De Leemans, Hosoi & Takahashi, “Un manuscrit d’Aristoteles Latinus à la National Diet Library,...

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I. RECHERCHES ET NOTES

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I. RECHERCHES ET NOTES

Bulletin de philosophie médiévale 55 (2013), 3-18. DOI: 10.1484/J.BPM.1.103895 © 2014, Brepols Publishers, n.v. All rights reserved.

UN MANUSCRIT D’ARISTOTELES LATINUS À LA NATIONAL DIET LIBRARY, TOKYO, JAPON*

Lorsque l’Aristoteles Latinus fut fondé en 1930 par l’Union Académique Internationale, une des premières entreprises était l’établissement d’un cata-logue de tous les manuscrits contenant l’une ou l’autre traduction médié-vale d’Aristote. Ce projet de catalogage s’avérait un succès : les trois vo-lumes publiés (en 1939, 1955 et 1961) contiennent plus de 2.000 manus-crits et témoignent ainsi de l’impact que l’Aristote latin a eu sur la pensée médiévale1. Il est pourtant clair que le travail est loin d’être achevé : depuis la dernière publication, d’autres manuscrits – intégraux ou fragmentaires – ont été répertoriés et décrits, et bien d’autres suivront encore2.

C’est dans ce contexte que nous présentons ici une description d’un manuscrit latin conservé depuis 1987 dans les fonds de la Bibliothèque Nationale de la Diète (désignée ci-après ‘NDL’ pour National Diet Libra-ry), Tokyo, Japon, l’unique manuscrit latin médiéval de ces fonds. Si à première vue ce manuscrit est absent du catalogue de l’Aristoteles Latinus, il s’identifie – c’est ce que nous nous emploierons à démontrer – avec un manuscrit qui se trouvait, il y a un siècle, dans la collection de la Landesbi-bliothek de Fulda et qui faisait partie de la collection des livres de Joannes Guldin, Domherr de Konstanz au XVe siècle3.

Nous commencerons par un rapport succinct de nos connaissances sur le manuscrit via l’inventaire et la notice établis par la NDL. Puis nous compléte-rons ces informations avec des observations faites à l’occasion de trois autop-sies. Enfin, nous discuterons ce qui est connu de l’histoire de ce manuscrit.

* Nous tenons à remercier tout particulièrement à M. le Professeur Dr. Dieter Harlfinger (Aristoteles Archiv, Berlin) grâce auquel nous avons pu entreprendre et mener ensemble le présent travail. Seuls A. Hosoi et H. Takahashi doivent être tenus pour responsables d’éventuelles fautes matérielles relatives aux données des autopsies (effectuées le 6 février, le 7 décembre 2012 et le 16 décembre 2013).

1 Aristoteles Latinus Codices. Pars prior, ed. G. LACOMBE et al., Roma 1939 (=AL1); Pars Posterior, ed. G. LACOMBE et al., supplementis indicibusque instruxit L. MINIO-PALUELLO, Cambridge 1955 (=AL2); Supplementa Altera, ed. L. MINIO-PALUELLO, Bruges-Paris 1961.

2 Un supplément aux catalogues par Pieter BEULLENS peut être consulté sur hiw.kuleuven.be/dmwc/al.

3 Cf. R. HAUSSMAN, Die historischen, philologischen und juristischen Handschriften der Hessischen Landesbibliothek Fulda bis zum Jahr 1600, Wiesbaden 2000, 46: « Verlust seit 1929 » ; AL1 n° 924: « Codex iste, qui anno 1913 adhuc in Fuldensi Bibliotheca adservaba-tur, non inventus est in recensione facta anno 1929 ».

4 Pieter De Leemans, Atsuko Hosoi et Hidemi Takahashi

Information fournie par la NDL

(1) Le contenu de l’inventaire (en anglais / japonais) et des notices établis par la NDL4 :

Ms. Number : WA42-29. Title: [Organon. De anima] / Aristotelis. Format: 183 leaves (2 cols., 33 lines) ; Parchment ; 305 x 210 mm. Wanting leaf [1]. Date of the manuscript: ca. 14th – early 15th century. Previously owned by Johannes Guldener (or Goldener), Belgian Carmelite. Textura script; written in Paris, work of (at least) 3 scribes. Rubricated. 15 quires of 12 and 14 leaves. Bound in vellum. In case (33 x 25 x 7 cm.) . Contents: Porphyrii Isagoge – Liber predicamentorum – Periermenias – Principiorum – Liber divisionum – Topica Boecii – Topica Aristotelis – Liber elenchorum – Libri priorum – Libri posteriorum – De anima. Language: Latin.

(2) Information en ligne : Ce manuscrit (coté WA42-29) a été présenté au public lors de l’Exhibition of Rare Books of the NDL (National Diet Libra-ry) en juin 1998, à l’occasion du 50e anniversaire de son ouverture. Le site Web présente une image du f. 64r du manuscrit accompagnée d’une brève notice en japonais5.

* * *

Tokyo, National Diet Library, Ms. WA42-296 XIIIe-XIVe s.,7 parchemin, 290/295 x 198/205 mm, surface écrite ca. 152 x

4 La fiche sur le site Web NDL (www.ndl.go.jp) et National Diet Library, Rare Books of the National Diet Library, Tokyo 1998, 42, 58, 73. Les données de cette fiche ainsi que celles du Document NDL (ci-dessous n. 19) semblent baser principalement sur la description établie par Bernard Quaritch, Ltd. (ci-après Quaritch). Nous remercions Mmes Alice Ford-Smith et Ca-milla Szymanowska d’avoir bien voulu nous envoyer une copie de cette description.

5 Image: http://www.ndl.go.jp/exhibit/50/html/catalog/c073.html. 6 Précisons préalablement qu’il n’y a, dans ce manuscrit, aucun foliotage, qu’il soit ancien

ou moderne. Dans ce sens, tous les chiffres arabes de foliotage dans le présent rapport au-raient dû être mis entre < >. Nous répertorions le premier feuillet existant comme f. 1. Ce feuillet est compté comme f. 2 dans le catalogue publié par Venator & Hanstein KG : Auktion 56. Bücher – Manuskripte – Graphik – Volkskunst vom 13. bis 20. Jahrhundert... 12.-15. September 1986 im Kunsthaus Lempertz, Venator & Hanstein, 107-8 n° 910 + 1 planche (ci-après Venator). Pour le lien du ms. NDL avec ce ms. vendu par Venator, voir ci-dessous (Histoire). Nous remercions MM. Joachim Haber et Karl-Heinz Knupfer de Venator & Hanstein, qui ont eu la gentillesse de nous fournir une copie de ce catalogue.

7 Venator, 107, propose la date « um 1300 ». Quaritch, « Paris, circa 1300 and late 14th/early 15th century » ; concernant cette datation de Quaritch voir ci-dessous n. 12.

