Observation et entretien1

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Introduction Tomber enceinte alors qu'on est étudiante est souvent difficile à accepter. Rares sont les cas de grossesse vraiment planifiés durant cette période charnière de formation. Cependant, aujourd’hui, il existe de plus en plus de jeunes femmes qui tombent enceintes pendant leurs études et qui décident de garder et d’élever leurs enfants tout en continuant leur formation. En effet, l’Observatoire National de la Vie Etudiante dénombrait 74 000 étudiantes dans cette situation en 2010. Ces jeunes mères relèvent un défi important en s’occupant à la fois de leur enfant et de leur propre développement et réussite. En plus de devoir s’adapter aux changements qui vient avec le fait de devenir mère, elles doivent aussi s’occuper de terminer leurs études, tout en maintenant une vie sociale et en s’émancipant de leur propre famille, avec ou sans l’aide du père de l’enfant. Si elles veulent réussir en tant que jeune mère et étudiante, elles sont obligées d’adopter des rôles multiples. Même si on connaît l’existence de ce phénomène aujourd’hui, ce thème des jeunes mères qui continuent leurs études est peu abordé. Quand on parle des rôles multiples que doivent endosser ces jeunes femmes, elles ont tendance à être considérées comme une population vulnérable. D’un part, il existe l’inquiétude de savoir si la jeune mère va être capable de poursuivre ses études. D’autre part, il existe également l’inquiétude du bien-être de l’enfant, de savoir s’il va être bien traité et élevé en raison du manque d’expérience et de

Transcript of Observation et entretien1

Introduction

Tomber enceinte alors qu'on est étudiante est souvent

difficile à accepter. Rares sont les cas de grossesse vraiment

planifiés durant cette période charnière de formation.

Cependant, aujourd’hui, il existe de plus en plus de jeunes

femmes qui tombent enceintes pendant leurs études et qui

décident de garder et d’élever leurs enfants tout en continuant

leur formation. En effet, l’Observatoire National de la Vie

Etudiante dénombrait 74 000 étudiantes dans cette situation en

2010. Ces jeunes mères relèvent un défi important en s’occupant

à la fois de leur enfant et de leur propre développement et

réussite. En plus de devoir s’adapter aux changements qui vient

avec le fait de devenir mère, elles doivent aussi s’occuper de

terminer leurs études, tout en maintenant une vie sociale et en

s’émancipant de leur propre famille, avec ou sans l’aide du

père de l’enfant. Si elles veulent réussir en tant que jeune

mère et étudiante, elles sont obligées d’adopter des rôles

multiples.

Même si on connaît l’existence de ce phénomène

aujourd’hui, ce thème des jeunes mères qui continuent leurs

études est peu abordé. Quand on parle des rôles multiples que

doivent endosser ces jeunes femmes, elles ont tendance à être

considérées comme une population vulnérable. D’un part, il

existe l’inquiétude de savoir si la jeune mère va être capable

de poursuivre ses études. D’autre part, il existe également

l’inquiétude du bien-être de l’enfant, de savoir s’il va être

bien traité et élevé en raison du manque d’expérience et de

ressources de la mère. Peu d’études portent sur le vécu,

l’expérience des jeunes mères qui essaient de concilier leurs

études universitaires et leurs rôles familiaux. Cette absence

nous amène à penser que ce phénomène  de “mère étudiante” est

peu accepté, dans notre société occidentale. La plupart des

études sur ce thème portent sur les conséquences négatives de

leur situation (et non sur leur vécu) sans considérer que

souvent celles-ci témoignent plus pour une absence de soutien

que d’un manque de compétence.

Il nous semble donc pertinent de traiter ce sujet de

l’expérience de la maternité à l’Université. Comment est vécue

la grossesse à l’université ? Quel soutien est offert par

l’Université et les étudiants ? Comment se passe le retour à

l’université après l’accouchement ? Comment l’entourage réagit-

il à l’annonce de la grossesse ? Quelles difficultés les jeunes

mères rencontrent-elles et quels points positifs retiennent-

elles de leur expérience ? C’est à ces interrogations que nous

avons cherché à répondre en étudiant la réalité des jeunes

mères à l’université. Par le biais de cette étude, nous avons

également cherché à mieux comprendre comment sont perçus ces

rôles (mère, étudiante,…) par les jeunes mères elles-mêmes.

Nous souhaitions avoir une compréhension plus approfondie du

vécu des jeunes mères qui essaient de poursuivre leurs études

supérieures. Donner un aperçu sur le vécu des jeunes mères à

l’université, avec le support des témoignages de mères

étudiantes qui ont déjà vécues la situation, peut aider de

futures mères à mieux appréhender ce qui les attend.

Pour répondre à ces questions, nous avons utilisé

différentes méthodes de recherches que nous exposerons dans une

première partie.

Avec les résultats obtenus, nous avons pu dégager deux

axes de réponses, un premier axe plutôt extérieur à la mère-

étudiante, relatif aux préoccupations d’ordre financier et aux

différents supports mis en place à l’Université.

Dans un second temps, nous traiterons de plusieurs aspects

relatifs aux jeunes femmes elles-mêmes, en étudiant la manière

dont elles gèrent leur situation, du soutien moral dont elles

peuvent bénéficier ou non de la part de leur entourage et

également de…

I - Méthodologie

L’entretien est une technique dont le but est de

recueillir de l’information par le biais d’une interaction qui

se déroule dans une relation de face-à-face entre

l’évaluateur/interviewer et la personne enquêtée/interviewée.

L’entretien est un outil très utile : il est simple, rapide et

les ressources nécessaires à sa réalisation sont très

abordables. Dans le cadre de notre sujet, l’entretien constitue

un outil d’évaluation incontournable. Par le biais de

l’entretien, nous allons pouvoir recueillir différentes types

d’informations, toutes nécessaire à la réalisation de notre

sujet de recherche : des faits, des opinions, des points de

vue, des propositions, et des analyses concernant l’expérience

des jeunes mères. C’est pour cela que nous choisissions cet

outil car nous cherchons à collecter des informations

qualitatives et non quantitatives.

Le type d’entretien que nous avons choisi est l’entretien

semi-directif et c’est une possibilité pour nous car nous

disposons d’assez d’information sur les enjeux et les questions

prioritaires à traiter au cours de notre évaluation. Ce type

d’entretien a pour objectif de recueillir l’expression des

acteurs par rapport à une trame générale qui est plus stricte

que dans l’entretien non directif et plus souple que dans

l’entretien directif. La trame est construite à partir d’un

guide d’entretien. Notre guide d’entretien (voir annexe 2) est

composé de thématiques, de sous questions et d’objectifs liés à

ces questions (l’information que nous cherchons à obtenir à

travers ces questions).

