Review of Marie-Christine MARCELLESI, Pergame de la fin du Ve au début du Ier siècle avant J.-C....

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Volume 18/2 2013 ORIENT - OCCIDENT

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Volume 18/2 2013

ORIENT - OCCIDENT

Comité d’honneur (au 01.01.2014) :Jean Andreau, Alexandre Farnoux, Ian Morris, Georges Rougemont, Catherine Virlouvet

Comité de Rédaction (au 01.01.2014) :Marie-Françoise Boussac, Roland Étienne, Jean-François Salles, Laurianne martinez-sève, Jean-Baptiste Yon

Responsable de la Rédaction : Marie-Françoise Boussac

Adjoint : Jean-Baptiste Yon

Maison de l’Orient et de la Méditerranée — Jean Pouilloux7 rue Raulin, F-69365 LYon

[email protected]

www.topoi.mom.fr

Diffusion : De Boccard Édition-Diffusion, 11 rue de Médicis, 75006 Paris

Topoi. Orient-Occident 18, Lyon (2013)ISSN : 1161-9473

Illustration de couverture : Mithra taurochtone (dessin O. Callot, d’après les sculptures conservées au Louvre).Illustration du dos : Mithra taurophore (dessin O. Callot, d’après les sculptures conservées au Louvre).

Ouvrage publié avec le concours

de la Société des Amis de la Bibliothèque Salomon Reinach

Topoi 18 (2013)p. 345-346

SOMMAIRE

Fascicule 2

Sommaire 345-346

ChroniquesF. Bièvre-Perrin, « 150 ans de recherches sur les marqueurs de tombes en Grande Grèce. Bilan historiographique et mise en perspective historique » 347-365C. Brélaz, « La vie démocratique dans les cités grecques à l’époque impériale » 367-399

Comptes rendusH. le Bras, C. Holleran et A. Pudsey (éds), Demography and the Graeco-Roman World (2011) 401-404

Époque archaïque et classique, Orient ancienR. Boucharlat, J.e. Curtis et al. (éds), New Light on Nimrud (2008) 405-408R. Boucharlat, C.H. Roosevelt, The Archaeology of Lydia (2009) 409-412R. Boucharlat, J. Curtis et St J. Simpson (éds), The World of Achaemenid Persia (2010) 413-417R. Boucharlat, J. Álvarez-Mon, The Arjān Tomb (2010) 419-422Ph. clancier, P. Briant et Fr. Joannès (dir.), La transition entre l’empire achéménide et les royaumes hellénistiques, Persika 9 (2006) 423-429J. zurBach, D. Demetriou, Negotiating Identity in the Ancient Mediterranean (2012) 431-434r. étienne, C. Grandjean, Chr. Hugoniot et B. Lion (éds), Le Banquet du monarque dans le monde antique (2013) 435-438s. Fourrier, Th. Brisart, Un art citoyen (2011) 439-443s. Fourrier, G. Papantoniou, Religion and Social Transformations in Cyprus (2012) 445-450J. des courtils, B.D. Wescoat, The Temple of Athena at Assos (2012) 451-457B. holtzmann, G. Marginesu, Gli epistati dell’Acropoli (2010) 459-468B. Barr-sharrar, E. Zimi, Late Classical and Hellenistic Silver Plate (2011) 469-483J.-Cl. decourt, N.M. Dimitrova, Theoroi and initiates in Samothrace (2008) 485-488

Époque hellénistiqueM. Paganini, P. Fröhlich et P. Hamon (éds), Groupes et associations dans les cités grecques (2013) 489-498J. ma, B. Virgilio, Le roi écrit. La correspondance du souverain hellénistique (2011) 499-503D. marcotte, D.W. Roller, Eratosthenes’ Geography (2010) 505-507N. Kaye, P. Thonemann (éd.), Attalid Asia Minor (2013) 509-515P. Fröhlich, A.S. Chankowski, L’éphébie hellénistique (2011) 517-533G. Frija, P.P. Iossif et al. (éds), More than Men, Less than Gods (2011) 535-543

346 sommaire

Fr. de callataÿ, M.-Chr. Marcellesi, Pergame. Pratiques monétaires et histoire (2012) 545-550Fr. de callataÿ, Th. Faucher, Frapper monnaie (2013) 551-554Époque romaineS. rotroFF, S. Élaigne, La vaisselle fine de l’habitat alexandrin (2012) 555-562J.-Cl. Béal, S. Fontaine et al. (éd.), La ville au quotidien, Regards croisés sur l’habitat et l’artisanat antiques (2011) 563-564J. ma, A. Heller et A.-V. Pont (éds), Patrie d’origine et patries électives (2012) 565-570Y. rotman, K. Harper, Slavery in the Late Roman World (2011) 571-575C. saliou, W. Mayer, P. Allen, The Churches of Syrian Antioch (2012) 577-582