Un manuscrit d’Aristoteles Latinus à Tokyo, Japon 5

117 mm, 2 cols., 33 lin., 182 ff. ARISTOTELES LATINUS, Œuvres logiques et De anima. Cahiers8. 15 cahiers : 1 senion amputé de son premier feuillet (1-11), 1 senion (12-23), 1 septenion (24-37), 1 senion (38-49), 1 septenion (50-63), 9 senions (64-171), 1 senion amputé de son dernier feuillet (172-182)9.

Signatures : < a > b c d e f g h i k l m n o p notées au crayon, par une main récente, écrites très discrètement dans l’angle inférieur externe du premier recto de chaque cahier. Réclames d’origine (mises par le copiste) dans l’angle inférieur droit du dernier verso des cahiers <a>, c, d et f – o. Par contre, les cahiers b, e et p ne portent pas de réclame comme s’il s’agit là de la fin d’une unité codicologique10. Réglure11. On distingue deux types de réglure dans ce codex : 1° les ca-hiers < a >, b et f – p : schéma le plus simple (4 lignes verticales et 2 lignes horizontales, sans compter les 33 lignes pour texte) correspondant à la codi-fication 00D2 Leroy, 1-1-11/1-1/0/J Muzerelle. La réglure de cette partie est faite en principe à l’encre rouge très claire. 2° les cahiers c-e : schéma le plus complexe (6 lignes verticales et 8 lignes horizontales, sans compter les 33 lignes pour texte) correspondant à la codification 21-1-11 : D/22-22/0/J Muzerelle. Piqûres sont visibles sur les bords de tous les feuillets des ca-hiers c-e, tandis qu’elles sont absentes des autres cahiers. Écriture. « Textura script ». L’inventaire de la NDL (ci-dessus n° 1) men-tionne « work of (at least) 3 scribes »12. Cette supposition ne nous paraît pas impossible : le premier scribe à l’encre brune pour les cahiers < a > et b (ff.1r-23v), le second à l’encre brune claire pour c-e (ff. 24r-63v) ; la cou-leur de l’encre employée dans les cahiers f – p (ff.64r-182v) est brune fon-

8 Information absente du Venator. 9 Le texte du De anima s’achève à la fin de la colonne gauche du f. 182v ; il est donc pos-

sible que le dernier feuillet amputé ait été blanc, au moins en ce qui concerne le texte. Il nous est impossible de déterminer quand ce feuillet fut amputé.

10 D’autre part, une note, à première vue semblable à une réclame, s’observe dans l’angle inférieur droit des ff. 29v, 31v et 56v : ces lettres écrites à l’encre noire très claire et peu lisibles ne semblent pas correspondre au début du feuillet suivant.

11 Information absente du Venator. Nous remercions Jacques-Hubert Sautel (IRHT, Paris) d’avoir bien voulu retrouver les codifications correspondantes à partir des dessins faits par nous sur place.

12 Cf. Venator, 107 : « Zweispaltig geschriebener lat. Text in kleiner ebenmäßiger got. Buchschrift mit tiefbrauner Tinte von einer Hand ; fol. 24-64 von anderer Hand mit hellerer Tinte. » ; Quaritch : « gothic bookhand, brown ink, gatherings iii-v written in a later (late 14 early 15) hand using a lighter brown ink ». D’après Quaritch les autres cahiers (a-b et f-p) datent du XIIIe s. (ci-dessus n. 7).

6 Pieter De Leemans, Atsuko Hosoi et Hidemi Takahashi

cée ; elle est noirâtre vers la fin du codex (apparemment à partir du f. 116r) ; le texte de De anima (ff. 164r-182v) en est un bon exemple. En plus, si on reconnaît, en comparant le f. 64r (cahier f) avec le f. 164r (cahier o)13, l’existence de deux mains différentes – c’est à dire le troisième scribe pour f et le quatrième pour o –, on pourrait même dire, à titre hypothétique, que notre codex a été exécuté par quatre scribes. Annotations. On trouve des annotations abondantes dans les cahiers < a >, b et f – p, surtout dans le De anima, sans doute de main de l’époque14 ; des annotations contemporaines manquent aux cahiers c – e. De nombreux feuillets (partout dans le codex, à commencer par f. 1v) portent des marques oranges de doigt, d’astérisques, etc. pour montrer les endroits im-portants ; il s’agit de la même main ultérieure que nous mentionner ci-dessous concernant les titres courants (Décoration). Décoration. Ms. enluminé. Les lettres initiales de chaque ouvrage15 sont or-nées multicolores (or, bleu, azur, vert, rouge, mauve, carmin, jaune, blanc, etc.) avec des motifs de rinceaux, fleurs, plantes, animaux, personnages, âme (f. 164r), etc. Dans les cahiers < a > et b, les initiales plus petites sont dessinées à la plume en rouge et bleu. Dans le cahier b, les articulations à l’intérieur du texte Periermenias sont marquées aussi d’une initiale dorée (f. 19v). On y trouve aussi des figures logiques de taille moyenne (par exemple f. 22r et v) exécutées en or. Dans les cahiers < a >, b et f – p, la queue de l’haste de la grosse initiale à cadre charpenté fait un crochet et est allongée au long de la ligne inférieure de la surface écrite, tandis que dans les cahiers c – e, la diffé-rence de style saute aux yeux, les sarments élancés et souples de l’initiale d’ouvrage encadrent presque entièrement la surface écrite, sans faire pourtant d’impression de lourdeur (ff. 24r, 32r et 41r). Il nous paraît que l’enluminure des cahiers < a >, b et f – p est de la main d’un ornemaniste alors que celle des cahiers c – e est à attribuer à un autre, venant d’un autre atelier.

Les titres courants sont écrits en rouge et bleu, dans la marge en haut16, dans les cahiers < a >, b et f – p. Par contre, dans les cahiers c et d, ils sont sporadiques et irréguliers (par ex. ff. 24v-25r, 36v-37r, 38v-39r); ils sont notés à l’encre orange, de façon plus ou moins négligée, par une main pro-bablement ultérieure. Aucun titre-courant ne s’observe dans le cahier e.

Notons que le recto du premier feuillet de cahier c (f. 24r) est assez dé-

13 L’image du f. 64r se trouve sur le site Web cité ci-dessus n. 5 ; celle du f. 164r dans le catalogue de Venator sur l’Umschlagseite 2.

14 Cf. Venator, 107 : « Verschiedentlich Marginalien der Zeit ». 15 Voir n. 13. Cette forme d’initiale coïncide avec celle décrite dans AL1 n° 924 ; voir n. 41. 16 Voir le site Web cité ci-dessus n. 5.

