Implantation et analyse d'un registre des piqûres de scorpion au Maroc

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Tiré à part : D r Ilham Semlali Réception : 19/05/2003 - Acceptation : 23/12/2003 (1) Centre Anti-Poison et de Pharmacovigilance du Maroc (CAPM), rue Lamfedel Cherkaoui. Instituts Madinate Al Irfane, BP 6671, Rabat-Agdal, Maroc. (2) Université Ibn Tofail. Faculté de sciences. Laboratoire de Pharmacologie et de Toxicologie. BP 133, Kénitra, Maroc. Résumé : Dans le cadre de la campagne de lutte anti-scorpionique, un système d’information a été instauré pour suivre les indicateurs de morbidité et de mortalité. L’étude de ces indicateurs a été effectuée à partir d’un registre national sur la piqûre de scorpion. Durant l’année 2001, nous avons collecté 15 571 cas de piqûre de scorpion, soit une incidence de 1,2 ‰. Les malades étaient envenimés dans 11,6 % des cas. Pour la majorité des cas (79,3 %), les patients ont été mis uniquement sous surveillance clinique sans recours au traitement symptomatique. Le taux de létalité était de 6,3 ‰ et le décès survenu uniquement chez les enfants de moins de 15 ans, soit 2,1 % des cas. Cette étude a montré une amélioration des indicateurs de morbidité et de mortalité par rapport aux données d’avant la campagne, ce qui témoigne de l’impact positif de notre stratégie de lutte. Cependant, il faudrait poursuivre cette surveillance jusqu’à vaincre le scorpionisme au Maroc. Santé publique 2004, volume 16, n o 3, pp. 487-498 ÉTUDES Implantation et analyse d’un registre des piqûres de scorpion au Maroc Establishment and analysis of a log to record scorpion stings in Morocco R. Soulaymani-Bencheikh (1) , I. Semlali (1) , A. Ghani (2) , M. Badri (1) , A. Soulaymani (2) Summary : Within the framework of a strategy against scorpion stings, an information system was established to track the indicators of morbidity and mortality caused by scorpion stings. The study of these indicators was carried out based upon a national record of scorpion stings. During the year 2001, 15,571 cases of scorpion stings were reported, that translates into an incidence rate of 1.2%. The patients were poisoned in 11.6% of the cases. Most of the patients (79.3%) were only put under clinical surveillance and did not receive any symptomatic treatment. The death rate was 6.3% and death only occurred in children of less than 15 years old (2.1% of the cases). This study

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Tiré à part : Dr Ilham Semlali Réception : 19/05/2003 - Acceptation : 23/12/2003

(1) Centre Anti-Poison et de Pharmacovigilance du Maroc (CAPM), rue Lamfedel Cherkaoui. InstitutsMadinate Al Irfane, BP 6671, Rabat-Agdal, Maroc.(2) Université Ibn Tofail. Faculté de sciences. Laboratoire de Pharmacologie et de Toxicologie. BP 133,Kénitra, Maroc.

Résumé : Dans le cadre de la campagne de lutte anti-scorpionique, un systèmed’information a été instauré pour suivre les indicateurs de morbidité et de mortalité.L’étude de ces indicateurs a été effectuée à partir d’un registre national sur la piqûre descorpion.Durant l’année 2001, nous avons collecté 15 571 cas de piqûre de scorpion, soit uneincidence de 1,2 ‰. Les malades étaient envenimés dans 11,6 % des cas. Pour lamajorité des cas (79,3 %), les patients ont été mis uniquement sous surveillanceclinique sans recours au traitement symptomatique. Le taux de létalité était de 6,3 ‰ etle décès survenu uniquement chez les enfants de moins de 15 ans, soit 2,1 % des cas.Cette étude a montré une amélioration des indicateurs de morbidité et de mortalité parrapport aux données d’avant la campagne, ce qui témoigne de l’impact positif de notrestratégie de lutte.Cependant, il faudrait poursuivre cette surveillance jusqu’à vaincre le scorpionismeau Maroc.

