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International Musicological Society is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Acta Musicologica. http://www.jstor.org Recherches sur la personne et l'oeuvre de Francon Author(s): Michel Huglo Source: Acta Musicologica, Vol. 71, Fasc. 1 (Jan. - Jun., 1999), pp. 1-18 Published by: International Musicological Society Stable URL: http://www.jstor.org/stable/932901 Accessed: 27-04-2015 19:25 UTC REFERENCES Linked references are available on JSTOR for this article: http://www.jstor.org/stable/932901?seq=1&cid=pdf-reference#references_tab_contents You may need to log in to JSTOR to access the linked references. Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. This content downloaded from 143.107.142.253 on Mon, 27 Apr 2015 19:25:43 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions

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Recherches sur la personne et l'oeuvre de Francon Author(s): Michel Huglo Source: Acta Musicologica, Vol. 71, Fasc. 1 (Jan. - Jun., 1999), pp. 1-18Published by: International Musicological SocietyStable URL: http://www.jstor.org/stable/932901Accessed: 27-04-2015 19:25 UTC

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Recherches sur la personne et I'oeuvre de Francon

MICHEL HUGLO (DENTON, TX)*

Fritz Reckow In memoriam

I. Elhments de biographie

Les sources concernant Francon se divisent en temoignages historiques dates et, d'autre part, en documents manuscrits.

1. Les timoignages sur l'origine allemande de Francon

Les t6moignages historiques concernant Francon, auteur du traite intitulh Ars can- tus mensurabilis, ont etd releves sans tenir suffisamment compte de leur date de r6daction et n'ont pas 6td critiqu6s de manibre assez stricte. I1 faut donc les repren- dre en suivant soigneusement les etapes chronologiques'.

Premier temoignage, entre 1280 et 1289: le manuscrit P2 du traite de Jer6me de Moray2, qui a appartenu au maitre is arts Pierre de Limoges (d 1306), a etd com- pose durant les dernibres anndes du XIIIe sibcle3. A la fin, l'auteur reproduit quatre positions de theses (positiones) sur les cinq qu'il a juste auparavant annoncees: P2 (fol. 64v) Discantus positio vulgaris.

Cet article est d6did a Fritz Reckow, ddc6dd

le 30 aofit 1998, en souvenir de son aimable invitation au XVIIe Sym- posium de Wolfenbiittel (15-19 avril 1985) sur le thbme Das Ereignis Notre-Dame. A la suite de sa nomination a l'Universit6 d'Erlangen-Niirnberg, en 1986, Fritz Reckow avait dfi renoncer a la publication des actes de ce mdmo- rable symposium, que j'ai relate dans les Cahiers de civilisation mddidvale 29 (1986), p. 204-206. 'M. HUGLO, De Francon de Cologne

' Jacques de

Liege, in: Revue belge de musicologie 34-35 (1980/81), p. 44-60; M. HAAS,

Studien zur mittelalterlichen Musiklehre I, in: Forum musicologicum III (1982), p. 323-427; DERS., Die Musiklehre im 13. Jahrhundert von Johannes de Garlandia bis Franco, in: Geschichte der Musiktheorie 5: Die mittelalterliche Lehre von der Mehrstimmigkeit (Darmstadt 1984), p. 89. 2 Paris, B. N. F. lat. 16663 (cathenatus), d&crit par J. SMITS VAN WAESBERGHE, The Theory of Music from the Carolingian Era up to 1400 = RISM B III 1 (Miinchen-Duisburg 1961), p. 124; E. REIMER, Johannes de Garlandia, De mensurabili musica. Kritische Edition mit Kommentar. Teil I: Quellenuntersuchungen und Edition = Beihefte zum AfMw X (Wiesbaden 1972), p. 25-26; M. HUGLO, La place du Tractatus de musica dans I'histoire de la thdorie musicale du XIIIe sikcle. Etude codicologique, in: Jer6me de Moravie, un thdoricien de la Musique dans le milieu parisien du XIIle sikcle = Rencontres A Royaumont (Paris 1992), p. 34-42; ID., La Musica du Fr. Prdcheur Jer6me de Moray, in: Max Lftolf zum 60. Geburtstag = Festschrift hrsg. von Bernard Hangartner und Urs Fischer (Basel 1994), p. 113-116. Le manuscrit a

&td intdgralement 6dit6 par S. CSERBA, Hieronymus de Moravia, O.P., Tractatus de musica = Freiburger Studien zur Musikwissenschaft II/2 (Regensburg 1935).

3 M. HAAS, Zur Datierung des Tractatus de Musica von Hieronymus de Moravia, in: Forum musicologicum III (1982), 419 (Appendix D): entre 1280 et 1289, le manuscrit requt la signature Pulp V. La datation de Max Haas confirme les conclusions de 1' examen paldographique dfi

' Marie-Th6rbse d' Alverny et ' Jean Vezin (cf. HUGLO, De Francon,

p.49, n. 23). Rappelons ici que P2 n'est pas un manuscrit original, mais une copie du trait6 de Jer6me de Moray, cor[rectus] par deux correcteurs (cf. HUGLO, De Francon, p. 51, n. 24), dont l'un est Pierre de Limoges: suivant la norme des Dominicains, les livres liturgiques devaient &tre corrig6s trois fois par collation sur le prototype depos6 au couvent St-Jacques. Enfin, P2 n'est pas un exemplar d6pos6 chez un stationnaire, comme l'affirmait le Pere Th6ry (cf. HUGLO, La place, p. 35).

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2 Michel Huglo: Recherches sur la personne et l'oeuvre de Francon

(fol. 66v) Secunda positio [addition marginale]: Johannis de Garlandia, De musica mensurabili4. (fol. 76v) Le traite de Francon sans titre. (fol. 83) Petrus Picardus, Ars motettorum (ed. Gallo, d'apris ce manuscrit, dans CSM 15 (1971), 16-24. Le traite de Francon est ainsi presente: [H]anc declarans subsequitur posicio tertia

Johannis, videlicet de Burgundia, ut ex ore ipsius audivimus vel, secundum vulgarem opi- nionem, Franconis de Colonia que talis est 'Cum de plana musica...'

Enregistrons pour l'instant5 ce temoignage auriculaire en nous souvenant que l'auteur de l'Ars cantus mensurabilis a d6clare dans sa preface qu'il a redig6 ce trait6 a la demande expresse de quelques mecenes: ...nos de mensurabili musica... ad preces quorumdam magnatum tractare proponentes...6

Second t6moignage, vers 1275: L'Anonyme 4, de Bury St-Edmund, qui, suivant Fritz Reckow', vers 1275, fait mention de deux maitres du nom de Francon magistri Franconis primi et alterius magistri Franconis de Colonia". Heinrich Besseler9 a passe sous silence ce temoignage, comme d'ailleurs le pr6c6dent. C'est pourtant de ce texte qu'est partie la trop subtile distinction entre Francon de Paris et Francon de

Cologne. Notons cependant que la mention du ,,premier" Francon pourrait aussi bien s'appliquer a Francon de Liege qui enseignait vers 1240'".

Troisieme t6moignage, vers 1280: Jacques de Mons, arrive a Paris vers 1280, au

temps de la regence de Godefroy de Fontaines a la Faculte des Arts, attribue a Francon la qualit6 d'Allemand (Franco Theutonicus) la premiere fois qu'il le cite", puis le nomme ulterieurement Franco magister ou seulement Franco tout court.

Quatrieme t6moignage, du debut du XIVe siecle: Le plus ancien temoin du traite de Francon, le manuscrit latin 11267 de la Bibliotheque nationale de France2, appartenait des le XIVe siecle a Jean de Plivot, chanoine de St-Denis-de-Reims, identifi6 par le n6crologe de cette abbaye d'Augustins (voir plus bas, p. 6): le trait6

'Voir a propos de l'6dition d'Erich REIMER (Wiesbaden 1972), les remarques critiques d' Ed. H. ROESNER, Johannes de Garlandia, On 'Organum in speciale', in: Early Music History 2 (1982), p. 129-160, sp6cialement p. 132ss. ' P2 [= Paris, B. N. F. lat. 16663], f.76v, col. a (derniere ligne) et col. b, en haut: cette importante d6claration, un peu s6parde des deux traitis qui l'encadrent, est de la mrme main que celle des trait6s. 6 REANEY-GILLES, Franco (CSM 18), p. 23. Remarquons que le ms S (St-Di6, Bibl. mun. 42, du XVe sikcle) donne ici la variante magistrorum au lieu de magnatum. 7 F. RECKOW, Der Musiktraktat des Anonymus 4, I. Edition = Beihefte zum AfMw IV (Wiesbaden 1967), p. 2. En juillet 1986, Fritz Reckow m'avait indiqu6 qu'A son avis les trait6s d'Ars antiqua avaient 6t6 compos6s au cours du dernier

quart du XIIIe sikcle, soit une centaine d'anndes apres 1'Avenement de Notre-Dame. Cf. AMI 60 (1988), p. 257. 8 RECKOW, Der Musiktraktat, p. 46. 9 H. BESSELER, Art.,,Franco von Kl1n," in: MGG 4 (1955), c. 689. '0 H. J. RIECKENBERG, Zur Biographie des Musiktheoretikers Franco von Kdln, in: Archiv fiir Kulturgeschichte 42 (1960), p. 280-293. " CS II, p. 384 b. R. BRAGARD, Jacobus Leodiensis, Speculum musicae, Liber septimus = CSM III/7 (Rome 1973), p. 5.