ÉgypteM.-P. chauFraY, A. Monson, Agriculture and Taxation in Early Ptolemaic Egypt (2012) 583-590D. agut-laBordère, M. Vierros, Bilingual Notaries in Hellenistic Egypt (2012) 591-594B. redon, A. Monson, From the Ptolemies to the Romans (2012) 595-602G. ruFFini, B. Kelly, Petitions, Litigation, and Social Control in Roman Egypt (2011) 603-611S. amigues, M. van der Veen, Consumption, Trade and Innovation. Botanical Remains from the Roman and Islamic Ports at Quseir al-Qadim (2011) 613-621

Orient de l’époque hellénistique à l’islamW. PiePer, F. Holt et O. Bopearachchi, The Alexander Medallion (2011) 623-630S. élaigne, D.Frangié et J.-Fr. Salles (éds), Lampes antiques du Bilad Es Sham (2011) 631-637M.-D. nenna, A.M. Berlin et al., Tell Anafa II, ii. Glass Vessels, Lamp (2012) 639-650L. TholBecq, L. Nehmé, Atlas archéologique et épigraphique de Pétra 1 (2012) 651-658Ch. lerouge-cohen, R. Shayegan, Arsacids and Sasanians (2011) 659-667R. gYselen, M.P. Canepa, The Two Eyes of The Earth (2009) 669-673L. martinez-sève, L. Stančo, Greek Gods in the East (2012) 675-679

Arabie, Inde, océan IndienJ. Schiettecatte, P. Yule (éd.), Late antique Arabia (2013) 681-686J. Pons, V. Jayaswal (éd.), Glory of the Kushans (2012) 687-697B. dagens, P. Olivelle, King, Governance, and Law in Ancient India (2013) 699-706Cl. alliBert, Ph. Beaujard, Les mondes de l’océan Indien (2012) 707-715R. muKherjee, É. Vallet, L’Arabie marchande (2010) 717-719

Ouvrages reçus par la rédaction 721-723

Topoi 18 (2013)p. 545-550

Compte rendu

Marie-Christine marcellesi, Pergame de la fin du ve au début du ier siècle avant J.-C. Pratiques monétaires et histoire, Studi Ellenistici XXVI, Fabrizio Serra Editore, Pise-Rome (2012), 282 p., 225 € (paperback) – ISBN 978-88-6227-459-6.

Marie-Christine Marcellesi s’était fait connaître par une thèse de doctorat soutenue en 1999 en Sorbonne sous la direction d’Olivier Picard : Milet des Hécatomnides à la domination romaine. Pratiques monétaires et histoire de la cité du ive au iie siècle av. J.-C. (thèse publiée en 2004 à Mayence chez l’éditeur Philipp von Zabern). Elle y déployait avec beaucoup de finesse des raisonnements articulant au mieux les témoignages numismatique et épigraphique, à l’instar de son maître Olivier Picard. Pour son habilitation à diriger des recherches, soutenue en 2008 sous la direction du même maître, Marie-Christine Marcellesi a repris la même formule – et le même titre – en l’appliquant cette fois à la grande cité de Pergame, capitale du royaume éponyme et de la dynastie des Attalides. L’ouvrage qui paraît aujourd’hui dans la collection réputée (et malheureusement hors de prix) des Studi Ellenistici, en est le prolongement direct. Entretemps, son auteur aura succédé à son mentor dans la chaire d’histoire grecque de l’Université Paris-Sorbonne (Paris IV).

On saluera tout d’abord un travail qui considère largement son thème et cela tant par la chronologie – en insérant la Pergame attalide dans un contexte plus vaste – que par les matériaux traités – les monnaies, les textes, les inscriptions mais aussi l’archéologie – en le reprenant à nouveaux frais. Il en résulte une série de gains, notamment s’agissant de l’interprétation de certains types iconographiques. Elle ruine, pour toujours veut-on croire, le lien supposé entre la ‘tête de satrape’ (qu’elle dénomme plus prudemment ‘tête revêtue d’un bonnet phrygien’) et une hypothétique représentation des Gongylides et la même chose vaut pour le lien établi entre le type ‘Héraclès/Athéna’ sur les monnaies avec le personnage historique Héraclès, fils de Barsine.

L’ouvrage suit un fil chronologique dont les cinq chapitres portent respectivement sur : 1. Pergame avant le milieu du ive siècle (p. 23-42) ; 2. Pergame dans la seconde moitié du ive siècle (p. 43-63) ; 3. Pergame à l’époque de Philétaire (p. 65-86) ; 4. Pergame des années 260 au début du iie siècle (p. 87-114) et enfin 5. Pergame du début du iie au début du ier siècle (p. 115-167). Deux annexes numismatiques (I. Présentation synthétique du monnayage émis à Pergame, p. 173-192 ; II. Les trésors, p. 193-228) précèdent une riche bibliographie (p. 229-246), trois index (1. Auteurs anciens ; 2. Sources épigraphiques et papyrologiques et 3. Index général, p. 247-256), 6 planches et 8 cartes.

