FACULTE LATINO AMERICAINE DES SCIENCES SOCIALES
DIPLOME SUPERIEUR EN DROIT AUTOCHTONE ET RESSOURCES HIDROCARBURES
LE CONTEXTE JURIDIQUE
INTERNATIONAL DES DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES
Par Alexis Tiouka
QUITO, 30/03/2004
1
FACULTE LATINO AMERICAINE DES SCIENCES SOCIALES
DIPLOME SUPERIEUR EN DROIT AUTOCHTONE ET
RESSOURCES HIDROCARBURES
LE CONTEXTE JURIDIQUE
INTERNATIONAL DES DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES
Par Alexis Tiouka Quito (Equateur) – Année 2003/2004
Directrice de Thèse : Gina Chávez
QUITO, 30/03/2004
2
REMERCIEMENTS
A mes enfants, Maya, Paul, à ma famille et à mes proches sans lesquels je n’aurai pas pu
mener à bien ce projet et accomplir ce travail.
A la FOAG qui m’a accordée sa confiance et a cru que mes connaissances ajoutées à celles
acquises dans le cadre de cette formation universitaire seraient un atout pour nos besoins en
tant que peuples autochtones de Guyane.
Merci aussi à la COICA qui a pris l’initiative de la réalisation de ce projet et a réunit des
frères de différents pays amazoniens, rencontrant des problèmes similaires, et qui grâce aux
connaissances acquises pendant ces quelques mois pourront travailler en commun depuis
n’importe quelle région amazonienne.
A ma Directrice de thèse, Gina Chavès, pour tout son soutien dans la réalisation de ce travail.
A tous mes camarades, merci pour votre amitié, votre confiance et le soutien que vous avez
pu m’apporter quotidiennement dans des moments parfois difficiles afin de me donner le
courage de continuer, merci de votre implication dans chacun des moments vécus en commun
depuis mon arrivée en Equateur.
A tous les peuples autochtones de Guyane française dont je fais partie, a nos ancêtres qui ont
su poser des bases solides aux principes qui font de nous les peuples que nous sommes et de
la même manière, merci pour leur confiance en moi.
Enfin, de manière général, merci à toutes les personnes qui se reconnaîtront et qui, d’une
manière ou d’une autre, m’ont apporté leur soutien.
3
SOMMAIRE
Introduction
I. L’émergence de la question autochtone au niveau international 1.1. L’histoire autochtone au regard du droit international 1.2. L’entrée dans le système des Nations Unies
II. Peuples autochtones et droit international : présentation des institutions et analyse des
instruments juridiques 2.1. Les peuples autochtones et les Nations Unies 2.1.1. Les groupes de travail des Nations Unies : présentation et rôle 2.1.1.1.Le Groupe de travail sur les Peuples autochtones 2.1.1.2.Le Groupe de travail pour la création d’une instance permanente sur les questions
des Peuples autochtones 2.1.1.3.Le Groupe de travail sur le Projet de déclaration des Nations Unies sur les droits
des Peuples autochtones 2.1.2. Le projet de déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones 2.1.2.1.Présentation du projet de déclaration 2.1.2.2.Etat de la réflexion sur le projet de déclaration 2.2. Les peuples autochtones et l’OEA 2.2.1. Présentation de l’OEA 2.2.2. Les documents de l’OEA 2.3. Autres documents internationaux 2.3.1. Présentations de quelques documents 2.3.2. Les conventions de l’OIT 2.4. Les documents des Nations Unies et de l’OEA au regard de certains droits
fondamentaux des peuples autochtones 2.4.1. Droit à l’autodétermination 2.4.2. Droit à la terre et au territoire 2.4.3. Droit à un consentement libre et informé et à une pleine participation politique 2.5. La question du droit collectif
III. Le Canada et la France et les droits relatifs aux peuples autochtones 3.1. L’Etat canadien et le droit international autochtone 3.2. L’Etat français et le droit international autochtone au travers de la question des droits
collectifs
Conclusion
Bibliographie
4
LISTE DES ANNEXES Annexe 1: « Discours de Philippe Deer
Annexe 2 : « Projet de Declaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples
Autochtones »
Annexe 3 : « Proyecto de Declaracion Americana sobre los Derechos de los Pueblos
Indigenas »
Annexe 4 : « Convenio 169 sobre pueblos Indigenas y Tribales en Paises Independientes »
5
RESUME
Ce mémoire propose une description et une analyse de la question du droit des peuples
autochtones au regard du droit international en l’appliquant à – ou l’exemplifiant par - la
situation spécifique des Autochtones du Canada et de Guyane française, notamment sur la
question des droits collectifs.
Ce projet s'inscrit donc dans une problématique visant à analyser l’impact de la prise en
compte des peuples autochtones au niveau international sur leurs situations dans leurs Etats
respectifs, sur la reconnaissance de leurs droits et plus spécifiquement sur la reconnaissance
des droits collectifs ce qui sera au cœur de ce mémoire en tant que droits fondamentaux ayant
une incidence sur les divers autres droits des peuples autochtones.
Depuis ces 25 dernières années, les droits des peuples autochtones ont progressivement
occupé une place de plus en plus importante dans les débats sur les droits de l’homme au
niveau international ce qui a permis, en parallèle, une évolution notable en faveur de la
reconnaissance de ces droits. Trois institutions se sont particulièrement intéressées à cette
question : les Nations Unies, l’Organisation des Etats Américains et l’Organisation
Internationale du travail, et ont produit ou produisent des documents internationaux dans ce
domaine. Comme le rappelle Anaya (1996, pp.49-58), malgré de nombreuses objections,
nombreux sont les chercheurs qui considèrent que ces droits font aujourd’hui statut de loi
coutumière internationale. C’est pourquoi je me propose de rappeler ici les grandes lignes de
cette introduction de la question autochtone dans le droit international et l’état actuel de cette
question.
De cette problématique de départ découlent un certain nombre de questions auxquelles ce
mémoire se propose de répondre :
- comment deux modes de pensée (Autochtones/Européens) aussi différents peuvent-ils
contribuer à l’élaboration commune d’une solution juridique au niveau international ?
- le droit international peut-il être un moyen de résoudre les conflits opposant droits
nationaux et droits autochtones ?
- comment concilier des droits nationaux mettant en évidence une approche individuelle
du droit avec des droits coutumiers autochtones dont le caractère est avant tout
collectif ?
6
- quels sont les droits fondamentaux dans la question autochtone et pourquoi ces droits
sont fondamentaux pour les peuples autochtones ?
- quels sont les effets à ce jour de l’introduction de la question autochtone au niveau
international pour les peuples autochtones ?
Ces questions sont donc traitées sous trois angles, correspondant aux trois parties du
mémoire : dans un premier temps sont rappelées les différentes étapes de l’introduction de la
question autochtone au niveau international ; puis sont présentées les questions juridiques
fondamentales (droit à l’autodétermination, droit à la terre et droits collectifs) de la
problématique du droit autochtone au travers d’une présentation des différents outils
internationaux existants ; enfin, ces différentes questions sont exemplifiées au travers de deux
études de cas, celle du Canada et celle de la France afin de mettre en évidence l’importance
des politiques nationales dans le traitement de la question internationale.
7
INTRODUCTION
Depuis ces 25 dernières années, les droits des peuples autochtones ont progressivement
occupé une place de plus en plus importante dans les débats sur les droits de l’homme au
niveau international ce qui a permis, en parallèle, une évolution notable en faveur de la
reconnaissance de ces droits. Trois institutions se sont particulièrement intéressées à cette
question : les Nations Unies, l’Organisation des Etats Américains et l’Organisation
Internationale du travail, et ont produit ou produisent des documents internationaux dans ce
domaine. Comme le rappelle Anaya (1996, pp.49-58), malgré de nombreuses objections,
nombreux sont les chercheurs qui considèrent que ces droits font aujourd’hui statut de loi
coutumière internationale. C’est pourquoi je me propose de rappeler ici les grandes lignes de
cette introduction de la question autochtone dans le droit international et l’état actuel de cette
question.
Ce projet s'inscrit donc dans une problématique visant à analyser l’impact de la prise en
compte des peuples autochtones au niveau international sur leurs situations dans leurs Etats
respectifs, sur la reconnaissance de leurs droits et plus spécifiquement sur la reconnaissance
des droits collectifs ce qui sera au cœur de ce mémoire en tant que droits fondamentaux ayant
une incidence sur les divers autres droits des peuples autochtones.
Cette question est d’autant plus importante que nous approchons à grands pas de la fin de la
décennie des Nations Unies pour les Peuples autochtones et qu’il devient urgent d’établir un
constat le plus exhaustif possible des avancées dans le domaine du droit autochtone et des
instruments de reconnaissance de leurs droits.
De cette problématique de départ découlent un certain nombre de questions auxquelles ce
mémoire se propose de répondre :
comment deux modes de pensée (Autochtones/Européens) aussi différents peuvent-ils
contribuer à l’élaboration commune d’une solution juridique au niveau international?
le droit international peut-il être un moyen de résoudre les conflits opposant droits nationaux
et droits autochtones?
comment concilier des droits nationaux mettant en évidence une approche individuelle du
droit avec des droits coutumiers autochtones dont le caractère est avant tout collectif ?
quels sont les droits fondamentaux dans la question autochtone et pourquoi ces droits sont
fondamentaux pour les peuples autochtones?
8
quels sont les effets à ce jour de l’introduction de la question autochtone au niveau
international pour les peuples autochtones ?
Face à toutes ces questions, je pose ici l’hypothèse que trois options permettront d’aboutir à la
reconnaissance des droits des peuples autochtones :
et en premier lieu, un déplacement des préoccupations autochtones d’une revendication locale
vers une politisation et une approche juridique de la problématique autochtone ;
l’utilisation du droit international en tant que moyen de pression juridique et politique face
aux Etats et donc aux différents droits nationaux ;
et enfin, une forte implication des autochtones dans les instances internationales afin d’être
reconnus comme de véritable interlocuteurs par les Etats et d’avoir les connaissances
nécessaires pour lutter efficacement aux niveaux juridique et politique.
Sachant qu’afin de voir évoluer cette situation, il sera nécessaire de procéder à l’identification
des points communs des différents peuples autochtones du monde pour une représentativité
maximale des documents internationaux.
Les cas du Canada et de la France devraient ainsi permettre de mettre en évidence l’impact de
ces différentes hypothèses sur l’évolution de la situation autochtone dans ces deux pays.
Avant toute chose, il conviendra de rappeler et discuter les différentes tentatives de définition
du terme « peuples autochtones ». Comme nous le verrons ci-dessous, dans la première partie
du mémoire1, c’est à l’issue de trois conférences internationales organisées par l’ONU à
Genève qu’une définition provisoire de la notion de peuples autochtones a été proposée dans
un cadre juridique international. Cette définition à laquelle nous nous référerons dans le cadre
de ce mémoire émane du rapport de M. Martinez Cobo:
“ Par communautés, populations ou nations autochtones, il faut entendre celles qui, liées par
une continuité historique avec les sociétés antérieures à l’invasion et avec les sociétés
précoloniales qui se sont développées sur leurs territoires, se jugent distinctes des autres
éléments des sociétés qui dominent à présent sur leurs territoires ou parties de ces territoires.
Ce sont à présent des éléments non dominants de la société et elles sont déterminées à
conserver, développer et transmettre aux générations futures les territoires de leurs ancêtres
et leur identité ethnique qui constituent la base de la continuité de leur existence en tant que
1 Voir : « émergence de la question autochtone »
9
peuple, conformément à leurs propres modèles culturels, à leurs institutions sociales et à
leurs systèmes juridiques ”.2
On définit donc les autochtones sur la base de deux critères :
• L’histoire : l’antériorité d’occupation du territoire par ces peuples par rapport au reste de
la population qui y vit actuellement et une histoire marquée par la colonisation d’un
territoire et la minorisation progressive des peuples qui y vivaient à l’arrivée des premiers
colons.
• La situation actuelle : les peuples autochtones continuent à vivre dans la mesure du
possible selon un mode de vie traditionnel et ils sont dominés par un peuple qui cherche à
leur imposer un autre mode de vie et une autre organisation sociale et juridique.
Mais aucune définition ne permet d’appréhender toute la complexité de la situation des
autochtones du monde du fait de la diversité des situations qu’ils vivent que ce soit d’un pays
à l’autre et parfois même à l’intérieur d’un même pays.
L’autochtone se définit donc comme une personne qui appartient à une population par auto
identification (conscience du groupe) et qui est reconnue et acceptée par cette population en
tant que l’un de ses membres (acceptation par le groupe) ce qui laisse aux peuples
autochtones le droit de pouvoir décider « souverainement » quels sont leurs membres et ce
sans ingérence extérieure.
Cette définition qui présente certes une avancée notoire pose néanmoins quelques problèmes
avec en particulier le fait qu’elle n’inclut pas les autochtones vivant dans les pays
anciennement colonisés et la problématique de leur statut au départ des colons et après
l’indépendance politique (Afrique et Asie notamment). Par ailleurs, le terme de domination
n’est pas très clair, la définition fait-elle référence à un avantage numérique ou à la quantité de
personne?
D’après I. Schulte-Tenckhoff et T. Ansbach ce rapport présente en outre une définition
supplémentaire qui pose problème dans la mesure où elle est relative aux populations isolées
ou marginalisées « qui sans avoir subi la conquête ou la colonisation, sont
qualif iées d’autochtones dans la mesure où elles relèvent de groupes présents
sur le territoire au moment de l ’arr ivée de la population de culture ou
d’origine ethnique différente, sont isolées par rapport au reste de la société
et ont su préserver leurs cultures qui ressemblent à maints égards à celles
2 Etude du problème de la discrimination à l’encontre des populations autochtones, par J. Martínez Cobo, Rapporteur spécial, vol. 5: “ Conclusions, propositions et recommandations ” (New York: Nations Unies, 1987, n° de vente F.86.XIV.3), paragraphe 379.
10
des peuples autochtones, tout en étant incorporées dans une structure
étatique qui leur est foncièrement étrangère. »
L’on pourra aussi se référer à la définition proposée par l’O.I.T., dont nous traiterons au
travers de la présentation de ses différentes conventions qui ont un impact important sur
l’évolution de la question autochtone au niveau international.
Après avoir rappelé les conditions historiques de la naissance du débat sur l’autochtonie et
l’émergence qui en a suivi de la question autochtone au niveau international, j’évoquerai la
situation des peuples autochtones du monde au regard du droit international et, enfin, je
terminerai par une analyse de certains des thèmes fondamentaux liés à la question du droit des
peuples autochtones au travers de la description et de l’analyse des cas du Canada et de la
France.
11
L’émergence de la question autochtone au niveau international
1.1.L’histoire autochtone au regard du droit international
Comme nous le verrons ci-dessous, la simple acceptation du fait que la question autochtone
relève du droit international a mis bien longtemps à voir le jour. En effet, les autochtones en
tant que minorités trouvent difficilement leur place dans un système internationalisé des droits
de l’homme produit par la raison occidentale à prétention universalisante.
L’histoire de l’émergence de la question autochtone est donc longue et nous essaierons d’en
retracer ici les grandes lignes avant de nous intéresser plus spécifiquement à son introduction
aux Nations Unies et donc au niveau international.
Rappelons néanmoins avant tout que nous observons historiquement parlant trois génération
du droit de l’homme qui peuvent être mises en relation avec la question du droit autochtone :
1) Une première génération concernant les droits civils et politiques et exprimant les
questions de l’intégrité physique, de la liberté individuelle et de la participation de
l’individu dans la vie politique. C’est sur ce point que s’appuient les Etats dans leur
opposition à la reconnaissance de la notion de « peuple » et de « droits collectifs ».
2) Une deuxième génération qui cette fois-ci exprime les droits économiques, sociaux et
culturels et organise de ce fait les réponses au droit collectif.
3) Et enfin, une troisième génération qui s’inspire des pays en voie de développement et
développe la notion de « peuples » au pluriel.
Ce sont des deux dernières étapes de cette histoire qu’a pu émerger la question autochtone
avec un point d’appui dans la deuxième génération pour la reconnaissance des droits collectifs
et dans la troisième pour la notion de « peuples » qui permet de contredire la perception
classique des droits de l’homme (première génération) qui mettait l’accent sur le droit
individuel.
L’histoire du contact entre occidentaux et autochtones est une histoire parsemée
d’incompréhensions, de période de reconnaissance et de temps troublés où ces derniers furent
considérés comme des sauvages n’ayant le bénéfice d’aucun droit.
Les premiers temps de la colonisation de l’Amérique en sont un bon exemple. Ainsi, la
première rencontre entre l’Europe et les Autochtones des Amériques s’effectue sous le signe
de relations commerciales entre colons et habitants des terres colonisés dont Christophe
Colomb dira qu’il ne peut y avoir de gens meilleurs ni plus paisibles.
12
Mais, très rapidement, ces autochtones irréprochables deviennent des « barbares » décrits par
Fray Benito de Penalosa Y Mondragon comme des êtres « d’une barbarie et d’une capacité
telle que jamais on n’aurait imaginé que tant d’idiotie pu être contenue dans l’image
humaine ». Cette attitude envers les autochtones va conduire à une histoire dont il n’est pas
besoin de rappeler ici toute l’horreur et dont massacre, appropriation des terres et tentatives
d’esclavage sont les maîtres mots. D’aucuns se justifieront en citant Aristote qui admet le
caractère naturel de l’esclavage et Saint Thomas d’Aquin selon qui « les hommes dépourvus
de raison ne doivent être employés qu’à des travaux serviles puisque privés de raison ils ne
peuvent faire autre chose, leur esclavage est naturellement juste. »
C’est ainsi que dans cette histoire du contact entre autochtone et occidentaux, différents
arguments seront successivement mis en avant pour justifier les génocides et ethnocides :
- la théologie et la nécessité sociale s’appuyant sur Saint Thomas d’Aquin avec,
notamment, Jean Bodin (1530-1596) dont la doctrine basée sur la théologie légitime le
droit à la spoliation des territoires conquis ;
- la théorie relative à l’incompétence des races indigènes qui veut que les peuples
« barbares », « sauvages » peuvent être légitimement spoliés simplement parce qu’ils
offensent Dieu avec par exemple Juan Gines de Spulveda qui écrit à leur propos
« qu’ils sont dignes d’être dépouillés de leurs biens par les chrétiens, par le droit
public, à cause des abus commis et de l’industrie avec laquelle ils enfreignent la loi
divine et naturelle ».
Les premiers à avoir véritablement posé le problème de la place des peuples autochtones en ce
qui concerne la reconnaissance de leurs droits furent les théoriciens de la doctrine naturaliste3.
Ces théoriciens se sont ainsi, à leur époque, élevés contre l’utilisation et l’exploitation des
terres et des ressources des Autochtones d’Amérique par les Espagnols qui justifiaient leurs
doctrines de conquête et de découverte en s’appuyant sur l’autorité papale. C’est donc à partir
de leurs travaux que fut déterminé pour la première fois le statut juridique des autochtones en
droit international.
Ce statut se fondait d’après leurs textes sur le principe d’égalité entre tous les êtres humains,
la conséquence étant que les peuples autochtones avaient de fait des droits identiques à ceux
des colons et des Etats colonisateurs. On notera que d’après eux, les collectivités autochtones
devaient être considérées comme des entités souveraines à l’instar des Etats européens. Ainsi,
3 Voir : Gentillis (1877), Barbier & De Vittoria (1966) et Grotius (1853).
13
Vitoria affirmera que les autochtones des Amériques ont des structures politiques et des règles
de vie en société naturelle.
Cette approche de la question autochtone constitue les prémices d’un mouvement de
protection de ces peuples qui va de la controverse de Valladolid à la mise en place de traités
avec les peuples autochtones.
Un débat opposera ainsi dans le couvent de Valladolid, à la demande de Charles Quint,
Sepulveda et las Casas pour déterminer si oui ou non les autochtones des Amériques sont des
êtres inférieurs. Sepulveda s’appuiera sur Saint Thomas et sur Aristote pour démontrer leur
infériorité, arguments auxquels Las Casas répondra en accusant Sepulveda de détourner la
pensée d’Aristote qui s’adresse aux infidèles et non pas à ceux qui ont toujours vécu dans
l’ignorance de l’évangile. Las Casas parviendra à trouver des failles dans le raisonnement de
son opposant en évoquant le message du Christ : « tu aimeras ton prochain comme toi-
même » et en mettant à remettant en question les thèses d’Aristote.
De cette controverse va naître peu à peu l’idée d’une législation protectrice organisée sous la
forme d’une tutelle. Ainsi, le Pape Paul III reconnaît par écrit en 1537 que « les Indiens sont
des êtres humains et ont la capacité pour être évangélisés. Ils ne doivent pas être privés de
liberté ou de la propriété sur leurs biens » tandis que Felipe II, Roi du Portugal déclare en
1582 que les autochtones sont des personnes malheureuses et facilement opprimables et qu’ils
doivent bénéficier de ce fait de mesures de protection.
Tandis que les Européens continuent de débattre sur l’Amérique du Sud, en Amérique du
Nord, on voit apparaître des traités conclus entre puissances coloniales et autochtones. Il en
sera aussi ainsi en Afrique mais bien plus tard. Ces traités étaient le plus souvent
désavantageux pour les nations autochtones4.
C’est à partir de la fin du 19e siècle, la doctrine naturaliste fut supplantée par la doctrine
positiviste5 qui allait totalement à l’encontre des principes énoncés ci-dessus. L’affirmation de
base de cette nouvelle doctrine était le déni de la détention de droits spécifiques par les
autochtones. C’est sur la base de cette doctrine que fut justifiée, entre autres, le non recours
par les Etats colonisateurs à des traités de cession de territoires en vue de l’appropriation des
4 Ainsi du traité entre Etats-Unis et Cherokee qui laisse deux choix à ces derniers : accepter le
morcellement de leurs terres, accéder à la citoyenneté ou se déplacer vers l’Ouest pour continuer à vivre selon leurs propres modes de vie.
5 Voir : Field D.D. (1879), Lawrence (1923), Westlake (1910).
14
terres des autochtones mais aussi la disqualification ou encore, dans certains cas,
l’inapplication de tels traités signés au cours des siècles précédents6.
Au début du XXe siècle, la majorité des juristes de droit international estimait que les peuples
indigènes n’avaient pas de statut ou de droit dans le cadre du droit international. Ce n’est que
bien plus tard dans les années 1960-70, grâce entre autres à l’évolution du traitement de la
discrimination que cette doctrine et son application par les Etats fut dénoncée. Cette évolution
est datée au niveau de l’histoire du droit international de 1969 avec l’entrée en vigueur de la
Convention internationale sur l’élimination de toute forme de discrimination raciale7 et le
Projet de déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples autochtones poursuit dans
cette voie en énonçant dans le troisième alinéa du Préambule que « toutes les doctrines
politiques et pratiques qui invoquent ou prônent la supériorité de peuples ou d’individus en se
fondant sur des différences d’ordre national, racial, religieux, ethnique ou culturel sont
racistes, scientifiquement fausses, juridiquement sans valeur, moralement condamnables et
socialement injustes ».
1.2.L’entrée dans le système des Nations Unies
L’histoire de l’émergence de la question autochtone aux Nations Unies commence dans la
première moitié du 19e siècle, plus précisément en 1923, avec la venue du Chef iroquois
Deskadeh à Genève et sa demande d’une reconnaissance par la Société des Nations de son
peuple en tant que nation souveraine dans un document intitulé : « Le Peau Rouge demande
justice ». En 1945, la Société des Nations prend le nom de Nations Unies et dès lors, pendant
plus d’une vingtaine d’années, les représentants des peuples autochtones réitèrent des appels
auprès de cette organisation sans véritablement susciter de réaction de sa part.