Pour réaliser nos entretiens, nous avons suivi quatre

étapes :

Dans un premier temps, nous avons commencé par la phase de

démarrage et de mise en confiance. Lors de cette phase, il

est essentiel de connaître et respecter les coutumes,

présenter et expliquer les raisons de l’enquête. Il est

aussi très important de exposer les « règles du jeu » à la

personne enquêtée : la durée prévue de l’entretien et s’il

y a un enregistrement des réponses.

La deuxième phase est la phase d’ajustement entre le sujet

et les réponses des personnes cibles. Il faut donc

s’adapter au statut de l’interlocuteur et veiller aux

spécificités des réponses pour avoir des informations

complètes pour répondre à notre sujet. Il faut aussi être

flexible mais sans oublier de maîtriser l’évolution de

l’entretien.

Dans la phase de suivi du guide d’entretien et

d’approfondissement, il est important de montrer de la

réactivité en utilisant la contradiction et la relance.

La dernière phase est la phase de conclusion et post

entretien. Il est nécessaire de relire et remettre en

forme rapidement les notes prises durant l’entretien et

noter les éléments non verbalisés, la communication

sémiotique, qui ont marqué l’entretien.

Les avantages d’utiliser l’entretien comme outil sont très

intéressants. Comme nous l’avons mentionnée précédemment, il

est rapide et simple d’utilisation. Les délais sont courts et

les coûts sont faibles. L’entretien est aussi l’outil approprié

à utiliser lorsqu’on cherché à rencontrer un nombre limité des

personnes, ce qui est notre cas. Même si cet outil nous

convient, il a aussi un certain nombre de limites. Il y a un

nombre très limité de personnes que l’on peut rencontrer. Il

peut exister aussi un problème de la représentativité des

interlocuteurs. L’information doit par fois être vérifiée et

l’entretien a souvent besoin d’être combiné avec d’autres

outils pour arriver à une analyse complète et la plus objective

possible.

D’après Stéphane BEAUD et Florence WEBER dans « Le Guide

de l’enquête de terrain », nous avons trois outils à

disposition pour traiter l’entretien : « l’écriture, notation

et transcription, qui transforme enquête, entretiens,

impressions en documents, qui objective, qui permet la mise à

distance, le recul, la mise à plat ; la lecture critique, qui

rapporte des documents à leurs contextes, qui repère et

décrypte les allusions, les malentendus, les contradictions,

les références croisées ; le classement qui met en fiches des

éléments tirés de documents disparates, qui fait apparaître des

relations invisibles aux enquêtés, extérieures à l’interaction.

» (p. 235). L’écriture aide en transformant les entretiens en

textes. Lorsque nous avons suivi ces consignes, les textes de

nos trois entretiens sont devenus des lectures que l’on a pu

critiquer et analyser. Le classement transforme ces textes en «

matériaux à décortiquer, à désosser, à désarticuler. » (p.236).

Beaud et Weber indiquent également la procédure à suivre

pour le classement des entretiens. Les entretiens doivent être

classés et nous devons commencer par transcrire intégralement

les passages qui semblent les plus pertinentes pour notre

sujet. Dans notre cas, du au nombre limités des entretiens,

nous sommes obligés de dépendre entièrement des trois

entretiens que nous avons réalisés. C’est donc Joseph Maxwell

qui, dans « La modélisation de la recherche qualitative : Une

approche interactive » (1999) a suggéré de commencer l’analyse

dès le 1er entretien et poursuivre l’analyse tout au long de la

recherche et ne pas attendre d’en avoir plusieurs pour

commencer à les traiter. Comme nous n’avons que trois

entretiens nous avons suivi son approche quant à l’analyse des

entretiens.

Lorsque nous avons fini les entretiens, nous nous avons

appuyé sur le conseil de BEAUD et WEBER : « rangez et classez

vos entretiens d’un côté, vos observations de l’autre. Ensuite,

évaluez-les à partir de vos souvenirs personnels […]. Le

meilleur antidote au « tout-transcription » et au rêve

d’exhaustivité, c’est de vous poser sans cesse la question :

pour quoi faire ? Cet entretien mérite-t-il d’être entièrement

décrypté? Cette observation mérite-t-elle d’occuper une place

centrale dans votre analyse ? Pourquoi ceux-ci, et pas un autre

? » (p. 240) En suivant ce conseil, nous avons pu hiérarchiser

les entretiens et les parties les plus importantes selon leur

pertinence envers notre sujet. Ces deux auteurs nous ont aidé à

comprendre le chemin qu’il fallait prendre pour bien analyser

un entretien. Il est très important de restituer le contexte.

Tout ce qui a été dit lors de l’entretien est dépendant du

moment où l’entretien s’est déroulé, le lieu, l’environnement.

C’est pourquoi, il est essentiel de prendre en compte le

contexte lors de l’analyse. Un autre élément essentiel de la

contextualisation est qu’il est nécessaire de décrire et

analyser les relations de l’enquête. Nous avons pu témoigner le

comportement de la personne enquêtée et ce comportement est un

aspect important de l’entretien. Il faut toujours prendre en

compte le langage parlé mais aussi le langage sémiotique, les

signes par lesquels on communique avec les autres.

Analyser le déroulement de l’entretien aide à avoir une

compréhension plus approfondi de l’entretien. Un entretien

n’est jamais linéaire : « Le début correspond à un round

d’observation, chacun se prête par bonne volonté au jeu de

l’entretien. Arrive un moment où les choses s’accélèrent, les

positions se défont. Il y a des « tournants » d’entretien,

c’est-à-dire des moments où, pour différentes raisons (à la

suite d’une question, par une association d’idées, etc.),

l’interviewé change de posture, prend un autre ton, dit des

choses qui contredisent ce qu’il a dit précédemment, développe

longuement des thèmes qu’il n’avait pas du tout abordés et

qu’il avait peut-être dissimulés lors de la première partie de

l’entretien. Vous vous en apercevez mieux lors de l’écoute de

la bande que sur le moment où vous êtes pris par la situation

d’entretien. Cherchez à repérer ces points de basculement, ces

moments où la parole de l’enquêté change de statut. » (p. 261-

262)

Dans « L’enquête et ses méthodes : l’entretien », Alain

BLANCHET et Anne GOTMAN proposent d’autres façons de analyser

le contenu. Elle implique des hypothèses : « c’est une lecture

exogène informée par les objectifs de l’analyste. Elle ignore

la cohérence explicite du texte et procède par décomposition

d’unités élémentaires reproductibles (…). Elle a pour fonction

de produire un effet d’intelligibilité et comporte une part

d’interprétation » (p.92). Ces auteurs proposent de procéder de

deux manières différentes : soit l’analyse entretien par

entretien, soit l’analyse thématique. L’analyse entretien par

entretien se base sur le fait que chaque entretien a des

singularités importantes et surtout lorsqu’il s’agit des études

qui portent sur des récits de vie. Le deuxième type d’analyse

et celui que nous avons suivi lors de ce dossier, est l’analyse

thématique. Cette analyse est un peu contraire à la précédente.

