Analyse baropodométrique des séquelles fonctionnelles liées au prélèvement des lambeaux...

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ARTICLE ORIGINAL Analyse baropodométrique des séquelles fonctionnelles liées au prélèvement des lambeaux gastrocnémiens et soléaire Baropodometric analysis of the functional donor-site morbidity after gastrocnemius or soleus muscle-flap procedure G. Lasserre a, * , J.-Y. Cornu a , C. Vidal b , C. Laveaux a , D. Lepage a , L. Obert a , J. Pauchot a , Y. Tropet a a EA 4268 innovation, imagerie, inge ´ nierie et intervention en sante ´ « I4S », IFR 133, Inserm, service d’orthope ´ die, de traumatologie, de chirurgie plastique, reconstructrice et assistance main, po ˆ le innovation et technique chirurgicale, CHU Jean-Minjoz, 2, boulevard Fleming, 25030 Besanc ¸on cedex, France b Centre d’investigation clinique CIT 808, ho ˆ pital Saint-Jacques, CHU de Besanc ¸on, place Saint-Jacques, 25030 Besanc ¸on cedex, France Rec¸u le 24 octobre 2010 ; accepte´ le 23 janvier 2011 MOTS CLÉS Lambeau ; Triceps sural ; Gastrocnémien ; Soléaire ; Séquelles fonctionnelles ; Analyse baropodométrique Résumé Le triceps sural est en chirurgie réparatrice, un site donneur majeur de lambeaux musculaires pour couvrir les pertes de substances de la jambe. Leurs séquelles fonctionnelles ont été très peu étudiées dans la littérature. À partir d’une étude rétrospective sur 14 patients, nous avons réalisé une analyse baropodométrique comparant le membre inférieur lésé au côté sain et une évaluation fonctionnelle par questionnaire. Le score fonctionnel de Kitaoka modifié était bon (87/100). Quatre-vingt-dix pour cent des patients ont pu reprendre une activité professionnelle et deux patients sur trois ont pu reprendre le sport. L’analyse baropodomé- trique ne retrouvait pas de différence statistiquement significative de propulsion et d’amor- tissement entre le côté sain et le côté opéré, mais une modification de la programmation du pas. L’absence de déficit fonctionnel important est probablement liée à une compensation des chefs musculaires restants et/ou à des mécanismes d’adaptations. Notre étude confirme le peu de séquelles fonctionnelles d’un sacrifice partiel du muscle triceps sural. Les lambeaux aux dépens du triceps sural restent une solution de choix pour la couverture des pertes de substances de la jambe. # 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Annales de chirurgie plastique esthétique (2011) 56, 180193 * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (G. Lasserre). 0294-1260/$ see front matter # 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.anplas.2011.01.004

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ARTICLE ORIGINAL

Analyse baropodométrique des séquellesfonctionnelles liées au prélèvement des lambeauxgastrocnémiens et soléaireBaropodometric analysis of the functional donor-site morbidity aftergastrocnemius or soleus muscle-flap procedure

G. Lasserre a,*, J.-Y. Cornu a, C. Vidal b, C. Laveaux a, D. Lepage a,L. Obert a, J. Pauchot a, Y. Tropet a

a EA 4268 innovation, imagerie, ingenierie et intervention en sante « I4S », IFR 133, Inserm, service d’orthopedie,de traumatologie, de chirurgie plastique, reconstructrice et assistance main, pole innovation et technique chirurgicale,CHU Jean-Minjoz, 2, boulevard Fleming, 25030 Besancon cedex, FrancebCentre d’investigation clinique CIT 808, hopital Saint-Jacques, CHU de Besancon, place Saint-Jacques,25030 Besancon cedex, France

Recu le 24 octobre 2010 ; accepte le 23 janvier 2011

MOTS CLÉSLambeau ;Triceps sural ;Gastrocnémien ;Soléaire ;Séquellesfonctionnelles ;Analysebaropodométrique

Résumé Le triceps sural est en chirurgie réparatrice, un site donneur majeur de lambeauxmusculaires pour couvrir les pertes de substances de la jambe. Leurs séquelles fonctionnellesont été très peu étudiées dans la littérature. À partir d’une étude rétrospective sur 14 patients,nous avons réalisé une analyse baropodométrique comparant le membre inférieur lésé au côtésain et une évaluation fonctionnelle par questionnaire. Le score fonctionnel de Kitaoka modifiéétait bon (87/100). Quatre-vingt-dix pour cent des patients ont pu reprendre une activitéprofessionnelle et deux patients sur trois ont pu reprendre le sport. L’analyse baropodomé-trique ne retrouvait pas de différence statistiquement significative de propulsion et d’amor-tissement entre le côté sain et le côté opéré, mais une modification de la programmation du pas.L’absence de déficit fonctionnel important est probablement liée à une compensation des chefsmusculaires restants et/ou à des mécanismes d’adaptations. Notre étude confirme le peu deséquelles fonctionnelles d’un sacrifice partiel du muscle triceps sural. Les lambeaux aux dépensdu triceps sural restent une solution de choix pour la couverture des pertes de substances de lajambe.# 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Annales de chirurgie plastique esthétique (2011) 56, 180—193

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (G. Lasserre).