Remarquons que le nom de Jacques de Lifge, forg6 par Roger Bragard avec la ,,complicit6" de Joseph Smits van

Waesberghe, devrait ?tre d6sormais remplac6 par celui de Jacques de Mons (Jacobus de Montibus), suivant le trait6 de Berkeley (ed. O. B. ELLSWORTH, The Berkeley Manuscript = Greek and Latin Music Theory [Lincoln 1984], p. 226- 227: cf. p. 7, ftn. 15 et p. 75, ftn. 23). "2 Voir plus bas, p. 4, la description du ms. lat. 11267: avant mrme la d6couverte de sa provenance r6moise, la

regrettde Marie-Th6rese d'Alverny m'avait sugg6r6 comme origine le Nord-est de la France, A la seule vue de ses abr6viations!

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Michel Huglo: Recherches sur la personne et l'oeuvre de Francon 3

Cum de plana musica..., sur la paternit6 duquel h6sitait J6r6me de Moray, commence ici sans titre et sans explicit.

Cinquieme t6moignage, du courant du XVe siecle: L'absence d'explicit dans le

plus ancien manuscrit de l'Ars cantus mensurabilis livrait a l'imagination des copistes du XVe sikcle l'occasion de dessiner une carriere a celui qui n'avait pas d6cline la sienne. Les colophons des manuscrits de St-Die (S) et de Tremezzo (T) enjolivent de titres honorifiques la mention trop seche de ,,Francon de Cologne" au d6but ou a la fin de son trait&: il devient alors le superieur (praeceptor pour commendator) de la maison des Hospitaliers de St-Jean de Jerusalem a Cologne, alors que les pieces d'archives de cette maison13 mentionnent comme sup6rieur des personnalit6s beau-

coup plus importantes, mais aucune du nom de Francon. Il est tres possible que cette appartenance de Francon A l'ordre des Hospitaliers

de St-Jean de J6rusalem ait 6t6 suggerde par l'6troite proximit6 de la commanderie des Hospitaliers de St-Jean de Jerusalem a Paris, situee sous l'actuelle rue des Eco- les a quelques metres du coin forme par cette rue avec la rue Saint Jacques (voir le ,,Plan de Paris").

Extrait du ,,Plan de Paris au XIVe sikcle" (edite par le Service cartographique du C.N.R.S.)

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3 Il reste actuellement plus de 914 pikces, dont 488 originales, concernant la commanderie St-Jean de Jerusalem et Ste-Cordula A Cologne: cf. P. CLEMEN, Die ehemaligen Kirchen, Klster, Hospitdiler und Schulbauten der Stadt Klyn = Die Kunstdenkmaler der Stadt Koln II/3 (Diisseldorf 1937). Neanmoins, Hans Rieckenberg maintient son ,,hypothsse" contrairement A cet ktat negatif des faits: ,,alles spricht eher daffir daB er [Franco] vor 1251 Priceptor gewesen ist"(art. cit. [n. 10], p. 287).

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4 Michel Huglo: Recherches sur la personne et l'oeuvre de Francon

D'apres les manuscrits S et T, Francon aurait ete aussi ,,chapelain du Pape", titre qui equivaut a ,,chantre de la chapelle papale". En fait, cette charge et cette fonction ne sont devenues courantes que sous les Papes d'Avignon, ai partir de Clement VI (1342-1352)4.

Bref, de tous ces temoignages, l'historien ne retiendra que l'appellation de Fran- con l'Allemand, enseignant ia Paris en liaison avec Jean de Bourgogne. Il ne reste

plus donc qu'I retrouver la trace de ce maitre franqais contemporain de Francon.

2. Les documents: relations avec les milieux de St-Denis-de-Reims

Le plus ancien manuscrit independant de Francon (P1), conserve ia la Bibliotheque nationale de France sous la cote Ms. lat. 11267 (Suppl. lat. 930) est un petit libellus (15 x 10,5 cms) forme de deux cahiers de parchemin, un ternion et un diplome, encadr6 par le relieur du XVIIIe siecle de deux minces cahiers de papier avec fili-

granes d'A. Vimal d'Auvergne". Au verso du folio 8 des gardes initiales, on lit la mention : ,,olim Fontanieu E 30" qui se rapporte non pas ia une hypothetique ab-

baye franqaise16, mais a la personne de Gaspard-Moyse de Fontanieu, conseiller d'Etat, qui, le 27 aofit 1765, vendit tous ses livres manuscrits et imprimes ia la Bi-

bliotheque du Roi7. La provenance est bien indiqu6e en cursive dans la marge de tate du fol. 1: De

conventu sci Dion. Rem.+, mais plus haut une seconde indication a malheureuse- ment ete tronqu6e par le couteau du relieur: Ist/////g. Au fol. 0, c'est-a-dire sur l'an- cienne couverture du libellus, on lit en cursive du XIVe sibcle: Iste liber est Joannis de

plivis can. sci Dion. Rem. qui se rapporte, comme nous le verrons plus loin, ia un chanoine de la famille de Plivot.

Au second feuillet de garde, on a ajout6 une melodie sans texte, not6e sur port6e trac6e A main lev6e:

Au verso de ce meme feuillet, l'indication du contenu: Ars musicae [mensuratae] -

Algorismus et compotus. Au fol. 1, le traite attribu6 ' Francon de Cologne, mais sans

titre: ,,Cum de plana musica..." Au fol. 7, l'explicit: ,,...et de ipso organo sufficient ibi dicta." (CSM 18, 23-82).

14 B. GUILLEMAIN, La cour pontificale d'Avignon (1309-1376). Etude d'une socidtd (Paris 1962), p. 362-370. A. TOMASELLO, The Capellani capelle Pape, in: Music and Ritual at Papal Avignon (Ann Arbor 1983), p. 47-51; The Magister Capellae Pape (ibid., p. 77). "5 Madame Marie-Pierre LAFFITTE, que je remercie d'avoir identifie ce papier, me signale que des filigranes tres voisins sont reproduits par E. HEAWOOD, Watermarks mainly of the 17th and 18th Centuries = The Papers Publications

Society (Hilversum 1950), nns 185, 1235, 2327 et 2400. 16 SMITS VAN WAESBERGHE, The Theory (RISM B III 1), p. 117. 17 L. DELISLE, Le Cabinet des Manuscrits de la Bibliotheque impiriale I (Paris 1868), p. 433, indique le nombre de 266 manuscrits environ, dont une bonne part provient de l'abbaye cistercienne de Chaalis. Voir aussi, H. OMONT,

Inventaire sommaire des portefeuilles de Fontanieu conserves la Biblothique nationale = Extrait de la Revue des bibliothW-

ques, 1897 et 1898, p. 40: ,,De musica, ms v[etus], in-12. E 30." Je dois cette precieuse information a Marie-Frantoise DAMONGEOT, Conservateur en chef au Departement des manuscrits de la Bibliothbque nationale de France.

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Michel Huglo: Recherches sur la personne et l'oeuvre de Francon 5

Au fol. 8v (apres la liste d'intervalles des ff. 7v et 8), suit l'algorisme annonc6 plus haut au fol. 00v, incipit ,,Omnia que a primeva rerum originem processerunt..." (la fin du texte manque)8.

Ainsi, I'analyse du plus ancien manuscrit de Francon nous a conduit a St-Denis- de-Reims. I1 reste donc a rechercher dans les documents d'6poque les trois noms rencontr6s jusqu'ici: Jean de Plivot, Jean de Bourgogne et enfin, - pourqui pas? - Francon de Cologne.

