La course à la lune
Une recherche sur son importance dans le contexte de la
guerre froide
Présenté par
Marie Blanchet
Dans le cadre du cours
Histoire de la Russie et de l’Europe de l’est
INTRODUCTION
Parmi les grandes avancées technologiques du XXe siècle, la
conquête de l’espace est possiblement une des réalisations
les plus ambitieuses et importantes de l’histoire de
l’humanité, particulièrement dans le contexte des années 60.
La course à la Lune, première grande étape de la conquête
spatiale, se joue au beau milieu de la guerre froide,
pendant que le monde est divisé entre l’influence des États-
Unis et de l’URSS. Ces deux grandes nations s’opposent sur
tous les domaines, essayant de prouver la supériorité de
leur système politique respectif et sachant que celui qui
émergera supérieur influencera le futur de la planète. Dans
ce contexte, il est intéressant de considérer l’importance
capitale que joue l’exploration spatiale pour les États-Unis
et L’URSS. On peut supposer que la course à la Lune fut un
moyen pour les deux pays de se mesurer l’un a l’autre et de
prouver leur supériorité sans recourir à un affrontement
direct, qui se serait révélé catastrophique. Cette recherche
tentera d’analyser l’importance que cette « course » a eue
sur le déroulement de la Guerre Froide. Les pages qui
suivent séparent les événements en quatre grandes périodes :
le coup d’envoi donné par le programme Spoutnik, la frénésie
des deux gouvernements, les difficultés des deux pays et
finalement la victoire Américaine et ses ramifications.
3
SPOUTNIK CHOQUE LE MONDE
Tout commence le 4 octobre 1957, lorsque l’URSS lance dans
l’espace le premier satellite artificiel, Spoutnik. Ce
satellite est la création du chef designer Sergei Korolev et
le résultat d’une longue lutte entre celui-ci et le système
administratif de L’URSS. Depuis la fin de la Seconde Guerre
Mondiale, des recherches prouvent qu’il est tout à fait
possible d’envoyer un objet fabriqué par l’homme dans
l’espace, mais les autorités ne sont tout simplement pas
intéressées à financer un tel projet. L’URSS veut concentrer
son temps et son argent sur la recherche militaire et il n’y
a tout simplement pas de place dans le plan de cinq ans pour
la recherche spatiale civile. Mais Korolev est un battant,
et il finit par obtenir le financement dont il a besoin à
forces d’insinuations des retombées possibles d’une telle
entreprise. Il maintient qu’être le premier pays dans
l’espace apporterais un prestige sûr à l’Union Soviétique.
Avec le temps, ses mots tombent dans les bonnes oreilles et
il peut commencer son projet ambitieux. Spoutnik n’est pas
tout à fait ce que lui et son équipe souhaitent envoyer dans
l’espace. Le projet initial prévoyait un satellite garnis
d’une foule d’engins scientifiques afin d’accumuler des
données qui seraient ensuite analysées par les chercheurs.
Cependant, le projet rencontre des contretemps importants,
et Korolev commence à craindre que les chercheurs
4
américains, qui s’étaient eux aussi penchés sur la question,
arrivent à lancer un satellite en premier. Il décide donc de
couper sur les détails et de lancer un engin « simplifié ».
Korolev insiste pour que le satellite soit esthétique;
« cette boule va être mise dans un musée », déclare-t-il à
son équipe le jour des tests. Ce projet est possiblement le
projet le plus important de sa vie, et il supervise en
personne chaque détail. Le jour du lancement, toute l’équipe
regarde les moniteurs leur annoncer le succès du projet les
larmes aux yeux1.
Tout le monde ne réagit pas comme eux. Le gouvernement
Soviétique ne comprend pas tout de suite l’importance ce de
qui vient de se passer. La journée même, le journal du Parti
Communiste, le Pravda, ne contient que quelques paragraphes
sur le sujet. Le texte est court et précis et personne n’y
prête beaucoup d’attention2. L’événement est considéré comme
une simple expérience scientifique.
