Neil STRAUSS The Game - Internet Archive

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Transcript of Neil STRAUSS The Game - Internet Archive

NeilSTRAUSS

TheGame

Lessecretsd’unVirtuosedelaDrague

Traduitdel’américainparChristopheRosson

Jedédiecelivreauxmilliersdepersonnesquej’airencontréesaucoursdesdeux dernières années dans des bars, des boîtes de nuit, des centrescommerciaux,desaéroports,desépiceries,danslemétroetdanslesascenseurs.

Sivouslisezceslignes, jetiensàvousdirequepourmoicen’étaitpasunjeu.

J’étaissincère.Vraiment.Vousn’étiezpascommelesautres.

TitreoriginalTHEGAME

©NeilStrauss,2005Pourlatraductionfrançaise©Audiablevauvert,2008

«Jen’airiensudevenirdutout:niméchant,nigentil,nisalaud,nihonnête–niunhérosniuninsecte.Maintenantquej’achèvemaviedansmontrou,jememoque de moi-même et je me console avec cette certitude aussi bilieusequ’inutile:carquoi,unhommeintelligentnepeutriendevenir–iln’yaquelesimbécilesquideviennent.»

FédorDostoïevski,LesCarnetsdusous-sol

Tousceuxquiont lulespremièresmouturesdecelivrem’ontposélesmêmesquestions:

EST-CEQUEC’ESTVRAI?ÇAS’ESTVRAIMENTPASSÉ?CESGENS-LÀEXISTENTVRAIMENT?Ilmesembledoncnécessairederecouriràunevieilleficellelittéraire…CEQUISUITESTUNEHISTOIREVRAIE.LESÉVÈNEMENTSDÉCRITSONTVRAIMENTEULIEU.Certainslesnierontetcertainesendouteront.Mais je vous les présente ici, vulnérables dans leur nudité et dérangeants

dansleurréalité.J’imploreparavancevotrepardon.NEDÉTESTEZPASLEJOUEUR…DÉTESTEZLEJEU.

SommaireÉtapen°lChoisirunecible……………………………………9Étapen°2Aborderetouvrirunebrèche………………25Étapen°3Semettreenvaleur………………………………67Étapen°4Désarmerlesobstacles…………………………131Étapen°5Isolerlacible…………………………………………181Étapen°6Nouerunlienémotionnel……………………251Étapen°7Passeràunlieudeséduction………………295Étapen°8Fairemonterlatempératurebingo……317Étapen°9Établirunlienphysique………………………381Étapen°10Détruirelarésistancededernièreminute…409Étapen°llGérerlesconséquences…………………………455Glossaire…………………………………………………513Remerciements

ÉTAPE1

CHOISIRUNECIBLE

« Les hommes n’étaient pas vraiment des ennemis, mais plutôt eux aussi lesvictimes d’une mystique masculine dépassée oui leur faisait éprouver unsentimentd’inadaptationdèslorsqu’ilsn’avaientplusd’oursàtuer.»

BettyFriedanLaFemmemystifiée

MYSTERY

Unvraichampdebataille,cettemaison.Les portes étaient fracassées, sorties de leurs gonds ; les murs marqués à

coupsdepoing,detéléphoneetdepotdefleurs;craignantpoursavie,Herbal1secachaitdansunechambred’hôtel;Mystery,lui,pleurait,effondrésurletapisdusalon.Deuxjoursqu’ilpleuraitcommeça.

Ce n’était pas normal. Les larmes ordinaires, on peut les comprendre.Mystery était incompréhensible. Incontrôlable.Depuisune semaine, il oscillaitentre violents accès de colère et crises de sanglots cathartiques. Et voilà qu’ilmenaçaitdesetuer.

Nous étions cinq àvivre là :Herbal1,Mystery,Papa,Playboy etmoi.Desquatrecoinsdumonde,desmecsdetousâgesvenaientnousserrer lamain,seprendre en photo avec nous, suivre notre enseignement. Tout ça dans un seulbut:êtrenous.Ilsm’appelaientStyle.Cesurnom,jeleméritaisbien.

Nousn’avons jamaisutilisénosvraisnoms–uniquementdespseudos.Lamaisonaussiavait lesien,commetoutescellesquenousavonshantéesdeSanFrancisco à Sydney. Nous l’avons appelée Projet Hollywood. Et ProjetHollywoodétaitsensdessusdessous.

Les canapés et les dizaines de coussins éparpillés dans le salon puaient,décolorésqu’ilsétaientparlasueurdeshommesetlamouilluredesfemmes.Àforced’êtrepiétinéparlesjeunesspécimensparfumésquenousavonsrameutésdeSunsetBoulevardtouslessoirs,letapisblancavaitviréaugris.Desmégotsetdespréservatifsusagésflottaientdanslejacuzzi.EtleramdamdeMystery,cegrand hystérique d’unmètre quatre-vingt-quinze, a fini de ravager les lieux etd’enterrifierlesrésidents.

«Jepeuxpas tedireceque je ressens», fit-il,entredeuxsanglots. Ilétaitpris de spasmes. « Je sais pas ce que je vais faire,mais ça va être un truc demalade.»

Ils’estrelevéunpeuetafrappélecanapérougecouvertdetaches.Ilhurlaitsapeinedeplusenplusfort :danslesalon,onn’entendaitplusquecetadultequiavaitperdutouteslescaractéristiquesséparantl’hommedel’enfant–oudel’animal.

Sonpeignoirensoiedorée,bientroppetitpourlui,laissaitvoirsesgenouxcouvertsdecroûtes.Laceinturefaisaittoutjusteletourdesataille;lespansduvêtementlaissaientvoirquinzebonscentimètresd’unepoitrinepâleetimberbe.Sa tenue se résumait à un boxerCalvinKlein gris et fatigué, et un bonnet delaine.

Alorsqu’onétaitenjuin,àLosAngeles.Ilarepris:«Lavie…toutça…Àquoibon?»Setournantversmoi,ilm’aregardédesesyeuxrougisethumides:«C’est

courud’avance.Pasmoyendegagner.Alors,autantnepasjouer.»Nous étions seuls dans lamaison. J’allais devoir gérer la situation.Mieux

valait lui donner un sédatif avant qu’il ne repasse des larmes à la colère. Àchaquecrise,çaempirait,etlàjecraignaisqu’ilnecommettel’irréparable.

Pasquestionde laisserMysterymourirpendantmon tourdegarde. Il étaitplus qu’un simple ami : monmentor. Il a changéma vie et celle de milliersd’autres types commemoi. Je devais lui trouver du Valium, du Xanax, de laVicodine, n’importe quoi. J’ai sorti mon carnet d’adresses et y ai cherché uncontactsusceptibled’avoirdespilules–desrockstars,desfemmesquiviennentde se faire refaire quelque chose, d’anciens enfants acteurs.Mais soit ils ontlaissé le téléphonesonner,soit leurstockétaitvide,soit ilsontprétenduqu’ilsétaientàsec.

Ilnemerestaitplusqu’unepersonneàappeler:lafemmequiavaitenvoyéMystery sur cette pente glissante. C’était une fêtarde, jamais à court decachetons.

Katya,blondinetterusseàvoixdeSchtroumpfetteettempéramentélectrique,adébarquédixminutesplustardetm’atenduunXanax,l’airinquiet.

Jel’aiavertie:«N’entrepas,ilpourraittetuer.»Katyanel’auraitsûrementpasvolé.Enfinc’estcequejemesuisditsurle

moment.J’ai donné la pilule et un verre d’eau àMystery puis j’ai attendu que ses

sanglotssecalment.Jel’aiensuiteaidéàenfilersesbottesnoires,unjeanetunt-shirtgris.Ilétaitsageàprésent,ungrosbébé.

«Tuasbesoind’aide.Viens,jet’emmène.»Il s’est appuyé surmoi,nous sommes sortisde lamaisonet je l’ai installé

dansmavieilleCorvetterouillée,surlesiègepassageroùonsesentaitàl’étroit.Detempsentemps,unéclairdecolèreluitraversaitlevisage,ouunelarmeluicoulaitlelongdelajoue.J’espéraispouvoirl’aideravantleretourdescrises.

«J’aimeraisbienapprendrelekung-fu,dit-il,toutpaisible.Commeça,sijeveuxtuerquelqu’un,jepeux.»

J’aiappuyésurlechampignon.Direction la clinique psychiatrique d’Hollywood, sur Vine Street : une

mocheté rectangulaire en béton, hantée jour et nuit par des sans-abri quiengueulaient les lampadaires,des travestisquineseséparaient jamaisde leurscaddies, et autres rebuts de la société qui avaient planté leurs tentes là où lesservicessociauxétaientgratuits.

Mystery,jel’aicomprissurlemoment,étaitl’und’eux,maissoncharismeetson talent attiraient les autres et l’empêchaient de se retrouver abandonné. Ilpossédaitdeuxtraitsdecaractèrequej’avaisremarquéscheztouteslesrockstarsquej’aiinterviewées.–unelueurdedémencedansleregard,etuneincapacitétotaleàs’occuperdelui-même.

Jel’aifaitentrerdanslecouloiretmesuisoccupédelapaperasse,puisnousavons attendu tous les deuxqu’un conseiller se chargedenous.Assis sur unepauvrechaiseenplastiquenoir,Mysterybraquaitunregardcatatoniquesur lesmursd’unbleuréglementaire.

Uneheureestpassée.Ilacommencéàgigoter.Puisdeux.Ilafroncélessourcils;sonvisages’estobscurci.Puistrois.Ils’estmisàpleurer.Puisquatre.Ils’estlevéd’unbond,s’estélancéhorsdelasalled’attenteet

s’estretrouvédehors.Ilmarchaitrapidement,commes’ilsavaitoùilallait,alorsqu’onétaitàprès

decinqkilomètresdeProjetHollywood.Jel’aipoursuivietl’airattrapédevantune supérette. Je l’ai pris par le bras, lui ai fait faire demi-tour et l’ai ramenédanslasalled’attenteenluiparlantcommeàunenfant.

Cinqminutes.Dix,Vingt.Trente.Mysterys’estlevédenouveauetestsorti.Jeluiaicouruaprès.Deuxtravailleurssociauxétaientplantés,brasballants,

danslecouloir.«Arrêtez-le!leurcriai-je.—Impossible,m’arépondul’und’eux,iln’estplusdansnosmurs.—Et vous le laissez sortir comme ça, avec les tendances suicidaires qu’il

a?»Jen’avaispasdetempsàperdreendiscussions.«Aumoinsqu’unpsysoitprêtàlevoirsij’arriveàleretrouver.»

Je suis sorti à toute allure et ai regardé surma droite. Pas deMystery. Àgauche?Rien.J’aifoncéverslenord,versFountainAvenue,l’airepéréaucoindelarueetl’airamenédeforceàlaclinique.

À notre retour, les travailleurs sociaux l’ont conduit, par un long couloirsombre, vers uneminuscule alcôve au sol recouvert de lino. La thérapeute setenaitderrièresonbureau,elleapasséundoigtdansunedesesbouclesnoires.C’étaituneAsiatique, la trentaine,mince,pommettes saillantes, rougeà lèvresbordeaux,tailleur-pantalonrayé.

Mysterys’estécroulésurunechaisefaceàelle.«Alors,commentva-t-on,aujourd’hui?luiademandélapsyenseforçantà

sourire.—C’estcommesi…J’aipluslegoûtàrien.»Ilafonduenlarmes.«Jevousécoute.»Elle prenait des notes dans son carnet. Pour elle, l’affaire était sans doute

déjàpliée.« Alors je me retire du patrimoine génétique de l’humanité », a-t-il

pleurniché.Elleluiaadresséunregardfaussementcompatissanttandisqu’ilpoursuivait.

À ses yeux,Mystery n’était guère différent des dizaines d’autres tarés qu’ellevoyaitchaquejour.Elledevaitsimplementdéterminers’ilétaitpréférabledelemédicaliseroudel’interner.

«J’enpeuxplus.Çasertàrien.»Elle a sorti un petit paquet demouchoirs d’un tiroir et le lui a tendu. Au

momentoùMysterylesaissait,ilalevélesyeuxetcroisépourlapremièrefoisceux de la thérapeute. Il s’est figé et l’a observée en silence. Elle étaitmignonne:bizarre,dansunecliniquepareille.

LevisagedeMysterys’estéclairéuninstantavantdes’éteindreànouveau.«Sijevousavaisrencontréeailleurs,àuneautreépoque,fit-il,enfroissant

un mouchoir, ç’aurait été différent. » Son corps d’ordinaire fier et droit secourbaitcommeunenouillesurlachaise.Ilparlaitenfixantlesol,l’airabattu.«Jesaisexactementquoidireetquoifairepourvousséduire.J’aitoutdanslatête.Touteslesrègles.Touteslesétapes.Touslesmots.C’estjusteque…là,jepeuxpas.»

Lafemmeacquiesçamachinalement.« Si vous me voyiez quand je ne suis pas dans cet état, a-t-il repris en

reniflant. Je suis sorti avec les plus belles femmes dumonde.Ailleurs, à uneautreépoque,jevousauraisconquise.

—Ouioui,répondit-ellesuruntoncondescendant,çanefaitaucundoute.»

Elle n’en savait rien. Comment aurait-elle pu soupçonner que cepleurnicheurquichiffonnaitunmouchoirétaitleplusgranddragueurdumonde.Cen’étaitpasuneaffaired’opinion,maisun fait avéré.Depuisdeuxans, j’enavaiscroisédesdizainesquirevendiquaientcetitre,etMysterylesbattaittousàplatecouture.C’étaitsonhobby,sapassion,savocation.

Unseulautrehommeauraitpuleconcurrencer.Etcetindividuétaitluiaussiassis devant la thérapeute. Mystery avait transformé le ringard informe quej’étaisensuperstar.Ensemble,nousavionsrégnésurlemondedelaséduction.NousavionslevédemagnifiquesnanassouslesyeuxincrédulesdenosétudiantsetdisciplesàLosAngeles,NewYork,Montréal,Londres,Melbourne,Belgrade,Odessaetj’enpasse.

Etlànousnousretrouvionschezlesfous.

STYLE

Jesuis loind’êtreséduisant.J’aiunneztropgrosparrapportàmonvisageet,sansêtrecrochu,ilarboreunepetitebossesurledessus.Jenesuispaschauve,maisc’estpeudirequejemedégarnis.Quelquestouffesmefontsurlecrâneunesorte de poulpe. Je trouvemes yeux trop petits, des yeuxde fouine, et ils ontbeau pétiller de vitalité, personne n’en saura jamais rien, vu que je porte deslunettes.J’aidesmarquesdepartetd’autredufrontqui,selonmoi,donnentducaractèreàmonvisage,mêmesijen’aijamaisreçulemoindrecomplimentàcesujet.

Jesuisunpeupetitàmongoût,etsimaigrequejepassepourunmeurt-de-faim,quoiquejepuissemanger.Quandjeregardemoncorpspâleetavachi,jemedemandebiencommentunefemmepourraitvouloirsecoucheràcôtédeça,sansparlerdesefrottercontre.Bref,pourmoi,aborderlesfilles,cen’estpasdutoutcuit.Jenesuispasdeceuxquifontglousser lesnanasaubar,ouqu’ellesveulent ramener chez elles quand elles sont bourrées et qu’elles se lâchent.Contrairementauxrockstars,jenepeuxpasleuroffrirunboutdemagloireouuneoccasiondefrimer;nidelacokeetunegrandemaisoncommetantd’autresàLosAngeles.Jen’aiquemonesprit,etça,çanesevoitpas.

Je n’ai rien dit dema personnalité, vous l’aurez remarqué.C’est qu’elle acomplètementchangé.Ou,pourêtreprécis,quejel’aicomplètementmodifiée.J’ai crééStyle,monalter ego,de toutespièces.Et endeuxans,Styleaconnuplusdesuccèsquejen’enaijamaiseu–surtoutauprèsdesfilles.

Jen’aijamaisvouluchangerdecaractèreoud’identité.Enfait,mavieetmapersonnalité me convenaient. Enfin… jusqu’à un innocent coup de fil (çacommencetoujourscommeça)quim’envoyaenexpéditiondanslaplusétrangedescommunautésundergroundquej’aiepurencontrerenplusdedouzeansdejournalisme.C’est l’éditeur JérémieRuby-Strauss (aucun lien de parenté entrelui et moi) qui m’appelait : sur Internet, il venait de dénicher un documentintituléLeGuide de la drague – en fait, LeGuide du dragueur efficace. Ontrouvaitlà,medit-il,sur150pages,laphilosophiededizainesdedragueursquiéchangeaientleursconnaissancesdepuisprèsd’unedécenniesurdesforumsdediscussion,cherchantensecretàfairedel’artdelaséductionunescienceexacte.

Lecontenuavaitbesoind’êtreréécritetréorganiséafind’établirunecohérence,etJérémiem’ensentaitcapable.

J’endoutaisunpeu.Cequejeveux,c’estécrire,pasdonnerdesconseilsàdesadosenchaleur.Maisbiensûr, jeluiairéponduqueçanecoûtaitriend’yjeterunœil.

Àlasecondeoùjemesuismisàlireceguidedeladrague,mavieabasculé.Plusquetoutautrelivreoudocument–laBible,CrimeetChâtimentouTheJoyof Cooking –, il m’a ouvert les yeux. Pas nécessairement à cause desrenseignementsquej’yaidécouvert,maisplutôtparcequ’ilm’aentraînésurunenouvellevoie.

Quandjerepenseàmonadolescence,ungrandregretm’assaille.Rienàvoiravecmespauvresrésultatsscolaires,monattitudeàl’égarddemamèreoulefaitd’avoirpercutéunbusaveclavoituredemonpère.Jen’aitoutbonnementpaseuassezdecopines.Jesuisdugenreintello–jerelisUlyssedeJamesJoycetousles trois ans pour le plaisir. Je me considère comme quelqu’un deraisonnablementintuitif.Danslefond,jesuisunbongarsquiessaied’éviterdefaire dumal aux autres. Pourtant, je n’arrive pas à accéder à l’étape suivante,parcequejepasseuntempsfouàpenserauxfemmes.

Et je saisque jene suispas le seul.HughHefner avait soixante-treize anslorsdenotrepremière rencontre. Il prétendait avoir couchéavecplusdemillefemmesparmi lesplusbellesdumonde,mais ilnemeparlaitquedeses troispetitesamies:Mandy,BrandyetSandy.Etduplaisirqu’illeurdonnait,grâceauViagra (et aussi, voire davantage, grâce à son argent).Quand il avait enviedes’entaperuneautre,m’a-t-ildit,larèglevoulaitqu’ilslefassenttousensemble.J’aicomprisalorsque j’avais faceàmoiun typequiavaitcouché toutesavieautantqu’illevoulait,etqui,àsoixante-treizeans,étaitencoregouvernéparsaqueue. Quand s’arrêtera-t-il ? Si Hugh Hefner n’en a pas encore fait le tour,commentjevaisfaire,moi?

Sansleguidedeladrague,mafaçondepenseràl’autresexen’auraitjamaisévolué–commechezlaplupartdeshommes.Enfait,jesuissûrementpartideplusloinquelamajorité.Pré-ado,jen’aijamaisjouéaudocteur,aucunefillen’aacceptédesouleversajupecontreundollar,aucunecamaradedeclassenem’alaissé tripoter ce que je n’étais pas censé toucher. J’ai passé le gros de monadolescenceparalyséparlatrouille,sibienquelejouroùmonuniqueoccasions’estprésentée–unebizut ivremorteproposantdemesucer-, jemesuissentiobligédedirenon,craignantdefâchermamère.Àlafac,j’aicommencéàmetrouver : mes centres d’intérêt, la personnalité que ma timidité refoulait, le

groupe d’amis qui allaient m’ouvrir l’esprit grâce aux drogues et à leursconversations(danscetordre).Maisjamaisjenemesuissentiàl’aiseaveclesfemmes:ellesm’intimidaient.Enquatreannéesdefac,jen’aipascouchéavecuneseulefilleducampus.

Mondiplômeenpoche,j’aiacceptéuneplaceauservicecultureduNewYorkTimes, où j’ai développéma confiance enmoi-même et enmes opinions. J’aifinalementeuaccèsàununiversprivilégié,désinhibé: jesuispartientournéeavecMarilynMansonetMotleyCrüeafind’écriredeslivresàleursujet.Toutcetemps-là, etbienque j’aieeuaccèsauxcoulisses, la seulepersonneàm’avoirembrasséaétéTommyLee.Ducoup,j’aiperduespoir.Tomberlesfilles,c’étaitundon:certainsl’avaient,d’autresnon.Moi,jenel’avaispas.

Mon problème n’était pas d’être puceau,mais que surmes rares coups debol, je transformais l’histoire d’unenuit enune relationdedeux ans car je nesavais pas quand la chanceme sourirait à nouveau. Lesmecs du guide de ladrague avaient un sigle pour les types comme moi : PMF – pauvres mecsfrustrés.J’étaisunPMF.PascommeDustin.

J’ai fait laconnaissancedeDustinà la findemesétudes,par lebiaisd’unamicommun,Marko,fauxaristocrateserbe,moncompagnondemisèreniveaufillesdepuislamaternelle,engrandepartieàcausedesatêteenformedemelon.Dustin n’était ni plus grand, ni plus riche, ni plus célèbre, ni plus beau queMarkooumoi.Maisilavaitcettequalité:ilplaisaitauxfemmes.

QuandMarkome l’a présenté,Dustin nem’a guère impressionné, Petit etbasané,ilavaitdelongscheveuxmarronbouclésetportaitunechemisecraignosdegigolo,franchementtropdéboutonnée.Cesoir-là,noussommessortisprendreun verre au Drink, une boite de Chicago. Pendant que nous laissions nosmanteaux au vestiaire, Dustin a demandé : « Vous savez s’il y a des coinssombres,ici?»

Jeluiaidemandéàquoiçaluiservirait,uncoinsombre,etilaréponduqueçaaidaitaveclesfilles.J’ailevélessourcils,l’airsceptique.Celadit,quelquesminutesaprèsnotrearrivée,Dustinaaccrochéleregardd’unetimidequiparlaitàuneamie.Sansunmot,ilaquitténotregroupe.Lafillel’asuivi–directdansun coin sombre.Quand ils ont fini de s’embrasser et de se peloter, ils se sontséparésensilence,sanséchangerleursnumérosniun«àplus».

Dustin a reproduit ce miracle quatre fois pendant la soirée. Un mondenouveaus’ouvraitdevantmoi.

Je l’ai cuisiné des heures durant, déterminé à apprendre quels pouvoirsmagiquesilpossédait.Dustinétaitcequ’onappelleundragueur-né.Dépuceléà

onze ans par une voisine de quinze ans qui l’utilisa comme cobaye sexuel, iln’avait pas arrêté de baiser depuis.Un soir, je l’ai emmené à une fête sur unbateau amarré sur l’HudsonRiver àNewYork. Lorsqu’une brune torride auxyeuxdebicheestpasséeprèsdenous,ils’esttournéversmoietm’adit:«Piletontype.»

J’ainié l’évidenceetbaissélesyeux,commed’habitude.J’avaispeurqu’ilmepousseàallerluiparler,cequ’ilfitbientôt.

Quandelleestrevenueprèsdenous,illuiademandé:«TuconnaisNeil?»Questionstupide,maisquiavait leméritedebriserlaglace.J’aibredouillé

quelquesmots jusqu’àcequeDustinvienneàmarescousse.Unpeuplus tard,nous les avons retrouvésdansunbar, elle et soncopain,quipromenaient leurchien. Tous deux venaient d’emménager ensemble. Après quelques verres, lecopain est rentré à lamaison avec son toutou, laissant la fille,Paula, ennotrecompagnie.

Dustinaproposéderentrerchezmoipourunpetiten-casnocturne.Aulieude quoi, arrivés à mon minuscule appartement de l’East Village, nous noussommes effondrés sur le lit, Paula entre Dustin et moi. Quand il s’est mis àl’embrasser sur la jouegauche, ilm’a fait signed’attaquer ladroite.Puis, nosmouvements synchrones, nous sommes passés à son cou et ses seins. J’étaissurpris par le consentement tacite de Paula ; pour Dustin, cela n’avait riend’extraordinaire.Setournantversmoi,ilm’ademandésij’avaisunpréservatif.Je lui en ai trouvé un. Il a enlevé la culotte dePaula et s’est introduit en ellependantquejeluilapaisinutilementleseindroit.

Dustinavaitcepouvoir:iloffraitauxfemmeslefantasmequ’ellescroyaientnejamaisréaliser.Aprèscoup,Paulam’aappelésansarrêt.Elleressassaitcettesoirée, cherchait à l’expliquer parce qu’elle n’en revenait pas. Avec Dustin,c’étaittoujourslemêmetopo:àluilafille,àmoilaculpabilité.

Je mettais ça sur le compte de nos différences : Dustin avait un charmenatureletl’instinctanimal,moinon.Dumoins,c’estcequejepensaisavantdelire le guide de la drague et d’explorer les forums de discussion et les sitesInternetrecommandés.J’yaidécouverttouteunecommunautédeDustin–destypesquidisaientavoirtrouvéletrucpourfairefondre,oumouiller,lesfemmes–etdesmilliersd’hommescommemoiquiessayaientd’apprendreleurssecrets.Ladifférence,c’estqu’euxavaientmorcelé leursméthodesenunensemblederèglesquetoutlemondepouvaitsuivre.Chaquevirtuoseautoproclaméavaitsaproprestratégie.

Il y avait Mystery, magicien ; Ross Jeffries, hypnotiseur ; Rick H.,entrepreneur millionnaire ; David DeAngelo, agent immobilier ; Juggler,comique;DavidX,ouvrierdubâtiment;etSteveP.,séducteursiredoutablequeles femmes payaient pour apprendre à mieux le sucer. Sur une plagecalifornienne, avec leurs figures pâlichonnes, ils ne font pas le poids face aupremierM.Musclevenu.MaisdansuncaféStarbucksouunWhiskeyBar.Ilsemballent la copine deM.Muscle à tour de rôle dès que ce dernier a le dostourné.

Lapremièrechosequiachangéchezmoiaétémonvocabulaire.J’aiintégréde nouvelles expressions – fmf. V2D (Virtuose 2 la Drague), mp (MissionDrague–partirenmd,oupartirenchasse)etTBM(tropBonneMeuf).Puisçaaétéautourdemesrituelsquotidiens,quandjesuisdevenuaccrodu«vestiairevirtuel» créépar ces as.Dèsque je rentraisd’un rendez-vousoud’une sortieavecunefemme,j’allumaismonordinateuretposaismesquestionsdujoursurles forums de discussion. « Qu’est-ce que je fais si elle raconte qu’elle aquelqu’un?»«Siellemangeunplatavecdel’ail,çasignifiequ’ellenecomptepasm’embrasser ? » « Si une fille semet du rouge devantmoi, c’est bon oumauvaissigne?»

SurleNet,destypescommeCandorGunwitchouFormhandlesesontmisàmerépondre.(Dansl’ordre:«Sers-toid’unscénarioanti-petitami»;«Tuteposestropdequestions»;«Ni l’unni l’autre.»)Et j’aivitecomprisqu’ilnes’agissaitpasqued’unphénomènevirtuelmaisbiend’unmodedevie.Dansdesdizainesdevilles–deLondresàBombayenpassantparZagreb–,desapprentisséducteurs se retrouvaient toutes les semaines dans ce qu’ils appelaient desrepaires:ilsyparlaienttactiqueetstratégieavantdesortirengroupesfairedesrencontres.

Dieumedonnaitunesecondechance,parl’intermédiairedeJérémieRuby-Straussetd’Internet.Iln’étaitpastroptardpourêtreDustin,pourdevenircequetoutefemmeveut–pascequ’elleditvouloir,maiscequ’elleveutvraiment,aufondd’elle-même,sousleconditionnementsocial,làoùlogentsesfantasmesetsesrêveries.

Mais je ne pouvais pas y arriver seul.Chatter sur leNet ne suffirait pas àmodifierleséchecsdetouteunevie.Jedevaisrencontrerceuxquisecachaientderrièrecespseudos,lesvoirenaction,découvrirquiilsétaientetcommentilsfonctionnaient.Jemesuisassignécommemission–jobàtempsplein,obsession–detraquerlesplusgrandsvirtuosesdeladragueaumondeetdelessupplierdemeprendresousleuraile.

(Enpage513unglossairerecenseetdéfinitcesexpressionsetbiend’autresutiliséesauseindelacommunautédelaséduction.NDT)

Ainsiontdébutélesdeuxannéeslesplusbizarresdemavie.

ETAPE2

ABORDERETOUVRIRUNEBRÈCHE

« Pour nous tous, hommes et femmes, le premier problème ne fut pasd’apprendre,maisdedésapprendre.»

GloriaSteinem,discoursderemisedediplômes,VassarCollege

Chapitre1

J’airetirécinqcentsdollarsàmabanqueetlesaifourrésdansuneenveloppe

blanche sur laquelle j’ai écrit «Mystery ». Ce n’était pas le moment le plusglorieuxdemonexistence.

Mais j’avaisconsacrélesquatrederniers joursàm’ypréparer–deuxcentsdollars claqués en vêtements chezFredSegal, un après-midi entier à chercherl’eau de Cologne parfaite, et une coupe de cheveux made in Hollywood àsoixante-quinze dollars. Je voulais en jeter un max ; pour la première fois,j’allaisrencontrerunvraivirtuosedeladrague.

Ils’appelait–enfinc’étaitsonpseudo–Mystery.Ilétaitleplusvénérédesdragueurs de la communauté, une mine d’informations longues etcirconstanciées, véritables algorithmes permettant de jouer avec les situationsafinderencontreretdecharmerlesfemmes.IltenaitsurInternetlachroniquedeses sortiesavecdes topmodelsetdes strip-teaseuses,n’omettant aucundétail,utilisant un jargon de son invention : neg-sniper, neg-scud, théorie de groupe,indicateursd’intérêt, troc–autantde termes intégrésau lexiquedesdragueurs.Quatreannéesdurant,ilavaitgracieusementoffertsesservicesdansdesforumsconsacrésàlaséduction.Puis,enoctobre,ilavaitdécidédemonnayersonsavoiretenvoyélemailsuivant:

Pour satisfaire les nombreuses demandes,Mystery propose désormais desséminairesen soiréedansdifférentesvillesdumonde.Lepremier se tiendraàLosAngeles, dumercredi 10 octobre, jusqu’au samedi. Les frais d’inscriptions’élèventà500dollars.Ilscomprennent,pourchaquesoirée, l’entréeenboîte,unelimousine(sympa,non?),uneheuredeconférencedanslalimousineainsiqu’undébriefingd’unedemi-heureàlafindechaquesortie,etenfintroisheuresetdemie(deuxboîtesparnuit)surleterrainavecMystery.

Àlafindeceséminaire,vousaurezapprochéunecinquantainedefemmes.S’inscrireàunatelierconsacréàladraguen’ariend’évident.Celaimplique

des’avouervaincu,inapteetinadapté,dereconnaîtrequ’aprèstoutescesannéesd’activité(oudumoinsdecapacité)sexuelle,onestencoredépassé.Engénéral,ceux qui demandent de l’aide n’ont pas réussi à se débrouiller seuls. Alors,

commeles junkiesvontencurededésintoxicationet lesmecsviolentssuiventdescoursdegestiondelacolère,lesattardéssociauxvontenclassededrague.

Envoyermone-mailàMysteryaétél’unedeschoseslesplusdifficilesquej’aiejamaisfaites.Simesproches,mesamis,mescollèguesetplusencoremonunique ex-copine de Los Angeles, apprenaient que je me payais des leçonspratiques de drague, j’essuierais instantanément d’impitoyables moqueries etrécriminations. Du coup, j’ai gardé mes intentions pour moi, éludant lesquestionsen racontantque j’allais fairevisiter lavilleàunvieilamiceweek-end-là.

Ilmefaudraitcloisonnercesdeuxunivers.Dansmone-mail,jen’aidonnéàMysterynimonnom,nimonmétier.Sion

meledemandait, jeprévoyaisderépondre«écrivain»,pointbarre.Jevoulaisévoluer dans cette sous-culture anonymement, sans quemonboulotmedonned’avantageoumemettelapression.

Cependant,maconsciencemetaraudait.C’étaitdeloincequej’avaisfaitdepluspathétiquedansmavie.Etmalheureusement,jenepouvaispaslefairetoutseul–pascommememasturbersousladouche.Mysteryetlesautresétudiantsseraientlàpourtémoignerdemahonte,demonsecret,demonincompétence.

Unjeuneadulteesttirailléentredeuxdésirsprimaires:l’unviselepouvoir,lesuccèsetlaréussite;l’autrel’amour,lecoupleetlesexe.Lamoitiédemavieétaitdonchorsservice.Meprésenterdevantces typesrevenaitàadmettreque,entantqu’homme,j’étaisencoreàl’étatd’ébauche.

Chapitre2

Une semaine après avoir envoyé cet e-mail, je pénétrais dans le hall duRooseveltHôtelàHollywood.Jeportaisunpull-overbleud’unelainesidouceet légèrequ’on aurait crudu coton, unpantalonnoir lacé sur les côtés, et deschaussures qui me grandissaient de plusieurs centimètres.Mes poches étaientremplies des fournitures que Mystery avait demandé à chaque étudiantd’apporter : un stylo, un bloc-notes, un paquet de chewing-gums et despréservatifs.

J’ai immédiatementrepéréMystery.Installécommeunroidansunfauteuilvictorien, il arborait un sourire suffisant de maître du monde. Il portait uncostumebleunuit,ampleetdécontracté;unpetitpiercingpointuremuaitàsonmenton;etsesonglesétaientvernisd’unnoirprofond.Sansêtrenécessairementattirant,ilavaitducharisme–grandesilhouettemince,longscheveuxchâtains,pommettessaillantes,teintblême.Onauraitditunfanad’informatiquequis’estfaitmordreparunvampire.

Prèsde lui,un typeunpeupluspetitmedévisageaitetseprésentacommeson équipier, Sin. Il portait une chemise à col Mao sombre et ajustée ; sescheveuxdejais,plaquésenarrière,contrastaientavecsonteintderoux.

J’étaislepremieràmeprésenter.«C’estquoitonscore?»m’ademandéSinensepenchantversmoicomme

jem’asseyais.Ilscherchaientdéjààm’évaluer,àvoirsi j’étaisapteàcequ’ilsappelaientlejeu.

«Monscore?—Oui,aveccombiendefilleses-tusorti?—Euh…àpeuprèssept.—Àpeuprèssept?insistaSin.—Six»,confessai-je.Sincomptaitunesoixantainedeprises,Mysteryplusieurscentaines.Jelesai

regardésbouchebée : j’avaisdevantmoi les illustresdragueursdont jesuivaisles exploits avec tant d’avidité depuis desmois sur Internet. Àmes yeux, ilsformaient une classe à part : ils détenaient le remède miracle, la solution à

l’apathieetàlafrustrationquitourmentaientlesgrandshéroslittérairesdontjem’étaistoujourssentiproche–LéopoldBloom,AlexPortnoyouPorcinet.

Pendant que nous attendions les autres, Mystery m’a balancé une grandeenvelopperempliedephotos.

«Quelques-unesdemesconquêtes.»Dans l’enveloppe, j’ai découvert une incroyable palette de beautés : le

portrait d’une torride actrice japonaise ; la photo dédicacée d’unepetite brunequiressemblaitétrangementàLivTyler;unefilleencouverturedePenthouse;uninstantanéd’unestrip-teaseusebronzée,bienfoutueetvêtued’unnégligé–lacopineofficielledeMystery,Patricia ;etunebrunetteàpoitrinesiliconée,queMysterytétaitaubeaumilieud’uneboîtedenuit.Voilàpoursesréférences.

«C’estparcequej’aiignorésesseinstoutelasoirée,m’expliqua-t-ilquandjel’interrogeaisurcederniercliché.Undragueurdoitêtrel’exceptionàlarègle.Ilnefautjamaisfairecequetouslesautresfont.J’insiste:jamais.»

Jel’aiécoutéavecattention.J’aitenuàcequechaqueparolesegravedansmoncortex.J’allaisprendrepartàunévénementmajeur:leseulautredragueurcrédible à dispenser un enseignement était Ross Jeffries, fondateur de lacommunautéàlafindesannées1980.Maiscejour-là,pourlapremièrefois,desétudiantsenséductionallaientpasserdessallesdeséminaireauxboîtesdenuitet se lancer à l’assaut de femmes insouciantes, sous le regard critique desexperts.

Undeuxièmeétudiantestarrivéets’estprésentésouslenomd’Extramask.Une grande perche de vingt-six ans, l’airmalicieux, coupe au bol, des habitsdémesurément lâches et un joli visage bien ciselé – avec la bonne coupe decheveuxetunetenueadéquate,iln’auraiteuaucunmalàêtrebeaugosse.

QuandSinluiademandésonscore,Extramasks’estgrattélatête,gêné.«Engros,j’aizéroexpérienceaveclesfilles.Jen’enaijamaisembrassé.

—Sansblague,fitSin.— Je n’ai même jamais tenu une fille par la main. Mes parents me

protégeaientbeaucoup.C’étaientdes catholiques très stricts, alors j’ai toujoursculpabiliséparrapportauxnanas.Maisj’aieutroiscopines.»

Leregardrivéparterre,ilsefrottaitlesgenouxnerveusementpuiss’estmisànousdresserlalistedesespetitesamies,bienqu’aucundenousn’aitdemandédedétails.D’abordMitzelle,quiavaitrompuauboutdeseptjours.PuisClaire,qui lui avait affirmé, après deux jours, qu’elle s’était trompée en acceptant desortiraveclui.

«EtenfinCarolina,madouceCarolina,dit-il,unsourirerêveursedessinantsurses lèvres.Nousavonsétéensembleunejournée.Je larevois le lendemainaprès-mididenotre rencontres’approchantdechezmoiavecsacopine.Je l’aiaperçuesurletrottoird’enfaceetaumomentoùjemesuisavancéverselle,ellem’acrié:“Jetelargue!”»

Apparemment, ces relations remontaient à ses dix, onze ans. Extramaskhochait la tête d’un air triste.On n’aurait su dire s’il avait conscience ou nond’êtredrôle.

Ledernierarrivé,unquadragénairedégarnietbronzé,venaitd’Australietoutspécialementpourl’atelier.IlexhibaitaupoignetuneRolexàdixmilledollars,parlait avec un accent charmant et portait l’un des pull-overs les plusmochesquej’aiejamaisvus–unemonstruositéàgrossestorsadesrecouvertedezigzagsmulticoloresquiressemblaientàcequelapeintureauxdoigtsaproduitdepire.Il puait l’argent et l’assurance. Et pourtant, dès qu’il a ouvert la bouche pourannoncer son score (cinq) à Sin, il s’est trahi. Sa voix tremblait ; il étaitincapablederegarderquiconquedanslesyeux;etildégageaitquelquechosedepathétique et de puéril. Son allure, à l’instar de son pull-over, n’étaitqu’accidentelleetnedisaitriendesanature…

Ilvenaitdedécouvrirlacommunautéet,commeilrechignaitànousdévoilersonprénom,Mysteryl’abaptiséPull-Over.

L’ateliercomptaitdonctroisétudiantsautotal.«Bien, on a beaucoupde choses à voir ensemble», a déclaréMystery en

tapant desmains, il s’est approché de nous de sorte que les autres clients del’hôtelnepuissentpasl’entendre.

«Monboulot,là,c’estdevousinitieraujeu,reprit-il,nousregardanttous,àtourde rôle,droitdans lesyeux. Jedois faireentrerdansvos têtesceque j’aidanslamienne.Considérezcettesoiréecommeunjeuvidéo.Çan’arienderéel.Chaquefoisquevousabordezunenana,vousJouez.»

Mon cœur s’est mis à battre la chamade. La seule pensée d’engager laconversation avec une inconnue me pétrifiait, d’autant plus que ces typesdevaientm’observer etme juger. Sauter à l’élastique ou en parachute, à côté,c’étaitdelarigolade.

«Vosémotionsrisquentdetoutfoutreenl’air,apoursuiviMystery.Ellesneserventqu’àvous troubler,onnepeutabsolumentpas s’y fier,mettez-vousçadanslecrâne.Parfoisvousvoussentirezcomplexésetmalàl’aise:vousdevrezgérer la situation comme on gère un caillou dans sa chaussure. Ce n’est pasconfortable,maisonl’ignore.Çan’entrepasenlignedecompte.»

Je promenais mon regard alentour ; Extramask et Pull-Over paraissaientaussi nerveux que moi. « J’ai quatre jours pour vous inculquer les bases lestactiques–quevousdevrezmaîtriser.Etilvousfaudrajouer,encoreetencore,pourapprendreàgagner.Préparez-vousdoncàl’échec.»

Mystery s’est interrompu le temps de commander un Sprite avec cinqtranchesdecitron,puisnousaracontésavie.Ilparlaitd’unevoixforteetclaireimitation,nousdit-il,decelled’AnthonyKobbins,spécialisteenpsychologiedelamotivation.Tout,chez lui, semblaitêtreune inventionconsciente, fruitd’unentraînementintensif.

Depuis l’âge de onze ans, lorsque à force de coups il avait arraché à uncamaradede classe le secret d’un tourde cartes,Mystery s’était fixépourbutdansl’existencededevenirmagicien–unevedetteàlaDavidCopperfield.Autermedeplusieursannéesd’étudeetdepratique, ses talents luiavaientpermisd’animerdesfêtesd’anniversaire,dessoiréesd’entrepriseetmêmedeparticiperàquelquestalk-shows.Audétriment,cependant,desaviesociale.Avingt-et-unans,toujourspuceau,ilavaitdécidédeprendreleschosesenmain.

« L’un des plus grands mystères au monde, c’est l’âme féminine, nousdéclara-t-ilpompeusement.Etj’aientreprisdelerésoudre.»

Ainsi,touslesjours,ilavaitralliéenbuslecentredeToronto,sesbars,sesboutiques de vêtements, ses restaurants, ses cafétérias. Ignorant tout de lacommunautévirtuelleoude l’existenced’autres illustresdragueurs, il avaitdûtravailler seul, nepouvant compterque sur sonunique talent : lamagie. Il luiavait falludesdizainesd’allers-retoursenvilleavantde rassembler lecouragenécessairepouraborderuneinconnue.Dèslors,ilavaitendurééchecs,rejetsethumiliations jouretnuit,maisavait finipar réunir,uneàune, lespiècesdecepuzzle qu’est la dynamique sociale, et mettre au jour ce qu’il tenait pour lesmodèlessous-jacentsdetouterelationhomme-femme.

«J’aimisdixansàsaisirtoutça,dit-il.Leformatdebase,c’estleRASC–repérer, accoster, séduire, conclure. Croyez-le ou non, le jeu est élémentaire.Beaucoupdegensl’ignorent.»

Pendant lademi-heuresuivante,Mysterynousaexposécequ’ilappelait lathéorie de groupe. « J’ai adopté ce processus des milliards de fois, nousexpliqua-t-il.Onn’abordepasunefilleseule.Cen’estpasçalavraieséduction.Lesbellesfemmessetrouventrarementseules.»

La clé, une fois qu’on a abordé le groupe, est d’ignorer la femme qu’ondésire tout en amadouant ses amis – en particulier les hommes, et quiconquesusceptibledefairecapoterl’affaire.Silacibleestséduisante,dugenreàavoir

leshommesàsespieds,ledragueurdoitl’intriguerenfeignantd’êtreinsensibleàsescharmes.Pourcefaire,onarecoursàcequeMysteryappelleunneg.

À mi-chemin entre le compliment et l’insulte, le neg est une insulteaccidentelleouuncomplimentéquivoque.Lebutestdouble:atteindrel’amour-propre et afficher délibérément un manque d’intérêt envers la cible – en luidisantqu’elleadurougeàlèvressurlesdents,parexemple,ouenluioffrantduchewing-gumaprèsqu’elleaparlé.

«Jen’écartepas lesmoches ;ni lesmecs. Jen’écarteque les fillesque jeveux baiser, conclut Mystery, le regard embrasé par la conviction de sesaphorismes.Sivousnemecroyezpas,attendezdevoircesoir.Ceseralanuitdetoutes les expériences.D’abord, je vais vousmontrer de quoi je suis capable.Vous allez m’observer, puis on vous poussera à aborder deux, trois groupes.Demain,sivoussuivezmesindications,vousserezenmesuredeleverunefilleenmoinsdequinzeminutes.»

Puis,setournantversExtramask:«Quellessontlescinqcaractéristiquesd’unmâlealpha?—L’assurance?—Exact.Quoid’autre?—Laforce?—Non.—L’odeurcorporelle?»IlaregardéversPull-Overetmoi.Nousn’enavionsaucuneidée.«Lapremièrecaractéristiqued’unmâlealpha,c’est le rictus, expliqua-t-il,

affichantunemimiqueradieuseetartificielle.Souriezquandvouspénétrezdanslapièce.Dèsquevousentrezdansuneboîte,lejeudémarre.Etsivoussouriez,vousdonnezl’impressiond’êtreéquilibré,sympa,d’êtrequelqu’un.»

Il s’est tourné vers Pull-Over. «Quand tu t’es adressé à nous, tu n’as passouri.

—Cen’estpasmongenre,réponditPull-Over.J’ail’airbêtequandjesouris.—Situcontinuesàfairecequetuastoujoursfait,tucontinuerasd’obtenir

ceque tu as toujoursobtenu. J’appelle ça la “méthodeMystery”, parceque jem’appelleMysteryetquec’estmaméthode.Alorscequejevaisvousdemander,c’est de suivre certaines demes suggestions, et d’essayer de nouvelles chosespendantcesquatrejours.Vousallezvoirladifférence.»

En plus de l’assurance et du sourire, Mystery nous dévoilait les autrescaractéristiquesdumâlealpha:debeauxhabits,lesensdel’humour,lesensdu

contact,etêtreconsidérécommelecentredelasalle.Personnen’aoséluifaireremarquerqu’ilentenaitsix,pascinq.

Tandis qu’il approfondissait son analyse, j’ai compris pourquoi je metrouvais là – et il en allait demême pour Pull-Over et pour Extramask : nosparents et amis nous avaient laissés tomber. Ils ne nous avaient pas fourni lesoutilsnécessairespourfairedenousdesêtresparfaitementvalides.Etlà,aprèsplusieursdécennies,l’heureétaitvenued’acquérircesoutils.

Mysteryafaituntourdetableetnousaregardésl’unaprèsl’autre.«Quelgenredefillestuveux?»demanda-t-ilàPull-Over.

Celui-citiradesapocheunboutdepapiersoigneusementplié.«Hiersoir,j’aimisparécritma listed’objectifs,dit-il endépliant la feuille,quicontenaituneséried’entréesclasséesenquatrecolonnes.Etparmicequejerecherche,ilya une épouse. Je la veux intelligente, capable de soutenir n’importe quelleconversation;maiselledevraaussiavoirassezdestyleetdecharmepourattirerlesregardsquandelleentredansunepièce.

—OK,maisregarde-toi,répliquaMystery.Tuesbanal.Lesgenscroientques’ils sontpasse-partout ilspourront séduireun largeéventailde femmes.C’estfaux.Ondoitsespécialiser.Sionestbanal,onn’attireraquedesfillesbanales.Tespantalonskaki,tulesgardespourlebureau.Poursortir,oublie.Ettonpull…brûle-moi ça.Tudois crever l’écran. Jeneplaisantepas.Si tuveuxattirer les10/10,ilfautquetuintègreslathéoriedupaon.»

Mystery adorait les théories. Celle du paon allègue que s’il veut attirer lafemelle la plus désirable de son espèce, un mâle doit se distinguer par descouleursvoyantes.Pourleshumains,nousexpliqua-t-il,l’équivalentdelaqueuedepaondéployéec’estunechemisebrillante,unchapeauauxcouleurscriardes,et des bijoux qui s’allument dans le noir – bref, tout ce qui m’avait toujourshorrifié.

Quandmontourestvenu,Mysteryadébitéunelisteinterminabledepointsàcorriger : me débarrasser de mes lunettes, tailler mon bouc informe, raser lepoulpeentretenuàgrandsfraisquiornaitmatête,m’habillerdefaçonplustape-à-l’œil, porter un accessoire clinquant ou carrément des bijoux,me bouger unpeu.

Jenotaischacundesesconseils.Cemec-làétaitlittéralementobsédéparlaséduction, comme un savant fou qui veut transformer les cacahuètes encarburant.Lesarchivesdesese-mailscomprenaient3000messages–plusde2500pages–tousconsacrésaudéchiffragedececodesecretqu’estlafemme.