Santé publique 2004, volume 16, no 3, pp. 487-498

ÉTUDES

Implantation et analyse d’un registre des piqûres de scorpion au MarocEstablishment and analysis of a log to record scorpion stings in Morocco

R. Soulaymani-Bencheikh (1), I. Semlali (1), A. Ghani (2), M. Badri (1), A. Soulaymani (2)

Summary : Within the framework of a strategy against scorpion stings, an informationsystem was established to track the indicators of morbidity and mortality caused byscorpion stings. The study of these indicators was carried out based upon a nationalrecord of scorpion stings. During the year 2001, 15,571 cases of scorpion stings werereported, that translates into an incidence rate of 1.2%. The patients were poisoned in11.6% of the cases. Most of the patients (79.3%) were only put under clinical surveillanceand did not receive any symptomatic treatment. The death rate was 6.3% and death onlyoccurred in children of less than 15 years old (2.1% of the cases). This study

R. SOULAYMANI-BENCHEIKH, I. SEMLALI, A. GHANI, M. BADRI, A. SOULAYMANI

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Introduction

Pendant longtemps, les piqûres descorpion ont suscité peu d’intérêtdans la littérature médicale, le périlinfectieux ayant placé ce problèmeloin des préoccupations des méde-cins et des organismes de santé.

Ainsi les données de morbidité et demortalité les concernant sont souventparcellaires, sinon manquantes, et noncomparatives d’un pays à un autre [2-6, 8-10], ceci étant dû en grande par-tie à l’absence d’un système d’infor-mation standardisé [11-13, 18, 20].

Conscient de l’importance et de lagravité des envenimations scorpio-niques au Maroc, et afin d’accomplirau mieux ses missions, le Centre Anti-Poison et de Pharmacovigilance duMaroc (CAPM) s’est engagé depuis1990 à surveiller plus particulièrementcette pathologie. Le résultat en a étél’élaboration d’une stratégie nationalede lutte contre les piqûres de scor-pion [15], objet d’une circulaire minis-térielle (DELM/ INH/CAPM du 17 mars1999) adressée à toutes les régionsdu Maroc avec des recommandationspour sa mise en place. Cette stratégiea fait aussi l’objet d’une campagnenationale en 2001, visant à diminuerla mortalité et à rationaliser les dé-penses en bannissant certains médi-caments et en évitant les hospitalisa-tions inutiles.

L’une des composantes principalesde cette stratégie est l’installation

d’un système d’information compre-nant l’implantation et l’exploitation dedeux supports d’information : un regis-tre national et un dossier d’hospitali-sation.

Les objectifs de l’implantation dece registre étaient de :

– décrire l’évolution de l’incidence ;

– suivre les indicateurs de morbi-dité et de mortalité ;

– établir la carte épidémiologiquepour identifier les zones à risques ;

– évaluer l’impact de la campagnede prévention et de lutte contre lespiqûres et les envenimations scorpio-niques.

Tandis que l’objectif de l’implan-tation du dossier d’hospitalisation étaitde standardiser la surveillance clini-que, évolutive et thérapeutique afind’évaluer la prise en charge thérapeu-tique, le but de notre étude est de pré-senter les différentes composantes duregistre et les résultats de son exploi-tation durant l’année 2001.

Matériel et méthodes

Matériel

Un REGISTRE des piqûres et desenvenimations scorpioniques a étémis en place au niveau de toutes lesstructures sanitaires du Ministère dela Santé du Maroc (dispensaires, cen-tres de santé et hôpitaux).

demonstrated an improvement in morbidity and mortality indicators in comparison to thedata collected before this campaign, all of which verifies the positive impact of thestrategy which was put into place. However, it is necessary to continue monitoring untilMorocco can overcome this problem.

Mots-clés : piqûre - envenimation - scorpion - stratégie - système d’information - registre -indicateurs - morbidité - mortalité - évaluation - carte épidémiologique.Key words : sting - poisoning - scorpion - strategy - information system - record - indica-tors - morbidity - mortality - evaluation - epidemiological card.