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Du bel ouvrage en vérité même si – regret injuste de numismate – il ne s’agit pas d’une monographie numismatique d’atelier avec une étude de coins pour chaque type monétaire. On se dit que l’A. aurait pu la tenter, et cela d’autant plus que les grosses émissions de tétradrachmes – ce qui, par le volume, doit constituer l’essentiel du corpus disponible – ont déjà été étudiées sous ce rapport (les alexandres, les philétaires et les tétradrachmes cistophoriques) et qu’il ne restait finalement qu’à s’occuper en priorité des séries de bronze.

Mais le lecteur se réjouira de l’utilisation – et de l’utilisation mesurée – que l’A. fait de la quantification des masses monnayées (voir p. 78-79). Travaillant à partir d’une fourchette (15 000 / 30 000 monnaies par coin de droit), elle indique clairement qu’il s’agit d’obtenir des ordres de grandeur, lesquels lui sont néanmoins utiles puisque ceci l’amène à dresser un constat d’insuffisance ou plutôt de modicité : même en recourant aux estimations hautes, l’ensemble des frappes réalisées à Pergame sous Lysimaque et Philétaire ainsi que dans les décennies qui ont suivi ne peuvent dépasser l’équivalent de 1 000 talents (la réalité se situe sans doute très en dessous de ce chiffre), bien loin des 9 000 talents de la trésorerie soustraite par Philétaire à son maître Lysimaque. J’ai aussi constaté avec plaisir qu’elle liait ces frappes royales (ou dynastiques – mais rappelons que, selon le deuxième livre de l’Économique du pseudo-Aristote, la frappe royale est le premier des privilèges accordés au roi et non aux satrapes) d’abord avec le paiement des troupes, en tête desquelles viennent les mercenaires (p. 101 et 105). Le contexte de Pergame l’invite à ne pas négliger d’autres dépenses et notamment celles en rapport avec les artistes (p. 108-109).

On sera plus circonspect en revanche sur l’idée d’une frappe « régulière – mais pas forcément continue » – (p. 39) pour les bronzes pergaméniens (voir aussi p. 32, 39, 42 [« La cité de Pergame a donc frappé, à la fin du ve et dans la première moitié du ive s., un monnayage régulier »], 73, 85 [« La cité de Pergame émettait des monnaies de bronze au ive s. et a continué d’en émettre au iiie s. Ces frappes ont probablement été intermittentes mais rien ne laisse supposer qu’il y ait eu une interruption durable »] et, en conclusion générale, p. 170 [« …par la poursuite d’un monnayage de bronze civique. Celui-ci ne s’est jamais interrompu… »]). Il y a d’autant plus lieu de s’en méfier que nous manquons d’étude de coins à ce sujet. D’une façon générale, sauf exception à la vérité, les frappes monétaires ont constitué un phénomène discontinu dans le monde grec et l’on ne voit pas qu’il en ait été différemment pour Pergame (à tout le moins, les premiers bronzes, très rares, ont toutes chances de n’avoir pas représenté une « émission régulière »). Par ailleurs, la possibilité que les deux (trois aujourd’hui, voir Lanz, 156, 2 juin 2013, n° 177 [mêmes coins que l’exemplaire de Paris]) tétradrachmes connus au nom et au portrait d’Eumène II aient pu appartenir à une ‘frappe longue’ (p. 123) laisse également sceptique, car nous disposons de nombreux trésors pour cette époque.

Il convient aussi de se méfier d’une liaison entre frappes monétaires et prospérité économique de la cité (p. 40, 58 [« en tout état de cause, les monnaies à la tête d’Héraclès, contemporaines du développement du sanctuaire d’Athéna sur l’acropole de Pergame … témoignent d’un développement de la cité à partir

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du milieu du ive s. »] et, à nouveau en conclusion, p. 169-170 [« La frappe de monnaies d’or atteste un développement certain de la cité de Pergame »]). C’est sans doute vrai quand on considère la variété des émissions de bronzes mises en circulation mais, ainsi que Philip Kinns y a à plusieurs reprises insisté dans un contexte similaire, c’est plutôt l’inverse qui doit être soutenu dans le cas, comme ici, d’une frappe exceptionnelle en or. C’est parce qu’elle est aux abois et non pas parce qu’elle est trop riche que telle ou telle cité décide d’émettre une monnaie d’or. Dans le cas présent, et ainsi que j’ai tâché de le démontrer dans un article récent, ces statères d’or dont le nombre d’exemplaires connus a dernièrement explosé doivent être placés dans le contexte des « réquisitions » (on ne sait rien des modalités) faites par Alexandre le Grand en 334-333 av. J.-C. alors qu’il multiplie les expédients pour financer son effort de guerre (Fr. de callataÿ, « Les statères de Pergame et les réquisitions d’Alexandre le Grand : l’apport d’un nouveau trésor [« Pergame 2004 »] », Revue numismatique 169 [2012], p. 179-196).