0294-1260/$ — see front matter # 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

doi:10.1016/j.anplas.2011.01.004

KEYWORDSFlap;Triceps surae;Gastrocnemius;Soleus;Functional donor-sitemorbidity;Baropodometricanalysis

Summary The triceps surae muscle is a major donor-site for muscle-flap to cover soft-tissuedefects of the leg. There are very limited datas on the functional donor-site morbidity in theliterature. From a retrospective study on 14 patients, we realized a baropodometric analysiscomparing the operated lower limb with the healthy non operated side and a functionalevaluation by a questionary. The modified functional score of Kitatoka was good (87/100).Ninety percent of the patients were able to resume a professional activity and 2/3 to resume thesport. The baropodometric analysis did not show statistically significant difference of propulsionand absorption between the healthy side and the operated side, but a modification of theprogramming of the step. The absence of important functional donor-site morbidity is probablybound to a compensation of the remaining triceps surae muscles and/or to mechanisms ofadaptation. Our study confirms the little functional donor-site morbidity of the partial tricepssurae muscle-flap procedure. These flaps remain a good solution for the coverage of the soft-tissue defects of the leg.# 2011 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

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Introduction

Le triceps sural, composé des muscles gastrocnémiens et dusoléaire, joue un rôle important dans la locomotion humaine.Il est sollicité lors de la marche et encore plus lors de lacourse et du saut. Les lambeaux musculaires prélevés à partirdu triceps sural sont utilisés en chirurgie plastique pour lacouverture osseuse ou du matériel d’ostéosynthèse auniveau des deux tiers supérieurs de la jambe [1—16]. Classi-quement, les auteurs ne retiennent pas de séquelle fonc-

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Figure 1 Action du triceps sural pendant la phase d’appui. La conl’appui. L’activité musculaire est maximale (contraction des troistransfert du poids sur l’autre pied.

tionnelle chez les patients dans les suites de ces lambeaux,alors qu’elles n’ont été que très peu étudiées dans la lit-térature [1,17]. Les moyens d’analyse de la locomotionnormale et pathologique ont progressé ces dernières années,notamment grâce aux plates-formes baropodométriques.Nous avons ainsi évalué objectivement, par analyse baropo-dométrique, le retentissement fonctionnel des lambeauxprélevés aux dépens du triceps sural. Les résultats ont puêtre confrontés aux capacités globales, professionnelles etsportives de ces patients après l’intervention.

traction des chefs musculaires n’est pas identique au cours dechefs musculaires) lors de la fin de l’appui pour permettre le

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Figure 2 Les différentes phases d’appui.

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Rôle fonctionnel du triceps sural

La fonction principale du triceps sural est la flexion plantairede la cheville (Fig. 1). Mais le triceps sural est constitué detrois muscles dont les rôles sont différents de part leursinsertions, leurs trajets et leur action musculaire [18—21].Les gastrocnémiens sont des muscles bi-articulaire (genou etcheville) qui participent en se contractant à une stabilisationantéropostérieure du genou. Le soléaire est un muscle mono-articulaire. Il n’a aucune action sur le genou. Il assure lastabilité et la flexion plantaire de la cheville.

Le triceps sural agit essentiellement pendant la périoded’appui du pas. Lors de la marche, il participe à la propulsionet permet l’enchaînement du pas. Cette fonction propulsiveest encore plus sollicitée lors de la course ou lors du saut.Enfin, le triceps sural assure également l’amortissement dupoids du corps (lors de la descente d’une marche ou de laréception d’un saut, par exemple). En effet, l’appui initial sefait sur l’avant-pied, la cheville est en flexion plantaire, letriceps sural freine la flexion dorsale de la cheville provoquéepar le poids du corps.

Analyse baropodométrique

La baropodométrie permet l’analyse observée posturociné-tique en s’intéressant à l’efficience de l’appui (Fig. 2—5). Onpeut ainsi analyser la répartition et l’évolution des pressionsplantaires pendant l’appui (phase taligrade, plantigrade etdigitigrade), le déplacement du centre de pression (CDP) del’appui et les forces de réaction du sol à l’appui. On peut

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Figure 3 Exemple d’acquisition sur plateforme baropodométriqumosaïque d’images instantanées de l’appui permettant de détermplantaires.

comparer des sujets entre eux par normalisation des donnéesacquises par rapport au poids du patient, mais l’un des grandsintérêts de la baropodométrie est de pouvoir comparer lesujet à lui même (pied droit et gauche). Cette comparaisondoit prendre en compte la variabilité intra-individuelle phy-siologique estimée à �5 % [19,22].

L’analyse baropodométrique nous offre ainsi un point devue objectif pour analyser la fonction du triceps sural.

e Winpod1 : marche à une cadence de confort. On obtient uneiner la durée de chaque phase et la répartition des pressions

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Figure 4 Les forces de réaction du sol à l’appui. La force deréaction du sol à l’appui peut être décomposée en un vecteurvertical et horizontal. La plateforme winpod1 enregistre lapression de l’appui et recalcule le vecteur force vertical à partirdu poids du patient.

