Jean Dresch

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Jean Dresch Le massif de Moulay Idriss (Maroc septentrional) [Étude de géographie humaine] In: Annales de Géographie. 1930, t. 39, n°221. pp. 496-510. Citer ce document / Cite this document : Dresch Jean. Le massif de Moulay Idriss (Maroc septentrional) [Étude de géographie humaine]. In: Annales de Géographie. 1930, t. 39, n°221. pp. 496-510. doi : 10.3406/geo.1930.10245 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/geo_0003-4010_1930_num_39_221_10245

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Jean Dresch

Le massif de Moulay Idriss (Maroc septentrional) [Étude degéographie humaine]In: Annales de Géographie. 1930, t. 39, n°221. pp. 496-510.

Citer ce document / Cite this document :

Dresch Jean. Le massif de Moulay Idriss (Maroc septentrional) [Étude de géographie humaine]. In: Annales de Géographie.1930, t. 39, n°221. pp. 496-510.

doi : 10.3406/geo.1930.10245

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/geo_0003-4010_1930_num_39_221_10245

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LE MASSIF DE MOULAY IDRISS

MAROC SEPTENTRIONAL

TUDE DE OGRAPHIE HUMAINE

PL XII.

Lignes vigoureuses et sèches enveloppant une masse lourde traî nées arbres et taches ombre éclairées et là par des villages un peu de vie au loin tel le massif de Moulay Idriss enlève au-dessus de vallées et de plateaux immenses qui décolorés et vides effacent dans la lumière blanche vallées du Rdom Ouest du Mikkès Est au Sud plateaux de Mekne et du Sais1 Puissant et compliqué coupé de bassins de gorges de chaînons hérissé de rochers et de falaises le massif décrit un triangle épais poursuivi vers le Nord par un dos de hauteurs qui se terminent brusquement au-dessus du Sebou corps étendu oiseau long col pattes repliées La montagne est riche Des sources jaillissent sous les pierres et de eau qui court serpente parmi les champs et les orangers Sur les crêtes et les pentes la vigne offre au soleil Tout autour des bois oliviers montent et épandent et leur ombre claire morcelé la lumière plus accueillante Aussi depuis très longtemps de partout des emigrants viennent-ils isolés par groupes avec leur feu et leur marabout chercher ici un peu de paix un recoin où bâtir une maison de pierre labourer un morceau de terre et gauler des olives Sur des saillies rocheuses au- dessus des jardins de vieux villages souvent ceints de murs inutiles regardent au loin les plaines plus loin encore le Rif et le Moyen Atlas dont les couleurs changent aussi doucement que écoulent les heures Ils se sont pieusement groupés tout autour de la ville sainte Moulay Idriss sainte entre toutes les villes du Maroc parce elle garde le sanctuaire du grand apôtre dont elle porte le nom Au milieu un cirque tourmenté ocre troué ombres la ville se détache en blanc accrochée très haut au-dessus un torrent décor empreint horreur- comme il sied un lieu de pèlerinage La ville est sale maisons croulantes rues tortueuses enceinte de cactus en cascade le long du roc suant ordures humaines Mais dans la koubba dont les tuiles vertes scintillent au soleil des prières bourdonnent tout le long dès jours

Allah veille sur la montagne Il pris soin surtout de la doter

Carte de reconnaissance 100 000 ou les schémas parus dans les Annales de Géographie du 15 juillet 1930 395-415

LE MASSIF DE MOULAY ID RISS 497

eau en abondance Les sources sont très nombreuses elles suffisent pour alimenter le village voisin et ses vergers Cette richesse en eau la verdure relative qui caractérise le massif de Moulay Idriss au milieu des steppes environnantes expliquent elles-mêmes par un régime de précipitations sans doute original Le massif est assez élevé environ 700 en moyenne Plusieurs sommets dépassent 000 m. et fré quemment des nuages viennent accrocher ces hauteurs isolées avant de se heurter aux reliefs du Moyen Atlas Mekne 27 km de Moulay Idriss il tombe environ 500 mm eau par an Volubilis au pied du massif il pleut moins encore Mais il doit pleuvoir davan tage sur la montagne Du moins absence de graminées xérophyles Dis ampelodisma maureta?i ca) du sumac du jujubier qui poussent sur les collines voisines la présence au contraire éléments mon tagnards en particulier du Guercus lusitanica qui se rencontre dans le haut des ravins sur le versant Nord duZerhoun prouveraient il tombe au moins 600 mm ailleurs le climat est de type méditerra néen toutes les plantes typiques rencontrent Il est sec sans doute mais moins coup sur que les régions environnantes

La montagne est pas seulement riche en eau On trouve de bonne terre dans les fonds ou sur les pentes marneuses Aussi est-elle verte le calcaire même se couvre une garrigue dense et le grès un maquis plus dense encore

Comment un pays où arbre et arbre méditerranéen par excel lence olivier pousse état naturel aurait-il pas attiré une population de cultivateurs arbres

