Crédibilité de l'information sur Internet

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Crédibilité de l’information sur le web 2.0 Adel Labidi Bibliothécaire de référence Bibliothèque Champlain Université de Moncton Résumé: Avec l’avènement d’Internet et le développement de la technologie numérique qui a créé le web 2.0, l’usager du 21ème siècle est devenu de plus en plus autonome et indépendant aussi bien dans la recherche et la récupération de l’information que dans l’évaluation des résultats. Toutefois, l’implication de l’usager dans tout le processus informationnel a suscité le débat autour de la crédibilité de l’information sur Internet. Comment les outils utilisés sur la toile ont affecté la crédibilité de l’information? Est-ce que l’usager est capable lui-même de déterminer cette crédibilité ? Est-ce que les médiateurs de l’information sont conscients de ce changement? La présente communication essaiera de répondre à ces questions tout en analysant le comportement de l’usager 2.0 et en se focalisant sur la nécessité d’établir un nouveau modèle de prestation du service informationnel. Mots clés : Crédibilité, web 2.0, autorité, fiabilité Introduction Le développement accru des applications du web 2.0 et les différents services proposés ont rendu les internautes autonomes aussi bien dans le processus de recherche de 1

Transcript of Crédibilité de l'information sur Internet

Crédibilité de l’information sur le web 2.0Adel Labidi

Bibliothécaire de référence

Bibliothèque Champlain

Université de Moncton

Résumé:

Avec l’avènement d’Internet et le développement de latechnologie numérique qui a créé le web 2.0, l’usager du21ème siècle est devenu de plus en plus autonome etindépendant aussi bien dans la recherche et la récupérationde l’information que dans l’évaluation des résultats.Toutefois, l’implication de l’usager dans tout le processusinformationnel a suscité le débat autour de la crédibilitéde l’information sur Internet. Comment les outils utiliséssur la toile ont affecté la crédibilité de l’information?Est-ce que l’usager est capable lui-même de déterminercette crédibilité ? Est-ce que les médiateurs del’information sont conscients de ce changement? La présentecommunication essaiera de répondre à ces questions tout enanalysant le comportement de l’usager 2.0 et en sefocalisant sur la nécessité d’établir un nouveau modèle deprestation du service informationnel.

Mots clés : Crédibilité, web 2.0, autorité, fiabilité

Introduction

Le développement accru des applications du web 2.0 et les

différents services proposés ont rendu les internautes

autonomes aussi bien dans le processus de recherche de

1

l’information que dans leurs interprétations de la

crédibilité du contenu. Les opportunités qu’offre le web

2.0 permettent à l’internaute de s’impliquer davantage dans

toutes les étapes de la production, de la diffusion et de

la récupération de l’information sur Internet. Néanmoins,

un débat a été ouvert autour de l’habileté de l’internaute

et de sa capacité à repérer l’information pertinente et à

valider son contenu. Ainsi, le présent article se propose,

d’abord, d’analyser le comportement de l’internaute 2.0 et

son aptitude à déterminer la crédibilité du contenu sur

Internet, surtout dans la présence de « l’infoabondance »,

de « l’infopollution » ainsi que de la « désinformation ».

Ensuite de préciser la notion de crédibilité de

l’information sur Internet en expliquant l’effet de

différents paramètres sur le jugement et le choix de

l’internaute. Enfin, d’expliquer la mutation du concept

« autorité » vers le concept « fiabilité » et son impact

sur le changement de l’attitude de l’utilisateur et bien

évidemment sur le rôle des anciens médiateurs de

l’information.

Contexte socioculturel et technique

Une panoplie de pratiques et d'outils a accompagné et

expliqué la transition de la société industrielle à la

société informationnelle. Avec son essor phénoménal,

Internet se place au premier rang de ces nouveaux outils.

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Il est à la société informationnelle ce que les machines et

les dispositifs mécaniques étaient à la société

industrielle.

