A fundamento restituit. Réfections dans le temple d'Isis à Pompéi

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A FUNDAMENTO RESTITUIT ? RÉFECTIONS DAN}iLE TEW:LE APOMPEI Résumé. - Fouillé en 1765, sous les Bourbons, le temple d' Isis à Pom péi semblait jusqu'ici être un édifice bien d até par une inscription qui étaye une chronologie re- pt;se par de nombreuses publications . Mais, si cette inscription est confirmee p ar des élemenrs de la der- nière phase de la vill e, en particulier les décors de s tuc et les peintures du Quatrième Style du portique, il n'en demeure pas moi ns des traces d'un état antérieur stylobate, ch ap itea ux et enduits de la cella. L'établissement d'un no u veau plan coté et un relevé syst ematique des élévations conduisent à réviser les an- ciennes hypothèses, alors que les proportions met t ent en évidence une logique architecturale ju sq u'ici i gnorée. L' art icle analyse de façon détaillée les données architectu rales - c ontraintes du site, dimensions et pro- portions, éléments constitutifs du sanctu aire, types de maçonnerie. Il démontre l'existence de deux états pour la construction globale du san ctuaire : une phase ini- tiale d'époque augustéenne et n on sarrmite comme on le pensait, tandis qu 'une deuxième phase, postérieure à 62, démontrée par l'analyse du décor stu qué, les mo- saïques, ne modifie pas le pl an d'ensemble mais pro- céde plutôt d'une restaura t ion à l'identique ». En fi - nitive, le temple était d ebou t après le séisme de 62 et sa prétendue reconstructi on doit être ramenée à un simple ravalement. Un riche dossier graphique et phot ographique appuie la démonstration. Mots clés. - Mon de romain. Italie. Pompéi. Temple. T empled'Isis. Sanctuaire. Architecrure. D écorarchitectu- raI. Peinrure mura le . S tu c. Mosaïque. T opograph ie. Chro- nologie. Reconstruction. Restauration. Période samnite. Période augustéenne 1 1« s. apr. J,-C. REv. ARCH. 2/2000 par Nicole Blanc, H élène Eristov et Myriam Fincker A fimdamcllto restituit ? Restorations in the Isis temple in Pompeii. Abstract. - The Isis temple in Pompeii, excavated in 1765, under the Bourbons, has seemed so far to be a co nstrucüon weil dated by an inscription which su p- ports the chronoJogy acknowledged by many publica- tions. But, though this inscription is suppo rt ed by ele- ments of the last period of the town, particularly the stucco omament and painting of the Fourth Style of the portico, remains of a previous state - stylobate, capitals and stuccoes in the cella - still exist. The drawi ng of a n ew plan inc1uding measurements and the elevations leads to revision of the former hypotheses, whereas the proportions reveal an architectural logic, unknown so far. The article analyses the architectural data in detail - constraints of the site, dimensions and proportions, constituent elements of the sanctuary, types of masonry. It leads to the conclusion that two stages are to be distinguished in the overall construction of the sanctuary : a first phase of the Augustan period - and n ot Samnite as previously thought - whereas a second phase, after 62, is demonstrated by analysis of the stuc- coes and mosaics, which does not modify the general plan and rather proceeds from a faithful restoration. In fact, the temple was still standing after the 62 earth- quake and its so-called reconstruction mu st be considered a mere restoration. Rich graphie and photographie illu stration supports the demonstration. Key-won/s. - Roman world. haly. Pompeii. Temple . Sanc- mary. Isis temple. Architecture. Architecrural decoration . Wa ll painting. Stucco. Mosaic. Topography. Chronology. Reconstruction. Restoraoon. SaffiIÙte period. Augustan period/l " AD.

Transcript of A fundamento restituit. Réfections dans le temple d'Isis à Pompéi

A FUNDAMENTO RESTITUIT ?

RÉFECTIONS DAN}iLE TEW:LE D'IS~S APOMPEI

Résumé. - Fouillé en 1765, sous les Bourbons, le temple d'Isis à Pom péi semblait jusqu'ici être un édifice bien d até par une inscription qui étaye une chronologie re­pt;se par de nombreuses publications . Mais, si cette inscription est confirmee par des élemenrs de la der­nière phase de la ville, en particulier les décors de stuc et les peintures d u Quatrième Style du portique, il n'en demeure pas moins des traces d'un état antérieur

stylobate, chapiteaux et enduits de la cella . L'établissemen t d'un nouveau plan coté et un relevé systematique des élévations conduisent à réviser les an­ciennes hypothèses, alors que les proportions mettent en évidence une logiq ue architecturale jusqu ' ici ignorée. L' article analyse de façon détaillée les données architecturales - contraintes du site, dimensions et pro­portions, éléments constitutifs du sanctuaire, types de maçonnerie. Il démontre l'existence de deux états pour la construction globale du sanctuaire : une phase ini­tiale d'époque augustéenne et non sarrmite comme on le pensait, tandis qu 'une deuxième phase, postérieure à 62, démontrée par l'analyse du décor stuqué, les mo­saïques, ne modifie pas le plan d'ensemble mais pro­céde p lutôt d'une restaurat ion ~ à l'identique ». En défi­nitive, le temple était debout après le séisme de 62 et sa prétendue reconstruction doit être ramenée à un simple ravalement.

U n riche dossier graphique et photographique appuie la démonstration.

Mots clés. - Monde romain. Italie. Pompéi. Temple. T empled'Isis. Sanctuaire . Architecrure. Décorarchitectu­raI. Peinrure murale . Stuc. Mosaïque. T opographie. Chro­nologie. Reconstruction. Restauration. Période samnite. Période augustéenne 1 1« s. apr. J,-C.

REv. ARCH. 2/2000

par Nicole Blanc, Hélène Eristov et Myriam Fincker

A fimdamcllto restituit ? Restorations in the Isis temple in Pompeii.

Abstract. - The Isis temple in Pompeii, excavated in 1765, under the Bourbons, has seemed so far to be a construcüon weil dated by an inscription which sup­ports the chronoJogy acknowledged by many publica­tions. But, though this inscription is supported by ele­ments of the last period of the town, particularly the stucco omament and painting of the Fourth Style of the portico, remains of a previous state - stylobate, capitals and stuccoes in the cella - still exist. The drawing of a new plan inc1uding measurements and the elevations leads to revision of the former hypotheses, whereas the proportions reveal an architectural logic, unknown so far. The article analyses the architectural data in detail - constraints of the site, dimensions and proportions, constituent elements of the sanctuary, types of masonry. It leads to the conclusion that two stages are to be distinguished in the overall construction of the sanctuary : a first phase of the Augustan period - and not Samnite as previously thought - whereas a second phase, after 62, is demonstrated by analysis of the stuc­coes and mosaics, which does not modify the general plan and rather proceeds from a faithful restoration . In fact, the temple was still standing after the 62 earth­quake and its so-called reconstruction must be considered a mere restoration.

Rich graphie and photographie illustration supports the demonstration.

Key-won/s. - Roman world . haly. Pompeii. Temple . Sanc­mary. Isis temple. Architecture. Architecrural decoration. Wall painting. Stucco. Mosaic. Topography. Chronology. Reconstruction. Restoraoon. SaffiIÙte period . Augustan period/l" AD.

228 Nicole Blanc, Hélène Eristov et Myriam Fincker

S'il est un bâtiment bien daté à Pompéi, c'est le temple d'Isis (VIII, 7, 28). Récemment

encore, plusieurs publications l ont entériné une chronologie sur laquelle il semble inutile de

revenir: le séisme de 62 met à bas le vieux temple samnite (augustéen ?) dont seuls quelques

éléments de tuf sont récupérés dans une reconstruction a fundamenro qu'établit la dédicace,

toujours interprétée au pied de la lettre. Cette inscription semble en effet confirmée par la pré­

sence d'éléments indiscutablement de la dernière période de la ville, tels le revêtement de stuc

et les peintures de Quatrième Style du portique; d'autre part, des traces d 'un état antérieur ont toujours été repérées au niveau du stylobate et des chapiteaux du sanctuaire.

Or, ce temple, fouillé en 1765, n'a jamais fait l'objet d'une étude architecturale appro­

fondie, et le seul plan sur lequel s'appuient les publications est celui dressé par La Vega à l'époque des Bourbons. L'établissement d'un nouveau plan coté et de relevés systématiques des élévations amène à faire justice d 'anciennes hypothèses, tandis que l'analyse des propor­

tions fait apparaître une logique architecturale jusque-là inaperçue.

Par ailleurs, le repérage de réfections dans le revêtement en stuc de la cella remet en

cause une reconstruction totale du temple. Ces reprises forcent à relire l'inscription et à revoir

l'histoire du temple que viennent également éclairer des archives inédites .

1. ÉTUDE ARCHITECTURALE (fig. 1)

Rappelons rapidement les différents éléments qui constituent le sanctuaire2 : à l'intérieur

du péribole, le péristyle [1] enserre trois autels, une fosse et deux bâtiments : le «purgato-

ABREVIATIONS

Arslan : E. A. Arslan éd., bide, Il mito, il m;stero, la magia, catalogue de l'exposition tenue à Milan, Palazzo Reale, Milan, 1997.

EAA-PPM : t Pompel~ Piullre e Mosaici . , Enciclopedia Îta­liana, 1- lX, Rome, 1990- 1999.

Golvin : J.-C. Golvin, t L'architecture de l'Iseum de Pom­péi et les caractéristiques des édifices isiaques romains " dans Hommages à Jean Leclam, Tro is études isiaques (BIFAO, 106/3), 1993, p. 235-246.

Hoffmann : P. Hoffmann, Der l sis-Tempel ill Pompeji (Charybdis, Schn]ren zur Archiiologie), 7, Münstcr­Hambourg, 1993 (Diss. Trèves, 1991).

L 'lmmagine EAA-PPM, L 'Immagille di Pompei /lei secoli XVI1l e XIX, Rome, 1995.

N issen : H . Nissen, Ponipejanische SlIIdiUl, Leipzig, 1877. Overbeck: ]. Overbeck, Pompeji in seinen Gebiiudm, AiIer­

IhümenJ /llId Kllnsrwerkell, 4< éd., Leipzig, 1884. PP: Alla ricerca di Iside, La Parola dei Pauato, 49, 1994. Ricerca : Alla 11'cerca di Iside, allalisi, slIIdi e restalld dell'Iseo

pompeia110 lIel Mliseo di Napoli, Naples, 1992 (catalogue publié il. l'occasion de la nouvelle présentation des pein­tures et du matériel du temple).

Nous remercions pour leur aide le Surintendant Pietro Giovanni Guzzo et le personnel de la Surintendance ar­chéologique de Pompéi, Michel Bats et le Centre Jean­Bérard (Naples), Jean-Pierre Adam (Paris), Marie­Françoise Dumont-Heusers (Paris), Françoise Fouilland (Rome), Valentin Kockel (Augsbourg), Rui Nunes Pedroso (Soissons) et Margareta Staub (Fribourg i. Br.).

Jean-Michel LabarÙle (dessinateur IRAA-CNRS) a colla­boré au relevé du sanctuaire et Véronique Picard (dessina­trice IRAA-CNRS) a mis au net toute l'i llustration sur Adobe IIlustrator: qu'ils trouvent ici l'expression de notre reconnaissance.

1. S. De Caro, dans Anlan, p. 338-343 j Id., Ricerca, p. 3- 18; Golvin, p. 239; Zevi, PP, p. 37-38; V. Sampaolo, EAA-PPM, VIIl, p. 732-734, et Hoffmann.

2. La numérotation des piéces suit celle é tablie dans Pit­(Ure e Pavimemi di Pompei, l stituto centrale pcr il Catalogo e la Documentazione, Rome, 1986, complétée, Ricerca, p. 86, pl. 1. Sauf mention contraire, les clichés sont des auteurs.

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A fundamento restituit ? Réfections dans le temple d'Isis à Pompéi 229

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[1] péristyle [li] niche axiale [Ig] porte

[5a]

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[3] cella [3c] niche cintrée [4] pwgatorium [5] sacrarium

[ 1]

[1 h] niche rectangulaire [2] pronaos [5a1 niche du sacrarium

théâtre

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rue Nord

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[6] ekklésiastérion [7] cubiculun/ [8] triclinium [9] cuisine

[10] pièce condamnée [11] balnéaire

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1. Pompéi, Le sanctuaire d'Isis, nomenclature des espaces et coupe sur le théâtre.

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230 Nicole Blanc, Hélène Eristov et Myriam Fincker

1ïum» [4], aussi appelé nilomètreJ , ou megaron\ et le temple surélevé par un haut podium

comportant un pronaos [2] et une cella [3] plus large que profonde; en façade, cette largeur est

encore accentuée par deux ailes couronnées de petits frontons et abritant des niches; le centre

de la façade arrière est marqué par une niche cintrée [3c]. Cinq arcades) ouvertes dans le mur

Ouest du péribole) donnent accès à l' «( ekklésiastérion ) [6], Les pièces du logement des prê­

tres (le «pastophorion ») occupent l'espace rés iduel entre le mur Sud du péribole et la cavea du

théâtre: ce sont le cubiculum [7], le triclinium [8], la cuisine [9], la pièce [10] condamnée par la

construction de l'escalier d'accès au théâtre et le balnéaire [Il]. Au Sud de l'ekklésiastérion, le

« sacrarium » [5] est partiellement installé entre les piliers du théâtre; une niche [Sa] est amé­

nagée dans son mur Nord.

1. 1. LES CONTRAINTES DU SITE (fig. 1-2)

Le sanctuaire, mitoyen à l'Ouest avec la palestre samnite, est limité au Sud par le théâtre,

au Nord par une rue et à l'Est par une ruelle qui rejoint le portique annulaire du théâtre5,

Côté théâtre,' les angles Sud-Ouest du péribole du portique et de deux sanes annexes ([5]

et [11]) sont tangents aux arcades qui doublent extérieurement la crypta du théâtre. Mieux

encore, l'angle Sud-Ouest du péribole englobe un pilier de ces arcades (le second à l'Est de

l'axe du théâtre)) et surtout il vient l'habiller alors que sa maçonnerie de tuf avait déjà reçu un

enduit de surface6. Une préexistence du péribole par rapport au théâtre est donc exclue, et

l'arcade extérieure du théâtre était assurément achevée lorsqu'on bâtit (ou rebâtit) le péribole

du portique du sanctuaire dont l'angle vient s'appuyer sur le pilier enduit.

On sait ,par deux inscriptions que l'agrandissement et la m odernisation du théâtre sont

dus aux libéralités des financiers Marcus Holconius Rufus et Marcus Holconius Celer - le pre­

mier duumvir en - 31- 2, le second en + 14 - et que la crypta a été construite par l'architecte

M, Artorius Primus, affranchi de Marcus1 . Toutefois, il semble que les duumvirs aient recons­

truit une structure déjà existante: Overbeck8 avait noté que le mur du fond de la niche axiale

du théâtre (au niveau du sacrarium du temple) était construit en lave comme les parties les p lus

anciennes du théâtre; il en est de même pour les piliers cruciformes, certes largement recons­

truits lors des fouilles, mais qui présentent, dans les parties non restaurées des arcs, des moel­

lons de tuf en forme de briques caractéristiques de l'époque augustéenne.

L'extension du théâtre correspondait donc, dès avant sa restructuration, à ses limites

actuelles et sa masse constituait une donnée contraignante. L'angle Sud-Ouest du péribole est

venu après coup s'appuyer, on l'a vu, sur l'un de ses piliers cruciformes; nous reviendrons

plus loin sur la chronologie de ces aménagements .

3. M. de Vos. Aegyptiaca romalla, pp. p . 148; Hoff­mann. p, 196. 207-208. 2 13.

4. Le tenne de megol'OII a été uti lisé par réfcrence à une inscription d'Ostie: Tran Tarn Tinh, u culte d'bis à Pom­péi, Paris, 1964, p. 34.

5. Voir le plan de la zone dans A. et M . de Vos, Pompei, Ercolallo, Stabia, Rome, 1982, p, 63,

6. Même observation dans H offmann, p. 54. 7. Overbeck, p. 157 sq.; de Vos, Pompei, op, cil., p, 64. 8. Overbeck, p. 158.

A funda mento restituit? Réfections dans le temple d'Isis à Pompéi 231

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2. Le sanctuaire d'Isis et son contexte. Plan de L. Rossin i, 1830,

Côté pales,re san",ite (fig. 3) : le mur Ouest de l'ekklésiastérion [6] est mitoyen avec la

palestre samnite qui a été amputée par la construction de cette salle, comme Nissen9 et Over­

beck10 l'avaient déjà noté. Du côté de la palestre, on constate que les deux caniveaux orientés

Ouest-Est traversent le mur mitoyen; quant au caniveau qui longe ce mur, c'est un aménage­

ment nécessaire au bon fonctionnement de l'écoulement des eaux pluviales et contemporain

du remaniement de la palestre (fig . 4). On peut observer en effet que, contrairement aux

angles Nord-Ouest et Sud-Ouest du caniveau, bien taillés et ravalés dans une unique pierre

qui amorce le retour à angle droit de la rigole, les angles orientaux du caniveau sont de mau­

vaise facture: le long du mur mitoyen) ses blocs de tuf s' appuient contre ceux des deux côtés

longitudinaux dont les rebords ont simplement été retaillés pour le passage de l'eau p luviale. Il est donc évident que cette partie du caniveau ne se trouve pas à son emplacement primitif

mais a été avancée vers }'Ouestll .

9. Nissen, p. 170-175, et p. 161 en ce qui concerne le canÎveau.

10. Overbeck, p. 150, fig. 86.

11. Unc description en est donnee dans Nisscn, p. 160 ; voir aussi les observations de P. Hoffmann qui, toutefois, croi t voir, conlre toute evidencc, la fin des deux caniveaux

232 Nicole Blanc, Hélène Eristov et Myriam Fincker

rue Nord

sanctuaire d'Isis

palestreisamnite

745

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3. Le sanctuaire et la palestre sam nite.

La longueur originelle de la palestre samnite se laisse restituer avec une bonne vraisem­

blance. Overbeck supposait que la colonnade des longs côtés avait primitivement dix colonnes,

soit deux de plus que la colonnade actuelle, et qu'ainsi l'alignement de l'autel et de la porte

ouvrant sur la rue constituait l'axe de symétrie du portique.

Sachant que Pentraxe moyen pour les colonnes des longs côtés est de 269 cm, et en

tenant compte des 5 cm de débord du stylobate, il faudrait donc prolonger le portique de

375 cm depuis Pactuel mur mitoyen dont l'épaisseur est de 48 cm (soit 543 cm à partir des

dernières colonnes connues) . Ainsi, la longueur du stylobate Sud serait de 2 48 1 cm, et celle

du Nord, de 2 464 cm. Avec une largeur de galerie de 370 C± 10 cm), la limite orientale du portique samnite

devait se trouver à environ 745 cm du mur mitoyen actuel avant la construction de l'ekklésias­

térion. Or la largeur de cette pièce est précisément une valeur comprise entre 745 et 750 : le

péribole Ouest du portique du sanctuaire se superpose donc au mur de clôture Est du portique

samnite dans son état primitifl2.

La construction de la palestre samnite est contemporaine du portique du forum triangu­

laire réaménagé en fonction du théâtre au ne siècle av. J.-C . 13, comme le prouvent les colonnes

des longs côtés 10 à 15 cm en avant du mur milOyen (Hoff­mann, p. 83-84), ce qui n'aurait guère de sens puisque les caniveaux su ivent le stylobate et que celui-ci se poursuivait primitivement plus à l'Est.

12. C'était déjà l'opinion de Nissen, p. 161 : _ Die Arka­den die Stelle der alten Ostwand der Curie bezeichnen. ,

13. Malgré les restaurations de l'après-guerre qui ont largement occulté les maçonneries, P. H offmann met en évidence la relation structurelle qui unit les murs extérieurs occidentaux de la palestre avec les propylées du Forum triangulaire, elles-mêmes vraisemblablement enrichies lors de l'agrandissement du théàtre (Hoffmann, p . 86).

A fundamento restituit ? Réfections dans le temple d'Isis à Pompéi 233

4. Le portique samnite: remaniement du caniveau au Sud-Est.

de tuf, l'opus incertum et l' inscription osque mentionnant son financement par Vibius Ad:i­

ranusl4 au profit d'une institution osque dédiée aux jeunes gens, la vereia Pompeiana. Quant à

la date du remaniement qui ampute la palestre de son extrémité orientale, elle remonte, selon

l'idée communément admise, à la .reconstruction du temple après le séisme; toutefois, N issen

lui-même se demandait si cette cession n'était pas intervenue déjà à la période osque. En

d 'autres termes, le sanctuaire a-t-il subi un agrandissement non prévu dès l'origine, ou bien a­t-il été conçu de façon unitaire?

Côté rue: seule la façade de l'ekklésiastérion poursuit le mur de clôture du portique sam­

nite, tandis que celle du portique du sanctuaire empiète sur le trottoir de 44,5 cm. Cette ob­

servation complète l' image du remaniement des deux parcelles, l'une agrandie au détriment de

l'autre.

Côté ruelle,' rien ne permet de savoir si la position du péribole du sanctuaire a modifié la

largeur du passage qui ne suit pas l'alignement de l'antique via Stabiana l5 et semble être un

aménagement consécutif à la construction du théâtre.

14. De Vos, Pompel~ op. cÎl. ) p. 7 1. 15. H . Eschebach, D ie stadrebauliche Elllwicklllng des QI/­

liken Pompeji, RM, 17< Suppl., Heidelberg, 1970, p . 14-16.

234 Nicole Blanc, Hélène Eristov et Myriam Fincker

Par conséquent, indépendamment du réseau de la voirie qui pouvait laisser une relative

tolérance (le tracé non rectiligne de la rue au Nord du temple porte en effet la trace) comme la

via della Regina devant la maison VIII,2,29, de limites de champs!'), le contexte urbain impose

des limites évidentes. Le sanctuaire est postérieur à l'agrandissement du théâtre ou du moins à la construction des arcades qui enserrent la clypta et imposent sa limite Sud; la limite Est de la

palestre samnite dans son premier état subsiste en tant que lim ite Ouest du péribole; l'implan­

tation de l'ekklésiastérion [6) dépend en partie des limites de la palestre.

Dans la conception architecturale du temple, quelle est donc la part des contraintes urbanistiques et des restructurations successives? L'analyse des dimensions et des proportions

générales de l'ensemble du sanctuaire est l'une des méthodes qui permettent de saisir la cohé­

rence du projet et d 'y détecter des perturbations, à condition toutefois de s'appuyer sur les

données les plus exactes possibles . C'est à quoi tend l'établissement de notre plan qui fait apparaître des différences substantielles par rapport au p lan de La Vega et aux mesures de N is­

sen et d'Overbeck J7 • Le relevé a été effectué au moyen d'un distance-mètre à infrarouges de

haute précision, et l'étude des dimensions est issue de données en vraie grandeur sur logiciel de topographie.

I. 2. DIMENSIONS ET PROPORTIONS

Les dimensions du sanctuaire (fig. 5-6)

Dim. en pieds Rappon

Intirulé des dimensions Dimensions (P) Rapport à u x 5 p.

Longueur E-O du sancruaire 3 106 lOS p 3 u 21 Longueur E-O du péribole 2 356 80 P 16 Largeur N-S du péribole 2 076 70 P 2 u 14 Distance E temple / E péribole 1042 35 P u 7 Longueur E-O du temple 730 24,5 p .fi/2 u Largeur N-S du temple 614 2 1 P 2-.fi u=3/5u Longueur du stylobate du portique'8 1671 à l676 Largeur du stylobate du portique l9 1 380 à 1 400 H auteur des colonnes temple 364 12,5 P .fi / 4u 2,5 Hauteur totale du temple 617 2 1 P 2-.fi u = 3/5 u Hauteur du podium 147 5p 1 H auteur des colormes portique 298 10 p 2 Largeur galerie du portique 296 ± IO 10 P 2 Hauteur totale du purgacorium 298 10 P 2

16. Ibid., p. 22 et pl. 2. 18. Nissen : 1 650 cm. 17. Par rapport aussi aux nouvelles mesures données par

S. D e Caro, Ricerca, p. 8-9 et n. 73. 19. Nissen : 1 375 cm.

A fundamento restituit 7 Réfections dans le temple d'Isis à Pompéi 235

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5. Le sanctuaire, plan coté.

Les proportions du sanctuaire: constats (fig. 7)

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- Le péribole de la cour: il s'agit d'un grand rectangle de 2356 cm extérieur sur

2 076 cm, soit de 80 pieds20 x 70 pieds21• Ce rectangle régulier avec ses quatre angles droits a

pour dimensions des valeurs approchées de mesures en pieds romain de 29,6 cm qui sont aussi

des multiples entiers de dizaines de pieds.

20. Valeur exacte: 79,59 pieds. 21. Valeur exacte: 70, 13 pieds.

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236 Nico le Blanc, Hélène Eristov et Myriam Fincker

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6. Le temple, plan coté.

La longueur totale du sanctuaire, c'est-à-dire de l'extérieur du péribole à l'Est jus­qu'au mur de la palestre à l'Ouest, est égale à 3 106 cm, soit 105 pieds" . En proportion, relati­

vement à la largeur Nord-Sud du péribole, la longueur totale Est-Ouest du sanctuaire est donc

égale à 3/2 la largeur.

22. 105 x 29,6 = 3 108 cm.

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A fu ndamento rest ituit ? Réfections dans le temple d 'Isis à Pompéi 237

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~ K , 7. Le sanctuaire, tracé théorique.

Si l'on considère la largeur du péribole égale à 2 unités, l'unité étant de 35 pieds, la lon­

gueur Est-Ouest du sanctuaire est alors de 3 unités (= 3 u).

- La façade principale orientale du temple (sans tenir compte de l'escalier) se situe à

1 042 cm de l'extérieur du péribole Est, c'est-à-dire encore à 35 pieds23. Cette distance est

donc égale à la moitié de la largeur Nord-Sud du péribole, La façade principale du temple a

été implantée à 1 unité de la face extérieure du péribole Est.

23. 35 x 29,6 = 1 036 cm.

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238 Nicole Blanc, Hélène Eristov et Myriam Fincker

La longueur du temple (733 à 736 cm) est, elle aussi, en proportion directe avec la demi­

largeur Nord-Sud du péribole (u) (733 = .fiu/2). Géométriquement, il s'agit du côté du carré

dont les diagonales auraient u pour longueur (c = .fiu/2). Si l'on considère, sur le plan, la

trame diagonale dessinée sur la base du maillage carré dont le côté est égal à u, la façade Est

du temple est tracée à l'extrémité d'un carré diagonale (A), et sa profondeur totale s'obtient

en rabattant le côté du carré sur la diagonale Est-Ouest; ce tracé défin\t l'axe du temple. En

prenant 7/5 pour approximation de .fi, la longueur du temple serait égale à 24,5 P

(24,5 P = 725 cm).

La largeur du temple se justifie suivant le même principe: à l'extrémité Ouest de la lon­

gueur qui matérialise l'axe du temple, on trace une droite perpendiculaire. La largeur du

temple est égale au segment de cette droite limitée à ses intersections avec les côtés du

carré (A). Ainsi, la largeur du temple serait égale à u(2 - .fi), soit 21 p avec.fi = 7/5. C'est,

en effet, la largeur mesurée de la base du podium: 616 cm et u (2 -.fi) = 621 cm = 21 p.

- La largeur de la galerie, multiple de 10 p (296 cm ± 10 cm), équivaut à la hauteur

des colonnes actuelles qui correspondent au dernier état du portique du sanctuaire, ainsi qu'à

celle du purgat01'ium, fronton compris.