Elle essaye de ne pas se centrer sur la singularité et «

découpe transversalement ce qui, d’un entretien à l’autre, se

réfère au même thème. » (p. 97-98).

Blanchet et Gotman expliquent que l’analyse thématique est

« cohérente avec la mise en œuvre de modèles explicatifs de

pratiques ou de représentations, et non d’actions.

L’identification des thèmes et la construction de la grille

d’analyse s’effectuent à partir des hypothèses descriptives de

la recherche (…). Elles procèdent d’une itération entre

hypothèses et corpus. (…) L’unité thématique n’est donc pas

définie a priori comme l’unité linguistique. C’est un noyau de

ses repérable en fonction de la problématique et des hypothèses

de la recherche. Mais, une fois sélectionnés pour l’analyse

d’un corpus, les thèmes constituent le cadre stable de

l’analyse de tous les entretiens » (p.98).

D’après ces auteurs, il existe deux façons de procéder dans

l’analyse thématique/ soit par l’analyse horizontale, soit par

l’analyse verticale. L’analyse horizontale, celui que nous

avons décidé d’employer dans notre dossier, relève les

différentes formes sous lesquelles apparaît le même thème d’un

entretien à un autre. Les thèmes que nous avons décidé de

traiter de cette manière sont l’aspect financier, l’entourage,

le projet de vie et l’aide apporté par l’université. L’analyse

verticale est un « passage en revue des thèmes abordés par

chaque sujet pris séparément dans un but de synthèse. » (p.99)

L’analyse verticale n’est pas très pertinent dans notre cas du

au fait que les personnes interviewé ont toutes traites les

mêmes thèmes.

Nous avons resté sur la même cible pour l’entretien

réalisé ce semestre. Les mères qui ont eu un enfant lors de

leur scolarisation à l’université sont l’agent principal dans

notre sujet de l’expérience de la maternité à l’université.

Afin d’entrer en contact avec des personnes à interviewer,

nous avons posté plusieurs annonces dans la partie “Petites

annonces” de l’Environnement Numérique de Travail (ENT) de

l’Université Rennes 2. Deux personnes nous ont alors répondu,

l’une avec un enfant de 6 ans et qui a repris ses études à

Rennes il y a un an, la deuxième étudiante en deuxième année à

Paris, avec un bébé de deux mois et demi. Cette dernière nous a

par ailleurs conseillé un forum http://www.mamansetudiantes.com

où nous avons pu entrer en contact avec plusieurs jeunes mères,

dont une qui a eu un enfant à la fin de son master1 et qui est

aujourd’hui diplômée. Par ailleurs, ce forum nous semble être

un bon terrain d’observation, puisqu’il permet aux (futures)

mères de discuter entre elles de leurs interrogations, de leurs

études et de leurs jobs, et des difficultés qu’elles peuvent

rencontrer.

Nous avons également réalisé une observation auprès de la

crèche parentale « Au clair de la lune » de Rennes 2. Une

observation s’agit de « réhabiliter l’ensemble des sens comme

moyen empirique de saisir la réalité du monde mais il ne s’agit

surtout pas de prendre vos sens pour la réalité ; il faut se

garder de tout ethnocentrisme, objectiver sa propre position

pour pouvoir produire un regard neutre de tout jugement de

valeur. » (Lefèvre, 2005) Lors d’une observation, l’enquêteur

doit se place dans le cadre même où se déroulent les phénomènes

étudiés. Il faut également essayer d’intervenir un minimum pour

arriver à observer comment les phénomènes se déroulent de

manière naturelle. Nous avons donc recueilli de l’information

par notre simple présence dans le cadre étudié, dans les forums

des mères étudiantes et à la crèche universitaire de Rennes 2.

Cette technique de la méthodologie qualitative que nous

suivons peut être difficile car il faut être capable de savoir

ce qui est important de percevoir et de savoir comment filtrer

l’ensemble d’informations que l’on peut recueillir. Pour

pouvoir réaliser cette tâche, nous nous avons assuré d’avoir

une problématique claire pour être capables de recueillir

l’information et d’identifier les indicateurs pertinente à

notre recherche. Les indicateurs correspondent « à la fraction

de réalité que l’on considère comme représentative du phénomène

que l’on étudie » (Maxwell, 1999).

L’observation nécessite d’un triple travail : de

perception, de mémorisation et de notation. Lors d’une

observation, ces trois activités interagissent pour pouvoir

effecteur correctement une observation. Comme l’entretien et

comme nous l’avons signalé antérieurement, nos observations ont

été structurées par rapport à nos objectifs de recherche.

Egalement, les observations nous ont permis de dégager

certaines pistes des thèmes à traiter ou à approfondir lors de

ce dossier.

L'observation que nous avons choisi d’utiliser est

l’observation directe méthodique. Granai (1967) constate que ce

méthode est « un procédé d'observation contrôlé : il suppose

que des hypothèses de recherche aient été formulées, à partir

desquelles un plan raisonné d'observation pourra être élaboré :

le questionnaire d'enquête, sorte de mémento méthodique à

l'usage de l'enquêteur. Mais il faut noter ici que si le

questionnaire d'enquête a pour objet essentiel d'ordonner et de

contrôler les observations, il ne saurait constituer le cadre

ne-varietur des démarches de l'enquêteur. Ici réside, en effet,

le danger du questionnaire d'enquête : de son expérience passée

et des résultats acquis par sa propre discipline, le sociologue

est tenté d'inférer les cadres de son observation actuelle. Le

système de concepts qu'il applique à la réalité sociale risque

de lui en fournir une image faussée, en quelque sorte

préfabriquée. » Nous basant sur notre guide d’entretien pour

avoir les questions pertinentes à nous poser, nous avons fait

attention à ce risque. L'ethnographe Marcel Griaule nous a

aussi guidées et valider notre choix d’utiliser ce

questionnaire en disant que « le seul questionnaire valable est

celui que l'usager créera et perfectionnera lui-même, d'abord

selon des données plus ou moins nettes, selon des chances ou

des intuitions, ensuite selon une technique de plus en plus

serrée. De simple guide-âne, il devient instrument précis ; il

joue un rôle de plus en plus intime dans l'enquête, à laquelle

il s'incorpore très étroitement. De ce fait, il lui laisse

moins de liberté — ou même, de fantaisie, de cette fantaisie si

féconde parfois — il l'oriente, il tend à en administrer les

hasards » (1957).