Les dispositifs numériques ont été le moteur de ces

transformations accentuées par l'usage du web 2.0 qui a

replacé l'internaute au centre de la Toile. L'internaute

est désormais participant à la création de l'information,

« capable d’émission en plus de la réception » (Quoniam et

Boutet, 2008), un usager qui est passé d'un comportement

passif à un comportement actif et créatif. Qu’est-ce que

alors le web 2.0 et quelles en sont les nouvelles pratiques

informationnelles ?

Le web 2.0 est un terme proposé par Tim O’Reilly qui

« désigne l'ensemble des techniques, des fonctionnalités et des usages du World

Wide Web qui ont suivi la forme initiale du web » (2005). En fait, après

le web statique qui a infligé à l’internaute une position

de récepteur passif, le web 2.0 a offert de plus amples

opportunités à l’internaute pour non seulement recevoir

l’information, mais aussi pour la créer et la partager en

favorisant une possibilité d’interaction avec d’autres

internautes.

En général, la technologie du web 2.0 repose sur deux

principes :

1. Le web 2.0 représente une plateforme informatique à

l’encontre du web statique qui était sous forme d’une

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collection de sites disjoints. À ce stade,

l’internaute utilise le web en tant que service et

non en tant qu’application installée dans son

ordinateur.

2. Le web a favorisé l'émergence de nouveaux outils

conceptuels comme « l’intelligence collective », « le

partage des savoirs » et « l’interopérabilité ». Selon

P. Lévy, l’intelligence collective est « une intelligence

partout distribuée, sans cesse valorisée, coordonnée en temps réel, qui

aboutit à une mobilisation effective des compétences » (Lévy, 2006).

Ce partage d’expertise et cet échange d’idées,

d’expériences et de compétences favorisent une

interaction et une interconnexion entre les

internautes, ce qui peut amener à profiter de cette

« intelligence » et de ce savoir-faire existant sur la

Toile. L’encyclopédie Wikipédia semble être l’exemple

phare de ce phénomène parce que son alimentation est

la responsabilité partagée entre les internautes.

Avec ces deux principes, le web a fourni aux internautes

une possibilité de rencontre, de communication, de partage

et d’interaction. Il importe alors d'appréhender le web 2.0

comme un outil « participatif » ou « collaboratif » (Stephens,

2007).

L’aspect social du web ainsi que sa facilité technique ont

renforcé la position de l’usager dans la chaîne de la

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production de l’information lui rendant désormais capable

non seulement d’accéder aisément à l’information mais aussi

de partager et de produire de la même manière que les

auteurs et les producteurs de l’information sur le Net.

D’ailleurs, les internautes sont désormais capables de

configurer des outils d’agrégation en ligne comme Google

reader, My yahoo…etc. et de créer des portails personnalisés

afin de les partager avec d’autres utilisateurs. Le

développement des logiciels libres et leur abondance sur

Internet a aussi aidé l’usager à passer de la position de

réception passive de l’information vers la position d’un

usager contributif et producteur. En somme, en ayant cette

« autosuffisance informationnelle » et avec les services et

les nouvelles fonctionnalités du web 2.0, l’internaute est

devenu « l’auteur et le gestionnaire d’un point de concentration et

éventuellement de diffusion de l’information » (Piroll, 2010).

Cette responsabilité a ouvert le débat autour de la

capacité et l’habilité de l’utilisateur à exercer cette

fonction vu qu’il se trouve face à une source

informationnelle gigantesque qui dispose d’un contenu

ambivalent permettant à l’utilisateur d’accéder à des

informations de deux sortes : fiables, crédibles et

pertinentes mais aussi erronées, incertaines et non

crédibles.

5

Cela étant dit, il convient de poser les questions

suivantes: Comment les internautes auront la capacité de

bien cibler leurs sources pour accéder à l’information ?

Est-ce que l’utilisateur est capable d’évaluer le contenu

informationnel pour déterminer la crédibilité de

l’information? Ya-t-il d’autres acteurs qui entrent en jeux

lors du processus de la recherche de l’information? Et

quelles seront les solutions pour sauvegarder la

« crédibilité de l’information »  sur Internet?

