[Regulation of telomeres length: making the telomeres accessible?]

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SYNTHÈSE Régulation de la longueur des télomères : rendre le télomère accessible ? Regulation of telomeres length: getting access to telomeres Jean-François RIOU 1 Dennis GOMEZ 1,2 Jean-Louis MERGNY 2 Lionel GUITTAT 2 Rajaa PATERSKI 1 Benoît CHENAIS 1 Hamid MORJANI 1 Chantal T RENTESAUX 1 1 Laboratoire d’onco-pharmacologie, JE 2428, UFR de Pharmacie, Université de Reims Champagne Ardenne, 51 rue Cognacq-Jay, 51096 Reims <[email protected]> 2 Laboratoire de biophysique, Muséum national d’histoire naturelle USM503, Inserm U565, CNRS UMR 5153, 43 rue Cuvier, 75231 Paris Cedex 05 Article reçu le 18 octobre 2004 accepté le 26 octobre 2004 Résumé. Les extrémités des chromosomes linéaires, ou télomères, sont à l’état normal protégées de tout événement indésirable de fusion. L’altération de leur structure participe à l’instabilité génétique, tandis que l’érosion des répétitions télomériques à chaque division constitue un mécanisme de contrôle de la proliféra- tion à long terme des cellules somatiques. Alors que la structure de la télomérase humaine est assez bien connue, les partenaires qui régissent la stabilité et la conformation de son substrat, l’extrémité télomérique, le sont moins. En particulier, ce n’est que très récemment que l’on a établi le lien fonctionnel entre les protéines liant la partie double brin du télomère et celles fixant l’extrémité simple brin 3’ sortante riche en guanine. Cette revue a donc pour objectif de faire le point sur les facteurs qui contrôlent l’allongement des télomères et les modèles actuels de régulation. Mots clés : télomère, télomérase, chromosome, protéine liant l’ADN, instabilité chromosomique, simple brin télomérique, G-quadruplexe Abstract. Under a normal state, the extremities of chromosomes, telomeres, are protected against undesired fusion events. Alterations of the telomere structure are associated with genetic instability, while erosion of the telomeric repeats, occurring at each cell division, provides a mechanism controlling the long-term proliferation of somatic cells. Although the structure and composition of the human telomerase enzyme are now well characterized, the protein partners regulating the stability and conformation of its DNA substrate, the telomeric end, are much less known. A functionnal link has been recently evidenced between proteins that bind the double-stranded telomere repeats and those recruited at the 3’ G-rich telomeric overhang. This review presents an update on these telomeric factors controlling telomere lengthening and discuss the actual models proposed for its regulation. Key words: telomere, telomerase, chromosome, DNA binding protein, chromosomic instability, telomeric overhang, G-quadruplex L ’extrémité distale des chromosomes représente un champ d’investigation particulièrement fascinant pour les scientifiques depuis les travaux de Barbara McClin- tock et Herman Müller montrant la particularité des télomères par rapport au reste des chromosomes [1]. Les télomères sont à l’état normal protégés de toute fusion avec une autre extrémité du chromosome. La poursuite de ces travaux jusqu’à une période récente a montré que l’altération de leur structure est responsable de l’instabilité génomique associée aux processus de transformation tumorale [2]. De plus, les télomères représentent un mécanisme de contrôle de la durée de vie des cellules normales et leur altération permet l’immor- talisation indispensable à la prolifération des cellules cancé- reuses [3]. De ce fait, les télomères et la télomérase sont devenus des cibles d’agents antitumoraux capables d’induire l’apoptose et/ou la sénescence réplicative des cellules tumo- rales [4-6]. La détermination de la structure, de la composi- tion du complexe nucléoprotéique formant le télomère et de ses mécanismes de réplication et de régulation sont donc des sujets d’actualité en oncologie. Les mécanismes de la réplication des télomères ont été par- tiellement élucidés au cours de ces dernières années et cer- taines protéines fixant le télomère et composant ce que l’on appelle la « coiffe » télomérique possèdent un rôle actif dans la régulation de la longueur des télomères [3, 7]. Leur nombre a considérablement augmenté et cette revue a pour objectif de faire le point sur les facteurs qui contrôlent l’allongement des télomères et de discuter quelques-uns des modèles qui prévalent actuellement (pour une revue exhaustive sur les protéines télomériques, voir [7]). Tirés à part : J.-F. Riou Bull Cancer 2005 ; 92 (1) : 13-22 © John Libbey Eurotext 13

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SYNTHÈSE

Régulation de la longueur des télomères :rendre le télomère accessible ?

Regulation of telomeres length: getting access to telomeres

Jean-François RIOU1

Dennis GOMEZ1,2

Jean-Louis MERGNY2

Lionel GUITTAT2

Rajaa PATERSKI1

Benoît CHENAIS1

Hamid MORJANI1

Chantal TRENTESAUX1

1 Laboratoire d’onco-pharmacologie,JE 2428, UFR de Pharmacie,Université de Reims ChampagneArdenne, 51 rue Cognacq-Jay,51096 Reims<[email protected]>2 Laboratoire de biophysique, Muséumnational d’histoire naturelle USM503,Inserm U565, CNRS UMR 5153,43 rue Cuvier, 75231 Paris Cedex 05

