser que la soleá est
une forme héritière du fandango.
132
Ils sont nombreux les types fandangueriles de la province de Huelva : chaque peuple ouvillage a le sien. Et nonobstant, dans une tonalité régionale si accentuée il y ad'exceptionnels interprètes.
Les fandangos de Huelva sont très variés entre eux, il en est de même des fandangos de
Málaga plus connus sous le nom de malagueñas, de ceux de Grenade, les granaínas
Les fandangos régionaux inspirent à l'époque de nombreux artistes qui développent ce que
Molina appelle le « fandango artístico – fandango artistique ». Manuel Ríos Ruis indique qu'à
l'époque les fandangos personnels surpassent en qualité les fandangos régionaux. En effet pour le
cante comme pour le toque, le fandango est une forme propice à l’improvisation.
Le groupe des fandangos est extrêmement étendu et comporte de nombreuses formes. Pour
certains les fandangos constituent un genre spécifique distinct du flamenco.
On peut classer les fandangos de plusieurs manières :
– par leur origine géographique : fandangos de Huelva, de Málaga, de Granada, de Alosno...
– les fandangos de création personnelle, ou fandangos personales, en fonction de l'artiste qui
les a développés.
– les dérivés du fandango :cantes de Levante et les formes libres (fandangos libres).
Le groupe des fandangos identifiés par leur origine géographique est intéressant pour la
diversité des formes qu'il englobe. Précisons quelques façons d’interpréter le fandango que nous
avons pu entendre au cours de notre étude. Les caractéristiques précisées ne sont ni exhaustives ni
une règle générale, le tableau ci-dessous a pour objectif de montrer la diversité de ce style :
Type de fandango Caractéristiques relevées
fandango de Huelva forme traditionnelle et basique du style. Joué en tonalité por arriba.
fandango de Huelva estilo valiente
Fandango joué avec énergie en mode por medio
fandango de Alosno Joué en mode por medio. Le fandango de Alosno pourrait êtreconsidéré comme la première variante de fandango joué sur un autremode que por arriba. On peut penser que c’est de cette forme quedécoule les granaínas et les tarantas qui ont leur mode propre et qui
133
empruntent souvent au fandango sa structure.
fandango de Alosno estilo valiente
Chanté par une femme accompagnée par une guitare seule. Joué enmode por medio
fandango de Almonaster Chanté par des chœurs de femmes doublé par une flûte
fandango de Almonaster estilo de la cruz de llano
Uniquement chant, guitare et palmas
fandango de Almonaster estilo del aldeano
fandango de Almonaster estilo de los pinos
Résout avec un remate sur une descente chromatique de type soleá :G, Gb, F, E
fandango naturales Joué guitare et chant seuls. Joué en Mi majeur mais avec lecapodastre à la 7ème case, c'est à dire dans une tonalité por medio.Fandango libre, sans battements rythmique régulier , sans compás.
fandango de Cabezas Rubias
Capodastre en Sol, en mode por arriba. Guitare et chant seuls
Fandango de Calañas Dansé par des jeunes filles en costumes traditionnels figurant descouples, certaines jeunes filles sont donc habillées en hommes.Chanté par un homme accompagné par un guitariste et des chœurs defemmes.
Fandango el Cerro de Andevalo
Accompagné par la guitare seule, joué en mode por medio.
Fandangos de Encinasola Chanté a cappella par les hommes et les femmes dans d'une fête devillage en buvant du vin, ou chanté en chorale accompagné parplusieurs guitaristes et par un tambourin
Fandango de Santa Barbara de casas
Joué en mode por arriba avec un capodastre à la deuxième case à untempo légèrement inférieur à celui des autres fandangos
Fandangos de Santa Eulalia
Chanté par un chœur de femmes accompagné par un tambour et uneflûte. Sans guitare
Fandangos de Santa Eulalia estilo corto
Guitare et chant : cante corto, sans mélismes, brut, sans vibrato.
Fandangos de Santa Eulalia estilo largo
Guitare et chant : cante largo, avec beaucoup de vibrato dans lechant.
Fandangos de Valverde del Camino
Capodastre en Fa. En mode por medio.
Fandangos de Zalamea la real
Capodastre en Fa dièse, joué en mode por arriba. Rythme lent.
A l'intérieur même de ces groupes la variété est importante. La forme évolue sans cesse.
Danse à l'origine, le fandango moderne ne se danse plus. Lorsqu'on regarde le tableau ci-dessus on
comprend que le fandango est une forme d'une grande diversité. Les modes d'interprétation varient
134
et vont du duo au chant collégial a cappella auquel participe tout le village. On voit bien là la
diversité des formes régionales et on comprend pourquoi les artistes se les sont appropriés pour
proposer leur propre version avec leur propre inspiration dans les fandangos personales ou dans les
formes libres. Il semble ce que Manuel Rios Ruiz classifiait sous l’appellation de « fandangos
personales » soient au niveau de la guitare flamenca les premières improvisations d’interprètes sur
des formes traditionnelles de fandango, ou bien des « improvisations » - en tenant compte du
potentiel et des limites de ce processus créatif- sur des formes plus récentes, comme les granaínas
ou les tarantas, qui sont les formes modernes les plus proches du fandango andalou.
à la fin du XVII ème siècle ,le Padre Soler et le très espagnol Domenico Scarlattiécrivent d’entraînant fandangos pour clavecin. Puis on l'accompagna de chant[...]n'étant plus tenu au tragique, on lui fait dire en quatre ou cinq vers un complimentgalant, une plaisanterie, une comparaison poétique, un petit poème plaisant.Ainsi, aprèsavoir été, principalement jusque vers la fin du XIXème siècle, cette danse qu'ont sisouvent décrite les voyageurs en Espagne, le fandango est devenu en Andalousie unchant seul qui séduit toujours le public. D'abord teinté d'arabismes, au fur et à mesure deson succès, il s'est coloré de divers caractères selon les régions[...] Toutefois à nos yeux,ce qui est dit ici, qui sort de livres savants n'est pas satisfaisant. Comment peut onpasser du rythme galopant, tourbillonnant des fandangos pour clavecin de l'époqueclassique (ou bien du sautillement du fandango basque) à ce cante flamenco quidéclame ses longues sentencieuses sans aucun rythme régulier ? […] Ne vaut il pasmieux s'en remettre à l’opinion de Padro Conseguera, maître de ballet classique et bonconnaisseur du baile flamenco ? Il arrive un moment où toute l'Espagne danse lefandango . Alors l'Andalou veut son fandango. Et c'est pour ça pour la siguiriya et toutle reste.
Les fandangos se divisent en deux familles : les fandanguillos, c'est la famille des
fandangos rythmés, et celle des fandangos libres, structurés mais dépourvus de rythmes ou au
rythme moins soutenu.
Le fandango libre est chanté, la guitare accompagne le chant. Le fandango se joue en mode
por arriba. Toutefois le comme nous l'avons vu le fandango de Alosno, forme locale, est joué en
mode por medio, comme d'autres formes locales.Le compas et l'accompagnement de guitare sont
simplement transposés en mode de La flamenco, sur les accords de Ré mineur, Do Si bémol et La
majeur.
Les fandangos font souvent appels aux mêmes ressorts mélodiques et harmoniques. Ainsi la
plupart des fandangos ont plusieurs passages harmoniques distincts.
La base du fandango est une harmonie en mode por arriba. On alterne généralement avec
135
un passage en Do majeur201.
1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6
12 202 1 2 3 4 5 12 1 2 3 4 5
E A- G F E
E A- F E
La première variation peut être construite sur la cadence La majeur (A) Mi majeur (E) en
mode por medio. Cette variation est peu utilisée.
1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6
12 1 2 3 4 5 12 1 2 3 4 5
E7 E7 E7 E7
A A A A
E7 E7 E7 E7
A- G F E
La seconde variation peut être construit sur les accords de Mi majeur et La mineur en mode
por arriba.
Une autre variation peut être construite sur la tonalité de Do majeur. Cette variation est très
courante. On jouera sur les accords de Do majeur, Fa majeur et Sol Septième ou Sol majeur. On
pourrait dire que cette partie du fandango est jouée dans la tonalité qui correspond au mode du
fandango soit Do majeur en mode por arriba.
1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6
12 1 2 3 4 5 12 1 2 3 4 5
C C C C
F F G G
C C C7 C7
F F E E
2017 Le plus souvent une cadence construite sur les accords G7 , C, F, soit une tonalité de Do majeur, puis unerésolution sur une base de cadence andalouse.
202 Dans la pratique du flamenco , ce système de comptage nous a semblé plus adéquat.
136
Il existe des variantes de fandangos pour guitare soliste. Sabicas était un grand interprète de
ces formes. Le fandango a donné naissance a de nombreux formes libres et leur structure est
souvent empruntée dans les granaínas et les tarantas qui sont des formes appréciées par les
guitaristes qui les jouent souvent lors d’interprétations solistes.
Les styles locaux de fandangos de Malaga et de Grenade sont la malagueña et la granaína.
La malagueña se joue en La mineur et est basée sur les accords de Mi majeur et La mineur. La
cartagenera est le style de de fandango Carthagène, la granaína le style de Grenade, etc
La granaína se joue sur les accords de Si majeur et Mi mineur, soit en tonalité de Mi mineur
ou en mode de Si phrygien.
Exemple d'accompagnement sur la letra du fandango de El Chocolate No quitarme la botella
G7 C
C F
G7 C
F
F E
No quitarme la botellaque yo me quiero emborrachádejarme aquí la botellavoy a beber de verdady a ver si no pienso en ellay yo la consigo olvidar
A mi borracha me lo pedíaque yo le diera un abrazoy aquella mujer perdíay era una niña en mis brazosy en mi pecho se dormía
137
Malagueña
1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6
E A-
E A-
E F
E F
Granaina
1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6
B E-
B E-
E- D
C B
Les mélodies étudiées jusqu'ici ont une source modale commune. On ressent des influences
arabes, juives, indiennes, des modes grecs aussi...mais la source modale semble en réalité
andalouse, basé sur la cadence andalouse203.
La famille des fandangos est riche en formes régionales. Parmi eux les rondeñas de
Ronda204, les verdiales de Málaga, les fandangos d' Almería, de Granada, d'Albaicín (le quartier
gitan de Grenade) ou de Murcia. Les fandangos sont joués pendant les verdiales, qui sont des fêtes
populaires andalouses. Ces fêtes sont accompagnées par des orchestres appelés pandas.
203 Sans l’avoir étudié, on entends souvent la cadence andalouse dans certaines interprétations de oud.204 Nous reviendrons sur cette forme tout à fait originale du fait de l’accordage de la guitare qui lui est spécifique.
138
En dehors de ces formes régionales existent aussi un nombre important de formes libres.
Les fandangos sont une forme très populaire chez les artistes de flamenco et auprès du
public et des afficionados.
Certaines formes locales comme les malagueñas sont très populaires même chez des
guitaristes ne possédant pas au sens stricte une culture flamenca.
139
Exemple de Compás por fandango à la guitare
Ce compás est également utilisé comme une llamada pour introduire le cante.
140
Falseta por fandango
Ci-dessous une falseta pour fandango a inspirée de nombreux guitaristes. Cette falseta dont
le modèle est très connu a été jouée par Paco de Lucia et Sabicas entre autres.
141
Observations sur cette falseta :
- Les falsetas por fandangos sont souvent construites sur ce modèle à savoir des notes jouées avec
le pouce et soutenues par des notes jouées avec l'index ou des accords à 2 sons (avec le majeur et
l'index) ou 3 sons (en arpèges d'accords souvent descendant). La première technique est celle qui est
la plus spécifique au flamenco.
- Les accords sur les croches sont ici joués à la manière de Diego del Gastor, avec deux doigts qui
jouent les notes simultanément. On aurait pu aussi jouer la note la plus aiguë uniquement ou encore
utiliser des arpèges sur ces deux notes avec deux doigts (index majeur ou annulaire majueur)
142
falseta por fandangos n°2
Autre exemple de falseta por fandango tirée du fandango Huelva du groupe Ecos del Rocío.
143
Observations sur la falseta :
- La construction de cette falseta est très proche de celle de la précédente. On notera en particulier
l’utilisation des notes graves sur la corde de Mi.
- Les 2 falsetas précédemment transcrites terminent par la même descente de gamme.
145
d. Les soleás
La soleá est l’une des plus anciennes formes du flamenco. Au niveau de l’interprétation à la
guitare seule, c’est l’une des formes les plus jouées.
Le mot soleá vient du castillan soledad qui signifie solitude. Une autre origine possible
serait une dérivation du mot soleá, qui signifie mettre au soleil205. Les mots andalous soleá, solear,
soleares, dérivent du castillan soledad, qui proviendrait lui même des vocales soidade, soedade,
suidade de la langue lyrique gallego-portugaise. La diffusion du mot soleá n'a pas eu lieu avant le
XIX ème siècle,y compris le nom propre Soledad qui ne s'est popularisé qu'au XVIII ème siècle.
La copla est composée de trois ou quatre vers de huit syllabes. Le cante a été crée au XIX
ème siècle pour accompagner la danse du même nom. La soleá demeure un palo flamenco
Après les seguiriyas, la soleá est la plus ancienne forme de flamenco pour guitare. Elle peut
être une forme chantée mais ce palo est aussi joué par des guitaristes seuls. Il existe une danse pour
soleá qui est très belle à voir.
Manuel Rios Ruis contredit cette théorie étymologique : selon lui le terme provient de soleo
qui est la récolte des olives et de asolear qui est l'action de faire sécher quelque chose, en
l’occurrence des olives.
Nous croyons qu'il ne provient pas de soledad : premièrement parce que c'est un chantde dialogue, comme beaucoup de cantes jondos, et deuxièmement parce que nousconsidérons que le chant pour soleá est né comme une copla ou une chanson improviséepar morceaux dans les campements de basse Andalousie. .206
Il précise la forme littéraire de la soléa et son origine ancienne
205 Soleár206 Ricardo Molina cité par Manuel Rios Ruis Introducción al cante flamenco p76-77
146
Sur le plan littéraire , la soleá est une strophe de trois ou quatre vers octosyllabiques[..] et dont la préfiguration poétique se rencontre [à partir] du XII ème siècle […] estune forme populaire de copla très antique que depuis ont utilisée les poètes dansbeaucoup de leurs compositions, spécialement les Andalous.207
Le cante por soleá est un chant basique dans l'ensemble des chants flamencos, et l'undes plus [...] importants apports gitans au patrimoine musical d'Andalousie208
La soleá est connue pour être la « mère » des chants flamenco. Cette forme est beaucoup
étudiée par les flamencologues qui la considèrent comme une forme majeure du chant et de la
guitare flamenco. Au niveau du chant elle appartient au cante jondo. De même elle occupe une
place haute dans la hiérarchie des palos flamencos209. Ses variantes sont entre autres le polo et la
caña.
Le compás por soleá est un compás d'amalgame de 12 temps.
Comme pour la bulería le compte de la mesure commence par le 12ème temps. La soleá et
la bulería partagent le même compás. Toutefois le tempo de la soleá est plus lent que celui de la
bulería, ainsi que le mode210. L'accentuation, identique à celle de la bulería, est la suivante :
12 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
Il est courant de commencer par une soleá et de changer de forme pour poursuivre por
bulería. De même elles fusionnent dans les formes soleá por bulería et bulería por soleá.
La bulería por soleá est une soleá au tempo plus rapide mais plus lente qu'une bulería. Cette
forme est généralement jouée sur le mode por medio.
La soleá por bulería est une soleá, jouée en mode por arriba, mais sur le tempo vif d’une
bulería.
207Introducción al cante flamenco, Manuel Ríos Ruiz, ed. ISTMO, 1972, p76-77208 Ibid. 1972, p78209 Ricardo Molina suggère l’idée d’un toque jondo…210 La bulería se joue en mode por medio, alors que la soleá se joue en mode por arriba.
147
Le presentible clôt le compás avec une formule à la fois rythmique et mélodique. Il débute
sur le 8ème temps du compás et s’achève sur le 10ème temps. Il a été popularisé par Nino Ricardo
et se réalise généralement sur un accord de Mi majeur.
La soleá est une musique modale. Elle est jouée sur le mode por arriba.
L'ensemble est bâti sur la cadence andalouse en Mi majeur, A- / G (7) / F / E (b9) . Le chant
est accompagné par la guitare et les palmas.
Les presentibles ne sont pas toujours marquées dans les interprétations modernes mais le
sont lorsque l'on souhaite interpréter la soléa sous sa forme traditionnelle. Il arrive aussi qu’ils
soient remplacés par des rasgueados.
Compás de Soléas
Palmas de Soléas
148
Les deux dernières mesures de la dernière ligne nous montre une figure en croche. C’est le
redoble qui permet de jouer aux palmas des rythmes en croches.