Les seuls documents de St-Denis de Reims en notre possession sont des necro- loges: 1. Njcr. A: Paris, B. N. F. Ms lat. 4334 (Delamare 485; Reg. 4506-2), manuscrit du XIIe siecle, &crit sur parchemin: livre de l'office de Prime au chapitre, comprenant le necrologe, les statuts de l'Abb6 Hugues, les passages du concile d'Aix-la-Chapelle (816) relatifs a l'institution de la vie canoniale, la vie et la Regle de saint Augustin etc.

Ce manuscrit a ete decrit par Jean-Loup Lemaitre dans son Repertoire". Outre la mention quotidienne des chanoines de St-Denis d6cedes, on relive aussi dans ce document les obits des archeveques de Reims depuis Gervais de Cha^teau-du-Loir (decede le 4 juillet 1067), jusqu'a Henri de France, d&ced6 le 13 novembre 1175. Guillaume de Champagne, dece~d le 7 septembre 1202, n'est pas mentionne ici, parce que, au XIIIe siecle ce necrologe devenu trop rempli d'obits, notamment aux ff. 10v, 11, 30 etc., fut remplace par un nouveau livre, le Necrologe B.

Le necrologe A contient quelques obits fort interessants, en particulier la men- tion de trois chanoines de St-Denis qui assumaient la fonction de chantre a la ca- thedrale Notre-Dame de Reims, cantor sanctae Mariae: Gervais (fol. 9v), Lambert (f. 19v), Odon (f. 25). Il ne semble pas qu'une relation analogue entre les chanoines augustins de St-Victor et Notre-Dame de Paris a pu exister au XIIe sikcle...

Au 10 novembre (f. 26v), on faisait ,,commemoraison des freres chevaliers du St-S6pulcre" d&cedes: c'est qu'en effet, lors du concile de Troyes en 1128, I'Abb6 de St-Denis de Reims assistait aux cotes de saint Bernard a la ratification de la Regle des Chevaliers du Temple.

Enfin, olnrelkve

la mention de Richer de Plivot, sans plus. La suite de ce n6crologe trop rempli fut assur&e au d6but du XIIIe siecle par le

N&crologe B.

2. Necr. B: Paris, Bibliotheque Ste-Genevieve 1837 (H.1. in-4? 11). Manuscrit sur papier d'Auvergne de la fabrique de Benoit Vimal, avec oiseau en

filigrane: l'identification du papier est due a Mr. Nicolas Petit, conservateur a la Reserve des manuscrits de la Bibliotheque Ste-Genevieve, qui renvoie A l'ouvrage

" Cet algorisme est celui de Johannes de Sacrobosco: cf. THORNDIKE and KIBRE, A Catalogue of Incipit of Mediaeval Scientific Writings in Latin (Cambridge Mass. 1963), p. 991. Dans le ms lat. 15129 de la B. N. F. de Paris, aprbs 1'Ars discantandi de Pierre de la Croix, vient un autre algorisme (THORNDIKE and KIBRE, p. 144), qui merite d'ktre cite ici, quoique non agunt de musica (RISM B III 1, p. 121-122; CSM 15, p. 36): Ars ista secundum quosdam vocatur Algorismus ab inventore. Alii dicunt quod dicitur Algorismus quia idem sonat in greco quod albae arenae... '9 J.-L. LEMAITRE, Repertoire des documents necrologiques franqais... t.II (Paris 1980), p. 728, no 1692.

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6 Michel Huglo: Recherches sur la personne et l'oeuvre de Francon

d' Ed. Heawood20. Enfin, I'analyse du necrologe a ete etablie par Jean-Loup Lemai- tre21"

La copie du necrologe a ete execut"e peu avant 1729-1730 par un chanoine de la

congregation de Ste-Genevieve, dont St-Denis de Reims dependait depuis 1633.

L'original du XIIIe siecle, consulte par les Mauristes pour la Gallia christiana (cf. le t.

IX, 292), a malheureusement disparu. Il est donc impossible de dater d'apres cette copie l'&criture des diffirentes

mentions n6crologiques ajout"es les unes a la suite des autres au cours des XIIIe et XIVe siecles, sauf 6videmment lorsqu'une personnalit6 connue figure en milieu ou en fin de notice comme jalon chronologique.

L'atmosphere refl6t6e par le Njcr. B est assez diff6rente de celle qui 6mane du Njcr. A. On observe d'abord que les archeveques de Reims ne sont plus mentionn6s a partir d'Henri de Dreux (1227-1240). Par ailleurs on remarque que les chanoines de St-Denis n'exercent plus la fonction de chantre a la cath6drale, mais seulement dans leur abbaye. De fait, les archives de St-Denis nous apprennent que les rela- tions des chanoines augustins avec le chapitre cathedral deviendront de plus en

plus difficiles22. Dans ce nouveau n6crologe, le nom des chanoines d6funts est suivi de la men-

tion uniforme sacerdos et canonicus noster, tandis que dans l'ancien n6crologe, le Necr. A, le nom du chanoine deced6 porte la mention canonicus et sacerdos sancti

Dionysii. Parfois, il est fait mention de leurs dons au monastere ou de leurs fonda- tions pieuses. Ainsi, par exemple, le chanoine Franqois F6ret lkgue une somme

d'argent pour qu'on chante en Avent la prose Mittit ad virginem et, au temps de Nodl la prose Laetare puerpera.

Il semble que l'usage de ce necrologe n'ait guere 6t6 poursuivi au dela du XIVe

siecle, sauf pour les abb6s de St-Denis, dont la liste commence par Pierre, deced6 en 1222, et se poursuit jusqu'a Nicolas Tuillier, mort en 1530.

Dans le nouveau n6crologe, les mentions de personnalites parisiennes, absentes du Necr. A, sont relativement nombreuses, sans doute parce qu'a cette 6poque les relations entre Paris et Reims se sont quelque peu intensifiees23. Ainsi, nous rele- vons le nom de Maurice de Sully, 6veque de Paris deced6 en 1196, qui multa fecit nobis. Cette formule a l'6gard des bienfaiteurs reparait a maintes reprises dans ce

n6crologe, alors qu'elle n' avait 6t6 employee qu'une seule fois dans le Necr. A, au fol. 9.

Coincidence curieuse, l'obit de Jean de Plivot (Johannes de Pliveis), l'heureux

possesseur du petit manuscrit de Francon decrit ci-dessus, arrive en sixieme place ce meme jour (fol. 135) et est suivi en neuvieme place de la mention de l'Abb6 Jean Joffridi (1435-1438).

20 HEAWOOD, Watermarks mainly of the 17th and 18th Centuries (Hilversum 1950), pl. 26. 21 LEMAITRE, Repertoire... t. II, p. 729, no 1693. 22

F. GREGOIRE & M. E. BREJON de LAVERGNEE, Archives de la Marne. Inventaire de la Sirie H: Clerge rigulier (Reims 1977), p. 43. 2 P. DESPORTES, Reims et les Rdmois aux XIIIe et XIVe siecles (Paris 1979), passim. Cependant, le CollLge de Reims A Paris ne sera fonde que plus tard par l'arch&v?que Guy de Roye (1399-1409). II figure sur le plan de Paris, dresse

par le CNRS (voir plus haut, p. 3): il tait etabli dans le quartier des coll'ges de province, A quelques pas au sud de la Commanderie des Hospitaliers de St-Jean de Jerusalem.

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Michel Huglo: Recherches sur la personne et l'oeuvre de Francon 7

Simon Matifas, 6veque de Paris de 1290 a 1304, est mentionn6 dans le Necr. B au 22 juin (fol. 90v). Au 15 aoit, on relkve la mention de Robert de Sorbon, chanoine de Notre-Dame de Paris (1258), fondateur du ,,College des maitres et 6tudiants

pauvres" portant aujourd'hui son nom, deced6 le 15 aoit 1274, soit cinq mois apres Thomas d'Aquin. Dans un sermon, maitre Robert de Sorbon rappelait l'histoire de douze jeunes bourgeois de Reims qui deciderent de partir en pelerinage a Colo-

gne24. Par ailleurs, ii avait 16gue une maison a son neveu Guillaume, p6nitencier '

Reims25. Enfin, au premier septembre (fol. 128) a 6t6 inseree la notice de Jean de Mareuil,

,,chanoine de Noyon et secr6taire du roi de France". Il s'agit bien ici de Jean Ma-

quart de Mareuil, anobli par Philippe VI le 23 mai 1348, et envoy6 en mission cette meme annee en Allemagne et en Avignon26. En fait, il est difficile de savoir pour- quoi le nom de ce personnage a 6t6 introduit au n6crologe de St-Denis. Un homo-

nyme figure au n6crologe de la Sorbonne le 6 aoit, en tant qu'associ ~a ce collkge et bienfaiteur ayant 16gu6 a cette mime maison plusieurs livres: Johannes de Marolio quondam socius domus qui legavit domui istae plures libros...27. Ce dernier Jean de Ma- reuil, cure de St-Mathurin-de-Larchant au diocese de Meaux, avait 6t6 en 1299 pro- cureur de la Sorbonne28.