De l’autre côté du monde, les opinions sont partagées. Alors
que les scientifiques américains paniquent et annoncent que
l’URSS a marqué un point important dans la course à
l’armement (Ils s’inquiètent que Spoutnik puisse mener au
développement de missiles plus efficaces et plus difficiles
à contrer), le Président Kennedy ne s’inquiète pas
1 HARFORD, James, Korolev’s triple play : Sputniks 1, 2 and 3 [en ligne sur le site dela NASA], page consultée le 10 juin 2013, <http://history.nasa.gov/sputnik/harford.html>2 Pravda, Oct. 5, 1957, p. 1
5
énormément. Bien qu’il avoue que les fusées puissent avoir
des applications pratique, il maintient que l’idée semble
sortie tout droit d’une bande dessinée et il ne croit pas
que la recherche spatiale puisse donner un avantage aux
soviétiques. Pourtant, son rival direct le Sénateur Lyndon
Johnson, lui, est convaincu qu’il faut s’inquiéter et
commence à attiser la peur du public. Reconnaissant qu’il y
a des votes à gagner par la panique et ne voulant pas se
laisser distancer par Johnson, Kennedy entre dans le jeu et
annonce que les États-Unis vont relever le défi lancé par
les Russes. Il refuse de les laisser contrôler l’espace et
s’engage à ce que les Américains soient les premiers3.
Partout dans le monde, les journaux traitent Spoutnik comme
l’un des événements les plus importants du siècle. « Les
Soviétiques ont gagné », « Le mythe devenu réalité : la
gravité a été conquise », « Premier satellite dans
l’espace », annoncent les gros titres de tous les pays
industrialisés4. Rapidement, on réalise l’importance de ce
qui vient de se passer. Du jour au lendemain, Spoutnik a
instauré l’Union Soviétique comme leader du développement
technologique. Grâce à la couverture médiatique le monde
entier voit soudainement l’URSS et sa puissance militaire
sous un autre jour.
3 DEGROOT, Gerard, « The dark side of the Moon », History Today Volume: 57 Issue: 3 (2007), [en ligne], page consultée le 10 juin 2013, <http://www.historytoday.com/gerard-degroot/dark-side-moon>4 HARFORD, James, Korolev’s triple play : Sputniks 1, 2 and 3
6
Dès que le Kremlin réalise les conséquences sociales,
économiques et, surtout, politique, du développement
spatial, ils s’empressent d’en tirer parti. Le lendemain du
lancement, Spoutnik fait la une du Pravda5. Comme les noms
des scientifiques responsables sont tenus top secrets, le
journal se concentre sur la réaction des américains et
comment ils ont été « battus ». L’Union Soviétique ne perd
pas de temps à vanter leur supériorité technologique et à
utiliser le satellite dans leur propagande. Encouragés par
le coup de publicité qu’ils viennent de faire, le Parti
Communiste demande à Korolev d’envoyer autre chose dans
l’espace pour l’anniversaire de la révolution. Quelque chose
d’impressionnant. Le seul problème est que l’anniversaire en
question est dans un mois à peine.
Les événements qui suivent instaurent un malheureux
précédent pour le programme spatial russe. Korolev annonce à
son équipe que, à cause de la contrainte de temps, aucun
test ne pourra être fait. Chacun est invité à suivre sa
conscience. Le contrôle de qualité est ignoré complètement.
Les designs sont donnés directement aux travailleurs sans
consulter le chef du projet. Spoutnik 2 est lancé le 2
novembre 1957, avec à son bord le premier chien à être
envoyé dans l’espace, Laika6. Les contraintes de la
préparation du projet, cependant, et le manque de tests
adéquats du module avant la mission entrainent des5 Pravda, Oct. 6, 1957, pp. 1-26 HARFORD, James, Korolev’s triple play : Sputniks 1, 2 and 3
7
complications dès le lancement. Le système de contrôle
thermique brise très rapidement et Laika se retrouve prise
au piège dans une cabine de 40 degrés Celsius. La chienne
meure de chaleur et de stress de cinq à sept heures après le
lancement. L’URSS ne veut pas que cela ne ternisse leur
image, alors ils rapportent la mission comme un succès. Ils
prétendent que Laika a survécu plusieurs jours, voire même
une semaine, et qu’elle est morte sans douleur après avoir
mangé de la nourriture empoisonnée à la fin de la mission
car la technologie pour la ramener sur terre n’avait pas
encore été mise au point. Le vrai sort de Laika ne sera
révélé au public qu’en 20027. Le manque de précautions, le
manque de temps et le camouflage des échecs par le
gouvernement seront deux caractéristiques qui vont
influencer la tournure du programme lunaire soviétique.