- En ce qui concerne l'ekklésiastérion, sa largeur Est-Ouest intérieure (750 cm) est

relative à la différence entre la longueur totale donnée au sanctuaire et celle du péribole du

portique (soit 105 - 80 = 25 p)", tandis que sa longueur Nord-Sud intérieure est multiple par

..fi, de sa largeur (750 x ..fi, = 1 299). Sa paroi Nord s'aligne sur celle de la palestre samnite.

- Le stylobate: c'est un rectangle aux dimensions imparfaites dont la largeur varie de

20 cm entre l'Est et l'Ouest (de 1 400 à 1 380 cm). Il est assez difficile sur cette base de déter­

miner quelle est l'unité de composition employée. On constate cependant que le rapport entre

la moyenne des deux longueurs et celle des largeurs (1,204) s'approche d'une valeur de 6/5,

soit 1,200, mais aussi de 1,207 qui correspond au rapport entre la longueur e-r- Ia largeur du

temple.

On a souvent considéré les dimensions du stylobate comme des valeurs approchées de

dizaines entières de pieds osques: Nissen25 donnait comme mesures 1 375 cm - soit 50 pieds

osques - sur 1 650 cm - soit 60 pieds osques. Après lui, ces mesures ont toujours été reprises,

par Overbeck26, Tran Tarn Tinh27

, ].-C. Golvin28 ; or ces mesures tombent trop juste pour être

vraies, et il est probable que Nissen est parti de l'hypothèse du pied osque auquel il a fait cor­

respondre, tant bien que mal, des mesures approximatives. S. De Car029 les révise et donne

1 390 cm x 1 678 cm au Sud et 1 687 cm au N ord, sans toutefois modifier l'équivalence en

pieds osques, égale pourtant, dans ce cas, à 50,54 po x 61 à 61,3 po.

Or les dimensions que nous avons relevées diffèrent assez nettement de celles qui ont été

établies aux XVIIIe et XIXC siècles et sur lesquelles repose, en bonne partie, la chronologie d'un

premier Iseum dont ne subsisterait que le stylobate. Il nous semble plus juste de formuler

24. Valeur exacte: 750 = 25,33 P et 27,27 po. 27 . Tran Tarn Tinh, op. cit., p. 30-31. 25. Nissen, p . 171. 28 . Golvin, p. 240. 26. Overbeck, p. 105. 29. Riccrca, p. 8 et n. 74.

A fundamento restÎtuÎt ? Réfections dans le temple d'Isis à Pompéi 239

œautres propositions appuyées sur les dimensions réelles et sur l'étude des proportions: le

péribole de la cour a été projeté à 70 P 1 80 p en dimensions hors œuvre j on a réservé à l'intérieur de l'enceinte périmétrale 10 P pour la largeur de la galerie du portique; par consé­

quent, les dimensions du stylobate sont une résultante. Les données métriques orientent

l'interprétation; l'unité de mesure signalée entre les diverses parties du sanctuaire impose

dès à présent l'idée d'une unité de conception, et l'on ne peut admettre que les dimensions

globales du portique en multiples de dizaines de pieds de 29,6 cm soient fortuites .

D'autre part, reprenons un instant l'hypothèse selon laquelle le stylobate du premier Iseum

serait contemporain de la palestre samnite ; dans ce cas, la largeur de la galerie serait probable­

ment équivalente à celle que nous connaissons puisque le mur Ouest du péribole se superpose à la paroi Est de la palestre dans son premier état: le péribole mordrait donc déjà sur la rue au

Nord30• Il faudrait alors admettre que les travaux d'extension du théâtre se sont pliés à la con­

trainte imposée par le sanctuaire, ce que contredit la relation entre l'angle Sud-Ouest du péri­

bole et le pilier stuqué du théâtre autour duquel il est construit: on ne peut pas négliger le fait

que les arcades du théâtre ont été immanquablement construites et stuquées avant la construc­

tion de l'angle du péribole, voire du mur périmétral de la cour dans sa globalité.

Quant à la construction en tuf du stylobate et au profil de son caniveau, apparentés à ceux de la palestre samnite, il n'est guère possible de leur attribuer une valeur chronologique

très précise31•

Il nous semble donc légitime de retenir que les proportions générales du sanctuaire, qui

mettent en relation à la fois le portique, l'ekklésiastérion et le temple, dérivent d'une concep­

tion unitaire; cette conception s' inscrit à l'intérieur d'une parcelle fortement contrainte par la

masse du théâtre et de ses arcades de soutènement.

Mais, à l'intérieur de ce cadre, on ne peut nier que diverses modifications, ajouts et

reprises ont conduit à l'état final de l'édifice découvert au XVIIIe siècle. Nous allons donc

reprendre rapidement l'examen des éléments constitutifs du sanctuaire et mettre en évidence

ses matériaux.

1. 3. LES ÉLÉMENTS DU SANCTUAIRE (fig. 8)

1. 3 . '1. Le temple [2-3] (fig. 9-11)

La cella et le pronaos s'élèvent sur un haut podium (hauteur 147 cm à partir du sol de la

cour ou 5 p) constitué d 'un socle en tuf, d'un corps en brique et d'une corniche en tuf. La

30. Nissen (p. 170) signale qu'à J'intérieur du mur Nord du péribole, le long du portique, il reste par endroits les fondations de lave d'un mur primitif aligné sur celui de la palestre samnite et qui aurait 41 cm d'épaisseur. Cette ob­servation ne peut plus être vérifiée et elle n'est en tout cas pas confinnêe par le sondage de 1950 qui a, au contraire,

mis en évidence des aménagements dont la limite se sicue plutôt légèrement au Nord du mur périmétral.

3 1. Dans la plupart des cas, ils étaient recouverts d'un revêtement d'opus siguillum (portique des thennes de Sta­bies. VlI,I,S [B] ; Maison du Faune, VI,12,2 ... ).

240

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8. Le sanctuaire, matériaux de construction.

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9. Le temple d'Isis. élévation frontale Est.

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construction de la cella est, pour l'essentiel, en brique. Les ailes latérales et les deux escaliers sont structurellement liés au noyau que forme le temple. Les différentes couches d'enduit appliquées sur cette âme en brique et tuf ne respectent pas en détail les découpes et profils

adoptés par la structure et en rendent parfois impossible la lecture.

Lepodium

Sur une fondation en opus caementiciwn court un socle en tuf dont la fondation ne peut s'observer que sur un vingtaine de centimètres de profondeur ; c'est un simple degré de 18 à 20 cm de haut, posé sur l'arase de la fondation et calé au moyen de pierrailles et de fragments

de brique. Il porte, en retrait de 18 cm, le corps du podium en brique haut de 105 cm ; au-

242 Nicole Blanc, Hélène Eristov et Myriam Fincker

....

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10. Le temple, élévation arrière Ouest.

dessus, le profil de la corniche en tuf est constitué d 'un large cavet qui peut être assimilé à une

gorge égyptienne probablement terminée par un bandeau. Une couche de stuc, épaisse de 4 à 5 cm, recouvre l'ensemble du podium. S'il n'en reste, au niveau du sode, qu'un vestige dans

l'angle Sud entre l'autel et l'escalier principal, en revanche, le long du corps du podium, le

stuc est conservé sur 84 cm au-dessus du degré de tuf et recouvre une bonne partie de la cor­

niche dont il modifie les dimensions et le profil (fig. 12) (voir, ci-dessous, II. 1.1).

Les deux escaliers sont de composition semblable. On ignore la structure du massif sur

lequel reposent les emmarchements de tuf mais les deux parois latérales de l'escalier principal

et la paroi Sud de l'escalier latéral sont en brique depuis l' arase des fondations. Elles ne com-

A fundamento restituit ? Réfections dans le temple d'Isis à Pompéi 243

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11. Le temple, élévation latérale Sud.

portent donc pas de socle en tuf mais les élévations en brique sont indéniablement liées à celles

du corps du podium. Les sept marches supportaient probablement un revêtement aujourd'hui

disparu. En effet, la première marche se situe dans les deux cas 6 cm sous l' arase du socle, et la

dernière, quelques centimètres sous le niveau de sol de la cella et du pronaos.

Une autre caractéristique confirme l'existence d'un revêtement: les marches de tuf, en

limite latérale du limon sur la façade Sud, ne sont jamais assez larges pour occuper toute

l'emprise de l'escalier jusqu'au corps du podium, de sorte que l'espace restant est comblé au

moyen de briques dont on distingue mal la part des restaurations modernes. De même, les

marches de tuf de l'escalier principal n 'occupent pas toute sa largeur: leur dimension varie

de 145 à 150 cm alors que la largeur (actuelle) de l'escalier est de 165 cm (rampes non

comprises) .

244 Nicole Blanc, Hélène Eristov et Myriam Fincker

Si l'escalier latéral semble ne jamais avoir comporté de rampe, en revanche l'aspect origi­

nel de l'escalier principal est moins assuré: les dessins et les maquettes les plus anciens32

représentent des rampes latérales. Cependant des marques de restauration visibles à partir ou

en dessous du niveau de l'emmarchement empêchent d'affirmer que les rampes existantes sont

vraiment le reflet de la configuration antique.

Le pronaos [2 }

Les colonnes du pronaos~ d'une hauteur totale de 364 cm pour un diamètre de 38 cm,

reposent sur l'arase du couronnement du podium par l'intennédiaire d'une plinthe carrée

(fig. 12). De la plinthe au chapiteau, toute la structure est en tuf. La base de type attique com­

porte deux tores encadrant une scotie limitée par deux listels; un troisième listel marque l'amorce du fût; ces fûts sont lisses, excepté celui de l'angle Nord-Est qui porte, à partir de

130 cm au-dessus de l'arase, le tracé de 20 cannelures gravées dans le tuP). S' agit-il d'un tracé

incisé préparatoire, destiné à guider la taille de cannelures restées inachevées, ou de repères

pour la pose d'un revêtement de stuc cannelé? Tout au plus peut-on constater l'absence

d'homogénéité avec les autres colonnes qui ne présentent pas cette anomalie)" ; elle devait être

dissimulée par un enduit: la colonne de l'angle Nord-Est35 a conservé un épais revêtement de

stuc qui modèle 20 cannelures depuis la base jusqu'à un astragale situé une dizaine de centi­

mètres sous l'astragale du chapiteau de pierre; celui-ci, totalement rogné, a été réduit à l'état

de moignon pour servir d'accroche à la couche de stuc, aujourd'hui disparue. La base des

colonnes devait être, elle aussi, recouverte d'un enduit dont il ne reste plus trace.

Les colonnes portaient un chapiteau en tuf, de type siculo-corinthien36 : un seul est resté

en place, celui de l'angle Nord-Est, cité plus haut; deux exemplaires, mieux conservés, sont

posés à l'entrée de la cella)7 ; fortement épannelés pour recevoir la couche de stuc dans laquelle

ont été modelés les chapiteaux de la dernière phase, leur fonne d'origine peut toutefois se

déduire par comparaison avec les pilastres dont les chapiteaux, plus plats, n'ont pas eu besoin d'être retaillés et apparaissent aujourd'hui presque intacts, après la chute de l'enduit. Au­

dessus de l'astragale se dressent les deux couronnes d'acanthes aux feuilles ourlées; les tiges

des hélices et des volutes naissent directement derrière les feuilles de l' inza corona sans cauli­

cole intermédiaire, car ce sont les feuilles de la summa corona qui servent de calice sous les

32. G. B. Piranèse, dans V. Kockel, Phelloplastiea, Stockholm, 1998, pl. 6.8: vue exécutée dans les an­nèes 1770 et non intégrée par François Piranèse dans ses Amiquités de Pompéia; maquette d'Altieri, dans Kockel, op. cil., pL 6.6.

33 . EAA-PPM, VU!, p. 787, nn 90. 34. En l'ètat, ees colonnes semblent plutôt antérieures

au milieu du 1" siécle av. J.-C. ; en effet, les colonnes de tuf d'époque républicaine SOnt généralement cannelées j outre la palestre voisine, voir p. ex. VIII,3,8-9 [121 : EAA-PPM, VIII, p. 378, nC 25-26; VIIl,5,2. 5 [f]: ibid., p. 555, nO 17-18; VIII,5,9 [h]: ibid., p. 570-571, nO' 1-3;

VIII,5,28 [II): ibid., p. 617-618, n° 13-15; IX,I,20 [cl: ibid., p. 919, n° 4-5.

35. EAA-PPM, VIII, p. 786-787, n" 88-89.

36. C'est le vieux type appelé italo-républicain, dont l'origine et le dèveloppcmem sont maintenant bien connus par la synthése de H. Lauter-Bufe, Die Gesellichle des sikelio­tisch-korilllhischell Kapitells, Mayence, 1987.

37. Lauter-Bufe, op. cit., p. 36-37, n° 61-62, pl. 26 e. Ce sont sans doute les deux chapiteaux que N issen a vus repla­cés ft tort sur deux tronçons de colonne du portique Ouest et qu' il restitue ft juste titre dans le prol/aos.

A fundamento restituit 7 Réfections dans le temple d'Isis à Pompéi 245

Pilash'e angle sud-ouest Colonne pronaos

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12. Le temple d'Isis, profil du podium, colonne du pronaos et pilastre de l'angle Sud-Ouest

(en vert: éléments en tuf; en rouge: limite des éléments en brique).

volutes et les hélices ; dans les écoinçons, une feuille habille d 'abord la tige des volutes pour se

retourner sous l'abaque; elle resurgit ensuite, à l'extrémité des volutes. Les hélices sont à enroulement simple autour d'un œilleton central. Au-dessus, on aperçoit la trace laissée par un

fleu ron qui empiétait sur l'abaque. Ce dernier se compose de bas en haut d 'un bandeau suivi

de deux listels. On compte ainsi, pour l'ensemble de la colonne, 5,5 cm pour la plinthe,

18,5 cm pour la base, 298 cm pour le fût et 42 cm pour le chapiteau,

Les chapiteaux de type siculo-corinthien sont bien représentés dans les monuments de

Pompéi - 8 1 exemplaires recensés ~ car ils ne furent pas systématiquement remplacés après l'introduction du chapiteau corinthien. Les deux spécimens lisibles du temple d'Isis sont pro­

ches, dans le détail de leur organisation, de ceux de la nef de la basilique, que leur style date

246 Nicole Blanc, Hélène Eristov et Myriam Fincker

vers les années 150 av. J.-C.38 et de ceux de la Maison du Faune (exèdre d'Alexandre), qui

remontent à la fin du nC siècle au plus tard39 •

La cella !3]

Toute la structure verticale de la cella est constituée de briques de 4,5 cm d'épaisseur,

tout comme le grand podium qui en occupe le fond; seuls sont en tuf les quatre bases et cha­

piteaux de pilastre des angles externes, les chapiteaux et les bases de la niche incluse à la

façade arrière du temple, qui disparaissent partiellement sous l'enduit, ainsi que six consoles, à vocation indéfinie, fichées dans les parois latérales internes de la cella. Les ailes latérales sont, quant à elles, a priori totalement en brique, mais l'excellente conservation du stuc ne permet

pas de s'en assurer sous les petits chapiteaux des angles externes .

a. Les pilastres

Avant d'être enduits, les six pilastres en brique qui marquent les angles du bâtiment sont exempts de cannelures, larges de 46 cm à la base et épais de 5 cm ; stuqués, ils s'élargissent à 56 cm et présentent sept cannelures de 5 cm de large séparées par un fin listel de 1,5 cm, sauf

aux angles où ce listel atteint 5,5 cm. En façade principale, les pilastres, une fois enduits, ne

mesurent que 47 cm de large ; cette différence d'aspect s'explique par l'effet de trompe-l'œil

qui semble superposer au pilastre d'angle de la cella celui, plus étroit, de l'aile latérale tandis

que ces deux fûts se résolvent en une base unique (fig. 14).

Le profil de la base en tuf posée sur l'arase des corniches du podium ne peut être observé

correctement que pour l'angle Nord-Est de la cella. La base elle-même se compose de deux

tores encadrant une scotie limitée par deux listels, comme celle des colonnes du pronaos. Mais

le tore inférieur est deux fois plus haut que le tore supérieur et l'on ne sait pas si un listel inter­

médiaire séparait la base et le pilastre, totalement masqués par le stuc. Notons qu'en façade

principale cette base de tuf ne repose pas directement sur l'arase des corniches du podium,

mais sur un petit calage en brique, complètement apparent pour le pilastre Sud et haut de

6 cm.

Les chapiteaux de tuf" sont partiellement visibles sous l'enduit de stuc dégradé en plu­

sieurs endroits; nous avons vu qu'ils sont de même type que ceux des colonnes du pronaos. L'exemplaire que l'on peut observer le plus complètement, celui de l'angle Sud-Est (fig. 13-

14), mesure 34 cm de haut et se compose de deux blocs superposés: la première assise com-

38. Ibid" p. 37-38, n'" 64-89, pl. 27 a-b, d; les études architecturales récentes viennent corroborer cette datation et clore momentanément la polémique longtemps très vive sur la chronologie de ce monument, le premier de ce type en Italie.

39. Ibid., p. 40-41, fig. 3, pl. 28 a-b, d. 40. Dans L'III/magi"e, fig. 13, p. 43, est reproduit le des­

sin de La Vega, ADS 910 représentant les murs de la cella et

les chapiteaux avec le commentaire suivant: , Struttura muraria di laterizi priva dei rivestimento in stucco conser­vato solo per i capitelli che, per altro, sembrano essere cos­ti[Uiti da bloccbi come se fossero in tufo . • De fait, on y voit deux incisions parallèles, une au milieu de la première cou­ronne de feuilles, la seconde juste au-dessous des volutes qui est, en fait, la limite inférieure du chapiteau incomplet posé sur deux assises de brique.

A fundamento restituit? Réfections dans le temple d'Isis à Pompéi 247

13. Le temple, chapiteau du pilastre Sud-Est: la brique, le tuf, le stuc.

prend les deux couronnes d'acanthe et la seconde les hélices et volutes ainsi que l'abaque4!. La

volute] intégralement conservée, montre un enroulement simple à œilleton central. Le chapi­

teau repose sur deux arases de brique de 10 cm d'épaisseur légèrement en relief par rapport au

pilastre et 331 cm au-dessus des corniches du podium. Celui de l'angle Nord-Est est particu­

lièrement intéressant car la dégradation de l'épaisse gangue de stuc supérieure laisse aperce­

voir, en dessous, un enduit plus fin, de couleur crème, épousant exactement le détail du chapi­

teau : c'est la couche qui revêtait le tuf dans la phase précédente. À l'angle Sud-Ouest, le

chapiteau de tuf dont on ne peut saisir le détail repose sur une seule assise de brique] 327 cm au-dessus des corniches, mais il mesure 40 cm de hauteur.

Les chapiteaux de tuf, qu'il s'agisse de ceux du pronaos ou de ceux des angles de la cella,

ont leur lit d'attente situé 364 cm au-dessus de la corniche du podium. Ils ont pour hauteur 43

à 45 cm, astragale compris, que celui-ci soit en brique pour les chapiteaux de pilastres] ou en

tuf pour celui des colonnes . À l'arrière, l'astragale des chapiteaux se situe 310 cm au-dessus de

la corniche du podium, mais leur arase supérieure (lit d'attente de l'abaque) est identique à celle des chapiteaux de tuf, 364 cm au-dessus des corniches du podium.

Il apparaît donc d'emblée que ces chapiteaux sont des éléments récupérés d'un état

antérieur lors duquel le premier enduit, qu'on observe encore par endroits, avait pour fonc­

tion, entre autres, de dissimuler la différence de matériau42. La couche épaisse, qui recouvre

ensuite le tout dans une seconde phase, ne répond plus à la structure et modifie la hauteur des

chapiteaux: hauts de 43 cm en tuf, ils atteignent en stuc 57 cm à l'arrière et 62 cm à l'avant.

41. TI s'agit d 'un mode de construction courant pour les chapiteaux (voir Lauter-Bufe, op. cil., passim).

42. TI faut rappeler que les chapiteaux de tuf sont tou­jours enduits, tant pour des raisons esthétiques que techni-

ques, du fait de la porosité du matériau. Vitruve (De Arch.) II, 7) et Pline (N.H., 36, 166) viennent confirmer les témoignages archéologiques.

248 Nicole Blanc, Hélène Eristov et Myriam Fincker

Les astragales du stuc se situent toujours 310 cm au-dessus du podium, ceux en tuf IO cm

plus haut comme pour les colonnes du pronaos (fig. 14).

b. Les ailes latérales (fig. 9 et 24)

E lles abritent des niches rectangulaires cintrées, encadrées de petits pilastres qui soutien­

nent directement un fronton triangulaire. Les pilastres cannelés43 encadrant les ailes latérales

sont asymétriques : le pilastre intérieur se superpose, on l'a vu, à celui de la cella et le pilastre

extérieur est dépourvu de base.

Le bon état du stuc ne nous perm et pas de voir si des chapiteaux de tuf servent de sup­port à ceux qui sont modelés dans le stuc (voir ci-dessous). L'absence de base permet d'en

douter.

c. Le mur extérieur du temple

À l'exception de la façade, depuis les corniches du podium et jusqu'à la frise architravée

de l'entablement, l'enduit simule un grand appareil isodome (voir, ci-dessous, II.I.I).

La niche arrière [3c l , bien centrée sur la façade Ouest du temple, mesure 58 cm de large

entre des pilastres de 25 cm à la base. Au-dessus, une imposte (qui sert en même temps de

chapiteaux aux pilastres) est surmontée d'un arc et est revêtue d'un décor de stuc (voir ci­

dessous). Les pilastres sont en brique, mais la désagrégation de l'enduit laisse apparaître deux

petites bases à deux tores en tuf. Des éléments de tuf dont nous n'avons pu déterminer la

forme apparaissent également au niveau des chapiteaux grâce aux lacunes du stuc.

L'entablem ent est totalement bâti en brique tout comme la corniche à modillons qui ter­

mine l'ordre de la façade et qui, haute de 26 cm, comporte 5 rangs de briques au profil moulé .

Les deux premières arases reçoivent les m odillons, la troisième décrit avec la quatrième un

profil en doucine, et la dernière, profilée en quart-de-rond, se termine par un m ince bandeau.

Au-dessus des chapiteaux, une large frise à rinceau en stuc (voir ci-dessous) occupe tout le

bandeau de 84 cm de haut. L'absence d' architrave est une caractéristique fréquente des enta­

blements stuqués.

I. 3.2. Le purgatorium [4] (fig. 8 et 29)

Cette petite construction abrite un bassin souterrain censé contenir l'eau du N il, ali­

m enté en réalité par le caniveau périphérique du portique; on y accède par un escalier que

protège un parapet de maçonnerie. Elle est bâtie en brique sur une fondation en opus caementi­

cium ; l'enduit partiellement tombé laisse voir les bases et les chapiteaux en tuf des pilastres

d 'angle. Comme dans le temple, les bases sont à deux tores (fig. 24) et les chapiteaux de tuf

présentaient à l'origine un décor dont on aperçoit quelques lignes sans pouvoir définir quel en

43. Les pilastres ont 36 cm de large; deux larges listels de 3,5 cm les limitent latéralement, et les quatre cannelures de 6,5 cm sont séparées par de minces fi lets de 1,5 à 2 cm ;

sur le même plan, une cannelure supplémenta ire et le large filet d'angle simulent le débord du pilastre d'angle de la cella.

A fundamento restituit ? Réfections dans le temple dIlsis à Pompéi 249

Édicule façade Est

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14. Le temple, détail de l'élévation frontale Est: le revêtement de stuc (en vert: éléments en tuf; en rouge: éléments en brique),

était le style. Il reste du seuil deux fragments de dallage, l'un à l'extrémité Ouest en marbre

cipolin, l'autre, plus petit, à l'extrémité Est, de marbre blanc.; l'un et l'autre sont creusés pour

recevoir les crapaudines.

La structure est unitaire, mais on a constaté que la paroi latérale Ouest avait été cons­

truite postérieurement à l'escalier d ' accès et à son parapet en opus incertum dont l'enduit est

pris dans la maçonnerie. L'accès à la salle souterraine et par conséquent cette salle tout entière

250 Nicole Blanc, Hélène Eristov et Myriam Fincker

seraient-ils antérieurs à la construction du petit édifice qui l'enclôt ? Le sol est privé de revête­

ment, mais on note dans l'angle Sud-Est, face à l'escalier, une dalle calcaire (48 x 90 cm) dans

le prolongement de la volée de marches, mais non contiguë à celle-ci: s'agit-il du vestige du

précédent aménagement de l'escalier, avant la construction du bâtiment? Il faut noter que

celui-ci est hypèthre, puisque la couverture comporte une large ouverture centrale qui conser­

vait ainsi au bâtiment son caractère originel.

1.3.3. Le portique (1) (fig. 8 et 15)

Les colonnes en brique enduite s'élèvent sur le stylobate en tuflongé par un caniveau"4. En

huit endroits, le stylobate a conservé des disques partiellement arasés, interprétés comme la

trace des colonnes d'un état antérieur45 • Leur diamètre est de 35-36 cm46. Le premier état du

ponique ainsi restitué comptait 10 colonnes sur les longs côtés, avec des entraxes de 181,5 cm

en moyenne, et 8 colonnes sur les petits côtés, avec des entraxes de 192 cm"7. Que le lit d'attente

des colonnes sur le stylobate soit en relief et non simplement ciselé ou même en creux, est

étrange: s'agirait-il de la trace d'un premier tambour sculpté sur le stylobate? Mais, outre qu'il

est difficile de prévoir exactement l'emplacement des colonnes lors de la taille des blocs, le fait

qu'un de ces disques sur le côté Sud soit taillé à cheval sur deux blocs du stylobate invalide cette

hypothèse. On pourrait également penser à un dispositif servant au positionnement des fûts; le

premier état du portique (36) de la Maison du Faune (VI, 12,2) a conservé un aménagement

comparable quoique plus accentué48, mais le bloc de stylobate excède alors à peine la largeur de

la colonne à laquelle il sert en fait de base; là encore, on voit mal pourquoi on aurait compliqué

la tâche en installant le fût à cheval sur deux blocs. De fait, une autre explication nous paraît

pouvoir rendre compte logiquement du phénomèné9. Les blocs du stylobate, de dimensions

très irrégulières, ont dû être installés avec une taille approximative, et ne recevoir l'arasement

de finition qu'après la pose des colonnes; c'est ainsi que l'emplacement des fûts s'est trouvé en

très léger surplomb par rapport à l'arase finale du stylobate. On objectera qu'il n'est pas com­

mode d'installer un fût sur une surface non polie mais tout dépend du matériau qui constitue la

colonne, comme nous le verrons plus loin.

Dans le second état du portique du temple, un entraxe sur les petits côtés et deux sur les

longs sont supprimés, ce qui détermine une colonnade de 7 x 8, avec des entraxes moyens de

233,5 cm au Nord et au Sud, et de 224 cm à l'Ouest. À l'Est, le nombre des colonnes se réduit

44. JI en manque seulement un fragment du côté Est et un second du côté Sud, ce dernier retrouvé dans le sondage de 1950.

45. Nissen, p. 171, décrit ces , Lehren t , hauts de 1 cm au plus, et les appelle improprement des scamilli (POUf

l'interprétation de ce tenne, voir L. Callebat, Ph. Fleury éd., DictiOlmaire des tenncs techniques du De Architectura de Vitruve, HildesheimJZürichlNew York, 1995, col. 135); pour lui, ces éléments prouvent que la première colonnade était dorique ct semblable à celle de la palestre samnite, car, si les colonnes avaient eu des bases, la trace de celles-ci aura it été marquée par des Zapfenlikher (trous de tenons).

46. À titre de comparaison, le diamètre des colonnes dans la palestre voisine est identique (35-36 cm).