1. Crédibilité de l’information sur Internet

Plusieurs études statistiques (Lankes, R. David, 2008) ont

démontré l’accroissement du taux de connectivité sur

Internet notamment chez les jeunes. C’est ce qui explique

le développement actuel du « numérique » contrairement au

« physique ». D’ailleurs, les pressions économiques pour

diminuer le coût et réduire le taux d’impression confirment

ce penchant vers le numérique. De plus, la nouvelle

tendance chez les éditeurs et les fournisseurs des journaux

qui ont supporté l’édition des journaux en ligne et les

périodiques électroniques à la place des périodiques

papiers, les maisons et les firmes d’édition des livres qui

ont aussi multiplié l’édition des livres électroniques,

tout cela a encouragé l’utilisateur à consulter davantage

les ressources numériques. Toutefois, Il est important de

s’interroger sur la crédibilité du contenu de ces

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ressources et sur l’habilité de l’usager à atteindre

l’information satisfaisante.

1.1 Définition de la crédibilité

D’après le petit Robert, la crédibilité c’est « ce qui fait

qu’une personne, une chose mérite d’être crue ». Flannigan et Metzger

(2007) pensent que la crédibilité repose sur deux

dimensions : la confiance et l’expertise. La crédibilité

est donc liée d’abord à la source du message ou de

l’information qui devrait être digne de confiance et

ensuite au contenu qui devrait satisfaire l’utilisateur et

répondre à son besoin. Sur Internet la crédibilité devient

un concept clé ayant une importance majeure. Des études ont

précisé certains critères pour évaluer la crédibilité de

l’information (Metzger, 2007 :

Exactitude : qui reflète la pertinence de l’information

qui devrait être authentique, fiable et sans erreur

Autorité : est reliée à la source de l’information

(site Internet) qui devrait être digne de confiance et

recommandée par d’autres utilisateurs

Objectivité : identifie l’objectif et les tendances du

site et si l’information est un fait ou juste une

opinion, si elle est d’ordre commercial ou si elle est

sujet de conflit d’intérêt, etc.

Instantanéité : reliée à l’actualité de l’information

des sites

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Couverture : reflète l’efficacité et la profondeur de

l’information des sites

1.2 Crédibilité : une dimension d’Internet

L’importance du concept vient de la « surabondance

informationnelle »  sur Internet et de l’accès direct

offert à l’usager qui devrait valider le contenu de ce

qu’il a trouvé.

Des études ont démontré que seulement 23% parmi 60% qui

accèdent eux-mêmes aux services web trouvent ce qu’ils

cherchent (Miteko, 2006). Cette défaillance dans la

récupération de l’information est due probablement à

l’incompétence des usagers mais aussi à d’autres paramètres

qui affectent la crédibilité de l’information sur Internet

comme les outils utilisés pour accéder aux réseaux,

notamment logiciel et matériel. Des recherches confirment

que l’environnement numérique peut affecter la crédibilité

de l’information (Lankes, 2008) surtout que les usagers

doivent utiliser ces outils d’Internet pour y accéder. Par

exemple, au moment où l’étudiant lance une requête sur le

moteur de recherche Google et lorsqu’il y aura le résultat

et lira son texte sur la page du site, il croira qu’il est

en train de prendre sa décision vis-à-vis la crédibilité du

contenu de ce texte dépendamment du site web et n’imaginera

guère que le moteur de recherche Google pourrait de même

affecter la crédibilité de son texte. Mais ceci est un

jugement superflu et non fondé. D’abord, parce que l’usager

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concentrera son attention uniquement sur le facteur

technique et évaluera la crédibilité du contenu de son

document en fonction du temps de chargement de la page ou

bien de la capacité de l’outil à afficher les documents

images ou vidéos alors que les concepteurs de moteur de

recherche peuvent installer des filtres ou n’importe quel

outil qui pourrait affecter la crédibilité et induirait

l’étudiant en erreur. L’important est que ces outils soient

invisibles aux yeux de l’étudiant et le jugement de la

crédibilité de la part des usagers est généralement

unidimensionnel lié à ce qui est visible (condition du

site, temps de chargement, qualité de l’affichage…etc.).