Article reçu le 18 octobre 2004accepté le 26 octobre 2004

Résumé. Les extrémités des chromosomes linéaires, ou télomères, sont à l’étatnormal protégées de tout événement indésirable de fusion. L’altération de leurstructure participe à l’instabilité génétique, tandis que l’érosion des répétitionstélomériques à chaque division constitue un mécanisme de contrôle de la proliféra-tion à long terme des cellules somatiques. Alors que la structure de la télomérasehumaine est assez bien connue, les partenaires qui régissent la stabilité et laconformation de son substrat, l’extrémité télomérique, le sont moins. En particulier,ce n’est que très récemment que l’on a établi le lien fonctionnel entre les protéinesliant la partie double brin du télomère et celles fixant l’extrémité simple brin 3’sortante riche en guanine. Cette revue a donc pour objectif de faire le point sur lesfacteurs qui contrôlent l’allongement des télomères et les modèles actuels derégulation. ▲

Mots clés : télomère, télomérase, chromosome, protéine liant l’ADN, instabilitéchromosomique, simple brin télomérique, G-quadruplexe

Abstract. Under a normal state, the extremities of chromosomes, telomeres, are protectedagainst undesired fusion events. Alterations of the telomere structure are associated with geneticinstability, while erosion of the telomeric repeats, occurring at each cell division, provides amechanism controlling the long-term proliferation of somatic cells. Although the structure andcomposition of the human telomerase enzyme are now well characterized, the protein partnersregulating the stability and conformation of its DNA substrate, the telomeric end, are muchless known. A functionnal link has been recently evidenced between proteins that bind thedouble-stranded telomere repeats and those recruited at the 3’ G-rich telomeric overhang. Thisreview presents an update on these telomeric factors controlling telomere lengthening and discussthe actual models proposed for its regulation. ▲

Key words: telomere, telomerase, chromosome, DNA binding protein, chromosomicinstability, telomeric overhang, G-quadruplex

L ’extrémité distale des chromosomes représente unchamp d’investigation particulièrement fascinant pourles scientifiques depuis les travaux de Barbara McClin-

tock et Herman Müller montrant la particularité des télomèrespar rapport au reste des chromosomes [1]. Les télomères sontà l’état normal protégés de toute fusion avec une autreextrémité du chromosome. La poursuite de ces travauxjusqu’à une période récente a montré que l’altération de leurstructure est responsable de l’instabilité génomique associéeaux processus de transformation tumorale [2]. De plus, lestélomères représentent un mécanisme de contrôle de la duréede vie des cellules normales et leur altération permet l’immor-talisation indispensable à la prolifération des cellules cancé-reuses [3]. De ce fait, les télomères et la télomérase sont

devenus des cibles d’agents antitumoraux capables d’induirel’apoptose et/ou la sénescence réplicative des cellules tumo-rales [4-6]. La détermination de la structure, de la composi-tion du complexe nucléoprotéique formant le télomère et deses mécanismes de réplication et de régulation sont donc dessujets d’actualité en oncologie.

Les mécanismes de la réplication des télomères ont été par-tiellement élucidés au cours de ces dernières années et cer-taines protéines fixant le télomère et composant ce que l’onappelle la « coiffe » télomérique possèdent un rôle actif dansla régulation de la longueur des télomères [3, 7]. Leur nombrea considérablement augmenté et cette revue a pour objectifde faire le point sur les facteurs qui contrôlent l’allongementdes télomères et de discuter quelques-uns des modèles quiprévalent actuellement (pour une revue exhaustive sur lesprotéines télomériques, voir [7]).Tirés à part : J.-F. Riou

Bull Cancer 2005 ; 92 (1) : 13-22

© John Libbey Eurotext

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Deux mécanismes permettent la réplicationdes télomèresL’ADN télomérique consiste en une région double brin d’unedizaine de kilobases dans les cellules somatiques humaines,contenant de nombreuses répétitions en tandem de séquen-ces hexanucléotidiques de type TTAGGG. L’extrémité termi-nale du télomère est composée d’une extension 3’ simple brind’environ 150 à 250 bases (brin G). Puisque la machinerie deréplication de l’ADN est incapable de répliquer complète-ment l’extrémité des molécules d’ADN linéaires, le télomèrese raccourcit à chaque division cellulaire, ce qui aboutit à unarrêt de la prolifération des cellules somatiques (sénescenceréplicative) lorsqu’il atteint une taille critique, assez maldéfinie cependant et certainement variable selon le contextegénétique [3].Au moins deux mécanismes distincts sont capables de contre-carrer cette érosion et permettent la prolifération continue descellules :– L’activation d’une enzyme, la télomérase, qui est capablede synthétiser à la manière d’une transcriptase inverse lesrépétitions télomériques. La télomérase est une ribonucléo-protéine composée d’une sous-unité catalytique, hTERT, etd’un ARN qui présente un motif complémentaire à la répéti-tion télomérique, hTR. Celui-ci est susceptible d’être partiel-lement rétrotranscrit, conduisant ainsi à l’addition d’une ouplusieurs copies du motif d-GGTTAG à l’extrémité 3’. Latélomérase est surexprimée dans une grande majorité destumeurs humaines mais aussi dans des tissus normaux àrenouvellement rapide (cellules souches, épithéliums,..). Deplus, elle possède une fonction de protection du télomère quiest dissociable de son activité catalytique [3, 8].– Dans certaines tumeurs humaines d’origine mésenchyma-teuse ainsi que dans des lignées immortalisées par l’antigèneT de SV40, l’activité télomérase est absente et le maintien dela longueur des télomères est assuré par des mécanismes derecombinaisons entre les télomères, un mécanisme connusous le nom de ALT (alternative lengthening of telomeres) [9].La longueur des télomères est variable et très hétérogène dansles tumeurs humaines, les cellules ALT possèdent des télomè-res apparemment longs (> 20 kb) et hétérogènes tandis que lestumeurs télomérase-positives possèdent des télomères pluscourts (entre 4 et 7 kb).