«Tiens, voilà une intro que tu pourras utiliser. »Une intro est une phrasepréparéeetdestinéeàengagerlaconversationavecungrouped’inconnus;c’estlapremièrearmedel’aspirantdragueur.«Quandtuaurasrepéréungroupeoùsetrouveunefillequiteplaît,valeurdire:“Tiens,tiens,ondiraitqu’ons’éclateparici.”Puisadresse-toiàcellequetuvisesetajoute:“Sijen’étaispasgay,tuseraisdéjàfolledemoi.”»

Monvisages’estempourpré.«Vraiment?Jenevoispascommentçapeutfaireavancerleschoses.

—Une fois que tu l’auras séduite, ta prétenduehomosexualité n’auraplusaucuneimportance.

—Maisc’estunmensonge,non?—Non,c’estduflirt.»Auxautresmembresdugroupe,ilproposadenouveauxexemplesd’intros:

desquestionsaussiinnocentesqu’intrigantes,comme«Vousycroyez,vous,auxsortilèges?»oubien«Çaalors,vousavezvu lesdeux fillesqui sebattaientdehors?»Cesformulesn’avaientcertesriendespectaculairenidetrèsélaboré,maisellesétaientcenséesamenerdeuxinconnusàseparler.

Lebutdela«méthodeMystery»,nousexpliqua-t-il,c’estdenepassefairerepérer.Ne jamais aborder une femme avec une allusion équivoque.D’abord,qu’ellesedévoile,puisqu’ellemériteledroitdesefaireemballer.

«Unamateursemetàdraguerillico,déclara-t-ilenselevant,prêtàquitterl’hôtel.Unproattendhuitàdixminutes.»

Équipés de nos negs, de notre théorie de groupe et de nos intros decamouflage,nousétionsparéspourlatournéedesboîtes.

Chapitre3

Noussommesmontésdanslalimousine,directionleStandardLounge,unhôtelselectdoubléd’uneboîtedenuit.C’estlàqueMysteryadétruitl’idéequejemefaisais de la réalité. Il a étendu les limites que j’avais fixées aux rapportshumainsbienau-delàdecequejecroyaispossible.Cetypeétaitunemachine.

Au Standard, l’ambiance était encoremorose. C’était trop tôt. Il n’y avaitquedeuxgroupesdanslasalle:uncoupleprèsdel’entréeetdeuxautresdansuncoin.Jem’apprêtaisàrepartir.C’estalorsque j’aivuMysterys’approcherdesdeuxcouples.Ilsétaientassissurdescanapés,departetd’autred’unetableenverre ; les hommes côte à côte. L’un d’eux était l’acteur Scott Baio, surtoutconnupoursonrôledeChachidansHappyDays.Enfacedelui,deuxfemmes,unebrunetteetuneblondedécoloréequisemblaittoutdroitsortiedumagazineMaxim. Ses faux seins relevaient tellement son t-shirt blanc que l’ourlet sebalançait au-dessus de son petit ventre affermi par une gym intensive. Baiosortaitavecelle.Mysteryl’avaitprisepourcible,jel’aivitecompris.

Sesintentionsétaientclairescarilneluiadressaitpaslaparole.Aucontraire,illuitournaitledosetmontraituntrucàScottBaioetàsonami–untrentenairebien habillé, bien bronzé, de ceux qui empestent l’après-rasage. Je me suisapprochéd’eux.

«Faisgaffe,ditBaio.Ellem’acoûtéquarantemilledollars.»MysterytenaitlamontredeBaioentresesmains.Ill’aposéesoigneusement

sur la table.«Etmaintenant,attention, fit-il. Jecontractemesabdominaux,cequiaugmentel’apportd’oxygènedansmoncerveauet…»

Ilapassélesmainssurlamontre,etlagrandeaiguilles’estarrêtéenet.Auboutd’unequinzainedesecondes,Mysteryarenouvelél’opérationetlamontreest repartie lentement–enmêmetempsque lecœurdeScottBaio.LesquatrespectateursontfaituntriompheàMystery.

«Unautretour!»minaudalablonde.Mysteryluienvoyaunneg:« Holà, on ne s’emballe pas. » Puis, se tournant vers Baio. – « Elle est

toujourscommeça?»

Nousassistionsàlamiseenpratiquedelathéoriedegroupe.PlusMysteryseconsacraitauxdeuxmecs,pluslafilleréclamaitsonattention.Etchaquefois,illarepoussaitetreprenaitsaconversationavecsesnouveauxpotes.

«C’estrarequej’ailleenboîte,disaitBaio.J’aipassél’âge.»Quelquesminutesplustard,Mysteryacesséd’ignorersacible.Il luiapris

lesmainsetaentreprisde liredanssespensées. Ilutilisaitune techniquedontj’avaisentenduparler,lalectureàfroid:l’artdesortirauxgensdestruismessureux-mêmessansriensavoirdeleurpersonnalitéoudeleurvie.Surleterraindujeu,connaissance,mêmeésotérique,rimeavecpuissance.

ChaquefoisqueMysteryfaisaitmouche,lafilleétaitunpeuplusstupéfaite;elleafiniparl’interrogersursontravailetsursespouvoirspsychiques.Mysterylui répondait de façon à faire ressortir sa jeunesse et son amour de la fête, cepourquoiBaios’estimaittropvieux.

«Jemesenstellementvieux,dit-ilenguised’appât.—Tuasquelâge?—Vingt-sept.—Maiscen’estpasvieux.C’estparfait.»Danslapoche.Mystery m’a appelé et m’a murmuré un mot à l’oreille. Il voulait que

j’occupe Scott Baio et son ami pendant qu’il emballait la fille. C’était mapremièreexpérienced’équipier–termequeMysteryavaitempruntéàTopGun,aumêmetitrequecibleetobstacle.

Je leuraidébitédesbanalités.MaisBaio,nerveux,observaitMysteryetsabonneamie,etilm’ainterrompu.«Dis-moi,jemetrompeoucemecestentraindemevolermanana?»

Dixlonguesminutesplustard,Mysterys’estlevé,apasséunbrasautourdemes épaules et m’a entraîné à l’extérieur. Là, il a tiré une petite serviette enpapierdesapoche.Lablondeyavaitécritsonnuméro.«Tul’asbienregardée?C’estpourdesfillescommeellequeje joue.Cesoir, jemesuisservide toutemon expérience. Dix ans de travail pour cet instant. Et ça a marché. » Ilrayonnaitdesatisfaction.«Pasmal,ladémo,hein?»

Ilm’avaitconvaincu.Volerlacopined’unevedette–hasbeenoupas–justesoussonnez,ça,mêmeDustinenseraitincapable.Mysteryassurait.

DanslalimousinequinousemmenaitauKeyClub,Mysterynousaénoncélepremiercommandementdudragueur:larègledestroissecondes.Unhommea trois secondes pour aller parler à une femme une fois qu’il l’a repérée. S’ilattend,non seulement la fille risquede leprendrepourunmaladequi lamate

depuistroplongtemps,maisenplusilpeutsemettreàcogiter,perdrelespédalesetmêmetoutfairefoirer.

À peine arrivé auKeyClub,Mystery a appliqué cette règle.Accostant ungroupe de femmes, il a tendu les mains et a demandé : « Vous les trouvezcomment?Pasmesgrandesmains,mesonglesnoirs.»

Commelesfilless’attroupaientautourdeMystery,Sinm’aprisàpartetm’aproposédetentermapremièreapproche.Unautregroupeestpasséprèsdenous,j’aiessayédeprononcerunmotmaisnesuisparvenuqu’àémettreuneespècedeson inaudible. Aucune ne s’est arrêtée, alors je les ai suivies et ai saisi l’uned’ellesparl’épaule.Elles’estretournée,surprise,etm’adécochéunregardquivoulaitdiredégageconnard,deces regardsquiexpliquentque j’aiesipeurdeparlerauxfilles.

« On n’approche jamais une femme par-derrière, m’a sermonné Sin, quiparlaitdunez.Toujoursde face,maisunpeudebiaisafind’éviterquecesoittropdirectetconflictuel.Ettuluiparlespardessustonépaule,pourqu’ellecroiequetupeuxt’enalleràtoutmoment.UnpeucommeRedforddansL’hommequimurmuraitàl’oreilledeschevaux,situasvulefilm.»

Quelques minutes plus tard, j’ai repéré une jeune femme seule, cheveuxblondsbouclés,apparemmentpompette,quiportaitunevesteroseduveteuse.Jemedisaisqu’enl’abordant,jemerachèteraissanspeine.J’aifaitensortedemetrouverenposition«dixheures»parrapportàellepuismesuisavancécommej’auraisapprochéunchevalquejenevoulaispaseffrayer.

«Çaalors,vousavezvulesdeuxfillesdehors?—Non.Qu’est-cequis’estpassé?»Çal’intéressait.Ellemeparlait.Çamarchait.«Ben,deuxnanassebattaientàcaused’unmecquileurarrivaitàpeineàla

taille.Violente, la bagarre.Et lui il restait là à semarrer pendant que les flicsembarquaientlesfilles.»

Elleagloussé.Onadiscutédelaboîteetdugroupequiyjouaitcesoir-là.Elleétaittrèssympaetnotreconversationsemblaitmêmeluifaireplaisir.Jenesavaispasqu’aborderunefemmepouvaitêtreaussifacile.

Sins’estglisséjusqu’àmoietm’amurmuréàl’oreille:«Passeàl’étapemanip.—L’étapemanip?—Manip?»répétalafille.Sin est passé derrièremoi, a saisimon bras et l’a placé sur l’épaule de la

blonde.«L’étapemanip,c’estquandtutoucheslafille.»J’aisentilachaleurde

la jeune femme, ce quim’a rappelé combien j’aimais le contact humain. Leschiens et les chats adorent les caresses. Leur demande d’affection n’a rien desexuel.Idempourlesgens:onabesoindecontact.Maisonal’esprittellementmal placé que ça nousmetmal à l’aise. Et,malheureusement, c’estmon cas.Pendantqu’onparlait,lablondeetmoi,jemedisaisquemamainn’avaitrienàfairesursonépaule.Onauraitditunmembremort,etj’imaginaisquelafillesedemandaitcequemamainfaisaitlàetcomments’endébarrasseravecélégance.Jeluiairenduserviceenlaretirantdemoi-même.

«Isole-la»,m’indiquaSin.J’aiproposéàlajeunefemmedenousasseoirsurunebanquette.Sinnousa

suivis,s’estinstalléderrièrenous.Commeonmel’avaitenseigné,j’aidemandéàmavoisinecequ’elletrouvaitséduisantchezunhomme.Ellem’arépondu«lesensdel’humour»et«unbeaucul».

Coupdebol,j’avaisl’undesdeux.Toutàcoup,lesouffledeSinm’afrôlél’oreille:«Sens-luilescheveux.»J’ai obéi, sans trop vraiment savoir à quoi cela rimait. Croyant que Sin

voulaitquejesorteunneg,j’aidit:«Tupueslafumée.—Noooon!»achuchotéSin.Lenegn’étaitdoncpasunebonneidée.Lafillesemblaitmalprendremaremarque,alorsjeluiaireniflédenouveau

lescheveuxetaitentédesauverlesmeubles:«Maisendessous,ilyaunparfumtrèsenivrant.»Elleapenchélatêtedecôté,froncélégèrementlessourcilsetm’atoiséavant

d’affirmer:«T’esbizarre.»J’étaisentraindefoirerdanslesgrandeslargeurs.Parchance,Mysterynousarejoints:« Ici c’estnaze.Ondoitpouvoir trouverplusdecibles ailleurs.»Pour lui

comme pour Sin, ces boîtes n’avaient rien de réel. Employer le jargon de ladraguedevantdesétrangers,murmurerdesconseilsàunétudiantpendantqu’ilparleàune femme,etmême l’interrompreenpleineactionpour lui expliquer,devantsongroupe,seserreurs–riendetoutcelanelesdérangeait,àlesvoirsisûrs d’eux-mêmes et les entendre baragouiner leur charabia. En général, lesfemmesnesoupçonnaientpasqu’ellesservaientdecobayesàdesdonjuansenherbe.

Aumomentdequittermanouvellecopine,j’aisuivileconseildeSin:Jeluiai tendu la joueenréclamant«Unbisoupour la route.»Etellem’aoffertun

bécot.Jemesuissentitrèsalpha.Avantdepartir,j’aivoulufaireuntourauxtoilettes;c’estlàquej’aitrouvé

Extramask, debout, en train de tortiller unemèche de ses cheveux sales. «Tuattendstontour?

—Sionveut,fit-ilnerveusement.Aprèstoi.»Jeluiailancéunregardinterrogateur.«Jepeuxteconfieruntruc?reprit-il.—Biensûr.—J’arrivepasàpissers’ilyaunmecàcôtédemoi.Çamecoupetousmes

moyens.Sijesuisentraindepisseretqu’untypeseramène,jebloque.Jeresteplantélàtoutcrispécommeuncon.

—Personnenetejuge.—Jesaisbien.Unefois, ilyaunan,untypeetmoionessayaitdepisser

dans deuxpissotières côte à côte, et on n’y arrivait pas.On est restés là deuxminutes, aussi coincés l’un que l’autre, jusqu’à ce que je me rebraguette etchangedecoin.»

Ils’estinterrompu.«Etlemecnem’amêmepasditmerci.»J’ai compatipour luipuisme suisdirigévers l’urinoir et ai accomplimon

devoir sans la moindre gêne. L’éducation d’Extramask s’annonçait bien pluscompliquéequelamienne.

ÀmasortiedesWC,iln’avaitpasbougéd’uniota.«J’aitoujourspréférélespissotièrescloisonnées.Maisfautcroirequ’onn’entrouvequedanslesboîtesunpeuclasse.»

Chapitre4

Danslalimousine,enroutepourleclubsuivant, j’étaiseuphorique.«Tucroisquej’auraispul’embrasser?demandai-jeàMystery.

—Situcroisqueoui,alorsc’estoui.Dèsquetutedemandessitudoisfairequelque chose ou pas, c’est que tu dois le faire.Et là : changement de phase.Imagineque tu rétrogradesdans ta tête.Dis-luique tuviensde remarquer sonjoligraindepeauetmets-toiàluimasserlesépaules.

—Etcommentonsaitqu’elleestd’accord?—Mon truc, c’est de chercher des idi – des indicateurs d’intérêt. Elle te

demandetonnom?C’estunidi.Elletedemandesituasquelqu’un?idi.Tuluiprendslesmains,tulesluiserresetelletelesserreaussi: idi.Dèsquej’enaitrois,jechangedephase.Sansmêmeréfléchir,commeunordinateur.

—Maispourl’embrasser,tufaiscomment?demandaPull-Over.—Jeluidisjuste:“Tuaimeraism’embrasser?”—Etaprès?—Après?Soitellerépond“Oui”,maisc’esttrèsrare,etjel’embrasse.Ou

bien elle dit “Peut-être”, alors je lui dis “Essayons voir” et je l’embrasse.Oualorsellerépond“Non”etlàjeluidis“Jenet’aipasdonnélapermission.C’estjustequetusemblaisavoirquelquechoseentête.”Vousvoyez,conclut-ilavecunsouriretriomphant,onn’arienàperdre.Touslescasdefiguresontprévus.Infaillible.C’estlaconclu-langueàlasauceMystery.»

Jemesuisempressédenotertoutçadansmoncarnet.Personnenem’avaitjamaisexpliquécommentembrasserunefille.Çafaitpartiedestrucsqu’onestcenséapprendretoutseulcommeseraseroudevenirunasdelamécanique.

Moncarnetsurlesgenoux,buvantlesparolesdeMystery,jemeposaisdesquestions sur mes motivations réelles. Les gens normaux ne prennent pas decours de drague. Ce qui me tracassait encore plus, c’était la rapidité aveclaquelle je m’étais pris de passion pour cette communauté virtuelle et sespseudonymesenchef.

Peut-êtreparcequejeconsidéraislaséductioncommelaseulepartiedemaviequi soitunéchec total.Chaque foisque jemarchaisdans lameouentrais

dansunbar, jecroisaisleregarddemonéchec,lèvresetpaupièresmaquillées.J’éprouvaisunmélangemorteldedésiretdeparalysie.

Cesoir-là,aprèsl’atelier,j’aifarfouillédansmesarchives.Jevoulaistrouverundocumentquejen’avaisplusrevudepuisdesannées.

Au bout d’une demi-heure, j’ai mis lamain dessus : une chemise portantl’inscription«Manuscritsdulycée».J’ensortisunefeuillerecouvertedepattesdemouche.Monuniquepoème. Je l’avais commis à seize ans, sans jamais lemontreràpersonne.Ilconstituaitlaréponseàmaquestion.

FrustrationsexuelleparNeilStraussLaseuleraisondetessorties,Leseulobjectifàatteindre,DesjambesfamilièresentrevuesDansuneruebondéeEtpuisaussiétreindreCellequineseraqu’uneamie.Delanuitviergenaîtl’hostilité,Duweek-endviergenaîtl’animosité.Tuvoislemondelesyeuxrougis,Fâchéavectafamilleettesamis,Maisilsnesaventpaspourquoi.Toiseulsaispourquoi.Etcellequine«seraqu’uneamie»,Quetuconnaisdepuistoujours,quiterespecte,Àquitunepeuxrienfaire.Ellenejouepluslacomédie,ElleneflirtepluscarellecroitQuetul’aimespourcequ’elleestAlorsquetuaimaisquandelleflirtait.Quandtapropremaindevienttameilleuremaîtresse,QuandtasemenceseperdDansunkleenexjetédanslestoilettesTutedemandesquandtucesserasDepenseràcequiauraitpusepasserLesoiroùçaafaillisefaire.EtlatimidequitesouritCommesielleavaitenviedet’aborder.Tun’aspaslecouragedeluiparler.

AlorselledeviendraundetesfantasmesNocturnes,oùtuauraispumaisnel’aspasfait.Ettamainprendrasaplace.Quandtunégligestontravailettesobligations,Quandtunégligesceuxquit’aimentvraiment,Pourviseruneciblequetuatteinsrarement.Es-tuleseulàfoireraveclesfilles,Oulesfemellessont-ellesmoinsobsédéesquetoi?J’avais écrit ce poèmedix ans auparavant, et rien n’avait changé.Pire, les

émotions étaient restées lesmêmes. J’avais peut-être bien fait dem’inscrire àl’atelierdeMystery.Aprèstout,jetravaillaismespointsfaibles.

Lesagevitluiaussiauparadisdel’imbécile.

Chapitre5

Ledernier soirde l’atelier,MysteryetSinnousont emmenésdansunbar surSunsetStrip,leSaddleRanch,unlieudedragueàthématiquecountry.J’yétaisdéjàallé–paspourleverdesfilles,maispourfairedutaureaumécanique.ÀLosAngeles, je m’étais fixé comme but, entre autres, de maîtriser cette machinefolle.Maispasce jour-là.Les trois soirsdesuiteenboîte jusqu’à2heuresdumatin,et lesséancesd’analyseavecMysteryet lesautresétudiantsquiavaientdébordébienau-delàdelademi-heureprévuem’avaientmissurlesrotules.

Cependant, à peine quelques minutes plus tard, notre inépuisable prof dedragueseretrouvaitaubar,entraindeleverunefilleàmoitiésoûle,braillarde,qui essayait de lui chiper son écharpe. L’observant, je remarquai alors qu’ilutilisaittoujourslesmêmesintros,thèmesetrépliques–etobtenaitunnumérode téléphoneouunroulagedepellepresquechaquefois,mêmesi la filleétaitaccompagnée. Je n’avais jamais rien vu de tel. Parfois, la femme à qui iladressaitlaparoleenétaitmêmeémueauxlarmes.

Commejem’approchaisdutaureaumécanique,toutpenaudsouslechapeaude cow-boy rouge queMysterym’avait poussé à porter, je repérai une fille :longs cheveux bruns, pull moulant, jambes bronzées sous jupe froissée. Elleparlait avec animation à deux types, se balançant entre eux comme unpersonnagededessinanimé.

Uneseconde.Deuxsecondes.Trois.«Tiens,tiens,ondiraitqu’ons’éclateparici.»Jemesuisadresséauxmecs

avant de me tourner vers la fille. Je savais ce qui venait ensuite – Mysterycherchait àme le faire dire depuis quatre jours –mais çame faisait peur. J’aibégayé:

«Si…Sijen’étaispasgay,tuseraisdéjàfolledemoi.»Unlargesourireétiraseslèvres.«Ilmeplaît, tonchapeau»,s’écria-t-elle,

enentouchantlebord.À croire que la théorie du paon se vérifiait. «Bas les pattes, lui ai-je dit,

empruntantunerépliqueàMystery.Onnetouchepaslamarchandise.»En réponse, elle m’a pris dans ses bras et a affirmé me trouver marrant.

Toutesmes craintes se sont envolées alors et j’ai compris que le secret, pour

aborderlesfemmes,estsimplementdesavoirquoidire,quandetcomment.«Vousvousconnaissezd’où?—Onvientdeserencontrer,m’a-t-ellerépondu.Jem’appelleElonova.»Elleaexécutéunerévérencemaladroite.J’aivulàunidi.J’aimontréàElonovaun tourde télesthésiequeMysterym’avaitenseigné

quelquesheuresplustôt:jeluiaidemandédepenseràunchiffreentreunetdixpuisaidevinélequel(astuce:c’estpresquetoujourssept).Elonovaabattudesmains,enchantée.Confrontésàunjoueurd’unetelleclasse,lesdeuxtypessontpartis.

Quandlebarafermé,nousensommessortisensemble,Elonovaetmoi.Surnotre chemin, tous les pmf levaient les pouces dans ma direction en disant«Quellebombe»ou«Sacréveinard».Lescons.Ilsmecassaientlabaraque–àconditionquejetrouveunmoyend’avouermonhétérosexualitéàElonova.Parchance,elleavaitdevinétouteseule.

J’ai réentenduSinmeconseiller l’étapemanip,et j’aipasséunbrasautourdesépaulesd’Elonova.Maiscette fois, elleme repoussa.Vraimentpasun idi,ça.Commejem’approchaisd’ellepourretentermachance,l’undestypesdubars’est ramené.Et je suis resté là commeuncrétin à la regarder flirter avec lui.Quandelleestrevenueversmoi,jeluiaiproposédesortirunautresoir.Elleaaccepté,puiscefutl’échangeritueldenuméros.

Depuis la limousine,Mystery,Sinet lesétudiantsavaient toutvu. Je lesairejoints,metrouvanttropclassed’avoirréussiuneconclu-téldevanteux.MaisMysteryestrestédemarbre:

«Cetteconclu-T,c’estparcequetut’esimposéàelle.Tul’aslaisséejoueravectoi.

—Commentça?—Jet’aidéjàparlédelathéorieduchatetdelaficelle?—Non.—Alorsécoute.Tuasdéjàvuunchatjoueravecunboutdeficelle?Bon,

quandlaficellesetortillejusteau-dessusdesatêtesansqu’ilpuissel’attraper,çalerenddingue.Ilsautedanstouslessensetfaittoutuncirquepourl’attraper.Mais dès que tu la lâches et qu’elle tombe entre ses pattes, le chat la regardedeuxsecondesetpuisilsecasse.Çalesoûle.Ils’enfout.

—Etalors…?— Alors la fille s’est éloignée quand tu lui as passé le bras autour des

épaules.Ettoituluiascouruaprèscommeunclebs.Tuauraisdûlapunir–aller

parler à quelqu’un d’autre. Ne lui accorder ton attention qu’au prix de longsefforts.Au lieu de ça, elle t’a fait attendre le temps qu’elle parle avec l’autrenaze.

—J’auraisdûfairequoi?— Lui dire, “Je vais vous laisser tranquilles”, et faire mine de t’en aller,

commesitul’abandonnaisàcemec–toutensachantqu’elletepréféraittoi.Tudoistecomportercommesituétaislegroslot.»

Jeluiaisouri.Jecroisquej’avaisbienpigé.«Ehoui,reprit-il.C’esttoi,laficellequigigote.»J’aimédité toutçaen silence, tapotant leminibarde la limousineavecma

cuisse,affalésur lesiège.Mysterys’est tournéversSinet ilsontdiscutéentreeuxplusieursminutes.Jesentaisbienqu’ilsparlaientdemoi.

Jeme suis efforcé de ne pas croiser leur regard. Jeme suis demandé s’ilsallaient m’annoncer que j’avais foiré l’atelier, que je n’étais pas encore prêt,qu’ilmefaudraitencoreétudiersixmoisavantdemereprésenter.

C’est alors qu’ils ont achevé leur conciliabule.Mystery a affichéungrandsourireetm’aregardédroitdanslesyeux:

«Tuesdesnôtres,tuvasdevenirunesuperstar.»

Chapitre6

msngroup:Mystery’sLoungeSujet:MagiedusexeAuteur:MysteryMon atelier sur laméthodeMystery à LosAngeles amarché du tonnerre.

Dansleprochain,j’aidécidédevousenseignerplusieursfaçonsdedémontrerlapuissance de votre esprit par la magie. Après tout, certains d’entre vous ontbesoin d’un truc qui dévoilera leur charmante personnalité. Si vous abordezcommeunetanche–genre,«Salut,jesuiscomptable»–,vousnestimulereznil’attentionnilacuriositédevotrecible.

Donc, depuis cet atelier, j’ai refondu le modèle basé en treize étapesdétaillées.Voicileformatdebasedetouteapproche:

1.Sourirequandonentredansunepièce.Repérerlegroupeoùsetrouvelacible et appliquer la règle des trois secondes. Ne pas hésiter – aborderimmédiatement.

2.Réciteruneintroappriseparcœur,voiredeuxoutroisd’affilée.2. L’intro doit agir sur l’ensemble du groupe, pas seulement sur la cible.

Pendantladiscussion,l’ignorerpresquecomplètement.S’ilyadeshommes,seconcentrersureux.2

5. Dévoiler votre personnalité au groupe (anecdotes, tours de magie,humour).Travailler surtout lesmecs et les boudins.La cible s’apercevra alorsque vous êtes le centre d’attention. N’utiliser certaines techniques spéciales,commelecoupdesphotosqu’encasd’obstacle.

6.Envoyer éventuellementunnouveauneg à la cible.Par exemple, si elleveutvoirlesphotos:«Doucement,lagourmande.Commentvousfaitespourlasupporter?»

7. Demander au groupe, « Alors, d’où est-ce que vous vous connaissez,tous?»Silacibleestavecsonmec,essayerdesavoirdepuisquand.Sic’estdusérieux,retirez-vouspolimentendisant«Cefutunplaisir.»

8.Sipersonneneparlepourelle,direaugroupe,«Ondiraitquej’aidélaissévotre copine. Ça vous dérange si je lui parle deuxminutes ? » Ils répondent

toujours « Pas de problème, dumoment qu’elle est d’accord. » Si vous avezrespectétouteslesétapes,elleacceptera.

9. Isoler la fille sous prétexte de luimontrer quelque chose de cool.Allers’asseoir un peu à l’écart. En traversant la foule, tester l’étape manip en laprenantparlamain.Siellevousserrelamain,çaroule.Chercherd’autresidi.

310.Unefoisassis,luilirelesrunes,faireuntestdetélesthésieoutoutautretrucquipourralafascineretl’intriguer.3

11.Luidire:«Labeauté,c’estbanal;cequiestrare,c’estd’avoirbeaucoupd’énergieetunevisiondelavie.Dis-moi,qu’est-cequimedonneraitenviedeteconnaîtreenparticulier?»Siellesemetàvoussortirtoutessesqualités:idi.

12. Arrêter de parler. Si elle relance la conversation par une questioncommençantpar«Etsinon»,çavousfaittroisidi,etvouspouvezpasseràla…

13.Conclu-langue.Debutenblanc,dire:«Çateplairaitdem’embrasser?»Silecadreoulescirconstancesnesontpasfavorablesàl’intimité,inventez-vousune contrainte horaire : « Je dois y aller, mais il faudra qu’on reprenne cetéchange».Demandersonnuméro.Partir.

Mystery—C’estuneperruque?Ahbon…ilssontbienquandmême.—Lafrange,jecroisqueçat’iraitmieux.—Elles’appellecomment,tacoupe,lagaufre?*sourire*—T’asdescroûtesaucoindesyeux.Non,ne lesenlèvepas, je trouveça

tropcraquant.J’adoretesyeux.Jepeuxlestoucher?—Tuasdesmainsd’homme,tunetrouvespas?— Pas mal, tes ongles… C’est des vrais ? Ah… ils sont pas mal quand

même.—C’est tropmignon… ton nez remue quand tu parles !Redis un truc. *

sourire*—Oh…tupostillonnes!—C’estmarrant,t’arrêtespasdeclignerdesyeux.—J’adoretajupe.Toutlemondeenporte,encemoment.—Ellemeplaîtbien,tajupe.J’aivuunefillequiportaitlamême,ilyapas

deuxminutes.Ellesontl’airconfortables,teschaussures.MéthodeMystery–lesnegs

Chapitre7

Bon,d’accord,ilyaaussilepoètelatinOvide,l’auteurdel’Artd’aimer,Don

Juan, lemytheducoureurdejupons,basésurlesexploitsdenombreuxnoblesespagnols ; le duc de Lauzun, qui estmort guillotiné ; et Casanova, dont lesmémoiresracontentendétail,surquatremillepages,sescentainesdeconquêtes.MaislepèreincontestabledelaséductionmoderneestRossJeffries,deMarinaDel Rey (Californie), un grand maigrichon au visage poreux – ringardautoproclamé.Gourou,objetdeculteetroidupapillonnage,ildirigeunearméeforte de six mille beaux gosses comprenant des membres haut placés dugouvernement,desofficiersdesrenseignementsetdescryptographes.

Sonarme?Savoix.Ayantétudiépendantdesannéesaussibienlesexpertsdel’hypnosequelesKahunad’Hawaï,ilprétendavoirdécouvertlatechnique–etc’estbiendeçaqu’ils’agit–permettantdetransformertoutefemmeréceptiveenflaquelibidineuse.Jeffries,quiditavoirinspirélepersonnagedeTomCruisedansMagnolia,appelleçalaSpeedSéduction.

Jeffries a créé la Speed Séduction en 1988, après cinq ans d’abstinencesexuelle, à l’aide de la programmation neurolinguistique (pnl), fusioncontroverséedel’hypnoseetdelapsychologie,néeduboomdudéveloppementde soi dans les années 1970. Le même qui favorisa l’essor de gourous de ladébrouillardisetelAnthonyRobbins.Lepréceptefondamentaldelapnlestquel’onpeutmanipulerlespensées,lessentimentsetlecomportementdequiconque–ycomprissoi-même–pardesmots,dessuggestionsetdesgestesdestinésàinfluencer lesubconscient.Jeffriesavitecomprisqueçapouvait révolutionnerl’artdelaséduction.

Avecletemps,ilatriomphédetoussesconcurrentsenmatièrededragueetafaitdesonécole, laSpeedSéduction, lemodèledominantpourcequiestderapprocher les lèvresd’une femmedecellesd’unhomme–enfin… jusqu’auxpremiersateliersdeMystery.

Ducoup,Internetréclamaitàcoretàcriuntémoignagedirectdesesdébutscomme professeur. Ses admirateurs voulaient savoir si le cours assurait ; sesennemis, en particulier Jeffries et ses disciples, voulaient le descendre en

flammes. Ils furent donc tout heureux de lire la description détaillée de mesavancées.

J’aiterminécecompterenduparunappelàcandidaturepourdeséquipiersàLos Angeles, ne leur demandant qu’un peu d’assurance, d’intelligence etd’aisanceensociété.JesavaisquejenedeviendraisunV2Dqu’enintégrantlestoursdepasse-passedeMystery.Etce,surleterrain,paslechoix:écumertouslessoirsbarsetboîtesdenuitjusqu’àdevenirunDustinouunMystery.

Le jour où mon rapport est apparu sur la Toile, j’ai reçu un e-mail d’uncertain Grimble (pseudo), un élève de Ross Jeffries originaire d’Encino. Ilvoulaitpartirchasseravecmoi.EnjargondeV2D,«chasser»signifieleverdesfemmes–référenceauchatdeRossJeffries,unchasseuràpartentière.

Je lui ai donnémon numéro de téléphone et ilm’a appelé une heure plustard.PlusqueMystery, c’estGrimblequim’aadmisdansceque l’onnepeutdécrirequecommeunesociétésecrète.

«Disdonc,mec, a-t-il faitdansunmurmuredeconspirateur, tu enpensesquoi,deMystery,commejoueur?»

Jeluiaiexpliqué.« Pas mal ! s’est-il exclamé.Mais il faudra qu’on sorte, toi et moi, avec

Twotimer.OnafaitpleindemdavecRossJeffries.—Sérieux?J’aimeraisbienlerencontrer.—Bon.Est-cequetusaisgarderunsecret?—Oui.—Tuutilisescombiendetechniquesquandtuchasses?—Destechniques?—Benoui,quoi.Techniqueettchatche.Quellesproportions?—Cinquante-cinquante.—Moi,c’estquatre-vingt-dixdix.—Hein?— Ouais. J’utilise une intro bateau, ensuite je débusque ses valeurs

personnellesetjecherchelesmotsquilamettententranse.Après,jepasseàunscénariosecret.TuconnaiscettescènedansL’Hommed’octobre?

—Non,àmoinsqueSchwarzeneggernejouededans.—Ahd’accord…Bref,jeparlaisàunefillelasemainedernière,etjeluiai

complètement changé son identité. J’ai débusqué ses valeurs sexuelles, puismodifiétoutesonhistoireetsaréalitéinterne.Alorsjemesuismisàpasserundoigt sur son visage, en lui disant de remarquer – il a pris une voix lente,hypnotique–quelorsquejetetouche…çalaisseunetraînéed’énergieentoi…

et que là où tu sens l’énergie passer… alors tu te permets… de sentir cessensations…s’intensifier…deplusenplus.

—Etaprès?—Après, j’ai passémon doigt sur ses lèvres et elle s’estmise à le sucer.

Conclu-sexe!—Lavache.»Je ne comprenais fichtre rien à ce qu’il me racontait. Mais il me fallait

maîtriser cette technique. Je repensais à toutes les fois où j’avais ramené desfilleschezmoi,oùjem’étaisassisprèsd’ellessurlelit,puisaumomentdelesembrasser j’avais entendu la ritournelle « Soyons amis, je préfère. » En fait,comme tout le monde s’est déjà retrouvé dans cette situation de rejet, RossJeffries lui a non seulement attribué un sigle, sajp,mais aussi une kyrielle deréponses.

L’unedecesréponses:«Jenepeuxpastelepromettre.Onnedevientpasamissifacilement.Toutcequejepeuxpromettre,c’estdenejamaisriententeràmoins que nous soyons tous les deux parfaitement à l’aise, consentants etprêts.»(N.d.A.)

Grimble etmoi avons discuté deux heures. On aurait dit qu’il connaissaittout lemonde–des légendes,deSteveP.àdesmecscommeRickH., lepluscélèbreélèvedeRossdepuislafoisoùils’étaitretrouvédansunebaignoireaveccinqfemmes.

Grimbleferaitunéquipierderêve.

Chapitre8

Lelendemainsoir,jemesuisrenduchezGrimble,àEncino,pourallerchasser.J’allaisvivremapremièresoiréesurle terraindepuisl’atelierdeMystery;mapremièresortieensoloavecuninconnurencontrésurleNet.Ilallaitàlafac,ilaimaitlesfilles,jenesavaisriendeplussurlui.

Àmonarrivée,Grimbleestsortidechezlui,affichantungrandsourirequime laissaméfiant. Iln’avait l’airnidangereux,niméchant, juste insaisissable,commeunpoliticienouunvendeur–ouunséducteur,j’imagine.Ilavaitunteinthâléqui démentait sesorigines allemandes ; il prétendaitmêmequeBismarckfiguraitdanssonarbregénéalogique.Ilportaitunevesteencuirmarronetunechemise argentée à motifs floraux s’ouvrant sur une poitrine étrangementimberbequiavançaitplusloinquesonnez.Ilbalançaunsacplastiqueremplidecassettesvidéosurlabanquettearrière.Ilmefaisaitpenseràunemangouste.

« Les enregistrements des séminaires de Ross. Tu vas adorer celui deWashington, il y parle synesthésie.Les autres cassettes sont deKimetTom–l’ex de Ross et son nouveau mec. Il s’agit de leur séminaire de New York :“Ancresetautressournoiseries”.

—C’estquoi,l’ancre?— Twotimer, mon équipier, te fera voir. T’as jamais essayé l’ancre

condiment?»J’avais encore beaucoup à apprendre. En général, les hommes

communiquentàunniveauintimeetémotionnelplussuperficielquelaplupartdes femmes. Elles, elles parlent de tout.Quand un homme retrouve ses potesaprèsavoirbaisé,ilsluidemandent«C’étaitcomment?»etlà,soitillèvelespouces, soit il lesbaisse.Rideau.Pourdiscuterde toutçaendétail, il faudraitqu’il donne à ses amis une imagementale qu’ils n’ont pas vraiment envie devoir. Entre mecs, c’est tabou, on n’imagine pas ses potes nus ou en train debaiser,parcequeçarisqued’exciter…etnoussavonstouscequeçasignifie.

Donc, depuis mes onze ans, et mes premiers fantasmes, j’estimais que lesexeétaitréservéauxmecsquisortaientbeaucoupetcomptaientsurlachance–après tout, eux-mêmes parlaient de coup de bol. La seule arme dont ilsdisposaient,c’étaitl’obstination.Évidemment,onentrouvaittoujoursquiétaient

àl’aise,niveausexe,aveclesfemmes,quilestitillaientimpitoyablementjusqu’àce qu’elles leurmangent dans lamain. Pas vraimentmon style.Armé de toutmoncourage,j’arrivaisàpeineàdemanderl’heureàunefemme,oul’itinérairepourMelroseAvenue.Jenesavaisriendel’ancre,dudébusquementdevaleurs,desmotsdetranse,etducharabiadeGrimble.

Commentj’avaisfaitpourbaisersanstoutescestechniques?LanuitétaitcalmedanslaValley,etGrimbleneconnaissaitqu’unendroitoù

aller:leTGIFriday’s.Pourcommencer,échauffementdanslavoiture–écoutedescassettesdeRickH.,pratiqued’intros,desourires,etmouvementsdedansesur nos sièges histoire de faire monter la pression. L’un des trucs les plusridiculesquej’aiejamaisfaits,maisj’entraisdansunmondenouveau,régiparsespropresrègles.

À notre entrée dans le restaurant, nous étions confiants, souriants, alpha.Manquedechance,personnenenousremarqua.Deux typesregardaient la téléau bar, un groupe de businessmen occupait une table, et le personnel étaitmajoritairementmasculin.Mieuxvalaitfileraubalcon,sanstoutefoisperdredenotresuperbe.Nousavionsàpeineouvertlaportequ’unefemmeestapparue.Ànousdejouer.

«Tiens,luidis-je.J’aibesoindevotreavis.»Elle s’arrêta pour m’écouter. Elle devait mesurer un mètre cinquante,

cheveux courts crépus, physique demarshmallow,mais joli sourire ; pasmalpourcommencer.Jedécidaid’utiliserl’intro«MauryPovich».

«MonamiGrimble, iciprésent,aétécontactépourparticiperà l’émissiondeMauryPovich.Apparemment,c’estsurlesadmirateurscachés.Quelqu’unadûflashersurlui.Vouspensezqu’ildoityaller?

—Biensûr.Pourquoipas?—Oui,maissisonadmirateurestunhomme?Danscegenred’émission,ils

rajoutenttoujoursunepetitesurprise.Ousic’estunproche?»Jenementaispas,jeflirtais.Çal’afaitrire.Parfait.«Vousyparticiperiez,vous,àcetteémission?luiai-

jedemandé.—Jenecroispas.»Grimble est alors intervenu : « Et vous voudriez que j’aille dans une

émission à laquelle vous refusez de participer ? Vous n’êtes pas du genreaventureuse,hein?»Unrégaldelevoirtravailler.Alorsquemoij’auraislaisséla conversation glisser vers le papotage, il passait déjà à quelque chose desexuel.

«Maissi,protesta-t-elle.— Alors prouvez-le-moi, a-t-il souris. Essayons un petit exercice. Ça

s’appelledelasynesthésie.»Ilfitunpasverselle.«Vousconnaissez?Çavouspermettrade trouver toutes sortesde ressourcespouraccompliret ressentir leschosesquevousvoulezobtenirdanslavie.»

Dans l’arsenal de la Speed Séduction, la synesthésie c’est le gazneurotoxique.Littéralement,ils’agitd’unchevauchementdessens.Maisdanslecontextedelaséduction,cetermerenvoieàunehypnoseaucoursdelaquelleonamène une femme à un niveau de conscience très élevé puis on lui ordonned’imaginer des images agréables et des sensations de plus en plus intenses.Objectif:l’exciteraupointqu’ellenesecontrôleplus.

La femmea accepté et fermé lesyeux. J’allais enfinvoirundes scénariossecrets de Ross à l’œuvre. Mais à la seconde où Grimble commençaitl’opération,unsportifrougeaudettrapu,vêtud’unmarcelàpoches,s’estavancéverslui.

«Tufaisquoi,là?—Jemontreàmadameunpetitexercicedesynesthésie,pouraméliorerson

bien-être.—Madame,c’estmafemme.»J’avaisoubliédefairegaffeàlabague;celadit,j’imaginaisquelemariage

n’étaitqu’unsoucimineurpourGrimble.Ils’esttournéversmoietamurmuré:«Désarme-moicetype,quejem’occupedelafille.»Je ne voyais vraiment pas commentm’y prendre.Le gars n’avait pas l’air

aussi paisible que Scott Baio. « Il vous le montrera après, hasardai-je. C’estterriblecommetruc.

—Dequoituparles,toi?C’estcensémefairequoi?»Ils’estapprochédemoietacollésonvisageaumien.Ilpuaitlewhiskeyet

l’oignon.«Ben,çavousditsi…si…,bredouillai-je.Laisseztomber.»Lemecalevélesbrasetm’arepousséenarrière.Auxfilles,jeracontequeje

mesureunmètresoixante-douze,maisenfaitjeculmineàunsoixante-huit.Lelourdaudmedépassaitd’unetête.

«Arrête », l’a interrompu sa femme, notre ex-cible.Puis, se tournant versnous:«Ilabu.C’estlaboissonquilerendcommeça.

—Commequoi?demandai-je.Violent?»Ellem’adressaunsouriretriste.

«Vousfaitesunjolicouple.»Matentativededésarmementavaitclairementéchoué,etcelledupoivrotétaitsurlepointdefonctionner.Satrognerougeaudeàcinqcentimètresdelamienne,ilhurlaitdesmenacesimprécises.

«Cefutunplaisir»,leurai-jedit,d’unevoixpenaude,enm’éloignantàpaslents.

« Rappelle-moi,me dit Grimble alors que nous remontions en voiture, det’apprendreàgérerlemag.

—Lemag?—Oui,lemâlealphadugroupe.»Ah,jevois.

Chapitre9

Quatrejoursplustard,j’étaistoutseulchezmoiunsamediaprès-midiàregarderlesvidéosqueGrimblem’avaitdonnées,lorsqu’ilm’aappelépourm’annoncerune bonne nouvelle.Twotimer – son équipier – et lui devaient retrouverRossJeffriesàlaCaliforniaPizzaKitchenpuispartirenexpéditionauGettyMuséum–etilsm’invitaient.

Jesuisarrivéavecquinzeminutesd’avance,mesuisinstallédansunealcôveetj’ailudestiragespapierd’e-mailsconsacrésàladraguejusqu’àl’arrivéedutrio.Twotimeravaitlescheveuxgominés,couleurréglisse,ilportaitunevesteencuirassortieetévoquaitunserpent.Maisavecsabouilledepoupon,onauraitditunclonedeGrimblegonfléàl’hélium.

Comme je me levais pour me présenter, Ross m’a interrompu. J’en avaisconnudespluspolis.Ilportaitunlongpardessusenlainequiflottaitautourdesesjambes.Maigreetempoté,ilavaitunepetitebarbegrisâtreetlapeaugrasse.Ilperdaitsescheveux;ceuxqu’illuirestaitformaientunemassedebouclettescendréesmal entretenues ; et son nez était tellement crochu qu’il aurait pu yaccrochersonmanteau.

L’airméprisant,ils’estadresséàmoi:«Alors,ilt’aapprisquoi,Mystery?—Pleindechoses.—Dugenre?—Ben,undemesgrandssoucis,c’étaitdesavoirsiunefilleétaitattiréepar

moioupas.Maintenantjesais.—Etcommenttulesais?—Quandj’aitroisindicateursd’intérêt.—Lesquels?—Voyonsvoir.Quandellemedemandemonnom.—Un.—Quandjeluiprendslesmains,quejelesluiserreetqu’ellemelesserre

aussi.—Deux.—Etpuis…euh…lereste,çanemerevientpas,là.

—Aha.»Rosssautilla.«Mysteryn’estdoncpasunsibonprofqueça.—Si,si,ilestgénial,protestai-je.—Alorsdis-moiquelestletroisièmeindicateur.—Çanemerevientpas.»J’avaisl’impressiond’êtreunebêteacculéedans

uncoin.«Affairejugée»,trancha-t-il.Tropfort.Une petite serveuse – ongles bleus, cheveux sable, un peu potelée – est

venueprendrenotrecommande.Rossl’aregardéepuism’afaitunclind’œil.«Cesmessieurssontmesélèves,luidit-il.Jesuisleurgourou.—Tiensdonc?fitlaserveuse,jouantl’intéressée.—Quediriez-vous si jevousannonçaisque j’enseigneauxgenscomment

utiliserlecontrôlementalpourattirerlapersonnequ’ilsdésirent?—Sansblague?—Sérieux.Jepourraisvousfairetomberamoureuseden’importelequelde

mesélèves.— Et comment donc ? Avec le contrôle mental ? » Elle montrait un

scepticismemêlédecuriosité.« Je vais vous poser une question. Quand vous êtes vraiment attirée par

quelqu’un,commentlesavez-vous?Autrementdit,quelssignauxrecevez-vousdevous-même,àl’intérieur,vouspermettantdevousrendrecompteque–àcetinstant, il baissa la voix, prononçant chaquemot lentement – cet… homme…vous…attire…vraiment?»

Lebutdecettequestion,jel’aidécouvertplustard,étaitdefaireéprouveràla serveuse le sentiment d’attirance en sa présence, et ainsi d’associer cesentimentàsonvisageàlui.

Ellearéfléchiunmoment.«Oh,jecroisqueçamefaitcommedesgargouillisdansleventre.»Rossamislamain,paumerelevée,auniveaudesonventre.«D’accord,etje

vouspariequepluscemecvousséduit,plusçagargouilledansvotreventre–ils’estmisàremonterdoucementsamainjusqu’àsoncœur–etvousfinissezparrougir…commemaintenant.»

Twotimers’estpenchéversmoietamurmuré:«C’estça,l’ancre;associerun sentiment – comme l’attirance – à un contact ou un geste. À partir demaintenant,chaquefoisqueRosslèverasamaincommeça,illaséduira.»

Auboutdequelquesminutesdediscourshypnotique,lesyeuxdelaserveusesont devenus vitreux. Ross a profité de l’occasion pour jouer avec elle, sans

pitié. Il levait lamaindesonventreà sonvisage toutes les trentesecondes,etsouriait de constater qu’elle rougissait à chaque fois. Elle ne pensait plus auxplatsqu’elletransportait,etquisebalançaientdangereusementsursonbras.

«Votrecopain,repritRoss, ilvousaséduite toutdesuite?»Ilclaquadesdoigts,lafaisantainsiquitterlatranse.«Ouaprèsquelquetemps?

—Onn’estplusensemble.Maisçaaprisdutemps.Audébut,onétaitamis.— Vous ne trouvez pas que c’est franchement mieux de ressentir cette

attirance–ilrefitlegestedel’ascenseuretlafillepritdenouveauunairabsent–dès ledépartpourquelqu’un?»Disant cela, il semontradudoigt ; c’était,j’imagine,uneastucedepnlpourquelafillel’identifieàcequelqu’un.«C’estgénial,non?

—Oui.»Àl’évidence,lesautrestablesn’existaientpluspourelle.«Qu’est-cequin’allaitpaschezvotreex?

—Ilétaittropimmature.»Rossasautésurl’occasion.«Ehbien,ilvousfautsortiravecdeshommes

plusmûrs.— Exactement ce que je me disais, à propos de vous, pendant qu’on

parlait.»Çalafitglousser.«Etjevouspariequequandvousêtesvenueànotretable,j’étaisladernière

personnequevouspensiezcapabledevousséduire.—C’estbizarre,parcequevousn’êtespasmongenre.»Rossluiaproposéd’allerprendreuncaféaprèsleboulot,etelleenaprofité

pour lui donner son numéro. Sa technique n’avait rien à voir avec celle deMystery,maisilassuraittoutautant.

