DIDIER DEVAUCHELLE
Le Paysan déraciné
lxrRo»ucuoN
Le conte dt Paysan (t) est conservé par quatre papyrus hiératiques.
Aucun n'est postérieur à la XIII' dynastie. Il met en scène un personnage,
Khouenanoup, qui porte le titre de sÿty que certains ont traduit par «pay-
san>>, d'autres par <<oasien» (2). Il semble qu'aucune de ces haductions ne
soit entièrement satisfaisante - le sens du terme égyptien s!ry, <<Celui-
de-la-sht>>, étant sans aucun doute à mettre en rapport avec le fait que le
personnage principal est originaire de S$t-lgmlt, <<Le champ de sel>> -,mais la tradition égyptologique continue d'employer le sens premier du
terme, <<paysan>>, ou préfère parfois l'interprétation <<oasien>> (3).
Ce long texte témoigne des tracasseries de la vie quotidienne dans un
monde essentiellement rural. Un <<paysan" (sbty) du Ouadi Natroun (Sll-
f;mlt), voyarrt ses réserves de nourriture diminuées, décide de descendre
vers l'Égypte (hlt ... r Kmt) pour en rapporter des vivres. Pour ce faire, ilpartage avec sa femme et ses enfants qui resteront sur place le reste de
l'orge qui est dans son grenier. Puis il part avec des ânes chargés de toutes
sortes de produits végétaux, animaux et minéraux, en résumé <<tous les
bons produits (inw) du Ouadi Natroun (S$t'fumlt)».Il emprunte le bateau
pour effectuer une grande partie de son voyage («ce paysan alla à Héra-
kléopolis en naviguant vers le sud (riz $ntyt)»1. Des malheurs lui arrivent
(1) Il est connu sous différents noms comme, par exemple, <<Le Paysan», «Le conte de
I'oasien», «The Eloquent Peasant» ou <<Der beredte Oasenbewohner>>.
(2) Voir, en dernier lieu, O. BrnI-sv, «The Date of the 'Eloquent Peasant'>>, Form und
Mass(FestschriftfiirGerhardFecht), 1987,p.78n. l.Laplupartdescommentateursdecetexte ont fait allusion à cette question (cf. infra n.2).
(3) Pour une présentation de ce texte, cf. G. FECHT, «Bauemgeschichte>>, LdA I, 1975,
col. 638-651. L'édition de référence est désormais celle de R.B. PARKINsoN,The Tale of the
Eloquent Peasant,1991. Pour une traduction, cf., par exemple, G. LsrssvRE, Romans et
contes égyptiens de l'époque pharaonique, 1949, p.41-69,M.Ltcrtrr,r,n'tt, Ancient Egyptian
Literature, l, 1973, p. 169-184, et Cl. LALouErrz, Textes sacrés et textes profanes de
I'ancienne Égypte, I, 1984, p. 197-211. Voir également les remarques de J. AssrraeNN,
Maât, I'Egypte pharaonique et I'idée d.e iustice sociale, 1989, p. 36 et suiv.; R.B. Panrru-soN, «Literary form and the Tale of the Eloquent Peasant>>, JEA 78 (1992), p. 163-178;
K. P. KuIil-MAI.IN, <<Bauernweisheiten», dans Gegengabe. Festschrifi fiir Emma Brunner'Traut (herawgegeben von I. Gamer-Wallert und W. Helck), 1992, p. l9l-209; P. Pev-MrNcER, «Gottesworte und Zahlensymbolik in den 'Klagen des Bauem'», SAK 20 (1993),
p.207-221.
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LE PATSAN DERACINE
après avoir accosté dans la région de Perféfi, au nord de Médénit. Ces
deux toponymes ne sont pas connus par ailleurs; il est impossible d'éva-luer par ce texte leur proximité d'Hérakléopolis. La suite de l'histoireconcerne les démêlés du <<paysan>> avec Nemtynakht fils d'Isry, le servi-teur du grand intendant Rensy fils de Merou, puis les neuf <<suppliques>>
qu'il adressa à Rensy pour plaider sa cause. Son éloquence est le thème
central de ce récit. Elle finit par triompher.Ce texte semble avoir eu une certaine vogue durant le Moyen Empire.