Enfin et toujours au rayon des généralités, il me paraît falloir être très prudent au moment de traduire les textes et ne pas prendre pour de l’argent monétisé ce qui n’est jamais que des unités de compte. Ainsi, plusieurs inscriptions invoquées (Cyzique [OGIS 748], p. 82, 85 ; donation d’Eumène II à Delphes, p. 152 ; donation d’Attale Ier à Sicyone, p. 111 ; voir aussi p. 59) utilisent le mot argurion (avec un iota) que, selon l’usage, Marie-Christine Marcellesi traduit par ‘argent monnayé’. Une recherche récente m’a convaincu que cette traduction était trop restrictive (Fr. de callataÿ, « La monnaie de compte à l’époque hellénistique : le nécessaire réexamen des textes [en particulier du sens du terme argurion] à la lumière de la documentation numismatique », Annali dell’Istituto Italiano di Numismatica, 54 [2008], p. 19-34). Le terme ‘argurion’ correspond en réalité au sens qu’a le mot ‘money’ en anglais, à savoir un équivalent argent entendu comme moyen d’échanges (ainsi que l’A. en convient très justement p. 152 : « Cette mention ne correspond pas à un paiement mais indique le poids des phiales »). En pratique, il est bien possible que les donations mentionnées aient été faites en monnaies frappées, mais rien ne nous force à le penser. Cet élargissement du sens accordé au mot ‘argurion’ nécessite de revoir à la baisse le degré de monétisation du monde grec.

Si l’on reprend le fil chronologique de l’ouvrage, l’apparition des premières monnaies pergaméniennes est datée d’abord de l’extrême fin du ve s. et de la première moitié du ive s. av. J.-C. (p. 33, 38, 42) avant de n’être plus placée plus loin dans l’ouvrage que dans la première moitié du ive s. (p. 74, 169). Cette datation basse est peut-être la bonne ; elle est toutefois en net décalage avec la datation traditionnelle de c. 450 av. J.-C. que l’on trouve tant dans les ouvrages scientifiques que dans les catalogues de vente. L’auteur rejette comme de peu de poids le critère du carré creux (p. 33 : « le carré creux n’est donc pas déterminant pour la chronologie »), pourtant l’un des meilleurs traceurs chronologiques dont le numismate puisse disposer. Il me paraît hardi de descendre cette première émission aussi bas et l’on peut se demander si ce mouvement n’est pas inspiré à

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l’A. par sa volonté de faire, là aussi, coïncider textes et monnaies. Je ne vois pas, pour ma part, ce qui empêche de soutenir l’hypothèse d’une cité frappant monnaie avant que son nom n’apparaisse dans la littérature.

À titre d’exercice, j’ai réalisé une brève et rapide recherche relative à la première émission d’argent du catalogue, celle à la tête d’Apollon au droit et à la tête coiffée d’un bonnet phrygien au revers. En voici l’étude de coins (avec mention des chronologies proposées) :

D1 R1 (ΠΕΡ/Γ) a-CNG, 63, 21 mai 2003, n° 415 (1,53 g – cassée) (diobole : c. 450BC)b-Gorny & Mosch, 170, 13 oct. 2008, n° 1404 (1,64 g) (diobole : c. 450 BC)

D2 R2 (ΠΕΡΓ) a-Peus, 378, 28 avr. 2004, n° 225 (1,55g) (diobole : c. 400 BC)

D3 R3 (ΠΕ/ΡΓ) a-Gorny & Mosch, 118, 15 oct. 2002, n° 1397 (1,53g) (diobole : c. 450 BC)b-Gorny & Mosch, 146, 6 mars 2006, n° 224 (1,73g) (diobole : c. 450 BC)c-SNG Paris, n° 1546 (1,54g) (Borrell 1840)d-SNG von Aulock, n° 1347 (1,82 g) = Jameson, n° 2223 (mitte 5

J.v. Chr.)

D3 R4 (ΠΕΡ/ΓΑ) a-CNG, 64, 24 sept. 2003, n° 236 (1,60 g) (diobole : c. 450 BC)b-Baldwin, 34, 13 oct. 200, n° 89 (1,64 g) (diobole : c. 5th c. BC)

D3 R5 (ΠΕΡΓ) a-Weber, n° 5154 (1,61 g) Van Lennep, Smyrna, 1899 (c. 440-350 BC)b-SNG Paris, n° 1547 (1,72g) Waddington 946

D4 R6 (ΠΕΡΓΑ) a-SNG Paris, n° 1548 (1,61 g) Waddington 947

Une recherche plus ample eût sans doute permis de s’appuyer sur une information de meilleure qualité. Il n’empêche : telle quelle, cet échantillon réunit 12 exemplaires (dont 6 illustrés de façon optimale dans Coinarchives) pour 4 coins de droit et 6 de revers. Autrement dit, il est improbable que cette émission ait requis davantage que 10 coins de droit. Indépendamment d’ailleurs de tout calcul, les liaisons de coins de D3 montrent que les différences dans le développement de la légende (ΠΕΡ/Γ, ΠΕΡ/ΓΑ, ΠΕΡΓ), ou les sens de celles-ci (tantôt vers le haut, tantôt vers le bas) ne constituent aucun argument pour un éventuel étalement de l’émission dans le temps, qui peut bien avoir été réalisée toute entière en quelques mois.