Rossestpartid’ungrandéclatde rirevictorieux.«Vosautresclientsvontcriser. Mais avant que vous ne partiez, écoutez donc : et si, tous ces bonssentiments que vous ressentez en ce moment, on les prenait – il a levé denouveaulesmains–etonlesmettaitdanscesachetdesucre–ilaprisunsachetet passé la main dessus – afin que vous puissiez les avoir sur vous toute lajournée?»

Illuiatendulesachetdesucre.Laserveusel’arangédanssontablierpuiss’enestallée,encoretouterouge.

« Ça, murmura Twotimer, c’est l’ancre condiment. Après notre départ, lesachetluirappelleralesémotionspositivesqu’ellearessentiesaveclui.»

Aumomentdepartir,Rossarépétélamêmeopérationauprèsdelapatronne,quiluiadonnéelleaussisonnuméro.L’unecommel’autreavaientlavingtaine;Rosslaquarantaine.J’étaisscié.

RetourdanslaSaabdeRoss,directionleGetty.«Toutcequ’onveutsusciterchezunefemme–attirance,envie,fascination

–n’estqu’unprocessusinternequ’ellegèreavecsoncorpsetsoncerveau,nousexpliquait-il,toutenconduisant.Etpourévoquerceprocessus,vousn’avezqu’àposerdesquestionsqui l’amènerontàfaireappelàsoncorpsetàsoncerveau.Alorsellevousassocieraàcessensations.»

Assis à l’arrière à côté de moi, Twotimer guettait une réaction sur monvisage.

«Qu’est-cequetuendis?—Pascroyable.—Maléfique»,a-t-ilcorrigé,unmincesourireerrantsurseslèvres.UnefoisauGetty,Twotimers’estadresséàRoss:«Jevoulaisteparlerde

L’Hommed’octobre.J’aiinterverticertainesétapes.»Rosss’esttournéversTwotimer:«Tucomprendsbienqueceschosessont

inacceptables ? »Tout en parlant, il promenait un doigt sur la poitrine de sonétudiant, sur son cœur. Il l’ancrait, essayant d’associer la notion de mal auscénariointerdit.«Cen’estpaspourrienquejenelesenseignepaslorsdemesséminaires.

—Etpourquoidonc?ademandéTwotimer.—Autantdonnerdeladynamiteàdesenfants.»Twotimer a souri de nouveau. Je savais précisément ce qu’il pensait – car

dansmonesprit,lemotmaléfiqueétaitancrédanscesourire.«Darwin parlait de la survie du plus fort »,m’expliquaitTwotimer tandis

quenousdécouvrionslacollectionpré-vingtièmesiècledumusée.«Maisdansla société actuelle, la force n’aide plus à progresser.Les femmes s’accouplentavecdesséducteursquisaventcommentexciter,pardesparolesetdescontacts,les zones érogènes de leur cerveau. » Sa façon de parler, de bouger, de meregarder, avait quelque chose d’artificiel et d’étudié. Comme s’il aspiraitmonâmeparsesyeux.«Lasurvieduplusfortestdevenueanachronique.Entantquejoueurs,nousnoustenonsauxportesd’unenouvelleépoque:celledelasurvieduplussuave.»

L’idéemeplaisaitbienmais,pasdebol,jen’étaisnisuave,nifort.Jeparlaisd’une voix rapide et saccadée, mes mouvements étaient lâches, mon langagecorporelmaladroit.Poursurvivre,j’allaisdevoirbosserd’arrache-pied.

«Casanovaétait commenous,poursuivitTwotimer.Maisavecun styledeviemoinsenviablequelenôtre.

—Fautdirequ’aveclamoraledel’époque,çadevaitêtrebeaucoupplusdurdeséduireunefemme»,déclarai-je,essayantd’apportermapierreàl’édifice.

«Etpuisnousavonsnostechniques.—TuparlesdelaPNL?— Pas seulement. Lui, il devait travailler seul. » Twotimer sourit, me

transperçantdesonregard.«N’oubliepaslacommunauté.»Nousrôdionsaugrédesgaleries,àregarderlesvisiteurs.J’aivuGrimbleet

Twotimer aborder diverses femmes.Moi, j’étaismort de trouille à l’idée d’enfaireautantdevantRoss:autantjouerduvioloncelledevantYo-YoMa.J’avaispeurqu’ilcritiquelemoindredemesgestes,ous’énervedemevoirutilisertroppeu de ses techniques. D’un autre côté, ce type conseillait à ses étudiants desurmonterleurpeurenapprochantlesfemmesauhasarddelamanièresuivante:«Salut,jem’appelleMannyleMartien.C’estquoitonparfumpréférédebouledebowling?–Alorsjen’avaispasvraimentàm’inquiéterdepasserpouruncondevantlui.Ilenformaitbien,lui,descons.

Àlafindelajournée,Rossavaittroisnuméros.TwotimeretGrimble,deuxchacun.Moi,rien.

Danslepetittrainquinousramenaitauparkingdumusée,Rosss’estglisséprèsdemoi.«Écoute,j’organiseunséminairedansquelquesmois.Jet’autoriseàveniryassistergratis.

—Merci,répondis-je.—Jevaisêtretongourou.OublieMystery.Tuverrasquecequej’enseigne

estcentfoispluspuissant.»Jenesavaispastropcommentréagir.Ilssebattaientpourmoi–unPMF.«Encoreunechose,reprit-il.Enéchange,jeveuxquetum’emmènesàcinq

–non, six– soiréeshollywoodiennes, avecdesbeautés top fatales. J’aibesoind’élargirmeshorizons.»

Ilasourietm’ademandé,«Onestd’accord?»toutensefrottantlementonavecsonpouce.Ilm’ancrait,j’enétaissûr.

ETAPE3

SEMETTREENVALEUR

« Mon mec est suave comme Barry, avec sa voix de basse. Arnold côtécorps,etDenzelcôtéface[…]quandilparle,ilcausedirectàmonâme,etlàjekiffe.unbongars,c’esttropmacame.»

Salt-n-Pepa,WhattaMan

Chapitre1

Lesmeilleursprédateursnerestentpastapisdanslajungle,toutesgriffesdehors,lagueuleouverte.Ceux-là, lesproies lesévitent.Lesbons, ilss’approchentdeleurproieàpattesdevelours,inoffensifs,ilsgagnentsaconfiancepuispassentàl’attaque.

Enfin…d’aprèsSin.IlappelaitçalaméthodeSin.J’étaisrestéencontactaveclui,quandMysteryétaitrentréàTorontoaprès

l’atelier.J’aiassistéplusieursfoisàlascènesuivante:unefemmevientchezluipourlapremièrefois;illasaisitparlecouetlaplaquecontreunmur;puisillarelâchejusteavantdel’embrasser;letauxd’adrénalinedelafemmegrimpeenflèche,dansunmélangedepeuretd’excitation.Ensuiteilluiprépareàmangeretneluiadresselaparolequ’audessert.Illuiditalors,laregardantcommeuntigresaproie,suruntondedésirretenu,«Tun’imaginesmêmepascequej’aienviedetefairetoutdesuite.»Engénéral,c’estlàquejem’éclipse.

Aumême titreque le sournoisGrimble,Sin est devenuun équipier fidèle,plusdangereux.Maisnotreamitién’aduréqu’un temps.Unaprès-midi, aprèsunemddansuncentrecommercialdeBeverlyHills,Sinm’aapprisqu’ils’étaitengagécommeofficierdansl’U.SAirForce.

«L’armée,c’estunchèquequitombetouslesmois,m’expliqua-t-ildansunpetitcafé.Etpuis jepeuxvivreoù jeveux.Çafait trop longtempsque jesuisprogrammeurauchômage.»

J’aitentédel’endissuader.Sontrucàlui,c’étaitlaprojectionastrale,lerockgothique,leSMetladrague.Illuifaudraitcachertoutças’ils’engageait.Maissadécisionétaitprise.

«J’aidiscutédetoiavecMystery.»Commed’habitude,ilparlaitsuruntontrèssérieux.«Ilprévoitsonprochainatelierendécembre.Etvuquejeneseraipaslà,iltedemandedemeremplacercommeéquipier.»

Alapenséed’unnouveauweek-endavecMysteryettoussessecrets,commelesscénariosgrâceauxquelsilfaisaitpleurerlesfillesd’émotion.J’essayaisdemaîtriserlafébrilitécontenuedansmavoix:«Jedoispouvoirmelibérer.»

Je rien revenais pasqueMysterym’ait choisimoi, parmi tous lesV2Denpuissance.Ilnedevaitpasconnaîtregrandmonde.

Lehic, c’est que je n’étais pas disponible endécembre. J’avais réservéunvolpourBelgrade,oùjedevaisretrouverMarko,lecopainquim’avaitprésentéàDustin, le dragueur-né. Je ne pouvais plus annuler ce voyage,mais hors dequestionquejeloupeuneoccasiondejouerleséquipiers.

Ildevaitbienyavoirunesolution.Cesoir-là, j’ai appeléMysteryàToronto,où ilvivait avec sesparents, ses

nièces,sasœuretsonbeau-frère.«Qu’est-cequejem’emmerde,ici,vieux.—J’aidumalàtecroire.—Ilpleutetj’aienviedesortir.Maisjen’aipersonneavecquisortir,etje

nesaismêmepasoùaller.»Ils’estinterrompu,afaittairesesnièces.«Àtouslescoups,jevaismecontenterd’allermangerdessushisensolo.»

J’aurais cru que les filles faisaient le pied de grue tous les soirs devant saporte,quelesmecss’inscrivaientsur listed’attentepourallerchasseraveclui.Maisnon,ilglandouillaitchezlui.Sonpèreétaitmalade.Samèresurchargée.Etsasœurseséparaitdesonmari.

«EtPatricia,pourquoitunesorspasavecelle?»luiai-jedemandé.PatriciaétaitlapetiteamiedeMystery,qu’onvoyaitcourt-vêtuesursonpalmarèsphotodedragueur.

« Elle m’en veut. » Mystery l’avait rencontrée quatre ans plus tôt, elledébarquaitdeRoumanie.Ilaessayéd’enfairesananaidéale–ill’apersuadéede se faire refaire les seins, de le sucer (grande première) et de devenir strip-teaseuse–maisellerefusaittouteexpériencebi.GrosproblèmepourMystery.

Chaque aspirant dragueur a ses raisons de se lancer dans le jeu. Certains,commeExtramask,sontdespuceauxquiveulentvoircequeçafaitd’êtreavecune femme. D’autres, comme Grimble et Twotimer, veulent de la nouveautéchaque soir.D’autres encore, plus rares, commePull-Over, cherchent l’épouseparfaite.Mysteryavaitunbutbienàlui:

«Jeveuxêtreaimépardeuxfemmes.Jeveuxdeux10/10,uneblondeetuneAsiatique, qui s’aimeront autant l’une l’autre qu’elles m’aimeront. Alorsl’hétérosexualité de Patricia, ça affecte notre vie sexuelle, parce qu’à moinsd’imagineruneautrefilleavecnous,jebandemou.»Ilachangédepièceparcequesasœuret sonbeaufsedisputaient,puisa repris :«Je laplaqueraisbien,Patricia, saufqu’il n’y a aucune10/10 àToronto.Rienquipétille, rienqui enjette.Des7/10aumaximum.

—MaisviensdoncvivreàLosAngeles!C’estlàquesetrouventtouteslesnanasquetuaimes.

—Mouais, faut vraiment que jeme casse d’ici.C’est pour ça que je vaisorganiseruneséried’ateliers.J’aidesgensqueçaintéresseàMiami,ChicagoetNewYork.

—Quedirais-tudeBelgrade?—Hein?C’estpaslaguerre,là-bas?—Non, la guerre est finie. Et je dois aller rendre visite à un vieux pote.

D’après lui c’est tranquille. Ilnoushébergeragratis, et ilparaîtque lesSlavessontlesplusbellesfemmesdumonde.»

Mysteryahésité.«Enplus,j’aiunbilletgratuit.»Silence.Ilréfléchissait.J’insistais.«Oh,allez,quoi.Pourl’aventure.Aupire,çateferaunclichéde

pluspourlecoupdesphotos.»Mysteryavait l’esprit trèsmécanique.S’ilacceptaituntrac,c’était toujours

instantanément,endisantcequ’iladitalors:«Çamarche.—Super.Jet’envoieleshorairesparmail.»J’attendaisavecimpatiencecessixheuresd’avion.Jevoulaisextirperdela

tête de Mystery les moindres miettes de son savoir – numéros de magie,répliques,anecdotes.Jevoulaisimiteràlaperfectioncequejel’avaisvufaire,motpourmot,tourpourtour…parcequeçafonctionnait.

«Attendsvoir,reprit-il.Jepenseàuntruc.—Quoi?—Situesmonéquipier,tunepeuxpasêtreNeilStrauss,déclara-t-ilsurle

même ton péremptoire qu’il avait dit Çamarche. Tu as besoin de changer,devenirquelqu’und’autre.Regardeunpeu:NeilStrauss,écrivain.C’estnaze.Personne ne veut coucher avec un écrivain. Ils sont tout en bas de l’échellesociale.Tudoisêtreunesuperstar.Etpasseulementauprèsdesfemmes.Tuesunartistequicherchesonart.Ettonart,jecroisqu’enfaitc’estlestechniquessociales que tu intègres. Je t’ai observé en action ; tu t’es adapté rapidement.C’estpourçaqu’ont’achoisi,Sinetmoi.Attends.»

Jel’aientendufroisserdupapier.«Voilà.Jevaistediremesobjectifsdedéveloppementperso.Jeveuxtrouver

lesfondspourmonterunspectacledemagie;vivredansdeshôtelsclasse;medéplacer en limousine. Je veux aussi passer à la télé dans des émissionsspéciales,avecdesnumérosénormes.Jeveuxm’éleverparlévitationau-dessusdeschutesduNiagara;allerenAngleterreetenAustralie.Jeveuxpratiquerle

jeu,avoirdesbijoux,unemaquetted’avion,unassistantpersonnel,uncoiffeur.EtjeveuxjouerdansJésusChristSuperstar–lerôledeJésus.»

Aumoins,ilsavaitcequ’ilvoulait.«Cequejecherche,enfait,conclut-il,c’estquelesgensm’envient;quelesfemmesaientenviedemoietleshommesd’êtremoi.

—Tun’aspasreçubeaucoupd’amour,quandtuétaispetit?—Non»,a-t-ilrépondu,toutpenaud.Alafindenotreconversation,iladitqu’ilallaitm’envoyerparmaillemot

depasseduMystery’sLounge,sacommunautévirtuellesecrète.Ill’avaitcrééedeux ans auparavant, après qu’une barmaid débrouillarde avec qui il avaitcouchéàLosAngelesétaittombéesurunmailquitraitaitd’elledansunforumpublicconsacréàlaséduction.Aprèstoutunweek-endpasséàpotasserlerestede ses archives électroniques, elle avait envoyé un mail à Patricia pour luidévoiler les activités annexes de son copain. Les conséquences avaient faillidétruiresoncouple,maisilavaitcomprislereversdelamédaille:undragueurpeutsefairepincer.

Contrairementauxforumsquejeconnaissais,oùdescentainesdenouveauxvenusdemandaient sans relâche les conseils d’unepoignéed’experts,MysteryavaittriésurlevoletlesmeilleursV2Ddelacommunautépoursonforumprivé.Nonseulementilsypartageaientleurssecrets,anecdotesettechniques,maisilsmettaient aussi en ligne des photos d’eux et de leurs conquêtes – voire desenregistrementsaudioetvidéodeleursexploits.

«Maisn’oubliepas,amarteléMystery.Tun’esplusNeilStrauss.Quandonse reverra, je veux que tu sois quelqu’un d’autre. Il te faut un nom deséducteur.»Ilamarquéunepauseetaréfléchi:«Style?»

«Qu’est-cequetupensesdeStyle?»Voilàbienunechosedontj’étaisfier:je n’avais peut-être jamais été à l’aise en société, en revanche je m’habillaismieuxquelesgenssupposéscool.

«VapourStyle.MysteryetStyle.»Oui,l’atelierdeMysteryetdeStyle.Çasonnaitpasmal.Stylelevirtuosede

ladrague–quiapprenaitàdesympathiques loserscommentmettre legrappinsurlafemmedeleursrêves.

Àpeineavais-je raccrochéqu’unpetit problèmem’est apparu : avant tout,Style devait lui-même parfaire son éducation. Après tout, mon atelier avecMysteryneremontaitqu’àunmois.Jen’étaispasauboutdemespeines.

Ilétaittempsdechanger.Etpasqu’unpeu!

Chapitre2

Adolescent, j’avais pour héros Harry Crosby – un poète des années 1920

dont,franchement,lespoèmesnevalaientpastripette.Maisilavaitunstyledevie légendaire. Neveu et filleul de J.P. Morgan, il a frayé avec ErnestHemingwayetD.H.Lawrence,aétélepremieràpublierdesextraitsdel’UlyssedeJoyce,etestdevenulesymbolede la«générationperdue».Cedécadentamenéunevie trépidante,consommédel’opium,ets’estfait lapromessedenepaspasser lecapde la trentaine.Àvingt-deuxans, il aépouséPollyPeabody,inventrice du soutien-gorge sans bretelles, qu’il a convaincue de se rebaptiserCaresse. Les jeunes mariés ont passé leur lune de miel enfermés dans unechambreàParisavecdespilesdelivres,etilsn’ontfaitquelire.Àtrenteetunans,quandCrosbys’estaperçuquesonmodedevienel’avaitpasencoretué,ils’estsuicidé.

Jen’avaispasdeCaressepourm’accompagner,maisjemesuisquandmêmeenfermé chez moi toute une semaine à jouer les Harry Crosby, dévorer desbouquins, écouter des cassettes, regarder des vidéos, étudier les mails duMystery’s Lounge. Jeme plongeais dans la théorie de la séduction. Je devaismuer,passerdeNeilStraussàStyle.JevoulaisêtreàlahauteurdelaconfiancedeMysteryetdeSin.

Pour ce faire, il me fallait modifier non seulement ce que je disais auxfemmes,maisaussimafaçond’être. Ilmefallaitgagnerenconfiance,devenirun type intéressant, résolu, le mâle alpha que mon éducation m’empêchaitd’incarner.J’avaisunsacréretardàrattraper–etsixsemainespourlecombler.

J’ai acheté des manuels traitant du langage corporel, du flirt et destechniques sexuelles. J’ai dévoré des compilations de fantasmes féminins,commeMonjardinsecretdeNancyFriday,afind’intégrercetteidéequisoutientquelesfemmesontautantenviedesexe–sinonplus–queleshommes;ilnefautpaslesbrusquer,c’esttout,nileurmentiroulesfairepasserpourdesputes.

J’ai commandé des ouvrages demarketing – Influence deRobertCialdini,entreautres–quim’ont appris certainsprincipesclésguidant lesgens lorsdeleurs prises de décision. Le plus important de ces préceptes, c’est le

conformisme : si la majorité adopte un comportement, ce comportement doitconvenir.Bref, sivousallezdansunbarencompagnied’unesuperbecréature(un pivot, comme on dit dans la communauté), les femmes viendront plusfacilementàvousquesivoustraîneztoutseul.

J’ai visionné les vidéos que Grimble m’avait données et pris des notes,mémorisantlesaffirmations(«Siunefemmeentredansmonmonde,ceseralameilleurechosequipuisse lui arriver.»)et les scénarios. Ilyaunedifférenceentre une réplique et un scénario. Une réplique, à la base, désigne n’importequelle remarque préparée à l’avance. Un scénario, c’est plus élaboré, pourexciterlafemme.

Les hommes et les femmes pensent et réagissent de manières distinctes.MontrezlacouverturedePlayboyàunhomme,ildémarreauquartdetour.Enfait, même un avocat dénoyauté fera l’affaire. Les femmes, à en croire lesadeptesdelaSpeedSéduction,onnelespersuadepasaussifacilementpardesimagesetdesdiscours.Ellesrépondentmieuxàlamétaphoreetàlasuggestion.

L’un des scénarios les plus célèbres de Jeffries utilise un reportage de lachaîneDiscoveryChannel sur lesmontagnes russes en tant quemétaphore del’attirance,delaconfianceetdel’excitation,conditionssouventindispensablesau sexe. Ce scénario décrit la « séduction parfaite », celle qui procure unesensationd’excitationlorsqueletrainatteintlesommetd’unepentepuisdescendàtoutevitesse;lemanègeoffreégalementunsentimentdesécurité,puisqu’ilaétéconçupourvouspermettredevivrecetteexpériencedansunenvironnementsûretconfortable;enfin,dèsqueletrains’arrête,onaenviederepartirpouruntour.Onabeauavoirdumalàcroirequ’untelscénariopuisseexciterunefille,çavauttoujoursmieuxquedeparlerboulot.

Étudier Ross Jeffries neme suffisait pourtant pas. La plupart de ses idéesconsistaient ende simplesapplicationsde laprogrammationneurolinguistique.J’aidoncdécidéderevenirauxsourcesenachetantleslivresdeRichardBandleretJohnGrinder,deuxétudiantscaliforniensquiontdéveloppéetpopularisécettepartiedel’hypno-psychologiedanslesannées1970.

AprèsavoirpotassélaPNL,j’aidécidéd’analyserlestoursdeMystery.J’aidépensécentcinquantedollarsencassetteset livressur la lévitation, la torsiondes métaux et la télépathie dans une boutique spécialisée. Mystery m’avaitapprisqueleplusimportantauprèsd’unefemmeséduisanteestdesedémarquer.Autrementdit:qu’est-cequimedifférenciedesvingtderniersbonshommesquil’ontabordée?Parexemple,sij’arriveàtordresafourchetted’unsimpleregard,

ouàdeviner sonprénomavantmêmequ’elleaitouvert labouche, laballeestdansmoncamp.

Danslamêmeveine,j’aiachetédesouvragessurlagraphologie,lesrunesetletarot.Aprèstout,lesgensadorentparlerd’eux-mêmes.

Jeprenaisdesnotes sur toutceque j’étudiaisetéchafaudaisdes thèmesetdesanecdotesàexpérimentersurleterrain.Jenégligeaismontravail,mesamis,mafamille.J’étaisenmissiondix-huitheuresparjour.

Quandj’aienfinfourréautantd’informationsquepossibledansmacervelle,jemesuismisàrectifiermonlangagecorporel.Jemesuisinscritàdescoursdedanse–swingetsalsa.J’ailouéLaFureurdevivreetUntramwaynommédésirpourtravaillerlesattitudesetposesdeJamesDeanetMarlonBrando.J’aiétudiéPierce Brosnan dans le remake de L’Affaire Thomas Crown, Brad Pitt dansRencontre avec Joe Black, Mickey Rourke dans L’Orchidée sauvage, JackNicholsondansLesSorcièresd’EastwicketTomCruisedansTopGun.

J’aiexaminéchaqueaspectdemoncomportementphysique.Est-cequemesbras ballaient quand je marchais ? Est-ce qu’ils s’écartaient un peu, commegênéspardespectorauxmassifs?Avais-jeunedémarcheassurée?Nepourrais-jepasbomberunpeuplus le torse?Tenir la têteunpeuplusdroite?Écarterlégèrement les jambes, de manière à laisser du champ à une encombrantevirilité?

M’étant corrigé dans la mesure du possible, je me suis inscrit à un coursconsacréàlatechniqueAlexanderafind’améliorerlamanièredontjemetenaiset deme débarrasser de ces épaules voûtées héritées demon père. Et commemonélocutionétaitincompréhensible–débittroprapide,faibleetmarmonnant–,j’aiprisaussidescoursparticuliersdedictionetdechanttouteslessemaines.

J’ai commencé à porter des vestes flashy et autant d’accessoires quepossible.Jemesuisachetédesbagues,uncollier,defauxpiercings.J’aitestéleschapeaux de cow-boy, les boas en plume, les colliers lumineux, et même leslunettes noires la nuit histoire de voir si ça intriguait les femmes.Au fond demoi, je savaisquecesaccoutrementsvoyantsétaientvulgaires,mais la théoriedupaonfonctionnaitàmerveille.Quandjeportaisaumoinsundeceséléments,cellesquivoulaientm’aborderavaientunangled’attaque.

JesuissortiavecGrimble,TwotimeretRossJeffriespresquetouslessoirsetj’aiappris,peuàpeu,unnouveaumoded’interaction.Lesfemmesenontmarredesmecsbanalsquileursortentlesmêmesbanalités:«Tuviensd’où?Tufaisquoidanslavie?»Avecnosscénarios,gimmicksetthèmes,nousétionslesroisdesbars,nousépargnionsunennuigarantiauxfemellesdel’espèce.

Naturellement, toutes les femmes n’appréciaient pas nos efforts. Bienqu’aucune ne m’ait jamais frappé, engueulé ni jeté son verre au visage, jegardais toujours à l’esprit les anecdotes de fiascos spectaculaires. Commel’histoire de Jonah, puceau de vingt-trois ans,membre de la communauté, quis’était fait frapper–deuxfois–à lanuqueparune fillebourréequiavaitmalprissesnegs.OuencoreLittleBigDick,originairedel’Alaskaquipapotaitavecune fille, assis à sa table, quand son copain était arrivé derrière lui, l’avaitsoulevédesachaise,jetéàterreets’étaitacharnéàcoupsdepiedsursoncrâne,lui fracturant l’orbite gauche et imprimant la semelle de ses bottes sur sonvisage.

Descasexceptionnels…,espérais-je.J’avaisencorecesdéboiresbienentêtetandisquejemerendaisenvoitureà

l’université deCalifornie (Westwood)pourmapremièremddiurne.Malgré laprésencedanslapochearrièredemonjeand’uneantisèchecouverted’introsetde répliques, je me baladais terrifié dans les rues, en quête d’une personne àaborder.

Devant unOfficeDepot, j’ai vu une femme portant des lunettes noires etdont les cheveux blonds dansaient sur ses épaules. Mince, avec de doucescourbesséduisantes,elleportaitunjeanmoulantjustecommeilfautetavaitunejolie peau, couleur beurre noisette. On aurait dit le trésor le mieux gardé ducampus.

Elleestentréedanslemagasindefournitures,j’aidécidédenepaslasuivre.C’estalorsquejel’airevueàtraverslavitrine.Elleévoquaitunedecesintellosrangées dont la bombe interne n’a pas encore explosé, quelqu’un avec quidissertersurlesfilmsdeTarkovskiavantd’allervoirunecoursedecamions.Ceserait peut-être elle,maCaresse. Je savais que, si je ne l’abordais pas, j’allaism’envouloiretleressentircommeunéchec.J’aidoncdécidédemelancer.Enplus,jemedisaisqu’ellen’étaitsansdoutepasaussibelledeprès.

Jesuisentrédans lemagasinet l’ai trouvéedansuneallée,ellechoisissaitdesenveloppes.

—Salut, vous allez peut-être pouvoirm’aider, j’ai un dilemme. »Tout enrécitant l’intro Maury Povich, je remarquais que j’étais tombé sur une vraie10/10.Jedevaistoutefoisrespecterleprotocoleetluibalancerunneg.

«Jesaisquec’estmalpoli,maisquandj’étaispetitj’adoraisBugsBunny,etvousavezlesplusadorablesdentsdelapinquej’aiejamaisvues.»

J’avais peur d’être allé trop loin. J’avais sorti mon neg sur-le-champ, elleallait sûrement me gifler. Mais en fait, elle sourit. « J’ai porté un appareil

pendantdesannées,mamèrevapiquerunecrise»,répliqua-t-ellesurlemodeduflirt.

Jesuispasséàl’étapetélesthésie,etDieumercielleachoisisept.Ellen’enrevenait pas. Je lui ai demandé ce qu’elle faisait dans la vie : elle étaitmannequinetanimaituneémissionsurCNN.Plusonparlait,plusellesemblaitapprécierlaconversation.Etmoi,devoirmesprogrès,jeflippais.Çamebluffaitqu’uncanonpareil s’intéresseàmoi.Dans l’OfficeDepot, tout lemondenousregardait.Blocage.

«Jevaisêtreenretardàmonrendez-vous,luidis-je,lesmainstremblantes.Commentonpourraitfairepourcontinuercettediscussion?»

Le thème de Mystery pour la conclu-tél. Un V2D ne donne jamais sonnuméroàunefille,parcequ’ellepourraitnepasappeler.Ledragueurdoitmettrelafillesuffisammentàl’aisepourqu’elleluidonnelesien.Etaussiéviterdeleluidemanderdirectement,decraintedesefairerembarrer,maisplutôtl’ameneràsuggérerl’idéeelle-même.

«Jepourraistelaissermonnuméro»,a-t-elleproposé.Ellem’anotésonnom,suividesonnuméroetdesonadresseInternet.Pas

croyable.«Maislessorties,c’estpasmontruc»,m’a-t-elleprévenu,aprèscoup.Elle

regrettaitpeut-êtredéjà.Rentréchezmoi,j’aisortileprécieuxboutdepapierdemapocheetl’aiposé

devantmonordi.Puisqu’ellesedisaitmannequin, je trouveraisbienunephotod’ellesurleNet.Ellenem’avaitdonnéquesonprénom,Dalene,mais,coupdepot, son adresse électronique comprenait son nom de famille, Kurtis. MarecherchesurGooglem’adonnépasloindecentmilleréponses.

Jevenaisderéussiruneconclu-T’aveclaPlaymatedel’année.

Chapitre3

Jesuisrestéassisdevantmontéléphonetouslessoirs,àregarderlenumérodeDaleneKurtis.Pasmoyendemeconvaincred’appeler.Jen’étaisniassezsûrdemoi,niassezbeaupourcespécimendeperfectionféminine.Enfin…j’auraisfaitquoisionétaitsortisensemble?

Jemerappelleavoir invitéàdînerunecertaineÉlisa, l’étédemesdix-septans.J’étaistellementnerveuxquemesmainstremblaientetmavoixchevrotait,jen’ypouvaisrien.Etplusjem’enfonçais,plusElisaétaitmalàl’aise.Quandonnousaservis,j’étaistropgênépourneserait-cequemâcherdevantelle.Unvraidésastre–etcen’étaitmêmepasun rendez-vous.Alors,qu’est-cequeceseraitaveclaPlaymatedel’année,hein?

Ças’appelleêtrebonàrien.Jemesentaisbonàrien.Bref,j’aiattendutroisjoursavantd’appeler,puisj’airemisçaaulendemain

maismesuisrenducomptequesijeluitéléphonaisleweek-endellerisquaitdecroirequejen’avaispasdeviesociale,doncjemesuisdécidépourlelundi.Unesemaineavaitpassé.Ellem’avaitsansdouteoublié.Ons’étaitparlédixminutesmaximum, rien de bien extraordinaire, reconnaissons-le. Je n’étais qu’unmecbizarre et intéressant rencontré dans un magasin de fournitures de bureau.Aucuneraisonpourquecettefemme,quiauraitpuavoirn’importequelhommedansl’hémisphèreNord,veuillemerevoir.Ducoup,jenel’aijamaisappelée.

J’étaismonpireennemi.Monpremiervraisuccèsn’estarrivéqu’unesemaineplus tard.Extramask,

de l’atelier deMystery, s’est pointé par surprise àmon appartement de SantaMonicaunlundisoir.Ilétaittoutexcitédecequ’ilvenaitdedécouvrir.

« J’avais toujours pensé qu’éjaculation et douleur allaient de pair »,m’annonça-t-ilquandjeluiouvris.

Il paraissait changé. Il s’était teint les cheveux et fait une crête, percé lesoreilles,etavaitachetédesbagues,uncollieretdesvêtementspunk.Ilavaitl’aircool. Dans ses mains, un exemplaire dePouvoir illimité d’Anthony Robbins.Noussuivionsdonclamêmedirection.

«Dequoituparles?—Tuvois,jegicle,jemenettoieetjeremontemoncaleçon,d’accord?»

Ilestentréetestallés’effondrersurmoncanapé.«Jusque-là,jetesuis.—Maiscequejen’avaispasremarquéjusqu’àhier,c’estquej’aiencoredu

foutredanslesexe.Etpendantmonsommeil,çasècheàl’intérieurdemabite.Donclelendemainmatin,quandjevaispisser,çasortpas.»

Ils’estagitél’entrecuissed’unemainenguised’illustration.«Forcément,jepousseplusfortetçafinitpargiclercontrelemur.—T’aspétéuncâble.»Je n’avais jamais vécu ça, ni même entendu parler de ce phénomène.

Extramaskétait le fruit étranged’une éducation catholique répressive et d’uneambitiondébridéedecomique.Impossiblededires’ilangoissaitous’ilcherchaitjusteàmedivertir.

«Çafaisaitunmaldechien.Àtelpointquejenemesuispasbranlépendantsemainepournepassouffrir.Maishiersoir, j’aiexpulsécettesaloperiedemaqueuejusteaprèslereste.

—Etmaintenanttusaisprendreduplaisirquandtutebranles?—Toutjuste.Etjenet’aipastoutdit.—Jecroyaisquec’étaitça,labonnenouvelle.»L’excitationl’afaits’exclamer:«Maintenant je peux pisser à côté des gens ! C’est juste une question de

confiance. Tu vois, ce que j’ai appris à l’atelier de Mystery, ça ne sert pasqu’aveclesnanasfinalement.

—Exact.—Çasertaussiquandonpisse.»NoussommesallésmangerdesburritosàLaSalsa.Àune tableprèsde la

nôtre,unefemmeséduisantequoiqueasseznégligéefourraitdesreçusdansunegrosse enveloppe. Elle avait de longs cheveux marron bouclés ; des traitsdélicats;etunepoitrineimmensequirefusaitdesecachersoussonsweat.J’aivioléd’aumoinsdeuxsecondesetdemielarègledestroissecondes,puisfinipartrouver la confiancenécessairepour aller aborder la femme. JenevoulaispaspasserpourunPMFdevantExtramask.

«Jeprendsdescoursdegraphologie.Çavousdérangesijem’entraîneavecvous pendant qu’on attend nos commandes ? » Elle m’a lancé un regardsceptiquepuis a décidéque j’étais inoffensif et a accepté. Je lui ai passémoncarnetetluiaidemandéd’yécrireunephrase.

« Intéressant, ai-je fait. Votre écriture ne penche absolument pas. Tout estbiendroit,cequiveutdirequevousêtesquelqu’und’autonome,vousn’avezpas

besoindesautrespourvoussentirbien.»Je me suis assuré qu’elle acquiesçait puis ai repris. Cette technique, je la

tenaisd’unlivresurlalectureàfroidquiprésentaitlestruismesettechniquesdelecturedulangagecorporelutilisésparlespsyscharlatans.

«Votreécrituren’estpas trèsorganisée :donc,engénéral,vousn’êtespastrèsméthodique,incapablederespecterunplanning.»

À chaque détail, elle se rapprochait un peu plus de moi et hochait plusvigoureusement la tête.Elle avait un sourire superbe qui la rendait accessible.Ellem’aapprisqu’ellerevenaittoutjusted’uncoursdecomédie,àdeuxpasdelà,etaproposédemeliresesblagues.

«Jecommencemonspectacleaveccelle-là,dit-ellequandj’aiterminémonanalyse.“Jesorsdelasalledegymàl’instant…mesbrasn’enpeuventplus.”»C’était son intro. Elle l’avait notée sur une antisèche qu’elle gardait dans sapochearrière.Jemesuisrenducomptequeladragueressemblaitbeaucoupàunnuméro de comique, ou à un spectacle du même genre avec intros, thèmes,conclusion inoubliable, qu’il faut savoir interpréter chaque fois comme s’ils’agissaitdelapremière.

Ellem’aditqu’elleétaitdescenduedansunhôtel,alorsjeluiaiproposédelaraccompagner.Unefoisdevantl’hôtel,j’aitendulajoueàmapassagère:«Unbisou pour la route. » Ellem’a embrassé. Tout excité, Extramask a donné uncoupdepieddansledossierdemonsiège.Puisj’aiditàlafillequej’avaisduboulotmaisquejel’inviteraisàprendreunverrequandj’auraisfini.

«Ça te dirait d’aller en boîte avecVision etmoi, ce soir ? »me proposaExtramaskquandmaconquêtefutsortiedelavoiture.

«Non,jecomptevoircettefille.

Tantpis,j’iraiquandmême.Maisrentréchezmoi,jevaistegiclerlamégadoseenpensantàlananaquivientdet’embrasser.»

Juste avant de partir la chercher ce soir-là, j’ai imprimé l’un des scénariosinterditsdeRossJeffriesqueGrimblem’avaitenvoyéparmail.J’étaisdéterminéàrattrapermarécenteerreur.

Nous sommes allés prendre un verre dans un bar miteux. La fille avaitpauvrealluredanssonpullbleueffilochéetsonjeanavachi.Maisbon,jesortaisavec une femme que j’avais levée – ça suffisait àmon bonheur. J’avais enfinl’occasiond’expérimenterdestechniquespluspoussées.

« Je connais un moyen de mieux définir tes objectifs et ta vie. » J’avaisl’impressiond’êtreGrimbleauTGIFriday’s.

«Qu’est-cequec’est?

Unexercicedevisualisation.Jeletiensd’unami.Commejeneleconnaispasparcœur,jevaistelelire.»

Çal’intéressait.«Bien,j’aifaitendépliantmonpapier.Essaiedeterappelerladernièrefois

oùtuasressentidubonheurouduplaisir.Repenses–yetdis-moioùtulocalisescessentimentsdanstoncorps.»

Ellem’indiqualemilieudesapoitrine.«Suruneéchelledeunàdix,tumettraisquellenoteàcettesensation?

Sept.OK.Continuedeteconcentrersurcetteémotion,ettudevraiscommenceràvoirunecouleurs’enéchapper.Laquelle?Duviolet,répondit-elleenfermantlesyeux.Bien.Maintenant,essaiederemplirdechaleuretd’intensitétoutcevioletquiserépanddanstonbuste.Chaquefoisquetuinspires,jeveuxquetulefassesbrillerunpeuplus.»

Lafillecommençaitàsedétendre;jevoyaissapoitrinesesouleverets’abaissersous son pull. Çamarchait – je suscitais une réaction comparable à celle queRoss Jeffries avait obtenue à la California Pizza Kitchen. J’ai poursuivi monmanège, plus assuré, jusqu’à ce qu’elle entre en transe. J’imaginais Twotimermurmurantmaléfique.

«Commenttutesens,maintenant,suruneéchelledeunàdix?—Dix.»Çamarchaitvraiment.Jeluiaifaitalorsintroduirecevioletprofonddansunpetitpoisquicontenait

toutelapuissanceetl’intensitédubien-êtrequ’elleéprouvait.Jeluiaidemandéde déposer ce pois imaginaire dans ma main, que j’ai passée sur son corps,d’aborddeloin,puisenl’effleurant.

« Tu sens quemamain se transforme en pinceau qui transfère toutes cescouleursetcettesensationdanstonpoignet,tonbras,jusqu’àtonvisage?»

Honnêtement, jenesavaispassiçal’excitait.Ellem’écoutait,çaparaissaitlui plaire, mais elle ne s’est pas mise à me sucer les doigts comme dansl’anecdote de Grimble. En fait, je me sentais couillon, mais aussi lubrique,

d’utiliser l’hypnose pour la toucher. Je n’aimais pas ces scénarios interdits. Jem’étaislancédanslejeupourgagnerenconfiance,paspourcontrôlerlesgens.

Jemesuisarrêtéetj’aidemandéàmoncobayecequ’elleenpensait.« Agréable », a-t-elle dit, avec son petit sourire de fouine. Elle cherchait

peut-être à me flatter…mais j’imagine que la plupart des gens ont envie detenterdesexpériencesnouvellestantqu’iln’yaaucunrisque.

J’airepliémonpapier,l’airangédansmapochepuisjel’airaccompagnéeàson hôtel.Mais au lieu de la déposer, jeme suis garé sur le parking. Je suisdescendu avec elle et l’ai talonnée jusqu’à sa chambre. La peur m’a noué lagorge,lapeurqu’elleseretournetoutàcoupetmedemande,«Pourquoitumesuis?»Maisellesemblaitavoirconsentimentalement :c’étaitbienpartipourfiniraulit.Jen’enrevenaispas.Aprèstantdepratique,enfinlesrésultats.

D’aprèsMystery, il faut environ sept heures après l’avoir rencontrée pourconvaincre une femme de coucher. Sept heures qui peuvent être concentréesdans lamêmenuitou surplusieurs jours : approcheetdiscussion,uneheure ;coupdefil,uneheure;unverreaubar,deuxheures;re-coupdefil,uneheure;etàlasortiesuivante,poireauterdeuxheuresdeplusavantd’alleraulit.

Attendre sept heures ou plus, c’est ce que Mystery appelle de la dragueefficace. Mais il arrive qu’une femme sorte dans l’intention de ramenerquelqu’un,ouselaisseconvaincreplusrapidement.Mysteryappellecegenredefemmes,des trop faciles. J’avaispasséuneheureaveccette filleàLaSalsaetdeuxautresaubar.J’allaisgoûteràmapremièretropfacile.

Elleaintroduitsacartedanslelecteurdesaporteet laloupiotevertes’estallumée–signeannonciateurd’unenuitdepassion.Elleaouvertlaporte,jesuisentré après elle.Elle s’est assise aupieddu lit – commedans les films– et aretiré ses chaussures. D’abord la gauche, puis la droite. Elle portait deschaussettesblanches,jetrouvaisçatouchant.Elles’estétirélesorteilspuislesarecourbésens’allongeantsurlelit.

J’aifaitunpasenavant,prêtàmelaissertombersurelle.C’estalorsquelaplusatrocedesodeursque j’aie jamais sentiesaassaillimesnarines.Ellem’afait littéralement reculer. On aurait dit la puanteur de fromage pourri quedégagentlesclodosdanslemétroàNewYork.Ceuxquivousvidenttouteunerame. J’avais beau reculer, l’intensité de l’odeur ne diminuait pas. Elleremplissaitlapièce,toutl’espacedisponible.

J’airegardélafille,allongéesur le lit,offerte,commeinconsciente.C’étaitsespieds.Sespiedsempestaientlachambre.

J’aidûsortir.

Chapitre4

Tous les soirs, après leurs sorties et leurs rancards, les étudiants etmaîtres enséduction racontent leurs expériences sur le Net – on appelle ça des comptesrendus.Leurs buts sont variés : certains demandent de l’aide, d’autres veulentpartagerdestechniquesnouvelles,quelquesindividusnecherchentqu’àfrimer.

Le lendemain de ma mésaventure avec la comique aux pieds crémeux,Extramasknousaenvoyéuncompterendu.Àl’évidence,ilavaitluiaussieusonlot de bizarrerie ce soir-là. Il avait déjà commencé à tirer profit de lacommunauté des dragueurs. Il pouvait pisser dans des urinoirs à côté d’autreshommes;ilpouvaitsemasturbersanssefairedumal;etvoilàqu’enfin,àl’âgede vingt-six ans, il venait de perdre sa virginité –mais pas comme il l’auraitvoulu…

msngroup:Mystery’sLoungeSujet:Compterendu–Conclu-sexeréussie!Auteur:ExtramaskJe soussigné Extramask ai réussima première conclu-sexe – perdant ainsi

monstatutdepuceau(bienquejen’aiepasgiclé).Reprenonsdudébut.Lundi, je pars en md avec Vision. On va dans ce club qui contient une

quinzainede salles, sur trois étages, chacunedotéed’unbar.On les sillonneàpeuprèstoutes.

Je n’étais pas vraiment dans mon assiette, et ça se ressentait dans mesapproches.Jem’ensortaismoinsbienqued’habitude.JemonteretrouverVisionaudeuxième.Iln’arrivaitpasàretrouverunefillequiluiavaitprissonécharpe.Bref,onparlaitdeçaquandarrivecettefille,Face-de-crêpe,quimeregardedroitdanslesyeux.Elledit,«Salut.»

C’est rare qu’une nana m’aborde, alors je lui dis, « Hé, t’aurais pas vul’écharpedecemec?»

Des conneries. Ce que je disais était sans importance, je le savais à voirl’expressionsursalargefigure.

Lasuite:Face-de-crêpe : Tu es très beau (avec un accent chinois-anglais/chinois

snob/ZsaZsaGabor).

Extramask:Tutrouves?Merci.Face-de-crêpe:T’eslàdepuisquand?Comme vous voyez, la conversation était naze,mais je savais que la fille

étaitappâtée.Utilisermesthèmesauraitétécontre-productif.Conversationnormale:boulot,soirée,petitrésumédenosvies,etc.Puison

passeàunendroitmoinsbondé.(Àsademande.)Pendantcetemps,Visionluiprouvequej’aidesrelationsenvenantmetapersur l’épaule,cegenredetruc.Çaaide.

Face-de-crêpe:Tucherchesquoi,cesoir?Extramask : (Bordel demerde : je chercheàniquer !) Je sais pas trop.Et

toi?Face-de-crêpe:Jecherchelefrisson.Extramask:Ahouais,moiaussi(suruntondécontract).Face-de-crêpe:Çatediraitdeveniravecmacopineetmoi?Extramask:Biensûr,jevaisjusteprévenirmonpote.Face-de-crêpe:ok,jet’attends.JeretrouveVision.Extramask:Hé,mec,c’estparti.Jecroisquejevaisbaiser.Vision:Fonce.Vas-y,vieux.Donc,jeretrouveFace-de-crêpeetsacopineserbe.Onvaàsavoitureense

tenant la main tous les trois, un petit quart d’heure de marche. J’étais gravenerveux.Aprèsj’airéussiàmecalmer.

De quoi on a parlé jusqu’à la voiture ?De pas grand-chose, les conneriesbanales, la pluie, le beau temps,monmétier.On savait sans le dire que ça nedureraitqu’unenuit.Onmonteenvoitureetsacopinebalancequ’elleveutunepizza.Moi,jepense:

EXTRAMASK : PIZZAMONCUL,ESPÈCEDECONNASSE. JESUISPUCEAU, JE VEUX NIQUER TOUT DE SUITE. VA CHERCHER TABAGNOLESITUVEUXENBOUFFERDELAPIZZA.

Coup de bol, Face-de-crêpe oublie la pizza et passe devant le restau sansfaire gaffe.On dépose sa copine et jemonte à l’avant. Je regardais son corpsmédiocreenmedisant:«Cool.Jevaispouvoirtouchertoutça.»

Làencore,danslavoiture,onneparlepasdesexe.Onpapotejuste.Unpeuplus tôt, je lui avais demandé quels cours elle suivait à la fac et ellem’avaitrépondu,«Jetelediraiplustard.»Jeluiaiposélaquestiontroisfois,etchaquefois ça l’énervait un peuplus. Jem’en foutais.Çame faisait chier qu’ellemedisetoutsaufça.

Elleafiniparmeledirequandonétaittoutseulsdanssacaisse:uncursusàlacon,enfait.Toutçapourça…Puisellemeparleduboulotdeses«rêves».Jem’enbranlemaisjeluiposequandmêmedesquestions.

Face-de-crêpe:Jeveuxêtreflic.Extramask:(Tuseraisgravenaze.Jamaistuserasflic.)Pourquoiest-ceque

tunecherchespasàleréaliser,cerêve?Face-de-crêpe:Patati-patata,bla-bla-bli-bla-bla-bla.On va chez elle. Elle coloue un appart dans une immense copropriété. Sa

chambreestgigantesque,avecunetélégrandécran.Lananameditdemettredelamusiquependantqu’ellevafaireuntouràlasalledebains.Jezappesurunechaînedehip-hopparcequ’ellem’avaitditqueçaluiplaisait.

Elleressortenpyjama.Là,jelaplaqueausoletluigicleàlafigure!Non,plussérieusement:

Elle ressortenpyjamaetmeditque jepeuxutiliser la salledebains. J’enavais pas besoin, mais comme ça faisait partie de l’ambiance sexe, j’y vais.N’oubliezpasque j’étaispuceauà l’époque, lesgars– je savaispascommentm’yprendre.Bref,jevaisàlasalledebainsetjeglandouilleunpeu.Jemelavemêmepaslabite,rien.Toutcequejepensaisàfaire,c’étaitappelerVisionetluidirequej’allaismelataper,maisjemesuisditqueceseraitnul.

Jemedemandaissijedevaissortiràpoil.Hmm.Jedécidedesortircommejesuisentré,saufquej’enlèvemachemisedesoirée.Vousmevoyezsortirdelasalledebainsavecmonzobàl’air?

Ilfaisaitsombre.Elleétaitassisesurlelit.Jevaisverselleetcommenceàl’embrasser:lecouetlelobedesoreilles.Là,elleprendmamainetlaposesursonnichondroit!Alorsjememetsàlacaressertoutenl’embrassant.Etpuis,jesais pas comment, mais elle commence à se frotter la chatte (à travers sonpyjama).Ellegémissaitcommeunechienne.Ducoup,jetombemonpantalon,maispasmoncaleçon.