47. Nissen,p.171,donne 1,75m.

48. Entre les blocs du stylobate proprement dit, s'intercalent des blocs qui amorcent carrément les fûts sur plus d'une vingtaine de centimètres de haut, amorce qui fut noyée par un sol en mortier de tuileau. Au-dessus, les co­lonnes sont en tuf (EAA-PPM, V, p. 119, n° 48).

49. Nous remercions Gérard Montbel (UMR 7050 du CNRS) à qui nous devons cette hypolhèse.

A fundamento restituit? Réfections dans le temple d'Isis à Pompéi 251

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15. Le portique: a. les colonnes et les piliers.

b. Le stylobate, disque en reli ef de la première colonnade.

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252 Nicole Blanc, Hélène Er;stov et Myriam Fincker

à 6 du fait de l'installation d'un dispositif axial : une large ouverture entre deux lourds pilastres

auxquels s'adossent des demi-colonnes, qui rappelle le portique des thennes de Stabiesso• La

structure des colonnes est en brique, chapiteau indus. Elles mesurent 55 cm de diamètre à la

base) enduit compris, et leur hauteur est de 296 cm. Le chapiteau n'est représenté que par la

dernière assise de briques moulées en quart-de-rond, en débord par rapport au fût (voir ci-des­

sous). Les pilastres sont en opus mixtum faisant alterner une assise de pierre et deux de

brique; ils dépassent l'arase des colonnes de 92 cm et laissent voir, vers l'intérieur) au-dessus

des colonnes engagées) la cavité d'encastrement des poutres de l'architrave.

La disparition de la première colonnade pose un problème, surtout si on lie son rempla­

cement, comme il est de coutume, au tremblement de terre de 62 ; on constate en effet) par­

tout dans Pompéi, la réutilisation systématique des matériauxS!, tant à cause de leur pénurie

que de la difficulté de les évacuer. Il eût donc été beaucoup plus simple de garder les colonnes

de tuf et de les enduire, comme ce fut le cas dans de nombreuses demeures de Pompéi) restau­

rées après la catastrophe. Et, si certains fûts avaient souffert52, il aurait suffi de ne refaire en

brique que ces exemplaires, solution adoptée dans la palestre des thennes de Stabies où

l'enduit cache la différence de matériau. Le seul fait d 'ailleurs qu'on ait conservé, outre les bases et les chapiteaux de pilastres, les colonnes du pronaos) rend encore plus invraisemblable

leur disparition du péristyle; c'est pourquoi il nous semble plus logique de faire l'économie de

cette hypothétique colonnade de tuf, et de la supposer réalisée dans un matériau moins

pérenne. La brique, utilisée déjà dans la basilique de Pompéi, constitue la solution la plus pro­

bables3. On s'explique alors encore mieux les empreintes observées sur le stylobate, totalement

absentes de la palestre voisine où les fûts de tuf reposent directement sur les blocs. En effet) le

lit de mortier nécessaire à l'assemblage des briques adhère beaucoup mieux sur une surface

rugueuse que lisse, et justifie que l'arasement des blocs se soit fait après la pose des colonnes.

1.3.4. Le péribole [1] et les salles annexes [5-11] (fig. 8)

Tous les murs sont liés entre eux, sauf ceux du balnéaire [Il], et leur structure générale

est en opus incertum. La construction peut donc a pri011 sembler unitaire. Cependant diverses

techniques sont utilisées pour renforcer les angles entre deux murs perpendiculaires) les pié­

droits des ouvertures ainsi que les linteaux ou les arcs au-dessus des portes. Ainsi, sur les murs

Sud du péribole et des pièces attenantes, tous les angles et piédroits de portes sont en moellons

50 . EAA -PPM, VI, p. 153, n° 7 ; Eschebach, op. cil. , p. 44; voir Vitruve (De Arch., V, 1,7) à propos de la Basi­lique de Fano où il supprime deux colonnes dans l'axe du sanctuaire • Ile impediam aspeclI/s prollai •.

51. J.-P. Adam, La cO/Ulruclioll roll/aille, Paris, 1984, p. 165 ; outre les observations faites sur les bâtiments, l'auteur observe que les dépotoirs provenant du dégage­ment de la ville n'ont livré que de menus fragments de mortier et d'enduit.

52. Hypothèse peu probable quand on voit l'état de conservation du portique de la palestre samnite contiguë.

53. Il n'est pas exclu non plus que la première colon­nade ait été en bois; l'hypothèse est invérifiable mais elle rendrait compte du plus grand nombre de supports, donc plus rapprochés; dans la villa des Colonnes à mosaïques, une base de tuf surmontée d'un disque correspondait à une colonnade d'étage sur le toit [37] et peut avoir porté un support léger: V. Koekel et B. F. Weber, Die Villa delle Colonne a mosaico in Pompeji, RM, 90, 1983, p. 62 et pl. 38.2.

A fundamento restituit? Réfections dans le temple d'Isis à Pompéi 253

16. Le sacrarium, montant Ouest de la niche l5a].

de tufs bien taillés (opus vittatum) ; il en est de même pour l'angle Sud-Est de la palestre sam­

nite rentrant dans le sacrarium [5] . En revanche, les piédroits de la porte [la], ceux des portes

du mur Ouest du péribole (façade de [6]), les deux angles Nord et l'angle Sud-Ouest du péri­

bole sont en opus mixtum. Les arcs ne reprennent pas pour autant la structure verticale: tous

ceux des portes d'accès aux salles annexes du Sud sont en opus mixtum (alternance d'un cla­

veau de tuf et de deux briques) bien que les piédroits soient en opus viuatum ; il s'agissait là

d'arcs de décharge au-dessus d'un linteau de bois. Les cinq arcs d'accès à l'ekk1ésiastérion [6]

et l'arc de décharge de la porte d ' accès au sacranum [5] sont entièrement en petits claveaux de

tuf gris bien taillés, de même que le remplissage des écoinçons qui les séparent, alors que leurs

piédroits sont en opus mixtum (une assise de brique et deux de tuf) .

Les niches

Elles répondent, elles aussi, à des traitements différenciés: quatre niches sont incluses

dans les structures.

- La première, directement à côté de la porte d'entrée, est une simple cavité rectangu­

laire de petites dimensions. Sa structure latérale est en opus mixtum, tout comme celle de la

porte. Les deux éléments sont assurément contemporains .

254 Nicole Blanc, Hélène Eristov et Myriam Fincker

- La deuxième [li] - la niche de l'Harpocrate - , dans la façade Est du péribole, se situe

exactement sur l'axe du temple. C'est la niche la plus développée du sanctuaire, et le revête­

ment peint, d 'où elle tire son nom, est aujourd'hui conservé au Musée de Naples. En relief sur le mur, deux piédroits sur consoles et un linteau fait d 'une plate-bande la ferment sur trois

côtés; l'étagère déborde du nu du mur par une petite corniche composée de deux assises de

briques moulées. La structure est en opus mixtum, les consoles en tuf, les bases, les chapiteaux

et la corniche en brique profilée comme la corniche du temple.

- La troisième [lh], dans la façade Sud du péribole, n'est qu'une grande cavité rectan­

gulaire dépourvue de décor; un linteau en plate-bande en opus mixtum repose sur des mon­

tants renforcés en opus vittatum de tuf gris.

- La quatrième [5a] se trouve contre la façade Nord du sacrarium [5] (fig. 16). Elle est

totalement bâtie en opus vittatunz, avec des montants de cipolin qui soutiennent un fronton

à segment. Sur celui de gauche se lit verticalement et placée à l'envers une inscription :

M. Lucretius Rufus Ilegavit. De toute évidence, il s'agit d'un élément de remploi.

I. 3.5. La zone Sud du sanctuaire (fig. 8 et 17)

La cuisine [9] ouvre sur l'espace [10] par une porte que la construction de l'escalier d 'accès à la galerie du théâtre a partiellement occultée; en réalité, cette porte donnait sans

doute, à l'origine, sur l'extérieur comme l'indique le chaînage en opus vittatum de l'angle Sud­

Est. Les six degrés conservés de l'escalier s' appuient sur le mur extérieur de la pièce [9] et

reposent sur un massif d'opus incertum.

L'aménagement du balnéaire [Il ] est consécutif à la construction de l'escalier puisque

son mur Sud en opus incertum s'appuie sur lui et se raccorde par un muret oblique en opus qua­

dratum au pilier du théâtre. La limite Ouest de la pièce est constituée par une section en quasi­

réticulé qui relie le pilier à l'angle Sud-Ouest de la pièce [8]. Il se dégage de l'examen de ces

maçonneries l' impression d'un bricolage destiné à rentabiliser un espace auparavant inoccupé,

désormais couvert du fait de l' implantation de l'escalier, mais que Vexiguïté de son accès condamnait à une fonction humble.

Dans l'espace entre le mur extérieur du théâtre et le sanctuaire, des traces de reprises se

laissent discerner : le sacrarium [5] s' articule, au Sud, entre les piliers du théâtre; dans un pre­

mier temps, un passage était ménagé entre le mur du théâtre et le pilier correspondant à l'angle extérieur Sud-Ouest du portique, ces deux structures étant revêtues d'un enduit. Dans

un second temps, ce passage a été obturé par une maçonnerie en opus incertum et une vasque

surélevée au-dessus de trois marches a été installée entre ce pilier et celui, plus à l'Ouest, qui

correspond à la niche située au centre de la galerie du théâtre54 ; ces ajouts recouvrent l'enduit

antérieur.

54. Cet aménagement, dont ne subsiste qu'un massif de maçonnerie infonne, apparaît clairement sur le modèle en

liège du temple: Kockel, Phelloplastica, pl. 6.5, p. 80 ; voir aussi Hoffmann, p. 202.

A fundamento restituit ? Réfections dans le temple d'Isis à Pompéi 255

[ 11]

o lm

[10] 1 ~

ruelle orientale

17. Coupe Ouest-Est sur le balnéaire [11 J et l'escalier du théâtre (1 0J.

Il existait un autre passage similaire à l'extrémité Sud-Est du sanctuaire, le long du pilier

qui marque l'angle extérieur du balnéaire [I l] ; ici aussi l'enduit posé sur les structures du théâtre a été partiellement conservé par les vestiges de la maçonnerie qui a condamné ce passage 55.

Les circulations à l'extérieur du sanctuaire ont donc subi une modification d'autant plus

malaisée à interpréter que le niveau de sol n 'est pas dégagé et que les seuils ne sont pas repéra­

bles . Toutefois, il apparaît clairement que, dans une première phase, les espaces [10] et [I l]

n 'étaient pas construits et que la circulation se faisait librement autour du théâtre ; mais alors,

soit le sacrarium avait des dimensions plus réduites et .se trouvait fermé par un mur au Sud56

(reste du mur primitif de la palestre ?), soit une porte installée au niveau du pilier corres­

pondant à [Il] isolait le sanctuaire par rapport à la rue57. Dans une deuxième phase, la cons­

truction de l'escalier du théâtre amena à repenser les circulations; le clergé récupéra les

espaces [10] et [11] , condamna les passages, agrandit peut-être le sacranum, ou du moins

en réaménagea une partie, laissant comme seul accès à l'espace extérieur la porte [l g] à droite de la niche. Il n'est pas exclu qu 'un étage ait été construit à cette occasion au-dessus du

pastophon·on58 •

55. Voir les mêmes remarques chez Hoffmann, p. 54, qui est le seul à s'être intéressé à cette partie du sanctuaire .

56. H offmann, p. 202, suppose que le 5acran·um devait être une cour séparée du théâtre, dans un premier temps, par une simple cloison.

57. Dans ce cas l'appareil quasi réticulé serait antérieur à l'implantation du balnéaire.

58. Hoffmann, p. 198 sq., analyse les données permet­tant de supposer la présence d'un étage, notamment les in­dices, lisibles sur les plans de La Vega, Piranèse, P. A. Pâ-

ris, d'un étroit escalier de bois le long du mur Est de la cui­sine (9) ; de même sur le plan publié dans le Voyage pillO­re5que de l'abbé de Saint-Non, vol. II, p. 120 et dû à Jean­Augustin Renard. : voir Petra Lamers, If viaggio lIel Sud dell'A bbé de Saint-Non, Naples, 1995, p. 84, et catalogue nO 378 ; à cause de la présence des arcades du théâtre, cet étage ne pouvait guère concernee que les pièces [7J à (10) ; sur le plan de Luigi Rossini (fig. 2), le départ d 'un escalier plus large existait à l'extérieur, dans l'angle fo rmé par la pièce [7) et le mur Sud du péribole.

256 Nicole Blanc, Hélène Eristov et Myriam Fincker

1. 4. REMARQUES GÉNÉRALES SUR LES TYPES DE MAÇONNERIE (fig. 8)

Le temple59 et le purgatorium sont entièrement en brique, à l'exception des bases et des

chapiteaux systématiquement en tuf, de même que les colonnes du pronaos. Les colonnes du

portique sont en brique. Les structures périphériques sont en opus incertum, complété par

l'opus mixtum et l'opus viuatum. L'opus mixtum est utilisé pour tous les piédroits des murs

Nord, Est et Ouest du péribole, y compris ceux de la niche du mur Est dans l'axe du temple,

ainsi que pour les deux piliers à demi-colonnes adossées du portique Est. En revanche, les pié­

droits du mur Sud sont en opus viuatum. Les arcs de décharge de toutes les portes d'accès aux

salles annexes du Sud sont en opus mixtu1n, tandis que le vittatum caractérise ceux du mur

Ouest. Une plus grande variété règne dans les montants des niches: ils sont en opus mixtum à

l'Est, viuawm au Sud, marbre et viualum dans le sacrarium.

Même dans l'hypothèse de plusieurs étapes de construction, il est difficile de voir des dif­férences dans l'opus incertum. En revanche, on peut noter deux types d'opus viuatum. Le pre­

mier, utilisé pour toute la zone Sud du sanctuaire ainsi que pour l'angle Sud-Est de la palestre

samnite, est fait de moellons grossiers, alvéolaires, blanc cassé ou gris clair aux arêtes souvent

émoussées; le second, mis en œuvre pour les arcs du mur Ouest du péribole, est en moellons de lave très dense, gris foncé et taillés précisément à arêtes vives. On retrouve ce même maté­

riau pour la niche du sacrarium [Sa]. Cette différence de matériau n'est pas nécessairement à mettre au compte d'un décalage chronologique; des ateliers distincts, un approvisionnement

hétérogène peuvent en être la cause.

L'opus mixUtnl se compose, dans tous les cas, d'une alternance d'un rang de pierres avec

deux arases de brique, même pour les deux piliers du portique associés à des colonnes enga­

gées en brique. Les arcs du mur Sud du péribole, en opus mixtum, sont d'ailleurs aussi traités

par l'alternance de deux briques et d'un claveau de tuf.

Que tirer de ces observations structurelles diverses?

Il est à observer tout d'abord que le choix du matériau n'est pas nécessairement dicté par

la fonction: les piédroits peuvent être bâtis aussi bien en opus mixtum qu'en moellons de tuf. Il

en est de même pour le renfort des angles de mur. Les arcs sont indifféremment en opus mix­tum ou en petits claveaux de tuf. Les colonnes du portique sont en brique, mais les piliers aux­

quels sont liées les demi-colonnes dans l'axe du temple sont en opus mixtum. Est-ce parce que

le temple et le purgatorium sont en brique qu'il faut assigner leur construction à la même phase

que celle des colonnes du portique ? Probablement pas. Dans le cas du portique, la brique a

été choisie uniquement en rapport avec ses caractéristiques particulières: il est plus facile de

mouler des quartiers de colonnes que de les tailler en pierre, comme le montrent déjà les

colonnes hellénistiques de la basilique60.

59. A. Maiuri, L'uft/ma jase edilizia di Pompei, Rome, 1942, p. 69-70, note l'homogénéite des briques du podium et de celles de la cella.

60. Adam, op. cit.~ p. 168, fig. 370.

A fundamento restituit ? Réfections dans le temple d'Isis à Pompéi 257

CONCLUSION PARTIEllE

L'analyse menée à partir de mesures précises permet de dégager un schéma proportion­

nel à ce point cohérent sur l'ensemble du sanctuaire que sa conception globale ne peut, nous

semble-t-il, qu'être unitaire.

Le portique actuel est assurément l'œuvre d'une reconstruction sur la base d'un stylo­

bate plus ancien. La réduction du portique samnite entre dans le plan de conception général

du sanctuaire et est, par conséquent, contemporaine de sa construction initiale. Enfin, la cons­

truction du portique du théâtre est antérieure à l'implantation de ce sanctuaire, ce qui impose

un lernzinus post quem. On aurait donc deux états pour la construction globale du sanctuaire; le

second, indubitablement postérieur à 62, comme le montrera l'étude du décor stuqué, ne

modifie pas le plan d'ensemble mais est plutôt l'œuvre d'une restauration « à l' identique 1).

Du point de vue structurel, les parois perpendiculaires des pièces du Sud et celles de

l'ekklésiastérion sont bien liées, mais les techniques de construction sont variées et se distin­

guent de celles mises en œuvre pour le temple et le portique, Seul le balnéaire se détache de

l'ensemble et atteste une totale restructuration postérieure à la construction de l'escalier

menant au premier niveau du portique du théâtre.

D'autre part, au terme de cette étude, la structure composite du temple ne peut plus être

considérée comme un indice de sa reconstruction après 62. Le stucage initial, fidèle aux for­

mes du support, confirme que les éléments de tuf n'étaient pas destinés à être vus, et que le

mélange des matériaux dissimulés sous l'enduit existait déjà dans le premier état du temple.

L'étude plus fine des enduits conservés devrait nous permettre d'aller plus loin dans la

détermination chronologique de ces deux états.

II. DÉCOR

II,1. LE STUC

L'enduit de stuc recouvre la maçonnerie, de tuf ou de brique, d'une couverture en relief

autonome qui n'épouse pas le gros œuvre, mais crée un décor original obéissant à sa logique

propre, indépendamment de l'architecture. C'est pourquoi il convient de l'étudier à part.

11.1.1. Temple (fig, 9-11 et 12-13)

Extérieur de la cella

Les murs de la cella répondent à un système composite qui combine à la fois le répertoire

architectonique et le répertoire pictural familiers aux stucateurs.

258 Nicole Blanc, Hélène Eristov et Myriam Fincker

Le podium est traité en orthostates séparés par une large ciselure de 8 à 9 cm coupée par

une incision centrale; en façade arrière, les blocs sont larges de 84 cm et de 52 cm dans les

angles, mais la largeur des blocs varie en fonction des dimensions de chaque face du podium

tout en conservant les 52 cm pour les angles et les 84 cm dès que faire se peut . Une cote angu­

laire fait la jonction entre le corps et la corniche dont le profil en cavet est orné d'un anthé­

mion (H. 27 cm) faisant alterner feuilles d'acanthe et feuilles d'eau61• Le motif est dérivé d'un

modèle augustéen, ornant généralement des doucines, où les lobes de l'acanthe recouvrent

partiellement la feuille intercalaire62 ; ici les éléments se succèdent sans se superposer, et la

feuille d'eau très déformée évoque un bouton de lotus, influence évidente des corniches mou­

lurées de stuc où ce type de composition est habituel, à plus petite échelle63. C'est toujours une

demi-feuille d'acanthe qui amorce l'alternance aux angles, repère initial qui commande la lar­

geur des éléments de la frise dont la répartition se fait au mieux dans l'espace ainsi délimité.

Nous verrons que cette composition se retrouve employée encore trois fois, à échelle plus

réduite, dans d'autres parties du temple. Le motif, en faible relief, a été modelé, et non moulé,

dans le stuc passé en une seule couche (ép. 4 à 10 cm), appliquée directement sur le tuf:

l'absence de mortier intermédiaire traduit une exécution rapide que confirme le caractère

sommaire du dessin. Un relevé de La Vega64 montre que la moulure terminale était ornée

d 'une frise de rais-de-cœur, dont ne subsiste aucun vestige.

Les murs sont ponctués par des pilastres qui offrent un intéressant exemple de

l'adaptation en stuc des motifs canoniques de la sculpture. Les chapiteaux « corinthisants »

sont modelés dans une couche d'un seul tenant dont l'épaisseur - de 4 à 8,5 cm - est inhabi­

tuelle ; le poids excessif de ce revêtement explique qu'il se soit en grande partie décroché du

tuf sur lequel il était simplement plaqué: sur la façade Est, seule l'ima corona de feuilles

d'acanthe est bien préservée, mais l'exemplaire de l'angle N ord-Est se lit néanmoins jusqu'en

haut sur son petit côté Est65 ; la summa corona est surmontée d'un abaque complexe: d'abord

un rang de perles et pirouettes, puis une frise d'oves dont on devine la trace, couronnée par

une moulure en doucine terminée par un listel. Ce schéma s'interrompt sur la face principale

du chapiteau dont il ne reste que l'ima corona et le début du calice, sans caulicole, d'où nais­

sent la volute tt l'h élice; de cette dernière, on distingue encore l'œilleton terminal, placé très

bas; si nous restituons une volute également peu développée, il reste alors la place pour les

deux rangs superposés de perles et pirouettes et d'oves66, Cette curieuse composition semble

61. EAA-PPM, VIII, p. 793, n° 110; 794, n° 113. 62. M.-F. Billot, BCH, 121, 1997, p. 243-244. Voir

aussi L 'acamhe dans la sculpture lIIonumemale de l'Amiquité à la Renaissance (Publications de la Sorbonne), P aris, 1993.

63. U. Riemenschneider, Pompejanische Stuckgesimse des Dritten und Vime/l Stils (Europiiische Hochschulschrifi, 38), Francfort, 1986, particulierement type XIV, p. 530; pour un motif proche, voir aussi Th. Fr6hlich, Meded, 54, 1995, p. 194, fig . 1-2. L'acanthe peut aussi alterner avec des pal­mettes: IX, 1, 22.29 (n) : EAA-PPM, VIII, p. 982-983, n° 50.

64. L'bllmagille, p. 41, n° 9.

65. EAA-PPM, VIII, p. 794, n" 11 4. 66. Un aurre départ de tige, conservé à gauche, a été

raccordé par La Vega à l'hélice, restituée avec un enroule­ment à l'extérieur, à l'inverse de l'ordre usuel (L'Immagine, p. 41, n° 9) ; de fait, il semble que le stucateur ait conservé la tige de J'ancienne hélice de tuf, décalée par rapport au nouveau schéma, dans lequel il l'a néanmoins intégrée; dans son dessin, La Vega inrroduit en ourre des volutes à la hauteur des rangs d'oves et de perles et pirouenes dans les angles, créant la curieuse impression d'un chapiteau io­nique superposé au chapiteau corinthien; or, d'après nos observations des vestiges encore en place, il n'y a pas de

A fundamento restituit? Réfections dans le temple d'Isis à Pompéi 259

déterminée par l'absence d'une double couronne d'acanthe, remplacée ici par une simple jux­

taposition de feuilles hautes et basses qui en crée le simulacre mais n'occupe pas une hauteur

suffisante, d'où la nécessité des deux frises supérieures de remplissage. On retrouve une com­

position voisine sur un pilastre également stuqué du péristyle de la Maison des Amours dorés,

qui confirme notre restitution". En revanche, le chapiteau d'angle Sud-Ouest (fig. 12), à l'arrière du temple, offre l'ordonnance habituelle d'un chapiteau corinthien: volute et hélice

bien conservées rejoignent un abaque classique, simplement mouluré68. Cette différence

s'explique peut-être par l' intervention en façade d'artisans différents, plus au fait du répertoire

pictural que des règles du décor architectonique. En effet, de part et d'autre de la porte, se développe un système d'architectures illusio­

nistes, directement inspiré du Quatrième Style pompéien, suivant une mode que les stucateurs

introduisent après 62 et qu'on retrouve dans de nombreux monuments de Campanie. Au­

dessus du socle lisse, commence, à 175 cm de hauteur, une structure à deux étages; le niveau

inférieur comporte un édicule central flanqué d'un portique en fer-à-cheva169 ; les fines colon­

nettes cannelées ornées de chapiteaux (l corinthisants ) portent un linteau bordé d'une mou­

lure d'oves. Au centre, accroché par un ruban, se détache un objet de forme circulaire

aujourd'hui très érodé, entouré de boules: on y reconnaîtra une couronne de laurier, ceinte de

bandelettes, d'où se détachent des baies70 • Au niveau supérieur, surgit une structure reposant

sur une base dont la forme circulaire est très approximativement suggérée. Au centre, une

large baie laisse apparaître un clipeus enrubanné d'où part une guirlande dont les extrémités

sont accrochées à des colonnettes végétalisées, posées sur les linteaux de la structure du pre­

mier niveau. Une lecture réaliste de ces constructions est encore plus difficile qu'en peinture

où la couleur vient au secours des perspectives défaillantes. M. de Vos a voulu reconnaître,

dans le motif central, la couronne d'immortalité - corona analempsiaca - promise à l'initié

d'Isis7l : l'allusion est possible, mais la couronne de laurier se retrouve à l'identique sur de

nombreuses parois pompéiennes. La zone inférieure, laissée lisse plutôt qu'inachevée, était

peut-être cachée par un mobilier de culte (rideau ou panneau).

Les ailes latérales abritent une niche à fronton triangulaire reposant sur deux pilastres à

fût cannelé et chapiteau corinthien de (l fantaisie 1) : deux demi-feuilles ct>acanthe, suggérant en

trompe-l'œil le volume du chapiteau, encadrent une feuille centrale plus basse surmontée

d'une palmette inscrite dans un rinceau; l'abaque est orné d'un fleuron. Ici, n'étant pas con­

traints par un chapiteau de tuf sous-jacent, les stucateurs ont abandonné le modèle corinthien

canonique, tout en gardant quelques éléments - acanthe, fle~ron -, sans doute dans un souci

d'harmonisation. Ces chapiteaux encadrent un pseudo-entablement, orné d 'un rinceau formé

place pour ces enroulements j les relevés que donne La Vega des chapiteaux de tuf sous·jacems montrent claire· ment que la zone supérieure de l'enduit avaÎt déjà disparu à J'époque, ct qu'il s'agit d'une reconstitution.

67. EAA·PPM, V, p. 748, na 64.

68. EAA·PPM, VIll, p. 796, na 119-120.

69. H. Eristov, Les élémellts architecturaux dans la peilltllre campaliielille du Q/latrième Style (coll. ErR, 187), Rome, 1994, p . 110 sq.

70. Pour la couronne de laurier à baies, vOÎr les Ther­mes de StabÎes, vestibule de l'apodytelium : EAA·PPM, Vl, p. 194, na 84 .

7l. De Vos, dans PP, p. 140· 143, fig. 5.