Presentible de Soléas
Les falsetas et l'accompagnement por soleá sont spécifiques. Le tempo est lent. La forme
offre donc de nombreuses possibilité rythmique et mélodiques. En revanche elle offre d'autres
ressorts harmoniques et utilise des techniques de jeu différentes. Elle utilise en particulier un certain
nombre de techniques d'arpèges.
149
Observations sur la falseta :
- Ce type de falseta très répandu pour l'introduction des soleás. Les notes en triples croches sont
jouées en utilisant le doigté suivant : i a m i.
Llamada por soleá
151
Observations sur l’escobilla por soleá :
- il existe de nombreuses variantes de l’escobilla por soleá. On peut dire que chaque guitariste à sa
ou ses propres versions de cette falseta.
- l'escobilla211 peut aussi servir de llamada et elle est régulièrement utilisée pour introduire le cante
ou la danse.
L'escobilla peut être jouée en accélérant pour évoluer vers une forme soleá por bulería. On
se trouvera alors dans la configuration d'une bulería jouée en mode por arriba.
Subida por soleá
Subida por soleá 2
211En espagnol le terme escobilla désigne un balai ou une balayette.
152
Observations sur la subida por soleá :
- Ci-dessus un exemple de subida por soleá. La subida est un accompagnement rythmique. Il existe
de nombreuses variantes de la subida sur le plan rythmique. Sur le plan harmonique on peut
également placer un accord de G (7) sur la première mesure.
- la subida est très proche dans sa forme de celle d’un cierre. Elle peut être utilisée à l’intérieur du
développement pour ponctuer certaines phrases ou certains passages. Elle peut aussi servir pour
achever la soleá comme un cierre.
Falseta por soleá
153
Observations sur la falseta :
- On remarquera le motif rythmico-mélodique utilisé à la main droite et le doigté de main gauche
qui est proche de certaines falsetas por fandangos 212, ce qui met en évidence une convergence
artistique entre ces deux formes.
- une nouvelle fois on peut observer que les motifs en double croche peuvent être joués avec
plusieurs doigtés à la main droite : ex ici: p p i p213, p i m p.
- au niveau de la main gauche la falseta débute par un motif en tierce mineure qui est joué par le
majeur et l’index. Cette position se déplace sur le manche on observe la répétition d’un motif en
tierces mineures de Mi aiguë jouée à vide. Ce type de déplacements est courant.
- On notera également la présence de presentibles pour ponctuer le discours214. Ici ils sont réguliers
tout au long de la falseta et sont tous réalisé sur un accord de mi majeur. Il est important de noter
leur fonction à la fois rythmique et harmonique.
Cierre por soleá
212Dans les mesures 1 à 3 par exemple.213 Le doigté le plus typiquement flamenco214Mesures 4,8,12,
155
Fasleta por soleá
Falseta por soleá n°2
Ci-dessous une falseta por soleá qui utilise la technique du tremolo. On remarque la
présence de deux séquences qui pourraient être des llamadas ainsi que le presentible qui clôt la
falseta215.
215 Mesures 4 à 7 et mesures 16 à 19
156
- Cette falseta est un exemple d’utilisation des tremolos en soleá. Le doigté de main droite est
indiqué à la première mesure. Il doit être respecté.
- Le rythme de cette falseta est noté sur une figure en sextolet. Dans certaines transcriptions il est
noté en quintolets. Nous préférons la notations en sextolet qui oblige notamment à bien positionner
rythmiquement la note jouée par l’index de la main droite.
- mesures 4 à 7 : on a un exemple de llamada por soleá en tremolos. Elle dure un compás de 12
temps.
- mesures 8 à 11 on voit un exemple de renversements d’accords souvent utilisés pour la soleá. Il
s’agit en partie d’accords de la cadence andalouse en mi transposés à l’octave supérieure.
- mesures 16 à 19 on trouve à nouveau une llamada por soleá suivie d’un presentible pour clôturer
la falseta.
Falseta por soleá n°3
163
Cette falseta est extraite d’un cours en ligne du guitariste Santi. Le relevé ci-dessous est une
copie de sa propre partition. Nous reprenons cette transcription riche en éléments d’analyse.
164
Observations sur la falseta :
- mesure 3: on observe une figure de main droite originale: le Mi est joué avec l’ongle du pouce en
retour, c’est à dire en grattant la corde vers le haut216.
- mesure 6: on voit le presentible choisit par Santi pour résoudre les compás de cette soleá.
- mesures 5 à 8: on peut voir une utilisation d’un arpège descendant typique de la soleá.
- mesures 9 à 12: on voit ici une autre llamada por soleá, avec une figure (mesure 11) courante.
L’accord doit être maintenu pendant l’exécution de la figure.
- mesures 13 à 16: cette position est utilisée pour jouer des notes dans les aigus de la guitare tout en
conservant l’accord en position. Le Ré doit être joué avec l’auriculaire de la main gauche.
- mesure 17: on peut ici observer un rasgueado en sextolet qui utilise les quatre doigts de la main
droite.
- mesures 17 à 20: ce compás peut -être considéré comme une autre possibilité de remate.
- mesures 26 à 27 et 30 à 31 : un alzapua de soleá : on notera la composition de l’accord tenu en
position avec les notes : La, Fa, La, soit Fa majeur.
- mesures 37 et 38 : à nouveau un phrasé typique de la soleá. On peut aussi noter la couleur tout à
fait originale de l’accord qui ponctue la mesure.
216 Indiqué par un « q » sur la parition.
172
Falseta bulería por solea n°1
La bulería por soleá emprunte à la bulería son compás et son rythme rapide et à la soleá son
mode por arriba. C’est donc une bulería jouée sur des accords de soleá.
Cette falseta est extraite de la version de Rosa Venenosa de La Paquera de Jerez.
173
Observations sur la falseta :
- sur la version originale cette falseta est jouée à deux guitares.
- on observe une suite d’accords en La mineur qui peut faire penser aux accords de sevillanas.
174
Falseta de bulería por soleá n°2
Cette falseta est extraite de la version du cante « Rosa venenosa » de Beni de Cádiz
175
Observations sur la falseta :
- on notera mesures 9 et 10 l’utilisation d’arpèges d’accords. La façon dont ils sont employés est
typique du flamenco. On pourrait faire le rapprochement avec la falseta qui vient se placer entre les
couplets chantés dans Al Alba217.
217 cf. falseta por bulería n°5
176
e. Les bulerias
Étymologiquement les bulerías viennent du mot burla qui signifie « blague » ou
« moquerie » ou bien du terme bulla qui signifie « hâte » ou « agitation ». Le terme est aussi très
proche du mot brujería qui signifie en espagnol « sorcellerie ».
La bulería est née à la fin du XIX ème siècle. C'est un style où le mouvement et la
spontanéité occupent une place importante. Pour certains la bulería a été créée par les Gitans de
Jerez. Pour d’autres elles serait originaire de Cadix.
Les bulerías sont des cantes festeros, des chants festifs. Elles sont immanquablement jouées
dans les fêtes qu'elles clôturent bien souvent.
Leur forme littéraire est celle de la soleá : deux tercets et deux quatrains octosyllabiques. La
bulería est un cante très populaire et très apprécié. Son répertoire est très vaste . La bulería est un
amalgame d'influences.
La bulería, ironie et satyre du gitan faite grâce, est une soleá légère, et le plus applaudiet imité flamenco, surtout sous l'angle de la danse. 218
La bulería emprunte à la soleá sa forme littéraire et son compás. Toutefois le tempo de la
bulería est plus rapide que celui de la soleá.
La bulería relève du répertoire du cante chico. C'est une forme festive aux paroles légères
où le public intervient souvent par l'intermédiaire des jaleos. Diego del Gastor ou Paco de Lucía ont
participé à populariser encore davantage cette forme à la guitare et dans sa forme soliste.
218 RÍOS RUIZ, Manuel, Introducción al cante flamenco, Istmo, 1972. p.84
177
Il y a plusieurs façons d'analyser la bulería. Les 6 premiers temps constituent une mesure
6/8 et les 6 derniers une mesure ¾. Cette structure est complexe rythmiquement et demande de
l'expérience pour être jouée telle quelle.
Pour faciliter l'interprétation on a recours à des compás simplifiés. L'un utilise une pulsation
binaire, la bulería a dos, l'autre une pulsation ternaire, la bulería a tres. Nous l’avons dit, nous
avons choisi d’utiliser pour nos relevés une mesure ¾, qui correspondrait donc à un bulería a tres.
bulería a dos 12 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
bulería a tres 12 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Il existe une autre pulsation pour jouer la bulería, la pulsation dite a golpe. Les accents sont
à l'envers de la bulería a tres :
bulería a golpe 12 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Les accords sont joués sur les temps forts tandis que les golpes sont joués sur les 1,2,4,5,7,8,10,11
On a donc plusieurs pulsations possibles.
178
Le mode de jeu utilisé en buleria est en général le mode por medio.
12 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Salida
A Bb A
Bb A
Bb A
Letra 1
A E7
F
Bb C Bb A
Bb C F
Bb C Bb C Bb A
Letra 2
A D-
A7 D-
A7 D-
C7 F
Ci-dessous un compas classique de bulerías utilisé fréquemment pour les résolutions.
12 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
179
A Bb A A
A Bb C G- A
A Bb C Bb A
La bulería est une forme a compás construite autour des accords de la cadence andalouse en
La majeur. L'accompagnement por bulería utilise beaucoup les accords de La majeur, Sib et Sol
mineur. Autour de cette cadence on peut utiliser des accords de passages. La bulería utilise les
mêmes positions d'accords que le tango et la siguiriya. Ces positions d'accords sont spécifiques au
flamenco.
Voici quelques exemples de ces accords :
La bulería est une des formes les plus jouées du flamenco. Elle est aussi une forme ouverte
aux interprétations personnelles et aux variations.
180
Jerez de la Frontera est la terre de naissance de la bulería. C'est une région vinicole célèbre
pour ses vins blancs secs. Les bulerías étaient jouées lors des juergas, qui sont des fêtes organisées
et payées par les propriétaires terriens où elles se sont développées. La bulería s’accompagne de
palmas. C'est une musique festive sur un rythme rapide et syncopé avec des chants concis.
Les bulerías descendent directement des soleás avec une expression mélodique inférieure
mais une plus grande richesse rythmique.Il est d'ailleurs courant de terminer une soleá par une
bulería.
Les bulerías sont propices à l'expression. La mélodie et l'harmonie sont libres et ne sont pas
soumises à l'usage unique de la cadence andalouse mais offre une grande liberté dans le choix des
cadences, de plus en plus dans le toque contemporain. Il en est de même pour les coplas qui peuvent
être empruntées à d'autres formes comme les fandangos par exemple. La bulería est une forme où le
rythme est important. C'est l'une des formes qu’affectionnent les chanteurs.
La bulería est la fille de la soleá. Étymologiquement c'est une déformation gitane duvocable castillan burlería ( plaisanterie, moquerie). […] Les bulerías n'apparaissent pasavant la seconde moitié du siècle dernier, création des habitants des rues Calle Nueva etCantarería du quartier de Santiago de Jerez. La gamme des cantes pour bulerías estpratiquement incontrôlable.219
Pour atteindre les profondeurs de la bulería il faut parcourir un chemin extrêmementcomplexe. C'est peut être le seul chant qui exige pour son entière compréhension unparcours complet au long du répertoire flamenco. On aboutit à la bulería comme audernier sommet d'un goût exquis, résultante de la décantation d'un processusencyclopédique. 220
Selon les interprètes, la bulería peut être mesurée et isochrone, la guitare et le chant jouant
ensemble, ou au contraire anisochrones avec une mesure difficile à déterminer. Dans le flamenco
moderne les bulerías sont souvent jouées a compás.
De même il semble qu’il soit difficile d’établir une forme de coplas por bulería. Il arrive
parfois que le chanteur ou le guitariste raccourcissent ou bien rallonge le compás sur certaines
falsetas ou sur certaines parties de cante.
219 BLAS VEGA, José , RÍOS RUIZ, Manuel, Diccionario enciclopedico illustrado del flamenco, S.L. Cinterco, 1988. p. 118220 Ibid. Gonzales Climent p.120
181
Le guitariste est toujours soumis à l'attraction de deux modèles : le premier inertiel« interne », tendant à faire tourner » la grille régulière de l'accompagnement ; ledeuxième « externe », obligeant à actualiser cette grille en fonction des aléas du chant.
P. Donnier p.439
Ces interactions sont différentes lorsqu’ intervient de la danse. En effet le mouvement
chorégraphique est a compás et le danseur donne des indications physiques qui facilitent
l'interprétation de la bulería. De plus, le baile flamenco joue le rôle d'une percussion et produit des
motifs rythmiques qui participent de l'accompagnement de la bulería.
Ci-dessous le compás por bulería
182
palmas de bulerías
L’analyse de l’interprétation des palos et de falsetas permet de préciser les conventions de la
guitare flamenca. Ces conventions rythmiques et harmoniques utilisées et développées dans
l’improvisation de falsetas ne sont pourtant pas strictes. Elles peuvent être modifiées au gré de
l’artiste et au besoin de l’interprétation.
Les techniques utilisées par les guitaristes pour jouer une de ces conventions rythmico-
harmoniques peuvent elles aussi varier pour un même palo ou une falseta à l’intérieur d’un palo.
On pourrait donc distinguer d’une part une couche externe qui obéirait à des schémas
mélodiques et harmoniques plus ou moins conventionnels, et, d’autre part, une sous couche
technique qui modifie la nature interne de la forme. Il faudrait considérer ces couches comme étant
des éléments organiques et non comme des structures mécaniques.
On pourrait faire une analogie avec la cuisine ; qui limiterait le flamenco à l’exécution de
183
recettes : en pâtisserie, la crème anglaise est constitué d’œufs, de sucre, de lait et de vanille. Si on
ajoute de la farine on obtient une crème pâtissière. En revanche si l’on place la crème anglaise au
congélateur on obtient des la glace vanillée… De même, si l’on part d’un tango et que l’on utilise
un compás d’amalgame de solea on obtient une bulería, si l’on ajoute des accords majeurs on
obtient une alegría etc… On pourrait faire plusieurs « recettes » sur une même base en ajoutant tel
ou tel ingrédient. Le flamenco souhaite pourtant conserver un goût particulier qui serait sa signature
comme l’est le fond de sauce dans un restaurant. Mais la saveur, le « goût flamenco » ne serait pas
un arôme artificiel mais plutôt lié à la connaissance d’un ensemble constitué de structures rythmico-
harmoniques qui pourrait être des ingrédients de base, et d’éléments de technique qui pourrait être
comparés à des épices.
Les structures rythmico-harmoniques et les techniques utilisées pour les jouer se
transmettent ainsi de palos en palos créant des familles et des ramifications en fonctions des formes
utilisées ou mélangées. Sabicas connaissait très bien ces formes. Dans certains de ses concerts il
semble développer une logique dans l’enchaînement des palos
184
Observations sur la falseta:
- Cette falseta est un exemple de l’utilisation de l’alzapua dont le doigté est rappelé à la première
mesure.
- On voit bien comment la position de Bb est utilisée, comme dans les tangos. Ici encore ce doigté
permet de développer des mélodies sur les cordes de La et de Ré tandis que l’on bloque la position
sur les quatrième et cinquième cordes avec l’annulaire et l’auriculaire. Les notes obtenues sont un
Sib et un Ré majeur soit une tierce majeure correspondant à un accord de Bb majeur.
- mesure 9 on voit comment on conserve les notes jouées par la main gauche même sur le passage
en accord de C majeur. L’accord obtenu est alors un C 9.
186
Observations sur la falseta :
- La falseta commence en anacrouse, sur le 10 ème temps du compás221. La falseta débute donc sur
le premier temps de la deuxième mesure.
- On voit ici comment la mélodie se développe sur la corde de Mi aigu sur un accord de A . Le
principe est de jouer l’accord de La majeur de la façon suivante : le majeur de la main gauche joue
le Mi sur la corde de Ré, 2ème case, l’annulaire joue le Do # (Ré bémol) sur la corde de Si. Cette
position libère l’accès aux quatre notes de la corde de Mi aigu qui sont utilisées pour jouer la
mélodie.
- de même pour jouer le Bb 7 on gardera la position du majeur et de l’annulaire de la main gauche à
laquelle on ajoute le barré avec l’index pour déplacer la position de la vers Bb. On peut donc à
nouveau jouer des mélodies sur la corde de Mi aigu.
221 Le premier temps de la première mesure correspond au 8 ème temps du compás por bulería.
188
Cierre por bulería
Observations sur le cierre por bulería
Ci-dessus un exemple de cierre utiliser pour clôturer une bulería. On constate que la
structure rythmique d’ensemble est identique à celle d’un cierre por alegría. L’arrêt se fait
une fois de plus sur le 10 ème temps du compás. Il arrive fréquemment que le rythme utilisé
varie. Toutefois on conservera l’accentuation rythmique.