IMPLANTATION ET ANALYSE D’UN REGISTRE DES PIQÛRES DE SCORPION AU MAROC

Les rubriques composant le registreétaient les suivantes :

– éléments concernant le patient :identité (numéro d’ordre et initiales),âge (en années révolues), sexe (fémi-nin F ou masculin M), mode d’admis-sion (admis directement ou référé parune autre structure sanitaire) ;

– caractéristiques de la piqûre :commune, comme repère géogra-phique du lieu de la piqûre ; date etheure de la piqûre ;

– heure d’admission du patient,pour permettre de calculer le tempspost-piqûre (TPP) (temps séparant lemoment de la piqûre de celui de laconsultation) ;

– classe de gravité à l’admission :classe I (symptomatologie locale),classe II (présence d’un ou de plu-sieurs signes généraux) ou classe III(détresse vitale cardio-vasculaire, res-piratoire ou neurologique) [1] ;

– durée de surveillance du patienten heures : allant d’une surveillancede 4 heures pour la classe I, et jus-qu’à disparition totale des signes etrétablissement de l’état général pourles classes II ou III. [suivi de latempérature, du pouls, de la tensionartérielle, du rythme cardiaque, durythme respiratoire, et de l’état deconscience (Score de Glasgow)] ;

– traitements reçus : T1 : pas detraitement, T2 : traitement symptoma-tique ;

– évolution de l’état du patient :favorable ou décès ;

– notion de référence du patient :d’une structure sanitaire vers uneautre d’un niveau supérieur (1) en casde complication.

Méthodes

Critères d’inclusion

Tous les patients résidents, vic-times de la piqûre de scorpion et quise sont présentés à l’une des struc-tures sanitaires du Ministère de laSanté sont retenus pour l’étude.

Critères d’exclusion

Tous les patients résidents ou non,piqués par un scorpion et qui se sontprésentés à une structure sanitaireautre que celle du Ministère de laSanté ne sont pas pris en comptedans ce travail.

La collecte de l’information a étéréalisée durant l’année 2001, par leprofessionnel de santé en charge dupatient (médecin ou infirmier) au mo-ment de sa réception et au fur et àmesure de l’examen, du traitement etde l’évolution de l’état clinique.

Les données recueillies ont été ana-lysées mensuellement, au niveau dechaque province, par l’animateur dela cellule épidémiologique provinciale,et transmises au CAPM sous formede RELEVÉ MENSUEL. Elles ont alorsété compilées au niveau du CAPM.

Les indicateurs suivants ont étéétudiés [7, 13-14] :

– proportion des patients âgés demoins ou de plus de 15 ans ;

– sex ratio masculin/féminin (rap-port nombre de sujets de sexe mas-culin sur nombre de sujets de sexeféminin) ;

– nombre de piqûres de scorpionen fonction des mois de l’année ;

– incidence de la piqûre de scor-pion (nombre de nouveaux cas appa-rus dans la population générale pen-dant la période de surveillance) ;

– proportion de chaque classe degravité (I, II, III) ;

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(1) Structures sanitaires sont à 3 niveaux :niveau I concerne les dispensaires, niveau IIconcerne les centres de santé et niveau IIIconcerne les polycliniques de santé publique.

R. SOULAYMANI-BENCHEIKH, I. SEMLALI, A. GHANI, M. BADRI, A. SOULAYMANI

– taux d’envenimation [proportiondes sujets envenimés (classe II, III)parmi les sujets piqués durant lapériode de surveillance] ;

– taux de létalité générale [propor-tion des sujets décédés parmi lessujets piqués durant la période desurveillance] ;

– taux de létalité spécifique parenvenimation [proportion des sujetsdécédés parmi les sujets envenimés(classe II et III) durant la période desurveillance] ;

– taux de létalité par piqûre spé-cifique chez les sujets de moins de15 ans [proportion des sujets demoins de 15 ans décédés parmi lessujets de moins de 15 ans piquésdurant la période de surveillance] ;

– taux de mortalité spécifique (rap-port du nombre de décès par enveni-mation scorpionique survenus pen-dant la période de l’étude sur l’effectifmoyen de la population pendant cettepériode). On l’exprime habituellementen nombre annuel de décès pour1 000 personnes ;

– pourcentage des patients hospi-talisés [rapport du nombre de sujetshospitalisés sur le nombre total dessujets piqués] ;

– pourcentage des patients ayantnécessité un traitement [rapport dunombre de patients traités sur lenombre total des sujets piqués] ;

– adéquation de références [rap-port du nombre de sujets hospitaliséssur le nombre de patients référés].

