Relation Haiti-Rep DOm

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République d’Haïti et République Dominicaine : Une nouvelle forme de relation (Nord/Sud) entre deux pays du Sud. Par Sandy R. LAROSE Quelle est limportance de la Coopération internationale pour les intellectuels des Sciences Sociales ? A cet énigme nous répondons catégoriquement qu’il est impossible de comprendre le développement des pays riches ou pauvres sans comprendre les modes de coopérations qu’ils entretiennent et plus encore on ne saurait comprendre le monde de la coopération sans l’histoire comme outil d’analyse et de soupape à la compréhension des formes de rapports. A tel enseigne, le Docteur Jean Mary Louis rapporte 1 que la colonisation a fait l’usage de la déconstruction de l’autre pour enfin le reconstruire comme « esclave ». Professeur Jean Fritzner Etienne quand à lui montre comment les Européens inventent l’ « autre » dans son imaginaire à travers des actes inimaginables 2 . Aujourd’hui encore la coopération demeure des rapports de pouvoir a-t-on remarqué. Sépulvéda a affirmé que l’Indien est « esclave par nature » 3 , maintenant les occidentaux ne parlent plus d’ « esclave » mais de « pauvre », en fait ce qui a changé c’est le vocable, dans le fait l’image qu’on a de l’autre reste et demeure pareille. Le Pape Alexander VI a insisté sur l’importance d’humilier les nations barbares pour les convertir à la foi chrétienne 4 . En ce sens, la représentation du Noir dans l’imaginaire européen d’alors est celle de l’ « autre » perçu comme chose postule le professeur Louis dans sa thèse, d’où la non-reconnaissance et l’ignorance complète de son humanité. Mais il parait bizarre que nous fassions l’usage de ces arguments tirés de la thèse de Docteur Jean Mary Louis et de Jean Fritzner Etienne dans le cadre d’un article sur les relations haïtiano- 1 LOUIS Jean Mary, Invention d’Haïti comme société pauvre, Université de Montréal, 2010. 2 ETIENNE Jean Fritzner, Pouvoir, religion et colonisation à l’époque moderne : le cas de l’Empire colonial français en Amérique, thèse de doctorat soutenue à Paris VII, 2012et note de cours ENS, UEH, 2013. (P.22) 3 In LOUIS Jean Mary, op cit, p. 210. 4 Ibidem., p.211.

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République d’Haïti et République Dominicaine : Une nouvelle forme de

relation (Nord/Sud) entre deux pays du Sud.

Par Sandy R. LAROSE

Quelle est l’importance de la Coopération internationale pour les intellectuels des Sciences

Sociales ? A cet énigme nous répondons catégoriquement qu’il est impossible de comprendre le

développement des pays riches ou pauvres sans comprendre les modes de coopérations qu’ils

entretiennent – et plus encore on ne saurait comprendre le monde de la coopération sans

l’histoire comme outil d’analyse et de soupape à la compréhension des formes de rapports. A tel

enseigne, le Docteur Jean Mary Louis rapporte1 que la colonisation a fait l’usage de la

déconstruction de l’autre pour enfin le reconstruire comme « esclave ». Professeur Jean Fritzner

Etienne quand à lui montre comment les Européens inventent l’ « autre » dans son imaginaire à

travers des actes inimaginables2. Aujourd’hui encore la coopération demeure des rapports de

pouvoir a-t-on remarqué.

Sépulvéda a affirmé que l’Indien est « esclave par nature »3, maintenant les occidentaux ne

parlent plus d’ « esclave » mais de « pauvre », en fait ce qui a changé c’est le vocable, dans le

fait l’image qu’on a de l’autre reste et demeure pareille. Le Pape Alexander VI a insisté sur

l’importance d’humilier les nations barbares pour les convertir à la foi chrétienne4. En ce sens, la

représentation du Noir dans l’imaginaire européen d’alors est celle de l’ « autre » perçu comme

chose postule le professeur Louis dans sa thèse, d’où la non-reconnaissance et l’ignorance

complète de son humanité.

Mais il parait bizarre que nous fassions l’usage de ces arguments tirés de la thèse de Docteur

Jean Mary Louis et de Jean Fritzner Etienne dans le cadre d’un article sur les relations haïtiano-

1 LOUIS Jean Mary, Invention d’Haïti comme société pauvre, Université de Montréal, 2010.

2 ETIENNE Jean Fritzner, Pouvoir, religion et colonisation à l’époque moderne : le cas de l’Empire colonial français

en Amérique, thèse de doctorat soutenue à Paris VII, 2012– et note de cours ENS, UEH, 2013. (P.22)

3 In LOUIS Jean Mary, op cit, p. 210.

4 Ibidem., p.211.

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dominicaines. Car, ce sont en fait deux pays du Tiers-monde suivant les caractéristiques5. Mais,

il en demeure un fait que la République Dominicaine se définisse comme une puissance par

rapport à la première République Noire du Monde, Haïti.

Haïti et la République Dominicaine ont des histoires en commun, elles partagent la même île, et

ont toutes deux été occupé par les Etats-Unis d’Amérique. La République Dominicaine se

définisse par rapport à Haïti, ce qui débouche sous une forme de rapport ambigu qui singe sur

les formes de rapports Nord/Sud – République Dominicaine se comporte comme si elle était un

pays du Nord et voit Haïti comme un pays du Sud. Mise à part de cela, les puissances et les

nantis du monde traitent avec la République Dominicaine comme une métropole insulaire.

Nous nous donnons comme objectif dans le cadre de cette recherche de comprendre pourquoi

Haïti et la république Dominicaine, au lieu d’avoir une relation Sud/Sud, les Dominicains se

considèrent comme supérieur et traitent les Haïti comme inférieur.

Pour arriver à nos objectifs fixés, nous utiliserons les notes de cours de Maitrise y compris la

thèse doctorat du professeur Jean Mary Louis. D’autres ouvrages comme l’Indépendance

Haitienne6 , le Barbare imaginaire de Laënnec Hurbon et bien d’autre ouvrages traitant les

thématiques de notre recherche et d’autres articles.

Pourquoi donc les relations haïtiano-dominicaine ? En fait, cet article est le fruit de l’inspiration

de l’avant-dernier cours en classe de Coopération internationale, mais également d’une

conférence organisée par la Fondation Zile en date du 28 Février 2013 sur les relations entre les

deux pays. A travers cette conférence, nous avons pu remarquer malgré la diplomatie était au

rendez-vous dans les débats, les dominicains à notre avis (inconsciemment peut-être) veulent se

montrer supérieur quelques parts aux Haïtiens.