Vousauriezpascruquejeraconteraistoutça,hein,bandedenazes!Donc, je luirouleunepelleet luifrotte lafoune.Franchementpasévident.

J’arrivaispasàmeconcentrersurlesdeux.Maisbon,jefaisaisdemonmieux.Là,ellesemetàmefrotterlaqueue…quelpied.idi.Face-de-crêpe:Baise-moi,Extramask.Extramask:OK.J’arrachemoncaleçon.Jememetsàgenouxsurlelit,monzobtoutduret

gonflé–pasbesoindevousfaireundessin.Face-de-crêpe:Metsunecapote.J’enai.

Extramask:Moiaussi.Je ne voulais pas utiliser les siennes. Je sais pas pourquoi, ça me faisait

flipper,commesiçapouvaittoutfairefoirer.Face-de–crêpe:Quellemarque?Extramask:Sheik.Je me répète, j’étais encore puceau à ce moment-là, et je ne savais pas

commentças’enfilaitunecapote.Extramask:Capote-moi,çam’excite.Face-DE-CRÊPE:OK.Avec la mienne, elle n’y arrivait pas, alors elle est allée en chercher des

siennes.Pendantcetemps,j’airéussiàmel’enfiler.Etjel’aibaisée!Jetel’aibaisée,re-baisée,etencorebaiséejusqu’àplussoif.Auboutd’unbonquartd’heure,jemedisais:«Çacraint.C’estça,lesexe?

Jedéteste.Jeveuxm’enaller.»Sérieux,jevoulaispartir.Jemedisais:«Desmoisquejemecasselescouillespourça?»

J’étais là,à labaiserenmissionnairedepuisquinzeminuteset jeressentaisquedalle.

Elle,ellecouineettout,etmoijustejebourrine.Alorsjedécidedelabouger,dechangerdeposition–commedansunfilmdeQ!

Jememets sous elle.Çam’avait toujours fait fantasmer.Bref, elle est surmoietjemedis:«Bordeldemerde,çafaitmal.Ellevamedécapiterlateub!»

Aubout dedeuxminutes, je rechangedeposition tellement j’aimal. Je laprendsenlevrette.Jecroyaisqueceseraitbien.Donc,jesuisderrièreellemaispas moyen de trouver son trou. J’étais là à trifouiller autour de son cul pourtrouver l’entrée.Horrible– comme toute l’affaire. Je trouvaispas le trou.Ellecommenceàgémiràcausedel’attente.Jemedisais:«Tucouines?Ducalme,China–sérieux.»Riendetoutçanem’excitait.

Jefinisparrentrermaisaprèsdeuxcoupsjemeretrouveéjecté.Elleseremetàgémir.Alorsjererechangedepositionet,allezsavoirpourquoi,jerepassesouselle.Grosse erreur, Extramask. J’ai bien cru quema queue allait se casser endeux.Aprèsquatreminutes,onrepasseenmissionnaireetjelapilonne.

Hé!Elleditqu’elleaime.Jeluisorsdesconneries:«T’aimesça,hein?»«Dismonnom!»«T’aimesquandçafaitmal?»N’oubliezpasquetoutçamefaisaitgravechier.J’étaistropdéçu.MDR.

Auboutd’unedemi-heure:Face-de-crêpe:Changedecapote.Extramask:(Legenredetrucqu’onfaitaprèstrenteminutesdesexe,jeme

disais.Maisdansl’ensembleçamesoûlaitqueçasoitpasencoreterminé.)Donc,jemedécapoteetj’enouvreuneautre.Face-de-crêpe:Qu’est-cequetufous?Extramask:Jemetsuneautrecapote.Face-de-crêpe:Pourquoi?Extramask:Jecroyaisquetum’avaisditdelefaire?Face-de-crêpe:Non.Jem’enfoutais.J’avaiseumadose.Donconrestelà,àpoil,onsebécoteunpeu.Ellevoulaitdescâlins.Moipas

vraiment,maisbon…Ç’a été ma grande erreur. Après le sexe, j’aurais dû arracher ma capote,

m’asseoir sur son lit etme branler à fond. J’aurais dû inonder sa chambre, sagueuleetsatélé.

Face-de-crêpe:Allonge-toietrepose-toicinqminutes.Aprèsjet’appelleuntaxi.

Extramask:Hein?Cinqminutes?Pourquoitumemetslapression?Face-de-crêpe : C’est pas ça. C’est juste que c’est bon de se reposer cinq

minutesaprèsl’amour.Extramask:Etpourquoicinqminutes?Face-de-crêpe.–Détends-toi.Extramask:Maispourquoicinqminutes?Cinq minutes plus tard, elle appelait un taxi. Elle était en ligne, ils la

faisaientattendre,çalafrustrait–pasgénial.Moi,jemepréparaisàpartir.Onpapoteencoreunpeu.Ellemeditqu’elleavaitvuquej’avaisbeaucoup

d’énergie.Çaluiavaitplu.Face-de-crêpe.–Tuvasfairequoimaintenant?(3h30.)Extramask:Jeretourneenboîte,jevaisretrouvermespotes.(J’avaisencore

plusd’énergie.Jepétaislefeu.)Quejeluidisequej’allaissortir,ellen’apasaimédutout.Enfait,c’étaitpas

vrai. Je lui mentais.Mais aussi, çame foutait les boules qu’elle essaie de sedébarrasserdemoisivite.Enréalité,j’auraisvoulumebarrerdirect–maispasàsesconditionsàelle.

Bref,letaxisepointe,jemecasse.Entre-tempsons’embrassetroisfois.Jen’aipasprissonnuméroparceque:1.Jenevoulaispluslabaiser.

2.C’étaitjustepourunenuit,detoutefaçon.Parprécaution, j’aiquandmême relevé sonadresseenpartant– aucasoù

j’aieoubliéuntruclà-bas.Çanemangeaitpasdepain.Bref,voilà.J’ai fourrémonzobdansunenana.J’aiperdumavirginité.Le

sexe,c’étaithorrible.Jemesentaisunpeusaleetuséaprèscoup.Dans l’ensemble, je ne sens pas de différence par rapport à quand j’étais

puceau.Maisbon,jemedisqueçavam’aider,inconsciemment,dansmesmd.C’estvrai,quoi,maintenantj’aibaisé.Jesaiscequec’est.Ducoup,àpartirdemaintenant, avec les filles je serai encoreplusgenre, «Rien à foutre. J’ai pasbesoindecequet’as.»

Extramask

Chapitre5

Commentonfaitpourembrasserunefille?Dixcentimètresàpeinenousséparent.Cen’estpasgrand-chose,ilfautbien

ledire.Onbougeunpoiletonsetouche.Etpourtant,c’estl’acteleplusdifficilequ’unhommeaitàaccomplirdanssavie.L’instantoùlemâledoitcédertouslesprivilèges reçus à la naissance ; mettre de côté son orgueil, son ego, saconsidérationet sonboulotpénible ;et secontenterd’espérer–espérerque lafilleneluiprésenterapassajoue,ou,plusgrave,neluidirapas,«Soyonsamis,jepréfère.»

Àforcedem’entraînertouslessoirspourdevenirl’équipierdeMystery,j’aibientôt mis au point un thème efficace – disons dans une certaine mesure.Oubliés, les râteaux. Je savais comment aborderungroupe, réagir à laplupartdesimprévus,etrepartiravecunnumérodetéléphoneetunplanpourserevoir.

Chaquefoisquejerentraischezmoi,jerepassaislesévénementsdelasoiréedansmatêteetessayaisdevoircequejepouvaisaméliorer.Sil’approcheavaitfoiré, je cherchais à la corriger – angles d’attaque, dédain, sortie, contraintehoraire.Quand jene réussissais pas àobtenir unnuméro, jenemedisais pas,contrairementàtantd’autresdragueurs,quelafilleavaitétéunblocdeglaceouunesalope. Je rejetais la fautesurmoi, j’analysaischacunedemesparoles,demesréactions,chacundemesgestesjusqu’àrepéreruneerreurtactique.

J’avaisludansIntroducingNLPque l’échecn’existepas, ilseréduitàunesuccessionde leçonsàprendre. Jevoulaisque les leçons sedéroulentenmoi-même,desorteàmemontrerparfaitsurleterrain.J’allaisdevoirprésenterauxétudiantsdeMysterydequoi j’étaiscapable, toutcommeSindevantmoi.Uneseule erreur en public ruinerait tout.Les étudiants iraient raconter sur Internetquej’étaisunimposteur,unplouc.

MaisilrestaitunproblèmeUneintro,unnegetundémarquagesuffisaientengénéral à obtenir le numéro de n’importe quelle fille…mais je ne savais pasquoifaireensuite.Personnenemel’avaitdit.

Bon d’accord, en théorie, je connaissais la formule qu’employaitMysterypourlaconclu-langue.«Tuaimeraism’embrasser?»Maisçamepétrifiaitdelaprononcer.Aprèsavoirpassétantdetempsàétablirunlienavecunefille(une

demi-heuredanslaboîteouplusieursheuresànotrerendez-voussuivant,j’avaistrop peur de casser ce rapport de confiance. À moins qu’elle ne m’indiqueclairementquejel’intéressaissurleplansexuel,jepensaisquejeladécevraisenessayantdel’embrasser,etqu’ellecesseraitdemetrouverdifférentdesautres.

RaisonnementdePMF.Jedevaisencoremedébarrasserdemesréflexesdetypegentil.Pasdechance,Belgradearrivaittropvite.

Chapitre6

J’avaisapprisplusieurstoursdepasse-passe,unprincipedemagie–l’équivoque–, les fondamentaux des runes, et aussi à faire disparaître des cigarettesallumées.Ç’avaitétélevoyageenavionleplusprofitabledemavie.Nousvoilàdonc, Mystery et moi, à Belgrade sans doute au plus mauvais moment del’année.Neige fondueet verglas recouvraient les ruesqu’a empruntéesMarkopournousconduire à sonappartementdansuneMercedesgris argentde1987quicalaitdèsqu’ilpassaitlaseconde.

Ses cheveux gras coiffés en queue-de-cheval, Mystery, assis à l’avant, afarfouillé dans son sac à dos et en a sorti un long pardessus noir. Il en avaitremplacé lebaspardu tissunoirétoilé, legenrede trucqu’onportaitdans lesfoires à la Renaissance. Mystery s’était aussi confectionné une bague surlaquelle il avait peint un œil. Il était vraiment plus débile quemoi. Son plusgrand tour de magie consistait à se transformer tous les soirs en dragueursuperclasse.

«Ilvafalloirquetuteraseslecrâne,medit-il.—Nonmerci.Tu imaginessi jamaismoncrâneauneformebizarre,ousi

j’aidesmarquescommemonpère?—Regarde-toi.Tuportesdeslunettesparcequet’esbigleux.Etunchapeau

parceque tuperds tescheveux.Tuesblafard,ondiraitun fantôme.Et tun’aspasl’aird’avoirmislespiedsdansunesalledesportdepuisl’écoleprimaire.Tut’en sors bien parce que tu esmalin et que tu apprends vite.Mais le look, çacompteaussi.Tut’appellesStyle,alorsfaishonneuràtonnom.Allez:rase-toilatête,fais-toiopérerdesyeux,inscris-toidansunesalledesport.»

Débile,certes,maistrèspersuasif.SetournantversMarko,ill’ainterrogé:«ilyaunsalondecoiffure,parici?»Hélas, oui. Marko s’est arrêté devant un petit bâtiment dans lequel nous

sommes entrés tous les trois pour trouver un vieux Serbe tout seul dans saboutiquevide.Mysterym’afaitasseoir,aditàMarkodedemanderaucoiffeurdeme raser lepoulpe,puis a supervisé lesopérations afinde s’assurerquecederniermefaisaitbienlabouleàzéro.

« On ne choisit pas de perdre ses tifs, mais on peut choisir de devenirchauve. Si on te demande pourquoi tu as le crâne rasé, réponds, “Ils medescendaient jusqu’aux fesses,mais çame gênait qu’ils cachentmonmeilleuratout.”» Ilaéclatéde rire.«Oubien,“Engénéral,quandonpratique la luttegréco-romaine, on se rase la tête.” » J’ai mémorisé les deux répliques dansl’intentiondelesnoterplustardsuruneantisèche.

Quand le coiffeur a terminé,mon regard a croisé celui d’unmalade aprèschimio.

«C’estpasmal,aestiméMystery.Essayonsdevoirs’ilyaunsolariumdanslecoin.Enmoinsdedeuxtuvasressembleràunmafioso.

—OK,maispasquestiondemefaireopérerdesyeuxenSerbie.»Quand jeme suis retrouvé rasé et hâlé,ma première réaction a été deme

dire:Pourquoiai-jeattendusilongtemps?J’avaismeilleuremine.Surl’échellede la séduction, j’étais passé de 5 à 6,5. Cette expédition se révélait être uneexcellenteidée.

Marko semblait avoir besoind’un relooking, lui aussi.Grandgaillardbienbâti(1,90Âcm),plustrapuquelaplupartdesSerbes,ilavaitleteintolivâtreetunegrossetêteàlaCharlieBrown.Ilportaitunpardessus(unetailletropgrand),unépaispullBrooksBrothersgrischiné,etuncolroulécrèmequiluidonnaitdefauxairsdetortue.

Markoavaitétéincapabledevivresonrêve:fréquenterlahauteàlafindesesétudesenAmérique.Ilavaitdoncchoisiuncadreplusmodeste,laSerbie,oùsonpèreétaitunartistecélèbre.

Ilnousaconduitsàlachambrequiluiservaitd’appartement,quemeublaientun lit de camp et des lits jumeaux. Comme il n’avait ni sac de couchage, nicanapé,nousavonsdécidéd’utiliserleplusgranddesdeuxlitsàtourderôle.

PendantqueMysterysedouchait,Markom’aprisàpart.«Qu’est-cequetufabriquesaveccemec?—Dequoituparles?—Enfin…ilestcarrémentsuperficiel.Nous,onestallésàlaLatinSchool

deChicago.EtàVassar.Cemec-làn’apassaplacedanscegenred’endroit.Iln’estpasdesnôtres.

—Jesais,jesais.Tuasraison.Maisfais-moiconfiance,ilvachangertavie.—Onverra.Onverra.Lemoisdernier,j’airencontréunefille.Ellen’estpas

commelesautresetjeneveuxpastoutgâcher.AlorsfaisbiengaffequeMysterynefoutepastoutenl’airavecsestrucsdedragueur.Qu’ilnememettepasdansl’embarras.»

Markon’étaitpassortiaveclamoindrefilledepuissonarrivéeàBelgrade.Maisquelquesmoisplustôt,unpoteluiavaitfaitrencontrerunecertaineGoca–il était sûr que c’était celle qu’il lui fallait. Il sortait avec elle, lui offrait desfleurs,l’emmenaitaurestaurantetlaraccompagnaitchezelleenvraigentleman.

«Tuasdéjàcouchéavecelle?luidemandai-je.—Non,jenel’aimêmepasembrassée.—Banane,tutecomportescommeunvraipmf.Undecesquatre,ungarsva

aller la trouverdansunbaret luidire,“Vousycroyez,vous,auxsortilèges?”Puisill’embarquerachezlui.Elleveutdel’aventure.Etdusexeaussi.Commetouteslesfilles.

—Paselle.Ellen’estpascommelesautres.Ici,lesgensontplusdeclassequ’àLosAngeles.»

LesV2Dappellentçadelafixetteaiguë:unemaladiequelespmfattrapentquand ils sont obsédés par une fille avec laquelle ils ne peuvent ni sortir nicoucher;ilsontalorsl’airminabledevantelleetfinissentparfairefuirlafille.Leremède,c’estdesetaperunedizainedenanas–puisderetournervérifiersil’autreroseatoujoursunparfumhorsducommun.

Chapitre7

ÀBelgrade, pendant l’atelier, je portais un sacArmani noir grand comme unlivre broché, pourvu d’une bandoulière, que je pouvais jeter avec élégance entraversdemontorse.Vulesgadgetsetoutilsnécessairesauxtoursdemagieetauxapproches,lesquatrepochesd’unpantalonnesuffisaientpas.Ducoup,touslesV2Ds’étaientachetéunsac.Voicicequecontenaitlemien:

1PAQUETDECHEWING-GUMS,WRIGLEY’SBIGREDLemeilleur joueur dumonde ne réussira pas de conclu-langue s’il pue du

bec.1PAQUETDEPRÉSERVATIFS,TROJAN,LUBRIFIÉSNécessaire non seulement si on couche, mais aussi parce que ça aide

vachementdesesavoirprêt.1CRAYON,1STYLOPour noter des numéros, des remarques, faire des tours de magie et des

analysesdegraphologie.1BOUTDEPELUCHEPour l’introde lapeluche :approcherune femme, s’immobiliser, retireren

silenceleboutdepeluche(cachédanslapaumedevotremain)desesvêtements,demander«Depuisquandc’estlà,ça?»puisluitendreleboutdepeluche.5

1APPAREILPHOTONUMÉRIQUEPour lecoupdesphotosnumériques(Mystery)enprendreunepremièrede

soi avec la fille en souriant, ensuite une pose sérieuse et, enfin, une où ors’embrasse(joueoulèvres;.Puisvisionnerlesclichésavecelle.Àladernière,dire,«Onfaitunjolicouple,non?»Sielleacquiesce,c’estgagné.

1BOÎTEDETIC-TACPour le coup des Tic-Tac : prendre deux Tic-Tac. En manger un très

lentement.Donnerlesecondàlafille.Sielle/accepte,annoncer«J’aioubliédetedire.MesTicTacs’appellentReviens».Ilfautmelerendre.»Etl’embrasser.

BAUMEÀLÈVRES,EYE-LINER,PAPIERSMATIFIANTSMaquillagepourhomme(option).ANTISÈCHES,TROISPAGES

Une page de techniques sûres, en cas de trou demémoire.Deux pages denouvellestechniquesetrépliquesàessayer.

1PAQUETDERUNESENBOISDANSUNSACHETENTISSUPouranalysederunes.1CARNETPour les numéros, les remarques et l’intro du caricaturiste naze (Ross

Jeffries).Celle-ciconsisteàfaire trèssérieusement leportraitd’unefilleenluidisant « Ta beauté m’a inspiré un chef-d’œuvre », puis à lui montrer unesilhouette à deux balles sous-titrée « Fille plutôt pas mal dans une cafétéria,2005».

1COLLIERLUMINEUXRapportàlathéoriedupaon.FAUSSESBOUCLESD’OREILLESETPIERCINGDELÈVREEnoption.1PetitmagnétonumériquePourenregistrerlesmdendouceetpouvoirlesétudieraprèscoup.2 COLLIERS DE RECHANGE BON MARCHÉ, 2 BAGUES DE

RECHANGEÀ offrir à la fille après une conclu-T. Lui demander, « Tu n’es pas une

voleuse,n’est-cepas?»Puisretirer lentementlecollier(oulabague)et la luipasseraucou,l’embrasseretajouter,«Ilm’appartientencore.C’estpourquetute souviennes demoi.Quandon se reverra, tu devrasme le rendre. »La fillepartie,prendreuncollierderechangeetlemettre.

IPETITELUMIÈRENOIREPourdésignerlespeluchesetlespelliculessurleshabitsdesfilles–unneg.4ÉCHANTILLONSD’EAUXDECOLOGNEDIFFÉRENTESPoursentirbon.Etpourl’introdel’eaudeCologne:aspergezvospoignets

d’un parfum différent. Faites-les sentir à une fille. Demandez-lui lequel ellepréfère.Notezsaréponseaustylosurvotrepoignet.Àlafindelasoirée,faiteslestotauxetvoyezquelparfumvousvalemieux.

DiverstoursdemagieToutpour tordredes fourchettes, fairedisparaîtredescigaretteset soulever

desbouteillesdebièreparlévitation.Oui,jesortaislegrandjeu.Cen’étaitpasunesoiréeordinaire–monpremier

atelierentantqu’équipier–etj’avaisbesoindemontrerdequoij’étaiscapable.Jem’étais gardé de dire àMystery que les frais d’inscription à son atelier

correspondaient à six mois de salaire en Serbie. Du coup, la plupart de nos

étudiantsétaientdesétrangers.Ons’est tousretrouvésauBenAkiba,unbaràdeux pas de la place centrale de Belgrade. Exoticoption, un Américain, étaitvenuentraindeFlorenceoùilsuivaitsesétudes;Jerry,moniteurdeski,habitaitMunich;etSasha,deBelgrade,étudiaitenAutriche.

Les étrangers se jaugent en quelques secondes : mille petits détails, deshabits au langage corporel, se combinent et forment une première impression.Mystery etmoi avions pour tâche de régler les derniers détails et de faire desV2Ddecestroistypes.

Exoticoptionétaitcool;enfait,ilsedonnaittellementdemalqueseseffortsrisquaient de se retourner contre lui. Jerry avait beaucoup d’humour maisparaissait àpremièrevuechiant.QuantàSasha– il avaitbienbesoindenotreaide.Rienqu’accosterlesgensconstitueraitpourluiundéfi:ilressemblaitàungrosoisoncouvertd’acné.

Cettefois,c’étaitmontourdelesinterroger:«C’estquoi,tonscore?»«Àquelniveautucoinces?»«Tuaimeraiscoucheraveccombiendefilles?»

Exoticoption,vingtans,avaitconnudeuxfemmes.«L’approche,çava,j’aidu cran ; et j’ai déjà levé des canons, dit-il, posant nonchalamment le brasgauche sur un siège à côté de lui. Là où je coince, c’est pour séduire.Mêmequandjesensquejelesséduis,jen’arrivepasàconclure.»

Jerry, trente-trois ans, avait connu trois femmes. «Dans les cafétérias, lesendroitspastropbruyants,çavaencore,maisjenesuispasàl’aiseenboîte.»

EtSasha,vingt-deuxans,affirmaitavoirconnuunefemme,maisnousnousdemandions s’il n’exagérait pas juste un peu. « J’aime jouer parce que çamerappelleDonjonsetDragons.Quandj’apprendsunnegouunetechnique,c’estcomme si je recevais un nouveau sortilège ou une arme que j’ai trop envied’utiliser.»

L’un après l’autre, ils ontmis leurs peurs, et leursmagnétos, sur la table.Monboulot consistait à faired’euxdes joueurs. Jedevais transvaserdans leurtêtelecontenudelamienne.

La partie « cours magistral » de l’atelier était facile. Je devais seulementempêcherMystery de digresser – il adorait le son de sa propre voix – et leurpasserlematériel.Ledéfi,ceseraitladémo.

Pendant la discussion, nous avons envoyé les gars en mission à d’autrestables. Nous leur demandions d’aborder des cercles6, nous observions leurlangage corporel et les réactions des femmes, puis leur faisions part de nosimpressions:

«Tu te tenais troppenché, çaveutdireque tuesdans lebesoin.Tiens-toidroitetbalance-toisurtestalonscommesitupouvaist’enalleràtoutmoment.»

«Tuesrestétroplongtemps,çalesgênait.Tuauraisdût’asseoiretannoncerunecontraintehoraire.Par exemple, “Jenevaispasm’éterniser, il fautque jeretourne bientôt auprès demes amis.”Comme ça, elles n’ont pas peur que turestesavecellesjusqu’àpointd’heure.»

AvecSashaç’aétélacata.Ils’estempêtrédanssesintros,n’apaslevélesyeux du sol, et a fait preuve d’un manque total d’assurance. Les filles nel’écoutaientqueparpolitesse.

Aubar, j’ai remarquéune joliebruneetunegrandeblondequiarboraitunbronzage parfait ; elle avait des fossettes et des nattes à la Bo Derek. Ellesirradiaient l’énergie et la confiance. Ça s’annonçait coriace. J’ai donc envoyéSasha.

« Aborde ce c-2 », lui ai-je ordonné. Pas besoin d’être un joueur pourenvoyer unmec aborder un cercle. «Dis-leur que tu fais visiter la ville à despotesd’Amériqueetdemande-leursiellesconnaissentdesbonsendroitsoùlesamener.»

Unemission-suicide.Sashas’estapprochéd’ellespar-derrière,toutpenaud,et a essayé plusieurs fois de se faire remarquer.Après, il a dû batailler fermepourconserverleurattention.Commebeaucoupdemecs,ilcommuniquaitavecmollesse.Toutescesannéesd’insécuritéetd’ostracismesocialavaientreclussonespritetsajoiedevivreauplusprofonddesoncorps.Chaquefoisqu’ilouvraitlabouche,ellesn’essayaientmêmepasdecomprendrecequ’ilmarmonnait.Lemessageétaitclair:«Jesuisnépourêtreignoré».

«Val’aider,m’aditMysteryenlevoyantpataugeraveclablonde.—Quoi?—Vas-y.Val’aider.Fais-leurvoircommentons’yprend.»Lapeur, ça vous prendd’abord à la poitrine.Elle s’accroche doucement à

votrecœur,commeunétau.C’estalorsqu’onlasentagir.Votreestomacfaitunlooping.Votre gorge se serre.Vous avez beau avaler votre salive, en espérantpouvoir sortir un son clair et assuré, elle reste désespérément sèche. Mêmeentraînécommejel’étais,j’avaisunetrouillebleue.

En général, les femmes sont bien plus malignes que les hommes. Ellesrepèrentlesmenteursetlestocardsenunefractiondeseconde.UngrandV2Ddoit donc être en accord avec sa technique – y croire vraiment – ou bien unsuper-acteur.Un type qui parle à une femme tout en se demandant ce qu’ellepensedeluivadroitdanslemur.Pareilpourceluiquisefaitprendreentrainde

penseràcequelafilleadanslaculotteavantquesaproien’aitcommencéàsedemandercequeluiadanslepantalon.Laplupartdeshommessontcommeça.Sasha.Moi.Onn’ypeutrien:c’estdansnotrenature.

Mystery appelle ça l’homéostasie sociale dynamique. Nous sommes enpermanencemalmenésd’uncôtéparnotreenviedecoucheravecunefilleet,del’autre,parlebesoindenousprotégerpendantl’approche.D’aprèslui,cettepeurs’explique ainsi : l’évolution nous a destinés à une vie tribale, et lorsqu’unhomme est repoussé par une femme, la tribu entière l’apprend et le frapped’ostracisme;sesgènes,commeditMystery,sontalorsexpulsésdupatrimoine.

Tout enm’approchant des deux filles, j’essayais d’expulser la peur demapoitrine et d’évaluer la situation de façon rationnelle. Son problème, à Sasha,c’étaitsaposition.Lesfemmesfaisaientfaceaubar,illesavaitabordéesdedos,ellesavaientdoncdûsetournerpourluirépondre.

Maispoursedébarrasserdelui,ellesn’avaientqu’àrefairedemi-tourverslebar.

J’ai regardé par-dessus mon épaule. Mystery et les autres étudiantsm’observaient.Ilfallaitbiencalculerl’arrivée.Donc,j’aiattaquépariagauche,ducôtédelabrune–l’obstacle,commediraitMystery

Mon«Salut»estsortispéniblement-jemesuiséclaircilavoix«C’estmoi,l’amidontSashavousparlait.Alors,quellesboîtesvousnousrecommandez?»

Soupir de soulagement aussi général que silencieux : quelqu’un venaitarrondirlesangles.

«Ben…LeReka,c’estpasmalpourdîner,affirmalabrune.Etsurlefrontde mer, il y a des super-bateaux comme le Lukas, le Kruz et l’Exil.L’UndergroundetleRa,çavautlecoupaussi,maisc’estpasmongenre.

—Tiens,pendantqu’onyest,jevaisvousdemandervotreavissuruntruc.»Jereprenaismesmarques.«Vousycroyez,vous,auxsortilèges?»

Cetteintro-là,jelamaîtrisaisbien–l’histoired’uncopaintombéamoureuxd’une femme qui lui avait subrepticement jeté un sort. Bref, je laissais mabouche parler et élaborais pendant ce temps une stratégie. Je devais merepositionnerprèsdeBoDerek.Ehoui, jem’apprêtaisàvoler lacibledemonétudiant.Personnenemeferacroirequejefichaissonplanenl’air.

À la fin demon intro, je leur dis : « Je vous demande ça parce que je necroyaispasàcegenredetrucjusqu’àtrèsrécemment.»Puis,m’adressantàlablonde:«Jevaistemontrerquelquechose.»

Jesuisalorspassédel’autrecôtédestabouretsetmesuisretrouvéàcôtédemacible.

J’étais en tête à tête avec elle, je n’avais plus qu’àm’asseoir – autrement,j’auraispulamettremalàl’aiseenrestantcommeçadebout.Etcommeiln’yavaitpasdetabouretdelibre,j’aidûimproviser.

«Donne-moitesmainsetlève-toiuneseconde.»Aussitôt la fille debout, j’ai pivoté etme suis assis sur son tabouret.Cette

fois,j’avaispénétréleurcercle,etc’estellequiseretrouvaitplantéeau-dehors.Unchef-d’œuvredelasciencedel’approche,commeunebonnepartied’échecs.

«Jeviensdetevolertaplace»,m’esclaffai-je.Elleasourisetm’adonnéunpetitcoupdepoingtaquinàl’épaule.Lapartie

avaitcommencé.«Jeplaisante.Nebougepas.Onvafaireunpetittestdetélesthésie.Jen’en

aiquepouruninstant.Aprèsjeterendstonsiège.»Jemesuisplantésurlechiffreauquelellepensait(10)maisleprocessuslui

plaisaitquandmême.Pendantquenousparlions,aprèscetteexpérience,Mysterys’est approché de Sasha et lui a demandé d’occuper la brune afin qu’ellemelaissemacible.

Marko avait raison : les nanas étaient terribles ici. Elles étaient aussiextrêmement intelligentes et, à mon grand soulagement, elles parlaient mieuxanglais quemoi. J’adorais l’écouter parler, cette fille ; elle était passionnante,cultivéeetavaitdécrochéunmastèredegestion.

Quandestvenuel’heuredepartir,jeluiaiavouéquej’aimeraisbeaucouplarevoiravantderentrerauxÉtats-Unis.Elleasortiunstylodesonsacetm’anotéson numéro. J’ai senti l’approbation de Mystery-et celle des étudiants. Styleassurait.

CommeSashaparlaitàlabrune,jeluiaimurmuréàl’oreille,« Dis-lui qu’on doit partir et demande-lui son mail. » Il s’est exécuté et,

roulementdetambour,elleluiadonnésonmail.Nous avons retrouvé les autres puis quitté le café. Sasha était un homme

nouveau. Rouge d’excitation, il sautillait dans la rue comme un gosse, enchantantenserbe.Àsafaçon,maladroite,ilétaitlui-même.C’étaitlapremièrefoisqu’unefilleluidonnaitsonmail.

«Quelpied,s’extasiait-il.C’estsûrementleplusbeaujourdemavie.»Lesjournauxneparlentquedeça:ungrandnombredecrimesviolents–du

kidnappingàlafusillade–sontlerésultatdespulsionsetdesdésirsfrustrésdeshommes.EnsocialisantdestypescommeSasha,Mysteryetmoiconcourionsàsécuriserlemonde.

Mystery m’a passé un bras autour du cou et fourré ma tête dans sonpardessusde sorcier. « Je suis fierde toi.Pas seulementparceque tu as eu lafille.C’estsurtoutquelesétudiantsaientvuçadeleursyeux,qu’ilscroientquec’estpossible.»

J’ai alors entrevu le mauvais côté de toute cette aventure. Un gouffres’ouvraitdansmatêteentreleshommesetlesfemmes.Jecommençaisànevoirles femmes que comme des instruments demesure censésm’indiquer où j’enétais niveau drague. Elles étaient mes mannequins de crash-test, identifiablesuniquementàleurcouleurdecheveuxouàdesnuméros–une7/10blonde,unebrunette10/10.Mêmeengrandeconversation,quandunefemmemeparlaitdesesrêvesetdesespointsdevue,jemecontentaisdecocherdescasesdansuncompte rendu. Je développais une attitude malsaine, à force de côtoyer deshommes.Etleplustroublant,c’estquecenouvelétatd’espritsemblaitm’attirerplusdesuccèsauprèsdesfemmes.

Marko nous a conduits au Ra, une boîte de nuit à thématique égyptiennegardéepardeuxAnubisenbéton.Dedans,pasunchatoupresque.Misàpartlesvideurs et les barmen, il n’y avait qu’un groupe bruyant de neuf Serbesagglutinéssurdestabouretsautourd’unepetitetableronde.

Nousallionsfairedemi-tour lorsqueMysterya repéré,parmi lecercle,unefilleisolée.Jeuneetmince,elleavaitdelongscheveuxnoirsetportaituneroberouge qui dévoilait des jambes parfaitement dessinées. C’était injouable : elleétaitentouréedemecstrapus,touscoiffésenbrosse.D’anciensmilitaires,àtouslescoups;ilsavaientsansdoutetuédesgens,peut-êtremêmeàmainsnues.EtMysteryadécidédes’attaqueràeux.

Ledragueurfaitl’exception.«Viens,m’a-t-ildemandé.Colletesmainsl’uneàl’autre.Etquandjetele

dirai,faiscommesitunepouvaispaslesécarter.»Ilafaitsemblant,grâceàl’artdel’illusion,demescellerlesmains.J’aifait

semblantd’êtrestupéfait.Cetteagitationaattirél’attentiondesvideurs,quiluiontdemandéd’essayer

sur leurs grosses paluches. Au lieu de ça, Mystery leur a exécuté le tour del’arrêtdelamontre.Bientôt,lepatrondelaboîteluioffraitàboire,etlesSerbesattablés–ycomprissacible–avaientinterrompuleurdiscussionpourobserverMysterybouchebée.

Celui-ciaexpliquéauxétudiants:«Sivousfaitesensortequ’unefillevousenvie,voussaurezl’ameneràcoucheravecvous.»

Deux principes étaient à l’œuvre. Le premier : Mystery faisait preuve desociabilité en gagnant l’attention et l’approbation du personnel de la boîte.Lesecond:iltroquait–c’estàdirequ’ilutilisaitungroupepours’immiscerdansunautre,moinsfaciled’accès.

En coup de grâce,Mystery a dit au taulier qu’il pouvait faire léviter unebouteilledebière.IlestalléemprunterunebouteillevideàlatabledesSerbes,puisill’afaitflotterdevantluiquelquessecondes.Ilavaitalorsintégrélegroupedesacible.Ilaexécutéquelquestourspourleshommestoutenignorantlafillependantlescinqminutesréglementaires.Ilestensuitepasséàl’étapesuivante,luiaadressélaparolepuisl’aisoléesuruncanapé.Ilavaittroquétoutelaboîterienquepourelle.

Commelafilleneparlaitpastrèsbienanglais,MysteryafaitappelàMarko.L’opérationadurépluslongtempsqueprévuparcequeMysteryadûconvaincrelafillequ’ilnedonnaitnidanslasorcellerie,nidanslamagienoire.«Riendecequetuasvucesoirn’estvrai,a-t-ilavoué,viaMarko.J’aitoutmanigancépourpouvoirteparler.C’estuneillusion.»

Ils ont fini par échanger leurs numéros – « Je ne peux te promettre riend’autrequ’uneconversation»,a-t-ilditparl’intermédiairedeMarko.Aprèsquoinous avons reformé notre groupe pour quitter la boîte.Mais entre la porte etnousestvenus’interposerunmagdelafameusetable.Ilportaitunt-shirtnoirmoulant qui révélait un physique impressionnant. À côté, Mystery avait l’aird’unegonzesse.

«Alors,lemagicien?Elleteplaît,Natalija?—Natalija?Nousdevonsnousrevoir.Situn’yvoispasd’inconvénient.—C’estmacopine.Tul’approchespas,t’entends?—Ça, c’est à elle de le décider », a répliquéMystery en s’approchant du

mag.Cetidiotnereculaitpas.J’observaislesmainsdumag,medemandantàcombiendeCroatesilavait

putordrelecou.Lemagarelevéunpeusont-shirt,pournousmontrerlacrossed’unpistolet.«Etça,magicien,t’arrivesaussiàleplier?»Cen’étaitpasuneinvitation,maisunemenace.Markos’esttournéversmoi,prisdepanique:« Il va nous tuer. Cesmecs sont presque tous des anciens soldat ; et des

mafieux.Çaleurfaitriendebuterquelqu’unpourunehistoiredefille.Mysteryapassélamainsurlefrontdumag.

—Tuasvuquand j’ai soulevé labouteilledebièresansmême la toucher.Ellepèsecinqcentsgrammes.Alorsessaieunpeud’imaginercequejepourraisfaireauxpetitescellulesdetoncerveau.»

Ilaclaquédesdoigtspoursuggérerl’explosiond’unneurone.Le mag a braqué son regard dans celui de Mystery, cherchant à voir s’il

bluffait. Mystery l’a soutenu avec aplomb. Une seconde s’est écoulée. DeuxTrois.Quatre.Cinq.Çamerendaitdingue.Huit.Neuf.Dix.Lemagarabaissésont-shirtsurleflingue.

Mystery avait un avantage : c’était la première fois qu’un magicien seproduisait àBelgrade.Des tours demagie, les Serbes n’en avaient vu qu’à latélé.AlorsquandMysteryaréfutéenuninstantlacertitudequelamagieétaitunsimpletrucagevidéo,lasuperstitionafaitsonœuvre.

Le mag est resté planté là, muet, pendant que Mystery quittait le clubindemne.

Chapitre8

Certainesfillesnesontpascommelesautres.Du moins Marko le croyait-il. Tout ce qu’il avait vu pendant l’atelier de

Mystery ne suffisait pas à le convertir : Goca était différente, insistait-il. Ellevenait d’une bonne famille, avait de l’éducation et des valeurs morales,contrairementàtoutescestraînéesmatérialistes.

J’avais déjà entendu des dizaines de gars entonner la même rengaine. Etj’avaisentenduàpeuprèsautantdefemmesperspicacesaffirmer«Avecmoi,çanemarcheraitpasquandjeleurparlaisdelacommunauté.Etpourtant,quelquesminutesouquelquesheuresplustard,jelesvoyaiséchangerdesnuméros–oude la salive – avec l’un des dragueurs. Plus une fille est maligne, mieux çamarche.Lesfêtardes,cellesquisouffrentdetroublesdel’attentionnerestentengénéralpasassez longtempsenplace.Unefilleplussensible,expérimentéeoucultivée,elle,écouteetréfléchit,etlavoilàbientôtpriseaupiège.

Et nousvoilà donc,Mystery etmoi, de sortie pour laSaint-Sylvestre avecMarkoetGoca–l’objetdesafixetteaiguë.Markoaenfiléuncostumegrisetestpassé prendreGoca à 20 heures, il a fait le tour de la voiture, lui a ouvert laportière et offert une dizaine de roses. Elle donnait l’impression d’êtreintelligente, brillante et bien née. Elle était petite, avait de longs cheveuxchâtains,dejolisyeuxetunsourireunpeuplusprononcéd’uncôté.Markoavaitraison:elleétaitdecellesqu’onépouse.

Aurestaurant,onnousaserviunrepastraditionnelserbe–fortenpoivronsetvianderouge.Côtémusique,c’étaitl’anarchie:quatrefanfaressillonnaientlessallesenbraillantunecacophoniedemarchesmilitaires.J’aiobservéMarkoetGocatoutelasoirée,curieuxdevoircommentilss’entendaient.

Ilsétaientmalàl’aise,assiscôteàcôte.Ilsneseparlaientquepourévoquerles formalités de la soirée : menu, service, ambiance,” Trop drôle quand leserveurt’adonnémonsteak,ha,ha.»Toutecettetensionmeflinguait.

Marko n’avait rien d’un dragueur-né. À l’école, il n’avait jamais eubeaucoup de succès, en grande partie à cause de ses origines, de son surnom(«Têtede-citrouille»)etdesonadhésionauclubdes jeunesrépublicains.Six

ans plus tard, sa situation était sans doute pire que lamienne,moi aumoins,j’avaisembrasséunefille.

A la fin, ilavaitentreprisdesdémarchesvis-à-visde l’autresexe. Il s’étaitacheté une veste en cuir, inventé des ancêtres aristocrates, fait une coupe a laTerence Trent D’Arby et acheté sa première Mercedes. Tout cela lui avaitrapporté un peu d’attention, et même quelques amies. Mais ce n’est qu’entroisième année qu’il s’était senti suffisamment à l’aise auprès des filles pourcommenceràsedéshabillerdevantelles.Etça,illedevaitengrandepartieàunnouvel ami, un étudiantplus jeunedunomdeDustin.CespremièresvictoiresétaientsidoucesqueMarkoestresté troisansdeplusà lafac, jouissantd’unepopularitégagnéedehautelutte.

Entre autres habitudes bizarres, Marko aime prendre d’interminablesdouches tous les soirs. Personne ne sait expliquer de façon plausible ce qu’iltrafiquelà-dedanscarçan’apasdesens–semasturber,parexemple,prendbienmoins de temps. Si vous avez une théorie à ce sujet, merci de l’envoyer à[email protected].

Après avoir vuMarko rester comme un con à côté de Goca pendant uneheure,j’aicraqué.J’aisortimonappareilphotoetleuraifaitle-coupdesphotosnumériques,jeleuraidemandédeseprendreenphotosourireauxlèvres,puislaminegrave,etenfinl’airpassionnéentraindesedonnerunbaiser,parexemple.MarkoatendulecouversGoca,commeunpoulet,etluiaclaquéunebise.

«Non,unvraibaiser!»Cesdeuxsoi-disantpromism’ontalorsfaitlebaiserleplusmaladroitquej’aiejamaisvulorsqueleurslèvressesontentrechoquées.

Aprèsledîner,Mysteryetmoiavonssemélaterreurdanslesdeuxsallesdurestauendansantaveclesvieillards,faisantdestoursdemagieauxserveursetflirtantauhasardaveclesfemmesmariées.Quandnoussommesretournésnousasseoir,rayonnants,lesyeuxdeGocaontcroisélesmiens;uninstant,unelueurasemblé les traverser,commesi la jeunefemmecherchaitquelquechosedansmonregard.C’étaitunidi,jel’auraisjuré.

Ce soir-là, j’ai été réveillé par la présence d’un corps étranger sous lescouvertures.C’étaitmontourdepartagerlelitavecMarko,maisaulieudemonami, une femmem’avait rejoint sous lesdraps. Je sentaisdeuxmains caressermoncrânenouvellementrasé.

«Goca?!—Chut»,a-t-ellefaitenmesuçantlalèvresupérieure.Jemesuisécartéd’elle.«Mais,etMarko?

—Ilprendsadouche.—Luiettoi,vousavez…?—Non»,a-t-elleréponduavecunméprisquim’asurpris.Lecourant étaitbienpasséentreelle etmoi, ce soir-là ;mêmechoseavec

Mystery. Elle lui avait d’ailleurs fait des avances qu’il avait feint de ne pasremarquer.Passifacilequandelleestdansvotrelit,dansvosnarines,dansvotrebouche.Biensûr,elleavaitunpeubu,maisl’alcooln’ajamaispousséquiconqueàfairecequ’ilneveutpasfaire.Ilpermetsimplementdebriserlesbarrières.Etlà, j’avais comme l’impression que Goca voulait être avec un homme quipossédait,delapremièreàlasixième,lescinqqualitésd’unmâlealpha.

Ilestfacilededirequ’onnedoitpascoucheravecunefillequevotrecopaingardeàl’œil.Maisquandellepressesoncorps,soumise,contrelevôtre;quandvos narines sont remplies de son après-shampooing (parfumé à la fraise) ; etquandlenuagedepassioncrééparsondésiracommencéàvousenvelopperl’unetl’autre…essayezunpeudedirenon.C’esttrop…justelà,quoi.

JepassaislesmainsdanslescheveuxdeGocaetpromenaismesonglessurson cuir chevelu, ce qui la faisait frissonner de plaisir. Nos lèvres se sontrejointes,noslangues,nospoitrines.

Jenepouvaispasfaireça.«Jenepeuxpasfaireça.—Pourquoi?—ÀcausedeMarko.—Marko?»Commesiellen’avaitjamaisentenduceprénom.Ilestgentil,

maisc’estjusteunami.—Ecoute.Ilvautmieuxquetuyailles.Markonevaplustarderàsortirdela

douche»Cinquanteminutesplustard,Markoestsortideladouche.Jelesaientendus,

Gocaetlui,s’engueulerenserbedansl’entrée.Uneporteaclaqué.Markoestvenusetraînerdanslachambreets’esteffondrésursoncôtédu

lit,«Alors?»Iln’étaitpasdugenreàmontrersesémotions.«Jem’inscrisauprochainatelierdeMystery.»

Chapitre9

Je n’arrivais pas à le franchir, ce foutu fossé. Elle était là, ma Bo Derek aumastèredegestion,àcôtédemoisurlecanapéd’uncafé.Sacuisseeffleuraitlamienne.Ellejouaitavecsescheveux.Etjeflippais.

LegrandStyle,l’apprentiV2DaumagnétismesipuissantqueMarkopassaitpourunpmfauprèsdesongrandamour,Style,donc,avaitpeurd’embrasserunefille.

À l’intro, j’avais été génial, mais depuis, je calais. J’aurais dû régler leproblèmeavantBelgrade.Maisc’étaittroptard.Jefoiraisl’affaire.Lerejetetlemalaiseconsécutifm’effrayaient.

Pendantcetemps,Mysterys’ensortaittrèsbienavecNatalija,detreizeanssacadette. Ilsn’avaient rienencommun,pasmême la languequ’ilsparlaient.Maisilsétaientassiscôteàcôte.Lesjambescroisées,Mysterysetenaitunpeuen retrait, forçant Natalija à faire un effort pour capter son attention. Elle sepenchaitverslui,unemainsursongenou.

J’ai ramenéma conquête chez elle après le café. Ses parents n’étaient pasencorerentrés.Jen’avaisqu’àdire,«Jepeuxutiliserlestoilettes?»etj’auraispumonter. Impossible de sortir unmot. D’innombrables approchesm’avaientaidé à réduire ma peur du râteau, et les autres voyaient à présent en moi undragueurprometteur.Maisjesavaisaufonddemoi-mêmequejen’étaisqu’unvirtuosedel’approche.DevenirunV2Dmedemanderaitdefranchirunobstaclebienplusimposant:macrainted’êtrerejeté.

Durantmesrecherches,j’avaisluMadameBovary,deGustaveFlaubert.Etjemerappelaislestrésorsd’obstinationauxquelsavaitdûrecourircedandydeRodolpheBoulanger de laHuchette pour obtenir un simple baiser d’Emma lamalmariée.Maisquandill’avaitpersuadéedecapituler,çaavaitétégagné.Elleétaitdevenueobsédéeparlui.

L’une des tragédies de la vie moderne, c’est que, dans l’ensemble, lesfemmes n’ont pas beaucoup de pouvoir dans la société, malgré toutes lesavancées du siècle dernier. Par contre, le choix sexuel reste un des raresdomainesoùellesgardentlecontrôlesansconteste.Cen’estquelorsqu’ellesontfait leurchoix,etqu’elless’ysontsoumises,que la relations’inverse–etque

l’hommeretrouveunepositiondepuissance.Çaexpliquepeut-êtrelaprudencedontellesfontpreuveavantdecéder–àlagrandefrustrationdeshommesauxquatrecoinsduglobe.

Sionveutexcellerdansunsecteur,ondoittoujoursfranchirdesobstaclesoureleverdesdéfis.Lesculturistesappellentçalapériodedesouffrance.Ceuxquin’ont pas peur de l’effort, qui sent prêts à affronter la douleur, l’épuisement,l’humiliation, les rebuffades, ou pire encore – ceux-là deviendront deschampions.Lesautresresterontsurlatouche.Pourréussiràséduireunefemme,pourlaconvaincredeprendrelerisquededireoui,jedevaisgagnerenaudaceetaccepterdequittermonabri.C’estenregardantMysteryconquérirNatalijaquej’aiappriscetteleçon.

«Jeviensdemefairecouperlescheveux,luia-t-ilditensortantducafé.J’aipleindepoilsquimegrattentdanslecou.Ilfautquejeprenneunbain.Viensmelaver.»

Natalijan’apastrouvél’idéegéniale–réactionprévisible.”Soit,trèsbien,luiaréponduMystery.Jemecasseparcequej’aivraiment

besoindecebain.Aplus.»Tandis qu’il s’éloignait, le visage de Natalija se décomposait. La pensée

qu’elle ne le reverrait peut-être plus jamais lui a traversé l’esprit Mysteryappelaitçaunefaussesortie.Ilnepartaitpasvraiment;maisilenavaitpersuadélajeunefille.

Mysteryacomptécinqpasavantdeseretourneretdeluidire:«Depuisunesemaine,j’habitedansunappartmerdique.Làjevaisprendreunechambredansunhôtelpourpouvoirmelaver.»Ilaindiquél’hôtelMoskva,danslamêmerue.« Tu as le choix, soit tu viens avec moi, soit tu reçois un email dans deuxsemaines,àmonretourauCanada.»