La mention de Jean de Bourgogne, v6ritable auteur - suivant Jer6me de Moray - de la theorie de l'Ars cantus mensurabilis-figure au 12 mai: 0. Magister Joannes dictus de Borgondia, canonicus noster (fol. 69). Ce chanoine non pretre 6tait sans doute

parent du chanoine Guy de Bourgogne (fol. 80v) et peut-etre meme des ducs de

Bourgogne (fol.lv). Le titre de Magister confer6 ici a Jean de Bourgogne est tres

important: en effet, seul parmi ses confreres, il porte le titre de ,,maitre", c'est-a-dire d'enseignant.29 Comme il sera d6montr6 plus loin, Jean de Bourgogne enseignait a la Facult6 des Arts de l'Universit6 de Paris: sa r6sidence 6tait probablement soit au

Collkge de Bourgogne, soit a l'H6tel de Reims, contigu a celui-ci. Et Francon? Ce nom tris rare en France aux XIe et XIIe sicles3", ne parait pas

dans le Necr. A. Il revient trois fois dans le Necr. B: une premiere fois au 27 decem- bre (Obiit Franco, professor legum, fol. 189); la seconde et la troisieme fois dans la

longue notice du 29 septembre (fol. 142v), qui compte 17 obits. Retenons les noms

qui nous concernent:

24 P. GLORIEUX, Aux origines de la Sorbonne I (Paris 1965), p. 50.

25 GLORIEUX, Aux origines I, p. 13, n. 7. 26 Je dois A Monsieur Robert-Henri BAUTIER, Membre de 'Institut, plusieurs precieux renseignements sur la carriere de Jean de Mareuil, ,,secretaire du roi de France" (lettre du 25 juin 1985). 27 GLORIEUX, Aux origines I, p. 171, d'apres le manuscrit de Paris, B. N. F. lat.16574 (Statuts et Obituaires de la Sorbonne), f. 38. Cf. J. L. LEMAITRE, Repertoire des documents ndcrologiques frangais..., t. I (Paris 1980), p. 607 n' 1362. 28 Notice sur Jean de Mareuil, procureur de la Sorbonne, dans GLORIEUX, Aux origines, p. 316. Cinq manuscrits lui

ayant appartenu sont encore actuellement conserves: L. DELISLE, Le cabinet des manuscrits de la Bibliothdque nationale, t. II (Paris 1874), p.159. 29 Notre Jean de Bourgogne ne saurait en aucun cas ktre confondu avec son homonyme, medecin anglais du XIVe siecle: cf. H. SCHOFFLER, Beitrdge zur mittelenglischen Medizinliteratur = Sichsisches Forschungsinstitut in Leipzig III/1 (Halle 1919), Anglistische Abteilung, p. 192 ss, qui 6dite les Practica physicalia magistri Johannis de Burgundia (p. 178-179), dont le nom releve d'une confusion de copiste avec ,,de Burdegalia". 3 Le nom de 'Francon' est tres rare en France avant le XIVe siecle: on le

relive cinq fois dans les tables des obituai- res parisiens d'Auguste Longnon (Obituaires, tome I) et quatre fois seulement dans celles des autres obituaires de province (Obituaires, tomes II-VI). Pour Cologne, voir RIECKENBERG, art. cit., p. 291, n. 55.

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8 Michel Huglo: Recherches sur la personne et l'oeuvre de Francon

(7) Obiit Franco presbyter. (8) Obiit Gerbertus filius Gobarti qui dedit nobis apud Pliveisas dimidium jornalis

terrae...31 (9) Obitus Magistri Johannis de Abbatisvilla, cardinalis sanctae Sabinae etc. (17) Obitus Dnus Franco, curatus de Curmissiaco... Le pretre Francon, inscrit en septieme place, mort avant Jean d'Abbeville, cardi-

nal de Ste-Sabine sur l'Aventin et 6veque suburbicaire de Tusculum, bienfaiteur de la Sorbonne, et enfin, deced6 en 1237, n'est pas celui que nous cherchons.

Francon, cure de Cormicy, canton de Bourgogne32, non loin d'Hermonville et

d6pendance de St-Denis de Reims, devait normalement etre nomm6 au n6crologe de St-Denis.

Bref, il faut renoncer a trouver ici une mention valable de Francon l'Allemand. I1 suffit pour l'instant d'avoir identifi6 Jean de Plivot et Jean de Bourgogne, dont la

personne 6tait en relation 6troite avec l'oeuvre 6crite attribute A Francon.

3. Incertitude sur la mort de Francon

Dans le De disciplina scolarium, qui retrace les usages universitaires de Paris vers 1240 et dont la copie nous est parvenue a plus de 130 exemplaires, nous lisons un

passage tres 6trange oi0 il est question du suicide de maitre Francon, pouss6 a bout

de patience par suite de la persecution de ses 6tudiants: Magister Franco in mansue- tudinis prodeat in exemplum, qui ob discipulorum suorum nobilitate sua utentium irrefra- gabilem arrogantium laqueo se suspendit33.

L'6dition critique d'Olga Weijers34 donne ici au lieu de Franco la nom de Fronto, orateur du IIe siecle et pr6cepteur de Marc Aurele. C'est de fait la leqon du manus- crit de base (Cambridge, Trinity College, MS 598), suivi par l'auteur et collationn6 sur quelques autres ,,bons" manuscrits. Mais ce nom de Fronto, je ne l'ai jamais rencontr6 ni dans les manuscrits, ni dans les imprimes que j'ai pu consulter a Paris, A Bruxelles, A New York ou ailleurs. Un copiste, inconscient de la chronologie, aura cru bon de remplacer le nom du rh6teur antique inconnu de lui par un nom mieux connu. D'apres quelques sondages, le nom de Francon indiqu6 dans cet opuscule n'apparait qu'a la fin du XIIIe siecle, mais jamais dans les manuscrits parisiens35. Ce petit problkme critique, qui remet en cause la methode d'6dition des textes medi&- vaux 6tablis d'apr's un ,,bon" manuscrit ne doit pas retenir plus longtemps l'atten- tion. I1 etait neanmoins n6cessaire d'tvoquer ce fait 6trange rapport ~A titre d'exem-

ple par le De disciplina scolarium.

31 A. LONGNON, Pouilles de la Province de Reims I (Paris 1908), p. 48, mentionne, outre la commune de Plivot dans le canton d'Avize, la commune de St-R6my-de-Plivot (de Pliveis), qui dependait justement de St-Denis de Reims.

32 Cormissy (Cormissiacum) dans le canton de Bourgogne pros d'Hermonville, dependait 6galement de St-Denis de Reims.

33 MIGNE, Patrologia latina LXIV, c. 1235. 34 0. WEIJERS, Pseudo-Boace. De disciplina scholarium (Leyde 1976). 35 Paris, B. N. F. lat. 15661 [Sorbonne 3311, ca. 1300, f. 123 (L. DELISLE, Le cabinet des manuscrits... t. II, p. 175 et t. III,

p.42); lat. 16089 (XIIIe et XIVe s.), f. 39 et lat. 17810 (XIVe s.), Couvent St-Jacques de Paris, f. 181.

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Michel Huglo: Recherches sur la personne et l'oeuvre de Francon 9

II. L'enseignement de Francon

1. Jean de Bourgogne, chanoine de St-Denis de Reims, et Francon

J6r6me de Moray, qui a pr6sent6 dans sa somme (P2) la plus ancienne copie de

l'Ars cantus mensurabilis, est le t6moin auriculaire de l'attribution de la doctrine de ce trait ~a Jean de Bourgogne, chanoine de St-Denis de Reims. D'autre part, le plus ancien manuscrit ind6pendant de ce meme trait6 (P1), en provenance de cette meme abbaye r6moise, donne le texte de theorie musicale en question sans aucune attribution d'auteur36.

D'apres ces deux manuscrits et d'apres divers temoignages contemporains, il est

possible d'esquisser la limite de participation de chaque auteur dans l'elaboration de l'Ars cantus mensurabilis.