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Matériel et méthode

Notre étude rétrospective monocentrique incluait lespatients qui avaient bénéficié d’un lambeau musculaire oumusculocutané pédiculé aux dépens du triceps sural. Pourl’évaluation fonctionnelle, le patient était son propretémoin. Le triceps sural controlatéral servait de référence.Nous avons exclu, de l’étude, les patients qui avaientbénéficié d’un lambeau de couverture pour exposition deprothèse de genou ou d’un geste chirurgical secondaireaffectant la fonction du membre inférieur (amputation,prothèse ou arthrodèse au membre inférieur), ceux quiprésentaient un déficit neurologique non lié à la réalisationdu lambeau et les patients qui avaient des lésions notables

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Figure 5 Représentation graphique du vecteur vertical de la forcemarche à cadence de confort. La courbe est dite en dos de chameau acorps et le second correspondant à l’impulsion de la fin de l’appui

associées au traumatisme. Cela afin d’éviter les biais d’ana-lyse. Nous avons étudié les dossiers médicaux, puis nousavons revu tous les patients en consultation, à distance dela prise en charge.

À partir des dossiers, nous avons recueilli les donnéesépidémiologiques (âge, sexe, activité professionnelleantérieure), répertorié les indications et les types de lam-beaux utilisés.

Analyse subjective de la fonction du triceps sural

Lors de la consultation, nous avons évalué la possibilité dereprise des activités professionnelles, sportives, la capacitédes patients à utiliser des escaliers, sauter ou courir. Enfin,nous avons calculé le score modifié de Kitaoka sur 100,proposé par Esnault et Viel ; score qui évalue les capacitésdu blessé du membre inférieur [19]. Le score était classécomme excellent s’il était supérieur à 95, bon lorsqu’il étaitcompris entre 80—94, moyen lorsqu’il était compris entre50—79 et mauvais s’il était inférieur à 50 [23].

Analyse baropodométrique du triceps sural

Nous avons réalisé cette analyse sur une plateforme baro-podométrique Winpod1 (Médicapteurs, France) de40 � 40 cm possédant 2304 capteurs de pression de8 � 8 mm enregistrant à la cadence de 200 Hz (Fig. 6). Lesdonnées recueillies étaient exploitées avec le logiciel Win-pod software 31 (Médicapteurs, France). Nous avons définiun scénario composé d’exercices qui évaluaient le tricepssural au cours de différents mouvements : la marche à vitessenormale, la montée et la descente d’une marche de 15 cm dehauteur et enfin, une impulsion unipodale lors d’un saut libre(Fig. 5, 7 et 8). Ce scénario essayait, en fait, de reproduiredes situations de la vie courante. Nous avons utilisé unprotocole d’acquisition baropodométrique « mid-gait »déjà décrit par Meyers-Rice avec une cadence de marchede confort [24]. Ainsi, la plateforme était placée au centrede la pièce de telle manière que le patient effectuait quel-ques pas avant et après son passage sur le capteur. Nousavons utilisé un mode d’enregistrement dynamique multiple

de réaction du sol à l’appui par le logiciel Winpod software1 :vec un premier pic correspondant à l’amortissement du poids dupermettant d’enchaîner le pas suivant.

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Figure 6 Plateforme baropodométrique Winpod1.

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qui permettait d’enregistrer plusieurs passages sur la plate-forme et de sélectionner ceux qui avaient été correctementeffectués. Nous avons ainsi obtenu la répartition des pres-sions de l’appui au cours du temps, la position du CDP del’appui au cours du temps. À partir des mesures de pression,le logiciel recalculait le vecteur de force vertical de réactiondu sol à l’appui et le représentait sous forme de graphique.Nous avons ensuite normalisée les mesures de pression et deforce en fonction du poids des patients pour pouvoir effec-tuer des comparaisons inter-individuelles.

Nous avons ainsi pu analyser trois facteurs :

� la programmation du pas, correspondant à l’enchaîne-ment des différentes phases caractéristiques de l’appui.Nous avons ainsi analysé le déplacement du CDP. Pourcela, nous avons recherché : la présence de la « virgule »observée sur le trajet du CDP (traduisant un mouvementrapide d’éversion/inversion de la cheville au début del’appui taligrade), la présence des deux phases de ralen-tissement de la progression du CDP au cours de l’appui. Etnous avons recueilli la durée de la phase taligrade, planti-grade et digitigrade (Fig. 3—5, 7—10) ;

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Figure 7 Exemple d’acquisition sur plateforme Winpod1 : marchepied droit et gauche avec représentation de la synthétique de l’em

� la capacité de propulsion du triceps sural, par l’analyse duvecteur vertical de la force de réaction du sol à l’appui(pic F2 normalisé) lors de la marche, de la montée d’unemarche d’escalier et de l’impulsion unipodale d’un saut ;� la capacité d’amortissement du triceps sural lors de la

descente d’une marche. Nous avons mesuré la distance derecul du CDP par rapport à sa position initiale lors ducontact pied-sol. La durée de ce recul par rapport à ladurée totale de l’appui et la pression maximale (Pmax) auniveau du talon (Fig. 11).

La cellule méthodologique et biostatistique du centred’investigation clinique CIT 808 a réalisé une analyse sta-tistique des résultats. Les valeurs ont été appariées deux pardeux (côté sain et côté lésé). Les données quantitatives ontété analysées par le test du signe et les données qualitativespar le test de McNemar. Le seuil de significativité était fixé à5 % ( p < 0,05).

