Vico critique du cartésianisme

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1/10 VICO CRITIQUE DU CARTÉSIANISME Giambattista Vico a été présenté dans le livre de Zeev Sternhell, Les anti-lumières, comme l’archétype, avec Herder, des philosophes du XVIIIe siècle opposés aux Lumières. Il appartiendrait à un courant « irrationaliste » et fondamentalement réactionnaire. On ne peut commettre plus grave méprise sur le philosophe napolitain, auteur de la Scienza Nuova, trop inconnu en France. Au contraire de Sternhell, Jonathan Israël, dans Les Lumières radicales, le situe dans le courant critique des Lumières, dont Spinoza est la première figure emblématique. Si l’on peut être moins tranché de Jonathan Israël, il reste que l’œuvre de Vico, loin d’être anti-moderne, préfigure à bien des égards les penseurs du siècle suivant, comme Hegel et Marx (qui le cite chaleureusement). Il ouvre la voie à cette « science nouvelle », à la fois anthropologique, historique et sociale qui se déploiera bien tard. Il esquisse non pas un refus de la science mathématisée dont Galilée, Descartes et Newton ont jeté les bases, mais une critique au sens de la délimitation du champ de validité. En ce sens, il reste notre contemporain. Nous nous concentrons dans le présent article sur la critique de la méthode de Descartes, la critique de cette « nouvelle critique » qui n’est peut-être pas tant l’œuvre de Descartes lui-même que la vision dominante du cartésianisme tel qu’il a été reçu dans l’Europe des Lumières. *** Dans l’ouvrage consacré à La méthode des études de notre temps (De nostri temporis studiorum ratione), daté de 1708, Giambattista Vico prend la défense de la culture humaniste contre le vent nouveau, essentiellement cartésien, qui fait de la rigueur mathématique et de la vérité scientifique la règle absolue. En fait, cet apparent manifeste contre la modernité pose les jalons d’une critique très moderne de la modernité cartésienne. Le texte commence par une sorte d’apologie de la science moderne, celle qui se fonde sur les développements des mathématiques et de leur application systématique à la physique et avec cela des aides apportées à la médecine par cette nouvelle physique. Mais Vico considère que ces progrès ne doivent pas faire perdre le sens de la mesure. La finitude de l’homme implique que son savoir ne peut être qu’un savoir humain, nécessairement imparfait. Et c’est, du reste, cette imperfection et cette limitation de l’homme qui exigent une méthode des études entendue comme méthode pour former les esprits et d’abord les esprits des enfants et des jeunes gens qu’on ne peut d’emblée traiter comme s’ils étaient des adultes. Ce que Vico nomme « la nouvelle critique » (nova critica), appellation sous laquelle il désigne le cartésianisme, et dont les effets scientifiques sont jugés indiscutablement positifs, présente néanmoins de graves inconvénients. Vico commence par critiquer l’exigence d’une « vérité première » (le cogito cartésien). De la méthode cartésienne, il refuse la récusation de tout ce qui pourrait n’être pas tout à fait certain, car cela conduit à rejeter « les choses vraisemblables comme si elles étaient fausses » et à méconnaître radicalement les principes mêmes de l’éducation. Vico pourrait ici suivre une indication de Bacon, un des auteurs modernes qui l’ont le plus influencé : « Dans les spéculations, si l’on commence par la certitude, l’on finira par le doute ; si l’on commence par le doute et si on le supporte avec patience pendant un temps, l’on finira par la certitude. » On pourrait croire que Bacon ne dit pas autre chose que Descartes. Mais c’est en fait l’exact opposé. Chez Descartes, on ne commence pas par le doute pour aller à la certitude,

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VICO CRITIQUE DU CARTÉSIANISME

Giambattista Vico a été présenté dans le livre de Zeev Sternhell, Les anti-lumières, comme

l’archétype, avec Herder, des philosophes du XVIIIe siècle opposés aux Lumières. Il appartiendrait à

un courant « irrationaliste » et fondamentalement réactionnaire. On ne peut commettre plus grave

méprise sur le philosophe napolitain, auteur de la Scienza Nuova, trop inconnu en France. Au contraire

de Sternhell, Jonathan Israël, dans Les Lumières radicales, le situe dans le courant critique des

Lumières, dont Spinoza est la première figure emblématique. Si l’on peut être moins tranché de

Jonathan Israël, il reste que l’œuvre de Vico, loin d’être anti-moderne, préfigure à bien des égards les

penseurs du siècle suivant, comme Hegel et Marx (qui le cite chaleureusement). Il ouvre la voie à cette

« science nouvelle », à la fois anthropologique, historique et sociale qui se déploiera bien tard. Il

esquisse non pas un refus de la science mathématisée dont Galilée, Descartes et Newton ont jeté les

bases, mais une critique au sens de la délimitation du champ de validité. En ce sens, il reste notre

contemporain. Nous nous concentrons dans le présent article sur la critique de la méthode de

Descartes, la critique de cette « nouvelle critique » qui n’est peut-être pas tant l’œuvre de Descartes

lui-même que la vision dominante du cartésianisme tel qu’il a été reçu dans l’Europe des Lumières.