Ce n’est que progressivement, à partir des années 70, que la question autochtone devient une
véritable problématique au niveau international. L’année 1970 a ainsi marqué un tournant
important lorsque la Sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la
protection des minorités a recommandé et obtenu l’autorisation du Conseil Economique et
Social, via la Commission des droits de l’homme, de procéder à une étude générale et
complète du problème de la discrimination à l’encontre des populations autochtones.
6 Voir : l’Arrêt de la Cour permanente d’arbitrage international du 4 avril 1928 concernant l’Ile de Palmas dans la Revue Internationale du Droit International Public, 1935, pp.156-202.
15
Cette idée émane d’une étude d’experts sur la question de la discrimination raciale remise en
1969 qui concluait que la question de la discrimination envers les peuples autochtones n’avait
pas jusqu’à présent été traité de manière concluante et méritait de ce fait une attention
particulière. La conséquence fut l’autorisation de la mise en place de l’étude de Cobo.
En 1971, la Sous-commission désigne donc un de ses membres, M. José R. Martinez Cobo,
un Equatorien, en tant que Rapporteur spécial chargé d’effectuer cette étude qui devait
proposer des mesures nationales et internationales à adopter pour éliminer la discrimination
contre les peuples autochtones. Les résultats des travaux de Martinez Cobo seront remis sous
la forme d’un rapport intitulé : « Etude du problème de la discrimination à l’encontre des
populations autochtones » dans lequel on trouve la définition de base de l’expression peuple
ou population autochtone déjà citée ci-dessus.
Ce rapport remis présenté à la Sous-commission en 1984 présente ainsi certains des principes
fondamentaux de la réflexion sur la question autochtone :
- affirmation du fait que les populations autochtones ont le droit naturel et inaliénable
de conserver les territoires qu’elles possèdent et de revendiquer les terres dont elles
ont été spoliées ;
- et, par conséquent, affirmation du droit au patrimoine naturel et culturel que comporte
le territoire en question et du fait que c’est à ces populations qu’appartient le droit de
décider librement de l’utilisation et de l’exploitation de ce territoire.
D’un point de vue politique, le rapport estime que « l’autodétermination […] est un préalable
essentiel de toute possibilité pour les populations autochtones de jouir de leurs droits
fondamentaux, de déterminer leur avenir et de préserver, développer et transmettre aux
générations futures leur spécificité ethnique. Les populations autochtones ont droit à
l’autodétermination qui leur permette de poursuivre une existence digne et conforme à leur
droit historique de peuples libres. »
Il recommande :
- que soit entreprise une étude spéciale sur les populations autochtones d’Afrique
absentes du rapport ;
- que la convention n°107 de l’OIT soit révisée et que l’accent y soit mis sur l’ethno
développement, l’autonomie et l’autodétermination plutôt que sur l’intégration et la
protection ;
7 Texte de la convention dans : Résolution 2106 A (XX) du 21 décembre 1965 de l’Assemblée Générale des Nations Unies.
16
- qu’il soit procédé à une étude conclue entre Etats et Nations autochtones dans les
diverses régions du monde en examinant leur situation actuelle, le respect ou le non-
respect des dispositions et les conséquences qui en résultent pour les nations
autochtones ;
- que soit formulée une déclaration des droits et libertés des populations autochtones qui
pourrait éventuellement déboucher sur une convention ;
- que l’Assemblée générale des Nations Unies proclame l’année 1992 « année
internationale des populations autochtones ».
De ce rapport découle donc un grand nombre d’avancées dans la question autochtone au
niveau international, elle est entre autres à l’origine du groupe de travail sur les populations
autochtones par le Conseil économique et social en 1982 pour lequel on notera que les
peuples autochtones y ont accès.
Par la suite, trois conférences internationales, toutes organisées à Genève et datant
respectivement de 1977, 1978 et 1981, renforcent l’introduction de la question autochtone et
plus particulièrement du droit des peuples autochtones au niveau international.
Cette période des années 70 représente donc réellement une période de grandes avancées du
point de vue de la reconnaissance des droits des peuples autochtones. Ainsi, dans les années
1975, l’Amérique du Nord met en place une politique plus favorable à la reconnaissance des
droits autochtones qui remplace celle des années 60 nettement plus assimilationniste : en 1975
les Etats-Unis reconnaissent aux communautés autochtones le droit à l’autodétermination
dans les limites de leur statut de nation domestique dépendante dans le cadre de « l’Indian
Self Determination and Educational Act » ; de même, en 1974, au Canada, l’Etat crée un
bureau des revendications autochtones. Enfin, en Europe, notons le rôle majeur joué par les
pays scandinaves notamment en faveur des Saamis.
Une date incontournable reste dans ce contexte le 20 septembre 1977, lorsqu’un groupe de
250 représentants autochtones du continent américain (nord, centre et sud) investissent les
Nations Unies à Genève et plus particulièrement du discours de Philippe Deer (Muskogee-
Creek) prononcé lors de la Conférence des Nations Unies sur la discrimination des peuples
autochtones des Amériques. Dans ce discours8 Philippe Deer rappelle, entre autres, le lien
8 Annexe 1
17
particulier unissant les autochtones à la terre, à la nature et le rôle que celle-ci joue dans
l’organisation sociale de ces peuples :
« Nous avons dû regarder tout autour de nous et scruter la Création, il nous a fallu observer
la Nature. Il nous a fallu prendre modèle sur la Nature .Toute notre civilisation a été bâtie
sur l’observation de celle-ci . Elle a été notre maître dès le début . C’est alors que nous
avons fondé notre religion . C’set alors que nous avons structuré notre mode de vie .
C’est également sur l’étude de la nature que nous avons organisé notre Gouvernement . »
Mais il évoque aussi l’arrivée des colons et les conséquences historiques de l’annexion de
leurs territoires, ainsi que le fait que malgré toutes les tentatives des européens pour les
détruire, les peuples autochtones ont malgré tout réussi à conserver les fondements de leur
culture.
Cette conférence de 1977 est l’occasion pour les autochtones de ce continent de réclamer leur
droit à être reconnus comme peuples et non plus comme minorité ethnique. Ils en profitent
aussi pour demander la modification de la convention n°107 de l’OIT.
Dès le départ, les relations entre ces autochtones et les représentants des Nations Unies se font
sous le signe de l’incompréhension, incompréhension de ces fonctionnaires face à des
hommes et des femmes vêtus de leurs habits traditionnels dont ils se demandent ce qu’ils
peuvent bien vouloir. L’histoire de la reconnaissance de ces peuples est ainsi ponctuée de tels
événements et de cette incompréhension qui marquera pendant longtemps les relations des
autochtones au monde occidental, les premiers cherchant à échapper à une vision réductrice,
folklorisante de leurs revendications et de leur mode de vie et les seconds, pleins d’a priori et
de représentations erronées, ne parvenant pas vraiment à les prendre réellement au sérieux.
En 1977, toutefois, même si les peuples autochtones d’Amérique ne furent pas tout d’abord
pris réellement au sérieux, ils étaient là dans le cadre d’une rencontre internationale dont le
thème était la « discrimination à l’encontre des populations autochtones dans les Amériques ».
Il ne s’agissait donc pas là d’une simple demande, comme lors de la visite de 1923, mais bien
d’une représentation, et pas des moindres puisqu’une centaine de représentants de peuples
autochtones participaient à cette conférence.
Cette date est d’autant plus importante qu’elle aboutit à la rédaction d’une « déclaration de
principes pour la défense des nations et peuples autochtones de l’hémisphère occidental »
dont on notera qu’elle contient déjà toutes les grandes questions qui animeront par la suite la
18
plupart des débats sur la question autochtone, comme le fait justement remarquer I. Schulte-
Tenckhoff (1997) :
- Le droit à l’autodétermination avec les principes de survie de ces peuples en tant que
nations à part entière (toute nation ayant droit à une population stable, un territoire
défini, un gouvernement et la capacité à entretenir des relations avec les autres états) et
d’existence d’une personnalité juridique internationale propre au peuples autochtones
(problèmes des traités).
- Le droit à la terre et au territoire avec la question des territoires ancestraux dont on a
chassé les peuples autochtones.
- Et enfin le droit au patrimoine et la propriété intellectuelle avec la question de la
protection de l’environnement et de l’intégrité culturelle des peuples autochtones.
Enfin, c’est dans ce cadre que sera créé le premier groupe de travail de l’ONU qui s’occupera
spécifiquement des populations autochtones.
Le contexte dans lequel s’inscrit cette première conférence est avant tout celui d’une politique
d’assimilation adoptée de manière quasi unilatérale par les différents états où vivent des
peuples autochtones, suivant ainsi la tendance dénoncée par Adi S. Allberger à « réléguer à
l’arrière plan les minorités notamment celles ethnoculturelles, par le biais de la politique
d’assimilation camouflée sous des dehors humanistes. »
Que celle-ci se fasse par le biais d’institutions scolaires ou religieuses. Les langues, la religion
et les pratiques culturelles étaient découragées, voire prohibées et l’assimilation aux valeurs
de la société dominante était souvent posée comme une condition de la participation à la vie
politique nationale.
L’année suivante, en 1978, se tient à Genève la Conférence sur « la lutte contre le racisme et
la discrimination raciale » dont la déclaration finale rappelle « le droit des peuples indigènes
de conserver leurs structures traditionnelles économiques et culturelles, y compris leur
propre langue » et reconnaît la relation spécifique des peuples autochtones à leurs terres en
insistant pour que les droits territoriaux de ceux-ci soient respectés.
Enfin, quatre ans plus tard, du 15 au 18 décembre 1981, se tient une nouvelle rencontre du
même genre : « La conférence internationale d’ONG sur les peuples autochtones et la terre ».
Cette fois, plus de 130 délégués autochtones participent à la conférence et on trouve pour la
première fois des autochtones venant ailleurs que des Amériques (autochtones de Norvège et
19
d’Australie notamment). La question autochtone devient une question mondiale. C’est à la
suite de cette conférence que sera proposée la création d’un groupe de travail permanent sur
les peuples autochtones.
Ces deux conférences sont les préliminaires de la véritable percée de la cause autochtone à
l’ONU. Elles ont permis la création en 1982 d’un Groupe de travail des peuples autochtones
dans le cadre de la sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la
protection des minorités.
Après cette période, les peuples autochtones ont peu à peu pris une place importante sur la
scène internationale jusqu’à l’adoption par le Groupe de travail sur les peuples autochtones en
1993 du projet de déclaration des droits des peuples autochtones et l’avènement de la
décennie internationale des populations autochtones de 1995 à 2004, date à laquelle la
déclaration devrait être définitivement adoptée par l’assemblée générale de l’ONU.
La décennie internationale des peuples autochtones trouve son origine en 1993 dans la
Conférence de Vienne sur les droits de l’homme à l’issue de laquelle il fut décidée de mettre
en place un programme dont l’objectif serait de mettre en évidence au niveau mondial la
problématique autochtone, mais aussi de mettre les Etats face à leurs responsabilités vis-à-vis
des autochtones.
La fin de l'année 2004 marquera donc une étape essentielle dans l'histoire de la
reconnaissance des droits autochtones.
20
II. Peuples autochtones et droit international : présentation des institutions et analyse des
instruments juridiques
Nous traiterons dans cette partie des différents instruments juridiques internationaux
concernant les droits des peuples autochtones. Après avoir décrits ces différents instruments,
nous en proposerons une analyse au travers de quelques-uns des droits fondamentaux des
peuples autochtones et terminerons par une analyse plus particulière de la question de droits
collectifs.
2.1.Les peuples autochtones et les Nations Unies
2.1.1. Les groupes de travail des Nations Unies : présentation et rôle
Trois instances à objectifs spécifiques traitent de la question autochtone aux Nations Unies :
- le Groupe de travail sur les peuples autochtones ;
- le Groupe de travail pour la création d’une instance permanent sur les questions des
peuples autochtones ;
- le Groupe de travail sur le Projet de déclaration des Nations Unies sur les droits des
peuples autochtones.
2.1.1.1.Le Groupe de travail sur les peuples9 autochtones ;
Ce groupe de travail, organe subsidiaire de la Sous-commission constitué en 1982 est chargé
de passer en revue les faits nouveaux concernant la promotion et la protection des droits de
l’homme et des libertés fondamentales des peuples autochtones mais aussi d’accorder une
attention particulière à l’évolution des normes relatives aux droits de ces peuples. Les
représentants débattent ainsi pendant une semaine – celle précédant la session annuelle de la
Sous-commission - des droits des peuples autochtones au niveau international et examinent
les problèmes et la situation de ces peuples dans le monde entier. Il est composé par 5 experts
indépendants membres de la sous-commission et nommés par les gouvernements qui ont
élaboré le projet de déclaration ratifié par la Sous commission et à partir duquel travaille le
groupe de travail de la Commission. Il est donc ouvert à toutes les parties intéressées :
9 La Sous-Commission a remplacé le terme initial de « populations autochtones » par l’expression
« peuples autochtones » en 1988.
21
représentants des gouvernements, d’institutions spécialisées, d’autres organes de l’ONU,
d’organisations internationales et intergouvernementales régionales, d’organisation non
gouvernementales et des peuples autochtones eux-mêmes.
La participation autochtone à ce groupe de travail est massive avec 400 participants dès 1982
représentants des autochtones d’Australie, d’Inde, du Sud-est Asiatique et des Philippines
entre autres. Les autochtones d’Afrique feront leur apparition en 1989 avec la participation
d’un Massaï de Tanzanie.
Dès le départ, ce groupe de travail a accordé un grand intérêt à la seconde partie de son
mandat concernant l’évolution des normes internationales sur les droits des peuples
autochtones. En 1985, il décide donc de donner la priorité à l’élaboration d’un projet de
déclaration sur les droits des peuples autochtones.
2.1.1.2.le Groupe de travail pour la création d’une instance permanente sur les
questions des peuples autochtones ;
La création de ce groupe de travail visait à la mise en place d’une instance permanente
intégrant le Conseil Economique et Social et qui avait pour objectif de débattre des droits de
l’homme en relation avec la question des droits autochtones. Il n’existe plus aujourd’hui.
La première période de réunion du Forum permanent a eu lieu en 2001. Il est composé
d’experts indépendants autochtones choisis en partie par les gouvernements et en partie par
les Peuples autochtones.
2.1.1.3.le Groupe de travail sur le Projet de déclaration des Nations Unies sur les
droits des peuples autochtones.
Enfin, ce dernier groupe de travail, se réunissant généralement durant 15 jours au mois
d’octobre a pour objectif de débattre du projet de déclaration. Huit sessions se sont déjà
déroulées10 avec une opposition croissante entre les Etats et les représentants des
organisations autochtones dont l’issue a été, lors de la 8e session une situation de blocage :
- les autochtones refusant la modification des articles initiaux ;
- un certain nombre d’Etats ne voulant reconnaître les autochtones que sur un plan
individuel et donc leur refusant toute valeur collective.
10 Nous traiterons de la 9e ci-dessous afin de décrire plus précisément la situation actuelle.
22
Mais aussi une incompréhension fondamentale, liée à la première, avec d’un côté les Etats qui
refusent de reconnaître le lien entre un peuple et son territoire et de l’autre les autochtones qui
conçoivent cette relation comme fondamentale à leur existence en tant que peuple.
2.1.2. Le projet de déclaration des Nations Unies sur les droits des Peuples
autochtones
Ce projet de déclaration qui s’inspire très largement des recommandations de Martinez Cobo
ainsi que des travaux du groupe de travail sur les peuples autochtones a posé de nombreux
problèmes lors de sa rédaction essentiellement du fait de la définition de la notion de
« peuples autochtones » et du fait que les autochtones ne voulaient plus être considérés
comme des minorités ethniques ou même comme des populations mais bien comme des
peuples.
Il fallut de nombreuses années (1985-1993) pour pouvoir aboutir à un accord sur toutes les
questions posées par ce texte. On trouve dans de nombreuses déclarations ou documents des
incitations pour que le Groupe de travail termine le texte pour 1993 :
- l’Assemblée générale en 1992 ;
- la Commission des droits de l’homme en mars 1993 ;
- la Conférence mondiale sur les droits de l’homme ;
- la Déclaration et programme d’action de Vienne en juin 1993.
Finalement, le groupe de travail a terminé la préparation en 1993 et a adopté le projet de
déclaration sur les droits des peuples autochtones.
Dès le départ autochtones et Etats se sont opposés sur ce point dans la mesure où les
représentants des Etats refusaient – et refusent encore pour certains – l’insertion du terme
« peuples » dans le projet dans la mesure où selon la Charte des droits de l’homme l’emploi
de ce terme impliquait de fait le droit à l’autodétermination. Finalement, en 1987, c’est la
position autochtone qui a prévalu.
Ainsi, dès sa première ébauche le projet de déclaration a fait l’objet d’âpres commentaires de
part et d’autre. Les ONG autochtones ont ainsi demandé que les droits collectifs soient plus
affirmés, que les droits territoriaux s’appliquent aussi aux ressources du sous-sol et que leur
droit à l’autodétermination soit reconnu.
Ce projet a donc été présenté en 1987 et révisé en 1989, 1990 et 1993. Après ces neuf années
de travaux préparatoires il a finalement été déposé en avril 1994 par le groupe de travail sur
23
les populations autochtones devant la sous-commission pour la lutte contre les mesures
discriminatoires et la protection des minorités du Conseil économique et social.
Le projet de déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones représente
pour ceux-ci la possibilité de bénéficier d’un document qui pourrait avoir une valeur
équivalente à celle de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. Les effets
qu’ils en attendent sont nombreux :
3. le droit d’exister en tant que peuple ;
4. le droit de lutter contre toutes les formes de discrimination ;
5. le droit de défendre leurs modes de vie ;
6. le droit de vivre sur leurs territoires ancestraux.
L’objectif final de ce document est bien entendu qu’il constitue un document politique sur
lequel les autochtones du monde pourront s’appuyer pour faire valoir leurs droits. Il est même
considéré par certains comme faisant partie du droit coutumier international (au Canada, par
exemple) sachant que pour obtenir un véritable instrument juridique faisant force de loi, il
faudra que soit ratifiée une convention internationale.
Après avoir présenté le contenu de ce projet de déclaration, je tâcherai donc de faire le point
sur l’état des discussions sur un projet qui comme le remarque Bellier (2003 : 1) constitue
« un dossier qui s’enlise depuis neuf ans dans des querelles juridiques ».
2.1.2.1.Présentation du projet de déclaration
Dès la première partie du projet de déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples
autochtones, il est stipulé que ce document s’appuiera sur la déclaration universelle des droits
de l’homme et donc, de manière implicite que les droits des peuples autochtones ne peuvent
aller à l’encontre des droits de l’homme :
« Les peuples autochtones ont le droit de jouir pleinement et effectivement de l'ensemble des
droits de l'homme et des libertés fondamentales reconnus par la Charte des Nations Unies, la
Déclaration universelle des droits de l'homme et le droit international relatif aux droits de
l'homme. » (ONU,1)
L’objet de la deuxième partie est essentiellement la question du génocide. Les auteurs y
traitent également des dispositions concernant la protection des peuples autochtones contre le
recrutement militaire forcé et les conflits armés.
24
La troisième partie, quant à elle, traite de trois points :
3. la protection de l’identité culturelle ;
4. la protection de l’identité religieuse ;
5. et, la protection de l’identité linguistique.
Cette partie s’appuyant de ce fait sur l’article 27 du Pacte international relatif aux droits civils
et politiques.
La quatrième partie traite du droit à l’éducation, à l’information et à l’emploi.
La cinquième partie des droits économiques, sociaux et culturels.
La sixième partie du droit à la terre, aux territoires et aux ressources.
La septième partie de la question des institutions autochtones.
Et enfin, la huitième partie présente de manière plus explicite les modalités de mise en
application du projet de déclaration.
On observe donc dans le projet de déclaration des thèmes semblables à ceux qui sont traités
dans deux autres documents internationaux :
• La convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination
raciale
• La charte africaine des droits de l’homme et des peuples.
Néanmoins, il apparaît que l’un des principes fondateurs de la déclaration est celui du droit à
l’autodétermination qui est traité dans l’article 3, un principe qui valide tous les autres droits
des peuples autochtones.
« Les peuples autochtones ont le droit de disposer d’eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils
déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement
économique, social et culturel »
En plus d’être un élément majeur de ce projet de déclaration, c’est aussi celui qui suscite le
plus de débats et qui est le plus controversé. En effet, nombreux sont les Etats qui craignent
les implications de cet article. Les arguments évoqués par les gouvernements qui s’opposent à
cet article sont tous liés au fait que selon eux la reconnaissance du droit à l’autodétermination
risque de mettre en danger l’Etat lui-même. D’autre se disent prêts à l’accepter à condition
que son application soit limitée à des formes d’autonomie interne ce qui permettrait de ne pas
mettre en péril l’intégrité des états.
25
L’autre terme du débat porte sur le droit à la terre, au territoire et aux ressources. Encore une
fois, les Etats y voient une atteinte au maintien de leur souveraineté sur le territoire national.
Pourtant, ce qui apparaît le plus importants pour les autochtones n’est pas forcément la
« récupération » de leurs terres – quoiqu’elle soit essentielle à leurs yeux -, mais plutôt le fait
de défendre une conception spécifique de la terre et de l’environnement en général.
On notera, sur ce point, que dès le début de leurs relations avec les instances internationales
aux Nations Unies les autochtones ont mis en avant l’importance de ce lien entre les
autochtones et la terre (voir le discours de Philippe Deer cité dans l’introduction).
Par ailleurs, la question du droit à la terre pose des problèmes spécifiques liés à la diversité
des situations autochtones. En effet, si ceux-ci bénéficient dans certains cas d’une forme de
reconnaissance. Il existe de nombreux pays où les autochtones, malgré le fait que l’on ne
puisse nier leur occupation des territoires depuis des temps immémoriaux, n’ont pas la
possibilité de posséder officiellement leurs terres et encore moins à titre collectif.
C’est peut être dans le domaine du droit aux ressources qu’il y a le plus de reconnaissance par
les Etats étant donné que l’on admet de plus en plus aujourd’hui la valeur des systèmes de
développement durable des autochtones du monde.
A titre d’exemple, citons les critiques au début de l’expansion européenne envers les pratiques
agricoles (culture sur brûlis) des autochtones d’Amazonie et toutes les tentatives de
modification de ces pratiques. Or, actuellement, nombreux sont ceux qui dans le monde
réalisent que l’agriculture intensive telle qu’elle a été pratiquée par les occidentaux ne
convient aucunement à ces milieux naturels. La conséquence en est une revalorisation des
techniques des peuples autochtones qui ont su exploiter de manière productive les
écosystèmes de la forêt tropicale sans les épuiser irréversiblement.
On trouve une reconnaissance de ces connaissances dans le domaine de la gestion des
ressources dans l’article 26 :
« Les peuples autochtones ont le droit de posséder, de mettre en valeur, de gérer et d'utiliser
leurs terres et territoires, c'est-à-dire l'ensemble de leur environnement comprenant les
terres, l'air, les eaux, fluviales et côtières, la banquise, la flore, la faune et les autres
ressources qu'ils possèdent ou qu'ils occupent ou exploitent traditionnellement. Ils ont
notamment droit à la pleine reconnaissance de leurs lois, traditions et coutumes, de leur
régime foncier et des institutions chargées d'exploiter et de gérer leurs ressources, ainsi qu'à
des mesures de protection efficaces de la part des Etats contre toute ingérence ou toute
aliénation ou limitation de ces droits ou tout obstacle à leur exercice. »
26
Enfin, un dernier thème qui ne saurait être mis de côté est celui de la propriété intellectuelle et
culturelle traité dans l’article 29 :
« Les peuples autochtones ont droit à ce que la pleine propriété de leur biens culturels et
intellectuels leur soit reconnue ainsi que le droit d'en assurer le contrôle et la protection.