Résultats

Épidémiologie

Nous avons à partir des archives des comptes-rendus opéra-toires du service de chirurgie orthopédique et plastique duCHU de Besançon depuis 1976, dénombré 65 patients ayantbénéficié d’un lambeau pédiculé prélevé au dépend du tricepssural. Quatorze patients ont été finalement inclus dans cetteétude. Trente-cinq patients ont été perdus de vue, 13 patientsont été exclus à partir des données des dossiers pour deslésions associées qui pouvaient altérer la fonction. Troispatients revus ont également été exclus pour des troublesfonctionnels invalidants non liés au prélèvement du lambeau.

à une cadence de confort. Acquisition multi pas (huit passages)preinte de l’appui et des courbes de force.

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Figure 8 Exemple d’acquisition sur plateforme Winpod1 : descente d’une marche à une cadence de confort. Acquisition multi pas(sept et six passages) pied droit et gauche.[()TD$FIG]

Figure 9 Exemple d’acquisition sur plateforme winpod1 : impulsion unipodale. Acquisition multi pas (huit passages) pied droit etgauche. On ne note qu’un pic de force F de propulsion.

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Tous les patients étaient des hommes dont l’âge moyenétait de 34 ans lors de la prise en charge avec des extrêmesallant de 16 à 80 ans. Quatre patients présentaient desantécédents notables : trois étaient tabagiques et un étaitdiabétique et artéritique.

Toutes les indications opératoires étaient post-traumatiques : cinq fractures ouvertes Cauchoix III, sixCauchoix II, une ostéite chronique de jambe compliquantune fracture ouverte et deux pertes de substance isolées.Selon la classification de l’AO, on retrouvait trois fractures

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Figure 10 Analyse du trajet du centre de pression. L’enregis-trement sur plateforme baropodométrique du pas lors de lamarche à cadence normale permet d’étudier la séquence dupas : recherche des deux phases de stagnation du centre depression (entourés en rouge) et la virgule initiale (flèche jaune).

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proximales du tibia (deux classées 41-A2 et une 41-A3), huitfractures du segment diaphysaire (une classée 42-A2, quatre42-A3, une 42-B1 et deux 42-C3). La lésion se situait au tierssupérieur ou au tiers moyen de la jambe (quatre atteintes dela jambe gauche et dix de la jambe droite). Il s’agissait, dansquatre cas, accidents de travail et, dans neuf cas, d’acci-dents de la voie publique.Cinq lambeaux ont été réalisés auxdépens des muscles gastrocnémiens, quatre à partir du chefmédial, un à partir du chef latéral. Aucun lambeau degastrocnémien n’a été dénervé. Neuf lambeaux ont été[()TD$FIG]

Figure 11 Méthode de calcul du recul maximal du centre de prepression est modélisé par la ligne continue blanche et les contours derepères sur l’empreinte correspondant au contact initial et au pointsont calculées par le logiciel. Le recul maximal (cm) = Y1 � Y2.

réalisés aux dépens du soléaire, trois lambeaux emportantla totalité du corps musculaire, cinq à partir du chef tibial etun à partir du chef fibulaire. Tous les lambeaux étaient àpédicule proximal. L’ostéosynthèse a été réalisée avec uneplaque chez deux patients, avec un clou tibial descendantchez huit patients et un avec un fixateur externe (mis enplace dans un autre centre hospitalier).

Le recul moyen lors de la consultation était de 11 ans(extrêmes : 1—20 ans). L’âge moyen à la révision était de45 ans (extrêmes : 29—82 ans).

Évaluation subjective

Score de KitaokaLe score moyen de Kitaoka était bon pour l’ensemble denotre série : 87/100 (50—100) (Fig. 12). Six patients avaientun score excellent, quatre avaient un score bon et quatre unscore moyen. C’est pour le sous-groupe des lambeaux degastrocnémien que le score moyen était le plus faible (76,6/100). Le score moyen était excellent après lambeau desoléaire (95/100) et bon (92,1/100) après lambeau d’hémi-soléaire à pédicule proximal. On peut définir ainsi deux sous-groupes : un premier formé par les six patients ayant un scorede Kitaoka modifié de 100 et un autre constitué des huitpatients ayant un score de Kitaoka inférieur à 100. Ce derniercomprenait quatre des cinq lambeaux du chef médial degastrocnémien, un lambeau de soléaire et trois lambeauxd’hémisoléaires.

Reprise du travailOnze patients travaillaient avant la chirurgie (Tableau 1).Trois patients n’avaient pas d’activité professionnelle. Dixont pu retrouver leur travail. Deux patients ont nécessité uneadaptation du poste de travail (un mécanicien et un peintre).Un patient a été déclaré invalide (travail dans le bâtiment).C’est dans les sous-groupes des lambeaux de gastrocnémien

ssion lors de la descente d’une marche. Le trajet du centre del’empreinte par les pointillés. On place manuellement les pointsde recul maximal du centre de pression. Les coordonnées (X, Y)

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Figure 12 Score de Kitaoka modifié.

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et au score de Kitaoka modifié inférieur à 100 que la repriseprofessionnelle était la plus difficile. Mais le faible effectifdes sous-groupes n’a pas permis la réalisation d’un teststatistique.

