CHARAVINES - LES VASES EN CERAMIQUE

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COPYRIGHTComme pour les éditions sur papier, le contenu de ce DVD a des auteurs et un éditeur qui

doivent être cités quand des références scientifiques ou iconographiques y sont puisées.

Sous la forme suivante :

"Nom de l'auteur" in Les villages néolithiques de Charavines, (dir. A. Bocquet), 2012, DVD.Ed. Fontaine de Siloé, 73800 Montmélian.

Les auteurs de rapports, articles, monographies, photos et illustrations sont nommés.En l'absence de précision, les textes et les illustrations sont de A. Bocquet.

Les plans et coupes sont de Aimé Bocquet, d'après les minutes de fouilles.Les plans d'évolution des villages sont de Aimé Bocquet, d'après les donnéesdendrochronologiques de Christian Orcel, Archéolabs.Les dessins sont de Aimé Bocquet, Richard Doulière, André Houot, Noël Papet, Liliane Ponce

de Léon, Françoise Vin.Les dessins d'animation et de gestes sont de André Houot.Les histogrammes sont de André Papet Lépine.Les cartes de répartition sont de Véronique Fayolle, Alexandre Morin.

Tous les dessins explicatifs des gestes, des matériels et des structures architecturales dus au ta-lent de A. Houot, reposent sur les données précises fournies par l'archéologie : photos, plans au sol,environnement animal et végétal, topographie, etc. Ils sont le résultat des échanges amicaux entre l'ar-tiste et moi-même.

En plus de leurs caractères didactique et illustratif, ce sont de véritables documents scienti-fiques.

A. B.

Couverture : photo Ch. Thioc

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VOLUME 6

LES RÉCIPIENTS 4LES VASES EN CERAMIQUE 5

1 – Trois types de fabrications de vases 52 - Trois grandes catégories de vases 73 – Deux modes de fabrication 104 - Différences entre les deux villages 125 – Il y a des vases avec des particularités uniques 146- Les préoccupations esthétiques ne sont pas de mise 167 - Une vaisselle familiale 178 – Répartition, éclatement et dispersion des tessons 18

Planches de dessins des vases Voir Volume 10

LA VANNERIE 22

DOCUMENTS DANS ANNEXE 2

RapportsEtude minéralogique des chapes argileuses et des céramiques de la station

néolithique des Baigneurs. Résultats préliminaires. par Yves BILLAUD 54Analyses pétrographiques de céramiques. Par Denis RAMESEYER 63Analyse pétrographique de céramique néolithique de Delley/Portalban II

(Canton de Fribourg, Suisse) et de Charavines (Isère, France). Par Christine STURNY et DenisRAMSEYER 66

Provenance et techniques de la céramique du Néolithique final des stations des trois lacs juras-siens (Suisse) (Extrait). Par Atika BENGHEZAL 72

Quelques considérations sur la fabrication du panier de Charavines (Isère)par M. GINET-GODEAU 78

Voir Document A :CARACTÉRISATION TYPOLOGIQUE, ÉTUDE STATISTIQUE ET

RÉPARTITION SPATIALE DE LA CÉRAMIQUE DU SITE NÉOLITHIQUEDE CHARAVINES-LES BAIGNEURS (ISÈRE)par Fabien FERRER-JOLY

(Mémoire de Maîtrise, Université de Paris I, 1986-1988)

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Près de 400 vases ont pu être identifiés et dessinés, soit 200 par village. C'est unnombre important qui témoigne de la persévérance des collaborateurs pendant des années pourretrouver les vases parmi les dizaines de milliers de tessons marqués du triangle et de lacouche.

Grand vase à provision écrasé, à sa sortie de l’eau avec son bloc de sédiments

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LES VASES EN CÉRAMIQUE

1 – Trois types de fabrication des vases

Nous verrons qu'il y a quelques récipients qui sont manifestement importés, donc nonproduits sur le site.

Pour les productions locales, on doit séparer les vases à pâte grossière ou très grossière,ceux à pâte moyenne et ceux à pâte fine et à surface lissée ou même lustrée. La dernière caté-gorie présente en général des formes caractéristiques, à col et c'est celle qui a été exportée ;elle provient surtout du deuxième village.

La mauvaise qualité des vases grossiers est due à la basse température de cuisson de laterre lors de la fabrication. On comprend mieux qu'il était indispensable d'avoir recours auxpierres de chauffe pour faire cuire les aliments car les vases n'auraient pas résisté au contactdirect avec les flammes d'un foyer. A-t-on perdu à Charavines les savoir-faire des siècles an-térieurs où les vases étaient bien cuits ou est-ce seulement une tradition particulière que d'utili-ser des pierres de chauffe ?