Un manuscrit d’Aristoteles Latinus à Tokyo, Japon 7

coloré. Une décoloration semblable se trouve aussi sur f. 41r (le 4e feuillet du cahier d). Reliure. Probablement du XVe siècle. Cuir fauve sur ais de bois, les deux plats rongés et assez abimés par l’âge. Traces de deux fermoirs, de six om-bilics sur les deux plats ; un trou pour la chaîne au sommet du plat supé-rieur. En haut du dos, entre la seconde et la troisième saillie, 3 lignes à l’encre noire : « Organon | De anima | Aristotelis » (en majuscules) ; entre les deux saillies de bas, la trace d’une étiquette (?) ovale avec un reste de signes difficiles à reconstituer.

Au verso du plat supérieur, un feuillet (ca. 280 x 196 mm) collé contre l’ais de bois pose des problèmes: la surface du feuillet qu’on a sous les yeux est le verso (blanc à l’origine) d’un feuillet de manuscrit dont le recto était probablement une page à l’état d’ébauche de début d’un ouvrage ou d’un chapitre, parce qu’on y reconnaît une lettrine de même type que notre ms. NDL : en forme de l’haste allongée et ornée multicolore. Les lignes plus nombreuses que 33 s’observent tant bien que mal, mais il nous est impossible d’en déchiffrer les lettres écrites17.

Collé sur l’extérieur du plat inférieur se trouve un morceau de parche-min (ca. 25 x 170 mm) portant 2 lignes en lettres dorées: « Textus Vetus..[?]..tis Topicor<um > Elencor<um> Pri | or<um > Posterior< um> et … [de Anima ?] A mgro [magistro] Jo. guld. »18. Selon le document de la NDL, « Jo. guld.» indiquerait l’ex-possesseur Johannes Guldener (ou Gol-dener), Carme de Cologne, professeur de logique à l’Université de Paris, mort en Belgique en 1355 ; il semblerait donc que ce manuscrit ait apparte-nu à un établissement carmélite à Bruxelles19. Toutefois, l’histoire s’avère plus complexe, comme nous le montrerons un peu plus loin (Histoire). Contenu. Du point de vue codicologique, les caractéristiques observées jusqu’ici (de Cahiers à Reliure) du manuscrit NDL nous montrent que ce codex est composé de trois unités de cahiers : < a > – b, c – e et f – p. Cette répartition en trois parties se révèle de même en ce qui concerne le contenu, comme nous allons le voir dans ce qui suit.

17 Selon Venator, 107, il s’agirait là d’une trace du premier feuillet perdu : « In vorderen

Spiegel... Umrisse der verlorengegangenen 1. Zierseite im Abklatsch erkennbar ». 18 Il s’agit ici certainement du « Titelstreifen » dont parle Löffler (voir ci-dessous His-

toire). Venator, 108 mentionne seulement la présence de « hs. Pgt-D.schild ». 19 Document soumis au 22e comité de classement comme W – (Réserve de la NDL), mars

1989 (en japonais). Sur Guldener, voir B.M. XIBERTA, De scriptoribus scholasticis saeculi XIV ex ordine Carmelitarum (Bibliothèque de la revue d’histoire ecclésiastique Fasc. 6), Louvain 1931, 34, qui mentionne 1354 comme date de sa mort.

8 Pieter De Leemans, Atsuko Hosoi et Hidemi Takahashi

Partie I (cahiers < a >, b) : Logica vetus (1) PORPHYRIUS, Isagoge, tr. BOETHII20, ff. 1r-6r : [incipit ex abrupto, cap. De specie] post quod non erit alia inferior species.... proprietates que dicta sunt, sed sufficiant etiam hec ad descriptionem [?] eorum communitatisque tradiccionem (sic). (2) ARISTOTELES, Praedicamenta, tr. BOETHII [ed. composita]21, ff. 6r-16v : Equiuoca dicuntur quorum solum nomen commune est, secundum nomen uero ratio substantie diuersa, ut animal homo et quod pingitur.... Forte tamen et alii qui apparebunt modi de eo quod est habere: sed qui con-sueuerunt dici pene omnes enumerati sunt. (3) ARISTOTELES, De interpretatione, tr. BOETHII22, ff. 16v-23v : Primum oportet constituere quid sit nomen et quid sit uerbum, postea quid negatio et affirmatio et enuntiatio et oratio.... Manifestum est autem quoniam et ueram uere non contingit esse contrariam nec opinionem nec contradictio-nem; contraria enim sunt que circa idem opposita sunt, circa idem autem contingit uerum dicere eundem; simul autem eidem non contingit inesse contraria. Explicit liber peryarmemyas (sic). Partie II (cahiers c – e) : Liber sex principiorum et œuvres de Boèce (4) ANONYMUS (PSEUDO-GILBERTUS PORRETANUS), Liber Sex Principio-rum23, ff. 24r-32r : Forma est compositioni contingens, in simplici et inua-riabili essentia consistens.... Est autem quod ui: est secundum naturam moueri, ut ignis. Explicit liber sex principiorum. (5) BOETHIUS, Liber de divisione24, ff. 32r-40v : Quam magnos studiosis

20 PORPHYRII Isagoge, translatio BOETHII et ANONYMI Fragmentum vulgo vocatum Liber

sex principiorum, ed. L. MINIO-PALUELLO et B.G. DOD (AL I.6-7), Bruges-Paris 1966, 1-31. 21 Categoriae vel Praedicamenta. Translatio BOETHII – Editio composita. Translatio

GUILLELMI DE MOERBEKA Lemmata e SIMPLICII commentario decerpta. PSEUDO-AUGUSTINI Paraphrasis Themistiana, ed. L. MINIO-PALUELLO (AL I.1-5), Bruges-Paris 1961, 47-79. Selon Venator, 108, les ff. 2r-17v – f. 1 étant le folio perdu – contiendraient « Isagoge in Aristotelis praedicamenta ».

22 De interpretatione vel Periermenias. Translatio BOETHII, ed. L. MINIO-PALUELLO; Translatio GUILLELMI DE MOERBEKA, ed. G. VERBEKE, rev. L. MINIO-PALUELLO (AL II.1-2), Bruges-Paris, 1965, 5-38.

23 PORPHYRII Isagoge, translatio BOETHII et ANONYMI Fragmentum vulgo vocatum Liber sex principiorum, ed. MINIO-PALUELLO et DOD (AL I.6-7), 33-59. Venator, 108, dit à tort que ce texte finit au f. 31r .

24 ANICII MANLII SEVERINI BOETHII De divisione liber. Critical edition, Translation, Prolegomena and Commentary by J. MAGEE (Philosophia Antiqua 77), Leiden-Boston-Köln 1998. Venator, 108, dit à tort que ce texte commence au f. 31r .