Natalijaahésitéuninstantpuisluiaemboîtélepas.J’aialorscompris l’erreurquejecommettaisdepuis toujours :pourobtenir

unefemme,ondoitêtreprêtàcourirlerisquedelaperdre.Quandjesuisrevenuàlamaison,Markopliaitbagage.«Jesuissouslechoc,dit-il.J’aiessayédetoutfairecommeilfaut.Gocaa

détruitledernierespoirquejeplaçaisdanslesfemmes.—Ettuvasfairequoi?Rentrerdanslesordres?—Non,jeparspourlaMoldavie.—LaMoldavie?—Ouais.C’estdelàqueviennentlesplusbellesfillesd’Europedel’Est.—Çasetrouveoù?

—C’estuntoutpetitpaysquifaisaitpartiedelaRussie,avant.Lavien’yestpaschère.Ettun’asqu’àdirequetuesaméricainpourquelesfemmessejettentsurtoi.»

Pourmoic’estclair:siquelqu’unaenvied’allerdansunpaysdontjen’aijamaisentenduparleretquin’estpaspourriparunerévolution,jefonce.Lavieestcourte,lemondevaste.

Parenthèse : nous ne connaissions personne qui soit allé en Moldavie, nimêmequisacheprononcerlenomdelacapitale.Chisinau.Jenevoyaisdoncpasde meilleure raison de partir, l’aime l’idée d’associer des faits réels, desémotions, des expériences, à une forme colorée sur une carte. Et je melanguissaisdevoyageravecMystery.Nousallionsvivredesaventures làoù lachancenousmènerait–j’enrêvaisdepuistoujours.

Chapitre10

Danslavie,raressontlesmomentsplusrichesenpossibilitésqueceuxoùl’onest en voiture, réservoir plein, la carte d’un continent entier devant soi lemeilleur dragueur dumonde installé sur la banquette arrière. On se dit qu’onpeutalleroùonveut.Qu’est-cequ’unefrontière,aprèstout,àpartunpostedecontrôleindiquantquevousavezatteintunenouvelleétapedevotreaventure?

Bon, c’est peut-être vrai dans la plupart des cas,mais admettonsquevousayez à finir la dernière édition de la carte de l’Europe de l’Est pour RandMcNally.Etqu’ilyaitunminusculepaysàlafrontièredelaMoldavie–peut-être un État communiste renégat – qu’aucun gouvernement ne reconnaît nidiplomatiquementniautrement.Vousfaitesquoi?Vousl’incluezdanslacarte,oupas,cepays?

Un magicien, un faux aristo et moi-même traversions l’Europe de l’Estlorsquenousavonstrouvé,parhasard, laréponseàcettequestion.Jusque-là levoyageavaitétéstérile.Mysterysepelotonnaitàl’arrièresousunecouverture,incapable de se débarrasser de sa fièvre. Indifférent au spectaculaire paysageenneigé qui défilait devant nous, il gémissait, son chapeau enfoncé jusqu’auxyeux. De temps en temps, il reprenait du poil de la bête et vidait son âme.Chaquefois,lecontenudesespenséestraçaitunecarted’unautregenre.

« Mon plan, c’est une tournée promo dans les boîtes de strip-teased’AmériqueduNord.Ilnemerestequ’àtrouverunbonnuméropourlesstrip-teaseuses. Tu pourras être mon assistant, Style. Imagine un peu : toi et moifaisantlatournéedesboîtesdestrip,onemmèneraittouteslesfillesauspectaclelelendemain.»AprèsquelquesjoursdecalmeplatàChisinau–oùiln’yavaitde jolies filles que dans les magazines et sur les affiches – on s’est dit,«Pourquois’arrêter là?»Odessan’étaitqu’àun jetdepierre.L’aventurequenousrecherchionsnousattendaitpeut-êtreunpeuplusloin.

NousavonsdoncquittéChisinauunvendredi,danslaneigeetlefroid,pournousdirigerverslenord-est,lafrontièreukrainienne.Surlesroutesimmaculées,ondevaitserepérerauxtraînéesdeglacequis’étiraientàl’horizon.Onseseraitcrudansuneépopéeromantiquerusse:lesbranchesd’arbresétaientnappéesdegivrecristallisé,etlesvignesgeléesrecouvraientlepaysagevallonné.Lavoiture

empestaitlafuméedesMarlborogrilléesàlachaîneetlabouffedechezMcDo;chaquefoisquelevéhiculecalait,ongaléraitunpeupluspourleredémarrer.

Maistoutcelabientôtestdevenulecadetdenossoucis.Cequi,surlacarte,s’annonçait commeun trajet de quarante-cinqminutes a fini par nous prendrepasloindedixheures.

Nousavonscomprisquenousn’étionspasauboutdenospeineslorsdelatraverséeduDniestr,aupassaged’unpostedecontrôlemilitaire–avecvoituresde flics, bunkers camouflés de chaque côté, et un char énorme braquant soncanonsurlaroute.Nousnoussommesretrouvésdansunefilededixvéhicules,mais un officier nous a fait signe de nous déporter et de passer le poste sanscontrôle.Pourquoi?Nousnelesauronsjamais.

Mystery s’emmitouflait davantage dans sa couverture. » Je pense à uneversion du tour du couteau dans le ventre. Style, tu crois que tu pourrais tedéguiseretaller jouer les fanfaronsdans lasalle?Après, je te faismontersurscèneettut’assoissurunechaise.JemetsStuckintheMiddlewithYou,commedansReservoirDogs,et là je te traverse leventreavecmonpoing.J’agitemesdoigtsquand ils ressortent.Ensuite, je tesoulève,empalésurmonbras. Il fautquetufassesçaavecmoi.»

L’autresignequequelquechoseclochaitestapparuàunestation-serviceoùnous avons fait le plein de sandwichs. Nous voulions payer en lei moldaves,mais le patron n’acceptait pas cettemonnaie.Nous lui avons donc donné desdollars U.S et il nous a rendu la monnaie en roubles (ce qu’il appelait desroubles). En y regardant de plus près, nous avons remarqué que chaque pièceétaitfrappéed’unefaucilleetd’unmarteau.Plusétrange:ellesdataientdel’an2000,neufansaprèsl’effondrementdel’URSS.

Mystery a enfoncé son chapeau jusque sous son nez, il parlait avec lagrandiloquenced’unM.Loyal.«Mesdamesetmessieurs,annonça-t-ildepuislabanquettearrière,ils’estélevéau-dessusdeschutesduNiagara,ilasurvécuàunsaut depuis le Space Needle… j’ai l’honneur de vous présenter la star desillusionnistes,l’intrépideMystery!»

Lafièvre,sansdoute.Par lasuite,nousavonscommencé,Markoetmoi,àrepérerdesstatuesde

Lénine et des affiches du PC par la vitre. L’une d’elles montrait une petiteportiondeterritoirerecouvertesurlagauched’undrapeaurusseetsurladroited’undrapeaurougeetvert.CommeMarkobaragouinaitlerusse,ilm’atraduitlalégende,quiappelaitàlaréunificationdel’URSS.Onétaitoù,là?

« Imagineunpeu :Mystery, le super-héros.»LeditMystery s’estmouchédansuneloquedemouchoir.«Jepourraisavoirmondessinanimé,mabd,mafigurineetmonfilm.»

Toutàcoup,unpolicier(dumoinsuntypeenuniforme)s’estplantédevantnotrevoiture,unradaràlamain.Nousroulionsàquatre-vingt-dix,nousdit-il–dixkilomètres/heureau-dessusdelalimite.Auboutdevingtminutes,etcontreun bakchich de deux dollars, il nous a laissés filer. Nous plafonnions alors àsoixante-quinze,maisquelquesminutesplustard,unautreflicnousademandédenousarrêter,pourlemêmemotif.Nousn’avionsaperçuaucunpanneau,maisilaffirmaitquelavitesselimiteavaitchangédepuisundemi-kilomètre.

Dix minutes plus tard, délestés de deux dollars supplémentaires, nousrepartions – à cinquante-cinq, par précaution. En un rien de temps, le mêmemanèges’estreproduit,maiscettefoisparcequenousroulionsendessousdelavitesseminimale.C’étaitbienlepayslepluscorrompuaumonde.

« Il faut que je prépare un spectacle d’une heure et demie. D’abord, uncorbeausurvolelesspectateursetvaseposersurlascène.Là–badaboum–ilsetransformeenmoi.»

Àlafrontière(enfin!),deuxpoliciersarmésnousontdemandénospapiers.Nousleuravonsmontrénosvisasmoldaves, ilsnousontditquenousn’étionsplusenMoldavie.Ilsnousontmontréunpasseport local–unvieuxdocumentdatant de l’ère soviétique – et ont gueulé quelque chose en russe. D’aprèsMarko,ilsvoulaientquenousretournionsaupostedecontrôlesurleDniestr(àtroispots-de-vindelà)pourobtenirdespapiersenrègle.

« Jem’habillerai enMystery, avecbottesà semellescompenséeset tout letralala.Finislescostumestroispièces.J’aurailelookgothique,celuidesclubs.Jeleurparleraidemonenfance,quandjejouaisdanslegrenieravecmonfrèreetquejerêvaisd’êtremagicien.Etlàjeremontedansletemps,jemetransformeengosse.»

QuandMarkoarefusécatégoriquementdefairedemi-tour,lepolicierasortisonarme,l’abraquéesurlui,puisluiademandédesclopes.

«Oùsommes-nous?luifitMarko.—ÀPridnestrovskaia»,réponditfièrementleflic.Vousn’aviez jamais entenduparler dePridnestrovskaia (laTransnistrie, en

français) ? Pas de panique, nous non plus. La Transnistrie n’est pas plusreconnue au niveau diplomatique qu’elle ne figure sur les cartes et dans lesguides. Mais quand un douanier vous braque son flingue sur le ventre, laTransnistriedevientd’uncouptrèsréelle.

« Je ferai une expérience scientifique : je ferai voyager un laborantin parInternet.Leclou,ceseraunhold-upetunedisparitionàl’intérieurd’unecage.Donc,ilmefautunpetitgarçon,uncorbeau,toi,unmecpourfairelelaborantinetdeux,troisfigurantspourlesgardesdelabanque.»

MarkoadonnéaudouaniersonpaquetdeMarlboroet s’estmisàdiscuteraveclui.Lemecn’apasunefoisabaissésonarme.Auboutd’unlongéchange,Markoagueuléquelquechoseetatendulesmains,commes’ilexigeaitqu’onlemenotte.Saufqueleflicestallédanssonbureau.QuandMarkoestremontéenvoiture,jeluiaidemandécequ’ilavaitdit.

«Jeluiaidit,“Autantm’arrêter,parcequejeneferaipasdemi-tour.”»Çaseprésentaitmal.Mystery a passé la tête à l’avant de la voiture. « Imaginez un peu. Une

afficheavec justemesmains,mesonglesnoirs, et lemotMysteryendessous.Étonnant,non?»

Pourlapremièrefois,jemesuisénervéaprèslui.«Merde,c’estpaslemoment.Regardeunpeucequisepasse.—Nemedispascequej’aiàfaire.—Onestàdeuxdoigtsdefinirentaule.Tesconneries,toutlemondes’en

branle.Ilyadoncrienquiexiste,àparttagueuleettonspectacleàlacon?—Écoute,sic’estçaquetuveux,OK.Descendsdevoiturequ’ondiscute.»Mystery me dépassait d’une bonne tête, et l’endroit grouillait de soldats

armés.Pasquestiondedéconner.Maisj’étaistellementencolèrequej’aifaillimelaisserconvaincre.Mysteryn’avaitétéqu’unpoidsmortduranttoutletrajet.Peut-être que Marko ne se trompait pas : Mystery n’était pas des nôtres. Iln’avaitpasfaitlaLatinSchooldeChicago.

J’ai inspiréprofondémentetregardéauloin,essayantdemecontenir.Quelnarcissique,cemec.Ilétaitcommeunefleurquis’épanouitquandonluidonnedel’attention(positiveounégative)etquifanequandonl’ignore.Lathéoriedupaonneservaitpasqu’àséduirelesfillesmaisavanttoutàattirerl’attention.Lesimplefaitdechercher labagarrese résumaitàça,vuque je l’ignoraisdepuiscentcinquantekilomètres.

Celadit,quandj’aijetéunœildanslerétroetl’aivusurlabanquettearrière,sonchapeausurlesyeux,entraindebouder,jemesuismisàleplaindre.

«Jenevoulaispasterembarrer.—J’aimepasqu’onmedisecequej’aiàfaire.Monpèrefaisaitçatoutle

temps.Etjeledéteste.—Jenesuispastonpère,tusais.

—Encoreheureux! Ilabousillémavieetcelledemamère.»Mysteryarelevé son chapeau. Les larmes lui faisaient comme des lentilles de contact,incapablesdecouler.«Lanuit, je restaisallongédansmon litàmedemandercommentjepourraisletuer.Quandj’allaisvraimentmal,jem’imaginaisdanssachambreluifracassantlecrâneavecunepelleavantdemesuicider.»

Il s’est interrompu et s’est essuyé les yeux du revers de sa main gantée.«Quand je pense àmonpère, je penseviolence. Je le revois cognerdesgensquandjetaistoutpetit.Lejouroùonadûtuernotrechien,ilaprissonflingueetluiafaitsauterlacervelledevantmoi.»

Ledouanierest ressortidubureauet a fait signeàMarkodedescendredevoiture. Ils ont brièvement discuté ; puisMarko lui a donné quelques billets.Pendant quenous attendions de juger l’efficacité de ce pot-de-vin de quarantedollars–unmoisdesalaireàenTransnistrie–,Mysterys’estouvertàmoi.

Sonpèreétaitunémigréallemandquilemaltraitaitetl’humiliait.Sonfrère,dequatorzeanssonaîné,étaithomo.Et samères’envoulaitde l’avoirpourrid’amourafindecompenser laviolencede sonmari.Ducoup,pour équilibrer,ellen’avaitjamaisétéprochedeMystery.Toujourspuceauàvingtetunans,ils’était inquiété d’une éventuelle homosexualité. Alors, dans un accès dedéprime, il avait entrepris d’élaborer ce qui devint la méthode Mystery. Ilconsacrait sa vie à rechercher l’amour que ses parents ne lui avaient jamaisaccordé.

Deux autres pots-de-vin identiques, à deux autres personnages, nous ontpermisdepasserlafrontière.Accepterl’argentneleursuffisaitjamais.Chaquepot-de-vin a demandé une heure et demie de palabres.Qui sait, ils essayaientpeut-êtredenousdonnerletempsdenousconnaître,Mysteryetmoi?

Quand enfin nous sommes arrivés à Odessa, nous avons évoqué laTransnistrieavec la réceptionnistede l’hôtel.Ellenousaexpliquéquecepaysétait le fruit d’une guerre civile moldave, provoquée en grande partie pard’anciens apparatchiks communistes, l’élite de l’armée et les bérets noirsnostalgiques des grandes heures de l’URSS. L’endroit ne connaissait aucunerègle,c’était leFarWestdublocde l’Est,unpaysquepeud’étrangersosaientvisiter.

QuandMarkoluiappritnotreaventureàlafrontière,ellerépondit:«Vousn’auriezpasdûluidemanderdevousarrêter.—Pourquoi?—Parcequelà-bas,ilsn’ontpasdeprisons.—Etqu’est-cequ’ilsauraientfaitdenous?»

Elleamiméunpistoletqu’elleabraquésurMarkoendisant:«Poum.»À notre retour à Belgrade, après un détour de huit cents kilomètres pour

éviterlaTransnistrie,laboîtevocaledeMarkodébordaitdemessage.Natalija,lapresque-majeuredeMystery, enavait laisséunedizaine.Mystery l’a rappelée,maisc’estlamèrequiadécrochéetquil’ainjuriépouravoirtournélatêtedesafille.

Natalija a continué à appelerMarko après notre départ, elle lui demandaitquand Mystery comptait revenir la chercher. Marko finit par abréger sonsupplice:

«C’étaitunsorcier.Ilt’ajetéunsort.Fais-toiaideretnem’appelleplus.»Marko m’envoya e-mail sur e-mail au cours des mois qui suivirent – il

voulait connaître lemotdepasseduMystery’sLounge. Il avait goûté au fruitdéfenduetenvoulaitplus.Maisjeneleluiaijamaisdonné.Àl’époque,jemedisais que c’était parce que je voulais séparer mon ancienne identité et manouvelle.Maisenfait,j’avaisbeauchercherdesexplications,jen’enrestaispasmoinsmalàl’aise.Surtoutàvoircommentcettehistoiremebouffaitlavie.

Chapitre11

msngroup:Mystery’sLoungeSujet:BlocageAuteux:StyleOui,voilà,j’aiunblocageetj’espèrequevousallezpouvoirm’aider.Mystery et moi, on rentre de Belgrade où j’ai rencontré une fille belle et

intelligente. Sans ce blocage, j’aurais sans doute pu en faire ma copine deSerbie:jecoinceniveauconclu-L.

Jenesaispaspourquoi,maisjen’arrivepasàfranchircetobstacle.Dèsquejesensuneouverture,jepenseàtousles«Etsi…»:

« Et si elle me rejetait », « Et si ça pourrit notre relation », « Qu’est-cequ’ellem’adit,déjà,àproposdesonex?»Ducoup,soitjeflippetropmaisjetentemachancequandmême(etça foire), soit l’occasionpasse, j’ai ratémoncoupetjem’enveuxàmort.

Bonalors,c’estquoimonproblème?Jesuisvraimentpas loinducompte,maiscepetitblocagem’empêchededevenirunvraiV2D.

Stylemsngroup:Mystery’sLoungeSujet:Re:BlocageAuteux:Nightlight9Etsiellemerejette?Ouaisouais,etsiunemétéoritetombesurtapiaule?Tudemandescommentsavoirsielleestprête.Pourça,ilyal’autrerègledes

trois secondes. Ça rate jamais. Vous êtes assis côte à côte, tu laisses laconversation mourir. Tu la regardes dans les yeux sans rien dire. Si elle teregardependant trois secondes, c’est qu’elleveut t’embrasser.Tout cemalaisedonttuparles,c’estcequejepréfèrepar-dessustout–latensionsexuelle.

Nightlight9msngroup:Mystery’sLoungeSujet:Re.BlocageAuteur:Maddash

J’aijamaisramenéunefillechezmoientêteàtêtesansréussiruneconclu-langue.Maméthode:

1. Je lui demande de passer me prendre et ne la fais entrer que quelquesminutes,parcequec’esttoujoursplusfacilederamenerunefillechezsoiàlafindelasoiréesielleadéjàvuleslieuxsansqueriennesepasse.

2.Findelasoirée,jel’invitechezmoietjeluisersunverre.3.Sielle repèremaguitare (bienenévidence), je laprendset lui joueune

chanson.4.Onjoueavecmonpetitchien.5.Jeluimontrematerrasse.6.Jelaramèneàl’appartpourluimontrerlelogicielWinampsurmonordi

(je la fais asseoir sur mes genoux). Pendant qu’elle bidouille Winamp, jel’embrassesurlajoue.

7. Soit elle se retourne et m’embrasse sur la bouche, soit elle continue àjouer.Siellehésite,jeluimontred’autrestrucssurl’ordi,puisjelaréembrassesurlajoue.Ellesaimentêtredirigées.Laplupartdesfemmessontcommeça.

Maddashmsngroup:Mystery’sLoungeSujet:Re:BlocageAuteur:GrimbleUne demes techniques préférées, c’est lemassage. Quand on rentre chez

moi,jeluidisquej’aitropjouéaubasketetquej’aibesoind’unmassage.Maispendantqu’ellememasse,jeluidistoutletempsqu’elles’yprendmal.Àlafin,je fais semblant d’en avoirmarre et j’insiste pour luimontrer comment faire.Tout en lui massant le dos, je lui dis qu’elle a beaucoup de tension dans lesjambes,etquejesuisleroidumassagedejambes.Jecommencepar-dessussonpantalon,etpuisjeluidisdel’enleverparcequeçamegêne.Situlefaisavecautorité,elleposerapasdequestions.

D’abord,jemeconcentresurlesjambes.Maisaprès,lentement,jeremonteverslesfesses.Quandçacommenceàl’exciter,jememetsàlafrotteràtraverssa culotte jusqu’à cequ’ellemouille.Àcemoment-là, engénéral, juste jemedéboutonne,jemecapoteetjelaprendssansl’embrassernipréliminaires.

Pasunetechniquedetimide,ça.Grimblemsngroup:Mystery’sLoungeSujet:Re:Blocage

Auteur:MysteryTuveuxsavoircommentjerègleleproblème?Jemedis,«Cequ’ellepense,

jem’entape»et,surtout,jem’entapevraiment.Plusjeune,j’enfaisaistoutunflan.Maismaintenant,queçamarcheoupas,jetentequandmêmemachance.

Çaaide,depenseràlafillecommeàuncobaye.Silapeurnes’envapas,dis-toi,«Changementdephase!Maintenant,jesuis«Cro-Magnon».Jenesuisplus Style.Voyons voir si elleme déteste. Si oui, pas grave. Jem’en bats lescouilles.»

Repenseauxfillesquetun’aspasCro-Magnonnées:ellesnefontpluspartiede ta vie. Ben justement ! Qu’est-ce que ça te fout qu’elle garde un super-souvenird’unmecrencontréilyasixmois,siunCro-Magnonestentraindeselafaire?Desfois,fauttaperdupoingsurlatable.Tuluidis,«Tirelalangue.»Ettulasuces.Sielletegifle,tantmieux!Çametdupiment.

Je suis d’accord avec Maddash : prépare des trucs pour détourner sonattention,commeçaellenerésisterapasauxavancessexuellesdéclarées.Tuluidis,«Regardelesmarionnettes,là-bas»,pendantquetuluitripoteslesnichons.Si elle hésite, tu lui remontres les marionnettes en rigolant : « Regarde lesmarionnettes.Qu’est-ce qu’elles sontmarrantes, lesmarionnettes ! » Et tu luiretripoteslesseins.

Mysterymsngroup:Mystery’sLoungeSujet:DébloquéAuteur:StyleMercià touspourvotreaide. Jecroisque je tiensmasolution.La réponse

m’est tombée du ciel la semaine dernière, et je l’ai testée avec succès sur leterrainpresquetouslessoirsdepuis.

Çam’estvenualorsquej’étaisassisauStandardavecuneIrlandaisequimeparlait de son mariage précoce, de son divorce récent, et de son envied’aventures.AuxpremiersIDI,jerepenseàvosmails.Jemerendscomptequesij’enfaistrop,çaval’effrayer,ellevamerejeter.Doncjedécided’alleràtoutpetitspasverslebaiserenfaisantunevariantedesmarionnettesdeMysterysansm’arrêterdeparlerdefaçoncohérente.Etlà,roulementdetambour,çaamarché,comme ça marche depuis. Problème réglé. J’appelle ça la méthode del’évolution:7

1. Jeme penche vers elle et lui dit qu’elle sent bon. Je lui demande quelparfumellemet,puis j’embrayesur la façonqu’ont lesanimauxdese renifleravantl’accouplement–etjeluidisquel’évolutionfaitqueçanousexcitequandquelqu’unnoussent.

2.Après,jeluiparledeslions,quisemordentlacrinièrependantlesexe–etjeluidisquel’évolutionveutqueçanousexcitequandonnoustirelescheveuxsurlanuque.Toutenparlant,jepassemamainsursanuque,prendsunepoignéedecheveuxàlaracineettirefortverslebas.

3.Çanelagênepas,jetireplusfort.Jeluiexpliquequ’engénéralleszoneslesplussensiblesdenotrecorpsnesontpasencontactavecl’air–parexemple,l’intérieurducoude,quandonplielebras.Alorsjeluiprendslebras,jeleplieunpeuetluimordsl’intérieurdefaçonérotique.Elleditqueçalafaitfrissonner.

4.Après,jeluidis:«Ettusaiscequec’est,letopdutop?Unemorsure…juste… ici. » Je lui montre le côté de mon cou. Et j’ajoute, «Mords-moi »,commesijem’attendaisàcequ’ellelefasse.Premiercoup,ellerefuse,alorsjeme détourne d’elle calmement pour la punir. J’attends deux secondes, je meretourneetrépète,«Mords-moi,justeici.»Cettefois,ellememord.Lathéorieduchatetdelaficelle.

5.Bref,commemordeuse,elleestnaze.Alorsjeluidis,«C’estpascommeçaqu’onmord.Viens par là. » Je lui écarte les cheveux et lui fais une bonnemorsureaucou.Jeluidemanded’essayerdenouveau.Cettefois,10/10.

6.Jesouris, l’airapprobateur,endisant, très lentement,«Pasmal.»Etons’embrasse.

Nousbuvonsencoredeux, troisverreset je laramènechezmoi.Je lui faisvisiter en vitesse.Ensuite, je luimontre une vidéo surmonordi, en la faisants’asseoirsurmesgenoux(merci,Maddash).Jeluimasselanuqueetl’embrassejusqu’àcequ’ellese retourneetm’embrasseaussi.C’est làqu’elledemandeàs’allongerdeuxsecondesparterre.Jem’allongeàcôtéd’elleet–devinezquoi?–elles’évanouit.Commeça!

Jeluiretireseschaussures,luipasseunecouverture,uncoussinsouslatête,puisjevaismecoucherdansmonlitdouillet.

C’estmoiledindondelafarce,maisaumoinsj’airéglémonproblème.Ilnem’aurafalluqu’unesoirée,vraiment,pourlesurmonter.

Jesuisenfinprêtpourl’étapesuivante.Style.

Étape4

Désarmerlesobstacles

Pouréchapperàsonancienmoi,l’hommen’aqu’unesolution:Voirunmoidifférentdanslemiroirdesyeuxd’unefemme.»

ClareBootheLuce,TheWomen

Chapitre1

Choisirundojo.Il y a Ross Jeffries et l’école de la Speed Séduction, où des scénarios

subliminauxserventàexciterlesfilles.OuMystery et laméthodeMystery, quimanipule les dynamiques sociales

pourharponnerlafemmelaplusdésirabled’uneboîtedenuit.OuDavidDeAngeloetsatechniquedu«DoubleYourDating»,quiconsiste

àdominerunefemmegrâceàunmélanged’humouretd’arrogancequ’ilappelle«machomarrant».

OuGunwitchetlaméthodeGunwitch,danslaquelletoutcequelesétudiantsontà faire, c’estdeprojeterune sexualitéanimaleetd’opéreruneescaladedecontactsphysiquesjusqu’àcequelafemmenepuissepluslesarrêter.Sadevisegrossière:«Quelaputedisenon.»

OubienencoreDavidX,DavidShade,RickH.,MajorMark,etJuggler–lederniervenudesgourous,quifitsonentréesurleNetenracontantqu’ilpouvaitleverunefemmeplusviteetmieuxquen’importequelV2D,rienqu’enlisantsaliste de commissions. Il y a aussi les maîtres sélectifs, comme Steve P. etRaspoutine,quinerévèlentleurstechniquesqu’àceuxqu’ilsjugentvalables.

Oui, les mentors, ce n’est pas ce qui manque, chacun avec sa propreméthode, ses propres disciples, chacun persuadé que sa technique est latechnique par excellence. Et ces géants s’affrontent sans arrêt – menaces,insultes,discrédit,rivalité.

Monbutétaitd’apprendreunpeudechacun.Jen’aijamaisvraimentcruenrien. J’ai toujours préféré mêler la sagesse et les enseignements de diversessources,trouvercequimeconvient,laisserlerestedecôté.Leproblème,c’estqueboirelesavoiràsasourceaunprix.Etceprix,c’estlaconfiance.Chaquegourou,sansexception,|veutsesavoirlemeilleur,savoirquesesétudiantssontles plus loyaux, que la concurrence se prend des râteaux. Et chaque étudiant,sans exception, veut absorber le plus d’informations possible du plus grandnombre d’experts possible. Cette crise n’est pas spécifique à la communautémaisàl’humanitétoutentière:onconservelepouvoirens’attirantlaloyauté;ceuxquiladonnentsegarantissentl’assujettissement.

Monexpérienced’enseignantàBelgradem’avaitbienplu,maiscen’étaientpas des disciples que je cherchais. Je cherchais des maîtres. J’avais encorebeaucoupàapprendre.Jem’ensuisaperçulesoiroùExtramaskm’aemmenéàunesoiréeàl’ArgyleHôtelsurSunsetBoulevard.

Je portais une longue veste noire décontractée, et j’avais un petit boucsoigneusement taillé. Le look d’Extramask s’améliorait chaque fois que je levoyais. Il s’était fait couper les cheveux et arborait une iroquoise de dixcentimètres.

Àlasoirée,j’airemarquédesjumelleshypervoyantes,assisessuruncanapécommedeuxstatuesd’albâtre.Malgréleurscoiffuressophistiquéesetleursrobesassortiesquileurvalaientdesregardsadmiratifs,ellesn’ontparléàpersonnedetoutelasoirée.

«C’estqui,cesfilles?ai-jedemandéàExtramask,occupéàdiscuteravecunepetiteauvisagerondquiavaitl’airdes’intéresseràlui.

—LesPorcelainTwinZ.Ellesfontunnumérodestripensemble.Ellessontaussi bien connues comme groupies. Elles font des trucs à quatre avec lesmembresdecertainsgroupes.Quandjemebranleenpensantàelles,j’envoielagiga-dose.

—Présente-moi.—Maisjenelesconnaispas.—Pasgrave.Présente-moi.»Extramasks’estapprochédesfillesetleuradit:«JevousprésenteStyle.»Je leur ai serré lamain. Elles avaient lesmains chaudes, bizarre pour des

fillesquisemblaientàmoitiémortes.«Onparlaitdessortilèges.Vousycroyez,vous,auxsortilèges?»

C’était la meilleure intro possible, je le savais : ça se voyait qu’ellescroyaientauxsortilèges–jenesaispaspourquoi,maisc’estlecasdelaplupartdesfillesquifontdustrip-teaseouexploitentleurscharmes.Après,jeleuraifaitlecoupdelatélesthésie.

«Amuse-nousencore»,ont-ellesroucoulé.J’étaisallétroploin.«Jenesuispasunclown.Enplus,jesuisunmec.Ilmefautunpeudetemps

pourmerecharger.»UnerépliquedeMystery.Çalesafaitrire.«Attendezvoir,ai-jerepris.Jevousaimontrédeux,troistrucscool.C’està

votretour,non?»Ellesn’avaientrienàmeproposer.

«Jevaisdiscuteravecdespotes.Jevousdonnecinqminutespour trouverquelquechose.»

Jemesuiséloignéetaiengagé laconversationavecunepunketteàvisaged’ange,unedénomméeSandy.Dixminutesplustard,lesjumellessontvenuesàmoi.

«Onauntrucàtemontrer»,ont-ellesannoncéfièrement.En fait, je n’avais pas prévu de leur reparler. Je ne pensais pas qu’elles

prendraient la peine de chercher. Mais elles sont restées là cinq minutes àm’apprendrelalanguedessignes,idi.

Noussommesallésnousasseoiretéchangerdesbanalités–cequelesV2Dappellent avec un peu de mépris « gazouiller ». Les filles étaient faciles àdifférencier:l’uneavaitlevisagegrêléparlavaricelle,etl’autredestrouslàoùelles’était faitpercer.EllesvenaientdePortlanden touristesetprévoyaientderentrerchezelleslelendemain.Ellesmedécrivirentleurnumérodestrip-tease,durantlequelellesdansentsurscèneetfontsemblantdebaiserensemble.

Pendant la discussion, je me suis rendu compte que c’étaient deux fillesordinaires,quimanquaientd’assurance.Çaexpliquaitqu’ellesouvrentsipeulabouche.Laplupartdeshommes font fausse routequand ilsprennentpourunesalopeunefemmeséduisantequineleuradressepaslaparoleoulesignore.Enfait,cesfemmes-làsontgénéralementtimidesouanxieuses,autant–sicen’estplus–quelesfemmesmoinsséduisantesquelesmecsdélaissent.Ladifférence,aveclesPorcelainTwinZ,c’estqu’ellesessayaientdecompenserleurmédiocritéparunearrogancedefaçade.Deuxfillessympasquicherchaientuncopain.Etlà,ellesenavaienttrouvéun.Alorsquenouséchangionsnosnuméros,jesentaisquelachancetournaitenmafaveur.Maisj’hésitaisentreaborderl’une,l’autreou les deux. Je ne voyais pas comment les séduire simultanément, ou mêmeséparément.J’étaiscoincé.Doncjemesuisexcuséauprèsd’ellesetsuisretournévoirSandy.

Durant notre conversation, elle s’est glissée près de moi – comme si ellevoulaitquelquechose.Alorsj’aiappliquélaméthodedel’évolution,l’entraînerauxtoilettespourl’emballer.Ellenemeplaisaitpastantqueça:c’estjustequeçam’excitaitdepouvoirembrasserunefilleaussifacilement.J’abusaisdéjàdemesnouveauxpouvoirs.

Quand nous sommes ressortis, dix minutes plus tard, les jumelles avaientdisparu.J’avaisencoretoutfaitfoirerenchoisissantlafacilité.

Je suis rentré bredouille à mon appartement de Santa Monica. Mysterydormaitsurmoncanapé,jeluiairacontémonfiasco.Coupdebol,lelendemain,

j’ai reçuunmessagedes jumelles.Leurvolannulé,ellesétaientcoincéesdansunHolidayInnprèsdel’aéroport.J’avaisencoreunechancedemeracheter.

«Jefaisquoi?demandai-jeàMystery.— Tu t’invites. Dis-leur juste, “Je passe vous voir.” Ne leur laisse pas le

choix.—Etqu’est-cequisepassequandjemeretrouvedanscettechambreavec

elles?Commentjelancelamachine?—Fais comme je fais toujours.Dès que tu entres, fais-toi couler un bain.

Déshabille-toi,plongedanslabaignoire,demandeauxfillesdevenirtefrotterledosetembraye.

—Lavache.C’estosé.—Aieconfianceenmoi.»J’aidoncrappelélesjumelleslesoirmêmepourleurannoncermonarrivée.«Nous,onglandouilleenpulldevantlatélé,c’esttout,meprévinrent-elles.—Pasgrave.Jenemesuisplusnilavénirasédepuisunmois.—Sérieux?—Non.»Jusque-là,toutsepassaitcommeprévu.En route vers l’hôtel, j’ai répété chaque étapedansma tête.Quand je suis

entré dans la chambre, j’ai trouvé les filles allongées sur des lits côte à côte,absorbéesparLesSimpson.

«Ilfautquejeprenneunbain.Jen’aiplusd’eauchaudechezmoi.»Jenementaispas;jeflirtais.Jeleurairacontédesbanalitéspendantquel’eaucoulait.Puisj’aiétédansla

salledebains,laissélaporteouverte,mesuisdéshabilléetmesuisglissédanslabaignoire.

Jenevoulaispasencoremesavonnerpourgarderl’eauclaire.Jesuisdoncrestéassislà,toutnu,àessayerdetrouverlecouraged’appelerlesfilles.Jemesentais vulnérable dans cette position, pâle,maigrichon, et à poil. Ilme fallaitsuivreleconseildeMysteryetprendreleschosesenmain.

Uneminutes’estécoulée.Cinq.Dix.J’entendaistoujoursLesSimpson.Lesfillesdevaientcroirequejem’étaisnoyé.

Unpassageàl’actes’imposait.Sinon,jemehaïraistoutemavie.Auboutdecinqminutes, jeme suis résolu àbalbutier : «Hé,vouspourriezme frotter ledos?»

L’une des filles a crié quelque chose. Silence, murmures. Je paniquais,j’avaispeurqu’ellesneviennentpas.Quelleconneriej’avaisdite.J’étaisàpeine

moinsgênéquesiellesétaiententréesetm’avaientvuassislà,mabiteflottantcomme un nénuphar. Je repensais à ma citation préférée d’Ulysse, quand cefrustré de Léopold Bloom imagine sa virilité impuissante dans son bain etl’appellelepèreindolentdespostérités.Jemesuisdemandépourquoi,alorsquej’étaisassezintelligentpourciterJoyceenfaisanttrempette,jemesentaisaussistupidedevantcesfilles.

L’unedesjumellesafiniparfairesonapparition.J’avaiscomptésurlesdeuxenmêmetemps,maisonnepeutpastoutavoir.Ledostourné,jeluiaipassélesavon.J’étaissiembarrasséquejen’osaispaslaregarderdanslesyeux.

Jemesuisredressépourquemacolonnevertébralenesehérissepascommecelle de M. Burns. La fille frottait le savon en rond sur mon dos. Un gesteprofessionnel qui n’avait rien d’érotique. Je savais que ça ne l’excitait pas, etj’espéraisqueçane ladégoûtait pasnonplus.Puis elle a trempé legantdansl’eauetm’arincé.J’avaisledospropre.

Labelleaffaire.Jecroyaisqu’ondevaitpasserausexetoutdesuiteaprès,automatiquement.

Mais elle restait agenouillée là, passive. Mystery ne m’avait pas indiqué lamarche à suivre après le lavage du dos. Il m’avait juste ordonné d’embrayer,alorsjem’étaisditqueçairaittoutseul.Ilnem’avaitpasexpliquécommentluifaire frotter ma queue après s’être occupée de mon dos. Et je ne voyais pascommentm’yprendre.Ladernièrefemmequim’aitlavéledosétaitmamère,àl’époqueoùjetenaisencoredanslelavabo.

C’étaitmaintenantoujamais.Ilfallaitagir.«Bon,merci»Lafilleestsortiedelasalledebains.Merde.Encorefichu.J’aifinimatoilette,suissortidelabaignoire,mesuisséchéetairenfilémes

habitssales.Jesuisalléensuitem’asseoirsurlelitdemonassistanteetaidiscutéavecelle.J’aidécidéd’adapterlescénariodel’évolutionàunbinôme.J’aifaitvenirl’autresœursurlelit.

«Hmmm,voussenteztropbon, toutes lesdeux»,ai-jecommencé.Puis jeleur ai tiré les cheveux simultanément et leur aimordu le cou.En pure perte.Ellesétaienttroppassives.

Jeleuraidemandédememasserunemainchacunetoutendiscutantdeleurspectacle.Pasquestionquejelesquittesurunéchec.

«Tuvois,c’estbizarre,meditl’une.Notrecôtéphysiqueneressortquesurscène, dans la vraie vie onne se touchepas, onne s’embrasse jamais.On est

mêmeplusdistantesquelaplupartdessœurs.»Je suis reparti bredouille. En rentrant, j’ai fait un détour chez Extramask,

danslamaisonoùilvivaitavecsesparents.«J’ycomprendsrien.Tum’avaisditqu’ellessetapaientdesmecsensemble.—Exact.Maisjedéconnais.Parcequet’étaispasaucourant?»La semaine suivante, Extramask avait rancard avec une femme au visage

rondqu’ilavaitrencontréeàlasoirée.Acroirequetouteslesfaces-de-crêpeletrouvaientséduisant.

Noussommesrestésallongéspar terredeuxheuresàanalyser le jeuetnosprogrès.Depuis l’adolescence, chaque foisque j’avaispu faireunvœu (uncilsur la joue, le réveil quimarquemu, unnombre toujours croissant debougiesd’anniversaire), outre les banalités comme la paix dans le monde ou monbonheurpersonnel, jeréclamais lepouvoirdeséduiren’importequellefemme.Qu’unincroyablefluxd’énergiemefrappecommeunéclairetmerendesoudainirrésistible,çamefaisaitrêver.Maisenfait,l’énergiecoulaitaucompte-gouttes,etlarecueillirexigeaitdescontraintestitanesques.

Danslavie,lesgensonttendanceàattendrequelesbonneschosesviennentàeux.Ducoup,ilslesratent.Engénéral,cequ’ondésirenenoustombepastoutcuitdanslebec;ilfautsavoirl’identifier,sebouger,prendreletempsetfairelesefforts nécessaires pour l’obtenir. Ce n’est pas que l’univers soit cruel ; c’estqu’il estmalin. Il a sa propre théorie du chat et de la ficelle, il sait que nousn’apprécionspascequinoustombeduciel.

J’allaisdevoirmemettreauboulot.J’aidoncsuivileconseildeMystery.Jemesuisfaitopérerdesyeuxetme

suisdébarrasséunebonnefoispourtoutesdemeslunettes.Jemesuispayéunblanchissagedesdentsaulaser.Enfin,jemesuisinscritdansunesalledesportet me suis mis au surf, parce que c’est aussi bon pour le cœur que pour lebronzage. Par certains côtés, le surfme rappelait lesmd.Des fois on sort, onchopetouteslesvaguesetonseditqu’onassure;d’autresfois,onlesratetouteseton seditqu’oncraint.Maison s’entraînequandmême tous les jours, etons’améliore.Voilàpourquoionyretourne.

Cela dit, je n’avais pas rejoint cette communauté que pour changerd’apparence. Il fallait que j’achève ma transformation mentale, ce qui, je lesavais, serait bien plus difficile.AvantBelgrade, j’avais intégré le lexique, lescompétencesetlelangagecorporeld’unhommecharismatiqueavecdelaclasse.J’avais désormais besoin de gagner en assurance et en force intérieure pour

soutenir l’ensemble. Sinon les femmes sentiraient tout de suite que je n’étaisqu’unimposteur.

Ilme restait deuxmois avant le nouvel atelier deMystery àMiami, et jecomptaisbienybluffertouslesétudiants.MonbutfairemieuxqueMysteryauclubRa deBelgrade. Jeme suis donc fixé unemission. – rencontrer en deuxmois tous lesmeilleursV2D. Jevoulaisme transformerenmachineà séduire,conçue sur le modèle de tous ces maîtres. Maintenant que j’avais un certainstatut dans la communauté, en tant quenouvel équipierdeMystery, lesportess’ouvriraientd’elles-mêmes.

Chapitre2

Lapremièrepersonnedont jevoulais faire la connaissance, c’était Juggler.

Sesmailsm’intriguaient.Ilrecommandaitauxpmfdesurmonterleurtimiditéenessayantdeconvaincreunsans-abrideleurdonnerdessous,ouenappelantdesgensauhasardpourqu’ilslesaidentàchoisirunfilm.Àd’autres,ilconseillaitdeselancerdesdéfisencompliquantdélibérémentlesmd–annonceràlaciblequ’on est éboueur ou qu’on a une Impala 1986. Un original qui venaitd’annoncersonpremieratelier.Gratuit.

L’unedesraisonsdusuccèsfoudroyantdeJugglerdanslacommunauté,endehorsdesespriximbattables,c’estsaplume:sesmailsavaientdustyle.Aucunrapportaveclesgribouillagesinformesd’unlycéenenconflitperpétuelavecsatestostérone.Donc, quand je l’ai appelé pour lui proposer d’inclure un de sescomptesrendusdanscelivre,ilapréféréenécrireuninédit,surnotrerencontrelorsdesonpremieratelieràSanFrancisco.

Compterendu–SéduireStyleParJugglerJ’airaccrochémonportable.«Ilparlevraimentvite,Style»,ai-jeditauchat

de mon coloc, qui comprend ce genre de chose et m’est d’un grand secoursdepuisbien longtemps lorsqu’il s’agit de ramenerdes filles. («Ça te dirait devenir chez moi pour voir le chat faire des salchows arrière ? » Ça marchepresqueàtouslescoups.)

ÇaaétémapremièreimpressiondelapersonnalitédeStyle.Deuxsemainesplustard,auFisherman’sWharfdeSanFrancisco,j’attendaisqu’ilmerejoigneendressantdansmatêtela listedesesdéfautspossibles.J’ai ignoréleserveurquiessayaitdemerefourguerunebièrepluschèreetmesuisrécitécetteprière:«Pitié,déessedelaséduction,saintepatronnedesV2Detdesqueutards,faitesqueStylenesoitpaszarb.»

Parler trop vite est le signe d’un grandmanque d’assurance. Les gens ouisententquecequ’ilsdisentn’intéressepersonneparlentvitedepeurdeperdrel’attentionde leur public. Il y en a d’autres qui aiment tellement la perfectionqu’ilspeinentàmettrelesmotsenplaceetaccélèrentsansarrêtdansl’espoirde

ne rien oublier. En général, ceux-là deviennent écrivains. C’était ça :frappadingue ou écrivain. J’espérais que ce serait la seconde option. J’avaisbesoind’unami,d’unalteregodansl’universdeladrague,etpasd’unnouvelétudiant.

C’est sur le Net que j’avais découvert Style. Nous admirions nos mailsrespectifs, envoyés surun siteconsacréà l’artde la séduction. Il écrivait avecgrâceetéloquence.Ilmedonnaitl’impressiond’êtreuntypepositif,deceuxquiaimentpartager.Queluiinspiraientmesmessages?Aucuneidée.

Style entra dans le restau au petit trot. Je rêvais ou bien il portait deschaussures à semelles compensées ? Il me regarda dans les yeux, un sourirerayonnant aux lèvres, et se montra juste assez nerveux pour que je le trouvetouchant – effet calculé, j’en suis sûr.Avec sa stature relativement petite, soncrânedebébéetsavoixdouce,personnenel’auraitsoupçonnéd’êtreunV2D.Çameragaillardit.Cemecpouvaitêtreunfortdanssapartie.

Stylem’a plu d’emblée.À l’évidence, il savait comment s’y prendre pourcharmer. Avec lui, je me sentais important. Il avait une façon de résumer lesidées que j’exprimais maladroitement par de jolies phrases simples – tout enm’enattribuantl’éloquence.Lecomplicerêvéden’importequelgourou.

Et pourtant, je n’arrivais pas à mettre le doigt sur son point faible. Nousfaisonstouspareil,quandnousfaisonslaconnaissancedequelqu’un.Commelerédacchefd’untabloïd,nouscherchonslasplendeuretlamisère,nousprenonsdes notes pour les exploiter plus tard. Les gens qui n’ont aucun défaut nousmettent toujoursmalà l’aise.LadouceurdeStyleneconstituaitpasunevraiefaiblesse.Laseulefaillequejevoyaisenlui,c’étaitsafiertédepouvoirdevenirleconfidentdesautres,ledépositairedeleurssecrets.Pasterrible,commepointfaible,maisjenevoyaisriend’autre.

Il était cool. Par contre, ilmanquait d’assurance, ce que je ne comprenaispas, comme si quelque chose se dérobait à lui – l’empêchait d’être complet.J’étaisquasisûrqu’illecherchaitàl’extérieurdelui,alorsqu’aufinalc’estenluiqu’illetrouverait.

Lerepasterminé,nousavonsfaitexactementcequetouslesbonsV2DfontàSanFrancisco.Noussommesallésaumuséed’Artmoderne.

Lecommandodelaséductions’estdispersé.Jemesuisdirigéversuncoinsombre de la nouvelle section médias où j’ai repéré une petite mignonne, lavingtaine.J’adorelespetites.C’estleurfragilitéinhérentequim’excite,jecrois.Jeme suis approché d’elle ; elle observait une projection vidéo sur le sol. La

scène se répétait toutes les minutes environ – des pétales blancs tombaientdélicatementdebranchessèches.

Lataille,çapeutintimider.Jeressembleàl’épouvantailduMagiciend’Oz–grandetminceavecdesfétusdepaillequimesortentdesmanches.Jemesuisassissurlebanc.Elles’estdétendue.Nosregardssesontcroisés–lesienvertamande,lemienrougesangàcausedudécalagehoraire.Lameilleureséduction,c’est quand la femme vous séduit. Un bon séducteur doit savoir mener, maisaussisuivre.Jem’aperçusalorsquej’avaisenviequ’ellemeprenneparlamainet me conduise à son campement secret dans les bois. Je voulais qu’elle memontreson tourdemagieàdeuxballes. Jevoulaisqu’elleme lise lespoèmescochonsqu’elleécritsurlesdessous-de-verre.

CLIC-CLAC,CLIC-CLAC,CLIC-CLAC.Stylesebaladaitderrièrelacloisonquidivisaitendeuxcettegrandesalle.Je

ne voulais pas qu’il nous rejoigne. Ce n’est pas que je ne l’appréciais pas. Ilm’avaiteuavecson«Salut,c’estmoiqu’onappelleStyle», toutenhumilité.Simplement, la vibration entre cette fille, moi et ces pétales blancs, était…fascinante. Et puis aussi, je suis un loup, et cette petite biche égaréem’appartenait.SiStyledébarquait,jelemordraisauvisage.

Lapremièrechosequ’onditàunefemmenecomptepasbeaucoup.Certainsm’ontavouéqu’ilsnesavent jamaisquoidire,d’autresqu’ilsontbesoind’unesuper-réplique.Jeleurairéponduqu’ilsréfléchissaienttrop.Or,necomptepastantqueça.Moinonplusjenecomptepastantqueça.Aucunedenospenséesnemérited’êtreentouréedetantdesoins, laperfection,vouspouvezl’oublier.Pourcequiestdesintros,ungrognementouunpetsuffisent.