Nous pencherions plutôt pour cette hypothèse car il n'y pas de raisons techniques, lespotiers savaient confectionner aussi des vases en pâte fine et moyenne qui semblent bien cuitset qui étaient appréciés puisqu'ils partaient même à l'exportation en Suisse (Lac de Bienne) oudans le Jura (Lac de Chalain) (Sturny et Ramseyer 1984, annexes 2).

Les potiers de Charavines avaient seulement quelques centaines de mètres à faire pourtrouver l'argile verte d'origine glaciaire qui colmate l'extrémité sud du lac, sous quelques dé-cimètres d'alluvions. C'est d'ailleurs, comme on l'a vu, la même argile qui forme les chapesfoyères des maisons.

La température de cuisson (Billaud 1982, Ramseyer 1984, annexes 2) ne dépasse pas 5à 600°. En l'absence de four véritable elle était mal maîtrisée et bien des récipients subissaientsouvent des chocs thermiques très violents qui les faisant éclater ou se fendre. Certains étaientquand même mis en usage après avoir été réparés : entre deux trous creusés au silex de part etd'autre de la fissure un lien palliait le défaut (Pl. 12-2 ; Pl. 18-2).

Sur le sol de la maison 3 de la première occupation quatre grands vases non cuits étaientaplatis sous le poids des sédiments. A l'abri, ils étaient en attente de cuisson, ce qui indiqueque la fabrication de la poterie s'effectuait au jour le jour, le passage au feu étant un ouvragecollectif qui intervenait seulement quand le nombre de pots séchés était suffisant pour justifierl'allumage du foyer à cuire.

La cuisson se faisait dans des fours ouverts et non construits, très probablement hors duvillage en raison des risques importants d’incendie.

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Trous biconiques de réparation d’un vase fêlé.

Technique de la cuisson des vasesà l’air libre. Dessin A. Houot

Ne pouvant pas supporter le feu directement,la chaleur est transmise par les pierres dechauffe, des quartzites qui éclatent au cours deleur utilisation.

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De nombreux vases ont été récupérés entiers ou presque entiers même dans la coucheinférieure, laissés sur place lors du dernier départ des habitants qui ne désiraient pas s'encom-brer de d'un lourd matériel qui pouvait facilement être renouvelé.

2 - Trois grandes catégories de vases

Parmi les 392 vases individualisés il est possible de distinguer trois groupes différen-ciés par la dimension et la qualité de la pâte (Ferrer-Joly 1986-88, voir Document A) :

- les « dolium » les plus très grands (plus de 30 cm de haut) en pâte épaisse et grossièreavec gros grains de dégraissant, de forme cylindrique ou en tonneau comportent tou-jours quatre languettes ou gros boutons sous le bord, nécessaires pour les soulever et àretenir des liens en corde pour les suspendre. Ils servaient au stockage des denrées (Pl.14 à 24). Ils n’ont jamais d’encroûtement interne donc n’ont pas servi à cuire.

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- les vases « à cuire » de dimensions moyennes (de 15 à 30 cm de haut) en pâte géné-ralement moins grossière sont cylindriques, en tonneau, tronconiques ou globuleux.Deux boutons ou languettes facilitent leur prise à deux mains. Beaucoup ont été utili-sés pour cuire la nourriture car les parois internes sont souvent recouvertes d'un en-croûtement noirâtre que beaucoup considèrent comme caractéristique de la cuisson desbouillies (Pl. 2-9 à 12).

- la vaisselle de « table » de plus petites dimensions sont toujours en pâte fine ou assezfine, bien lissée et les formes sont variées : tronconiques, globuleuses, en calotte sphé-rique, parfois cylindriques. De l'écuelle haute à l'assiette basse, de la tasse à boutonunique au petit gobelet, c'est une vaisselle facile à tenir en main pour boire et manger(Pl. 1 à 13).

Grands vasestonneau et cylindrique

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Vases moyens avec ou sans préhension.Généralement encroûtés à l’intérieur, ils ont servi à cuire.

De nombreux petits vases présentent une seulepréhension-butoir, servant à arrêter le poucequand le récipient est posé dans la paume de lamain.Cette tasse ci-contre a été trouvée intacte.

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Ces récipients sont ou non munis de préhensions : boutons unilatéraux, boutons oppo-sés, languettes simples ou doubles.

Ces vases sont complétés, lors de la deuxième occupation, par des « bouteilles »" à colplus ou moins resserré, avec généralement un épaulement, en pâte fine et de contenance tou-jours inférieure à un litre (sauf un) (Pl. 12 et 13). Aucun ne présente d'enduit interne, donc ilsn'ont pas servi à cuire.