Un manuscrit d’Aristoteles Latinus à Tokyo, Japon 9

afferat fructus scientia dividendi, quamque apud perypatetycam discipli-nam, semper hec fuerit in honore notitia.... Ac de diuisione quo omni quan-tum introductionis breuitas patiebatur, diligenter expressimus. Explicit liber diuisionum. (6) BOETHIUS, De differentiis topicis25, ff. 41r-63v : (in margine, alia manu) Incipiunt libri thopicorum Boecii. (texte) Omnis ratio disserendi, quam logicem Peripatetici ueteres appellauerunt, in duas partes diuiditur, unam inueniendi, et alteram iudicandi.... Quo modo autem de his dialecticis ratio-nibus disputetur, in his commentariis quos in Aristotelis Topica a nobis translata conscripsimus expeditum est. Explicit liber quartus topicorum Boecii et per consequens tota uetus logica. Partie III (cahiers f – p) : Logica nova, De anima (7) ARISTOTELES, Topica, tr. BOETHII26, ff. 64r-102v : (63v, alia manu) Incipit liber thopicorum Aristotelis. (64r) Propositum quidem negotii est methodum inuenire a qua poterimus sillogizare de omni probleumate ex probabilibus.... in quibus minimis habundantes ad plurima utiles habebi-mus. Hee uero sunt uniuersales, et ad quas habundare difficile est continuo. Explicit liber thopicorum Aristotelis. (8) ARISTOTELES, De sophisticis elenchis, tr. BOETHII27, ff. 103r-115v : De sophisticis autem elenchis et de his qui uidentur elenchi, sunt autem paralo-gismi sed non elenchi dicemus.... Si autem uidetur considerantibus nobis ex his que in principio essent habere ars sufficienter supra alia negotia que ex traditione adaucta (M2 : addenda M1) sunt, reliquum erit omnium nostrum (M2 : vestrum M1) aut eorum qui audierint opus, omissis quidem artis indul-tionem, inuentis autem multas habere grates.28

25 Patrologia Latina 64 (1847), 1173-1216. En marge du f. 41r, une main récente ajoute

au crayon « de differentiis topicis Migne 64, 1174 ». 26 Topica. Translatio BOETHII, Fragmentum Recensionis Alterius et Translatio ANONYMA,

ed. L. MINIO-PALUELLO et B.G. DOD (AL V.1-3), Bruxelles-Paris 1969, 5-179. 27 De sophisticis elenchis. Translatio BOETHII, Fragmenta Translationis IACOBI et Recen-

sio GUILLELMI DE MOERBEKE, ed. B.G. DOD (AL VI.1-3), Leiden-Bruxelles 1975, 5-60. Tandis que l’explicit correspond pour la plus grande partie à la traduction de Boèce, deux leçons semblent indiquer l’influence de la traduction attribuée par Dod à Jacques de Venise : « nostrum » (Boèce : « vestrum », cf. la leçon de la première main) ; aut (Boèce : « vel »). L’attribution de ce dernier texte, dont il ne reste que des fragments, à Jacques de Venise a été mise en doute ; au fait ces fragments pourraient provenir d’une deuxième recension faite par Boèce lui-même.

28 Le texte est suivi d’un colophon que nous n’avons pu déchiffrer sauf quelques mots « hic liber... benedictu[s?] Amen. », et de deux lignes presqu’effacées. La couleur de l’encre brune employée pour ce colophon est plus claire que celle du texte et les traits de la plume

10 Pieter De Leemans, Atsuko Hosoi et Hidemi Takahashi

(9) ARISTOTELES, Analytica priora, tr. BOETHII29, ff. 116r-144v : Primum quidem dicere est circa quid et de quo est intentio, quoniam circa demons-trationem et de demonstratiua disciplina.... est ergo naturas cognoscere in prima quidem figura medium priori extremitati conuerti, in tertium autem transcendere et non conuerti, ut sit ‘fortitudo’ in quo A, ‘summitates ma-gnas’ in quo B, C autem ‘leo’. Ergo cui C, B omni, sed et aliis. Cui autem B, A omni et non pluribus, sed conuertitur; si autem non, non erit unum unius signum. (10) ARISTOTELES, Analytica posteriora, tr. JACOBI30, ff. 144v-163v : Om-nis doctrina et omnis disciplina intellectiua ex preexistenti fit cognitione.... et principium principiis, hoc autem omne similiter se habet ad omnem rem. (11) ARISTOTELES, De anima, tr. GUILLELMI DE MORBEKA31, ff. 164r-182v : Bonorum honorabilium noticiam opinantes magis autem alteram.... Linguam autem habet quatinus significet aliquid alteri. Explicit liber de anima secundum nouam translationem. Deo gratias.

A la suite de l’explicit, f. 182v contient, dans la colonne droite, le can-tique « O gloriosa domina » suivi d’un colophon peu lisible et dont une partie est effacée32. Commentaire. Le manuscrit s’avère donc pour la plus grande partie un typique corpus de logique du moyen âge tardif, dans lequel la logica vetus (au début) et la logica nova (à la fin) sont combinées avec le Liber sex principiorum et deux œuvres logiques originales de Boèce33. Si cette com- sont plus fins. Il semble que la main qui a écrit ce colophon est l’auteur de certaines correc-tions interlinéaires dans le texte (e.g. les leçons M2 dans l’explicit).

29 Analytica priora. Translatio BOETHII (recensiones duae). Translatio ANONYMA. PSEUDO-PHILOPONI Aliorumque Scholia. Specimina Translationum Recentiorum, ed. L. MINIO-PALUELLO, editio altera adiunctis scholiorum in Analytica priora supplementis a James SHIEL compositis (AL III.1-4), Leiden-New York-Köln 1998, 5-139 (Rec. Flor.) et 143-91 (Rec. Carn.). Notre examen ne nous a pas encore permis de déterminer de quelle version (la Recensio Carnutensis ou la Recensio Florentina) de la traduction de Boèce il s’agit ici. L’incipit correspond plutôt à la Recensio Florentina : dicere est] dicere Flor. : dicere oportet Carn., de quo (= Flor.)] cuius Carn. En revanche, l’explicit suit la Recensio Carnutensis : cognoscere] colligere Flor., quidem figura medium] figura medium quidem Flor., in tertium] in tertia Carn. : tertium Flor., transcendere] transgredi Flor.

30 Analytica posteriora. Translationes IACOBI, ANONYMI sive ‘IOANNIS’, GERARDI et Re-censio GUIILLELMI DE MOERBEKA, ed. L. MINIO-PALUELLO et B.G. DOD (AL IV.1-4), Bruges-Paris 1968, 5-107.

31 SANCTI THOMAE DE AQUINO Sentencia libri de anima, ed. R.-A. GAUTHIER, in S. THOMAE DE AQUINO Opera omnia 45.1 [Ed. Leonina], Roma 1984, 3-258.