Résultats

Caractéristiques de la piqûre

Durant l’année 2001, nous avonscolligé 15 571 cas de piqûres et d’en-venimations scorpioniques en pro-venance de 11 régions parmi les

16 régions marocaines (5 régions n’ontpas répondu).

L’incidence nationale moyenne dela piqûre de scorpion était de 1,2 ‰,variant entre 0,004 ‰ et 2,7 ‰.

La majorité des cas était survenueentre le mois d’avril et le mois d’oc-tobre, avec un pic se situant durantles mois de juillet et août (49 %).(tableau I).

Caractéristiques des patientspiqués

Le sex ratio moyen était de 0,9 : ilétait en faveur du sexe féminin dans larégion de Guelmim-Smara (SR = 0,6),Chaouia-Ouardigha (SR = 0,8), Douk-kala-Abda (SR = 0,8) et en faveur dusexe masculin dans la région deTaza-Al Houceima-Taounate (SR = 1,5),la Région Orientale (SR = 1,4) et larégion de Meknès-Tafilalet (SR = 1,2)(tableau I).

La tranche d’âge inférieure ou égaleà 15 ans représentait 31,2 % de l’en-semble des patients piqués (tableau I).

Caractéristiques cliniques à l’admission

87,8% des patients avaient consultépour une piqûre sans envenimation(classe I).

10,3 % pour une envenimation(classe II).

1,8 % pour une envenimation avecdétresse vitale (classe III).

Le taux d’envenimation était de11,6 % et le taux de létalité spécifiquepar envenimation était de 5,5 %.(tableau II).

Caractéristiques thérapeutiques et évolutives

Les patients étaient simplement misen observation dans 79,3 % des cas

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IMPLANTATION ET ANALYSE D’UN REGISTRE DES PIQÛRES DE SCORPION AU MAROC

jusqu’à un TPP de 4 heures, 14,2 %étaient référés vers une autre struc-ture sanitaire, et 6,5 % étaient hospi-talisés (tableau III).

L’adéquation de référence était de45,6 %.

Les patients avaient reçu un traite-ment symptomatique dans 20,7 %des cas, 79,3 % n’avaient pas néces-sité de traitement (tableau III).

L’évolution était favorable dans99,4 % des cas.

Cependant les 99 décès étaientsurvenus chez des sujets de moinsde 15 ans avec un taux de létalitégénérale de 6,3 ‰, les extrêmes

variant entre 4 ‰ et 21,4 ‰ selonles régions, et un taux de mortalitéspécifique à la piqûre de scorpion de0,008 ‰ variant entre 0,0004 ‰ et0,02 ‰ (tableau II).

Carte épidémiologique

L’étude de la variabilité de l’inci-dence (tableau I), de la létalité et de lamortalité en fonction des régions(tableau II), nous a permis de distin-guer trois zones d’endémicité variable(fig. 1) :

– une zone d’endémicité élevéeavec risque de mortalité ;

– une zone d’endémicité élevéesans mortalité ;

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Nombre Inci- Pic des Âge

Régions Total dence piqûres/ Sex Ratio Âge Âge‰ Mois < 15 ans > 15 ans

1°) Guelmim- 422 1,9 JUILLET 0,6 17,3 % 82,7 %Smara

2°) Souss- 2 248 1,1 JUILLET-AOÛT 0,9 34,7 % 65,3 %Massa-Drâa

3°) El Gharb- 10 0,01 MAI 1 10 % 90 %Chrarda-Bni Hssen

4°) Chaouia- 3 668 2,6 JUILLET-AOÛT 0,8 31,4 % 68,6 %Ouardigha

5°) Marrakech- 7 342 2,7 JUILLET-AOÛT 0,9 30,4 % 69,6 %Tensift-El Haouz

6°) Région 32 0,02 MAI 1,4 9,4 % 90,6 %Orientale

7°) Grand 01 0,004 SEPTEMBRE 0 100 % 0 %Casablanca

8°) Doukkala- 802 0,9 JUILLET 0,8 33,6 % 66,3 %Abda

9°) Tadla-Azilal 888 0,6 AOÛT 1,1 36,4 % 63,6 %

10°) Meknès 133 0,2 JUILLET 1,2 13,5 % 86,5 %Tafilalet

11°) Taza-Al 25 0,03 AOÛT 1,5 40 % 60 %Houceima- Taounate

JUILLET-AOÛTTOTAL 15 571 1,2 (7 642/15 571) (7 318/7 981) (4 753/15 209) (10 456/15 209)