Reprise des activités sportivesParmi les 12 patients qui pratiquaient un sport avant l’inter-vention (football, cyclisme, basketball, ski), huit ont pureprendre sans difficulté et un avec difficulté (cyclisme)(Tableau 2). Trois patients n’ont pas pu reprendre le sport(ski, football, sport de combat).

Onze des 14 patients ont déclaré pouvoir sauter aprèsl’intervention mais quatre avec difficulté et tous les patientsaffirmaient pouvoir courir mais trois avec difficulté.

C’est dans le sous-groupe des lambeaux de gastrocnémienet des patients au score de Kitaoka modifié inférieur à100 que la reprise sportive, le saut et l’utilisation desescaliers étaient le plus difficile. Mais le faible effectifdes sous-groupes n’a pas permis la réalisation d’un teststatistique.

Analyse baropodométriqueDeux patients n’ont pu réaliser complètement l’analysebaropodométrique par défaut de compréhension des exerci-ces à réaliser.

Programmation du pasIl existait une différence statistiquement significative de laprogression du CDP du côté lésé par rapport au côté sain(Tableau 2). La « virgule initiale » et les deux phases phy-siologiques de ralentissement du déplacement du CDPétaient moins souvent retrouvées du côté lésé par rapportau côté sain (test statistique de McNemar, p < 0,05). Enrevanche, la durée et la proportion des phases taligrades,plantigrades et digitigrades étaient statistiquement compa-rables (test statistique de McNemar, p < 0,05).

PropulsionIl n’existait pas de différence statistiquement entre le pic deforce F2 entre le côté lésé et le côté sain (test statistique dusigne) que ce soit pour la marche, la montée d’une marche oul’impulsion unipodale (Tableaux 2—4). Ainsi, dans notreétude, il ne semblait pas que le prélèvement d’un lambeauaux dépens du muscle triceps sural affecte la capacité depropulsion. L’effectif de patients étant insuffisant, nousn’avons pas pu comparer la capacité de propulsion en fonc-tion du type de lambeau réalisé.

AmortissementLa pression maximale au niveau du talon lors de la descented’une marche présentait une grande variabilité inter-indivi-duelle au sein de la population totale rendant son interpréta-tion délicate (Tableau 3). Il n’existait pas de différencestatistiquement significative du recul maximal du CDP (duréeet distance) et de la pression maximale au talon entre le côtélésé et le côté sain dans la population totale (test statistiquedu signe). L’effectif de patients étant insuffisant, nousn’avons pas pu comparer l’altération de l’amortissementen fonction du lambeau réalisé.

Lambeau de gastrocnémienMême si la taille du sous-groupe des patients ayant bénéficiéd’un lambeau de gastrocnémien n’était pas suffisante pourréaliser une étude statistique, on notait plus souvent desanomalies dans le sous-groupe des patients ayant bénéficiéd’un lambeau de gastrocnémien pour l’ensemble desexercices : la séquence du pas semblait modifiée. Nousn’avons, en effet, jamais retrouvé la virgule initiale duCDP à la marche du côté opéré. La durée de la phase d’appuiétait diminuée de 16 % du côté lésé. La propulsion était laplus altérée avec un pic de force F2 normalisé à la marchediminué du côté opéré (99 % contre 105 %, soit une diminu-tion de 8 %) et le pic de force F normalisé lors de l’impulsion

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du saut était également diminué du côté lésé (�6 %). L’amor-tissement lors de la descente de la marche d’escalier étaitégalement anormal avec une distance de recul maximale duCDP augmentée de 25 % et un temps de recul du CDP allongéde 17 % du côté opéré.

Patients au score de Kitaoka modifié inférieur à 100On retrouvait également plus d’anomalies dans le sous-groupedes patients au score de Kitaoka modifié inférieur à 100. Avecune altération de la séquence du pas : la virgule initiale du CDPn’était jamais présente du côté lésé. On retrouvait un déficitde propulsion, avec un pic de force F2 diminué de 8 % du côtélésé et une altération de la capacité d’amortissement avec untemps de recul du CDP allongé de 25 % en moyenne du côtéopéré par rapport au côté sain.

Discussion

Méthodologie

Lors de la réalisation de cette étude, nous nous sommesheurtés à de nombreux biais d’analyse. En effet, les indica-tions des lambeauxétantmajoritairementpost-traumatiques,il existait fréquemment des lésions associées. Nous avonsexclu ainsi beaucoup de patients, ce qui explique notre faibleeffectif. Idéalement, il faudrait que le membre opéré soit sonpropre témoin, cequi reviendrait à analyser lepatientavantetaprès la chirurgie. Lorsque les lambeaux sont réalisés enurgence ou semi-urgence, une telle étude est impossible.Un des autres biais possibles de notre étude est l’associationdu prélèvement du lambeau à la fracture de jambe. La lit-térature nous apporte peu d’élément de réponse. Selon Knoppet al., il n’y a pas de perte significative de la force isométriquede flexion plantaire de la cheville avant et après fracture dejambe [25]. Nous avons réalisé parallèlement, à cette étude,une analyse baropodométrique sur quatre patients ayantprésenté une fracture ouverte de jambe, qui ne mettait pasen évidence de différence entre le côté sain et le côté lésé.Cependant, notre effectif était insuffisant pour une étudestatistique. Il conviendrait de réaliser uneétudesuruneffectifplus important pour valider nos résultats.