Protéines fixant les répétitions télomériquesL’ADN double brin télomérique possède des partenaires pro-téiques spécifiques et non spécifiques. Deux facteurs defixation spécifiques des répétitions télomériques (telomererepeat binding factor) TRF1 et TRF2 ont été découverts par lesgroupes de Titia de Lange et Eric Gilson [10, 11]. Ils fixent lesrépétitions télomériques par un domaine C-terminal Myb etdiffèrent par leur partie N-terminale (acide pour TRF1 etbasique pour TRF2). Ces protéines fonctionnent comme deshomodimères grâce à un domaine TRFH (TRF homology) dedimérisation et régulent l’élongation des télomères et leurprotection.

Rôle de l’extension3’ simple brin télomériqueL’extrémité 3’ simple brin du télomère joue un rôle importantdans la structure et la régulation de la longueur des télomères

[12]. L’intégrité et la longueur du simple brin télomériquesont contrôlées activement par la télomérase et les protéinesdu complexe télomérique [8, 13]. In vitro, le brin G peutadopter plusieurs conformations particulières telles que laT-loop et le G-quadruplexe qui modifient l’accessibilité de latélomérase à son substrat [14, 15].La T-loop (figure 1, A) est créée par l’invasion du duplexetélomérique par le brin G télomérique et a été observée parmicroscopie électronique sur des préparations d’ADN géno-mique [14]. La séquestration du brin G observée dans cetteconformation permettrait d’éviter la dégradation du télomèreet les fusions télomériques [16]. La protéine TRF2 favorise laformation de la T-loop et l’altération des fonctions de TRF2induit la dégradation du simple brin télomérique [17, 18]. Cemodèle de T-loop représente depuis 1999 un des principauxmodèles de la structure des télomères, sous une forme proté-gée, mais sa structure précise (nature des interactions entre lesbrins) n’est pas bien établie in vivo. Les transitions de cet état« protégé » vers un état « accessible » à la télomérase durantla réplication (figure 1, A et B) nécessitent certainement unremodelage des interactions protéines-ADN (TRF1, TRF2) auniveau du télomère et/ou l’action d’enzymes spécialisées(BLM, WRN,...) et sont actuellement mal connues [16, 19].

Pour les G-quadruplexes, l’ADN simple brin télomériquecontient plusieurs guanines consécutives qui peuvent s’as-sembler pour former un repliement intramoléculaire compor-tant trois plateaux de guanines (G-quartets) stabilisés par desliaisons hydrogènes entre les guanines et un cation central,K+ ou Na+ (figure 1, D) [20, 21]. En présence de Na+, leG-quadruplexe adopte une structure antiparallèle présentanttrois boucles. En présence de K+, le G-quadruplexe adopteune structure parallèle formant trois boucles diagonales exter-nes (figure 1, D) [22]. Seuls des arguments indirects tels que laprésence de protéines spécifiques liant les quadruplexes, desanticorps et l’utilisation de ligands interagissant avec lesG-quadruplexes permettent d’établir la réalité de leur exis-tence au sein d’une cellule eucaryote [23].

L’étude du simple brin télomérique à l’aide de ligands amontré que cette structure pouvait être induite à l’extrémitéde l’ADN génomique in vitro et des expériences de protectionau DMS (diméthylsulfate) montrent indirectement la présencede G-quadruplexes in vivo [24]. La structure G-quadruplexepourrait plutôt représenter une structure que la cellule cher-che à éviter, puisque le traitement par des ligands deG-quadruplexes induit rapidement la dégradation de l’exten-sion simple brin du télomère. Il est important de souligner quela fonction télomérique de Rtel a récemment été mise enévidence [25] : Rtel est l’homologue murin du gène Dog1,responsable de la stabilité des répétitions de guanines chezCaenorhabditis elegans [26].

Un travail récent du groupe de Nancy Maizels montre que lesG-quadruplexes contenant les répétitions TTAGGG du télo-mère peuvent se former in vivo chez Escherichia coli lors dela transcription de régions d’ADN riches en guanines [27]. Latranscription de ces régions induit une nouvelle structureappelée G-loops qui contient de l’ADN G-quadruplexe surun brin et un hybride ADN/ARN sur l’autre brin (figure 2). Ilest intéressant de noter que la formation de ces G-loopsnécessite un contexte génétique particulier correspondant àl’inactivation de l’activité RNAse H et RecQ hélicase de E.coli.

J.-F. Riou, et al.

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Des hélicases spécialisées sont associéesaux télomères

Les hélicases de la famille RecQ sont fortement conservéesdans les organismes vivants et possèdent une fonction essen-tielle dans le contrôle de la stabilité génétique. Les membresde cette famille comprennent RecQ chez E. coli, Sgs1p chezSaccharomyces cerevisiae et WRN, BLM, RecQ4, RecQL,RecQ5b chez l’homme. Ces hélicases ont été décrites commefixant et déstructurant les G-quadruplexes inter- et intramolé-culaires formés par exemple par les répétitions télomériqueset l’activité hélicase de WRN et de BLM est inhibée sélecti-vement par des dérivés d’acridine trisubstituée stabilisant lesstructures G-quadruplexes. WRN et BLM interagissent avecTRF1 et TRF2 et ont été localisées au niveau des télomères

Télomère« protégé »

Na+ K+

Télomère« protégé »

Télomère« accessibe »

Télomérase

Brin G

Brin G

Brin G

TRF2TRF2

TRF2TRF2

TRF2TRF2

TRF2

Télomère

5'

A

B

C

D

5'

5'

Télomère

Télomère

BLM?WRN?