189
Falseta por bulería n°3
Cette falseta est extraite des leçons de guitare flamenco en ligne de Diego De Oro. La
transcription est de Diego de Oro également.
Observations sur la falseta :
- on observe une nouvelle fois mesure 3 l’usage des octaves en double croches qui crée une sonorité
orientale proche des mélodies de oud.
- mesure 2 : il est courant en buleria de ne jouer que les contre-temps sur les rythmiques tout en
marquant les temps accentués ( 12, 3, 6, 8, 10) en jouant simultanément un accord attaqué vers le
bas avec l’index et un golpe.
- mesure 4 : on voit ici un exemple de presentible por bulerías. Il faut rappeler que le presentible est
quasiment personnel à chaque guitariste. Diego de Oro utilise beaucoup ce presentible.
190
Falseta por buleria n°4
Là aussi cette falseta est jouée et écrite par Diego De Oro.
Observations sur la falseta :
- mesure 3 : on observe à nouveau l’utilisation de la corde de Mi à vide en alternance avec une autre
note.
- mesure 3 : sur les trois derniers temps on à une figure très guitaristique et utilisée dans de
nombreuses falsetas sous cette forme ou sous la forme de variations de ce doigté. Les notes sont
jouées trois par trois, à raison de 3 notes par corde. Seule la première note jouée sur chaque corde
est attaquée avec le pouce. Les autres notes sont jouées en liaison en utilisant un les techniques du
hammer-on ou du pull-off.
-mesure 4 : le presentible por buleria caractéristique de Diego de Oro
191
Falseta por buleria n°5
Cette falseta por buleria est également tirée des leçons de guitare flamenco en ligne de
Diego de Oro.
Observations sur la falseta :
- on notera l’utilisation des cordes à vide qui est faite dans cette falseta aux mesures 2 et 3.
- mesure 4 : le presentible est toujours le même.
192
Falseta por buleria n°6
Cette falseta por buleria est extraite des cours de guitare flamenca en ligne de Diego De
Oro.
Observations sur la falseta :
- cette falseta mélange le jeu pouce-index et les alzapuas. Elle est difficile à jouer.
- mesure 4 : une autre figure de presentible por buleria
193
Falseta por buleria n°7
Cette falseta por buleria est elle aussi extraite des cours en ligne de Diego De Oro.
Observations sur la falseta :
- cette falseta reprend le doigté de la précédente mais avec des arpèges d’accords à la place de
l’alternance pouce-index.
194
Falseta por bulería n°8 Al Alba
Il arrive que certains artistes reprennent le compás por bulería pour interpréter un titre qui
n’appartient pas au répertoire por bulerías. C’est le cas dans l’exemple suivant qui est une reprise
por bulerías du titre Al Alba composé par Eduardo Aute. La chanson évoque les dernières
exécutions du régime franquisme le 27 septembre 1975. Elles déclenchèrent des manifestations
importantes. La peine de mort fût abolie en Espagne en 1978.
La bulería ci-dessous est une reprise de ce titre par José Merce. Cet exemple met en
évidence le traitement d’une chanson libertaire dans la forme bulería.
195
Observations sur la falseta :
- la falseta débute en anacrouse.
- Al Alba est une reprise d’une chanson par José Merce. Il est important de noter que malgré cela
l’arrangement flamenco qui est ici proposé respecte les codes de la bulería.
- ainsi les arrêts se font bien sur le 10ème temps du compás.
- mesures 10 et 11 on voit une utilisation de la gamme andalouse.
- mesures 20 à 23 on observe un nouvel exemple de cierre por bulería
196
Cette falseta intervient dans le morceau Al Alba de José Merce entre les couplets.
Observation sur la falseta :
- la falseta débute et s’achève par un cierre, mesures 1 à 4 et mesures 13 à 16.
- mesures 9 à 12. Les notes doublées mesures 9 et 10 semblent rappeler la sonorité d’une
rafale de mitrailleuse ou d’un peloton d’exécution.
- mesure 11 : on voit un nouveau l’utilisation de la gamme andalouse.
198
Falseta por bulería n°10
Ci-dessous une falseta por bulería de Paco de Lucía extraite du titre Gitanos
andaluces.
199
Observations sur la falseta :
- La transcription ci-dessus est un extrait d'une partie soliste de Paco de Lucía. Le thème est
soutenue par la flûte. Dans cette transcription on voit bien 3 parties, trois falsetas distinctes.
- La première partie débute en anacrouse sur un dixième temps. Suivent 4 compás (16 mesures) de
falseta « traditionnelle » .222
- Les 3 compás suivants (12 mesures ) sont une phase de falseta moderne et lyrique soutenue par
l’orchestre. Cette partie est difficile à jouer. On voit ici l’influence de Paco de Lucía sur le flamenco
contemporain.
- Les 2 derniers compás (8 dernières mesures) eux aussi plus traditionnels servent de résolution.
- ici toutes les mélodies sont jouées avec le pouce.
222 Voir falseta por tangos 2 mesure 5
201
Falseta por bulería n°11
Cette falseta est tirée du répertoire du guitariste Moraito223. Elle est proposée à l’étude
par Orhan Anafarta de l’école en ligne de flamenco Artafana School.
223 (1956-2011)
202
Observations sur la falseta :
- Sur l’ensemble de la falseta et des la première mesure on peut observer un mouvement
mélodique qui suggère une accentuation à la noire pointée et non à la noire comme le compás
ou les palmas. On a ici un exemple de polyrythmie binaire et ternaire avec un battement de 2
pour 3 sous entendu par les groupes de trois croches joués par la guitare.
- mesure 1 on retrouve ici une position très utilisée en flamenco, que nous avions déjà vu dans
les falsetas por tango224.
- la falseta est construite sur des accords simples sur le plan harmonique. une construction
224 Chiffrée ici G m 9/ A
204
Falseta por bulería n°13
Cette falseta est extraite du titre Cepa andaluz de Paco de Lucía, d’après une leçon en
ligne d’Orhan Anafarta.
205
Observations sur la falseta
- pour jouer cette falseta dans la tonalité originale il faut utiliser un capodastre à la troisième
case. Les accords indiqués au-dessus des portées sont une tierce mineure en-dessous de la
note indiqué dans le diagramme (ex :La majeur sur le diagramme équivaut à Do majeur en
réalité).
- mesures 12 à 14 : on observe une utilisation intéressante de la cadence andalouse.
- mesure 16 : on peut voir une position de La majeur beaucoup utilisée en bulería.
- mesures 25 à 28 : on a ici un mouvement original sur un accord de Fa majeur.
- mesures 41 à 44 : on constate une utilisation des accords Bb, Bbm qui rappelle celle de
Moraito dans la falseta por bulería n°12225.
225 p. 184
209
Falseta por bulería n°14
Cette falseta est extraite d’une bulería du jeune guitariste virtuose Samuelito. Paco de
Lucía a également jouée cette extrait de falseta.
210
Observation sur la falseta :
- La falseta débute en anacrouse.
- Cette falseta est composé de deux parties quasiment identiques qui diffèrent très légèrement
sur le plan rythmique et mélodique ( cf. mesures 3 et 11 )
- mesures 3 et 4, et mesures 11 et 12 : on observe ici une utilisation originale de ce qui
pourrait être des notes extraites de la tonalité de Si majeur.
211
Falseta por bulería n°15
Cette falseta est extraite du titre Tempul de Paco de Lucía. Le relevé est établi d’après
une leçon en ligne de Orhan Anafarta.
212
Observations sur la falseta :
- Comme dans la falseta de Moraito, on observe ici une polyrythmie de 2 pour 3.
- Il est intéressant de noter la position originale qui introduit la falseta.
- Le doigté utilisé est indiqué. On peut noter une forme d’ originalité.
- mesures 25 à 32 : on peut voir une figure mélodique simple basée sur la cadence andalouse
et répétée deux fois pour préparer la conclusion de la falseta.
214
f. Les alegrias
L'alegría est une des formes du flamenco traditionnelle. La forme est originaire de Cadix.
Ce palo appartient à la famille des cantinas qui étaient originellement des chants de taverne. C'est
donc un cante festif. Il est aussi apprécié par les tocaores. Il se développe sur un compás
d'amalgame de 12 temps, le même que celui de la bulería et de la soleá. Le tempo, généralement
rapide, varie souvent parfois au sein d’une même alegría. Elle emprunte tantôt le tempo d’une
soleá tantôt celui d’une bulería. Mais sa structure harmonique de ces deux formes diffère puisque
l'alegría est jouée en tonalité majeure. Les tons les plus utilisés sont Mi majeur et Do majeur.
L'alegría est un chant de joie et d'allégresse. La copla est généralement composée de quatre
vers octosyllabiques. Pour certains elle est une adaptation de la jota qui était chantée par les soldats
venus d'Aragon pour combattre les armées napoléoniennes à Cadiz. La forme strophique du chant et
la succession des des cadences harmoniques de fin de phrase seraient d'ailleurs calquées sur la jota
aragonesa qui est une chanson festive originaire de la province d’Aragon. De nombreuses paroles d'
alegrías ont pour thème la guerre d'indépendance contre les troupes de Napoléon.
On distingue les alegrías de Cadiz et celles de Cordoue. La métrique de ce cante
proviendrait de la séguedille castillane.
La ville de Cordoue possède aussi ses propres alegrías. Les alegrías de Cordoue sont plus
folkloriques et moins flamenca que celles de Cadix. Les coplas sont souvent empruntées aux
serranas mais il demeure qu'elles appartiennent à la famille des cantinas.
La copla est composée de quatre vers et d'un cambio, qui clôture le cante. L'alegría de
Cadix et celle de Cordoue ont le même compás et le même accompagnement à la guitare.
En Espagnol alegría signifie joie. Comme son non l'indique l'alegría est un chant joyeux.
Aux origines, il a été crée pour accompagner la danse dans les cafés cantantes ou dans les tavernes.
L' alegría est un un palo apprécié par les danseurs.
La célèbre salida « tiririti trán » créée par Enrique Bultrón participa à populariser l'alegría.
Cette onomatopée qui précède ou succède aux coplas, est la salida la plus commune chantée par les
215
cantaores pour introduire les coplas du cante.
Les palmas de l' alegría sont semblables à celles de la soléa mais jouées à un tempo plus
rapide.
C'est une forme à refrain qui est basé sur une cadence I V,
12 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Salida « Tiri ti trán »
E A
B7 E
E A
B7 E
Letra
E A
B7 E
E7 A B7
E
L'alegria possède la particularité de pouvoir être jouée dans plusieurs tonalités. Ces
tonalités sont Mi majeur, Do majeur et moins fréquemment Ré majeur.
Parfois les cantaores conservent une mélodie spécifique et les paroles changent. C'est une
spécificité des alegrías : la conservation de schémas thématiques sur lesquels le chanteur va
développer ses propres letras ou coplas.
216
Les alegrías de Cadíz se jouent en tonalité majeure. Les alegrías de Cordoue conservent le
compás de l'alegria de Cadíz mais sont souvent ajoutés des passages en Mi mineur et Do majeur.
Les alegrías de Córdoba comme les mirabrás et les caracoles sont des hybridations
flamencas. Elles sont souvent jouées comme des alegrías mais respectivement en la majeur et ré
majeur.
La copla por alegrías est souvent suivie d'une copla de remate de quatre vers qui clôture le
cante. On retrouve ce type de coplas dans les fandangos.
L' alegría est un palo qui présente un intérêt au niveau structurel car sa structure est parfois
complexe. Voici un exemple de structure pur alegría.
CANTE TOQUE
Rasgueados de guitare
Falsetas
Llamada
Temple/ salida« tirititran » Rasgueados de guitare , accompagnement
Copla ou letra accompagnement
silencio
Copla ou letra accompagnement
Copla de remate
Remate
Le silencio est un passage lent au milieu d'une alegría. Ce passage est musical et le cantaor
n'y intervient pas. Le silencio est un passage de repos qui précède un passage plus rapide.
Le silencio possède la particularité de moduler la tonalité d'origine. Ainsi si on joue une alegria en
Mi majeur, on pourra jouer un silencio en Mi mineur.
217
Llamada por alegría
Ci-dessous un exemple de llamada ou salida por alegría. Elle est extraite des cours de baile
flamenco de Fernando Mejias et Dolores Gimenez
Observations sur la llamada por alegría :
- Il faut préciser que les guitaristes utilisent des variations de cette llamada. Toutefois les notes
jouées restent proches de la llamada ci-dessus.
- Cette llamada peut être transposée dans les autres tonalités de l’alegría, Do majeur ou La majeur.
219
Falseta por alegría n°1 en Mi majeur.
Cette falseta est une extraite du titre « La Romería » du guitariste Paco Peña.
220
Observations sur la falseta :
- On notera le doigté utilisé pour jouer le B7 qui est typique de l’accompagnement por alegría.
221
Observations sur la falseta :
- On aurait pu transcrire cette falseta en utilisant une mesure 9/8 puis une mesure 4/4. Nous avons
préféré écrire des triolets de croche.
- On remarquera aussi l’utilisation des picados et l’usage qui est fait des cordes à vide dans la
mélodie.
- Les picados débutent par une attaque avec l’index de la main droite. L’alternance index/majeur
doit être respectée quand on joue ce genre de falsetas.
- On notera aussi la récurrence de presentibles, sur des accords de Mi majeur (E) et Si septième
(B7).
- on observe une structure harmonique très répandue en alegría avec l’utilisation du degré IV de la
tonalité, à savoir ici La majeur en Mi majeur.
223
Falseta por alegría n°3 en Mi majeur
Cette falseta est extraite des vidéos Cursos completo de guitarra flamenco de Oscar Herrero.
C’est une méthode de flamenco en 8 volumes disponible en ligne.
Observations sur la falseta :
- mesure 3 : on observe une figure avec chromatisme puis une descente sur 2 octaves d’une gamme
majeure de Mi.
- les 2 premières mesures sont données à titre indicatif.
224
Falseta por alegría n°4 en Mi majeur
Cette falseta est également extraite des leçons vidéos de Oscar Herrero.
Observations sur la falseta :
- On observe à nouveau l’utilisation des chromatismes mais avec des hammer-on et des pull-off
225
Falseta por alegría n°5 en Mi majeur
Cette falseta provient des cours d’Oscar Herrero.
Observations sur la falseta :
- mesure 3 : on voit une utilisation de l’alzapua dans le cadre d’une alegría en Mi majeur.
- mesure 4 : on peut observer une résolution avec un presentible à la septième case.
- mesure 4 : la résolution se fait sur le Mi situé à la 7ème case, sur la corde de La, et non sur la
2ème case de la corde de Ré.
226
Falseta por alegría n°6 en Mi majeur
Cette falseta provient également des cours d’Oscar Herrero.
227
Observations sur la falseta :
- cette falseta possède l’originalité d’être entièrement jouée au pouce excepé le presentible de la
quatrième mesure.
- mesures 5 et 6 : on observe un motif original pour une alegría.
- mesure 7 : on peut observer la répétition des notes La Sol# au milieu d’une descente de gamme en
escalier de 3 notes. Ces notes donnent une sonorité orientale à la falseta.
228
Falseta por alegría n°7 en Mi majeur
Cette falseta est également extraite et retranscrite d’après les cours d’Oscar Herrero.
229
Observations sur la falseta :
- La falseta se compose de plusieurs parties.
- mesures 1 à 4 : les notes sont jouées en picados. Certaines d’entre elles sont appuyées par une note
de basse jouée avec le pouce226.
- mesures 5 à 8 : cette partie de la falseta est jouée avec le pouce. On observe une gamme majeure
ascendante puis une gamme en escalier .
- mesures 9 et 10 : le motif est identique à celui des mesures 1 et 2.
- mesure 11 et 12 : la fin est modifiée par rapport au début de la falseta pour résoudre sur un La
majeur.
- on peut observer ici une structure harmonique globale de la falseta por alegrías avec
l’intervention de l’accord de La majeur. Cette structure est beaucoup utilisée dans les alegrías. Nous
avions souligné ceci lorsque nous avons commenté la falseta n°3 en Mi majeur elle aussi.
- mesures 13 à 16 : la résolution de la falseta se fait par une longue gamme majeure de Mi
descendante brisée en son milieu.
226
231
Falseta por alegría n°8 en Mi majeur
Cette falseta est également extraite des cours d’Oscar Herrero.
Observations sur la falseta :
- Cette falseta se développe sur presque trois octaves.
- il est intéressant de noter l’utilisation du Mi à vide comme note pivot pour changer de position,
que ce soit en utilisant la gamme de Mi majeur de façon ascendante ou descendante. Il peut être
utile de travailler ce passage dans les autres tonalités du flamenco, por arriba, por medio, Do
majeur ...