La métrologie de cette première émission mérite aussi un commentaire technique. Élargissant très à propos ses vues aux environs larges de Pergame, l’A. est d’avis : 1) que la grande unité d’argent est le triple de la petite, et dès lors que l’on a affaire à des trioboles et des oboles et 2) que l’étalon utilisé serait l’étalon chiote. J’avoue qu’aucune de ces deux propositions ne me séduit. Si l’on observe les poids (tel que constitué dans le petit échantillon formé pour les besoins de la démonstration), on observe qu’ils se rangent certes de 1,53 à 1,82 g mais avec une très forte concentration autour de 1,61 g, valeur de la médiane (mode à 1,60-1,69 g). Inversement, le poids de 1,82 g, qui est celui retenu comme le poids théorique

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probable de l’émission dans le tableau donné p. 29, apparaît comme hors norme. Ces données cadrent mal avec l’étalon chiote auquel l’auteur aimerait les rattacher (p. 29-31, 169 [« version légèrement réduite de l’étalon appelé ‘chiote-rhodien’ par les numismates »]), à partir du moment où il est rappelé que les tétradrachmes frappés à Chios pesaient aux environs de 15,30g à la fin du ve s. (p. 30 – ce qui fait un triobole de ca. 1,91g).

Pour ce qui relève de l’attribution à Pergame (ou non) de riches émissions d’alexandres autrefois attribuées par Newell à l’atelier de Colophon, Marie-Christine Marcellesi demeure prudente et s’interdit de choisir (voir p. 61-63, 95 et 170) entre l’argument faible proposé par Martin Price (une différence de style entre ces alexandres et le groupe à l’Héraclès contemporain à Pergame) et l’argument fort donné par Philip Kinns (une double identité de marques de contrôle). Je l’engagerais, sur ce point, à donner plus de poids (mais on ne peut être certain) à l’attribution de ces alexandres à Pergame.

Les chapitres 3 à 5, qui forment le corps de l’ouvrage, sont consacrés au royaume de Pergame créé par Philétaire. La numismatique attalide offre plusieurs points très débattus que rencontre de front l’ouvrage de Marie-Christine Marcellesi. Malheureusement, cet ouvrage a été écrit trop tôt pour pouvoir prendre connaissance des résultats présentés dans le recueil d’articles organisés et édités par Peter thonemann, Attalid Asia Minor. Money, International Relations, and the State, Oxford, Oxford University Press [2013]). J’y dresse un panorama quantifié des frappes à l’époque (Fr. de callataÿ, « The coinage of the Attalids and their neighbours : a quantified overview », op. cit., p. 207-244). Mais c’est surtout l’article d’Andrew Meadows qu’il eût été souhaitable de connaître (A. meadows, « The closed currency system of the Attalid kingdom », ibid., p. 149-205 – surtout p. 175-181 : « Part 2. The Cistophoros. Date of introduction », avec référence à la littérature antérieure) dans la mesure où il offre des arguments de circulation monétaire extrêmement solides pour une datation basse de l’introduction de la monnaie cistophorique, dans les années 160 av. J.-C., alors que Marie-Christine Marcellesi repousse cette date avant 190 av. J.-C. et, à vrai dire, forcément quelque temps avant 191 av. J.-C., date de l’embarquement d’Antiochos III pour la Grèce continentale (p. 132-145 : « 5. La date d’instauration des cistophores »). Ce faisant elle réhabilite le témoignage de Tite-Live, que l’on était obligé d’écarter jusqu’ici, et, mieux encore, elle paraît donner un sens plus satisfaisant à l’iconographie de ce nouveau monnayage, tournée vers la seule cité de Pergame et non vers le royaume attalide, comme il eût été plus normal de l’enregistrer si les premiers tétradrachmes cistophores n’avaient été émis qu’au lendemain du traité d’Apamée si favorable à la monarchie. La démonstration est séduisante et ingénieuse, mais les faits, ici aussi, valent mieux qu’un lord maire et – nouvel avatar de la sempiternelle querelle des antiquaires – les numismates préféreront naturellement accorder leur confiance à une toile de faits en forme de trésors plutôt que de la faire reposer sur l’interprétation d’une source apocryphe.