BLM?WRN?

T-loop

G4 G4 3'

3'

3'

RRN

H

H H

H

H

H

H

H

H

H

H

H

OO

OO

N N

NN

N

N

N NN

N

N N

N

NN

N

NN

N

RR

G-Quartet

Figure 1. Structures de l’extrémité télomérique. A) Modèle de T-loop. Le brin G télomérique envahit le double brin télomérique conduisant ainsià un état protégé du télomère. La protéine TRF2 favorise in vitro la formation de la T-loop. B) Etat déprotégé ou accessible du télomère. Latélomérase peut accéder à son substrat, le simple brin télomérique. C) Autre état du simple brin télomérique par la formation de G-quadruplexes.D) G-quartet formé par quatre guanines et stabilisé par des liaisons hydrogènes impliquant les N7 des guanines. Structure du G-quadruplexeintramoléculaire issu de la séquence télomérique (GGGTTA)3GGG en présence d’ions Na+ (antiparallèle) et d’ion K+ (parallèle).

G-loopARN

Brin C-riche

Figure 2. Schéma d’une G-loop formée après la transcription d’unADN riche en guanines. Le brin riche en guanines contient desG-quadruplexes et le brin riche en C complémentaire est hybridé autranscrit ARN (trait pointillé). D’après Duquette et al. [27].

Régulation de la longueur des télomères

Bull Cancer vol. 92, n° 1, janvier 2005 15

[28-30]. L’inactivation de BLM et de WRN chez la sourisrenforce les effets de l’inactivation du composant ARN de latélomérase (TERC) et provoque une dysfonction du télomère[31]. Ces hélicases, capables de résoudre les structuresG-quadruplexes, pourraient réguler la formation de ces struc-tures au cours de la réplication des télomères et intervenirdans le changement de conformation de l’extrémité télomé-rique (assemblage ou désassemblage de la T-loop) [19, 32].

Régulation de la longueur des télomères :état « ouvert » et état « fermé »On a longtemps pensé que la longueur des télomères étaitcontrôlée par une simple boucle de régulation négative [6].Dans ce modèle, des télomères longs fixent davantage derégulateurs négatifs (Rap1, TRF1), ce qui limite l’extension dutélomère par la télomérase [33]. De cette façon, la téloméraseagit préférentiellement sur les télomères les plus courts de lacellule [34]. Le détail de ce mécanisme était mal connu etl’on pouvait imaginer que la télomérase se fixait aussi bien surles télomères courts et longs mais que l’activité de l’enzymeétait plus importante au niveau des télomères courts. Dans unautre modèle, la télomérase peut se fixer et agir préférentiel-lement sur un télomère court et ne pas fonctionner sur les pluslongs. Dans ce cas, le télomère pourrait osciller entre deuxétats, un état accessible à la télomérase et l’autre non. Untravail récent du groupe de J. Lingner [35] a permis d’exami-ner chez la levure la validité de ces deux modèles. Dans cetorganisme et contrairement aux vertébrés, la séquence desrépétitions télomériques est variable, ce qui permet une ana-lyse par PCR d’un télomère à une génération donnée et desuivre la composition des répétitions télomériques (par sé-quençage) au fur et à mesure des générations. De plus, lagénétique de la levure autorise facilement la modification dela composition des protéines du complexe télomérique.L’analyse de l’ensemble des données montre que la télomé-rase n’allonge pas tous les télomères en même temps. Elle agitsur une sous-population de télomères (moins de 40 %) etmontre une préférence marquée (d’un facteur 6) pour les pluscourts. Ainsi, certains télomères sont dans un état « ouvert »pour l’action de la télomérase et d’autres dans un état« fermé » et le passage entre ces deux états dépend de lalongueur initiale des télomères.Également chez la levure, les travaux de l’équipe d’EricGilson avaient montré qu’un certain nombre de facteursfixant les répétitions télomériques dirigeaient le mécanismede régulation de la longueur des télomères [33]. Ainsi, laprotéine Rap1 (homologue des protéines TRF1 et TRF2 chezl’homme) agit comme un régulateur négatif de la longueurdes télomères d’une façon proportionnelle à la quantité deprotéine Rap1 fixée à l’extrémité des chromosomes. Rap1peut donc être considérée comme un « système de mesure »de la longueur des télomères qui transmet cette information àla télomérase pour déterminer son activité de synthèse dutélomère (figure 3, A). Des travaux complémentaires ontindiqué que la mesure du nombre des répétitions téloméri-ques fixées par Rap1 était complétée par l’interaction de deuxprotéines interagissant avec Rap1, Rif1 et Rif2 (Rap interac-ting factor) [36].En l’absence des protéines Rif1 et Rif2, l’ensemble des télo-mères (courts et longs) montre une tendance plus forte àpasser vers l’état « ouvert » pour l’action de la télomérase etl’ensemble des télomères est rallongé en répétitions télomé-

riques (figure 3, B). Ces résultats indiquent que le « systèmede mesure » mis en place aux télomères par le complexeRap1/Rif1/2 contrôle principalement l’état « d’ouverture » oude « fermeture » du télomère. La régulation de l’état homéo-statique de la longueur des télomères est donc contrôlée parun système de « commutateur binaire ». Lorsque le télomèreest long et recrute de nombreuses molécules du complexeRap1/Rif1/2, il commute vers un état « fermé » sur lequel latélomérase n’est pas active. À l’inverse, la perte des répéti-tions télomériques diminue la fixation du complexeRap1/Rif1/2 qui adopte davantage un état « ouvert » accessi-ble à la télomérase.Chez l’homme, la régulation de la longueur des télomèrespourrait s’effectuer de la même manière à l’aide de la protéineTRF1 et d’un certain nombre de protéines associées (TIN2,PIP1 et POT1) [7]. Cependant, la longueur et l’invariabilité deséquence (le motif TTAGGG n’est pas dégénéré) des télomè-res humains ne permettent pas une approche PCR similaire àcelle effectuée dans la levure.