232
Cierre por alegrías en Mi majeur
Observations sur le cierre por alegría :
- Le cierre por alegría procède du même rythme que le cierre por bulería. En revanche les accords
utilisés sont différents.
- il faut à nouveau noter que que le rythme peut varier. De plus on peut parfois rajouter un accord de
Mi majeur sur le 10ème temps.
233
Falseta por alegria en Do majeur n°1
Cette falseta est extraite des cours en ligne de Terry Flemming.
234
x
Observations sur la falseta :
- les mesures 1 à 6 et 9 à 10 sont jouées en picados.
- les mesures 11 à 16 sont jouées avec le pouce.
235
Falseta por alegria en Do majeur n°2
Cette falseta est extraite des cours de guitare flamenca en ligne d’Oscar Herrero.
Observations sur la falseta :
- la falseta dure un compás, c’est-à-dire 12 temps.
- mesures 2 et 3 : les notes sont jouées en attaquant uniquement la première note, les autres notes
sont jouées en liaison, legato. À partir de l’arpège de Sol majeur les notes sont attaquées avec le
pouce.
- mesure 4 : on voit ici un exemple de presentible en Do majeur.
236
Falseta por alegría en Do majeur n°3
Cette falseta est extraite des cours de guitare flamenca en ligne d’Oscar Herrero.
Observations sur la falseta :
- mesure 3 : on voit ici l’utilisation d’un intervalle original. Il s’agit d’une 11ème, ou une tierce à
l’octave.
- mesure 4 : presentible en Do majeur.
237
Falseta por alegrías en Do majeur n°4
Cette falseta est également extraite des cours de guitare flamenca en ligne d’Oscar Herrero.
Observations sur la falseta :
- il est important de noter les doigtés utilisés.
- la falseta résout sur une gamme por arriba ascendante de Mi à Do sur la corde de Si.
238
Falseta por alegría en Do majeur n°5
Cette falseta en tremolos est extraite des vidéos pédagogiques d’Oscar Herrero.
239
Observations sur la falseta :
- cette fois et contrairement à la falseta por solea en tremolos, nous avons retranscrit le rythme en
groupe de 5 notes,en quintolets.
- le doigté pour réaliser les quintolets est le même que dans la solea à savoir : p i a m i .
243
g. Les siguiriyas
La seguiriya ou segueriya ou siguiriya est le plus ancien palo flamenco avec celui de la
soleá. C'est le chant primitif andalou dont parlais Lorca et Falla, c'est le cante jondo dans sa
tradition la plus profonde.
Le mot provient du mot séguedille. On trouve de nombreuses variantes du terme : siguiriya,
segiriya, siguediya... On peut indifféremment écrire et prononcer seguiriya, segueriya ou siguiriya.
La copla se compose de trois heptasyllabes sauf le troisième qui est un vers hendécasyllabe (onze
syllabes). Une autre forme de copla est composé de trois vers : deux hexasyllabes, le premier et le
troisième, et un deuxième vers hendécasyllabe. Elle est issue de la seguidilla castellana (séguedille
catalane).
La seguiriya est un cante tragique et profond, le cante jondo: pour Ricardo Molina « c'est le
cri de l'homme mortellement blessé par le destin. »
La seguiriya est avec la soléa et la toná la racine du cante. Avec ces deux autres formes,
c’est l’un des cantes les plus anciens du flamenco. Elle est considérée comme l’un des cantes les
plus difficile. Pour les aficionados, la seguiriya exprime un sentiment et une vibration intérieure.
La danse pour seguiriya fut inventé par Vicente Escudero en 1940. Les seguiriyas dérivent
des anciennes tonás. On distingue trois origines géographiques pour ce palo : Cadix, los Puertos à
Jerez et Triana à Séville.
La siguiriya est la forme flamenca la plus complexe à appréhender et constitue un
aboutissement dans la maîtrise des palos pour le cantaor ou le tocaor. La siguiriya concentre et
synthétise l'ensemble des autres styles de flamenco. Elle est un palo qui possède une grande force
dramatique. On perçoit aussi dans ce style l’influence de la musique orientale227.
La siguiriya signifie, pour qui l'exécute bien, la plus grande satisfaction que peut atteindre
un cantaor. Elle possède une importante force dramatique. Elle est originaire de Jerez de la
Frontera.
227 Il arrive que les guitaristes qui interprètent la seguiriya utilise les 1/4 de tons. En jouant par exemple un mi sur lacorde de mi aigu à vide et simultanément un mi légèrement tiré sur la corde de si ce qui crée un intervalle microtonalqui rappelle la musique orientale.
244
Elle peut être prolongée par une cabal ou un cambio.
Elle est issue d'une forme populaire ancestrale : la séguédille ( seguida ou seguilla). Elle
apparaît au XVIIIème siècle et devient populaire au XIXème. Elle appartient à la famille du cante
jondo avec laquelle elle fait partie des « chants primitifs andalous » comme les nommait Lorca.
Pour José Blas Vega «les letras de la seguiriya sont tristes et reflètent la tragédie humaine,
sa souffrance et les douleurs en relation avec l'éternel thème de l'amour ». Ce sont des chants pleins
de pathos.
Elles sont interprétées dans le mode por medio. La seguiriya peut donner lieu à des
interprétations exclusivement guitaristiques comme celles de Diego del Gastor. Le compás de la
seguiriyas est identique à celui de la soléa mais il commence sur le 8 ème temps. Elle se joue en
mode por medio.
Les chants pour seguiriya sont les plus anciens chants avec un accompagnement à la guitare.
Ils dérivent directement des tonás.
Pour José Blas Vega et M. Ríos Ruiz
« Trois écoles et noyaux de germination apparaissent dans les plus anciennes seguiriyasque l'on connaît : celles qui correspondent aux régions de tradition flamenca de Cadíz etLos Puertos, Jerez de la Frontera et le quartier sévillan de Triana. »
Hípolito Rossy la décrit ainsi :
« Bien que ni gitane ni seguidilla, la seguiriya doit à la race calé, dans sa forme et sonnom actuels, le fait d'être arrivé jusqu'aux générations actuelles. D'une lamentation sansrythme métrique – comme la toná – les gitans ont élevé le plus grand monumentartistique du cante jondo, le plus émotif, profond et douloureux qui- comme le ditAndrade da Silva- chante les peines, les blessures inguérissables, les délitsimpardonnables, les lamentations de la terre qui ne sera jamais ciel, de la mer privée derivage, de l'adieu pour toujours éternel. »
.Pour Philippe Donnier, « La seguiriya est la première expression complète du flamenco ».
Les tonás et les seguiriyas présentent des similitudes mélodiques. Les seguiriyas sont jouées
dans le mode por medio et en utilisant le mode andalou. Les mouvements mélodiques du cante
suivent généralement des notes conjointes et résolvent sur la tonique du mode. Pour les cantaores,
245
la difficulté vocale dans l'interprétation de la seguiriya provient surtout de l'effort vocal nécessaire
pour réaliser de longues phrases à la mélodie monotone en maintenant la tension émotionnelle et
musicale. La seguiriya est une forme où l'usage des ornements mélismiques est de rigueur.
A l’exception de certaines cadences en quarte au début du cante L'ambitus de la mélodie est
le plus souvent d'une quarte et dépasse rarement la sixte. La seguiriya repose en général sur la
cadence andalouse : D-, C, Bb, A. La seguiriya est une forme difficile à interpréter et comme le dit
Philippe Donnier : « L'absence apparente de règles cache des règles occultes ».
La seguiriya est toujours jouée en mode por medio. Si elle est jouée en mode por
arriba on parlera d'une serrana.
Compás de siguiriyas
Observations sur le compás por siguiriya :
- Le compás débute sur le 8 ème temps. En partant de la première note on doit compter les temps
ainsi : 8 9 10 11 12 1 2 3 4 5 6 7. On peut aussi imaginer d’autres systèmes de comptages comme :
1 et 2 et 3 et puis 4 et puis 5 et
246
- L’arrêt se fait sur le 6ème temps du compás
- Le presentible228 débute sur le 3ème temps du compás.
- Les accords plaqués de la siguiriya sont joués par la main droite en déroulant dans un mouvement
descendant d’abord l’annulaire puis le majeur puis l’index puis le pouce qui vient gratter les cordes
pour achever le mouvement. C’est une technique simple et spécifique de la siguiriya.
- Les notes qui se trouvent dans les aigu à contre-temps ne sont pas toujours jouées. Toutefois elles
imprègnent une pulsation au palo.
Compás por siguiriyas 2
Observations sur le compás por siguiriyas 2 :
- Ce Compás est un autre exemple de compás por seguiriya. On remarquera sa simplicité.
- Le presentible est placé au même endroit que dans l’exemple précédent.
- On remarque l’usage de l’accord de Sol mineur (G-) sur les temps 12, 1 et 2 du compás.
228 Il faut noter qu’il existe d’autres façon de jouer le presentible des siguiriyas. Toutefois on s’arrêtera toujours sur le6ème temps du compás.
247
Observation sur la fasleta por siguiriya :
- Ci-dessus un exemple de falseta classique pour siguiriya. On notera la descente chromatique des
notes graves de fa vers la qui est souvent utilisé dans l’interprétation de la siguiriya .Elle constitue
un éléments musical caractéristique de ce palo.
- Il est intéressant de remarquer les notes maintenues à la main gauche par l’auriculaire et
l’annulaire sur les 5ème et 6ème cordes ( mesures 1 à 3) et sur les 4ème et 5ème cordes (mesures 5
à 11).
- dernière note de la mesure 10 et mesure 11 on observe à nouveau la résolution typique puis le
presentible (mesures 11 et 12) de seguiriya.
249
Falseta por siguiriya 2
Cette falseta est extraite d’une leçon de Ruben Diaz qui fût l’un des élèves de Paco de
Lucia et qui s’attache aujourd’hui à enseigner le flamenco tel que le jouait le maître.
Observations sur la falseta :
- Dans cet exemple de falseta por siguiriya comme dans le précédent on observe que le découpage
rythmique respecte le compás : 1 2 1 2 1 2 3 1 2 3 1 2.
- De même au niveau du 1 du dernier compás on observe une descente sur le modèle de la cadence
andalouse Ré Do Si b La qui s’achève sur le 6ème temps.
250
- On trouve ici des positions d’accords peu utilisées habituellement et qui montrent la recherche et
l’expertise des guitaristes de flamenco dans l’utilisation des renversements d’accords.
Falesta por siguiriya 3
Cette falseta est également extraite des leçons de flamenco de Ruben Diaz disponibles
en partie sur sa chaîne youtube.
251
Observations sur la falseta :
- Une nouvelle fois on observe que le compás (8 9 10 11 12 1 2 3 4 5 6 7) est parfaitement
respecté.
- On peut remarquer la complexité et la subtilité des mouvements mélodiques aisni que le
raffinement dans la composition de la falseta.
- L’utilisation de l’accord Bb7/G# qui peut aussi être chiffré G-7/G# est elle aussi
remarquable. On sent ici l’héritage de Paco de Lucia dans l’utilisation d’accords ouverts.
252
2. Les autres formes
D’autres palos se sont développés parallèlement aux grandes formes que nous venons
d’étudier. Parmi eux on trouve des forme de fandangos locaux ou régionaux comme les
malagueñas ou les granaínas. D’autres formes se sont développés sur la bas de fandangos229 libres
comme les tarantas ou les tarantas.
Certaines formes sont le fruit de convergences artistiques avec l’Amérique latine, comme
nous l’avons vu pour le tango qui s’est imposé comme l’un des palos majeurs. Pourtant d’autres
formes plus récentes comme la guajira, d’inspiration cubaine se sont elles aussi développées et
intégrés au répertoire flamenco. De même on voit plus tard l’émergence de forme populaire, dites
aflamencada – c’est à dire qui n’appartiennent pas au répertoire du « grand » flamenco mais qui
sont régulièrement joués, même par des artistes renommés.
Ce sont ces palos que nous nous proposons d’étudier dans ce chapitre. Pour conclure l’étude
nous aborderons sans les traiter tous en profondeur les palos moins interprétés du flamenco.
Comme nous l’avons fait pour les précédentes, nous essaierons de mettre en avant
l’originalité de chaque forme.
229 Dans l’histoire des palos il est traditionnellement admis que ces formes découlent du fandango. Toutefois cettevision est un peu réductrice sur le plan musical, les guitaristes utilisent souvent des ressources empruntées à d’autrespalos, comme par exemple la soleá.
253
a. Les Malagueñas,exemple de forme locale
C'est le fandango local de Málaga et est devenu un palo au milieu du XIXème. La copla est
composée de quatre ou cinq vers de huit syllabes. Il appartient aussi à la famille des cantes de
Levante. La malagueña n'est pas un style dansé mais chanté. Son accompagnement à la guitare est
si dense qu'il donne souvent lieu à une interprétation à la guitare seule.
C’est le fandango régional de la province de Malaga.
Les malagueñas sont jouées à la manière des fandangos. Le compás est généralement libre.
Cette forme a donné lieu à des interprétations dans le répertoire pour guitare classique comme la
célèbre Malagueña del toro.
254
Falseta por malagueña n°1
Ci-dessous quelques transcriptions de falsetas por malagueña de Michael Lucarelli
255
Observations sur la malagueña del toro :
- on observe que la technique utilisée est semblable à celle utilisée en flamenco, à savoir
l’utilisation d’une corde en bourdon dans l’aigu jouée avec l’index.
- On constate que la forme est proche de celle d’un fandango.
- mesure 14, on observe que la résolution se fait sur une cadence andalouse.
256
Falseta por malagueña n°2
Ci-dessous un extrait d’une interprétation de la Malagueña del Toro par Michael Lucarelli.
257
Observation sur la falseta :
- cette falseta est la reprise du premier thème de la malagueña mais à l’octave supérieure.
- on notera l’utilisation du mi à l’octave dans la résolution.
- cette falseta paut être jouée avec le pouce et l’index.
- dans certaines interprétations de malagueñas, Sabicas utilise cette variation. Chose originale il
débute par cette llamada à l’octave supérieure et ne joue la falseta « originale » à l’octave inférieure
vers la conclusion du morceau.
- à noter qu’on peut également jouer cette falseta en commençant par jouer le Mi sur la corde de La
à la septième case.
258
Falseta por malagueña n°3
Un autre extrait d’une interprétation de la Malagueña del Toro par Michael Lucarelli.
259
Observations sur la falseta :
- cette falseta utilise à nouveau le même motif que les deux précédentes mais joué sur la corde de
Mi aigu en utilisant la corde de Mi à vide.
- on notera la position des notes de basse Mi grave à vide et La à vide dans la falseta.
- cette falseta peut aussi être jouée en croche et non en triolet.
260
Llamada por malagueña n°1
La malagueña est généralement ponctuée par des llamadas comme celles ci-dessous, c’est à dire un
appel en picados suivi d’une réponse par des séries d’accords. L’appel en picados est généralement
le même et s’étale sur trois temps mais les réponses varient en longueur : 1 temps, 3 temps ou 9
temps.
261
Observations sur la falseta :
- on voit bien ici les 3 temps en picados
- on observe la construction de la falseta sur 2 accords unique, Mi et Fa.
- ce type de llamadas est souvent utilisée par les guitaristes dans les interprétations de malagueñas
pour ponctuer le discours après des falsetas du type de celles relevées précédemment.
262
Observations sur la falseta :
- on obervse que les appels en picados sont les mêmes que sur la llamada précédente. En revanche
les réponses en accords s’étalent sur 9 temps contre 3 précédemment.
- cette llamada peut être utilisée pour introduire la malagueña.
- il faut noter que les rythmes de la réponse peut varier même si la durée (9 temps) est conservée.
Traditionnellement ce type de llamada est souvent jouée en utilisant des rasgueados ou des
abanicos.
264
Llamada por malagueña n°3
Observations sur la falseta :
- C’est la version la plus courte de la llamada. Les picados sont liés par un accord unique sur les
premiers temps des mesures.
- Paco de Lucía et de nombreux artistes utilisent des llamadas de ce type pour ponctuer leurs
malagueñas.
- Les llamadas écrites précédemment peuvent permettre de structurer une malagueña. On peut
donner cet exemple de structure :
265
b. Les Granaínas
Le mot granaína est la déformation du terme granadina. C'est la fandango régional de
Grenade, et il appartient à la famille des Cantes de Levante. Le style fut popularisé et peut être
même crée par Chacon. Le texte est souvent dense, tout comme les mélismes, les arabesques et les
ornements qui abondent.
Cette forme est très appréciée par les guitaristes. Le jeu de guitare y est souvent fin et
raffiné. La granaína se joue en mode por medio transposé au ton supérieur, c'est à dire en Si
flamenco. La structure rythmique de cette forme peut varier. Le compás peut être celui d’un
fandango ou bien être libre. Pour cette raison les indications de mesures diffèrent.