260 Nicole Blanc, Hélène Eristov et Myriam Fincker

d'esses affrontées nouées à chaque extrémité par un lien d'où surgit au centre une palmette;

l'entablement de la palestre des thermes de Stabies est orné de rinceaux de même type, tandis

que, dans le caldarium féminin, on retrouve des chapiteaux identiques, avec ce curieux motif

central, présenté dans l'autre sens. Nous avons montré ailleurs, plus en détail, que c'est bien le

même atelier, actif après 62, qui a œuvré dans ces deux bâtiments72. L'archivolte est ornée

d'une guirlande accrochée au centre et aux deux extrémités par un ruban; de part et d'autre,

pend un rhyton. Sur les rampants et la corniche des frontons, court la même frise que sur le

socle du temple. Rendue à plus petite échelle (H. 12 cm), elle a été simplifiée: la feuille

d'acanthe a perdu tout caractère naturaliste et la feuille intercalaire voit son contour souligné

d ' une simple bordure73 • Le centre du fronton, aujourd'hui détruit, était orné d'un motif bien

conservé sur le mur postérieur: un clipeus à unzbo placé à l'intersection de deux lances

croisées74•

Les murs Nord, Sud et Ouest portent un simple revêtement à bossage qui simule un

grand appareil isodome75 . Les assises ainsi définies ont 52 à 53 cm de haut. Lorsque les

« blocs ~) sont entiers, ils mesurent 84 cm de large mais, près des pilas tres et sur les ailes laté­rales, ils s'adaptent simplement aux dimensions du support. L'exécution n 'en est pas très

soignée: ainsi, les blocs de la première rangée reposent directement sur le socle, sans que soit

figuré leur contour inférieur; même remarque pour les angles, où les blocs semblent entrer dans les pilastres. Le mur Ouest est orné, au centre, d'une niche où se retrouvent déclinés plu­

sieurs motifs déjà présents en façade principale, façon d'assurer l' unité du bâtiment, mais aussi de conférer à cette niche, p lacée en face de l'entrée de l'ekklésiastérion, une dignité particu­

lière76 . Les pilastres à lésène ont aujourd'hui perdu leur enduit originel, mais un dessin de La Vega montre que le fût était orné d 'une grande torche enflammée. Les chapiteaux sont formés

d'une feuille d'eau encadrée de deux feuilles d 'acanthe77; c'est un « extrait » de la frise du

socle, ici exécutée dans un troisième module (H. 18 cm) 78, avec le m ême traitement simplifié

que sur la façade principale. Au-delà des chapiteaux, le motif se poursuit d'ailleurs logique­

ment en frise à l' intérieur de la niche. La lunette porte au centre une fine couronne, nouée par

un ruban dont les deux extrémités courent en ondulant au-dessus de la corniche. On retrouve

à l'intrados un rinceau du type employé sur l'entablement des ailes latérales. L'archivolte est

occupée par une frise de palmettes inscrites, motif courant dans les corniches pompéiennes 79

et employé d 'ailleurs sur le fronton du pUl'gawrium, mais décliné ici à plus grande échelle

(H . 16 cm)80: c'est, là encore, un rappel du motif central des chapiteaux de pilastres des

72. N. Blanc, H ommes et chantiers : il la recherche des stucateurs romains, Meded, 54, 1995, p. 91 -93, des­sins C l -C3, fig . 7-10.

73. EAA-PPM, VIII, p. 787, nO 91-92; p. 788, n" 93; p. 789, n" 96-97.

74. Motif proche dans les caissons de l 'apodylelilllll des thermes de Stabies: EAA-PPM, VI, p. 198, n U 93.

75. A. Laidlaw, TIle Fim Slyle ill Pompeii : Paimillg alld Architecture, Rome, 1985, p. 31 1, pl. 102.

76. Elle abritait un Dionysos offert par Popidius Am­p lia tus, père du dédicant : Ricerca, p . 70, 3 .7.

77. Ce système très schématique de décor t corinthi­sant ~ orne les chapiteaux de plusieurs maisons, restaurées dans la dernière période de la ville ; citons, p. ex., la Mai­son des Amours dorés, VI,16,7. 38 (EAA-PPM, V, p. 748, n" 65), les praedia de Julia F elix, II,4,3 (EAA-PPM, III, p. 207, nO 30-3 1).

78. EAA-PPM, VIII, p. 796, nO 122 ;p. 797, n"123-125. 79. Riemenschneider, op. cie., p. 51 1-512, rype Va, plus

particulièrement frise 47. 80. À comparer avec les dimensions des moulures du

purgatO/iu/lI (fig. 30) qui refl ètent les échelles habituelles.

A fundamento restituit ? Réfections dans le temple d'Isis à Pompéi 261

niches latérales. Sur les deux blocs flanquant le cintre, étaient modelées les oreilles d 'Isis, seule

note spécifiquement isiaque du décor.

Enfin, des fragments de l'entablement, dépourvu d ' architrave, sont conservés en haut

des murs Nord et Sud; une simple moulure d ' oves marque la limite de l'extrémité supérieure

de la paroi; la frise est ornée d'un rinceau que seuls quelques fragments permettent de carac­

tériser mais qui confirment le dessin de La Vega: plutôt grêle, il est « étoffé » par des vrilles qui

sinuent autour de la tige et se déploient dans l'intervalle des volutes; des rosettes en aS-?ez fort

relief ponctuent l' enroulement terminal. Ce traitement peu naturaliste se retrouve dans les

courts rinceaux qui ornent les caissons de l'apodyterium des thermes de Stabies8 1. De l'enduit

qui recouvrait les modillons de brique de la corniche, il ne reste aucun vestige.

Intél-ieur de la cella (fig. 18-19)

Un examen attentif de l'enduit permet de déceler les traces évidentes d'un décor sous­

jacent dont le parti général suit la même esthétique que celui du dernier état mais en diffère

suffisamment pour que les divisions de l'un et de l'autre ne puissent se confondre.

1. Description des vestiges

Dans l'état actuel, le décor est conservé sur une hauteur maximale de 247 cm au-dessus

du podium du mur Ouest, 370 cm sur le mur Sud, 413 cm sur le mur Nord, 350 cm sur le

mur Est de part et d'autre de la porte. Sur les trois murs, le mortier rose sous-jacent apparaît

jusqu'à une hauteur de 245 cm au-dessus du podium (environ 425 cm du sol), surmonté de

quelques assises de brique: huit au maximum dans l' angle Sud-Ouest, soit environ 32 cm de

haut.

Il s'agit du système décoratif hérité du Premier Style et qui consiste à imiter, au moyen

d'un enduit stuqué en léger relief, les articulations d'une paroi appareillée dont les blocs sont

encadrés d'une ciselure large de 8,5 cm en moyenne, et séparés par des incisions.

Sur les murs gauche (Sud) et droit (Nord) (fig. 20), deux rangées de deux ortho states

exactement alignés hauts de 166 cm pour la première et 161 cm pour la seconde sont surmon­

tés d'au moins deux assises; il n'en subsiste que des vestiges82 où se lit l'amorce de deux blocs

superposés à l'angle Ouest: l'assise inférieure a une hauteur de 43 cm entre les incisions et le

bloc est conservé sur une longueur de 45 cm, tandis qu'il ne reste que 20 cm du bloc de la

seconde assise. Sur le mur Sud, une incision verticale au-dessus de la console de droite donne

la limite d'un bloc dont le relief est conservé sur 42 cm de long à partir de l'angle; à droite de

81. EAA-PPM, VI, p. 194, n° 83. Un rinceau de stuc or­nait également l'entablement du péristyle de la Maison des Vettii, VI,15,1 lm] : A. Mau, Pompej; in Lebell Ulld Kunst, Leipzig, 1900, p. 314, fig. 162; EAA -PPM, V, p. 518, nO 87.

82. Hauteur maximale: 40 cm sur le mur gauche (Sud) et 75 cm sur le mur droit (Nord).

262 Nicole Blanc, Hélène Eristov et Myriam Fincker

1er état

D 2e état

couche de mortier de tuileau

CJ restauration moderne

~ brique

H G F

'"'

18. Le temple, l'enduit de la cella: tes deux états, coupe Est-Ouest.

la console centrale se lisent une autre incision à 86 cm de la précédente ainsi que l'empreinte

du relief d'un bloc.

Le décor du mur Est, de part et d'autre de la porte, se réduit à l'incision horizontale qui

sépare les ciselures des deux niveaux d'orthostates en relief.

Sur le mur du fond (Ouest), la première rangée d'orthostates est remplacée par le

podium au-dessus duquel court une assise (H. 153 cm) de quatre orthostates de largeur

inégale (nous les désignons par des lettres de droite à gauche) : A: III cm, B : 112 cm, C :

III cm, D : 119 cm, suivis, à l'angle gauche, par l'amorce d'un cinquième CE : 26 cm) censé

prolonger celui situé à l'extrémité droite du mur Sud. Une incision horizontale continue

sépare les orthostates des assises supérieures lacunaires dont les blocs sont, eux aussi, encadrés par une ciselure et séparés par une incision; il subsiste de la première assise, haute de 43 cm,

A fundamento restituit ? Réfections dans le temple d'Isis à Pompéi 263

1 er état

o 2C état

couche de mortier de tuileau

Cl restauration moderne

o brique

19. Le temple, l'enduit de la cella: les deux états, coupe Sud-Nord.

l m

les éléments de cinq blocs dont un seul semble conservé sur toute sa longueur. À l'angle droit, l'amorce d'un bloc (A' : 9 cm) qui se prolonge sur le mur Nord est séparée par une incision (à 10 cm de l' angle) d'un deuxième bloc incomplet dont la longueur (B' : 84 cm, ciselure com­

prise) est attestée par une incision verticale. Du troisième bloc (C'), il ne reste que la moitié gauche et ses dimensions sont voisines (86 cm) ; suit un quatrième bloc (D') long de 86 cm

dont une partie du relief a subi une cassure verticale et un glissement partiel; le bloc qui le suit (E') n'est conservé que sur 32 cm et a perdu son relief de stuc; au-delà d'une lacune d'environ 150 cm, le bloc de l'angle gauche est conservé sur 26 cm.

De la deuxième assise, il ne reste qu'une amorce de bloc conservée à l'extrémité droite sur 25 cm et qui se prolonge sur le mur Nord (25 cm conservés).

264 Nicole Blanc, Hélène Eristov et Myriam Fincker

20. Le temple, l'enduit de la cella:

mur Sud, angle Ouest.

2. Restitution du dernier état

Murs gauche (Sud) et droit (Nord) (fig. 18) : les blocs sont désignés par des lettres à partir de l'angle Ouest. L'ordonnance des orthostates et leurs dimensions sont connues; la

hauteur respective de leurs deux registres est déterminée, pour le premier, par la hauteur du

podium, et) pour le second, par la base des consoles.

En revanche, les parties hautes laissent une certaine part à l'hypothèse. On dispose des

données suivantes à partir du mur Sud: le bloc H' a 86 cm de large entre deux incisions; le

bloc G') interrompu par l'angle, se prolonge sur le mur Ouest; sa largeur totale est donc

d 'environ 83 cm ; à l'extrémité gauche, de part et d'autre de la console, aucune incision verti­

cale n'est conservée. Il est donc probable que l' assise se composait de trois blocs de même lon­

gueur (86 cm).

Les rares vestiges conservés à l'angle gauche du mur Nord n'apportent rien à la compré­

hension des zones supérieures mais confirment la présence d'une deuxième assise.

Mur Ouest (fig. 19) : si la zone des orthostates est restée lisible, en revanche il manque

une bonne partie des assises supérieures. On connaît la hauteur des blocs (43 cm entre les

incisions) ainsi que la longueur de trois blocs: en moyenne 86 cm. Cette relative régularité

permet de proposer pour les deux blocs manquants la même longueur, ce qui laisse pour

Pamorce de G') à l'angle gauche, environ 41 cm; le prolongement de ce dernier sur le mur

Sud lui confère également une longueur totale de 83 cm".

83. Mêmes dimensions (42,3 x 88 cm) dans la Tombe 13 West de la Via Nuceria = Tombe de M. Octa­vius et Vertia Philumina (Laidlaw, op. cit., p. 328, avec bi­bliographie), datée du milieu du 1" siècle apr. J,-c. par A. D'Ambrosio, S. De Caro, t FOlOpiano e documenta-

zione della nccropoli di Porta Nocera _, dans VII impegllo per Pompel~ Studi e comn'blftl~ Touring Club italiano, Milan, 1983, n° 13 os, ou de la République par de Vos, Pompei, op. cit., p. 159. Ailleurs les dimensions SOnt très diverses.

A fundamento restituit? Réfections dans le temple d'Isis à Pompéi 265

La deuxième assise reprenait vraisemblablement le même schéma, comme l'attestent les

deux amorces du bloc (A') visibles à l'angle N ord-Ouest; même si sa longueur totale peut être

restituée (environ 85 cm), rien ne permet de fixer ses limites sur l'un et l'autre mur. La hau­

teur de la cella laisse supposer la présence d'une troisième assise (soit env. 130 cm au-dessus

des orthostates) et d'une étroite corniche d ' une vingtaine de centimètres.

On remarque que, contrairement aux dessins de La VegaB4, Mazois85 et Piranèse86, les

blocs d 'assise n'ont pas la même largeur que les orthostates et qu 'ils ne suivent pas une dispo­

sition régulière en quinconce par rapport à eux.

3. 1. Le décor antérieur du mur Sud (fig. 18)

C'est sur le mur Sud, largement érodé, que les traces d'un état antérieur apparaissent le

plus clairement. Sous le stuc de deux des trois ortho states, à 112 cm du haut du podium, court

une profonde incision horizontale recoupée par une incision verticale qui correspond à la

limite de l'orthostate gauche du dernier état. Parallèlement à la première horizontale, une

autre incision, tracée elle aussi sur la couche de mortier sous-jacente à celle du dernier état,

s'aligne sur la base des consoles de tuf insérées dans les deux murs latéraux. Au niveau des

assises supérieures, seule l' extrémité gauche du mur entre la dernière console et l'angle a

conservé un fragment d'enduit lisse et sans relief.

Sur le mur Nord, mieux conservé, les couches sous-jacentes n'apparaissent pas.

3.2. Le décor antérieur du mur Ouest (fig. 19 et 21)

À l'angle gauche, le stuc disparu de l'orthostate E laisse apparentes deux séries

d'incisions verticales: l'une, très fine, correspond à la ligne guide que suit l'artisan lorsqu'il

étend la couche de stuc en relief; la seconde, qui la double exactement, profonde, continue et

régulière, comparable à celles qui séparent les ciselures, est un élément de décor. Elle est

recoupée, à 112 cm du bas de }'orthostate (soit 43 cm au-dessous de la limite supérieure

actuelle), par une amorce d'incision horizontale qui se perd sous le stuc du dernier état et

s'aligne sur celle du mur Sud. Ces éléments très ténus sont confirmés par les vestiges lisibles

sous l'orthostate D : l'incision horizontale subsiste sur une longueur d'une vingtaine de centi­

mètres, tandis qu 'une incision verticale passe sous le relief à 65 cm de l'angle du mur. D ' autres

détails peuvent également être rattachés à l'état antérieur: il s'agit, d'une part, en haut de

l'orthostate C, à 194 cm de l'angle du mur, d 'une amorce d'incision verticale qui passe au­

dessous de son relief et ne correspond à aucun repérage du dernier état; au niveau de la pre­

mière assise, une incision verticale qui disparaît sous le relief du bloc C', environ à mi­

longueur, n'est de toute évidence pas cohérente avec le dernier état dont le relief la recouvre;

d'autre part, le bloc E' de la première assise semble se confondre, pour la partie conservée,

84. MNN 213492 = Ricerca, 7.10, fig. p. 8 . 85. F. Mazois, Les Rrânes de Pompéi, IV, Paris, 1838,

pl. IX.2.

86. Amiquités de la Grande Grèce, aujourd'hui Royaume de Naples, Paris, 1837, II, pl. LX.

266 Nicole Blanc, Hélène Eristov et Myriam Fincker

21. Le temple, l'enduÎt de la cella:

mur Ouest, angle Sud.

avec l'état antérieur: le relief du dernier état a disparu et laisse apparent un enduit soigneuse­

ment lissé difficile à admettre comme couche préparatoire à une couche de stuc en relief;

enfin, un lambeau d'enduit isolé entre les blocs BI et Cf porte une incision verticale non cohé­

rente avec le dernier état.

3.3. Restitution de l'état antérieur sur le mur Ouest

Cet état se caractérise par un décor dénué de relief, où de profondes incisions déter­

minent seules l'ordonnance des blocs.

Pour restituer la première assise, très lacunaire, on recherche un schéma géométrique

capable d'intégrer les diverses traces repérées . À partir de la présence d'un élément de 43 cm

A fundamento rest ituit? Réfections dans le temple d'Isis à Pompéi 267

conservé à gauche du mur sous l'orthostate D, l'alternance de carreaux et de boutisses est sup­

posée; en admettant que le carreau ait le double de la longueur de la boutisse et en projetant

cette alternance sur le mur, on obtient la séquence suivanteS7 : 22 cm*, 43 cm*, 86 cm, 43 cm,

86 cm (centre), 43 cm, 86 cm, 43 cm, 22 cm, soit 474 cm auxquels il faut ajouter environ

0,5 cm pour la largeur des huit ciselures = 478 cm. Ce schéma est corroboré par les traces de

la deuxième assise, également haute de 43 cm et organisée selon la même alternance: les inci­

sions verticales sous C' et entre B' et C' coïncident avec les limites d'une boutisse de 43 cm et

l'enduit lisse sous E' correspond à l'extrémité droite d'un carreau, de sorte que les divisions

des deux assises se trouvent en quinconce l'une par rapport à l'autre.

Il ne subsiste aucune trace pennettant de déterminer l'aspect du décor au-dessous des

assises.

3.4. Restitution de l'état antérieur sur le mur Sud

L'incision horizontale qui court 112 cm au-dessus du niveau du podium est parallèle à

une autre incision située à la base des consoles ; l'espace de 43 cm qui les sépare correspond à

un niveau d'assises fictives où seule l'incision verticale située à 1 ° 1 cm de l'angle gauche (Sud­

Est) donne la limite d'un bloc . Toutefois, si l' on étend au mur Sud le schéma restitué pour le

mur Ouest, il apparaît qu'un carreau de 86 cm dont la limite gauche est connue peut prendre

place au centre et que rien n e s'oppose à ce que deux boutisses de 43 cm l'encadrent . Dans ce

cas, il resterait à l' angle Sud-Ouest une amorce de carreau de 64 cm qui, ajoutée aux 22 cm du

mur Ouest, constitueraient un carreau de 86 cm, conforme à l'hypothèse de restitution. Le deuxième niveau n ' a pas conservé de traces évidentes du premier état, mais il est à remarquer

que les éléments de blocs en relief du dernier état coïncident parfaitement avec une assise de

carreaux et de boutisses en quinconce avec ceux du premier niveau.

Dès lors, la relation qui s'établit entre les deux états du décor est marquée par une cer­

taine continuité; si la technique diffère et fait succéder des panneaux en relief à un décor

incisé, certaines grandes divisions demeurent stables, telles l'incision qui court à la base des

consoles et la répartition des orthostates des murs latéraux. En revanche, le remplacement du

système à carreaux et boutisses par de simples assises de parpaings amène nécessairement des

modifications, encore que certains éléments puissent se superposer (l'assise E' du mur Ouest

semble en témoigner). Dans le cas des murs latéraux qui n'étaient guère visibles de l'extérieur

et où la contrainte des consoles rendait sans doute le travail plus difficile, il n'est pas exclu que

l'on se soit contenté de reprendre le système sous-jacent en lui ajoutant du relief. De même, à l'extrémité gauche du mur Ouest, l'étroite amorce de 22 cm qui trouve sa logique, on l'a vu,

dans l'alternance du premier état ne se justifie guère dans le dernier, sinon en supposant que

les artisans ont cherché à modifier à moindres frais le décor préexistant.

87 . Suivis d'un astérisque: les blocs attestés.

268 Nicole Blanc, Hélène Eristov et Myriam Fincker

Le bon état de conservation des orthostates du dernier état ne permet aucune hypothèse

sur l'aspect de cette zone dans la phase antérieure. Tout au plus peut-on remarquer que le

podium impose une tripartition de la paroi et qu'il n'y a guère de raison de penser qu'il ait pu

en être autrement dans le premier décor. Toutefois, l'assise centrale s'aligne exactement sur le

bord gauche de l'orthostate central lui-même aligné sur celui du premier niveau, ce qui crée un effet de quadrillage inhabituel et amène à se demander s'il existait des ortbostates dans le

premier état. L'alternative la plus conforme aux schémas du (1 Masonry Style )} consisterait

à restituer, à la base des assises, un bandeau assurant la transition avec une rangée

d'orthostates ; mais on pourrait aussi, selon une alternative plus économique, restituer un

enduit uni entre les assises et le niveau du podium. Il ne s'agit là que d 'hypothèses invérifiables

tant que la conservation de l'enduit du dernier état empêche de repérer les traces d'incisions

sous-jacentes.

4. Caractères du décor

4. 1. Le problème du socle dans les deux états

Dans le dernier état, les orthostates des murs Nord et Sud reposent directement sur le sol,

sans plinthe ni soubassement d 'aucune sorte; en ce qui concerne le podium du mur Ouest, on

sait par les rapports de fouille qu'il était stuqué, et le modèle réduit en liège de la collection de

G ustave III de Suède88 reproduit fidèlement la série d'ortho states en relief qui l'ornaient et dont

les divisions correspondent à celles du dernier état au-dessus du podium. D'autres exemples de (I pseudo-Premier Style)} sont également dépourvus de soubassement, tels le temple

d'Apollon VII, 7 ,3289, le temple de Jupiter VII,8, 190, la tombe via dei Sepolcri n° 4 a Ouest", la

tombe nO 18 Ouest92 ou encore le socle à l'extérieur de l'édifice d'Eumachia93 .

Le décor antérieur était-il également dépourvu de plinthe? En bas du mur Sud, à proxi­

mité du podium, un reste d 'enduit sous-jacent qui subsiste sur une quarantaine de centimètres

de haut et une quinzaine de centimètres de large ne semble pas porter de traces incisées. li n'est pas exclu que, dans l'état antérieur, la zone correspondant, sur les murs Nord et Sud, à celle du podium ait pu comporter un enduit lisse et dépourvu de toute incision fonctionnant

comme haut soubassement, selon le modèle connu par l'ala [17) de la Maison de SaIluste94 et

d'autres exemples95 .

88. Kockel, PhellQplastica, pL 6.6. 89. Laidlaw, op. cil., p. 309-310. 90. Ibid., p. 310-3 11. 91. Ibid., p. 32 1-322; V. Kockel, Die Grabballtell val'

dem Herkulaner Tor ill Pompeji, Mayence, 1983, p. 67. 92. Laidlaw, op. cie., p. 323 ; Kockel, op. cil., p. 89.

93. La idlaw, op. cil., p. 320-321. 94. Ibid., pL 15 a. 95. Atrium [A1 de la Maison de G. Polybius (Laidlaw,

op. cie., pL 14), le péristyle [14] de la casa dei Scienzati (ibid., pl. 18 a), la Basilique (ibid., pL 21), le clibicu/unI (g] de la casa dei Cenacolo (ibid., pl. 27 b).

A fundamento restituit 7 Réfections dans le temple d'Isis à Pompéi 269

4. 2. Alignement des orthoslates

Dans le dernier état, les deux rangées d'orthostates se superposent strictement. Or ce par­

ti, très inhabituel, ne se rencontre à Pompéi que de façon ponctuelle et par suite d'une erreur,

par exemple dans l'antichambre du cubiculu111 [3] de la Maison du Centaure, VI,9,3, où les or­

thostates s'alignent sur l'assise de soubassement96 : (c Although this alignment occurs occasion­

nally elsewhere, it is generally in unimportant rooms in obscure corners », d'après A. Laidlaw97.

Une te lle incompréhension du modèle architectural est peut-être à mettre au compte,

ici, de l'écart chronologique qui sépare l'époque de la réfection et celle de la floraison du Pre­

mier Style.

4.3. Superposition irrégulière dans le dernier état

Le décalage des joints des assises du dernier état par rapport au centre des orthostates

n'est pas exceptionnel, même dans les exemples de Premier Style: dans le triclinium [35] de la

Maison du Faune, l'irrégularité est due à l'insertion de boutisses entre les carreaux98 ; dans le

tablinum [4] de la maison VI,2,13, toutes les assises sont irrégulièrement décalées, puisque,

comme au temple d'Isis, elles n'ont pas la même longueur que les orthostates99.

4. 4. Boutisses can'ées dans le premier état

Le décor de l'état antérieur intercale, entre les carreaux de la zone d 'assises, des boutis­

ses carrées de 43 cm de côté . Il se distingue en cela des exemples du Premier Style où les bou­

tisses sont toujours de petits rectangles dressés alors que la peinture du Deuxième Style fait le

plus souvent usage, dans les systèmes fermés, de boutisses carrées: citons, à Boscoréale, le cu­

biculu111 [F] de la Villa de P . F. SynistoriOO, à Pompéi la pièce [39] de la Maison du Laby­

rinthe'OI, l'atrium [dl de la Maison des Noces d'argent ''', les cubicula [4], [8], [1 5] de la Villa

des Mystères. Ce décor se distingue aussi des reprises tardives du système de Premier Style

qui, du moins dans les exemples conservés, renoncent à l'effet d'alternance et juxtaposent des

parpaings identiques; le mur extérieur du temple d'Apollon dont la qualité montre qu ' il date

de la réfection post-62 présente un cas un peu particulier: les blocs d'assises ont alternative­

ment 66 à 69,5 cm et 96 à 106 cmlO\ mais, leur hauteur n'étant pas conservée, rien n'assure

que les plus petits étaient carrés et, même dans ce cas, la proportion des élém ents (les (1 carrés »

auraient les deux-tiers de la longueur des rectangles) diffère nettement de celle du temple

d'Isis où les carrés sont égaux à la moitié des rectangles. Nous reviendrons plus loin sur la da­

tation du premier état ; en tout cas ces données stylistiques tendent à l' assigner à une période

postérieure au Premier Style, mais antérieure au milieu du Ier siècle.

96. Laidlaw, op. cit., fig. 35, pl. 61 cet p. 154. 97. Ibid., p. 154, n. 64. 98. EAA -PPM, V, p. 106, fig. 29; Laidlaw, op. cil.,

pl. 25 a. 99. EAA-PPM, IV, p. 165, fig. 6; Laidlaw, op. ci!.,

pl. 17 b. 100. Mctropolitan Museum of An, New York:

H. Beyen, Die polllpejollische Wallddekormio/l VOII/ zweÎtell bis Zlllll vierten Slils, 1, La Haye, 1938, pl. 90.

101. EAA-PPM, V, p. 34, fig. 57 ; V. M. Strocka, Die Casa dei Labilimo, Hauser in Pompeji, 4, Munich, 1991, pl. 239.

102. EAA -PPM, III, p. 687, fig. 19. 103. Laidlaw, op. cit., p. 310.

270 Nicole Blanc, Hélène Eristov et Mvriam Fincker

CONCLUSION SUR LE DECOR INTÉRIEUR DE lA CELLA

La présence d'un état antérieur du décor discernable jusqu'à une hauteur de plus de 3 m

témoigne clairement de ce que les murs de la cella, loin de s'être effondrés lors du séisme de

62, avaient conservé leur élévation et leur revêtement que l'on s'est contenté de rénover sans

en bouleverser radicalement l'ordonnance. Celle-ci était, du reste, largement déterminée par la

présence des consoles de tuf insérées dans les murs latéraux: c'est sur leur limite inférieure

que s'aligne, dans l'état antérieur, le haut de la première assise, et dans le dernier état le bord

supérieur des orthostates. De toute évidence, un certain conservatisme a présidé à la réfection; au lieu d'adopter

un schéma de Quatrième Style, comme cela a été le cas dans le portique, c'est l'austérité du

système hérité du Premier Style que l'on conserve, selon un usage suivi dans d'autres monu­

ments publics lO4, en particulier au Temple d'Apollon où l'on refait à l'époque néronienne les

orthostates de stuc blanc déjà présents dans le temple du II' siècle av. J. -C. '05. Au décor sim­

plement incisé succède le jeu des reliefs et des ciselures mais sans le raffinement qu'ajoutent,

au Temple d'Apollon, les encadrements moulurés.