TRF2, un acteur central de la protectiondes télomèresChez l’homme, le télomère peut exister sous deux états : unétat protégé (capped) et un état déprotégé (uncapped) vis-à-vis des dégradations que peut subir le télomère [8]. Le télo-mère doit en effet être protégé afin d’éviter les fusions télo-mériques, la dégradation par les nucléases, lesrecombinaisons homologues et l’activation des systèmes deréparation des dommages de l’ADN. Les protéines téloméri-

Télomère «ouvert»

Rif1/Rif2

Rif1/Rif2

Télomère «fermé»

Télomère «ouvert»

Télomère «ouvert»

Télomèraseactive

Télomèraseactive

Rap1

Rap1

A

B

Figure 3. Modèle du commutateur binaire entre l’état ouvert et fermédu télomère pour le contrôle de l’élongation des télomères. A) Rap1fixe le télomère et agit comme un régulateur négatif de l’activitétélomérase d’une façon proportionnelle à sa fixation au télomère.Lorsque le télomère raccourcit, l’inhibition médiée par Rap1 estlevée et le télomère passe dans un état « ouvert » accessible à latélomérase. Dans ce modèle, seuls les télomères courts deviennent« ouverts », les télomères longs conservent une structure « fermée »,inaccessible à la télomérase. B) En l’absence de Rif2, les télomèreslongs et courts adoptent une structure ouverte accessible à la télomé-rase et l’ensemble des télomères est allongé.

J.-F. Riou, et al.

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ques TRF1 et TRF2 sont capables de recruter et d’activer descomposants des systèmes de réparation ou de dégradation del’ADN et une balance subtile entre les activités de synthèse etde protection du télomère doit s’effectuer au cours du cyclecellulaire pour éviter l’intervention inappropriée de ces fac-teurs. Un certain nombre de travaux ont permis d’identifier denouveaux composants associés au complexe télomérique etlaissent entrevoir de quelle manière TRF2 (et TRF1) effectuentleur rôle de protection du télomère et de régulation del’activité télomérase.Toujours chez l’homme, l’inhibition de la fonction TRF2 atout d’abord été établie à l’aide de l’expression d’une formedominante-négative (TRF2DN) capable de déplacer les pro-téines endogènes de leurs sites de liaison au niveau destélomères [37]. Ces travaux ont montré que TRF2 joue un rôledans la prévention d’une intervention inappropriée des fac-teurs liés au dommages de l’ADN. L’inactivation de TRF2provoque l’apoptose ou la sénescence rapide des cellules etinduit de nombreuses fusions télomériques (end-to-end fu-sions) [38]. La dysfonction du télomère liée à l’inactivation deTRF2 provoque l’apparition d’un dommage de l’ADN parti-culier caractérisé par la localisation aux télomères de facteursde réparation tels que MRE11, 53BP1, ATM, H2AX et RAD17[39]. De plus, l’inactivation de TRF2 provoque le raccourcis-sement de l’extrémité 3’ simple brin du télomère par l’actionde l’endonucléase ERCC1/XPF [18].À l’inverse, la surexpression de TRF2 accélère le raccourcis-sement des télomères dans les cellules télomérase-positiveset ALT [13]. Cependant, bien qu’elle induise un raccourcis-sement des télomères, la surexpression de TRF2 protègeégalement les cellules de l’entrée en sénescence et de laformation de fusions télomériques [40]. Puisque TRF2 parti-cipe à la formation de la T-loop, il est possible que sasurexpression favorise la formation de cette structure, qui estconsidérée par ailleurs comme une forme protégée contre ladégradation de l’extrémité télomérique (figure 1, A). Norma-lement, le recrutement de ce facteur aux télomères est dépen-dant du nombre de répétitions télomériques et la surexpres-sion de TRF2 forcerait son recrutement au niveau de laT-loop, ce qui permet une meilleure protection du télomèrepour une taille plus basse. TRF2 modifie ainsi le seuil dedétection de la taille critique des télomères et possède doncun rôle majeur dans la protection des télomères.

Rôle de TIN2 comme médiateur de l’activitéde TRF1L’inhibition de sa fonction à l’aide d’un dominant-négatif(dnTRF1) a montré que TRF1 était impliquée dans la régula-tion de l’activité télomérase [41]. Sa surexpression provoqueun raccourcissement des télomères uniquement dans les cel-lules exprimant la télomérase [41]. La protéine TIN2 (TRF1interacting facteur 2) a été identifiée comme un facteur derégulation de l’activité de TRF1 dans le contrôle de l’activitétélomérase [42]. Des travaux récents montrent qu’elle oc-cupe une place centrale dans la régulation de la longueur destélomères en interagissant aussi avec TRF2 et PIP1 (cf. infra) eten modulant l’activité de régulation de la tankyrase (TANK1)sur TRF1.L’activité de TRF1 peut être modulée par l’activité poly(ADP-ribose)polymérase de TANK1 qui interagit spécifiquementavec TRF1. La poly(ADP-ribosyl)ation de TRF1 provoquel’inhibition de la fixation de ce facteur aux télomères [43]. Les

