De quelques stéréotypes et de leur subversion dans deux paraboles évangéliques

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DE QUELQUES STéRéOTYPES ET DE LEUR SUBVERSION DANS DEUX PARABOLES éVANGéLIQUES Elian Cuvillier INTRODUCTION Rédigés une génération au moins après les faits qu’ils sont censés relater 1 , les évangiles ne sont pas des biographies de Jésus qui permettraient de reconstituer une chronologie précise de ses actes et de ses paroles 2 . Ils sont des témoignages de croyants qui ont pour but d’exhorter et de nourrir les communautés chrétiennes primitives auxquels ils sont adressés, à partir de traditions, orales et écrites, rapportant des paroles et des actions de celui que l’on confesse comme le Ressuscité. Ces traditions remontent pour beaucoup d’entre elles au Jésus de l’histoire, mais elles sont interprétées dans un nouveau contexte, ce qui suppose des adaptations, transformations, adjonctions voire la création de paroles ou d’actes attribués à Jésus, pour les besoins de la vie de ces communautés. Parmi ces traditions, les paraboles occupent une place importante. Les évangiles en rapportent plus de quarante différentes, sans compter la multitude des tournures imagées qui émaillent son discours, attestant de manière certaine le fait que Jésus a largement utilisé ce langage spécifique. Cependant, lorsqu’ils rapportent les paraboles de Jésus, les évangiles les interprètent dans un contexte différent de celui au sein duquel elles ont été prononcées. Ce contexte originel est définitivement perdu et les évangélistes proposent un cadre où la fiction narrative joue un rôle primordial. L’exégète devra donc clarifier le questionnement auquel il soumet le texte étudié. Cherche-t-il à remonter à la parabole originelle prononcée par Jésus ? Il convoquera alors les outils de la critique historique susceptibles de permettre une distinction entre la tradition originelle et les adjonctions ou relectures postérieures. S’intéresse-t-il au sens de la parabole telle que la rapporte l’un des évangiles ? Il procédera à une analyse de la parabole dans le cadre de la narration évangélique à l’aide des outils de la critique littéraire. Dans le cadre de cette contribution, c’est la seconde perspective que j’adopterai. Après une première section consacrée à quelques remarques sur l’histoire de

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De quelques stéréotypes et De leur subversion Dans Deux paraboles évangéliques

Elian Cuvillier

introDuCtion

rédigés une génération au moins après les faits qu’ils sont censés relater1, les évangiles ne sont pas des biographies de Jésus qui permettraient de reconstituer une chronologie précise de ses actes et de ses paroles2. ils sont des témoignages de croyants qui ont pour but d’exhorter et de nourrir les communautés chrétiennes primitives auxquels ils sont adressés, à partir de traditions, orales et écrites, rapportant des paroles et des actions de celui que l’on confesse comme le ressuscité. Ces traditions remontent pour beaucoup d’entre elles au Jésus de l’histoire, mais elles sont interprétées dans un nouveau contexte, ce qui suppose des adaptations, transformations, adjonctions voire la création de paroles ou d’actes attribués à Jésus, pour les besoins de la vie de ces communautés.

parmi ces traditions, les paraboles occupent une place importante. les évangiles en rapportent plus de quarante différentes, sans compter la multitude des tournures imagées qui émaillent son discours, attestant de manière certaine le fait que Jésus a largement utilisé ce langage spécifique. Cependant, lorsqu’ils rapportent les paraboles de Jésus, les évangiles les interprètent dans un contexte différent de celui au sein duquel elles ont été prononcées. Ce contexte originel est définitivement perdu et les évangélistes proposent un cadre où la fiction narrative joue un rôle primordial.

l’exégète devra donc clarifier le questionnement auquel il soumet le texte étudié. Cherche-t-il à remonter à la parabole originelle prononcée par Jésus ? il convoquera alors les outils de la critique historique susceptibles de permettre une distinction entre la tradition originelle et les adjonctions ou relectures postérieures. s’intéresse-t-il au sens de la parabole telle que la rapporte l’un des évangiles ? il procédera à une analyse de la parabole dans le cadre de la narration évangélique à l’aide des outils de la critique littéraire. Dans le cadre de cette contribution, c’est la seconde perspective que j’adopterai. après une première section consacrée à quelques remarques sur l’histoire de

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l’interprétation des paraboles évangéliques, je rappellerai rapidement la compréhension de la parabole selon la rhétorique gréco-romaine. puis, dans un troisième temps, j’analyserai deux paraboles de Jésus en essayant de montrer en quoi elles se démarquent des stéréotypes qu’elles utilisent pourtant comme arrière-plan culturel. Je conclurai en montrant en quoi les paraboles de Jésus interrogent les représentations du monde qui lui est contemporain. avant de commencer, je précise ici que je pars d’une définition minimale de la notion de stéréotype, telle que je la trouve par exemple dans le Robert : « opinion toute faite, réduisant les singularités. Cliché, lieu commun. Didactique : association stable d’éléments (images, idées, symboles, mots) formant une unité. »