49 % 0,9 31,2 % 68,7 %

Tableau I : Caractéristiques de la piqûre de scorpion et des patients piqués.

R. SOULAYMANI-BENCHEIKH, I. SEMLALI, A. GHANI, M. BADRI, A. SOULAYMANI

– et une zone de très faible endé-micité avec absence de mortalité.

Indicateurs de suivi

La comparaison entre les donnéesavant la campagne et celles au coursde la campagne 2001, montre :

– une augmentation de l’incidencepassant de 0,5 ‰ à 1,2 ‰ [14] ;

– le sex ratio est autour de 1 (0,9)s’explique par le fait que la piqûre descorpion se fait au hasard ;

– une augmentation du taux d’en-venimation (11,6 % contre 10,1 %) enrelation avec l’augmentation du nom-

bre de cas d’envenimation diagnosti-qués (1.805 cas contre 440) [15] ;

– une diminution de la létalitégénérale : nous avons déploré 99 dé-cès sur les 15 571 cas (6,3 ‰) contre67 sur les 4 327 cas précédents(15,4 ‰) [15-16] ;

– une diminution de la létalité parenvenimation : passant de 15,2 %avant la campagne à 5,5 % en 2001 ;

– une diminution de la létalité parpiqûre spécifique aux enfants demoins de 15 ans : une chute de laquasi moitié, passant de 4,2 % avantla campagne à 2,1 % en 2001 ;

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Nombre Classe Taux Taux de Taux de Taux deRégions Total d’envenimation Létalité Létalité Mortalité

I II III (II + III) /ES spécifique

1°) Guelmim- 422 78,4 % 21,6 % 0 % 21,6 % 0 % 0 ‰ 0 ‰Smara

2°) Souss- 2 248 86,8 % 11,3 % 1,9 % 12,9 % 3,1 % 4 ‰ 0,003 ‰Massa-Drâa

3°) El Gharb- 10 70 % 30 % 0 % 30 % 0 % 0 ‰ 0 ‰Chrarda-Bni Hssen

4°) Chaouia- 3 668 92,6 % 6,2 % 1,2 % 7,3 % 0,3 % 4,6 ‰ 0,01 ‰Ouardigha

5°) Marrakech- 7 342 90,1 % 8,7 % 1,2 % 9,3 % 7,2 % 6,7 ‰ 0,02 ‰Tensift-El Haouz

6°) Région 32 81,2 % 18,7 % 0 % 18,7 % 0 % 0 ‰ 0 ‰Orientale

7°) Grand 1 100 % 0 % 0 % 00 0 % 0 ‰ 0 ‰Casablanca

8°) Doukkala- 802 86,9 % 10,9 % 2,2 % 10,5 % 4,8 % 4,9 ‰ 0,002 ‰Abda

9°) Tadla-Azilal 888 67,9 % 22,3 % 9,8 % 31,6 % 6,8 % 21,4 ‰ 0,01 ‰

10°) Meknès 133 27,1 % 72,2 % 0,7 % 72,9 % 1 % 7,5 ‰ 0,0004 ‰Tafilalet

11°) Taza-Al 25 80 % 16 % 4 % 20 % 0 % 0 ‰ 0 ‰Houceima- Taounate

TOTAL 15 571 (13 060/ (1 535/ (270/ (1 805/ (99/ (99/14 865) 14 865) 14 865) 15 571) 1 805) 15 571)87,8 % 10,3 % 1,8 % 11,6 % 5,5 % 6,3 ‰ 0,008 ‰

Tableau II : Indicateurs de morbidité et de mortalité.