***

Dans l’ouvrage consacré à La méthode des études de notre temps (De nostri temporis studiorum

ratione), daté de 1708, Giambattista Vico prend la défense de la culture humaniste contre le vent

nouveau, essentiellement cartésien, qui fait de la rigueur mathématique et de la vérité scientifique la

règle absolue. En fait, cet apparent manifeste contre la modernité pose les jalons d’une critique très

moderne de la modernité cartésienne.

Le texte commence par une sorte d’apologie de la science moderne, celle qui se fonde sur les

développements des mathématiques et de leur application systématique à la physique et avec cela des

aides apportées à la médecine par cette nouvelle physique. Mais Vico considère que ces progrès ne

doivent pas faire perdre le sens de la mesure. La finitude de l’homme implique que son savoir ne peut

être qu’un savoir humain, nécessairement imparfait. Et c’est, du reste, cette imperfection et cette

limitation de l’homme qui exigent une méthode des études entendue comme méthode pour former les

esprits et d’abord les esprits des enfants et des jeunes gens qu’on ne peut d’emblée traiter comme s’ils

étaient des adultes. Ce que Vico nomme « la nouvelle critique » (nova critica), appellation sous

laquelle il désigne le cartésianisme, et dont les effets scientifiques sont jugés indiscutablement positifs,

présente néanmoins de graves inconvénients.

Vico commence par critiquer l’exigence d’une « vérité première » (le cogito cartésien). De la méthode

cartésienne, il refuse la récusation de tout ce qui pourrait n’être pas tout à fait certain, car cela conduit

à rejeter « les choses vraisemblables comme si elles étaient fausses » et à méconnaître radicalement les

principes mêmes de l’éducation. Vico pourrait ici suivre une indication de Bacon, un des auteurs

modernes qui l’ont le plus influencé : « Dans les spéculations, si l’on commence par la certitude, l’on

finira par le doute ; si l’on commence par le doute et si on le supporte avec patience pendant un temps,

l’on finira par la certitude. » On pourrait croire que Bacon ne dit pas autre chose que Descartes. Mais

c’est en fait l’exact opposé. Chez Descartes, on ne commence pas par le doute pour aller à la certitude,

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mais, au contraire, on part de la certitude du « cogito » pour produire d’autres certitudes (celle de

l’existence de Dieu, etc.). Si Vico semble, au début, mettre dans un même camp les modernes, Bacon

autant que Descartes, en réalité, c’est parce qu’il est un lecteur de Bacon dont il comprend assez

clairement la méthode, qu’il engage cette critique du cartésianisme. Non pas une critique des

modernes en général, mais une critique de l’un des courants des modernes et une prise de parti pour

l’autre, qui a tant eu de prolongements dans la philosophie anglaise empiriste.

Dans l’éducation, telle que Vico la défend, il s’agit de forger le « sens commun », faute de quoi elle

produira des jeunes gens arrogants – ceux qui sont certains de détenir la vérité dès le début, au

moment où il faudrait douter. Or, si l’erreur naît des choses fausses et la science des choses vraies et le

sens commun du vraisemblable, les exigences du cartésianisme risquent fort d’étouffer le sens

commun, c’est-à-dire celui du vraisemblable. Celui-ci est non seulement une règle de prudence mais

aussi une règle de l’éloquence1. La prudence doit être entendue dans son sens traditionnel –

notamment dans la philosophie antique – de règle pré-rationnelle, presque intuitive, qui permet à

l’homme de distinguer ce qui lui est utile et ce qu’il convient de faire ou de ne pas faire. Ce pourrait

être « l’opinion droite » de Platon. Mais c’est aussi tout simplement le genre de connaissance qui rend

la vie possible, précisément parce qu’il nous est impossible d’avoir en toutes choses une science

absolument certaine. Et c’est à cette vraisemblance que la Science Nouvelle fera une très large place.

Que le sens commun fondé sur le vraisemblable soit utile à l’éloquence, c’est tout aussi évident : pour

convaincre son auditoire de la vérité de son propos, l’orateur doit être capable d’en montrer la

vraisemblance. Loin d’opposer le vrai et le vraisemblable, il faut les considérer comme

complémentaires. Loin de rejeter l’aristotélisme, comme le fait Descartes, Vico s’appuie sur la

distinction que fait le Stagirite entre les raisonnements parfaits, ceux de la science au sens strict et les

argumentations dans les choses seulement probables qui forment l’objet des Topiques.

Enfin, pour Vico, l’éducation ne peut d’un bond emmener l’esprit aux sciences les plus abstraites ; elle

doit s’appuyer sur l’imagination (phantasia) qui est la force innée de l’esprit humain et cultiver la

mémoire. L’imagination, dira encore Vico un peu plus tard dans De l’antique sagesse de l’Italie, « est

la plus certaine des facultés, parce qu’en l’exerçant, nous façonnons les images des choses. »2

La méthode cartésienne est accusée d’affaiblir les esprits exercés dans les arts de la mémoire, en même

temps que tous ceux qui mettent en œuvre l’imagination : éloquence, peinture, poésie.