1. regarD sur l’histoire De l’interprétation4

la première exégèse des paraboles a été allégorique. le texte est alors regardé comme une surface signifiante, succession de métaphores dont chacune recèle une équivalence à trouver sur le plan du signifié. par un jeu de superposition, une histoire signifiante (la parabole) est lue à la lumière d’une autre, signifiée. l’apôtre paul (cf. Ga 4, 21-29), les pères de l’eglise (alexandrins en particulier : origène), héracléon, avant eux, les rabbins, philon mais bien avant eux, les grecs dans leur lecture des mythes homériques (vie siècle av. J.-C : théagène de rhégium) : tous pratiquent la lecture allégorique des textes (bibliques ou non), passage autorisé pour en faire surgir le sens véritable. la lecture allégorique s’imposera comme la lecture normative des paraboles durant tout le Moyen Âge et jusqu’à la fin du xixe siècle. quelques voix s’élèveront régulièrement contre les abus de la pratique (les pères de l’école d’antioche : Chrysostome ; Jean Calvin ; le jésuite Juan de Maldonat préféreront s’accrocher au sens littéral). Ces voix resteront éparses.

l’interprétation des paraboles connaît un tournant décisif à la fin du xixe siècle. il est l’œuvre d’un savant allemand, adolf Jülicher4. Ce dernier oppose un refus résolu à la lecture allégorique qui est le prétexte à toutes les récupérations dogmatiques. trois principes guident son interprétation des paraboles évangéliques :

- Jésus ne fut pas allégoriste. ses paraboles ne constituent pas un discours chiffré qu’il s’agirait de décrypter.

- si l’allégorie relève de la métaphore (elle met une chose à la place d’une autre), la parabole est une comparaison qui doit être comprise dans sa totalité (et non pas dans chacun de ses détails). la parabole transfère une évidence du plan matériel au plan moral ou religieux.

- la parabole de Jésus est un moyen d’enseignement qui démontre le génie pédagogique du maître apte à faire saisir aux foules les réalités spirituelles à partir de l’observation des faits quotidiens. son modèle

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est la parabole (mais aussi jusqu’à un certain point la fable), définie dans la Rhétorique d’aristote comme un instrument de persuasion.

Jülicher met fin à dix-neuf siècles de lecture allégorique (dominatrice) des paraboles. Du génie et de la subtilité de l’allégorie (allégorèse), Jülicher n’a certes retenu que l’arbitraire. Mais grâce à lui, la parabole n’est plus un film opaque troué de métaphores qui voile une autre réalité. le récit fait sens comme tel : un message ouvert à tous et non pas un code pour initiés.

on redonne aujourd’hui une place à la dimension allégorique du discours parabolique : une parabole, ou une partie de celle-ci, « fonctionne comme une allégorie si, à travers les codes en vigueur dans une certaine culture, (elle) fait comprendre au lecteur qu’avec la signification littérale, il faut aussi considérer une signification non littérale. Disons avec la signification littérale et non pas à la place comme lorsque l’allégorie est réduite à un langage chiffré ».

quoi qu’il en soit de la place à accorder à l’allégorie, l’impulsion donnée par Jülicher ouvre une ère extraordinaire de fécondité. l’approche a été poursuivie, affinée, corrigée, ajustée dans trois directions :

- avec Charles-harold Dodd6, c’est le lien spécifique entre les paraboles et leur locuteur qui est souligné. les paraboles évangéliques sont liées à une personne et à son message. elles ne livrent pas des vérités intemporelles sur Dieu, ou un code de morale, mais ont la prétention d’affirmer la proximité de Dieu dans les paroles et les actes de Jésus de nazareth : ce lien particulier leur donne une tonalité spécifique.

- avec Joachim Jérémias7, c’est l’investigation historique qui est poussée jusque dans ses derniers retranchements : minutieusement décapées de leurs ajouts ecclésiaux, les paraboles sont immergées dans le terreau palestinien qui les a vu naître pour nous faire rencontrer le Jésus historique.

- avec paul ricœur et hans Weder8 c’est l’apport des sciences du langage que l’on fait fructifier pour l’interprétation des paraboles. parce qu’elle est insolite, parce qu’elle joue de ses extravagances, la parabole s’adresse à l’imaginaire. elle fonctionne dans l’ordre poétique. elle n’argumente pas (comparaison), elle convainc (métaphore).

C’est avec l’ensemble de ces apports que nous interprétons aujourd’hui les paraboles. la critique littéraire contemporaine s’accorde avec la tradition gréco-romaine en mettant l’emphase sur l’élément narratif. les paraboles combinent les qualités du récit, de la métaphore et de la brièveté. une parabole doit raconter, dans un espace aussi

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court que possible, une histoire avec un double sens. un sens qui est habituellement clair au niveau de surface de la narration. un autre, et présumé sens plus profond, ou d’autres et possiblement de multiples sens, demeurent cachés à l’intérieur de la complexité de la narration, et ceux-ci mettent au défi ou interpellent le destinataire en vue de l’interprétation. les paraboles nécessitent l’interprétation de l’auditeur en même temps qu’elles l’interprètent.

