2014 Signation chrétienne et marquage des captifs dans le monde antique

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269 18 SIGNATION CHRÉTIENNE ET MARQUAGE DES CAPTIFS DANS LE MONDE ANTIQUE : PRATIQUES ET REPRÉSENTATIONS Luc Renaut Résumé – La signation est un geste hérité d’anciennes pratiques apotropaïques que le christia- nisme a enrichies de nouvelles significations. Ces significations ont été obtenues en rapprochant la signation d’autres opérations de marquage : marquage d’objets (scellement, frappe monétaire) et, surtout, marquage d’êtres humains. C’est tout particulièrement le cas du tatouage des captifs de guerre, un outil de contrôle et de gestion de la main d’œuvre dépendante qui apparaît déjà dans l’Ancien Testament comme métaphore de l’élection des justes. L’existence d’une telle méta- phore permettait de connoter positivement la signation chrétienne. Mais, comme dans les anciens royaumes du Proche-Orient, le marquage chrétien a continué d’avoir pour objectif l’appropriation et la standardisation d’individus assignés au service. Abstract – Signation is a gesture inherited from ancient apotropaic practices that Christianity enhanced with new meanings. ese meanings were obtained by comparing signation with other marking operations such as marking object (sealing, minting) and especially marking human beings. is is particularly true with regard to tattooing of war prisoners, a monitoring and mana- ging tool of the dependant labour force which already appears in the Old Testament as a metaphor for the election of the righteous. e very existence of such a metaphor enabled the Christian signa- tion to be perceived positively. But, as in the ancient Near East kingdoms, the purpose of Christian marking continued to be ownership and standardization of individuals assigned to service.

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SIGNATION CHRÉTIENNE ET MARQUAGE DES CAPTIFS DANS LE MONDE ANTIQUE :

PRATIQUES ET REPRÉSENTATIONS

Luc Renaut

Résumé – La signation est un geste hérité d’anciennes pratiques apotropaïques que le christia-nisme a enrichies de nouvelles significations. Ces significations ont été obtenues en rapprochant la signation d’autres opérations de marquage : marquage d’objets (scellement, frappe monétaire) et, surtout, marquage d’êtres humains. C’est tout particulièrement le cas du tatouage des captifs de guerre, un outil de contrôle et de gestion de la main d’œuvre dépendante qui apparaît déjà dans l’Ancien Testament comme métaphore de l’élection des justes. L’existence d’une telle méta-phore permettait de connoter positivement la signation chrétienne. Mais, comme dans les anciens royaumes du Proche-Orient, le marquage chrétien a continué d’avoir pour objectif l’appropriation et la standardisation d’individus assignés au service.

Abstract – Signation is a gesture inherited from ancient apotropaic practices that Christianity enhanced with new meanings. !ese meanings were obtained by comparing signation with other marking operations such as marking object (sealing, minting) and especially marking human beings. !is is particularly true with regard to tattooing of war prisoners, a monitoring and mana-ging tool of the dependant labour force which already appears in the Old Testament as a metaphor for the election of the righteous. !e very existence of such a metaphor enabled the Christian signa-tion to be perceived positively. But, as in the ancient Near East kingdoms, the purpose of Christian marking continued to be ownership and standardization of individuals assigned to service.

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La signation chrétienne est un geste rituel d’origine profane qui s’est pro-gressivement enrichi de significations empruntées à celles du scellement, de l’estampage et du marquage des captifs. Des discours et des rituels chrétiens

antiques relatifs à la signation se réfèrent en effet explicitement au marquage et à la conscription de prisonniers destinés à grossir les rangs des travailleurs dépendants. Ce faisant, ils modèlent les attentes eschatologiques de l’utopie chrétienne sur une une structure socio-politique bien particulière, celle des grandes monarchies inéga-litaires du Proche-Orient.

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La signation chrétienne : du geste apotropaïque au rite collectif

Dans la religion chrétienne, plusieurs formes de bénédiction ou de consécra-tion s’opèrent au moyen d’un geste bien connu consistant à tracer sur le front ou une partie du corps un signe de croix avec les doigts (généralement le pouce). Ce geste, que les auteurs chrétiens antiques appellent signatio (du latin signare, marquer, sceller) est effectué avec ou sans matière (eau, salive, huile ou cendre) et ne laisse pas de marque durable sur la peau. En contexte sacramentel (baptême, confirmation, extrême-onction) la signation est donnée par l’évêque ou par son représentant. Mais le fidèle est aussi encouragé à se signer lui-même en invoquant certaines entités majeures (le Père, la Sainte Trinité, la Mère de Dieu), en vénérant des images saintes ou des reliques, ou encore pour se placer à tout moment sous la protection de la puissance divine.