Cependant cette continuité n'exclut pas des différences significatives. Le décor du pre­

mier état se signale par la régularité de l'alternance des carreaux et des boutisses, la superposi­tion soigneuse des assises en quinconce, la cohérence des murs perpendiculaires. Par con­

traste, le dernier état se caractérise par une simplification du schéma: tous les éléments des assises sont identiques mais leur superposition est hasardeuse et le souci de suivre aussi fidèle­

ment que possible l'ancien canevas aboutit à des incongruités. A. Laidlaw lO6 avait déjà noté la

négligence de l'exécution, sensible dans l' irrégularité des épaisseurs, le manque de précision

dans les intersections, le décentrement des incisions par rapport à la ciselure, l'absence

d 'incision verticale pour séparer les orthostates d'angles. Ajoutons, sur le mur Nord, une

erreur d 'exécution à l'angle inférieur droit de l'orthostate central du second registre: au lieu

de prolonger la ciselure verticale jusqu'à l' intersection avec l'incision horizontale qui sépare les

deux registres, l'artisan l'a fermée avec une couche de stuc.

Les deux états se distinguent donc par une différence de qualité ; toutefois le premier ne

peut guère, on l'a vu, remonter à l'époque du Premier Style.

Il.1.2. Purgatoriwn (fig. 22-30)

Le décor se caractérise par l' importance de la figuration et son caractère très composite. Comme pour la cella~ l'enduit crée une ordonnance architecturale fictive sur la structure de

brique, mais les murs ont été traités comme de classiques parois peintes du Quatrième Style,

104. Ibid.) p. 307 sq. 105. EAA -PPM, VII, p. 286-304, fig. 17 à 21; Laidlaw,

op. cit., p . 309-3 10.

106 . Laidlaw, op. cÙ., p. 312.

A fundamento restituit ? Réfections dans le temple d'Isis à Pompéi 271

o lm ~' --~-~'

22. Le purgatorium, élévation f rontale Nord.

où l'iconographie mythologique habituelle se mêle à des motifs isiaques qui règnent principa­

lement en façade. Une polychromie très vive, parfaitement conservée au moment de la décou­

verte, distinguait le bâtiment du temple lui-même. La couleur de fond était jaune entre les

pilastres, rouge sur la frise, verte dans l'espace intermédiaire entre arcs et fronton, et jaune à l'intérieur de l'arc lui-même.

1. La façade Nord

Elle a reçu un décor complexe (fig. 22 et 24), presque conservé dans son intégralité au

moment de la découverte: les relevés (fig. 27) effectués alors nous permettent de compléter les lacunes actuelles 107 .

Les pilastres à lésène, soulignés d'une moulure de languettes, sont couronnés de chapi­

teaux qui offrent une nouvelle variante de l'anthémion déjà abondamment utilisé pour le décor

107. Les dessins des fig. 22-26 ne prennent en compte que le décor conservé aujourd'hui, sous fonne de relief, mais aussi d'empreintes et incisés dont le relevé nous a per-

mis de contrôler la fiabilité des dessins anciens . Voir aussi EAA-PPM, VIII, p . 798-811, n'" 127-166, dont les clichés reflètent un meilleur état de conservation qu'aujourd'hui.

272 Nicole Blanc, Hélène Eristov et Mvriam Fincker

o lm ,

23. Le purgatorium, élévation frontale Sud.

de la cella : une alternance d'acanthes et feuilles d'eau, dont l'élément central logiquement

attendu - une feuille d'acanthe - est remplacé par un personnage: nu, de face, bras écartés, il

tient l'extrémité des deux feuilles d'eau qui l' encadrent ; sa tête a disparu mais sa forme enfan­

tine, svelte et aptère, permet d'identifier Harpocrate plutôt qu'un Amour, habituel dans ce

rôle; la composition a été modifiée pour s'adapter au vœu des commanditaires et à la fonction

du bâtiment. Le même principe s'est appliqué au décor des lésènes ornées, aux deux angles,

d'un rinceau issu d'un culot d'acanthe, dont chaque enroulement porte un motif isiaque; on

reconnaît à gauche, de bas en haut: un sistre, une situle de forme globulaire, puis un élément

plus rare, une coiffe hathorique, assez maladroitement interprétée 108 : on identifie, de part et

d'autre du corps de la mitre, des plumes (plutôt que des uraei ou des cornes) et, au sommet,

deux épis; suit Anubis, figuré de trois-quarts dos à gauche, tête toulnée à droite 109 ; puis un

petit personnage, debout de face, tenant du bras gauche écarté un bouclier circulaire dont on

108. Un modèle proche figure sur une antèfixe qui ap­partenait à la toiture du temple: i'ANN 21 193, Ricerca, p . 7 1, nU 4.4; Arslan, p. 430, V.49: cornes de taureau stylisées et disque solaire surmonté de trois épis qui sont une réélaboration de la couronne are j, les deux plumes traditionnelles remplacées par les épis renvoyant à Isis Euthenia-Demctra.

109. Et non un léopard (selon Mazois) ou un hippopo­tame (selon M. de Vos, L'Egittomania i/1 pitwre e mosaici romano-campalli della prima età iII/pedale [EPRO, 84], Leyde, 1980, p. 61, pl. 35,3).

A fundam ento restituit 7 Réfections dans le temple d'Isis à Pompéi 273

....... ....

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24. Le purgatorium, élévation frontale Nord : détail du décor en stuc (en vert: le tuf).

274 Nicole Blanc, Hélène Eristov et Myriam Fincker

voit la face interne: un pygmée, plutôt que Bès; viennent enfm un uraeus, un bucrane 1lO, et un

Amour en vol à droite . L'enduit du pilastre de droite a presque totalement disparu aujourd'hui; il reste les trois volutes supérieures dont les motifs sont illisibles; déjà au

moment de la découverte, il devait être dégradé car La Vega l ll ne relève lui aussi que ces trois

volutes, avec de bas en haut un uraeus, un bucrane, un Amour volant; toutefois, cette parfaite

symétrie avec le pilastre gauche nous semble douteuse car les empreintes conservées sur le

fond ne con'espondent pas à ces motifs.

Les deux pilastres qui flanquen t la porte sont ornés d 'un pseudo-candélabre à hampe

végétalisée dont l'ombelle centrale portait un personnage masculin, debout de face, jambes

croisées, tenant sur sa tête l'élément de couronnement: le motif était encore bien lisible

en 1974 112. On le rapprochera de celui, voisin mais plus complexe, qui orne les piédroits des

niches du nymphée de la Villa S . Marco à Stabies, décoré après 62"', où des personnages

féminins ass is en constituent la pièce centrale . Entre les pilastres réels, des architectures fic­tives de Quatrième Style occupent les deux murs de la façade, à l'instar de ceux de la cella. Des

colonnettes à chapiteau (1 corinthisant » portent un linteau reposant sur des consoles ouvra­

gées; à l'extrémité de l'entablement orné d'une frise de bucranes se tient, en guise d'acrotère,

un Amour au corps de Triton, tenant su r l'épaule une rame; au-dessus de cette construction,

se déploie une tenture, dont le bord inférieur festonné évoque un vexillwll : elle est ornée d'un

Amour volant ou nageant derrière un dauphin qu'il tient par les rênes; accroché au centre, un

clipeus enrubanné d'où pend une bandelette - du type déjà observé sur la façade de la cella - est

relié par deux guirlandes aux linteaux. Cette sorte de dais protège la figure qui occupe le

centre du panneau, debout sur une console ornée de fe uilles d'acanthe: il s'agit d 'un person­

nage féminin, figé dans une pose hiératique, bras le long du corps, vêtu d'une tunique à plis

serrés et d'un himation collant couvrant la tête et noué entre les seins; on a voulu reconnaître

Isis dans celui de gauche Il 4, mais, comme son pendant est identique, il s'agit plus probable­

ment de prêtresses égyptiennes, revêtues du costume de la déesse l 15) gardant, telles des her­

mès, l'entrée du bassin sacré.

La thématique égyptisante se poursuit de façon encore plus marquée au couronnement:

la frise représente une procession de dix personnages convergeant vers la porte: les empreintes

conservées sur le fond permettent encore de lire leur position: agenouillés, ou debout bras ten­

dus, dans une pose figurée sur plusieurs peintures l16, et portant divers ustensiles de culte; mais

110. Non identifié sur le relevé donné par M. de Vos, dans EgilLOmol/ia, pl. 35,3.

Ill. EAA-PPM, VIII, p. 799, n" J 30. 11 2. Voir de Vos, Egiuomallia, pl. 38. 113. Voir N. Blanc, dans A. Barbet, P. Miniero éd., La

villa S. Ma rco à Stabia (coll. Centre J. -Bérard, 18; coll. EFR, 258 ; SAP), Naples, Rome, Pompéi, 1999, p . 108-109, fig. 192, 195, 197, 201.

114. Tran Tarn Tinh, op. cil., p. 35 j M . Malaise, Inven­taire préliminaire des dOCllmcms égypticl/S découverts Cil Iralie (EPRO, 2 1), Leyde, 1972, p. 277; voir la description d ' Isis dans Apul., M er., Il ,3-4.

11 5. Sur ce costume, voir cn dernier lieu Tran Tarn T in h, s.v . • Isis t , dans LIMe, V, Zürich, Münich, 1990, p. 79 1-792 ; l'auteur note, p. 792: • Les prêtresses d'Isis sembla ient également s'habiller " â l'isiaque" et tenaient aussi le sistre et la siro1e ... La distinction entre celles-ci et hl déesse elle-même pose de sérieux problèmes. t La forme du nœud isiaque qui, avec le basi leion, serait en dernier re­cours le seul critère pertinent d' identification, n'est pas as­sez lisible ici pour permettre de trancher.

116. Voir de Vos, Egiuolllal/ ia, passim.

A fundamento restituit ? Réfections dans le temple d'Isis à Pompéi 275

il n 'est plus possible d 'en identifier le détail. Sur le relevé de La Vegall7, on reconnaît, en partant

de la droite, un prophetes drapé portant un serpent sur une couronne de roses 11R, un autre tenant

patère et rameau feuillu, un troisième pourvu d'une sorte de lituus ; la description du journal de

fouille (8 juin 1765) 119 - « au fond Anubis avec un caducée et un long bâton, trois autres figures

portant un dragon, une situle, un poisson ) - est une mauvaise interprétation des personnages

dessinés par La Vega 120 . Le but de cette procession est figurée au fronton, sous la forme d'une

grande urne, contenant sans doute l'eau lustrale: deux personnages sont agenouillés de part et

d'autre, tandis qu' aux extrémités deux victoires en vol brandissent un vexillum l21•

~a thématique isiaque n'appartient pas au répertoire courant des stucateurs qui ont ici

transposé en relief des motifs dont le modèle leur était proposé dans le riche décor peint du

temple, en particulier celui du péristyle: prêtres et prêtresses au centre des panneaux, attributs

divers dans les volutes du rinceau sur fond noir qui couronnait la zone médiane l22 .

2. Les murs Est, Ouest et Sud (fig. 23, 25-26, 29)

Ils sont ornés d'un pseudo-appareil isodome, plus simple que celui de la cella: un simple

incisé suggère le contour des blocs. Sur les murs latéraux, seules figurent les deux rangées

supérieures, car, en dessous, la paroi est divisée en trois panneaux, selon le schéma habituelle­

ment mis en œuvre dans la peinture pompéienne: deux panneaux latéraux flanquent un pan­

neau central plus large, mis en valeur par une moulure de palmettes et fleurs de lotus qui le

bordent sur deux côtés: des figures volantes en occupent le centre, selon une mode typique du

Quatrième Style. Une draperie tendue, gonflée par le vent, sert de fond au couple du panneau

central; au mur Est, Persée, identifié par ses bottines ailées, nu, l'épaule simplement couverte

d 'une draperie dont un pan retombe sur la cuisse, emporte Andromède; le bras droit, disparu,

portait sans doute l'épée de la délivrance; l'héroïne demi-nue, manteau drapé aux hanches,

est figurée de trois-quarts dos: elle enlace son sauveur du bras droit qu'elle a posé sur son

épaule gauche 123 ; les panneaux latéraux, dont le côté supérieur est dessiné en accolade') sont

occupés par un Amour en vol qui fait escorte au couple amoureux124 ; celui de gauche, figuré

de trois-quarts droite, draperie passant derrière les hanches, tient sous le bras gauche un gros

117. EAA-PPM, VIII, p . 799, n O 130. 118. Lecture peut-être ~ inspirée » par le motif repré­

senté en peinture sur un mur du portique: voir ci-dessous, n. 122.

119. VoirEAA-PPM, VIII, p. 801, n° 13l. 120. C'est cette description, reprise chez Mazois, op.

cil., p. 185, qui figure chez Tran Tarn Tinh, op. ciL, p. 35. 121. S. Adamo Muscetto!a (Ricc/'ca, p. 64-66, et n. 33)

fait le rapprochement avec une cima de terre cuite apparte­nant à la toiture du temple, ornée de Victoires affrontées portant un trophée (Ricerca, p. 7 1,4. 1), et lie cette théma­tique à l'instauration du culte d'Isis-Augusta qu'elle at­tribue à Vespasien. Mais le motif des Victoires affrontées se rencon tre dans d'autres contextes: on le trouve p . ex . au fronton de la tombe-exède 20 de la nécropole de la Porte d'Herculanum, où les divinités ailées portent la tabula all-

sala : Kockel, Grabbamell, op. cit., p. 90-97, pl. 34. A notre sens, sur !t: Pllrgarorilllll, le motif exprime plus largement la Victoire d'Isis et, partant, de l'initié, sur la mort.

122. Ricerca, p. 4 1-42, 1.6 (desservant tenant une palme et un bouquet d'herbes) ; p. 42, 1.8, pl. VIl! (propheres dra­pé portant un serpent sur une couronne de roses) ; p. 45, 1.2 1 (hiérodule tenant sistre ct vase à offrandes); p. 47, 1.26 (desservant portant une situle) ; p. 48, 1.30 (lychno­phare tenant l'aurelllll eymbilllll) ; p . 52, 1.46 (hie/'Og/'al/ll/1a ­rClls lisant le rituel dans un l'Oculus) . Sur le rinceau peuplé de motifs isiaques, voir ibid., p. 40, 1.3; 40-41, 1.4, pl. VIII ; p. 48, 1.31; p. 50, 1.38, pl. VIII.

123. E. Schwinzer, Sehwebcnde GruppclI ill der pOlI/peja­lIisehen Wandmalcre1, Würzburg, 1979, p. 81, pl. Il,1.

124. D'après Mau, ils se détachaient sur un fond bleu.

276

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25. Le purgatorium, élévation latérale Est.

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26. Le purgatorium, élévation latéra le Ouest et coupe sur la porte.

A fundamento restituit? Réfections dans le temple d'Isis à Pompéi 277

coffret, et retient de la main droite baissée un pan de son vêtement. Celui de gauche, figuré

presque de face, retient, à hauteur de la hanche gauche, la draperie qui tombe de son épaule

droite en barrant son torse; son bras droit baissé est tendu en direction du couple; peut-être

tenait-il un rameau. Sur le mur Ouest, beaucoup moins conservé, le casque à cimier du per­

sonnage masculin identifie Mars en compagnie de Vénus; la déesse figurée presque de face,

avec diadème et chignon, est demi-nue: elle retient du bras gauche son manteau à hauteur des

hanches, et a passé le bras droit derrière l'épaule de son compagnon. Le dieu est figuré de face,

nu, un pan de son manteau flottant passé sous le bras droit. Là encore, deux Amours escortent

le couple amoureux, en portant ses attributs; celui de gauche, figuré de trois-quarts dos à droite, tient sous son bras gauche un long bétyle dont il maintient l'extrémité du bras droit

tendu. L'Amour de droite, en vol de trois-quarts à gauche, tend de la main droite une épée,

qu 'il a saisie par la courroie, et porte au bras gauche un bouclier rond. L'état de conservation

des personnages permet ici d'apprécier le talent des stucateurs, très à l'aise dans ce répertoire

familier. Bien que les visages ne soient pas conservés, on peut mesurer ailleurs la finesse du

modelé, en très faible relief. Le mouvement et la vie sont habilement rendus par la torsion des

corps et l'envol des draperies, selon un procédé mis à l'épreuve sur les voûtes et les plafonds,

lieu d'action privilégié des stucateurs.

À l'entablement, sur les trois côtés Est, Ouest et Nord, court une frise d'Amours et de

dauphins, nageant et volant; l'élément aquatique et aérien dans lequel ils évoluent n'est pas

représenté mais habilement suggéré par leurs positions variées et toutes différentes; ils sont

esquissés en quelques coups de spatule rapides, qui témoignent, là encore, d'un réel métier. Si

Amours et dauphins sont souvent figurés, en particulier dans les thermes où les seconds ser­

vent de monture aux premiers, cette ronde mouvementée qui les fait évoluer au même niveau

n 'a pas, à notre connaissance, d 'exact parallèle.

Des frises moulurées de cinq types différents ornent l'édifice (fig. 30) : languettes sur les

baguettes encadrant les pilastres (dimensions du moule: 1,6 cm [H.] x 4 cm [L.]) (fig. 30,6),

festons inscrits sous arceaux et fleurs de lotus au fronton (4 cm [H.] x 10 cm [L.]) (fig. 30,3),

palmettes sous arceaux et fleurs de lotus aux rampants (3,5 cm [H.] x 6,3 cm [L.]) (fig. 30,4),

trèfles et fleurs de lotus sur la corniche inférieure de l'entablement (fig. 30,1), et les baguettes

d'encadrement des panneaux centraux des murs latéraux (dimensions du moule:

2 cm [H.] x 5 cm [L.]) (fig. 30,2), et enfin palmettes inscrites et fleurs de lotus sur la corniche

supérieure de l'entablement (3,5 cm [H.] x 6,5 cm [L.]) (fig. 30,5) 125 ; ce dernier moule a été

employé à l'envers I26, par erreur sans doute, sur le mur Est. La diversité des moulures est habi­

tuelle sur les corniches de stuc, et tous ces motifs se retrouvent dans d'autres monuments,

publics et privés, de la cité.

125. Pour les profils, voir Riemenschneider, op. cil., p. 289-290.

126. Les moules peuvent bien entendu s'employer dans les deux sens; mais la position avec palmettes à l'endroit

ayant été adoptée sur les trois murs Ouest, Sud et Nord, la position inversée, avec palmettes retournée sur le mur Est, ne peut pas être volontaire et traduit plutôt une erreur de coordination entre les artisans (au moins deux) à l'œuvre.

278 Nicole Blanc, Hélène Eristov et Mvriam Fincker

. )

27. Le purgatorium, élévation frontale Nord. D'après La Vega.

28. Le purgatorium. Photographie de Rum ine.

CI. BNF.

279

29. Le purgatorium, élévations latérales Est et Ouest. D'après La Vega.

280 Nicole Blanc, Hélène ErÎstov et Myriam Fincker

, ,

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30. Le purgatorium, détail des empreintes des moules de stuc.

À l'exception de la façade principale, le vocabulaire ornemental mis en œuvre est carac­

téristique des modes picturales alors en vigueur, et se trouve emprunté pour l'essentiel au

décor intérieur domestique. Tou tefois, il n'est pas exclu que ces couples divins dont les

mythes évoquent obstacles et épreuves, aient rappelé aux fidèles les tribulations d'Isis et Osiris,

et que la richesse de la thématique marine fasse allusion au « Navigium Isidis »J la grande fête de la déesse qui ouvrait chaque année, le 5 mars, la saison de la navigation 127.

Il. 1.3. Les colonnes du portique (fig. 15)

Les colonnes de briques, dépourvues de base, sont revêtues d 'une épaisse couche de

stuc, atteignant jusqu'à ± 2,5 cm. Le fût est rudenté et peint en rouge dans le tiers inférieur,

cannelé et laissé blanc dans la partie supérieure. De l'enduit des chapiteaux, il ne reste que quelques fragments 128 ; ils diffèrent radicalement de ceux de la cella, et les stucateurs ont ici

développé un modèle qui leur était propre, dépourvu de toute référence architecturale; le

motif en effet se développe horizontalement: la corbeille, très basse, limitée en bas par une

baguette, est ornée de rinceaux végétaux affrontés surmontés, à leur intersection, d'un fleuron

127. T. Tibiletti, La festa dei ~ Navigillnl l sidis _, dans Arslan, p. 658-659.

128. EAA-PPM, VIII, p. 737, nD 4, portique Nord, 4< colonne en partant de l'Est; p. 750-751, n° 26, portique Est, partie Nord, 2< colonne en partant du Nord.

A fundamento restituit? Réfections dans le temple d'Isis à Pompéi 281

à pistil, unique souvenir du chapiteau corinthien l29. Ce dernier élément n'est plus lisible

aujourd'hui, mais il nous est conservé par un dessin de La Vega 130, dont la justesse est

confirmée par les chapiteaux intacts de la palestre des thermes de Stabies 13! : une fois encore,

les deux monuments offrent un parallèle saisissant,

II.2. LES MOSAÏQUES (fig. 31-35)

Il ne reste rien, aujourd'hui, des pavements du temple, mais la documentation exécutée

au XVIII'" siècle autorise sinon une étude technique, du moins des comparaisons stylistiques.

La gravure de Francesco La Vega et Carlo Nolli (fig. 31)\32 donne l'état de conservation

des pavements lors de la fouille: la lacune de la mosaïque de la cella y est fidèlement repro­

duite, conformèment au rapport de fouilles du 28 juin 1765 133 qui signale, dans le temple, un

pavement de mosaïque colorée long de 18 palmes et large de 6, dont une partie (3 p. x 3,5 p.,

soit 79 x 92,3 cm) a été « prélevée dans l'Antiquité ). On voit en outre, dans ce document, le

pavement du pronaos .. ceux des deux entrecolonnements latéraux de la façade ainsi que le tapis

de seuil de l'entrée latérale Sud.

Dans ses Antiquités de la Grande-Grèce, auJOll1'd'hui Royaume de Naples publiés en 1802,

1804, 1837, Francesco Piranèse donne aux planches LVIII, LXX, LXXI du volume II, res­

pectivement le plan du sanctuaire et de ses mosaïques, l'ensemble de la mosaïque de la cella et

celle du pronaos, sans tenir compte des lacunes (fig. 32).

Les volumes publiés des Ruines de Pompéi de Mazois ne contiennent qu 'une partie de

l'énorme documentation qu'il avait rassemblée entre 1809 et 1811. Et si les mosaïques

n'apparaissent pas sur la planche VIII du volume IV, en revanche les dessins préparatoires!34

les signalent: on y voit les inscriptions du pavement de l'ekklésiastérion [6], l'amorce du tapis

du pronaos complétée par des notes manuscrites (< 4 étoiles [dans la largeur], 5 étoiles [dans la

profondeur] ) ), les mosaïques des entrecolonnements ; de plus, de petits tracés croisés mar­

quent la présence de mosaïques devant la niche gauche du pronaos.

Lorsque rien ne subsiste d'un décor et que la connaissance que nous en avons repose

tout entière sur la documentation ancienne, la prudence s'impose; il faut s'assurer que les des­

sinateurs successifs ont effectivement travaillé à partir des vestiges et que les séries de gravures

ne dérivent pas toutes d'un prototype éventuellement douteux. Tout d 'abord se pose la ques­

tion de la destruction de tous ces pavements. Une disparition aussi complète suppose souvent

un prélèvement de la part des Bourbons; or les journaux de fouilles n'en portent pas trace.

D'autre part, il semble que la gravure de La Vega n 'ait pas été tirée 135 et que, n ' ayant donc pas

129. L'effet obtenu n'est pas sans rappeler le chapiteau en sofa (voir R. Ginouvès, DiCliol/l/aire méthodique de l'architecture grecque et romaine, II, Rome, Athènes, 1992, pl. 56, 6) mais la fleur axiale, même très courte, part néan­moins d'un culot d'acanthe, référence perdue dans le cha­piteau du portique.

130. L'/mmagille, p. 48, n° 20.

131. EAA-PPM, VI, p. 154-155, n° 9-11.

132. Rice/'ca, 7 . 10 - inv. 213492 -, p. 9, 84 et fig. p. 8.

133. G. Fiorelli, Pompeiallal'lllll Amiquîtatum H istoria (= PAH), III, Naples, 1860-1864, I. l , p. 173-174.

134. BN Est. vol IV, fol. 16.

135. Rice/"ca, p. 84 : 7.10.

282 Nicole Blanc, Hélène Eristov et Myriam Fincker

31. Le temple d'Isis, les mosaïques. Selon La Vega.

circulé, elle n'ait pu servir de modèle à Piranèse. Les indications manuscrites de Mazois ten­

dent à prouver une observation directe, de même que l'indication d'un pavement de tessellatum

devant les niches, indication absente chez les autres graveurs.

32. Le temple, les mosaïques se lon Piranèse.

A fundamento restituit ? Réfections dans le temple d'Isis à Pompéi 283

33. Le temple. la mosaïque du pronaos selon Piranèse.

34. Le temple. la mosaïque de la cella selon La Vega.

..

35. Le temple. la mosaïque de la cella: croquis de Labrouste et schéma restitué.

284 Nicole Blanc, Hélène Eristov et Myriam Fincker

Les pavements étaient donc au moins partiellement conseIVés vers 1810. Mais il y a plus:

un dessin inédit d'Henri Labrouste lJ6, daté de 1826, c'est-à-dire lors du premier voyage de l'architecte à Pompéi l )7, montre deux coupes du temple (fig. 35) ; dans la marge, le croquis d'un

schéma géométrique se révèle être celui de la mosaïque de la cella dont on voit quelques triangles

et carrés adjacents ornés d'un nœud de Salomon, selon une proportion qui ne correspond

d'ailleurs pas strictement avec celle donnée par Piranèse. En revanche, il ne donne aucune indi­

cation pour les autres pavements, soit qu'ils aient disparu, soit qu'ils ne l'aient pas intéressé, à la

différence de celui-ci qui propose une organisation géométrique relativement complexe. De

toute évidence, Labrouste a donc relevé lui-même cette composition encore in situ en 1826.

Ce faisceau de témoignages indépendants les uns des autres autorise donc à analyser ces

mosaïques et à y chercher des indications chronologiques.

II. 2.1. Damier enl/"e les colonnes du pronaos (fig. 31-32)

Les deux entrecolonnements latéraux de la façade sont occupés par un damier droit noir

et blanc de 4 x 4 éléments d'environ 22,5 cm de côté. Il ne s'agit donc ni du damier sur pointe

dont sept exemples sont attestés à Pompéi IJ8, ni de l'alternance de files de tessères noires et blanches l39, ni de systèmes plus complexes dans lesquels le damier soit s'insère dans un

méandre '40 , soit comporte des carrés sur pointe inscrits l 41• Il est à noter que tous ces damiers

(sauf lX,3,25) datent du Deuxième Style.

L'exemple le plus proche de l'lseum remonte lui aussi à l'époque du Deuxième Style et

se trouve dans la maison VII,16,22 [32], dans une pièce condamnée par la construction du

péristyle lui-même transformé ensuite en oecus l<l2. Le cubiculum [46] de la Maison du Laby­

rinthe offre, vers 70-60 av. J.-C., un schéma voisin, sinon identique: il s'agit d'un double

damier dans lequel les carrés noirs sont eux-mêmes constitués d'un damier l4J•

II. 2.2. Étoiles à quam branches dans le pmnaos (fig. 33)

Entre l'escalier d'accès au temple et la porte de la cella, un tapis d'environ 165 x 235 cm

portait un décor d'étoiles noires à quatre branches sur fond blanc. Ce motif connaît une popu­

larité plus grande à Pompéi qu'ailleurs. Il apparaît au Deuxième Style où il est typique en

décor de seuil144 ; son usage s'étend au Troisième Style145 où il s'emploie seul pour omer des

tapis: les exemples les plus proches de l'lseum sont ceux de la Maison de Championnet

136. UN Est. \Tb 132 l, t. m. 137. Pompei, Travallx et ellvois des architectes/ral/çais ail

XIX siècle, catalogue ENSBA~EFR, Rome. 1981, p. 290. 138. VI,9,2 (31 ] ; VI,8,20 [11]; V,2,I (4]: en seuil,

avec double file de tessères alternées; V,2,1 [X]; V,5,3 [U] : en tapis avec double file de tessères ahemêes ; VII,16,22 [72] : en seui l, avec croisettes; VII.4,48 [10] : emblema à damier et sabliers inscrits.