La granaína est une forme pour guitare virtuose. Le développement se fait souvent en jouant
des trémolos et des mélodies entrelacées et complexes. Les arpèges sont également très utilisés dans
l’interprétation des granaínas.
267
Falseta por granaína n°1
Cette falseta est extraite du titre Reflejo de Luna de Paco de Lucia qu’elle introduit.
Observations sur la falseta :
- Cette falseta est batie sur un compás de fandango.
- mesures 7 et 8 on observe un motif rythmico-mélodique extrêmement répandu dans les granaínas.
Il sert souvent à annoncer la falseta ou à introduire le chant.
- mesure 8 et 9, la montée chromatique de fa # vers si est réalisée en effectuant un glissando avec
l’index sur la corde de mi grave de la seconde à la 7ème case du manche de la guitare. C’est un des
rares usages des chromatismes en guitare flamenca.
268
Observations sur la falseta :
- Ce type de falseta est également très utilisé pour l’introduction des granaínas.
- Il existe de nombreuses variantes de cette falseta.
- Il faut rappeler la filiation entre les granaínas et les fandangos, libres ou a compás.
- Lorsque le compás est libre comme ici, els inteprètes choisissent souvent de retourner sur une
forme binaire même si les interprétations font aussi intervenir des motifs ternaires.
- Le trémolo utilisé avant l’accord plaqué et joué en anacrouse est également utilisé pour
l’introduction de certaines soleá230.
- On notera l’utilisation des cordes à vide.
- Il est très courant que les guitaristes développent des falsetas composées d’une mélodie sur la
corde de Mi aigu et d’un second motif mélodique ou de basse joué sur les cordes graves, souvent
Mi grave et La.
230 Voir la falsetas por soleá p.135. On peut utiliser ce motif en anacrouse sur la corde de Mi aigu.
271
Observations sur la falseta :
- Cette falseta est un exemple d’arpèges que l’on peut jouer sur les granaínas.
- On notera l’utilisation de la triade de l’accord de Si majeur et des mouvements sur les cordes
grave.
273
c. Les tarantas, exemple de forme libre.
Le terme viendrait du mot tarantela, ou tarentelle en français, qui est une musique et une
danse. Le mot taranta, ou taranto désigne aussi les habitants d'Almeria. La copla est composée de
quatre ou cinq vers octosyllabiques dont deux d'entre eux sont répétés.
La tarranta appartient à la famille des chants du Levant. C'est un chant de mineurs, un cante
de las minas, comme la minera. Comme elle, sa création est attribuée à El Rojo el Apargatero. La
taranta est généralement jouée sans palmas et dans le mode por arriba des Cantes de Levante,
c'est à dire en Fa dièse majeur (soit Si mineur ou Ré majeur). C'est un chant dur et profond, très
intériorisé. La taranta ne se danse pas.
C'est un chant du Levant. Elle appartient à la famille des cantes de las minas. La forme est
très libre. La forme débute par une salida du chanteur. Elle est suivie d'une falseta puis de la letra
chantée puis d'une autre falseta puis d'une letra finale qui conclut la pièce.
La taranta est une forme très appréciée par les guitaristes. L’accord de base de la taranta qui
est une sorte de Fa # majeur avec les deux dernières cordes (Si et Mi aigu) jouées à vide, possède
une sonorité envoûtante voire mystique. Il suggère la profondeur et est très agréable à l’oreille
malgré les tensions ressenties. Il crée une sorte d’équilibre instable sur lequel la taranta va se
développer. Cet accord pourrait être chiffré F#sus4 /9b/13 ou F#7sus4 /9b231. Dans sa thèse M.A.
Berlanga met en avant l’existence d’une évolution de l’accord de base de la taranta. Les versions
antiques utilisaient un accord que l’on pourrait chiffrer F#sus4/13 ou F#7sus4 qui est l’accord de Fa
dièse transcrit ci-dessous mais en ajoutant le La dièse sur la corde de Sol.
231 Dans ce cas la septième mineure est jouée sur la corde de mi aigu à vide, qui peut aussi être considéré comme une13ème.
274
Observations sur la falseta :
- Ce type de fasletas est souvent utilisé pour l’introduction des tarantas
- On notera l’utilisation des cordes à vides.
- On remarque l’utilisation de deux tonalités. Mesures 9 et 10 la tonalité est Si mineur.
276
Observations sur la falseta :
- on peut ici observer un mouvement typique de la taranta mesures 8 et 23. Il s’agit d’une
façon de jouer l’accord. Nous l’avons volontairement retranscrit note à note. La première note
est attaquée avec le pouce vers le bas. La note sur la corde de si est attaquée avec l’index pour
marquer la fin du mouvement ascendant. On joue les notes de l’arpège descendant avec le
majeur ou l’annulaire232. Ce mouvement doit être réalisé lentement et avec grâce. Il faut noter
qu’il existe d’autres mouvements pour réaliser ce type d’arpège d’accord. De façon général en
flamenco on utilisera jamais l’index -mais plutôt le majeur ou l’annulaire - pour « égrener »
les notes d’un accord descendant.
- on constate l’utilisation d’accords spécifiques à cette forme, notamment des accords qui ont
leur note fondamentale sur la corde de Mi grave
232 Et non avec l’index.
278
Observations sur la falseta :
- ici encore on observe l’utilisation des cordes graves à partir de la mesure 3 pour soutenir la
mélodie jouée sur les cordes aiguës.
- mesure 12 on observe l’utilisation d’un phrasé classique avec une altération pour la résolution de
la falseta.
280
d. Les tarantos.
Le taranto est un cante de la famille des tarantas. Les deux cantes sont très proches et seule
diffère la façon dont est jouée la guitare. Le taranto est joué sur le même mode de la taranta, mais
l'interprétation est moins dure, moins austère que pour la taranta. De même le compás est plus
marqué. La copla et les thèmes sont les mêmes. Les tarantas appartiennent à la famille des chants
du Levant. Blas Vegas affirme que cette forme est la création de la danseuse Carmen Amaya.
Le taranto est une forme qui se prête très bien à des interprétations pour guitare sans chant.
C'est un accompagnement de fandango sur un compas de tango, donc binaire, en mode de taranta.
Ce palo est proche de la taranta dont il diffère par son compás plus soutenu. L’assise
rythmique distingue les deux palos. La taranta est généralement jouée comme un fandango libre,
sans compás, tandis que celui du taranto est joué avec un rythme marqué. Le taranto est un palo
qui est susceptible d’être dansé, contrairement à la taranta. C’est l’un des éléments distinctifs entre
les deux formes.
281
Observations sur la falseta :
- on observe que les tarantos et les taranatas sont construits sur le même mode.
- les accords utilisés en taranto sont utilisables en taranta. On constate que ces accords sont
relativement originaux et ont des doigtés peu familiers.
283
Falseta por taranto n°2
Ci-dessous une falseta por taranto de Terry Flemming.
Observations sur la falseta :
- on voit ici deux accords très utilisés en taranto qui sont G6 et F# sus 4 9b. Il faut noter une
évolution dans les accords des tarantos et des tarantas. Au milieu du XX ème siècle l’accord
de Fa # était souvent joué avec un La dièse sur la corde de Sol. L’évolution du jeu a
supprimée cette note. Dans le toque moderne la corde de Sol est jouée à vide.
284
Falseta por taranto n°3
Cette falseta est jouée par Terry Flemming.
Observations sur la falseta :
- on peut noter les accords ouverts utilisées.
- mesure 4 on observe une utilisation d’un motif courant en taranto constitué d’un arpège
ascendant et d’une gamme descendante.
285
Observations sur la falseta :
- on peut observer ici une falseta por taranto jouée avec le pouce.
- on peut maintenir les accords plaqués lorsqu’on monte et lorsque l’on descend les gammes.
- on peut noter l’originalité des gammes utilisées.
288
Falseta por taranto n°5
Ci-dessous une falseta por taranto extraite des cours en ligne de Terry Flemming qui utilise
l’alzapua
289
Observations sur la falseta :
- on voit ici une possibilité d’utilisation de l’alzapua en mode de taranto/taranta.
- on peut noter les couleurs de ces accords de taranto.
- mesures 3, 4 et 5 on a un exemple de résolution de taranto.
290
e. Les Guajiras, exemple de forme de ida y vuelta.
Le mot guajiro désigne à Cuba un paysan d'origine européenne. La guajira est aussi une
musique cubaine. Son origine sud-américaine la place dans la catégorie des cantes de ida y vuelta.
La guajira est aujourd'hui une forme flamenquisée. La copla est composée d'une strophe dix vers
octosyllabiques. Cuba est l'un des thèmes récurrent. Ce palo , comme tous les cantes de ida y
vuelta étaient très populaires dans les années 30. La guajira est un style léger qui n'a pas la
profondeur des grands cantes. Les paroles des guajiras font souvent référence à Cuba où à la ville
de La Havane.
Les chants de ida y vuelta sont des chants de la famille des cantes chicos. La guajira est
ternaire et se joue généralement en La majeur ou en Ré majeur. Il semble que la tonalité de Ré
majeur aie la faveur des guitaristes De même la guajira est de plus en plus jouée en utilisant
l’accordage Ré, La, Ré, Sol,Si, Ré233, popularisé par Sabicas, qui consiste à accorder la corde de Mi
grave de la guitare un ton plus bas, ce qui ouvre de nouvelles possibilités pour le guitariste.
Palmas de Guajiras
233 Cet accordage est aussi connu des guitaristes de blues ou de rock sous le nom de « dropped D »
291
Exemple de grille d’accords de Guajira
12 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
D E/D A/C#
A- E7 A
D E/D A/C#
A- E7 A
E7 A
E7 A
E7 A
E7 A
D D- A/C#
A- E7 A
D D- A/C#
A- E7 A
E7 A
E7 A
E7 A
E7 A
292
Observations sur la falseta :
- Sur les premières mesures (1 à 4) les palmas doivent jouer une figure rythmique du type : 1 2 3 1 2
3. Sur les mesures suivantes (5 à 8) il faudra jouer une figure du type : 1 2 3 1 2 3.
- mesure 2 il est possible de jouer un Ré mineur à la place du Mi majeur.
-mesures 9 à 15 on observe un cierre qui s’étend sur 2 compás.
- mesures 17 à 24 et mesures 25 à 28 on voit deux exemples de llamadas une longue qui dure 2
compás et une qui ne s’étend que sur un compás.
296
Obseravations sur la falseta :
- il est très courant de faire intervenir des falseta en tremolo dans l’interprétation des guajiras.
298
Falseta por guajira 3
Cette falseta por guajira est extraite d’un concert de Sabicas. Elle vient clore la guajira.
La corde de Mi grave doit ici être accordée en Ré. Cet accordage est parfois utilisé en flamenco.
Cierre por guajira de Sabicas234
234 Dans l’interprétation originale, Sabicas est accordée de la manière suivante D E D G B E ce qui permet de jouer unré grave. Les 5 dernières notes de la mesure 8 sont jouées l’octave en dessous. On résout sur un ré grave mesure 9.En réalité l’ensemble de la partition devrait être transposée en mi majeur car Sabicas utilise un capodastre à la 2 èmecase.
299
Observations sur la falseta :
- on peut observer comment Sabicas découpe la falseta sur le plan rythmique
- mesure 1 : on a une figure construite sur 6 croches 1 2 3 4 5 6.
- mesures 2 à 4 le découpage rythmique est tojours construit sur des croches mais comptées de la
manière suivante 1 2 3 4 5 6 ou 1 et 2 et 3 et
300
f. Les sevillanas, exemple de forme aflamencada.
La sévillana est une des formes aflamencadas récentes. Sans appartenir au flamenco, au
cante jondo des aficionados, ces chansons sont pourtant très populaires. Leur forme est relativement
simple et le battement rythmique est plus proche de la valse qui nous est plus familière. C'est un
battement à trois temps, le premier étant accentué.
Le terme sevillana désigne également la femme sévillane, de la ville de Séville. Elle tire sa
coplá de la séguedille catalane. La copla est généralement composée de sept vers et quatre vers. Les
sévillanas comportent quatre parties de même longueur et de même forme. Seule la dernière partie
est légèrement différente des autres. Chaque partie est séparée de la suivante par quatre vers
identiques dont seule la fin diffère. La fin de chaque grand cycle est marquée par un presentible qui
peut être identique à chaque fois. La sevillana est une forme mécanique, dans le sens qu'elle obéit à
des règles structurelles strictes et à un développement précis.
Les sevillanas sont des chants flamenquisées très populaires. C'est peut être le chant
andalous le plus apprécié du public. Le terme sevillanas désigne aussi bien le cante que la danse.
Les sevillanas sont également très utilisées par les troupes et les écoles de danse. Elles sont
souvent utilisées dans les cours pour leur vertu pédagogique, la forme, bien que ternaire, demeurant
simple. Chaque copla donne lieu à sa propre série de pas chorégraphiée.
La sevillana est un cante et une danse festive. Elles sont une forme moderne de séguedille
qui appartient au folklore andalou. La sevillana n'est pas considérée comme une forme appartenant
au flamenco mais comme une forme aflamencada.
La sevillana est une forme moderne qui est intéressante pour aborder le flamenco car elle est
simple à comprendre. La sevillana est composée de 4 parties qui obéissent à une versification
particulière. Elles sont séparées par une partie distincte qui est toujours la même.
La versification obéit toujours aux mêmes règles que nous allons tenter de mettre en
avant en étudiant deux sevillanas.
L'exemple ci-dessous reprend les paroles de A la puerta de Toledo et Mira la cara cara, deux
sevillanas traditionnelles.
301
A LA PUERTA DE TOLEDO
1ère Sévillana :
A la puerta de toledo mare le tengo celo
le tengo celo
A la puerta de toledo mare le tengo celo
A la puerta de toledo mare le tengo celo
le tengo celo
porque se cita con otro la mujer que yo mas
quiero
porque se cita con otro la mujer que yo mas
quiero
En el mismo sitio a la misma hora
a la misma hora estaba durmiendo con otra
persona.
2ème Sévillana :
Me decia qu’iba misa mare y m’engañaba
y m’engañaba
Me decia qu’iba misa mare y m’engañaba
Me decia qu’iba misa mare y m’engañaba
y m’engañaba
Si no llevaba roasrio ni libro como rezaba ?
Si no llevaba roasrio ni libro como rezaba ?
En el mismo sitio a la misma hora
a la misma hora estaba rezando con otro persona.
MIRA LA CARA CARA
1 ère Sévillana :
Mirala cara cara qué es la primeira
Qué es la primeira
Mirala cara a cara qué es la primeira
Mirala cara a cara qué es la primeira
Es la primeira
y la vas seduciendo a tu manera
Y la vas seduciendo a tu manera
Esa guitarra, Esa guitarra, Esa guitarra,
Se conquista bailando por sevillanas
2 ème Sévillana :
Mirala cara a cara qu és la segunda
Qu es la segunda
Mirala cara a cara qu és la segunda
Mirala cara cara qu és la segunda
Qu es la segunda
Cogelà por el tallé las caras jùntàs
Cogelà por el tallé las caras jùntàs
Esa gitana, Esa gitana , Esa gitana
Se conquista bailando por sevillanas
302
3 ème Sévillana :
La noche de la tormenta mare como llovia !
como llovia !
La noche de la tormenta mare como llovia !
La noche de la tormenta mare como llovia !
como llovia !
Con que paragua mare se taparia
Con que paragua mare se taparia
En el mismo sitio a la misma hora
a la misma hora estaba seacndo con otra persona
4 ème Sévillana :
En este mundo se pagan mare todas las cosas
todas las cosas
En este mundo se pagan mare todas las cosas
En este mundo se pagan mare todas las cosas
todas las cosas
Tambien se secan las flores mare que son
hermosas
Tambien se secan las flores mare que son
hermosas
En el mismo sitio a la misma hora
a la misma hora
dicen qu’habia muerto pobre enferma y sola.
3 ème Sévillana :
mirala cara cara es la tercera
qué es la tercera
mirala cara a cara es la tercera
mirala cara a cara es la tercera
qué es la tercera
y veras con que gracia tu zàpàtéa
y veras con que gracia tu zàpàtéa
Esa gitana, Esa gitana , Esa gitana
Se conquista bailando por sevillanas
4 ème Sévillana :
En la cuarta los lances definitivos
definitivos
En la cuarta los lances definitivos
En la cuarta los lances definitivos
definitivos
Que se sienta en su vuelo pajaro herio
Que se sienta en su vuelo pajaro herio
Esa gitana, Esa gitana , Esa gitana
Se conquista bailando por sevillanas
303
Le signe * indique un presentible. Celui qui est présenté ci-dessus est un exemple de
presentible. La mesure n°1 est en anacrouse235 ou jouée sur la dernière strophe de la copla comme
indiqué dans les textes ci-dessus. L'arrêt se fait sur le deuxième temps de la mesure à 3 temps, le
troisième n'étant pas joué par la guitare. C'est le chant qui occupe généralement cette position
rythmique. On peut remarquer que l'appui rythmique est similaire à celui qu'on retrouve sur les
bulerias ou les soleas avec les arrêts sur le 10ème des 12 temps.