Les peuples autochtones ont droit à des mesures spéciales destinées à leur permettre de
contrôler, de développer et de protéger leurs sciences, leurs techniques et les manifestations
de leur culture, y compris leurs ressources humaines et autres ressources génétiques, leurs
semences, leur pharmacopée, leur connaissance des propriétés de la faune et de la flore,
leurs traditions orales, leur littérature, leurs dessins et modèles, leurs arts visuels et leurs arts
du spectacle. »
Concernant cette question, on notera qu’elle a fait l’objet d’un rapport datant de 1993 suite à
une étude menée par Erica Daes : Etude sur la protection de la propriété intellectuelle et
culturelle des peuples autochtones. Cette étude a permis l’émergence d’un certains nombre de
principe autour de la thématique du « patrimoine » des peuples autochtones qui concerne
essentiellement deux problématiques :
• Les empiètements sur les sites sacrés ;
• Le vol de restes humains et de biens culturels ou religieux ainsi que l’appropriation de la
flore et de la faune et de leurs savoirs traditionnels notamment par les grandes compagnies
pharmaceutiques.
2.1.2.2.Etat de la réflexion sur le projet de déclaration
On approche actuellement de la fin de la décennie internationale, et la dernière rencontre date
de septembre 2003, du 13 au 26 pour être exact, pour la neuvième session du groupe de
travail intersession à composition non limité de la Commission des droits de l’homme des
Nations Unies.
En cette fin d’année 2003, les discussions étaient âpres car la fin des travaux est proche et que
les négociations doivent aboutir faute de quoi cette décennie n’aura été qu’une suite de
discussions sans fin et d’incompréhensions entre juristes, représentants des Etats et
représentants autochtones.
Ainsi, neuf ans après le début de ces négociations, sur 45 articles, seuls deux ont été adoptés
sans modification depuis 1995 : ceux concernant des droits individuels. De plus, à la fin de la
huitième session du Groupe de travail sur le projet de déclaration, la situation était totalement
27
bloquée du fait des attitudes respectives des représentants des Etats et des représentants des
Autochtones.
Les discussions sur le texte ne peuvent plus avancer car d’un côté les autochtones refusent
tout changement concernant les articles rédigés tandis que de l’autre, les Etats les plus
puissants refusent de reconnaître les autochtones comme des entités collectives et n’admettent
pas la reconnaissance d’une relation spécifique entre ces peuples et leurs territoires.
2.2. Les Peuples autochtones et l’OEA
On peut situer la prise en compte officielle de la question autochtone au sein de l’OEA à
l’année 1972 où la Commission InterAméricaine sur les droits de l’homme a rédigé une
résolution intitulée « Special protection for Indigenous populations, action to combat racism
and racial discrimination ».
Cette résolution met en avant, entre autres, que les Etats ont une responsabilité vis-à-vis des
peuples autochtones et qu’en raison de principes humanitaires et moraux ils se doivent de leur
accorder une protection spéciale.
L’OEA a depuis établit un certains nombres de rapports dans les divers pays concernés sur la
question des autochtones en réaffirmant sans cesse cette nécessité de protection des peuples
autochtones. Certains de ces rapports sont brièvement présentés ci-dessous suite aux travaux
de MacKay (2004).
Rapport de la Commission de 1985 (Brésil) : dans ce rapport, la commission examine les
droits des Yanomami dans le cadre de la construction de la route trans-amazonienne au Brésil
ainsi que l’invasion de leur territoire par les chercheurs d’or. La commission a ainsi dénoncé
l’attitude de cet Etat et son échec à prendre des mesures assez rapides pour protéger ce peuple.
Rapport de la Commission de 1986 (Guatemala) : la commission a accusé l’Etat d’être
responsable d’actions et d’omissions en défaveur des peuples autochtones et plus
spécifiquement à l’encontre de leur identité ethnique, du développement de leurs traditions, de
leur langue, de leur système économique et de leur culture. On observera que dans ce
document la commission traite du droit à la vie de peuples et non pas d’individus et donc
relève des droits collectifs.
Rapport de la Commission 1997 (Equateur) : la commission rappelle qu’en droit international
en général et en droit interaméricain en particulier, il convient de mettre en place une
protection spéciale des peuples autochtones afin qu’ils bénéficient des mêmes droits que ceux
du reste de la population et que, de plus, il convient de mettre en place une protection
28
spécifique afin d’assurer leur survie physique et culturelle. Dans ce document on observe
aussi que s’appuyant sur les principes adoptés par les Nations Unies ainsi que sur certains
articles de la Convention Américaine, la commission insiste sur la nécessaire participation et
l’indispensable pouvoir de décision des peuples autochtones dans le cadre de toute décision
affectant leur environnement.
La proposition de déclaration de l’OEA a quant à elle débuté en 1989 et s’inspire en grande
partie du développement de la question autochtone au sein des Nations Unies ainsi que de
l’adoption de la Convention 169 de l’OIT11 en 1989. Cette déclaration fut approuvée par la
Commission en 1997 date à laquelle fut proposée la planification suivante : révision par des
experts gouvernementaux en début d’année 1999, puis consultation des peuples autochtones
et adoption par l’Assemblée générale de l’OEA en 2000.
2.3. Les instruments internationaux
2.3.1. Brève présentation de quelques-uns de ces documents
Un certain nombre d’instruments internationaux traitent de manière directe ou implicite de la
question des droits autochtones. La liste ci-dessous en présente un aperçu :
- Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 1966 ;
- Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 1966 ;
- Convention internationale sur l’élimination de toute forme de discrimination raciale,
1965 ;
- Convention sur les droits et de l’enfant, 1989 ;
- La conférence mondiale des droits de l’homme de Vienne (1993) qui a conduit au
projet d’établissement d’un forum permanent des peuples autochtones ;
- La Convention sur la diversité biologique, 1993 ;
- La Charte africaine.
Il existe par ailleurs des documents traitant de ces questions :
- Le rapport sur les droits de l’homme et de l’environnement qui consacre tout un
chapitre aux peuples autochtones ;
11 Voir ci-dessous.
29
- Le programme des nations unies sur l’environnement qui aborde la situation des
peuples autochtones et tribaux ;
- L’étude du centre des sociétés transnationales de l’ONU sur les investissements et les
opérations des sociétés transnationales sur les terres des peuples autochtones.
Nous ne traiterons pas en détail de l’ensemble de ces documents, mais proposons ici une
présentation des articles et points pouvant servir dans le cadre du traitement de la question
autochtone d’un point de vue juridico-politique.
• Le Pacte International relatifs aux droits civils et politiques, 1966
L’article premier stipule dans sa première partie que : « Tous les peuples ont le droit de
disposer d'eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et
assurent librement leur développement économique, social et culturel. » puis que : « Pour
atteindre leurs fins, tous les peuples peuvent disposer librement de leurs richesses et de leurs
ressources naturelles, sans préjudice des obligations qui découlent de la coopération
économique internationale, fondée sur le principe de l'intérêt mutuel, et du droit international.
En aucun cas, un peuple ne pourra être privé de ses propres moyens de subsistance. »
Article 27 : « Dans les Etats où il existe des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques,
les personnes appartenant à ces minorités ne peuvent être privés du droit d’avoir, en commun
avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de professer, de pratiquer
leur propre religion ou d’employer leur propre langue ». Un comité dit des « droits de
l’homme », composé de 18 experts indépendants, est chargé de veiller au respect de ces
dispositions.
En 1993, le comité des droits de l’homme reçut quatre communications se rapportant
implicitement d’après leurs auteurs12 à l’article 27 de cet instrument et concernant la question
autochtone au Canada et en Suède. Néanmoins, le comité n’a pu répondre spécifiquement sur
la question autochtone dans la mesure où les dispositions du pacte ne traite pas des droits
spécifiques des peuples autochtones.
• La Charte africaine.
On notera dans cet instrument des dispositions relatives à des droits accordés aux peuples,
notamment le droit à l’autodétermination, au développement, à l’égalité, à la dignité, à
12 Isabelle Schulte-Tenckhoff, Tatjana Ansbach dans Fenet & al. (1995)
30
l’existence, au refus de domination, à la libre disposition des richesses, au développement
économique social et culturel, à la paix. L’intérêt de cette Charte est qu’elle accorde aux
peuples une personnalité juridique mais son défaut – récurrent dans les instruments juridiques
– est l’absence de définition de la notion de peuple.
• La déclaration de Rio sur l’environnement et le développement du 13 juin 1992.
Le Sommet de Rio de Janeiro de 1992 a permis l’émergence d’un certain nombre de textes
dont la déclaration du 13 juin 1992. L’article 22 de ce texte énonce que « les populations et
communautés autochtones et les autres collectivités locales ont un rôle vital à jouer dans la
gestion et le développement de l’environnement du fait de leurs connaissances du milieu et de
leurs pratiques traditionnelles. Les Etats devraient connaître leur identité, leur culture et
leurs intérêts, leur accorder tout l’appui nécessaire, leur permettre de participer efficacement
à la réalisation d’un développement durable. »
Selon Gutwirths (1998) cet article « peut être à la fois lu comme une
explicitat ion des l iens qu’entretiennent les peuples indigènes avec leurs
terres et comme l ’expression d’une profession de foi écologique ».
Quant à l’Agenda 21, il formule des recommandations précises aux Etats concernant les
peuples autochtones et insiste sur le fait que les Etats doivent accéder aux revendications
territoriales des peuples autochtones, les protéger contre toute activité menaçant leur
environnement et assurer la perpétuation de leurs coutumes et pratiques. Ce document
contient aussi des dispositions ponctuelles concernant les droits intellectuels des autochtones,
dispositions renforcées dans le cadre de la déclaration de 1993 de Mataatua (Nouvelle-
Zélande) dont l’objectif n’est pas seulement de proclamer des principes sur les droits
intellectuels des autochtones mais aussi des principes concernant la restitution des biens
culturels aux autochtones.
• La convention relative aux droits de l’enfant, 1989
On peut lire dans l’article 30 de cette convention que « dans les Etats où il existe des
minorités ethniques, religieuses ou linguistiques ou des personnes d’origine autochtones, un
enfant autochtone ou appartenant à une de ces minorités ne peut être privé du droit d’avoir
sa propre vie culturelle, […] de pratiquer sa propre religion ou d’employer sa propre langue
en commun avec les autres membres de son groupe […]. »
• La Convention sur l’élimination de toute forme de discrimination raciale
31
Selon l’article 5(d)(v) de cette convention, les Etats ont l’obligation de respecter et d’observer
« le droit de toute personne, aussi bien seule qu’en association, à la propriété. » Cet article a
été interprété comme incluant la reconnaissance des droits des peuples autochtones basée sur
l’occupation historique de leurs terres et territoires.
De plus, l’article 1(4) stipule : « Les mesures spéciales prises à seule fin d'assurer comme il
convient le progrès de certains groupes raciaux ou ethniques ou d'individus ayant besoin de
la protection qui peut être nécessaire pour leur garantir la jouissance et l'exercice des droits
de l'homme et des libertés fondamentales dans des conditions d'égalité ne sont pas
considérées comme des mesures de discrimination raciale, à condition toutefois qu'elles
n'aient pas pour effet le maintien de droits distincts pour des groupes raciaux différents et
qu'elles ne soient pas maintenues en vigueur une fois atteints les objectifs auxquels elles
répondaient. »
Ces deux articles mis en commun fournissent un moyen de reconnaissance du droit des
autochtones à la terre et aux ressources naturelles, à l’intégrité culturelle.
Enfin, en 1997, une Recommandation générale du Comité pour l’élimination de la
discrimination raciale insiste sur l’obligation des états envers les peuples autochtones dans le
cadre de cette convention.
Mais les seuls instruments juridiques contraignants sont ceux de l’OIT (organisation
internationale du travail) :
• Convention 107 concernant la protection et l’intégration des populations aborigènes et
autres populations tribales, ou semi tribales dans les pays indépendants, adoptée en 1957.
• Convention 169, datant de 1989, concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays
indépendants.
Le projet de déclaration cité tout à l’heure n’ayant pas encore été adopté on ne peut le
considérer pour l’instant comme un document juridique à part entière. Cependant, on peut
noter que ce projet se fait avec la pleine participation des représentants des peuples
autochtones du monde entier et qu’il est pris comme source des droits et des revendications
dans les différentes régions.
2.3.2. Les conventions de l’OIT
Pour traiter avec exactitude de la question des textes internationaux, il est quasi impossible de
faire l’impasse sur les documents de l’OIT, une institution spécialisée de l’ONU qui a l’une
32
des traditions les plus longues dans le domaine du droit autochtone. Dans la mesure où son
mandat est avant tout de
1. favoriser les conditions de vie et de travail des individus ;
2. éliminer les injustices sociales et économiques sources de conflits.
C’est avant tout dans ces deux domaines que l’OIT s’est engagée. Ainsi, le point de départ de
la réflexion sur la question autochtone au niveau de cette institution a été la question de la
main d’œuvre autochtone, notamment dans les pays d’Amérique latine et plus précisément
dans la région amazonienne.
Les premières tentatives de protection de la main d’œuvre autochtone datent de 1929 où un
groupe d’experts fut chargé d’élaborer des normes internationales dans ce domaine. Certaines
des conclusions de ces experts ont ainsi servi de base à la convention n°64 de 1939 dont
l’objectif est de réglementer les modalités contractuelles entre employés autochtones et
employeurs non autochtones.
Par la suite, d’autres études seront menées entre 1953 et 1959 qui aboutiront à l’adoption de la
convention n°107 : « concernant la protection et l’intégration des populations aborigènes et
autres populations tribales ou semi tribales dans les pays indépendants ». Si cette convention
s’affiche en faveur de l’amélioration des conditions de vie et de travail des peuples
autochtones, une lecture plus poussée laisse entrevoir une perspective qui se situe en droite
ligne d’une politique d’assimilation. Elle laisse ainsi entendre que le développement
économique des pays sous-développés ne pourra se faire sans une qualification de la main
d’œuvre dont la condition est une intégration complète à la société dominante et donc, de
manière implicite, un refus de la spécificité autochtone et au nom d’un principe d’égalité, la
disparition en tant que communauté distincte des peuples autochtones.
Que dire de cette convention, si ce n’est qu’elle se caractérise par un ton paternaliste envers
les populations autochtones considérées comme arriérées et n’étant aucunement impliquées
dans la constitution de cet instrument qui est pourtant supposé contribuer à l’amélioration de
leurs conditions de vie.
Très rapidement, les représentants autochtones ont critiqué cette convention car elle avait un
caractère assimilationniste jusqu’à ce qu’en 1971 ils obtiennent une révision avec pour
condition la prise en compte des aspirations et les revendications autochtones. D’autres
changements sont demandés et notamment que soient substitués aux principes de la protection
et de l’assimilation forcée ceux de l’ethno développement et du droit à l’autodétermination.
Néanmoins, la révision effective ne se fera qu’en 1986 et aboutira, en 1989, à la Convention
169 sur les Peuples Indigènes et Tribaux dans les pays indépendants. Ce texte a ceci de
33
caractéristique qu’il prend en compte la notion de droit collectif, accordant de ce fait une
place :
- au respect des cultures et aux modes de vie des peuples autochtones ;
- ainsi qu’à la reconnaissance de leur droit à l’existence en tant que collectivités distinctes.
Ce sont plus spécifiquement les articles 7, 8 et 14 qui traitent de ce droit :
Il y a certes avancée, néanmoins l’intérêt des Etats est toujours prioritaire par rapport à ceux
des peuples autochtones.
Ainsi, à titre d’exemple, on note que dans l’article 6 même s’il est spécifié que les Etats
doivent « consulter » les peuples autochtones pour toute mesure les concernant, en aucun cas
ils n’ont besoin de leur consentement avant d’appliquer les dites mesures. L’avis autochtone
est strictement consultatif mais n’a aucun point dans la décision finale.
De même, si l’article 9 spécifie que les Etats doivent prendre en compte le droit autochtone ou
tribal, il n’en reste pas moins que cela n’est valable que dans la mesure où il « est compatible
avec le système juridique national et avec les droits de l’homme au niveau international. »
Enfin, concernant le droit à la terre, la problématique est identique : même s’il est prouvé que
les peuples autochtones occupent les terres depuis bien avant l’arrivée des européens et même
si aucun document ne stipule qu’elles ont été librement cédées, les Etats peuvent disposer
librement de ces terres. Ainsi, les Etats se doivent de « respecter l’importance spéciale que
revêt pour la culture et les valeurs spirituelles des peuples intéressés la relation qu’ils
entretiennent avec leurs terres et territoires » mais il n’est fait à aucun moment mention
d’une possible restitution de ces terres aux intéressés.
Ces quelques exemples montrent que s’il y a avancée dans la reconnaissance des droits
autochtones, un grand pas reste encore à franchir pour que cette reconnaissance soit effective.
Le bilan n’est certes pas tout a fait négatif néanmoins, on observe quelques cas où les
ambiguïtés de la norme internationale conduisent à des interprétations parfois dangereuses.
Citons à titre d’exemple l’article 1er de la Charte des Nations Unies concernant
l’autodétermination des peuples qui a été invoquée par les auteurs de « purifications
ethniques » en ex-Yougoslavie ou encore au Rwanda.
2.4. Les documents des Nations Unies et de l’OEA au regard de certains droits fondamentaux
des peuples autochtones
34
Les déclarations des Nations Unies et de l’OEA s’appuient toutes deux – à des degrés divers –
sur les standards existants, dont la Convention 169 de l’OIT. Ces deux déclarations
permettent avant tout de redéfinir les relations entre Etats et peuples autochtones d’un point
de vue politique, économique et culturel13.
Elles traitent toutes deux des droits fondamentaux des peuples autochtones et plus
particulièrement : du droit à l’autodétermination, du droit à la terre, au territoire et aux
ressources et du droit à la participation politique. On notera que ces droits sont tous reliés
d’une manière ou d’une autre à la non-discrimination et à l’intégrité culturelle.
2.4.1. Le droit à l’autodétermination
L’article 3 du projet de déclaration stipule que « les peuples autochtones ont le droit de
disposer d’eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et
assurent librement leur développement économique, social et culturel. »
Daes (1993a) rappelle que « à quelques exceptions près, les peuples autochtones n’ont jamais
pris par à la constitution d’un Etat. Ils n’ont jamais eu la possibilité de participer à
l’élaboration des constitutions modernes des Etats dans lesquels ils vivent, ni de prendre part,
de façon déterminante, à la prise des décisions au plan national. […] Quelle qu’en soit la
raison, les peuples autochtones de la plupart des pays n’ont jamais été, et ne sont toujours
pas véritablement associés au processus politique. Ils n’ont pas la possibilité qu’ont les
autres d’avoir recours aux moyens démocratiques pour défendre leurs droits fondamentaux et
leurs libertés. »
Elle considère donc qu’il est nécessaire que les peuples autochtones bénéficient du droit à
l’autodétermination en rappelant néanmoins que ce droit ne peut donner lieu à une
revendication d’indépendance vis-à-vis de l’Etat :
« Dès lors qu’un Etat indépendant a été créé et reconnu, les peuples qui le constituent doivent
essayer d’exprimer leurs aspirations par l’intermédiaire du système politique national et non
en créant de nouveaux Etats, sauf si le système politique national devenait si exclusif et si peu
démocratique qu’on ne pourrait plus le considérer comme ‘représentant l’ensemble du
peuple’. »
13 Voir Daes 1993a : 4 ; 1993b : 8-9 et Barsh, 1994 : 39.
35
Quant à la déclaration de l’OEA, elle reconnaît des droits qui pourraient être une forme
d’expression du droit à l’autodétermination au sein de l’Etat. Ainsi, on peut lire dans l’article
XV(1) :
“1. Indigenous peoples have the right to freely determine their political status and freely
pursue their economic, social, spiritual and cultural development, and accordingly, they have
the right to autonomy and self-government with regard to inter alia culture, religion,
education, information, media, health, housing, employment, social welfare, economic
activities, land and resources management, the environment and entry by non-members; and
to determine ways and means for financing these autonomous functions.”
On observera que la première partie de cette article est identique à celle de l’article 3 du projet
de déclaration hormis en ce qui concerne l’emploi du terme “autodétermination”. Quant à
l’article 31 du projet de déclaration, il contient des termes identiques à ceux employés dans le
XV(1) de l’OEA mais avec l’avantage de pouvoir être mis en référence avec l’article 3 qui
évoque explicitement la question de l’autodétermination.
Ces deux documents traitent aussi de la reconnaissance et du respect des institutions
gouvernementales et des systèmes légaux autochtones comme l’indiquent :
- l’article XVII de la déclaration de l’OEA sur les peuples autochtones ;
- les articles 4, 33 et 34 du projet de déclaration des Nations sur les peuples
autochtones.
Ce droit à l’autodétermination représente l’une des plus fortes revendications de la part des
peuples autochtones14. Ceux-ci considèrent en effet qu’il est un droit fondateur à partir duquel
ils pourront bénéficier tous leurs droits de l’homme et assurer leur intégrité culturelle et leur
survie. On peut lire à ce titre, dans le Rapport Cobo (1986 : 269)) : "[s]elf-determination, in
its many forms, is thus a basic pre-condition if indigenous peoples are to be able to enjoy
their fundamental rights and determine their future, while at the same time preserving,
developing, and passing on their specific ethnic identity to future generations."
Daes (1993a) note pour sa part que le droit à l’autodétermination requiert que les peuples
autochtones exercent leur droit à l’autodétermination au sein du système politique et légal de
l’Etat tandis que les Etats ont eux le devoir d’adopter les réformes légales, administratives et
constitutionnelles qui reconnaissent les droits des peuples autochtones à l’autodétermination,
entre autres.
14 Sur ce point, voir : Barsh, 1994 ; Anaya, 1996 ; Anaya, 1993 et Sambo, 1993).
36
2.4.2. Le droit à la terre, au territoire et aux ressources
La question du droit à la terre, au territoire et aux ressources est présente dans la plupart des
documents actuels relatifs aux autochtones. Ainsi, dans l’article 26 du projet de déclaration,
on peut lire :
« Les peuples autochtones ont le droit de posséder, de mettre en valeur, de gérer et d'utiliser
leurs terres et territoires, c'est-à-dire l'ensemble de leur environnement comprenant les
terres, l'air, les eaux, fluviales et côtières, la banquise, la flore, la faune et les autres
ressources qu'ils possèdent ou qu'ils occupent ou exploitent traditionnellement. Ils ont
notamment droit à la pleine reconnaissance de leurs lois, traditions et coutumes, de leur
régime foncier et des institutions chargées d'exploiter et de gérer leurs ressources, ainsi qu'à
des mesures de protection efficaces de la part des Etats contre toute ingérence ou toute
aliénation ou limitation de ces droits ou tout obstacle à leur exercice. »
La déclaration de l’OAS, de son côté, propose aussi des mesures substantielles pour la
protection de ce droit à la terre dans l’article XVIII dont le thème est : “Traditional forms of
ownership and ethnic survival. Rights to lands and territories.”
Dans ces deux documents est donc rappelée la relation spécifique que les peuples autochtones
entretiennent avec leur terre et leurs territoires, mais aussi la nécessité de protection de cette
relation. Ainsi, on peut lire dans l’article 25 du projet de déclaration :
« Les peuples autochtones ont le droit de conserver et de renforcer les liens particuliers,
spirituels et matériels, qui les unissent à leurs terres, à leurs territoires, à leurs eaux fluviales
et côtières, et aux autres ressources qu'ils possèdent ou qu'ils occupent ou exploitent
traditionnellement, et d'assumer leurs responsabilités en la matière à l'égard des générations
futures. »
Par ailleurs, ces deux documents incluent le droit à la restitution des terres, territoires et
ressources autochtones « qui ont été confisqués, occupés, utilisés ou dégradés » (OEA,
XVIII(7) et ONU, 27) et si cette restitution est impossible il est alors recommandé qu’il y ait
compensation.