139. 1,7, 1 [16]: deux files; VII, 1,40 [16]; VII,2,18 [TJ; II,4,3 [39] ; VII,2,16 (0].

140. vn,4,59 [L]; VI, 1 1,9 [39).

14J. Vll,7,5 {R].

142 . EAA-PPM, VII, p. 987, fig. 71.

143. EAA-PPM, V, p. 57, fig. 87.

144. M. E. Blake, The Pavements of the Roman Buil~ dings of the Republic and Early Empire, MAAR, VlII, 1930, p. 103-104.

145. Maison des Amours dorés VI,16,7 [G], Maison d'Orphée VI, 14,20 [1] : ibid., pl. 31. 3; Maison de Pupius Rufus VI,15,5 [SI : ibid., pl. 1,4 et p . 14, EAA ~PPM, V, p. 607, fig. 5.

A fundamento restituit ? Réfections dans le temple d'Isis à Pompéi 285

VIII,2,1 [C]I46, de la boutique de la Maison des Vestales VI,I,? [8]"17, de la Maison de Lucre­

tius Fronto V,4,A [9]'48, Il est à noter qu'au Quatrième Style le motif n'apparaît plus que pour

décorer, parmi d'autres, des tapis de formes diverses l49.

II . 2. 3. Le "ineeau de seuil de la porte Sud (fig. 31-32).

Le dessin schématique que donne Piranèse du seuil de la porte au Sud de la cella repré­

sente une double volute partant d'un culot orienté de l'intérieur du temple, volutes enroulées

vers le bas. L'exemple pompéien le plus proche provient de la maison VI,16,36 : les deux

seuils du uiclinium [H] avaient reçu à l'époque du Troisième Style une mosaïque dont la

double volute ne diffère de celle de l'Iseum que par le sens de son enroulement, mosaïques

ensuite masquées par une dalle de marbre, pOUf l'un des seuils, de travertin pour l'autre 150.

II. 2. 4. Dodécagones sécants dans la cella (fig. 34-35)

Le tapis ornait la totalité de la cella entre le bloc de seuil et le podium, tout en ménageant le long des mUfS latéraux une bande blanche; il ne reste, en bordure du mur Est de part et

d'autre de la porte, que quelques tessères blanches qui sont d'ailleurs de taille légèrement dif­férente (0,6 cm du côté Nord, 0,8 du côté Sud) et qui passent sous le stuc pour venir buter

contre les parois de la cella en brique, le second état de l'enduit des murs ayant été tiré après la

pose de ce revêtement de S01151.

À la différence des pavements déjà décrits, celui-ci était polychrome. Le schéma géomé­

trique peut être décrit comme une CI composition triaxiale, en nid d'abeille de carrés et de trian­

gles équilatéraux adjacents, en opposition de couleurs (faisant apparaître deux dodécagones sé­cants) »152. Les carrés qui défmissent six des côtés des dodécagones enferment des nœuds de

Salomon tandis que le carré central est formé d'une rosette à cinq pétales toumoyants ; les trian­

gles équilatéraux enferment eux-mêmes un triangle inscrit. Sur les longs côtés seulement, la bor­

dure est constituée de neuf peltes blanches séparant deux dodécagones tangents.

Ce schéma qui reflète un plafond à caissons l53 est peu courant à Pompéi: l'emblema cen­

traI du ,ablinu", [il dans la Maison de Caecilius Jucundus V,I,26, daté du Troisième Style,

n'en présente que le squelette linéaire noir sur fond blanc, avec une rosette schématique au

146. Blake, IDe. cir., pl. 25. 1 ; EAA-PPM, VIII, p. 32, n" 6.

147. Blake, loe. cil., pl. 3 1 A et p. 97, p . 103, n. 5; EAA-PPM, IV, p. II, fig. 12.

148. EAA-PPM, III , p. 983, fig. 36.

149. VI,16,22 [27]: EAA-PPM, VII, p . 975-976, fig. 49.

150. Blake,loc. cil., pl. 34.4, EAA-Pl'M, V, p. 986~9B7, fig. 9-10; dans deux nUITes exemples, la longueur du seuil a amene li prolonger le rinceau au-delà des volutes: Mai­son de Caesius Blandus 7,1,40, ala r3al, Deuxieme Style final: Blake, IDe. cil., pl. lB. 3; EAA-PPM, VI, p. 393,

fig. 27-28, et Maison du Sanglier l, VIII,3,8, cab/illulI/ P], après 62 : Blake, lac. cil., pl. 26.3 .

151. P. Hoffmann (p. 2 13) pretend que cette mosaïque n'était pas terminée en 79 : on ne voit gut:re sur quoi se fonde cette opinion; d 'après PAH et le plan de la Vega, une partie du pavement manquait, mais l'emplacement de cette lacune, à peu pres au cenITe du tapis, ne peut qu'être nccidemel et interdi t d'y voir la trace de ITavaux en cours.

152. Décor géométrique de la mosaïqlle romaille, Paris, 1985, pl. 205.

153. Voir l'apodyte/llllll masculin des Thermes de Sta­bies, ct le tepidan'IIIII des Thermes du Forum: Blanc, Hom­mes el challliel'S, loe. cil., p. 8 1-95, fig. p. 84-85.

286 Nicole Blanc, Hélène Eristov et Myriam Fincker

centre de chaque hexagone l54 , Un décor d'Aquilée au 1er siècle apr. J. -C . répond au même

schéma sans décor intérieur mais avec six carrés noirs par dodécagone l55. Le parallèle le plus

proche proviendrait d'une pièce de la Villa de Diomède156, dans un cercle inscrit dans le tapis

carré; mais l'incertitude de sa provenance interdit d'en tirer des conclusions,

À l'intérieur d'autres systèmes décoratifs, les nœuds de Salomon apparaissent à la fin du

Deuxième Stylel57 ; au Quatrième, dans le triclinium [15] de la Maison du Poète tragique

VI)8,3 l58, ils interviennent comme motifs annexes dans l'emblema. À la même époque, dans la

Maison du Sanglier l, VIII)3,8 159, les nœuds de Salomon voisinent) en bande de seuil) avec

d'autres motifs dont une rosette à pétales tournoyants.

La bordure de peltes blanches apparaît au Troisième Style, dans la maison VIII,5,16 et

36, antichambre rd], en seuil'60, et est attestée au Quatrième Style dans la pièce [26) de la

Maison de Méléagre VI,9,2 16' .

Ce pavement complexe apparaît donc peu représenté en Campanie: les exemples pré­

coces de schéma à dodécagones sécants manquent en effet de la richesse décorative qui

caractérise la cella, et si le vocabulaire existait depuis le Deuxième Style) la combinatoire est

neuve; cette création ne peut être antérieure au milieu du 1er siècle et date probablement de la

réfection après 62.

D'autre part, il faut signaler que sur le dessin de la Vega le tapis polychrome ne remplit

pas totalement l'espace de la cella mais s'inscrit sur un champ blanc non matérialisé sur les

relevés l62. Les tessères conservées seraient alors les vestiges d'une mosaïque noire et blanche

de Deuxième Style appartenant au premier état.

CONCLUSION SUR LES MOSAlQUES

Étoiles à quatre pointes et damiers sont typiques des Deuxième et Troisième Styles, et le

rinceau de seuil trouve son parallèle le plus exact à l'époque du Troisième Stylel63 ; seule, la

mosaïque de la cella est postérieure au milieu du 1er siècle. La quasi-totalité des pavements

154. Blake, foc. cit., pl. 23.4, et p. 114-122; Decor gio­mien'que, pL 205 b ; EAA-PPM, m, p. 587, fig. 20.

155. Blake, IDe. cir., pl. 39.4 ct p. 113.

156. Roux et BalTe, Herculanum et Pompéi, V, Paris, 1870, Peintures V' serie, pl. 5 ; les auteurs attribuent glo­balement un ensemble de pavements il cette villa, mais on sait qu'ils ont recopié les planches des Omali delle pareti, elles-mêmes dépourvues, le plus souven t, de localisation ; toutefois, les journaux de fouilles des Bourbons (PAH, l, p. 260) mentionnent, il la date du 26 octobre 1771, un . in­treccio . formé de triangles et d'un cercle en mosaïque noire dans une pièce de l'étage supérieur. On citera égale­ment le pavement de la pièce 116 de la Domus Aurea à Rome, ainsi qu'une mosaïque de triclinium du II· siècle apr. J.-C, trouvée récemment à Alexandrie, où le même schéma est employé sur un panneau latéra l : A.-M. C ·..li­mier-Sorbets, RA, 1998/1, p. 192, fig. 1-2.

157. Maison de Pupius Rufus VIJ I5,5 [1], seuil, asso­ciès à des peltes blanches : Blake, loc. cil., pl. 36.3; EAA­PPM, V, p. 595, fig. 31.

158. EAA-PPM, IV, p. 565, fig. 76. 159. Blake,loc. cil., pl. 26.1 et p. 99, 103, 108, 120. 160. Ibid., pl. 33.2. 16 1. Ibid., pl. 32. 1, EAA-PPM, IV, p. 748, fig. 181. 162. À la différence de La Vega, Piranèse, AmiqlliIës de

la Grallde-Grèce, op. cil., vol. II, pl. LIX, dessine, au droit des ouvertures du podium, deux lignes qui pourraient déli­müer un tapis d'environ 280 cm de large.

163. Dans le deuxième complexe de la villa d'Ariane à Varano, un ensemble de piéces remontant à la phase au­gustéenne ct documenté par M. Ruggicro, Degli scav; di Stabia 1749-/782, Naples, 188 1, pl. VI, présente un re­groupement de motifs très voisins de celui du temple d'Isis; damier de carrés sur la pointe, rinceau de seuil, ainsi qu'un schéma complexe d'hexagones sécants.

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36. L'ekk lésiastérion, décor du mur à arcades. D'après les Omati delle pareti.

remonte donc à un état de construction antérieur à 62 et n'a subi ni dommages sismiques, ni

restauration radicale. Certes la disparition des mosaïques ne permet pas de s'assurer si des res­

taurations partielles ont été effectuées, mais la question est secondaire face à des schémas bien

datables qui prouvent que le temple avait p eu souffert du tremblement de terre.

II,3, PEINTURE DE L'EKKLÉSIASTÉRION [6] (fig, 36-39),

On connaît bien le décor de Quatrième Style de l'ekklésiastérion par les gravures de

C hiantarelli et Morghen; les panneaux en ont été prélevés l 64, comme le décor de la face

interne des piliers '65 à fond blanc et candélabre doré surmonté d ' une figure de prêtresse

isiaque, Q uant à la face Est du mur à arcades, «prospetto di porucato a fondo verde con

164. Ricerca, p. 34-35 et 54~59, OU 1 57 à 1 .70; EAA­PPM, VIII, fig 184 sq., p. 823 sq.

165. Ricerca, l. 57 à l. 61= MNN 89 15, 891 7, 8926, 8928,9768, EAA-PPM, VIII, fig. 197-201, p . 832-833.

288 Nicole Blanc, Hélène Eristov et Mvriam Fincker

37. L'ekklésiastérion, modèle en liège d'AltierÎ.

D'après Kockel, Phelloplastica, pl. 6 : 17.

38. L'ekklésiastéri on, bouchage des arcades en 1941. CI. d'archives SAP.

A fundamento restituit 7 Réfections dans le temple d'Isis à Pompéi 289

colonne corinzie marmoree scanalate) epistilio e fregio a fonda rossa con Nereidi su del­fini )}166, elle n'est jamais illustrée!67.

Une planche des Ornati delle pareti l68 représente pourtant l'aspect de ce mur à arcades vu

de l'intérieur de l'ekklésiastérion (fig. 36). Six colonnes corinthiennes cannelées et rudentées

supportent chacune le retour en épi d'un entablement qui court immédiatement au-dessus des

arcades,; les épis servent de support à un atlante qui soutient) des deux bras étendus) la saillie

de la corniche et se détache sur le fond sombre de la frise conservée uniquement entre les qua­

trième et cinquième colonnes de droite. À gauche de l'atlante) une néréide tournée vers la

droite) un bras levé, chevauche un animal non reconnaissable et se retourne vers un person­

nage masculin qui s'avance derrière elle, un objet (vase ?) à la main. Le mur des arcades, situé

fictivement derrière les colonnes) est divisé en un soubassement à bord supérieur mouluré,

sensiblement de la même hauteur que les rudentures, et une partie médiane ornée de sinuosi­

tés imitant le marbre. Comme le bas de la p lanche des Ornati représente la partie inférieure du

mur Ouest) on constate que les divisions des arcades et des colonnes fictives se répercutent

exactement sur l'articulation du mur qui leur faisait face.

Lorsque Altieri réalisa le modèle en liège commandé par Gustave III, une bonne partie

de ce décor était encore visible (fig. 37)169 : il a donc reproduit sur toute sa hauteur la colonne de l'extrémité gauche à l'angle avec le mur Nord) la colonne suivante dont l'inwnaco est

lésionné, une partie du fût de la colonne de l'extrémité droite; en revanche, il ne reste rien de l'ùuonaco entre les deux dernières arcades de droite) et, de part et d'autre de l'arcade centrale)

des murs boutants dissimulent le revêtement peint. Aujourd'hui encore il subsiste une trace de ce décor entre les deux premières arcades de

gauche: on y distingue le chapiteau ocre-jaune) l'amorce du fût cannelé blanc et des vestiges

de faux-marbre vert l7o.

Ce décor suscite un certain nombre de questions qui valent la peine d'être posées, même si

elles restent sans réponse, dans la mesure où elles touchent à la chronologie de l'architecture et

des enduits. La première concerne la date d'érection des murs boutants (fig. 38) . S. De Caro l7!

parle de (1 barbacani borbonici 1) ; de même EAA-PPM!72, quoique aucune m ention n'existe

dans PAH de tels travaux de contrebu tement ; or ces m urs, qui n'apparaissent pas sur le plan de

La Vega, ont été fidèlement reproduits par Altieri en 1784173. Faut-il pour autant les considérer

comme antiques l74 ? Quelques rares photos d'archives (n" A9672) nous en ont conservé

l'aspect: l'alternance de deux rangs de tuf et de deux rangs de briques diffère de l'appareil des

arcades en ce que ce dernier ne comporte qu'une assise de tuf et) d'après P. Hoffmann175, la ma-

166. Ricc/'ca, p . Il . 167. On ne la trouve ni dans Ricen:a, ni dans les vo­

lumes L '/mll/agine et EAA-PPM, VIII. 168. DAI, numéro au crayon: 39-40. 169. Kockel, PhelloplaSlica, pl. 6.5 et 6.16; Ricerca,

p.4. 170. EAA-PPM, VIII, fig. 194, p. 830. 171. Ricerca, p. 4, légende de la figure.

172. VIII, p . 826, nO 190. 173. Ils apparaissent également sur un plan inéd it des­

siné par Labrouste en 1826 : ON ES[. Vb 132 l, c. lIT. 174. C. F avicchio, / dalllli delurremoto deI 62 OC a POli/­

pei Hella Regio V/JI: II/elodo di l1àrca, scopelte, Naples, 1996, p. 202-204.

175. H offmann, p. 58, qui s'appuie sur une photo de T. Warscher(DAI 1933.331 1).

290 Nicole Blanc, Hélène Eristov et Myriam Fincker

çonnerie de ces murs bou tants ne peut se confondre avec la maçonnerie antique: « Oberhalb

der Kampferhôhe der Arkaden bestanden die Stutzpfeiler nur noch aus quaderfôrmigen, ab­

geschragten Steinen . Bei diesen Stützmauern scheint es sich um massives, durchgehendes und

nicht um Schalenmauerwerk gehandelt zu haben. » Ajoutons quelques éléments tirés des ar­

chives de la Surintendance de Pompéi, qui permettent de préciser les dates.

En février 1941, le Giornale di scavo précise : (~ In questo importante edificio di cuita allo

scopo di riconoscere il tipo delle decorazioni ancora esistenti al disotto dei grandi barbacani di

sostegno dei muro pilastrato dei grande salone degli ambienti isiaci, si è ravvisata la necessità

di procedere alla rimessa a piombo deI muro medesimo ad archi e pilastri onde eseguire susse­guentemente la demolizione dei barbacani di contrafforte e di sostegno elevati nel periodo bor­

bonico nell'area dei salone. » La paroi à arcades était en effet dangereusement inclinée et seuls

les contreforts la maintenaient. Une série d'opérations se sont alors succédé: construction

d'un échafaudage) bouchage des arcs sur 8 m) échafaudage le long des murs intérieur et exté­

rieur; en mars 1941, arcs et piliers étaient redressés et consolidés par injection de ciment et

des armatures métalliques renforçaient l'extrémité Sud du mur de l'ekk1ésiastérion 176 . La

guerre a retardé l'achèvement des travaux, de sorte que le débouchage des arcades n'a eu lieu

qu'en janvier 1948177.

Ce que l'on peut conclure de ces données reste) malheureusement, très incertain: les pre­

miers fouilleurs ont dû trouver ce mur déjà déstabilisé puisque, en effet, rien ne pesait contre lui.

Soit son inclinaison est une conséquence de l'effondrement du toit de l'ekklésiastérion en 79, et

ce sont les Bourbons qui ont construit les contreforts, soit elle remonte au séisme de 62 et les

contreforts sont antiques, hypothèse que pourrait confirmer le lambeau d'enduit que l'on dis­

cerne faib lement sur la photo d' archives de 1941. Rien ne peut plus être vérifié aujourd'hui,

puisque même les matériaux de démolition des murs boutants, qui étaient restés accumulés

dans l'ekklésiastérion jusqu'à la fin des années 1970, ont disparu 178 ; de plus, la mosaïque de la

salle étant détruite, il est impossible d'y repérer des traces. Quant au silence du journal de fouil­

les, il ne peut être invoqué comme argument pro ou contra, sachant que sa finalité principale

consistait à tenir un inventaire précis des morceaux antiques et des matériaux destinés au palais

royal. Si certaines restaurations sont mentionnées179, c'est d'autant moins la norme que les bâti­

ments dégagés sont le plus souvent réenterrés et que la question de leur préservation importe

peu. Un fragile argument pourrait toutefois être invoqué en faveur de contreforts modernes : la

gravure de G iovanni Morghen dans les Ornatifigure la totalité des six colonnes fictives du mur à

arcades sans omettre celles qui encadraient l'arcade centrale et que dissimulaient les contre­

forts ; or le dessinateur a pris soin d 'indiquer en grisé les manques du décor et s'est gardé de re­

présenter ce qui n'était plus visible; on pourrait penser alors que, si les contreforts existaient

déjà, il n 'aurait pas représenté le décor qu'ils occultaient.

176. L'assistant qui dirigeait les travaux était Alterio; les photos d'archives nO A 967 1 et A 9673 de 1941 docu· mentent le bouchage des arcades; Maiuri, Ultimo fase, op. cit, p. 69, n. 2, fait allusion à ces travaux.

177. Photo d'archives A 9672.

178. C'est pourquoi nous ne pouvons :mivre sans rê· serve les conclusions de C. Favicchio, op. dt.

179. Villa de D iomède, PAH, l , 28 mai 1774: renforce· ment des murs et de la voûte à caissons d'une pièce au niveau du jardin.

A fundamento restituit ? Réfections dans le temple d'Isis il Pompéi 291

La seconde question concerne le décor peint des arcades (fig. 36 et 39) ; ces massives

colonnes corinthiennes en trompe-l'œil se raccordent mal aux fins candélabres dorés qui

ornent l'intrados; elles manquent également de cohérence avec le système pariétal des trois

autres murs, mise à part la division en cinq zones du mur Ouest, qui correspond aussi au

nombre et à la largeur des arcades. Les hauteurs de soubassement ne s'alignent pas et la frise

au-dessus des colonnes (à env. 342 cm) ne correspondait pas non plus à la limite supérieure de

la zone médiane (env. 448 cm). Ces lourdes colonnes supportant un entablement à épis rap­

pellent divers décors de la Villa des Mystères''', le cubiculum [42] de la Maison du Labyrinthe

où une frise de griffons surmonte les colonnes ioniques l81 , le frigidarium de la Maison du Cryp­

toportique, avec des atlantes au-dessus des entablements à épis encadrant l'édicule centra1'82.

C'est clairement au Deuxième Style que se rattache aussi la paroi de faux-marbres derrière les

colonnes .

Certes on connaît un pastiche de Deuxième Style exécuté au Quatrième mais son carac­

tère hybride est évident l83. Ici, ni l'aspect et le module des colonnes et de l'entablement, ni le

traitement du fond veiné ne rappellent le Quatrième Style; d'autre part, on voit mal la néces­

sité d'inclure un pastiche aussi discordant avec le décor de la pièce qu'avec l'intérieur des ar­

cades; on attendrait ici des candélabres et non un ordre massif.

De toute évidence, il s'agit ici de la trace du premier décor de l'ekk1ésiastérion, conservé

après 62 alors que les trois autres murs ont été redécorés en Quatrième Style. On notera tout

de même que le parti décoratif de ces parois est relativement atypique; s'il a quelques parallè­

les avec la pièce [27] de la Maison de Méléagre, la pièce [15] de la Maison de la Chasse, ou la

paroi du Macel1um, dans l'articulation architecturale de champs délimités par des colonnes

sur de hauts piédestaux saillants, en revanche les panneaux latéraux occupés par de grands

paysages au statut indéterminé (fenêtres? tableaux?) conservent des réminiscences de la

phase II a du Deuxième Sryle: l'Deeus [y] de la Maison des Épigrammes'" ou

l'antichambre [21] du frigidarium de la Maison du Cryptoportique'85 s'ouvrent, au-dessus de

massifs piédestaux à ressauts, sur de grands paysages mythologiques. Le décor de

l'ekklésiastérion n'est certes pas contemporain de ces réalisationsl86) mais il manifeste un cer­

tain passéisme dont la raison d'être pouvait résider précisément dans la colonnade fictive du

mur des arcades. L'appartenance de cette colonnade au Deuxième Style est un argument sup­

plémentaire en faveur de la relecture chronologique du temple d'Isis.

180. CubicululII [16J : J. Engemann, Archi!ekl/lrdarS!eI­l/fl/gell des/nillell Zweiteu S1/1s, Heidelberg, 1967, pl. 18, cu­biwlu/J/ [12/13], alcôve Il avec une figure sur la frise au­dessus de l'entablement a epis ; ibid., pl. 26 ; Beyen, op. dt, l , pl. 20 b.

181. Engemann, op. cil., pl. 43-44; EAA-PPM, V, p. 39, fig. 64-65.

182. Engemann, op. cil., pl. 62; EAA-PPM, l, p. 231, fig. 65.

183. Maison des Vestales, péristyle [dl : A. Mau, Osser­vazioni : Parete dipima nella casa delle Vestali, GdS, 24-2, 1874, p. 107-130.

184. K. Schefold, Ve/gesselles PO/J/pejl~ Berne, 1962, pl. 25 ; EAA -PPM, III, p. 569, fig. 60 .

185. Schefold, op. cir., pl. 35; EAA-PPM, l, p. 246, fig. 94-95.

186. La note technique de P. Cînti dans Rieerea, p. 120, met en évidence la similitude technique de l'imolloco du portique et de celui de l'ekklésiastérion, il l'exception du tableau avec 10 et Argus, techniquement identique à l'imo­lIaeo des candélabres sous les arcades.

292 Nicole Blanc, Hélène Eristov et Mvriam Fincker

39. L'ekklésiastérion, co lonne peinte.

CI. d'archives SAP.

III. DONNÉES ARCHÉOLOGIQUES: LE SONDAGE DE 1950 (fig. 40)

L'évolution architecturale d'un monument ne peut guère s'appréhender sans sondages;

ceux-ci font cruellement défaut à Pompéi où les fouilles ne sont que très exceptionnellement

descendues en dessous des sols de la fin du 1er siècle . Aussi la chronologie des édifices s'appuie-

A fundamento restituit ? Réfections dans le temple d'Isis à Pompéi 293

~. , 40. Le portique, sondage de 1950. CI. d'archives SAP.

t -elle essentiellement sur les caractéristiques de la maçonnerie, critère fragile et incertain dans

un monde où la récupération et le remploi sont constants. Précisément dans le cas du Temple

d'Isis, seuls des sondages systématiques permettraient de résoudre les contradictions entre

l'observation des vestiges et les schémas préétablis. Or ces sondages existent: ils ont été réali­

sés en février 1950 et les archives de la Surintendance de Pompéi en conservent le compte

rendu inédit187. Seules quelques photographies et deux relevés illustrent ces travaux, ce qui

rend parfois hasardeuse la localisation exacte des structures repérées, d'autant plus que les

indications de mesures manquent souvent; manquent aussi les numéros d'inventaire qui per-

187. O. Elia, • Osservazioni sull 'urbanistica di Pompei, Il nucleo originario dcll'impianto », dans G. Mansuelli et R. Zangheri ed., Swdi suNa città amica, Acti dei COllvegllo di sU/di sI/lia città etrt/sea e iraliea preromolla, Bologne, 1970, p. 183-190, a fait état de ces sondages mais leur a ôté toute crédibilité en datant les vestiges du IX' siècle av. }.-C. ; un plan sommaire de l'angle Sud-Ouest et un croquis des fon­dations sont donnés p. 185-186, fig. 2 et 3; plus récem­ment, A. Varone, Attività dell'Ufficio scavi, Rivisto di SU/di

Pompeioni, 3, 1989, p. 229-231, a publié un bref compte rendu de sondages exécutés fin 1988 - début 1989 dans le sOCl'an'um et l'ekklésiastérion, malheureusement sans don­ner ni plan ni cotes permettant de situer l'emplacement des fouilles par rapport aux structures du temple; l'auteur, qui conteste à juste titre l'hypothèse protohistorique d'Olga Elia, se contente de décrire des tronçons de mur sans les mettre en relation avec la palestre qui permet de les éclairer.

294 Nicole Blanc, Hélène Eristov et Mvriam Fincker

mettraient de retrouver et de dater éventuellement les fragments de céramique signalés. Quoi

qu'il en soit, il nous a paru utile de retranscrire l'essentiel de ce journal de fouilles.

Giornale dei lavori di scavo stratzgrafico eseguici 1Zell'area deI tempio di Iside (febbl'aio 1950)

Entrepris d'abord sur le côté Sud du portique pour expliquer la présence de lapilli vierges

au-dessous du sol, ils ont progressivement été étendus à l'ensemble du portique entre le péri­

bole et la colonnade; seule une brève exploration concerne l'espace compris entre le sanc­

tuaire et la colonnade Nord.

Du côté Sud, on découvre, dans une cavité correspondant à la quatrième colonne à partir

de l'Est, un tambour de colonne en brique revêtu de stuc blanc cannelé à rudentures rouges,

trois b locs de tuf appartenant au stylobate, ainsi qu'un bloc de pierre appartenant à un orifice de

citernell~8. Ce sont là les traces d'un affaissement qui s'est produit lors de l'éruption: une cavité

correspondant à une citerne s'est ouverte dans le sol, et colonne et stylobate s'y sont effondrés de

même que l'embouchure. Il faut remarquer que cette citerne qui n'a pas été dégagée se situe net­

tement à l'Ouest par rapport à celle du purgalOrium et ne semble pas communiquer avec elle: la

paroi Ouest de cette dernière est intacte ainsi que son enduit et elle ne comporte pas d'ouver­

ture ; le seul orifice visible s'ouvre dans la paroi Sud et correspond au caniveau. La citerne ef­

fondrée appartient donc probablement à un état antérieur à la construction du purgalOrium.