travaux récents du groupe de T. de Lange montrent quel’inhibition de TRF1 par la tankyrase est également contrôléepar TIN2 (figure 4) [44]. L’inhibition par ARN interférence deTIN2 provoque non seulement une élongation des télomèresmais aussi une diminution du signal télomérique de TRF1. Ceteffet est bloqué par l’utilisation d’un inhibiteur de poly(ADP-ribose) polymérase et lorsque la cellule exprime une formemutante inactive de TANK1. Ces protéines interagissent sousla forme d’un complexe ternaire TANK1-TRF1-TIN2 et cestravaux suggèrent que TIN2 fixe et protège TRF1 de l’inacti-vation par TANK1.Un mécanisme similaire pourrait être proposé pour TRF2. Lapoly(ADP)ribose polymérase PARP2 s’associe avec TRF2 etinactive la fixation de ce facteur aux télomères [45]. Dans cecas, l’interaction TRF2-PARP2 ne joue pas un rôle direct surl’allongement des télomères mais module l’intégrité et laprotection des télomères. Le rôle potentiel d’autres partenai-res de TRF2, analogues à TIN2 et modulant l’activité dePARP2, reste à déterminer.

Connexion entre le brin G et le double-brintélomériquePOT1 (protection of telomere 1) a été identifiée chezl’homme et chez Schizosaccharomyces pombe par homolo-

TANK1

TANK1

TIN2

TIN2

TRF1

TRF1

Pot1

Pot1

Télomérase inhibée

Télomérase inhibée

Poly(ADP)ribosyl

Poly(ADP)ribosyl

ADPribosyl

ADPribosyl

A

B

Figure 4. TIN2 fonctionne comme un régulateur de l’activité de latankyrase. A) TIN2 fixe et protège TRF1 de l’inactivation par latankyrase (TANK1) et contribue à l’accumulation de TRF1 au niveaudes télomères. TRF1 régule négativement la télomérase en permet-tant la fixation de POT1 sur le simple brin télomérique (brin G). B)L’inactivation de TIN2 permet l’activité poly(ADP)ribosyl transférasede TANK1 sur TRF1, ce qui diminue l’affinité de cette dernière pourl’ADN télomérique double brin et empêche indirectement la fixationde POT1 au télomère simple brin. Le simple brin télomérique devientalors accessible à la télomérase.

Régulation de la longueur des télomères

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gie avec les protéines Cdc13 (S. cerevisiae) et TEBP (Oxytri-chia nova) et fixe sélectivement les répétitions simple brintélomériques grâce à un domaine OB (Oxytrichia DNA bin-ding) [46]. Chez S. pombe, POT1 joue un rôle dans laprotection des télomères et son inactivation provoque unedélétion rapide de l’extrémité télomérique [46]. Chez Asper-gillus nidulans, l’homologue de POT1, nimU, exerce uneconnexion entre la structure des télomères et la divisionmitotique. Son inactivation provoque des altérations mitoti-ques caractérisées par une augmentation du nombre descentrioles (spindle pole bodies) sans arrêt du cycle cellulaire[47]. Chez l’homme, elle intervient dans la régulation de lalongueur des télomères. La surexpression de POT1 induitl’allongement de la longueur des télomères dans les cellulesexprimant la télomérase mais pas dans les cellules ALT [48].Le domaine OB est essentiel pour la fixation aux télomères etla délétion de ce domaine (POT1DOB) provoque un phéno-type d’allongement des télomères plus prononcé que pour laprotéine entière, ce qui peut paraître paradoxal à premièrevue [49]. La même étude indique, d’une part que POT1 fixeTRF1 et, d’autre part, que le mutant POT1DOB est toujourslocalisé au niveau des télomères. Elle suggère que POT1 peutse fixer aux télomères de deux façons : par son domaine OBde fixation au simple brin télomérique et par l’intermédiairede l’interaction avec TRF1.L’importante modification de la longueur des télomères dumutant POT1DOB suggère que POT1 est un élément impor-tant dans le modèle de « mesure de la longueur des télomè-res » dirigé par TRF1. TRF1 utiliserait POT1 comme un élé-ment de transduction pour inhiber l’activité télomérase enséquestrant le simple brin télomérique (figure 5).Ce modèle établit à la fin de l’année 2003 n’indiquait pas sil’interaction de POT1 avec le complexe TRF1 s’effectuaitdirectement ou indirectement. Au cours de cette année, trois

équipes ont établi qu’une nouvelle protéine PIP1 (aussi appe-lée PTOP ou TINT1) sert de relais et permet l’interaction entrePOT1 et le complexe TIN2/TRF1 [50-52]. PIP1 interagit à lafois avec TIN2 et POT1. L’interaction de PIP1 avec POT1s’effectue par le biais du domaine C-terminal de POT1 (do-maine PBR) qui ne contient pas le domaine OB. L’expressionde ce domaine PBR et du domaine RD de PIP1 nécessaire àl’interaction avec TIN2 provoque l’allongement des télomè-res. L’inactivation de POT1, TIN2 ou PIP1 par ARN-interférence provoque le même phénotype. Ces travaux indi-quent que PIP1 fonctionne comme un élément de liaisonentre le complexe TRF1-TIN2 et POT1 pour réguler l’activitétélomérase (figure 6). Le rôle de cette protéine comme unfacteur dirigeant la fixation de POT1 au télomère simple brinreste à déterminer.