Les anciens e vitaient ces de savantages : pour presque tous, la ge ome trie e tait la logique des jeunes

gens. En fait, imitant les me decins, qui suivent ce vers quoi la nature incline, ils enseignaient aux jeunes

cette science qui ne peut e tre bien apprise sans une capacite aigue de se former des images, afin qu’ils

s’habituassent a la raison graduellement et lentement, selon l’inclination de leur a ge, sans qu’aucune

violence ne fu t faite a leur nature.3

Le point précis sur lequel porte la critique vichienne est la prétention de Descartes de faire table rase

de « tout ce que je tenais en ma créance » ou encore de tenir pour faux tout ce qui vient de

1 Le texte sur la méthode est l’œuvre d’un professeur de rhétorique à l’université de Naples,

fonction que Vico assume entre 1708 et 1710.

2 Vico, 1993, p.119. On retrouvera chez Leopardi cette défense de l’imagination face aux

prétentions de la raison. Voir Zibaldone, 1841.

3 Vico, 2008, p.72

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l’imagination ou encore de se présenter comme s’il n’avait lu aucun livre (voir le dialogue sur La

recherche de la vérité à la lumière de la raison naturelle). Certes, les détours méthodologiques de

Descartes ne condamnent, dans l’absolu, ni la mémoire, ni l’imagination, ni même l’opinion

commune, tenue pour guide dans les questions morales. Mais Vico ne fait pas une lecture, ligne à

ligne, de Descartes, il prend uniquement pour cible sa conception de la vérité ou, du moins, la

conception de la vérité issue du cartésianisme. Pour Vico, si la vérité peut être atteinte sans s’appuyer

sur l’éducation mais seulement par l’exercice pur de la raison, toute l’histoire humaine est dépourvue

de sens ! Il soutient, au contraire, que l’histoire humaine est l’histoire du progrès de la culture, d’une

éducation progressive de l’humanité. Et cette éducation de l’humanité suit, au fond, les mêmes voies

que celles qu’emprunte l’éducation de l’individu – un thème qu’on retrouvera chez Hegel. C’est en ce

sens qu’on doit comprendre l’insistance de Vico pour une éducation dans laquelle il faut se garder de

toute violence faite à la nature des enfants et des jeunes gens. La bonne éducation consiste à connaître

les avantages de la discussion des choses vraisemblables et la capacité d’user à bon escient de la

méthode déductive (la « critique »). C’est précisément pour cette raison que Vico accorde la plus

grande importance à la « topique », c’est-à-dire à l’art des discussions dans les choses seulement

probables.

On peut ainsi résumer les étapes de l’éducation vichienne : enrichir son esprit par les arts de la

conversation, affermir le sens commun par la prudence et l’éloquence, se renforcer dans la poésie et

dans la mémoire pour les arts qui utilisent ces facultés de l’esprit, et, seulement après, apprendre la

« critique ».

La critique de la méthode cartésienne débouche sur une thèse essentielle à la philosophie de Vico : la

connaissance de la nature est incertaine et la seule et unique fin des arts est de nous rendre certains que

nous agissons correctement. Vico insiste sur les inconvénients de l’introduction de la géométrie dans

la connaissance de la physique. Le plus grand est, paradoxalement, que cette physique est inattaquable,

parce qu’elle est déductive et qu’on ne peut mettre en cause l’une de ses déductions sans mettre en

cause le principe lui-même. Elle interdit toute discussion tant qu’on n’est pas allé au bout des

déductions, coupe, irrémédiablement, le lien entre la contemplation (non scientifique) de la nature et sa

connaissance scientifique et, enfin, interdit de faire des liens d’analogies entre choses éloignées l’une

de l’autre, ces liens d’analogies qui s’enracinent dans ce que la Science Nouvelle nommera « sagesse

poétique ». Donc, la méthode géométrique en physique se trouve ainsi séparée de l’ensemble du

mouvement de la culture et c’est là son inconvénient majeur. Il ne s’agit pas d’une critique de la

géométrie, mais d’une critique de l’application de la géométrie à la physique au point de penser que

nous serions presque dispensés du recours à l’expérience, dans une géométrisation complète de la

réalité physique4.

Après la méthode géométrique, Vico passe à l’analyse (c’est-à-dire l’application de solutions

algébriques aux problèmes de géométrie) dont il conteste l’utilité pour la physique. La mise en

équation de la physique lui semble un travail inutile fondé seulement sur des coïncidences fortuites.

Aux cartésiens qui invoquent son utilité pratique, Vico rétorque qu’Archimède a construit des

machines de guerre extraordinaires lors du siège de Syracuse tout en ignorant l’analyse. Et c’est sans

l’analyse que Brunelleschi a construit cette merveille architecturale qu’est Santa Maria del Fiore à

Florence. On ne peut guère être plus franchement à contre-courant de son époque et, évidemment, le

4 Notons que cette volonté de déduire les lois du mouvement de principes a priori conduit Descartes à

quelques erreurs notables dans la deuxième partie des Principes de la philosophie.