LES CULTURES

Malgré la présence de terres fertiles ce ne sont pas les céréales ou les légumes que on cultive surtout dans le massif Les statis tiques établies pour la perception de impôt foncier le tertib comp tent en 1928 un peu plus de 20 000 ha cultivés Si on estime envi ron 275 km2 la superficie totale du massif la proportion des champs est faible Encore est-il probable que les statistiques englobent des champs appartenant des Zerhanis les gens du massif mais situés dans la plaine Par contre si on comptait les jachères la superficie serait presque doublée Mais la proportion reste minime car les oliviers presque tous dans la montagne doivent couvrir près un tiers de sa superficie

Céréales et légumineuses Malgré la faible superficie couverte par les cultures les récoltes en céréales et légumineuses suffisent très amplement la consommation des Zerhanis Sur les 20 000 ha culti vés 17 000 portent des céréales dont près de 11 000 du blé blé dur

ANN DE OG XXXIXe ANN 32

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pour la presque totalité Le reste en orge Les procédés de culture sont ici les mêmes que partout ailleurs Naturellement il est pas question amender la terre indigène pratique assolement biennal sur jachère laboure vers novembre quand la terre mouillée se laisse pénétrer par le soc de bois de la charrue traînée par sa femme ou un âne décharné il gratte Ie sol sans le retourner Il chante Heu reusement ici les touffes de doum sont rares Il sème quand la terre est un peu tassée et se soucie rarement de donner un second labour pour protéger sa semence contre les oiseaux La moisson se fait en juillet la petite faucille Le chaume est laissé sur place et on enferme le grain foulé dans des silos Il ainsi des silos dans de nombreuses maisons parfois au milieu des villages trous béants dans le chemin Les rendements sont faibles Le blé rapporte entre et

qx hectare orge entre et 14 Peu importe du reste les bonnes récoltes ne sont pas le fruit un grand labeur Il en est de légendaires dont on parle longuement Elles sont un signe de la bénédiction Allah Et puis le rendement beau être faible la montagne pro duit 55 000 qx de blé 65 000 orge Et le pays est pas grand

Du reste indigène ne cultive pas que des céréales Les statis tiques comptent encore dans le massif 000 ha de sorgho 700 de pois chiches plus de 700 de fèves et encore un certain nombre hec tares en pois et lentilles

Ainsi le pays se suffit lui-même Il ses légumes Il de quoi faire son pain Chaque maison son petit moulin farine Il consiste essentiellement en une meule fixée en terre surmontée une autre pierre plate par-dessus en forme de tronc de cône et percée un trou Une tige de fer passe au milieu et on tourne comme un moulin café en versant le grain par le trou Il de grands mou lins eau Moulay Idriss près de oued Ils appartiennent des particuliers Mais tout le monde va moyennant un prix plus ou moins élevé été ou hiver selon il plus ou moins eau En été on paye fr le moud1 en hiver

Même la fin de la saison il reste encore du grain Les compa gnies européennes ont évalué la quantité de céréales exportables 35 000 qx Malgré cet excédent notable le massif de Moulay Idriss ne passe pas pour une terre céréales est avant tout un pays ar bustes et arbres vergers vigne et surtout olivier

Les arbres La plupart des espèces arbres fruitiers- excep tion de la vigne et de olivier sont cultivés en vergers irrigués Tou tefois dans la montagne poussent des caroubiers et des arbousiers et sur les marnes près des sources de nombreux figuiers On rencontre aussi un peu partout sur les éboulis dés figuiers sauvages Mais les

Le moud vaut 38 environ

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indigènes ne savent pas féconder la figue comestible par la pratique de la caprification et si on compte 130 000 figuiers dans le massif un quart seulement est productif La figue est le fruit du pauvre mais plus encore la figue de Barbarie Tous les villages sont en effet entourés de cactus particulièrement les villages non arabisés les vil lages pauvres origine rifaine qui bordent le massif au Nord leurs maisons basses et leurs murs de pierres sèches disparaissent entièrement au milieu immenses buissons de cactus dont les figues sont pendant une partie de année un aliment fort important il nourrit peu il remplit du moins estomac

Vergers Seuls les riches possèdent des vergers situés tout près des villages en contre-bas des sources Ils sont entourés de haies épaisses et hérissées de pointes énormes agaves bleus Point est besoin le plus souvent de creuser des segu as compliquées eau au sortir de la source se perd dans la terre lourde des jardins elle ne va pas plus loin Pas de conflits pas de législation Ordinairement le propriétaire est caïd ou cheikh Le pauvre que faire de eau est autour de Moulay Idriss que sont les plus beaux vergers Les hauteurs environnantes abritent les jardins contre les vents du Sud et de Est froids en hiver brûlants souvent dès le début de été sous le nom de oherdilt ou sirocco Mais elles ouvrent aux vents Ouest humides et doux Un premier groupe de vergers se trouve au pied du Zerhoun

la base des grès dont il est constitué eau suinte et puis on construit des segu as flanc de montagne Une profonde segu en pierre alimentée par une dérivation de oued Debiane longe le haut des jardins clos de roseaux étages au-dessus de quelques murs de pierres sèches Un autre groupe de vergers en terrasses au pied de Moulay Idriss même est alimenté par un aqueduc construit au xvine siècle pour amener la ville eau une source de la mon tagne Sous les arbres trop serrés trop hauts mal soignés une ombre lourde une humidité sans air pèse sur la terre gluante