En revanche, aucune copie, même partielle, ne date du Nouvel Empire;seule une citation sur un ostracon ramesside semble prouver qug ce récitétait encore connu à cette époque. Des études récentes (a) proposent de
dater la composition de ce récit de la deuxième moitié de la XII" dynastie,
mais cela est encore contesté et une date un peu plus ancienne, proche du
début de la XII" dynastie, a été avancée (5).
LB <<PRvs.q,N>> oRIGTNATRE »u OUR»I NRrnouN
Comme très souvent dans la littérature égyptienne, le décor du récitest vite planté et l'action rapidement décrite. Les apparentes bizarreriesde ce genre de texte sont souvent mises sur le compte du fantastique ou
de la verve orientale. Pourtant, de nombreuses études sur des textes que
l'on croyait bien connus montrent combien était rigoureuse la composi-tion de ceux-ci et à quel point les détails apparemment surprenants se
justifiaient.Il est ainsi apparu étonnant à certains traducteurs qu'un <<paysan>>
venant du Ouadi Natroun aille jusqu'à Hérakléopolis pour vendre ses
produits. Mais comme le texte situe l'action sous le règne du pharaon
hérakléopolitain Khéti Nebkaourê, personne n'a mis en cause cette parti-
cularité. Il est pourtant difficile d'imaginer qu'un homme de cette condi-tion voyage par le Nil, ses branches ou/et des canaux, passe à côté de
l'agglomération memphite, pour ne parler que de la plus importante cité,
(4) C'est tout d'abord à O. BBru-ev, loc.cit. p.83 et n. 18 et 19, que l'on doit cette pré-cision basée sur la présence du titre «grand intendant» (à partir du règne d'AmenemhatIII); P. Vrmrus, «La date du paysan éloquent», Studies in Egyptology Presented to MiriamLichtheim,Il, 1990, p. 1033-1047, arrive au même résultat par une analyse grammaticale:«Le Paysan éloquent pourrait donc avoir été écrit dans la seconde moitié de la XII" dynas-
tie». Voir aussi R.B. PARKn.tsoN, «The date of the «Tale of the Eloquent Peasant» », RdE42 (1991), p.17l-181 («a mid-late 12ù dynasty date»).
(5) On doit cette dernière opinion à A. RoccerI, «Plaidoyer pour le Paysan plaideur»,Individu, Société et Spiritualité dans l'Egypte pharaonique et copte (Mélanges égyptolo-giques offerts au Professeur Aristide Théodoridès, 1993), p. 253-256.
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Écvrrr PHARAoNIQUE
et continue son voyage jusqu'à Hérakléopolis, au lieu de s'arrêter plus tôt
pour vendre ses biens (6).
si le cadre hérakléopolitain est nécessaire à l'histoire pour justifier
I'ancienneté de l'événement décrit (7), faire venir le <(paysan>> du ouadi
Natroun est tout à fait inutile (8). On doit aussi remarquer que l'on ne sait
presque rien de ce ouadi au Moyen Empire (e).
Le terme S[t-hm]t, «Champ de sel>>, est vague et peut s'appliquer à
n,importe quel lieu d,où l'on extrayait le natron. H. De Meulenaere a
récemment montré (10) que ce toponyme employé sur une stèle du début
de la XVIII" dynastie ne renvoyait nullement au ouadi Natroun, mais
bien plutôt, en l,occurrence, à la région d'Elkab: <<ceux qui l'ont visitée
ne s,étonneront pas que les Égyptiens ont baptisé <<champ de sel>> cette
plaine désertique, couverte d'efflorescences salines>>'
Pour le cas présent, je veux proposü une auûe localisation de ce «champ
de sel>> que celui admis depuis toujours. Une troisième zorLe d'extraction
du natron - en dehors de celles du Ouadi Natroun et de la région d'Elkab
- se situe à Tarabiya, à proximité de la ville d'Oxyrhynchos (r1). Elle est
connue par un écrivain arabe mort au début du XV" siècle, El Kalka-
shandi, et J.R. Harris s'est demandé si on ne pouvait évoquer à l'appui de
ce témoignage celui d'un passage du Texte des Pyramides (spr. 864) où ilest fait mention de natron du nome qui deviendra l'Oxyr§nchite. Le récit
du <<Paysan>> serait alors un témoignage en faveur de cette provenance
pour le sel et le natron dans l'Égypte du Moyen Empire'
L'intérêt d,une telle identification pour le lieu d'origine du <<paysan>>
est qu'elle permet de mieux comprendre le cadre du récit ici évoqué. Par-
tantiu voisinage d,Oxyrhynchos avec ses ânes, puis empruntant le Bahr
Youssouf, le <<paysan>> se rendra normalement vers la grande ville la plus
proche, située au nord, Hérakléopolis.