L’URSS utilise le succès perçus des missions Spoutnik pour
annoncer la supériorité du développement technologique et
économique communiste8. C’est un défi que les États-Unis
s’empressent de relever. Laika a changé le cours de
l’histoire de la conquête spatiale et de la guerre froide.
Alors que les russes ont lancé Spoutnik 2 pour faire un coup
d’éclat, le projet a eu des conséquences énormes. En
envoyant un organisme vivant dans l’espace, ils ont pavé la
7 WHITEHOUSE, David, « First dog in space died within hours », BBC News Online, 28 October, 2002, [en ligne], page consultée le 11 juin 2013, <http://news.bbc.co.uk/2/hi/science/nature/2367681.stm>8 HARFORD, James, Korolev’s triple play : Sputniks 1, 2 and 3
8
voie pour des missions habitées. L’expérience de Laika a
prouvé qu’un organisme vivant peut survivre à l’apesanteur.
Aux yeux du public, le succès du programme spatial d’un pays
donné était maintenant irrémédiablement associé à la
capacité d’envoyer un homme dans l’espace. Pour ne pas
perdre la face, les États-Unis se devaient de relever le
défi. Le focus de la recherche spatiale s’est donc détourné
du développement d’armes et de missiles, et s’est concentré
sur les missions habitées9. Pour les deux pays,
d’importantes sommes sont redirigées du développement
militaire à la recherche spatiale.
Au final, les deux missions Spoutniks, lancées à un mois de
distance, enflamment les esprits et établissent les
paramètres de la course vers l’espace. C’est le début d’une
compétition féroce pour prouver quel pays est supérieur
technologiquement qui détourne l’attention des États-Unis et
de l’URSS du développement nucléaire et la redirige vers un
domaine passablement moins dangereux.
LA FRÉNÉSIE
L’enjeu est grand : en prouvant sa supériorité
technologique, le pays « vainqueur » de la course à l’espace
prouverait aussi la supériorité de son système politique et9 DEGROOT, Gerard, « The dark side of the Moon »
9
économique. Mais quel objectif serait assez ambitieux pour
prouver une telle chose? En 1961, l’Union Soviétique
remporte un autre succès : ils envoient un homme, Yuri
Gagarin, dans l’espace et le ramènent sur terre avec succès.
En réponse, John F. Kennedy fait son fameux discours,
promettant un homme sur la Lune avant la fin de la décennie.
Il vient de marquer l’histoire en établissant l’objectif
« final » de la compétition entre les soviétiques et les
américains : la Lune10.
Pour le public de l’époque, les États-Unis semblent en
retard sur les Russes. Des sondages en Europe révèlent que
la majorité des gens pensent que l’URSS est
technologiquement supérieure11. En effet, en 1961, les
russes ont déjà envoyé un homme dans l’espace alors que les
américains semblent cumuler les échecs. La vérité est tout
autre : le programme spatial américain est mieux structuré,
mieux géré et généralement supérieur à celui des russes.
La raison pour laquelle les soviétiques semblent en avance
dans la course est due à la différence d’idéologie entre les
deux pays. Les américains annoncent d’avance leurs essais et
lancements spatiaux. Ils ont séparé leurs programmes
militaires et spatiaux, et bien que les développements de
l’armée restent secrets, tout le développement de la
recherche spatiale se fait par une agence civile, la NASA.10 « Race to the Moon », history shots, [en ligne], page consultée le 11juin 2013 <http://www.historyshots.com/space/backstory.cfm>11 DEGROOT, Gerard, « The dark side of the Moon »
10
Tous les résultats sont ouverts au public. Pour un succès
comme pour un échec, les médias sont sur place. Du côté
soviétique, les programmes spatiaux font partie d’une
bureaucratie industrielle militaire tenue secrète. Les
lancements ne sont pas annoncés d’avance, et seuls les
résultats positifs sont montrés au monde12. Les échecs du
programme spatial russe sont camouflés et étouffés par le
gouvernement, et même aujourd’hui il est impossible de dire
combien de personne ont perdu la vie durant des accidents
désastreux. Et13 accidents14 désastreux15 il y a eu16. Certains
incidents ne sont révélés que dix ans plus tard durant le
Glasnost de Gorbachev. Après le succès de Spoutnik, la
sécurité est mise de côté pour la rapidité. Le Parti
Communiste demande plus de victoires pour leur propagande,
et toutes les procédures de sécurité ne sont pas suivies.