Il parait un peu difficile vu le temps qui nous est accordé et la disponibilité des documents de

vérifier l’origine de ce complexe ; mais nous utiliserons des manuels, des rapports de conférence,

et tout autre moyen. Nous priorisons l’approche compréhensive pour mieux aborder la question.

Nous croyons que nous ne pouvons avancer aucune hypothèse voire confirmer la moindre

5 COMELIAU, Christian. Les relations Nord-Sud, éd. La découverte, Coll. Repère, Paris, 1991. (pp.4- 39).

6 BIRD Marc, L’Indépendance Haïtienne, éd. Fardin, Port-au-Prince, 2013.

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d’entre elle sans utiliser des paramètres tel le tourisme, la sécurité frontalière, le commerce, la

migration etc. Nous essaierons de passer en revue ces paramètres, à notre avis, qui semblent les

plus importants en vue de confirmer ou d’avancer une hypothèse relative à notre question de

recherche, puisqu’ils sont le centre des rivalités entre les deux républiques.

L’histoire nous permet de prendre conscience des faits historiques qui font que, nous avons

aujourd’hui un tel type de coopération. Ainsi, nous avons vu l’importance et la nécessité de faire

des recherches sur les rapports existant entre ces deux pays, les systèmes de gouvernement etc.

Haïti et la république dominicaine ont une histoire quelque part commune. On ne saurait

comprendre les dynamiques de la coopération en ignorant complètement ou partiellement

l’histoire qu’elles ont en commun.

I- Problématique

La République d’Haïti et la république Dominicaine partagent l’ile appelée Ayiti, Quisqueya, ou

Bohio, plus tard Hispaniola etc. – ils ont toutes les deux des histoires en fait très différentes et

même à la fois. Deux nations qui sont nées dans de contextes historiques différents. Haïti est

libérée du joug français en 1803 après la bataille du 18 Novembre de cette même année. Les

dominicains de leur coté gagne la guerre haïtiano-dominicaine et ont proclamé leur indépendance

contre le régime de Boyer en 1844.

L’un des professeurs des Universités Dominicaines, Docteur David Alvarez a expliqué lors

d’une conférence les faits historiques qui conduisent à la révolution dominicaine. Il part d’une

date importante 1697 avec le traité de Ryswick qui divisa l’Ile en deux ; puis le traité de Bale qui

donne à la France l’ile entière, en passant par la révolution en Haïti, c’est-à-dire la partie l’Ouest

de l’île7 – pour arriver à 1822 où la République Dominicaine est annexée à Haïti sur le leadership

de Boyer. C’est avec Pablo Duarte qu’est venu l’indépendance de la république Dominicaine,

7 Compte-rendu de la conférence organisé à FOKAL, par la fondation Zile, le 28 février 2013 à Port-au-Prince sur

les relations haitiano-dominicaine. Intervenants : Docteur Arthus Weibert, Ambassadeur Despradel, l’historien

Georges Michel, Professeur David Alvarez.

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Duarte n’était pas un soldat comme Dessalines ou Toussaint en guise de comparaison.

Contrairement à ce que pensent bon nombre de gens, en particulier une bonne partie de l’élite

intellectuelle dominicaine, Professeur Alvarez nous a fait savoir qu’Haïti n’a pas été une

métropole pour la République Dominicaine, ni la République Dominicaine n’était pas non plus

une colonie d’Haïti. Pourtant, un fait est certain, la République Dominicaine a construit son

nationalisme avec comme arrière-fond un « anti-haïtianisme » institutionnalisé et exacerbé.

Quand nous prenons Juan Bosch, un historien dominicain de souche haïtienne qui avait déjà

soulevé la question à savoir que les haïtiens en Rép. Dominicaine aurait contribué à sa libération

ou sa séparation d’Haïti. La première armée Dominicaine est formée d’un reste de l’armée

haïtienne. Un autre historien haïtien George Michel a intervenu lors de cette même conférence en

faisant une historicité l’unité de l’ile avec Toussaint Louverture (1801), avec sur tout les

différentes réalisations8 du premier gouverneur général de l’ile d’Haïti ou Hispaniola

9. Il montre

la normalité de la révolution dominicaine. Le divorce entre les deux est du à la dissemblance

entre les peuples selon lui. Les documents historiques montrent clairement le rôle des garnisons

de l’armée haïtienne dans la liberté de la République Dominicaine10

.

Notre problème consiste à comprendre pourquoi la République a vite connu un essor

économique et s’est comporté par rapport à Haïti comme un pays du Nord. Face à cette

préoccupation nous nous posons la question suivante : Pourquoi la République Dominicaine tout

en étant un pays du tiers monde comme Haïti devienne une métropole insulaire ?

Il est indéniable que l’histoire est un outil clé pour comprendre les relations internationales et les

formes de coopération qui existent entre les pays. Dans le cadre de ce travail nous essaierons de

passer en revue, sinon prioriser une approche sur le tourisme, le commerce comme étant des

secteurs économiques les plus important du monde.

8 La route de Dahabon, la ville Bahona. Prof Michel nous dit que sous le gouvernement de Louverture, l’ile était

divisé en 5 départements.

9 Les dominicains préfèrent d’appeler l’ile hispanola, pour montrer leur origine hispanique. Prof Weiber 2013. Et

professeur Michel lors de son intervention à la conférence.

10 Jean Price Mars. Haiti et la Rep. Dominicaine

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II- Des traités sur l’ile

5 Décembre 1492, Christophe Colomb débarque sur l’île appelée d’alors Ayiti par les Tainos qui

étaient les premiers habitants de l’ile. Pour un intellectuel comme Edgard Morin, 1492 c’est le

début du système –monde (mondialisation) qui débute avec l’arrivé de ces européens en

Amérique. Leur présence est munie de l’européocentrisme. Un « européocentrisme » qui est basé

principalement sur l’unité de la foi chrétienne de ces européens voyageurs, va engendrer

automatiquement le rejet de l’autre qui n’a pas la même religion, ni la même culture qu’eux.

Nommé Hispaniola, Ayiti prit par la suite le nom de Saint-Domingue. Peuplée à l'origine

d'indiens qui furent exterminés, Haïti fut colonisée par les Espagnols, qui fondèrent la ville de

Saint-Domingue en 1498, mais le traité de Ryswick en 1697, accorda à la France la partie

occidentale de l'île, où des colons français s'étaient déjà établis.

1795, traité de Bâle, l'Espagne cède à la France la partie orientale de l'île, la France restitue les

territoires espagnols conquis au-delà des Pyrénées. L'île est réunifiée sur l'initiative de Toussaint

Louverture pour le plus grand bien de l'économie locale, il donne le nom d'Haïti au nouvel

ensemble.