Les fonds sont en général plus ou moins arrondis ; sur 392 vases on en a quelques unsdont le fond est faiblement aplatis (Pl. 2-15, 4-7, 10-2, 12-6 et 10, 15-2, 24-2). Un seul fondplat sur une coupe importée (Pl. 1 -16). Les fonds ronds sont plus stables sur des sols inégaux.

3 – Deux modes de fabrication

Il y a deux techniques reconnues facilement sur les tessons pour la très grande majoritédes vases, mis à part ceux aux parois très fines où il est impossible de se prononcer.

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Le montage à la motte est privilégié pour des récipients de faible et moyenne dimen-sion et le montage au colombin est celui de tous les grands vases aux parois épaisses.et aussicelui de récipients moyens.

La bouteille à col rétréci issue d'importation est montée par estampage (Pl.12-1).La finition diffère énormément suivant les vases et toutes les nuances existent entre les trèsgrossières et les très fines et lustrées. On verra la forte proportion de vases aux parois minceset bien finis qui semblent une spécialité de Charavines à comparer à celles de Suisse occiden-tale (volume Annexe 2).

Montage au colombinFinition au lissoir ou racloir de bois

Montage à la motte.On voit sur le vase les traces d'impression aux doigts.

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4 - Différences entre les deux villages

On note immédiatement que les pourcentages des catégories de vases différents beau-coup d'une couche à l'autre, en particulier pour les grands vases silos ou ceux à cuire : lesvases en tonneau sont bien plus nombreux dans le premier village alors que les cylindriques lesont dans le deuxième village.

On mesure ici la rapidité des changements dans les goûts personnels, familiaux et col-lectifs, pour des récipients destinés à la même fonction, réalisés avec les mêmes pâtes, lesmêmes techniques de façonnage et de cuisson.

Là encore, Charavines, avec ses deux couches nettement séparées et leur datation pré-cise, demeure un gisement dans lequel sont possibles des observations uniques et lourdes desens pour le préhistorien. Dans aucun site n’ont pu être montrées avec autant d’évidence cesdifférences aussi rapidement acquises.

Vase à col en pâte fine et lustrée au lissoir de pierre.

Lissoir en roche verte (serpentine ?)

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Les deux diagrammes synthétisent clairement les énormes différences de style et dedimensions des vases entre les deux villages, ceci en deux générations... Ces différences affec-tent peu la vaisselle de « table » mais surtout les vases à cuire et les dolium.

Cette différence entre deux habitats successifs, séparés seulement de 40 ans, oblige àatténuer la valeur que l'on accorde habituellement aux chronologies typologiques fondées surdes stratigraphies terrestres où de si petits écarts de temps ne peuvent pas être déterminés enl’absence de niveau intermédiaire, ce qui est compréhensible vu le faible espace de temps.Dans ces stratigraphies, le mélange des vases dans un même niveau ne permet pas de discernerles variations typologiques dans un écart de trois générations et donne ainsi une fausse imagedes évolutions en regroupant des lots fort différents.

Il en est de même pour l'apparition de forme nouvelle comme les vases " à col" ou "àgoulot" (Pl. 13) qui apparaissent seulement dans le deuxième village.

Ces tableaux de F. Ferrer-Joly présentent l'évolution de l'ouverture des vases, avecen abscisse le diamètre maximal des vases et en ordonnée le rapport entre le diamètre del'ouverture et le diamètre maximum pour les vases fermés et le diamètre du fond pour lesvases ouverts

Ainsi plus le rapport est faible, plus le vase est fermé et à l'inverse, plus le rapportest élevé, plus le vase est ouvert.

Les vases particuliers ou importés ne figurent pas.

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5 – Il y a des vases avec des particularités uniques

Une série de vases en exemplaire unique sont manifestement des importations, avecdes caractères particuliers qui ne se retrouvent pas dans récipients fabriqués sur place :

- une assiette à fond plat dégagé (Pl. 1-16) dont la pâte sableuse était identique à celledes vases qui portaient des anses rostriformes, donc une importation (Que l’on verraplus tard). Autre importation, une assiette en pâte fine et mince.

Anse rostriforme àtenon, lissée noir.Vue en dessus et pro-fil. Couche inférieure.

Unique assiette à fond plat reconsti-tuée et à sa sortie de l'eau. Coucheinférieure.

Assiette en pâte fine et mince, à fond un peubombé.C’est la seule de ce type et de cette pâte.

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J’ai cité les deux seules assiettes très différentes en forme et en pâte, une écuelle ( ?) àdeux anses rostriformes dont la pâte était tellement friable que seul du sable nous est restédans les doigts au moment du dégagement.