II – Difficultés externes liés à l’organisation

Ce qui semble poser le plus de difficultés aux jeunes

mères rencontrées, c’est l’organisation. En effet, entre

l’organisation de leur emploi du temps, avec le choix d’un mode

de garde, le temps consacré à leurs études et à leur famille,

et l’organisation financière en essayant de conjuguer

différentes aides et parfois un emploi, on s’aperçoit de la

complexité de la situation. C’est pourquoi nous avons décidé

d’aborder dans cette partie les aides disponibles dont elles

peuvent bénéficier mais aussi leurs perceptions face à celles-

ci. Nous verrons ensuite ce que les universités sont en mesure

de faire pour accompagner ces mères-étudiantes et comment ces

dernières s’organisent.

1) Aspect financier et administratif

Tout d’abord, les difficultés financières sont une des

premières choses qui peuvent frapper ces jeunes mères. En

effet, si certaines peuvent avoir un job d’étudiant, une grande

majorité ne dispose d’aucunes ressources liées à un emploi.

Cependant, il s’avère qu’en 2010, d’après l’Observatoire

National de la Vie Etudiante, 70% des mères-étudiantes avaient

le soutien du père de l’enfant et que celui-ci peut être en

capacité de ramener un salaire pour subvenir à leurs besoins.

Malgré tout, un smic peut sembler insuffisant pour entretenir

un ménage de 3 personnes dont un enfant.

Vers quelles aides se tourner alors quand on vient de

donner la vie ou qu’on s’apprête à le faire, tout en continuer

ses études ? La Caisse des Allocations Familiales (CAF) a mis

en place la Prestation à l’Accueil du Jeune Enfant (PAJE).

Cette prestation comprend, sous condition de revenus, un

versement de 923,08 € au 7èm mois de grossesse pour faire face

aux premières dépenses liées à l’arrivée de l’enfant. La CAF

propose également une allocation de base à tous les parents

touchant moins de 35 480 € ; pour un premier enfant, elle

s’élève à 184,62 € par mois. A cette allocation, qui est

valable jusqu’aux 3 ans de l’enfant, peut s’ajouter le

complément de libre choix du mode de garde qui prend en charge

une partie de la somme à payer, lorsque les parents décident de

faire garder leur enfant par un ou des professionnels (crèche,

assistante maternelle agréée etc…).

Outre ces aides liées directement à l’arrivée de l’enfant, la

jeune mère peut également bénéficier, sous certaines conditions

d’une Aide Personnalisée au Logement (APL) versée également par

la CAF.

Enfin, par son statut d’étudiant, la jeune femme peut faire une

demande auprès du CROUS pour bénéficier d’une bourse sur

critères sociaux. Il existe par ailleurs un complément

maternité de 270 € versé par le CROUS sur 9 mois à la fin du

congé maternité. Sur les 500 000 étudiants boursiers en 2004-

2005, seulement 350 étudiantes ont fait cette demande.

Ainsi, même s’il semble y avoir de multiples aides disponibles,

la réalité peut être différente. En effet, une de ces jeunes

mères a déclaré « Bah financièrement c’est un peu difficile, on est à 3 sur le

salaire de mon copain. Il gagne en moyenne 1650, 1700€, on a un petit peu d’APL

mais c’est tout. Du fait qu’il gagne ce salaire là, on est environ 30 ou 40€ trop riche

pour que j’ai des bourses et pareil trop riche pour que j’ai la gratuité du bus donc on

est vraiment très chaud tous les mois».

On peut alors se poser la question de la nécessité de

créer un statut particulier pour celles qui sont pour l’instant

aux yeux des organismes, soit mère, soit étudiante. En effet,

la création de ce statut permettrait de répondre de façon plus

adaptée aux situations particulières de ces jeunes femmes. De

plus, d’après des témoignages trouvés sur internet, il est

difficile de revendiquer quoique ce soit lorsque votre statut

est inexistant. Nous allons rentrer plus en détail sur ce sujet

lors de la deuxième partie de ce dossier.

Enfin, une des jeunes femmes interrogée nous a rapporté

les soucis qu’elle a pu rencontrer lorsqu’elle se renseignait

auprès d’un service public : Pôle emploi.

« Et je me rappelle, je commençais à me renseigner, avoir appelé Pôle Emploi, leur

avoir demandé des renseignements, est ce que je pourrais avoir des aides pour

reprendre mes études et la nana au téléphone s’était foutue de moi l’air de dire «

Mais vous êtes complètement folle, reprendre vos études avec un enfant, vous devriez

plutôt faire des ménages » vraiment méprisante, c’est dingue. Et en tant que mère au

foyer, je touchais plus. Ça je trouve ça pas logique du tout, je reprends mes études, je

me bouge et on touche vachement moins. C’est comme si on encourageait les mères

à rester au foyer à s’occuper de ton gosse et basta, ça c’est fou, mais bon. »

Ainsi, lorsque ces mères ont du arrêter temporairement leurs

études pour accueillir et élever leur enfant, il semble que ce

soit encore plus difficile de les reprendre.

Or, d’après le Conseil du Statut de la Femme au Québec1 « Soutenir

ces étudiantes aura, indéniablement, des conséquences positives pour l’ensemble de

la société car les liens ne sont plus à faire entre pauvreté, exclusion sociale et

manque de scolarité. De plus, la scolarité des mères a un effet positif sur le

cheminement scolaire de leurs propres enfants. En ce sens, tout soutien apporté aux

mères aux études constitue un investissement dans la génération à venir. »

En effet, deux des jeunes femmes interrogées nous ont affirmé

que retourner en cours leur a permis de s’épanouir et de

reprendre confiance en soi « Mais ça m’as fait du bien de retourner en

cours, ça m’a aidé à m’adapter à ma vie de mère étudiante, surtout parce que j’étais

resté avec Charlotte depuis sa naissance, c’était dur au début de me rappeler que

j’étais aussi une jeune fille étudiante et pas seulement une maman, ça m’a beaucoup

aidé sur cet aspect. » et « C’est mon copain qui m’a poussé surtout à postuler parce

que je n’avais plus du tout confiance en moi. Le fait de rester des années à m’occuper

seulement du petit tu te dis « bon je ne vais plus y arriver, je ne vais plus en être

capable » et puis en fait bah si quand même puisque j’ai été prise et je suis super

contente d’avoir été prise et ça me plait vachement ce que je fais. Mais heureusement

que mon conjoint est derrière moi et qu’il m’a poussé à le faire parce que sans lui

j’aurais pas eu le courage de le faire. ».

2) Aides apportées par l’Université

Une fois que ces jeunes mères ont pris la décision de

continuer ou de reprendre leurs études, elles vont devoir

trouver certaines astuces afin de pouvoir concilier la

concentration, l’assiduité et le temps nécessaire pour les

travaux à rendre, avec la garde de leur enfant.