Dans ces jardins on trouve des poiriers des pommiers des pru niers dont on fait secheries fruits au soleil des abricotiers des figuiers des cognassiers des amandiers des buissons de grenadiers et surtout arbres précieux entre tous des citronniers et des orangers dont le& fruits sont célèbres pour leur grosseur

Vignes Plus de 730 000 pieds de vigne sont inscrits sur les registres du tertib On les trouve surtout sur les coteaux exposés au Sud en particulier sur le flanc méridional du Zerhoun au om- met même de la montagne près de 100 Il existe une vingtaine de cépages rouges rosés blancs chaque village en un ou plusieurs qui lui sont propres La plupart semblent venir Espagne de Portu gal ou même de notre Midi Ils mûrissent les uns après les autres du début août octobre

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La culture est comme toujours assez primitive Les plants pro duisent dos la troisième année Mais les indigènes ont coutume araser le plant la quatrième année et de le recouvrir de terre pour donner disent-ils plus de vigueur la racine Ils coupent les sar ments soit au ras du cep soit un ou deux yeux Au printemps les branches retombent et abritent le raisin la maturité Malheu reusement les Zerhanis apportent pas un très grand soin la culture de leurs vignes Peu de sarclages Les mauvaises herbes envahissent les champs Les plantations sont irrégulières Aussi le mildiou et Oïdium ont-ils été longtemps endémiques En général ils ne dété rioraient que les feuilles et les vignes du Zerhoun étaient réputées pour leur résistance Mais ils ont anéanti presque complètement la récolte de été 192? et tous les pieds de vigne ont été exonérés im pôt ayant rien produit Aussi les indigènes ont-ils tendance plan ter de plus en plus haut surtout sur le Zerhoun ils cherchent air De nombreuses dépressions sableuses sur la crête sont déjà tachetées de pieds de vignes les champs sont propres plus faciles cultiver Pendant hiver 1929 de grands feux fumaient sur la montagne des paysans écobuaient le maquis

est que le raisin du Zerhoun est célèbre dans tout le Maroc En temps normal la production est forte car les variétés les plus répan dues produisent en moyenne 10 kg par an pour des ceps âgés de cinq

dix ans Les indigènes gardent pour eux du raisin frais ou les raisins moitié sèches par le sirocco ils font se dessécher complètement

sur les terrasses Mais comme le raisin sec vaut beaucoup moins cher que le raisin frais ils ne font sécher que ce dont ils ont besoin pour leur couscous Ils exportent beaucoup Ils en vendent Mekne qui consomme beaucoup de raisins frais ils en vendent aux Juifs du Mellah qui en font un vin cuit Ils en vendent enfin des Européens établis près du massif soit la nzala de Beni-Amar soit Volubilis qui en font parfois du vin Mais le raisin du Zerhoun est assez délicat pour rester essentiellement raisin de table

Oliviers Malgré son vin généreux malgré ses vergers touffus le massif de Moulay Idriss est surtout célèbre au Maroc par ses oliviers Des bois clairs et assez bien ordonnés couvrent ses pentes et pèlerins musulmans ou citadins européens fuyant la blancheur des steppes du ciel et de la route viennent chercher une ombre reposante parmi les taches rondes de lumière pendant au faîte des branches les petites feuilles dures bruissent longuement ondoyantes modulations Si on compte en effet 300 000 oliviers dans la région de Mekne près de 250 000 se trouvent dans le massif de Moulay Idriss dont ils cou vrent près un tiers de la superficie surtout au Nord et Est oli vier fut dit-on introduit par les Romains installés Volubilis et on

trouvé dans les ruines deux moulins huile Mais olivier est si

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bien acclimaté on le rencontre un peu partout état sauvage et il fait partie indissoluble un type de brousse bien connu des bota nistes Nord-africains sous le nom Oleo-Lenticetum

La culture comme toujours est pas compliquée Quand le Zer- hani veut planter il se contente le plus souvent arracher un rejet au pied mère ou bien il prélève une bouture sur un arbre Il sait aussi greffer les oléastres Quand arbre est jeune peu élevé encore impro ductif il intercale des pieds de vigne entre les plants oliviers arbre grandi son ombre se fait plus dense ses racines étendent la vigne disparaît Mais le Zerhani ne cesse pas de soigner olivier Il retourne le sol tous les ans Quand la pente est forte il construit un petit mur pour contenir la terre et eau Il creuse souvent au pied de arbre une cuvette ou élève en contre-bas un remblai de terre Si le bois se trouve en dessous une source il fait courir de petites rigoles pour répartir eau entre les arbres Souvent en hiver il dépose dans la cuvette un couffin de fumier Mais il oublie de le mé langer la terre Malheureusement aussi les oliviers sont beau coup trop proches les uns des autres et indigène néglige de les tailler arbre pousse en hauteur Le bois est plus profond Mais faute aération les branches inférieures végètent et des insectes se multiplient comme la cochenille ou la mouche de olivier De plus la cueillette est impossible il faut gauler il est même souvent impos sible atteindre le haut des branches et une partie des fruits reste inaccessible Les Européens prétendent on pourrait supprimer le quart des oliviers sans que la production baisse Inspection de Agriculture de Mekne fait quelques efforts pour améliorer les pro cédés de culture indigène Elle établi une pépinière chez le caïd Kacem Mrassine elle organisé dès 1913 et de nouveau après la Guerre des équipes chargées de tailler les oliviers de badigeonner les troncs au lait de chaux et de former des moniteurs indigènes Une expérience fut faite sur les habous Fertassa Les résultats furent bons Les indigènes ont regardé ils ont admiré ils ont rien changé