2. rhétorique greCque et parabole9

Dans sa Rhétorique10, aristote distingue deux catégories de preuves utilisées dans tous les types de discours rhétoriques :

l’exemple (paradigme) qui doit être utilisé de façon inductive. il est divisé en deux classes : « une qui consiste à relier des choses qui sont arrivées avant et l’autre en les inventant. » la première est « l’histoire », la seconde « la fiction ». les exemples « fictifs » sont à nouveau divisés en deux sous-classes : la fable (logos) et la comparaison (parabolê). les fables sont des fictions impossibles ou non réalistes. aristote donne un exemple : « ésope, plaidant à samos pour un démagogue sous le coup d’une accusation capitale, s’exprima en ces termes : “un renard, qui traversait un fleuve, fut entraîné dans une crevasse du rivage. ne pouvant en sortir, il se tourmenta longtemps et une multitude de mouches, de chiens ou tiques, s’acharnèrent après lui. un hérisson, errant par là, l’aperçut et lui demanda avec compassion s’il voulait qu’il lui ôtât ces mouches. il refusa ; le hérisson lui ayant demandé pourquoi : C’est que celles-ci, dit-il, sont déjà gorgées de mon sang et ne m’en tirent plus qu’une petite quantité mais, si tu me les ôtes, d’autres mouches, survenant affamées, suceront ce qu’il me reste de sang. eh bien ! donc, dit ésope, celui-ci, samiens, ne vous fait plus de mal, car il est riche ; tandis que, si vous le faites mourir, d’autres viendront, encore pauvres, dont les rapines dévoreront la fortune publique” » (Rhet., ii, 20, 6). les paraboles sont des fictions possibles ou réalistes. aristote donne un exemple de socrate : « la parabole, ce sont les discours socratiques comme, par exemple, si l’on veut faire entendre qu’il ne faut pas que les charges soient tirées au sort, on alléguera que c’est comme si l’on tirait au sort les athlètes choisissant non pas ceux qui seraient en état de lutter, mais ceux que le sort désignerait ; ou comme si l’on tirait au sort, parmi les marins, celui qui tiendra le gouvernail et qu’on dût, choisir celui que le sort désigne, et non celui qui sait s’y prendre » (Rhet., ii, 20, 4).

la seconde catégorie de preuves est la sentence (enthymème) qui doit être utilisée de façon déductive (raisonnement partant d’une observation). ici, à nouveau, il y a deux classes. une est la maxime (gnômê), par exemple : « il n’y a pas d’homme qui soit

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réellement libre » (ii, 21, 2). une autre est le proverbe (paroimia), par exemple : « voisin athénien » (ii, 21, 12), c’est-à-dire dangereux ou incommode.

pour la rhétorique classique, la parabole est donc un élément de preuve qui tend à forcer la conviction par un exemple convaincant, en l’occurrence une comparaison. la parabole est toujours synonyme d’évidence. elle va donc généralement utiliser le stéréotype, le lieu commun.

avant d’aller plus loin, une question se pose : les paraboles évangéliques sont-elles formellement à rapprocher de la compréhension gréco-romaine ou ne faut-il pas aller voir du côté du monde juif, et tout particulièrement de l’apocalyptique ? il est vrai qu’un passage comme Mc 4, 10-13 (Mt 13, 10-17)11 déploie une compréhension de la parabole en écart avec celle héritée de la rhétorique gréco-romaine : loin de clarifier le discours, les paraboles semblent prononcées en vue de le rendre obscur. on est proche des cercles apocalyptiques : la parabole transmet des mystères en langage crypté dont les élus reçoivent l’explication. il n’en reste pas moins vrai que, comme les paraboles rabbiniques desquelles elles se rapprochent quant à la forme, la plupart des paraboles évangéliques relèvent de l’utilisation du langage imagé à visée pédagogique. De ce point de vue, il est donc légitime de les analyser en regard avec les codes de la rhétorique gréco-romaine dont l’influence était largement répandue dans l’ensemble du monde méditerranéen au premier siècle de notre ère.

3. Deux paraboles évangéliques

3.1. Les ouvriers de la dernière heure (Mt 20, 1-16)l’arrière-plan culturel de la parabole est constitué par la situation de

la Judée au tournant de l’ère chrétienne, caractérisé par la concentration des propriétés entre les mains de quelques propriétaires terriens. au plan économique, à en croire Flavius Josèphe, c’est une période où les famines et les catastrophes naturelles se succèdent, et pour une grande partie de la population, la pression est de plus en plus forte et la situation sociale de plus en plus précaire. on assiste à cette époque à nombre de révoltes dont l’aspect religieux – la guerre juive en est un exemple caractéristique – s’enracine dans une réalité sociale difficile, absolument pas incompatible avec l’essor économique général lié à la Pax Romana et qui profite essentiellement à une minorité dans les cités12. en Judée, « le pays traversait en effet une crise économique grave et le peuple des ouvriers de campagne, anciens petits propriétaires ruinés, s’était multiplié13 ». on peut donc dire que, en son commencement, la parabole utilise un stéréotype : une scène assez classique où l’on campe