Dans les religions et les cultes de l’époque gréco-romaine, ce geste n’est pas répertorié comme rituel institué. Il se rattache plutôt aux nombreux “touchers” thérapeutiques ou prophylactiques de la sphère privée. Au premier siècle de notre ère, douleurs, engourdissements, maux de tête ou affections de la peau sont couramment combattus en touchant ou en frottant un membre ou un organe avec les doigts, souvent enduits de salive (ou de salive mélangée avec de la terre ou de la poussière)1. Pour conjurer les multiples dangers qui le menaçent et lui souhaiter réussite et succès, on passe un doigt mouillé de salive sur le front et les lèvres du nourisson2. À Antioche, nourrices et servantes forment un peu de boue avec l’eau du premier bain et l’appliquent sur le front du nouveau-né pour détourner de lui le mauvais œil, la jalousie et l’envie3.

1. P ’A, Histoire naturelle, XXVIII, 13. Voir aussi les gestes de guérison prêtés à Jésus par les évangiles (Mc 7, 33 ; Mc 8, 23-25 ; Jn 9, 6).2. P, Satires, II, 31-34.3. J C, Commentaire sur la Première épître aux Corinthiens, Homélie 12, 7, PG 61, col. 106.

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Au début du e siècle, la signation individuelle privée est courante parmi les chrétiens d’Afrique du Nord : “Lors de toutes nos allées et venues, en entrant et en sortant, au moment de nous habiller, de nous chausser, au bain, à table, en allumant les lumières, en nous mettant au lit, quand nous nous asseyons, quelle que soit l’ac-tivité qui nous occupe, nous frottons notre front avec le sceau (signaculum)”4. La jeune femme qui a épousé un non-chrétien et qui effectue en cachette ses prières, signations et exsufflations apotropaïques risque d’alerter son mari qui croira qu’elle s’adonne à la magie5.

Lorsque, à partir de la fin du e siècle, la signation prend place dans les rituels collectifs chrétiens6, les spécialistes du culte la réinvestissent de contenus séman-tiques plus conformes à leurs attentes7. Deux thématiques préexistantes alimentent ce réinvestissement : la métaphore du scellement et celle du marquage. La méta-phore du marquage, nous allons le voir, renvoie au marquage des captifs de guerre, une opération d’appropriation et d’intégration attestée depuis une haute antiquité dans les monarchies proche-orientales.

Le scellement et la frappe monétaire, métaphores de l’authentification, de la protection et du remodelage spirituel des croyants

L’apposition des sceaux marque la phase finale de l’élaboration d’un document administratif. En fermant un livret, un volumen, une cassette ou une jarre, le sceau authentifie et protège l’intégrité d’un bien, d’une marchandise ou encore celle de données écrites déterminantes (testament, contrat, donation, reconnaissance de dette, etc.). Les notions de parachèvement, de confirmation et de garantie d’au-thenticité qu’exprime le vocabulaire du scellement (sphragis/signum ; sphragizein/signare et leurs dérivés) ont intéressé les auteurs de textes philosophiques et reli-gieux. Dans la correspondance de l’apôtre Paul et dans l’Évangile de Jean, le Fils de l’Homme, les disciples de Jésus ou encore ceux qui s’agrègent à eux sont dits avoir

4. T, De la couronne (vers 211), 3, 4.5. T, À son épouse (vers 204), II, 5, 3.6. La signation post-baptismale n’est formellement attestée en Afrique du Nord qu’à partir du début du e siècle (T, De la résurrection des morts, 8, 3 ; C, Lettre 73, 9, 2 ; C, À Démétrien, 22, 2). Elle se trouve également dans la collection de prières et de rites connue sous le nom de Tradition apostolique (ch. 21). Cette collection, faussement attribué à Hippolyte de Rome (vers 170-235), réunit des éléments de rite très diffi-ciles à dater, situés approximativement entre le milieu du e siècle et le milieu du e siècle (voir Paul F. B, #e Search for the Origins of Christian Worship. Sources and Methods for the Study of Early Liturgy, Oxford, 2002, 2e éd., p. 80-83).7. Tradition apostolique, ch. 42 : c’est parce qu’on forme sur soi le sceau du Logos que le diable est détourné par la signation ; on se signe pour se protéger de la même manière qu’ont été marqués jadis le linteau et les montants des portes avec le sang de l’agneau pascal (Ex 12, 7).

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été scellés par Dieu8. Cette métaphore est déjà présente dans la littérature juive de l’époque9.

Une autre métaphore, empruntée au médio-platonisme par la philosophie judéo-grecque du début de notre ère, est celle du sceau (ou de la matrice monétaire) comme empreinte divine, comme archétype intelligible dont la création et les créa-tures sensibles sont (ou portent) les copies10.