leurs méthodes et Inspection de Agriculture maintenant trop faire avec les colons européens pour occuper des cultures indigènes

On commence gauler les olives en novembre ou décembre Les hommes montent dans les arbres et les femmes accroupies en cercle ramassent les olives tombées On parle on chante est une fête pour indigène arbre en arbre la récolte se prolonge en mars On ne ramasse pas les olives tombées avant le gaulage Il en

beaucoup cependant mais souvent elles ne sont pas saines et on veut éviter les vols est pourquoi des gardiens surveillent les olive raies et en écartent les troupeaux de moutons très friande olives Cependant la récolte accumule en tas Quand elle est finie on com mence presser Mais indigène envoie pas toute sa récolte au mou-

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lin il garde les plus beaux fruits pour les mettre en conserve tandis une autre part de la récolte est vendue des industriels européens indigène met en conserve des olives vertes et des olives noires Pour conserver les olives vertes il fait choix des fruits les plus en chair avant complète maturité les fend au noyau puis les met tremper pendant une vingtaine de jours dans un récipient rempli eau pure changée chaque jour Quand les olives sont reconnues douées elles sont placées dans des jarres pleines eau salée Pour conserver les olives noires on attend la pleine maturité et on dispose les fruits dans un large couffin par couches concentriques et saupoudrées de sel on brasse de temps en temps puis quand amertume dis paru on lave et on fait sécher au soleil

La fabrication de huile se fait dans des moulins du type le plus ingénieux que on trouve au Maroc Ils se composent de deux instru ments le moulin dont un mulet fait tourner la meule et la presse où la pression peut atteindre 000 kg et où on presse et represse les olives sept et huit fois pi XII On voit ces moulins en plein air près de chaque village on en compte 115 dans toute la montagne Il en faut beaucoup car ils ne peuvent traiter que 600 800 kg par jour est-à-dire la production une centaine arbres Aussi certains villages Est du massif en ont-ils huit neuf treize même Ces moulins coûtent cher la meule surtout il faut tailler leur construction revient 000 fr environ est pourquoi ils appartiennent le plus souvent des propriétaires indivis Mais ils sont considérés utilité publique et le propriétaire doit per mettre quiconque de en servir Chaque paysan apporte ses olives

broyer il abandonne en échange par kédib traité 900 kg environ) trois quarts de goula1 huile ainsi répartis un quart au propriétaire du moulin un quart au propriétaire du mulet qui fait tourner la meule et un quart aux aides Traitée de fa on primitive olive donne relativement peu huile de 12 16 en moyenne pour 100 kg de fruits Et cette huile est mauvaise du moins au goût des Européens est une huile fruitée mais elle également un goût de rance car les indigènes font de huile en juillet sans savoir conserver les olives pendant aussi longtemps le sel gemme empêche pas de fer menter les fruits amoncelés Mais quel piètre condiment une huile sans goût

Comme il parfois trop olives pour que les indigènes puissent traiter toute leur récolte ils vendent ce ils emploient pas des Européens établis Mekne ou dans les environs du massif Ceux-ci achètent non seulement des olives mais encore les grignons que les indigènes fort embarrassés utilisaient auparavant comme un com-

La goula zerhana équivaut 28 environ

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bustible surtout pour chauffer les fours chaux Ces achats alimen tent les petites fabriques huile européenne qui ne paraissent pas devoir prendre beaucoup de développement car les indigènes dont deux Beni Amar ont installé des presses mécaniques traitent eux-mêmes somme toute la plus grande partie de leur récolte De plus ces Européens trouvent difficilement des débouchés ils ven dent surtout aux Juifs du Mellah de Mekne et exportent hors du Maroc que dans les meilleures années et non sans difficultés car leur huile est fruitée