Connexion entre TRF1 et TRF2Les tout derniers travaux sur le sujet rendent encore pluscomplexe l’interprétation des résultats et montrent que laprotéine TIN2 interagit aussi avec le complexe TRF2-hRap1[52-55]. TIN2 interagit directement et simultanément avecTRF1 et TRF2 par l’intermédiaire de deux domaines différents(figure 7). La délétion de ces domaines d’interaction à TRF1ou TRF2 entraîne une réponse du type dommage à l’ADNcaractérisée par l’apparition de foyers H2AX et 53BP1 auxtélomères. De plus, ces mutants de TIN2 provoquent unediminution de la fixation de TRF1 ou TRF2 aux télomères.La connexion entre TRF1 et TRF2 par TIN2 permet de prédireune certaine interdépendance de la fonction de ces deuxprotéines. En effet, la délétion de TRF1 par ARN-interférenceprovoque une perte de la fixation de TRF2 aux télomères. Parailleurs, la perte de fixation de TRF1 aux télomères,lorsqu’elle est induite par une surexpression de la tankyrase,permet de retenir une partie des complexes TIN2-PIP1 aux

Télomérase inhibée

Télomérase active

TANK1

TANK1

TIN2

TIN2

TRF1

Pot1Pot1

TRF1

Pot1∆OB

Figure 5. Modèle 2003 de connexion entre les télomères simple etdouble brin. TRF1 utilise POT1 comme élément de transduction deson action inhibitrice de la télomérase. La protéine POT1 est recrutéeau télomère par le complexe TRF1-TIN2 pour inhiber l’activité télo-mérase en séquestrant le simple brin télomérique. Dans le cas dumutant POT1DOB, l’interaction avec le simple brin n’est plus effec-tive, le télomère devient accessible à la télomérase, ce qui provoqueun rallongement des télomères.

Télomérase inhibée

Télomérase active

TANK1

TANK1

TIN2

TIN2

TRF1

Pot1

Pot1

TRF1

PIP1

PIP1

Figure 6. Modèle 2004 de connexion entre les télomères simple etdouble brin. PIP1 (appelé aussi TINT1 ou PTOP) relaye l’interactionentre POT1 et le complexe TIN2-TRF1. PIP1 interagit à la fois avecPOT1 et TIN2 par deux domaines différents. Ce modèle propose unchangement de conformation du complexe ou une modification de lafixation de POT1 au télomère simple brin permettant de modulerl’activité de la télomérase.

J.-F. Riou, et al.

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télomères par une association avec TRF2. Dans ce cas, laproportion de TIN2 complexée à TRF2 augmente. Un certainnombre d’autres arguments suggèrent que TIN2 induit unefixation coopérative de TRF1 et TRF2 aux télomères [53].Cette coopération jouerait un rôle dans le recrutement spéci-fique de ces protéines, plus particulièrement de TRF2 auxtélomères. TRF2 est en effet capable d’interagir avec denombreux partenaires tels que ATM, MRE11 et ERCC1/XPFimpliqués dans la réparation des dommages à l’ADN [7]. Cesfacteurs peuvent se fixer à des sites non télomériques lorsd’un dommage de l’ADN et entraîner une fixation inappro-priée de TRF2 en dehors du télomère si le mécanisme defixation coopératif n’existait pas.La fixation coopérative de TRF1 et TRF2 par TIN2 permetaussi d’expliquer le phénotype létal chez l’embryon de sourisde l’inactivation des gènes TRF1 et TIN2 [56, 57]. La perte deces facteurs pourrait déstabiliser à long terme la fixation deTRF2 aux télomères, ce qui provoquerait une déprotectiondes télomères néfaste à la division cellulaire.

Houghtaling et al. [52] proposent un modèle dans lequelTRF2 pourrait intervenir en l’absence de TRF1 pour contrôlerl’extension des télomères (figure 8). Après une périoded’élongation des télomères due à l’absence de la régulationnégative exercée par TRF1, les télomères se stabilisent à unenouvelle longueur grâce à la fixation de TIN2-PIP1 sur TRF2,ce qui restaure le « compteur » de leur longueur. Cette dupli-cation des facteurs de fixation aux télomères permettrait à lacellule de franchir des états transitoires du cycle cellulaire enmaintenant l’homéostasie de la longueur des télomères (parexemple : la réplication de l’ADN).

Conclusions et interrogationsLes conséquences détaillées de ces travaux sur la structuredes télomères restent à analyser d’une façon approfondiemais suggèrent néanmoins une relation entre l’état deprotection/déprotection du télomère (une fonction bien dé-taillée de TRF2) et le modèle de son état « ouvert » ou

hRap1TIN2

TANK1

ERCC1

MRE11 WRN

TRF2 TRF1 Pot1 Brin G3'5'

Télomérase inhibée

PIP1

1Basic

AcidicTRF1

TIN2 TBD2 TBD1

PIP1

POT1 OB PBR

RD

TRFH

TRFH

NLS

NLS

MYB

MYB

TRF2

1

1

1

1 109 312 634

244 337 544

196 284 354

87 264 439

13 245 500

A

B

Figure 7. Interaction de TIN2 avec TRF1 et TRF2. A) La connexion entre TRF1 et TRF2 par TIN2 permet de relier les fonctions de modulationde l’activité télomérase (complexes TRF1-TIN2-PIP1-POT1) avec les fonctions de modulation de la protection des télomères (complexesTRF2-TIN2-hRap1-MRE11-ERCC1-WRN). Cette figure ne représente qu’une image partielle de la complexité des interactions avec les protéinesTRF1 et TRF2, de nombreux autres facteurs ont été omis volontairement pour ne pas la surcharger [7]. B) Présentation schématique desdomaines d’interaction du complexe TRF1-TRF2-TIN2-PIP1-POT1 (d’après [52-55]). Les lignes pointillées entre séquences peptidiquesdélimitent les domaines nécessaires à l’interaction des deux protéines.TRFH : TRF homology ; TBD1 : TRF1 binding domain ; TBD2 : TRF2 binding domain ; PBR : PIP1 binding region ; RD : POT1 recruitmentdomain ; OB : Oxytrichia binding (domaine de fixation au simple brin télomérique).