III- La guerre haïtiano-dominicaine

Les Haïtiens entraient en Guerre contre les Dominicains qui veulent sortir du joug haïtien à un

moment où, même à l’Ouest, c’est-à -dire aux Cayes une rébellion gagne le terrain que l’auteur

nomme sous le nom de l’insurrection de Praslin. La nouvelle n’a pas tardé à atteindre Santo

Domingo qui est assiégé par l’armée haïtienne dirigée par Rivière Hérard, Président de la

République. Il voyait la nécessité de diviser en trois ailes. La première au centre sous sa direction

personnelle, la deuxième dirigée par le général Souffrant et du colonel Brouard, et la troisième

sous la direction du général Pierrot11

.

La première armée n’a pas essuyé d’échec contrairement à la deuxième quand elle atteint la

Fuente del Rodeo, ce fut une catastrophe. Seules les troupes de Rivière Hérard sortait victorieux

à Azua ce 19 mars. L’auteur nous fait remarquer que les Haïtiens défendaient l’intégrité,

11

PRICE MARS Jean, la république d’Haïti et la république Dominicaine, éd. Fardin, collection du Bicentenaire,

Port-au-Prince, 1953.

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l’indivisibilité du territoire insulaire en protégeant l’indépendance haïtienne qui serait fragilisé

par la naissance d’une autre république sur l’ile. Mais le danger souligne-t-il c’est qu’on n’a pas

expliqué cela aux dominicains. Donc la guerre haitiano-dominicaine est une guerre

impopulaire. La situation se compliqua puisque, le président, commandant de l’armée n’a pas fait

savoir à ses soldats les vraies raisons de la guerre – il n’a pas non plus une équipe de

ravitaillement pour l’armée – notons que la bataille se fait à plus de six cent kilomètres, tout ceci

a contribué à la désertion continue de l’armée de Rivière Hérard à Azua malgré ses efforts pour

unifier l’ile12

. Le problème de communication est un explicatif de cette situation tragique. En

dépit que le président a envoyé plusieurs lettres à son cousin Hérard Dumesle, ministre de la

guerre, la situation n’a pas changé. Dumesle reste inactif et préfère de profiter des luxes que son

poste lui confère.

Suite aux situations critiques de la gestion de Jean Pierre Boyer de l’île entière, l’insurrection

dans l’Ouest prend plus de poids de jour en jour. Les Dominicains sont mécontents de la gestion

de Jean Pierre Boyer et luttent pour leur indépendance. D’un autre coté, Acaau est l’une des

figures de proue de cette initiative, emmena sous le nom de « l’armée souffrante ». Cette

insurrection en plus des Cayes gagne le département voisin comme la Grande Anse ; ils se

donnaient pour objectif de marcher sur Port-au-Prince. Encore une fois cette situation nous fait

comprendre qu’on est loin d’un Etat moderne. Acaau et ses partisans voulaient s’attaquer au

système socio-politique et économique, d’où leur interrogation sur l’origine de la richesse en

Haïti ; on dirait que la richesse a une couleur. Ainsi, on attribuait à Accau cette phrase célèbre :

« Le nègre riche est un mulâtre et le mulâtre pauvre est un nègre ». Le 13ème

régiment de l’Armée

se retrouve dans les idées révolutionnaires d’Accau, ce qui explique leur déportation à Santo

Domingo.

Jean Price Mars nous montre le poids de la France dans l’indépendance de la République

Dominicaine. Tout se passe par Levasseur, Consul général et chargé d’affaire de France à Port-

au-Prince ; il y a aussi le contre-amiral Alphonse de Moges etc13

. Au premier abord, les Français

avaient pour objectif de remettre l’île sous la domination française. « Le Manifeste », un journal

de l’époque a accusé M. Levasseur de complicité criminelle avec le faussaire présumé et blama

12

PRICE MARS Jean, op.cit p.16

13 PRICE MARS Jean, op.cit, chap II.

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le gouvernement haïtien de s’être forcé la main nous rapporte Price Mars. On peut lire dans les

correspondances comment cette scission est orchestrée en grande partie par la France. Voilà un

fait historique qui montre la volonté des grandes puissances à désunir les peuples de ce territoire.

Haïti a perdu cette guerre parce qu’elle était loin d’être Etat moderne, où il y a la centralisation

du pouvoir, l’armée comme outil de contrôle du territoire. On a affaire plutôt à une armée

désorganisée. Mais aussi parque les grandes puissances, notamment la France a orchestré la

division de l’ile en deux Républiques.

IV- L’occupation américaine en Haïti et en République Dominicaine

Haïti et la République Dominicaine ont été occupé par les Etats-Unis d’Amérique, mais les

retombées ne semblent pas les mêmes. Docteur Georges Eddy Lucien stipule que l’occupation

américaine d’Haïti a occasionnée une sorte de centralisation qui, dans la logique de W. F.

Willoughby assure un maximum de contrôle14

. Professeur Sauveur Pierre Etienne admet aussi

que cette occupation a contribué en République Dominicaine à la création d’un Etat moderne qui

dans sa formule caractérisé par l’institutionnalisation des appareils répressifs et administratifs de

l’Etat15

. Mais, cette occupation aussi nous laisse des séquelles socio-économiques

insurmontables en Haïti, telles la dévastation de la couverture forestière, le déboisement de nos

campêches, le vol de nos réserves d’or etc.

La différence entre Haïti et la République Dominicaine c’est dans le mode de développement du

système capitaliste par les Américains. Si en République Dominicaine on crée les industries, en

Haïti les américains créent la main d’œuvre. Ce qui débouche sur le phénomène de braseros et de

Batey. André Corten nous dit que c’est à partir de l’occupation américaine que l’émigration

haïtienne en République Dominicaine devienne de plus en plus massive. Une émigration qui

s’oriente volontairement vers les plantations sucrières d’abord cubaine (1913), puis cubaine

(1919). Il faut dire que bien avant l’occupation américaine de la République Dominicaine, la

dictature instauré par Ulises Hereaux (1887-1899), il y avait une centralisation du pouvoir à

Santo Domingo qui engendra le renforcement des industries sucrières. L’occupant contrôle

14

LUCIEN Georges Eddy, Une modernisation manquée, vol 1. Éd. UEH, Port-au-Prince, 2013. P.88

15 ETIENNE Sauveur Pierre, note de cours, ESN, UEH, 2013.

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l’appareil douanier et l’armée et conduit cette république vers un renforcement du système

capitaliste.