À partir du milieu du e siècle, ces deux métaphores servent à désigner le rite baptismal : “le sceau, c’est l’eau”11 ; “le bain est le scellement de la foi”12. Plusieurs textes enjoignent à garder intact son “sceau” et incorruptible sa “chair” remodelée, réestampée par le baptême13. Le “sceau” désigne aussi, par métonymie, les clauses impératives du document contractuel qu’il garantit – s’agissant du baptême, la profession de foi et la renonciation au diable14. Ces diverses acceptions se retrouvent également dans les traités gnostiques15. Elles apparaissent encore telles quelles dans les textes chrétiens après l’intégration de la signation dans le rituel baptismal, sans forcément faire allusion à un rite tangible de marquage ou d’onction.

Les actes écrits, publics et privés, marquaient des moments importants de l’exis-tence (naissance, congé militaire, mariage, prêts, transfert de propriété, sentence judiciaire, privilège, testament, etc.). Tout le monde était concerné, mais seule une petite élite de spécialistes maîtrisait ce système complexe et abstrait. Pour le commun, écriture et sceau pouvaient apparaître comme intrinsèquement dotés d’une capacité à agir sur le réel, sur les personnes, leurs biens et leurs statuts. Les instrumenta de l’archive écrite devenaient ainsi susceptibles d’illustrer l’action déterminante mais invisible des puissances divines, tout comme le marquage des captifs qui produisait finalement, lui aussi, une pièce écrite sanctionnant un chan-gement majeur de statut.

8. 1 Co 9, 2 ; 2 Co 1, 21-22 ; Ep 1, 13-14 ; Ep 4, 30 ; Jn 3, 31-33 ; 6, 27.9. Voir le Quatrième livre d’Esdras (écrit juif de la fin du er siècle de notre ère), 6, 1-6 (scellement des justes qui se sont fait un trésor de foi) et 6, 20 (un sceau de fermeture sera mis sur le monde avant le jugement dernier).10. P ’A, De fuga et inventione, 12-13 ; De opificio mundi, 24-25 ; Quod deterius potiori insidiari soleat, 83 ; De mutatione nominum, 134-136. <ème déjà présent chez le païen D ’A (début de notre ère, ap. E, La Préparation évangélique, XI, 23, 3-6). Voir aussi Odes de Salomon, 8, 15 et l’image de la matrice monétaire reprise chez I ’A, Aux Magnésiens, 5, 2.11. H, Le Pasteur, 93, 4.12. T, La Pénitence, 6, 14.13. Comparer 2 Clément 6, 9 (garder “le baptême pur et immaculé”) avec 2 Clément 7, 6 (garder le sceau) ; 8, 6 (garder “la chair pure et le sceau sans défaut”) et 14, 3 (ne pas corrompre la chair rénovée qui est “frappe” ou “copie” – antitupos – de l’Esprit).14. T, Traité du baptême, 6, 1-2.15. Voir Jean-Marie S, Le Dossier baptismal séthien. Études sur la sacramentaire gnostique, Québec, 1986, p. 31, 66, 72 et 110.

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Le marquage de captifs de guerre, métaphore de l’élection des justes

Cette métaphore est nettement antérieure au christianisme. Un passage biblique fameux (Ez 9, 44) lui confère une autorité particulièrement forte.

Les premiers chapitres du Livre d’Ézéchiel (un texte composite censé prophéti-ser l’Exil en Babylonie et la restauration future du Temple) présentent le siège de Jérusalem (597 av. J.-C.) comme une manifestation de la colère de Dieu contre son peuple infidèle et idolâtre. Yahvé annonce la mort de la majeure partie des fils d’Israël, à l’exception d’un petit reste voué à être déporté parmi les nations (6, 8-10). Le chapitre relatant la prise de la cité met en scène six hommes envoyés par Yahvé. L’un d’entre eux, vêtu de lin, porte à la ceinture une écritoire de scribe. Yahvé lui demande de parcourir Jérusalem et de “marquer un taw sur le front des hommes qui gémissent et qui pleurent sur toutes les abominations qui se pratiquent au milieu d’elle” (9, 4). Aux cinq autres, qui personnifient les fléaux, Yahvé ordonne d’exterminer tous les habitants à l’exception des justes marqués au front (9, 5-6).

Le verbe marquer (taweh) utilisé en Ez 9, 4 est lui-même construit à partir de la racine taw. On le retrouve une seule fois en 1 S 21, 14 au sens de “laisser des marques” ou “écorcher”. Ez 9, 4 ne dit donc rien d’autre que “marquer une marque”. Ces justes marqués au front ne sont autres que des exilés auxquels Yahvé promet un retour prochain en terre d’Israël (11, 17-20 ; 12, 16). En fait, il semble que les Babyloniens n’aient déporté que les classes consommatrices de surplus (2 R 24, 10-16 : famille royale, nobles, artisans spécialisés, soldats) pour que les terres agricoles continuent à être cultivées et rapportent aux vainqueurs16.