(6)K.P.KuttlvaNN,loc.cit.,p.l99-2}5,proposeuncheminquiemprunteenpartieledésert, évite la région memphite et rejoint le Fayoum par Qasr el-Sagha'
(7) Situer l,hiitoire dani les temps difficiles de la Première Période intermédiaire ren-
force peut-être l'intensité du discouis sur la maât; il le place, en tous cas, hors du temps
actuel du récit: un pareil traitement du «Paysan» n'est plus de mise'
(8)L'expücationproposéeparK.P.Kurl-lr'mrw'loc'cit',p'l99,nemesemblepasaccep-tabtà car baùe sur f iàée que I'buadi Natroun était une région «non-civilisée» d'Egypte.
(9) La lecture de la notice de W. HBlcr darc LdÀ VI, 1986, col. 1114-1116, est édi-
fiante de ce Point de vue.(10) CdELxrnl0î (1988), P. 211.
irfi l.n. Hennrs, Lexicogia)hical Studies in Ancient Egyptian Minelals' 196l'p' 196
et n. 7 à 9, et A. Lucas et J.i.. Hannrs, Ancient Egyptian Materials and Industries,4th ed.'
1962, p.264.
36
LE PATSAN DERACINE
Le <<Pa.ysaN>) oRIGINATRE oB TAnesIve, mÈs o'OxyRHyNCHos
Faire venir l'homme-de-Sekhet-hemat de la région de Tarabiya permet
d'expliquer plusieurs <<bizarreries>> du texte: l'origine de certains des pro-duits que le <<paysan>> vend et le dieu invoqué à la fin du texte, Anubis,dont le nom entre aussi dans la composition de l'anthroponyme porté par
le <<héros>> de ce conte.
Les produits emportés
Dans la longue liste - BI, l-14 et parallèles (12) - des produits empor-
tés par le <<Paysan>> à la ville pour les vendre, nombreux sont les termes
difficilement identifiables. Cependant, l'un d'entre eux attire tout de suite
l'attention: <<lebois-âounet del'oasis de Farafra» (81,6 = Bt 6 = R 2.6).
On ne peut définitivement affirmer que le bois en question vienne
effectivement de l'oasis de Farafra. Il est loisible de penser qu'il s'agitd'un plant originaire de ce lieu dont la production se serait étendue àd'autres régions. Les différents traducteurs du texte l'ont cependant admis
et je suis tenté de les suivre quand on constate que parmi les autres pro-duits emmenés par le <<Paysan>> se trouvent des <<peaux de panthères» et
des <<palmes-redemet>>: les <<peaux de panthères>> viennent de Nubie (13),
et la route du commerce avec la Nubie passe par les oasis, et les <<palmes-
redemet>> viennent des oasis si l'on en croit les «admonitions>> d'Ipouour(3, g) ('4).
Il semble donc que, parmi les biens emportés par le <<Paysan>>, certains
ne sont pas produits par son lieu d'origine; ils sont acheminés vers ce lieu.C'est ainsi qu'une route reliant l'oasis de Farafra au Ouadi Natroun a été
supposée à partir du seul témoignage de ce texte (t5). Il est plus vraisem-blable de penser que des biens circulant depuis les oasis jusque la valléedu Nil aient emprunté une route plus directe. Celle-ci existe et elle est
bien connue: la piste reliant Bahariya à Bahnasa (tu); et l'oasis de Baha-
riya est aisément accessible des autres oasis, comme Farafra (17).
(12) R.B. PARKINSoN, The Tale of the Eloquent Peasant, 1991, p.2-6.(13) On peut noter à ce propos que ce produit avait été ramené de Nubie par Hirkhouf
lors de son troisième voyage: le terme égyptien employé (b-i) est le même (Urft l, 127, l).(14) Pour cette plante, voir, en dernier lieu, RdE 4l (1990), p.218-220.(15) L.L. GtDDy, Egyptian Oases. Bahariya, Dakhla, Farafra and Kharga during
Pharaonic Times, 1987 , p. 48 f, 52 et 104 n. 87.(16) L.L. Groor,, op. cit., p. 15-16: «the shortèst and easiest link».(1.7) Ibidem, p. 142.