Le premier t6moignage est do a Pierre le Picard: Quoniam nonnulli, maxime novi auditores compendiosa brevitate laetantur, quattuor

tantum capitula mensurabilis musicae quae quidem sunt ipsis novis auditoribus necessaria breviter enodabo: dicta mea arti Magistri Franconis de Colonia necnon et arbori Magistri Johannis de Burgundia quantumcumque potero conformabo"7.

[Comme beaucoup d'auditeurs, surtout les nouveaux, pr6f'rent la brievet6

d'un r~sum6, je r'duirai a quatre les chapitres de la musique mesur'e absolument n6cessaires aux nouveaux auditeurs. Je conformerai donc mes propos, dans la me- sure du possible, au trait6 de Maitre Francon de Cologne et a l'arbre de Maitre Jean de Bourgogne].

Le second t6moignage vient de l'Ars motetorum du manuscrit de la Sorbonne qui a appartenu a Pierre de Limoges (d 1306), avant d'etre enchain6 dans la chapelle Ste. Ursule de la Sorbonne:

Figurarum simplicium tres sunt species quae tres ramos perficiunt in Johannis arbore supradicti: longa,... brevis,... semibrevis...".

[On compte trois especes de figures simples qui, dans l'arbre susdit de Jean de Bourgogne constituent trois rameaux: longue, brave, semi-brave].

L'arbre de Jean de Bourgogne, vraisemblablement inspire de 1' ,,arbre de con- sanguinite" dessin6 dans les Etymologies d'Isidore et dans le Decret de Gratien, comportait trois branches pour expliquer la valeur des diff6rentes figures de la notation mesuree et leurs 6quivalences. L'arbre connotait aussi les cinq manieres formellement diff6rentes de pliquer une ligature: Et haec quinque differentiae in arbore dicti Johannis subtiliter declarantur (Ars motettorum, ed. Gallo, 23, # 12,2).

[Aussi, ces cinq differences sont fort subtilement indiquees sur l'arbre du susdit Jean de Bourgogne].

Mat6riellement, l'arbre en question 6tait dessin6 sur un grand tableau: require in sc(h)edula magna. Ce renvoi au dessin de l'arbre trac6 sur une grande feuille de par-

G. REANEY, The Question of Authorship in the Medieval Treatises on Music, in: MD XVIII (1964), p. 7-18. 37 F. A. GALLO (ed.), Petrus Picardus, Ars motetorum compilata breviter = CSM 15 (Rome 1971), p. 16.

38 GALLO, Petrus Picardus, p. 16.

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10 Michel Huglo: Recherches sur la personne et l'oeuvre de Francon

chemin a tet ajout6 de la main de Pierre de Limoges dans la marge de gouttiere du manuscrit P2 en sa possession. Ce d6tail prouve que l'arbre de Jean de Bourgogne servait encore a l'enseignement oral de la valeur des figures de la musique mesu- ree. Plus int6ressant encore: l'arbre figurait dans le moddle du manuscrit P2, puis- que dans son Ars motettorum Pierre le Picard annonce explicitement le dessin de ce tableau: Haec omnia leviter patent in arbore qui sequitur".

Comme l'arbre n'a malheureusement pas 6t6 recopi6 dans P2, il faut tenter de le reconstituer d'apres les informations de Petrus Picardus. Dans un essai fort subtil, Christian Berktold4? a propos6 une reconstitution de cet arbre, mais son diagramme n'a que deux branches (figurae simplices et figurae compositae, i.e. ligaturae) au lieu des trois indiquees par Petrus Picardus. Cette troisieme branche n'est autre que les

figurae plicatae mentionnees plus haut. Il semble difficile d'aller plus loin, du moins sur le plan graphique, pour recons-

tituer l'arbre de Jean de Bourgogne: il serait hasardeux de passer du plan concep- tuel au diagramme visuel que le maitre avait dessin6 sur le parchemin pour ses chanteurs, meme en s'inspirant des 'arbres' dessines dans les trait6s de l'Ars nova ou dans les manuscrits plus tardifs"4. On peut tout au plus sugg6rer que les exemples donn6s par Jean de Bourgogne pour chaque figure se retrouvent aujourd'hui dans l'Ars cantus mensurabilis et dans l'Ars motettorum (voir Tableau I, p. 11).

Ajoutons enfin que dans P2 (fol. 84), dans le bas de la colonne de droite laiss6e vide par le copiste, une seconde main a r6sume l'enseignement des cinq modes

rythmiques secundum magistrum Franconem et il ajoute: haec omnia patent [ce mot est de troisieme main] in arbore qui sequitur. Mais pas plus ici que plus haut, ce nouvel

,,arbre des modes rythmiques" a 6t6 reproduit par le copiste. L'oralit6 de l'enseignement de Jean de Bourgogne s'appuyait donc sur des dia-

grammes trac6s sur des grands tableaux de parchemin, tant pour la valeur des

figures de la notation mesuree que pour les modes rythmiques. Cet enseignement des 6l6ments de la musique mesuree est dans la meme ligne que celle de la musica

plana: en effet, pour l'enseignement des muances, on dessinait parfois sur le par- chemin une ,,schedule" repr6sentant la main de Guy d'Arezzo42 lisible a courte distance.

Francon de Cologne a vraisemblablement mis par 6crit cet enseignement oral informel. II a redig6 chaque chapitre de son trait6 suivant un plan rigoureux: d6fi- nition initiale, division du sujet a traiter, confirmation de la theorie par des preuves objectives, r6futation des erreurs. II a r6dig6 1'Ars cantus mensurabilis dans le style des ,,sommes" universitaires, a la demande de hautes personnalit6s, peut-etre le

r6gent de la Facult6 des arts, mais par modestie il n'a pas sign6 son trait6 (cf. P1 et

39 GALLO, Petrus Picardus, p. 30 (apparatus criticus): comme cet ,,arbre" a disparu du manuscrit, Gallo en a supprime lannonce. 40 Ch. BERKTOLD, Die 'arbor' des Johannes de Burgundia, in: Cantus Planus. Papers read at the 6th Meeting, Eger Hungary 1993, Vol. 2 (Budapest 1995), p. 653-664. 41 Par ex. les Quattuor principalia Musicae dans Londres, British Library, Add. MS. 8866, ff. 45v-46 (RISM B III 4,

p. 33). 42 Comme par ex. sur les feuillets volants de parchemin de Berkeley, University of California, Music Library, MS

1087 (dimension 305 x 222 mms.) et de Washington, Library of Congress, Music Division ML 171 G 85 Case (di- mension 250 x 175 mm.): cf. AMI 60/3 (1988), p. 252 et RISM BIII 4, p. 144-145 et p. 190-191.

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Michel Huglo: Recherches sur la personne et l'oeuvre de Francon 11

Tableau I:

cum sine cum sine cum sine perf.perf. perf.perf. perf.perf.

longa brevis semibrevis cum propr.sine propr. cum oppos.propr. ascend. descend.

FIGUHAE FIGURAE SIMPLICES FIGURAE COMPOSITAE (ligaturae) PLICATAE

FIGURA

Ex 27: ligatures ASCENDANTES Ex 28: ligatures DESCENDANTES

Ex.29 : ligature desc.AEC Prop avac trait a g.,coe.cht.greg.

Ex.31: Ligat. asc. AIEC Pr.(B), Ex.30 : ligature dasc.SANS Pro- seas'trait i g.,coe.cht.grig. priti (L)

Ex.32-33:Ligat. asc.SANS Propr. avec trait i g. ou a dr.

Ex.34 : Ligature AVEC Propriiti OPPOSCE. i.e. avec trait verti- cal tourn vers la haut (5 * Semibrive)

F I de la Ligature ("Perfection"-L ).

x.35=: Deux dern.points superposes Ex.36:deux dern.pts.en "ascalie

-'Imperf-ction ) Ex.37 : dernier point ttae retournee.

Ex.38 : ramplacement par trait oblique Ex.39 : trait oblique

Chap.VIII : Plication-as la FIM des Ligatures Ex.40: -des ligat.parfaites sac. Cx.41: -des lJg. p?. desc.

Ex. 42: -des lig. impf. asc.(cf.-8) Ex.43: des lig.impf. desc.

"Conjuncturae Ex. 44 Ex.45

..-_

I

...•

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12 Michel Huglo: Recherches sur la personne et l'oeuvre de Francon

P2), cependant que J6r6me de Moray, lui, savait fort bien dans quelles circonstan- ces la doctrine orale de Jean de Bourgogne avait 6t6 mise par 6crit.