Exemple de presentible de sevillana :
Pour poursuivre l'analyse étudions brièvement les structures rythmiques et harmoniques de
ces deux morceaux236 :
Voici une forme d'accompagnement pour les sevillanas :
235 La première mesure de la structure est la mesure 2.236 Les sévillanas sont généralement interprétées en Do mineur pour faciliter les arrangements pour les autres
instruments et comme beaucoup de musiques modernes. Le guitariste placera donc un capodastre à la troisième case.
304
Puerta de Toledo
Introduction
A- E E A-
A- E E A-*
E A- A- A- 237
237 C’est ici que débute le chant
305
Falsetas por Sevillanas
Observations sur la falseta :
- Il y a souvent plusieurs guitares, où même d’autres instruments comme le piano, dans
l’accompagnement des sévillanas. Pour cette raison ne sont transcrits que les thèmes pour guitare
soliste.
- On peut noter l’utilisation des accords de A- , D- et E7 qui sont les accords sur lesquels sont
construits les sevillanas même si d’autres accords viennent s’ajouter à ceux-ci.
- Les falsetas de sevillanas sont proches de celles des bulerías por soleá. Cela provient de
l’utilisation du mode por arriba et du tempo qui est proche de celui de la bulería
306
Observations sur la falseta :
- les premières mesures de la falseta (1 à 6) créent un rapport rythmique de 2 pour 3.
308
g. Autres palos
Dans cette partie nous allons tenter de présenter quelques palos en précisant des données
sur leur contenu musical, littéraire et poétique, leur exécution, leur accompagnement, leur origine
historique et géographique.
Pour cette partie nous nous appuierons sur le travail de Luis López Ruiz pour son étude des
différents cantes et palos. Avec les précédentes formes nous auront donc abordé 54 palos.
Alboreá
Le terme Alboreá provient du mot alba qui signifie l’« aube ». Ce sont à la base des coplas
castillanes : les alboradas ou alboréadas. Lacopla est généralement composée de quatre vers et d'un
refrain. C'est un cante qui est régulièremet joué aux noces gitanes. Luis López Luis affirme que la
version nuptiale de ce cante est produite pour les mariages gitans, c'est à dire pour de rares
occasions, d'où la peu de représentation de ce cante . L'alborea se joue sur un compás de bulería
por soleá ou de bulería. Elle peut être jouée en mode por arriba ou en mode por medio.
Bambas ou bamberas
Le terme signifie étymologiquement balancement, ou oscillation. Pour Luis López Ruis, ces
chants étaient chantés pendant les fêtes de village autour des balançoires, ce qui leur aurait donné
leur nom. Le rythme lent a d’ailleurs un balancement spécifique.
La copla est généralement composée de quatre vers octosyllabiques, même si ce n'est pas
toujours le cas. Ce cante possède l'originalité de ne pas posséder de compás. Il se joue en mode por
arriba. Le compás est celui d’une soleá.
309
A l'origine il était un chant a palo seco c'est à dire qu'il se chantait a cappella. Les bambas
ne sont pas un chant gitan et sont souvent classés dans les chants aflamencados.
Cabal ou cabales
Le terme vient du castillan et signifie intègre, droit, complet. Ce cante appartient à la famille
des siguiriyas après laquelle elle se chante puis se termine par une strophe finale où le rythme des
vers est modifié. Il est originaire de Cadix. Il est composé de quatre vers octosyllabiques. Il se
distingue de la seguiriya par l’intonation du chant qui est moins profonde. De plus
l’accompagnement de guitare comporte plus d’accords majeurs.
Cantes aflamencadas
Les cantes aflamencadas sont une famille de cantes qui n’appartenaient pas au formes
originelles du flamenco, le cante jondo, mais qui ont intégrés le répertoire flamenco à force d’être
interprétés. Même si elles sont appréciées, elles ne sont pas considérés par les aficionados purs
comme des formes du flamenco mais bien comme des formes affiliées et mineures.
Additional cantes religiosas aflamencadas include the campanillero and villancico(mainly those sung for Christmas), whereas examples of cantes folklóricosaflamencadas (of Andalusian origin) comprise the unaccompanied nana (lullaby) ,temporera (work song) and pajarona (work song), as well as the sevillanas(a species ofthe seguidilla castellana)which accompanied the dance.238 P.921
Les cantes religiosas aflamencadas incluent les campanillero et villancico(principalement ceux qui sont joués pour Noël), tandis que les cantes folklóricosaflamencadas (d'origine andalouse) comprennent les nanas (berceuses) nonaccompagnées, les temporeras (chansons pour s'exercer) et les pajaronas (chansonspour s'exercer), comme les sevillanas (de la famille de la seguidilla castellana quiaccompagnent la danse.
238 The New Grove, Dictionary of music and musicians, second edition, Stanley Sadie, 2004.p.921
310
Cantes de las minas
Les cantes de las minas sont une famille du cante flamenco dont les letras et les coplas sont
liées au thème de la mine. Les mineras, martinetes, les carceleras et les tarantas appartiennent à
cette famille. Ce sont généralement des chants profonds et d’une grande beauté qui évoque la
condition de vie des mineurs et ses difficultés.
Les cantes de las minas sont joués dans les modes du Levant auxquels ils correspondent.
Campanilleros
Ce cante tient son nom des clochettes qui accompagnaient jadis son exécution. L'originalité
de ce cante réside dans le fait qu'il peu chanté ou accompagné par un chœur. Il appartient à la
famille des villancicos.
La copla est généralement composée de six vers. C'est un cante aflamencada qui appartient
plutôt au répertoire folklorique. Les campanilleros parlent souvent de la campagne andalouse, de
liberté et de guitare, certains sont inspirés par des cantiques et ont un thème religieux. Le rythme est
ternaire sur six temps et le compás est proche de celui des fandangos. La cadence andalouse ainsi
que la tonalité mineure sont très utilisées. Les falsetas ressemblent à celles des fandangos. Ce palo
offre une grande liberté d’improvisation au niveau de l’accompagnement et des falsetas.
Cantes de Levante
Les cantes de Levante sont des dérivés de fandangos.
Ils sont originaires de La Unión et de le région du Levant.
Ces cantes furent rapidement repris par les artistes professionnels. Ce sont des Cantes
311
originaires de chansons et de provenance non-andalouse.
Manuel Ríos Ruis regroupe sous cette étiquette un certain nombre de forme aflamencadas
comme les nanas/bamberas, les marianas, les trilleras, les temporeras, les campanilleros, les
cachuchas, vitos, les sevillanas – boleras, corraleras y rocieras-. Les farrucas et les garrotíns qui
proviennent de différentes régions andalouses.
Il indique qu'à l'époque, les guajiras par exemple sont sorties des chansons aflamencadas
pour être considérées comme appartenant au au répertoire du flamenco.
Les cantes de Levante sont des chants originaires de la zone géographique dite du Levant
qui correspond aux provinces de Murcia et d'Almeria, et aux villes de La Unión et Carthagène.
Cette famille regroupe un ensemble de cantes dont les mineras inspirées et ayant pour
thématique l'activité minière courante dans cette région. Les tarantas, tarantos et cartageneras
appartiennent aussi à cette famille.
Au début du siècle ces formes était accompagnées dans le mode por arriba,
aujourd'hui certaines ont leur propre modes, les tonalité de levantes, et les modes por
granaína, por taranta et por minera. Un certain nombre de cantes de Levante correspondent à
une transposition des cadences por medio et por arriba.
Selon Blas Vega, les premiers chants du Levant sont attribués au chanteur Antonio Grau
Mora «Rojo el Alpargatero » originaire de la province d'Alicante. Le flamencologue Akio Lino
affirme que si «Rojo el Alpargatero » est bien le créateur de la forme, Antonio Chacon en est
« l'orfèvre », celui qui a synthétisée la forme.
Dans les cantes de Levante, les cantaores et les tocaores accompagnent différemment selon
qu'il s'agit d'un chant « pa'tra », pour la danse, ou d'un chant « pa'lante », pour le chant et la guitare.
Ils distinguent ces deux formes. Les introductions donnent souvent lieu a de longues falsetas.
Durant ces introductions comme dans le déroulement du cante, une certaine liberté est prise vis à
vis du compás qui peut d’ailleurs être libre.
Cantinas
Le terme possède plusieurs origines étymologiques possibles.En espagnol, le mot cantina
peut être traduit par « cantine ». L’autre étymologie du mot est d’origine galicienne : le mot cantiña
312
signifie « chanson » tandis que le verbe cantiñear signifie « chantonner et/ou improviser à voix
basse ».
Les cantinas sont donc des chansons de cantines et de taverne. On comprend mieux ici leur
signification et leur destination. C’est une famille de chansons dont la forme la plus connue est
l’alegría.
Son compás est celui des soleás, donc celui des bulerías. Au niveau de accompagnement de
guitare la cantiña s'accompagne comme une alegría, à laquelle elle emprunte ses llamadas et ses
mélodies.
Comme l’indique le New Grove, les letras des cantinas sont souvent courtes.
The songs grouped under the generic name cantiñas comprise those with a smallernumber of coplas.239
Les chansons connues sous l'appelation générique de cantiñas comprennent celles quiont un petit nombre de coplas
Elle est de la famille des romeras, des mirabrás et des caracoles, et bien sur des soleás,
bulerías et alegría. Une des particularités de ces cantes est d'être composés de coplas courtes. Une
autre est d'avoir été conçue pour la danse et d'accompagner les fêtes de la région de Cadix.
Les cantinas sont bien souvent des soleás allégée au niveau du compás. Elles sont souvent
mélangées avec des alegrías, des caracoles ou des mirabras. Ce sont des chants de fête qui ont été
intégrés aux palos flamencos suite à leur interprétation par des artistes professionnels.
Caña
Étymologiquement le mot caña peut être traduit de différentes façons : il peut désigner une
canne, mais aussi les cheveux blancs. Il désigne aussi le mot bière. En espagnol, caña est également
traductible par les mots « flics » et « taule » .
A l'origine c'est un cante profond, avec des origines liturgiques et qui ne possédait pas de
compás . C'est un cante au rythme lent et dont le rythme change et s'accélère au final ou sur certains
passages.
Il fut adapté à la danse par la danseuse Carmen Amaya. Aujourd'hui le baile por caña est
239 The New Grove, Dictionary of music and musicians, second edition, Stanley Sadie, 2004. p.921
313
populaire dans les troupes de de danse flamenca qui l'apprécient pour l'alternance de passages lents
et rapides. Le style est également connu pour avoir été très apprécié par Chacon qui aurait formalisé
ce palo qui se joue dans le mode por arriba.
Le mot caña désignait dans les tavernes un récipient pour le vin ou une bière. La caña était
traditionnellement chantée avant le polo. La forme s'est modifiée au cours du temps. Selon Blas
Vega ce serait Antonio Chacón qui aurait formulé la première forme de caña en a dotant notamment
d'une rythmique adéquate. C'est une forme qui demeure peu jouée par les afficionados.
Les ayes (mélismes intermédiaires) sont communs à la serraña et au polo.
La caña s’accompagne por soleá en mode por arriba.
Caracoles
En espagnol le mot caracol signifie « escargot » mais le cante tire son nom d'un refrain ou le
mot « caracoles » se répétait plusieurs fois. Il appartient à la famille des cantiñas et est d'origine
andalouse, et non gitane. Les vers des strophes varient en longueur. Ils sont proche des alegría dans
son accompagnement à la guitare. La aussi c'est un palo apprécié pour baile. Ils empruntent à
l’alegría son compás et ses modes. Ils sont souvent joués en do majeur.
Carceleras
Le mot cárcel signifie en espagnol « prison ». Il appartient au groupe ancien des tonás, des
cantes a palo seco, forme primitive du flamenco sans guitare. Ils sont très proches des martinetes
dans leur structure musicale et seuls diffèrent les thèmes des cantes, les martinetes étant des chants
dont les thèmes sont ceux de la forge et du travail du métal. Ce sont des cantes tristes et pathétiques
car les coplas parlent du déchirement, de l'enfermement, de la famille, de la femme, du fils, de l'ami
qui manque au prisonnier...Certains chanteurs comme El Chocolate ont scénarisé ce cante en le
chantant des carceleras enfermé dans un cachot. Ils sont chantés a capela, sans accompagnement de
guitare.
314
Cartageneras
Les cartageneras tiennent leur nom de leur ville d'origine, Carthagène. La copla est
composée de quatre ou cinq vers de huit syllabes. C'est le style local de fandango de Carthagène. Il
se joue dans le mode des tarantas soit le mode por arriba mais transposé un ton plus haut.
Il est le plus récent des Cantes de Levante. Dénué de danse, il n'est pas un chant gitan, et
l'accompagnement de guitare est proche de la Malagueña . Le compás est libre.
Colombianas
Les colombianas appartiennent au chants de ida y vuelta, c'est à dire les chants originaires
d'Amérique du Sud, ici le terme fait bien sur référence à la Colombie. Le compás est un compás de
tango mais sur des accords d'alegrías.
1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4
E B7 E B7
Ce cante a été crée par Pépé Marchena
La colombiana est un dérivé du tango. Elle appartient à la famille des chants de Ida y
vuelta. Le compás est à 4 temps et s'apparente à ceux d'une rumba ou d'un tango. On utilise
généralement des palmas de rumba. Les colombianas sont souvent interprétées en Mi majeur et La
majeur. Harmoniquement elles sont essentiellement basées sur des cadences V I. La structure
harmonique des colombianas sont proches de ceux des alegrias.
La première colombiana enregistrée date de 1931, elle est intitulée mi colombiana et est
interprétée par El Niño de la Flor et Paco de Aguileira. Elle sera reprise par Ramón Montoya qui
fera une variation pour guitare seule sur cette pièce.
Paco de Lucia remettra la colombiana au goût du jour avec le titre Monasterio de sal.240
240 sur cette pièce Paco de Lucia baisse la corde grave de Mi en Ré.
315
Debla
Ce cante est un cante entouré de mystères, pour Molina et Mairena, le terme a une origine
sanskrite qui signifie « déesse » tandis que Bernard Leblon pense qu'il s'agit du mot « Dieu ». C'est
traditionnellement un cante qui appartenait à la famille des tonás, et qui était donc un cante a palo
seco, sans accompagnement. On trouve parfois des versions avec un accompagnement, mais elles
ne sont pas caractéristiques de cette forme.
La copla est composée de quatre vers octosyllabiques, ou à nombre de syllabes variables.
Elle est souvent associée à d’autres formes a palo seco comme la toná ou le martinete
Fandanguillos
La différence entre fandangos et fandanguillos est précisée par le dictionnaire de la
« Academia de la lengua española » : « fandango désignait auparavant un style de danse alors que
fandanguillo fait une référence à une sorte de chant qui accompagnait celle ci. »
Fandanguillo pourrait être traduit par « petit fandango ». En effet le fandanguillo reprend la
forme du fandango mais en utilisant moins de ressources interprétatives.
A l'époque de l'opéra flamenco, les fandanguillos prolongeaient la copla.
Il existe par ailleurs des exemples de fandanguillos dans le répertoire classique comme le
fandanguillo de Federico Moreno Torroba interprété à plusieurs reprises par Andres Segovia.
Le fandanguillo s’accompagne à la manière d’un fandango dont il reprend le compás et le mode.
316
Farruca
Le mot vient de l'arabe faruq qui signifie courageux. C'était aussi ainsi qu'étaient
surnommés les immigrés de Galice et d'Asturie par les Andalous. La copla est composé de quatre
vers de huit syllabes. Ce cante est d'origine galicienne mais avec des influences andalouses.
C'est un palo lent et mélancolique, où s'exprime une certaine douceur.Le rythme de la
farruca est binaire. Au niveau de l’accompagnement de guitare,le style est proche du fandango
Palo très peu chanté il est apprécié des bailaores. Les guitaristes l’apprécient pour sa forme tonale.
La farruca est à la base un palo utilisée pour la danse, plutôt masculine. C'est une forme qui
a pourtant quelques morceaux pour guitare soliste.La farruca est originaire de Galice. Farruco était
le nom donné aux Galiciens et aux Asturiens qui quittaient leur région. Elle se joue généralement en
La mineur.
Paco de Lucia a joué une farruca intitulée farruca de Lucía. Parmi les farrucas notables on peut
aussi citer celle interprétée par le compositeur John Williams et le guitariste Paco Peña.
Compás de Farrucas
317
Compás por farrucas
Ci-dessous un compás de guitare por farruca extrait des cours en ligne de Terry Flemming.