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développement de la physique va donner tort à Vico. Mais là encore, il faut comprendre ce que Vico

défend, au-delà des prises de position brutales contre les Modernes. Il conteste vigoureusement cette

science nouvelle dont la valeur de vérité se confond avec l’efficacité pratique technique. Les

techniques algébriques sont sans doute nécessaires aux ingénieurs reconnaît d’ailleurs Vico, mais elles

ne doivent venir qu’au second plan. Dans l’éducation des jeunes gens, c’est la mathématique des

formes, la géométrie, qui doit être enseignée en premier. Autrement dit, ce n’est pas l’application

technique de la science qui serait garante de sa vérité absolue.

De même Vico conteste l’utilité de la méthode cartésienne en médecine. La manière cartésienne de

considérer le corps comme une machine conduit à accorder moins de place aux symptômes, aux règles

pour conserver le corps en bonne santé, ou encore au lien étroit en médecine entre le corps et l’âme.

Plutôt qu’aux lois de la physique et à leur certitude prétendue, il vaudrait mieux donner plus de place

aux longues observations qui procurent des connaissances vraisemblables.

Plus grave, enfin, est le fait que la priorité donnée à la connaissance physique relègue au second plan

la morale et la jurisprudence (la science du droit) qui devraient avoir la première place.

Puisqu’aujourd’hui, l’unique but des e tudes est la ve rite , nous investiguons la nature des choses parce

qu’elle nous paraî t certaine, mais nous ne faisons pas de recherche dans la nature de l’homme parce

qu’elle est rendue au plus haut point incertaine par le libre arbitre. Mais cette me thode des e tudes

produit chez les adolescents de tels inconve nients qu’ils ne re ussissent pas ensuite a se comporter avec

la prudence suffisante dans la vie civile, ni ne savent colorer le discours de caracte re et l’enflammer

autant qu’il suffit de passions.5

La méthode nouvelle, « cartésienne », éduque à la science mais non à la sagesse. Or dans les affaires

humaines, c’est d’abord la sagesse qui est nécessaire et celle-ci n’a pas besoin de la rigidité des règles

du physicien, mais au contraire de la « mesure flexible utilisée à Lesbos », cette règle de plomb

malléable dont parle Aristote et qui s’adapte aux courbes des choses à mesurer.6 La science sans

prudence qui procède de la loi générale au particulier passe à travers les « tortuosités de la vie », alors

que le sage les connaît et sait les suivre sans oublier de regarder vers le but éternel qui est le sien.

Supériorité de la sagesse pratique donc sur la connaissance théorique selon la méthode mathématique.

L’opposition entre science et sagesse se double d’une discussion sur les deux types de discours, le

discours scientifique qui ne manie que des termes abstraits, choisis pour leur précision et le discours

éloquent qui sait user des images pour mieux toucher son interlocuteur. Opposition qui renvoie au

génie des langues. Au fond, le cartésianisme est conforme au génie de la langue française mais ne

convient pas à la langue italienne7. Vico ne soutient pas une conception relativiste de la vérité (vérité

en-deçà des Alpes, erreur au-delà !) mais soutient qu’elle ne peut s’exprimer de la même manière dans

5 Vico, 2008, p. 94

6 Vico, 2008, p.96. Sur la règle de Lesbos, voir Aristote, Éthique à Nicomaque, 1137b : Aristote

s’intéresse aux cas innombrables dans lesquels la loi ne peut pas déterminer le juste et où est

nécessaire l’honnête, « correctif de la loi dans les limites où elle est en défaut en raison de son

universalité ». Et Aristote poursuit : « L’indéterminé, en effet, a pour règle un outil lui aussi

indéterminé, tout comme la construction à Lesbos a pour règle le plomb. D’après la forme de la

pierre, en effet, cette règle de plomb se modifie et ne reste pas identique. De même le décret

s’adapte aux affaires traitées. » (Cité dans la traduction Bodéüs, GF-Flammarion, 2004)

7 Vico défend la supériorité de la langue italienne et se vante de n’avoir pas appris le français ...

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toutes les langues, c’est-à-dire dans toutes les cultures. Dans ce domaine aussi l’universel doit être

concret.

Si la « nouvelle critique » est désavantageuse pour la formation des jeunes gens, elle peut être utile à la

poésie : la méthode déductive, permettant de tirer logiquement des conséquences de prémisses fausses

peut produire des effets poétiques. Mais Vico ne s’en tient pas à cette formule qui pourrait sembler très

ironique. La volonté de la vérité (« claire et distincte ») de la « nouvelle critique » rejoint finalement

l’objectif du poète. Ce que le philosophe cherche avec sérieux, le poète l’enseigne en dilettante. On

voit ici s’esquisser le thème de la « science poétique » qui prendra une grande place dans la Science

Nouvelle. Mais alors que dans cette dernière œuvre, la science poétique est une étape d’un

développement historique de la culture humaine, une étape qui, finalement, devra être dépassée, ici, ce

qui distingue le poète du philosophe, ce sont les publics et les modes de conviction adaptés à des

publics différents. Le philosophe s’adresse au public cultivé et il le peut faire avec des termes abstraits

alors que le poète s’adresse au vulgaire et utilise pour ce faire des personnages et des actions.