Compte tenu de l’importance accordée à la relation entretenue par les autochtones avec leur
terre et leurs territoires, la question du déplacement des populations est aussi mise en avant
dans ces documents, notamment au travers de la notion de consentement libre et informé. Il
est aussi rappelé que ces déplacements ne doivent avoir lieu que dans des cas extrêmes ou
37
extraordinaires et, implicitement, que les déplacements forcés sont prohibés et constituent une
grave violation des droits de l’homme.
2.4.3. Le droit à un consentement libre et informé et à une pleine participation politique
Afin de protéger les peuples autochtones contre les politiques et actions des Etats et en vertu
du droit à l’autodétermination, les standards concernant la participation des autochtones sont
très importants : ONU, 4, 19, 20 et OEA, XV(2).
Ainsi, le projet de déclaration présente le consentement libre et informé des peuples
autochtones comme un préalable à toute mise en application mesures légales ou
administratives par les Etats susceptibles d’affecter les intérêts des autochtones :
« Les peuples autochtones ont le droit de participer pleinement, s'ils le souhaitent, suivant des
procédures qu'ils auront déterminées, à l'élaboration de mesures législatives ou
administratives susceptibles de les concerner.
Avant d'adopter et d'appliquer de telles mesures, les Etats doivent obtenir le consentement,
exprimé librement et en toute connaissance de cause, des peuples intéressés. » (ONU, 20)
De même, les peuples autochtones ont le droit de choisir leurs représentants en fonction de
leur mode d’organisation politico-juridique.
Cette notion de consentement libre et informé est fréquemment rappelée dans le cadre des
différents droits des peuples autochtones. Ainsi dans la déclaration de l’OEA, il est spécifié
que dans le cadre de l’exploitation de ressources naturelles, ce droit doit être respecté :
“In the event that ownership of the minerals or resources of the subsoil pertains to the state
or that the state has rights over other resources on the lands, the governments must establish
or maintain procedures for the participation of the peoples concerned in determining whether
the interests of these people would be adversely affected and to what extent, before
undertaking or authorizing any program for planning, prospecting or exploiting existing
resources on their lands. The peoples concerned shall participate in the benefits of such
activities, and shall receive compensation, on a basis not less favourable than the standard of
international law for any loss which they may sustain as a result of such activities.” (OEA,
XVIII(5)).
On observera que ce cinquième alinéa de l’article XVIII s’appuie clairement sur l’article
15(2) de la convention 169 de l’OIT.
Dans le même ordre d’idée, la déclaration des Nations Unies évoque entre autre ce droit dans
le cadre du droit à la terre et aux territoires :
38
« Les peuples autochtones ont le droit de définir des priorités et d'élaborer des stratégies
pour la mise en valeur et l'utilisation de leurs terres, territoires et autres ressources. Ils ont
notamment le droit d'exiger que les Etats obtiennent leur consentement, exprimé librement et
en toute connaissance de cause, avant l'approbation de tout projet ayant une incidence sur
leurs terres, territoires et autres ressources, notamment en ce qui concerne la mise en valeur,
l'utilisation ou l'exploitation des ressources minérales, des ressources en eau ou de toutes
autres ressources. » (ONU, 30).
Ces articles présentent l’intérêt de poser des obstacles à toute exploitation des ressources
naturelles des autochtones ; de plus, ils vont de pairs avec la protection de leurs moyens de
subsistance ainsi que de leurs droits territoriaux. Schrijver (1997) a ainsi noté que la
souveraineté gouvernementale sur les ressources naturelles est de ce fait restreinte par les
droits et les intérêts des peuples autochtones.
2.5.La question des droits collectifs
Les droits des peuples autochtones sont avant tout des droits collectifs dans la mesure où ils
s’appliquent aux peuples autochtones en tant qu’ensemble plutôt qu’à des individus
autochtones en particulier. Cela ne contredit pas les droits des individus autochtones qui
relèvent de ce fait de la déclaration des droits de l’homme. Ainsi, les droits collectifs sont
considérés comme un élément essentiel du droit autochtone en ce sens qu’ils sont la condition
à la protection de leurs modes de vie et de leurs cultures (Williams, 1990 : 687).
Les droits de l’homme se sont historiquement plutôt préoccupés des droits des individus, mais
il existe actuellement un consensus international sur le fait que les droits de l’homme peuvent
aussi traiter des collectivités et en particulier dans le cas des peuples autochtones.
Sanders (1991 : 369) définit comme suis la collectivité : « groups that have goals that
transcend the ending of discrimination against their members … for their members are joined
together not simply by external discrimination but by an internal cohesiveness. Collectivities
seek to protect and develop their own particular cultural characteristics.”
Dans le projet de déclaration des Nations Unies, les articles 6, 7, 8, 32, 34 et 39 mentionnent
le droit collectif des peuples autochtones :
6 : « Les peuples autochtones ont droit, à titre collectif, de vivre dans la liberté, la paix et la
sécurité en tant que peuples distincts et d'être pleinement protégés contre toute forme de
génocide ou autre acte de violence, y compris l'enlèvement d'enfants autochtones à leurs
familles et communautés, sous quelque prétexte que ce soit. »
39
7 : « Les peuples autochtones ont le droit, à titre collectif et individuel, d'être protégés contre
l'ethnocide ou le génocide culturel. »
8 : « Les peuples autochtones ont le droit, à titre collectif et individuel, de conserver et de
développer leurs spécificités et identités distinctes, y compris le droit de revendiquer leur
qualité d'autochtones et d'être reconnus en tant que tels. »
32 : « Les peuples autochtones ont le droit, à titre collectif, de choisir leur propre citoyenneté
conformément à leurs coutumes et traditions. La citoyenneté autochtone n'affecte en rien le
droit des autochtones d'obtenir, à titre individuel, la citoyenneté de l'Etat dans lequel ils
résident. »
34 : « Les peuples autochtones ont le droit, à titre collectif, de déterminer les responsabilités
des individus envers leurs communautés. »
39 : « Les peuples autochtones ont le droit de recourir à des procédures mutuellement
acceptables et équitables pour le règlement des conflits et des différends avec les Etats et
d'obtenir de promptes décisions en la matière. Ils ont également droit à des voies de recours
efficaces pour toutes violations de leurs droits individuels et collectifs. Toute décision tiendra
compte des coutumes, traditions, règles et systèmes juridiques des peuples autochtones
concernés. »
Un certain nombre d’outils internationaux peuvent être employés pour faire valoir les droits
des peuples autochtones du monde, à condition que les Etats acceptent de leur donner suite, ce
qui semble loin d’être le cas comme nous l’avons vu a plusieurs reprises. Le principal
argument des Etats contre la reconnaissance des droits collectifs au niveau international est la
notion de « droits individuels ». En effet, il est généralement admis – à tort – que la
reconnaissance des droits collectifs des peuples autochtones ira à l’encontre de celle des droits
individuels au sein des Etats concernés.
C’est donc cette vision de l’individu qui représente le principal obstacle à la reconnaissance
des droits des peuples autochtones dans le monde. Plusieurs Etats, dont la France15, invoquent
ainsi fréquemment la primauté des droits de l’individu pour refuser la signature de
conventions internationales ou pour s’opposer à la rédaction de tel ou tel article lors de la
rédaction de documents internationaux relatifs aux droits des peuples autochtones.
Ce qui pose problème aux Etats dans la notion de droit collectif en relation avec celle de
peuple autochtone, c’est l’assimilation de celle-ci à l’ethnicité ou à la race. L’on peut
15 Voir dans la dernière partie l’analyse du cas de la France.
40
néanmoins s’interroger sur cet amalgame fréquent dans les discours des représentants des
Etats entre les notions de « race » et d’ « ethnie » et se demander si l’idée de la différence
ethnique n’échappe pas, en fait, à la notion de « distinction de race ». Selon Rouland (1997) il
n’y a pas d’équivalence entre ces deux notions et les Etats pourraient ainsi s’accommoder de
celle d’ethnie : “ Il est […] intéressant d’étudier le terme ethnie afin de voir s’il contient des
références raciales. [Ce] terme a un caractère polysémique, […]. En sciences humaines, ‘…le
terme ethnie désigne un ensemble linguistique, culturel et territorial d’une certaine taille, le
terme tribu étant généralement réservé à des groupes de faible dimension’. A l’heure actuelle,
les études anthropologiques mettent l’accent sur la déformation que font subir au concept
aussi bien les Etats néo-coloniaux que les médias occidentaux et les mouvements ethnicistes
eux-mêmes en attribuant une substance immuable à l’ethnie. En réalité, le contenu des
références et identités ethniques est essentiellement fluctuant, au gré de ceux qui utilisent le
concept. Qui veut y voir la race l’y trouve, même si l’histoire n’en porte guère la trace ”.16
Compte tenu des progrès réalisés dans la reconnaissance des droits des peuples autochtones à
l’échelle internationale, notamment dans le cadre des Nations Unies, les Etats devront
certainement envisager d’adopter une position moins stricte sur cette question, en admettant,
notamment, que les Autochtones vivant sur leurs territoires ne se ramènent pas simplement à
une somme d’individus liés par une revendication spécifique mais bien à des collectivités qui
possèdent des spécificités et une cohésion interne en dehors des revendications émises par ses
membres. Or c’est bien sur ce point qu’il faut envisager les droits propres à une collectivité
spécifique (droits collectifs) face aux droits individuels, que le respect de ceux-ci soit cherché
à titre individuel ou par le biais d’une action commune (droits collectifs).17 Une collectivité
donnée peut revendiquer des droits en tant que telle mais aussi parce que ses membres font
l’objet d’une discrimination. Or pareille revendication transcende la lutte contre la
discrimination lorsque le statut de la collectivité en question - et donc sa capacité d’être dotée
de droits en tant que telle - ne dérive pas seulement de la discrimination subie par ses
membres mais aussi de sa cohésion interne, laquelle se fonde, comme c’est le cas pour les
Autochtones du monde, sur des particularités culturelles. En dehors d’un sentiment partagé
d’être victimes de discrimination, les Autochtones s’appuient, au sein de chaque communauté,
sur des éléments qui renforcent leur sentiment d’appartenance à celle-ci. Il en est ainsi des
16 Norbert ROULAND, Statuts personnels et droits coutumiers, reconnaissance et/ou tolérance par le droit constitutionnel français (version provisoire), Communication au Colloque International “ Egalité et liberté locale dans la Constitution ”, Université des Antilles et de la Guyane, 18-20 déc. 1997, Fort de France 17 Selon la distinction établie par G. KOUBI, Réflexions sur les distinctions entre droits individuels, droits collectifs et ‘droits de groupe’, op.cit. note 7.
41
cérémonies traditionnelles qui permettent à tous les membres de la communauté, quelle que
soit la classe d’âge ou la famille à laquelle ils appartiennent, de se regrouper autour d’une
pratique rituelle et de vivre ainsi leur identité commune.
Les droits d’une collectivité ne peuvent se faire valoir que s’il y a des représentants ou des
institutions ayant la capacité (juridique) de gérer ces droits. C’est le cas des autorités
coutumières existant chez les peuples autochtones dont le rôle est de faire reconnaître en droit
la coutume des collectivités autochtones.
La lutte menée par certains groupements d’activistes contre la discrimination à leur égard ne
tombe pas sous la revendication des droits propres aux collectivités dans la mesure où, une
fois obtenu gain de cause, ce groupement ne sera plus la cible de discrimination et n’aura plus
lieu d’être. Les droits collectifs n’ont de sens que pour des individus qui choisissent de se
regrouper à un moment donné pour faire valoir leurs droits individuels, comme dans un
syndicat, mais sans que ces individus aient autre chose en commun que leurs revendications:
ce sont elles qui font l’unité du groupe. Or, les peuples autochtones ont pour spécificité que
leur cohésion ne tient pas à la formulation, par un certain nombre d’individus, de
revendications de non-discrimination, c’est-à-dire de plus grande égalité et de meilleure
participation dans le cadre de la société globale. Ce qu’ils veulent, c’est assurer la survie de
leurs communautés, la protection de leurs droits en tant que peuples autochtones et la
reconnaissance d’une forme d’autonomie ou d’autodétermination. Chaque revendication
émise par Autochtones du monde va dans ce sens. En revendiquant leurs droits territoriaux,
les Autochtones cherchent à conserver leurs modes de subsistances ancestraux; en
revendiquant leurs droits culturels et linguistiques, ils cherchent à garantir la survie des
institutions et des modes d’organisation sociale qui leur sont propres.
42
III. Le Canada et la France et les droits relatifs aux peuples autochtones
L’étude de cas particuliers s’inscrit dans une problématique spécifique consistant à mettre en
évidence les difficultés que les Autochtones rencontrent pour faire valoir leurs droits – au
travers du droit international – face à un Etat national dont les règles de droits ne permettent
pas, le plus souvent, d’intégrer la notion de droit autochtone et de droit des minorités.
Ainsi, au travers de cette troisième partie, nous chercherons à établir dans quelle mesure les
systèmes juridico-politiques des Etats du Canada et de la France permettent d’appréhender les
questions minoritaires et autochtones.
La question sous-jacente, fréquemment évoquée par les spécialistes du droit des minorités et
de savoir si pour répondre à une revendication minoritaire le droit est un instrument de
réforme institutionnelle, voire même constitutionnelle.
Par rapport à la thématique de ce mémoire, la question est donc de savoir dans quelle mesure
la prise en compte de la question autochtone en droit international permet ou non une
évolution dans la reconnaissance des droits des autochtones dans des pays particuliers.
Les deux situations évoquées présentent des avancées bien différentes liées en partie aux
politiques respectives de ces Etats, mais aussi – et peut-être même surtout – à la capacité
juridique des représentants des peuples autochtones qui en sont citoyens.
Rappelons néanmoins que la prise en compte de la question autochtone n’est en aucun cas un
chemin vers la disparition d’un Etat, mais plutôt sur sa transformation nécessaire pour qu’il
réponde « au besoin démocratique de la vie collective dans un cadre longuement mûri par
l’histoire. » Giordan (1992).
3.1.L’Etat canadien et le droit international autochtone
D’une manière générale, on peut considérer que le droit canadien apparaît comme favorable à
la question autochtone, néanmoins, comme l’observe Grenier (2001 : 3) le désir des
autochtones « de contrôler et de définir leur propre identité individuelle et collective se heurte
toutefois à l’état actuel du droit canadien qui démontre une résistance soutenue aux
aspirations et aux demandes légitimes des autochtones, et ce malgré une jurisprudence
récente plutôt sympathique à leurs besoins et à leurs intérêts. » Ainsi, au Canada, la question
autochtone représente un véritable défi constitutionnel.
43
On observera que le droit canadien contient des éléments de l’époque coloniale qui ont
toujours valeur légale actuellement. La proclamation royale de 1763 en constitue un bon
exemple. Il s’agit en effet d’un édit britannique adopté par le Roi Georges III juste après la
conquête de la Nouvelle France par la Grande-Bretagne. Ce texte reconnaît aux autochtones
des droits d’usage sur les terres qui correspondent à des parties importantes du territoire
québécois. Cette proclamation a même été décrite comme une charte des droits des Indiens.
On peut aussi citer un document signé par les Indiens Hurons devant les tribunaux avec le
général Murray avant la capitulation de Montréal en 1760. Ce document les autorisant à
exercer librement leur religion et leurs coutumes.
Mais c’est véritablement au XIXe et au XXe siècles que la question autochtone s’est
sensiblement modifiée dans cet Etat. A titre d’exemple, nous citerons quelques dates et
certains aspects de la loi canadienne en faveur des autochtones18.
Plus récemment, en 1998, la Cour suprême du Canada a reconnu la contribution des peuples
autochtones à l’édification du Canada et le fait que la protection de leurs droits reflète une
importante valeur constitutionnelle sous-jacente19.
Qu’en est-il au niveau du droit international ? Dans quelle mesure celui permet-il ou
permettra-t-il de faire valoir les droits des autochtones dans cet Etat et quelle position adopte
ce dernier ?
Un Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones20 met en évidence
l’approche paradoxale de la question des droits de l’homme dans ce pays :
« Le Canada a joué un rôle important dans l’élaboration des normes internationales sur les
droits de la personne. Il a signé un certain nombre d’instruments internationaux relatifs aux
droits de la personne, y compris la Charte des Nations Unies, qui comprend la Déclaration
Universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques
et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Pourtant, le
processus historique d’où est issu le Canada a nié le droit de ses premiers habitants à
l’autodétermination. La duplicité, la fraude et la coercition pure et simple, de même que des
promesses rompues, la dépossession et l’exclusion ont entaché ce processus. Il est maintenant
nécessaire et urgent que les peuples autochtones puissent négocier librement les conditions
18 Voir : Grenier (2001 : 19-28) pour un historique de la prise en compte au niveau national des
autochtones au Canada. 19 Voir : Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 R.C.S. 217, pp.262-263. 20 Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, Une relation à définir, vol.2 (1ère
partie), Ottawa, Ministère des Approvisionnements et services du Canada, 1996, pp.155-156.
44
de la relation qu’ils continuent d’entretenir avec le Canada et se dotent de structures
gouvernementales conformes à leurs aspirations et à leurs traditions. »
Moses (1995 : 27) va dans le même sens lorsqu’ils rappelle que : « We could examine
hundred of court cases before finding a single one where the government of Canada or the
government of Québec has been an advocate for the rights of aboriginal peoples, or where
either of the governments have come to the assistance or defense of aboriginal people against
the other, or against third parties.”
La question fondamentale qui semble se poser en terme de droit autochtone dans cet Etat est
celle de l’autodétermination. C’est en tout cas sur ce point précis que les autochtones du
Canada prennent le plus souvent position (sachant bien entendu toute l’incidence que peut
avoir ce droit sur les droits territoriaux et les droits collectifs, entre autres).
Différentes conventions ont été ratifiées par le Canada qui traitent du droit des peuples à
disposer d’eux-mêmes. Il en est ainsi du Pacte international relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques adoptés tout
deux en 1966 par l’Assemblée générale des Nations Unies et entrés en vigueur en 1976.
Rappelons que l’article 1er de ces deux pactes stipule que « Tous les peuples ont le droit de
disposer d’eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et
assurent librement leur développement économique, social et culturel. »
Pourtant, malgré une la volonté d’afficher une attitude positive à l’égard des peuples
autochtones au niveau du droit international, dans le droit national il ne semble y avoir que
très peu d’avancées. Ainsi, si l’on observe le cas du Projet James Bay qui a opposé les
autochtones du Canada et le Québec, le Canada a observé une position de neutralité et n’a
jamais rien fait pour que l’agrément signé en 197521 soit mis en application.
C’est pourquoi selon Moses (1995 : 29), la seule option des autochtones est de faire jouer le
droit international pour obliger les Etats à agir dans le sens d’une reconnaissance de leurs
droits :
« When there is conflict of interests, where do the parties turn ? Normally, the parties would
turn to a neutral third party. But, in the case of relations between indigenous peoples and
state, who could that third party be ? I believe the answer is obvious. We should establish
mechanisms at the international level withe the United Nations or with other similar
organizations, perhaps inter-governmental bodies, to adjudicate conflicts between indigenous
21 Convention de la Baie de James et du Nord Québecois, 11 novembre 1995.
45
people and states, in such ways that states would have to respect the judgments of thoses
bodies.”
On notera sur ce point qu’il existe déjà un cas au Canada où les autochtones ont fait appel au
droit international. Cet exemple connu sous le nom du cas « Lovelace », un cas de
discrimination sexuelle dans l’Indian Act avait été soumis à la cour suprême du Canada et
avait donné lieu à un status quo en faveur de l’Indian Act. Un appel avait ensuite été formulé
auprès des Nations Unies en s’appuyant sur La Convention international sur les droits civils
et politiques que le Canada a ratifiée. Le Comité des droits de l’homme a ainsi statué que
l’Indian Act était discriminatoire ce qui a obligé le Canada à réviser sa loi.
Ainsi, on peut considérer que l’évolution des normes internationales dans le domaine
autochtone peut constituer un élément positif pour la reconnaissance des droits des peuples
autochtones dans le contexte canadien. De ce fait, il semblerait que le choix des autochtones
de ce pays de porter leurs revendications sur la scène internationale a eu un effet relativement
positif même s’il peut être nuancé comme nous avons pu le voir ci-dessus.
Le fait que l’Etat canadien ait ratifié un certain nombre de traités fait qu’il a une obligation
juridique vis-à-vis de l’ordre international et tout manquement à ces traités en matière de droit
autochtone pourra de ce fait faire l’objet de mesures juridiques.
C’est de fait au niveau des tribunaux que pour l’instant les avancées se font le plus sentir dans
cet état. En effet, la Cour suprême du Canada accorde, comme le font justement remarquer
Otis & Melkevik (1996 : 4), un poids considérable aux engagements internationaux du
Canada dans son interprétation de la Charte canadienne des droits et liberté.
Enfin, le fait que le Canada ait élevé les droits des peuples autochtones au rang de droits
constitutionnels devrait permettre que les normes contenues dans une convention
internationale qui ne lierait pas formellement le Canada soit également prises en compte par la
juridiction canadienne. A titre d’exemple, même si le Canada n’a pas ratifié la Convention
169 de l’OIT, elle a tout de même une valeur interprétative.
3.2.L’Etat français et le droit international autochtone au travers de la question des
droits collectifs
Nous avons pu voir lors de la présentation de la question des droits collectifs au niveau
international que de nombreux états s’opposaient à leur reconnaissance en vertu du droit
individuel. La France en fait partie comme l’atteste son refus de signer la Convention n°169
46
concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants adoptée par l’OIT en
1989 ou encore sa contestation de la formulation de tel ou tel article du projet de déclaration
des droits des peuples autochtones. Ainsi, la France “ oppose à une réception positive des
‘droits de groupe’ le principe selon lequel seul l’individu est titulaire de droits ” (Koubi,
1998 : 105). Cette position se justifie par le fait qu’en droit français, comme le rappelle G.
Koubi, “ les droits des hommes et des femmes, des citoyens, des travailleurs, connaissent un
traitement individuel des problèmes éventuels que leur exercice ou leur protection
susciteraient ” (Ibid).
A titre d’exemple, en 1994, le Ministre des Affaires étrangères répond à la question d’un
député au sujet de la position du gouvernement sur la question autochtone que “ la notion de
population autochtone ou de peuple indigène ne fait à ce jour pas l’objet de définition
internationalement reconnue. La France considère pour sa part que cette notion n’est pas
compatible avec sa tradition politique et juridique et a rappelé, lors de la Conférence de Rio
sur l’environnement et le développement, que les citoyens français sont tous régis sur un plan
d’égalité sans distinction d’origine, de race ou de religion. Pour cette raison elle n’est pas
devenue partie à la Convention n°169 de l’O.I.T relative aux peuples indigènes et tribaux ”.22
De même, concernant le projet de Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples
autochtones, aux dires de la diplomatie française pendant une certaine période, “ certains
articles posaient des problèmes constitutionnels à la France. A cet égard, elle a évoqué
l’article 2 de la Constitution française qui assurait l’égalité devant la loi de tous les citoyens
sans distinction d’origine, de race ou de religion ”.23
Pourtant, à l’encontre de l’invocation répétée de l’article 1er de la Constitution française,
l’Etat français a pu reconnaître occasionnellement dans les DOM-TOM telle ou telle
manifestation de l’identité ethnique. C’est le cas, en Nouvelle-Calédonie, de la mise en place
de structures particulières sous forme de conseils consultatifs coutumiers24 et, en Guyane, du
Statut des chefs coutumiers ou encore de la gestion du foncier (voir infra). De même, un coup
d’œil sur l’histoire de l’implantation française en Guyane révèle une volonté initiale de laisser
aux peuples autochtones une certaine autonomie.