Certaines pièces d’équipement ne sont pas testées du tout,
et comme les échecs sont cachés, certaines erreurs sont
répétées17. La raison pour laquelle les russes ont réussi à12 « Space race », exposition au Smithsonian National Air and Space Museum, [en ligne], page consultée le 11 juin 2013 <http://airandspace.si.edu/exhibitions/gal114/gal114.htm>13 LUCAS, Paul, « Shadows of the Soviet Space Age », Strange Horizons, [en ligne], page consultée le 11 juin 2013, <http://www.strangehorizons.com/2004/20040503/shadows.shtml>14 KRULWICH, Robert, « Cosmonaut Crashed Into Earth 'Crying In Rage' », Krulwich wonders, [en ligne], page consultée le 11 juin 2013, <http://www.npr.org/blogs/krulwich/2011/05/02/134597833/cosmonaut-crashed-into-earth-crying-in-rage>15 « Alexey Leonov », Wikipedia, [en ligne], page consultée le 11 juin 2013, <http://en.wikipedia.org/wiki/Alexey_Leonov>16 « Valentin Bondarenko », Wikipedia, [en ligne], page consultée le 11 juin 2013, <http://en.wikipedia.org/wiki/Valentin_Bondarenko>17 LUCAS, Paul, « Shadows of the Soviet Space Age »
11
envoyer un homme dans l’espace avant les américains n’est
pas, contrairement à ce que le public pense, parce que les
américains sont en retard. Les deux programmes spatiaux sont
plus ou moins au même niveau en 1961. Seulement, les
scientifiques américains refusent d’envoyer un homme dans
l’espace car cela est jugé trop dangereux; la technologie
n’est pas encore au point. Les spécialistes russes disent la
même chose à leurs supérieurs. Seulement, le système
soviétique fonctionne sur un plan rigide de cinq ans et
personne n’ose annoncer de délais aux autorités. En avril,
Vostok décolle avec Gagarin à son bord18.
La course à l’espace est un affrontement psychologique pour
décider qui est technologiquement et idéologiquement
supérieur, et cet affrontement se fait autant sur le plan
des réalisations concrètes que par la propagande. C’est une
projection des forces de leurs pays respectifs pour obtenir
du prestige aux yeux du public international19. Chaque
étape, chaque victoire de la course à la Lune a une
signification symbolique et la lutte est acharnée. À chaque
victoire qu’un côté remporte, l’autre est juste derrière. Si
les russes envoient un homme dans l’espace, alors les
américains en envoient deux. À leur tour, les soviétiques en
envoient trois, etc.
18 DEGROOT, Gerard, « The dark side of the Moon »19 SPUDIS, Paul, « the new space race », Space ref, [en ligne], page consultée le 13 juin 2013, <http://www.spaceref.com/news/viewnews.html?id=1376>
12
La course à l’espace n’a rien à voir avec la science. Les
gouvernements utilisent les mots « se rendre à la Lune avant
les américains20 » et « battre les russes21 ». C’est un enjeu
politique. La compétition était plus importante que le
résultat : ça aurait pu être n’importe quoi d’autre.
L’important était de battre l’ennemis et de se prouver
supérieur aux yeux du monde.
La course à la Lune a non seulement fourni un terrain de jeu
où s’opposer relativement sécuritaire, mais a aussi redirigé
une quantité importante d’argent et d’efforts qui autrement
seraient allés directement dans la création de missiles
nucléaires. Ça a offert une distraction. La course à la Lune
était une compétition purement politique.
LES DIFFICULTÉES
La promesse de se rendre sur la Lune est ambitieuse, et le
développement spatial met rapidement un poids énorme sur
l’économie des États-Unis et de l’URSS. Les recherches
prennent énormément d’argent que les deux pays voient de
meilleures manières d’investir. L’URSS, particulièrement,
est aux prises avec des difficultés économiques
20 « Why did the Soviet Union lose the space race? », Encyclopedia Astronomica, [en ligne], page consultée le 13 juin 2013, <http://www.astronautix.com/articles/whynrace.htm>21 DEGROOT, Gerard, « The dark side of the Moon »
13
importantes22. Les deux pays commencent à réaliser qu’ils
ont promis des choses qu’ils ne pourraient peut-être pas
délivrer et qu’ils se sont mis les pieds dans les plats.