IMPLANTATION ET ANALYSE D’UN REGISTRE DES PIQÛRES DE SCORPION AU MAROC

– l’abstention thérapeutique retrou-vée dans plus de 79,3 % des cas ;

– une légère rationalisation du nom-bre d’hospitalisations : durant l’année2001, seuls les cas envenimés ontbénéficié d’une hospitalisation, soit6,5 % contre 7 % avant la campagne ;

– une rationalisation du nombredes référés : en effet parmi lespatients référés des autres structuressanitaires, 45,6 % des cas ont étéhospitalisés ;

Ceci permet de conclure qu’il y aune nette amélioration des indica-teurs de mortalité et de morbiditéavec une haute significativité selon leTest d’écart réduit (tableau IV).

Discussion

L’implantation du registre nous apermis de repérer les cas de piqûreset d’envenimations scorpioniques defaçon exhaustive et par conséquentde constituer une base de donnéesriche et pertinente. Cette base dedonnées pourra être mise à jour etanalysée chaque année, ce qui per-mettra l’estimation des tendancesévolutives de cette pathologie.

L’étude du registre des cas depiqûres et d’envenimations scorpio-niques, instauré pour la première foisau Maroc, a permis d’avoir une idéeobjective et générale sur cette patho-logie. Cependant, il faut interpréterles résultats dans leur contexte réel.

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Nombre Hospitali-Traitement

Régions Total Observation Référence sation aucun sympto-matique

1°) Guelmim- 422 78,4 % 4,3 % 17,3 % 78,4 % 21,6 %Smara

2°) Souss-Massa- 2 248 60,2 % 35,5 % 4,3 % 60,2 % 39,8 %Drâa

3°) Gharb-Chrarda- 10 70 % 0 % 30 % 70 % 30 %Bni Hssen

4°) Chaouia- 3 668 89,7 % 8,9 % 1,4 % 89,7 % 10,3 %Ouardigha

5°) Marrakech- 7 342 84,3 % 9,7 % 5,9 % 84,3 % 15,7 %Tensift-El Haouz

6°) Région 32 81,2 % 12,5 % 6,2 % 81,2 % 18,7 %Orientale

7°) Grand 01 0 % 0 % 100 % 0 % 100 %Casablanca

8°) Doukkala-Abda 802 69,7 % 25,2 % 5,1 % 69,7 % 30,3 %

9°) Tadla-Azilal 888 61,1 % 5,6 % 33,2 % 61,1 % 38,8 %

10°) Meknès- 133 27,1 % 69,9 % 3 % 27,1 % 72,9 %Tafilalet

11°) Taza-Al 25 56 % 20 % 24 % 56 % 44 %Houceima-Taounate

TOTAL 15 571 (12 351/ (2 211/ (1 009/ 12 351/ (3 220/15 571) 15 571) 15 571) 15 571 15 571)79,3 % 14,2 % 6,5 % 79,3 % 20,7 %

Tableau III : Indicateurs de soins et de traitement.

R. SOULAYMANI-BENCHEIKH, I. SEMLALI, A. GHANI, M. BADRI, A. SOULAYMANI

Les indicateurs choisis étaient per-tinents, simples et faciles à calculer.Ils nous ont permis d’évaluer et desuivre les variations de la morbidité etde la mortalité en les comparant avecceux déterminés avant la campagne(tableau IV).

L’analyse des données nous a per-mis de noter que :

– l’augmentation du nombre de pro-vinces déclarantes passant ainsi de18 provinces – réparties sur 10 ré-gions – à 26 provinces – réparties sur11 régions – a entraîné une augmen-

tation du nombre de déclarations descas de piqûres passant ainsi de4 327 cas à 15 571 cas, soit une aug-mentation de 260 % ;

– l’augmentation de l’incidence estdue à la sensibilisation de la popula-tion pour consulter chaque fois qu’il ya piqûre, à la mise en place du sys-tème d’information et à la formationet l’information des professionnels desanté sur ce système, mais aussi à lasensibilisation de toutes les provincesmédicales pour la déclaration de leurscas. Les autres régions n’ont pas

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Incidence et létalité élevées

Incidence élevée sans létalité

Incidence faible ou nulle sans létalité

Figure 1 : Régions du Maroc classées selon l’incidence et la létalité par piqûre de scorpionen 2001.