22 JORF – Année 1994 – n° 19 S (Q) – Jeudi 12 mai 1994 – n° 5436 – P. 1148. 23 KARPE, 1999, Commentaire de la position française concernant le projet de Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, texte inédit, p. 2. 24 Loi du 9 novembre 1988 portant statut de la Nouvelle-Calédonie
47
Ainsi, dès les premiers établissements de colons français en Guyane, au début du XVIIIe
siècle, on admettait tacitement que les Kali’na et les autres nations amérindiennes étaient des
peuples libres25. Les Chefs coutumiers conservaient leur pouvoir et jouaient un rôle de
médiateurs entre les collectivités autochtones et les représentants de la France. Les
Autochtones n’étaient pas soumis à la loi civile française et tout litige ou arbitrage se faisait
soit sur la base de la coutume, soit en vertu de considérations d’ordre privé, jamais en
recourant au droit français. Les systèmes juridiques des peuples autochtones bénéficiaient
ainsi d’une reconnaissance pour tout ce qui a trait à la condition des personnes et le droit
privé.
Jusqu’à une époque récente, l’Etat refusait toute avancée vers une reconnaissance de la
spécificité des peuples autochtones vivant sous son administration. Ainsi, en 1997, lors d’une
réunion du Comité des droits de l’homme concernant la reconnaissance en droit français de la
notion de minorité, le représentant de la France déclare que “ la philosophie politique qui
sous-tend la primauté accordée en droit public français à l’égalité entre les citoyens sans
distinction et à l’unité du peuple français est fondamentale pour l’identité française. Il s’agit
d’une conviction partagée par tous les mouvements politiques sans distinctions. Les autorités
françaises sont fortement liées par la Constitution sur ce point et le Conseil constitutionnel
leur rappelle régulièrement la portée et le contenu de ces dispositions ; c’est dire qu’elles
n’ont pas le loisir de modifier leur attitude à cet égard ”.26
Pour I. Arnoux, l’une des questions essentielles à se poser dans le domaine du droit collectif
des Amérindiens de Guyane est de savoir si le droit français peut répondre à leurs
revendications.
Ces revendications ont été présentées dans le temps sous diverses formes. Nous choisirons de
faire référence au discours de Félix Tiouka (op.cit.) en résumant ainsi les revendications des
autochtones de Guyane :
1. droit à l’autodétermination;
2. droit de souveraineté sur les terres ancestrales;
3. refus de l’exploitation de ces terres par les membres de la société dominante tant que
les droits des autochtones ne seront pas reconnus;
4. contrôle de l’exploitation des terres et des ressources;
25 Voir les instructions générales du Roi et du Ministre au Gouverneur Rémy d’Orvilliers (1706). 26 Document CCPR/C/SR. 1600. § 42 et § 43.
48
5. droit à contrôler le développement économique en fonction des valeurs et traditions
ancestrales;
6. droit à être traité selon un principe d’égalité;
7. demande d’aide pour engager une réflexion sur les modes de subsistance traditionnels
ainsi que sur l’organisation juridique et sociale.
Pour y répondre, elle se réfère à deux articles de la Constitution de 1958 qui pourraient servir
de base à une adaptation du droit français à la situation particulière des peuples autochtones, à
savoir l’article 73 stipulant que “ le régime législatif et l’organisation administrative des
départements d’outre-mer peuvent faire l’objet de mesures d’adaptation nécessitées par leur
situation particulière ” et l’article 75 selon lequel “ les citoyens de la République qui n’ont
pas le statut civil de droit commun, seul visé à l’article 34, conservent leur statut personnel,
tant qu’ils n’y ont pas renoncé ”.
Les Amérindiens de Guyane vivent bel et bien une situation particulière en vertu de laquelle
le droit français peut envisager des adaptations. A titre de peuples autochtones, ils ont un
rapport historique au territoire, ce qui fonde leurs revendications territoriales actuelles. Mais
ils montrent d’autres particularités tout aussi importantes, telles que leur mode de vie
collectif, leurs caractéristiques culturelles et linguistiques ou encore la spécificité de leurs
systèmes juridiques et politiques.
Cependant, cet état de fait ne semble changer en rien la position de l’Etat français face à la
question de la reconnaissance des droits collectifs au niveau international. Concernant le
projet de Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, “ la
représentante de la France a rappelé les positions que le gouvernement français avait
exprimées au cours de la première session (1995) du Groupe de travail. Elle a déclaré que les
droits collectifs n’existaient pas dans les instruments internationaux relatifs aux Droits de
l’Homme et que son gouvernement avait donc des réserves quant aux articles visant à en
établir. A son avis, les droits de l’homme étaient des droits individuels ”.27 Cette remarque est
surprenante dans la mesure où les droits collectifs sont reconnus dans un certain nombre
d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme par le simple fait de la mention de
“ peuples ” ou de “ groupes raciaux ou ethniques ”. De surcroît, quelques-uns de ces
instruments ont été ratifiés par la France sans aucune réserve. C’est le cas du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques (la France y adhère le 4 novembre
27 E/CN.4/1996/84.
49
1980) dont l’article 1er stipule que: “ Tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes ”.
Or, la France s’oppose généralement aux instruments internationaux stipulant la
discrimination positive, argumentant que celle-ci est incompatible avec le droit français. Ainsi
la représentante de la France a-t-elle déclaré au sujet de l’article 29 du projet de Déclaration
des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones qu’il “ contient des dispositions
relatives à une discrimination positive et, de ce fait, suscite certaines préoccupations ”.
Pourtant, le principe de la discrimination positive est reconnu en droit international autant
qu’en droit français. Par exemple, le 28 juillet 1971, la France adhère à la Convention
internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciales, dont
l’article 1er aliéna 4 stipule que: “ Les mesures spéciales prises à seule fin d’assurer comme il
convient le progrès de certains groupes raciaux ou ethniques ou d’individus ayant besoin de
la protection qui peut être nécessaire pour leur garantir la jouissance et l’exercice des droits
de l’homme et des libertés fondamentales dans des conditions d’égalité ne sont pas
considérées comme des mesures de discrimination raciale ”. De même, l’article 2 aliéna 2 du
même instrument établit que: “ Les Etats parties prendront, si les circonstances l’exigent,
dans les domaines social, économique, culturel et autres, des mesures spéciales et concrètes
pour assurer comme il convient le développement ou la protection de certains groupes
raciaux ou d’individus appartenant à ces groupes en vue de leur garantir, dans des
conditions d’égalité, le plein exercice des droits de l’homme et des libertés fondamentales ”.
Au niveau du droit interne français, citons par exemple le Rapport public 1996 du Conseil
d’Etat, où on lit que “ la discrimination positive est une catégorie particulière de
discrimination justifiée, mise en œuvre par une politique volontariste et dont l’objectif est la
réduction d’une inégalité. Ainsi définies, les discriminations positives se rencontrent
fréquemment en droit français ”. 28
La France fait donc état d’une attitude contradictoire: d’une part, elle est partie à une
convention internationale reconnaissant explicitement la discrimination positive; mais d’autre
part elle rejette les dispositions relatives à la discrimination positive prévues au projet de
Déclaration sur les droits des peuples autochtones. Il y a là violation de la règle de droit
positif qui veut que “ les Etats ne sont pas admis à agir de manière contradictoire dans
l’ordre international ”.29
28 Rapport public 1996 du Conseil d’Etat. Etudes et Documents n°48. p. 87 29 ZOLLER E., La bonne foi en droit international public (Paris: Pedone, 1977), p. 277.
50
D’autres déclarations de la France au sujet du projet de Déclaration sur les droits des peuples
autochtones sont à cet égard significatives. En ce qui concerne le droit à l’éducation
autochtone, sa position est “ que l’instauration d’un système d’enseignement parallèle
mettait en question la législation française en vigueur selon laquelle l’enseignement public
devait être dispensé en français ”.30 En témoignent, les récents développements autour de la
signature de la Charte des langues régionales et minoritaires adoptée par la Communauté
européenne, laquelle pose notamment le problème de l’enseignement bilingue et a été remise
en cause, sur cette base, par le Conseil constitutionnel. Pour ce qui du droit à la terre,
l’expression “ terres et territoires ” employée dans les articles 7 et 10 du projet de Déclaration
est également “ source de problème pour la France ”.31 Ainsi la France refuse-t-elle de
reconnaître le critère de l’antériorité de l’occupation des territoires par les peuples
autochtones, car cela exigerait une législation spécifique visant à leur réattribuer ces
territoires.
La France est donc réfractaire à reconnaître que les peuples autochtones ont une histoire, un
modèle social et une culture spécifiques, tout en cherchant à leur imposer des normes
juridiques qui ne leur correspondent pas. De cette manière, “ elle remet en cause un des deux
principes inspirateurs du droit international relatif aux autochtones, celui de la
reconnaissance du droit à la préservation et au développement de leur identité culturelle ”.32
Sur cette base, dans le débat sur les normes internationales en cours d’élaboration, la France
ne semble donc prête à accepter que les dispositions qui ne remettent pas en cause son droit
interne, à tel point que l’on peut se demander si la question des peuples autochtones va jamais
trouver une solution en France, à moins de changements radicaux dans le droit positif. Cela
est d’autant plus surprenant que la position française va ici à l’encontre des résolutions
relatives aux droits autochtones adoptées par consensus au niveau de l’Assemblée générale de
l’ONU, organe plénière dont la France fait partie. Ainsi par exemple, le préambule de la
résolution 50/157 relative au Programme d’activités de la Décennie internationale des
populations autochtones, établit que la Décennie vise à “ renforcer la coopération
internationale aux fins de résoudre les problèmes qui se posent aux communautés
autochtones ”, l’un de ses objectifs étant “ de défendre et protéger les droits des populations
autochtones et de les mettre en mesure de faire des choix qui leur permettent de conserver
30 E/CN.4/1996/84. 31 E/CN.4/1996/84. 32 KARPE, Commentaire de la position française, op.cit., p. 3.
51
leur identité culturelle tout en participant à la vie politique, économique et sociale, dans le
respect absolu de leurs valeurs culturelles, de leurs langues, de leurs traditions et de leurs
modes d’organisation ”.33
Il est assez évident toutefois que le droit français, en l’état, ne peut que s’opposer à la
conservation de l’identité culturelle, des langues, des traditions et des modes d’organisation
des peuples autochtones vivant sur le territoire français. La question est donc de savoir si des
pressions internes exercées par les politiciens et par les peuples autochtones, ou externes,
c’est-à-dire exercées par d’autres Etats, finiront par contraindre la France à souscrire aux
instruments internationaux visant à reconnaître les droits collectifs et autres droits des peuples
autochtones.
33 Assemblée générale, résolution 50/157, du .... 1995, paragraphes 3 et 4 du préambule.
52
CONCLUSION
Nous avons pu constater qu’il existe au niveau du droit international, du fait de l’émergence
progressive de la question autochtone telle qu’elle a été décrite dans la première partie de ce
mémoire, une véritable volonté de protéger les peuples autochtones et de reconnaître leurs
droits de même qu’un souci réel d’apporter des solutions à la problématique autochtone.
Il existe néanmoins encore de nombreuses incertitudes dans ce même droit international du
fait des problèmes rencontrés dans la rédaction du projet de déclaration sur les droits des
peuples autochtones mais surtout du fait qu’il n’existe à l’heure actuelle aucun document
contraignant qui soit spécifiquement dédié à la question autochtone. Certes certains
documents vont dans le sens d’une protection des peuples autochtones mais tous les Etats ne
les ont pas ratifiés. Par ailleurs, les questions fondamentales que sont l’autodétermination, le
droit à la terre et aux territoires et les droits collectifs sont loin d’être résolues tant elles vont à
l’encontre des droits nationaux.
On peut espérer par ailleurs que la signature par les Etats de conventions et de résolutions des
organisations internationales puisse aussi avoir une incidence rétrospective sur le droit des
Etats en amenant les gouvernements à réviser leurs lois pour permettre l’application des droits
autochtones.
De plus, la volonté des autochtones de porter leurs revendications sur la scène mondiale
semble dans certains cas – celui du Canada notamment – avoir porté ses fruits dans la mesure
où des tribunaux ou des Etats se sont vus dans l’obligation au nom du droit international de
faire valoir les droits des peuples autochtones. Cela bien entendu n’étant possible que dans la
mesure où ces Etats désirent se mettre en avant face à la communauté internationale.
Les autochtones du monde doivent pour faire valoir leurs droits résoudre deux conflits. L’un
est d’ordre culturel et trouve sa source dans la différence qui existe entre les sociétés dites
traditionnelles et le monde occidental. L’autre conflit est d’ordre politique, il a trait à
l’opposition entre le système étatique de droit positif et les systèmes juridiques des peuples
autochtones préexistant au système étatique.
Ce sont là deux conflits incontournables exigeant que l’on cherche un terrain d’entente en vue
de leur résolution. Les modes de règlement sont multiples : assimilation, pluralisme,
autodétermination ou encore ethno développement … Ils dépendront du choix politique et de
53
la volonté de négociation des Etats aussi bien que de la capacité des peuples autochtones à
expliciter leurs revendications et à devenir une véritable force politique aux niveaux national
et international.
54
BIBLIOGRAPHIE
Anaya S.J., 1996 : Indigenous peoples in international law, New York/Oxford, OUP.
Anaya S.J., 1993 : “A contemporary definit ion of international norm of self determination”, 3 Transnat’l . Law & Contemp. Probs, 132-147.
Barbier M. , De Vittoria F., 1966, "Leçons sur les Indiens et sur le droit de la guerre. Introduction, traduction et notes", Librairie Droz, Genève
Barsh R., 1994 : “ Indigenous Peoples in the 1990’s : from object to subject of international law”, 7, Harv. Human Rights J., 33.
Daes E-I. , 1993a : Explanatory note concerning the draft declaration on the rights of indigenous peoples, UN Doc. E/CN.4/Sub.2/1993/26/Add1.
Daes E-I., 1993b: “Somes considerat ions on the rights of Indigenous Peoples to self-determination”, 3, Transnat’l L. & Contemp.Probs.1.
Deer K., 1995 : « The UN Draft declaration on the rights of indigenous people » dans P. Trudel, Autochtones et Québecois, la rencontre des nationalismes, Montréal, Recherches Amérindiennes au Québec, pp.19-24.
Fenet A., Koubi G. & al., 1995 : Le droit des minorités : analyse et textes, Edit ion Bruylant.
Fenet A., 1994 : Mutations internationales et évolution des normes, Paris, PUF.
Field D.D., 1879, "Outline of an international code", 2e Edition, New York
Gentillis A., 1877, "De Iure belli", T.E. HOLLAND (Ed.), Oxford
Lawrence T.J., 1923, "The Principles of international law", 7e Edition revisitée par Winfeld P.H., Londres
Giordan H., 1992 : Les minorités en Europe. Droits linguistiques et droits de l’homme, Editions Kimé.
Grenier G., 2001 : Le droit des peuples autochtones à l’autonomie gouvernementale dans le contexte de l’accession du Québec à la souveraineté, Thèse de Maîtrise de droit de l’Université McGill, Montréal.
Grotius H., 1853 : , "De Iure belli et pacis", Traduction par WHEWELL, Cambridge.
Gutwirths, 1998 : « Droit à l ’autodétermination entre sujet individuel et sujet collecti f, réflexions sur le cas particulier des peuples indigènes » dans Journal de Droit International.
55
Haut Commissariat aux Droits de l’homme, 1965 : Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, Adoptée et ouverte à la signature et à la ratification par l'Assemblée générale dans sa résolution 2106 A(XX) du 21 décembre 1965, Entrée en vigueur : le 4 janvier 1969, conformément aux dispositions de l'article 19.
Karpe P., 1999 : Commentaire de la position française concernant le projet de Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, texte inédit, p. 2.
Koubi G., 1998 : Réflexions sur les distinctions entre droits individuels, droits collectifs et ‘droits de groupe’, dans Du droit interne au droit international, Rouen: Presses Universitaires de Rouen.
MacKay F., 2004 : Briefing paper on the rights of indigenous peoples in international law, manuscrit .
Moses T., 1995 : « Conflicts between aboriginal peoples and states : the importance of international mechanism » dans P. Trudel, Autochtones et Québecois, la rencontre des nationalismes, Montréal, Recherches Amérindiennes au Québec, pp.25-31.
Otis G., Melkevik B., 1996 : Peuples autochtones et normes internationales. Analyse des textes relatifs au régime de protection identitaire des peuples autochtones, Cowansville (Canada), Les Editions Yvon Blais Inc.
Pellet A., Dail l ier P., 1999 : Droit international public.
Pierre-Caps S., 1994 : « Peut-on parler actuellement d’un droit européen des minorités ? » dans AFDI, p.72 et s.
Rouland N., Pierré-Caps S., Poumarède J., 1996 : Droit des minorités et des peuples autochtones, Paris, PUF.
Ruiz-Fabri, 1992 : « Genèse et disparit ion de l ’Etat à l ’époque contemporaine » dans AFDI.
Sambo D., 1993 : “Indigenous peoples and international standards setting processes : are state governments l istening”, 3 Transnat’l . Law & Contemp. Probs, 13.
Sanders, D., 1991 : “Collective Rights”, 13 Human Rights Quarterly 368.
Schrijver, N., 1997 : Sovereignty Over Natural Resources: Balancing Rights and Duties, Cambridge, Cambridge University Press.
Schulte-Tenckhoff I., Ansbach T., 1995 : Le droit des minorités, Edit ions Bruylant.
Westlake J., 1910, "International law", Part 1 "Peace", Cambridge
Williams, R.A., 1990. Encounters on the Frontiers of International Human Rights Law: Redefining the Terms of Indigenous Peoples Survival, 1990 Duke L.J. 660.
Zoller E ., 1977 : La bonne foi en droit international public, Paris, Pedone.
56
Annexes 1. EXTRAIT D’UN DISCOURS PRONONCE A LA CONFERENCE DES NATIONS UNIES SUR LA DISCRIMINATION DES PEUPLES AUTOCHTONES DES AMERIQUES EN SEPTEMBRE 1977 A GENEVE PAR PHILIPPE DEER (MUSKOGEE-CREEK) L’ouest nous rappelle la sagesse de la maturité à l’approche du coucher du soleil. C’est le moment de devenir des parents , de prendre des responsabilités et d’exercer le bon sens . C’est l’heure d’enseigner , de reconnaître et de rende grâce . Nous sommes le peuple originaire de l’hémisphère Ouest , qui vit dans cette partie du monde depuis des centaines et des centaines d’années .Personne n’a jamais établi l’époque ni fixé la date de notre arrivée dans cette partie du monde .Notre histoire remonte , suivant nos traditions , au commencement des temps . Notre peuple est arrivé au commencement , a l’heure de la Création . Nous n’avions aucun ,maître aucun professeur , aucune école . Nous avons dû regarder tout autour de nous et scruter la Création . il nous a fallu observer la Nature .Il nous a fallu prendre modèle sur la Nature .Toute notre civilisation a été bâtie sur l’observation de celle-ci . Elle a été notre maître dès le début . C’set alors que nous avons fondé notre religion . C’set alors que nous avons structuré notre mode de vie . C’est également sur l’étude de la nature que nous avons organisé notre Gouvernement . Nous avons vécu sous le même régime inchangé , l e Gouvernement Traditionnel mis en place par nos ancêtres . Elles fut notre loi et nous vécûmes sous ses principes sans en changer jusqu’à récemment .C’est en 1492 que les lois de nos ancêtres évoluèrent . Un gouvernement vieux de centaines d’années structura notre vie . Cette loi nous convenait . Nous comprenions ses règles . De nos jours , des historiens , des anthropologues ont bêché la terre de notre pays pour trouver l’histoire de l’Ouest . Mais ils n’ont jamais trouvé de prison .Ils n’ont pas trouve de pénitencier .Ils n’ont trouvé aucun asile de fous. Comment un peuple composé de tant de nations et parlant autant de langues pouvait –il vivre sans ces institutions ! Le temps vint ou la loi et ce gouvernement cessèrent .Avant 1492 nous vivions notre vie . Cette vie nous était précieuse . Cette religion était bien comprise de tous . Le temps arriva ou l’on nous dit que notre religion n’était pas juste ? et que pour cette raison elle n’avait jamais été reconnue . Nous avons alors été contraints d’accepter la religion qui était reconnue .Nombreux sont ceux qui se sont convertis au christianisme et abandonnèrent l’ancienne l’ancienne religion de leurs ancêtres . Aujourd’hui nous regardons toujours la Nature , et observons toujours comment elle élève ses petits . Nous savons trouver les canards , nous savons trouver les oies , qui vivent , elles , toujours selon les mêmes lois millénaires . Les animaux , quand à eux , continuent de suivre la loi qui leur a été donnée au commencement du temps .Les règles originelles de la vie ont été données au commencement . Car c’est au commencement du temps que toute chose vivante a reçu les règles de la vie . La création en son entier continue de suivre ces règles de la vie . Les arbres ? les fruits ne faillent jamais à cette règle .Ils ne font jamais d’erreur , ils donnent leurs fruits lorsque c’est la saison. Les animaux ne se trompent pas qui vivent toujours comme ils ont été crées . Dans la Création ,quelles sont les règles de vie de l’homme ? Pour notre part la création , la vie , sont le cercle . cette forme n’a ni commencement ni fin .
57
Projet de déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones
Affirmant que les peuples autochtones sont égaux à tous les autres peuples en dignité et en droits, tout en reconnaissant le droit de tous les peuples à être différents, à s'estimer différents et à être respectés en tant que tels,
Affirmant aussi que tous les peuples contribuent à la diversité et à la richesse des civilisations et des cultures, qui constituent le patrimoine commun de l'humanité,
Affirmant en outre que toutes les doctrines, politiques et pratiques qui invoquent ou prônent la supériorité de peuples ou d'individus en se fondant sur des différences d'ordre national, racial, religieux, ethnique ou culturel sont racistes, scientifiquement fausses, juridiquement sans valeur, moralement condamnables et socialement injustes,
Réaffirmant que les peuples autochtones, dans l'exercice de leurs droits, ne doivent faire l'objet d'aucune forme de discrimination,
Préoccupée par le fait que les peuples autochtones ont été privés de leurs droits de l'homme et de leurs libertés fondamentales et qu'entre autres conséquences, ils ont été colonisés et dépossédés de leurs terres, territoires et ressources, ce qui les a empêchés d'exercer, notamment, leur droit au développement conformément à leurs propres besoins et intérêts,
Reconnaissant la nécessité urgente de respecter et de promouvoir les droits et caractéristiques intrinsèques des peuples autochtones, en particulier leurs droits à leurs terres, à leurs territoires et à leurs ressources, qui découlent de leurs structures politiques, économiques et sociales et de leur culture, de leurs traditions spirituelles, de leur histoire et de leur philosophie,
Se félicitant du fait que les peuples autochtones s'organisent pour améliorer leur situation sur les plans politique, économique, social et culturel et mettre fin à toutes les formes de discrimination et d'oppression partout où elles se produisent,
Convaincue que le contrôle par les peuples autochtones des événements qui les concernent, eux et leurs terres, territoires et ressources, leur permettra de renforcer leurs institutions, leur culture et leurs traditions et de promouvoir leur développement selon leurs aspirations et leurs besoins,
Reconnaissant aussi que le respect des savoirs, des cultures et des pratiques traditionnelles autochtones contribue à une mise en valeur durable et équitable de l'environnement et à sa bonne gestion,
Soulignant la nécessité de démilitariser les terres et territoires des peuples autochtones et de contribuer ainsi à la paix, au progrès et au développement économiques et sociaux, à la compréhension et aux relations amicales entre les nations et les peuples du monde,
Reconnaissant, en particulier, le droit des familles et des communautés autochtones à conserver la responsabilité partagée de l'éducation, de la formation, de l'instruction et du bien-être de leurs enfants,
Reconnaissant aussi que les peuples autochtones ont le droit de déterminer librement leurs rapports avec les Etats, dans un esprit de coexistence, d'intérêt mutuel et de plein respect,
58
Considérant que les traités, accords et autres arrangements entre les Etats et les peuples autochtones sont un sujet légitime de préoccupation et de responsabilité internationales,
Reconnaissant que la Charte des Nations Unies, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques affirment l'importance fondamentale du droit de tous les peuples à disposer d'eux-mêmes, droit en vertu duquel ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel,
Considérant qu'aucune disposition de la présente Déclaration ne pourra être invoquée pour dénier à un peuple quel qu'il soit son droit à l'autodétermination,
Exhortant les Etats à respecter et à mettre en oeuvre tous les instruments internationaux, en particulier ceux relatifs aux droits de l'homme, qui sont applicables aux peuples autochtones, en consultation et en coopération avec les peuples concernés,
Soulignant que l'Organisation des Nations Unies a un rôle important et continu à jouer dans la promotion et la protection des droits des peuples autochtones,
Convaincue que la présente Déclaration est une nouvelle étape importante dans la voie de la reconnaissance, de la promotion et de la protection des droits et libertés des peuples autochtones et dans le développement des activités pertinentes des organismes des Nations Unies dans ce domaine,
Proclame solennellement la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones dont le texte suit :
PREMIERE PARTIE
Article premier
Les peuples autochtones ont le droit de jouir pleinement et effectivement de l'ensemble des droits de l'homme et des libertés fondamentales reconnus par la Charte des Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de l'homme et le droit international relatif aux droits de l'homme.