Comme souvent dans l’Ancien Testament, les destinées d’Israël sont présentées comme voulues et accomplies par Yahvé lui-même. Les captifs tatoués, asservis et exilés par le conquérant deviennent en Ez 9 des justes sélectionnés et marqués par Yahvé en personne et destinés à restaurer Israël au retour de l’exil.

Le Second Isaïe (Is 40-55), écrit après le retour d’exil (538 apr. J.-C.), célèbre la progression de Cyrus (Is 41) et le désigne comme le principal agent de la restau-ration d’Israël (Is 44, 28 et 45, 1). Plusieurs passages développent le thème du rachat du serviteur Israël par son maître Yahvé17. Au chapitre 44, Yahvé s’adresse à son serviteur Jacob dont il bénit la descendance. Il prophétise le ralliement futur des enfants d’Israël à leur Dieu, en utilisant la métaphore du marquage de l’esclave au nom de son maître : “Celui-ci dira : ‘Je suis à Yahvé’, et cet autre se réclamera du nom de Jacob. Celui-là écrira sur sa main : ‘à Yahvé’, et on lui donnera le nom d’Israël” (Is 44, 5). En Nb 6, 27, le marquage d’appartenance apparaît à nouveau

16. Deux autres déportations ont eu lieu en 587 et 582.

17. Is 41, 8- 9 ; 43, 1-4 ; 50, 1.

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en lien avec le thème de la bénédiction : Aaron et ses fils “apposeront mon nom sur les fils d’Israël, et moi, je les bénirai”, dit Yahvé à Moïse.

Cette métaphore du marquage d’appartenance n’implique pas nécessairement l’existence d’un rite correspondant. Tatouer le nom de Yahvé sur la main des fidèles ou sur celle des esclaves du Temple va contre l’interdiction du tatouage (Lv 19, 28) et contre les prérogatives du grand prêtre, seul jugé digne, pendant les cérémonies, de porter le Tétragramme de façon ostensible, gravé sur la lamelle d’or attachée en avant de son turban (Ex 28, 36-37).

Le marquage des justes (et parfois des impies) est un motif que l’on trouve dans l’apocalyptique et le messianisme juifs et chrétiens. Au er siècle avant notre ère, les Psaumes dits de Salomon imaginent que deux signes distincts seront remis, un signe de salut et un signe de perdition18. Cette interprétation se retrouve dans le Talmud de Babylone qui prétend que l’ange Gabriel a marqué le front des justes d’un taw à l’encre et celui des impies d’un taw de sang19. Les rabbi du e siècle débattent de la signification positive ou négative qu’il convient de donner au taw : signe de mort ou de protection, figure du sceau divin car dernière lettre du mot “vérité” (emèt), ou encore symbole de ceux qui ont accompli toute la Torah, de la première lettre (aleph) à la denière (taw)20. Vers 240, Origène collecte différentes interprétations de ce genre : le taw est pour certains juifs figure de la perfection ou symbole de ceux qui observent la loi. Pour un autre, converti au christianisme, la forme de croix qu’adopte le taw dans l’ancien alphabet annonce le “signe que font tous les croyants avant de faire quoi que ce soit, en particulier avant d’effectuer les prières et les saintes lectures”21.

C’est dans l’Apocalypse de Jean que le thème du marquage est le plus développé. Les chapitres 6 et 7 de l’Apocalypse présentent plusieurs points communs avec Ez 9, 1 sq. : aux six hommes chargés de déchaîner la colère divine sur Jérusalem correspondent les quatre anges envoyés pour désoler la surface de la terre ; à l’homme vêtu de lin, chargé d’inscrire une marque sur le front des justes, correspond l’ange “portant le sceau du Dieu vivant” qui demande d’une voix forte : “Attendez, pour malmener la terre, la mer et les arbres que nous ayons scellé au front les serviteurs de notre Dieu”. Cent quarante-quatre mille justes “portant le sceau de Dieu sur leur front” échappent à la dévastation des sauterelles (Ap 9, 4). En Ap 14, 1, ces cent quarante-quatre mille “serviteurs de Dieu”, préservés de la colère divine, sont réunis sur le mont Sion autour de l’Agneau : “sur leur front, ils portent inscrits son nom et celui de son Père”. Dans le tableau final, celui du triomphe eschatologique, les serviteurs ne portent sur le front qu’un seul nom, celui de Dieu (Ap 22, 3-4).

18. Psaumes de Salomon, 15, 6-9.

19. Talmud de Babylone, traité Shabbat, § 82 (= 55a).

20. Ibid.

21. O, Selecta in Ezechielem, 9, 4.

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Au “sceau de Dieu” est opposée la “marque de la Bête” (to charagma tou thèriou) destinant ceux qui la portent au châtiment (14, 9-10 ; 16, 2). Des prodiges accom-plis par une idole incitent toutes les classes sociales (riches et pauvres, libres et esclaves) à reproduire cette marque sur leur main droite ou sur leur front. Sans cette marque, il leur est impossible d’acheter ou de vendre (13, 13-17). Ceux qui ne se prosterneront ni devant la Bête ni devant son image et qui n’auront par porté sa marque seront ressuscités et règneront avec le Christ mille années (20, 4).