32 Cf. Venator, 107: « Am Schluß Eintrag mehrerer Händen ». 33 Sur le corpus logique au Moyen Âge et le rôle de Boèce dans celui-ci, voir (inter alia)

Un manuscrit d’Aristoteles Latinus à Tokyo, Japon 11

binaison est courante, elle n’a pourtant pas été conçue telle quelle dès le début. Notre examen codicologique nous a permis de distinguer trois par-ties distinctes, dont les parties I et III sont plus anciennes et pourraient bien remonter à la même entreprise de confection tandis que la partie II semble être plus récente. Il est donc bien possible que le scribe des cahiers c – e (ou bien son commanditaire) ait scindé un codex plus ancien en deux pour y insérer ces cahiers et pour constituer ainsi une collection d’œuvres logiques plus complète34.

En revanche, la présence du De anima dans un tel contexte est supre-nante, car cette combinaison est assez rare dans les manuscrits de l’Aristote latin. Le tableau suivant montre qu’il s’agit ici de la traduction de Guil-laume de Moerbeke et non celle de Jacques de Venise35 :

NDL, Ms. WA42-29, f. 164r DA I (402a1-4), tr. GUILLELMI DA I (402a1-4) , tr. JACOBI Bonorum honorabilium no-ticiam opinantes magis autem

Bonorum et honorabilium no-ticiam opinantes, magis autem

Bonorum et honorabilium no-titiam opinantes, magis autem

J.P. CASEY, « Boethius’s Works on Logic in the Middle Ages », dans A Compendium to Boethius in the Middle Ages, ed. N.H. KAYLOR and P.E. PHILIPS (Brill’s Companions to the Christian Tradition 30), Leiden 2012, 193-219, 212: « On Division and De topicis diversis were regular, albeit perhaps minor, parts of the university curriculum in the thirteenth centu-ry ». Voir aussi S. EBBESEN, « What Counted as Logic in the Thirteenth Century », dans Methods and Methodologies. Aristotelian Logic East and West, 500-1500, ed. M. CAMERON and J. MARENBON (Investigating Medieval Philosophy 2), Leiden-Boston 2011, 93-107, ici 95: « The backbone of logic was the Aristotelian Organon. Nobody doubted that, and some expressed it by saying that the books of the Organon were de esse logicae. Divisions of logic usually add some of the associated works by secondary authorities, notably Porphyry’s Isagoge, the anonymous Sex principia and one or more of Boethius’ monographs. These were said by some to be de bene esse logicae ».

34 Cette interprétation nous est suggérée par le colophon à la fin du cahier e : « Explicit liber quartus topicorum Boecii et per consequens tota uetus logica ». Ce colophon, qui ne peut référer qu’à la combinaison des textes dans les parties I et II, semble être écrit par la même main qui a écrit le texte des cahiers c – e (voir la photo du site NDL, ci-dessus n. 5) et présuppose donc déjà la combinaison des cahiers a – e. En revanche, le fait que le premier feuillet du cahier c est assez décoloré (voir ci-dessus Décoration), pourrait suggérer que l’ensemble n’a pas été relié tout de suite.

35 Le texte de Jacques de Venise cité ici est celui préparé par J. DECORTE et J. BRAMS et disponible via l’Aristoteles Latinus Database (sur www.brepolis.net). Le texte de Guillaume de Moerbeke est celui de R.-A. GAUTHIER (cité plus haut, n. 31), 3 (incipit) et 258 (explicit). Une comparaison du f. 164r du ms. NDL (reproduit dans Venator) avec l’édition de Gau-thier suggère que le manuscrit est probablement une copie (directe ou indirecte) de l’exemplar parisien (= Np) 402a25-26 in potentia sunt] inv. NDL Np ; 402b6 animalis] ani-mal NDL Np; 402b11 sint] sunt NDL Np ; 402b25 aliquid dicere] dicere aliquod NDL : dicere aliquid Np. En revanche, à 402b11, NDL a « ab invicem », contrairement à Np (« ad invicem »).

12 Pieter De Leemans, Atsuko Hosoi et Hidemi Takahashi

alteram altera aut secundum certitudinem aut in eo quod meliorum quidem et mirabi-liorum est, propter utraque hec hystoriam rationabiliter utique in primis ponemus.

alteram altera aut secundum certitudinem aut ex eo quod meliorum quidem et mirabi-liorum est, propter utraque hec anime ystoriam rationa-biliter utique in primis po-nemus.

alteram altera que est secun-dum certitudinem aut ex eo quod meliorum que et mira-biliorum, propter utraque hec anime historiam rationabiliter utique in primis ponamus.

NDL, Ms. WA42-29, f. 182v DA III.13 (435b19-25), tr.

GUILLELMI DA III.13 (435b19-25), tr. JACOBI

Alios autem sensus habet animal, sicut dictum est, non propter esse, sed propter bene, ut uisum est, quia in aere et aqua, ut uideat. Omnino autem quoniam in dyafano. Gustum habet propter delecta-bile et triste, ut senciat quod in alimento et concupiscat et moueatur. Auditum ut signifi-cetur aliquid ipsi. Linguam autem habet quatinus signifi-cet aliquid alteri. Explicit lib’ de anima secundum nouam translationem. Deo gratias.

Alios autem sensus habet animal, sicut dictum est, non propter esse, set propter bene, ut uisum, quia in aere et aqua, ut uideat, omnino autem quoniam in dyafano; gustum autem habet propter delectabile et triste, ut senciat quod in alimento et concupi-scat et moueatur, auditum autem ut significetur aliquid ipsi, linguam autem habet quatinus significet aliquid alteri.

Alios autem sensus habet animal, sicut dictum est, non propter esse, sed bene; ut visum, quia in aere et aqua est, ut videat, aliter autem, quia in lucido est; gustum que propter dulce et ama-rum, ut sentiat in alimento et desiderio et moveatur; audi-tum autem, ut significet aliquid sibi ipsi; linguam vero quatinus significet aliquid alteri.

* * *

Histoire du manuscrit

Les circonstances de l’acquisition du manuscrit par la NDL sont assez claires. Le manuscrit a été acquis à Bernard Quaritch Ltd. à Londres, en 1987, par l’intermédiaire de Maruzen Company Ltd.36, à une époque où la bibliothèque disposait de crédits abondants. Au verso du plat supérieur figurent, en plus de celle de la NDL, deux estampilles qui indiquent respec-tivement la date d’enregistrement « 63.1.22 » (63e année de l’Ere Showa = 1988. janvier. le 22) et le numéro d’enregistrement « 87Y18479 ». En outre, on voit en haut dans la marge de droite, la cote actuelle « WA42-29 » inscrite au crayon.

D’autres données figurant dans le manuscrit sont plus difficiles à inter-préter : 1° on trouve aussi au verso du plat supérieur les chiffres « 56 / 235 », écrits au crayon, probablement de la main d’un libraire ; 2° en haut

36 Document NDL (en japonais) : « Koku-To Shû, no 175 » daté du 1er décembre 1987. Notons aussi que le mois de janvier 1988 appartient à l’année fiscale 1987.