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un gros propriétaire (qui a peut-être d’ailleurs profité de l’échec des autres pour s’enrichir) venant embaucher des journaliers. l’image du riche propriétaire est d’ailleurs assez fréquente dans les paraboles de Jésus (Mc 12, 1-11 ; Lc 14, 16-24 ; Mt 25, 14-30…). nous avons donc affaire à une parabole qui part de la réalité des propriétaires fonciers de la Judée du premier siècle.

lecture de la parabole :

v. 1 : l’action démarre avec l’initiative du propriétaire qui sort de son domaine au petit jour pour embaucher. la nature du travail n’intéresse pas le narrateur. seuls entrent en considération la période d’embauche (20, 2-7) et le versement du salaire le soir venu (20, 8-15).

v. 2 : l’auditeur constate qu’un contrat est fixé avec les premiers ouvriers : une journée (12 h) = un denier (tarif usuel).

v. 3 : trois heures plus tard (soit à neuf heures) la même scène se déroule. Mais le récit devient plus flou : « Je vous donnerai ce qui est juste » (v. 4). la formule est ambiguë : qu’est-ce qu’un juste salaire ? toute la tension dramatique se jouera autour de cette question. par cette ambiguïté, le narrateur prépare les éléments qui permettront le déploiement d’une autre logique qui n’est plus celle des règles qui régissent le monde du travail. en effet, dans la logique normale des relations propriétaire/journalier, il aurait été souhaitable que fût précisé ce que le propriétaire entend par « ce qui est juste ».

v. 5 : nouvelle embauche sans précision. le « non-dit » du texte sur les conditions d’embauche augmente l’ambiguïté et laisse l’auditeur induire qu’un contrat a été passé entre les parties.

v. 6-7 : dernière embauche (17 h). un dialogue surprenant puis une embauche.

l’auditeur jusque-là n’a aucune peine à suivre. Chaque détail participe au sens. les « blancs » permettent à l’auditeur de s’impliquer. Clarté de l’exposé (une sortie, deux sorties, des sorties, une dernière sortie). plausibilité : l’auditeur est « embarqué » dans une histoire plausible... pour autant qu’il remplisse logiquement les « blancs » du texte et qu’il n’ait pas trop le temps de méditer sur l’intérêt qu’il y a, pour le propriétaire, d’aller chercher des ouvriers à 17 h ! ou qu’il ne s’interroge pas trop sur le fait que le propriétaire reste dans le flou en ce qui concerne le salaire des autres ouvriers (« ce qui est juste ») et qu’il est pour le moins excessif de demander aux ouvriers de la dernière heure pourquoi ils restent là toute la journée : il n’avait qu’à les embaucher ! en fait, si l’on avait le temps de discuter avec le locuteur de la parabole au moment où il raconte son histoire — mais ce n’est justement pas le cas puisqu’on est entraîné par l’histoire brève et rapide — on pourrait

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l’interroger sur la légèreté sinon l’incohérence d’un propriétaire qui ne semble pas bien mener son affaire !

le soir venu, ordre est donné de payer les ouvriers. l’effet du récit est suscité par le fait de commencer par les derniers, et de les payer le même tarif que ce qui était convenu avec les premiers (les ouvriers intermédiaires n’intéressant plus le narrateur), suscitant ainsi chez eux l’espoir d’un salaire supérieur (v. 10). C’est évidemment le fait de recevoir le même salaire qui va déclencher la colère (v. 11). on se rend alors compte à quel point l’effacement progressif du contrat de travail au cours de la parabole constituait la stratégie narrative de la parabole. l’auditeur est en effet conforté dans ce qu’il considère comme allant de soi : le salaire est en proportion du travail. plus on travaille, plus on gagne. Cette conception de la justice rétributive, l’auditeur l’a imputée au maître qui a dit : « Je vous donnerai ce qui est juste » (v. 4)... Mais qu’entendait le maître par « ce qui est juste » ?

C’est ce que va tenter de montrer le dialogue final (v. 12-15). les deux points de vue sont confrontés. le point de vue des ouvriers est normal et compréhensible : l’égalité (des salaires) est signe d’inégalité (de traitement) (v. 12). le point de vue du maître se caractérise par une triple stratégie : avalanche de questions, recadrage et double contrainte !

a) avalanche de questions. les ouvriers se voient contraints de passer sans cesse d’un sujet à l’autre, sans jamais avoir la possibilité de répondre : le maître parle du salaire (c’était convenu), il parle de lui-même (je fais ce que je veux) puis il parle des états d’âme de son interlocuteur (es-tu jaloux ?).

b) recadrage. il s’opère par le passage de la deuxième à la troisième question. le maître va s’intéresser au juste comportement, plutôt qu’au juste salaire. Mais le recadrage est à la limite de la mystification puisque, à la deuxième question, qui est purement rhétorique, l’auditeur ne peut répondre que « oui » il peut faire ce qu’il veut de son bien, dans la mesure où à la première question, il avait été conduit à répondre « oui » il a fait ce qui était convenu !