Article 2
Les autochtones, peuples ou individus, sont libres et égaux à tous les autres en dignité et en droits et ne doivent faire l'objet d'aucune forme de discrimination défavorable fondée, en particulier, sur leur origine ou identité.
Article 3
Les peuples autochtones ont le droit de disposer d'eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel.
59
Article 4
Les peuples autochtones ont le droit de maintenir et de renforcer leurs spécificités d'ordre politique, économique, social et culturel, ainsi que leurs systèmes juridiques, tout en conservant le droit, si tel est leur choix, de participer pleinement à la vie politique, économique, sociale et culturelle de l'Etat.
Article 5
Tout autochtone a droit, à titre individuel, à une nationalité.
DEUXIEME PARTIE
Article 6
Les peuples autochtones ont le droit, à titre collectif, de vivre dans la liberté, la paix et la sécurité en tant que peuples distincts et d'être pleinement protégés contre toute forme de génocide ou autre acte de violence, y compris l'enlèvement d'enfants autochtones à leurs familles et communautés, sous quelque prétexte que ce soit.
Ils ont aussi droit, à titre individuel, à la vie, à l'intégrité physique et mentale, à la liberté et à la sûreté de la personne.
Article 7
Les peuples autochtones ont le droit, à titre collectif et individuel, d'être protégés contre l'ethnocide ou le génocide culturel, notamment par des mesures visant à empêcher et à réparer :
a) tout acte ayant pour but ou pour effet de les priver de leur intégrité en tant que peuples distincts ou de leurs valeurs culturelles ou identité ethnique;
b) tout acte ayant pour but ou pour effet de les déposséder de leurs terres, de leurs territoires ou de leurs ressources;
c) toute forme de transfert de population ayant pour but ou pour effet de violer ou d'éroder l'un quelconque de leurs droits;
d) toute forme d'assimilation ou d'intégration à d'autres cultures ou modes de vie imposée par des mesures législatives, administratives ou autres; et
e) toute forme de propagande dirigée contre eux.
Article 8
Les peuples autochtones ont le droit, à titre collectif et individuel, de conserver et de développer leurs spécificités et identités distinctes, y compris le droit de revendiquer leur qualité d'autochtones et d'être reconnus en tant que tels.
60
Article 9
Les autochtones ont le droit, en tant que peuples et en tant qu'individus, d'appartenir à une communauté ou à une nation autochtone conformément aux traditions et coutumes de la communauté ou de la nation considérée. Aucun désavantage quel qu'il soit ne saurait résulter de l'exercice de ce droit.
Article 10
Les peuples autochtones ne peuvent être contraints de quitter leurs terres et territoires. Il ne peut y avoir de réinstallation qu'avec le consentement, exprimé librement et en toute connaissance de cause, des peuples autochtones concernés et après accord sur une indemnisation juste et équitable et, si possible, avec possibilité de retour.
Article 11
Les peuples autochtones ont droit à une protection spéciale et à la sécurité en période de conflit armé.
Les Etats doivent respecter les normes internationales relatives à la protection des populations civiles dans les situations d'urgence et de conflit armé, en particulier la quatrième Convention de Genève de 1949 et s'abstenir :
a) de recruter contre leur gré des autochtones dans leurs forces armées, en particulier pour les utiliser contre d'autres peuples autochtones;
b) de recruter des enfants autochtones dans leurs forces armées, quelles que soient les circonstances;
c) de contraindre des autochtones à abandonner leurs terres, territoires ou moyens de subsistance, ou de les réinstaller dans des centres spéciaux à des fins militaires;
d) de contraindre des autochtones à travailler à des fins militaires dans des conditions discriminatoires, quelles qu'elles soient.
TROISIEME PARTIE
Article 12
Les peuples autochtones ont le droit d'observer et de revivifier leurs traditions culturelles et leurs coutumes. Ils ont notamment le droit de conserver, protéger et développer les manifestations passées, présentes et futures de leurs cultures, telles que les sites archéologiques et historiques, l'artisanat, les dessins et modèles, les rites, les techniques, les arts visuels et les arts du spectacle et la littérature. Ils ont aussi droit à la restitution des biens culturels, intellectuels, religieux et spirituels qui leur ont été pris sans qu'ils y aient consenti librement et en toute connaissance de cause, ou en violation de leurs lois, traditions et coutumes.
61
Article 13
Les peuples autochtones ont le droit de manifester, pratiquer, promouvoir et enseigner leurs traditions, coutumes et rites religieux et spirituels; le droit d'entretenir et de protéger leurs sites religieux et culturels et d'y avoir accès en privé; le droit d'utiliser leurs objets rituels et d'en disposer; et le droit au rapatriement des restes humains.
Les Etats doivent, en collaboration avec les peuples autochtones concernés, prendre les mesures qui s'imposent pour faire en sorte que les lieux sacrés pour les autochtones, y compris les lieux de sépulture, soient préservés, respectés et protégés.
Article 14
Les peuples autochtones ont le droit de revivifier, d'utiliser, de développer et de transmettre aux générations futures leur histoire, leur langue, leurs traditions orales, leur philosophie, leur système d'écriture et leur littérature, ainsi que de choisir ou de conserver leurs propres dénominations pour les communautés, les lieux et les personnes.
Chaque fois qu'un des droits des peuples autochtones sera menacé, les Etats prendront les mesures qui s'imposent pour le protéger et aussi pour faire en sorte que les intéressés puissent comprendre le déroulement des procédures politiques, juridiques et administratives et se faire eux-mêmes comprendre, en leur fournissant, le cas échéant, les services d'un interprète ou par d'autres moyens appropriés.
QUATRIEME PARTIE
Article 15
Les enfants autochtones ont le droit d'accéder à tous les niveaux et à toutes les formes d'enseignement public. Tous les peuples autochtones ont aussi ce droit et celui d'établir et de contrôler leurs propres systèmes et établissements scolaires où l'enseignement sera dispensé dans leurs propres langues, conformément à leurs méthodes culturelles d'enseignement et d'apprentissage.
Les enfants autochtones vivant à l'extérieur de leurs communautés doivent avoir accès à un enseignement conforme à leur propre culture et dispensé dans leur propre langue.
Les Etats feront en sorte que des ressources appropriées soient affectées à cette fin.
Article 16
Les peuples autochtones ont droit à ce que toutes les formes d'enseignement et d'information publique reflètent fidèlement la dignité et la diversité de leurs cultures, de leurs traditions, de leur histoire et de leurs aspirations.
Les Etats prendront les mesures qui s'imposent, en concertation avec les peuples autochtones concernés, pour éliminer les préjugés et la discrimination, promouvoir la tolérance et la
62
compréhension et instaurer de bonnes relations entre les peuples autochtones et tous les secteurs de la société.
Article 17
Les peuples autochtones ont le droit d'établir leurs propres organes d'information dans leurs propres langues. Ils ont aussi le droit d'accéder, sur un pied d'égalité, à toutes les formes de médias non autochtones.
Les Etats prendront les mesures qui s'imposent pour faire en sorte que les organes d'information publics donnent une idée juste de la diversité culturelle des peuples autochtones.
Article 18
Les peuples autochtones ont le droit de jouir pleinement de tous les droits établis en vertu du droit du travail, aux niveaux international et national.
Les autochtones, ont le droit, à titre individuel, d'être protégés contre toute discrimination en matière de conditions de travail, d'emploi ou de rémunération.
CINQUIEME PARTIE
Article 19
Les peuples autochtones ont le droit, s'ils le souhaitent, de participer pleinement et à tous les niveaux à la prise des décisions qui peuvent avoir des incidences sur leurs droits, leur mode de vie et leur avenir, par l'intermédiaire de représentants qu'ils auront eux-mêmes choisis conformément à leurs propres procédures. Ils ont aussi le droit de conserver et de développer leurs propres institutions décisionnelles.
Article 20
Les peuples autochtones ont le droit de participer pleinement, s'ils le souhaitent, suivant des procédures qu'ils auront déterminées, à l'élaboration de mesures législatives ou administratives susceptibles de les concerner.
Avant d'adopter et d'appliquer de telles mesures, les Etats doivent obtenir le consentement, exprimé librement et en toute connaissance de cause, des peuples intéressés.
Article 21
Les peuples autochtones ont le droit de conserver et de développer leurs systèmes politiques, économiques et sociaux, de jouir en toute sécurité de leurs propres moyens de subsistance et de développement et de se livrer librement à toutes leurs activités économiques,
63
traditionnelles et autres. Les peuples autochtones qui ont été privés de leurs moyens de subsistance ont droit à une indemnisation juste et équitable.
Article 22
Les peuples autochtones ont droit à des mesures spéciales visant à améliorer de façon immédiate, effective et continue leur situation économique et sociale, y compris dans les domaines de l'emploi, de la formation et de la reconversion professionnelles, du logement, de l'assainissement, de la santé et de la sécurité sociale.
Il convient d'accorder une attention particulière aux droits et aux besoins particuliers des personnes âgées, des femmes, des jeunes, des enfants et des handicapés autochtones.
Article 23
Les peuples autochtones ont le droit de définir et d'élaborer des priorités et des stratégies en vue d'exercer leur droit au développement. En particulier, ils ont le droit de définir et d'élaborer tous les programmes de santé, de logement et autres programmes économiques et sociaux les concernant et, autant que possible, de les administrer au moyen de leurs propres institutions.
Article 24
Les peuples autochtones ont droit à leurs pharmacopées et pratiques médicales traditionnelles, y compris le droit à la protection des plantes médicinales, des animaux et des minéraux d'intérêt vital.
Ils doivent aussi avoir accès, sans aucune discrimination, à tous les établissements médicaux, services de santé et soins médicaux.
SIXIEME PARTIE
Article 25
Les peuples autochtones ont le droit de conserver et de renforcer les liens particuliers, spirituels et matériels, qui les unissent à leurs terres, à leurs territoires, à leurs eaux fluviales et côtières, et aux autres ressources qu'ils possèdent ou qu'ils occupent ou exploitent traditionnellement, et d'assumer leurs responsabilités en la matière à l'égard des générations futures.
Article 26
Les peuples autochtones ont le droit de posséder, de mettre en valeur, de gérer et d'utiliser leurs terres et territoires, c'est-à-dire l'ensemble de leur environnement comprenant les terres, l'air, les eaux, fluviales et côtières, la banquise, la flore, la faune et les autres ressources qu'ils possèdent ou qu'ils occupent ou exploitent traditionnellement. Ils ont notamment droit à la
64
pleine reconnaissance de leurs lois, traditions et coutumes, de leur régime foncier et des institutions chargées d'exploiter et de gérer leurs ressources, ainsi qu'à des mesures de protection efficaces de la part des Etats contre toute ingérence ou toute aliénation ou limitation de ces droits ou tout obstacle à leur exercice.
Article 27
Les peuples autochtones ont droit à la restitution des terres, des territoires et des ressources qu'ils possédaient ou qu'ils occupaient ou exploitaient traditionnellement et qui ont été confisqués, occupés, utilisés ou dégradés sans leur consentement donné librement et en connaissance de cause. Lorsque cela n'est pas possible, ils ont droit à une indemnisation juste et équitable. Sauf si les peuples concernés en ont librement décidé autrement, l'indemnisation se fera sous forme de terres, de territoires et de ressources équivalents du point de vue de leur qualité, de leur étendue et de leur régime juridique.
Article 28
Les peuples autochtones ont droit à la préservation, à la restauration et à la protection de leur environnement dans son ensemble et de la capacité de production de leurs terres, territoires et ressources, ainsi qu'à une assistance à cet effet de la part des Etats et par le biais de la coopération internationale. Il ne pourra y avoir d'activités militaires sur les terres et territoires des peuples autochtones sans leur accord librement exprimé.
Les Etats feront en sorte qu'aucune matière dangereuse ne soit stockée ou déchargée sur les terres ou territoires des peuples autochtones.
Les Etats prendront aussi les mesures qui s'imposent pour assurer la mise en oeuvre des programmes de contrôle, de prévention et de soins médicaux destinés aux peuples autochtones affectés par ces matières, et conçus et exécutés par eux.
Article 29
Les peuples autochtones ont droit à ce que la pleine propriété de leurs biens culturels et intellectuels leur soit reconnue ainsi que le droit d'en assurer le contrôle et la protection.
Les peuples autochtones ont droit à des mesures spéciales destinées à leur permettre de contrôler, de développer et de protéger leurs sciences, leurs techniques et les manifestations de leur culture, y compris leurs ressources humaines et autres ressources génétiques, leurs semences, leur pharmacopée, leur connaissance des propriétés de la faune et de la flore, leurs traditions orales, leur littérature, leurs dessins et modèles, leurs arts visuels et leurs arts du spectacle.
Article 30
Les peuples autochtones ont le droit de définir des priorités et d'élaborer des stratégies pour la mise en valeur et l'utilisation de leurs terres, territoires et autres ressources. Ils ont notamment le droit d'exiger que les Etats obtiennent leur consentement, exprimé librement et en toute connaissance de cause, avant l'approbation de tout projet ayant une incidence sur leurs terres,
65
territoires et autres ressources, notamment en ce qui concerne la mise en valeur, l'utilisation ou l'exploitation des ressources minérales, des ressources en eau ou de toutes autres ressources. En accord avec les peuples autochtones concernés, des indemnités justes et équitables leurs seront accordées pour atténuer les effets néfastes de telles activités et mesures sur les plans écologique, économique, social, culturel ou spirituel.
SEPTIEME PARTIE
Article 31
Les peuples autochtones, dans l'exercice spécifique de leur droit à disposer d'eux-mêmes, ont le droit d'être autonomes et de s'administrer eux-mêmes en ce qui concerne les questions relevant de leurs affaires intérieures et locales, et notamment la culture, la religion, l'éducation, l'information, les médias, la santé, le logement, l'emploi, la protection sociale, les activités économiques, la gestion des terres et des ressources, l'environnement et l'accès de non-membres à leur territoire, ainsi que les moyens de financer ces activités autonomes.
Article 32
Les peuples autochtones ont le droit, à titre collectif, de choisir leur propre citoyenneté conformément à leurs coutumes et traditions. La citoyenneté autochtone n'affecte en rien le droit des autochtones d'obtenir, à titre individuel, la citoyenneté de l'Etat dans lequel ils résident.
Les peuples autochtones ont le droit de déterminer les structures de leurs institutions et d'en choisir les membres selon leurs propres procédures.
Article 33
Les peuples autochtones ont le droit de promouvoir, de développer et de conserver leurs structures institutionnelles ainsi que leurs propres coutumes, traditions, procédures et pratiques juridiques en conformité avec les normes internationalement reconnues dans le domaine des droits de l'homme.
Article 34
Les peuples autochtones ont le droit, à titre collectif, de déterminer les responsabilités des individus envers leurs communautés.
Article 35
Les peuples autochtones, en particulier ceux qui sont divisés par des frontières internationales, ont le droit d'entretenir et de développer, à travers ces frontières, des contacts, des relations et des liens de coopération avec les autres peuples, notamment dans les domaines spirituel, culturel, politique, économique et social.
66
Les Etats prendront les mesures qui s'imposent pour garantir l'exercice et la jouissance de ce droit.
Article 36
Les peuples autochtones ont le droit d'exiger que les traités, accords et autres arrangements constructifs conclus avec des Etats ou leurs successeurs soient reconnus, honorés, respectés et appliqués par les Etats conformément à leur esprit et à leur but originels. Les différends qui ne peuvent être réglés par d'autres moyens doivent être soumis à des instances internationales compétentes choisies d'un commun accord par toutes les parties concernées.
HUITIEME PARTIE
Article 37
Les Etats doivent prendre, en consultation avec les peuples autochtones concernés, les mesures nécessaires pour donner plein effet aux dispositions de la présente Déclaration. Les droits qui y sont énoncés doivent être adoptés et incorporés dans leur législation interne de manière que les peuples autochtones puissent concrètement s'en prévaloir.
Article 38
Les peuples autochtones ont le droit de recevoir une assistance financière et technique adéquate, de la part des Etats et au titre de la coopération internationale, pour poursuivre librement leur développement politique, économique, social, culturel et spirituel et pour jouir des droits et libertés reconnus dans la présente Déclaration.
Article 39
Les peuples autochtones ont le droit de recourir à des procédures mutuellement acceptables et équitables pour le règlement des conflits et des différends avec les Etats et d'obtenir de promptes décisions en la matière. Ils ont également droit à des voies de recours efficaces pour toutes violations de leurs droits individuels et collectifs. Toute décision tiendra compte des coutumes, traditions, règles et systèmes juridiques des peuples autochtones concernés.
Article 40
Les organes et institutions spécialisées du système des Nations Unies et les autres organisations intergouvernementales doivent contribuer à la pleine mise en oeuvre des dispositions de la présente Déclaration par la mobilisation, entre autres, de la coopération financière et de l'assistance technique. Les moyens d'assurer la participation des peuples autochtones aux questions les concernant doivent être mis en place.
Article 41
67
L'Organisation des Nations Unies prendra les mesures nécessaires pour assurer l'application de la présente Déclaration, notamment en créant au plus haut niveau un organe investi de compétences particulières dans ce domaine, avec la participation directe de peuples autochtones. Tous les organes des Nations Unies favoriseront le respect et la pleine application des dispositions de la présente Déclaration.
NEUVIEME PARTIE
Article 42
Les droits reconnus dans la présente Déclaration constituent les normes minimales nécessaires à la survie, à la dignité et au bien-être des peuples autochtones du monde.
Article 43
Tous les droits et libertés reconnus dans la présente Déclaration sont garantis de la même façon à tous les autochtones, hommes et femmes.
Article 44
Aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être interprétée comme entraînant la diminution ou l'extinction de droits que les peuples autochtones peuvent déjà avoir ou sont susceptibles d'acquérir.
Article 45
Aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être interprétée comme conférant à un Etat, à un groupe ou à un individu le droit de se livrer à une activité ou à un acte contraire à la Charte des Nations Unies.
68
PROJET DE LA DECLARATION INTERAMERICAINE RELATIVE AUX DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES
AG/RES.1022 (XIX-O/89)
PREAMBULE
1. Les institutions autochtones et le renforcement national
Les Etats membres de l'Organisation des Etats Américains (ci-après dénommés les Etats),
Rappelant que les peuples indigènes des Amériques représentent un élément organisé, séparé et intégral de sa population, et ont droit de faire partie de l'identité nationale des pays, en jouant un rôle spécial dans le renforcement des institutions de l'Etat et dans la réalisation de l'unité nationale fondée sur des principes démocratiques;
Rappelant en outre que certaines notions et institutions démocratiques que consacrent les Constitutions des Etats Américains ont pour origine des institutions de populations autochtones,et qu'un grand nombre d'actuels systèmes de participation des populations autochtones aux prises de décision et à l'autorité contribuent au perfectionnement des démocraties dans les Amériques.
2. Eradication de la pauvreté
Reconnaissant la grave pauvreté dont pâtissent les populations indigènes dans de nombreuses régions des Amériques et le fait que leurs conditions de vie sont en général déplorables; et préoccupés par le fait que les populations indigènes sont privées de leurs droits de l'homme et de leurs libertés fondamentales, qui ont débouché, en autres, sur leur colonisation et la spoliation de leurs terres, territoires et ressources, les privant ainsi de l'exercice, en particulier, de leur droit au développement en fonction de leurs propres besoins et de leurs intérêts;
Rappelant que, dans la Déclaration de principes du Sommet des Amériques, en décembre 1994, les chefs d'Etat et de gouvernement ont déclaré que, dans le cadre de la Décennie mondiale des populations autochtones, ils consacreraient leurs énergies à améliorer l'exercice des droits démocratiques et l'accès aux services sociaux des populations indigènes et de leurs communautés.
3. Culture indigène et écologie
Appréciant le respect accordé à l'environnement par les cultures des populations autochtones des Amériques, ainsi que la relation spéciale entre les populations indigènes et les territoires où elles habitent.
4. Coexistence, respect et non-discrimination
Conscients de la responsabilité de tous les Etats et de tous les peuples d'Amérique de participer à la lutte contre le racisme et la discrimination raciale.
5. Jouissance des droits en communisé
Rappelant la reconnaissance internationale des droits dont on ne peut jouir que lorsqu'on le fait aux côtés des autres membres de la communauté.
69
6. Survie indigène et domaine territorial
Considérant que, pour beaucoup de cultures indigènes, leurs formes traditionnelles collectives de contrôle et d'utilisation des terres, des territoires, des eaux et des zones côtières sont la condition indispensable de leur survie, de leur organisation sociale, de leur développement, de leur bien-être individuel et collectif; et que ces formes de contrôle et de propriété sont diverses et idiosyncrasiques et ne concordent pas nécessairement avec les systèmes que protègent les législations ordinaires des Etats où elles habitent.
7. Démilitarisation des zones indigènes
Tenant compte de la présence de forces armées sur les terres et territoires des populations indigènes, et soulignant l'importance de les en retirer là où elles ne sont pas strictement nécessaires en raison de leurs fonctions particulières.
8. Instruments des droits de l'homme et autres progrès en droit international
Reconnaissant la primauté et l'applicabilité dans les Etats et les peuples des Amériques de la Déclaration américaine des droits et devoirs de l'homme, de la Convention américaine relative aux droits de l'homme et du droit international des droits de l'homme;
Tenant compte des progrès réalisés par les Etats et par les organisations indigènes, notamment dans le cadre des Nations Unies et de l'Organisation internationale du travail, pour codifier les droits indigènes en rappelant à ce propos la Convention No 169 de l'OIT et le projet de Déclaration des Nations Unies sur la question;
Affirmant le principe de l'universalité et de l'indivisibilité des droits de l'homme et de l'application à tous les individus des droits de l'homme qui sont reconnus sur le plan international.
9. Progrès des réglementations nationales
Tenant compte des progrès constitutionnels et législatifs réalisés dans certains Etats des Amériques pour affermir les droits et les institutions des populations indigènes.
Déclarent:
PREMIERE SECTION. LES PEUPLES INDIGENES
Article Premier. Définition
1. Dans la présente Déclaration, les populations indigènes sont celles qui possèdent une continuité historique dans le cadre de sociétés qui existaient avant la conquête et la colonisation européenne de leurs territoires (OPTION 1. [... ainsi que les populations amenées contre leur volonté dans les Amériques, qui se sont libérées et ont rétabli les cultures dont elles avaient été déracinées] (OPTION 2.) [... ainsi que les populations tribales dont les conditions sociales, culturelles et économiques les distinguent d'autres secteurs de la communauté nationale et dont la situation juridique est régie entièrement ou en partie par leurs propres coutumes ou traditions ou par des règlements ou lois spéciaux].