2. L'Ars cantus mensurabilis et l'enseignement de la musique mesurie ai Paris, dans la seconde moitid du XIIIe sikcle

Si l'enseignement oral de la ,,theorie du chant mesur6" est due en grande partie a Jean de Bourgogne43, la r6daction 6crite doit tre attribu6e a Francon, ou plus exac- tement a ,,Maitre Francon"": en effet, seul un maitre-is-arts 6tait capable de compo- ser un trait6 aussi bien charpent6 dans son plan que concis dans sa forme.

Ce trait6 comporte deux parties: la notation mesur6e (chapitres I a X), puis les formes musicales (chapitres XI ' XIV). Chaque chapitre est construit d'apres un

plan similaire: d6finition, divisions du sujet, objections, r6ponse aux objections. C'est bien la une d6marche scolastique"4: l'influence de cet art de penser et d'argu- menter est encore tris sensible dans les passages suivants de 1'Ars cantus mensurabi-

lis: ,,...cum prius sit vox recta quam amissa, quoniam habitus praecedit privationem, prius dicendum est de figuris quae vocem rectam significant, quam de pausis quae amis- sam" (cap. III, ed. Reaney, p. 29); ,,...ligatura cum proprietate essentialiter differt ab illa

quae sine, ut rationali animal ab irrationali..." (cap. VII, ed. Reaney, 44); ,,...una differt ab alia formaliter" (ibid., 50)46.

Dans la seconde partie de son trait6 (cap.s XI ' XIV), Francon 6tablit le rapport entre formes (musicales) du chant mesur6 et genres (litteraires) des textes: le de- chant pour les diff6rents genres de textes versifies (chansons, rondeaux, hymnes, s6quences, motets) et organum pour les ,,chants eccl6siastiques" en prose, c'est-a- dire les graduels, alleluias et repons de l'office.

Au chapitre XI, l'auteur observe que ,,le d6chant 6tant r6gi par les consonances, il faut donc examiner le problkme des consonances et des dissonances ... parfaites, imparfaites et mixtes". Mais a la diff6rence de Jean de Garlande, qui 6numbre con- cordances et discordances en 6tablissant les rapports numeriques simples ou com-

plexes qui en sont le fondement", Francon renvoie tout simplement son auditeur aux 6l6ments de la plana musica.

13 II faut soigneusement remarquer qu'A la difference des autres chanoines de St-Denis de Reims, Jean de Bourgogne

porte dans le necrologe B le titre de Magister. Par ailleurs, il est cite de maniere evasive par l'Anonyme 4 de Bury, St-Edmund: ... cum quodam Magistro de Burgundia (ed. RECKOW, p. 50, 30). " Jacques de Mons mentionne habituellement Francon avec son titre de ,,Maitre". La similitude de doctrine de

Maitre Jean de Bourgogne et de Maitre Francon est etablie par la Declaration de Petrus Picardus: dictaque mea arti

magistri Franconis de Colonia necnon et arbori Magistri Johannis de Burgundia quantumcumque potero conformabo (GALLO, Petrus Picardus, p. 16 et p. 25 [apparatus criticus]. CSERBA (Jdr6me, p. 259) n'a pas vu le saut du mrme au mrme qui a 'td suppl'6 en marge par un des deux correcteurs de P2.

45 L. M. DE RIJK, Die mittelalterlichen Traktate 'De modo opponendi et respondendi.' Einleitung und Ausgabe der ein-

schlidgige Texte = Beitrige zur Geschichte der Philosophie und Theologie des Mittelalters, N. F. XVII (Miin- ster/Westfalen 1980): l'Auteur edite trois traites exposant les proc'd's d'argumentation en philosophie et en

th'ologie au cours des questions disputees. 46 Sur les termes en question, voir R. MACKEON, Selections from Medieval Philosophers II (New York 1930), p. 458, 484.

47 Cette remarque pourrait bien viser Jean de Garlande qui traite effectivement des consonances dans son De

mensurabili musica, Cap. 10 (ed. REIMER, p. 73-74). Mais cette question est encore discut&e dans la Reportatio tertia de

sa Musica plana: cf. Ch. MEYER, Musica plana Johannis de Garlandia. Introduction, idition et commentaire = Collection

d''tudes musicologiques, Vol. 91 (Baden-Baden & Bouxwiller 1998), p. 135. Jean de Garlande a do probablement Atudier ces questions avec un math~maticien parisien, exactement comme Jacques de Mons qui avait consult' les

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Michel Huglo: Recherches sur la personne et l'oeuvre de Francon 13

Cet enseignement du cantus mensurabilis a 6t6 donne dans un milieu franco-

phone-Paris, 6videmment,-puisqu'au lieu de d6signer la figure du losange repr&- sentant la semibreve par le terme de tesseromata"4, Francon emploie le terme frangais de 'losenge': uniformiter ad modum losenge sic formatur49.

L'enracinement du trait6 dans l'Universit6 de Paris au cours de la seconde moi- tie du XIIIe siecle, se trouve confirm6 par l'influence de l'aristotelisme sur l'ensei- gnement de la philosophie et des sciences qui atteint son sommet vers 1250-1265". A titre d'exemple, on pourrait citer la d6finition de la musique donn&e par Aristote dans le De mundo, traduit au XIIIe siecle par Barth6l6my de Messine": Musica autem acutos et graves pariter breves et longos sonos miscens in vocibus differentibus unam perfe- cit armoniam52.

Cette mention de la duree des sons dans la d6finition de la musique -pariter breves et longos- n'a pas 6t6 sollicit6e dans la traduction par les theories de la musi-

que mesuree en vigueur au XIIIe siecle: elle figure bien en effet dans le texte grec du De mundo

(oaxpous me Xat 3ppxets)53.

L'influence d'Aristote sur l'Ars musica au cours de la seconde moiti6 du XIIIe siecle peut encore se d6celer dans le fait que Maitre Lambert (de Soignies), auteur d'un trait6 de musique mesur6e, est parfois d6nomm6 Aristoteles.

3. Les destinataires de cet enseignement

L'enseignement de Francon concerne deux cat6gories de personnes: les notatores et les auditores". La premiere partie du trait6 (cap. I-X), concernant la notation mesu- ree, les ligatures etc., s'adresse 6videmment aux notateurs, mais aussi aux chan- teurs: la meilleure preuve en est que les abr6g6s et compendia posterieurs, destines

travaux du math6maticien Jourdain de Nemours et comme Philippe de Vitry qui devait ses theories sur le numerus harmonicus au savant juif Gersonides (1288-1344): cf. E. WERNER, The Mathematical Foundation of Philippe de Vitri's Ars nova, in: JAMS 9 (1956), p. 128-132. 48 Figura semibrevis notae...habet enim expansos angulos quae et tesseromata apud quosdam dicitur... J6r6me de Moray, Tractatus de musica, ed. CSERBA, p. 181. 49 L'addition de l'adverbe gallice avant ,,losenge" est propre au sous-groupe Y repr~sent6 par deux manuscrits du XVe sikcle: cf. ed. REANEY, p. 31 [apparatus criticus]. Cette interpolation ne figure pas dans la citation de Jacques de Mons, Speculum musicae VII xxj (ed. BRAGARD, in: CSM 3, Vol. 7, p. 46). '" F. VAN STEENBERGHEN, Aristotle in the West. The Origins of Latin Aristotelianism (Louvain 1955), Chap. 7. s, La traduction

attribute A Bartholomee de Messine, qui figure dans les manuscrits italiens du XIIIe sikcle, a t6t 6dit6e par W. L. LORIMER en 1951, puis r66ditde par lui en 1965 et par L. MINIO-PALUELLO dans Aristoteles latinus XI, 1-2, De mundo: translatio Bartholomaei, Translatio Nicholai ... necnon speciminibus translationum recentiorum (Rome 1965). D'aprbs Louis J. BATAILLON, - que je remercie ici de ses renseignements - ,,il est trbs possible que les traductions de Nicolas et de Barth6l6my ont pu ktre connues assez vite a Paris: la traduction des Magna moralia par Barth6l6my a fait l'objet d'une 6dition universitaire par exemplar et pecia. Et il circulait bien des gens entre Naples et Paris A l'6poque. Je ne vois aucun obstacle A ce qu'un thdoricien de la musique ait pu l'utiliser au XIIIe sikcle..." (Lettre du 31 janvier 1986). 52 ed. MINIO-PALUELLO, p. 15. 53 F. DIDOT, ed. Aristoteles, De mundo, Vol. III (Paris 1844), p. 635. Thomas d'Aquin (cit6 deux fois dans le Tractatus de

JTr6me de Moray) a comment6 ce trait6 dans son Commentarius in libros Aristotelis de coelo etmundo, qui figure au tome III de l'Edition LUonine (Rome 1886). 54 Ars cantus mensurabilis, ed. REANEY-GILLES, p. 24. Voir Michel HUGLO, La notation franconienne. Antecedents et devenir, in: Cahiers de Civilisation medievale 31 (1988), p. 123-132. Cet article est redevable A celui de Fritz RECKOW, ,,Proprietas" und ,,Perfectio" in: AMI 39 (1967), p. 115-143.