c) la double contrainte. C’est la troisième question qui l’illustre : quelle que soit la réponse, elle discrédite l’ouvrier de la première heure : « es-tu jaloux parce que je suis bon ? » s’il répond « oui », il est disqualifié moralement. s’il répond « non », on lui demandera alors pourquoi il proteste.

le résultat est la complète remise en question de l’image du monde de l’auditeur qui perd ses points de repère. une « proposition de monde » (pour reprendre une expression de ricœur) est faite, qui pose une autre compréhension du rapport au travail, mais également

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et surtout peut-être du rapport à soi-même et aux autres. Mais, et c’est ici que dans le contexte spécifique des évangiles, le locuteur des paraboles devient essentiel à l’histoire : ce n’est pas n’importe qui qui fait cette proposition de monde. C’est Jésus au nom du règne de Dieu (« le royaume des cieux est semblable à… »). C’est de la logique du règne dont il est question ici. en d’autres termes, le « patron » n’est pas n’importe quel patron et la réalité décrite ici n’est pas la réalité de ce monde. aucun gros propriétaire terrien ne se risquerait d’ailleurs à fragiliser la logique de rétribution qui permet de maintenir le monde tel qu’il est. le propriétaire mis en scène n’est pas ici un patron « réformiste » qui aurait décidé, par souci de justice sociale d’augmenter le salaire des premiers ouvriers. les ouvriers de la première heure ne sont pas des révolutionnaires marxistes qui proposeraient de confisquer à cet homme sa propriété pour la confier aux ouvriers eux-mêmes dans une logique égalitaire et autogestionnaire. la logique du texte est tout autre : elle implique que chacun a le même droit de vivre indépendamment de sa force ou de sa quantité de travail. Ce que cherche à faire surgir la parabole chez l’auditeur c’est une autre compréhension de Dieu, de lui-même et des autres qui ne soit plus fondée sur une logique rétributive (i.e. humaine) – révolutionnaire, réformiste, libérale ou même religieuse — mais sur une compréhension singulière de la justice qui reconnaît l’autre indépendamment de ses qualités ou propriétés. C’est un changement de système qui est ainsi proposé.

Deux réalités viennent se confronter. le royaume survient dans un monde régi par le rapport performance/gratification. la réalité du royaume est-elle applicable comme règle générale à tous ? le risque est alors qu’elle devienne injuste dans l’ordre de ce monde. C’est ce que ressentent les ouvriers de la première heure qui auraient voulu que s’applique le principe de l’ancienneté : certes, ce qui avait été convenu était juste, mais si c’est donné à tout le monde sans égard à la puissance de travail fournie, alors cela devient injuste.

ou alors la réalité du royaume est-elle de l’ordre de la foi pour quiconque se laisse déplacer par la parabole ? pour le dire autrement : le royaume ne se décrète pas (auquel cas, il trahit son intention en créant l’injustice). il se reçoit dans la foi. pour l’ouvrier de la première heure (Mt 20, 1-16), c’est l’incompréhension de la générosité du maître et l’impossibilité de discerner la réalité nouvelle qui se donne à connaître dans le geste insensé de son employeur : il reste dans une logique de rétribution alors que l’employeur est dans une logique de la surabondance du don qui n’exclut cependant pas la justice. logique du monde d’un côté, logique du royaume de l’autre. l’œil mauvais de l’ouvrier risque de le faire passer à côté de cette réalité nouvelle. À moins que l’on traduise littéralement le v. 15, « ton œil est-il mauvais parce que je suis bon ? » (ô ophtalmos sou ponêros estin hoti egê agathos

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eimi). C’est alors la présence-même du royaume et de sa logique non-comptable qui font apparaître l’œil de l’ouvrier comme malade/mauvais : l’évangile révélant alors le cœur de l’homme pour ce qu’il est, c’est-à-dire en décalage radical avec la logique du règne de Dieu.

excursus. un parallèle rabbinique :

« le saint, béni soit-il, sait quand il est temps pour les justes de quitter ce monde et les enlève (au moment qui leur est destiné de ce monde). quand r. Chija est mort, r. Zeira est monté pour lui adresser ce discours de deuil (en citant) : “Doux est le sommeil de l’ouvrier” (Eccl. 5. 1). il n’est pas dit ici “s’il dort (peu ou longtemps)”, mais “s’il a mangé peu ou beaucoup”. À qui faut-il comparer r. bun b. Chija ? avec un roi qui engagea plusieurs ouvriers. parmi eux il y en eut un qui fut particulièrement zélé. que fit le roi ? il prit cet (ouvrier) et fit avec lui des promenades, longues et courtes. le soir les ouvriers vinrent pour recevoir leur salaire, et le roi donna à celui-ci également le plein salaire (journalier). les ouvriers murmurèrent et dirent : “nous avons travaillé dur toute la journée, tandis que lui n’a travaillé que deux heures et a reçu (malgré cela) son plein salaire comme nous”. le roi répondit : “Cet (ouvrier) a accompli en deux heures plus que vous par une journée complète de dur travail.” ainsi r. bun a accompli, en ce qui concerne l’étude de la torah, plus en 28 ans qu’un autre bon disciple aurait pu apprendre en cent ans » (Talmud Yerushalmi, Berakhot ii, 8, 5c).