IMPLANTATION ET ANALYSE D’UN REGISTRE DES PIQÛRES DE SCORPION AU MAROC

participé à l’étude, car les piqûres descorpion y sont rares, non veni-meuses et ne nécessitent pas laconsultation au niveau des structuressanitaires.

Seuls les pourcentages de laClasse II et de la Classe III ont dimi-nué de façon effective, puisque lesmalades présentaient des signes lo-caux isolés (Classe I) dans 87,8 % descas (contre 79 %), des signes locauxet généraux (Classe II) dans 10,3 %des cas (contre 17 %) et des signesde détresse vitale (Classe III) dans1,8 % des cas (contre 4 %) [15-17].

Cette diminution est due à l’actionde prévention, d’éducation et de sen-

sibilisation de la population sur ledanger de la piqûre par l’espèce noire(Androctonus Mauritanicus). Mais lavenimosité reste un peu plus impor-tante au Maroc ; en effet Abroug, enTunisie ne retrouve les classes II et IIIque dans 9 % et 1,2 % respective-ment [1, 16] :

– l’augmentation du taux d’enveni-mation montre que les professionnelsde santé, ainsi que la population, ontbien assimilé la différence entre unepiqûre simple et une envenimationscorpionique ;

– la légère rationalisation du nom-bre d’hospitalisations reste encoura-geante et dénote une rationalisationde la prise en charge ;

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Indicateurs de suivi de Avant Campagne Écart réduit Significativitéla piqûre de scorpion la campagne 2001 (avant 2001) (2)

Incidence moyenne 0,5 ‰ 1,2 ‰ 3,0 *(4 327/8 164 150) (15 571/12 463 000)

Sex ratio 1,0 0,9 34,3 ***(2 190/2 135) (7 318/7 981)

Enfants de < 15 ans 29,8 % 30,4 % 2,5 *(1 293/4 327) (4 733/15 571)

Taux d’envenimation 10,1 % 11,6 % 17,8 ***(440/4327) (1 805/15 571)

Taux de létalité générale 15,4 ‰ 6,3 ‰ 140,6 ***(67/4 327) (99/15 571)

Taux de létalité 15,2 % 5,5 % 55,5 ***par envenimation (67/440) (99/1 805)

Taux de létalité par piqûre 4,2 % 2,1 % 62,0 ***spécifique aux enfants (55/1 293) (99/4 733)de < 15 ans

Taux de mortalité spécifique Donnée 0,008 ‰ ————- ————manquante (99/12 463 000)

Patients n’ayant pas nécessité 0 % 79,3 % ————- ————de traitement (12 351/15 571)

Patients hospitalisés 7,0 % 6,5 % 13,1 ***(307/4 327) (1 009/15 571)

Adéquation de référence Donnée 45,6 % ————- ————manquante (1 009/2 211)

Tableau IV : Indicateurs de suivi de la piqûre de scorpion avant la campagne et en2001 avec la significativité (Test d’écart réduit).

(2) * Significatif.*** Hautement significatif.

R. SOULAYMANI-BENCHEIKH, I. SEMLALI, A. GHANI, M. BADRI, A. SOULAYMANI

– la rationalisation du nombre desréférés est la conséquence de la for-mation des professionnels de santésur la conduite à tenir ; elle est égale-ment la conséquence de l’existenced’un arbre de décision clair et facile àappliquer par tout professionnel desanté ;

– l’abstention thérapeutique est lapreuve formelle que les profession-nels de santé ont bien assimilé leprincipe fondamental de la stratégiequ’est la distinction entre piqûre etenvenimation. Cet acquis est une pre-mière non seulement au Maroc maisà l’échelle internationale ;

– La létalité générale, par enveni-mation, et par piqûre spécifique auxenfants de moins de 15 ans a dimi-nué. Ces diminutions, quoique rela-tives par rapport aux objectifs définis,montrent que le personnel médical etparamédical commence à rationaliserla prise en charge mais reste très limi-tée par l’absence de réanimateurs etde médicaments nécessaires, dematériel de réanimation mais aussi enraison de l’insuffisance de formationdu personnel dans le domaine de laréanimation et des soins intensifs.Dans tous les cas, nous notons avecsatisfaction l’absence d’augmentationde la létalité malgré le bannissementde l’utilisation de la sérothérapie anti-scorpionique.