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14 Michel Huglo: Recherches sur la personne et l'oeuvre de Francon

aux maitrises, n'ont retenu que les plus importants chapitres de la premiere partie du traite concernant la notation (voir Tableau II).

Tableau II: Extraits et Compendia du traite de Francon.

Franco, Ars ARS MUS. PETRUS PIC. ABREVIATIO COMPENDIUM Cantus mensu- MENSURAB. Ars motetor. Mag. Franconis DISCANTUS

rabilis (CSM 18) secundum (CSM 15) auct. Johanne Magistri Fran- Franco. (CSM Baloce. (CS 1292- conis (CS 1154-6) 15) 6)

P U BNF lat. Uppsal, 15129 C 55

Introductio Cum Quoniam non- Gaudent brevitate Ego Franco de

de plana musica ... nulli maxime novi moderni Colonia utilitati auditores ... juvenum ...

1. D6finition de 0 Mensu- la Musique rabilis

musica est cantus

II. Defin. du

d6chant III. Modes ryth-

miques Ch. V Ch. V Ch. IV c. 295b

NOTATION du CHANT ME- SURE

IV. Signes de la not. du chant

mesur6: les

figures sim- Ch. I Ch. I Ch. I c. 292a

ples. V. Ordonnance

des figures c. 293a

entre elles. Ch. II Ch. II

VI. Les pliques Ch. III Ch. III Ch. II c. 294a, 296b

VII. Les ligatures VIII. Pliques Ch. IV Ch. IV

li6es aux figu- res

IX. Les pauses Ch. VI Ch. VI Ch. III c. 295b

X. Figures pou-

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Michel Huglo: Recherches sur la personne et l'oeuvre de Francon 15

vant 6tre li es ensemble

FORMES du CHANT ME- SURE

XI. Le d&chant: classification des consonan- XIII ces Species

conson. XII. La copula XIII. Le hoquet XIV. L'organum

II faut bien reconnaitre que ce traite fort bien construit avait neanmoins besoin

d'etre abrgeg pour l'enseignement des jeunes 'auditeurs' presses d'apprendre: Gau- dent brevitate moderni"5. Les auditores sont en effet les etudiants qui &coutent l'ensei- gnement oral d'un ,,lecteur" ou d'un maitre, et non pas ici les membres d'un au- ditoire qui assistent au chant d'un motet ou d'un conduit: le sens de ce terme, diffi- cile a determiner par le seul contexte du prologue de Francon, ressort avec evi- dence du texte du Prologue de Pierre le Picard, cite plus haut, qui s'adresse aux novi auditores.

De tout ceci decoule un nouvel aperqu sur les diff6rents niveaux de l'enseigne- ment de la musique a Paris. A cote de l'enseignement de la musica speculativa ap- puye sur l'autorite de Boece, donne dans la Faculte des Arts56, on dispensait aussi un enseignement de la Musica practica au moyen de tableaux: ,,main" de Guy d'Arezzo, ,,arbre" des diff6rentes categories de valeurs de notes etc., pour les etu- diants qui chantaient le plain chant et la polyphonie dans les chapelles de leur col- lige. Enfin, les maitres es arts mettaient par 6crit la theorie du plain chant et de la musique mesuree pour codifier l'avenir les regles de la composition: ces traites, souvent enchaines dans la chapelle Ste-Ursule de la Sorbonne, etaient laisses en consultation libre pour ceux qui voulaient approfondir leurs connaissances en la matiere.

ss Johannis dicti Balloce (CS I, 292); I'abrig6 du trait6 de Francon dans Clm 5539, f. 24 (RISM BIII 3, p. 98), 6dit6 par M.L. GOLLNER, The Manuscript Cod. lat. 5539 of the Bavarian State Library = Musicological Studies and Documents, 43 (Neuhausen-Stuttgart 1993). 56 L'enseignement de 1'Ars musica dans la premiere moiti6 du XIIIe siecle, a Chartres, A Paris et A Oxford se limitait A la ,,lecture" comment6e des deux premiers livres du De institutione musica de Bobce. Aprbs le D&cret du 19 mars 1255, fixant le programme de l'enseignement de la philosophia naturalis A la Facult6 des Arts, la rh6torique et la musique disparaissent de la liste des matieres A 6tudier. Cf. M. HUGLO, L'enseignement de la Musique dans les Universitis mddidvales, in: Trasmissione e recezione delle forme di cultura musicale. Bologna, 27 Agosto - 1' Settembre 1987, 1 - Round Tables = Atti del XIV Congresso della Societa internazionale di Musicologia (Torino 1990), p. 30-37.

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16 Michel Huglo: Recherches sur la personne et l'oeuvre de Francon

4. Sources des exemples musicaux de 1'Ars cantus mensurabilis.

L'analyse des citations de pieces dans un trait6 de musique rvidle souvent dans quel milieu l'Auteur a travaill6 et de quelle tradition r6gionale il d6pend. Cepen- dant, dans les 6ditions critiques des trait6s de musique, les 6diteurs se contentent souvent de renvoyer aux r6pertoires de textes de l'Antiphonaire ou du Graduel diis a Dom Ren6-Jean Hesbert, en laissant de cot6 la question des mdlodies". Gilbert

Reaney et Andre Gilles ont suivi la meme solution de facilit6 laissant au lecteur du traite la recherche de la source du motet cit6.

La plupart des exemples musicaux apportes par Francon en exemple a ses de- monstrations sont des motets, qui d'ailleurs ne sont que partiellement cit6s. Les

vingt-cinq motets appartiennent a trois cat6gories distinctes qui sont: 1' La s6rie des ,,Motets latins de la premiere p6riode (1190-1215)""5: on en compte

dix qui se retrouvent tous dans Ba, notamment l'Ex. 9 (triplum du motet Ave

gloriosa mater) qui ouvre la serie de pieces de Ba et de CI, ou dans Mo: Ex. 5, 6 + 73, 7, 8, 9, 49, 69, 70 + 48, 72 et 74. Noter que l'ex. 49 (Triplum du motet O Maria maris stella) ouvre la s6rie de pieces de Da et occupe la seconde place dans le recueil de La

Clayette (C1). 2' La s6rie des motets bilingues et celle des motets franqais, un peu plus recente

que la pr6c6dente, qui se rencontre dans les memes sources que les autres: ce sont les motets cit6s dans les Ex. 13, 14, 16, 50 + 51, 68 et 72.

3' Une s6rie de motets non identifies ou disparus des Libri motetorum conserves

jusqu'a nous: un ancien motet pour la Passion (T. Portare), cite cinq fois (Ex. 10, 11, 12, 15 et 71) et six autres motets: Ex. 17, 18, 19, 20, 21 et 47.

Au total, vingt-trois motets, la plupart ant6rieurs a 1250. Ces citations sont A consid6rer par rapport aux citations des autres th6oriciens et, deuxiemement, par rapport aux manuscrits qui ont conserv6 ces pieces.

A. Par rapport aux autres theoriciens. Francon choisit habituellement d'autres exemples que ceux de ses anciens pre-

d6cesseurs, sauf dans deux cas que nous examinerons plus bas. Il ne se rencontre

qu'une fois avec l'Anonyme de 1279 (Ex. 5), ce qui implique un nouveau lien de relation entre les deux trait6s. Dans son prologue, Francon avait averti son ,,audi- teur" qu'il reprendrait ce qu'il trouverait juste dans les trait6s de ses pr6d6cesseurs: les theories, bien stir, mais aussi les exemples bien choisis.

Les rencontres de Francon avec son successeur Petrus Picardus sont fr6quentes. Rien d'6tonnant, puisque ce dernier a condens6 en quatre chapitres la premiere partie du traite du Maitre, comme il s'en explique dans son prologue quoniam nonnulli (voir plus haut, p. 9 et le Tableau II, hors texte).