Un manuscrit d’Aristoteles Latinus à Tokyo, Japon 13

du même verso on distingue des indices de style graffiti : 5 lignes écrites à l’encre noire décolorée et partiellement effacées ; elles sont difficiles à déchiffrer et recouvrent en partie le dessin d’un moine qui tend sa main droite37. Faudrait-il y reconnaître, selon le document NDL cité ci-dessus (n. 19) « une autre signature de Jo. Guldener » ? 3° au verso du plat inférieur, se trouvent deux mentions écrites en lettres minimes et peu lisibles : l’une au bout interne, à moitié cachée sous un onglet « Paris 1815 – Le Ma-riage » ; l’autre tout en bas, de style grafitti « biblioth/// ». Il ne nous paraît pas qu’elles soient de mains professionnelles, mais leur signification reste peu claire.

D’où provenait le manuscrit de Quaritch ? En septembre 1986 un ma-nuscrit de la même composition avait été vendu en Allemagne par Venator & Hanstein KG. Or, que ce manuscrit de Venator soit le même que celui de Quaritch ne fait pas de doute quand nous comparons le f. 164r (= le début du De anima, avec une grande initiale historiée représentant une âme) du manuscrit NDL, acheté à Quaritch en 1987, avec la reproduction du même feuillet publiée par Venator en 198638. Toutefois, la description faite par Venator & Hanstein dans son catalogue n’apporte aucune information quant à la provenance du manuscrit – l’existence du morceau de parchemin sur l’extérieur du plat inférieur (ci-dessus Reliure) n’est même pas discutée. En outre pour diverses raisons la maison de vente ne nous informe ni sur le vendeur ni sur l’acquéreur39.

C’est le contenu exceptionnel du manuscrit – une série d’œuvres lo-giques suivie du De anima – qui nous permet enfin de remonter plus loin son histoire. Au fait, le catalogue de l’Aristote latin mentionne sous le n° 924, le ms. « Bibl. Fuldensis, C 3 », qui est d’une composition similaire40.

37 Cf. Venator, 107 : « Im vorderen Spiegel neben einem unleserlichen Eintrag Feder-zeichung eines Mönches ».

38 Le nom de Venator comme vendeur éventuel de ce manuscrit nous a été connu grâce à la Schoenberg Database of Manuscripts (http://dla.library.upenn.edu/dla/schoenberg) qui mentionne sous le n° 31638 un manuscrit, vendu par Venator le 12 Septembre 1986, qui con-tiendrait « Organon De natura animalibus » (De natura animalibus étant une erreur dans la Database, absente dans Venator, 108). Nous remercions Pieter Beullens qui a attiré notre attention à cette description dans la Schoenberg Database.

39 Cf. aussi le courriel électronique du 16 avril 2013 de J. HABER: « Although it may be interesting from a scientific point, we normally do not name an insignificant private prove-nance, unless the object is from an important collection, or it is effective in advertising ».

40 Fulda, Hochschul- und Landesbibliothek, Hs. C 3. La description dans l’AL1 reprend celle du catalogue écrit à la main de la bibliothèque de Fulda. Cette description diffère sur quelques points de celle publiée dans K. LÖFFLER, Die Handschriften des Klosters Weingar-ten, Leipzig 1912, 131 (à laquelle les auteurs de l’AL réfèrent en note en bas de page). Plus

14 Pieter De Leemans, Atsuko Hosoi et Hidemi Takahashi

Il s’agit d’un manuscrit qui appartenait à la bibliothèque du Kloster Wein-garten avant d’être acquis par la Öffentliche Bibliothek (maintenant Hochschul- und Landesbibliothek) de Fulda ; il contenait l’Organon et le De anima et était pourvu d’une décoration semblable à celle du ms. NDL41. Dans ce contexte il est important de noter que ce manuscrit de Fulda a dis-paru entre 1913 et 1929, ce qui en fait un candidat pour l’identification avec le ms. NDL.

Contre cette identification on pourrait citer le fait que la description du Fuldensis dans les catalogues diffère du manuscrit NDL sur quelques points : 1° notons surtout l’absence du Periermeneias42 (voir le tableau ci-dessous) : 2° le Fuldensis contiendrait seulement 180 folios, tandis que notre manuscrit en contient 182 (et même plus à l’origine)43 ; 3° le cata-logue de l’Aristoteles Latinus postule qu’il serait écrit par une seule main44. En outre notre examen sur place ne nous a pas permis de trouver, sur base d’une simple autopsie de l’état actuel du ms. NDL qui est « mancus in ca-pite », d’anciennes cotes : ni de Fulda « C 3 », ni de son ex-possesseur (Kloster Weingarten) « K 38 ».

Catalogue ms. (suivi par AL) LÖFFLER (p. 131) Contenu actuel Isagoge Isagoge Isagoge / Praedicamenta Praedicamenta

récemment une nouvelle description du ms. (déjà perdu à ce moment) a été publiée par R. HAUSSMAN, Die historischen, philologischen und juristischen Handschriften der Hessischen Landesbibliothek Fulda bis zum Jahr 1600, Wiesbaden 2000, 46-47 (cf. http://www.hs-fulda.de/index.php?id=965). Nous remercions Mme Gerda Lobe-Roeder de la Hochschul- und Landesbibliothek, qui a eu la gentillesse de nous fournir un scan du catalogue écrit à la main.

41 AL1 n° 924 : « litteras initiales auro variisque coloribus depictas et hastis paginam cir-cumdantibus elongatas » : comparer avec ce qui a été dit ci-dessus (Décoration).

42 HAUSSMAN, 46, ne spécifie pas le contenu du ms., qu’elle décrit comme « Porphyrius – Aristoteles – Boethius » ; elle donne toutefois quelques informations supplémentaires sur son histoire (voir ci-dessous). Signalons encore que dans AL1 n° 924, 677, « Aristotelis Analyticorum libri interprete Boëthii » de LÖFFLER a été interprété faussement comme référant seulement aux Priora.

43 Le nombre de 180 folios est précisé dans le catalogue écrit à la main, dans AL et dans la description de HAUSSMAN ; en revanche, cette information manque dans la description de LÖFFLER. Comme le premier folio (contenant le début de l’Isagoge) est perdu, le ms. NDL contenait au moins 183 folios. Le dernier cahier est amputé de sa fin ; dans ce cas il est incertain quand le feuillet manquant (vide?) fut coupé.

44 AL1 n° 924 : « una manu exaratus ». Signalons aussi que le catalogue écrit à la main et l’AL mentionnent que le ms. daterait du XIIIe siècle, tandis que HAUSSMANN et LÖFFLER le datent fin du XIIIe, début du XIVe siècle.