1 http://www.csf.gouv.qc.ca/modules/fichierspublications/fichier-29-259.pdf

Il semble alors naturel de se tourner vers son université ou

ses professeurs et de leur demander de quelles solutions on

peut bénéficier.

Ainsi, le premier problème qui se pose c’est : que faire de mon

enfant lorsque je dois aller en cours ? Si certaines attendent

que leur enfant soit en âge d’aller à l’école, ce n’est pas le

cas pour toutes. Elles ont alors la possibilité de se tourner

vers les modes de gardes traditionnelles (crèche, halte-

garderie, assistante maternelle…) ou vers leurs proches. Ainsi,

l’une des mères interrogées nous a confié que son enfant allait

à l’école, puis à la garderie mais que lorsque celle-ci doit

fermer mais qu’elle-même n’a pas terminé les cours, c’est sa

voisine qui va récupérer son enfant à l’école. Une autre nous a

déclaré que sa fille était gardée alternativement par sa mère

ou par sa belle-mère. Cette dernière avoue même avoir pensé

l’emmener avec elle en cours quand elle était bébé.

Pourtant, il existe une autre solution, bien que peu développée

en France : les crèches universitaires. Nous sommes allées à la

rencontre du personnel travaillant dans la crèche universitaire

de Rennes2, qui est subvention en grande partie par la ville de

Rennes et la CAF, mais également par l’Université et le Conseil

Général. Ainsi, cette solution semble idéale grâce à sa

proximité d’une part, et également par son prix qui est entre

0,31 centimes et 2€40 de l’heure. Ce tarif est fixé en fonction

des revenus, il correspond à 0,05% du revenu mensuel. La crèche

de Rennes2 accueille actuellement 13 enfants ce qui

représentent 18 à 20 familles. Dans un objectif de mixité et

parce que les parents doivent à la crèche une demi-journée de

présence par semaine (c’est une crèche parentale), celle-ci

fait en sorte d’accueillir autant d’enfants d’étudiants que de

personnels de l’université. Parmi les demandes émanant

d’étudiants, la crèche réserve la priorité aux mères

célibataires. Cependant, la crèche reçoit beaucoup plus de

demandes qu’elle n’a de places disponibles. Le personnel de la

crèche ne se contente pas d’accueillir et de s’occuper des

enfants, ils ont également un rôle de conseil et d’orientation

envers les parents, afin de les guider et de les rassurer dans

leur nouveau rôle.

Malgré ses avantages, la crèche universitaire a le même

inconvénient que la plupart des autres modes de garde, son

amplitude horaire. En effet, elle est ouverte de 8h15 à 18h30,

ce qui peut poser problème puisque les cours peuvent commencer

plus tôt et se terminer bien plus tard.

Par ailleurs, si la jeune femme décide de

continuer/reprendre ses études mais qu’elle estime qu’elle ne

pourra pas assister à suffisamment de cours, elle peut se

rendre auprès de l’administration afin de bénéficier du statut

de non-assidu qui est accordé aux salariés ou aux chargés de

famille. Certains cursus proposent également des diplômes à

distance.

Enfin, quand est-il de l’organisation dans le travail ?

Les enseignants sont-ils compréhensifs ? D’après les entretiens

réalisés, il semble que ces derniers ne soient pas toujours

très cléments envers ces jeunes mères « On a l’impression que les profs

croient qu’on n’a pas de vie à côté, qu’il faut qu’on fasse que ça sauf que moi j’peux

pas. Le soir quand je rentre, je ne travaille pas, je bosse le weekend. Des fois quand

j’ai vraiment des gros trucs à faire, des dossiers, je dis à mon copain « bon tu pars

chez ton père avec le fils ce weekend il faut que je bosse que je sois toute seule »,

parce que bosser avec le petit c’est vraiment difficile. Et le soir il faut faire des choix,

soit je bosse mais je suis crevée ou alors je peux pas, je rentre il faut faire la popote,

le bain du petit, le coucher, lire une histoire… Donc non tant pis, je m’occupe du petit,

je bosse le weekend. » et « Les professeurs ne se montrent pas toujours très

compréhensifs, comme un prof qui m’a dit une fois : «Votre cas prouve que les études

sont trop faciles puisqu’il vous est possible de mettre un enfant au monde et

d’achever ce cursus d’études ».

On trouve également des témoignages de maman-étudiante sur des

blogs qui corroborent cette idée « Le plus drôle, c’est quand je dois

justifier mes absences aux TD à mes profs. Il y a ceux qui se sentent mal à l’aise et qui

me déroulent d’un coup le tapis rouge « Non, mais évidemment que votre absence ne

sera pas comptée ! Maman et étudiante, quel courage ! » et puis il y a ceux qui ne me

croient pas et qui me demandent, les yeux écarquillés, la voix horrifiée,  l’acte de

naissance de mon enfant.»2

L’une des mères interrogées temporise cependant « Après ils sont

compréhensifs quand même. L’autre fois il y a eu une grève à l’école et j’avais pas

envie de le laisser toute la journée à la garderie parce que ça coûte des sous aussi

donc je leur ai dit bah non je ne viens pas parce que je garde mon petit et il n’y a pas

de problème. Mais sinon non il n’y a pas d’aide. ».

Ce sur quoi toutes ces jeunes mères s’accordent, c’est sur la

difficulté de trouver du temps et un endroit calme pour

réviser, entre l’enfant qui joue bruyamment ou le bébé qui est

malade ou qui se réveille en pleine nuit. Ainsi, l’une d’entre

2 http://sobusygirls.fr/2013/10/17/jai-teste-pour-vous-etre-maman-et-etudiante

elles nous dit « Un autre inconvénient est les soirs de révisions d'examens

avec un bébé sur les bras qui ne veut pas dormir ou qui est malade. Dans ces cas-là,

tu es content d’être à deux ! », une autre « Pendant les révisions, c’est la course !

Déjà on oublie les révisons pendant la journée. Parce qu’entre le bruit des petites

voitures, le robot parlant et les « maman, caca ! », d’un coup, la fac me paraît n’être

qu’un vague souvenir dans une vie antérieure. ».

Nous avons pu nous rendre compte que dans la plupart des

cas, les mères-étudiantes sont dans des situations financières

difficiles et qu’il peut sembler compliquer de connaître toutes

les aides dont on peut bénéficier. On peut penser qu’il y a un

manque de diffusion de l’information quant aux possibilités

offertes. De plus, la création d’un statut de mère-étudiante

permettrait de centraliser toutes les aides et de diminuer le

nombre de demandes à effectuer auprès des organismes. Ce statut

pourrait par ailleurs être bénéfique au niveau des Universités,

afin de bénéficier plus facilement de report d’examens, de

dispense d’assiduité ou d’une plus grande tolérance en cas

d’absence.