Telles sont les principales richesses du massif de Moulay Idriss céréales légumes fruits huile plus il en faut pour se nourrir Mais on doit aussi tenir compte du cheptel étrangement important pour un pays de cultivateurs sédentaires Le tertib révèle existence de 330 000 moutons et de près de 13 000 chèvres qui parcourent toute année les garrigues de chêne-vert de 10 000 bovins de nombreux ânes de mulets de chevaux Ces animaux ne donnent pas peine au paysan ils restent toujours dehors dans la montagne ou dans des enclos épines En hiver ils jeûnent Les agneaux seuls sont abrités sous un toit près de la maison parfois aussi les chevaux et les mulets sont gardés dans la cour de la maison sous un côté de auvent car seuls les riches construisent des noualas spéciales qui servent écurie Si on considère enfin que la montagne fournit le bois et le charbon la pierre et la chaux le massif de Moulay Idriss apparaît comme un paradis terrestre heureux pays où le sol fournit de quoi se nourrir se vêtir se loger et se chauffer et où abondance est telle que des trésors devraient accumuler sous chaque terrasse et sous chaque toit de chaume

II RELATIONS COMMERCIALES ET ASPECTS CONOMIQUES

Le marché de Moulay Idriss Le pays produisant tout le néces saire point est besoin de faire de gros achats dans les souks loin tains Du sucre et du thé surtout le grand luxe des indigènes des bougies des cotonnades et des soieries soit au total 000 200 t. provenant autrefois de Fez maintenant surtout de Mekne

Par contre les exportations sont importance il est vrai que le massif peut exporter 35 000 qx de céréales il exporte aussi des olives et de huile Mais comment savoir en quelle quantité très variable selon les années Les exportations de raisins et de fruits ne sont pas négligeables non plus puisque de juin octobre 1924 280 de fruits ont été expédiées la station Aïn Kerma la gare de chemin de fer la plus proche de Moulay Idriss Il sort encore du massif de 400 500 de charbon surtout en octobre et novembre parce il est interdit de fabriquer du charbon en été dans les forêts domaniales

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Enfin si on ajoute une certaine quantité de peaux de la chaux voire même de la pierre si on ajoute aussi les olives le grignon le raisin arrêtent aux portes du massif les Européens qui sont établis on arrive un total exportations considérable pour un si petit pays Ces exportations se font surtout vers Mekne exception des peaux qui vont Fez et des denrées expédiées par Aïn Kerma qui sont dirigées immédiatement vers Petitjean et la côte écoulement des produits du massif est ailleurs pas encore organisé Ou bien les indigènes convoient eux-mêmes leurs récoltes sur le dos de leurs petits ânes le long de la route de Mekne ou bien quelques compagnies européennes viennerit Monlay Idriss remplir leurs camions olives et de céréales Si le marché était mieux organisé les communi cations plus faciles les exportations seraient sans doute plus impor tantes encore Moulay Idriss est le seul point du massif qui soit des servi par une route accessible aux automobiles Une route nouvelle traverse la montagne mais elle ne dessert aucun village En 1920 le Service des Renseignements avait fait construire une route qui con tournait le massif par le Sud et Est Mais elle été faite trop vite et

pas été entretenue Elle est maintenant impraticable on songe il est vrai la remettre en état Moulay Idriss reste donc le ud des communications et de la ville divergent trois routes conduisant Mekne Aïn Kerma et Petitjean

Le grand marché du pays est donc la ville même de Moulay Idriss Le souk principal se tient le samedi est le souk es seht Sans doute existe-t-il ailleurs plus au Nord du côté du col du Segotta autres centres achats en particulier pour les céréales Mais aucun la régularité ni la renommée du souk es sebt De tous les points de la montagne et des pays environnants les indigènes viennent avec leurs ânes Ils apportent leurs grains leurs fruits du sel des pays de oued Mikkès ils viennent surtout acheter en dehors des denrées cou rantes leur sucre leur thé et leurs bougies est au souk es sebt aussi que se font les grosses transactions sur les olives les raisins et les grains entre indigènes et Européens Ce marché est du reste affermé Le taux de affermage est de ordre de 130 000 fr par an mais le marché est assez important pour que malgré cette redevance con sidérable le fermier en retire encore importants bénéfices

Aisance et pauvreté Le pays est si riche une population nombreuse vit sans cesse accrue Ils sont là 30 000 environ 30 000 sédentaires établis sur les pentes 102 au kilomètre carré De gros villages se suivent qui ont ordinairement entre 250 et 600 Quatre dépassent 500 et Moulay Tdriss la ville dépasse 000

Mais ces villages ne se ressemblent pas tous Il en est de florissants comme la terre qui les entoure il en est de pauvres sur une terre moins

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bien mise en valeur Et des fellahs en haillons sur la piste côtoient de nobles arabes au type classique superbement montés et dont la barbe soignée la djellaba étoffé fine discrètement colorée les ba bouches un jaune immaculé révèlent la fainéante aisance Une diver sité profonde entre les différents recoins de la montagne entre les modes de vie entre les hommes même se dissimule derrière opu lence uniforme des bois oliviers