V- Rivalité entre République Dominicaine et Haïti

5.1.- L’industrie du tourisme comme vecteur de croissance économique

Le tourisme est une industrie économique qui se définit comme étant toute activité d’une

personne qui voyage pour son agrément, visite une région, un pays autre que le sien pour

satisfaire sa curiosité, son goût de l’aventure et de la découverte, son désir d’enrichir son

expérience et sa culture. L’industrie du tourisme est une source de profit capable de contribuer à

redresser la balance économique et augmenter la croissance d’une île ou d’une région. Dans le

cas de la rivalité entre Haïti et la République Dominicaine, ce secteur est primordial. Pour

certain, Haïti a une avance si on lie le tourisme à la mémoire et à l’histoire.

Dans les économies de la Caraïbe, le taux de chômage atteint des niveaux alarmants. Et les

auteurs tels que Célimène et Salmon attestent que les taux de chômage sont supérieurs à 20%16

.

Ils soutiennent que ces problèmes de croissance faible et de chômage élevé sont liés à des

problèmes spécifiques de gestion publique et de marges de manœuvre étroite en termes de

politique économique. Pour pallier à ce problème, le tourisme est brandi comme une alternative à

la croissance économique et au développement. L’économie caribéenne est reconnue pour sa

faiblesse et sa fragilité. L’industrialisation reste jusqu'à nos jours un grand défit pour la majorité

des pays de la Caraïbe – le tourisme à cet effet selon bon nombre d’auteur est un exit pour

remonter la pente du sous-développement.

5.2.-L’industrie touristique haïtienne

Le tourisme aujourd’hui demeure le mot passe-partout des politiques haïtiens, qui veulent faire

de ce secteur leur cheval de batail. Mais, il semble qu’ils sont entrain de confondre vitesse et

précipitation. Entant que chercheur dans les sciences du développement, on sait que

pertinemment que le « tourisme » doit être le résultat ou le reflet d’un long effort de

16

Célimène et Salmon, 1989

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dynamisation d’une société. En d’autres mots, le tourisme est un aboutissement, et non un point

de départ. Le problème c’est qu’en Haïti on veut le faire passer comme point de départ. On peut

par cette démarche sombrer dans une forme de développement cosmétique de la société

haïtienne. Nous sommes en 2013, et le pays n’a pas une salle de cinéma. Même pour notre sport-

Roi, le football, on n’a pas un stade digne de recevoir un match international. La sélection est

obligée de se déplacer pour jouer en territoire étranger et généralement aux Etats-Unis des

matchs de la FIFA. D’où une grande faiblesse dans l’industrie touristique haïtienne. Pour

concurrencer les pays de la Caraïbe, cela suppose de doter le pays des infrastructures qui

desserviraient d’abord la nation haïtienne.

Le secteur du tourisme est Identifié comme étant 4ème

secteur de croissance par l’Ex-Premier

Ministre Duvivier Pierre. Il est considéré comme une pierre angulaire de la nouvelle Haïti tant

rêvée par tous. Mais bizarrement, ce secteur n’a pas une place de choix au Document de

Stratégie Nationale pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté (DSNCRP, 2008-2010) et

est traité en parent pauvre dans l’assiette budgétaire de nos gouvernements17

. Accordé une place

importante à ce secteur serait de mettre Haïti sur la voie du développement.

Le tourisme est comme un miroir de l’histoire. Les étrangers doivent voir sur le visage du

peuple, toute la fierté qui serait au visage des Héros comme Jean-Jacques Dessalines, Henry

Christophe, Capois La Mort, Marie-Jeanne, Claire Heureuse pour ne cite que cela. S’il faut se

concentrer sur le tourisme, il faut parallèlement penser à résoudre certains problèmes socio-

économiques et améliorer les conditions de vie du peuple haïtien.

5.2.1.-Le tourisme dans les années 70

Nous tenons à rappeler qu’Haïti faisait parti des premiers pays de la Caraïbe à avoir goûté aux

bénéfices de l’émergence d’un tourisme international après la reconstruction de l’économie

mondiale meurtrie par la seconde guerre mondiale. Il faut se rappeler également qu’à cette

période que le tourisme local se développait très bien dans le pays. La classe moyenne avait un

pouvoir d’achat, et avait accès au moins au service de base. Faire du tourisme local à cette

17

LAROSE Sandy, un pays à reconstruire, un tourisme à repenser, Haiti Progrès, 2012.

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époque était quelque chose très ordinaire. Les fêtes champêtres étaient le meilleur moment pour

visiter les meilleurs coins de ce magnifique pays18

.

Quant à la rentabilité, le tourisme occupait dans le PIB 3,5 % et les recettes annuelles

atteignaient jusqu’à 50 millions de dollars US. Ce secteur était devenu capital pour notre

économie nationale et représentait plus de 20 % des exportations en 1970 et générait à lui seul à

cette époque plus de 60 000 emplois directs et indirects19

. Si Haïti était la première destination

de la caraïbe à cette période, ce n’est pas parce qu’on installait des bill-bord couteux sous les

boulevard de Miami, mais c’est parce qu’il y a un travail qui a été fait bien avant20

.

Aujourd’hui si le tourisme existe, il existe bien au rabais, un tourisme-populiste, un tourisme de

faux semblants. Un tourisme sans mémoire, sans histoire, un tourisme qui néglige volontiers la

ville de l’Empereur Jean-Jacques Dessalines et qui embarque nos visiteurs chez Pétion et Simon

Bolivar à Jacmel. Un tourisme qui ne s’intéresse pas à la chaine des Cahos, la Crète-à-Pierrot,

Ravine-à-couleuvre etc. Peut-il exister un tourisme sans histoire ni mémoires ? Peut-on parler de

tourisme en Haïti quand même les gens de la classe moyenne ne peuvent se payer le luxe de

pratiquer le tourisme local ? Les conditions socio-économiques peuvent être une entrave au

développement de ce secteur. Parallèlement Oasis et Best Western constituent un pas en plus

dans la dynamisation de ce secteur d’activité qu’est l’industrie du tourisme en Haïti. Mise à part

de ces éléments, l’artisanat haïtien est aussi une avance par rapport au tourisme dominicain.

5.3.-Le tourisme dominicain

Le développement économique a donné un résultat efficace et efficient, conduit les pays à en

prendre la voie de l’industrie du tourisme. Haïti et la République Dominicaine comme deux pays

du Tiers-Monde n’ont pas la même politique touristique. On dirait que les dominicains, c’est-à-

dire l’élite dominicaine est consciente de l’importance de cette industrie et y accorde une plus

grande importance.