Des recherches récentes ont présenté des explications plus

profondes concernant les paramètres qui peuvent affecter la

crédibilité (Lankes, 2008). Selon ces recherches, il est

évident que tous les maillons de l’architecture d’Internet

(Infrastructure, Application, Service d’information,

Utilisation) affectent de près ou de loin la crédibilité

sur Internet.

A. Infrastructure

L’infrastructure d’Internet est composée de hardware

surtout des routeurs, des protocoles (exemple Transmission

Control Protocol/ Internet Protocol) et des organisations

comme le cas des fournisseurs de service Internet. Cette

infrastructure est complètement écartée par les usagers

lors de l’évaluation de la crédibilité de l’information

9

alors que les fournisseurs peuvent bloquer la connexion

d’un point émetteur à un point récepteur avec une

discrétion totale du côté des usagers qui ne peuvent pas

découvrir l’opération. Par exemple quand un étudiant veut

accéder à un site quelconque, le fournisseur bloque ce

site, l’étudiant ne voit que l’indication « site non

trouvé » et il jugera que c’est le serveur qui a causé

cette inaccessibilité et non le fournisseur.

B. Application

L’application représente les programmes qui assurent la

communication entre différents acteurs sur Internet surtout

les moteurs de recherche, le protocole http et le protocole

SMTP. La crainte d’une évaluation erronée de la crédibilité

de l’information vient de l’effet que peut causer ces

programmes. Les filtres de la messagerie à l’instar des

« Spams » est un exemple qui illustre l’implication de ces

applications dans le processus d’évaluation.

C. Service d’information

Le service d’information sur Internet reflète les

organisations et les acteurs qui emploient

l’infrastructure et les applications pour fournir l’accès

informationnel à l’usager, citons Google, Facebook,

Twitter, site web d’une bibliothèque. L’implication de ces

acteurs dans l’évaluation de la crédibilité est importante.

L’affichage des résultats de recherche que ce soit sur les

moteurs de recherche ou sur le catalogue de la bibliothèque

10

et le classement de ces résultats n’innocentent pas ces

acteurs et leur pression sur l’avis de l’usager et sur la

crédibilité de l’information retrouvée.

11

D. Usage

L’usage se rapporte aux utilisateurs (étudiants,

enseignants, clients) qui sont en quête de l’information.

Ils utilisent entre autres Internet pour rechercher et

récupérer l’information désirée. Des statistiques

témoignent la participation des usagers dans la

circulation des informations sur le web 2.0 ((Lankes, 2008,

p.671). 26% des usagers partagent et communiquent avec les

créateurs, 30% d’entre eux utilisent couramment les

services sur le web 2.0 et 34% d’entre eux produisent de

l’information et l’incorporent sur Internet. Mais une

telle participation ne peut en aucun cas garantir une

évaluation raisonnable de la crédibilité, car la plupart

des usagers ne possèdent pas les habilités nécessaires pour

présenter un jugement crédible sur le contenu de

l’information.

En somme, la question de la crédibilité de l’information

sur le Net ne se résume pas dans la pertinence du contenu

mais elle concerne aussi les outils utilisés sur Internet.

L’effet de ces outils sur l’évaluation de la crédibilité

est majeur et important. Devant cette situation, la

position de l’usager par rapport à la crédibilité est

ambivalente : elle est dépendante de ces outils car il

s’avère qu’ils jouent un rôle central dans la détermination

de la crédibilité. Mais elle est aussi indépendante car

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l’usager est amplement impliqué et est devenu créatif avec

ce que offre le web 2.0.