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ÉGYPTE PHARAONIQUE
Le dieu Anubis
Le dieu Anubis apparaît deux fois dans ce texte: le <<héros>> de l'histoire
porte un nom formé sur lui, Khouenanoup («Celui qu'Anubis a protégé»);
à la fin du texte, après l'échec de la neuvième supplique, le <<Paysan>>
déclare (82,ll4-ll5): «Je vais aller me plaindre à ton sujet à Anubis».
on ne peut être assuré qu'un nom théophore dans un conte soit une
désignation d'origine géographique incontoumable pour son porteur.
Dans le même sens, l'évocation d'Anubis par le «Paysan>> en fin de texte
n,implique pas de manière définitive que le malheureux héros évoque son
dieu local. On peut cependant admetfie que les deux éléments réunis peu-
vent avoir une signification. Si l'on ne sait rien d'Anubis dans la région
du Ouadi Natroun à quelque époque que ce soit, les liens de ce dieu avec
la région des XVII" et XVI[" nomes sont nombreux (18). Les noms du
<<Paysan>> et du dieu qu'il veut invoquer nous ramènent une nouvelle fois
dans la région proche d'Oxyrhynchos.
La raison de ce cadre géograPhique
La question de savoir pourquoi on a donné une telle marque régionale
à un texte littéraire est difficile à connaître. Je serais tenté de pensel
qu'elle est due au lieu de <<composition» originelle du récit (1e). Quelques-
uns des papyrus qui ont conservé le récit proviennent de Thèbes. Cepen-
dant, le cadre géographique de l'histoire est situé dans le nord de la
Moyenne Égypte. Plus encore, un des protagonistes, vivant pourtant dans
la région d'Hérakléopolis, porte un anthroponyme formé sur le nom d'une
divinité peu connue mais ayant des attaches avec le XVIII" nome. La lec-
ture aujourd'hui admise du nom porté par le personnage qui est à l'origine
des ennuis du héros de l'histoire est Nemtynakht (20). n est formé sur celui
du dieu Nemty, dont les lieux de culte sont assez circonscrits: les X",
XII" et XVIII" nomes C'). Il faut tout de même remarquer que plusieurs
(18) Voir, par exemple, J. VaNoIsn, Le papyrus Jumilhac, 1961, p. 44-46 (plus particu-
lièrement) et tbZ-t06, étMélanges Mariette,1961, p. 106-117. Les liens unissant ces deux
nomes sont connus; il faut aussi admettre avec J. VeSomn, Le papyrus Jumilhac,1961,p. 25, que «rien, dans 1,Égypte ancienne, n'a davantage varié que les limites d'un nome>>,
et la frontière entre les XVII" et XIX" nomes a dû changer.
(19) Cela ne signifie pas qu'il a été mis en écrit à cet endroit, mais que Ie récit se racon-
tait dans cette région.(20) O. Bsnrriv, Vestnik Drevnei lstorii I l7O7 (1969), p. 3-30 (en russe; = AEB 69067)'
(21) E. Gnarne, Studien zu den Gôttern und Kulten im 12. und 10. oberàgyptischen
Gau (insbesondere in der Sprit- und Griechisch-rômischen Zeit),1980, p. 2-3'
38
LE PAYSAIÿ DERACINE
personnages ayant des noms formés sur celui du dieu Nemty sont connus
dans la région memphite dès l'Ancien Empire (22).
Lg vovece DU <<PAYSAN>>
Dans la première partie du voyage, le <<Paysan>> descendit vers l'Égypte.Puis il «alla à Hérakléopolis en naviguant vers le sud (m funtyt)». Enfin ilarriva à Perféfi, au nord de Médénit. Les deux demiers toponymes ne sont
pas encore identifiés avec certitude (23). Les hypothèses jusqu'ici avan-
cées se basent sur un voyage du <<Paysan>> depuis le Ouadi Natroun. Je ne
veux pas proposer de nouvelles identifications de ceux-ci. En revanche, je
voudrais attirer l'attention sur le point le plus délicat de l'hypothèse iciproposée: le texte affirme que le <<Paysan>> navigua vers le sud.