Enfin, l’auteur note que le passage de la domination attalide à la domination romaine ne se traduit pas par une rupture dans le domaine monétaire, rupture qui

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se marquera de façon beaucoup plus franche avec la première guerre mithridatique (p. 165 et 172). Je partage globalement ce point de vue à condition que l’on reconnaisse le poids de Rome dès avant cette date dans les affaires monétaires, et peut-être même dès avant le legs du royaume d’Attale en 133 av. J.-C. ainsi qu’une série de surfrappes de cistophores datés des années c. 145-140 av. J.-C. sur des tétradrachmes aux types thasiens (frappe contrôlée par Rome) semble l’indiquer. Pour ce qui est du caractère romain des cistophores émis entre 134 et 67 av. J.-C., rappelons l’apparition du nom d’Atinius sur une variété d’Éphèse, le programme iconographique en rapport étroit avec la présence de Lucullus lorsque celui-ci séjourne à Éphèse ainsi que, peut-être, les cas de ‘brockages’ (double-incuses) constatés ces années-là, un accident technologique dont le monde grec n’a conservé la trace que de façon rarissime, à l’inverse du monde romain républicain (sur ce sujet, voir maintenant Fr. de callataÿ, « More than it would seem : the use of coinage by the Romans in late Hellenistic Asia Minor [133-63 BC] », American Journal of Numismatics 23 [2011], p. 55-86, pl. 8-10). Dans le même ordre d’idée, il conviendrait, je crois, d’infléchir quelque peu la conclusion de ce travail : « Grâce aux Attalides, Pergame est devenue une des cités les plus importantes de l’Asie Mineure occidentale, position qu’elle a continué d’avoir dans la province romaine d’Asie » (p. 172). On peut le voir ainsi en s’arrêtant aux monnaies (les cistophores, la grande monnaie d’argent, vont continuer à être frappés à Pergame). Reste qu’avec l’arrivée officielle des Romains, le centre de décision est déplacé de Pergame (résidence des rois) à Éphèse (résidence des proconsuls).

Ces quelques commentaires, dont certains peuvent faire l’objet d’appréciations différentes et dont beaucoup avaient déjà été formulés lors de la soutenance le 22 novembre 2008, témoignent de la difficulté de la tâche entreprise par Marie-Christine Marcellesi et – je dirais a contrario – du brio général avec lequel elle s’en est acquittée. Son « Pergame » est bien l’instrument qui articule largement numismatique et sources écrites pour le grand profit tant des numismates que des historiens des textes. Après sa monographie sur Milet et son article fondamental sur « Commerce, monnaies locales et monnaies communes dans les États hellénistiques » (REG 113 [2000], p. 326-358), Marie-Christine Marcellesi s’impose toujours plus comme une des voix les plus autorisées sur les affaires monétaires en Asie Mineure.

François de callataÿ

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Compte rendu

Thomas Faucher, Frapper monnaie. La fabrication des monnaies de bronze à Alexandrie sous les Ptolémées, Études alexandrines, 27, Le Caire, Centre d’études alexandrines (2013), 1 vol., 28 x 20,5 cm, 375 p. – 40 euros, ISBN 978-2-11-128618-4.

Cet ouvrage est la vingt-septième étude à être publiée dans la collection des Études alexandrines du Centre d’Etudes Alexandrines (CEA), fondé et animé avec une énergie infatigable par Jean-Yves Empereur. C’est aussi la troisième étude de numismatique puisque l’on se souvient que le dixième volume, paru en 2005, a réuni les communications présentées lors du colloque tenu en avril 2002 à Alexandrie sur le thème L’exception égyptienne ? Productions et échanges monétaires en Égypte hellénistique et romaine. Surtout, sorti de presse quelques mois avant le présent volume, la vingt-cinquième étude est pour ainsi dire inséparable de celle-ci puisqu’elle concerne aussi avant tout les monnaies de bronze ptolémaïques : Les monnaies des fouilles du Centre d’Études Alexandrines : Les monnayages de bronze à Alexandrie de la conquête d’Alexandre à l’Égypte moderne. Ce vingt-cinquième volume, orchestré par Olivier Picard, vaut surtout en ce qu’il réorganise complètement les émissions de bronze ptolémaïque, en s’écartant des chronologies de Svoronos et en remaniant ses groupements.

Brisant le carcan artificiel imaginé par Svoronos d’une répartition par règnes, Thomas Faucher et Olivier Picard distinguent dix séries monétaires dont ils lient l’introduction avec des réformes ou des mutations monétaires, elles-mêmes souvent liées à des événements militaires et aux difficultés de trésorerie qui en découlent. À l’intérieur de chaque série, on observe une cohérence typologique qui fait toujours différer les types de dénominations contiguës, et jouer sur des variations, en particulier au revers avec le type dominant de l’aigle, reconnaissables par des usagers tenus pour largement illettrés. La mécanique des frappes monétaires qui est ainsi reconstituée tire beaucoup de force de sa simplicité : dans un monde où la monnaie est bien comptée et non pas pesée, l’utilisateur se fiait à un module (et donc à un poids) mais surtout aux types pour identifier la dénomination qu’il avait en main (voir mon compte-rendu dans Revue belge de Numismatique 2013). Cette nouvelle chronologie, validée de commun accord par les trois meilleurs spécialistes sans doute de la question – Catharine Lorber, Olivier Picard et Thomas Faucher – constitue une avancée importante de la recherche. Tout benjamin de ce trio qu’il soit, Thomas Faucher doit être aujourd’hui celui qui possède la connaissance la plus intime de ce vaste monnayage de bronze émis par les rois Ptolémées, parce qu’il y a entièrement consacré sa thèse de doctorat et qu’il n’a cessé depuis d’approfondir son expertise à leur sujet. La nouvelle chronologie lui doit beaucoup.