18

Haiti Progrès, Larose Sandy, op.cit

20 DSNCRP (2008-2010)

Page | 11

Grâce à l’industrialisation, ils ont bénéficiés de grande infrastructure routière et de

télécommunication de dernier cri. D’ailleurs des touristes de tout contrés surnomment la

République Dominicaine « le bijou de la caraïbe ». Les dominicains n’ont rien à envier aux

habitants de Miami en terme d’infrastructure. La plupart des touristes arrivent par l'Aéroport

International Las Américas, l'Aéroport de Punta Cana et l'Aéroport de Puerto Plata. Le pays a

quatre ports modernes: Santo Domingo, Haina, Boca Chica et Contrairement à Haïti, la

République Dominicaine a des infrastructures étonnantes. Elle a la plus grande capacité de

logement de la région caribéenne, avec près de 54.000 chambres. Le rythme de croissance dans

l'offre de chambres a conservé un grand dynamisme jusqu'en 2001, lorsque pour la première fois

elle a commencé à augmenter un taux majeur à celui des années antérieures (3.9%). Pour la

période janvier-septembre 2002 ce taux a été de 2.1%21

.

Le pays a une offre hôtelière diversifiée, car elle possède des petits hôtels ainsi que les plus

grands complexes hôteliers côtiers et des hôtels de luxe métropolitains. Cependant, la

construction des hôtels s'est concentrée dans les zones de plus grand développement touristique

telles que la Région Est et la zone de Puerto Plata, laquelle a plus de 40% de chambres

disponibles. De même, la République Dominicaine possède 12,600 kilomètres de routes qui

relient les différentes villes et destinations touristiques du pays, ce qui permet de voyager avec

facilité par route vers les différents points du territoire22

.

La majorité des touristes qui visitent la République Dominicaine viennent de l’Europe. En 2001

les visiteurs européens constituèrent 48.3% de la totalité des touristes qui séjournent en vacances

dans le pays, suivis par l'Amérique du Nord (Etats-Unis et Canada) avec 42.0% et l'Amérique du

Sud, avec 7.6%, tandis que les pays d'Amérique centrale, les Caraïbes et d'autres ont participé

avec le 2.1% restant23

.

Les Etats-Unis est le principal émetteur individuel, avec 29.0%, suivi de l'Allemagne (14.5%),

du Canada (12.4%), de la France (8.5%), de l'Angleterre (6.1%) et de l'Espagne (6.0%). Les pays

21

Document officiel du ministère du tourisme dominicain, 2003.

22 Le tourisme en république Dominicaine, ministère du tourisme, 2003.

23 Op.cit

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les plus dynamiques en termes de croissance absolue furent le Canada et les Etats-Unis en

Amérique du Nord, et l'Angleterre et la France en Europe24

.

5.4.-Parallèle entre les deux républiques sur le plan touristique

La république d’Haïti est confrontée a de sérieux problèmes infrastructurels et politiques qui font

que le tourisme est au ralenti durant ces 20 dernières années. Les crises politiques, les émeutes,

les manifestations, les coups d’Etats sanglants sont autant d’événements majeurs qui freinent le

développement de ce secteur en Haïti. Tous ces problèmes énumérés renvoient directement à la

problématique de la sécurité des visiteurs. Il ne peut exister de tourisme sans la stabilité

politique. Contrairement en république voisine, la stabilité politique est depuis ces 20 dernières

années une préoccupation et les dominicains ont compris l’importance d’une telle démarche.

Au niveau infrastructurel, le problème se pose à nouveau. La république d’Haïti ne peut oser

concurrencer la république dominicaine. Il faut d’abord admettre que là-bas, il y a de sérieux

investissement capitaliste, et des infrastructures correspondantes. La république dominicaine

compte à elle seule plus de quatre Aéroport international et des ports modernes. Nous accusons

beaucoup de retard quand aux infrastructures de base.

A notre avis, sur le seul terrain sur lequel on pouvait concurrencer notre voisin, sinon la prendre

de vitesse ; demeure le tourisme-mémoire et histoire sans oublier l’artisanat haïtien. C’est une

stratégie selon laquelle certains pays qui ont un passé glorieux tentent de lier leur tourisme

directement à leur histoire en lieu et place aux grandes infrastructures. Par exemple, on pourrait

faire de la maison de Dessalines à Marchand un lieu touristique. Mais on constate qu’on essaie

de délier l’histoire-mémoire et tourisme en Haïti. Une position qu’on critique souvent en Haïti. Il

faut aussi penser à industrialiser l’artisanat haïtien.

VI- La question de la frontière

La question de la frontière entre la république d’Haïti et la République Dominicaine est

multipolaire, dans le cadre de cet exercice nous tacherons de comprendre la contrebande. La

question de la frontière a été toujours une question épineuse pour l’ile d’Haïti. Une île qui est

24

ibid

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divisée en deux ; d’un coté la république d’Haïti à l’Ouest, et la république Dominicaine à l’Est.

Plusieurs traités (Ryswick, Bale) ont été signés dans le temps pour régulariser ce problème.

Aujourd’hui si la frontière résout le problème de la limite des territoires, il en demeure d’autres

problèmes aussi cruciaux comme la contrebande. La grande interrogation est qu’est ce qu’on doit

faire pour résoudre ce problème qui ronge l’économie des deux pays et surtout Haïti ?

La contrebande se définit comme la vente clandestine des marchandises, selon le dictionnaire

Larousse-Bordas, Paris 1998. La contrebande comme fait, est délicat. Et une proposition de

résolution touchera de près la question de frontière, sans laquelle les échanges ne sont possibles.

La contrebande s’accompagne de la production des marchandises. Dans le cadre de la

production, la République Dominicaine atteint un seuil de production supérieure à celui de la

républiques d’Haïti. On ne saurait parler des échanges, de manière équilibrée entre ces deux

Républiques, puisque le flux de marchandises est à sens unique et atteint une proportion

illimitée, tel qu’aujourd’hui, le marché Haïtien est envahi par les produits dominicains.

On notifie que la frontière dominicaine est surveillé par des gardes et des militaires, ces derniers

exercent une vigilance sur tout ce qui entre et laisse le pays. Un contrôle qui va renforcer la

sécurité de cette dite frontière ; d’un autre coté, la partie haïtienne de la frontière est traitée en

parent pauvre par le gouvernement haïtien. On constate que les contrôles varient d’une

marchandise à une autre et pour les moins singulière, car les cargaisons se révélant d’une très

grande importance ne font pas toujours l’objet d’un contrôle méticuleux sinon d’un coup d’œil

furtif suivi d’un droit de passage. Cette faiblesse qu’accuse la partie haïtienne de la frontière

constitue un manque à combler. Le problème de la contrebande ne saurait être résolu, avec une

négligence aussi accrue de la part du gouvernement haïtien.