Je rajouterai le plus grand dolium cylindrique du site qui porte un cordon lisse horizontalsous le bord, lui aussi trop différent, dans la forme avec les autres vases cylindriques, pouravoir été façonné dans le village (Pl. 15-5).

Des fragments d’un grand dolium portaient aussi un cordon horizontal imprimé de largesdépressions (Pl. 20-1).

Une très belle et unique « bouteille » montée en deux parties : un goulot sur un col évasése raccordait à une calotte. Avant le remontage on voyait que la jonction des deux piècess’était faite par une pression d’un doigt sur pâte plastique, avec retenue extérieure marquée parun « feston » qui en devient décoratif (Pl. 12-1). Le resserrement du col étant intervenu aprèsla jonction des deux parties.

Dessin A. Houot

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6 - Les préoccupations esthétiques ne sont pas de mise

Il y a seulement deux vases décorés dans le premier habitat dont on ignore la forme et ladimension qui devait être moyenne si on en croit les rares tessons : ceux-ci portent des ali-gnements et des zigzags de points imprimés sur pâte fraîche (Pl. 1-18 et 19). Un seul dans ledeuxième niveau : cylindrique, son décor en chevron est formé d'impressions punctiformes(Pl. 15-3), assez semblables à celles qui ornent quelques vases de la civilisation de Horgen enSuisse.

Vase décoré de chevron et de points. Couche supérieure.

Rares tessons décorés (Couche inférieure).:Pointillé en V sous un bord.Points profondément marqués pour former des chevrons.

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A Charavines on n'attachait qu'un intérêt utilitaire aux récipients et l'esthétique n'entraitpas dans les préoccupations... Cette absence de décoration sur la céramique domestique té-moigne d'une tradition particulière à cette période dans les Alpes du Nord, car elle se constateaussi dans d'autres sites régionaux, autour de Grenoble, au bord du Rhône ou sur le lac duBourget.

Ces vases décorés sont fort probablement aussi des importations.

7 - Une vaisselle familiale

La forme des vases est adaptée à leur fonction mais subit aussi les influences de lamode et du goût de leur fabricant ou de leur utilisateur.

L'étude statistique montre que chaque famille avait ses préférences pour certainesformes. L'exemple des maisons 2 et 3 de la première occupation est démonstratif avec unesuperficie équivalente et un nombre de vases voisins :

- dans la maison 2 il y a 64% de bols tronconiques et 36% de bols globuleux alors que dans lamaison 3 la proportion est inverse, respectivement 28% et 72%.

- la maison 3 préfère aussi les récipients de stockage en forme de tonneau (27%) par rapport àla maison 2 (13%). Dans d'autres cas et pour d'autres vases les pourcentages varient mais ja-mais dans de telles proportions.

A l'intérieur même des traditions techniques collectives qui changent suivant les ré-gions et les époques, chaque famille montre donc des goûts spécifiques pour ses récipients ;comme aujourd'hui les "services de vaisselle" étaient très personnels...

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8 – Répartition, éclatement et dispersion des tessons

Deuxième village

Premier village

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Plans A. Morin

Plans A. Morin

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LA VANNERIE (ci-dessous Pl. 8 et Annexe 2)

Les paniers étaient bien semblables à ceux d'aujourd'hui comme celui dont le fond fut laissé sur

le sol au moment du premier départ du village. Les spécialistes à qui il fut soumis ont été étonnés de

son degré de sophistication et ne pensaient pas que leur art avait des racines aussi anciennes (Ginet-

Godeau 1989, ci dessous).

Des récipients fabriqués suivant la technique des boudins de tiges herbeuses maintenus par des

tressages. Il n’en subsiste que des fragments. Ce sont les restes de panier en colombin végétal, tels que

ceux utilisés encore pour conserver le grain bien aéré et au sec. Malheureusement leurs formes et leurs

dimensions ne peuvent pas être reconstituées, seule leur existence est attestée.

D'autres récipients existaient, confectionnés avec les écorces de bouleau et parfois retrouvés

dans les lacs suisses. A cause de leur extrême fragilité, ils sont rarement intacts dans les sites, pourtant

leur présence est fréquemment attestée par des fragments d'écorces cousues.

A Charavines onze morceaux d'écorce ont été dégagés mais sont trop ténus pour permettre d'af-

firmer leur présence.

Fragments de colombin végétal

Récipient actuel

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En son temps ce fond de panier néolithique était le plus ancien de cette taille trouvé en Eu-

rope. On a fait mieux depuis en Suisse… Les bords étaient calcinés ; il reposait donc sur le sol au mo-

ment de l'incendie de la maison 2.

Fond de panier en osier

Détail du centre du panier, montrant lahaute technicité de l’artisan.

Ligature en osier

Panier à sa sortie de l'eau.

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Dessins André Houot