70
2. L'auto identification en tant que groupe indigène ou tribal devra être considérée comme un critère fondamental pour déterminer les groupes auxquels s'appliquent les dispositions de la présente Déclaration.
3. L'emploi du vocable Populations dans la présente déclaration ne devra pas être interprété dans un sens qui lui donne le moindre retentissement en ce qui concerne les autres droits qui peuvent être conférés à ce terme en droit international.
DEUXIEME SECTION. DROITS DE L'HOMME
Article II. Pleine application des droits de l'homme
1. Les populations indigènes ont le droit de jouir pleinement et effectivement des droits de l'homme et libertés fondamentales que reconnaissent la Charte de l'OEA, la Déclaration américaine des droits et devoirs de l'homme, la Convention américaine relative aux droits de l'homme et d'autres instruments internationaux des droits de l'homme; et aucun élément de la présente Déclaration ne peut être entendu comme limitant ou refusant de la moindre façon ces droits, ou autorisant une mesure quelconque qui ne soit pas conforme aux principes du droit international, y compris celui des droits de l'homme.
2. Les Etats assureront la pleine jouissance de leur droits à toutes les populations indigènes.
3. Les Etats reconnaissent également que les populations indigènes ont des droits collectifs dans la mesure où ceux-ci sont indispensables à la pleine jouissance des droits de l'homme individuels de leurs membres. A cet effet, ils reconnaissent le droit des populations indigènes à agir collectivement, à avoir leurs propres cultures, à professer et pratiquer leurs propres croyances spirituelles et à utiliser leurs propres langues.
Article III. Droit à appartenir à une communauté ou une nation indigène
Les individus et populations indigènes ont droit d'appartenir à une communauté ou une nation indigène conformément aux traditions et coutumes de cette communauté ou de cette nation. L'exercice de ce droit ne donnera pas lieu au moindre désavantage.
Article IV. Situation juridique des communautés
Les Etats assureront dans le cadre de leurs systèmes juridiques l'octroi de la personnalité juridique aux communautés de populations indigènes.
Article V. Rejet de l'assimilation
Les Etats ne prendront aucune mesure qui contraigne les populations indigènes à s'assimiler et n'appuieront aucune théorie ou n'exécuteront aucune pratique qui entraîne la discrimination, la destruction d'une culture ou la possibilité d'ethnocide.
71
Article VI. Garanties spéciales contre la discrimination
1. Les Etats reconnaissent que, lorsque les circonstances l'exigent, les populations indigènes ont besoin de garanties spéciales pour jouir pleinement des droits de l'homme reconnus sur le plan international et national; et que les populations indigènes doivent participer pleinement à la définition de ces garanties.
2. Les Etats prendront aussi les mesures nécessaires pour qu'aussi bien les femmes que les hommes indigènes puissent exercer sans la moindre discrimination leurs droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. Les Etats reconnaissent que la violence exercée contre des personnes en raison de leur sexe gêne et annule l'exercice de ces droits.
TROISIEME SECTION. DEVELOPPEMENT CULTUREL
Article VII. Droit à l'intégrité culturelle
1. Les Etats respecteront l'intégrité culturelle des populations indigènes et leur développement dans leur habitat respectif ainsi que leur patrimoine historique et archéologique, qui sont d'importants éléments de l'identité des membres de ces groupes et de leur survivance ethnique.
2. Les populations indigènes ont droit à ce qu'on leur rende les biens dont elles ont été spoliées ou qu'on leur donne une indemnisation conforme au droit international.
3. Les Etats reconnaissent et respectent les modes de vie indigène, leurs coutumes, traditions, modes d'organisation sociale, vêtements, langues et dialectes.
Article VIII. Notions logiques et langue
1. Les Etats reconnaissent que les langues et notions logiques indigènes font partie des cultures nationales et de la culture universelle et ils doivent les respecter étant que telles et faciliter leur diffusion.
2. Les Etats prendront des mesures pour assurer des émissions en langue indigène par les postes de radio et de télévision des régions à forte présence indigène, et aider la mise en place de postes émetteurs de radio et d'autres moyens de communications indigènes.
3. Les Etats prendront des mesures efficaces pour que les membres des populations indigènes puissent se comprendre et être compris en matière de normes et procédures administratives, légales et politiques. Dans les régions à prédominance linguistique indigène, les Etats feront les efforts nécessaires pour que ces langues deviennent langues officielles et pour qu'on leur donne le même droit que les langues officielles non indigènes.
4. Quand les populations indigènes le désireront, les programmes d'éducation seront donnés en langues indigènes, comporteront des matières indigènes et fourniront également la formation et les moyens nécessaires pour la maîtrise complète de la ou des langues officielles.
72
Article IX. Education
1. Les populations indigènes auront droit à:
a. mettre en place et exécuter leurs propres programmes, institutions et installations d'éducation;
b. préparer et mettre en oeuvre leurs propres plans, programmes, études et matériels pédagogiques;
c. former, habiliter et homologuer leurs enseignants et leurs administrateurs.
2. Les Etats prendront les mesures nécessaires pour veiller à ce que ces systèmes garantissent l'égalité des chances d'éducation et d'enseignement à toute la population et soient complémentaires du système national d'enseignement.
3. Les Etats garantiront que ces systèmes sont en tout point égaux à ceux offerts au reste de la population.
4. Les Etats apporteront une aide financière et autre nécessaire à la mise en pratique des dispositions du présent article.
Article X. Liberté spirituelle et religieuse
1. Les populations indigènes auront droit à la liberté de conscience, de religion et de pratiques spirituelles pour les communautés indigènes et leurs membres, droit qui sous-entend la liberté de les conserver, de les changer, d'en faire profession et de les divulguer aussi bien en public qu'en privé.
2. Les Etats prendront les mesures nécessaires pour garantir que ne soient pas réalisées les tentatives de convertir par la force les populations indigènes ou de leur imposer des croyances contraire à la volonté de leurs communautés.
3. En collaboration avec les populations indigènes intéressées, les Etats devront adopter des mesures efficaces pour assurer que leurs lieux sacrés, y compris les lieux de sépulture, soient préservés, respectés et protégés. Quand les sépultures sacrées et les reliques auront été appropriées par des institutions de l'Etat, elles devront leur être rendues.
Article XI. Relations et liens de famille
1. Les familles sont l'élément naturel et fondamental des sociétés y doivent être respectées et protégées par l'Etat. L'Etat protègera donc et respectera les diverses formes indigènes établies d'organisation familiale et de filiation.
2. Pour respecter au mieux les intérêts de l'enfant en matière d'adoption de membres des populations indigènes et en matière de rupture de liens et autres circonstances analogues, les tribunaux et autres institutions pertinentes tiendront compte des points de vue desdites populations y compris les positions individuelles, et celles de la famille et de la communauté.
73
Article XII. Santé et bien-être
1. Les Etats respecteront la médecine, la pharmacologie, les pratiques, les soins de santé indigènes, y compris les pratiques de prévention et de guérison.
2. Les Etats faciliteront la diffusion des produits médicinaux et pratiques au bénéfice de la population en général.
3. Les populations indigènes ont droit à la protection des plantes, animale et minérale à usage médical.
4. Les populations indigènes auront le droit d'utiliser, de conserver, de développer et d'administrer leurs propres services de santé et d'avoir accès sans aucune discrimination à toutes les institutions et à tous les services de santé et de soins médicaux.
5. Les Etats fourniront les moyens nécessaires pour que les populations indigènes puissent éliminer les conditions déficitaires de santé qui existent dans leurs communautés, en fonction de normes internationalement acceptées.
Article III. Droit à la protection de l'environneme nt
1. Les populations indigènes ont droit à un environnement sain, condition essentielle à la jouissance du droit à la vie et au bien-être.
2. Les populations indigènes ont le droit de recevoir des informations à propos de l'environnement, y compris des informations qui permettent d'assurer leur participation efficace aux mesures et décisions de politique susceptibles de se répercuter sur leur environnement.
3. Les populations indigènes auront le droit de conserver, rétablir et protéger leur environnement, ainsi que la capacité de production de leurs terres, territoires et ressources.
4. Les populations indigènes devront participer pleinement à la formulation et à l'application de programmes gouvernementaux de conservation de leurs terres et de leurs ressources.
5. Les populations indigènes auront droit à l'aide de leurs Etats afin de protéger l'environnement et pourront demander une assistance aux organisations internationales.
QUATRIEME SECTION. DROITS D'ORGANISATION ET DROITS
POLITIQUES
Article XIV. Droit d'association, de réunion, et de liberté d'expression et de pensée
1. Les Etats doivent prendre les mesures nécessaires pour garantir aux communautés indigènes et à leurs membres les droits d'association, de réunion et d'expression conformément à leurs usages, coutumes, traditions ancestrales, croyances et religions.
2. Les Etats respecteront le droit des populations indigènes à se réunir et à utiliser à cet effet leurs lieux sacrés et leurs lieux de cérémonies, ainsi que le droit à maintenir un plein contact
74
avec des secteurs et membres de leurs ethnies qui habitent sur le territoire des Etats voisins et avoir avec eux des activités communes.
Article XV. Droit à l'autonomie, l'administration e t au contrôle de leurs affaires internes
1. Les Etats reconnaissent que les populations indigènes ont droit à déterminer librement leur situation politique et à promouvoir librement leur développement économique, social et culturel et ont par conséquent droit à l'autonomie ou au gouvernement indépendant en ce qui concerne leurs affaires internes et locales, y compris la culture, la religion, l'éducation, l'information, les moyens de communication, la santé, le logement, l'emploi, le bien-être social, les activités économiques, l'administration des terres et des ressources, l'environnement et l'admission de non membres; ainsi que les ressources et les moyens pour financer ces fonctions autonomes.
2. Les populations indigènes ont le droit de participer sans discrimination, si elles en décident ainsi, à la prise de décision, à tous les niveaux, à propos d'affaires susceptibles d'affecter leur droits, leur existence et leur destin. Elle pourront le faire par l'intermédiaire de représentants élus par eux conformément à leurs propres procédures. Elles auront également le droit de conserver et développer leurs propres institutions indigènes de décision; et à l'égalité des chances pour leur accès à toutes les enceintes nationales.
Article XVI. Droit indigène
1. Le droit indigène fait partie intégrante du régime juridique des Etats et de leur cadre de développement social et économique.
2. Les populations indigènes ont le droit de conserver et de renforcer leurs systèmes juridiques indigènes et de les appliquer dans les affaires internes de leurs communautés, y compris les systèmes de propriétés immobilières et de ressources naturelles, la solution de conflits internes et de conflits entre les communautés indigènes, la prévention et la répression pénale et le maintien de la paix et de l'harmonie internes.
3. Dans la juridiction de chaque Etat, les affaires concernant des personnes indigènes ou leurs intérêts seront conduites de manière à assurer que les indigènes ont droit à une pleine représentation dans la dignité et l'égalité face à la loi. Cela englobera l'application du droit et des coutumes indigènes et, le cas échéant, l'emploi de la langue autochtone.
Article XVII. Incorporation nationale des régimes légaux et des organisations indigènes
1. Les Etats encourageront l'inclusion, dans leurs structures d'organisations nationales, des institutions et pratiques traditionnelles des populations indigènes.
2. Les institutions de chaque Etat dans les régions à prédominance indigènes ou qui interviennent dans ces communautés seront conçues et adaptées de manière à exprimer et renforcer l'identité, la culture et l'organisation de ces populations afin de faciliter leur participation.
75
CINQUIEME SECTION. DROITS SOCIAUX, DROITS ECONOMIQU ES ET
DROITS DE PROPRIETE
Article XVIII. Modes traditionnels de propriété et survie ethnique. Droit à des terres et territoires
1. Les populations indigènes ont droit à la reconnaissance légale des modes divers et particuliers de possession, propriété et jouissance des territoires et propriétés des populations indigènes.
2. Les populations indigènes ont droit à la reconnaissance de leurs biens et de leurs droits de propriété à propos des terres et territoires qu'elles ont occupés historiquement, ainsi que de l'usage de ceux auxquels elles ont eus historiquement accès pour effectuer leurs activités traditionnelles et obtenir leur subsistance.
3. Quand les droits de propriété et d'utilisation des populations indigènes découlent de droits qui précédaient l'existence des Etats, ces derniers devront reconnaître ces titres comme étant permanents, exclusifs, inaliénables, imprescriptibles et insaisissables. Cela ne limitera pas le droit des populations indigènes à attribuer la titularité au sein de la communauté conformément à leurs coutumes, traditions, usages et pratiques traditionnelles; cela n'affectera pas non plus tout droit communautaire collectif les concernant. Lesdits titres ne pourront être modifiés que d'un commun accord entre l'Etat à propos de la population indigène intéressée, avec pleine connaissance et compréhension de celle-ci concernant la nature et les attributs de ladite propriété.
4. Les droits des populations indigènes aux ressources naturelles qui existent dans leurs terres devront faire l'objet d'une protection spéciale. Ces droits comprennent le droit à l'utilisation, l'administration et la conservation desdites ressources.
5. Au cas où l'Etat serait propriétaire des minerais ou des ressources du sous-sol, ou aurait des droits sur d'autres ressources existantes sur les terres, les gouvernements devront mettre en place ou conserver des procédures prévoyant la participation des populations intéressées pour veiller à ce que les intérêts de ces populations ne soient pas lésés et dans quelle mesure ils pourraient l'être, avant d'entreprendre ou d'autoriser tout programme de prospection ou d'exploitation des ressources existantes dans leurs terres. Les populations intéressées devront participer aux bénéfices que rapportent de telles activités et recevoir une indemnité conformément au droit international pour tout dommage dont ils auraient pu souffrir à la suite de ces activités.
6. Les Etats ne pourront transporter ou déplacer des populations indigènes sauf dans les cas exceptionnels et, en pareil cas, avec leur consentement libre, véritable et informé desdites populations, et pleine indemnisation préalable et remplacement immédiat par des terres satisfaisantes de qualité égale ou supérieure et de statut juridique identique; et en garantissant le droit au retour si cessent d'exister les causes qui ont donné lieu au déplacement.
7. Les populations indigènes ont droit à ce qu'on leur rende les terres, territoires et ressources dont ils ont été traditionnellement les propriétaires, qu'ils ont occupés ou utilisés et ont été confisqués, occupés, utilisés ou endommagés; ou droit à une juste compensation quand la restitution n'est pas possible.
8. Les Etats prendront des mesures de tout genre y compris l'usage de la force publique, pour éviter, empêcher et punir le cas échéant toute intrusion ou utilisation desdites terres par des
76
personnes étrangères non autorisées ou qui tirent profit des populations indigènes ou de leur ignorance juridique, pour s'arroger possession ou usage de ces terres. Les Etats donneront la plus haute priorité à la démarcation des propriétés et zones à utilisation indigène.
Article XIX. Droits en matière de travail
1. Les populations indigènes ont le droit à la pleine jouissance des droits et garanties que reconnaît la législation internationale ou nationale en matière de travail et à des mesures spéciales, quand les circonstances l'exigent, pour corriger, réparer et empêcher la discrimination dont elles auraient été l'objet historiquement.
2. Lorsque les circonstances l'exigent, les Etats prendront les mesures spéciales qui pourraient être nécessaires afin de:
a. Protéger efficacement les travailleurs et employés membres des communautés indigènes sur le plan de leur engagement et de conditions d'emploi justes et égalitaires dans la mesure où la législation générale applicable à l'ensemble des travailleurs ne leur donne pas une garantie et une protection satisfaisantes;
b. Améliorer le service d'inspection du travail dans les régions, entreprises ou activités salariées auxquelles prennent part des travailleurs ou employés indigènes;
c. Garantir que les travailleurs indigènes:
i. Jouissent de l'égalité des chances et de traitement dans les conditions d'emploi, la promotion et l'avancement;
ii. Ne sont pas soumis à un harcèlement racial, sexuel ou de tout autre genre;
iii Ne sont pas sujets à des régimes de recrutement coercitifs, y compris la servitude pour dettes ou toute autre forme de servitude, qu'elles aient leur origine dans la loi, la coutume ou des dispositions individuelles ou collectives, qui seraient atteintes de nullité absolue en tout cas;
iv. Ne sont pas soumis à des conditions de travail dangereuses pour leur santé, notamment à la suite de leur exposition à des insecticides ou autres substances toxiques ou radioactives;
v. Reçoivent une protection spéciale quand ils prêtent leurs services à titre de travailleurs saisonniers, occasionnels ou migrants, employés dans l'agriculture ou dans d'autres activités et quand ils sont engagés par des entrepreneurs de main d'oeuvre, de manière à recevoir les bénéfices de la législation et la pratique nationales qui doivent être conformes à des normes internationales de droits de l'homme fermement établies pour les travailleurs saisonniers,
vi. Assurent que ces travailleurs ou employés reçoivent toutes informations à propos de leurs droits conformément à cette législation nationale et aux normes internationales, ainsi que les moyens permettant de protéger ces droits.
Article XX. Droits de propriété intellectuelle
1. Les populations indigènes ont droit à ce qu'on leur reconnaisse pleinement la propriété, le contrôle et la protection des droits de propriété intellectuelle qu'ils possèdent à propos de leur
77
héritage culturel et artistique, et qu'on leur accorde des mesures spéciales pour assurer le statut légal et les moyens institutionnels leur permettant de développer, utiliser, transmettre, commercialiser et léguer cet héritage aux générations futures.
2. Quand les circonstances l'exigent, les populations indigènes ont droit à des mesures spéciales pour contrôler, développer et protéger leurs sciences et leurs technologies y obtenir plein dédommagement pour leur usage, y compris leurs ressources humaines et génétiques en général, les semences, les produits médicaux, les connaissances de la faune et de la flore, les conceptions et méthodes originales.
Article XXI. Droit au développement
1. Les Etats reconnaissent le droit des populatons indigènes à prendre des décisions démocratiques à propos des valeurs, objectifs, priorités et stratégies qui présideront à leur développement et l'orienteront, même lorsqu'ils diffèrent de ceux qu'ont adoptés l'Etat national ou d'autres segments de la société. Les populations indigènes aruont droit sans aucune discrimination à obtenir des moyens satisfaisants pour leur propre développement en fonction de leurs préférences et de leurs valeurs, et à apporter une contribution conforme à leur propres modalités en tant que sociétés distinctes, au développement national et à la coopération internationale.
2. Les Etats prendront les mesures nécessaires pour que les décisions concernant tout plan, programe ou projet qui touche les droits ou conditions de vie des populations indigènes soient prises avec le consentement et la participation libre et informée desdites populations dont on reconnaît les préférences et ne comportent pas de dispositions qui puissent avoir pour résultat des effets négatifs pour la subsistance normale desdites populations. Les populations indigènes ont droit à restitution et à indemnité conformément au droit international pour tout préjudice que, malgré les garanties antérieures, l'exécution desdits plans ou propositions puisse leur avoir causé; et à ce qu'on adopte des mesures pour atténuer leurs répercussions adverses écologiques, économiques, sociales, culturelles ou spirituelles.
SIXIEME SECTION. DISPOSITIONS GENERALES
Article XXII. Traités, accords et dispositions implicites
Les populations indigènes ont droit à la reconnaissance, à l'observation et à l'application des traités, accords et autres dispositions conclus avec les Etats ou leurs successeurs, conformément à leur esprit et à leur intention, et à faire en sorte qu'ils soient respectés et honorés par les Etats. Les conflits et différends qui ne peuvent être résolus d'une autre façon seront soumis à des organismes internationaux compétents (avec l'accord de toutes les parties intéressées)
Article XXIII.
Aucun élément du présent instrument ne peut être considéré comme amoindrissant ou éliminant des droits actuels et futurs que les populations indigènes peuvent avoir ou obtenir.
Article XXIV.
Aucun élément de cet instrument donne le droit à quiconque de méconnaître les frontières entre les Etats.
78
Convention relative aux peuples indigènes et tribaux
Date d'entrée en vigueur: le 5 septembre 1991 Lieu: Genève
L'Organisation internationale du travail (OIT) est une institution spécialisée des Nations unies depuis 1946, dont les objectifs sont, à l'échelle mondiale, d'améliorer les conditions de travail, de promouvoir le travail productif et le progrès social, et de contribuer à l'accroissement du niveau de vie. L'OIT fut fondée en 1919 en tant que composante autonome de la Société des Nations, mais elle est devenue un organisme des Nations unies en 1946.
La présente Convention relative aux peuples indigènes et tribaux (no 169) de 1989 s'applique aux peuples tribaux vivant dans des pays indépendants et dont les conditions sociales, culturelles et économiques les distinguent des autres secteurs de la communauté nationale, et aux peuples qui, en raison de leurs origines, sont considérés comme indigènes dans les pays indépendants où ils vivent. La Convention oblige les États qui la ratifient à établir qu'il incombe au gouvernement, avec la participation des peuples intéressés, de développer une action coordonnée et systématique visant à protéger les droits de ces peuples et à garantir le respect de leur intégrité.
Partie I
Politique générale
Article 1 1. La présente convention s'applique:
a) aux peuples tribaux dans les pays indépendants qui se distinguent des autres secteurs de la communauté nationale par leurs conditions sociales, culturelles et économiques et qui sont régis totalement ou partiellement par des coutumes ou des traditions qui leur sont propres ou par une législation spéciale; b) aux peuples dans les pays indépendants qui sont considérés comme indigènes du fait qu'ils descendent des populations qui habitaient le pays, ou une région géographique à laquelle appartient le pays, à l'époque de la conquête ou de la colonisation ou de l'établissement des frontières actuelles de l'État, et qui, quel que soit leur statut juridique, conservent leurs institutions sociales, économiques, culturelles et politiques propres ou certaines d'entre elles.
2. Le sentiment d'appartenance indigène ou tribale doit être considéré comme un critère fondamental pour déterminer les groupes auxquels s'appliquent les dispositions de la présente convention. 3. L'emploi du terme peuples dans la présente convention ne peut en aucune manière être interprété comme ayant des implications de quelque nature que ce soit quant aux droits qui peuvent s'attacher à ce terme en vertu du droit international. Article 2
79
1. Il incombe aux gouvernements, avec la participation des peuples intéressés, de développer une action coordonnée et systématique en vue de protéger les droits de ces peuples et de garantir le respect de leur intégrité. 2. Cette action doit comprendre des mesures visant à:
a) assurer que les membres desdits peuples bénéficient, sur un pied d'égalité, des droits et possibilités que la législation nationale accorde aux autres membres de la population; b) promouvoir la pleine réalisation des droits sociaux, économiques et culturels de ces peuples, dans le respect de leur identité sociale et culturelle, de leurs coutumes et traditions et de leurs institutions; c) aider les membres desdits peuples à éliminer les écarts socio-économiques qui peuvent exister entre des membres indigènes et d'autres membres de la communauté nationale, d'une manière compatible avec leurs aspirations et leur mode de vie.
Article 3 1. Les peuples indigènes et tribaux doivent jouir pleinement des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sans entrave ni discrimination. Les dispositions de cette convention doivent être appliquées sans discrimination aux femmes et aux hommes de ces peuples. 2. Aucune forme de force ou de coercition ne doit être utilisée en violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales des peuples intéressés, y compris des droits prévus par la présente convention. Article 4 1. Des mesures spéciales doivent être adoptées, en tant que de besoin, en vue de sauvegarder les personnes, les institutions, les biens, le travail, la culture et l'environnement des peuples intéressés. 2. Ces mesures spéciales ne doivent pas être contraires aux désirs librement exprimés des peuples intéressés. 3. Lesdites mesures ne doivent porter aucune atteinte à la jouissance, sans discrimination, de la généralité des droits qui s'attachent à la qualité de citoyen. Article 5 En appliquant les dispositions de la présente convention, il faudra:
a) reconnaître et protéger les valeurs et les pratiques sociales, culturelles, religieuses et spirituelles de ces peuples et prendre dûment en considération la nature des problèmes qui se posent à eux, en tant que groupes comme en tant qu'individus; b) respecter l'intégrité des valeurs, des pratiques et des institutions desdits peuples; c) adopter, avec la participation et la coopération des peuples affectés, des mesures tendant à
80
aplanir les difficultés que ceux-ci éprouvent à faire face à de nouvelles conditions de vie et de travail.