6.1.-Sécurité frontalière comme moyen de contrecarrer la contrebande

Dans le but de parvenir à une telle résolution, une politique structurelle doit être mise en place.

L’Etat haïtien étant le principal acteur de la politique doit fixer des dispositifs pouvant répondre

aux besoins de sa population. Exemplifions le cas d’Ouanaminthe, cette zone proche de la

frontière est réputée comme une zone où l’intervention de l’E f tat est quasiment inexistante. En

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ce sens, il requiert à cette zone une présence de la force répressive de l’Etat, soit une garde

frontalière.

VII- Le commerce

Le commerce devrait être le premier secteur concerné par le gouvernement haïtien s’il veut

rivaliser la république Dominicain. D’une part l’implication du ministère du commerce et

également il relève du domaine de la sécurité nationale. Penser le commerce implique une

relecture de notre situation agricole. Sans oublier ce qu’il y a rapport à la santé, comme on peut

voir ce temps si, le gouvernement haïtien a mis l’interdiction d’entrée de certains produits

dominicains à cause de la grippe aviaire.

Toute la problématique du commerce frontalier entre la république d’Haïti et la république

dominicaine, réside dans le fait que les gouvernements haïtiens ne se donnent pas la peine

d’avoir un contrôle sur la qualité de produits, mais surtout sur la taxation prévue selon les lois

haïtiennes à cet effet. C’est en ce sens que la république voisine se considère comme un Etat du

Nord par rapport à Haïti.

Nous proposons qu’il y ait une garde frontalière bien équipée et formée pour surveiller les

contrebandiers. Aujourd’hui grâces aux nouvelles outils de l’information et de la

télécommunication, l’Etat haïtien pourra jouir des atouts assez intéressants. Par-dessus tout, s’il

n’y a pas une politique anti-contrebande de la part du gouvernement haïtien, l’on n’arrivera

jamais à enrayer ce mal qui frappe notre économie.

Comme nous le savons tous, l’Etat moderne est caractérisé par deux éléments fondamentaux :

c’est la maintenance de la contrainte légitime pour avoir le contrôle de son territoire, et la

capacité de gérer et d’avoir le contrôle de l’appareil administratif et douanier. Si l’Etat haïtien se

veut moderne comme il le prétend, il doit pouvoir contrôler la question de la contrebande sur la

frontière, parce que la véritable victime de la contrebande frontalière demeure l’Etat haïtien,

puisque la production haïtienne aujourd’hui est de très loin inférieure à celle de la république

voisine.

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VIII- La migration haïtienne en République Dominicaine

Le flux migratoire dans le cadre de cette réflexion s’inscrit dans l’affluence des haïtiens vers la

République Dominicaine. Cette migration obéit à des contraintes économiques, sociales et

politiques. Ces causes trouvent leur fondement, dans l’incapacité de l’Etat à satisfaire dignement

les besoins de sa population. Les constats rapportent que trois principaux groupes sont ciblés

dans cette émigration vers la République dominicaine, les étudiants, les braseros et les

entrepreneurs qui s’y installent pour leur week-end.

Dans son fameux texte Etre haïtien et migrant à Guyane, Maude Laëthier voit dans la

migration une dimension anthropologique intéressante que quiconque ne peut nier. Le

phénomène migratoire constitue pour la chercheuse de l’IRD un moyen de redéfinir son identité

par rapport à l’autre et propose dans sa thèse une revisite de la notion de l’altérité25

. La migration

constitue un phénomène mondiale qui pour certain contribue au développement et pour d’autre

reste et demeure un handicape majeur, tel le cas d’Haïti et la Rép. Dominicaine. Aujourd’hui, il

est fort de constater que les projets de co-développement réussissent grâce aux migrants26

. Haïti

encore est perdante dans cette dynamique internationale. Tout cela arrive parce que les migrants

sont les détenteurs des connaissances et des informations pertinentes dont eux-seuls disposent sur

le pays d’origine et le pays d’accueil, par contre ils deviennent ipso facto des interlocuteurs

incontournables au développement de projets pérennes27

.

La migration haïtienne vers la République Dominicaine a commencé bien avant l’Occupation

américaine d’Haïti. Mais, elle s’est vite intensifiée avec l’émergence du capitalisme dominicain.

Les Occupants américains favorisaient le départ de plusieurs milliers haïtiens en république

Dominicaine et à Cuba. Selon Carlos Dore Cabral la migration d’Haïtien vers la république

voisine a des liens étroits avec le développement de l’industrie sucrière, d’où le capitalisme

dominicain28

.

25

Laëthier Maude, Etre Haïtien et migrant à Guyane, IRD, 2010.

26 Institut du développement et des relations durable internationales : Migration et Développement, Paris (29-30

mars 2006) ( p2).

27 Ibid.

28 Carlos Dore Cabral, in revue Chemin Critique: migration haïtienne et travail en république dominicaine, vol 2,

No 4., 1991. (p.56)

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C’est un impératif pour qu’Haïti sorte de cette situation. Il faut résoudre à tout prix la

problématique du flux migratoire des Haïtiens vers la république dominicaine. En voici quelques

recommandations suivant notre lecture de la situation. Ces recommandations ne sont pas

exhaustives, elles font partie de notre réflexion sur ce sujet.

Déconcentrer les services publiques, c’est-à-dire créer des centres de santé, des

écoles publiques, des hôpitaux, électricité ;

Décentraliser le pouvoir économique, politique et judicaire en Haïti ;

Créer des centres d’attraction dans les zones rurales, tels que places publiques,

salles de cinéma, terrains de football et de basket bal, club littéraires et culturels ;

Favoriser la relance agricole, créer des banques agricoles, former les cultivateur,

irriguer les sols, faire des infrastructures agricoles, offrir des investissements aux

paysans ;

Favoriser la mise en valeur des métiers manuels ;

Construire des programmes d’éducation visant à conscientiser le peuple sur la

nécessité de construire ensemble le pays. Promouvoir l’éducation civique du

peuple;

Favoriser la création d’emploie a haute intensité, et implantation des industries

dans le pays ;

Encourager la création des Universités Publiques et privées.

IX- République Dominicaine et Haïti : nouvelle forme de rapport Nord/Sud

La république d’Haïti et la république Dominicaine partagent l’île malgré les différents conflits

et problèmes. Et si l’histoire de la réunion de l’île devenait une prérogative pour protéger d’une

nouvelle insurrection. Quoique étant séparer par une frontière, on a l’impression que les acteurs

de la communauté internationale parfois traitent avec l’ile comme s’il s’agissait d’un seul et

unique pays où l’Est est vue comme la métropole insulaire. La République dominicaine se

conçoit comme la capitale économique de l’île. Notre problème consiste à comprendre comment

est ce qu’elle est devenue si importante jusqu’à se faire appeler « la république insulaire ».