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La présente monographie, la vingt-septième donc des Études Alexandrines, est la publication remaniée de la thèse que, sous la direction d’Olivier Picard, Thomas Faucher a soutenue en Sorbonne le 9 décembre 2006. Elle porte très précisément sur La fabrication des monnaies de bronze à Alexandrie sous les Ptolémées (titre en effet préférable à celui que portait la thèse : L’atelier monétaire sous les Lagides : problèmes techniques et stylistiques). La thèse formait déjà un travail de grande qualité aux perspectives novatrices (et salué comme tel par le jury unanime). Le livre qui en est aujourd’hui issu est bien meilleur encore et marque une date dans l’histoire de la recherche. Il y a à cela deux raisons : primo, l’ouvrage tient compte de la nouvelle chronologie des émissions, qui pointait déjà en 2006, mais dont les articulations n’avaient pas encore été aussi nettement dégagées. Deuxio, l’A. a eu à cœur de remanier son travail à la lumière des recherches les plus récentes, souvent les siennes, et de tenir grand compte des remarques faites part les membres de son jury de thèse, dont les miennes.

Thomas Faucher traite d’un sujet original et très attendu dans le champ des études numismatiques antiques : l’examen des différentes phases de fabrication d’une monnaie à partir des monnaies elles-mêmes bien entendu, puisque aucune description d’atelier ne nous est parvenue, mais avec le recours aux techniques modernes d’analyse. L’intérêt est a priori d’autant plus vif que l’étude porte sur les monnaies hellénistiques de bronze du grand atelier d’Alexandrie qui passe pour avoir eu un rôle innovateur à cette époque. Alliant une large curiosité et une belle inventivité (par exemple p. 68, tableau 48, une première mondiale : un tableau qui visualise le rapport entre les poids en abscisses et les diamètres en ordonnées) à un solide bon sens, l’A. apporte un lot remarquable de solutions, dont plusieurs paraîtront définitives, à des problèmes restés pendants ou mal interprétés. Il annule dans le même temps une série d’hypothèses anachroniques faites par Bernard Bouyon et Georges Depeyrot dans un livre récent (qui ont pu soutenir l’existence de marteau-pilon pour la frappe des grands bronzes, de poinçons pour la gravure des coins, l’envoi de modèles en cire, la re-cuisson des flans ou croire que les cavités centrales proviendraient de la forme des moules).

Suivant le cheminement de la chaîne opératoire, la distribution de l’ouvrage fait logiquement passer des problèmes relatifs à la « Composition métallique des monnaies de bronze des Ptolémées » (p. 17-90), à « L’organisation de l’atelier » (p. 91-179) pour finir par « Le flan, la frappe et la monnaie » (p. 181-277).

La question des métaux est reprise sur la base des analyses anciennes et surtout d’une batterie de 128 analyses nouvelles, effectuées pour la plupart par le Centre Ernest Babelon d’Orléans par activation aux neutrons rapides de cyclotron (ANRC). L’échantillonnage est appréciable ; il améliore très sensiblement nos connaissances, mais demeure insuffisant pour espérer apporter des réponses fermes aux questions que le spécialiste des monnaies se pose, d’autant que le choix des pièces a privilégié une approche dispersée mais représentative, à l’inverse d’une stratégie plus ciblée qui aurait fait porter les analyses sur plusieurs pièces d’une même série liées par les coins, comme on en possède aujourd’hui pour les deniers républicains. Il en résulte une vision un peu trop planifiée, à mon sens,

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qui exploite chaque différence de composition tenue pour significative sans tenir assez compte de la possible grande variabilité des mesures au sein d’une même émission. Cela étant, l’A. livre un commentaire plein de finesse qui confirme ce que l’on croyait pressentir pour Alexandrie et connaître pour d’autres monnayages hellénistiques, à savoir, avant tout, l’altération du bronze par le plomb à partir du iie s. Deux éléments plus neufs à noter toutefois, qui nuancent un panorama autrement presque linéaire : une utilisation précoce du plomb dans la première moitié du iiie s. pour certains grands bronzes émis avant la réforme monétaire de Ptolémée II Philadelphe et une remontée du taux d’étain sous Cléopâtre.