«Commentallez-vous?»C’estunedemesintroshabituelles,legenredetrucqu’unvendeurvoussort

tous les jours. Quatre-vingt-quinze pour cent des filles répondent par un seulmot,évasif:«Bien.»Troispourcententhousiastes:«Super-bien.»Celles-là,mieux vaut s’en éloigner – des maboules. Et deux pour cent répondenthonnêtement:«Trèsmal.MonmarivientdemequitterpourlastandardistedesonprofdeyogaZenmoncul!»Celles-là,onentombeamoureux.Ellemeditqu’elleva«bien».Elleaunevoixdurepourunsipetitgabarit.Elleadûpasserlanuitàs’époumonerdansunconcertdeCourtneyLove,lerock,c’estpastropmon truc. Jepréfère lamusiqued’ascenseur.Mais je luipardonne. Jene filtrepaslesfemmes.Çaneferaitquelimitermesaventures.Jenefiltrequelafaçondontonmetraite.

Je la regarde, l’air d’attendre quelque chose. Elle pige. « Et vous ? » Jeréfléchisuneseconde.«Huitsurdix»

Jesuistoujoursàhuit,parfoishuitetdemi.Ilyadeuxfaçonsd’entreteniruneconversation.Soitonposedesquestions:

«D’oùvenez-vous?»«Decombiendefaçonspouvez-vousroulerlalangue?»«Vouscroyezàlaréincarnation?»

Soitonbalancedesaffirmations:«JevisàAnnArbor,dansleMichigan–lepaysauxmillemarchandsdeglaces.»«Unedemesexfaisaitlecanicheenombreschinoisesavecsalangue.»«LechatdemoncolocestlaréincarnationdeRichardNixon.»

Devingtàvingt-quatreans, j’ai apprisàconnaître les fillesen leurposantdestasdequestions–ouvertes,futées,bizarres,sincères,empaquetéesdansdejoliespetitesboites.Jecroyaisqu’ellesseraientsensiblesàmonintérêt.Etjen’aijamaisobtenuqueleurnom,âge,numérodeSécu,etparfoisundoigtd’honneur.La séduction, c’est l’art de préparer le terrain pour que deux personneschoisissentdeserévélerl’uneàl’autre.

Quand de vieux amis discutent, ils s’échangent des affirmations. Lesaffirmations sont le mode de l’intime, de la confiance, du don. Elles invitentl’autre à partager, elles sont très logiques, du point de vue métaphysique.Croyez-moi:pasbesoindepasserdesnuitsentièrescouchésurl’herbeàscruterlaVoielactéepourcomprendretoutça.Jem’ensuisoccupépourvous.

«Cefilmm’apaise,luiai-jedit.C’estcommedesejeterdansungrandtasdefeuillesmortes.S’ilsmettaientdevraies feuillesdans lesquellesonpourraitjouer…làoui,ceseraitdel’art.»

Elleasouri.«Quand j’étaispetite,mesgrands frèresme jetaient tout le tempsdans les

feuillesmortes.»J’ailaissééchapperunpetitrire.Çamefaisaitmarrerd’imaginerceboutde

fillesefaisantjetergaiementdansungrostasdefeuilles.« Vous savez, un de mes amis me jure qu’il peut deviner la personnalité

d’unepersonneensebasantsurl’âgeetlesexedesesfrèresetsœurs.—Biensûr…j’aidesgrandsfrèresalorsjesuishommasse.»Elleajustasa

boucledeceintureHarley-Davidson.«Quelleconnerie.»Impossibledemenersionnepeutpassuivre.«Toutàfait,ai-jeapprouvé.Cemecestfrappé.Parcontre, ilavuclairen

moi.—Ahoui?

—Oui.Ilasuquej’avaisunesœuraînée.Commeça.—Qu’est-cequiluiafaitdireça?—D’aprèslui,j’aibesoindebeaucoupd’attention.—Etc’estvrai?—Mais bien sûr. Toutesmes copines sont obligées dem’écrire des petits

billetsdouxetdemecâliner.Jesuistrèsexigeant.»Ellepartitd’unriremusical.Labande-sondelachutedesfeuilles.CLIC-CLAC,CLIC-CLAC,CLIC-CLAC.La concentration, c’est du passé.Dans lemondemoderne, on a besoin de

tout ressentirenpermanence.Onnesecontenteplusd’unepromenadedans leparc,alorsqu’onpeutécoutersonwalkmanenmêmetemps,mangerunhot-dogetregarderledéfiléducarnavalhumain.Noschoixhurlentlecredod’unnouvelordremondial:Stimulation!Lapenséeetlacréativitésontdésormaissoumisesaubut uniquede la saturationdenos sens.Mais je suis de la vieille école.Sivous n’êtes pas prêt à vous concentrer sur moi quand vous êtes avec moiconversation, contact, entremêlement passager des âmes, alors foutez le camp,allezretrouverlescinqcentschaînescâbléesdevotrevieen«sonsurround».

«Ecoutez,jenepeuxplusvousparler.—Pourquoidonc?Notrediscussionestsympa,maisvousdevezsoitvousengageràparleravec

moi,soitregarderlesœuvres.Enplus,sivousrestezplantéelà,debout,jesuisbonpouruntorticolis.»

Elleasourietestvenuemerejoindresurlebanc.Ah.CLIC-CLAC,CLIC-CLAC,CLIC-CLAC.»Jem’appelleJuggler.—Moi,c’estAnastasia.—Bonjour,Anastasia.»Sa petite main semblait calleuse, les ongles coupés court. Des mains

d’abeilleouvrière,ledevaisapprofondirmonenquête.J’attirailafilleversmoi.Elleselaissafaire.

CLIC-CLAC,CLIC-CLAC,CLIC-CLAC.Style a fait son entrée. Son parfum voletait, le tissu italien de ses habits

bruissait.Ilroulaitdesmécaniques?Onauraitdit,entoutcas.C’étaitquoi,sonproblème ? Il ne voyait donc pas que je profitais d’un instant d’intimité aveccette fille ?Était-il tellement concentré sur unephase«divertissement » qu’iln’arrivaitpasàvoirplusloin?Ungrondementestmontédufonddemapoitrine.

«Onseconnaît?luiai-jedemandé.

—Connaît-onjamaisvraimentpersonne?»a-t-ilrépliqué.Çam’afaitrire.Lesalaud–jeledétestaispourcequ’ilvenaitdefaireetje

l’adoraispourcequ’ilvenaitdedire.Jedécidaidenepaslemordreauvisage–cettefois-là.

Stylevoulait fairesespreuves,çasautaitauxyeux.Je luiprésentai la fille.Quelquechosedeflippants’estalorsproduit.LesyeuxdeStylesesontrévulsésetilestdevenuquelqu’und’autre.Àmonavis,c’étaitHarryHoudini–unHarryHoudini à débit rapide. Il a exécuté des tours. Il a demandé à la fille de luidonneruncoupdepoingdansleventre.Ilaparlédedormirsurunlitdeclous.Elle s’éclatait.Sonnumérode téléphoneestapparu…commeparmagie.Bienjoué,Harry.Nousl’avonslaisséeoùjel’avaistrouvée.

ÊtreunV2D,c’estunefierté.Undéfi.J’aidesamiscomédiensquipeuventjouerlessamouraïssurscèneettuercinqcentspersonnes,maisilsaurontpeurd’aborder une fille dans un bar. Je les comprends. La plupart des publics nedemandentqu’àsefairebaiser.Ilsveulentsefairemettreduretprofond.Maislafilleassisesuruntabouret,c’estuneautrepairedemanches.Ellefoutlesjetons.C’estungorillededeuxcenttrentekilosdansunepetiterobenoire.Sivouslalaissez faire, elle peut vous démolir.Mais elle aussi ne demande qu’à se fairebaiser.Undésiruniversel.

J’organisaimonpremieratelieràSanFrancisco.Sixmecss’inscrivirent.Jeleurdonnairendez-vousdansunrestaurantpasloind’UnionStreet.Stylem’aidaàvérifierleursréférencesenvitesse.Nousavionsaffaireàsixmembresestimésdelacommunauté.

Nousavonspassélerepasàpréparerdesintros,commecelleduprenons-la-pour-une-star-de-ciné. En revenant des toilettes, j’ai abordé un couple dequinquasbienconservés.

«J’espèrequejenevousdérangepas,ai-jeditàlafemme,maisilfallaitquejevousdisequejevousaiadoréedanscefilmaveclepetitgarçonetlephare.J’enaipleurépendanttroisjours.J’aiveilléjusqu’àpasd’heureaveclechatdemoncolocpourleregarder.Dansunevieantérieure,ilaétéprésident.»

Ilshochèrentlatêteetsourirentamicalement.«Vous…merci…beaucoup»,réponditlafemme,avecunaccentàcouperaucouteau.

«C’esttrèsbien.—D’oùvenez-vous?luiai-jedemandé.—DeTchécoslovaquie.»Jel’aiprisedansmesbrasetaiserrélamaindumonsieur.«BienvenueenAmérique.»

LesV2Dsontlesderniersgrandsdiplomatesdecemonde.Jenesuispasnédragueur.Audépart, j’étaisunpetitgarçonobsédépar le

démontage.J’avaistoujoursuntournevissurmoi.Jebrûlais d’envied’apprendre, depremièremain, commentmarchaient les

choses. Jouets,vélos,cafetières– toutsedémontesionsaitoùse trouvent lesvis.Mon père voulait tondre la pelouse,mais la tondeuse avait fini en piècesdétachées. Ma sœur voulait regarder la télé… neige à l’écran. Tous lescomposants électroniques étaient sousmon lit. J’étais plus fort en démontagequ’enassemblage.Mafamilleenétaitréduiteàvivreàl’âgedepierre.

Parlasuite,mesrecherchess’orientèrentverslacompréhensiondesautresetde moi-même. Je donnais dans la variété – jongleur, artiste de rue, comique.C’est un peu le trou perdu du monde du spectacle, mais on y apprendénormémentsurlesinteractionshumaines.Effetsecondaire,j’aifaitdesprogrèsauprèsdesfemmes.Àvingt-troisans,jen’avaiseuqu’uneseuleexpérience.Àvingt-huit,jepouvaiscoucheravectoutescellesquejevoulais.Monapprocheagagnéensubtilitéetenefficacité,jesuisdevenuunjoueurgracieuxetsobre.

C’estalorsquej’aidécouvertlacommunauté.Jenem’intéressaispasqu’àlaséduction, mais je me suis reconnu dans la générosité qu’ils mettaient àcomprendrelesrelationspersonnelles.

Quand j’ai rencontré Style, j’ai ressenti un autre niveau d’affinité. Lui, ilsavait écouter. La plupart des gens n’écoutent pas, par crainte de ce qu’ilspourraient entendre. Style n’avait pas d’idées préconçues. Quel que soit soninterlocuteur,illetrouvaitcool.Ilnecroisaitjamaisdesalopequ’ilfallaitcasser– seulement des fêtardes avec lesquelles il faisait bon s’amuser. Il ne voyaitjamais un terrain parsemé d’embûches – uniquement l’occasion d’explorer denouveaux territoires. À nous deux, nous étions les Lewis et Clark de laséduction.

L’atelierterminé,à3heuresdumatin,Styleetmoiavonsdécidédepartagerunechambred’hôtelavecdesmembresdesafamillequisetrouvaientenville.Nous chuchotions pour ne pas les réveiller. Je l’ai taquiné sur ses goûtsvestimentaires. Il s’estmoqué dema susceptibilité de gars duMidwest.Nouséchangions nos anecdotes de dragueurs puis vint l’heure des comptes – deux,troisbaiserspourStyle,deux,troisnumérosdetéléphonepourmoi.

L’ambianceétaitbonne.Noussentionsquelquechoseànotreportée.«C’est vraiment bizarre,mec,m’a-t-il dit. J’ai hâte de voir où tout ça va

nousmener.»

Il faisaitpreuved’unréeloptimismevis-à-visdupouvoirde ladrague,desbienfaitsdesprogrèspersonnels;ilcroyaitégalementquenous–lacommunauté–avionslaréponseauxproblèmesquil’avaienttourmentétoutesavie.J’avaisenviede luidireque laréponsequ’ilcherchaitse trouvaitailleurs.Mais jemesuisretenu.Nousnousamusionstellement.

Chapitre3

ÀmonretourdeSanFrancisco,oùJugglerétait laseulepersonneavecqui

j’aiepassélanuit,j’aireçuunappeldeRossJeffries:« J’organise un atelier ce week-end. Si tu veux, tu peux y assister

gratuitement.AuMarriottHôteldeMarinaBeach,samedietdimanche.—Avecjoie.Comptesurmoi.— Juste une chose : tu me dois des soirées. De bonnes soirées

hollywoodiennesavecdesnanascanon.Tumel’aspromis.—Çamarche.—Etavantderaccrocher,n’oubliepasdemesouhaiterbonanniversaire.—C’esttonanniversaire?—Oui. Ton gourou de la foune a quarante-quatre ans. Et cette année,ma

plusjeunepriseenavaitvingtetun.»Je ne me doutais pas qu’il m’invitait à son séminaire non pas comme

étudiantmaiscommeproie.Je suis arrivé à l’hôtel le samedi après-midi etme suis retrouvé dans une

salle de conférences normale, le genre éclairage agressif et murs couleurmoutarde, qu’on croirait prévus pour des salamandres plutôt que des êtreshumains.Deshommesétaientassisàdestablesblanchesrectangulairestournéesvers ledevantdelasalle :desétudiantsàcheveuxgras,desadultesàcheveuxgrasetquelquesdignitairesàcheveuxgras–descadresdegrandesentreprisesetmême du ministère de la Justice. Devant eux, notre maître de la drague,squelettiqueettousporesdehors.

Ilexpliquaitàsonassistancelaméthoded’hypnosequiconsisteàplacerdescitationsdanslaconversation.Uneidéeestd’autantplusacceptable,affirmait-ilenarpentantlasalle,qu’ellevientd’untiers.«L’inconscientparleentermesdecontenuetdestructure.Sivous lancezunscénariopar lesmots,«Unamimedisait justement», lapartiecritiquede l’espritde la fille s’est éteint.Vousmesuivez?»

Ilcherchaitduregarduneréponsedanslasalle.C’estalorsqu’ilm’aaperçu,assisaudernierrang,entreGrimbleetTwottimer.Ils’estinterrompu.Jesentais

la chaleur de son regard sur moi. « Mes frères, voici Style. » Je sourislégèrement « Il a vu ce queMystery a à offrir et il a décidé de devenirmondisciple.N’est-cepas,Style?»Toutes les têtesgraisseusesde la salle se sonttournées vers moi. Les comptes rendus de l’atelier de Mystery à BelgradeavaientfleurisurleNet,etmacompétenceavaitétésaluéeàsajustevaleur,lesgensétaientcurieuxde rencontrer lenouveléquipierdeMystery–ou,dans lecasdeRoss,deleposséder.

J’ai regardé lemincemicro-casquenoirqui lui faisaitcommeunearaignéeautourduvisage.

«Plusoumoins»,ai-jerétorqué.Çaneluisuffisaitpas.«Quiesttongourou?»Lasalleluiappartenait,pasmonâme.Jenesavaisquoirépondre.L’humour

étant lemeilleurmoyende réduire la pression, j’ai voulu tenter une pirouette.Aucunenem’estvenueàl’esprit.

«Onverraçaplustard»,ai-jefinipardire.Je voyais bien que cette réponse ne lui convenait pas. Après tout, il

n’organisaitpasunsimpleséminaire,maisunesecte.Pendant la pause-dîner, Ross m’a pris à part. – Tu viens, on va manger

italien»,a-t-ilproposéenjouantavecsabague,unerépliquedecellequeportelesuper-hérosGreenLantern.

«JenesavaispasquetuétaisencorefandeMystery,m’a-t-illancépendantlerepas.Jecroyaisquetuétaispasséduboncôtédelaforce.

— Selon moi, vos deux méthodes ne sont pas incompatibles. Quand j’airacontéàMysteryceque tuavais faità laCaliforniaPizzaKitchen, ilapiquéune crise. Je crois que, pour la première fois, il a vu que la Speed Séductionpouvaitêtrevraimentefficace.»

LevisagedeRosss’empourpra.«Stop:»hurla-t-il–unmotd’hypnotiseurcenséinterrompreunprocessus.«Tunepartagesrienaveclui.Jeneveuxpasquecegugussemeprennemeschefs-d’œuvre,melesvole,etgagnedel’argentdessus.C’estgênant.» Ilplantasa fourchettedanssonpoulet.«Jesavaisquequelquechoseclochait.Situcomptest’investiràfondauprèsdeMystery,nousavonsunproblème.Si tucomptesn’apprendrequ’avecmoi, jet’interdisdeluitransmettrelesdétails.»

J’aitentédecalmerlacolèredugourou:«Ecoute, je ne lui ai riendévoilé du tout, je lui ai juste fait savoir que tu

assurais.

—Danscecas,trèsbien.Tun’asqu’àluidireaussiquetum’asvuchaufferunenanaàblanc,qu’ellemouillaitsaculottejusteparcequejeluiaiposédeux,trois questions et fait des gestes. Qu’il se démerde pour comprendre, l’autreconnardarrogant!»

J’aivu sesnarines sedilateret lesveinesde son front saillirpendantqu’ilparlait.Jeffriess’étaitfaitmalmenerquandilétaitpetit,çasevoyait.Pasparsonpère,commeMystery;lesparentsdeRossétaientdesjuifsintellosetjoviaux.Jelesavaisparcequ’ilsétaientarrivésauséminairequelquesminutesaprèsmoiets’étaient aussitôt mis à le titiller. Non, c’est socialement qu’il s’était faitmaltraiter, ce qui combiné aux taquineries constantes de ses parents et à leursgrandes attentes, lui avait sans doute ravage le psychisme. Ses deux frèresavaientdûensouffrirautantquelui:ilss’étaienttournésversDieupourdevenirdes « Jews for Jésus ». Ross, lui, avait préféré une religion de sa propreinvention.

»Tuvasdécouvrirlesaintdessaintsdupouvoir,monjeuneélève,m’a-t-ilprévenuenépoussetantlespetitspoilsgrisdesonmentondureversdelamain.Et leprixàpayerpourla trahison, tonâmemortellenesauraitenconcevoir lanoirceur.Restecalme,tienstespromesses,etjelaisserailaporteouverte.»

Le sérieux de Ross et sa colère, bien que déraisonnables, étaientcompréhensibles.Lefaitestqu’ilavaitconstruitlacommunautédelaséductionpresque à lui tout seul. Il y avait toujours eu des hommes pour donner desconseilsdedrague,commeEricWeber,dontlelivreCommentséduirelesfillesavaitcontribuéà lancerunemodedont l’apogéefut le filmLeDragueur, avecMolly Ringwald et Robert Downey Jr. – mais Ross avait créé la premièrecommunauté masculine. Hasard du calendrier, la Speed Séduction et Internets’étaientdéveloppésenmêmetemps.

À vingt ans, Jeffries était un homme en colère. Son ambition, c’était le« stand-up » et l’écriture. L’un de ses scénarios, They Still CallMr Bruce, amêmeétéportéàl’écran,maisafaitunfour.Ducoup,Jeffriesallaitd’unboulotjuridiqueàl’autre,sansamisninana.Toutçaachangélejouroù,danslasection« Efforts personnels » d’une librairie, ses mains sont tombées –involontairement, prétend-il – sur un livre. Il s’agissait des Secrets de lacommunication, le grand classique de la pnl, par John Grinder et RichardBandler.Rossadévoréensuitetousleslivresqu’ilapudénichersurcesujet.

L’unde seshéros avait toujours étéGreenLantern,personnagedotéd’unebaguemagiquecapablederéaliserlesdésirsdesavolontéetdesonimagination.Le jour où, grâce à la pnl, il amis fin à unepériodede chasteté aussi longue

qu’involontaire en séduisant une femme qui postulait dans le cabinet où iltravaillait,RossJeffriesacrutrouverlafameusebague.Lepouvoiretlecontrôlequiluiavaientéchappétoutesavieluiappartenaientenfin.

Sa carrière de dragueur virtuose a commencé lorsqu’il a publié à compted’auteur un livre de soixante-dix pages. Le titre résumait assez bien sesproblèmesémotionnelsdel’époque:Commentmeneraulitlesfemmesquevousdésirez.–guidedesortieetdeséductionàl’usagedeceuxquienontmarreden’être qu’un bon copain. Il a vendu ce livre par l’intermédiaire de petitesannoncesdansPlayboy etHustlerCallery.Quand il a ajouté des séminaires àsonrépertoire, ils’estmisàrecourirauNet.Undesesétudiants, le légendairepirate informatique Louis DePayne, créait bientôt le forum de discussion alt.seduction.fast,d’oùnaquitpeuàpeuunecabaleinternationaledeV2D.

«Audébut,quandjeparlaisdetoutça,onsefoutaitdemoi,racontaitRoss.Onmetraitaitdetouslesnoms,onm’accusaitdespireschoses.Jesuisresteunbonmomentencolère.Vachement,même.Mais,petitàpetit,ledébatestpasséde“Est-cequec’estvrai?”à“Est-ilnormaldelefaire?”»

Voilà,c’estpourquoitouslesgourousdoiventprêterlesermentd’allégeanceà Ross Jeffries. Il a jeté les bases. Voilà aussi pourquoi, chaque fois qu’unnouveaumaîtreapparaît,Rossessaiede ledescendre ;dansderarescas, ilestmême allé jusqu’à menacer de révéler les activités électroniques d’un jeuneconcurrentàsesparentsouàsonproviseur.

Àsesyeux,DavidDeAngelo,unancienétudiantenSpeedSéduction,étaitplusdangereuxqueMystery.Audépart,DeAngelosefaisaitappelerSisonpyhetgravissait les échelons de la Speed Séduction.Mais les deux hommes se sontbrouillésquand,paraît-il,RossahypnotiséunecopinedeDeAngeloafinqu’ellecoucheaveclui.

D’aprèsRoss,DeAngeloluiavaitamenélafillepourqu’illaséduise.C’estmonnaie courante que des étudiants lui amènent des filles un peu comme ensacrifice. DeAngelo, lui, prétend que Ross n’a jamais reçu la permission detoucher à cette nana.Résultat des courses, ils ne s’adressent plus la parole, etDeAngelo a monté une méthode concurrente : « Double Your Dating ».DeAngelonesefondenisur lapnlnisuraucuneautreformed’hypnose,maissurlapsychologieévolutionnisteetleprincipedu«machomarrant».

«Tusaisquemonimitateuràdeuxballes,DavidDeAnus,vaorganisersonpremierséminaireàLosAngeles,m’informaRoss.Ceconnardestsibeau,etilconnaît tellementdemondedans lesclubs, jen’en revienspasque lesgens le

croientcapabledecomprendreleursituationetlesdifficultésqu’ilsrencontrentauprèsdesfemmes.»

Jedevaismesouvenirdem’inscrireàceséminaire.«CesbâtardsdeDavidDeAnus,GunBitchetMiserypartagentunecertaine

conceptiondesfemmes»,repritRoss,vraimenténervé.«Ilsseconcentrentsurles pires tendances de certaines des pires garces qu’on puisse trouver, et ilsrépandentçacommeunnuagedefertilisantsurtouteslesautres.»

Ross me faisait penser à un vieux chanteur de rhythm’n’blues qui s’esttellement fait arnaquerqu’il n’aplus confiance enpersonne.Mais les auteurs-compositeurssontprotégéspardesmaisonsdedisquesetlesdroitsd’auteur.Onnepeutpasobtenirlesdroitsexclusifssurl’excitationd’unefemme,nisursonchoixdepartenaire.C’esttristeàdire,maissaparanoïatenaitlaroute–surtoutàl’égarddeMystery,leseulséducteurdontlesidéesetlescompétencespouvaientlesupplanter.

Leserveuraremporténosassiettes.«Sijeprendstoutçaautantàcœur,disaitRoss,c’estparcequecesgamins

comptentpourmoi. Jepensequevingtpourcentdemesétudiantsont étédesenfants maltraités. Ça les a gravement marqués. Pas simplement avec lesfemmes:avectoutlemonde.

Orunegrandepartiedesproblèmesdenotresociététiresonoriginedufaitquenosdésirsnousenvahissentalorsquenousvivonsdansuneculturequinousdissuadedelesexplorerlibrement.»

Sur ce, il a remarqué trois femmes d’affaires qui prenaient un dessert àquelquestablesdenous.Rossétaitsurlepointd’explorerlibrementsespulsionssexuelles.

«Qu’est-cequ’ellevaut,cettetourteauxbaies?leura-t-illancé.—Elleestbonne,luiarépondul’unedesfemmes.—Voussavez,lesgensutilisentunsystèmedesignespourledessert.»Le

voilà parti. «Les signes disent : celui-ci est sans sucre ; celui-là fond dans labouche.Etcesystèmepréparevotrecorpsauxsensationsquiviennentensuite.Çaproduitunflotd’énergiedanslecorps.»

Ilavaitcaptél’attentiondutrio.«Vraiment?—Jedonnedescourslà-dessus.»Elless’extasièrentàl’unisson.EnCalifornieduSud,lemot«énergie»estl’équivalentduchocolatpourla

plupart des femmes. « Justement, nous nous demandions si les hommescomprennentvraimentlesfemmes.Etjecroisquemaintenantnouslesavons.»

Enunéclair,Rosss’estretrouvéàleurtable.Tandisqu’ilparlait,lesfemmesoubliaientleurdessertet leregardaient,captivées.Desfois, jenesavaisdiresisesscénariosfonctionnaientvraimentauniveaumentalqu’ilprétendait,ousilaplupart des conversations étaient tellement chiantes que le simple fait deproposerunsujetdifférentetintrigantsuffisaitàdéclencherlaséduction.

« Mon Dieu, s’est écrié l’une des femmes quand Ross eut terminé dedisserter sur les qualités que les femmes recherchent chez un homme. Je nel’avais jamais entendu dire comme ça. Où est-ce que vous enseignez ?J’adoreraisensavoirplus.»

Rossaprissonnumérodetéléphoneetestrevenuànotretable.Il s’est tournéversmoi,asourietdéclaré :«Etmaintenant, tuvoisqui le

maîtreincontesté?»Puisils’estpassélepoucesurlementon.

Chapitre4

AuxyeuxdeSin,jen’étaisqu’unpion.«Rossestunséducteurdoubléd’unconspirateur».m’a-t-ilditquandjel’ai

appeléàMontgomery(Alabama),oùilvivaitavecunefillequiadoraitqu’onlapromèneenlaisse.Pasdebol,l’arméenevoyaitpascesperversions-làd’unbonœil,etSindevaitserendreàAtlantapoursortirsacopine.

« Tu occupes une place bien définie dans les plans deRoss. Tu es l’outilmarketing qu’il utilise pour attaquerMystery. Tu es le premier et le meilleurétudiantdeMystery,leseulmecquichasserégulièrementaveclui.Donc,chaquefoisqueRossteposeunequestiondetype.“Est-cequetumensàtongourou?”Etquetuluiréponds,tuconfirmesqueRossesttongourou.Sesmoindresfaitset gestes servent à prouver qu’il t’a converti, et que tu as renié ton anciennereligionpourembrassercellequimarchevraiment.C’estça,sonmessage.Alorsfaisgaffe.»

Apprendrelapnl,lamanipulation,laprogressionsurleplanpersonnel,riende tout cela n’est innocent.Aucune action – la vôtre ou celle d’autrui – n’estdépourvue d’intention. Chaque parole a un sens caché, chaque sens caché unpoids,etchaquepoidsuneplaceparticulièresurl’échelledel’intérêtpersonnel.Celadit.Rosss’étaitpeut-êtreliéd’amitiéavecmoiafind’écraserMystery,maisilavaitaussilaréputationd’enfaireautantavecdesétudiantsplusjeunes,dansleseulbutd’êtreinvitéàdessoirées.

J’aiinvitéRossàsapremièrefêtelasemainesuivante.Monica,uneactriceengalèremaisquiconnaissaitdumonde,etquej’avaisséduite,m’avaitconviéàsa fêted’anniversaireauBelly,unbarà tapassurSantaMonicaBoulevard. Jemedisaisque,danscetendroitpleindebeautés,Rosspourraitbrillerdetoussestalents.Jemetrompais.

J’airetrouvéRosschezsesparents,unemaisondeclassemoyenneenbriquerouge, dans les quartiers ouest de Los Angeles. Son père, chiropracteur à laretraite,directeurd’écoleet romancierpubliéàcompted’auteur,étaitassissuruncanapé,àcôtédesafemme–c’étaitellequiportaitlaculottedanslafamille,

çasevoyait.Aumur,deuxmédaillesquelepèredeRossavaitobtenuespendantlaSecondeGuerremondiale:une«PurpleHeart»etune«BronzeStar».

« Style a beaucoup de succès avec les femmes, affirma Ross, grâce àmaméthode. »Même quadragénaire, un dragueur cherchera l’approbation de sesparents.

« Certaines personnes pensent que c’est terrible qu’il parle de sexe et defemmes, m’a dit sa mère. Mais il n’est ni grossier ni vulgaire. Il est trèsintelligent,cepetit.»Elles’estlevéeets’estdirigéeversdesétagères.«J’aiunrecueildepoésiesqu’il a écritesquand il avaitneufans.Çavousdiraitde leslire?Dansl’uned’elles,ilseprendpourunroi,assissursontrône.

—Non, ça ne te dit rien, a coupéRoss.Nom deDieu, c’était une erreur.Allons-nous-en.»

Lasoirée?Unecata.Rossnesavaitpasse tenirparmidesgenschics. Ilapasséleplusclairdesontempsàsefairepasserpourmonamant,ouàmarcheràquatrepattesderrièreCarmenElectraenluireniflantleculcommeunchien–etilappelaitçaflirter.Quandjeparlaisàunefille,ilm’interrompaitpoursevanterd’uneautrequ’ilvenaitdelever.À22heures,ilétaitfatiguéetilvoulaitquejeleraccompagne.

«Laprochainefois,ondevraitresterplus,luidis-je.— Non, la prochaine fois, faudra qu’on arrive au bon moment. Je peux

veillertard,àconditiondelesavoirdouzeheuresàl’avance,histoiredefaireunepetitesiestel’après-midi.

—Tun’espassivieuxqueça.»J’ai pris la décision de ne plus jamais emmener ce boulet dans un endroit

cool.Depuis que je passaismavie auprès deV2D, j’étais demoins enmoinsregardantsurlegenredepersonnesavecquijetrainais.J’avaisdélaissétousmesanciensamis.Maviesocialeétaitdésormaismonopoliséepardesringardsquejen’auraisjamaisfréquentésauparavant.Sijejouais,c’étaitpourfaireentrerplusde femmes dansma vie, pas des hommes.Dans la communauté, tout tournaitautourdesfemmes,maisaucunen’yappartenait.Parchance,ceproblèmefaisaitjustepartieduprocessus,unpeucommequandonfaitleménage:audébut,onfoutencorepluslebazar.

En route vers son appartement de Marina del Rey, Ross m’a sorti unediatribesursesrivaux.Biensûr,sesdétracteursendisaientautantàsonsujet.Ilsle surnommaient depuis peu Moi-1999 parce que chaque fois que Rosss’appropriaitlatactiqued’unautre,ilaffirmaitl’avoirdéjàdéveloppéelorsd’unséminaireàLosAngelesen1999.

«CesaletraîtredeDavidDeAnus,a-t-ilpersiflélorsquejel’aidéposé.Sonséminaire commence demain. Et je viens d’apprendre que certains de mesétudiantsdoiventyfaireuneintervention.Ilsn’ontmêmepaseulacourtoisiedemeprévenir.»

Jen’aipaseulecœurdeluidirequej’yassisterais.

Chapitre5

Séduire,cen’estpasunchoix.Cesmots,DavidDeAngelolesavaitprojetésaumur.Lasalleétaitcomble:

plus de cent cinquante personnes. J’en avais croisé certaines à l’occasiond’autresséminaires,dontExtramask.

Je commençais à bien connaître ce genre d’événement : un type sur scèneavec un micro-casque sur la tête, qui indiquait à un groupe d’hommesnécessiteux comment échapper à l’onanisme nocturne. DeAngelo était bien lebeaugossedécritparJeffries.IlmerappelaitRobertDeNiro,unDeNirofilsàsamèrequineseseraitjamaisbagarrédesavie.

Ce qui distinguait DeAngelo des autres gourous, c’est précisément qu’iln’avait rien de particulier. Il n’était ni charismatique ni passionnant. Il nedégageaitpasl’auramalsained’unchefdesecte,nidemanquequ’ilessayaitdecombleravecdesfemmes.Ilnecherchaitmêmepasàpasserpourunbonjoueur.Ilévoquaitquelqu’undetrèsordinaire.Etdedangereux,parcequeorganisé.

Son séminaire, onvoyait bienqu’il l’avait préparépendant desmois.Toutétaitnonseulementposéparécrit,maisaussipeaufinéà l’usageduplusgrandnombre.DeAngelosouhaitaitproposeruneécolededraguegrandpublicquinechoquerait pas par sa grossièreté, son attitudemisogyne, ou la sournoiserie desestechniques–seulsouci,ilrecommandaitdelireDogTraining4deLewBurkepourgérerlesfilles.

Un futé, ce DeAngelo – et une menace pour Jeffries. La majorité desintervenantsdesonséminaireavaientétudié,toutcommelui,souslahoulettedeRoss : parmi eux,RickH.,Vision, etOrion, unV2D super-ringard qui s’étaitrendu célèbre en vendant des vidéos dans lesquelles on le voyait aborder desfilles dans la rue. Ces cassettes, Magical Connections, étaient considéréescomme la preuve que de pauvres mecs pouvaient eux aussi baiser s’ils s’yconnaissaientenhypnose.

« La séduction, lisait DeAngelo, est définie dans le dictionnaire comme“l’actiondecorrompre,enparticulierpouramenerunefemmeàconsentiràdesrelationshorsmariageentriomphantdesesscrupules”.

« Autrement dit, la séduction implique la fourberie, la malhonnêteté, ladissimulation des objectifs. Ce n’est pas ce quim’intéresse. La séduction quej’enseigneconsisteàvousfaire travaillersurvous-mêmes,àvousamélioreraupointquelesfemmesserontattiréesparvouscommeparunaimantetvoudrontêtreprèsdevous.»

DeAngelon’apasuneseule foismentionné lesnomsdesesconcurrentsetrivaux.Ilétaittropmalinpourça.Ilcomptaitasphyxiercetuniversundergrounden l’ignorant complètement. Il ne participait plus à aucun forum, laissant sesemployésrépondreauxattaques.Cen’étaitpasuninnovateurcommeMysteryetRoss–maisungéniedumarketing.

«Commentpousse-t-onlesgensàlaconsommation?»a-t-ildemandé,aprèsavoir fait travailler à ses élèves le regard à la JamesDean. «On donne de lavaleuràcequ’ilsconvoitent.Onmontrequed’autrespersonnesl’aiment.Onleraréfie.Etonnelecèdepasfacilement.Pendantledéjeuner,j’aimeraisquevouspensiezàd’autresméthodes.»

J’aiétémangéunhamburgeravecDeAngeloetquelquesétudiants,etenaiapprisunpeuplussurlui.AgentimmobilierengalèreàEugene,dansl’Oregon,il était venu repartir de zéro à San Diego. Célibataire, il mourait d’envie defranchirlabarrièreinvisiblequiséparedeuxinconnusdansuneboîtedenuit.Ils’est donc mis à chercher des astuces sur le Net, à fréquenter des types quiassuraient avec les filles.L’und’eux,Riker,protégédeRoss Jeffries, lui avaitapprisàutiliseraolpourorganiserdesrencontres.Lese-mailsluiontpermisdeflirtercommesonnouvelamisansrisquerunehumiliationpublique.

«Çaétémonchi.expliquaitDeAngeloalorsquelesétudiantstendaienttousl’oreille.J’apprenaisdenouvellesidées,jelesmettaisenpratique,etensuitejeregardais la réaction des femmes sur AOL. C’est alors que je me suis renducompte que lamanière forte, d’entrée, avec les femmes, ça n’avait pas l’effetqu’on pourrait croire. Et je suis devenu macho marrant. Je leur piquais leursrépliques,jelestaquinais,jelesaccusaisdemedraguer,jelesharcelais.»

Ivre de ses nouvelles découvertes. DeAngelo a publié un topo de quinzepages sur Cliffs List un des meilleurs forums de séduction. Topo que lacommunauténaissantedeséducteursadévorélittéralementencélébrantl’arrivéed’un nouveau gourou Cliff, le Canadien en charge de ce forum, un hommed’affairesd’unecinquantained’années,passaitsesnuitsà traquerdenouveauxmaîtresV2DàintroduiredanslacommunautéetaétédeceuxquiontconvaincuDeAngelo de passer trois semaines à transformer son manifeste en e-book :DoubleYourDating.

PendantqueladiscussionsepoursuivaitRickH.nousarejoints.C’étaitunami deDeAngelo, son colocataire deBeverlyHills. J’avais beaucoup entenduparler de lui. Il passait pour le top du top, unmaîtreV2D spécialisé dans lesbisexuelles.Sonstylevestimentairetapageur–unvraisalonnarddeLasVegas–avaitenpartieinspirélathéoriedupaonàMystery.

RickH.étaitpetit,trapuilportaitunechemiseavecuncolpelleàtarteetunblazer rouge.Danssonsillage,sixadeptesde laséductionquinedemandaientqu’à absorber son savoir. J’en ai reconnu deux : Extramask, aux paupières sigonfléesqu’ilarrivaitàpeineàlesouvrir,etGrimble,quicommençaitàdouterde laSpeedSéduction.Endépitd’innombrablesconquêteshypnotiséesparsessoins,ilrestaittoujourscélibataire.Etdonc,aprèsavoirfréquentéRickH,ilétaitdevenumachomarrant.Sanouvelleméthodeconsistaitàécarterlecoudechaquefoisqu’unefemmepassaitprèsdelui,laheurter,puishurler«aïïïïe!»commesielle l’avait blessé. Alors elle s’arrêtait, il l’accusait de luimettre lamain auxfesses.

Dansuneboîtedenuit,mieuxvalaitêtreunclownqu’unmonstre,commeildisait.

Ricks’estassisànotretableets’estmisàl’aise.Sacours’estmasséeautourdelui.

Niveaufemmes,ilaffirmaitneconnaîtrequedeuxrègles.Lapremière:Aucunebonneactionneresteimpunie.(Ironiedusort,ilcitait

unefemme,ClareBoothLuce.)Laseconde:Nepasmanquerderépartie.L’un des corollaires de cette seconde règle était de ne jamais répondre

directement à une question. Ainsi, si une femme vous demande ce que vousfaites dans la vie, gagnez du temps : dires-lui que vous êtes réparateur debriquets,marchandd’esclavesou joueurdemarelleprofessionnel.Lapremièrefois où j’avais essayé ce truc, jem’en étais plutôtmal sorti. Dans un couloird’hôtelunefemmequisetrouvaitdansunc-5m’avaitposélaquestionfatidique.Je lui avais répondu ce que j’avais prévu surmon antisèche pour ce soir-là :marchand d’esclaves.À peine avais-je prononcé cesmots que j’avais comprisquelaconclu-telmefilaitsouslenez:ilyavaitunemajoritédeBlacksdanslecercle.

PendantqueRickparlait,jem’apercevaisquelesgensquiaimentlesondeleurvoixonttendanceàmieuxs’ensortiraveclesfemmes–exceptéDustin-le-paisible.Clic,de laCliff’sList,appelaitcephénomène la théoriede lagrandegueule.

« Pourquoi ça nous éclaté autant de parler de ça ? a demandé Rick H. àDeAngelo.

—Parcequ’onestdesmecs,réponditDeAngelocommeuneévidence.—Ah,ouais.C’estnotretruc.»Quand les gourous s’en sont allés, je suis resté seul avec Extramask. Il

sirotaitdujusdepommeenbriquette.Ilportaitàprésentunpiercingàlanuqueet,sanssesyeuxgonflés.Ilauraitétélemeclepluscoolduséminaire.

«Qu’est-cequit’estarrivé?— Je suis sorti avec cette fille à la tronche aplatie, et j’ai baisé pour la

deuxième foisdemavie.Maisonaeubeau le faire trois fois, j’aiencorepasréussiàgicler.Soitçavientdescapotes,soitj’aiunstressdanslatêteetilfautquejemecalme–oualorsMysteryaraison,jesuishomo.

—Etlerapportavectesyeux?Ellet’afrappé?—Non,elledevaitavoirunoreillerenplumeouuneconneriedanslegenre,

jesuisallergique.»Il m’a appris qu’ils étaient allés boire un café. Il lui avait sorti le test de

télesthésie puis un jeu psychologique – le cube – et d’autres trucs dedémarquage.Quandelles’étaitmiseàrireàtoutessesblagues,mêmelesmoinsdrôles,ilavaitcomprisqu’ellel’aimaitbien.IlsavaientlouélefilmInsomniaetétaientrentréschezellesepelotonnersursoncanapé.

« Je peux te dire que j’avais un sacré barreau,me ditExtramask d’un tonneutre.Tusais,legenrequandtuaslepré-spermequitetrempelecaleçon.

—Jevois.Continue.—Etc’étaitsympa,parcequ’elleavaitunecuissecolléeàmaqueue.Ellela

sentait,paspossibleautrement.Là-dessus,j’enlèvemachemiseetellesemetàm’embrasseretàmecaresserlapoitrine.Gravecool.»Ilafaitunepauseetbuunegorgéedejusdepommeavecunepaille.«Après,jeluienlèvesachemise,elleresteensoutif.Jeluicaresselesnibs.Maisquandonpasseàlachambre,bigproblème.

—Niveauérection?—Non.C’estqu’ellegardaitsonsoutif.—Etalors?Tuluienlèves.—Ouimaisjesaispascommentfaire.Ducoup,jetoucheàrien.—Ahça,défaireunsoutif,çademandedel’expérience.—Maisj’aiunplan.Tuveuxquejeteledise?—Biensûr.

—Ceque jevais faire, c’est enprendreunàmamèreet l’accrocheràunpoteauouuntrucdanslegenre.Ensuite,jevaism’approcherdupoteaulesyeuxbandés,commeàcolin-maillard,trouverlesoutifetessayerdeledéfaire.»

J’interrogeais Extramask du regard. Je n’arrivais pas à déterminer s’ilplaisantaitounon.

« Je suis grave sérieux.C’est réglo, commeméthode, et tu sais que ça vamarcher.

—Etlesexe,c’étaitcomment,cettefois?—Commel’autre.Jel’aibaiséeàfonddechezàfond,sûrementplusd’une

heure. J’avais la gaule et l’envie. Mais pas moyen de gicler. Ça me soûle.Sérieux,j’aienviedegiclerquandjetire.

—C’est sansdouteque tuypenses trop.Oupeut-êtreque tune tienspasassezàlafille.

—Oupeut-êtrequej’adorecequeçamefaitquandjemebranle,dit-il,ensefrottantlesyeux.Jecroisquej’aieuaussidroitàmapremièrepipe.C’est-à-dire,j’aivusatêteprèsdemaqueue,et jenesavaispassiellesuçaitounon.Maisqu’est-cequec’étaitcooldemefairelécherlescouilles.»

Grimbles’estapprochédenousetaposésamainsurmonépaule:«Leséminairereprend.SteveP.etRaspoutineprésententleurintervention,

vousnevoulezsûrementpasleslouper.»Jemesuislevé,laissantExtramasktoutseulavecsonjusdepomme.«Tusaiscequej’aifaitd’autre?Jel’aidoigtée!»Je me suis retourné vers lui. Il me faisait marrer. Il feignait d’être sans

défenseetgêné,maisilnousbattaittousàplatecouture.«L’intérieurduvagin,c’estpasdu toutcomme jecroyais,a-t-ilpoursuivi,

toutexcité.Vachementorganisé.»Oupeut-êtrepas.

Chapitre6

DavidDeAngeloorganisaitdesséminairessurle«machomarrant»,maisle

champion incontesté du genre était un écrivain canadien d’une quarantained’années – un dénomméZan. Là où certainsV2D préconisaient de ne pas sefairerepérer,Zansevantaitd’êtreunhommeàfemmes.IlseconsidéraitcommeunséducteurdanslatraditiondeCasanovaetdeZorro,etilaimaitsedéguiserencespersonnageslorsdessoiréescostumées.Enquatreans,iln’ajamaisdemandélemoindreconseilsurlesforumsdediscussion:ilsecontentaitd’endonner.

msngroup:Mystery’sLoungeSujet:TechniquemachomarrantepourserveuseAuteur:ZanUndemesgrandsatouts,c’estquejen’aipaspeurdesfemmes.Maméthode

esttrèssimple.Pourmoi,toutcequ’unefillemeditconstitueunidi.Pointbarre.Elleaenviedemoi.Peu importequielleest.Etquandons’enpersuade,elless’enpersuadentaussi.

Je suis esclave demon amour des femmes, et elles le sentent. Leur pointfaible,c’est le langage, lesmots.Coupdebol,c’estundemespoints forts.Sielles essaient de repousser mes avances, je fais comme si elles étaient desMartiennesincohérentes.

Je ne cherche jamais à me défendre ou à m’excuser d’être un coureur.Pourquoi?Parcequ’uneréputation,çaattirelesfemmes.Sérieux.Jesuiscemecdonttouslesmarisseméfient.

Cetteprécisionapportée,j’aimeraispartageravecvousmatechniquemachomarrantepourserveuse.Techniquebrevetée:

Engénéral,quandungroupedemecsseretrouveenprésenced’unenouvelleserveusesuper-canon,ilsluimatentlesfessesquandellepasse,puisilsparlentd’elle dans son dos. Mais quand elle vient à leur table, ils deviennent trèscourtoisetsympas,commesiellenelesintéressaitpas.

Moi,aucontraire,jelajouemachomarrant,direct.Jevaisvousdonnerunedescriptiontrèsdétailléedecequejefais,parcequejecroisquecertainsd’entre

vousnecomprennentpasvraimentlastratégiedumachomarrant.Quand je vois la serveuse s’approcher de nous, j’engage aussi sec une

discussion apparemment profonde avec un collègue. Je fais bien gaffe à medétournerd’elle.

Lorsqu’ellevientprendrenotrecommande,jenelaregardepastoutdesuitepuisjemetourneverselleetfaissemblantdelavoirpourlapremièrefois.Etdirect je me passionne pour la nouvelle venue – comme si elle était unedécouverte.Jelamateenvitesse,maisenluilaissantletempsdeleremarquer,etjeluifaisface.Grandsourire,clind’œil,lejeucommence.

Elle:Qu’est-cequejevoussers?Zan : (Ignorant la question.) Bonjour, je ne vous avais jamais repérée ici.

Vousvousappelezcomment?Elle:Stéphanie.Etvous?Zan:Zan.Etjeprendraiungintonic.(Grandsourire.)Là, j’ai un petit peu brisé la glace et, enme disant son prénom, ellem’a

implicitementautoriséàêtreplusfamilieravecelle.Ducoup,quandellerevient,resourireetreclind’œil.

Zan:Encoretoi?Tunevaspast’incruster,aumoins?Elue:(Ellerit.)(Bla-bla.)Zan:(Bla-bla.)Elle:(Bla-bla.)Zan : (Aumoment où elle part.) Je parie que tu rappliqueras bientôt. Je le

voisdanstesyeux.Elle:(Sourire.)Oui,j’yrésistepas.Çayest,j’aiétabliunthèmemachomarrant:elleveuts’incrusteravecnous

etc’estpourçaqu’ellerevienttoutletempsànotretable.Évidemment,elleestobligée– c’est sonboulot.Chaque fois, je lui souris et je regarde les autres–sansmecacher–l’airdepenser«Qu’est-cequejevousdisais?»Toutcelaenm’efforçantdefairecommesijelaconnaissaisdepuislongtemps.Çaétablitunefamiliaritéquinécessiteengénéralplusieursrendez-vous.

Bref,auboutd’unmoment,jesorsuntruccomme:Elle:Jevoussersautrechose?Zan:(Sourire,clind’œil.)Tusaisquoi?Jetetrouvemignonne.Jecroisque

jevaist’appeler.Elle:Tucroisça,hein?Tun’aspasmonnuméro.Zan:Exact!C’estbon,donne-le-moi,jevaislenoter.Elle:(Sourire.)Mauvaiseidée.J’aiunmec.

Zan : (Faisant semblant d’écrire.) Holà, pas si vite. Redis-moi le dernierchiffre.J’aipasbienentendu.Attendsvoir…555…

Elle:(Rire,roulementd’yeux.)L’absurditédecetéchange,c’estquepourrienaumondeellenemedonnera

sonnumérodevanttousmescopains.Lesfillesnelefontjamais.Maismonbutestailleurs.