sans entrer dans la question de savoir si un texte a pu influencer l’autre14, ce qui importe ici est la différence de perspective entre les deux. elle me semble double. D’une part, la parabole rabbinique est au service du commentaire de la torah tandis que la parabole matthéenne est au service de la proclamation du royaume des cieux. D’autre part, la parabole rabbinique s’inscrit dans une notion de la justice en continuité avec l’éthique des hommes : celui qui a été payé plus le méritait. il n’en va pas de même pour la parabole matthéenne : la justice de Dieu est en décalage avec la justice des hommes. elle met en place une compréhension de Dieu fondée sur la suspension de la justice rétributive de la loi.

3.2. Le juge de l’injustice et la veuve (Luc 18,1-8)15

pour appréhender cette parabole, il nous faut poser une question préalable : la figure du juge injuste est-elle exceptionnelle ou conventionnelle à l’époque ? une investigation historique dans le système judiciaire romain de l’époque16 montre que celui-ci était un cercle fermé d’une élite ambitieuse dont la préoccupation essentielle était d’augmenter son prestige personnel et sa richesse. C’est un édit de Constantin en 331 qui organise et encadre la pratique des juges. C’est

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donc l’ambition qui le plus souvent motive les juges. Ceux-ci ont un cercle d’amis influents pour lesquels ils rendent la justice. plus le juge est d’un niveau modeste, plus il a besoin d’amis haut placés.

on doit supposer que la veuve a déposé une plainte permettant de faire comparaître son adversaire devant le tribunal mais que le juge refuse d’ouvrir une procédure estimant que sa plainte n’est pas fondée. C’était le traitement ordinaire pour les gens modestes : leurs plaintes étaient sans suite. C’est pourquoi on cherchait toujours à se passer du tribunal qui était le dernier recours quand il n’y avait pas d’accord à l’amiable possible. si c’était le cas, le plus riche ou le plus influent l’emportait la plupart du temps (cf. Lc 12, 57-59 : « pourquoi aussi ne jugez-vous pas par vous-mêmes de ce qui est juste ? ainsi, quand tu vas avec ton adversaire devant le magistrat, tâche de te dégager de lui en chemin, de peur qu’il ne te traîne devant le juge, que le juge ne te livre au garde et que le garde ne te jette en prison. Je te le déclare : tu n’en sortiras pas tant que tu n’auras pas payé jusqu’au dernier centime »). Dans ce contexte la démarche de la veuve apparaît inhabituelle : on l’attend discrète et silencieuse, c’est au contraire elle qui réclame justice et fait le siège du juge. elle transgresse ainsi les règles de la société. en outre, la façon dont elle s’adresse au représentant de la justice correspond mieux à la façon dont on s’adresse à un serviteur qu’à un homme à la position élevée qu’est un juge (impératif : « rends-moi justice » : elle ordonne).

l’attitude de la veuve est donc non conforme à l’habitude. elle sort de son rôle en importunant le juge. Dans les exemples contemporains, les femmes tiennent toujours un rôle caractérisé par l’humilité et la déférence. si l’auteur avait voulu accréditer cette image, il avait l’opportunité de mettre en scène une demande au juge avec les formules habituelles de respect : or ce n’est absolument pas le cas. elle est présentée comme peu disposée à accepter le refus du juge. il finit par accepter afin qu’elle ne lui « casse pas la tête » (hina mê eis telos erchomenê hupôpiazê me), c’est-à-dire qu’elle mette en danger sa réputation en venant faire le siège devant chez lui, créant railleries et moqueries à son sujet. la femme est en rupture totale avec les conventions de l’époque. elle n’a rien à perdre, il a tout à perdre. il peut perdre la face, elle n’a aucune place dans la société de son temps. il a peur du ridicule, elle s’en moque. il prononce donc une décision de justice pour se protéger lui-même de toutes sortes sorte de désagréments que pourrait lui causer cette femme. la justice humaine est tenue captive de sa vanité.

Cette parabole burlesque est extrêmement sévère sur le système judiciaire de l’époque, sa vanité et sa fausseté. la cour de justice comme métaphore du Dieu (ou des dieux) qui dirige(nt) et gouverne(nt) est présentée comme une institution injuste. si le juge est une métaphore d’un Dieu tout puissant, autonome et autosuffisant, il est le « juge de

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l’injustice », c’est-à-dire qu’il domine tout et toutes choses : c’est le Dieu qui est au ciel et qui fait mourir et vivre (le Dieu des amis de Job en quelque sorte). et la veuve « casse la tête », elle brise ce Dieu là, elle le ridiculise ! et le commentaire lucanien qui suit la parabole consiste à affirmer que le « seigneur » ne mange pas de ce pain-là ! il n’est pas dans cette logique-là. la prière (v. 1) est un combat, mais un combat non pas contre Dieu mais contre des images de Dieu qui ne sont que les projections de ce que nous vivons dans la société. le fils de l’homme trouvera-t-il de la foi sur la terre (v. 8), c’est-à-dire des hommes et des femmes qui ne sont pas asservis aux logiques de ce monde et, telle la veuve, les conteste et, avec elles, les représentations religieuses de Dieu qui ne sont que des répétitions de ces logiques ?