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En lien avec notre question de départ, nous formulons trois grandes hypothèses, qui dans une

certaine mesure mérite d’être confirmée par des recherches beaucoup plus approfondies dans

l’avenir.

9.1.-L’hypothèse économique

Notre première hypothèse est d’ordre économique. L’économie dans le paradigme marxiste est la

réponse à tout. Karl Marx croit que c’est le Capital qui peut expliquer cette tendance. Le

capitalisme à l’américaine a réussi en république Dominicaine et a échoué en Haïti selon Sauveur

Pierre Etienne29

. Du moins selon Sauveur Pierre Etienne, il n’a jamais eu de capitalisme pas

même l’embryon en Haïti. Pourtant les américains ont occupé la République Dominicaine et ont

implanté le système capitaliste avec tout ce qu’il contient comme arsenal : Flux du capital,

implantation de grande industrie, grande infrastructure, grande propriété foncière pour

l’agriculture, croissance économique, la gestion de la croissance démographique etc.

Tout cela expliquerait des centaines et millier de braseros laissant le pays depuis l’occupation

américaine, et également sous Duvalier en grand nombre. Ces haïtiens qui vont en terre voisine

apportent main forte à l’économie et à l’industrie dominicaine d’où au Capitalisme dominicain

sous une volonté américaine. C’est ainsi, certains d’entre eux travaillent dans la construction et

infrastructure. L’hypothèse économique est la plus plausible, sinon la plus efficace pour

expliquer ce phénomène. Car dans ce paradigme c’est l’économie et le marché qui décident de

l’avenir des peuples.

Ainsi nous formulons notre hypothèse de la manière suivante : La république dominicaine se

définit comme une puissance par rapport à Haïti parce qu’elle a connu une grande

industrialisation et a réussi le saut capitaliste.

9.2.-L’hypothèse socio-historique

Notre seconde hypothèse découlant de nos réflexions est inspirée du cours de coopération

internationale de cette session. Avec l’école de la dépendance, on arrive à comprendre le schéma

dominant-dominé parfaitement bien. Mais un auteur comme Samir Amin, nous dirait à propos

29

ETIENNE Sauveur Pierre, Haïti, la République Dominicaine, Cuba : Etat, Economie et Société 1492-2009, L’

Harmattan, Paris, 2011

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d’Haïti et de la république Dominicaine que l’esclave est la plus grande explication à ce que

Aujourd’hui la l’Est devienne une métropole insulaire. Haïti était plus exploitée, donc Haïti

aurait besoins plus de temps et d’énergie pour maintienne son économie.

Dans cette hypothèse ci-joint la variable de la pauvreté qui sous-entend une situation dans

laquelle un individu ou un pays se trouve dépourvu des ressources importantes. Quand nous

parlons des ressources de base, nous faisons référence à la capacité de se nourrir, de se vêtir,

d’avoir accès à un logement décent par exemple.

En ce sens nous formulons notre deuxième hypothèse comme suit : La partie l’Ouest était plus

exploitée que la partie l’Est, et aujourd’hui encore cette séquelle demeure. Les grandes

puissances développent une meilleure forme de coopération avec la République Dominicaine

qu’elles n’en ont pas fait avec Haïti.

9.3.-L’hypothèse de la mauvaise répartition des richesses.

La troisième hypothèse de notre travail découle de la mauvaise répartition des richesses et du

même coup accuse les autorités haïtiennes dans leur façon de diriger qui ne prévaut pas le bien-

être du peuple haïtien. Grégoire Eugene à travers son texte le Miracle Haïtien est possible nous

rapporte que moins que 5% de la population détiennent 90% du revenu national – et seulement

10% de ce revenu est redistribué pour plus de 95% de la population. Donc comment comprendre

la situation de ce petit pays sans ces données importantes30

. Il faut aussi passer en revue, le

paiement de la dette de l’indépendance (150.000.000 de Franc Or31

) à la France et la réduction de

moitié les frais de douane. Sans oublier bien sûr en 1915, l’occupation américaine était une

occasion pour les Etats-Unis d’atteindre trois grands objectifs :

1- de nous humilier32

;

30

In Sandy LAROSE, pauvreté, assistanat et pouvoir en Haiti, Hebdomadaire Haiti Liberté, 2013, No44, vol 6.

31 JOACHIM Benoit, Les racines du sous-développement haitien, Ed Deschamps, Port-au-Prince,1989. (P.89)

32 Deuxième partie d’une étude de Marc-Arthur Fils-Aimé [1],Document soumis à AlterPresse le 16 mai 2008

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2- d’affirmer son hégémonie dans la zone33

;

3- surtout de nous appauvrir davantage. Les historiens sont unanimes que l’occupation

américaine faisait plus de bien à la national City Bank (qui a emporté notre réserve en or)

qu’elle a fait aux conseillers financiers américains corrompus à cette époque34

.

Suite à ces réflexions, nous formulons notre troisième hypothèse ainsi : La mauvaise répartition

des richesses en Haïti, les méfaits de l’occupation américaine, le paiement de la dette de

l’indépendance sont autant de facteurs explicatifs de notre sous-développement.

33 CASTOR Suzy, L’occupation américaine, CRESFED, 3ème éditions, Port-au-Prince, 1988.

34 LAROSE Sandy, Haïti Progrès. op.cit

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Conclusion

Aujourd’hui l’assistanat devient un concept à la mode en Haïti. Ce terme passe-partout est utilisé

péjorativement pour décrire un système de redistribution des richesses ou de solidarité, dont les

effets pervers ruinent la fonction publique et le pays en général. Dans le cadre du paradigme de

la modernisation, on se rend compte que les pays du Nord se ventent d’apporter d’assistance ou

de l’aide humanitaire au pays du Sud. Lors du séisme du 12 Janvier 2013, la République

Dominicaine a trouvé une occasion en or de réaliser son rêve d’être un pays du Nord par rapport

à Haïti.

Il faut être prudent en relation internationale, quand il faut parler d’aide. Il n’y a pas d’aide en

réalité. Il n’y a que le jeu d’intérêt. On donne à l’autre pour le dominer, c’est que nous dit

Latouche. Il faut faire fi la notion de « pays ami » en relations internationales. Il n’y a que de

pays qui cherche leur intérêt (économique, géopolitique, historique etc.). Il faut être un fin-jouet

pour pouvoir tirer son épingle du jeu du système-monde. Le film de Raoul Peck, Assistance

Mortelle témoigne le coté sombre de ces aides « empoisonnées », sinon les « mauvaises fois »

qui peut en résulter dans la façon d’apporter ses « assistantes » à ces pauvres gens.