En continuant la fouille sur 0,60 m de profondeur vers l'Est, on met au jour la fondation

du stylobate constituée d'un blocage de calcaire, lave, tuf, cruma, liés avec un abondant mor­

tier. C'est cette même technique que l'on retrouve d 'ailleurs sous l'ensemble du stylobate du

portique.

Sur le côté Est du péristyle, à la hauteur de la 2< colonne à partir du Sud, à 45 cm du sty­

lobate et à 60 cm du niveau du sol, trois amphores vinaires anépigraphes dont il manque col et

panse reposent, panni divers débris et tessons, sur une couche de terrain vierge à côté d'une structure en gros éclats de lave disposés en anneau irrégulier et non liés au mortier, le centre

de l'anneau étant rempli de pierres plus petites.

Dans le quart Sud-Est du portique (l'emplacement exact ne peut être déduit du journal

de fouilles), « sur l'axe du pilastre du portique 1), une petite voûte en blocage de 0,80 x 0,60 m

de côté est construite sur le terrain vierge et «( non si puo accertare a che cosa fosse destinata )}.

À proximité, on repère également, à 40 cm au-dessous du niveau du sol, un muret moderne en

pappanlOnte l 89 d'orientation Sud-Nord ainsi qu'un fond de canal en tuiles posées à plat

d'orientation Nord-EstiSud-Ouest.

Dans l'aile Nord du portique, la culée Sud d'un caniveau orienté Sud-Nord, construit en opus incertum revêtu intérieurement de signinum grossier et de section rectangulaire, corres­

pond au débouché d'un trou repéré sous le trottoir de la rue bordant le temple à 80 cm de l'angle de la porte: il s'agit donc du canal d'évacuation des eaux du péristyle 190.

188. Surintendance de Pompéi, Nég. A 9671. 190. Surintendance de Pompéi, Neg. A 7986. 189. Il s'agit du canal du Sumo, construit vers 1600.

A fundamento restituit? Réfections dans le temple d'Isis à Pompéi 295

C'est probablement au niveau des deuxième et troisième entrecolonnements à partir de

l'Est que se situent plusieurs restes de maçonnerie en opus l:ncertum de lave lié par un mortier

terreux: l'un orienté Est/Ouest, le long du stylobate, est revêtu de mauvais signinwn sur sa face

Nord; un autre orienté Nord/Sud et dont la face Ouest porte le même signinu11l est conservé

sur deux tronçons; il doit s' agir d 'une sorte de bassin (( abolito probabilmente in seguito

aWerezione dell'attuale edificio )l. Le tronçon Nord-Sud s'appuie sur un niveau de sol ( (1 pla­

tea ») constitué d 'un conglomérat de lave et de calcaire du Sarno lié à un mortier terreux,

situé le long du mur périmétral et interrompu par le stylobate. Les limites de ce bassin, au

Nord, s'étendaient donc à peine plus loin que le mur périmétral puisque l' amorce de l'angle a

été repérée au Nord; au Sud, elles correspondent à celles du stylobate et le bassin était cohé­

rent avec un niveau de sol (le conglomérat de lave et de calcaire), qui dépassait les limites du

stylobate. Cet aménagement qui s'aligne sur les limites cadastrales témoigne donc d'une phase

dans laquelle il n'existait pas de mur d'enceinte.

À la hauteur de la quatrième colonne à partir de l'Est, une fondation orientée Nord-Sud est formée de gros éclats de lave polygonaux, de calcaire et de tuf implantés sur le terrain

vierge et non liés. Cette structure diffère nettement des fondations du stylobate; aussi entre­

prend-on, à la hauteur de la cinquième colonne, un sondage entre le stylobate et le temple. On

y trouve un mur parallèle au précédent et du même type et deux blocs de , pappamonte » dont

l'un est aligné contre le stylobate et l'autre contre la culée Nord du mur en lave; il ne semble

donc pas que cette seconde fondation se prolonge sous le côté Nord du portique.

Dans l'aile Ouest du portique, on effectue un sondage jusqu'à 90 cm de profon deur

entre la colonne d'angle Nord-Ouest et le premier pilier de l'ekklésiastérion; les tessons de

céramique campanienne récupérés semblent appartenir à des plats ou à de petites coupes de

qualité assez grossière. Ici la fondation du stylobate semble être moins en blocage que presque

en opus incertum avec beaucoup de calcaire du Sarno et peu de sable volcanique. Quant à la

fondation du pilier, elle est du même type que celle de l)ensemble du stylobate, c'est-à-dire en

blocage de calcaire et de lave liés à un mortier de chaux grasse. De plus, «( proprio innanzi e

poco al disotto ) de la fondation du mur à arcades sont repérées les fondations d'une autre

structure d'orientation Nord-S ud, dont la technique est similaire à celle des autres vestiges

trouvés dans le portique Nord à la hauteur des quatrième et cinquième colonnes: il s'agit de

gros éclats polygonaux de lave volcanique sans mortier.

On prolonge le sondage jusqu'à l'extrémité Sud de l'ekklésiastérion sans trouver, non

p lus que dans les autres sondages, trace de pavement. En revanche, les deux fondations suc­

cessives apparaissent clairement: à 20 cm du sol, c'est d 'abord la longue fondation des

piliers en blocage avec des matériaux hétérogènes liés au mortier terreux) un peu en dessous

et à côté de cette fondation, une couche de petites pierres (calcaire du Sarno) ; plus en des­

sous, la fondation en gros éclats de lave se prolonge jusqu'à l'angle Sud de l'ekklésiastérion

sans aucune modification ni interruption et sans structure latérale (le journal de fouill es ne

donne pas de mesures).

(C Poichè non è chiara la funzionalità di questa ultima struttura si decide d i allargare il

296 Nicole Blanc, Hélène Eristov et Myriam Fincker

cavo. » Cet élargissement n 'amène pas de trouvaille sinon quelques tessons de céramique cam­

panienne. À la hauteur de l'un des piliers (sans que l'on puisse préciser lequel), à 50 cm du

mur à arcades et à 40 cm de profondeur, on découvre une structure circulaire faite de gros

éclats de lave sans mortier, implantée dans le terrain vierge; au niveau de la dernière arcade au

Sud, à 15-20 cm de distance du stylobate et à 95 cm de profondeur, un autre cercle semblable

de 130 cm de diamètre enferme une épaisse couche jaune soufré ( « terreno di colore giallo-

gnolo che sembra fior di zolfo bruCÎato » ). Il s'agit probablement d 'un foyer.

L a prolongation du sondage vers le Sud sur toute la largeur du portique met au jour, à la

hauteur de la deuxième colonne à partir du Sud, une structure orientée Est/Ouest, en opus incer­

tum constituée de beaucoup de calcaire hé avec un mortier rosâtre contenant de nombreux élé­

ments de lave et de cruma. Cette structure repose sur une petite fondation en lave dure et sans

mortier du même type que celle qui se trouve en avant de l'ekklésiastérion. Le tout repose sur un

niveau (platea unira) situé juste au-dessus d'une couche de terre rapportée dans laquelle on a

trouvé un fond de coupe à vernis noir décoré de quatre petites palmettes équidistantes.

À la limite du sondage, entre ekklésiastérion et sacrariwn, outre la fondation en blocage du

mur Ouest du portique, on repère, à 60 cm du montant N ord de la porte du sacrarium, une fon­

dation en lave (i presque » alignée sur celle située en avant de l'ekklésiastérion. Ces deux murs

semblent bien contemporains et cohérents, de par leur technique et leurs éléments constitutifs.

Enfin, peu en dessous du sol, un caniveau part du montant Sud de la porte du sacrarium,

rejoint l'autel situé dans le premier entrecolonnement et passe sous le stylobate au-delà duquel

il se prolonge; en opus incertum de matériaux de remploi, il mesure 20 x 15 cm et est couvert

en partie de gros éclats de calcaire et de lave.

CONCLUSION SUR lES SONDAGES

Malgré ses ImpréclslOns, ce journal de fouilles contient nombre d'éléments nouveaux . Résumons-les.

Tout d ' abord se distinguent deux types de fondations successives: la plus ancienne

(entre les quatrième et cinquième colonnes du côté Nord du portique, en avant du mur de

l'ekklésiastérion et deux segments Est/Ouest entre l'angle Sud de l'ekklésiastérion et la porte

du sacrarium) est constituée de gros éclats de lave sans liant; la plus récente (fondations du

stylobate et des piliers de l'ekklésiastérion) est un blocage de calcaire hé au mortier. Les fonda­

tions du stylobate et celles des piliers de l'ekldésiastérion sont de même type (blocage). Le mur

à arcades a été précédé par un mur aux fondations de lave qui formait un retour au Sud, au

niveau de la deuxième colonne l91. D ' autre part, les limites du bassin Nord, antérieur à la cons-

191. Nissen, p. 161, avait déjà note la présence de cene première fondation sans que l'on sache d'où il tirait cette observation, absente de PAH : ~ Les arcades qui separent la piece contiguë du péribole ont dû prendre la place d'un

mur plus ancien. Cene hypothèse permet de comprendre pourquoi, aussi bien entre que sous les pilastres qui portent les arcs, les mêmes vieilles fondations couraient sans dis­continuité. ~

A fundamento restituit? Réfections dans le temple d'Isis à Pompéi 297

truction du stylobate, montrent que les divisions cadastrales correspondant aux premiers amé­

nagements étaient celles définies au II~ siècle av. ].-C. lors de la restructuration de la zone du

Forum triangulaire. Les aménagements repérés sont deux grands foyers (ou du moins un foyer

et une structure circulaire) à l'Ouest du portique, une citerne au Sud, un bassin au N ord, des

canalisations à l'Est et à l'Ouest, un dépôt d'amphores vinaires à l'Est. À l'exception des

foyers, toutes ces structures se situent hors de l'emprise de la construction aux fondations de

lave pour laquelle nous ne pouvons proposer que des dimensions approximatives: 14,50 m du

Nord au Sud et 12 m d'Est en Ouest.

Comment interpréter les sections de fondations qui redoublent à 2 m - 2,50 m de dis­

tance le tronçon Est/Ouest perpendiculaire au mur à arcades et le tronçon Nord/Sud reconnu

au Nord du portique? Définissaient-ils une galerie autour d'un bâtiment principal? S'agissait­

il de plusieurs unités distinctes? Enfin, on note que ces structures, à l'exception des foyers qui

devaient être creusés, ne sont pas à plus de 40 cm au-dessous du niveau du sol et reposent sur

le terrain vierge. Elles ont donc précédé immédiatement la construction du temple qui les

entaille (bassin et fondations du côté Nord). En tout état de cause, foyers et citernes d 'une

part, céramique de l'autre, semblent désigner cet espace soit comme un ou plusieurs habitats,

soit comme une zone d'artisanat: la couleur jaune soufré du foyer n'évoque guère une activité

domestique. L'unique statuette en bronze d'Hercule n'incite pas non plus à y voir un temple,

d'autant qu'elle a été trouvée dans l'emprise de la Palestre avant son amputation!92.

IV. VALEUR ET LIMITE DE L'INSCRIPTION

Si la reconstruction totale du temple après 62 n 'a jamais été mise en doute, c'est d'abord

et surtout à cause de la dédicace, placée au-dessus de la porte d'entrée (CIL, X,846) :

N. Popidius N . f Celsinus aedem Isidis ten'ae motu evnlapsam a fundamento p. s. restituit "

hune deeuriones ob liberalitaten'l, cum esset annorum sexs, ordini suv gratis adlegerunt.

« Numerius Popidius Celsinus, fils de Numerius, a reconstruit à ses frais depuis les fon­

dations le temple d'Isis détruit par le tremblement de terre; sa libéralité lui a valu, bien qu'âgé

de 6 ans, d'être reçu gratuitement dans l' ordre des décurions. »

Cette traduction littérale de a ftmdamento restituere a été, jusqu'à présent, unanimement

retenue, y compris dans des travaux récents sur les tremblements de terre!93 ; elle est pourtant

loin d'être assurée, comme une étude récente de E. Thomas et Ch. WitscheP9", consacrée

192. C 'est cependant l'opinion de F. Zevi, Sul tempio d'Iside a Pompei, PP, 49, 1994, p. 44-45, tout en notant que ce bronze semble davantage entrer dans le contexte de la Palestre; sur la découverte: Varone, loe. cil., p. 229 ct fig. 6.

193. E . Guidoboni éd., Cala/ogo dcllc cpigmfi lal/llc l'i­guardami !en'cIIIDti, dans 1 ICI'I'CmOl/ pl'ima de! "''fillc i/1 ltalia e IIcll'area /IIediterrallea, Bologne, 1989, p. 135-168.

194. E. Thomas, Chr. Witschd, Constructing Recons­truction : Claim and Reality of Roman Rcbuilding Inscrip­tions from the Latin West, PBSR, 60, 1992, p. 135-177.

298 Nicole Blanc, Hélène Eristov et Mvriam Fincker

aux inscriptions mentionnant des travaux de reconstruction, en fa it, indirectement, la

démonstration.

Certes, quand le séisme ne fait pas de doute, comme à Pompéi, il paraît naturel de com­

prendre le texte stricto sensu: le formulaire est bien attesté dans les contextes de catastrophe, et

la reconstruction radicale après destruction totale semble aller de soi. On objectera toutefois

que les preuves archéologiques font défaut, les inscriptions datées n'étant jamais associées à un

monument suffisamment conservé pour que l'on puisse apprécier son homogénéité. De fait, le

temple d 'Isis à Pompéi constituant le seul cas où la confrontation est possible, c'est raisonner

de façon tautologique que d'en tirer argument pour dater le sanctuaire . Il nous faut donc exa­

miner les autres occurrences du formulaire, pour tenter d'éclaircir le sens de l'inscription .

Remarquons d'abord que l'expression afundamcnto rcstituere n'est pas associée de façon

spécifique à des catastrophes naturelles, supposées génératrices de destruction totale. Plus

souvent, c'est la vetustas que l'on associe à la ruine195 : le participe passé collapswn n'implique

donc pas un écroulement réel, qu 'il soit total ou partiel, mais une dégradation due au temps,

qui ne peut être évidemment que sélective ; cette notion de veWstas est d'ailleurs toute relative

et ne saurait se traduire en années: elle n'implique pas que le bâtiment soit réellement victime

de son âge: c'est la façon h abituelle d'inscrire l'acte d'évergétisme dans un grand processus

historique. Rappelons d'ailleurs que la destruction totale du temple en 62 est peu probable:

stabilisé par le théâtre, il a sans doute été protégé, comme la palestre samnite contiguë qui a

subi des dégâts mineurs.

Il faut ensuite faire justice du termefundamentum : il n'a le sens architectural de « fonda­

tion )) - la partie construite mais enterrée, par opposition au sol naturel - que dans des textes

techniques, ou des inscriptions qui décrivent sa nature: fundamenta lapidefacta (CIL, 1,603),

ftmdamentum ex caemento (CIL, IV,5927), etc . ; dans ce cas, il est d'ailleurs plus souvent

employé au pluriel, et associé à des verbes comme facere (CIL, VIII,1320, add. 9010;

Xl,5838-5840) ou extruere (CIL, X,6811)1 96. M ais, au singulier et accolé à restituere, il n'a

qu'une valeur métaphorique puisqu'on le trouve appliqué à des structures qui sont dépourvues

de fondation, comme un autel ou, mieux encore un simulaclum 197• Il signifie en fait le caractère

novateur de l'opération, qui substitue du neuf à quelque chose d'ancien.

En effet, le verbe restituere, plus couramment employé que reficere198, a deux sens: rem­

placer par une nouvelle version une statue, un autel ou un bâtiment, mais aussi le restaurer

dans son ancien aspect. Autrement dit, il désigne deux opérations a priori radicalement diffé­

rentes: une reconstruction ou une restauration. La distinction entre les deux n'est toutefois

pas si évidente qu'il y paraît. Une inscription d'Ostie, d'époque antonine, indique sobrement

les travaux effectués par un certain Publius Lucilius Gamala en ces termes: aedem Veneris resti­

tuit (CIL, XIV,376). Ce qu'on serait tenté au premier abord de prendre pour une simple res-

195. Ibid., p. 143-149. 196. Voir E. De Ruggiero, Dizùman'o Epigrafieo di Ami­

ehità Romane, Rome, 1922, s.v. « Fundamcntum », p. 337-338.

197. Thomas, Witschel, loe. cit., p . 159-160.

198. CIL, X,829 (Thermes de Stabies): notion d'ex­tension (Thomas, Witschel, /oe. cit., p . 152).

A fundamento restituit 7 Réfections dans le temple d'Isis à Pompéi 299

tauration a de fait changé radicalement l'aspect du bâtiment: le socle républicain fut conservé,

mais les murs de la cella reconstruits et quatre colonnes rajoutées en façade pour créer un pro­

naos tétrastyle. Le choix du formulaire prend tout son sens grâce à une seconde inscription

d'un ancêtre de ce Gamala qui se donne pour le fondateur du temple sous Sylla: aedem Vene,.is

constituit (CIL, XIV,375) ; le descendant a donc situé son action dans l'histoire de sa lignée;

mais le problème se complique du fait que les vestiges syllaniens laissent entrevoir deux pha­

ses: c'est à la plus récente que se rattache l' intervention de Gamala, qui se révèle être non une

construction a nova, mais une reconstruction sur d'anciens murs, reprenant la même orienta­

tion l99. Cet exemple privilégié nous permet de saisir la portée souvent fortement symbolique

de restiwere. Mais, en dehors même de toute signification métaphorique, le même intitulé peut

indiquer, à la même époque et dans la même région, des interventions très différentes qui impliquent à des degrés variables le bâtiment concerné. La Gennania Superi.or en fournit deux

témoignages significatifs au Ille siècle: le même formulaire - balneum vetustate conlapsu11l l'esti­

cuit - désigne, à Walldürn en 232 apr. l-C. (CIL, XIII,6592), la reconstruction totale, sur

d'anciennes fondations mais avec de nouveaux plans, de thermes détruits par un incendie, tan­

dis qu'à Jagsthausern en 244-247 (CIL, XIII,6562) on a procédé à l'adjonction de nouvelles

salles, sans toucher aux anciennes200. Ironie dont on goûtera tout le sel; le seul cas où le for­

mulaire s'appliquerait sans conteste à une reconstruction intégrale est le temple d'Isis201.

Peut-on dans ces conditions caractériser, à l'aide de l'inscription, la nature des travaux

entrepris par Numidius Popidius ? Lorsqu'il est complété, comme c'est le cas dans le temple

d 'Isis, par le nom générique du bâtiment - aedem -, le verbe restituere n'implique-t-il pas, ipso

facto, le caractère radical de l'opération? Paradoxalement ce serait plutôt l'inverse: les recons­

tructions a nova en effet détaillent complaisamment les différentes parties du bâtiment refait,

et tout se passe plutôt comme si la longueur du formulaire était proportionnelle à l'ampleur de

l'intervention. À Vindolanda, la reconstruction complète du fort, dans les années 223-225, est

signifiée à travers sa partie la plus symbolique, la porte et ses tours: portam cunz wrl'ibus a fun­

danzentis restituel'unr02• S'il avait réellement reconstruit le temple d'Isis, Popidius aurait pu

choisir un texte mettant davantage en valeur l'ampleur des travaux réalisés; mais ce n'est pas non plus une règle, comme le montre l'exemple d'Ostie, cité plus haut. En revanche, le afun­

damento qui compléte le l'estituere peut caractériser des travaux qui, sans affecter sa structure,

modifient sensiblement l'apparence d'un bâtiment: on le constate dans les thermes d'Hadrien

à Leptis Magna, qui furent enrichis de revêtements de marbre, de colonnes, et d'une statue

d'Asklépios203 . Or, s'il est un point prouvé par les données archéologiques, c'est que les tra­

vaux ont radicalement changé l'aspect du sanctuaire pompéien. Ainsi, se trouvait justifiée

l' inscription de Numerius Popidius puisque la nouvelle colonnade, associée à une réfection

199. Thomas, Witschel, loc. cil., p. 156.

200. Ibid., p. 152-1 53.

201. Ibid., p. 160 ; gênés par ce contre-exemple, les au­teurs s'efforcent d'ailleurs de montrer le caractère mappro-

prié de l'expression, en soulignant l' importance des remplois dans la construction.

202. RIB, 1706; Thomas, Witschel, loc. cit., p. 153-154.

203. IRT, 396; Thomas, Witschel, loc. cil., p. 162.

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300 Nicole Blanc, Hélène ErÎstov et Myriam Fincker

générale des peintures et des stucs, avait suffi à métamorphoser le vieux sanctuaire. En

résumé, aucune information pratique ou technique sur la nature des travaux ne peut être

déduite de la seule dédicace: son sens métaphorique conjugué à un champ sémantique très

large interdit toute extrapolation de nature architecturale, si hypothétique soit-elle.

Reste à s'interroger sur le choix d'un tel formulaire; soupçonnera-t-on le commanditaire

de l'avoir choisi à dessein très vague, pour éviter de détailler une intervention, finalement

limitée, camouflée sous le afundamemo ? Ce n'est pas certain, car, sur le simple plan architec­

tural et pratique, la différence entre une reconstruction et une réfection n'était pas aussi claire­

ment définie dans l'Antiquité qu'aujourd'hui. En théorie, c'est d'abord la mise en œuvre de

nouveaux matériaux qui distingue la première; or, dans les fa its, la reconstruction radicale est

assez rare. Le premier Isewl1 lui-même, on l'a vu, remployait des chapiteaux de tuf p lus

anciens. Indépendamment des préoccupations d'antiquaire qui ne sont pas absentes à cette

époque, la récupération des matériaux se justifiait par la lenteur, la difficulté et, partant, le coût du transport. Cette pratique apparaît clairem ent dans un passage du Contre Verrès204 :

Cicéron y détaille une escroquerie qui consiste à avoir facturé, comme une réfection a novo,

une simple restauration; il s'agit de travaux sur le temple des D ioscures à Rome, dont le cas offre un parallèle intéressant avec l' Iseum de Pompéi. Au lieu de refaire intégralement la colon­

nade avec des matériaux nouveaux, l'entrepreneur s'est contenté de remonter les colonnes

avec les mêmes blocs; mieux, en plusieurs endroits, il n'a même pas démonté les colonnes

pour retailler les blocs et s'est contenté de refaire l'enduit. Atque in illis colormis, dico esse quae a

tuo redemptore commotae non sim ,. dico esse ex qua tantwn tectorium vetus deletum sit et nOVWll

inductum. Ici, tout le travail a été exécuté en réutilisant les vieux matériaux - rediviva - qui,

dans le cas contraire, pouvaient être laissés à l'entrepreneur, selon la formule consacrée - redi­

viva sibi .habelO - que Cicéron extrait du cahier des charges. Mais on notera bien ici que ce

n 'est pas l'opération elle-même, tout à fait normale, qui est critiquée, mais sa surfacturation. De fait, le premier contresens fait sur la dédicace, prise au pied de la lettre, se double

d'un second qui consiste à entendre le verbe restituere dans sa seule acception matérielle. Ce

n 'est pas un hasard si l'on retrouve une inscription exactemen t parallèle à Herculanum, concernant le temple de Cybèle205

: Imp. Caesar Vespasianus .. . templum matris deae terrae motu

conlapsum restùuit (CIL, X,1406) . Les implications politiques et religieuses du terme apparais­

sent immédiatement si l'on considère que l'empereur Vespasien, suivant en cela l'exemple d'Auguste, pouvait se proclamer restitutor aedium sacrarum206

• La reconstruction d'un temple,

avant d 'être une opération architecturale, signifie d'abord la restauration d ' un culte. C'est pro­

bablement ce qui s'est passé à Pompéi pour le sanctuaire d'Isis. Après la catastrophe, la désor­

ganisation de la cité, bien plus que la dégradation du bâtiment, ne permettait plus le déroule-

204. Cic., Vm·., II, l , 145. 205. L'inscription ne peut malheureusement pas être

mise en parallèle avec l'édifice dom on ignore jusqu'à la lo­ca lisation . La grande plaque de marbre inscrite a été re­trouvée dans le vestibule d'accès à la terrasse inférieure de

la palestre où elle avait sans doute t:té cmreposée en atten­dant d'être placée: M. Pagano, La nuova pianta della città c di alcuni edifici pubblici di Ercolano, Crollache ercolalles,~

26, 1996, p. 245-246. 206 . CIL, VI,934.

A fundamento restituit? Réfections dans le temple d'Isis à Pompéi 301

ment normal des cérémonies; les travaux entrepris, en donnant un nouvel aspect au vieux

temple, symbolisaient de façon éclatante cette refondation - a fundamento - du culte; c'est à cela, et non à de simples travaux édilitaires, que la famille de Numerius Popidius entendait

attacher son nom. C'était de plus une manière de créer un passé au sanctuaire, et donner ainsi

une légitimité à un culte, somme toute récent, et qui n'avait pas toujours été agréé par le pou­

voir. On constate que ce formulaire est appliqué de façon privilégiée à des sanctuaires primi­

tifs, ou à des divinités d'origine étrangère (Isis, Cybèle, Sérapis) : elles y trouvaient le moyen

de se parer du caractère antique et vénérable propre aux dieux de la cité207.

V. CHRONOLOGIE

Résumons les acquis: la présence dans la cella d'un premier état de l'enduit sous la

réfection postsismique permet d'affirmer que le temple était debout après le tremblement de

terre et que la prétendue reconstruction n'a été qu'un ravalement; dans sa structure, le bâti­

ment tel que nous le voyons aujourd'hui n'est pas le (4 second Iseum 1) mais le premier. En effet,

l'étude des proportions a montré que la conception du sanctuaire est unitaire et comporte dès

le début l'ensemble du péribole avec l'ekklésiastérion pris sur la palestre samnite. Ce sanc­

tuaire s' implante nécessairement après l'agrandissement du théâtre dans les premières années

du I cr siècle. Tentons maintenant de cerner p lus précisément l'histoire architecturale en par­

tant de l'état le plus récent et qui conserve les vestiges les plus lisibles208 : il s'agit essentielle­

ment du décor.

O utre les peintures du portique qui datent sans conteste de la dernière période du Qua­

trième Style209, le revêtement de stuc du purgatorium et de la cella est bien daté de par sa simili­

tude avec le décor des Thermes de Stabies restauré après le tremblement de terre ; on y décèle

la main des mêmes artisans . L'épaisseur de l'enduit qui masque les chapiteaux et modifie leurs proportions rend méconnaissable l'ancienne structure de tuf et de briques. À l'intérieur de la

cella, le même processus est à l'œuvre mais avec une certaine volonté de conservatisme qui

amène à rem anier le système décoratif en préservant ses divisions essentielles. Si la mosaïque

de la cella a disparu, la documentation atteste un riche tapis dont la composition ne peut être

antérieure au milieu du Icr siècle et qui s'est substitué à un pavement dont subsistent quelques

tessères . Mais l'élément le plus symptomatique de la réfection est la colonnade du portique

m énageant dans l'axe du temple une vue majestueuse sur la nouvelle façade.

207. Thomas, Wirschel, loc. cir., p. 173.

208. Sur la foi de la maquette en liège d'Altieri (Kockel, Phelloplaslica, p. 87, pl. 6. 16), on peut penser que le revê­tement du mur d 'enceinte qui simule un décor d'appareil

- encore partiellement visible aujourd 'hui - n'était pas ter­mine au niveau de l'ekklesiastérion.