Observations sur le compás de farruca :
- la série d’accords des mesures 1 à 4 est typique qe la farruca et peut être utilisée comme une
llamada.
- mesure 6 l’arpège d’accord est détaillé.
318
Falseta por farruca n°1
Cette falseta por farruca est extraite des cours en ligne de Terry Flemming.
319
Observations sur la falseta :
- les mouvements mélodiques des mesures 1, 3, 5 et 7 font penser à certaines falsetas por solea ou
por fandangos. Il existe plusieurs doigtés de main gauche possible pour jouer les phrasés de ces
mesures : p p i p ou p i m p.
- On porrait dire que la falseta se compose de deux parties, l’une introductive et l’autre résolutive.
Des mesures 1 à 8 on serait dans une phase d’introduction ou d’exposition. A partir de la mesure 9
on passe dans la partie résolutive de la falseta.
- les accords des mesures 13 et 14 sont typique du toque por farruca.
321
Falseta por farruca n°2
Cette falseta est elle aussi tirée des cours en ligne de Terry Flemming.
322
Observations sur la falseta :
- La plus grande partie de la falseta est interprété en utilisant la technique des picados mélangés
avec des arpèges d’accords.
- Il est intéressant de noter les mouvements des basses jouées par le pouce aux mesures 6 et 7.
323
Remate ou cierre por farruca
Ci-dessous un remate por farruca proposé par Terry Flemming dans ses cours en ligne.
L’enseignant utilise le terme remate et non cierre pour définir le mouvement ci-après. Toutefois on
peut utiliser les deux appellations pour simplifier la compréhension, la fonction exprimée par les
deux termes est la même, à savoir clôturer le toque.
Observation sur le remate :
- mesure 1 on observe un mouvement intéressant sur une base de Ré mineur 7 ( D-7).
- les notes de la mesure 3 jouées à vides sur la corde de Mi le sont avec l’index de la main gauche.
- mesure 3 on notera le mouvement rythmiqe avec l’utilisation du pouce, d’un accord plaqué et
l’utilisation de la corde à vide
324
Garrotín
Ce mot pourrait trouver son étymologie dans le verbe « garrotinar », mot asturien qui
signifie « frapper les épis de blé pour les égrainer ».
Le garrotín n'est pas une danse d'origine andalouse. Son origine est gitane : elle a été
importé de Catalogne par les Gitans. Comme pour le fandango, la danse a précédé le cante et lui a
donné son nom. Le garrotín se joue sur un compás de tango lent et avec un accompagnement de
guitare sur des cadences similaires à celles des alegrias. Il a été popularisé par la Niña de los
Peines.
Giliana
Ce cante est très peu connu et peu d'ouvrages relèvent son existence. Mairena aurait voulu
relancer ce style, sans grand succès apparemment. Il associait les gilianas avec des alboréas et des
romances. Le compás est celui d’un fandango, le mode également. C’est un cante rare et peu joué
Habaneras
Les habaneras sont des chants de Ida y vuelta. Leurs formes ressemble plus aux chansons
Cubaines de La Havane. La capitale Cubaine est régulièrement évoquée dans ces chansons
L’adjectif habanera signifie d’ailleurs « de La Havane ». Elles sont également souvent appelées
Habaneras de Cadíz. Elles alternent harmonies mineures et majeurs241. Le rythme est ternaire.
Jabera
Le mot vient du terme habera qui désigne des vendeuses de fèves (habas). La copla se
compose de quatre vers octosyllabique. C’est un cante por baile. Ce cante emprunte son compás
aux fandangos. Il peut être joué sur différents modes, à la manière d’un fandango ou sur des modes
241Ex : première partie en do mineur G / C- puis seconde partie en do majeur G / C
325
du Levant comme celui des tarantas comme pour Fosforito et Juan Carmona Habichuela. Les
ornementations, arabesques et ornements sont nombreux sur ce palo. Pour Luis López Ruis, la
jabera est un fandango régional.
Liviana
L'adjectif liviano signifie « allégé ». Comme l’indique l'adjectif, les livianas sont des cantes
légers que l'on chantait avant de débuter une siguiriya ou une serrana . La copla a la même
structure que la séguedille castillane. La liviana est jouée sur le mode por medio.
La liviana appartient à la famille de la seguiriya dont elle procède. En espagnol, « liviano »
signifie frivole. Selon M. Rios Ruis Sa forme littéraire est celle de la seguidilla castellana
C'est un chant léger qui sert souvent d’introduction a un chant plus dur comme une siguiriya ou
une serrana. Les livianas sont un palo assez peu interprété dans l'histoire du flamenco.
Les livianas sont jouées sur le compás et sur le mode des seguiriyas.
Marianas
Le mot vient de Mariana, « Marianne », qui étaient les paroles d'un cante. Les gitans avaient
l'habitude de dresser des guenons ou des chèvres pour leur faire réaliser des tours en accompagnant
le spectacle avec un tambourin. C'est de là que proviendrait les Marianas. Le nombre de vers de la
copla varie. Il est joué en tonalité por medio. Son compás est celui des tangos.
C’est un cante triste et pathétique.
Martinete
Le martinete ou martillo était un outil utilisé dans les forges, le marteau du forgeron qui
servait à travailler le métal. Dans la tradition le martinete (le cante) est accompagné par un
martinete (l'outil) qui marque le compás produisant un son métallique. Le martinete appartient à la
famille des cantes de las minas, comme les tarantas. Pour Ricardo Molina les martinetes et les
326
carceleras constituent un cante ou un groupe de cantes dont l'inspiration est la forge (même si la
carcelera est plus liée au thème de la prison, du cachot), les Gitans étant connus pour leur habileté
dans le travail du métal. Ce sont des chants sans compás et libres. Ils sont chantés a cappella et
appartiennent donc à la famille des cantes a palo seco.
Le terme martinete désigne aussi en espagnol le héron. Ricardo Molina le décrit
poétiquement, « désolé comme la lamentation nocturne d'une tribu errante sous la lune à travers des
terres inconnues. Le héron commence à dérouler sa mélodie plaintive et laborieuse comme si il
traînait avec des efforts pénibles de pesant cadenas»
La différence entre le martinete et la carcelera est difficile à établir, au moins sur le plan
musical mais les thèmes littéraires diffèrent.
La carcelera est une chanson qui parle de cachots, d'enfermement et de persécution, de
prisons et de prisonniers.
Ces cantes sont des cantes profonds qui expriment les conditions de vie difficiles la
souffrance et l'oppression du peuple gitan. Il est dans la tradition de ne pas chanter ces chants seuls
mais dans une ronda, parmi un groupe de personnes.
C'est une forme de toná qui appartient la famille des cantes a palo seco et des cantes libres et qui
se joue sans compás ou a compás. Le compás est dans ces conditions un compás de bulería
Media Granaína
Ce cante emprunte aux granaínas ses coplas. C'est Chacon qui voulant rendre les
granaínas plus sobres leur a donné le nom de media granaína. Elles sont jouées sur le même mode
que les granaínas. Comme les granaínas elles se jouent sur le compás des fandangos. La forme
alterne souvent entre ce compás et un compás libre.C'est un palo assez peu joué.
Milonga
C'est un cante de ida y vuelta originaire de la région de La Plata en Argentine. Le terme
Milonga désigne dans une langue amérindienne locale « l'endroit où l'on danse ». C'est un chant
327
aflamencado qui connut un franc succès dans les années 20. Il existe des milongas instrumentales,
comme celle de Sabicas. Elles sont généralement jouées en mode mineur et sont plus proches des
formes d’Amérique du Sud ou de Cuba que des formes flamencas. Le compás est binaire et peut
être celui de la rumba.
328
Minera
Comme son nom l'indique, la minera est un chant dont le thème est la mine et son travail.
Elle appartient à la famille des Cantes de Levante et apparaît au milieu du XIXème siècle. La
minera se joue dans un mode spécifique sur la cadence andalouse composée des accords Do#
mineur / Si majeur / La majeur / Sol# majeur. C'est un fandango régional de La Unión et de ses
alentours.
Falseta por minera
Cette falseta est extraite du titre Callejón del muro d’après une leçon d’Orhan Anafarta.
329
Observations sur la falseta :
- La falseta est composé de deux parties. La première partie est un enchaînement d’arpèges
d’accords. Une seconde partie plus mélodique débute mesure 17.
- mesure 45 : on voit bien la résolution sur un accord de Sol# majeur, l’accord de base du mode des
mineras.
333
Mirabrás
On pense que l'origine étymologique – incertaine- serait une déformation de l'expression
« mira y vera ». La copla comporte quatre vers dont la longueur varie. Il appartient au groupe des
cantiñas, comme les alegrías, auxquelles il emprunte son compás et son accompagnement de
guitare. On trouve parfois des mirabrás en sol majeur Les mélodies sont également proches (le
fameux tirititran est parfois repris dans les mirabrás). Les mirabrás sont des chants de fête et de
danse.
Nanas
Le mot nana désigne une berceuse. A l'origine la nana se chantait sans guitare, comme une
berceuse. Aujourd'hui elle est parfois accompagnée d'une guitare pour Miguel Poveda, parfois
même dansée pour Maria Pagés ou les deux comme pour Estrella Morente. Son rythme, binaire et
lent, est proche du balancement de la bambera, certains d'ailleurs mélanges ces deux palos qui
diffèrent par leur thèmes. Ce cante évoque l'enfance et les berceuses.
Petenera
Le terme petenera est une déformation de « Patemera », qui est un mot désignant une
femme originaire de la province de Cadix. La Petenera était, selon la légende qui remonte au
XVIIème siècle, une jeune femme d'une grande beauté mais aussi d'une grande cruauté qui faisait
chavirer les cœurs des hommes de la province de Cadix au point que l'un d'eux, jaloux, l’assassinat.
Ce cante relève de la superstition chez certains artistes qui refusent de l'interpréter.
D'après Garcia Matos, ce cante aurait été créé par une chanteuse nommée La Petenera qui
lui aurait donné son nom. Blas Vega ajoute que la forme aurait été précisée par le chanteur Medina
el Viejo . C'est un palo qui s'applique principalement au baile et qui s'appuie sur le compás de soleá
joué lentement. Le mode utilisé pour l’accompagnement est également celui des soleás. Il existe
d'ailleurs une variante de cette forme : la soleá petenera. Manuel Rios Ruiz précise que cette forme
est peu jouée par les cantaores et les guitaristes en raison d'une superstition qui limiterait son
exécution. Le cante, lent, est généralement associé à une danse, elle aussi lente.
334
Playeras
Ce cante n'a rien à voir avec la plage. Il dérive du mot « plañidera » qui signifie plaintive.
Ce nom servait auparavant a désigner certaines siguiriyas. Aujourd'hui le terme n’est presque plus
employé et ce cante a rejoint la famille des siguiriyas. Ce cante est très rare et il est difficile d’en
proposer une forme. La forme semble avoir disparue.
Polo
Le polo était une danse populaire au XVIIIème et au XIXème siècle. Mais hormis
l’appellation il n'y a pas de lien direct entre cette danse et le cante flamenco. Le polo vient
directement de la caña, aujourd'hui les deux styles se confondent. La copla comprend quatre vers.
Ce palo n'est presque plus joué aujourd'hui. Il se jouait en mode por medio.
Ce cante serait un héritage des opérettes et des canciones bailables du XVIIIème siècle.
Estébanez Calderón attribue ce palo au cantaor Tobalo el de Ronda. Comme la caña auquel il est
parfois associé, le polo n'a pas la faveur des interprètes de flamenco et reste un palo peu joué.
Le polo s’accompagne por soleá, forme à laquelle il emprunte son compás et son mode
d’accompagnement. Les ayes (mélismes intermédiaires) sont communs à la serraña et à la caña. On
chante el polo, et non por polo.
Romance
Ce nom était donnés aux citoyens des provinces de l'empire romain. Les romances sont les
ancêtres des tonás. Mairena en a fait des interprétations sur des bulerías.
Nous reproduisons ci-desous la définition du romance dans le Dictionnaire de lamusique paru chez Larousse
« 3. au masculin, genre de la chanson épique ou narrative en vers de huit syllabes,spécifiques à la culture espagnole. Le mot est venu à désigner plusieurs formes dechansons espagnoles (enfantines, savantes, populaires) ; On parle aussi dans ce sens de
335
romancero. A signaler que le mot français romance, dérivé de l'espagnol, désigne aussibien un texte poétique que la musique chantée sur ce texte ; un genre littéraire aussi bienque musical ; »
Les romances sont aussi désignées par : corridos, corridas ou carerillas (synonyme de« par cœur »). Ils puisent leur substance poétique dans la narration d'épopées diverses.Les plus anciennes ont tarit à l'époque carolingienne et , curieusement, sont les pluspopulaires pendant le XVIIème siècle en Andalousie.Le grand succès fut les douzepairs de France (Los doces pares de Francia)242.
La romance del Conde Sol est la plus connue de ces romances. C’est une forme appréciée
des pour la danse. Elle est généralement jouée en mode por medio sur un compás de bulerías.
Romera
Ce mot est répété dans des coplas populaires et signifierait une femme amante. La copla est
composé de quatre vers octosyllabiques. C'est un cante festero, de la famille des cantiñas et qui
emprunte son compás et son accompagnement guitare à l'alegría et qui est tout à fait approprié pour
la danse. La copla permet au cantaor de s'exprimer et de produire des variantes qu'accompagne la
guitare. Comme la plupart des formes dérivées de l’ alegría elle est appréciée pour la danse.
242Flamenco parcours d'un art, Eric Perez..ed. Broché 1992. p.30
336
Rondeñas
Ce palo tient son nom du village de Ronda. Une autre possibilité est qu'il viennent du verbe
« rondar » ou « ir de rondar » qui signifie faire une ronde ou rôder. La copla est composée de
quatre ou cinq vers octosyllabiques selon que l'on répète ou non l'un d'eux.
Il viendrait de la province de Málaga et serait issu d'un style appelé bandolá ou fandango
abandolao. La rondeña n'a pas de compás. Ses thèmes sont variés, le thème de la campagne semble
être récurrent.
La forme pour guitare de la rondeña est un fandango libre qui a son origine géographique
dans la province de Ronda et est attribuée au guitariste Ramon Montoya.
La rondena moderne est une forme pour guitare seule, sans accompagnement. Le compás est
soit celui d'un fandango soit libre.
L’originalité de la rondena est qu’elle est jouée à la guitare en utilisant un accordage
spécifique. L’accordage des cordes pour la rondena est le suivant, du grave vers l’aigu : Ré / La / Ré
/ Fa # / Si / Mi.
La rondena se joue sur une cadence andalouse en Do dièse 243. La tonalité qui semble la plus
utilisée à la guitare sur la rondeña est La majeur.
Mode de rondena,
243 Fa # mineur / Mi majeur / Ré majeur / Do # majeur
337
La rondena est donc un palo flamenco original. Du fait de l’accordage spécifique et des
accords ouverts, il est une sorte d’ovni dans la guitare flamenca. En effet l’usage d’accordage
spécifiques est rare en flamenco et la rondena est le seul palo qui utilise un accordage spécial dans
sa forme naturelle. De fait c’est un palo très apprécié des guitaristes d’autant qu’il permet d’obtenir
des sonorités avec des couleurs harmoniques particulières.
Accords de rondeña
338
Falseta por rondeña
La transcription suivante est un extrait d’une rondeña de Manolo Sanlúcar. Le morceau original
s’intitule Oracíon et est tiré de l’album Tauromagia244
244 Sorti en 1988
341
Observations sur la falseta :
- on voit bien l’influence de l’accordage sur le jeu de guitare.
- le morceau est joué avec un capodastre.Nous avons donc choisi Mi bémol comme tonalité,et non
Ré majeur.
- mesures 15 à fin : les quatre dernières mesures ne sont pas de M. Sanlúcar. Nous avons remplacé
une descente de gamme que nous n’avons pas su relever par une cadence andalouse en mode de
rondeña.
342
Rumba
La rumba flamenca est un chant de ida y vuelta. Le mot rumba est d'origine cubaine. A
Cuba, il désigne une forme de musique et un rythme. C'est le même mot qui désigne le cante
flamenquisé. Il a été diffusé par les Gitans catalans dans les années 40 et est d’inspiration cubaine.
Ce cante binaire et rythmé est très apprécié pour son rythme festif adapté pour la fête et la danse.
C'est un style de flamenco moderne mais qui n'a pas la faveur des afficionados qui jugent la forme
trop légère.
La rumba utilise abondamment la cadence andalouse. L’accompagnement de la rumba
possède une particularité technique au niveau de la rythmique de la main droite qui peut être
décomposée en 4 ou 8 temps245. A l’intérieur de cette rythmique on peut placer des golpes. On
utilise aussi parfois la main posée directement sur les cordes et la caisse pour obtenir un son
percussif.