À cette fin, les poe tes s’e cartent des formes quotidiennes du vrai pour en cre er une d’une espe ce encore

plus excellente ; et ils ne gligent la nature incertaine pour suivre la nature constante et ils suivent le faux

de sorte a e tre en quelque matie re encore plus ve ridiques.8

Le faux dont Vico parle ce sont les fictions poétiques dont la fonction est précisément de dire le vrai.

Ainsi la rigueur des actions humaines, la cohérence avec soi-même dont font preuve les héros

d’Homère constituent les modèles de la philosophie morale des stoïciens. Et Vico, qui affirme dans la

Scienza Nuova que les mythes sont vrais, affirme que la poésie est une voie d’accès à la vérité.

La nouvelle méthode, la critique, ne peut évidemment épargner la jurisprudence et c’est à elle que

Vico consacre le plus important chapitre de son traité consacré à la « méthode des études de notre

temps ». Le droit romain constitue le modèle de tout droit, puisqu’il garde les traces de la sagesse des

temps héroïques et que la définition que les Romains donnaient de la jurisprudence correspond

exactement à celle que les Grecs donnaient de la sagesse : « connaissance des choses divines et

humaines ». Mais, pour Vico, les Romains sont supérieurs aux Grecs en ce domaine et pour justifier

cette thèse, il esquisse une forme particulière du verum/factum (cf. infra). Les Romains connaissaient

mieux la sagesse jurisprudentielle que les Grecs, car au lieu d’apprendre en en discutant, ils

l’apprenaient dans la pratique.9 Il s’agit donc chez eux d’une philosophie « vraie et non simulée ».

Avec l’Empire, la jurisprudence romaine s’affaiblit, séparant l’art de juger – l’art oratoire – de la

connaissance du juste et de l’injuste, en même temps que le droit public était délaissé, la connaissance

des choses humaines se limitant dorénavant au droit privé. Par rapport à ce droit ancien, fort

corrompu, il semble que les nouvelles méthodes de la jurisprudence soient supérieures. La

rationalisation du droit (dont Domat est le représentant le plus connu en France) tend à présenter les

lois comme un système unique et rationnellement construit. Vico admet que cette méthode a des

avantages, notamment au regard d’un droit qui s’est affaibli et a perdu sa cohérence ainsi que le sens

de l’État et du bien commun. Cependant, c’est encore la prudence pratique et les exigences de l’art

oratoire qui sont les mieux adaptées à l’exercice du droit, notamment parce qu’une infinité des cas ne

peut être saisie par la loi et exige cette habitude de juger prudemment que donne la tradition juridique.

LE VERUM/FACTUM, CLÉ DE VOÛTE DE LA PENSÉE VICHIENNE

8 Vico, 2008, p.108

9 Vico, 2008, p.118

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Les questions abordées dans la Méthode des études de notre temps sont reprises plus directement sur le

plan métaphysique dans De la sagesse de l’antique Italie10

. Le point de départ est différent. Vico

suppose ici une théorie de langage selon laquelle celui-ci n’est rien d’autre que l’objectivation de la

pensée, il en déduit que l’étymologie permet de retracer la genèse de la pensée. Partant d’un principe

qu’il réfutera dans La Science Nouvelle, Vico suppose que l’on pourrait découvrir dans les origines de

la langue latine une sagesse antique, antérieure même à la sagesse des Grecs. Le lien entre philologie

et philosophie se noue ici. Constatant combien la langue latine est riche en expressions

philosophiques, Vico conjecture que, puisque les anciens Romains ne se préoccupaient que

d’agriculture et de guerre, cet enseignement philosophique incorporé dans la langue ne pouvait venir

que des Ioniens et des Étrusques. Vico entreprend de fait de construire une culture latine qui ait sa

propre spécificité, indépendante de celle des Grecs, une culture dotée d’une philosophie dont les

racines soient proprement italiennes et qui ne puisse donc être réduite à une traduction latine de la

philosophie grecque.