Un manuscrit d’Aristoteles Latinus à Tokyo, Japon 15

/ / Periermenias Liber sex principiorum ‘Sex(ti?) liber principiorum’ Liber sex principiorum Liber divisionum Liber divisionum Liber de divisione De differentiis topicis De differentiis topicis De differentiis topicis / Topica Topica De sophisticis elenchis De sophisticis elenchis De sophisticis elenchis Boetius, De Syllogismis / / Analytica Priora ‘Aristotelis analyticorum

libri interprete Boëthii’ Analytica Priora

Analytica Posteriora Analytica Posteriora De anima De anima De anima

Malgré ces différences, l’hypothèse que les deux manuscrits seraient identiques devient très tentante par la remarque suivante de K. Löffler sur l’origine du manuscrit de Fulda : « Nach einem Titelstreifen des Deckels von einem Magister Guld.45 » Or, notre codex NDL a, comme nous avons signalé ci-dessus (Reliure), un morceau de parchemin collé qui indique quelques titres d’œuvres contenues : « Textus vetus[.. ?]tis. Topicor<um> Elencor<um> Pri | or <um> Posterior<um> et [.. de Anima ?..] A mgro Jo. guld. ». Il s’en suit que le ms. NDL ainsi que le Fuldensis appartenaient à ce même Maître « Jo. Guld. » et sont donc très probablement à identifier46.

Reste la question sur l’identité de ce personnage et sur ses livres. Con-trairement à la suggestion de Quaritch acceptée par la NDL dans son inven-taire, il ne s’agit pas du carme belge Johannes Guldener, mais de Johannes Guldin, Domherr de Konstanz au XVe siècle et propriétaire d’une petite collection de livres47. Il s’avère que les bibliothèques de Stuttgart, de Fulda

45 LÖFFLER, Die Handschriften, 131. 46 Du fait que des différences existent, non seulement entre la description que nous faisons

du contenu et celle de LÖFFLER et celle du vieux catalogue écrit à la main, mais aussi entre ces deux dernières, alors que celles-ci se réfèrent sans aucun doute à un même manuscrit, nous déduisons que ces différences s’expliquent par des inexactitudes commises par les auteurs des catalogues précédents.

47 Sur Guldin, voir J. AUTENRIETH, Die Handschriften der Ehemalige Hofbibliothek Stuttgart 3. Codices iuridici et politici (HB VI 1-139) ; Patres (HB VII 1-71), Wiesbaden 1963, 82. Autenrieth signale que Guldin est mentionné dans les regestes des évêques de Konstanz (« n° 9943, 13. Juni 1937 u.ö ») comme « Magister Johannes Guldin in decr. licentiatus » ; qu’en 1462/1463 il était comme chanoine à Isny (« als Chorherr zu Isny »), et qu’il est mort comme Domherr de Konstanz entre le 17 juillet 1469 et le 29 août 1470. Cette information est répétée dans les autres catalogues plus récentes de Stuttgart (Vol. 1.1 par J. AUTENRIETH, V.E. FIALA und W. IRTENKAUF [1968], 9 ; Vol. 4.2 par M.S. BUHL und L. KURRAS [1969], 63 ; Vol. 4.1 par M.S. BUHL [1972], 60 ; Vol. 2.1 par H. BOESE [1975], 79). R. HAUSMANN, Die Theologischen Handschriften der Hessischen Landesbibliothek Fulda bis zum Jahr 1600, Wiesbaden 1992, 116 (ainsi que dans son catalogue

16 Pieter De Leemans, Atsuko Hosoi et Hidemi Takahashi

et d’Isny contiennent (au moins) 19 manuscrits de Guldin48. Ces manus-crits, dont la plupart est de papier et date du XVe siècle49, contiennent une variété d’œuvres théologiques, juridiques, philosophiques. Les manuscrits d’inspiration aristotélicienne y occupent une place particulière : Guldin possédait non seulement (au moins) deux manuscrits avec des traités aristo-téliciens50, mais aussi plusieurs manuscrits avec des commentaires sur pré-cisément ces traités51.

Presque tous les manuscrits de Guldin sont caractérisés par la présence, sur l’extérieur du plat inférieur, d’un morceau de parchemin qui indique le contenu du manuscrit, suivi de ‘a magistro Johanne Guldin’52. Ce dernier cité dans la n. 40) le décrit comme « der Konstanzer Kleriker » avec référence à une autre docu-ment (« Nr. 9277 u.ö ») dans les regestes ; elle réfère aussi aux catalogues de Stuttgart. En 1462 Guldin a fondé une prédicature dans sa ville maternelle Isny ; il a fait, en 1465, une donation supplémentaire à cette fondation dans le but, entre autres, de construire une bibliothèque (voir : H. HOLECZEK, « Bibliothek der Evangelischen St. Nikolaikirche », dans Handbuch der historischen Buchbestände in Deutschland, hrsg. v. B. FABIAN, Hildesheim 2003 [en ligne sur http://fabian.sub.uni-goettingen.de/?Evangelische_St._Nikolaikirche_%28Isny%29]). Ajoutons que le ms. Donaueschingen, Fürstlich-Fürstenbergischen Hofbibliothek, Hs. 620, contient une quittance de 1465 signée par Guldin (cf. K.A. BARACK, Die Handschriften der Fürstlich-Fürstenbergischen Hofbibliothek zu Donaueschingen, Tübingen 1865, 433). Signalons enfin que Guldin est peut-être à identifier avec « Johannes Gulde, licentiatus in decretis, canonicus ecclesie Constanciensis », immatriculé à l’université de Heidelberg le 20 décembre 1446 (cf. G. TOEPKE, Die Matrikel der Universität Heidelberg von 1386 bis 1662, Heidelberg 1884, 251).

48 Y compris le ms. perdu de Fulda (C 3), qui est probablement à identifier avec notre ms. NDL. Tous ces manuscrits (à l’exception du ms. Stuttgart, Württembergische Landesbibl., Cod. HB VII 67) sont énumérés par H. BOESE, Die Handschriften der Ehemaligen Hofbi-bliothek Stuttgart 2.1: Codices Biblici (HB II 1-60), Codices dogmatici et polemici (HB III 1-59), Codices hermeneutici (HB IV 1-36), Wiesbaden 1975, IX n. 3. Malheureusement nous n’avons pu consulter la description des manuscrits conservés à Isny.

49 Le manuscrit le plus ancien associé à Guldin est ms. Fulda, Hs. Aa 50, qui date de la fin du XIIe siècle et contient les Sentences de PETRUS LOMBARDUS : cf. HAUSMANN, Die Theo-logischen Handschriften, 115-17.

50 Le ms. Fulda, Hs. C 3, qui est le sujet de notre enquête, et le ms. Fulda, Hs. C 5, qui contient la Rhétorique et la Politique traduites par GUILLAUME DE MOERBEKE : voir HAUSSMAN, Die historischen, philologischen und juristischen Handschriften, 48-49; AL1 n° 925). Bien évidemment, si le Fuldensis et le ms. NDL ne sont pas identiques, il s’agirait de trois manuscrits.