Mario Bois attribue à la rumba une origine catalane. On constate en effet une forte
implantation de la rumba dans le Nord de l'Espagne et au Sud de la France à partir des années 50.
Les palmas sont des rythmes utilisés également en tango.
1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4
A- G7
F E E7
La rumba gitana est une forme pratiquée par des artistes comme Manitas de Plata ou des
groupes comme les Gypsy Kings . C'est une musique festive. Sa facilité de compréhension en fait
une musique populaire qui connaît un grand succès commercial.
245 En général 4 temps.
343
Compás de Rumba
Saetas
« La saeta est la plus tellurique manifestation religieuse du peuple andalou » 246
La saeta est un chant religieux ou liturgique, c'est une sorte de prière adressée au Christ ou à
la Vierge. La saeta rend aussi hommage à la Passion du Christ. Ces cantes sont interprétés dans les
églises, pour les fêtes religieuses, pendant la semaine sainte...
Elle viennent des tonás comme la plupart des chants sans accompagnements.
Ricardo Molina distingue différentes formes de saetas : 1) les saetas-descriptivas, dérivées
des tonás 2) les saetas-laudatorias, apparentées aux siguiriyas 3) les saetas-plegaria et saetas-
exhortivas, qui descendent directement des chants liturgiques de l'Eglise pendant les offices de la
Semaine Sainte.
Dans la saeta on ressent les influences orientales du chant. Certains pensent qu'elles
proviennent d'une ancienne oraison juive. On peut également penser qu'elle est inspirée par les
chants liturgiques byzantins.
Les saetas sont jouées dans toutes les villes andalouses, à Jerez, Granada, Sevilla,
Cadíz et Málaga, pendant toute la Semaine Sainte. Les saetas expriment la ferveur de la foi
andalouse. Elles sont souvent dédiées au Christ ou à la Vierge Marie.
La saeta est un chant difficile qui nécessite d'être intériorisé par son interprète. Lors de ses
représentations publiques le recueillement collectif dans lequel elle est chantée est est souvent
ponctuée de jaléos.Le terme saeta désigne aussi la flèche. Les plus grands interprètes la chantent.
246 RÍOS RUIZ, Manuel, Introducción al cante flamenco, Istmo, 1972.
344
La copla comporte quatre ou cinq vers octosyllabiques. C'est un chant religieux flamenquisé
qui est chantée comme une seguiriya ou un martinete. En dehors de son aspect musical, elle
possède une portée spirituelle ou religieuse puisqu'elle est chantée lors des cérémonies de la
Semaine Sainte en Espagne. Sa création est attribuée au chanteur Centeno. La saeta ne se danse pas,
toutefois Jésus Aguilera a produit une danse sur une saeta au cours du festival de Jerez de 2009.
La serrana
Le terme a deux origines étymologique provient du mot serrano,ou sierra, la montagne. Il a
aussi un sens affectueux qui signifie « ma belle », serrana. La copla est composée de quatre vers,
deux heptasyllabes, le premier et le troisième, et les deux autres vers sont pentasyllabiques.
Les thèmes abordées sont ceux de la montagne et de la campagne. Les serranas empruntent
leur compás aux seguiriyas dont elles sont proche par la forme. Les serranas s'inspirent aussi des
cañas et des livianas. C'est une forme ancienne sauf pour la danse qui est apparue récemment.
Serrana pourrait être un mot de l'argot flamenco ou gitan du XIX ème siècle. Si l'on
l'interprète comme le mot castillan, il fait référence à une région naturelle espagnole, la sierra. Le
cante raconte ce qui se passait à l'époque dans les sierras montagneuses espagnoles, fréquentées par
les loups, les contrebandiers, les voleurs. Les serranas seraient originaires de la ville de Ronda. A
l'origine ce cante serait un chant populaire andalou, comme la nana, qui devint un chant flamenco.
La serrana emprunte à la seguiriya son compás et à la soleá son mode. La serraña s'accompagne
donc comme une « seguiriya por arriba ». Sa forme littéraire est celle de la seguidilla castellana.
Les serranas sont jouées por arriba comme le polo et la cana. Elles sont l’équivalent de la
seguiriya mais jouée por arriba. C’est un style qui est très apprécié par les guitaristes.
Le tanguillo
Le tanguillo est un style dont la copla et le refrain n'ont pas de longueur fixe. Ce sont des
chansons légères, au texte parfois ironique.
Le tanguillo est une forme originaire de Cadix. Elle est donc naturellement proche de
l'alegria, elle aussi originaire de cette ville. Les cadences et l'harmonie sont également proches de
345
celles utilisées dans les alegrias mais simplifiées. Le tanguillo est une forme légère ou le public
intervient fréquemment par des jaléos.
Une de ces originalités de cette forme est que le compás est parfois joué binaire alors que la
forme est ternaire. Cette liberté est appréciée par les interprètes qui utilisent cette ressource.
Le flamencologue José Blas Vega dit à propos de cette forme :
le tanguillo de Cadíz est en réalité un folklore propre aux fêtes du carnaval de Cadixdont les thèmes sont renouvelés selon l'actualité.
Le tanguillo moderne doit beaucoup à Paco de Lucia et Camarón qui on remis le style à la
mode avec le morceau Romance de la luna.
1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6
E B7 E B7
E B7 E B7
E- D
C B
Palmas de Tanguillos binaires
Palmas de Tanguillos ternaires
346
Les tientos
Étymologiquement, le terme provient du mot tentar qui signifie « tenter », « essayer ». Sa
copla se compose de trois ou quatre vers de huit pieds qui sont suivis par des refrains.
Contrairement à la plupart des cantes, son origine est connue. La forme a été inventée par Enrique
el Mellizo vers la fin du XIXème siècle et perfectionnée par Manuel Torre au XIXème siècle. Le
tiento est un tango lent et solennel dans la musique et dans la danse. Le rythme peut changer lors de
l'interprétation et peuvent alterner des passages rapides. Ils sont donc joués por tango.
348
Les verdiales
L'origine du nom des verdiales viendrait du village de Verdial d'où elles sont originaires.
C'est aussi un type d'olives de la région de Malaga. Leur spécificité est de ne jamais noircir.
Les verdiales sont aussi des fêtes populaires accompagnées traditionnellement par des
orchestres nommés pandas. Ces groupes sont composés d'un violon de guitares, d'un tambourin de
cymbales et de castagnettes. Ce sont des chansons gaies et légères. Ce cante et la danse qui lui
correspond sont joués à l'occasion des verdiales, les fêtes de village. L'exode rural aurait rapproché
la forme rustique de la campagne et les fandangos de la ville de Malaga.
Cette forme est la plus ancienne des fandango de Malaga et peut être même de tout le
flamenco. Elle aurait très peu évolué par rapport à sa forme originelle. En revanche elles est
toujours une forme folklorique dont la tradition est très vivante et très ancrée. Les chants de
verdiales se transmettraient de père en fils. Les verdiales s’accompagnent por fandango.
349
Falseta por verdiales
La falseta suivante est une falseta extraite des cours en ligne de Terry Flemming.
350
Observations sur la falseta :
- on voit bien dans cette forme la proximité avec le fandango.
- mesures 6 à 13 : on peut observer une progression mélodique typique des verdiales.
- mesures 18 à 21 : on observe un mouvement intéressant sur la corde de Mi aigu. Ce mouvement
n’est pas sans rappeler certains accords de soleá247
247 Voir la falseta por soleá n°2 p.138
356
Les vidalitas
Le mot vidalita vient de la culture argentine et signifierait « petite vie ».. La copla est
composée de quatre vers de longueur variable. Elles appartiennent aux cantes aflamencados, et
parlent souvent de déboires amoureux. Le refrain est soit une entité à part entière soit composé
d’une répétition des deux derniers vers de la copla.. Elles expriment souvent la tristesse. Les
vidalitas appartiennent à la famille des chants de ida y vuelta. Leur accompagnement est un
mélange de techniques de guitare flamenca et d’harmonies traditionnelles
Les villancicos
Le mot villano était un diminutif du mot laboureur. Ces chants étaient auparavant
appelés villano mais seule l’appellation villancicos est restée.
La copla est composée de quatre vers de huit pieds ou non mesurés. Ces chants sont
des chants sur le thème de noël: la naissance de l’enfant Jésus, les Rois mages...Comme les
saetas et les campanilleros, ce sont des chants religieux qui sont joués pendant la période de
noël.
L’accompagnement diffère en fonction des chansons. Les villancicos sont souvent
chantées par des chœurs
Les zambras
L'origine du terme serait une onomatopée « zambr » qui désignerait la sonorité de certaines
musiques. C'est aussi un terme qui désignait en ancien castillan une « fête mauresque, sa musique et
sa joie ». La zambra est très populaire dans le quartier gitan du Sacromonte à Grenade. La zambra
357
est un style dansé composé de trois danses : l'arbolá, la cachucha et la mosca. La zambra fût
popularisée par Manolo Caracol. La copla est composée de quatre vers, soit octosyllabiques, soit
polymériques
La zambra est un style musical d'origine arabe. Étymologiquement zambra vient du mot
zamara et signifie « musiciens », le mot zamy désigne un « une fête mauresque » ou « ensemble de
bruits ».
« la zambra se cultive à Grenade, dans les caves du Sacromonte ; Elle fut intégrée danstrois danses distinctes : la alboréa, la chachucha et la mosca, qui symnolisent troismoments de la noce gitane ».
José Blas Vega
Les mélodies de la zambra sont proches de la musique arabe. L’accompagnement est
proche de celui des fandangos. La zambra est parfois interprétée par des orchestres avec
plusieurs guitares ou d’autres instruments comme le piano ou le luth.
358
Le zapateado
Le zapateado est une forme qui est souvent jouée par une guitare seule. Le terme désigne
aussi l’ensemble des techniques de frappe de pied en danse flamenca. Cette forme est très utilisée
dans le baile.
Elle est proche de la guajira dans sa forme harmonique et rythmique. Elle partage avec elle
sa tonalité de Ré majeur et son compás ternaire. L'une de ses originalités, comme la guajira, est de
se jouer en utilisant l’accordage Ré, La, Ré, Sol, Si, Mi248.
Le zapateado est également une forme pour guitare soliste qu’ont interprétés entre autres
Sabicas, Paco de Lucía et Manolo Sanlucar.
Pour conclure cette partie sur le toque de guitare nous proposons une falseta jouée par
Pépé Romero. Cette falseta est extraite d’une composition pour guitare et orchestre intitulée
Fantasía española: poema a la guitarra (guitarra y orquesta) et composée en 1988 par
Celedonio Romero, le père de Pépé Romero. Cette pièce est extrêmement intéressante à
beaucoup de point de vue.
Tout d’abord c’est une œuvre classique s’inspire de la guitare flamenca et lui emprunte
des formes comme ici le zapateado. Elle aborde aussi un grand nombre de techniques de
guitare que l’on utilise peu dans le flamenco comme l’utilisation des harmoniques, des
hammer-on et pull-off, ou encore du tapping249. Enfin elle met bien en évidence le rapport à la
modernité dans le flamenco, qui tout en se rapprochant d’autres formes de musique, savantes
on non, conserve son originalité.
248 Et accordage est aussi appelé « dropped D » 249 Voir le titre Eruption d’Eddie Van Halen
359
Observations sur la falseta :
- mesures 1 à 4 : on a un exemple de llamada por zapateado.
- mesures 5 à 12 : la mélodie se développe sur 2 compás.
- mesures 11 : on voit une utilisation d’une gamme chromatique, que l’on peut retrouver chez les
artistes et pédagogues contemporains comme Oscar Herrero.
- sur l’ensemble de la falseta on peut observer l’utilisation de la corde de Ré.
361
Falseta por zapatedao n°2
Du même auteur et du même interprète que la précédente, cette courte mélodie à des échos
de ségedilla castellana.
Observations sur la falseta :
- L’accordage est le même que les guajiras, à savoir Mi, La, Ré, Sol, Si, Mi, du grave vers l’aigu.
- on observe le placement rythmique des notes de basses sur la corde de Ré où l’on sent un emprunt
aux techniques de compositions employées dans la musique savante.
362
Au terme de cette étude nous espérons avoir éclairé les lecteurs sur l’histoire du flamenco.
Cet art multidisciplinaire hier patrimoine andalou puis espagnol est depuis 2010 classé au
patrimoine immatériel de l’humanité par l’UNESCO. Cette inscription a permis aux universités, et
en particulier aux universités européennes, de proposer ce sujet à l’étude. Nous n’oublions pas que
c’est grâce à cette reconnaissance que nous avons pu réaliser cette étude.
Nous espérons aussi avoir pu apporter des précisions sur l’histoire de la guitare flamenca, de
la tradition à la modernité, notamment en aidant à identifier de façon plus précise les récurrences
qui existent en pratique dans le jeu de guitare en flamenco et qui permettent de distinguer les formes
entre elles, ou au contraire de déterminer à quelle famille elles appartiennent.
Notre étude n’est bien sur pas exhaustive. Nous n’avons abordé ici que l’étude du cante et
du toque dans leurs aspects musicaux au plan de la technique instrumentale et de
l’ethnomusicologie qui lui est associée. Nous n’avons abordé que partiellement l’aspect littéraire
des coplas, en tant que structure des palos. De même nous n’avons pas abordé la danse flamenca, le
baile, qui à lui seul, de par son originalité est un sujet d’étude.
La guitare flamenca avait déjà été l’objet d’études et le sera à nouveau. Le flamenco, comme
toutes les musiques du monde et les musiques ethniques est un sujet d’étude passionnant,
enrichissant et exigeant sur le plan personnel, professionnel et humain. Nous regrettons toutefois
que ces musiques, pour certaines déjà anciennes, ne jouissent pas de la reconnaissance par les
institutions que peut avoir la musique savante. Nous ne cherchons pas là à critiquer la manière dont
est encadrée la musique classique, dans les conservatoires, dans les universités, bien au contraire.
Nous notons que depuis environ vingt cinq ans maintenant de nombreuses structures et cadres se
sont développées dans ce sens pour le jazz par exemple.
Nous souhaitons au terme de cette étude faire remarquer que si de nombreuses actions ont
été entreprises, il reste encore beaucoup à faire dans l’apprentissage, la transmission et
l’encadrement des pratiques et des métiers dans le domaine du flamenco, mais aussi dans les
musiques actuelles ou ethniques, le jazz-manouche, la samba, le raï…
Faire se rejoindre tradition et modernité, apprendre, comprendre et structurer c’est ce sur
quoi artistes, étudiants, chercheurs, enseignants doivent travailler aujourd’hui.
364
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You tube, [2011 à 2016], www.youtube.com
369
Table des matières
INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE : HISTOIRE DU FLAMENCO DEPUIS 1850.
1. Le cante jondo et les débuts du flamenco professionnel
2. Les cafés cantantes 1847- 1ère moitié du XX ème
3. le concours de cante jondo de Grenade de 1922
4. L'ente deux guerres et l'Opéra flamenco
5. Les penas et les tablaos
6. La revalorisation dans les années 50
7. Les concours
8. Le flamenco dans le contexte du nationalisme espagnol
a. Flamenquisme et franquisme
b. Influence du franquisme sur le flamenco
DEUXIÈME PARTIE : LE CANTE
1. Le cante
2. Premières classification du cante
370
TROISIÈME PARTIE : LE COMPAS
1. Le compás :« l’originalité rythmique du flamenco »
2. Les compás de tango (binaires)
3. Les compás de fandango (ternaires)
4. Les compás de amalgamas de 12 temps
a. Compás de guajiras, peteneras
b. Compás de soleares et ses dérivés
c. Compás de siguiriya
QUATRIÈME PARTIE: TECHNIQUES DE GUITARE FLAMENCA.
1. Jeu au pouce
2. L'alzapua
3. Jeu avec l'index
4. Pouce associé aux autres doigts
5. Le golpe
6. Les rasgueados
7. Les abanicos
8. Les picados
9. Les arpèges
10. Les trémolos
11. Utilisation d’accords spécifiques au flamenco
12. Le presentible
13. Évolution des techniques de la guitare flamenca
371
CINQUIÈME PARTIE : LES MODES DU FLAMENCO ET LA CADENCE ANDALOUSE
1. Le mode mineur
2. Le mode majeur
3. Le mode por medio
4. Le mode por arriba
5. Le mode des granaínas
6. Le mode des tarantas
7. Le mode des mineras
8. Le mode des rondeñas
9. Le mode andalou
10. Le mode double-diminué
11. La cadence andalouse
SIXIÈME PARTIE : LES FORMES DU TOQUE FLAMENCO
1. Les grands palos du flamenco.
a. Les tonás
b. Les tangos
c. Les fandangos
d. Les soleás
e. Les bulerías
f. Les alegrías
g. Les siguiriyas
372