Trois questions résument le propos de ce livre I : celle de la vérité première, celle de la divinité

suprême et celle de l’âme humaine. Le livre s’ouvre par l’affirmation la plus célèbre de Vico : « les

mots verum et factum, le vrai et le fait, se mettent l’un pour l’autre. » De cette étymologie, Vico passe

à la gnoséologie. L’extrait décisif est celui-ci :

(…) le criterium du vrai, et la re gle pour le reconnaî tre, c'est de l'avoir fait ; par conse quent, l'ide e claire

et distincte que nous avons de notre esprit n'est pas un criterium du vrai, et elle n'est pas me me un

criterium de notre esprit ; car en se connaissant, l'esprit ne se fait point, et puisqu'il ne se fait point, il

ne sait pas le genre ou la manie re dont il se connaî t. Comme la science humaine a pour base

l'abstraction, les sciences sont d'autant moins certaines qu'elles sont plus engage es dans la matie re

corporelle. Àinsi la me canique est moins certaine que la ge ome trie et l'arithme tique, parce qu'elle

conside re le mouvement, mais re alise dans des machines ; la physique est moins certaine que la

me canique, parce que la me canique conside re le mouvement externe des circonfe rences, et la physique

le mouvement interne des corps. La morale est moins certaine encore que la physique parce que celle-ci

conside re les mouvements internes des corps, qui ont leur origine dans la nature, laquelle est certaine

et constante, tandis que la morale scrute les mouvements des a mes, qui se passent a de grandes

profondeurs, et qui proviennent le plus souvent du caprice, lequel est infini. En outre, en physique, les

the ories sont ve rifie es de s lors qu’elles permettent de produire quelque chose de semblable aux faits

observe s. C'est pour cela que les the ories sur la nature passent pour les plus importantes, et sont

accueillies de tout le monde avec la plus grande faveur, si on y ajoute des expe riences qui offrent une

imitation de la nature.

Pour tout dire en un mot, le vrai est convertible avec le bon, si ce qui est connu comme vrai tient son

e tre de l'esprit par lequel il est connu, et que la science humaine imite ainsi la science divine, par

laquelle Dieu, en connaissant le vrai, l’engendre a l’inte rieur de toute e ternite , et le fait a l'exte rieur

dans le temps. Quant au criterium du vrai, c'est pour Dieu de communiquer en cre ant la bonte aux

objets de sa pense e (vidit Deus, quod essent bona), de me me c'est pour les hommes d’avoir fait le vrai

qu’ils connaissent.11

10 De antiquissima italorum sapientia ex linguae latinae originibus eruenda. Le titre est le

programme. Il annonce trois livres, I. Métaphysique, II. Physique, III. Morale. Le livre I fut publié

en 1710. Le livre de physique a été commencé mais jamais achevé et le texte en est perdu et il n’y

a aucune trace du livre III consacré à la morale. Nous citons ce texte d’après la traduction Michelet

(Vico, 1993).

11 Vico, 1993, pp 76-77

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L’attaque contre la métaphysique cartésienne est cette fois directe. L’idée claire et distincte ne peut

pas être le criterium du vrai parce qu’elle ne peut pas être le criterium de notre esprit. Descartes part

de l’idée que l’esprit (mens) est plus aisé à connaître que le corps et cette connaissance claire et

distincte de l’existence et de la nature du « je » (« je suis une chose qui pense ») constitue le « point

d’Archimède » que recherchent les Méditations métaphysiques. Mais le « grand Méditateur », comme

l’appelle Vico, s’abuse lui-même : si le principe du verum/factum est valide, je connais d’autant plus

un objet que je l’ai fait. Ainsi les mathématiques qui sont les inventions de l’homme lui sont

parfaitement connues, la mécanique qui traite des mouvements extérieurs est un peu moins connue et

plus nous nous enfonçons dans l’épaisseur de l’être, moins la connaissance que nous en avons est

certaine. Vico soutient que la méthode utilisée par Descartes dans les Méditations ne permet pas du

tout de sortir du scepticisme et que « le seul moyen de renverser le scepticisme, c’est que nous

prenions pour criterium du vrai le fait de l’avoir fait ».12

On pourrait penser que Vico institue là une sorte de « critère de la pratique ». C’est ainsi que parfois il

a été interprété, notamment dans la tradition marxiste. Contre le kantisme et le caractère

inconnaissable de la « chose en soi » kantienne, Engels invoque l’industrie preuve pratique de la vérité

de nos connaissances en physique et chimie : si on peut synthétiser une substance (on peut la faire),

c’est qu’on la connaît complètement et qu’il n’y rien d’autre à connaître. On pourrait y voir aussi une

espèce d’anticipation du pragmatisme qui prolonge par bien des aspects l’expérimentalisme baconien.

Mais Vico n’entend pas les choses ainsi.

La thèse du verum/factum n’est certainement pas une invention de Vico. Selon une certaine critique

catholique à laquelle Vico répond, on pourrait la trouver sous des formes légèrement différentes dans

d’autres sources, principalement dans la tradition thomiste. D’autres commentateurs citent Duns Scot,

Nicolas de Cues ou encore l’occasionnalisme de Malebranche. Ainsi dans la Somme théologique, saint

Thomas affirme-t-il: « le bon est convertible avec l’étant, ainsi le vrai. » (I, question XVI, art.3) Cette

formulation est assez éloignée de celle de Vico. Dans sa réponse au « Giornale de’ litterati d’Italia »,

Vico semble cependant tirer sa position vers la formule thomiste.