Il est également important d’encourager ces mères à reprendre

ou à continuer leurs études afin qu’elles puissent s’épanouir

et en faire bénéficier leurs enfants sur le long terme. Cet

encouragement pourrait passer notamment par la multiplication

des dispositifs de garde au sein des universités comme c’est

déjà le cas dans quelques unes.

III – Difficultés internes

1- L’entourage

La maternité à l’université est peu de fois planifiée. La

grossesse d’une étudiante peut être vue comme une transition

précoce vers un nouveau rôle, celui de mère. Nous pouvons

remarquer que les qualités d’un étudiante universitaires, comme

l’individualisation, la recherche de l’identité,

l’expérimentation de différents rôles, sont contradictoires

avec les qualités qu’une mère doit avoir, telles que la

stabilité psychologique, une sensibilité maternelle, etc.

Lorsqu’une étudiante universitaire devient mère, elle doit

redéfinir sa perception d’elle-même au même temps qu’elle

essaie de définir sa relation avec son enfant, avec sa famille,

avec son partenaire. Il devient donc difficile de répondre à la

fois à ses propres besoins et à ceux de son enfant. (Nath et

al., 1991; Osofsky et al., 1993; Schellenbach et al., 1992;

Wakschlag et Hans, 2000). De nombreuses études comparant les

pratiques parentales des mères adultes (plus de 24 ans) et des

mères jeunes (moins de 23 ans) montrent que les mères

étudiantes sont « souvent moins sensibles aux besoins de leur

enfant, ont des attentes moins réalistes quant à son

développement, sont moins stimulantes et utilisent plus de

pratiques disciplinaires coercitives que les mères adultes

(pour un relevé, Moore et Brooks-Gunn, 2002; Osofsky et al.,

1993; Zeanah, Boris et Larrieu, 1997).

Des nombreuses raisons peuvent être citée de pourquoi les

mères étudiantes ont particulièrement besoin de leur

entourage (jeune âge, manque de préparation, de stabilité,

d’emploi,…) et de leur aide. Le soutien social a une importance

capitale pour les jeunes mères. Le concept de soutien social

peut changer d’un auteur à un autre mais lorsqu’on parle de

soutien social dans ce contexte, on entend « les processus par

lesquels les relations sociales peuvent promouvoir la santé et

le bien-être » (Cohen, Gottlieb et Underwood, 2000). Selon

Cohen (2000), le soutien social « permet à une personne de

croire qu'elle est aimée, estimée et qu'on prend soin d'elle,

qu'elle a de la valeur et qu'elle appartient à un réseau de

communication et d'obligations réciproques. Le soutien social

aurait un effet positif sur la santé mentale et physique par

son influence sur les émotions, les cognitions et les

comportements. Cela procure un sentiment que la vie est stable

et prévisible et une reconnaissance de sa valeur personnelle. »

Il est possible de distinguer trois types de soutien

social perçu par l’entourage des mères étudiantes tels que le

soutien émotionnel et le soutien instrumental.

Lorsqu’on parle du soutien émotionnel ou

psychologique, un soutien relié à l’estime de soi, on

entend les actions qui encouragent la personne, la

rassurent quant à sa valeur personnel et lui montrent

son importance en l’écoutant l'écoutant, en lui

manifestant de l'empathie, en la respectant et en lui

fournissant des rétroactions sur ses compléments et

ses attitudes » (Duchesne, 2008). Henley indique

également que le soutien émotionnel est « la

possibilité de parler à quelqu'un de ses problèmes,

de demander conseil, de recevoir de l'encouragement,

des marques d'appréciation et de l'empathie et de

compter sur quelqu'un en cas de besoin » (1997). Ce

soutien est en effet le plus important d’une mère

étudiante, nécessaire pour aider la nouvelle mère a

garder une stabilité émotionnelle au bien-être d’elle

et de son enfant.

Le soutien instrumental, connu également comme

soutien pratique, sont les aides concrètes qui aident

à la personne dans ses efforts comme les aides aux

tâches domestiques, dans les soins des enfants, la

garde des enfants, etc. (Duchesne, 2008; Henley,

1997). Dans ce soutien l’on peut inclure l’aide

financière de la part de ses proches ou des aides

sociales discutée plus en détail lors de la première

partie de ce dossier.

Un troisième type de soutien que nous pouvons

mentionner est le soutien social dont l’on peut

inclure le soutien récréatif ou la compagnie sociale,

qui se définit «par le partage d’activités de loisir

ou récréatives avec d'autres personnes » (Ménard,

2010).

Le dernier type de soutien est le soutien

informationnel qui se constitue de « la transmission

d'informations pour répondre à un besoin, pour

définir, comprendre et gérer des événements

problématiques (Cohen et Wills, 1985; Duchesne,

2008). Le partage d'informations sur les habiletés

parentales (Letourneau et al., 2004) ou sur des

ressources spécialisées (Duchesne, 2008) en sont

quelques exemples.

Même si les effets spécifiques de ces différents types de

soutien social sont peu documentés, surtout chez les mères

étudiantes, il est possible de constater que ces effets sont

essentiels chez ces jeunes mères. Devoir s’occuper d’un enfant

alors qu’elles n’ont souvent pas compléter leur propre

développement psychologique et émotionnel implique des besoins

différents à ceux de mères adultes et donc ces soutiens gagnent

encore plus d’importance. Par exemple, la grossesse chez une

étudiante universitaire n’est pas souvent planifiée.

(Charbonneau, 2003) Cela implique donc une tendance à être

moins préparée qu’une mère adulte se traduisant donc par un

besoin plus important d’un soutien relié au rôle parental, des

conseils et d’information concernant les soins et l’éducation

de l’enfant ou d’un soutien financier pour arriver à satisfaire

les besoins de base de la mère et de l’enfant.

Lors de cette partie du dossier, nous nous intéressons à

la source de ce soutien social qui renvoie « à la personne ou

au groupe de personnes qui offre du soutien » (Veiel, 1985). Il

est donc possible d’inclure dans cette source de soutien la

famille, les relations amicales et amoureuses, les compagnons

et compagnes à l'école, les enseignantes et enseignants, le

voisinage et les services communautaires et sociaux.

(Schellenbach et al., 1992; Veiel, 1985). Gabrielle, une des

mères étudiantes que nous avons interviewé, constate

l’importance de ce soutien et la source celle-ci lorsqu’on lui

demande si son entourage a aidé à faciliter sa situation : « Ah

oui vachement, C’est la famille qui nous aide le plus: mes parents, mes frères et

sœurs et mes beaux-parents. Puis, ma mère est restée avec moi les 4 premiers mois

après la naissance de Charlotte, ça m’a aidé énormément et quand j’allais en cours,

pouvoir confier ma fille à ma mère me soulageait beaucoup. Surtout que ça me

permettais d’économiser les frais des ‘baby-sitters’. Nos amis aussi bien sûr étaient là

pour nous, même s’ils n’avaient pas beaucoup de temps non plus et que leur intérêt

pour les enfants était très limité.»