Régulation de la longueur des télomères

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« fermé » impliqué dans le contrôle de l’accessibilité de latélomérase. Le modèle d’interaction TRF1-TRF2-TIN2-PIP1-POT1 permet de faire la connexion entre le télomère doublebrin et sa partie simple brin. La perte de TRF2 provoque unedégradation du simple brin télomérique qui ne peut s’expli-quer d’après ce modèle que par une altération de la fixationde POT1 au brin G télomérique.S’il est clair que POT1 joue un rôle dans la régulation de lalongueur des télomères, sa fonction dans la protection destélomères n’a pas été établie chez l’homme contrairement àson homologue chez S. pombe. Ces interrogations mettent enlumière un certain nombre de points critiques des travauxpubliés sur le sujet. L’ensemble de ces études ne permet pasde différencier l’interaction de POT1 entre le télomère simpleet double brin. Il apparaît important de déterminer si POT1fixe à la fois le simple brin télomérique et le complexePIP1-TIN2-TRF1. Dans ce cas, il est possible que le simplebrin télomérique puisse être replié et protégé par les comple-xes POT1-TIN2-TRF1 sans intervention de la T-loop ou plusexactement sans l’envahissement du duplex par le simplebrin (D-loop) (figure 9, A). De plus, lors de la formation de laD-loop (qui reste hypothétique), ces complexes pourraient sefixer non pas sur le simple brin mais sur le brin G du duplexenvahi par le simple brin télomérique (figure 9, B). Cesinterrogations montrent l’importance de la détermination de

la structure terminale du télomère dans l’établissement de cesmodèles.

In vitro, POT1 se fixe sur les séquences télomériques sous laforme d’un dimère et de manière coopérative [58]. Il seraitintéressant de déterminer si l’interaction de PIP1 avec POT1modifie ou non la coopérativité de cette interaction. Enfin,Cdc13, l’homologue fonctionnel de POT1 chez S. cerevisiae,possède une double fonction de recrutement et d’activationde la télomérase et de protection du télomère [59]. Ce méca-nisme permettant la modulation de l’activité télomérase parPOT1 est toujours inconnu et peut impliquer une interactiondirecte avec la télomérase ou d’autres protéines partenai-res. ▼

Remerciements. Les auteurs remercient Patrick Mailliet et ElianeMandine (Aventis Pharma, Vitry-sur-Seine), F. Boussin (CEA,Fontenay-aux-Roses) pour leur collaboration et leur soutien de lon-gue date et l’ensemble des membres du laboratoire pour les discus-sions sur ces modèles. Nos travaux sont soutenus par l’action Concer-tée Incitative Molécules et Cibles Thérapeutiques (ACI 324) et parl’Association pour la recherche contre le cancer (contrat JFR 4691 etJLM 3365).

PIP1

TIN2

PIP1

TIN2

PIP1

TIN2

PIP1

TIN2

PIP1

TIN2

PIP1

TIN2

PIP1

TIN2

PIP1TIN2PIP1

TIN2

PIP1

TIN2

PIP1

TIN2

TRF1

TRF1 TRF2

TRF2 TRF2 TRF2 TRF2 TRF2TRF1

TRF2 TRF2

Réajustement de lalongueur des télomères

Perte de TRF1

Télomeraseinactive

Télomeraseactive

Télomeraseinactive

TRF1 TRF1TRF2 TRF2 TRF2

Figure 8. Modèle de régulation de l’extension des télomères enl’absence de TRF1, d’après Hougthaling et al. [52]. L’interaction deTIN2 à TRF1 et TRF2 permet la régulation de l’activité télomérase viaPIP1 et POT1 (non représenté sur la schéma). En l’absence de TRF1,le complexe TIN2-PIP1 reste associé au télomère par son interactionavec TRF2. Dans un premier temps, le télomère est accessible à latélomérase et, lorsque le recrutement de TIN2-PIP1 par TRF2 estsuffisant (télomères réajustés à une plus grande longueur), la régula-tion négative de l’activité télomérase est restaurée.

Brin G

TIN2

TIN2 TIN2 TIN2

TIN2 TIN2

TRF2

TRF2

TRF2

TRF2

TRF2TRF2

D-loop

TRF2TRF1TRF1TRF1

TRF1 TRF1 TRF1

3'

Pot1PIP1

PIP1

PIP1Pot1

Pot1

Pot1

PIP1

PIP1PIP1

Pot1

Pot1

3'5'

3'

3'5'

5'

A

B

Figure 9. Modèles de protection du simple-brin télomérique. A) Parrepliement du simple brin. Les complexes TRF1-TRF2-TIN2-PIP1-POT1 permettent une fixation et une protection du simple brintélomérique sans intervention de la T-loop ou sans invasion dudouble brin télomérique par le brin G. B) Par fixation au niveau dubrin G déplacé de la D-loop. Les complexes TRF1-TRF2-TIN2-PIP1-POT1 permettent une stabilisation de la T-loop par une interaction dePOT1 avec le brin G déplacé lors de l’envahissement du double brintélomérique par le simple brin.

J.-F. Riou, et al.

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