Premie rement, j’e tablis un vrai qui se convertit avec le fait, et, ainsi, j’entends le « bon » des e coles,

qu’elles convertissent avec l’e tre, et donc je rame ne en Dieu ce qui est l’unique Vrai parce qu’en lui est

contenu tout fait.13

Ainsi que le remarque Croce14

, une telle méthode herméneutique permet de ramener toutes les

philosophies à une seule ! Il ne faudrait donc pas prendre trop au sérieux la revendication de filiation

thomiste de Vico, qui n’est sans doute qu’une argutie où l’on invoque l’autorité de la théologie

officielle catholique en vue d’échapper aux médisances et jalousies dont Vico se plaint fréquemment.

De quoi s’agit-il donc ? Pour comprendre la problématique de Vico, il est peut-être intéressant de

suivre la suggestion de Croce et d’aller voir du côté de Galilée. Dans un passage connu du Dialogue

sur les deux grands systèmes du monde, Galilée s’essaie à la comparaison entre les puissances

intellectuelles de l’homme et celles de la nature. Il distingue deux sortes de compréhension : la

12 Vico, 1993, p.81

13 Vico, 2008, p.327. Les discussions de 1711-1712 auxquelles la publication de L’antique sagesse

de l’Italie a donné lieu ne figurent pas dans l’édition française de 1993, tirée de Michelet.

14 Croce, 1913, p.317

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compréhension intensive et la compréhension extensive. La deuxième se rapporte à la multitude des

choses intelligibles alors que la première se rapporte à la perfection de la compréhension d’une

proposition. Or si relativement au nombre des choses à comprendre, qui sont infinies, l’intellect

humain est un zéro, il n’en est pas de même relativement à certaines propositions.

… je dis que l’intellect humain comprend parfaitement certaines et en a une certitude aussi absolue que

la nature elle-me me peut en avoir ; c’est le cas des sciences mathe matiques pures, c’est-a -dire de la

ge ome trie et de l’arithme tique : en ces sciences, l’intellect divin peut bien connaî tre infiniment plus de

propositions que l’intellect humain, puisqu’il les connaî t toutes, mais, a mon sens la connaissance qu’a

l’intellect humain du petit nombre qu’il comprend parvient a e galer en certitude objective la

connaissance divine, puisqu’elle arrive a en comprendre la ne cessite et qu’au-dessus de cela il n’y a rien

de plus assure .15

Ce passage est évidemment fondamental. Il fait de l’homme un double de Dieu, le double fini d’un

être infini mais apte à atteindre une vérité tout aussi assurée, tout aussi absolue. Cela fera partie des

charges portées contre Galilée. Mais Galilée est dans la continuité d’une tradition de la philosophie qui

comprend Pic de la Mirandole ou Campanella et Vico pourrait bien prolonger cette même lignée,

platonicienne et étrangère au thomisme. Dieu connaît l’infinité du monde puisqu'il « a fait toutes les

choses ». L’homme, au contraire, ne peut évidemment pas toutes les connaître, il ne peut même pas les

comprendre à proprement parler puisque qu’il faudrait qu’elles soient en lui pour pouvoir les

comprendre. Pour faire comprendre la différence entre le vrai connu par Dieu et le vrai humain, Vico

emploie une image: le vrai humain est comme l’image plane d’une forme plastique. L’écart entre

l’homme et Dieu procède de ce mécanisme projectif et permet d’expliquer cependant pourquoi

l’homme peut atteindre la vérité dans son domaine propre :

Et de me me que le vrai divin consiste en ce que Dieu, dans l’acte me me de sa connaissance, dispose et

engendre, de me me le vrai humain consiste en ce que l’homme, dans la connaissance, combine et

produit pareillement. Àinsi la science est la connaissance du genre ou de la manie re dont la chose se

fait, connaissance dans laquelle l’esprit fait lui-me me l’objet …16

De cela il se tire que l’homme ne peut connaître que les choses qu’il a faites. Quelles sont ces choses ?

Comme l’homme n’est pas véritablement créateur, il ne comprend pas en lui les choses de la nature.

La méthode analytique aristotélicienne comme le pythagorisme sont des tentatives qui conduisent dans

une impasse car « l’homme, marchant par ces voies à la découverte de la nature, s’aperçut enfin qu’il

ne pouvait y atteindre », mais

il sut alors utiliser ce de faut de son esprit, et par l’abstraction, comme on dit, il se cre a deux e le ments :

un point qui pu t se repre senter et une unite susceptible de multiplication. Deux fictions. Car le point, si

on ne le figure n’est plus un point, et l’unite qu’on multiplie n’est plus une unite . En outre, il partit de ces

bases, comme il en avait le droit, pour aller jusqu’a l’infini, prolongeant les lignes dans l’immensite et

poussant dans l’innombrable la multiplication de l’unite . De cette manie re, il se construisit un monde de

formes et de nombres qu’il pu t embrasser tout entier en lui-me me.17

C’est pourquoi la science la plus certaine, et même la seule qui soit absolument certaine, est la

mathématique, car si le principe de la science humaine est l’abstraction, dit comme le dit Vico, seule la

mathématique est complètement abstraite. On comprend alors pourquoi la mécanique est moins