Elleetmoi,nousavonsmaintenantunerelationprivilégiée,quitientànotrefaçondecommuniquer.Etellesesouviendraassezdemoipourmereconnaîtreàma prochaine visite. Donc, je pourrai m’approcher d’elle, lui passer un brasautourdesépaules,etluisortirmonfameux«Tuferaisunebonnecopinepourmoi,tusais?»Or,commechacunedenosparolesestprononcéeàmoitiésurleton de la blague, elle ne sait pas si je la drague réellement ou si jem’amuse.Donc,quandjeretourneaucafé:

Elle:(Rire.)Ohnon!Encoretoi!Zan:Stéphanie,moncœur.Écoute,jesuisdésolédenepast’avoirrappelée

hiersoir.Tusaiscequec’est.J’avaisbeaucoupàfaire.Elle:(Seprenantaujeu.)Oui.Etçamerenddingue.Çafaitriretoutelatablée,elleycompris.Etc’estrepartipouruntour.Plustard:Zan:Tuveuxquejetedise,Stéphanie?Commecopine,tunevauxrien.Je

nemerappellemêmepasladernièrefoisqu’onacouchéensemble.Toietmoic’estfini.(.Montrantdudoigtuneautreserveuse.)Voicimanouvellecopine.

Elle:(Rire.)Zan : (Trifouillant mon téléphone.) Je te rétrograde de Mémoire n° 1 à

Mémoiren°10.Elle:(Rire.)Jet’ensupplie,non,jeferaisn’importequoipourmeracheter.Encoreplustard:Zan : (Lui faisant signe d’approcher, lui indiquantmongenou.)Stéphanie,

viensdoncteposer.Jevaisteraconterunehistoire.(Sourire,clind’œil.)Cetteréplique,çafaitdesannéesquejel’utilise.Del’orenbarre.Certainsparmivousdoiventsedire,«Bon,etaprès?Commentonpassedu

rigolodeserviceaumecquiparlesérieux,romantique,sexe?»En fait, cen’estpascompliqué.Àunmomentdonné, jen’aiqu’àaller lui

parlerdoucement,entêteàtête.Avecleregardduplumard.Zan : (Plus du toutmachomarrant.) Stéphanie, est-ce que tu veux que je

t’appelle?Elle:Tusaisbienquej’aiunmec.

Zan:Tunerépondspasàmaquestion.Est-cequetuveuxquejet’appelle?Elle:C’esttentant.Maisjenepeuxpas.Zan : Sauve-toi avec moi, petite. Je t’emmènerai sur les pentes du mont

Parnasse,oùtun’esjamaisallée.Etc.Toutcequevousvenezdelires’estbeletbienpasséjeudietvendredisoir

derniers,entremoietuneserveusedunomdeStéphanie.Elleestdeloinlapluscanondesserveusesdecerestau,etce,depuisunbail.Rienn’estencoreconcluaveccelle-là,maisellenesefaitpasd’illusionssurmesintentions.Mespotes,ellelesvoitcommedesmecsnormaux,moipas.Ellesaitquetouteinteractionavecmoiserapassionnéedèsledépart.Maintenant,àelledel’accepteroudelarefuser.

OK, elle peut très bien repousser mes avances. Peu importe. Elle nem’oublierapasdesitôt.Et jevouspariecequevousvoulezquesescollèguessontaucourantdecequejeluiaidit.Etça,c’esttrèsbien,surtoutquej’aiditpresquemotpourmotlamêmechosedelamêmefaçonàtouteslesserveuses.Etjecontinuerai–devantStéphanie.

Lebut,c’estd’avoirdescontacts.Quandonentrequelquepart,laboîteestànous.Onfaitsigneàlaserveuse,onluitendlajoueendisant,«Alors,fillette,commentvamoncœur?»Aucunen’estintimidéeparcequ’onlestraitetoutesdemanièreidentique.Danscerestau-là,ilyaquatreserveusesquej’airamenéeschezmoi, troismoins séduisantes qui veulent que je les ramène chezmoi, etplusieursautresquejetravailleencemoment(dontStéphanie).Etellessaventtoutlesunesdesautres.Mais,jelerépète,c’esttrèsbienainsi.

Zan

Chapitre7

Le clou du séminaire était l’intervention de deux personnes qui devaient

m’aiderà joueràunniveauplus intime :SteveP.etRaspoutine.Ces types-là,desbruitscouraientàleursujetdanslacommunautédepuisquejelafréquentais– c’étaient eux les vrais maîtres, ceux qui ralliaient les femmes, et pas leshommes.

Unefoissurscène,ilsonthypnotisélasalleentière.Ilsparlaientensembleetracontaientdeshistoiresdifférentes–unepouroccuper lapartieconscienteducerveau,l’autrepourpénétrerlesubconscient.Quandilsnousontréveillés,nousne savions pas ce qu’ils avaient implanté dans nos têtes. Nous savionssimplementquenousavionsaffaireauxorateurslesplusconvaincantsquenousayonsjamaisvus.LefeusacréetlecharismequifaisaientdéfautàDeAngelo,ilsenavaientàrevendre.

Veste en cuir et chapeau Indiana Jones, Steve P. tenait à la fois duHell’sAngeletduchamanamérindien.Raspoutineétaitvideurdansunclubdestrip-tease.Avecses favorismoutonneux, il ressemblait àun loup-garoushootéauxstéroïdes. Les deux compères s’étaient rencontrés dans une librairie où ilstraquaientlemêmelivretraitantdelapnl.Ilstravaillaientdésormaisenéquipe,et faisaient partie des hypnotiseurs les plus puissants du monde. Questionséduction,ilsdonnaientcesimpleconseil:«Devenezunexpertdansl’artdesesentirbien.»

C’est dans ce but que Steve P. avaitmis au point unmoyen d’amener lesfemmesàcoucheravecluimoyennantfinances.Enéchangedesommesallantdesept centsàunmillierdedollars, il les formait à avoirunorgasmesur simpleordre verbal ; il leur apprenait à tailler des pipes en trois phases ; et, plusincroyable encore, il prétendait pouvoir gonfler les poitrines par hypnose, leurfaisantainsigagnerdeuxtaillesdebonnet.

Le point fort de Raspoutine est ce qu’il appelait lesmanœuvres sexuelleshypnotiques. Le sexe, nous a-t-il expliqué, doit être considéré comme unprivilègepourlafemme,etnonunefaveuraccordéeàl’homme.«Siunefemmeveutmesucer,jeluidis,“Tun’asdroitqu’àtroiscoupsdelangue.Ettun’asle

droit de descendre que tant que tu prends du plaisir.” » Son torse bombaitcommeletoitd’uneVolkswagen.«Après,jeluidis,“Çat’aplu,pasvrai?Laprochainefois,tuaurasdroitàcinqcoups.”

—Oui,mais si on apeurde se faire prendre en trainde lamanipuler ? »demanda un homme d’affaires au premier rang. On aurait dit un Clark Kentminiature.

«Lapeur,çan’existepas.Lesémotionsnesontquedesfluxd’énergieetdesimpulsionsquelespenséesenfermentdansvotrecorps.»

Lemini-ClarkKentleregardait,hébété.«Commentlasurmonter?»Raspoutinetoisaitsoninterlocuteurcommeun

catcheursurlepointdecasserunechaiseendeux.«Restezunmoissansvouslavernivousraser,jusqu’àsentirleségouts.Puisenfilezunerobe,uncasquedehockeysurlatêteavecungodemichéaccrochédevant,etbaladez-vouscommeçapendantdeuxsemaines.Jel’aifait.Etplusjamaisjen’auraipeurdemefairehumilierenpublic.

—Vousdevezvivredansvotrepropreréalité,intervintSteve.Unefois,unefillem’a dit qu’elleme trouvait grassouillet. Je lui ai répondu, “Très bien, sic’estcequetupenses,tun’asplusledroitdecaresserleventredeBouddha,nidechevaucherlatigedejade.”»

Il s’est interrompu, puis a ajouté, comme après coup, « Mais j’ai dit çagentiment,bordel,surlavoiespirituelle.»

La conférence terminée, DeAngelo me présenta les deux hommes. LesommetdemoncrânearrivaitauniveaudelaVolkswagendeRaspoutine.

«J’aimeraisensavoirplussurtesactivités,ai-jedit.—Tuesnerveux,remarquaRaspoutine.—C’estque…vousêtesunpeuintimidants,touslesdeux.—Permets-moi de te débarrasser de cette anxiété, proposaSteve.Dis-moi

tonnumérodetéléphoneàl’envers.»J’aicommencé :«Cinq…quatre…neuf…six.»Steveclaquaitdesdoigts

encadence.«Trèsbien.Maintenant,respireàfondetsoufflefort.»Enmême temps.Stevepromenasesdoigtsdemonnombrilàmagorgeen

faisant«Whoosh!»«Va-t’en!»a-t-ilordonné.«Etmaintenant,regarde:cesentiment s’enfuit comme une volute de fumée par une journée venteuse.Regardebien, il estparti ; iln’existeplus.Fais le tourde toncorps, essaiedetrouveroùilselogeait,etturemarquerasunevibrationdifférenteàcetendroit,

OK.Ouvre lesyeux.Efforce-toid’en remettreunmorceauenplace.Tuvois?C’estimpossible.»

Jenesavaispassiçaavaitmarchéounon,maisjetitubais.Pasdedoute,ilavaitbienoffertàmoncorpsetàmonâmeunvoyaged’uneminute.

Steveareculéd’unpasetaobservémonvisage,commes’illisaitunagenda.«Un dénomméPhœnixm’a offert deuxmille dollars pourme suivre pendanttroisjours,a-t-ildéclaré.Etjeluiaiditnon,parcequ’ilvoulaitfairedesfemmesses esclaves. Tu m’as l’air d’être attentif aux femmes : tu ne cherches pas àfourrertonbâtondansuntrou.Cequit’intéresse,c’estl’exploration.»

Tout à coup, un brouhaha s’est fait entendre derrière nous.Deux sœurs etleur mère avaient commis l’erreur d’entrer dans un hall d’hôtel rempli dedragueurs,etlesvautourss’agglutinaientautourd’elles.Orion,lesuper-ringard,lisait les lignesde lamainà l’unedesfilles ;RickH.racontaità lamèrequ’ilétait le manager d’Orion ; Grimble s’occupait de l’autre sœur ; et une fouled’apprentisV2Dsemassaientautourd’euxpourvoirlesmaîtresàl’œuvre.

« Tiens,me dit Steve P., soudain pressé. Prendsma carte. Appelle-moi sijamaistuasenvied’ensavoirplussurnospetitssecrets.

—Çamebotterait.—Mais attention, c’est top secret. Si on t’accepte, tu n’auras le droit de

divulguerces techniquesàpersonne.Cesontdes techniques trèspuissantes,etentredemauvaisesmainsellespourraientvraimentfoutreunenanaenl’air.

—Messagereçu.»Ilapliéunboutdepapierenformederose,puiss’estdirigéversletrio.Il

s’estapprochédelafillequetravaillaitGrimble,luiademandédesentirlafleuret, trente secondesplus tard,elle tombaitdans sesbras.C’étaitça, leurspetitssecrets.Etjen’allaisplustarderàlesapprendre.

Chapitre8

Ainsiacommencélaphaselaplusbizarredemonéducation.Tous les week-ends, je faisais deux heures de route jusqu’au petit

appartement sordide de SanDiego où Steve P. élevait ses deux fils comme ilparlaitàsesétudiants:avecunebienveillanteobscénité.Lecadetdetreizeansétaitdéjàmeilleurhypnotiseurquejeneleseraijamais.

L’après-midi, Steve et moi sommes partis retrouver Raspoutine. Ils mefaisaientasseoirsurunechaiseetmedemandaientcequejevoulaisapprendre.J’avais toute une liste :me trouver séduisant ; vivre dansma propre réalité ;arrêter de me soucier de l’opinion des autres ; dégager de la force, del’assurance, dumystère et de la profondeur dansmes gestes et mes paroles ;surmonterma peur du rejet ; et, bien sûr, atteindre ce que Raspoutine définitcommelemomentoùl’onjugequel’onméritecequelemondeademieuxàoffrir.

Retenir desméthodes, pas de problème ;maîtriser ces petits secrets aprèstouteuneviedemauvaiseshabitudesetdemauvaisschémasdepensée…c’étaituneautrepairedemanches.Celadit,cesdeuxhommesétaientcapablesdemeremettred’aplombàtempspourl’atelierdeMysteryàMiami.

Steveaannoncélacouleur:«Nousallonsterecadreràl’instantoùtun’espascontentdetefairesucer

parunegonzesse.Ceseraunprivilègepourelledegoûteraunectardumaître.»Àchaqueséance,ilsm’hypnotisaient,Raspoutinemeracontaitdeshistoires

métaphoriques complexes tandis que Steve P. donnait des ordres à monsubconscient. Ils laissaient des boucles ouvertes (métaphores et histoiresinachevées) dans mon esprit pour les refermer la semaine suivante. Ils mepassaient une musique censée susciter des réactions psychologiques trèsparticulières.Ilsmemettaientdansdetellestransesquelesheuresfilaientenunclind’œil.

Ensuite, je retournais chez Steve et lisais ses manuels pendant qu’ilengueulaitsesgossesavecamour.

Ma théorie, c’est que laplupart desdragueurs-nés, commeDustin, perdentleur pucelage tôt et n’éprouvent jamais d’urgence, de curiosité et de timidité

auprèsdesfemmespendantlesannéescritiquesdelapuberté.Ceuxquidoiventapprendre de façonméthodique –moi-même, et la plupart des étudiants de lacommunauté–,souffrentengénéralaulycée,oùilsn’ontnicopinessérieuses,nirendez-vous galants. Ils sont donc condamnés à traverser des années où lesfemmeslesintimidentoulesrejettent,etlesfemmesseulespeuventlesdélivrerdustigmatequiempoisonneleurviedejeunesadultes:leurpucelage.

Steveconfirmaitmathéoriedesdragueurs-nés.Ilavaitétéinitiéausexeversdix,onzeans.Unefilleplusâgéeluiavaitproposédelesucer;saréactionavaitété d’essayer de la frapper avec une pierre. Mais la fille avait fini par leconvaincre, et cette expérience avait engendré son obsession des pratiquesbuccales.Àdix-septans,m’a-t-il raconté, ilavait trouvédu travailpar lebiaisd’un cousin dans les cuisines d’une école catholique de filles. Il avait fait uncunnilingusàl’unedesélèves,lanouvelles’étaitrépandueetilétaitvitedevenule«M.Sexe»del’établissement.Hélas,nonseulementlesfilleséprouvaientduplaisiraveclui,maisellesressentaientaussidelaculpabilité.Etaprèsquelquesconfessionsdétaillées,Steves’étaitfaitrenvoyer.

Ilavait fréquentéquelque tempsunebandedemotards,qu’il avitequittéeaprèsavoiraccidentellementtiréuncoupdefeudanslespartiesd’unmec.Ilaalorsconsacrésavieàunmélangetoutpersonneldesexualitéetdespiritualité.Il avait bon cœur, malgré son langage grossier. Contrairement à nombre degourousquej’avaisrencontrés,ilm’inspiraitconfiance.

Une fois les enfants au lit, Steve me dévoilait ses petits secrets, que luiavaientapprisdeschamansdontilavaitjurédenejamaisprononcerlenom.Lepremierweek-endchezlui,ilm’adonnéuneleçond’«observationdel’âme»,qui consiste à regarder au plus profond de l’œil droit d’une femme avec sonpropreœildroit,toutenaccordantlesrespirations.

«Situfaisça,lafemmetisseraunlientrèsfortavectoi»,meprévint-il.Sesavertissementsétaientsouventplus longsqueses leçons.«Vousdevenezalorsanamchara,cequiengaéliquesignifie“amisdel’âme”.Desâmessœurs.»

Leweek-endsuivant,ilm’aapprisàgérerunménageàtrois,etàformerunefemmeaubouffagedeminouen luimettantunbrugnon séchédans labouchequ’elledevramâcherdefaçonérotiquependantl’amour.Leweek-endd’après,ilm’a montré comment lancer le chi avec mes mains dans l’abdomen d’unefemme.Etenfin,lequatrièmeweek-end,commentconteniretrecyclerl’énergieorgasmiquedesortequelafemmepuisseenchaînerlesorgasmesjusqu’àceque,selonsesproprestermes,elle«gigotecommeunchienquichieraitdesnoyauxde pêche ». Enfin, il m’a confié ce qu’il considérait comme sa meilleure

technique : guider une femme, par des paroles et des attouchements, vers unorgasmeaussi«puissantqueleschutesduNiagara».

C’étaituntoutnouveauniveaudejeu.Stevemedonnaitdessuper-pouvoirs.J’étaisprisdansuntourbillondeconnaissances.Jen’appelaisplusmesamis.

Je m’étais presque coupé de ma famille. Je refusais tous les contrats qu’onm’envoyait.Jevivaisdansuneautreréalité.

«J’aiexpliquéàRaspoutine,m’aannoncéSteveunsoir,queplusque toutautreséducteur,j’aimeraisquetufassespartiedenosformateurs.»

Jedevaisrefusercetteoffre.Lemondedelaséductionreprésentaitunpalaisauxportesgrandesouvertes.Enfranchirune,pourtentantsquepuissentêtrelestrésorsqu’ellecache,revenaitàfermertouteslesautres.

Chapitre9

Un dimanche soir, à mon retour de chez Steve, j’ai trouvé sur mon ordi unmessage de Cliff (le Cliff de Cliff’s List). Il était à San Diego et voulait meprésentersadernière trouvaille–unancienmotardreconvertidans lebâtimentquisefaisaitappelerDavidX.

Cliff faisait partie de la communauté depuis ses débuts. La quarantaine, ilétaitaussisympaquebourrédecomplexes.Plutôtbeaugosse, iln’enincarnaitpas moins la ringardise absolue. Il semblait tout droit sorti d’une sitcom desannées1950.Ilracontaitque,chezlui,ilavaitunplacardcontenantplusdemillelivres sur ladrague–desnumérosduPick-UpTimes,magazineéphémèredesannées1970 ;uneéditionoriginaledeCommentséduire les filles, le classiqued’Eric Weber ; et d’obscurs ouvrages misogynes aux titres remarquables, dugenreLaSéductioncommencequandlafemmeditnon.

DavidX était de la demi-douzaine deV2D découverts par Cliff au fil dutemps,etprésentssursa liste–ouverteen1999quandRoss l’avaitmentionnésur sa propre liste, car il avait discuté d’une technique sans lien avec la pnl.Chaque V2D avait sa spécialité. Celle de David X ? La gestion de harem –jongleravecplusieursfemmessansleurmentir.

Ànotreentréedanslerestaurantchinois,j’aiétéchoquéparlespectaclequis’offrait àmavue.DavidXétait sansdoute leplusmochedesV2Dque j’aiejamais rencontrés. À côté de lui, Ross Jeffries ressemblait à un mannequinCalvinKlein.Cetéchalasaucrânedégarniévoquaituncrapaud,avectoutessesverruesetsavoixdefumeur.

Cerepasn’arieneud’exceptionnel,hormislesrèglesqu’ilnousaexposées:I.Cequ’ellepense,ons’entape.II.C’estmoileplusimportantdansnotrerelation.Saphilosophieconsistaitànejamaismentiràunefille.Ils’enorgueillissait

decoucheravecdesfemmesenlesprenantàleurproprepiège.Parexemple,s’ilrencontrait une fille dans un bar, il l’amenait à dire qu’elle était spontanée etqu’ellenesuivaitaucunerègle;puis,siellehésitaitàsortiraveclui,illuidisait,«Jecroyaisquetuétaisspontanée.Jecroyaisquetufaisaiscequiteplaisait.»

Vautrésursachaise,ilannonça:«Lesseulsmensongesdontjesuiscapablesont“Jenejouiraipasdanstabouche’’et“Jevaisjustetefrotterleculavec.”»Pasfranchementbeauàimaginer.

Saphilosophies’opposaitdirectementàl’enseignementqueMysterym’avaitappris,et ilmel’afait lourdementcomprendrependanttoutlerepas.Ilétait lapreuvevivantedelathéoriedelagrandegueule,lemâlealphaparexcellence.

«Lemieux,fanfaronnait-il,c’estqu’ilyadesmecscommemoietd’autrescommetoietMystery.Pendantquevousêtesencoreaubaràfairedelamagie,moijevienschercherdurab.»

Repas intéressant, j’y ai appris beaucoup de petits détails qui devaientmeservirplusd’unefois.Maisà lafin, j’aicomprisquejen’avaisplusbesoinderencontrerd’autresgourous.

Jesavais toutcequ’il fallait savoirpourdevenir leplusgranddragueurdumonde.

Je connaissais des centaines d’intros, de thèmes, de commentairesmachosmarrants,de façonsdemedémarqueretdepuissantes techniquessexuelles.Etonm’avait hypnotisé à fond. Il n’était plus nécessaire que je prenne d’autresleçons, sauf pour mon plaisir ou la curiosité. J’avais juste besoin d’êtreconstamment sur le terrain – aborder, calibrer, peaufiner, et travailler mesblocages.J’étaisprêtpourMiami,etpourtouslesateliersquisuivraient.

DanslavoituredeCliffquimeraccompagnaitchezmoi,jemesuisfaitunepromesse:sijamaisjerencontraisànouveauungourou,ceneseraitpasentantqu’étudiantmaisentantquepair.

2

Décocherunnegàlacible.Exemple:«C’estmignon,tonnezremuequandturigoles.»Puislefaireremarqueràsesamispourqu’ilsenrientaussi.

3

lecoupdesphotos -. sortezdevotrepocheunpaquetdephotoscommesielles venaient d’être développées. Chacune aura été choisie pour illustrer unaspectdevotrepersonnalité–vousavecdescanons,desenfants,desanimaux,despeople,entraindefaireleconavecdespotes,durolleroudusautenchutelibre.Accompagnezchaqueclichéd’unepetiteanecdotemarrante.(N.d.A.)

5

ENVELOPPEDEPHOTOSPRÉSÉLECTIONNÉESPourlecoupdesphotos(Mystery).6

Uncercleestungroupedegensdansunlieupublic.Onparledec-2quandilyadeuxpersonnes,dec-3quandilyenatrois,etc.(N.d.A.)

ÉTAPE5

ISOLERLACIBLE

«Ilestinjustededétruireunefemmequandsasantéetsonexubérancevous

menacent.»JennyHolzer,

Benches

Chapitre1

AlorsqueMysteryetmoiparcourionslemondepouryorganiserdesateliersetrencontrertouslesjoueurs,lacommunautédelaséductiondevenaitplusqu’unesimplekyrielledesobriquets,une familledechairetdesang,Maddashn’étaitplus un pseudo de sept lettresmais un entrepreneur deChicago,marrant, auxfauxairsdeJeremyPiven;Stripped,unéditeurcoincéquivivaitàAmsterdametquiressemblaitàunmannequin;Nightlightg,unadorableringardquibossaitchezMicrosoft.

Letempsaidant,lesposeursetlesfrimeursduNetsesontfaitlourder,etlessuperstars ont été reconnues à leur juste valeur. Mystery et moi étions desvedettes parce qu’on assurait partout où on mettait les pieds : Miami, LosAngeles, New York, Toronto, Montréal, San Francisco et Chicago. Chaqueateliernousrendaitplusexpérimentés,plusforts,plusinspirés.Touslesgourousque j’avais rencontréspréféraient la tranquillitédes sallesdeséminaire.Onnelesavait jamaisforcésàfaire leurspreuvessur le terrain,villeaprèsville,nuitaprèsnuit,femmeaprèsfemme.

Lorsquenousquittionsuneville,unrepaireapparaissaits’iln’enexistaitpasdéjà, où se retrouvaient les étudiants qui souhaitaientmettre en pratique leursnouvelles compétences. Par le bouche à oreille, ces repaires ont connu unecroissanceexponentielle.EttousceshommesvénéraientMysteryetStyle:nousvivionslaviequ’ilsvoulaientvivre,dumoinslepensaient-ils.

Chaqueateliergénéraituneavalanchedecommentairesenlignelouantmestalents. Chaque compte rendu que j’envoyais déclenchait un déluge de mailsd’étudiants qui rêvaient d’être mes équipiers. La liste des dragueurs quifiguraientdansmoncarnetd’adressesdépassaitmêmecelledemesconquêtes.

En général, quand mon téléphone sonnait, l’appel était pour Style. Et,glissant sur les présentations, l’aspirant dragueur me demandait, « Quand tuappellesunefille, tuacceptesquetonnuméros’afficheoupas?»ou«J’étaisdansunc-3,et l’obstacleafiniparm’apprécieretmedonnersonnuméro.J’aiencoreunechanceaveclacible?»

Le jeudévoraitmavied’autrefois.Maisce reversenvalait lapeine,car ilfaisaitpartieduprocessusquidevaitmepermettrededevenirleroidesclubs–

cemecquej’avaistoujoursenvié,celuiquiemballaitdansuncoinsombreunefilletoutjusterencontrée.Dustin.

Avantlacommunauté,laseulefoisoùj’avaisemballéuneinconnuedataitdemonarrivéeàLosAngeles.Maisenpleinmilieudubaiser,lafilles’étaitécartéedemoietm’avaitdit,«Toutlemondedoitcroirequetuesproducteur,non?»Traduction:jesuistropcanonpourembrasserunplouccommetoi.J’avaismisdesmoisàm’enrelever.J’étaistropfaiblepourgérercequi,quandj’yrepense,n’étaitquelaversionféminineduneg.

À présent, quand j’entrais dans une boîte, une sensation de puissancem’envahissait,jemedemandaisquellefemmeauraitmalanguedanssabouched’ici une demi-heure. Malgré tous les guides que j’avais lus, je n’avais pasencoredépassé le stadede laquêted’approbation.Nous sommes tousdans cecas.C’estnotreraisonde jouer.Lesexenesertpasànouséclater,maisàêtreacceptés.

Pendant ce temps, Mystery avait subi sa propre métamorphose. Il avaitdéveloppéune formed’attitude radicalement nouvelle.Un seul article originalne suffisait plus à attirer l’attention du sexe opposé. Désormais, tout ce qu’ilportait sortait de l’ordinaire et faisait de lui un spectacle ambulant. Avec sesbottesàsemellescompenséesdequinzecentimètresdehautetsonchapeaudecow-boyrougevifàrayures,ilmesuraitdeuxmètresquinze.Ilavaitajoutéàsagarde-robeunpantalonnoirmoulantenpvc,deslunettesfuturistes,unsacàdosorné de picots en plastique, une chemise transparente à mailles, sans oublierl’eye-linernoir, l’ombreàpaupièresblanche,etpasmoinsdeseptmontresauxpoignets.Toutlemondeseretournaitsursonpassage.

Il n’avait plus besoin d’intros. Les femmes venaient à lui. Les filles lesuivaientàtraverslesrues.Certainesluimettaientlamainauxfesses;uneplusâgéeallajusqu’àluimordrel’aine.Ets’ilétaitintéressé,iln’avaitqu’àexécuterdeux,troistoursdemagie,quisemblaientjustifiersonexcentricité.

Sonnouveaulookluiservaitaussidefiltre.Ilrepoussaitlesfemmesquinelebranchaientpasetséduisaitlesautres.«Jem’habillepourlesfollassesdesclubs,leschaudasses, cellesque jenepourrai jamaisavoir,m’a-t-il expliquéun soir,quandjel’aiaccuséderessembleràunclown.Ellesjouentlesgroupies,alorsjedoisjouerlesrockstars.»

Mystery m’encourageait à m’habiller de façon aussi farfelue que lui. Unaprès-midi,j’aicraquéetmesuisachetéunmanteauenfourrurevioletdansuneboutique de lingerie de Toronto, mais ça ne m’excitait pas vraiment d’êtreconstammentreluqué.Enplus,jemedébrouillaisplutôtbiensans.

C’estsurtoutl’atelierdeMiamiquiafondémaréputation,quand,entrenteminutes,j’aimisenpratiquemessixsemainesd’hypnose,d’entraînementetdefréquentation des gourous. Cette nuit-là devait entrer dans les annales del’histoiredelacommunauté,laséductionn’yapasétéaffrontementmaisballet:unmodèledeperfection formelle.Cettenuit-là, je suisofficiellementpassédugradedepmfàceluideV2D.

Chapitre2

Cefutlamdparfaite.QuandellessontentréesdanslecarrévipduCrobardeMiami,toutlemonde

les a remarquées. Deux blondes platine à poitrine siliconée bronzées à laperfection,vêtuesà l’identique :pull sansmanchesetpantalonblancmoulant.Difficile de passer inaperçues… Elles étaient ce que les V2D appellent des10/10,etelless’étaienthabilléespourchangerleshommesenbêtes.Nousétionsà SouthBeach, où les niveaux de testostérone crèvent le plafond, et les deuxblondes se sont fait siffler et interpeller toute la soirée. Elles semblaientapprécier cette attentionpresque autant qu’elles prenaient plaisir à refouler leshommesquilaleuraccordaient.

Jesavaisquoifaire–cequetouslesautresnefaisaientpas.Unvirtuosedeladraguedoitêtrel’exceptionàlarègle.Jedevaissupprimerenmoitoutinstinctetnepaslescalculeruneseuleseconde.

Mystery etmoi étions accompagnésdedeuxdenos étudiants,Outbreak etMatadorofLove.Lerestedenosdiscipleschassaientàl’étagedudessous.

Outbreak s’est lancé le premier, complimentant les blondes sur leur tenue.Ellesl’ontrepousséfroidement.PuisMatadorofLoveaessayél’intro«MauryPovich».Droitdanslemur,luiaussi.

Àmoi de jouer. J’allais avoir besoin de toute l’assurance que Steve P. etRaspoutine m’avaient donnée par l’hypnose. Au moindre signe de faiblesse,ellesmeboufferaientvivant.

«Lagrande,là,c’estpasune10/10,meconfiaMysteryensepenchantversmoi.C’estune11,Vafalloirsortirdesnegsdefolie.»

Les filles sont passées nonchalamment au bar, où elles ont engagé laconversationavecuntravestivêtud’untutunoir.Jemesuisincrusté,sansmêmeuncoupd’œil,etaisaluéletravcommesijeleconnaissais.Jeluiaidemandés’il bossait dans cette boîte, il m’a répondu non. Peu importe ce que je luiracontais : ce n’étaient que des manœuvres de positionnement ; lui, il allaitm’ouvrirlesportesduc-2.

Maintenantquejelesavaisàmaportée,ilmefallaitsortirunneg,«Regardela fille, là-bas elle a copié ton style, dis-je à 10/10, la plus petite des deux.

Regarde.»Jeluiaimontréuneautreblondeplatinehabilléeenblanc.«Justelescheveux,rétorqua10/10.— Non, j’ai insisté. Sa tenue aussi. Vous avez presque exactement la

même.»Elles observaient la blonde, c’était l’instant crucial. Si je n’assurais pas

l’enchaînement,jenelesintéresseraisplus,ellesmeconsidéreraientcommeuncinglédeplus.J’aidoncutilisédoncunautreneg:

«Voussavezquoi?Touteslesdeux,vousressemblezàdespetitsfloconsdeneigebizarres.»

Plutôt énigmatique, comme commentaire,mais j’avais capté leur attention.Jelesentais,etmoncœurs’estmisàbattreplusfort.J’aienchaînéaveccequej’avaisprévucommevraieintro:

«Jemedemandais,cesontvosvraischeveux?»10/10aeul’airchoquée,puisellealâché:«Oui.Vérifie.»J’aitirédoucement.«Ah…çaabougé.C’estpasdesvrais.—Tireplusfort.»J’aiobéiettirésifortquesatêteestpartieenarrière.«Ok.Jetecrois.Mais…tacopine…?»11/10 a rougi. Elle s’est appuyée sur le bar et m’a regardé droit dans les

yeux.« C’est franchement malpoli. Tu dirais quoi si j’étais vraiment chauve ?

C’esthumiliant.Pasrespectueux.Tuleprendraiscomment,siontesortaitça?»Ladraguecomportedegrosenjeux;pourgagner,ilfautassurer.Jusque-là,

je n’avais fait qu’attirer leur attention et provoquer une réaction émotionnelle.Émotionnégative,ok,maisaumoinsnousavionsnouéunerelation.Sij’arrivaisàretournerlacolèredelafille,c’étaitgagné.

Coupdebol, j’essayais justementdeprouver auxétudiantsque le lookestsecondaire ; jem’étais affubléd’uneperruquenoire et d’un fauxpiercingà lalèvre.C’estlejeu…

Jemesuisappuyésurlebaretaifixé11/10.«Justement,ilsetrouvequej’enporteune,deperruque,etqu’endessous,eh

benjesuischauve.»Jemesuisinterrompu,ellem’aregardébouchebée,incapablederépondre.

Jel’avaisferrée,ilfallaitlaramener.«Etjevaistedireautrechose.Quejesortecomplètement chauve, ou avec cette perruque, ou avec des cheveux beaucoup

plus longs, ça ne change pas le comportement des gens enversmoi.Questiond’attitude.T’espasd’accord?»Quand jedrague,chacunedemesparolesestprononcéeavecunearrière-penséeentête.Jedevaisleurfairecomprendreque,contrairementauxautres,jen’étaispasetneseraispasintimidéparleurlook.Àmesyeux,labeautéestunemiseàl’épreuve:ellebluffelesloserset,ducoup,onpeutleséjecter.

«J’habiteàLosAngeles.Touslescanonsdupayss’yinstallentpouressayerde réussir. Là-bas, tu entres dans une boîte de nuit, tu ne vois que des bellesfilles.Àcôté,cecarrévipc’estunbouge.»Cettetirade,jelatenaispresquemotpourmotdeRossJeffries.Etellemarchait.

J’ailaissé10/10regarderalentouravantd’enremettreunecouche:«Ettusaiscequej’aiappris?Labeauté,c’estbanal.Soittunaisavec,soit

tutelapayes.Cequicompte,c’estcommenttut’ensors.Cequicompte,c’estlabonneattitude,labonnepersonnalité.»

Dans la poche. Les filles étaient bluffées, pasmoi. J’étais entré dans leurmonde,commedisaitJeffries,et j’yévoluaisavecautorité.J’aiencorebalancéunneg,histoired’assurermaposition,adouciparuncompliment,commesi lasituationétaitinversée:«Ettusaisquoi?Tuasunsuper-sourire.Jesuiscertainqu’aufond,tuessûrementquelqu’undebien.»

10/10s’estglisséeprèsdemoietm’aconfié,«Noussommessœurs.»UnV2Dmoins aguerri aurait cru l’affaire réglée.Mais non, j’y lisais une

nouvelle mise à l’épreuve. J’ai promené mon regard de l’une à l’autre, trèslentement,puisj’aiprisunrisque.

« Impossible, ai-je dit, sourire aux lèvres. Je parie que tous lesmecs vouscroient,maismoi,j’aidel’intuition.Etquandjevousregardetouteslesdeux,jevoisbienquevousêtesdifférentes.Trop,même.»

10/10m’offritunjolisourire.«C’estunsecret,maistuasraison.Onestseulementamies.»J’avaisvuclair en elle ; ellenepouvaitplusme sortir les réponsesbateau

qu’elleservaitauxautres ;et je luiavaisprouvéquej’étaisdifférent.Nouveaurisque.

«Etjediraismêmequevousnevousconnaissezpasdepuislongtemps.Engénéral,quanddeuxfillessontvraimentcopines,ellesontlesmêmesattitudes.Vous,pasvraiment.

—Onneseconnaîtquedepuisunan»,areconnu10/10.À présent, je devais mettre la pédale douce et gazouiller un peu. Mais

surtout,nejamaisposerdequestions;aucontraire,surlesconseilsdeJuggler,

j’aifaitdescommentairesouvertsquilesontconduitesàm’interroger.10/10m’aapprisqu’ellesvenaientdeSanDiego, alorsnousavonsunpeu

discuté de la côte Ouest et deMiami. Ce faisant, je tournais le dos à 10/10,comme si elle m’intéressait moins. Un classique de laMéthodeMystery : jevoulais qu’elle pense davantage àmoi, qu’elle se demande pourquoi je ne luiaccordais pas l’attention à laquelle elle était habituée. Dans le jeu, rien n’estaccidentel.

À mes yeux, l’intérêt d’une femme fonctionne comme un feu : quand ilmenacedemourir,ilfautsoufflersurlesbraises,lesremuer.Donc,aumomentoù10/10s’apprêtaitàchercheruninterlocuteurailleurs, jemesuis tournéverselleetluiaiservicettebelleréplique:

« Tu sais quoi ? Quand je t’observe, je vois précisément à quoi turessemblaisversdouze,treizeans.Etjeparieraisquetun’étaisniextravertienipopulaireàcetteépoque.»

Un truisme, OK. Mais elle m’a regardé bouche bée, stupéfaite. Pourparachevermavictoire,jeluiaisortiundernierexempledelectureàfroid:«Jepariequebeaucoupdegenstetrouventsalope.Maistunel’espas.Enfait,tuesplutôttimide.»

Elle commençait à me faire l’œillade toutou-pâtée – jargon des V2Ddésignant lebutde toute approche.Lesyeuxperdus, lespupillesdilatées, ellesuivaitlesmouvementsdemeslèvres,extasiée,séduite.J’airemarquéqueplus11/10s’intéressaitàmoi,plus10/10donnaitdanslamanip.

«Tum’intéresses»,abavé10/10enappuyantsapoitrinecontrelamienne.JevoyaisMystery,OutbreaketMatadorofLovem’encouragerdeloin.«Ilfautabsolumentqu’onserevoieàLosAngeles.»

Elles’estpenchéeetm’aserréfortdanssesbras.«Çatecoûteratrentedollars,j’aiditenmedégageant.Ilestpasgratuit,tout

cematos.»Plusonlesrefoule,plusellesvouscourentaprès.« Je l’adore », a déclaré 10/10 à son amie avant de me demander si

j’acceptaisdeleshébergerquandellesviendraientàLosAngeles.«Biensûr»,maisj’aicompris,troptard,quej’auraisdûlafairelanguirun

peu plus. Il faut se souvenir d’une ribambelle de choses, jongler avec unemultitude d’éléments, quand on drague, et il est très difficile d’atteindre laperfection.Maispeuimporte.Onaéchangénosnuméros.

Vous aurez peut-être remarqué que je n’ai pas appelé ces filles par leursnoms. C’est parce que je ne me présente jamais quand je suis sur le terrain.

Conformément aux leçons deMystery, j’attends que la femmeme donne sonnomoumedemandelemien.Decettemanière,jesaisqu’elleestintéressée.Ducoup,aumomentdel’échangedenuméros,j’aieumonpremiervraiidi,etj’aiapprisque10/10s’appelaitRebekahet11/10Heather.Ilétaitàprésenttempsdeles quitter et de vérifier si j’avais reçu assez d’idi pour une conclu-bise avecHeather.

Pileàcet instant-là,unmecs’estpointéetacommandétroisverres–pourHeather, Rebekah et lui-même. J’ai tendu une main vide et regardé alentour,commesicetteattitudemeblessait.Heather,dontj’aicomprispeuàpeuqu’elleétaitunechic fille sousunextérieur travailléavec soin, amorduà l’hameçon.« Ne fais pas attention à lui, me dit-elle en indiquant leur ami. C’est « unrustre.»

Quandelleaappeléleserveurpourm’offrirunverre,Rebekahluiadécochéun regard noir. « Et notre règle ? » a-t-elle rouspété. Leur règle, je laconnaissais:cegenredefillesaimentquandlesmecsleurpayentàboire.MaisDavidXm’en avait appris une autre. les filles ne respectent pas lesmecs quimettent lamain au porte-feuille.Un vrai dragueur sait qu’il ne doit jamais sefendred’un repas, d’unverreoud’un cadeau àune fille avant d’avoir couchéavecelle.Lesrancards,c’estbonpourlesnazes.

«Ons’estpromisdeneriendépensercesoir,aexpliquéRebekah.—Maisceverre-làn’estpaspourvous.C’estàmoiquevouslepayez.Etje

nesuispascommelesautres.»En réalité, jene suispasaussiarrogant,mais le jeua sonprotocole.Eton

doitlerespecter,parcequec’estcommeçaqueçamarche.Tout à coup,Mystery s’est approché demoi et m’amurmuré à l’oreille :

«Isole-la!»«J’aiquelquechoseàtefairevoir»,ai-jeditàHeatherenlaprenantparla

main. Je l’ai entraînéeversun canapé, l’ai fait asseoir et suispassé au test detélesthésie.J’aivuMysteryqui,auralenti,tapaitdupoingdanssamainouverte.C’étaituncode,lesignalduchangementdephase:jedevaisralentiretguetterledénouement.

JeparlaisàHeatherdel’«observationdel’âme»et,malgrélamusiqueetlesdizainesdeconversationsquiretentissaientalentour,nosregardsnesequittaientpas.Dansmatête,j’imaginaislapetiteécolièregrassouillettequ’elleavaitété.Sij’avaispenséàsabeautéactuelle,j’auraisététropnerveuxpourlasalirdemeslèvres,commej’étaissurlepointd’essayerdefaire.

J’aiapprochélentementmatêtedelasienne.

«Paslabouche»,achuchotéHeather.J’aiposémonindexsurseslèvresendisant«Chut».Puisl’aiembrassée–

surlabouche.Ç’auraitpuêtreleplusbeaubaiserdemavie.Maisj’étaistellementabsorbé

parmesmanœuvres que j’en avais oublié que je portais un faux piercing à lalèvre.Depeurqu’iltombe(oupire,secollesursalèvreàelle),j’aiécartélatête,airegardédenouveauHeather,puisluiaimordillélalèvresupérieure.

Elleadardésalangue.«Holà,pas sivite», ai-je contré, en jouant l’effarouché.DavidDeAngelo

l’avaitexpliquédanssonséminaire,lesecretdelaprogressionc’estdeuxpasenavant,unpasenarrière.

Nous nous sommes embrassés délicatement, puis je l’ai raccompagnéejusqu’àRebekah,aubar.Mesobligationsd’équipierm’appelaient,alors je leurdis que ç’avait été un plaisir de les rencontrer et que je devais retrouvermesamis.Nousavonsrépéténotreprojetdeweek-end,puisjelesaiquittéeslecœurléger.

MatadorofLoveaétélepremieràcourirversmoi.Ilm’afaitunbaisemain.«En Inde,nousnousprosternonsdevant lesgenscomme toi, a-t-il affirméenagitant les bras, tout excité. Tum’asmontré une autre signification de la vie.C’étaitcommedevoirJohnElwayauSuperBowl.Tusais,sonfameuxcoup.Onsavait déjàque c’était unbon,mais là, il a enfoncé le clou.Toi, ce soir, tu asremportéleSuperBowl.»

J’ai passé le reste de la soirée sur un petit nuage. Des femmes qui nem’avaient même pas vu avec les fausses sœurs m’ont abordé. Elles sentaientmonexaltation.

Àunmoment,jesuisretombésurHeatheretluiaidemandé,«Tun’espasunevoleuse,dis-moi?—Non.»Alors j’ai retirémoncollieret le luiaipassé très lentementautourducou.

«Ilm’appartienttoujours,ai-jemurmuréeneffleurantHeatherdeslèvres.C’estpourquetun’oubliespascettesoirée.Maisilfaudramelerendrelaprochainefoisqu’onseverra.J’ysuistrèsattaché.»

Enm’éloignant, je savais que je venais de frapper un grand coup.Que jeconclueounonn’avaitpasd’importance,parcequej’avaisjouécommeunchef.C’étaitpourcerésultatprécisquej’avaistravaillésidur.Saufquejenem’étaispas renducomptedemes talentsouque,ce faisant, jecréaisunbesoinquinepourraitjamaisêtresatisfait.

Chapitre3

Aprèsdeuxautresmoisd’ateliers,jesuisrentréàLosAngelesfaireunepause.Maisàforcederesterchezmoi,j’aiattrapélabougeotte.Danslesboîtesetlesbars, des cercles attendaient qu’on les attaque, chacun pouvait offrir unenouvelleaventure.Lebesoindepartirenmdmeconsumaitcommeunefièvre.

Parchance,j’aireçuunappeldeGrimble.IlétaitauWhiskeyBaravecHeidiFleiss,l’ancienneMadameClauded’Hollywoodquivenaitdepurgerunepeinedeprisonpourabusdeconfianceetfraudefiscale.Ellevoulaitmerencontrer.

J’ai enfilé un costume sur mesure récemment acheté, passé mon sac àl’épaule,etmesuisaspergélespoignetsdedeuxparfumsdifférents.Monpetitdoigtmedisaitqu’ilnes’agissaitpasd’unappelcommelesautres.

En arrivant, j’ai trouvé Grimble près d’Heidi Fleiss au bar. Il portaitexactement la même chemise à motifs floraux que lors de notre premièrerencontre, saufque l’argentavaitviréaugrisau fildes lavages. Il avaitdéfaittroisboutonsetsapoitrine imberbepointaitplus loinque jamais.Àcroirequec’étaitsachemiseporte-bonheur,commechezlesjoueursdebase-ball.

Unétrangesourireestpassésurseslèvres–unpeutroublantdelapartd’unami,maisaguichantpouruncertaintypedefille–etilm’aprésenté:

«VoiciStyle.Letypedontjet’aiparlé.»Bienqueséduisante,Heidiétaitdure,commeseuleunefemmequiadûse

débrouiller seule à Los Angeles peut l’être, le me demandais si Grimblen’essayait pas de jouer les entremetteurs. Ç’aurait été une mauvaise idée. Engénéral,lesfemmesquiontrouléleurbosse,j’évite.

Ellem’afermementserrélamainetdit:«Bien.Fais-moivoirdequoituescapable.—Dequoituparles?—Grimblem’aditque tuétaisundragueur. Ilm’aparlédescoursque tu

donnes.Fais-nousunedémo.»J’ai lancéàGrimbleunregardassassin.Ilm’avaitvendu.«Pourquoitune

luimontreraispas,toi?—Je suis venu avecune copine, a-t-il répondu enme renvoyant un rictus

cruel,etenfaisantsigneàunepetiteHispaniqueperchéesurdes talonsdedix

centimètres.Enplus,ellepourramevoiràElimidate.»Quelquesmoisplustôt,Grimblem’avaitannoncéqu’ilcomptaitauditionner

pourl’émissiondedragueElimidate.Jen’enrevenaispasqu’ilaitosés’inscrire–etqu’ilaitétéaccepté.

«Çapassequand?—Demainsoir.—Quiagagné?—Jen’aipasledroitd’enparler.Ilfaudraqueturegardesl’émission.»J’aicherchéunindicesursonvisageimpassible.«Bien,repritHeidi.Vanousleverunefille.Jetepariequetoutescellesque

tulèveras,jeleslèveaussi.»Apparemment,cesoir-là,jeparticipaismoiaussiàElimidate.Bienqu’épuisé

par des mois de voyages et de drague ininterrompus, je n’allais pas medégonfler.

Heidiaabordétroisfillesquifumaient,assisesdanslepatio.Lecombatavaitcommencé.

Non loin de là, j’ai approché un c-3 – deux hommes et une femme quiressemblaitàuneprésentatricedetéléperduesanssacaméra–avecl’intro«eaudeCologne».Ensuite,jesuispasséauxquestionshabituelles:«Commentvousêtes-vous rencontrés ? »Manque de chance, la femme étaitmariée à l’un desdeuxtypes.

Aumomentoùj’allaisleurfaussercompagnie,Heidiafaitsonentrée,« Alors, a-t-elle demandé à mon ancienne cible. Depuis quand vous

connaissezStyle?—Nousvenonsdelerencontrer.—Vous avez l’air devieuxamis». repartitHeidi, avecun sourire servile.

Puis,setournantversmoi,ellem’achuchoté,«Ilssontchiants.Onbouge.»Unefoisseuls,jeluiaidemandécomments’étaitpassésonc-3.«Lesfillesavaientvingtans.J’auraispulesembobinerenunedemi-heure.»

Bon, évidemment, pour Heidi, draguer, ça signifiait recruter de nouvelles «hôtesses».

Quelquesminutesplustard,elleattaquaitunautregroupe.Jedoisreconnaîtrequ’ellen’avaitpaspeurd’aborder.J’aidécidéqu’ilétait

tempsdel’humilieravecmesnouveauxetformidablespouvoirs.Agenouillée devant deux femmes aux joues pailletées d’or, elle parlait des

restausducoin.Jemesuisimmiscéenleursortantuneintroinédite–l’histoired’unamidontlacopinerefusequ’ilparleàsonexdelafac.