Pourtant, la course à la Lune est extrêmement importante,
non seulement pour se montrer supérieur à l’ennemi, mais
aussi pour l’image politique de chacun des pays auprès de
leur propre population. L’exploration spatiale est, pour le
meilleur ou pour le pire, le symbole du XXe siècle et il n’y
a plus moyen de reculer. Kennedy, pour qui la Lune
s’agissait d’une promesse politique, commence à chercher des
moyens de terminer le programme le plus rapidement possible.
Il exhorte le chef de la NASA de faire de la Lune le seul
objectif de l’agence23.
En 1962, il va faire quelque chose d’incroyable. Il se rend
compte qu’il ne peut pas se désister de sa promesse
d’atteindre la Lune sans perdre la face devant ses électeurs
à moins de leur offrir quelque chose de plus gros qui
jetterais l’exploration spatiale dans l’ombre. Il propose
une alliance avec l’Union Soviétique dans le but de joindre
leurs programmes spatiaux et d’atteindre la Lune ensemble24.
La conquête de l’espace était devenue si importante et si
couteuse que les deux pays ont honnêtement considéré mettre
leurs différences politiques de côté pour pouvoir s’en
22 « Race to the Moon », history shots23 « Did politics fuel the space race? », us government info, [en ligne], page consultée le 15 juin 2013, <http://usgovinfo.about.com/library/weekly/aa083001a.htm>24 DEGROOT, Gerard, « The dark side of the Moon »
14
désister. C’était aussi un enjeu politique si gros que seule
la fin de la Guerre Froide aurait pu détourner l’attention
du public assez pour leur permettre d’abandonner le projet.
La course à la Lune avait atteint une telle importance pour
l’opinion publique qu’elle aurait pu justifier la fin de la
guerre.
Malheureusement, ni la NASA ni les chefs designers ne sont
en faveur du projet. Les américains, toujours sous
l’impression que les soviétiques sont plus avancé qu’eux, ne
veulent pas de la collaboration car ils ont peur que cela
signifie avouer leur infériorité. De leurs côtés, les
soviétiques refusent d’ouvrir leurs dossiers aux américains
car la vaste majorité de leur programme spatial est basé sur
le bluff. Leur propagande est excellente, mais la vérité est
que leur programme bat de l’aile. Les américains ont un
objectif clair, la Lune, et chacune de leurs missions
spatiales leur permet de développer une compétence ou une
pièce de technologie qui leur servira dans leur objectif
final. Les russes essaient juste de battre les américains à
chaque étape, sans avoir de plan global. Ils font de grands
coups de publicités mais ils n’ont pas de stratégie à long
terme. Leurs missions sont dangereuses et leur fusée N1 a
explosé trois fois sur trois essais. (Par la suite, ils
n’ont pas le budget d’en faire d’autre25 alors ils envoient
leur mission lunaire avec le quatrième engin N1 qui leur25 « Why did the Soviet Union lose the space race? », Encyclopedia Astronomica
15
reste. Il explose26.) Ils ne veulent donc pas coopérer avec
les américains car cela voudrait dire avouer qu’ils ne sont
pas aussi bons qu’ils le prétendent. Finalement, aucun des
deux côtés ne peux collaborer sans perdre la face27. De
plus, une collaboration aurait voulu dire la fin de la
conquête de l’espace. Les gouvernements ne finançaient les
programmes spatiaux qu’à cause de la compétition. Sans
compétition, jamais de telles sommes ne seraient mises dans
le domaine de la recherche spatiale. Le seul but que les
autorités voyaient dans la course à la Lune étaient de
battre l’autre côté. Comme mentionné précédemment, l’intérêt
était politique et non scientifique. Une alliance aurait
enlevé ce but. La proposition était donc vouée à l’échec.
Peu après, Kennedy se fait assassiner, et le chef du Parti
Communiste ne fait pas confiance à son remplaçant. La Guerre
Froide continue28.