17 Ainsi, par ex., pour la Musica enchiriadis et surtout la Commemoratio brevis de tonis et psalmis modulandis (ed. SCHMID, p. 157-177), dont les pibces cities ont ete analysees en detail par N. C. PHILLIPS, Musica and Scolica enchi- riadis: the Literary, Theoretical, and Musical Sources. Ph-D. Diss. New York Univ. 1984, p. 420-469. 58 G. A. ANDERSON, Notre-Dame Latin Double Motets, ca 1215-1250, in: MD 25 (1971), p. 35-92; ID., A Small Collection of Notre-Dame Motets ca. 1215-1235, in: JAMS 22 (1969), p. 157-196. H. TISCHLER, The Earliest Motets to ca. 1270 (New Haven 1982).

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Michel Huglo: Recherches sur la personne et l'oeuvre de Francon 17

Francon est ind6pendant des autres theoriciens dans le choix de ses citations: il fait preuve d'une connaissance remarquable du repertoire de son temps et, a ce titre, son choix nous renseigne indirectement sur l'usage des motets les plus sou- vent chantes dans le quartier latin au cours de la seconde moitie du XIIIe siecle: motets de caractere ,,liturgique", comme ce motet de la Passion, aujourd'hui perdu, qui est 6galement cite par Petrus Picardus5. I1 semble bien qu'il s'est trouv&, parmi ces maitres parisiens de la seconde moiti6 du XIIIe si&cle, un ,,patrimoine commun"

d'exemples, emprunt6 aux collections de motets chantes dans les maitrises des

grands colleges universitaires, a moins qu'il ne s'agisse d'exemples repris a un autre auteur: comme en grammaire, il est parfois plus simple et plus facile pour un ecri- vain d'emprunter a un maitre c6l~bre quelques exemples afin d' clairer les rigles de syntaxe, plutot que d'en chercher d'autres entierement nouveaux!

Notons enfin que, parmi ses citations, Petrus Picardus a donne un passage assez cru d'une chanson franqaise (,,Mamelettes a si dures...") d6ja relev'e par Lambert-

Aristote6?, tandis que Francon (Ex. 13) a pref6re citer la suite ,,Ceus maudie qui par envie". Peut-etre faut-il voir la un des ant6c6dents de l'interdiction des ,,chansons deshonnetes" dans la maitrise de la cathedrale de Notre-Dame de Paris, interdic- tion consignee explicitement dams la Doctrina pro pueris ecclesiae Parisiensis attribute au chancelier Gerson par un manuscrit de St-Victor6'.

B. Par rapport aux manuscrits notes. Le releve des exemples cites par Francon met en relief la preponderance du

rapport entre les motets cites par lui et deux manuscrits allemands: celui de Bam-

berg et celui de Darmstadt. a/ Bamberg, Staatsbibliothek, lit. 115: 6crit peut-etre a l'Ouest du Rhin, ce manus- crit est entre dans la bibliotheque du chapitre de Bamberg a une date inconnue, en tout cas bien avant 1611, date de sa nouvelle reliure faite aux frais de l'Fveque Hektor von Kotzen62. Ces motets ont probablement ete chantes a la fin du XIIIe si&cle, c'est-a-dire au cours de la p6riode d'engouement des chanteurs des cath&- drales allemandes pour l'Ars antiqua. b/ Darmstadt, Landes- und Hochschulbibliothek, 3471: manuscrit d'origine alle- mande, provenant du couvent dominicain de Wimpfen63.

9 GALLO, Petrus Picardus, p. 17. Sur ce motet de la Passion, voir H. TISCHLER, The Style and Evolution of the Earliest Motets, to ca 1270 (Ottawa 1985), Vol. II, p. 49, Tenor M 34.

60 CS I, p. 274. Sur ce motet, voir F. GENNRICH, Bibliographie der dltesten franzdsischen und lateinischen Motetten = Summa Musicae Medii Aevi Bd. 2 (Darmstadt 1957), p. 30 n' 323. 6,,...et aliquos discantus honestos, non cantilenas dissolutas impudicasque..." in: Doctrina pro pueris ecclesiae Parisiensis, in: ELLIES DU PIN (ed.), Gersonis Opera omnia IV (Paris 1705), c. 717-718 (d'aprbs le manuscrit de Paris, Bibliothbque Mazarine 1652). P. GLORIEUX, ed., Oeuvres compl/tes de Jean Gerson, Vol. IX (Paris 1960), p. 686-689 (d'apres le manuscrit Paris, B.N.F. Nouv. acq. lat. 3043, ff. 46-49v). 62 David Hiley propose l'Ouest de la vallee du Rhin comme origine pour le recueil de motets de Bamberg (The New Grove Dictionary of Music and Musicians Vol. 17, London 1980, p. 656). Dans le fragment de la Collection de G. Huybens (Louvain), d&crit par K. KUGLE, A Newly Discovered Ars antiqua Fragment in Leuven, in: Music Fragment and Manuscripts in the Low Countries. Alta Capella Colloquium Proceedings, 23-24 June 1995 (Leuven-Peer 1997), p. 109, figure le mrme motet Arida florescit que dans I'ex. 69 de Francon: ce fragment proviendrait aussi, selon Karl Kiigle, de la Lorraine ou de la Vall6e de la Meuse. Je remercie Barbara Haggh de m'avoir signal cette d6couverte.

63 Facsimile du manuscrit de Darmstadt par F. GENNRICH, Das Wimpfener Fragment der Hessischen Landesbibliothek Darmstadt = Summa Musicae Medii Aevi, Bd. 5 (Darmstadt 1958). Analyse du contenu par Gilbert REANEY dans le RISM B IV ', p. 75-79.

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18 Michel Huglo: Recherches sur la personne et l'oeuvre de Francon

Le rapprochement de Ba et de Da est d'autant plus remarquable que ces deux manuscrits constituent -avec Hu, crit en 1325- les seuls t'moins du motet alle- mand a trois voix Homo miserabilis, attribue pour des raisons de critique interne '

Francon de Cologne par Giinther Birkner". Les rencontres de Francon avec le manuscrit F et les autres manuscrits franqais

sont proportionnellement moins fortes. Cette situation s'explique fort bien dans le cas d'un auteur d'origine allemande, tel que Francon, qui enseignait a Paris au cours du troisieme tiers du XIIIe siecle.

II faut enfin faire remarquer que deux exemples de 1'Ars cantus mensurabilis, les ex. 9 et 49, ont et6 choisis parmi les premiers motets qui ouvrent les grandes collec- tions de motets aujourd'hui conservees (Ba, Da et CI). Ce n'est pas pur hasard: en effet, le theoricien qui cherche des exemples commence souvent sa recherche par le debut du livre de chant qu'il compulse. Ainsi, Hucbald de St-Amand puise nombre de ses citations d'antiennes dans la periode de l'Avent qui ouvre l'Antiphonaire gregorien.

Outre les motets, Francon cite encore comme exemple de hoquet, au chapitre XIII de son traite (ex. 79-80), le hoquet In saeculum qui figure dans Mo6s. Enfin, au dernier chapitre sur l'organum, il cite le verset du repons Judaea et Jerusalem qui ouvrait le Magnus liber organi de Antiphonario au choeur de Notre-Dame. De cette derniere citation, Jacques Handschin"6 avait tire argument en faveur du maintien des traditions liturgiques et musicales a la cathedrale Notre-Dame de Paris durant la seconde moitie du XIIIe siecle.

Ainsi, Francon l'Allemand ou plutOt Maitre Francon de Cologne, simple maitre-es- arts a la Faculte des arts de l'Universit6 de Paris, comme d'ailleurs Pierre de Limo-

ges, n'a pas laiss6 dans l'histoire le souvenir d'une carriere brillante: non est semes- cendum in artibus. Quoiqu'il en soit des trous de sa biographie, son oeuvre magis- trale demeure, car il a livr6 a la post6rite un des trait6s de musique les mieux r6di-

g6s parmi ceux qui nous sont parvenus et sans doute le seul qui ait ete copi6 et cite

jusqu'a la fin du XVe siecle.

" G. BIRKNER, Zur Motette tiber 'Brumans est mors', in: AfMw 10 (1953), p. 71-80 (facsimile du motet dans MGG I, Tafel XXVI). 65 Sur In saeculum, voir la table du RISM B IV 1, p. 847. 6

J. HANDSCHIN, Zur Geschichte von Notre-Dame, in: AMI 4 (1932), p. 13. Pour R. BALTZER (How long was Notre Dame

Organum performed, in: Beyond the Moon. Festschrift L. Dittmer [Ottawa 1990], p. 118-143) l'organum serait reste en

usage jusqu'aux annees 1320-1330.

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