Deux auteurs ont étudié les séquelles fonctionnelles deslambeaux aux dépens du muscle triceps sural : Kramers-deQuervain a réalisé une étude quantitative complète de lamarche sur cinq patients avec analyse baropodométrie etune mesure de la force par dynamomètrie [26]. Son faibleeffectif s’explique, comme pour nous, par des critères inclu-sion et d’exclusion rigoureux. Daigeler présente une impor-tante étude portant sur 218 patients qui ont bénéficié d’unlambeau de gastrocnémien. La principale indication du lam-beau était la couverture de perte de substance après exérèsede sarcome qui pouvait nécessiter des sacrifices musculaires,ou nerveux ayant un retentissement fonctionnel important.Il y a ainsi probablement une confusion dans l’interprétationdes résultats de cette étude [26,27].

Nous avons choisi d’utiliser l’analyse baropodométriquecar c’est une méthode qui a montré son intérêt dans l’ana-lyse posturocinétique [22,28]. Le rapport de 2007 du Collègede la Haute Autorité de Santé valide cette méthode pourl’étude des appuis dans les pathologies orthopédiques, neu-rologiques et malformatives (prédiction des maux perforants

Tableau 2 Analyse baropodométrique de la marche (13 patients).

Population totale/13 Soleaire (3) Hémi-soleaire (6) Gastrocnémien (4) Kitaoka = 100 (6) Kitaoka < 100 (7)

Coté Lésé Sain Lésé Sain Lésé Sain Lésé Sain Lésé Sain Lésé Sain

Présence dela virguleCDP

4 13 1 3 3 6 0 4 4 6 0 7

Présence des2 phases destagnationdu CDP

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3,6 %� 1,8

4,3 %� 1,3

2,2 %� 3,2

3,7 %� 1,2

4,5 %� 0,5

4,6 %� 0,5

2,5 %� 2,7

4 %� 1,5

Phaseplantigrade

53,9 %� 2,6

53,5 %� 1,8

53 %� 1,1

53 %� 1,0

54,1 %� 2,5

53,5 %� 2

54,2 %� 3,8

54 %� 2,1

53,1 %� 0,9

53,3 %� 1,1

54,5 %� 3,4

53,7 %� 2,3

Phasedigitigrade

2,4 %� 1,5

2,0 %� 1,0

2,4 %� 0,9

2 %� 1,1

2,3 %� 1,7

2,2 %� 0,9

3,6 %� 2,9

2,3 %� 1,8

2,3 %� 0,3

2 %� 0,4

3 %� 0,8

2,2 %� 0,4

Duréeappui (ms)

799� 77

821� 97

806 %� 67

778� 34

781� 52

802� 85

721� 121a

868� 138a

770� 16a

749� 49a

824� 102

848� 123

PIC F2normalisé

98 %� 16

101 %� 21

95 %� 3

99 %� 4

98 %� 20

100 %� 26

99 %� 19

105 %� 26a

91 %� 6

92,3� 6

103 %� 21

109 %� 28

a La différence observée n’a pas fait l’objet d’une étude statistique en raison du faible effectif.

Analyse

baropodométrique

aprèslam

beauxde

gastrocnémiens

etde

soléaire189

Tableau 3 Analyse baropodométrique de la monté et de la descente d’une marche d’escalier (12 patients).

Population totale (12) Soleaire (3) Hémi-soleaire (5) Gastrocnémien (4) Kitaoka = 100 (6) Kitaoka < 100 (6)

Coté Lésé Sain Lésé Sain Lésé Sain Lésé Sain Lésé Sain Lésé Sain

PIC F2Normalisé à

la montée

95 % � 15 95 % � 17 94 % � 23 96 % � 27 100 % � 13 98 % � 18 87 % � 9 88 % � 18 94 % � 13 93 % � 17 94 % � 18 97 % � 19

Recul maximaldu CDP (cm)à la descente

9,1 � 2,1 7,9 % � 2,5 8 � 3,5a 7,3 % � 3,8a 9 � 1,6 8,2 � 1,5 10 � 1,6a 8,0 � 2,8a 9,1 � 1,8a 8,1 � 2,0a 8,1 � 2 8 � 2,8

Temps de reculCDP (ms) àla descente

73 % � 11 67 % � 18 70 % � 10 76 % � 11 78 % � 7a 68 % � 9a 67 % � 15a 57 % � 23a 75 % � 10 76 % � 10 70 % � 12 56 % � 19

Pmax au talon(g/cm2) àla descente

963 � 613 879 � 518 926 � 638 662 � 84 890 � 453 1068 � 518 1054 � 901 806 � 849 822 � 475 1007 � 335 1103 � 744 750 � 663

a La différence observée n’a pas fait l’objet d’une étude statistique en raison du faible effectif.

Tableau 4 Analyse baropodométrique de l’impulsion unipodale (12 patients).

Population totale (12) Soleaire (3) Hémi-soleaire (5) Gastrocnémien (4) Kitaoka = 100 (6) Kitaoka < 100 (6)

Coté Lésé Sain Lésé Sain Lésé Sain Lésé Sain Lésé Sain Lésé Sain

Pic FNormalisé (N)

89 % � 21 92 % � 19 82 % � 17a 94 % � 2,3a 83 % � 8,4 85 % � 21 95 % � 31a 101 % � 14a 85 % � 18 86 % � 12 93 % � 26a 101 % � 12a

a La différence observée n’a pas fait l’objet d’une étude statistique en raison du faible effectif.