À partir de 1966, l’URSS commence à éprouver des difficultés
sérieuses dans son programme spatial. La mort prématurée de
Korolev jette le désordre dans l’organisation scientifique
russe. Alors que les américains ont une agence unique avec
une hiérarchie bien établie, chaque chef designer soviétique
doit défendre ses idées et chercher le patronage d’un membre26« Vladimir Komarov », Wikipedia, [en ligne], page consultée le 11 juin2013, <http://en.wikipedia.org/wiki/Vladimir_Komarov>27 DEGROOT, Gerard, « The dark side of the Moon »28 « Space race : proposed joint US – USSR moon program », Wikipedia, [en ligne], page consultée le 16 juin 2013, < http://en.wikipedia.org/wiki/Space_Race#Proposed_Joint_U.S.-U.S.S.R._Moon_Program>
16
haut placé du Parti29. Après Korolev, personne n’a
suffisamment d’autorité et de capacité politique pour
prendre en charge le projet. Plusieurs projets rivaux se
développent et le financement est divisé. Il y a un projet
spatial pour tourner autour de la Lune et un autre pour se
poser sur la Lune, etc. Plusieurs types d’engins sont
développés et il y a de la compétition interne qui paralyse
toute l’opération30.
Finalement, de 1962 à 1966, la conquête spatiale pèse
fortement sur l’économie des deux pays impliqués, à tel
point que la fin de la Guerre Froide est considérée pour y
remédier. De plus, alors que le programme spatial américains
est couteux mais fiable et se dirige tranquillement vers son
objectif, le programme soviétique se désagrège de
l’intérieur tout en essayant de garder une façade de
réussite par le biais de la propagande et de la censure
politique. La course à la Lune reste si importante qu’aucun
des deux pays n’ose avouer leurs doutes. Ils n’ont pas le
choix de continuer s’ils veulent garder leur honneur, même
si cela leur coute énormément cher.
29 « Why did the USSR lose the Moon race? », Journal Pravda 03.12.2002 [en ligne], page consultée le 16 juin 2013, <http://english.pravda.ru/news/russia/03-12-2002/18691-0/>30 GOSH, Pallab, « what if the soviet union had beaten the us to the moon? », BBS news, [en ligne], page consultée le 16 juin 2013, <http://www.bbc.co.uk/news/science-environment-13041326>
17
LA VICTOIRE AMÉRICAINE
Le 20 Juillet 1969 est une date historique. C’est la date où
Neil Armstrong et Buzz Aldrin sont les premiers hommes à
marcher sur la Lune. C’est la victoire américaine de la
course à la Lune. Mais qu’est-ce que ça veut dire? D’abord,
c’est une réussite technologique sans égale. C’est la
première fois qu’un être humain a mis le pied sur un objet
céleste et en a ramené des données scientifiques cruciales
pour comprendre le monde et répondre à la question « d’où
venons-nous? ». L’événement a une portée symbolique,
scientifique, historique et même philosophique. Bien sûr,
c’est aussi une victoire éminemment politique. Les États-
Unis prouvent par leur présence sur la Lune qu’ils sont
supérieurs technologiquement. Humilié, l’Union Soviétique
est le seul pays développé qui ne diffuse pas l’atterrissage
du module lunaire en direct31.
Perdre la course à la Lune a démontré les faiblesses du
système soviétique. D’abord sur le plan économique : ils ont
dépensé environ deux fois moins que les américains sur leur
programme lunaire. Ensuite, ils ont démontré des faiblesses
techniques, mais ce qui a vraiment signé leur défaite, ce
sont les faiblesses de leur système de gestion. Le tout
était très mal organisé : il n’y avait pas de plan à long
terme ni d’autorité centrale, pas de contrôle de qualité et
un manque de leadership. En conséquent, le programme était31 « Why did the USSR lose the Moon race? », Journal Pravda 03.12.2002
18
en retard d’au moins trois ans, mal géré et mal financé32.
La défaite de l’Union Soviétique dans le domaine de l’espace
a eu un impact symbolique profond pour tous les habitants
des pays du bloc soviétique.
La victoire des États-Unis a aussi eu des répercussions sur
l’exploration spatiale en général. L’URSS voulait conquérir
l’espace; ils voulaient y faire des bases spatiales et même
y installer des armes. Les américains, de leur côté,
voyaient la course à la Lune comme une course. Piers Bizony,
co-auteur d’une biographie sur Gargarin, dit « la nature
d’une course c’est que lorsque que tu as gagné, tu arrêtes
généralement de courir. » C’est exactement ce que la
victoire des américains signifie pour la recherche spatiale.