Certaines régions dans ce petit pays sont moins favorisées que autres Est du massif les pentes régulières sont couvertes oli viers Là les bois cachent le sol et dessinent de longues bandes mou tonnées le long de gorges parallèles Ils montent assez haut 600 ils enveloppent et submergent les villages presque invisibles Au-dessus dès que la terre fait place au rocher olivier arrête brus quement le paysage est plus sec plus large et les troupeaux paissent dans la garrigue dense économie simple huile et élevage Les moulins

huile sont ici plus nombreux que partout ailleurs Au Sud sur les flancs du Zerhoun les villages pointent tout blancs visibles de tros loin pi XII les bois oliviers se dispersent par taches som bres dans le bas Sur les pentes sur le haut de la côte la vigne pris la place de arbre beaucoup air beaucoup de soleil le paysage se découvre très varié Aussi économie est-elle moins uniforme les villages succèdent aux villages Au Nord au contraire on dirait il

moins de lumière il plus de vigne olivier pousse un peu partout mais les bois sont moins denses Leurs longues traînées ef filent interrompent parfois un champ les coupe souvent un champ inculte Le village est plus humble il ise cache derrière des figuiers de Barbarie et leur couleur souvent se confond avec celle du rocher On dirait un peuple plus pauvre pas encore pu mettre en valeur la riche terre il habite Au centre est la misère trois ou quatre hameaux abritent derrière des rochers pas oliviers pas de ver gers peu de champs ou du moins ils appartiennent pas aux habi tants des hameaux Toute la fortune du village réside dans les trou peaux qui broutent les taillis de chênes-verts Moulay Idriss semble en effet appauvrir tout ce qui entoure intérieur entier de la mon tagne les villages qui lui sont proches sur le versant occidental sont humbles comme les villages du Nord La ville sainte repousse la richesse vers les bords opposés du massif Pourquoi Parce que la propriété est très inégalement répartie

La propriété Dans ce pays si riche le nombre des propriétaires est faible Aussi les propriétés sont-elles très étendues Les unes appar tiennent de riches familles établies surtout Moulay Idriss ou de puissants personnages caïds ou cheikhs qui par un habile usage de leurs fonctions administratives plus ou moins héréditaires ont su

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rassembler peu peu de vastes morceaux de terre valuer impor tance de ces propriétés est bien difficile car comment empêcher le caïd et ses amis et les amis de ses amis de faire des déclarations trop souvent insuffisantes Les autres propriétés terres de labour ou bois oliviers sont des biens habous Elles appartiennent la zaouia de Moulay Idriss Elles sont inaliénables est pourquoi il est presque impossible de trouver des terres vendre Les terres de labour sont mises en adjudication tous les ans par des fonctionnaires spéciaux siégeant Moulay Idriss Les lots sont de petite étendue mais ils sont trop vastes encore pour que les fellahs ne soient pas obligés de se mettre plusieurs pour les louer et les mettre en culture De même une adjudication est faite tous les ans pour la récolte des olives Les lots sont également de faible étendue ce qui rend les transactions extraor- dinairement compliquées au moment de la vente des olives Ainsi un grand nombre de Zerhanis ne possèdent pas des biens meik ils ne sont pas propriétaires Ils le furent peut-être jadis ou bien récemment rrivés ils ont pas trouvé de terres vendre moins elles aient

été trop chères pour leur faible fortune

III LE PEUPLEMENT

Le îond berbère Cette situation économique et sociale ex plique elle-même par histoire du peuplement du massif Le peuple ment est très ancien homme est établi ici depuis si longtemps il

transformé la végétation de la montagne faisant disparaître cer taines espèces qui devraient trouver comme le chêne-liège Ce peuplement est fait par saccades Aussi est-il très hétérogène élé ment proprement arabe est infime ceux qui se prétendent Arabes sont disent-ils chérifs et descendent du prophète par Moulay Idriss Il en dans tous les gros villages où ils forment une caste que on dit oisive et cupide Moulay Idriss même le bruit court ils sont 000 Tout le reste de la population est berbère Mais des Berbères

de toutes les tribus de tous les pays Comment sont-ils venus his toire du massif est mal connue Elle apparaît du moins comme un flux continuel invasions et infiltrations qui ont amené sans cesse dans le massif des éléments nouveaux Des Berbères habitaient le massif au ve siècle du temps des Romains au vine du temps de Moulay Idriss Ihn Khaldoun parle une tribu de Berbères Zénètes les Aou- rabas venus du Sud-tunisien occuper le massif Puis vinrent les Al mohades du Grand Atlas les Mérinides du Moyen Atlas les Beni- Outer les Aït Immour Enfin de tout temps des familles isolées sont venues chercher dans les replis du massif moins un sol riche un asile sûr Des sultans des princes des prétendants réfugièrent et de plus humbles aussi venus du Sous du Tafileit du pays Zaïan

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du Béni Ahsen Ouezzan du Rif surtout Car ce sont des Rifains les derniers venus il un siècle peine pour le plus grand nombre qui occupent le Nord le centre et Ouest du massif en cercle autour de Moulay Idriss Ils sont nombreux près de 000 et beaucoup de leurs tribus sont représentées comme les Senhadjas les Br nes les Béni Ouriaguel et les Béni Touzine surtout venus de Melilla