ConClusion

1. paraboles De Jésus et Contestation De la doxa De la soCiété gréCo-roMaine

en ce qui concerne l’utilisation des paraboles, il convient de marquer un double écart significatif entre la pratique du Jésus des évangiles et la rhétorique antique, et sur le fond et sur la forme.

sur la forme, on assiste à une valorisation d’une figure de style somme toute mineure. quand, dans son Institution oratoire, quintilien17 traite des exemples qu’il convient d’utiliser dans un discours argumentatif, les paraboles figurent à la dernière place, avec les fables, à cause de leur caractère fictif. elles sont censées agir comme exemples seulement imaginaires « sur les cœurs surtout des paysans et des illettrés qui inclinent aussitôt joyeusement à être d’accord avec celui des rhéteurs qui leur a offert le plaisir de telles histoires sans conséquences ». Cette remarque péjorative livre une clé importante pour la force persuasive des paraboles de Jésus. Dans les évangiles, Jésus se sert consciemment et prioritairement d’un genre déprécié des cercles intellectuels. les évangélistes sont ici en continuité avec celui dont ils se font le porte-parole, Jésus lui-même, dont la parole cherchait à atteindre un auditoire de la galilée rurale pour le confronter avec la logique du royaume de Dieu.

sur le fond, nous l’avons amplement souligné tout au long de notre présentation : la comparaison que favorise l’utilisation de la parabole est au service d’une critique implicite de la logique raisonnable des choses et de la doxa de ce monde.

sans doute l’un des secrets de la réussite des paraboles de Jésus est-il leur enracinement profond dans le monde quotidien de leurs destinataires. leurs images proviennent majoritairement de la vie rurale de la palestine et, non seulement reflètent la réalité sociale de façon pertinente, mais surtout invitent à l’appréhender autrement en

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la subvertissant. luc a sans doute ainsi gardé une des qualités premières des paraboles de Jésus : en partant d’un univers commun et connu de tous, elles ont la capacité d’ouvrir à une nouvelle compréhension possible de la réalité, laquelle suppose un nouveau regard sur soi-même rendu possible par l’irruption d’une parole extérieure à la logique de ce monde, même si elle le traverse et semble s’y compromettre. Cette nouvelle compréhension résonne à la fois comme remise en question de la réalité sociale des auditeurs, mais aussi comme ouverture d’un nouveau possible dans un monde verrouillé.

il n’est alors pas exclu que, selon le milieu social auxquels les auditeurs appartiennent, un aspect résonne plus que l’autre. il se pourrait en effet que si, pour l’auditoire du Jésus historique (majoritairement des populations pauvres et rurales de galilée), ce soit l’ouverture d’un nouveau possible dans un monde verrouillé (seule l’élite religieuse y trouvait alors quelque chose à redire), pour l’auditoire de luc (une communauté hellénistique plutôt aisée, à l’image de luc), ce soit d’abord la remise en question d’une vision du monde et de la société gréco-romaine par trop consensuelle.

2. paraboles De Jésus et Contestation De la doxa religieuse Juive

la comparaison entre les paraboles de Jésus et les paraboles rabbiniques montre que les premières participent du monde conceptuel du judaïsme antique et reprennent des motifs que l’on rencontre dans la littérature qu’elle produit. une éventuelle dépendance littéraire entre Jésus et le judaïsme rabbinique n’est cependant ni démontrable ni nécessaire. Jésus et les rabbins puisent dans le même fonds d’images et de structures narratives et les déploient de façon similaire. Malgré l’enracinement commun dans la culture narrative juive, les accents et les intentions diffèrent. les paraboles rabbiniques servent essentiellement l’exégèse de la torah et s’y conforment étroitement. Jésus, par contre, amène ses auditeurs dans un monde fictif pour les ouvrir à son message eschatologique : les paraboles de Jésus traitent en effet du royaume de Dieu qui n’est pas seulement décrit mais rendu présent en tant qu’événement de langage.

en ce qui concerne le contenu, on constate que les grands thèmes des différentes paraboles néotestamentaires, comme la bonté de Dieu accueillant sans limites ceux qui se convertissent et leur offrant le pardon, ne sont pas la propriété exclusive de Jésus mais ont leur pendant dans les paraboles juives. par contre, par rapport aux parallèles rabbiniques, une parabole comme celle de Mt 20, 1-16 se caractérise par des traits particuliers dans la mesure où le destin des pécheurs est mis en scène en comparaison avec celui des justes, appelant à accepter que les marginaux ont également accès au salut, voire qu’ils sont