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Égypte ancienne

La métaphore du marquage des élus s’enracine dans des pratiques attestées de longue date au Proche-Orient. En Égypte ancienne, les captifs étaient utilisés comme ouvriers ou comme soldats. Après une campagne victorieuse contre les Libyens, Ramsès III peut déclarer :

J’ai établi leurs meilleurs soldats dans des forteresses portant mon nom.

Je leur ai donné de grands chefs de troupe de tribu, marqués et constitués

en tant que serviteurs (hemou) estampillés à mon nom. Leurs femmes

et leurs enfants ont été traités de même ; et j’ai conduit leur bétail au

domaine d’Amon, en faveur duquel il a été organisé en troupeaux,

pour l’éternité.22

Par le marquage, le pharaon s’institue propriétaire éminent des captifs, avant d’en concéder la propriété utile aux chefs d’armée ou de chantier, aux intendants des grands domaines cultuels (temples) et à certains dignitaires méritants. Ce marquage d’assujettissement scelle également le destin des chefs captifs : il devient difficile pour eux de réintégrer leurs tribus sans être considérés comme des traîtres ou des lâches.

L’esclavage en tant que tel n’existe pas en Égypte pharaonique. Tous les membres des couches laborieuses, Égyptiens de souche comme étrangers déplacés, sont soumis à un système de travail obligatoire périodique et salarié. Organisés en équipes, ces dépendants sont appelés hemou et bakou (serviteurs et esclaves)23.

22. Pap. Harris I (hiératique), 77, l. 5-6 ; Pierre G (trad.), Le Papyrus Harris I (BM 9999), Le Caire, 2 vol., t. I, 1994, p. 337, revue par Bernadette M, “La question de l’esclavage dans l’Égypte pharaonique”, Droit et culture, no 39, 2000, p. 64, note 27.23. Voir B. M, “La question de l’esclavage […]”, art. cit., p. 59-79.

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Depuis longtemps, l’État égyptien est passé maître dans la rationalisation de sa main-d’œuvre, une rationalisation soutenue par des procédures administratives et coercitives élaborées. Il sait en particulier faire travailler ses sujets toute l’année en convertissant les temps morts du calendrier agricole en journées de travail utiles. Grâce aux bons rendements de ses terres limoneuses, il est en mesure d’alimenter en rations les ouvriers affectés à des tâches non-agricoles (chantiers et ateliers). Il peut ainsi dégager d’importants surplus architecturaux, artistiques, cultuels dont les élites dirigeantes sont les principales bénéficiaires.

À Médinet Habou, sur le mur extérieur de son temple funéraire, Ramsès III a également fait représenter la capture, le transport, le marquage et l’enregistrement de captifs philistins24. Bernadette Menu a récemment décrit et commenté en détail cette longue frise25 qui se lit de droite à gauche (pl. I, fig. 1-4) :

1) Fantassins égyptiens équipés de boucliers et d’armes de poing.2) Philistins capturés, maîtrisés et encordés.3) Philistins détachés, marqués à l’épaule et présentés aux scribes. Les captifs philis-

tins sont doublement inscrits : sur l’épaule droite à l’aide d’une longue tige et sur des tablettes qui rejoindront des boîtes à archives. Ces deux inscriptions se subs-tituent aux cordes et aux chaînes. Elles constituent de nouveaux liens de nature juridique.

4) Chefs philistins et leurs équipes devant des scribes. Cette scène correspond à l’enregistrement d’équipes dont la composition respecte probablement les struc-tures hiérarchiques indigènes antérieures : les anciens soldats, seulement vêtus d’un cache-sexe, tiennent la main de leur chef.

Les Philistins sont, comme du bétail, capturés, encordés, marqués puis affectés à différentes unités de production. En Égypte, le marquage du bétail se faisait à l’aide de fers mis à chauffer dans des braseros (pl. I, fig. 9)26. Dans la tombe de Qénamon, une première estampille reproduit le cartouche d’Aménophis II (c. 1424-1398), une deuxième un œil, une troisième deux hiéroglyphes non déchiffrés (pl. I, fig. 6)27. La collection Petrie de l’University College de Londres possède une demi-douzaine de fers de ce type pourvus d’estampilles de 3 à 5 centimètres de large (pl. I, fig. 8), sans doute trop petites pour marquer des animaux vivants28 . Un exemplaire plus gros, permettant d’imprimer une marque d’environ 10 centimètres de large (pl. I, fig. 7), correspond bien aux gabarits utilisés par les éleveurs d’Amérique du Nord