190G

.Lasserre

etal.

Analyse baropodométrique après lambeaux de gastrocnémiens et de soléaire 191

plantaires chez le diabétique, analyse de la marche aprèsprothèse de hanche, anomalies de la marche du parkinso-nien, étude de la marche de l’hémiplégique) [29]. Même si labaropodométrie est une analyse indirecte de l’action dutriceps sural, c’est une méthode reconnue et choisie parplusieurs auteurs dans la littérature pour analyser le rôlephysiologique de ce muscle et, plus récemment, les séquel-les de son prélèvement [20,21,26]. L’analyse baropodomé-trique nous semble très intéressante car c’est une méthodeaccessible en pratique courante. Les plates-formes baropo-dométriques sont plus intéressantes pour le praticien qued’autres systèmes d’analyse de la marche car le matérielrequiert peu d’espace et permet d’évaluer la locomotiondans des situations proches de la réalité [22]. Pour compléternotre analyse, nous aurions pu analyser la marche et lacourse sur une piste dynamométrique que nous ne possédonspas.

Score de Kitaoka modifiéNous choisi le score de Kitaoka modifié car il nous sembleêtre comme pour Viel et al., le score le plus représentatif dela fonction d’un patient avec une lésion du membre inférieur[19]. Ce score est dérivé du score de Kitaoka recommandépar l’association française de chirurgie du pied et l’AmericanOrthopedic Foot and Ankle Society (AOFAS) et déjà utilisé parMojallal et al. pour évaluer les séquelles du site donneur dulambeau libre de fibula [23]. Les résultats prouvent que lespatients ont une fonction globale correcte. Le score deKitaoka modifié est assez bien corrélé aux anomalies baro-podométriques. Cette concordance renforce l’intérêt de labaropodométrie dans l’analyse des troubles de la locomo-tion. Le bon score de Kitaoka modifié reflète bien la gênemodérée occasionnée par le lambeau dans la vie profession-nelle et sportive, malgré la sévérité des lésions initiales.Nous ne pouvons pas comparer notre score à celui d’autresséries, car dans la littérature les auteurs n’utilisent jamais descore fonctionnel international. Dans la série de Kramers-deQuervain, tous les patients ont pu reprendre leur travail,mais il n’est pas précisé s’il y a eu une adaptation du poste.Dans la série de Pico, deux patients sur trois ont pu reprendreleur travail [30]. Dans notre série, la fonction semble moinsbonne pour les patients qui ont bénéficié d’un lambeaumusculaire de gastrocnémien. Le score de Kitaoka modifiéétait le plus mauvais (76,6/100) et aucun patient de cegroupe n’avait un score à 100. Ce mauvais résultat est encoreune fois en corrélation avec les difficultés retrouvées pour lesport et les activités physiques en général. Les résultats de lasérie de Daigeler et al. concordent avec les nôtres. Lafonction quotidienne des 82 patients était excellente dans19 % des cas, bonne dans 29 % des cas, satisfaisante dans 22 %des cas, insuffisante dans 7 % des cas et très insuffisante dans6 % des cas. Vingt pour cent des patients étaient gênés pourutiliser des escaliers, 42 % des patients pouvaient courir et36 % des patients pouvaient sauter [27].

Âge et analyse baropodométriqueL’âge est une variable importante dans l’interprétation denos résultats. Le vieillissement altère les fonctions motrices,sensitives et entraîne des diminutions d’amplitudes articu-laires qui concourent toutes à modifier les capacités physi-ques d’un patient. Thom a mis en évidence une diminution deplus de la moitié de la puissance de contraction du triceps

sural chez des personnes âgées (69—82 ans) par rapport à dessujets jeunes (19—35 ans) [31]. Elle était associée à unediminution proportionnellement moins importante duvolume musculaire (�20 %) [31]. Dans notre série, l’âgede la population était homogène et en moyenne d’âge peuélevé (45 ans). L’âge n’est donc pas un facteur à prendre encompte dans l’interprétation de nos résultats. Une exceptiondoit être faite pour le patient le plus âgé de notre série(82 ans). Ce patient n’a pas pu réaliser les exercices, alorsqu’il s’était présenté en marchant à la consultation. Celasouligne une des limites de la baropodométrie. Le patientdoit bien comprendre les exercices pour les réaliser correc-tement. Mais cette incapacité à réaliser les exercices témoi-gne aussi d’un manque d’adaptation du sujet à descontraintes. On peut donc penser que les résultats fonction-nels d’un lambeau aux dépens du triceps sural seront moinsbons si le patient est âgé, par disparition des mécanismesd’adaptation.

Analyse baropodométriqueDans notre série, le prélèvement d’un lambeau aux dépensdu triceps sural perturbe le programme de la marche, maisne modifie pas les différentes phases d’appui au cours de lamarche. À l’inverse, dans une analyse réalisée chez unepatiente dépourvue de son triceps sural (exérèse chirurgi-cale), Murray et al. retrouvent une perturbation des dif-férentes phases d’appui : une augmentation de la durée de laphase taligrade et plantigrade, et une diminution de la duréede la phase digitigrade. Il semble que l’absence complète dutriceps sural perturbe de manière beaucoup plus importantela séquence de programmation du pas [32].