Le programme Apollo était initialement prévu pour 20
missions, avec pour but final d’établir une base lunaire. Le
public a cependant rapidement perdu intérêt et le
financement a été coupé après Apollo 17. Aucune autre
expédition habitée n’est retournée sur la Lune après, malgré
l’intérêt scientifique d’une telle entreprise.
Le développement spatial compétitif entre l’URSS et les
États-Unis ne s’est pas arrêté après Apollo 11. Pendant
quelques années, maintenant que l’objectif inoffensif de la
course à la Lune a été atteint, les deux côtés retournent à
la recherche militaire de missiles qu’ils avaient
32 « Why did the Soviet Union lose the space race? », Encyclopedia Astronomica
19
temporairement mis de côtés pour des fusées civiles. Entre
en jeu le projet SDI en 1982, qui a définitivement sonné le
glas du programme spatial soviétique. Le SDI est un projet
d’arme laser et de défense contre-missiles balistique
orbitale développé par l’administration Reagan. Malgré ce
qu’on en sait aujourd’hui, les scientifiques de l’époque
(particulièrement Edward Teller, père de la bombe hydrogène)
sont convaincus que c’était un projet viable. Le
gouvernement américain y met donc beaucoup de financement,
ce qui rend les soviétiques nerveux. Un tel projet pourrait
changer complètement la balance de pouvoir entre les deux
pays en conférant l’avantage aux américains. Cela les mène à
effectuer une restructuration totale de leur programme
spatial avec pour but de contrer le projet SDI. Ils mettent
ce projet de restructuration en priorité dans leur plan de
défense militaire, donc ils y versent beaucoup d’argent. Ils
se concentrent sur de meilleurs satellites, un design de
base spatiale MIR amélioré, etc. Ce changement radical de
leur programme de recherche et de développement pour contrer
une menace qui n’avait pas de chance de voir le jour (pour
diverses raisons, entre autres les limites technologiques et
économiques des États-Unis) leur a couté la chance de
reprendre le dessus dans la course à la conquête de
l’espace. Étonnement, le projet SDI, tout ridicule qu’il
soit, a tout de même collaboré à protéger les États-Unis
d’une menace atomique. En effet, plusieurs historiens sont
20
d’avis que le large coût des mesures anti SDI aurait
précipité le crash économique qui a contribué à la chute de
L’URSS en 199133.
En résumé la victoire des américains dans la course à la
Lune a eu comme effet de démoraliser les soviétiques. Les
événements ont prouvé la supériorité organisationnelle,
économique et technologique des États-Unis sur l’URSS. Une
autre conséquence est le désintéressement du public
américain envers l’espace après que l’élément excitant (la
compétition) ait été enlevé de l’équation. Et finalement la
troisième conséquence de la victoire américaine est le poids
économique que les événements ont exercé sur l’Union
Soviétique.
CONCLUSION
En bref, la course à la Lune a eu une importance capitale
dans le déroulement des événements de la Guerre Froide.
L’influence la plus importante de la conquête spatiale est
qu’elle a fourni une manière pour les États-Unis et l’URSS
de se mesurer l’un à l’autre sans recourir à une
confrontation directe. Comme les deux pays avaient l’arme
nucléaire, toute altercation aurait été catastrophique.
Hors, les deux nations voulaient prouver leur supériorité,33 LUCAS, Paul, « Shadows of the Soviet Space Age »
21
ce qui les a amenés à compassionner dans une foule de
domaine et d’influencer plusieurs autres pays à prendre
parti. La course à l’espace était un défi suffisamment
difficile et motivant pour garder l’attention des deux
grandes puissances et les pousser à se donner à fond pour se
surpasser. De plus, même si l’exploration spatiale était
dangereuse, l’objectif était relativement inoffensif. Depuis
le moment où les soviétiques ont donné le ton en envoyant un
être vivant dans l’espace, le focus du financement et de la
recherche scientifique s’est détourné des armes et des
missiles nucléaires. (Pas entièrement; la recherche et la
course à l’armement continuait bien sûr en secret, mais les
deux pays avaient maintenant une manière de s’affronter plus
sécuritaire et plus socialement acceptable. Ils pouvaient
désormais faire de la propagande qui ne ferait pas peur à
leurs propres citoyens). Ensuite, la course à la Lune a été
importante dans le sens où elle a servi à mettre à jour les
forces et les faiblesses de chacune des deux organisations
politiques. Ensuite, les événements de 1957 à 1969 ont donné
le ton pour les autres missions spatiales qui se sont
ensuivis en plus de rendre possible de grandes avancées
technologiques. Et finalement, la victoire claire des États-
Unis a eu un grand impact social et symbolique dans le
monde.