24. Harold H. N (dir.), Medinet Habu, t. I, Earlier Historical Records of Ramses III, Chicago, 1930, pl. 42.25. B. M, “Captifs de guerre et dépendance rurale dans l’Égypte du Nouvel Empire”, La Dépendance rurale dans l’Antiquité égyptienne et proche-orientale, Le Caire, 2004, p. 187-20926. D’autres scènes de ferrade sont représentées dans les tombes thébaines no 40 (Houy), no 56 (Ouserhat) et dans la tombe de Pahéri à El Kab.27. Tombe thébaine no 93, Jacques V, Manuel d’archéologie égyptienne, t. V, Bas-reliefs et peintures. Scènes de la vie quotidienne (2e partie), Paris, 1969, 2 vol., t. I, p. 283 et 267, fig. 119, 4.28. Ces fers étaient peut-être utilisés pour marquer des cuirs ou d’autres productions manufacturées.

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(estampilles mesurant entre 2 et 6 pouces de largeur). Les fers à petite estampille ont-ils été utilisés pour marquer les esclaves, comme cela a été avancé29 ? À Médinet Habou, les Philistins sont marqués avec une longue tige à pointe fine tenue comme un calame. Contrairement aux fers à marquer, ces tiges n’ont ni poignée ni estam-pille. Le récipient déposé au pied des officiers-marqueurs n’est donc pas forcément un brasero rempli de fers. Il peut contenir un nécessaire à tatouer (aiguilles, encre à base de suie, chiffons). Le tatouage est la technique qui prévaut dans le monde antique pour le marquage des êtres humains. Il est moins douloureux, provoque moins de complications et cicatrise plus vite que la cautérisation. Il laisse enfin sur la peau une marque beaucoup plus lisible.

Le verbe ab(ou) (marquer un animal ou un être humain) peut aussi être employé métaphoriquement pour exprimer l’affectation d’un inférieur au service d’un supérieur. Ramsès II (c. 1279-1212 av. J.-C.) se vante ainsi auprès de Ptah d’avoir marqué (ab) au nom du dieu “le peuple et les Neuf Arcs [= les ennemis de l’Égypte], toute la terre, pour qu’ils soient soumis à ton vouloir éternellement, car c’est toi qui les a créés”30.

Époque néo-babylonienne et perse

À partir de l’époque néo-babylonienne, les sources proche-orientales font fréquemment mention de serviteurs tatoués. Un lot d’archive particulièrement riche concerne les esclaves légués au grand temple Êanna d’Uruk31. Le leg était officialisé du vivant des donateurs par une double inscription, comme à Médinet Habou : inscription administrative dans les archives du temple et marquage de l’esclave sur lequel était reproduite l’étoile d’Ištar (la divinité principale de l’Êanna) et parfois les mots “pour Ištar” (ou pour telle autre divinité auxiliaire du temple).

On appelait ces esclaves des “donnés” (širke, sing. širku). Comme en Égypte, le roi pouvait offrir des captifs de guerre comme širke. En cas de litige, les archives du temple étaient confrontées aux marques portées par l’esclave. Quelle était la technique utilisée ? Un document juridique du milieu du e siècle av. J.-C. met en scène un expert capable de confirmer l’ancienneté d’une inscription faite vingt ans plus tôt sur une esclave promise au temple Êanna d’Uruk32. Cette expertise est rendue possible par le fait que l’intensité et la netteté du tatouage s’estompent au fil des années, ce qui n’est pas le cas des cicatrices laissées par un cautère.

29. William M. F P, Tools and Weapons, Londres, 1917, p. 57.30. Temple d’Abou Simbel (Haute-Égypte), première salle, Kenneth A. K (trad.), Ramesside Inscriptions. Translated & Annotated. Translations, t. II, Ramesses II, Royal Inscriptions, Oxford, 1996, p. 109.31. Raymond P. D, "e Shirkûtu of Babylonian Deities, New Haven, 1923.32. Daniel A, “Un document juridique concernant les oblats”, Revue d’assyriologie et d’archéologie orientale, no 67, 1973, p. 147-156.

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La plupart des širke sont assignés à résidence, travaillent sous la surveillance de contremaîtres, sont exposés aux châtiments corporels, vivent des seules rations allouées par le temple, ne peuvent être affranchis et transmettent leur statut à leurs enfants. Comme les hemou d’Égypte, les širke peuvent acheter, vendre et contracter en leur nom propre. Une petite minorité peut même se voir confier des responsa-bilités et parvenir ainsi à une situation enviable33.