C’est avec la deuxième partie, consacrée à l’atelier, que le travail prend véritablement son envol en proposant des solutions neuves et très séduisantes pour de vieux problèmes en mal de résolution. Reprenant le dossier des coins monétaires antiques, l’auteur est amené à soutenir que le coin de droit était en fait une petite enclume. Il fournit pour la première fois une étude de coins d’une série ptolémaïque de monnaies de bronze qui laisse entrevoir une production très importante, laquelle dépasse en nombre de coins (est-ce une surprise ?) celle pour l’argent monnayé. Il met en évidence l’importance des monnaies moulées. Il démontre que le grènetis était gravé avant le type principal, lui-même réalisé avant la légende. Il conteste que les types monétaires aient été reproduits par l’usage de grands poinçons, mais n’exclut pas l’idée de petits poinçons pour former certains détails. Il s’abstient de faire un lien entre la qualité de la gravure et celle de la composition métallique. Cette partie contient aussi un long développement, moins original, sur les types monétaires.

La troisième partie est la plus excitante pour les esprits. Elle permet à Thomas Faucher de faire la démonstration de ses connaissances métallurgiques et de tout le parti que l’on peut tirer d’un couple toujours récompensé chez le chercheur : observation fine d’un phénomène et bon sens au moment de l’interpréter. Plusieurs propositions faites par l’auteur ont toutes les apparences d’avancées significatives et, je croirais bien, définitives, à propos de débats en cours depuis longtemps : les tranches biseautées de certaines monnaies de bronze ne sont pas le fruit de flans produits à partir de moules bivalves mais le résultat d’un limage des flans ; la cavité centrale qui s’observe à partir de Ptolémée Philadelphe ne provient pas de la forme du moule, mais du travail de polissage pratiqué pour arrondir et aplanir les flans avant la frappe (« trou de tournassage ») ; la frappe était effectuée à deux mains, avec une masse plutôt qu’un marteau, ce qui augmente sensiblement la force du coup et donc la capacité d’impression ; dès lors aussi, les très grands bronzes de près de 100 g n’ont ni nécessairement ni probablement été réalisés avec un mouton ; les monnaies étaient frappées à froid et non à chaud comme souvent supposé ; la productivité moyenne des coins monétaires pour le bronze, métal moins ductile que les métaux précieux, a du être inférieure à celle de l’argent et de l’or. Chacun conviendra qu’il y a là de grands progrès réalisés, très au-delà du cas particulier d’Alexandrie, dans la compréhension de la frappe monétaire antique.

Thomas Faucher ose aussi la quantification pour ce vaste matériel dont on peut estimer le nombre d’exemplaires aujourd’hui conservés à plusieurs dizaines

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de milliers (ca 10 000 au Musée gréco-alexandrin, près de 1 000 tirées de fouilles du CEA, plus de 1 000 à l’American Numismatic Society comme au Musée numismatique d’Athènes, 800 à la Bibliothèque nationale de France, etc.). Avec pas moins de 71 coins de droit pour une année d’une émission peu représentée dans nos médailliers (p. 117), l’étude de coins menée sur le trésor de Gézéïr donne la mesure d’une production, qui a toute chance d’avoir été très abondante, même si – bien sûr – la productivité moyenne des coins ayant servi pour le bronze, surtout s’il s’agit de modules lourds, dut être inférieure à celle obtenue pour l’argent. Bien entendu, il faut veiller à ne pas confondre la masse impressionnante du nombre de monnaies en circulation avec la valeur cumulée que celle-ci représente. L’A. nous dit que le développement du monnayage de bronze a servi « à faciliter le paiement des impôts au plus profond de la chôra égyptienne » (p. 257), mais aussi que – à partir d’une exploitation un peu spécieuse des classement de Svoronos – la valeur du bronze monnayé sous Ptolémée III n’aurait représenté que 0,57 % du stock mis alors en circulation (42 % pour l’or et 57,5 % pour l’argent). Osons une considération à ce propos : si l’on attribue à la frappe du bronze monnayé l’équivalent de 20 coins de drachmes par an (ce qui me paraît généreux car la valeur moyenne des bronzes frappés se situe très en-dessous de la drachme), cela donne 50 talents annuels, à comparer aux c. 10.000 talents de revenus dont on nous dit qu’ils rentraient dans les trésoreries royales. Il y a là un élément modérateur quant au degré de monétisation effective de la chôra égyptienne, libre à chacun de spéculer sur la part (importante, prépondérante, très majoritaire) conservée par les paiements en nature.

L’ouvrage de Thomas Faucher est de premier ordre. Il va marquer pour longtemps, gageons-le, l’histoire du monnayage ptolémaïque, mais il va bien plus loin que cela. En combinant analyses de laboratoire, frappes expérimentales et perspectives quantitatives, il offre la plus belle des vitrines à cette numismatique contemporaine qui, s’appuyant sur le développement spectaculaire de démarches sans doute perçues d’abord comme techniques, engrange en réalité un surcroît de connaissances directement utiles à l’historien. Loin de creuser le fossé avec ce dernier, un travail comme celui-ci le comble. Nous aussi.

François de callataÿ