2. Crédibilité : Quel rôle pour l’usager

Comme indiqué ci-dessus, l’avènement d’Internet et surtout

du web 2.0 a permis à l’usager de contribuer à

l’enrichissement du contenu sur le Net non seulement par

la consommation passive de l’information mais aussi par la

production de cette information. L’usager est désormais un

« consomm-acteur » (Quoniam ; Boutet, 2008). De nombreux

producteurs ajustent leurs sites ou interfaces et bien

évidemment leurs services en fonction des commentaires et

des critiques des clients (exemple Amazon).

Toutefois, la situation du « consomm-acteur » indique la

complexité de sa position vis-à-vis la crédibilité de

l’information sur Internet. Son implication et son

indépendance dans la recherche de l’information mais aussi

sa dépendance aux outils utilisés sur Internet ont créé une

sorte de frustration chez les usagers qui se situent entre

deux situations : un « vécu » et un « voulu » :

Le « vécu » est caractérisé principalement par une

technologie de réseaux non participative et une absence

quasi-totale de la transparence. Les critères de la

crédibilité des documents eux-mêmes sont prédéterminés

par les producteurs, les fournisseurs du service

Internet ou bien par les organisations et acteurs du

service de l’information sur le Net. Certaines

13

bibliothèques collégiales et universitaires par exemple

imposent des filtres pour limiter l’accès des étudiants

aux sites Internet de crainte qu’ils accèdent à des

sites prohibés par exemple. Cette façon de borner

l’accès est une forme « autoritaire » et ne donne

aucune responsabilité aux étudiants qui sont le maillon

central du processus de recherche de l’information.

Le « voulu » est caractérisé par une implication

avantageuse de l’usager dans le processus de

circulation de l’information sur Internet. Les produits

« Open Source » et les mouvements qui défendent

l’intérêt de l’usager ont proposé une nouvelle voie de

communication et de « conversation » avec l’usager pour

rendre public par exemple le code source de l’outil ce

qui permet aux usagers techniquement chevronnés de

tester le produit. Cette conception transparente a

permet de redéfinir la crédibilité des outils utilisés

sur Internet qui désormais désigne la transparence au

moment du développement du produit. L’usager aura ainsi

confiance en ce produit et pourra déterminer les

caractéristiques confiantes de l’outil et l’expertise

du créateur qui sont des concepts clés pour définir la

crédibilité.

L’usager en fait est à la croisé des chemins : d’un côté il

est guidé et exclut de toutes les étapes de la production

des outils et n’ayant que le rôle d’un récepteur. De

14

l’autre côté, il est devenu partenaire, producteur et

parfois concepteur non seulement par la production du

contenu sur le web 2.0 mais aussi par son rôle dans la

conception des outils notamment ceux d’ « Open Source ».

Quoi qu’il en soit, le développement de la technologie du

web 2.0 notamment sa facilité d’utilisation et sa

flexibilité technique ont engendré une immense potentialité

aux usagers pour communiquer (émettre des commentaires, des

critiques…etc.), collaborer et enrichir le contenu sur

Internet.

3. De l’autorité à la fiabilité

Le degré de l’implication de l’usager 2.0 en tant que

maillon principal dans la chaine informationnelle a

certainement introduit des changements multidimensionnels :

technologiques, communicationnels, sociaux et même

conceptuels ce qui a imposé un transfert du concept

"autorité" qui était auparavant le concept central dans le

processus de recherche de l'information vers le concept

"fiabilité" qui règne présentement en tant que critère

primordial lors de la validité des résultats de recherche.

3.1 Définition de l’autorité

Historiquement, la notion d'autorité est attachée à

l'obéissance et à la soumission et implique un ordre

15

hiérarchique entre ceux qui détiennent l'autorité et ceux

qui obéissent à cette autorité (ARENDT, 1954). Mais au

moment de l'apparition du web, la notion d'autorité est

devenue un indice clé pour les internautes puisqu'elle sert

à mesurer la pertinence des résultats de recherche obtenus.