Le sens même de l'expression m fintyt n'est pas seulement <<en remon-
tant vers le sud>>, mais surtout <<en remontant le courant>> (24). C'est cette
demière traduction que je voudrais proposer ici. Empruntant le BahrYoussouf à hauteur d'Oxyrhynchos, le <<Paysan>> devrait descendre lecourant (naviguer vers le nord) pour atteindre la région d'Hérakléopolis.Cependant une particularité de l'eau alimentant le Lac Moéris a été notée
par Hérodote (II, § 149; traduction A. Barguet): <<L'eau de ce lac ne vientpas d'une source, car cette région est extrêmement aride; c'est l'eau du
Nil amené par un canal, et elle coule six mois du Nil au lac, et six mois,
inversement, du lac au Nil.» Strabon (XVII, 1, 37) remarque aussi que
l'eau du lac Moéris vient du Nil ou peut y retourner (25).
Les commentateurs sont restés prudents sur cette particularité du cours
de l'eau dans le ou les canaux reliant le Fayoum au Nil, de même que les
spécialistes de l'hydrologie de ce pays (26); d'autant plus qu'il est ques-
tion chez les auteurs classiques d'un canal qui n'est peut-être pas le Bahr
Youssouf lui-même. Les données antiques concernant celui-ci ne sont pas
directes (27).
(22) ÿotr, par exemple, M. THIRIoN, RdE 36 (1985), p. l4l-142, et RdE 45 (1994),
p. 187.(23) Voir, en demier lieu, K.P. Kurtrraow, loc. cit., p.205-209.(24) Ainsi pour la description de I'Euphrate dans un texte du Nouvel Empire, cf.
H.G. FIscnsn, The Orientation of Hieroglyphs,Partl. Reversals, 1971, p. 113-115, suivipar D. Mrers, ALex 77.3130.
(25) Voir encore Diodore I, 52.(26) Voir, par exemple, A.B. Llovo, Herodotus Book II (Commentary 99-182)
(EPRO 43), 1988, p. 126-127, ou K.W. Burzen, Early Hydraulic Civilizationin Egypt,1976, p.36-37.
(27) Ibidem, p. 36, et LdAl,1975, col. 601.
39
Écvrrs pHARIoNIQUE
La véracité du témoignage d'Hérodote sur le Fayoum est totalement
rejetée par J. Yoyotte (28) et la remarque de l'auteur grec sur le cours de
l'eau plus particulièrement: <<Quant au prétendu mouvement des eaux du
Lac Moéris, coulant six mois dans un sens et six mois dans l'autre, ce
serait une objectivation naiïement naturaliste du rôle régulateur de laHoné qui recycle les eaux qui sourdent à Étéptrantine, s'en inonde elle-
même et les envoie sur le Delta.» Son étude souligne fort justement que
le texte d'Hérodote <<se comprendra mieux et retrouvera sa véritable por-
tée pour l'historien si on y reconnaît la transmission approximative
d'informations recueillies auprès des prêtres et qu'il a enrichies de rapides
observations et interrogations» (2e) et que le Livre du Fayoum fournirait
sans doute une clé pour le comprendre.
Admettre tout de même la réalité d'un reflux du courant dans le Bahr
Youssouf est sans doute hardi; mais Hérodote n'aurait-il pas dans ce cas
répété un renseignement foumi par les prêtres égyptiens qui se fonderaient
en partie sur une réalité observée par eux ou par leurs ancêtres? Le récit
du <<Paysan>> en serait un témoignage. Comme la date de composition de
ce texte se situe aux alentours du règne d'Amenemhat III, pharaon dont
l'æuvre a été importante au Fayoum et le souvenir fort, on se rend compte
de la place que pourrait tenir ce témoignage dans l'histoire de l'hydrolo-gie de cette région. Ou alors, faut-il chercher un autre sens à lntyt?
CoNcr-ustoNs
Dans les lignes qui précèdent, il n'y a pas de certitudes absolues, seu-
lement une impressionétayée sur quelques remarques convergentes. Refu-
ser la ,àélocalisation» du <<Paysan>>, c'est devoir expliquer la raison d'un
tel voyage pour ce marchand ambulant, imaginer une piste commerçante
entre Farafra ou Bahariya et le Ouadi Natroun, admettre une certaine acti-
vité de cette oasis au Moyen Empire, avec peut-être un culte d'Anubis. Ou
bien admettre que la fiction littéraire peut tout se permettre ...
Didier DBvlucsslls
(28) Revue de la Société Ernest-Renan n" 37 , 1'987-1988, p. 53-66.(29) Ibidem, p. 55.
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