22
BIBLIOGRAPHIE
Travaux référencés
HARFORD, James, Korolev’s triple play : Sputniks 1, 2 and 3 [en ligne sur le site de la NASA], page consultée le 10 juin 2013, <http://history.nasa.gov/sputnik/harford.html>
Pravda, Oct. 5, 1957, p. 1
DEGROOT, Gerard, « The dark side of the Moon », History Today Volume: 57Issue: 3 (2007), [en ligne], page consultée le 10 juin 2013, <http://www.historytoday.com/gerard-degroot/dark-side-moon>
Pravda, Oct. 6, 1957, pp. 1-2
WHITEHOUSE, David, « First dog in space died within hours », BBC News Online, 28 October, 2002, [en ligne], page consultée le 11 juin 2013, <http://news.bbc.co.uk/2/hi/science/nature/2367681.stm>
« Race to the Moon », history shots, [en ligne], page consultée le 11 juin 2013 <http://www.historyshots.com/space/backstory.cfm>
« Space race », exposition au Smithsonian National Air and Space Museum,[en ligne], page consultée le 11 juin 2013 <http://airandspace.si.edu/exhibitions/gal114/gal114.htm>
LUCAS, Paul, « Shadows of the Soviet Space Age », Strange Horizons, [en ligne], page consultée le 11 juin 2013, <http://www.strangehorizons.com/2004/20040503/shadows.shtml>
KRULWICH, Robert, « Cosmonaut Crashed Into Earth 'Crying In Rage' », Krulwich wonders, [en ligne], page consultée le 11 juin 2013, <http://www.npr.org/blogs/krulwich/2011/05/02/134597833/cosmonaut-crashed-into-earth-crying-in-rage>
« Alexey Leonov », Wikipedia, [en ligne], page consultée le 11 juin 2013, <http://en.wikipedia.org/wiki/Alexey_Leonov>
« Valentin Bondarenko », Wikipedia, [en ligne], page consultée le 11 juin 2013, <http://en.wikipedia.org/wiki/Valentin_Bondarenko>
SPUDIS, Paul, « the new space race », Space ref, [en ligne], page consultée le 13 juin 2013, <http://www.spaceref.com/news/viewnews.html?id=1376>
23
« Why did the Soviet Union lose the space race? », Encyclopedia Astronomica, [en ligne], page consultée le 13 juin 2013, <http://www.astronautix.com/articles/whynrace.htm>
« Did politics fuel the space race? », us government info, [en ligne], page consultée le 15 juin 2013, <http://usgovinfo.about.com/library/weekly/aa083001a.htm>
« Vladimir Komarov », Wikipedia, [en ligne], page consultée le 11 juin 2013, <http://en.wikipedia.org/wiki/Vladimir_Komarov>
« Space race : proposed joint US – USSR moon program », Wikipedia, [en ligne], page consultée le 16 juin 2013, < http://en.wikipedia.org/wiki/Space_Race#Proposed_Joint_U.S.-U.S.S.R._Moon_Program>
« Why did the USSR lose the Moon race? », Journal Pravda 03.12.2002 [enligne], page consultée le 16 juin 2013, <http://english.pravda.ru/news/russia/03-12-2002/18691-0/>
GOSH, Pallab, « what if the soviet union had beaten the us to the moon? », BBS news, [en ligne], page consultée le 16 juin 2013, <http://www.bbc.co.uk/news/science-environment-13041326>
Travaux consultés
GODWIN, Matthew, « The cold war and the early space race », History in focus [en ligne], page consultée le 16 juin 2013, <http://www.history.ac.uk/ihr/Focus/cold/articles/godwin.html>
« Soviet Space History», Encyclopedia Astronomica, [en ligne], page consultée le 13 juin 2013, <http://www.astronautix.com/articles/sovstory.htm>
24
Top Related