Elle est souvent connue sous l'appellation "autorité

informationnelle" (BROUDOUX, 2007) et elle est subdivisée

en quatre sous concepts :

a. Autorité énonciative détenue par l'auteur

(individuel ou collectif) du document sur le web

b. Autorité institutionnelle où le rôle de l'éditeur

est important pour l'usager pour repérer le contenu

pertinent.

c. Autorité du contenu du document lorsque le repère

de l'internaute devient le contenu : genre

(scientifique, littéraire. etc), qualité (restreint

ou détaillé), sources (auteur, programme, etc.) et

publication (wiki, blogs, site officiel, etc), qui

peut influencer le choix des internautes

d. Autorité du support qui est reliée au type du

support publié (type de document électronique,

caractère de la publication, etc).

Bien que la notion de "l'autorité informationnelle"

élargisse le sens traditionnel de l'autorité surtout par la

multiplication des acteurs de l'autorité, elle ne reflète

pas le statu quo du web 2.0 car elle exerce une orientation

16

autoritaire sur l'internaute. De plus, ces différents types

d'autorités ont perturbé l'internaute qui demeure incapable

de choisir et de repérer le contenu jugé pertinent.

3.2 Définition de la fiabilité

La fiabilité est la cohérence de mesure. Une mesure est

considérée fiable si la personne qui a effectué la mesure

aura le même score dans deux reprises consécutives (Hernon,

P; Schwartz, C, 2009). La fiabilité n'est pas un objet de

mesure mais d'estimation. Dans le contexte de la recherche

de l'information, la fiabilité désigne la cohérence du

contenu qui se manifeste dans son exactitude et dans sa

pertinence.

Quoi qu'il en soit, le concept de "fiabilité" se généralise

et s'enracine au moment de la recherche de l'information

sur le web comme un critère indispensable de la crédibilité

du contenu de l'information sur Internet. À contrario, celui

de l'autorité est en voie de disparition. Sa diminution est

due aux raisons suivantes :

- La participation des usagers du web 2.0 dans la

conception de certaines applications et parfois de

l'infrastructure sur le Net a permis de repositionner

l'internaute qui a cessé d'être un utilisateur réceptif

pour devenir un "consom-acteur",

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- La transformation dans la notion de l'autorité lui même

qui était auparavant une seule et unique autorité

désignant la soumission au détenteur de la connaissance.

Mais avec le web 2.0, elle a connu une décentralisation

et une multiplication des autorités (multi-auteurs,

nouveaux intermédiaires comme les bloggers, lecteurs-

auteurs, etc).

- Le renforcement du rôle de l'internaute qui fait partie

de ceux qui détiennent l'autorité.

Cette nouvelle tendance exige une redistribution des rôles

entre les acteurs qui produisent ou diffusent de

l'information. De facto, le lecteur est devenu un lecteur-

auteur, un concepteur d'une application informatique, d'une

infrastructure, etc. Comment les "anciens acteurs" du

domaine de l'information parviennent-ils alors à

poursuivre leur rôle en tant que médiateurs qui offrent une

information pertinente et "fiable" à l'usager en respectant

ses nouvelles qualités? C’est l’objet des sections

suivantes.

4. L’adaptation sinon la disparition

Malgré le changement technique et social qu'a imposé le web

2.0, plusieurs médiateurs de l'information défendent encore

la notion de l'autorité sous sa forme traditionnelle. En

18

début des années 90, avec l’avènement d’Internet, les

bibliothécaires ont amoindri l’importance du phénomène en

prétendant qu’Internet ne dispose point d’une information

pertinente et fiable et jusqu’à l’heure actuelle, certaines

bibliothèques, surtout celles universitaires, ont continué

à rendre leurs services aux usagers sans s’adapter aux

changements de l’époque informationnelle 2.0. Les

institutions d’enseignement et le corps professoral,

notamment ceux du secteur universitaires continuent à

suivre les méthodes traditionnelles d’enseignement, alors

que l’étudiant 2.0 pourrait trouver en ligne des cours,

des manuels et des présentations qui couvrent toutes les

disciplines. Les médecins prétendent, dans la plupart du

temps que c’est eux seules qui détiennent le monopole de la

connaissance en médecine, alors qu’une simple recherche via

Google peut offrir au moins un aperçu global sur la maladie

ou le traitement. Il est devenu inévitable de s’adapter et

de prendre en considération les possibilités de

personnalisation offertes actuellement à l’internaute 2.0.