Article 6 1. En appliquant les dispositions de la présente convention, les gouvernements doivent:
a) consulter les peuples intéressés, par des procédures appropriées, et en particulier à travers leurs institutions représentatives, chaque fois que l'on envisage des mesures législatives ou administratives susceptibles de les toucher directement; b) mettre en place les moyens par lesquels lesdits peuples peuvent, à égalité au moins avec les autres secteurs de la population, participer librement et à tous les niveaux à la prise de décisions dans les institutions électives et les organismes administratifs et autres qui sont responsables des politiques et des programmes qui les concernent; c) mettre en place les moyens permettant de développer pleinement les institutions et initiatives propres à ces peuples et, s'il y a lieu, leur fournir les ressources nécessaires à cette fin.
2. Les consultations effectuées en application de la présente convention doivent être menées de bonne foi et sous une forme appropriée aux circonstances, en vue de parvenir à un accord ou d'obtenir un consentement au sujet des mesures envisagées. Article 7 1. Les peuples intéressés doivent avoir le droit de décider de leurs propres priorités en ce qui concerne le processus du développement, dans la mesure où celui-ci a une incidence sur leur vie, leurs croyances, leurs institutions et leur bien-être spirituel et les terres qu'ils occupent ou utilisent d'une autre manière, et d'exercer autant que possible un contrôle sur leur développement économique, social et culturel propre. En outre, lesdits peuples doivent participer à l'élaboration, à la mise en oeuvre et à l'évaluation des plans et programmes de développement national et régional susceptibles de les toucher directement. 2. L'amélioration des conditions de vie et de travail des peuples intéressés et de leur niveau de santé et d'éducation, avec leur participation et leur coopération, doit être prioritaire dans les plans de développement économique d'ensemble des régions qu'ils habitent. Les projets particuliers de développement de ces régions doivent également être conçus de manière à promouvoir une telle amélioration. 3. Les gouvernements doivent faire en sorte que, s'il y a lieu, des études soient effectuées en coopération avec les peuples intéressés, afin d'évaluer l'incidence sociale, spirituelle, culturelle et sur l'environnement que les activités de développement prévues pourraient avoir sur eux. Les résultats de ces études doivent être considérés comme un critère fondamental pour la mise en oeuvre de ces activités. 4. Les gouvernements doivent prendre des mesures, en coopération avec les peuples intéressés, pour protéger et préserver l'environnement dans les territoires qu'ils habitent. Article 8
81
1. En appliquant la législation nationale aux peuples intéressés, il doit être dûment tenu compte de leurs coutumes ou de leur droit coutumier. 2. Les peuples intéressés doivent avoir le droit de conserver leurs coutumes et institutions dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec les droits fondamentaux définis par le système juridique national et avec les droits de l'homme reconnus au niveau international. Des procédures doivent être établies, en tant que de besoin, pour résoudre les conflits éventuellement soulevés par l'application de ce principe. 3. L'application des paragraphes 1 et 2 du présent article ne doit pas empêcher les membres desdits peuples d'exercer les droits reconnus à tous les citoyens et d'assumer les obligations correspondantes. Article 9 1. Dans la mesure où cela est compatible avec le système juridique national et avec les droits de l'homme reconnus au niveau international, les méthodes auxquelles les peuples intéressés ont recours à titre coutumier pour réprimer les délits commis par leurs membres doivent être respectées. 2. Les autorités et les tribunaux appelés à statuer en matière pénale doivent tenir compte des coutumes de ces peuples dans ce domaine. Article 10 1. Lorsque des sanctions pénales prévues par la législation générale sont infligées à des membres des peuples intéressés, il doit être tenu compte de leurs caractéristiques économiques, sociales et culturelles. 2. La préférence doit être donnée à des formes de sanction autres que l'emprisonnement. Article 11 La prestation obligatoire de services personnels, rétribués ou non, imposée sous quelque forme que ce soit aux membres des peuples intéressés, doit être interdite sous peine de sanctions légales, sauf dans les cas prévus par la loi pour tous les citoyens. Article 12 Les peuples intéressés doivent bénéficier d'une protection contre la violation de leurs droits et pouvoir engager une procédure légale, individuellement ou par l'intermédiaire de leurs organes représentatifs, pour assurer le respect effectif de ces droits. Des mesures doivent être prises pour faire en sorte que, dans toute procédure légale, les membres de ces peuples puissent comprendre et se faire comprendre, au besoin grâce à un interprète ou par d'autres moyens efficaces.
82
Partie II
Terres
Article 13 1. En appliquant les dispositions de cette partie de la convention, les gouvernements doivent respecter l'importance spéciale que revêt pour la culture et les valeurs spirituelles des peuples intéressés la relation qu'ils entretiennent avec les terres ou territoires, ou avec les deux, selon le cas, qu'ils occupent ou utilisent d'une autre manière, et en particulier des aspects collectifs de cette relation. 2. L'utilisation du terme terres dans les articles 15 et 16 comprend le concept de territoires, qui recouvre la totalité de l'environnement des régions que les peuples intéressés occupent ou qu'ils utilisent d'une autre manière. Article 14 1. Les droits de propriété et de possession sur les terres qu'ils occupent traditionnellement doivent être reconnus aux peuples intéressés. En outre, des mesures doivent être prises dans les cas appropriés pour sauvegarder le droit des peuples intéressés d'utiliser les terres non exclusivement occupées par eux, mais auxquelles ils ont traditionnellement accès pour leurs activités traditionnelles et de subsistance. Une attention particulière doit être portée à cet égard à la situation des peuples nomades et des agriculteurs itinérants. 2. Les gouvernements doivent en tant que de besoin prendre des mesures pour identifier les terres que les peuples intéressés occupent traditionnellement et pour garantir la protection effective de leurs droits de propriété et de possession. 3. Des procédures adéquates doivent être instituées dans le cadre du système juridique national en vue de trancher les revendications relatives à des terres émanant des peuples intéressés. Article 15 1. Les droits des peuples intéressés sur les ressources naturelles dont sont dotées leurs terres doivent être spécialement sauvegardés. Ces droits comprennent celui, pour ces peuples, de participer à l'utilisation, à la gestion et à la conservation de ces ressources. 2. Dans les cas où l'État conserve la propriété des minéraux ou des ressources du sous-sol ou des droits à d'autres ressources dont sont dotées les terres, les gouvernements doivent établir ou maintenir des procédures pour consulter les peuples intéressés dans le but de déterminer si et dans quelle mesure les intérêts de ces peuples sont menacés avant d'entreprendre ou d'autoriser tout programme de prospection ou d'exploitation des ressources dont sont dotées leurs terres. Les peuples intéressés doivent, chaque fois que c'est possible, participer aux avantages découlant de ces activités et doivent recevoir une indemnisation équitable pour tout dommage qu'ils pourraient subir en raison de telles activités. Article 16 1. Sous réserve des paragraphes suivants du présent article, les peuples intéressés ne doivent
83
pas être déplacés des terres qu'ils occupent. 2. Lorsque le déplacement et la réinstallation desdits peuples sont jugés nécessaires à titre exceptionnel, ils ne doivent avoir lieu qu'avec leur consentement, donné librement et en toute connaissance de cause. Lorsque ce consentement ne peut être obtenu, ils ne doivent avoir lieu qu'à l'issue de procédures appropriées établies par la législation nationale et comprenant, s'il y a lieu, des enquêtes publiques où les peuples intéressés aient la possibilité d'être représentés de façon efficace. 3. Chaque fois que possible, ces peuples doivent avoir le droit de retourner sur leurs terres traditionnelles, dès que les raisons qui ont motivé leur déplacement et leur réinstallation cessent d'exister. 4. Dans le cas où un tel retour n'est pas possible, ainsi que déterminé par un accord ou, en l'absence d'un tel accord, au moyen de procédures appropriées, ces peuples doivent recevoir, dans toute la mesure possible, des terres de qualité et de statut juridique au moins égaux à ceux des terres qu'ils occupaient antérieurement et leur permettant de subvenir à leurs besoins du moment et d'assurer leur développement futur. Lorsque les peuples intéressés expriment une préférence pour une indemnisation en espèces ou en nature, ils doivent être ainsi indemnisés, sous réserve des garanties appropriées. 5. Les personnes ainsi déplacées et réinstallées doivent être entièrement indemnisées de toute perte ou de tout dommage subi par elles de ce fait. Article 17 1. Les modes de transmission des droits sur la terre entre leurs membres établis par les peuples intéressés doivent être respectés. 2. Les peuples intéressés doivent être consultés lorsqu'on examine leur capacité d'aliéner leurs terres ou de transmettre d'une autre manière leurs droits sur ces terres en dehors de leur communauté. 3. Les personnes qui n'appartiennent pas à ces peuples doivent être empêchées de se prévaloir des coutumes desdits peuples ou de l'ignorance de leurs membres à l'égard de la loi en vue d'obtenir la propriété, la possession ou la jouissance de terres leur appartenant. Article 18 La loi doit prévoir des sanctions adéquates pour toute entrée non autorisée sur les terres des peuples intéressés, ou toute utilisation non autorisée de ces terres, et les gouvernements doivent prendre des mesures pour empêcher ces infractions. Article 19 Les programmes agraires nationaux doivent garantir aux peuples intéressés des conditions équivalentes à celles dont bénéficient les autres secteurs de la population en ce qui concerne:
a) l'octroi de terres supplémentaires quand les terres dont lesdits peuples disposent sont insuffisantes pour leur assurer les éléments d'une existence normale, ou pour faire face à leur éventuel accroissement numérique;
84
b) l'octroi des moyens nécessaires à la mise en valeur des terres que ces peuples possèdent déjà.
Partie III
Recrutement et Conditions d'emploi
Article 20 1. Les gouvernements doivent, dans le cadre de la législation nationale et en coopération avec les peuples intéressés, prendre des mesures spéciales pour assurer aux travailleurs appartenant à ces peuples une protection efficace en ce qui concerne le recrutement et les conditions d'emploi, dans la mesure où ils ne sont pas efficacement protégés par la législation applicable aux travailleurs en général. 2. Les gouvernements doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour éviter toute discrimination entre les travailleurs appartenant aux peuples intéressés et les autres travailleurs, notamment en ce qui concerne:
a) l'accès à l'emploi, y compris aux emplois qualifiés, ainsi que les mesures de promotion et d'avancement; b) la rémunération égale pour un travail de valeur égale; c) l'assistance médicale et sociale, la sécurité et la santé au travail, toutes les prestations de sécurité sociale et tous autres avantages découlant de l'emploi, ainsi que le logement; d) le droit d'association, le droit de se livrer librement à toutes activités syndicales non contraires à la loi et le droit de conclure des conventions collectives avec des employeurs ou avec des organisations d'employeurs.
3. Les mesures prises doivent notamment viser à ce que:
a) les travailleurs appartenant aux peuples intéressés, y compris les travailleurs saisonniers, occasionnels et migrants employés dans l'agriculture ou dans d'autres activités, de même que ceux employés par des pourvoyeurs de main-d'oeuvre, jouissent de la protection accordée par la législation et la pratique nationales aux autres travailleurs de ces catégories dans les mêmes secteurs, et qu'ils soient pleinement informés de leurs droits en vertu de la législation du travail et des moyens de recours auxquels ils peuvent avoir accès; b) les travailleurs appartenant à ces peuples ne soient pas soumis à des conditions de travail qui mettent en danger leur santé, en particulier en raison d'une exposition à des pesticides ou à d'autres substances toxiques; c) les travailleurs appartenant à ces peuples ne soient pas soumis à des systèmes de recrutement coercitifs, y compris la servitude pour dette sous toutes ses formes; d) les travailleurs appartenant à ces peuples jouissent de l'égalité de chances et de traitement entre hommes et femmes dans l'emploi et d'une protection contre le harcèlement sexuel.
85
4. Une attention particulière doit être portée à la création de services adéquats d'inspection du travail dans les régions où des travailleurs appartenant aux peuples intéressés exercent des activités salariées, de façon à assurer le respect des dispositions de la présente partie de la convention.
Partie IV
Formation professionnelle, artisanat et industries rurales
Article 21 Les membres des peuples intéressés doivent pouvoir bénéficier de moyens de formation professionnelle au moins égaux à ceux accordés aux autres citoyens. Article 22 1. Des mesures doivent être prises pour promouvoir la participation volontaire des membres des peuples intéressés aux programmes de formation professionnelle d'application générale. 2. Lorsque les programmes de formation professionnelle d'application générale existants ne répondent pas aux besoins propres des peuples intéressés, les gouvernements doivent, avec la participation de ceux-ci, faire en sorte que des programmes et des moyens spéciaux de formation soient mis à leur disposition. 3. Les programmes spéciaux de formation doivent se fonder sur le milieu économique, la situation sociale et culturelle et les besoins concrets des peuples intéressés. Toute étude en ce domaine doit être réalisée en coopération avec ces peuples, qui doivent être consultés au sujet de l'organisation et du fonctionnement de ces programmes. Lorsque c'est possible, ces peuples doivent assumer progressivement la responsabilité de l'organisation et du fonctionnement de ces programmes spéciaux de formation, s'ils en décident ainsi. Article 23 1. L'artisanat, les industries rurales et communautaires, les activités relevant de l'économie de subsistance et les activités traditionnelles des peuples intéressés, telles que la chasse, la pêche, la chasse à la trappe et la cueillette, doivent être reconnus en tant que facteurs importants du maintien de leur culture ainsi que de leur autosuffisance et de leur développement économiques. Les gouvernements doivent, avec la participation de ces peuples, et, s'il y a lieu, faire en sorte que ces activités soient renforcées et promues. 2. A la demande des peuples intéressés, il doit leur être fourni, lorsque c'est possible, une aide technique et financière appropriée qui tienne compte des techniques traditionnelles et des caractéristiques culturelles de ces peuples ainsi que de l'importance d'un développement durable et équitable.
86
Partie V
Sécurité sociale et santé
Article 24 Les régimes de sécurité sociale doivent être progressivement étendus aux peuples intéressés et être appliqués sans discrimination à leur encontre. Article 25 1. Les gouvernements doivent faire en sorte que des services de santé adéquats soient mis à la disposition des peuples intéressés ou doivent leur donner les moyens leur permettant d'organiser et de dispenser de tels services sous leur responsabilité et leur contrôle propres, de manière à ce qu'ils puissent jouir du plus haut niveau possible de santé physique et mentale. 2. Les services de santé doivent être autant que possible organisés au niveau communautaire. Ces services doivent être planifiés et administrés en coopération avec les peuples intéressés et tenir compte de leurs conditions économiques, géographiques, sociales et culturelles, ainsi que de leurs méthodes de soins préventifs, pratiques de guérison et remèdes traditionnels. 3. Le système de soins de santé doit accorder la préférence à la formation et à l'emploi de personnel de santé des communautés locales et se concentrer sur les soins de santé primaires, tout en restant en rapport étroit avec les autres niveaux de services de santé. 4. La prestation de tels services de santé doit être coordonnée avec les autres mesures sociales, économiques et culturelles prises dans le pays.
Partie VI
Éducation et moyens de communication
Article 26 Des mesures doivent être prises pour assurer aux membres des peuples intéressés la possibilité d'acquérir une éducation à tous les niveaux au moins sur un pied d'égalité avec le reste de la communauté nationale. Article 27 1. Les programmes et les services d'éducation pour les peuples intéressés doivent être développés et mis en oeuvre en coopération avec ceux-ci pour répondre à leurs besoins particuliers et doivent couvrir leur histoire, leurs connaissances et leurs techniques, leurs systèmes de valeurs et leurs autres aspirations sociales, économiques et culturelles. 2. L'autorité compétente doit faire en sorte que la formation des membres des peuples intéressés et leur participation à la formulation et à l'exécution des programmes d'éducation soient assurées afin que la responsabilité de la conduite desdits programmes puisse être progressivement transférée à ces peuples s'il y a lieu. 3. De plus, les gouvernements doivent reconnaître le droit de ces peuples de créer leurs
87
propres institutions et moyens d'éducation, à condition que ces institutions répondent aux normes minimales établies par l'autorité compétente en consultation avec ces peuples. Des ressources appropriées doivent leur être fournies à cette fin. Article 28 1. Lorsque cela est réalisable, un enseignement doit être donné aux enfants des peuples intéressés pour leur apprendre à lire et à écrire dans leur propre langue indigène ou dans la langue qui est le plus communément utilisée par le groupe auquel ils appartiennent. Lorsque cela n'est pas réalisable, les autorités compétentes doivent entreprendre des consultations avec ces peuples en vue de l'adoption de mesures permettant d'atteindre cet objectif. 2. Des mesures adéquates doivent être prises pour assurer que ces peuples aient la possibilité d'atteindre la maîtrise de la langue nationale ou de l'une des langues officielles du pays. 3. Des dispositions doivent être prises pour sauvegarder les langues indigènes des peuples intéressés et en promouvoir le développement et la pratique. Article 29 L'éducation doit viser à donner aux enfants des peuples intéressés des connaissances générales et des aptitudes qui les aident à participer pleinement et sur un pied d'égalité à la vie de leur propre communauté ainsi qu'à celle de la communauté nationale. Article 30 1. Les gouvernements doivent prendre des mesures adaptées aux traditions et aux cultures des peuples intéressés, en vue de leur faire connaître leurs droits et obligations, notamment en ce qui concerne le travail, les possibilités économiques, les questions d'éducation et de santé, les services sociaux et les droits résultant de la présente convention. 2. À cette fin, on aura recours, si nécessaire, à des traductions écrites et à l'utilisation des moyens de communication de masse dans les langues desdits peuples. Article 31 Des mesures de caractère éducatif doivent être prises dans tous les secteurs de la communauté nationale, et particulièrement dans ceux qui sont le plus directement en contact avec les peuples intéressés, afin d'éliminer les préjugés qu'ils pourraient nourrir à l'égard de ces peuples. A cette fin, des efforts doivent être faits pour assurer que les livres d'histoire et autres matériels pédagogiques fournissent une description équitable, exacte et documentée des sociétés et cultures des peuples intéressés.
Partie VII
Contacts et coopération à travers les frontières
Article 32 Les gouvernements doivent prendre les mesures appropriées, y compris au moyen d'accords internationaux, pour faciliter les contacts et la coopération entre les peuples indigènes et
88
tribaux à travers les frontières, y compris dans les domaines économique, social, culturel, spirituel et de l'environnement.
Partie VIII
Administration
Article 33 1. L'autorité gouvernementale responsable des questions faisant l'objet de la présente convention doit s'assurer que des institutions ou autres mécanismes appropriés existent pour administrer les programmes affectant les peuples intéressés et qu'ils disposent des moyens nécessaires à l'accomplissement de leurs fonctions. 2. Ces programmes doivent inclure:
a) la planification, la coordination, la mise en oeuvre et l'évaluation, en coopération avec les peuples intéressés, des mesures prévues par la présente convention; b) la soumission aux autorités compétentes de propositions de mesures législatives et autres et le contrôle de l'application de ces mesures, en coopération avec les peuples intéressés.
Partie IX
Dispositions générales
Article 34 La nature et la portée des mesures à prendre pour donner effet à la présente convention doivent être déterminées avec souplesse, compte tenu des conditions particulières à chaque pays. Article 35 L'application des dispositions de la présente convention ne doit pas porter atteinte aux droits et aux avantages garantis aux peuples intéressés en vertu d'autres conventions et recommandations, d'instruments internationaux, de traités, ou de lois, sentences, coutumes ou accords nationaux.
Partie IX
Dispositions finales
Article 36 La présente convention révise la Convention relative aux populations aborigènes et tribales de 1957. Article 37 Les ratifications formelles de la présente convention seront communiquées au Directeur
89
général du Bureau international du travail et par lui enregistrées. Article 38 1. La présente convention ne liera que les Membres de l'Organisation internationale du travail dont la ratification aura été enregistrée par le Directeur général. 2. Elle entrera en vigueur douze mois après que les ratifications de deux Membres auront été enregistrées par le Directeur général. 3. Par la suite, cette convention entrera en vigueur pour chaque Membre douze mois après la date où sa ratification aura été enregistrée. Article 39 1. Tout Membre ayant ratifié la présente convention peut la dénoncer à l'expiration d'une période de dix années après la date de la mise en vigueur initiale de la convention, par un acte communiqué au Directeur général du Bureau international du Travail et par lui enregistré. La dénonciation ne prendra effet qu'une année après avoir été enregistrée. 2. Tout Membre ayant ratifié la présente convention qui, dans le délai d'une année après l'expiration de la période de dix années mentionnée au paragraphe précédent, ne fera pas usage de la faculté de dénonciation prévue par le présent article sera lié pour une nouvelle période de dix années et, par la suite, pourra dénoncer la présente convention à l'expiration de chaque période de dix années dans les conditions prévues au présent article. Article 40 1. Le Directeur général du Bureau international du travail notifiera à tous les Membres de l'Organisation internationale du travail l'enregistrement de toutes les ratifications et dénonciations qui lui seront communiquées par les Membres de l'Organisation. 2. En notifiant aux Membres de l'Organisation l'enregistrement de la deuxième ratification qui lui aura été communiquée, le Directeur général appellera l'attention des Membres de l'Organisation sur la date à laquelle la présente convention entrera en vigueur. Article 41 Le Directeur général du Bureau international du travail communiquera au Secrétaire général des Nations unies, aux fins d'enregistrement, conformément à l'article 102 de la Charte des Nations unies, des renseignements complets au sujet de toutes ratifications et de tous actes de dénonciation qu'il aura enregistrés conformément aux articles précédents. Article 42 Chaque fois qu'il le jugera nécessaire, le Conseil d'administration du Bureau international du travail présentera à la Conférence générale un rapport sur l'application de la présente convention et examinera s'il y a lieu d'inscrire à l'ordre du jour de la Conférence la question de sa révision totale ou partielle.
90
Article 43 1. Au cas où la Conférence adopterait une nouvelle convention portant révision totale ou partielle de la présente convention, et à moins que la nouvelle convention ne dispose autrement:
a) la ratification par un Membre de la nouvelle convention portant révision entraînerait de plein droit, nonobstant l'article 39 ci-dessus, dénonciation immédiate de la présente convention, sous réserve que la nouvelle convention portant révision soit entrée en vigueur; b) à partir de la date de l'entrée en vigueur de la nouvelle convention portant révision, la présente convention cesserait d'être ouverte à la ratification des Membres.
2. La présente convention demeurerait en tout cas en vigueur dans sa forme et teneur pour les Membres qui l'auraient ratifiée et qui ne ratifieraient pas la convention portant révision. Article 44 Les versions française et anglaise du texte de la présente convention font également foi.
États ayant ratifié la Convention:
Nombre Pays Date de la ratification
1 Argentine 3 juillet 2000
2 Bolivie 11 décembre 1991
3 Colombie 7 août 1991
4 Costa Rica 2 avril 1993
5 Danemark 22 février 1996
6 Équateur 15 mai 1998
7 Fidji 3 mars 1998
8 Guatemala 5 juin 1996
9 Honduras 28 mars 1995
10 Mexique 5 septembre 1990
11 Norvège 19 juin 1990
12 Paraguay 10 août 1993
13 Pays-Bas 2 février 1998
14 Pérou 2 février 1994
15 Venezuela 17 octobre 2001
Top Related