209. V. Sampnolo, La decorazione pittorica, dans Ricer­ca. p. 23-39; cud., 1 decoratori dei tempio di !side, PP, p. 57-82.

302 Nicole Blanc, Hélène Eristov et Myriam Fincker

Cette colonnade a pris la place d 'une structure antérieure dont subsistent des traces sur

le stylobate de tuf qui s'inscrit, nous l'avons vu, dans la conception globale du sanctuaire.

Ce que l'on a donc toujours considéré comme le second Iseum n'est en fait que le pre­

mier encore présent sous l'enduit qui le dissimule. La structure de brique et de tuf appartient à la même phase de construction; elle intègre dès le départ des éléments récupérés (les chapi­

teaux siculo-corinthiens) 21O, tandis que d'autres (bases21l , corniche du socle, colonnes du pro­naos212

, chapiteaux du purgatorium2i3) ont été mis en œuvre lors de l'érection du monument.

Contrairement à une idée reçue, le mode de construction en brique est largement répandu à Pompéi dès le Deuxième Style, tant dans les édifices publics (Odéon) que dans les maisons et

les tombes où, d'ailleurs, la brique s'allie à des éléments de tuf: les tombes augustéennes de la

nécropole de Porta Nocera en offrent plusieurs exemples214 ; ces comparaisons sont justifiées

dans la mesure où le temple d'Isis, rappelons-le, est un bâtiment de petite taille. Dans son ana­

lyse de l'opus testaceum à Pompéi, K . Wallat215, tout en classant le temple avec les édifices de la

dernière période, s'inscrit en faux contre une lecture simpliste qui consisterait à dater toute maçonnerie régulière en briques d 'après 62.

Nous avons vu que le premier Iseum est forcément postérieur à l'agrandissement du

théâtre216 et que sa structure en brique l'apparente à d'autres édifices augustéens. D'autres

indices permettent de confirmer cette date: les mosaïques du pronaos et du seuil de la porte

Sud datent de l'époque augustéenne. La majeure partie du mobilier est julio-claudienne2 17 :

citons le très bel hermès de Norbanus Sorex au début de l'époque augustéenne, deux portraits

210. P. Hoffman n, dont les conclusions chronologiques rejoignent les nôtres, tend pourtant à croire que les élé­ments récupérés, datables du II' siècle av. ],-C., provien­draicnt d'un bâtiment de même fonne que le temple que nous connaissons (H offmann, p. 2 12) ; or, rien dans les sondages ne permet de le supposer et l'origine de ces élê­ments reste obscure.

2 11. Voir Nissen, p. 173: , So schlecht gearbeitet, dass sie schwerlich früher ais nach 63 und in der Eile hergerich­tet sÎnd. ,

2 12. Non cannclées: voir n. 34. 213. D e peti te taille, proportionnés au bâtiment, ils Ont

difficilemem pu être récupérés ailleurs. 214. L Vlad Borre1li, F. Parise Badoni et al., dans VII

impegllo pel' Pompei, op. cil, tombe 20 EN, p. 29 et fig. p. 33 ; voir aussi de nombreuses maisons de Pompéi : K. Wallar, Opus testacellm in Pompeji, RM, 100, 1993, p. 353-382, plus particulièrement p. 363-366.

2 15. Loc. cil.; un faisceau d'arguments techniques (me­sures des briques, du mortier, texture, cuisson) l' amène li mettre les briques du temple en relation avec celles des T hermes centraux et à dater cc groupe de peu après 62, en fonction de la date communément admise pour ces deux monuments. 11 nuance néanmoins cette approche: , Es ist leider nichr môglich, eine Wand allein anhand des Ziegel­matcrials exact zu datieren. , Selon "emplacemcnt où sont effectués les repérages, l' interprétation des données peut différer : dans ce CaS précis, la conservation de J'enduit ne permet que des approches partielles et les mesures om été

prises à l'angle Sud, près de la porte latérale, en un point où l'on ne peut exclure une réfection; il resterait li vérifier si ces briques sont idemiques à celles du noyau de la cella, sous l'enduit du premier état, e t, si c'est le cas, à relativi­ser totalement la portée chronologique de ces données techniques.

2 16. C'est également la conclusion à laquelle parvicnt Hoffmann, p. 87 sq ., insistant sur le fait que la datation [la­vienne de j'oplls vittallllll a été établie à partir de la dédicace du temple, alors q ue cette technique existe depuis l'époque augusto-tibérienne; ibid., p. 2 12: , Der T erminus post q uem für die Erweiterung des Isis-T empels liegt um das Jahr 2/3 n. Chr., denn erst nachdem die in diesen Jahrcn durchgeführte Vergrosserung des Theaters beendet war, wurde auch das Areal, auf dem der Isis-Tempel grasser oder volkommen neu errichtet wurde, erweitert. , Cepen­dant, faute d 'analyser le revêtement interne de la cella et le style des mosaïques, il en reste à une datation pas! 62 du lIaos et du pWgalO/Ù/lII, pour la seule raison que leur struc­ture est en brique; or le même raisonnement s'applique ici comme sur l'opus vitrallllll.

2 17. Ricerca, p. 67 sq.; mais O. Elia, Le piullre dei Tell/pia di bide, Monumenti della Pittura antica scoperti in Italia, Pompei Ill-IV, Rome, 1941 , p. 2-3, et fig. 3-4, attribue à tort au temple deux peintures égyptisantes de Troisième Style qui viennent en réalité toutes deux d'Herculanum : l' une (MNN 8970) de la Palestre (de Vos, Egiuomallia) nO 10, p. 2 1 et pl. XXI) et l'autre (MNN 8566) de prove­nance inconnue (ibid. ~ n° Il, p. 22, et pl. XVll . 2).

A fundamento restituit? Réfections dans te temple d'Isis à Pompéi 303

féminins tardo-augustéens (6289, 6284), tandis qu 'un troisième buste (6285) porte la coiffure

d'Antonia Minor; la statue d'Isis (976), restaurée dans l'Antiquité, est claudienne21 fl, ainsi

qu'une tête d'Isis (6290) .

À cela s'ajoute le montant en cipolin de la niche [5a] du sacrarium qui porte l' inscription

M. Lucretius Ru/us Ilegavit (fig. 13). La même inscription se rencontre cinq autres fois à Pom­

péFl9, dont trois sur des hermès acéphales, groupe auquel nous serions tentées d'adjoindre

l'exemplaire du temple d'Isis, qui devait, selon toute vraisemblance, présenter cette form e

avant remploi. L e personnage est identifié avec le M. Lucretius Decidianus Rufus dont le cur­

sus est développé sur "une grande inscription du forum 220• Bien qu'on ne puisse lui attribuer

avec certitude un monument précis, les lieux de découverte de ses dédicaces - le forum civil,

l'Odéon, et le forum. triangulaire - parlent en faveur d 'une activité évergétique forte. Comme

son titre de tribunus militum a populo n'est pas attesté après Auguste, c'est bien à cette période

qu'il faut situer ce notable221 ; on supposera avec une bonne probabilité qu'il figura parmi les

généreux donateurs de l' Iseum, et que c'est lors de la phase de restructuration que son hermès

passa en remploi dans une niche, sans doute par pénurie de matériaux ; peut-être aussi les

nouveaux il fondateurs » ne tenaient-ils pas à perpétuer la mémoire des premiers et authen­

tiques instaurateurs du culte.

L ' abondance des témoignages augustéens, au premier rang desquels une statuaire de

bonne qualité, parle donc en faveur d 'une construction et d'un aménagement du temple à

cette époque. En outre, l'érection d 'un temple à cette déesse (l étrangère » se conçoit mieux

lorsque l'Égypte est devenue province romaine et ses divinités intégrées dans la religion de

l'Empire, qu'à l'époque samnite où il aurait pour seul antécédent le Serapeum de Pouzzoles

connu par la Lex parietifaciundo de 105 av. }._C. 222•

L'attention des chercheurs n'a guère été retenue par l'aspect particulier de la façade

principale223; or elle n'a pas de parallèle avec les autres édifices isiaques orientaux ou occiden­

taux, qu'ils soient réellement construits ou représentés en peinture. Ici, les deux ailes latérales

qui ont été conçues dès l'origine, puisque le podium en détermine la forme, élargissent nette­

ment la façade et accentuent encore les proportions de la cella plus large que profonde. La

seule référence envisageable est celle des temples à cella barlongue: le temple de Veiovis dans

sa phase syllanienne et le temple augustéen de la Concorde présentent le même type de p lan

caractérisé par il la mise en place d'un vestibule à colonnade en saillie sur la partie centrale

d'un corps de bâtiment qui lui est perpendiculaire »224. i( Cette formule, dit P. Gros, doit sur-

218 . Toutefois, elle est très proche de la Diane archaï­sante de Pompéi, d'époque augustèenne : Ricerca, p. 68.

2 19. CIL, X,788-789; 815; 85 1 ; 952-954; P. Cas­trén, Ordo popl/Jusque pompeial/lls. Polit y and society il/l'oman Pompeii, Rome, 1975, p. 185-186, n° 227.

220. CIL, X,788; Castrén, op. cil., p. 103.

221 . Le premier de son nom anesté à Pompéi, adopté sans doute par un Lucretius ; Castrén, op. cit., p . 95, le situe parmi les partisans d 'Octave.

222 . Sur la politique augustéenne envers le culte d'Isis, voir Arslan, p. 123-125; sur les persécutions et la destruc­tion des temples d'Isis et Sérapis à Rome, voir M. de Vos, DiollySIIS, Hylas e Isis slii momi di Roma, Rome, 1997, p. 121-122.

223. Hoffmann, p. 197, n'analy~e la façade que par comparaison avec la majorité des édifices isiaques qui pré­sentent deux colonnes ill amis ou sont prostyles tétrastyles.

224. P. Gros, L'architeclllre romaille du dêbut du Il! siècle av. ].-G. à laiill dll Haut-Empire, Paris, 1996, p. 133.

304 Nicole Blanc, Hélène Eristov et Myriam Fincker

tout son existence à la souplesse avec laquelle elle peut s'insérer dans un tissu urbain trop

dense ou sur un espace trop restreint pour accueillir des constructions développées sur un seul

axe. )225 Dans le cas de l' Iseunl, l'exiguïté du péribole justifie en effet un tel parti; toutefois, il

faut noter que, contrairement aux exemples romains où l'extension visible de la cella depuis la

façade correspond effectivement à ses dimensions réelles, on assiste, à Pompéi, à un effet de

trompe-l'œil: les ailes de la façade, occupées par des niches226 et non des fenêtres, fonction­

nent comme un placage destiné à élargir fictivement la cella; il s'agit alors ici de ce que l'on

pourrait appeler une cella pseudo-barlongue. L'adoption de ce plan par les constructeurs de

l' Iseum qui se sont référés, de toute évidence, à un modèle existant, confrrme encore une chro­

nologie julio-c1audienne227 •

Entre l'époque de la construction et celle de la réfection, des aménagements ont eu lieu;

les modifications de la zone au Sud du temple ont pu entraîner une reprise des arcs de

décharge au-dessus des portes menant aux pièces [7) [8) [9) et expliquer la différenciation des modes de construction (opus vittatum pour les piédroits et opus mixtum pour les arcs) par rap­

port aux arcades de l'ekklésiastérion où l'on observe un usage inverse.

Antérieurement à la construction du premier Iseum, et lorsque la palestre sarnnite a toute son extension, comment était occupé cet espace? Les quelques vestiges repérés lors des fouil­

les des années 1950 - des foyers, des citernes, un bassin, des murs délimitant un espace res­

treint - ne peuvent guère le caractériser et le seul élément de mobilier est le puteal en bronze à

thématique dionysiaque228, puisque la statuette d'Hercule provient, nous l'avons vu, de la

Palestre.

y avait-il un culte isiaque avant l'époque augustéenne dans ce secteur? Si on ne peut

l'exclure, l'absence de données archéologiques rigoureuses ne permet pas d'en préciser la

forme.

Nicole BLANC, CNNSIUMclMaùon René-Ginol/ves,

21, allée dt /'Ulliwrsiré, 92023 Namem: Cedex.

225. P. Gros, op. cil., et Al/rea Templa, Rome, 1976, p. 143-1 46: façade du temple de la Concorde, pl. XXV, fig. 2-3; pour ce temple, voir également H. F. Rebert, H. Marceau, The temple of Concord, N!AAR, 5, 1925, p. 53-75.

226. Ces niches, vides au moment de la découverte, éta ient occupées par des statues, soit en pennanence (de Vos, Pompei, op. cit., p. 212), soi t temporaÎrement, nu cours des stations d 'une procession (H offmann, p. 205-

Hélène ERISTOV, CNRslAOHOclh'NS,

45, me d'U/III, 75005 l'arÙ.

Myriam FtNCKER,

CNN.'liIRAA,

IRSriM, avel/!IC l'op/aws)iI~

64000 l'al/.

206) ; contrairement à ce qu'écrit Malaise (op. cil., p . 276), repris par Golvin (p. 24 1), la niche de gauche n'a jamais contenu de statue d'Harpocrate: l'auteur a probablemcm confondu avec la peinrure representant Harpocrate dans la niche du mur Est.

227. Pour Hoffmann, p. 212, cette phase de construc­tion est à placer immédintemem après l'agrandissement du théâtre en 3/2 av. j.-C.

228. Riccl"ca, inv. 5. l , p. 73.

A fundamento restituit 7 Réfections dans le temple d'Isis à Pompéi 305

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41. Le cubiculum 171. décor. D'après les Omati delle pareti,

306 Nicole Blanc, Hélène Eristov et Myriam Fincker

EXCURSUS

LE DÉCOR DU PASTOPHORJON DANS LE TEMPLE D'ISIS

par Hélène ElislOV

Les pièces [7] et [8] du logement des prêtres étaient peintes, comme en témoignent des

restes d'enduit dont l' unique couche, épaisse de 3 cm, indique que le décor n 'a pas subi de réfection, ou que l'enduit antérieur a été éliminé. Dans leur état actuel, ces vestiges ne sont

guère identifiables. Dans la pièce [7], le soubassement de faible hauteur (45 cm au-dessus de

la limite supérieure) semble avoir été ocre-jaune. La zone médiane, rouge sur 140 cm, est sur­

montée d 'une zone claire conservée sur une hauteur de 22 cm. Les seuls éléments de décor

que l'on puisse encore discerner sont d'une part une incision horizontale de 10 cm au-dessus

du soubassement et se poursuivant jusqu'à l'angle du mur, d'autre part de légers tracés en

forme d'arceaux en limite supérieure de la zone rouge, 143 cm au-dessus du socle. Dans la pièce [8], les quelques lambeaux d'enduit décoloré qui subsistent à l'extrémité

gauche du mur Ouest et aux angles du mur Sud ont les mêmes caractéristiques techniques que ceux du cubiculum [7] . Aucune trace de décor n 'est plus lisible.

Sources

Dans la littérature consacrée au temple, le décor perdu du pasLOphori.ol'l est toujours passé

sous silence. Seuls sont mentionnés les fragments identifiés à partir des indications de PAH; les uns n'existent plus que dans le catalogue de Helbig229

, d'autres, prélevés, se trouvent au

Musée de Naples : il s'agit d'un tableau avec Endymion ainsi que de médaillons représentant

un Satyre, Pâris, et une nature morte à oiseaux. N on seulement rien n 'est dit de leur contexte, m ais encore la publication d 'O. Eliano qui désigne les pièces en chiffres romains, non sans

confusion typographique, m élange le contenu des pièces, ce qui se répercute dans les notices

de l'Enciclopedia231 : elles ne mentionnent rien pour la pièce [8], et anribuent à tort les médail­

lons au cubiculum [7] où sont signalées « tracce della decorazione di IV stile con 20ccolo giallo,

zona mediana rosso scuro nei cui pannelli c'erano medaglioni con nature morte 0 busti ; la

zona superiore era a fondo bianco con architetture definite "grottesche" nel rapporta dei

19 luglio 1766, delle quali non possediamo alcun e1emento ». Récemment encore, P. Hoff-

229. W. Helbig, WOl1dgemalde der Will Vesuv verschiitte­Iell Siiidu: Compolliem, Leipzig, 1868 (abrége H .).

230. Le PieU/re dei Tell/piD di bide, op. cir., indique que le CIIbiculum et le tn'cliniul1I avaient une décoration à sode rouge ou jaune, une zone médiane rouge cinabre ou jaune,

une zone supérieure blanche. Dans la pièce , V1 • (= [7]) se trouvaient des lableaux à sujets mythologiques. et dans la pièce , VIT • (= [8]) des medaillons en grande partie dis­parus.

231. EAA-PPM, VII!, p. 842-845.

A fundamento restitu it 7 Réfections dans le temple d'Isis à Pompéi 307

mann232 s'est contenté de noter la présence de vestiges d'enduit attestant dans la pièce [8] un

socle sombre et des panneaux médians b lancs ou jaunes, et dans la pièce [7] un socle noir sur­

monté d'une zone rouge sur laquelle subsistent des traces jaunes.

Or le compte rendu de fouille du 19 juillet 1766 transcrit par Fiorelli'" donne des indi­

cations très précises sur ces pièces découvertes en déblayant le terrain autour du temple pour

évacuer les eaux de pluie:

« Essendosi fatto levare dei terreno all ' interno dei tempio d'Iside, per dare la scola alle

acque piovane, si sono scoperti due stanzini sino al basamento, con intonachi dipinti. Uno di

questi, ch 'è il primo all'entrarsi di una casa, ha il campo principale dell'intonaco rosso, e in

ciascuna facciata vi è un tondo de' quali vi sono degli uccelli uccisi, ma molto patitF34 ; in un

altro vi è impressa una mezza donna con cuffia, che sta scherzando con un Amorin0235 e in un

altro vi è un uomo coronato di lunghe foglie in atto di bere ad un vasa a due manichi, che

regge con la destra, e con la sinistra sostiene un timone236 : la parte più alta deI medesimo into­

naco tutto all'intorno è omato di varie architetture grotesche in campo bianco. L'intonaco più

grande dell'altro stanzino è divis~ egualmente da due compartimenti : nel mezzo dell'inferiore,

attomiato da una leggiadra architettura e da alcuni ramoscelli, vi è un quadro di circa 1 pal.

e 1/2 con un Chirone che insegna a suonare la lira ad Achille237, il quale non differisce dal già

pubblicato nel 1 volume delle Antichità di Ercolano, che per essere il sua campo di paese; dai

due Iati vi sono delle architetture grottesche, con in mezzo de' candelabri, sopra de' quali

posano due aquile ; e nelle estremità della stessa facciata vi sono due genj in campo rossa. Nel

m ezzo dei compartimento superiore, vi è un giovane, che credo un Bacco, nudo della m ezza

vita in sopra, coronato di palme, che tiene con la sinistra un tirso, il destro braccio la appoggia

sopra la tes ta, esta assis a in un nobile sedile 0 letto con spalliera238• Questa figura viene com­

presa da un architettura, sopra la di cui cornice vi è una maschera ,; dai lati vi sono due donne

alate, una che porta una canestra di fiori ed un festone. Il restante dei compartimenta, ch'è tutto in campo bianco, viene coronato da architetture grottesche e da ramoscelli e festoni, e da

alcuni piccioli riquadri con paesini, e vi sono sospesi de' nastri, de' corni, de' cembali et de'

canestri. L'altro intonaco della stesso stanzolino resta ornato con poca differenza dei descritto,

e nel quadrato che sta nel m ezzo deI compartimento inferiore vi è espresso un giovine tutto

po sato su di un sasso, con le sole casee ricoperte da un panno rossa, con un braccio appog­

giato sopra la testa, e con l'altra mana tiene due dardi, e vicino vi resta una clava ; alla genti­

lezza deI corpo e agli altri indizi, sembra un Endimione239• Nel mezzo deI compartimenta di

232. Hoffmann, p. 53-54; selon sa numérotation per­sonnelle, la pièce {71 devient 6 et la pièce [8J devient 5.

233. PAH, J, l, p. 190. en revanche, les Addenda IV­= PAH, l , 2, p. 134- 151 ne contiennent aucune mention.

234 . Ricerca, n° 1.80, ancien inventaire MCDXlX, D. 29, 8 cm.

235. H. 127 1 = u Piuure allliche d'Ercola llo e co/ltol'lli, 1-VII, Naples, 1757-1779 (= PdE), V, 5 p. 27 = MNN 8989 = Ricerca, J . 82, D. 0,26 m.

236. H . 1013 = PdE, V, 5 p. 27 = MNN 8877 = RicercQ, 81, D. 0,26 m.

237. H. 1293,0,36 x 0,36 m, MNN s.n.

238. H. 3916.

239. H. 1338 / H . 962 pour Schefold, W'P, p. 234-= MNN 9379, PdE, V, pl. 29 = catal. 1 .83. 37,5 x 36,7.

308 Nicole Blanc, Hélène Eristov et Myriam Fincker

sopra vi è un Centauro. La facciata a questa opposta è molto patita e pero solo resta ad Qsser­

varsi un Centauro come l'altro . » La précision de cette description permet immédiatement d'identifier le décor de l'une

des deux pièces décrites avec une gravure publiée dans les Omati delle pareti, dessinée par Gio­

vanni Morghen et gravée par F. Campana (fig. 41)240.

On y reconnaît, au-dessus d'un soubassement à panneaux et compartiments, deux

échappées architecturales ornées de candélabres que surmontent des aigles; elles encadrent

un panneau central dont le tableau représente Achille et Chiron dans un paysage; au centre de la zone supérieure, dans un édicule couronné d'un masque, est effectivement assis un Bac­

chus tenant un thyrse et le bras droit posé sur la tête; de part et d'autre, deux figures fémi­

nines ailées portent des guirlandes, tandis que le reste de la zone supérieure à fond blanc

comporte tympanons suspendus, vases et guirlandes. La seule discordance par rapport à la

description est l'absence, sur la gravure, des Amours des champs latéraux.

Incontestablement, c'est donc bien du même décor qu'il s'agit.

Raoul-Rochette241 reproduit le même décor mais il omet les champs latéraux et interpole

le décor du socle avec un large panneau portant un ichtyocentaure et un monstre marin accompagnés de dauphins242

.

L'échelle de la gravure des Omati donne une largeur de 11,5 palmes nap., soit 3,03 m 24J.

Or, dans la mesure où la description fait état, outre ce mur, de deux autres parois se faisant face, l'une d'entre elles avec l'Endymion, ce qui est représenté sur la gravure ne peut être que

le mur du fond (Sud-Est) ; il mesure 309 cm, enduit non compris, et concorde avec les dimen­

sions du décor, tandis que le mur Nord-Ouest est long de 295 cm et le mur Nord-Est de

268 cm24<\. Ces dimensions ne laissent place à aucun doute quant à l'attribution du décor au

cubiculum [7] ; toutefois elles se heurtent à une légère contradiction dans la description des

deux pièces adjacentes par le rédacteur du journal de fouilles: soit que l'on entre par la ruelle

sur laquelle donne directement une porte indépendante, soit que l'on passe par le portique du

temple, la (i première pièce en entrant dans la maison ) est le triclinium [8] qui portait un décor

de médaillons; mais c'est aussi la pièce la plus grande avec 347 cm (mur Sud-Est) x 475 cm (mur Sud-Ouest = droit), 473 cm (mur Nord-Est = gauche), alors que PAH qualifie le décor

de la seconde pièce, nettement plus petite, comme « intonaco più grande 1). Soit il s'agit d'une

erreur de rédaction, soit l'auteur de la notice entendait non les dimensions de la pièce, mais

celles du décor conservé sur une p lus grande surface dans le cubiculum que dans le lriclinium245 .

240. On sait que ces planches, non insérées dans les vo­lumes des Piullre d'Ercolano, ont été reliées diversement, de sorte que les tomaisons el les numéros de planches ne cor­respondent pas d'une collection ou d'une bibl iothèque à l'autre; à l'American Academy de Rome, il s'agit du vol. 1, pl. 48, tandis qu'au DAI cette planche se trouve dans les vol. II, 1808, pl. 8 et 1 (Rés.), pl. 43.

241. Pompéi, choix d'édifices ;,zedùs, deuxième partie, Paris, 1840) non paginé.

242. Ce panneau est illustré dans PdE, Il, pl. 39, RP, 45.6 = H. 1070, la largeur du panneau à fond clair est de

5,3 palm. nap. = 1,39 III, sa hauteur de 1,6 = 0,42 III, la lar­geur du fragment avec un piédestal à gauche: 6 palm. nap. = l,58 III). Je n'ai pu repérer ce panneau au Musée de Naples.

243. 1 palme nap. = 0,26367 m : Catello Salvati, Misllre e pesi uella dOCl/l/1elltaziolle slOlica dell'Italia dellHezzogio/'llo, Naples, 1970, p. 27 sq.

244 . Épaisseur de l'enduit à l'angle gauche: 4 em. 245. Lorsque Giovanni Altieri exécute le modèle réduit

du temple en 1784, le décor a déjà beaucoup souffert: les parties hautes se som effondrées et des lacunes défigurent

A fundamento restituit ? Réfections dans le temple d'Isis à Pompéi 309

Aujourd'hui, le sol antique n'est pas dégagé et le seuil de tuf se trouve 17 cm plus bas

que le sol de terre actuel. Cependant le graveur des Omati a représenté la plinthe qui devait

donc être lisible au moment des fouilles.

Ces rares éléments sont superposables aux données fournies par la gravure. Le tracé

incisé correspond à la bordure supérieure du soubassement, constituée de palmettes et lotus

agrandis. Quant à la zone médiane, elle doit mesurer, d'après la gravure, 168 cm au-dessus du

soubassement; deux bordures ajourées horizontales à palmettes circonscrites subdivisent les

panneaux latéraux en ménageant, en haut et en bas, un étroit bandeau horizontal de 13 cm

environ. Les contraintes chromatiques de la gravure ne différencient pas ces subdivisions;

mais les vestiges conservés permettent de préciser que seul le champ principal des panneaux latéraux était rouge jusqu 'à une hauteur de 140 cm) et probablement jaune au-dessus. D'après

le fond de panneau visible autour du tableau prélevé avec EndymionlNarcisse, on sait que

le panneau central était jaune, ce qui correspond à l'indication de PAH. C'est aussi ce

qu'indique la planche de Raoul-Rochette.

La zone supérieure était blanche comme l'indique la notice de PAH et comme l'attestent

les vestiges; quant au bandeau inférieur, dénaturé par l'humidité des parties basses du mur,

on ne peut reconnaître s'il était rouge ou jaune.

Ce décor) qui appartient sans conteste à la réfection de la dernière période) présente

quelques parallèles avec d'autres peintures du Quatrième Style dans sa phase finale ; en parti­

culier l'aspect des architectures de la zone médiane rappelle celles de la Maison du Prince de

Naples, VI,15)8) [f) , mur Nord: il s'agit d'une rotonde schématique au toit triangulaire et

incu rvé246 ; quant à la structure des échappées, traversées par un candélabre que surmonte un

sphinx de face, elle est proche du décor de la Maison des Amants, 1,10,11, [1 2]'47.

les parois; de plus, l'aniste a réinterprété et simplifié le dé­cor: les candélabres de la zone médiane deviennent de simples tiges feuillues, des oiseaux en vol occupent les champs latéraux et le tableau central du mur du fond n 'est guère reconnaissable; une lacune au centre du mur droit

Hélène ERISTOV)

CNRs/AOIIOC,

ENS, 45, mt d'Ulm, 75005 Paris.

doit correspondre au prélèvement de l'Endymion. Je re· mcrcie V. Kockel de ces informations .

246. Eristov. op. cir.) p. 136-137.

247. EAA-PPM, II, p. 493, n° 81.