Dans notre série, la capacité de propulsion du triceps suralaprès lambeau semble normale, le deuxième pic deforce F2 est statistiquement comparable entre le côté sainet le côté lésé à la marche, à la montéed’unemarcheet lors del’impulsion pour un saut. Kramers-de Quervain et al. ne retro-uventpasnon plus de diminution du picF2 lorsde lamarcheà lacadence de confort,mais en revanche, observeune diminutionde ce pic lors de la marche à cadence élévée [26].

L’analyse baropodométrique ne permet pas de mettre enévidence de différence statistiquement significative entre lacapacité d’amortissement du triceps lésé et celle du tricepscontrolatéral sur l’ensemble des patients. On a, cependant,observé chez un patient ayant des difficultés pour descendreles escaliers, un recul du CDP plus important et une aug-mentation de la pression maximale au niveau du talon ducôté lésé par rapport au côté sain : ce qui correspond à undéficit d’amortissement du triceps sural. Il n’existe pas dansla littérature d’analyse s’intéressant à la capacité d’amor-tissement du triceps sural.

Même si la taille des effectifs des sous-groupes ne permetpas de réaliser un test statistique sur ces résultats, il y a plusd’anomalies baropodométriques dans le groupe des patientsayant bénéficié d’un lambeau de gastrocnémien. Cela estpeut être en rapport avec un rôle prépondérant du musclegastrocnémien par rapport au soléaire lors des mouvementsétudiés.

Mécanismes d’adaptation et de compensationNotre utilisation de ces lambeaux depuis le début desannées 1980 a permis d’avoir un recul important pour cetteétude : 11 ans en moyenne, avec un patient revu 20 ans après

192 G. Lasserre et al.

son traumatisme. Nous pensons que ce long délai de révisionpermet la stabilisation des lésions car nous sommes à dis-tance des phénomènes de cicatrisation ou de remaniementtissulaire et qu’il laisse le temps aux mécanismes de compen-sation de se mettre en place. Le déficit fonctionnel entraîneprobablement des mécanismes d’adaptation initiaux avantl’apparition d’une compensation. Dans la littérature, Kra-mers-de Quervain et al. retrouvent un raccourcissement dela longueur du pas controlatéral lors de la marche en montée(3,9 cm en moyenne) qui témoigne selon lui d’une adaptationqui permet de réduire le travail du triceps lésé [26]. Nouspensons que la gêne fonctionnelle modérée dans notre sérieest expliquée, en partie, par la capacité de compensation dela fonction par les chefs musculaires restants. Murray et al.ont étudié, chez une jeune femme, les mécanismes decompensation liés à l’absence isolée du triceps sural aprèsexérèse pour sarcome. L’activité du quadriceps homolatéralest prolongée et les mouvements du bassin sont anormaux[31]. Dans notre série, nous n’avons pas pu mettre enévidence des mécanismes de compensation. On peut penserque l’absence d’un seul chef musculaire a des conséquencesfonctionnelles trop peu importantes pour que ces mécanis-mes apparaissent. Les travaux de Miller et al., sur les rats,sont en faveur d’une hypertrophie musculaire compensatricedes muscles restants du triceps sural après prélèvement duchef médial du gastrocnémien [32]. La faible diminution dela force musculaire après lambeau dans notre série et cellesde la littérature est en faveur de cette hypothèse chezl’homme [26,27]. Il serait intéressant de réaliser une explo-ration in vivo des volumes musculaires du triceps aprèsprélèvement d’un lambeau par une imagerie, afin deconfirmer une éventuelle hypertrophie compensatrice deschefs musculaires restants.

Si dans la population générale de notre étude, il n’y apas de déficit, on observe quand même une tendance auxdéficits fonctionnels plus importants dans le sous-groupedes lambeaux de gastrocnémien. Probablement à cause durôle prépondérant du gastrocnémien médial dans la loco-motion. Son rôle essentiel dans l’inversion de la cheville,son volume et son temps de contraction plus importantque celui des autres chefs musculaires du triceps sural[18,19].

Conclusion

L’analyse baropodométrique n’objective pas de déficit de lafonction locomotrice après un lambeau prélevé au dépens dutriceps sural chez nos patients, que ce soit pour la marche,ou pour des efforts physiques plus importants. Cependant, ilexiste une modification de la programmation de la marchetraduisant une perturbation imputable au prélèvement dulambeau. L’absence d’autre anomalie baropodométrique etle peu de retentissement de cette chirurgie sur les activitésdu patient sont probablement liés à une compensation deschefs musculaires restants et peut être à des mécanismesd’adaptations que nous n’avons pas pu mettre en évidence. Ilsemble que le prélèvement d’un chef musculaire de gas-trocnémien entraîne plus de séquelles fonctionnelles que leprélèvement d’une partie ou de la totalité du soléaire. Cettehypothèse devra être confirmée sur un échantillon de patientreprésentatif. Les lambeaux aux dépens du triceps sural nepeuvent en tout cas pas être remis en question à la vue des

ces bons résultats fonctionnels et de leur grande utilité,notamment, pour la couverture des fractures ouvertes dejambes.

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enrelation avec cet article.

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