Autrement, avec l’accès direct à une vaste sources de

données diversifiées, l’usager apprendra au fur et à

mesure, d’une façon formelle ou informelle à chercher, à

repérer et à récupérer l’information car à force de

manipuler ces nouveaux outils sur le web, il sera conscient

de son habilité à trouver ce qu’il cherche et il finira par

développer une expertise et une auto-confiance vis-à-vis

19

la crédibilité de contenu. À ce stade, l’usager ne sentira

plus le besoin d’une autorité parce qu’il sera lui-même

une autorité.

5. Vers un nouveau modèle du service rendu

Afin que les médiateurs de l’information préservent leurs

positions comme auparavant et que les lieux qui abritent

les sources informationnelles comme les bibliothèques

restent au diapason des exigences et des attentes de leurs

utilisateurs, il demeure nécessaire de :

Offrir plus d’opportunités aux usagers pour participer

à « la personnalisation des services qu’ils désirent recevoir et leur donner

les moyens pour y arriver » (Houda Bachisse, Christine Dufour,

2011) en plus de créer des espaces de conversation pour

les usagers comme le cas d’Amazon et de Facebook.

Renforcer l’expertise des médiateurs (bibliothécaires

par exemple) au niveau des technologies de

l’information pour leur permettre de livrer des

services instantanément à jour et de se perfectionner

dans les techniques existantes sur le web 2.0

Enrichir les formations documentaires destinées aux

utilisateurs des bibliothèques en intégrant la notion

de crédibilité de l’information sur Internet, les

éléments qui peuvent l’affecter (Infrastructure

d’Internet, les applications, fonctionnement des

moteurs de recherche, etc.) afin de perfectionner les

20

usagers dans la validation du contenu de l’information

sur le web.

Adapter les services en fonction des besoins

particuliers des usagers.

Somme toute, l’adaptation des services informationnels au

diapason de ce qu’offre la technologie du web 2.0, la

démocratisation de l’autorité qui amène le médiateur à

transformer son mode traditionnel de médiation et de

diction vers un espace de communication, de discussion et

de participation avec l’utilisateur et le renforcement de

l’expertise que ce soit du côté des formateurs ou du côté

de l’utilisateur sont les éléments nécessaires qui

conserveront la confiance des utilisateurs du web 2.0 dans

les institutions sources d’informations et de savoir.

Conclusion

Dans cet article, nous avons essayé de démontrer le

bouleversement qu’a causé le web 2.0, entre autres sur le

comportement de l’usager qui est devenu « autosuffisant »

au niveau informationnel compte tenu de son accès direct

aux sources de l’information à travers Internet. Mais aussi

la dépendance de cet usager aux fournisseurs de

l’information et des outils existants sur Internet a

renforcé la position de l’usager par rapport à la chaine

de production, de diffusion et de récupération de

l’information. Il est devenu apte à trouver de

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l’information et à choisir ce qui l’intéresse. Les

médiateurs de l’information (bibliothèques, institutions

d’enseignement, bibliothécaires, professeurs, etc.) sont

appelés à faire face à ces nouvelles tendances et ce par :

Reconnaitre les habiletés que possèdent les usagers du

web 2.0 qui sont devenus de plus en plus autonomes et

capables de récupérer l’information parfois sans

recourir au médiateur,

« s’ouvrir au client » (Bachisse et Dufour, 2011)

tout en établissant des espaces physiques ou virtuels

de conversation, de communication et de participation

des usagers,

Renforcer l’expertise, surtout ce qui a trait aux

technologies sur Internet et former l’usager pour

qu’il soit apte à valider lui-même le contenu de

l’information.

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