15 Galilée, Dialogue sur les deux grands systèmes du monde, traduit de l’italien par René Fréreux,

Seuil, 1992, p. 211

16 Vico, 1993, p.72

17 Vico, 1993, p.75

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certaine que les mathématiques : elle s’occupe du mouvement – c’est la cinématique – mais du

mouvement « réalisé dans les machines ». Mais à son tour la mécanique parce que plus abstraite est

plus certaine que la physique. « La mécanique considère le mouvement externe des circonférences et

la physique le mouvement interne des centres. » Cette expression s’éclaire à la lumière de la thèse de

Vico exposée dans le début du texte : la mécanique ne s’occupe que des mouvements « extérieurs » de

la matière, ceux qui peuvent être abstraitement représentés par des figures géométriques – comme les

trajectoires elliptiques des planètes qui constituent la « mécanique céleste ». Elle est encore très proche

de la géométrie pure. Au contraire, la physique, dans la mesure où elle s’intéresse à la matière elle-

même ne peut plus procéder aux mêmes abstractions.

Par le même raisonnement on conçoit que la morale est encore moins certaine que la physique. Il faut

entendre ici la morale au sens large d’étude de l’esprit humain, presque au sens de psychologie, et non

au sens étroit, prescriptif. La régularité des phénomènes physiques donne encore la possibilité d’une

abstraction qu’interdit l’infinie variation de l’esprit humain qui semble n’obéir qu’à la fantaisie.

La thèse du verum/factum présentée en 1710 n’est donc susceptible d’aucune interprétation

« pragmatiste » et Vico n’anticipe pas la « philosophie de la praxis », le nom sous lequel Gentile, puis

Gramsci, désignent la philosophie de Marx. Elle se présente plutôt comme une limitation drastique de

la possibilité pour l’homme d’atteindre la vérité en dehors des mathématiques et c’est en cela qu’elle

est franchement anti-cartésienne et pourrait plutôt incliner au scepticisme – comme souvent y porte le

platonisme.

De cet ouvrage de 1710, Vico rejettera la thèse fondamentale, celle d’une sagesse philosophique

ancienne et cachée dans l’étymologie et la Science Nouvelle au contraire répétera qu’il n’y a pas chez

les peuples anciens de sagesse absconse. Pourtant la thèse sur la nature de la vérité sera conservée

sous la forme particulière qu’elle trouve dans l’œuvre majeure de Vico : nous connaissons mieux le

monde civil que le monde naturel car nous avons fait celui-là et non celui-ci – et c’est pratiquement

sous cette forme que Marx la reprend pour soutenir la validité d’une science de l’histoire, à ceci près,

et ce n’est pas rien, que, pour Marx faire l’histoire, ce n’est pas exactement ce que Vico entend quand

il parle de « faire le monde civil ». Plus généralement, on peut considérer, avec Ciro Greco que « le

terrain préparé par le De Antiquissima sera celui-là même sur lequel édifier la Science Nouvelle, les

coordonnées métaphysiques qui se trouvent dans le premier, bien que se transformant, demeureront en

partie au fond du second »18

.

***

La recherche de la vérité ne procède pas d’une méthode infaillible qu’il suffirait d’appliquer

rigoureusement. Sans nier l’importance ni les résultats des sciences de la nature et notamment de la

physique mathématisée, il s’agit d’en circonscrire le champ avec précision et de garder toute sa place à

la culture héritée. Au-delà, les réflexions de Vico pourraient nous être utiles aujourd’hui, à l’heure où

la « méthodologie », les procédures et la recherche du « rendement » dans la pensée envahissent

l’école. Avec Vico, nous pourrions réaffirmer la valeur éminente des humanités classiques dans la

formation des esprits. Plutôt une tête bien faite qu’une tête bien pleine, répète-t-on ; mais une tête vide

ne peut être bien faite et la tradition humaniste, plus que tout, concourt à former les esprits avec

suffisamment de largeur de vue pour qu’ils puissent être des esprits critiques.

BIBLIOGRAPHIE :

18 C. Greco, « Dualismo e poeisis in Giambattista Vico », in Vico, 2008, p. 464

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* Œuvres de Vico citées ici

[1993] De l’antique sagesse de l’Italie, traduction de Jules Michelet révisée, présentation de Bruno

Pinchard, GF-Flammarion, 1993

[2008] Metafisica et metodo, a cura di Claudio Faschilli, Ciro Greco, Andrea Murari, postfazione di

Massimo Cacciari. Bompiani, 2008, édition bilingue latin-italien. Contient Il metodo degli studi del

nostro tempo (1708) et L’antichissima sapienza degli Italici da dedursi dalle origini della lingua

latina e Polemiche.

* Commentaires

[1913] CROCE, Benedetto, La philosophie de Jean-Baptiste Vico, Giard et Brière, 1913, traduit de

l’italien par H.Buriot-Darsiles et Georges Bourgin.