Au cours de cette histoire troublée les premiers venus ou les conquérants se sont emparés des terres Mais ceux qui sont venus les derniers par petits groupes pacifiques ou bien ont été relégués dans les parties les moins riches de la montagne ou bien ont été établis sur des terres qui ne leur appartiennent pas Les uns ont occupé le centre et le Sud-Est du massif les pays calcaires et pauvres ils sont devenus sédentaires ils étaient nomades mais faute de terres culti vables ils sont restés en grande majorité pasteurs Les autres les Rifains établis au Nord sont pour une bonne part obligés de louer des terres hahous ou entrer comme bergers ou ouvriers agricoles au service de ceux qui possèdent la terre

En apparence il est vrai ces différences tendent effacer La vie dans le massif est nécessairement peu près la même pour tous les paysans et ces Berbères lentement prennent un vernis arabe Leurs coutumes presque partout disparaissent du moins en appa rence et on cite comme un cas exceptionnel exemple du village Haït Hsaïn dont les habitants venus au xvine siècle des régions de Oued ei Abid en pays Zaïan ont gardé leur assemblée leur alemaa et leur système administratif patriarcal Au contact des Berbères arrivés avant eux et déjà arabisés grâce au sanctuaire et au marché de Moulay Idriss grâce enfin la proximité des deux capitales arabes Mekne et Fez tout se fond dans le moule de administration maghzen Mais cette transformation lente est pas profonde la population reste au fond berbère On parle encore en certains points la tamazirth ou le rifain et on retrouve dit-on accent berbère jusque chez les lettrés Dans quelques villages les femmes fabriquent encore des poteries grossières rifaines faites la main et ornées de décors géo métriques emprise même de la religion musulmane est pas com plète Sédentaires cultivateurs arbres ces paysans ne ressemblent pas aux Arabes conquérants établis dans les villes voisines Leur vie écoule rythmée par les travaux saisonniers de la terre et de arbre culte joyeux rendu au sol fécond coupé de repos qui sont eux-mêmes des fêtes entre les labours et la récolte des olives entre la récolte des olives et la fabrication de huile La grande fête prend place en juin entre la fabrication de huile et la moisson et il fête encore entre la moisson et la vendange entre la vendange enfin et les menus tra vaux qui préparent le pluvieux hiver

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habitat Mais ces Berbères eux-mêmes ils ont conservé que rarement les coutumes de leurs pays origine ils ont même pas toujours conservé leur langue ont du moins avec un genre de vie spécial conservé leur habitat original Et est par ce moyen que on peut établir avec le plus de précision des différences entre eux

En dehors de Moulay Idriss même seuls les bords Sud-Ouest et Est de la montagne sont assez profondément arabisés Les villages sont situés sur un piton ou un replat en plein soleil bien en vue pi XII Leurs maisons se serrent denses se surmontent en cubes blancs désor donnés aux ouvertures rares et grillagées le long de rues grimpantes parfois très étroites et sombres coupées angles brusques bordées impasses Moulay Idriss et au Sud elles se tassent entre de murs dont les pans ruinés laissent déborder le village peine la masse compacte des maisons interrompt-elle au centre du village ou près des portes pour laisser un espace libre une place un souk Est du massif est plus récemment peuplé certains villages ne datent que du siècle dernier Us sont moins denses plus allongés plus aérés Les rues sont plus larges plus droites Ils ont pas de murs mais ils sont mieux défendus naturellement ailleurs leurs maisons sont les mêmes que dans les villages plus anciens Ces maisons sont en pierre non taillée recouverte de plâtras Le pisé apparaît rarement sauf pour construire les remparts La maison est recouverte une terrasse passée la chaux tous les ans supportée par un plafond en bois de cèdre dans les maisons riches Le plan est variable La maison isolée de ses voisines comme on en voit parfois dans les villages non enclos de murs et plutôt dans les environs des villages fortifiés désormais paisibles maison riche toujours tend prendre la forme classique de quatre corps de bâtiments entourant une cour en contre-bas Mais la maison isolée est rare Le plus souvent la maison est constituée par un ou plusieurs cubes entourant une cour-souvent commune plu sieurs maisons Ces cubes ont un voire deux étages chacun cor respond une ou deux chambres superposées toujours en longueur Aucun plan Les chambres vides peuvent indifféremment servir tous les usages et le grenier voisine avec la chambre où on mange et dort

Très différents sont les villages non arabisés Ils sont situés comme tous les villages du massif au contact de la plaine et de la montagne Mais ils sont presque toujours sur une pente flanc de vallée parfois tout au fond ou bien ils se dissimulent dans les creux et les rochers il en est de troglodytes en partie ou bien ils sont découvert leur couleur se confond avec celle du sol moins ils ne enfouissent sous des figuiers de Barbarie Leurs maisons basses ne sont pas serrées Parfois des jardins des champs des enclos coupent le village Mais il faut distinguer les villages rifains et les villages non