Cependant la létalité au Marocreste nettement élevée par rapportaux autres pays [8].

La réduction des dépenses sani-taires s’observe par une abstentionthérapeutique dans plus de 79 % descas et la réduction des hospitalisa-tions de moins 0,5 % des cas. Cetteréduction est d’autant plus signifi-cative qu’elle s’est accompagnéed’une augmentation du nombre despiqûres, des envenimations et d’unediminution de la létalité générale.

L’amélioration des indicateurs desuivi de la mortalité et de la morbiditéde la piqûre de scorpion, dénote unimpact positif d’une telle stratégie delutte.

L’étude nous a permis de distinguertrois régions selon le découpageadministratif : les régions d’incidenceélevée avec létalité, les régions d’in-cidence élevée sans létalité et lesrégions de faible incidence sans léta-lité.

Cette répartition n’est pas écolo-gique, mais on peut regrouper lesrégions en :

– régions d’endémicité élevée sansmortalité correspondant à la régionSud du Maroc ;

– régions d’endémicité élevée avecrisque de mortalité correspondant à larégion Centre-Sud du Maroc ;

– régions de faible endémicité avecabsence de mortalité correspondantà la région Nord du Maroc (fig. 1).

Ceci rejoint la répartition géogra-phique tracée avant la campagne delutte contre les piqûres et les enveni-mations scorpioniques.

La piqûre de scorpion se présenteainsi comme une problématique sani-taire marocaine limitée dans le tempsentre mai et septembre, et touchantles régions du Centre-Sud du pays :

– la limitation dans le temps s’ex-plique par le caractère thermophile duscorpion [17] ;

– l’origine géographique des sujetspiqués correspond à la distributiongéographique des espèces venimeu-ses au Maroc comme décrite parVachon [19]. Ces espèces se retrou-vent dans les régions délimitées parla côte Atlantique à l’Ouest et par leversant du haut Atlas au centre. Lesrégions n’ayant pas participé àl’étude sont celles situées en dehors

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IMPLANTATION ET ANALYSE D’UN REGISTRE DES PIQÛRES DE SCORPION AU MAROC

des zones citées, les piqûres y sontgénéralement non venimeuses et doncne justifient que très rarement le dépla-cement vers les structures sanitaires.

Ces derniers éléments correspon-dent exactement à ceux déjà rappor-tés, en 1997 [16].

ConclusionLe système d’information sur les

piqûres et les envenimations scorpio-niques a joué le rôle d’un observa-toire en nous aidant à étudier le pro-blème du scorpionisme au Maroc.Ainsi l’implantation du registre, pre-mier en son genre au Maroc, et sonexploitation ont permis de collecterde façon exhaustive des données etde tracer la carte épidémiologiquedes piqûres de scorpion dans notrepays.

Il ressort des différents élémentsétudiés un impact positif de l’implan-tation de ce système ; en effet, onpeut noter avec satisfaction la ratio-

nalisation des hospitalisations, desréférences et du traitement des pa-tients piqués ou envenimés, et, parvoie de conséquence, la rationalisa-tion des dépenses de santé.

L’exploitation des données a per-mis également de montrer que lapiqûre de scorpion reste toujours unvéritable problème de santé publique,à la fois par sa fréquence et par salétalité élevées.

Des efforts restent encore à fournirà la fois pour le renforcement en per-sonnel spécialisé, et pour l’approvi-sionnement en médicaments et enmatériel de réanimation afin de dimi-nuer la mortalité qui reste encore éle-vée plus particulièrement pour lesmoins de 15 ans.

Cependant, ce n’est là qu’un pointde départ. Il faudra continuer cettesurveillance dans les années à venir,afin de suivre les indicateurs de mor-bidité et de mortalité, jusqu’à vaincrece fléau qu’est le scorpionisme auMaroc.

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