La thèse de la pauvreté ne tient pas pour Haïti

Jean Mary Louis dans la formulation même du titre de sa thèse d’emblée a démenti le que l’on

peut considérer Haïti comme un pays pauvre. C’est une invention, c’est un piège. La pauvreté

sous-entend une situation dans laquelle un individu ou un pays se trouve dépourvu des ressources

importantes. Quand nous parlons des ressources de base, nous faisons référence à la capacité de

se nourrir, de se vêtir, d’avoir accès à un logement décent par exemple. Bref, la pauvreté survient

dès que la population d’un pays se trouve confronté à ces problèmes de base. Mais dans notre

cas, il y a tout simplement une mauvaise répartition ou gestion des richesses et des biens du

pays. Il y a une utilisation du pouvoir par les leaders haïtiens qui ne favorise pas l’émancipation

du peuple.

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Serge Latouche nous dit que la colonisation des esprits prend trois formes majeures : l’éducation,

la manipulation médiatique, la consommation du quotidien ou le mode de vie concret35

. Quand

nous essaierons de comprendre pourquoi la République Dominicaine se considère supérieur à

Haïti, Serge Latouche nous donne la provision intellectuelle adéquate pour réfléchir sur ce

phénomène. Si nous prenons une par une ces trois formes principales de colonisation préconisées

par Latouche, nous verrons que la République Dominicaine est en droit de se considérer comme

telle. Aujourd’hui, la République Dominicaine reçoit un nombre important et effrayant

d’étudiants haïtiens qui sont allé là-bas pour fréquenter les universités dominicaines. Les

dominicains colonisent le cerveau des étudiants haïtiens. Mise à part du capital économique qui

part en terre étrangère, il y a une sorte d’aliénation qu’il faut prendre en compte. Les haïtiens

sont allés pour travailler, et pour étudier. Depuis leur plus jeune âge, le petit dominicain apprend

à détester Haïti, ils créent une sorte de nationalisme dominicain avec un arrière-fond anti-

haitianisme exacerbé. A tel enseigne, il n’y a pas une plus grande injure en république

Dominicaine que de dire à quelqu’un : « Haitiano », qui est synonyme de « diable », et de tout ce

qui est mauvais.

Sur le plan de consommation, plus de la moitié des produits dominicains sont vendu en Haïti.

On consomme que du dominicain. Ces réflexions à la lumière de la compréhension de la pensée

de Serge Latouche, nous permettent d’aborder un peu le problème posé dans les formes de

relations entre les deux pays. Un travail beaucoup plus approfondi est à suggérer pour

comprendre mieux ces formes de rapports et pour une confirmation plus objective des

hypothèses de notre travail.

En définitive, toutes ces réflexions sont valides– tous ces faits ont amplement contribué à nous

mettre à genoux économiquement, socialement et politiquement depuis la fondation d’Haïti

comme Etat-Nation, jusqu’à aujourd’hui ; jusqu’à faire que la république dominicaine devienne

une métropole insulaire et traite avec la République d’Haïti comme si elle était un pays du Nord

et Haïti un pays du Sud.

Prof. Sandy R. LAROSE, Spécialiste en Développement, Juin 2013, Biblio-Media, Haïti.

35

LATOUCHE Serge, La pari de la décroissance, éd pluriel. (p.160).

Page | 22

Bibliographie sélective

BIRD Marc, L’Indépendance Haïtienne, éd. Fardin, Port-au-Prince, 2013.

CARLOS Dore Cabral, in revue Chemin Critique: migration haïtienne et travail en république

dominicaine, vol 2, No 4., 1991. (p.56).

CASTOR Suzy, L’occupation américaine d’Haïti, CRESFED, Port-au-Prince, 1989.

COMELIAU Christian. Les relations Nord-Sud, éd. La découverte, Coll. Repère, Paris, 1991.

(pp.4- 39).

ETIENNE Jean Fritzner, Pouvoir, religion et colonisation à l’époque moderne : le cas de

l’Empire colonial français en Amérique, thèse de doctorat soutenue à Paris VII, 2012– et note de

cours ENS, UEH, 2013. (P.22).

ETIENNE Sauveur Pierre, Haïti, la République Dominicaine, Cuba : Etat, Economie et Société

1492-2009, L’ Harmattan, Paris, 2011.

ETIENNE Sauveur Pierre, notes de cours de Master Histoire, ENS, UEH, 2013.

EUGENE Grégoire, Le Miracle haïtien est possible, Imprimé aux ateliers Fardin, Port-au-Prince,

sin datum.

JOACHIM Benoit, Les racines du sous-développement haïtien, Ed Deschamps, Port-au-

Prince,1989. (P.89)

LAËTHIER Maude, Etre Haïtien et migrant à Guyane, IRD, 2010.

LAROSE Sandy, un pays à reconstruire, un tourisme à repenser, Hebdomadaire Haïti Progrès,

2012.

LAROSE Sandy, pauvreté, assistanat et pouvoir en Haiti, Hebdomadaire Haiti Liberté, 2013,

No44, vol 6.

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LATOUCHE Serge, La pari de la décroissance, éd pluriel. (p.160).

LOUIS Jean Mary, Invention d’Haïti comme société pauvre, Université de Montréal, 2010.

LOUIS Jean Mary, Notes de cours de coopération internationale, DSD, UEH, Port-au-Prince,

2013.

LUCIEN Georges Eddy, Une modernisation manquée, vol 1. Éd. UEH, Port-au-Prince, 2013.

PRICE MARS Jean, La république d’Haïti et la république Dominicaine, éd. Fardin, collection

du Bicentenaire, Port-au-Prince, 1953. Tome I.

PRICE MARS Jean, La république d’Haïti et la république Dominicaine, éd. Fardin, collection

du Bicentenaire, Port-au-Prince, 1953. Tome II.

Autre documents et sources utilisées

1- DSNCRP (2008-2010)

2- Document officiel du ministère du tourisme dominicain, 2003.

3- Le tourisme en république Dominicaine, ministère du tourisme, 2003.

4- Institut du développement et des relations durable internationales : Migration et

Développement, Paris (29-30 mars 2006) ( p2).

5- Deuxième partie d’une étude de Marc-Arthur Fils-Aimé, Document soumis à AlterPresse

le 16 mai 2008

6- Compte-rendu de la conférence organisé à FOKAL, par la fondation Zile, le 28 février

2013 à Port-au-Prince sur les relations haitiano-dominicaines. Intervenants : Docteur

Arthus Weibert, Ambassadeur Despradel, l’historien Georges Michel, Professeur David

Alvarez.