Les souverains perses tatouaient eux aussi leurs prisonniers de guerre. Les soldats grecs qui s’étaient rendus à Xerxès au troisième jour de la bataille des *er-mopyles (480 av. J.-C.) furent marqués de “tatouages royaux” (stigmata basilèia)34. Sur le chemin de Persépolis, l’armée d’Alexandre rencontre encore en 330 av. J.-C. plusieurs centaines (ou milliers) de Grecs qui avaient été déportés par les prédéces-seurs de Darius III. Marqués de “lettres barbares”, ils travaillent dans des ateliers et ont pris femme sur place35. Tous ces déportés sont des travailleurs rationnaires (kurtaš) organisés en équipes que les souverains perses déplaçaient avec leurs familles d’une région à l’autre pour affaiblir les solidarités ethniques et répondre aux besoins de main-d’œuvre36. Ils travaillent dans des champs ou des ateliers gérés par l’admi-nistration, ou encore sur des chantiers royaux (par exemple Suse ou Persépolis). Les kurtaš proviennent de presque tous les peuples tributaires de l’Empire perse. L’administration en parle comme d’une force de travail indifférenciée qu’elle peut utiliser et déplacer à sa guise37. D’autres dépendants sont au contraire fixés sur leur lieu de travail et de résidence. Cette double dépendance répond à une exploitation raisonnée du territoire mise en œuvre par plusieurs empires pré-industriels :

1) Dépendants déportés. On déplace des captifs pour mettre en valeur des terroirs fertiles en manque de main-d’œuvre (terres limoneuses du Nil, du Tigre et de l’Euphrate) ou faire fonctionner mines, chantiers et ateliers d’État. Les éleveurs semi-nomades habituées à venir compléter leurs ressources en opérant des razzias sur les zones agricoles sédentarisées constituent des cibles idéales : une campagne victorieuse contre eux permet à la fois d’affaiblir la menace qu’ils représentent et de gagner du bétail et des travailleurs adultes.

2) Dépendants fixés. Sur des terroirs déjà productifs, la main-d’œuvre locale n’a pas besoin d’être déplacée38. Il faut au contraire l’y attacher pour garantir la stabi-lité de la rente foncière.

33. Stefan Z, “A Contribution to the Understanding of širkūtu in the Light of a Text from the Ebabbar Archive”, Altorientalische Forschungen, no 24, 1997, p. 226-230.34. H, Histoires, VII, 233.35. Q-C, Histoires, V, 5, § 6 et 13. Le texte parle de marques cautérisées (inustis… notis), une infor-mation technique de peu de valeur, quand on sait que Quinte-Curce n’écrivait pas de première main. Sa principale source est l’Histoire d’Alexandre de Clitarque (fin du e siècle av. J.-C.).36. Pierre B, Histoire de l’Empire perse, de Cyrus à Alexandre, Paris, 1996, p. 442-452 et 471-473. Voir les exemples rapportés par H, Histoires, VI, 3, 9, 94, 101 et 119.37. Ibid., p. 452.38. Sauf pour des raisons stratégiques (comme destabiliser d’anciennes solidarités régionales).

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Dans le monde perse, le tatouage des dépendants est également pratiqué par les propriétaires privés. Le nouvel intendant du satrape Aršāma doit ainsi veiller à faire entrer dans le domaine suffisamment de dépendants tatoués au nom du maître39. Les mercenaires juifs installés sur l’île d’Éléphantine (Assouan) marquent eux aussi leurs serviteurs40. Au milieu du e siècle av. J.-C., chez les Juifs de Samarie, les actes de vente d’esclaves stipulent qu’ils sont “sans défaut et sans tatouage”41. On retrouve cette clause restrictive dans un modèle d’acte de vente transmis par le Talmud : le vendeur garantit que son esclave “n’a pas sur son corps la marque de servitude d’un autre homme”42.

Monde gréco-romain

Dans le monde gréco-romain, le marquage des captifs de guerre reste exception-nel43. On ne tatoue que les esclaves coupables d’un délit. Longtemps l’exécution de ce châtiment est resté à l’entière discrétion du maître44. Dans un de ses mimes, l’Alexandrin Hérondas (e siècle av. J.-C.) met en scène une maîtresse de maison enragée contre un serviteur qui s’est refusé à elle. Sous l’emprise de la colère, elle fait appeler “le tatoueur avec ses aiguilles et son encre”45. À la même époque, un fragment de code pénal lagide mentionne le tatouage parmi les sévices corporels susceptibles d’être infligés à la classe servile46. À Rome, les esclaves qui avaient été marqués pour mauvaise conduite ne pouvaient bénéficier d’un affranchissement complet47.