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prioritaires sur les justes ! l’annonce de la bonté et de la miséricorde de Dieu envers les pécheurs est combinée avec une interpellation adressée aux justes à revoir leur compréhension du monde et à se réjouir avec le Dieu qui renverse leur logique. la protestation attendue contre le message de la parabole est ainsi sapée à la base : la bonté divine n’est pas liée au mérite, elle invite ceux qui se retrouvent dans les ouvriers ayant travaillé toute la journée à une nouvelle vision de la réalité à partir du royaume de Dieu.

les paraboles de Jésus construisent ainsi une tension plus importante chez l’auditeur. parfois, comme dans le cas du gérant infidèle (Lc 16, 1-9), nous trouvons même des héros immoraux pour capter l’attention de façon particulière et impliquant les destinataires profondément dans le récit. la raison n’en est pas l’incapacité des rabbins à élaborer un récit vivant, mais le point de référence et l’intention différente des paraboles. Car la parabole rabbinique, au service de l’argumentation exégétique que suppose le commentaire de la torah exige une argumentation logique du discours. À l’inverse, la parole de Jésus veut gagner l’auditeur à une nouvelle compréhension de la réalité : pour cela, ses paraboles tentent de l’impliquer profondément dans le monde du récit le plus souvent par sa dimension provocatrice. Jésus n’a donc pas inventé l’art de la parabole, mais l’a développé de façon particulière dans le cadre de son appel au royaume de Dieu en l’amenant à une perfection rarement atteinte. Cette constatation n’a nullement besoin d’être soutenue par une dévalorisation des paraboles rabbiniques par rapport à celles de Jésus : simplement, les unes et les autres procèdent de deux logiques différentes. on retrouve alors, d’une certaine manière, le même écart qu’avec la parabole aristotélicienne : si les paraboles rabbiniques visent le commentaire de la torah, et supposent donc une continuité didactique entre le monde et la torah, celles de Jésus ont la prétention inouïe de faire advenir le royaume. elles supposent une discontinuité fondamentale avec le monde, une subversion de sa logique et des stéréotypes sociaux et religieux qui y sont liés.

notes

1. habituellement, on situe la rédaction de l’évangile de Marc dans les années 60-70, et celle des trois autres dans les années 80-90 du premier siècle de notre ère.

2. Certains chercheurs trouvent des parallèles entre les évangiles et le genre de la biographie antique. ils se fondent en particulier sur l’opinion de Justin (Première apologie 66, 3 et 67, 3) qui les présente comme « les mémoires des apôtres » (apomnêmoneuata tôn apostolôn), expression évoquant les Mémorables de xénophon, la biographie de socrate. « les anciens biographes écrivaient souvent avec plusieurs intentions, y compris des intentions apologétiques et

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polémiques. Certains ont écrit pour soutenir (ou pour contester) un système de croyances ou de valeurs que personnifiait le sujet de leurs biographies. il en va de même des évangélistes, dont les récits de la vie et de l’enseignement de Jésus étaient des “documents fondateurs” pour les communautés chrétiennes qui venaient de naître. on peut donc voir dans les évangiles une catégorie particulière ou un sous-ordre de la biographie antique. essentiellement en raison du terme sous lequel ils ont été connus, ils constituent une famille distincte dans la biographie antique » (stanton, 1997, p. 170-171).

3. Marguerat, 1991, p. 12-20 ; Harnisch, 1982, p. 340-366 ; Delorme, 1989.

4. Jülicher, 1888-1899.5. Fusco, 1989, p. 19-60, part. p. 23.6. Dodd, 1977.7. Jeremias, 1962.8. Ricœur, 2001, p. 147-255 ; Weder, 1989.9. Cuvillier, 1993.10. Arstt., Rhet., livres i, ii et iii.11. « quand Jésus fut à l’écart, ceux qui l’entouraient avec les Douze se

mirent à l’interroger sur les paraboles. et il leur disait : “À vous le mystère du règne de Dieu est donné, mais pour ceux du dehors tout devient énigme (parabolê) pour que tout en regardant ils ne voient pas et que tout en entendant ils ne comprennent pas de peur qu’ils ne se convertissent et qu’il ne leur soit pardonné.” et il leur dit : “vous ne comprenez pas cette parabole ! alors comment comprendrez-vous toutes les paraboles ?” »

12. Cf. Theissen, 1978, p. 64-65.13. Bonnard, 2002, p. 292.14. la parabole rabbinique nous est transmise par le talmud, donc dans

une forme beaucoup plus tardive (pas avant le ive siècle de notre ère) que celle de l’évangile de Matthieu. elle est cependant l’aboutissement d’une tradition plus ancienne que l’on peut supposer contemporaine de l’évangile de Matthieu.

15. Cotter, 2005, p. 328-343.16. Harris, 1999.17. Quintilien, L’institution oratoire, les belles lettres, paris, 1975-1980.

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