ANNALES OGIiAPIIIE 221 TOMT XXXIX PL XII

UN VILLAGE ABABIS BENI AMAR

REVEKS DU ZERIIO El HAMI AUUA ET MIASSINE

MOULIN HUILE DE KOUAR Clichés Dre.fc.ii

LE MASSIF DE MOULAY ID RISS 509

rifains et parmi les premiers eux-mêmes ceux qui appartiennent aux différentes fractions Les villages du Sud-Est ne sont pas rifains Ils sont découvert plus groupés bien que les enclos tiennent une très grande place ils sont en effet habités par des pasteurs Les culti vateurs au contraire habitent en général les villages rifains Certains sont relativement groupés et on peut voir des maisons accolées des morceaux de rues Konar Fertassa Bou Assel Mieux rangés encore sont les villages de la fraction des Béni ou Kill Kermet Mais le désordre le plus complet règne dans les villages démesurés occupés par les Béni Touzine Béni Meraz Dans tous ces villages le type de maison est également variable Les unes sont en pierre il

en général pas étage La maison est isolée primitivement com posée une pièce elle tend prendre la disposition arabe de quatre corps de logis quatre pièces entourant une cour en partie protégée par un auvent Mais cette cour est le plus souvent esquissée par un enclos situé sur le devant de la maison Du reste la maison arabe envahit peu peu les villages berbères Cependant de même que chaque fraction conserve son type de village elle conserve également son type de maison Une partie des fractions rif aines adopté la maison en terrasse mais cette terrasse est moins perfectionnée que la terrasse arabe les madriers qui la supportent dépassent et pour empêcher ils ne enfoncent sous le poids de la terre battue qui recouvre la terrasse on les maintient aide de terre et de cailloux accumulés sur les bords Telle est la maison des Béni Touzine et des Béni ou Kill Les maisons des autres fractions rifaines et des autres villages berbères ont le toit double pente en chaume ou le plus souvent en doum Aussi appelle-t-on ces maisons noualas terme qui ailleurs applique des huttes entièrement construites en chaume Ici les murs sont en pierres souvent en pierres sèches très bas et sans aucune fenêtre La porte suffit pour éclairer chacun de ces misérables logis

IV CONCLUSION

I/inîluence du sanctuaire de Moulay Idriss Tel est cet ilôt paisible et relativement vert peuplé de sédentaires cultivateurs arbres première vue sa richesse éclate et la fécondité de la terre semble avoir déterminé les traits qui donnent aux habitants de la montagne un air de parenté comme ils faisaient partie un même groupement une même famille une même tribu Or ce dé terminisme physique cette unité est apparence On dirait des Arabes et ce sont des Berbères et économie du pays serait inexpli cable sans eux Mais ces Berbères eux-mêmes sont différents les uns des autres Ils sont venus de tous les points du Moghreb avec leurs

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habitudes leur fa on traditionnelle de se grouper et de construire Ils ne les abandonnent que très lentement et le massif de Moulay Idriss est devenu un enclos où se conservent côte côte des genres de vie divers un vrai musée ethnographique Mais pourquoi ces tribus se sont-elles établies là Comment dans ce flux perpétuel de peuples que on devine déferlant sur la montagne ces cellules isolées et sans défense ont-elles pu subsister Les faibles murailles qui ceignent Moulay Idriss et les villages du Zerhoun ont-elles protégé aussi les bois oliviers Comment les arbres que ces éternels nouveaux venus plan taient et soignaient ont-ils pas été maintes et maintes fois rasés On entrevoit peu de ruines La vie semble être prolongée ici toujours pareille dans sa diversité sans ruptures Sans doute la montagne est riche Les habitants ont pu vivre sans avoir recours au dehors ils ont pu aussi se cacher dans les vallées étroites et repliés sur eux- mêmes attendre que la tourmente soit passée sur les plateaux

Mais quelle est donc cette bénédiction du ciel cette baraka toute- puissante qui protège la terre les arbres et les gens la fin du vine siècle un descendant Ali gendre du prophète Idriss échappé au massacre de sa famille vint se réfugier Oulili abord actuelle Volubilis puis sur les rochers où est construite depuis la ville qui porte son nom Certains prétendent il mourut Des pieux dis ciples du moins construisirent une koubba entre les deux rochers et depuis la montagne est sacrée innombrables marabouts sont venus se grouper autour du sanctuaire et la sainteté de la montagne est accrue et multipliée est cette puissance religieuse qui attire le paria le banni le criminel qui prend sous sa haute protection musulmane les Berbères leurs croyances naturistes leurs cultes hété rodoxes qui sauvegarde la terre et les fruits et écarte peut-être les dévastations sacrilèges de envahisseur Maintenant encore 30 000 pèlerins dit-on viennent au grand moussem de juin tandis il est interdit au Juif de souiller Moulay Idriss de sa présence aux chrétiens aux vils ne ranis de approcher de la zaouia et de établir demeure dans un périmètre de km autour de la ville La koubba carrée resplendissante est au ur de la ville sainte comme la ville sainte est au ur de la montagne Tous les villages lui font cortège ils lui doivent leur prospérité et leur tranquillité ils savent que la fin des siècles Allah veille sur leur montagne

JEAN DBESCII

ERRATUM Légende de la planche XII fig Ure Mrassine au lieu de Mias- sine