À partir de l’époque impériale, on tatoue les condamnés aux mines et à la gladia-ture, les esclaves bien sûr mais aussi les libres sans fortune, ceux que les sources juridiques appellent les tenuiores ou humiliores. Les élites échappent normalement à ce type de peine dégradante et donc à la flétrissure qui allait avec (on prenait le statut de seruus poenae, esclave de la peine). Le tatouage n’était pas seulement vexa-toire. Il répondait aussi à des besoins d’ordre pratique. Il permettait d’éviter que la main d’œuvre forcée affectée aux mines, aux carrières, à l’entretien de la voirie ou à

39. Pierre G, Documents araméens d’Égypte, Paris, 1972, p. 312, no 68, l. 5-8.40. Ibid., p. 139-141, no 22 ; p. 205-207, no 41 ; p. 224-228, no 46.41. Papyrus no 2, l. 2, Frank M C (éd. et trad.), “A report on the Samaria Papyri”, Congress Volume. Jerusalem 1986, John A. E (éd.), Leyde, 1988, p. 25.42. Gittin 86a.43. Deux témoignages tardifs sujets à caution : en 440 av. J.-C., pendant le conflit qui opposa Athènes à Samos, les deux cités auraient tatoué (stizein) au front leurs prisonniers (P, Périclès, 26, 4) ; après sa victoire sur Rhodes en 351, la reine Artémise d’Halicarnasse aurait érigé un trophée où elle s’était faite représenter en train de tatouer la cité vaincue (V, De l’architecture, II, 8, 15).44. A (e siècle de notre ère), Épigrammes, 15 et 16.45. H, Mimes, V, v. 27-28, 65-67 et 77-79.46. Pap. Lille 29 (e siècle av. J.-C.), col. 2, l. 33-36.47. G, Institutes, I, 13 (loi Aelia Sentia, 4 apr. J.-C.).

Luc Renaut

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d’autres ouvrages soit détournée par d’autres employeurs publics ou privés. Aux e et e siècles de notre ère, l’État romain décide cette fois de faire tatouer plusieurs de ses agents : soldats, armuriers et fontainiers, pourtant d’origine libre, recoivent sur le bras ou la main sur une “marque officielle” (nota publica) qui était, dans le cas des fontainiers de Constantinople, le nom même de l’empereur. Des mesures simi-laires avaient déjà été prises en Égypte hellénistique. C’est à nouveau le contrôle des effectifs et des affectations qui motive ce marquage48.

C

Dans le Proche-Orient ancien le marquage indélébile des prisonniers constitue avant tout un outil de contrôle et de gestion qui, dans les représentations, peut être investi négativement comme châtiment ou positivement comme marque d’inté-gration. Avec d’autres formes d’enregistrement administratif, le marquage sert à garantir la propriété et l’affectation de contingents de travailleurs parfois impor-tants, destinés aux domaines des grands propriétaires et des grands organismes (palais, temples). Là où règne la petite et moyenne exploitation et où la propriété des esclaves est moins concentrée, ce procédé n’est pas attesté, ou rarement. Le marquage des captifs renvoie ainsi à une forme de domination et d’exploitation plus fréquente dans les monarchies proche-orientales (Égypte, Mésopotamie, Perse) que dans le monde des cités grecques et romaines. On le retrouve logi-quement dans les discours monothéistes décrivant l’avènement du dieu unique comme une conquête royale. Il est aussi l’un des principaux éléments constitutifs du rite chrétien de la signation. Les significations véhiculées par ce marquage rituel d’intégration ne sont pas neutres. Elles définissent un cadre politique de référence dans lequel l’utopie chrétienne puise la plupart de ses représentations, des représen-tations qui font passer le néophyte du statut d’ennemi arraché à sa communauté d’origine (le vieil homme dont il faut se dépouiller) à celui de serviteur travaillant à accroître la gloire d’un puissant monarque. Ce cadre est celui des grandes collectivi-tés inégalitaires du Proche-Orient où des élites sont parvenues à intensifier le travail fourni par les masses laborieuses et à les déposséder d’une part importante de leur apparatus esthétique et symbolique49. Sur un mode utopique (le Royaume de Dieu promis et attendu, qui peut cependant être spirituellement actualisé, sans délais), le christianisme se fixe un objectif qui prend les mêmes contours politiques. Avec la signation chrétienne s’opère en effet une conscription-conversion qui constitue à la fois un marquage et un effacement, sur un mode hautement standardisé. “À partir

48. Voir Luc R, “Le tatouage des hommes libres aux e et e siècles de notre ère”, Diasporas. Histoire et sociétés, no 16, 2011, p. 11-27.49. David W, “Be Evolution of Simplicity : Aesthetic Labour and Social Change in the Neolithic Near East”, World Archaeology, no 33, vol. 2, 2001, p. 168-188.

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du jour où tu es transformé, toutes tes anciennes marques ont disparu : le Christ a été imposé à tous en une seule forme”50. Pour faire advenir le royaume céleste et augmenter la gloire de son souverain, le christianisme demande au néophyte de se défaire de son ancienne identité et de revêtir l’uniforme indigent des travailleurs rationnaires d’Égypte et de Mésopotamie : se soumettre, se contenter de peu, voire renoncer à tout.

50. G N, Discours 40, “Sur le baptême” (380-381), ch. 27.