L’importance de la source de soutien est differente pour

une mère étudiante et jeune que pour une mère adulte. Par

exemple, Schellenbach (1992) note que la famille joue un rôle

beaucoup plus important et fonctionnel pour les mères

étudiantes que pour les mères adultes et Bucholtz et Korn-

Bursztyn (1993) constatent qu’une mère étudiante a moins

recours au soutien de leurs amies et amis que les mères plus

âgées. Marie, une des nos interviwées delcarent, lorsqu’on le

demande si ses amis l’ont soutenu, déclarent que « Mes amis,

mes amis…mmm oui (hesitante). Bah au fait ce n’est pas qu’ils

ne m’ont pas soutenu, c’est plus le fait qu’il n’y a pas grande

choses qu’ils peuvent faire pour te soutenir, tu comprends ?

Ils m’ont aidé avec mes cours, en me passant leurs cours pour

que je puisse photocopier au cas où je ne venais pas en cours

car j’étais fatigué ou des choses comme ça. Mais ils ne

comprennent pas, c’est impossible de comprendre si tu ne l’as

pas vécu. » Coletta (1981) vient soutenir cette idée en disant

que « les amies et amis sont une source moins satisfaisante de

soutien émotionnel que la famille et le conjoint. » D’après nos

entretiens et observations nous pouvons noter que les sources

de soutien les plus importantes chez ces mères étudiantes

semblent d’abord être les membres de la famille, le père de

l’enfant/le copain ou le conjoint et les amis. Quant aux

professionnels de la santé et des services sociaux et le

personnel des organismes communautaires, ils semblent garder un

rôle secondaire dans ce soutien social.

Il est important de remarquer que par rapports à nos entretiens

et observations, une source de soutien reste la plus présente

et la plus indispensable : celle de la grand-mère de l’enfant.

Son rôle est essentiel dans la vie de la mère étudiante et de

son nouvel enfant, surtout lors des premières années suivant la

naissance de l’enfant, «tant par son implication auprès de

l'enfant que par le modèle parental qu'elle offre » (Moore,

2002). Notre troisième interviewé confirme ce fait : « Ma mère

a toujours gardé Seb [l’enfant]. Je suis parti vivre avec elle

quand il est naît et quand j’allais en cours, il restait avec

elle. J’ai eu de la chance car l’année qu’elle a arrêté de

travailler, c’est l’année que Sébastien est né. Je ne sais pas

comment j’aurais fait si ça n’avait pas été le cas. Et c’est

grâce à elle que j’ai réussi à avoir mon diplôme, elle gardait

Seb quand j’allais en cours, quand je devais travailler sur un

dossier, pour faire mon mémoire, tout, tout mais vraiment tout.

Quand j’entends les histoires des autres mamans étudiantes, je

trouve que j’ai eu beaucoup de chance parce qu’avec ma mère,

tout a été beaucoup plus facile pour moi et pour Seb. »

La jeune maman devient donc plus dépendante de l’aide de sa

mère, par exemple, dans le cadre de l’information quant aux

soins de l’enfant qu’elle ne peut pas obtenir auprès de ses

amies n’ayant pas d’enfant. La mère de la mère étudiante reste

beaucoup plus présent que « les pères, les sœurs ou les frères,

dont le rôle est la plupart du temps effacé ou négligeable. »

(Charbonneau, 2003). Charbonneau constate qu’au moment de son

enquête « moins du tiers des jeunes mères disaient recevoir du

soutien de leur père» et indique que « le soutien provenant de

la fratrie est négligeable : ils sont rarement un point

d'appui, une source de réconfort et ils sont cités comme une

source d'aide dans moins de la moitié des cas par ces mères

étudiantes. » Par exemple, notre première interviewé constate

ce fait avec le père de son conjoint et sa mère : « Son père très

très mal, il ne voulait plus me voir, j’étais la paria. Ma mère très contente, alors

qu’elle m’avait toujours dit « Ne fais pas un enfant trop tôt blablabla » en fait elle

était super contente et puis heureusement qu’elle était là parce que c’est vraiment

elle qui m’a soutenue. Donc j’ai accouché là où ma mère habitait et je suis restée

vivre 3 ans là bas. » Ou encore des pères qui ont du mal à accepter la

situation : « Mon père […] n’était pas du tout content, surtout quand je lui ai dit

que j’allais garder le bébé. Il ne m’a pas parlé pendant presque toute ma grossesse,

ça a était très dure. » Charbonneau rajoute que « lorsqu’ils sont cités

c'est surtout pour une garde ou un transport urgent ou pour un

prêt d'argent. Leurs sœurs peuvent, par contre, fournir une

aide plus diversifiée que les frères mais, le plus souvent,

leur soutien prend la forme d'une garde d'urgence et de

l'écoute de confidences » (2003).

2- La reprise d’études

Une des principales raisons pour lesquelles les femmes

arrêtent leurs études est la grossesse. Marie indique que « il

n'était pas question de reprendre les cours le lendemain [de l’accouchement] surtout

que je me trouvais dans une formation où il est nécessaire d'être dynamique dès le

début de l'année, enfin comme dans toute formation. J'ai donc fait un report

d'inscription pour ma deuxième année.» Les filles qui tombent enceint à

un jeune âge sont plus susceptibles de subir des perturbations

dans leur éducation, que les filles qui n’ont pas d’enfants.

D’après l’INSEE, seulement la moitié des filles qui tombe

enceintes avant l’âge de 22 sont diplômées. Même si le taux de

grossesse à l’université a atteint son plus bas depuis quarante

ans, le décrochage scolaire de la part des mères étudiantes

reste élevé. Nous pouvons constater également, que les filles

qui tombent enceinte lors dès études universitaires, sont plus

susceptibles à avoir des revenus plus faibles que les filles

qui n’ont pas d’enfants lors de leurs études.

Lorsqu’une étudiante est enceinte à l’université, elle a

des besoins spécifiques qui ne sont pas favorables au bon

déroulement de l’année universitaire. Et ces besoins

particuliers peuvent ne pas être « tolérées » par l’école, tel

est le cas des étudiantes doivent garder le repos pour des

raisons médicales comme l’indique Marie quand elle décrit que

« je n’ai pas travaillé à fond, car en plus de la fatigue, j’avais des nausées et des

vomissements. J’ai même été arrêtée quelques semaines avec interdiction de bouger

lors de mon 5e mois de grossesse ». Une grossesse peut aussi être très

inconfortable et fatiguant pour l’étudiante qui doit être

capable de supporter une journée des cours et de travail à

faire chez soit. Marie, encore une fois, illustre cette

situation lorsqu’on lui demande les inconvénients d’être

étudiant et mère à la fois: «Je pense qu’un des pires inconvénients est la

fatigue. T’es toujours fatigué quand tu es maman ! (rires) Quand ton enfant est

malade et tu passe la nuit à prendre soin de lui et le jour d’après t’a une présentation

ou un contrôle, là je te dis ce n’est pas facile. ». Il ne faut pas oublier non

plus de l’état physique de la nouvelle maman. Après un

accouchement, une femme a besoin de temps pour se remettre.