51 On trouve des commentaires sur la logique dans les mss. Stuttgart, Codd. HB X 2 et X 3 ; le ms. Stuttgart, Cod. HB X 7 contient le commentaire de THOMAS D’AQUIN sur le De anima (cf. M.S. BUHL, Die Handschriften der Ehemaligen Hofbibliothek 4.1, Wiesbaden 1972, resp. 660-61, 662-63 et 666). En revanche, le ms. Stuttgart, Cod. HB VI 99 contient le commentaire sur la Politique de Buridan (cf. AUTENRIETH, Die Handschriften, 93-84).

52 Comme dans le ms. perdu de Fulda et le ms. NDL, le nom Guldin est abrégé « Guld’ » dans le ms. Stuttgart, Cod. HB III 19 (cf. BOESE, Die Handschriften, 79). Dans les mss.

Un manuscrit d’Aristoteles Latinus à Tokyo, Japon 17

ajout s’explique par le fait que, après sa mort, les livres de Guldin sont entrés dans la possession de la Dombibliothek de Konstanz. En 1630, la plus grande partie de cette bibliothèque a été vendue à l’abbé Franz Die-trich de Weingarten ; les livres de Guldin se trouvaient parmi les plus de 300 manuscrits et les plus de 500 livres transportés à Weingarten. Enfin, après la suppression de Weingarten en 1803, ces manuscrits ont été trans-portés vers de diverses bibliothèques, comme la Hofbibliothek de Stuttgart (dont les fonds sont maintenant à la Württembergische Landesbibliothek), la Öffentliche Bibliothek de Fulda et ailleurs53. Le manuscrit dont il est question ici, est donc entré ainsi à la bibliothèque de Fulda et y est resté, sous la cote « C 3 », pendant plus d’un siècle avant de disparaître entre 1913 et 1929 et de réapparaître à Köln chez Venator & Hanstein en 198654. Le présent examen ne nous a malheureusement pas permis d’élucider les vicissitudes du manuscrit durant cette période intermédiaire.

Ces données nous permettent enfin d’apporter une nuance aux répertoires des commentateurs médiévaux sur Aristote de Charles H. Lohr et d’Olga Weijers55. Ces répertoires font mention d’un Johannes Gulde du XVe siècle, qui aurait écrit Questiones veteris et nove logice : « S’agit-il de Johannes Theoderici de Gouda, qui obtint le grade de maître ès arts à Paris en 1410, sous Henricus de Gorkum, ou de Johannes de Gouda, qui fut maître ès arts à Paris en 1446 ? »56 Or, il s’avère que ces Questiones sont contenues dans le ms. Stuttgart, Württembergische Landesbibliothek, Cod. HB X 2, écrit à Paris en 1449 par Clemens de Melnyk « in domo magistri Alberti Scripto-ris ». L’attribution de ce texte à Gulde semble être basé sur la présence sur le Stuttgart, Codd. HB X 5 et 7, le nom est suivi par « canonico » (J. AUTENRIETH, V.E. FIALA und W. IRTENKAUF, Die Handschriften der Ehemalige Hofbibliothek Stuttgart 1.1, Wiesba-den 1968, 9 et 14). En revanche, ce parchemin est absent du ms. Stuttgart, Cod. HB XII 8 (où le lien avec Guldin est spécifié dans une table de matière sur f. 1r ; voir M.S. BUHL und L. KURRAS, Die Handschriften der Ehemaligen Hofbibliothek 4.2, Wiesbaden 1969, 63).

53 Sur l’histoire de la collection de la Dombibliothek, voir W. IRTENKAUF, « Einleitung », dans Bibliophile Kostbarkeiten. Handschriften aus der Konstanzer Dombibliothek, Konstanz 1987. Les vicissitudes de la bibliothèque de Weingarten sont déscrites par LÖFFLER, Die Handschriften, 3-32 : voir les pp. 12-14 pour l’acquisition de la bibliothèque de Konstanz et les pp. 21-32 pour l’histoire de la bibliothèque après 1803. Pour l’histoire de la collection de Fulda, voir HAUSMANN, Die theologischen Handschriften, XII sqq. (voir surtout p. XIX-XXVII sqq. pour les mss. provenant de Weingarten).

54 Voir ci-dessus n. 3. 55 C.H. LOHR, « Medieval Latin Aristotle Commentaries. Supplementary Authors », dans

Traditio 30 (1974), 119-44, ici 139-40 ; O. WEIJERS, Le travail intellectuel à la Faculté des arts de Paris : textes et maîtres (ca. 1200-1500) V. Répertoire des noms commençant par J (suite: à partir de Johannes D.) (Studia Artistarum 11), Turnhout 2003, 81.

56 WEIJERS, Le travail intellectuel, 81; Weijers suit ici les suggestions faites par Lohr.

18 Pieter De Leemans, Atsuko Hosoi et Hidemi Takahashi

plat inférieur de ce manuscrit de la formule désormais connue « disputata veteris et nove loyce Parisiensis. A magistro Johanne Guldin »57. Sur ce sujet nous pourrons être sûrs que le personnage en question est Johannes Guldin et non Johannes Gulde. Guldin n’était qu’un des propriétaires du manuscrit ; il n’était pas l’auteur de ces Questiones. Nous pourrons donc l’éliminer des répertoires cités ci-dessus.

Pieter DE LEEMANS (Leuven) Katholieke Universiteit Leuven

[email protected]

Atsuko HOSOI (Tokyo) Seikei Daigaku

[email protected]

Hidemi TAKAHASHI (Tokyo) Tokyo Daigaku

[email protected]

Abstract: This article offers a description of the manuscript Tokyo, National Diet Library, Ms. WA42-29. This manuscript, purchased in London in 1987, contains Latin translations of Aristotle’s logical works, some original works on logic by Boethius, and William of Moer-beke’s Latin translation of De anima. It is most likely identical with a manuscript of a simi-lar composition that disappeared in the first decades of the twentieth century from what is today the Hochschul- und Landesbibliothek Fulda. The manuscript was once part of the collection of Johannes Guldin, Domherr of Konstanz in the fifteenth century. The sugges-tion that this Guldin was also the author of Questiones veteris et nove logice, preserved in Stuttgart, Württembergische Landesbibliothek, Cod. HB X 2, turns out to be incorrect. Keywords: Aristoteles Latinus, De anima, Fulda, logic, manuscripts, Tokyo.

57 Cf. BUHL, Die Handschriften, 60-61 (formule sur la p. 61). Il n’est pas clair si c’est au

plat inférieur que réfère LOHR, « Medieval Latin Aristotle Commentaries », quand il écrit (140): « Ms. Stuttgart, LB H.B. X.2 (A.L. 1449) f. 3r-196r (Quaestiones in omnes qui ad dialecticam spectant Aristotelis libros [then in a later hand:] veteris et novae logicae disputa-tae Parisiis a Johanne Gulde). » Cette formule, qui est reprise par WEIJERS, Le travail intel-lectuel, 81, ne se trouve nulle part dans la description du manuscrit par Buhl.