Cela peut poser des problèmes lorsqu’on parle de la reprise

d’études.

La reprise d’études lorsqu’une étudiante est devenue maman

peut donc s’avéré très compliqué. Sans la motivation et sans

l’aide de l’entourage et de l’université, il est très difficile

de réussir dans cette tâche. Ces étudiantes, pas comme les

autres, sont dans un univers pas toujours évident à gérer.

En ce qui concerne la question du statut, elles sont, soit

étudiantes au regard de leur établissement, soit mamans au

regard de la Caf par exemple, mais le statut d’étudiante-maman

n’existe pas. « La situation de ces étudiantes n’est pas reconnue, alors qu’elles

font une triple journée : elles cumulent les cours, le bébé et souvent un job. Nous

agissons pour un statut social d’autonomie de l’étudiant. Notre action se tourne

aussi vers la création de crèches universitaires et vers un emploi du temps plus

souple » avoue un responsable d’aides sociales à l’Unef. Cela

sera une des solutions qui pourront aider et encourage la

reprise d’études des ces mères étudiantes.

Mais qu’en pensent les étudiantes concernées ? D’après les

forums que nous avons observé, nous avons constate que par

exemple une étudiante dit « qu’il est difficile de revendiquer

quelque chose avec un statut inexistant ». Une autre, enceinte

de plusieurs mois, assure que lorsque l’accouchement a lieu

durant les examens, ces étudiantes ne bénéficient pas d’un

report d’examens. « J’ai une amie qui a reporté son 2e semestre à cause de

cela », affirme-t-elle. Si l’université n’est pas flexible avec

ces étudiantes, ont risque de décourager la reprise d’études de

ces mamans. Mais un des problèmes reste que les étudiantes

mamans ou futures mamans manquent d’informations. Beaucoup

n’ont jamais entendu parler de l’existence de crèches

universitaires par exemple. Certes il en existe très peu en

France mais ça aide. Une autre maman étudiante reconnaît que la

crèche « dépanne pas mal. Nous sommes plusieurs étudiantes sur Lyon à utiliser

le service et on s’entraide avec les cours ou du baby-sitting de temps à autre ».

Donc, même s’ils existent des contraintes lors d’une

reprise d’étude suite à une grossesse, cela n’est pas

impossible. Toutes les mères que nous avons interviewées, ont

repris leurs études. Dans le cas de Flore elle explique ce qui

l’a motivée à reprendre ses études : « Euh… Bah j’en avais marre de

rien faire tout le temps, que par et pour le petit, la routine de l’emmener à l’école de

le ramener. Je ne m’épanouissais pas du tout là dedans. Je savais que j’avais envie de

faire un boulot dans le domaine du livre mais je ne savais pas que cette formation là

existait en fait. Il n’y en a que deux en France, il y a Lille et Rennes. Donc après je me

suis renseignée et j’ai vu qu’il y avait ça. C’est mon copain qui m’a poussé surtout à

postuler parce que je n’avais plus du tout confiance en moi en fait. Le fait de rester

des années à m’occuper seulement du petit tu te dis « bon je ne vais plus y arriver, je

ne vais plus en être capable » et puis en fait bah si quand même puisque j’ai été prise

et je suis super contente d’avoir été prise et ça me plait vachement ce que je

fais. » Marie aussi en parle de sa reprise d’études qui a été

motivée par sa mère : « Je voulais le faire. Je voulais être diplômée, j’ai

toujours trouvait ça indispensable. Ma mère était mère au foyer toute mon enfance

mais elle avait eu son diplôme quand elle était jeune et elle avait travaillé avant

m’avoir. Quand elle a divorcé mon père, j’avais que 9 ans et elle était très contente

d’être diplômée et de pouvoir trouver un bon travail pour satisfaire à nos besoins.

Quand je suis tombée enceinte, elle me l’a répété au moins dix mille fois (rires). »

Nous pouvons donc conclure que reprendre les études est

essentiel pour l’estime de chaque maman. Elles nous montrent un

besoin de continuer à avoir une identité propre à elles et ne

pas juste être maman. Il est aussi possible de remarquer que,

comment nous l’avons discuté auparavant dans ce dossier, le

soutien que reçoivent ces mères lors de la reprise d’étude est

essentiel pour une réussite scolaire.

Une de nos interviewée n’a pas repris les études car elle

n’a jamais arrêté : « Je n’ai jamais arrêté les études. Charlotte est née en

juin, à 8 mois, quand je me suis rendu compte que j’étais enceinte j’avais presque

trois mois, j’ai pu finir mon semestre. Je devais faire un stage pendant l’été mais il

n’était pas obligatoire, je voulais le faire mais bon… J’ai eu toutes mes vacances pour

m’occuper de la petite avec l’aide de ma mère et de mon copain. J’ai repris les cours

début octobre, j’ai loupé les premières semaines parce que les cours commençait en

septembre et comme j’allaitais c’était super compliqué au début. Mais ça m’as fait du

bien de retourner en cours, ça m’a aidé à m’adapter à ma vie de mère étudiante,

surtout parce que j’étais resté avec Charlotte depuis sa naissance, c’était dur au

début de me rappeler que j’étais aussi une jeune fille étudiante et pas seulement une

maman, ça m’a beaucoup aidé sur cet aspect (sourit) ». Elle a réussi à finir

sa formation sans faire de pause, ce qui n’est pas toujours

facile ou même commun. Mais elle affirme que cela n’est pas

facile et conseille les autres mamans que «  le plus important c'est

de reprendre quand on se sent prête, à son rythme. Vouloir à tout prix assumer à

100% ses études alors qu'on est parent depuis peu, on court le risque de surmenage.

Faut aller lentement, au début au moins. »

Conclusion

« Les données disponibles ne permettent pas de dresser un portrait

précis des diverses problématiques qui s’y rattachent, de préciser

les besoins des jeunes mères ni d’évaluer les résultats des mesures

déjà appliquées. Elles ne permettent pas non plus d’établir le lien

entre grossesse-maternité et abandon scolaire ni de savoir combien

de femmes doivent renoncer à un projet scolaire à cause de

responsabilités familiales. » Québec