«Voustrouvezçajuste?Ouextrême?»Lebut,c’étaitd’amenerlesdeuxpailletéesàparlerentreelles,maisHeidiest

intervenue:« Il n’a qu’à les baiser toutes les deux. C’est vrai, quoi, moi je couche

toujourslepremiersoir.»Cetterépliquedevaitfairepartiedesatechnique;ellelaprononçaitpourla

secondefois.J’aiaussiremarquéqu’elles’agenouillaittoujoursaprèslepremiercontact, pour ne pas intimider ses cibles. J’étais heureux que Grimble m’aitappelé:HeidiFleissétaitdesnôtres.

Les semaines précédentes, j’avais mis au point mon propre thème. Unestructure simple quime permettait de déterminer lameilleure orientation pourchaque fille : intro, démarquage, création d’un lien et d’une connexionémotionnelle,créationd’uneconnexionphysique.

Maintenantquej’avaispassél’intro,jedevaismedémarqueretéjecterHeidi.Jeme suis servi d’uneméthode inventée aprèsma rencontre avec les faussessœursdeMiami–letestdesmeilleurescopines.

«Jemedemandais:depuisquandvousvousconnaissez?—Environsixans,réponditl’unedesfilles.—J’enétaissûr.—Commentdonc?— Plutôt que de vous expliquer, je vais vous faire le test des meilleures

copines.»Les filles se sont approchées demoi, ce test inoffensif les intéressait. Les

mecsde lacommunautéontuneexpressionpourcephénomène :du«crackànana ». D’après eux, la plupart des femmes réagissent aux tests, aux jeuxpsychologiques,àladivinationetàlalectureàfroidcommedesjunkiesfaceàunedosegratuite.

«Ok»,j’aidit,commesij’allaisleurposerunequestionsérieuse.Ellessesontrapprochées.«Est-cequevousutilisezlemêmeshampooing?»

Lesfillesontéchangéunregard,puissesonttournéesversmoietontouvertlabouchepourrépondre.

«C’estsansimportance,lesai-jecoupées.Vousavezréussiletest.—Maisonn’utilisepaslemêmeshampooing,afaitl’une.—Non,mais vous vous êtes regardées avant de répondre.Vous voyez, si

vousnevousconnaissiezpasbien,vousnem’auriezpasquittédesyeux.Maisquand deux personnes ont un lien, d’abord elles se regardent et elles

communiquentpresquepartélépathie.Ellesn’ontmêmepasbesoindeseparler.»

Lesfillessesontànouveauregardées.«Vousvoyez!Vousrecommencez.»Ellesontéclatéderire.UnpointpourStyle.Quandlesfillesm’ontracontéqu’elless’étaientrencontréesdansl’avionqui

lesemmenaitàLosAngeles,etqu’ellesétaientinséparablesdepuis,j’aivuHeidiFleiss s’agenouiller inutilement. Nos cibles semblaient l’avoir complètementoubliée.

MaisHeidin’étaitpasdugenreàjeterl’éponge.«Alors,a-t-elleclaironné,laquelledevousdeuxvabaiseraveclui?»

Aïe.En une phrase, elle m’avait humilié. Évidemment qu’aucune des deux ne

voulait – encore – coucher avecmoi. Je n’avais pas exploité lamoitié demaséquence,mais son commentaire aurait ruiné l’affairemême si j’avais sorti legrand jeu. « Ah mais je ne suis pas un mec facile, ai-je répliqué un peutardivement.Ilmefautd’aborddelaconfiance,deladouceuretunlienfort.»

Nousnoussommeséloignésensemble,Heidietmoi.Elleaposéunemainsurmonépauleetsouri:«Sijepartaismaintenant,ellesmesuivraientcommedeuxpetitscanards.»

Quelques secondes plus tard, elle accostait un autre c-2, la compétitionrepartait. Elle s’était assise à côté d’un type dégarni qui se disait comique, etd’une femme hyper-voyante – longs cheveux bleus façon gyrophare, voixmalicieuse, excellent sens de l’humour-prénommée Hillary, qui nous a apprisqu’elle faisait un strip-tease le lendemain soir dans une boîte de nuit, l’Echo.Elleétait si intéressanteque jen’avaispresquepasbesoinde jouer.Onparlaitnormalement,etj’aiprissonnumérosouslesyeuxdesonmec.PuisHeidilesainvitésàunefêteetadonnésonnuméroàHillary.

« Je pourrais la convaincre de bosser pourmoi en une journée. » Il fallaittoujoursqu’elleaitlederniermot.

Certainespersonnessontnéespourlerock,d’autrespourenseigner.«Jesuisnéepourêtremadame.J’enseraitoujoursune.»Chaquefoisqu’ellequittaituncercle,Heidisoutenaitmordicusqu’elleauraitpufairedesfillesrencontréesdesprofessionnelles ou les amener chez elle – bien que toute cette périodeappartienne au passé. Ce soir-là, nous avons abordé toutes les filles qui setrouvaient dans le bar. Et j’ai appris qu’entre mac et joueur, la frontière estmince.

Grimbleetsacopinesesontapprochésdemoi,hilares.«J’aijamaisrienvudepareil.Tuaschangé…j’enrevienspas.Ondiraitunnouvelhomme.»Ilm’acolléunbaiserbaveuxsurlefrontpuism’abalancéunneg:«Tut’enesbiensorti.D’autantqu’elleavaitunavantagevuquetoutlemondel’areconnue.

—Ouais.OnverrabiensitufaismieuxàElimidatedemain.»

Chapitre4

C’était un grand jour pour la communauté. Ce soir-là, dans l’émission

Elimidate,Grimbleettroisautrescélibatairesallaientsebattrepourlesfaveursd’unecertaineAlison–mannequindelingeriefine.Notrestyledevietoutentierétait sur la sellette. Si Grimble gagnait, il prouvait que la communauté valaitmieux,socialement,quelessportifsettombeursparrapportauxquelsnousnousétionstoujourssentisinférieurs.S’ilperdait,nousn’étionsquedesfrimeursquiévoluaientdansunmondevirtuel.Grimbletenaitnotredestinentresesmains.

Assis sur soncanapé, j’ai regardé l’émissionavecTwotimer.Alorsque lesautres types léchaient les bottes d’Alison,Grimble restait en retrait comme sic’était lui legros lot.Lesautresonteubeause la ramener,Grimblea suivi leconseil de son nouveau gourou et a raconté à la fille qu’il était réparateur debriquetsjetables.Ilapassélapremièreélimination.

Pendantladeuxièmemanche,uneserveuseaapportéàAlisonunebouteilledechampagne–offerteparGrimble.Lajeunefemmen’enrevenaitpas,d’autantque Grimble s’était montré le plus réservé de tous. Il a passé la deuxièmeélimination.

Ladernièremanchesedéroulaitsurunepistededanse;jesavaisquec’étaitdans lapochecarGrimbleetmoiavionsprisdescoursdesalsaensemble.IlafaitbasculerAlisonverslesolpuisl’aramenéecontrelui:elleenaeulesoufflecoupé,jel’aivudanssonregard.Ilavaitgagné.

«Félicitations,Grimble.Tuasdéfendul’honneurdesV2Dfaceaumonde.—Oui, a-t-il répondu avec un sourire impudent. Tous lesmannequins ne

sontpasstupides.»Cesoir-là,noussommessortisvoirlenumérod’Hillary.Depuisl’âgededix

ans,où j’avaiseu lebéguinpour JessicaNixon, je souffrais souventde fixetteaiguë.Maisçafaisaithuitmoisque jen’avaispassenti lemoindresymptôme.En fait, toutes les femmes que je rencontrais avaient l’air jetables etremplaçables. Je vivais là le paradoxe du séducteur : plus je plaisais, moinsj’aimaislesfemmes.Lesuccèsn’étaitplusdéfiniparlefaitdecoucheroudese

trouverunecopine,maisparlaqualitédemaprestation.Lesbarsetlesboîtesdenuitétaientdevenus,commeMysterymel’avaitinculquélorsdupremieratelier,lesdifférentsniveauxd’unjeuvidéo,riend’autre.

AvecHillary,ceseraituneautrepairedemanches.Nonseulementelleétaitfine et cynique,mais ellem’avait vu passer toute une soirée à lever des fillesavecHeidiFleiss.

Grimbleetmoiregardionssonstrip-teasedepuislefonddelasalle.Déguiséeengangster,elleportaituncostumerayémoulantavecculotteetbasassortis,unemitrailleuse à eau à lamain. Son corps tout en formes était fait pour cet art.Quandellem’aaperçu,elles’estfaufiléeversmoi,s’estassisesurmesgenouxetm’aéclaboussélafigureavecsonarme.J’avaisenvied’elle.

Le spectacle terminé, Hillary, sa sœur, deux de ses amies et moi sommesallésprendreunverredansunbarmexicain,ElCarmen.Pendantladiscussion,j’ai pris Hillary par la main. Elle me l’a serrée en retour, idi. Grimble avaitraison:unnouveaumoiétaitné.

Elleaesquisséunpasversmoi.Moncœurs’estmisàmartelermapoitrine,commetoujoursdurantl’approcheetlebaiser,lesdeuxétapesquim’angoissentleplus.

Aumomentoùj’allaisluiparlerdesanimaux,del’évolution,deslionsquisetirentlacrinière,touts’esteffondré.LecélèbreAndyDickestentrédanslebaravec un groupe de potes. Comme l’un d’eux connaissait Hillary, tous se sontramenés à notre table – game over. Notre lien était rompu. Hillary avait unmorceau de choix dans son champ de vision.Nous leur avons donc fait de laplace,etAndyDicks’estdébrouillépourseretrouverentreHillaryetmoi.

Enunéclair,ilafondusurelle.Çasepassecommeça,àLosAngeles:lespeopledraguentvoscopines.Unsoir,auWhiskeyBar,dutempsoùj’étaispmf,jeregardais, impuissant,RobertBlakedonnersonnuméroàlafilleavecqui jesortais.Maisàprésent,j’étaisunV2D,etunV2Dréagitsiunevedettes’attaqueàsacopine.

Jemesuis levéetsuissorti. J’avaisbesoinderéfléchir. J’enavaisdonnéàHeidiFleisspoursonargentlaveille,alorsjedevaispouvoiréjecterAndyDick.Odieuxetgrandegueulecommeilétait,çanes’annonçaitpasfacile.Rienqu’àlevoirentrerdans lebar,on savait cequiavait faitde luiune star : il adoraitattirerlesregards.

Maseulechance:êtreplusintéressantquelui.Grimble se trouvait dehors, il parlait à une femme aux cheveux bruns

bouclésetmalcoiffés.Ilasortiunstyloetunpapierdesapoche.Laconclu-T

luitendaitlesbras.Toutàcoup,lafilles’estdétachéedelui.«Style?!»Ellem’adévisagé,stupéfaite.Jel’airegardée:ellemerappelaitquelqu’un.«C’estmoi,dit-elle.Jackie.»J’ensuisrestébouchebée.Jemetenaisfaceàlacomiqueauxpiedscrémeux

de chez qui jem’étais enfui en courant –mon premier demi-succès.De deuxchosesl’une,soitc’étaitunecoïncidence,soitj’étaisàcourtdenouvellescibles.

J’ai discuté unmoment de ses cours de comédie, puisme suis éclipsé. Jen’avais plus de temps à perdre ; à chaque minute, la main d’Andy Dickremontaitunpeuplussurlacuissed’Hillary.Etj’avaisunplanpourarrêterça.

Jesuisrevenum’asseoiràlatableetj’aifaitletestdesmeilleurescopinesàHillary et sa sœur, ce qui a détourné l’attention vers moi. Puis, après avoirdiscuté langagecorporel, je leuraiproposéde jouerau jeudumensonge,danslequelunefemmedonnequatreaffirmationsvraiesetunefausseàproposdesamaison ou de sa voiture, l’une après l’autre. En général, si on observe lesvariationsdesmouvementsoculaires,onarriveàdémêlerlevraidufaux,carlesgens ne regardent pas dans lamême direction quand ils mentent et quand ilsdisent lavérité.Pendant toute lapartie, j’ai titilléHillarysanspitié, jusqu’àcequesoncorpssefermeàAndyDickets’ouvreàmoi.

Andym’ademandécequejefaisaisdanslavie(jenem’ensuispasrenducomptesurlemoment,maisils’agissaitd’unidi)–jeluiairéponduquej’étaisécrivain.Ilm’aapprisqu’ilenvisageaitd’écrireunlivre.Hillarycomplètementoubliée,ilm’abombardédequestionspoursavoirsijel’aiderais,j’avaisgagnéunfan.Et,commeditMystery,situcharmesleshommes,àtoilesfemmes.

«Ma plus grande peur, c’est qu’onme trouve chiant »,m’a-t-il avoué, jel’avaisbattuenétantplus intéressantque lui–enmedémarquant.La tactiqueavait encoremieux fonctionné que la veille avecHeidi Fleiss. Sauf que je nesavaispasencoreàquelpoint.

Andys’estglisséprèsdemoietamurmuré«Tueshétéro,biougay?—Ben…hétéro.—Moi,bi,m’a-t-ilsouffléàl’oreille.Dommage.Onauraitpus’éclater.»QuandAndyetsesamissontpartis,j’airecommencéàcaresserHillarydans

le sensdupoil.Aussitôt, j’ai eudroit à l’œillade toutou-pâtée, je lui aipris lamain sous la table et ai senti la chaleur qui se dégageait de sa paume, de sacuisse,desabouche.Cesoir,elleallaitêtremienne,lel’avaisgagnée.

Chapitre5

Un matin, après une nuit passée dehors, j’ai trouvé Dustin chez moi. Le

retourduroidesdragueurs.Maisquefaisait-ildansmonappartement?«Salut», fit-ildesavoixdouceetefféminée. Ilportaituneveste sporten

tweedàgrosboutons,unpantalonnoirenpolyesteretunecalottenoire.Çafaisaitplusd’unanqu’onnes’étaitpasparlé,depuisquej’avaisrejointla

communauté. Aux dernières nouvelles, il était gérant d’une boîte de nuit enRussie.Ilm’avaitenvoyédesphotosdesescopines–unepourchaquesoir.Enfait,illesappelaitLundi,Mardi,Mercredi,etc.

«Tuesentrécomment?—C’estLouise,tapropriétaire,quim’aouvert.Unamour.Tusavaisqueson

filsaussiestécrivain?»Ilavaitlechicpourquelesgenssesententàl’aiseensacompagnie.«Çafaitdubiende terevoir,enpassant.»Ilm’aserréfortdanssesbras.

Quandils’estécartédemoi,ilavaitlesyeuxhumides,commesincèrementému.Sentimentpartagé.J’aipenséàDustin tous les jourspendantmaformation

dedragueur.AlorsqueRossJeffriesavaitbesoind’hypnotiserunefemmepourla convaincred’explorer ses fantasmes avec lui,Dustin, lui, n’avaitmêmepasbesoind’ouvrirlabouche.Ilfonctionnaitcommeungrandécransurlequelunefemmepeutprojetersesdésirsrefoulés–mêmesiellen’apasconsciencedecesdésirs avant de rencontrer Dustin. Je n’avais jamais été en mesure decomprendre son succès ; désormais, fort de mes nouvelles connaissances, jepourraisl’observeràl’œuvre,luiposerdesquestionset,aufinal,l’imiter.J’allaispouvoirfonderunenouvelleécoledepenséedanslacommunautédesdragueurs,

« Jene sais pas si je t’ai raconté,mais cette année j’ai passébeaucoupdetemps avec les plus grands dragueurs du monde. Ma vie entière a changé.Maintenant,jem’enrendscompte.

—Jesais.Markomel’adit.»Dustinmeregardaitavecsesgrandsyeuxembrumés,lesmêmesquiavaient

sondé l’âmed’innombrablesbeautés.«Maismoi, je» Il s’interrompit.«Pour

moi,toutça,c’estterminé.»Je l’ai dévisagé, incrédule. C’est alors que j’ai remarqué qu’il portait une

kippa.«JevisàJérusalemàprésent.Dansuneyeshiva–uneécolereligieuse.—Tudéconnes?—Dutout.Jen’aipasfaitl’amourdepuishuitmois.C’estinterdit.»Jen’encroyaispasmesoreilles:leroidesdragueursavaitchoisilecélibat.

Impossible.Cen’étaitpaspourçaqu’onavaitinventélesprisons?Leshommesyétaientnourris, logés,blanchis, ils avaient la téléetde l’airpur,maison lesprivaitdesdeuxchosesessentielles:lalibertéetlesfemmes.

«Tuasledroitdetemasturber,aumoins?—Non.—Sérieux?»Dustinfitunepause.«Bon,parfois,pendantmonsommeil,j’aidesrêvesérotiques.—Évidemment.Dieuessaiedetedirequelquechose.Ilfautqueçasorte.»Ilarietm’atapédansledos.Ilavaitlesgesteslents,lerirecondescendant,

commes’ilévitait l’humourcorpsdegarde.«Jemefaisappelerparmonnomhébreu, reprit-il,Avisha. Ilm’aétédonnéparundesplusgrandsrabbinsde layeshiva.»

Çame sidérait : commentDustin avait-il pu passer aussi soudainement dustatutdehérosdesboîtesdenuitàceluid’étudiantrabbinique–aumomentoùj’avaisleplusbesoindelui?

«Etqu’est-cequit’afaitrenoncerauxfemmes?—Quandtupeuxavoirtouteslesfillesquetuveux,touslesmecs–même

richesetcélèbresteregardentdifféremmentparcequetupossèdesquelquechosequ’ilsn’ontpas.Maisaprèsuntemps,jen’aipluseuenviedecoucheraveclesfillesquejeramenaischezmoi.Jevoulaisjustediscuter,donconpassaitlanuità parler. Ça créait un lien très fort entre nous. Le lendemain matin, je lesraccompagnaisaumétro.C’estlàquej’aicommencéàlâcherprise.Jemesuisrenducomptequec’étaient lesfemmesquimevalaient l’approbationgénérale.Ellesétaientdevenuesdesdieuxpourmoi,maisdesdieuxfactices.JesuisdoncpartitrouverlevraiDieu.»

Ilm’a raconté comment, dans son appartementmoscovite, il avait cherchédesconseilssurleNet,jusqu’àtombersurlaTorahetsemettreàlalire.AprèsunvoyagerévélateuràJérusalem,ilétaitrentréàMoscou,s’étaitretrouvédans

unesoiréeentremafieux,hommesd’affairesvéreuxetparasitesmatérialistesquil’avaientdégoûtélorsqu’illesavaitcomparésauxgensrencontrésenIsraël.

Ilavaitdoncfaitsesbagages,quittésesseptcopines,etatterriàJérusalemlaveilledelapâquejuive.

«Jesuisvenu,medit-il…tedemanderpardonpourmesactionspassées.»Jenevoyaispasdequoiilvoulaitparler.Ilavaittoujoursétéunsuper-pote,« J’ai idéaliséun styledevie et un comportementdépravés. J’abhorrais la

gentillesse,lamiséricorde,ladignitéetl’intimité.Aulieudequoi,j’utilisais,jedégradaisetj’exploitaislesfemmes.Jenepensaisqu’àmonplaisir.Jeméprisaislesbonsinstinctsenmoietchezlesautres,etj’aitentédecorrompretousceuxquicroisaientmonchemin.»

L’écoutantparler,jen’aipum’empêcherdepenserquel’attitudequ’ilreniaitétaitjustementlaraisonpourlaquellejem’étaisliéàlui.

«Jet’aifaitlapubdeladrague,jet’aientraînélà-dedans,commesic’étaitun idéal de vie, a-t-il poursuivi. Je ne sais pas à quel point je suis coupabled’avoir altéré la bonté naturelle de ton âme, mais j’en suis profondémentdésolé.»

Saréflexiontenaitlaroute.Maislesextrêmes,jem’ensuistoujoursméfié,que ce soit pour la drogue, le fanatisme ou les régimes amaigrissants. Il avaitquelquechosedebizarre,Dustin–ouAvisha–,commes’ilessayaitdecomblerunvide–d’abordparlesfemmes,maintenantparlareligion.Jel’écoutaismaisn’étaispasvraimentpersuadé.

«Excusesacceptées,luidis-je,àceciprèsquetun’asrienàtereprocher.»Il a posé surmoi un regard gentil, sans rien ajouter. J’ai compris alors en

quoi ilétait siséduisant : sesyeuxbrillaientcommeun lacdemontagne,avecuneintensitétellequeriend’autrenesembleexisteràcetinstantprécis.

«Réfléchisdeuxsecondes,ai-jerepris.Siuntypeveutaméliorerseschancesauprèsdesfemmes,ilvadevoirchangerunpeu,non?

Orilsetrouvequetoutcequelesfemmesrecherchentchezlesmecscesontdesqualités.J’aigagnéenassurance.Jemesuismisausport,jefaisgaffeàcequejemange.Jem’intéresseàmesémotionsetjedécouvrelaspiritualité.Jesuisdevenuquelqu’undeplusfun,depluspositif.»

Dustinm’observait,m’écoutaitpatiemment.«Et il n’y apasqu’avec les femmesque çamarche : dans tous les autres

domainesaussi,quecesoitavecmapropriétaireoumonbanquier.»Dustinnemequittaitpasdesyeux.

«Cequej’essaiedetedire,c’estque,biensûr,j’apprendsàleverdesfilles,maisenmêmetempsjem’amélioreentantquepersonne.»

Seslèvresontfrémi.Ilallaitparler.«Euh»,commença-t-il.Oui?Quoidonc?«Tupourrastoujourscomptersurmoi.Etjetiensàréparermesmauvaises

actions.»Jenel’avaispasconvaincu.Qu’ilaillesefairefoutre.Moi,jevoulaisfaire

unesieste.«Çatedérangesijerestedeuxoutroisjours?medemanda-t-il.—Pasdeproblème,maisjeparspourl’Australiemercredi.—Jepourraist’emprunterunréveil?Ilfautquejeprieauleverdusoleil.»Quandjeluiaitrouvéunpetitréveildevoyage,ilasortiunlivredesonsac.«Tiens,jel’aiachetépourtoi.»Unepetiteéditionbrochéed’unouvrageduseizièmesiècle.LeSentierdes

justes.Ilavaitinscritunedédicacesurlapagedetitre,unecitationduTalmud:Celuiquisauveuneseulevieasauvélemondeentier;celuiquidétruitune

seulevieadétruitlemondeentier.Ilessayaitdoncdemesauver.Pourquoi?Jem’éclatais.

Chapitre6

Mystery etmoi avions repris la route.Le soleil brillait, la carte était fiable, etnousavionsuneplanchedesurfaccrochéesurletoitdenotrevoituredelocationflambant neuve. Cinq ateliers combles nous attendaient dans trois villesd’Australie.Lavieétaitbelle,lamiennedumoins.

Mystery, lui, n’avait pas lemoral. Jeme suis fait la promesse de ne plusjamaisvoyageravec lui.Patricia, sacopine, lui avaitposéunultimatumavantsondépart:mariageetbébés,ouaurevoir.

«Cinqjoursquejebaiseplusàcausedesesconneries,m’a-t-ilconfiétandisquenouslongionslacôteduQueensland.Maisjemebranlecommeunmaladedevantdespornoslesbiens.Jedoisêtreunpoildéprimé.»

Aprèsquatreans,leursbutsdivergeaient.Mysteryvoulaitparcourirlemondeavecunspectacled’illusionnisteetdeuxcopinesbisexuelles;Patriciavoulaitsemettreenménage,pointbarre.Lacélébritéet lesmodesdeviealternatifs,auxchiottes.

«Jenecomprendspaslesfemmes.C’estvrai,quoi,jesaisexactementquoifairepourlesséduire.Etjenelescomprendstoujourspas.»

Nous étions venus en Australie parce que Pull-Over, un des étudiants dupremier atelier deMystery, nous avait invités à passer une semaine chez lui àBrisbane.Auboutdequatremoisdechasse,ilavaitfiniparrencontrerlafemmequ’ilvoulaitépouser.

«Jesuiscommeunadoamoureux»,s’estexclaméPull-Overalorsquenousnousgarionsdanssonallée.Ilneressemblaitplusdutoutauquadramaldanssapeauquej’avaisrencontrédanslecouloirduRooseveltHôtel.Ilétaitbronzé,enpleine forme, et, fait extraordinaire, un sourire irrésistible était désormaisaccrochéenpermanenceàsonvisage.

HelenaRubinsteinaditunjour,«Iln’yapasdefemmeslaides,iln’yaquedes femmes qui se négligent. » Or, comme la société impose des critères debeautémoins rigides auxhommesqu’aux femmes, c’est doublementvrai poureux.UntypecommePull-Over–n’importequi,enfait–,avecunbronzage,unbonmaintien,desdentsbienblanches,unrégimeadaptéetdestenuescorrectes,deviendraregardable.

« J’ai passé le week-end à Sydney avecmon amie, a-t-il raconté en nousfaisantentrerchezlui.Onseparleautéléphoneàpeuprèsseptfoisparjour.Jel’aidemandéeenmariageavantdepartir.Vousenditesquoi?Et,cerisesurlegâteau, je me suis fait un demi-million de dollars cette semaine grâce à unséminaire sur l’immobilier. La vie est vraiment pas croyable. Grâce à lacommunauté,j’ailasanté,l’amour,lepognon,jem’éclateetjesuisentourédegensgéniaux.»

Pull-Overvivaitdansunquartierpourcélibataires,unemaisonspacieuseetensoleillée, avec vue sur la Brisbane River et le jardin botanique. Dans sonjardin,unegrandepiscineetunjacuzzi;aupremier,troisgrandeschambres;aurez-de-chaussée, quatre employés travaillaient – des Australiens, ambitieux,visagesjuvéniles–assisàungrandbureauenformedeferàcheval,chacunsursonpropreordinateur.Pull-Overavaitfaitd’euxnonseulementdesvendeurs–livres et cours d’investissement immobilier – mais aussi des membres d’unecommunauté.Lejour,ilsluirapportaientdel’argent;lanuit,ilschassaientaveclui.

«Çameplaîttoujoursd’aiderdesmecsàsetrouverdesfilles,maisjenesuisplussurlemarché.Encequimeconcerne,jemeretireenpleinegloire.J’aifiniparcomprendreque,sansengagement,onn’ajamaisdeprofondeurenquoiquecesoit–relation,affaires,loisirs.»

Àbiendeségards, je l’enviais. Jen’avais jamais rencontréde femmedontj’auraispudire-ça.

L’atelier de Mystery avait changé nos vies. Pull-Over était riche etamoureux;Extramaskavaitrécemmentquittéledomiciledesesparentsetfinipar jouir pendant le coït ; etmoi je parcourais lemondepour inculquer à deshommesunartquejenemaîtrisaispasunanauparavant.

Mysteryétaitencoreplusépatéquemoi–moinsparl’engagementdePull-Overqueparsesactivitésprofessionnelles.Quandilnebombardaitpaslepatronetsesemployésdequestionssurleurfaçondebosser,illesregardaitensilence.

« Il me faut ça, répétait-il. Un bon environnement social, ça crée un bonenvironnementdetravail.Moi,jetombeenpourritureàToronto.»

Surlaroutedel’aéroport,rougesd’excitation,Mysteryetmoiavonspréparénotreprochaineaventure.

« J’aiprévuunatelier en tête à tête àTorontodansunmois,medit-il.Cemecmepayemillecinqcentsdollars.

—D’oùilsortl’argent?»

Lamajoritédesaclientèleétaitconstituéed’étudiantstoutjustecapablesdepayerletarifnormal,queMysteryavaitaugmentédedeuxcentsdollarstoutenréduisantdequatreàtroislenombredesoirées.

«Sonpèreestblindé.Exoticoption,letypedeBelgrade,luiaparlédemoi.Ilfait ses études à l’universitéduWisconsin.Ça fait pas longtempsqu’il envoiedesmessages–souslenomdePapa.»

AvecMystery,laplupartdesconversationstournaientautourdesesprojets:organiserdesateliers,faireunspectacledemagied’uneheureetdemie,créerunsite porno sur lequel on coucherait avec des filles déguisées en clowns. Sadernièrelubie,c’étaituntatouagespécialV2D.

«DansleLounge,toutlemondeseferatatouer,m’a-t-ilditquandnosroutesse sont séparées à l’aéroport.Un cœur sur le poignet droit, juste au-dessus dupouls.Commeçaonpourra se reconnaître sur le terrain.Çaseraitdu tonnerrepouruneillusion,jet’apprendraiàarrêtertoncœurpendantdixsecondes.»

QuelquesV2Ds’étaientdéjà fait tatouer–dontVision,unedécisionplutôtsurprenantepuisqu’ilvenaitd’emménageràLosAngelespourselancerdanslecinéma.Ilnousavaitenvoyéunephotoparmail.Lehic,c’estquesontatouageétaitmalplacé,etàl’envers.Lecœurdevaitrecouvrirlaveinedupouls.Maislesien se trouvait aucentredupoignet,quelquescentimètres trophaut, etpointéversl’intérieur.Quoiqu’ilensoit,ils’agissaitd’unpacteindestructible.

Chapitre7

Le grand jour était arrivé. Ce devait être le voyage le plus triomphal de macarrièrededragueur.D’abord,j’allaisparticiperàl’atelierdeMysteryàToronto,celui réservéàPapa.Ensuite,nousdevionsnousfaire tatoueretprendre lecarpourNewYorkoùMysterytenaitsonpremierséminaireensalle,etenfinnousenvolerpourBucarestafinqu’ilpuissemettreenplacecequ’ilappelaitleprojetExtase. Il voulait retourner en Europe, se trouver deux jeunes bisexuelles enquêted’uneviemeilleureàl’étranger,etlesséduire.Ilprévoyaitdeleurobtenirdes visas d’étudiantes et de les ramener au Canada pour en faire des strip-teaseuses,despetitesamieset,aufinal,sesassistantes.

Tatouage et traite des Blanches : voilà à quoi se résumaient mes progrèspersonnels.

En sortant de chez moi, j’ai vérifié ma boîte aux lettres. Au milieu deshabituelles factures et des avis de paiement d’assurance auto, j’ai trouvé unecartepostaleduMurdeslamentations,àJérusalem.

«TonnomhébreuestTuvia.»Jereconnaissaisl’écrituredeDustin.«IlvientdumotTov,quisignifie lebien.LecontrairedeRa– lemal.En

hébreu,Tovsignifieaussiceluiquidure,etRal’éphémère.Tonessenceestdoncreliéeàundésirderechercheetdelienaveccequidure–lebien.Maisilpeutt’arriverdetombersurlemal,enchemin.»

Dansl’avion,j’airelucettecartepostale.Dustinessayaitdemetransmettreun message divin. Il n’avait peut-être pas tort. Mais d’un autre côté, depuisl’adolescence,jesouhaitais–demanièredurable–détenirlepouvoirdeséduiretouteslesfemmesquejedésirais.Monsouhaitseréalisait.C’étaitbien.C’étaitTov.

Mysteryvenaitd’emménagerdanssonpropreappartementàTorontoavecunV2D,N°9,ingénieurinformatiquechinoisqui,grâceàsesbonsconseils,s’étaittransforméenmecplutôtpotable.Ilsvivaientau-dessusd’uncybercaféprèsdel’université.

N° 9 n’étant pas en ville, je me suis installé dans sa chambre avant deretrouverMysterydanslacuisine.Patricial’avaitlargué,pourdeboncettefois.

Etilnequittaitpresqueplussachambre,oùiljouaitàunjeuvidéo,Morrowind,et téléchargeait des pornos lesbiens. Sortir de cet endroit pour les ateliersconstitueraitunebonnethérapie.

Trois types d’hommes s’inscrivaient à ces ateliers. Les normaux, bienadaptéssocialement–commeExoticoption–,quivoulaientplusdeflexibilitéetde choix niveau filles. Les complexés, pris dans leurs habitudes, à l’instar deCliff,quin’arrivaientmêmepasàsetrouverunsurnomcommetoutlemonde.Pour amasser des connaissances, pas de problème, mais pour changer leurcomportement,alors là,bonjour.Etpuis ilyavait lesmecscommePapa :desmachines qui compensaient leur manque de compétences par leur témérité.Ceux-là étaient en général les premiers à faire des progrès, rien qu’en suivantnosindications.Maisunefoislaissésàeux-mêmes,ilspataugeaient.

Papaauraitàrelevercedéfi-là.D’originechinoise,lavoixdouce,ilsuivaitunenseignementpréparatoireauxétudesdedroit.Sachemiseàcarreauxetsonpantalon étaient une taille trop grands. Tous les étudiants se pointaient enchemiseàcarreauxetpantalon trop large.Et ils repartaient toujoursavecun t-shirthyper-voyant,unfutalmoulant,desbaguesenargentetdeslunettesnoiresremontéessurlatête:l’uniformedujoueur,censéexprimerunesexualitéqui,àl’évidence,rimaitavecmocheté.

MysteryetmoiavonsemmenéPapadansuncafépourluiposerlesquestionshabituelles:c’estquoitonscore?Tuvoudraislemonteràcombien?Oùest-cequetucoinces?

«J’étaisleprésidentdemonassociationd’étudiants.Mafamilleestblindée.Monpèreestledoyend’unegrandeuniversité.

— Je t’arrête tout de suite, l’ai-je coupé. Tu nous sors ton cv.Au lieu degagnernotreadmiration, tune faisqu’afficherunstatut inférieur.Unrichen’apasbesoindedirequ’ilestriche.»

Papaaacquiescé,penaud.Onauraitditqu’ilavaitlatêtedansunbrouillarddensequiralentissaitsontempsderéaction.Commes’ilétaitabsent.

«Vouspermettezquej’enregistretoutcequevousdites?»a-t-ildemandéenextirpantunpetitmagnétonumériquedesapoche.

On traîne tous de sales habitudes depuis l’enfance – des défauts de notrepersonnalité,enpassantparnosfauxpascôtémode.Etnosparentsetamisontdû – mis à part quelques retouches – nous persuader qu’il n’y avait rien àreprendre.Maisêtresoi-mêmenesuffitpas.Ilfautêtresonmeilleursoi.Etcen’estpasgagnéd’avance.

D’où l’importance des ateliers : nous disions à chaque étudiant quellepremière impression il donnait. Nous n’avions pas peur de le vexer. Nousreprenionssesmoindresgestes,expressionsetvêtementscarnoussavionsqu’iln’exploitait pas son potentiel. Personne n’exploite tout son potentiel. Ons’embourbedansdescomportementsetdesschémasdepenséequiétaientpeut-être efficaces douze mois ou douze ans auparavant, mais qui à présent nousretiennent enchaînés. De plus, alors que nos proches corrigent sans mal nospetits défauts, ils glissent sur les grands, parce que cela reviendrait à attaquernotrepersonnalité.

Mais de quoi se compose vraiment notre personnalité ? D’un tas de bonsgènes et demauvaises habitudes. Et comme le gène de la cool attitude et del’assurance n’existe pas, alors le fait de ne pas être cool et de manquerd’assurancen’estqu’unemauvaisehabitudedontonpeutsedébarrasseravecunpeud’aideetdevolonté.

Lavolonté,c’étaitl’atoutnuméroundePapa.Filsunique,ilavaitl’habituded’obtenir ce qu’il voulait. Je lui ai montré certaines de mes meilleurestechniques:l’introdelacopinejalouse,letestdesmeilleuresamies,lecube,etunenouvellequejevenaisd’inventer-celledessouriresenC,enU,etlestraitsdecaractèrequ’ilsexpriment.Papaenregistraitchacunedemesparolessursonmagnéto.Plus tard, ildevait les transcrire, lesmémoriser, lesutilisermotpourmotetréussiràleverParisHilton.

J’auraisdûm’enrendrecompteàcemoment-là.J’auraisdûpigercequisepassait.Mysteryetmoi,nousparcourions lemondeetessaimionsdesversionsminiatures,desclonesdenous-mêmes.Celaneresteraitpassansconséquences.

Premier arrêt dans un salon-bar surQueen Street. Après avoir vu Papa serétamer auprès de quelques cercles, j’ai décidé d’intervenir. Allez savoirpourquoi, je pétais le feu. Il y a des jours comme ça. Toutes les femmesmeregardaient.Une rousse, pourtant accompagnée, a glissé son numéro dansmapoche. Je me disais que ce devait être ça, la fameuse aura du séducteur : jedégageaisquelquechosedespécial.Etonn’auraitpurêvermeilleuresoiréeenprésenced’unétudiant.

J’airemarquéquePapaaccostaitunejoliebruneauxcheveuxcourts,dontlevisagearrondiressemblaitausien.Maisellenefaisaitpasattentionà lui ;ellen’arrêtaitpasdesedétournerversmoi.C’étaitcequelesV2DappellentIpAIAm–leursiglelepluslourd,quisetraduiraitpar«invitationtaciteàl’approche».(Littéralement,Invitationpré-Approche,Invitationàl’Approchemâle.)

QuandPapas’estéloignédecettefille,jesuisallél’aborder.Pasmoyendemerappelercequejeluiaidit–c’estbonsigne,celaprouvequej’intériorisaisle jeu,que jedélaissais lesformules toutesfaites,que j’arrivaisàavancersansles béquilles.Au bout de deuxminutes, ellem’a offert l’œillade toutou-pâtée.Alorsjeluiaidemandésansdétour:«Tuvoudraism’embrasser?

—Euh,jenem’étaispasposélaquestion»,a-t-ellerépondusansmelâcherdesyeux.

J’ai pris ça pour un oui et me suis approché d’elle. Elle a réagi avecenthousiasme,afourrésalanguedansmaboucheetm’aagrippélegenoud’unemain.J’aivuunflash;Papanousprenaitenphoto.

Quandj’aifaitunepausepourrespirer,ellem’asourietm’adit,« J’ai aucun de tes disques, mais mes copines adorent ta musique. »Ma

réponse:«Hmmm…ok.»Ellemeprenaitpourqui?Puiselleasourietm’aléchélevisage,commeunchien.Peut-êtrequeDavid

DeAngelon’avaitpastoutàfaittortavecsesconseilsdemaître-chien.La fille me regardait, l’air d’attendre un truc, comme si j’étais censé lui

parler de ma musique. Je n’avais pas envie de la détromper, de lui volerl’anecdoteàlaquelleellepensaitavoirdroit,etjemesuisexcusépoliment.Ellem’adonnésonnuméroetm’aproposédel’appelerdepuismachambred’hôtel.

Aumomentdesortir,lapatronnedusalon-barm’aprisàpart.«Mercibeaucoupd’êtrevenu.Tenez,voicimacarte.Appelez-moi,sijamais

jepeuxfairequelquechosepourvous.—Vouspouvezmedirepourquitoutlemondemeprend?—Vousn’êtespasMoby?»Apparemment, à cause de mon crâne rasé, la patronne m’avait pris pour

Moby, et l’avait répété à lamoitié des clients. Tous cesmois d’apprentissagepouvaientdoncêtrecorrompusparlacélébrité.Pourpasserauniveausupérieur,j’allais devoir provoquer lemême effet sur les gens que les people – en gros,susciterleurapprobationetleurinspirerdelavantardise,lacélébritéenmoins.

Je suppose qu’un type moins scrupuleux aurait tiré profit de la situation,maisjen’aijamaisappelécettefille.Monbutn’étaitpasdetromperlesfemmesmaisdemefaireaimerpourmoi–dumoins,pourmonnouveaumoi.

Dans les boîtes de nuit où nous sommes allés ensuite, nous avons regardéPapa à l’œuvre.Chaque conseil quenous lui donnions, il l’appliquait.Chaqueerreurquenousrelevions,illacorrigeaitaussitôt.Etchaquefoisqu’ilconquéraitun cercle, il semblait prendre trois centimètres. Plutôt que de s’inscrire à

l’université d’été, il avait passé trois mois à travailler la Speed Séduction. Ilétudiait même avec Cal Banyan, l’un des professeurs d’hypnose les plusrespectés,afindefairereconnaîtresestalentsdanscedomaine.MaiscetatelierconstituaitsapremièrerencontreavecdevraisV2Dsurleterrain.L’expériencel’atellementblufféqu’ilasignédirectpourunautreatelier.

Lors de notre dernière journée ensemble, nous nous sommes rendus auGuvernment. Je poussais Papa à aborder des cercles et le regardais répéter,commeunrobot,intros,thèmesetnegsqueMysteryetmoiluiavionsinculqués.Etlesfemmesréagissaient.L’efficacitédephrasesaussisimplesestproprementincroyable – un peu déprimante, aussi. La première chose qu’un aspirantcomiquedoitdévelopper,c’estunspeechdecinqminutescapabledeluigagnern’importequelpublic.Maisquandilavudescentainesdesalleséclaterderireauxmêmesmoments,sefairemanipuleraussifacilement,ilperdpeuàpeusonrespect pour les spectateurs. Si on réussit dans la drague, on court le mêmerisque.

Quand Papa nous a quittés pour aller se reposer avant de rentrer chez lui,noussommesrestés,Mysteryetmoi,danslaboîtedenuit,àpoursuivrenosmd.Grimblem’avait récemment donné une idée déco :mettre sous verre tous lesnumérosqu’onm’avaitconfiés.Maisàl’instantoùj’enparlaisàMystery,ils’estécrié:«Alerteproximité!»

Lorsqu’unefemmesetientprèsd’unhomme,levisagedétournédelui,alorsqu’ellen’aaucunebonneraisondesetrouverlà,estdéclenchéecequeMysteryappelle l’« alerte proximité ».Cela signifie que la femme est intéressée ; elleveutqu’onl’aborde.

Mystery a engagé la conversation avec une jolie blonde vêtue d’une robebustieretunebrunemuscléeportantunturban.Quandilm’aprésenté,jeleuraiditquej’étaisunroidel’illusion.ÇafaisaitdesmoisqueMysteryetmoiétionséquipiers,jeconnaissaismonrôlesurleboutdesdoigts:baratinerlesfillesavecdeux,troisblaguesetdespseudo-toursdemagieapprisenprimaire.Enmission,onserendvitecomptequecequifaisaitriredesgaminsdedixanspeutfaireriren’importequi.

Mysteryavaitapportéuncaméscope,etils’estmisàfilmerlascène.Çanedérangeaitpasnoscibles.Quandila isolé labrunette, jemesuisoccupéde lablonde. Elle s’appelait Caroline ; sa copine, Carly. Caroline vivait chez sesparents en banlieue. Elle voulait être infirmièremais en attendant elle bossaitchezHooters,malgrélesœufssurleplatqu’elleavaitenguisedepoitrineetsonnaturelréservé.

Àcinquantecentimètresdedistance,sonvisagesemblaitd’albâtre;àtrentecentimètres, on remarquait qu’il était semé deminuscules taches de rousseur.Carolineavaitunedentdetraversetunemarquerougesurlaclavicule,commesiellevenaitdesegratter.Ellesentaitlecoton.Elles’étaitfaitmanucurerdepuismoinsdevingt-quatreheures.Ellenepesaitpasplusdequarante-cinqkilos.Sacouleurpréféréedevaitêtrelerose.

J’ai relevé tous ces détails en lui débitant le même discours qu’à des

centaines d’autres filles auparavant.La différence, c’est queCaroline semblaitimperméable.Jen’arrivaispasàatteindrecequej’appellelepointd’accrochelemomentoùlafemmedécidequ’elleappréciemacompagnieetneveutpasquejeparte.J’avaisbeaumeteniràtrentecentimètresdeCaroline,ungouffrenousséparait.

AprèsavoirregardélefilmLesInitiésunehistoired’agentsdechangesansscrupule–,Mysteryavaitdécidéquelesnumérosdetéléphone,çanevalaitrien.Notrenouvellestratégieneconsistaitplusàproposeràunefilledel’appelerplustard,maisàl’inviterdirectement–unrancardinstantané–dansunrestaurantouunbaràproximité.Lechangementdedécorestvitedevenuunélémentclédujeude ladrague. Ilcréaitunsentimentdedistorsion temporelle :sionserenddanstroisendroitsdifférentsavecdespersonnesqu’onvientderencontrer,àlafindelasoirée,onal’impressiondelesconnaîtredepuistoujours.

«Etsionallaitmangerunmorceau?»aproposéMystery.Noussommestouspartisdansuncafé-restaurant,brasdessusbrasdessous.

D’un coup, tout s’est enclenché.Carly s’est sentie suffisamment à l’aise pourdégainersonhumourmordant,etCarolineacommencéàirradierl’empathieetl’affection. Plus besoin de techniques ou de tactique. Nous nous amusions.Juggleravaitraison:pourconclure,riennevautlerire.

Après le repas, Carly nous a proposé d’appeler un taxi depuis sonappartement, au coin de la rue. Comme elle venait d’emménager, les piècesétaient vides, alors nous nous sommes assis par terre, Mystery et moi. Nousn’avonspasappelédetaxi–etlesfillesnel’ontpasmentionnépas.idi.

CarlyetMysterysesontéclipsés,donnantàCarolinelapermissiontacitedebatifoleravecmoi.Quandjel’aiprisedansmesbras,legouffrequinousséparaitdans le bar a disparu.Caroline était douce, son corps fragile et indulgent. J’aialorscomprispourquoij’avaiseutantdemalàentrerencontactavecelle.Ellenecommuniquaitpaspar laparole ;ellecommuniquaitpar lessensations.Elleferaituneinfirmièreformidable.

Caroline a étendu des couvertures par terre histoire de rendre le sol plusconfortable,puisjemesuisallongésurelle.J’aimultipliésesorgasmescommeSteveP.me l’avait appris, jusqu’à ce que son corps semble se liquéfier.Maisalorsquejecherchaisunpréservatif,j’aientendulesmotsquiavaientremplacé«Soyonsamis,jepréfère»dansmavie:«Maisonseconnaîtàpeine.»

C’étaitbienplusdoux,etjen’avaisaucuneraisondelaforcer.Jesavaisquejelareverrais.

Elles’estappuyéesurmonépauleetnousavonsprofitédumoment.Ellem’aavouéqu’elleavaitdix-neufansetn’avaitpluscouchédepuispresquedeuxans.Pourquoi?Parcequ’elleavaitungarçond’unan.Carter,etqu’ellenetenaitpasàêtreunefillemèrenégligentedeplus.Pourlapremièrefois,ellenelevoyaitpasdetoutunweek-end.

Ànotreréveil,lelendemainaprès-midi,aprèsunenuitdepassion.Carolineaproposéd’allerprendrelepetitdéjeunerdansunrestaurantàdeuxpas.

Lesjoursquiontsuivi,j’aidûregarderunecentainedefoisl’enregistrementvidéodecepetitdéjeunerfaitparMystery.Carolineavaitleregardterne.Maiscematin-là,danslerestau,sesyeuxpétillaientquandellem’aregardé.Chaquefois que je sortais une blague, même pas drôle, elle souriait d’une oreille àl’autre.Quelquechose s’étaitouvertdans soncœur.C’était, je l’ai compris, lapremière fois que j’avais établi un lien authentique avec une femme dansmacarrièrededragueur.

Jenesuispasattiréparuntypedefilleenparticulier,commed’autresparlesAsiatiquesoulespotelées.Maisdetouteslesfemmesaumonde,ladernièredontj’auraispensétomberamoureux,c’estbienunemèrecélibatairededix-neufansserveusechezHooters.Remarquez,cequ’ilyadebien,aveclecœur,c’estqu’ilneconnaîtpasdemaître,quoiqu’enpenselaraison.

Quandlesfillesnouseurentraccompagnés,Mysteryetmoiavonspasséenrevue les événements de la nuit pour analyser les succès et les ratés.Contrairementàcequenousavionscru,CarolineetmoiMysteryn’avaitmêmepasdécrochéunbaiseràCarly.Pourtantpasfauted’avoiressayé.Elleavaituncopain.

Mysteryluiplaisaitquandmême:çasevoyait,bienqu’elleaitrésistéàsesavances.Nousavonsalorsconcoctéunplan: lefrigo–basésurmonaventure« Moby ». Si les femmes considèrent le sexe comme un instrumentd’approbation, estimaitMystery. Pourquoi ne pas le leur retirer ? Sa tactiqueignorer froidement Carly jusqu’à ce qu’elle soit si gênée qu’elle cherche à lecâlinerpourquetoutrentredansl’ordre.

NousavonschargélavidéodeCarlyetCarolinesurl’ordideMystery,puisavonspassésixheuresàmonterunfilmdesixminutes.Unefoisprêt,j’aiappeléCarolineetelleestvenuenouschercher.

JugglerétaitàToronto,il tenaitsonpropreatelier.IlavaitrencontréIngrid,uneviolonistede jazzd’une intelligencesurnaturelle,etnevoyaitplusqu’elle.Noussommesdoncsortisdînertousensemble.

«Jevaismeretirerdubusinessdelaséduction,déclaraJuggler.Jeveuxconsacrerdutempsàmarelation.»Ingridluipritlamaind’unair

approbateur.«Aurisquedepasserpouruntimoré,c’estmonchoix.Lesateliers,çalastressetrop.Ingrid.»

QuelplaisirderevoirJuggler,undesraresV2Dànepasêtreauxabois,ànepasfairefuirmesautresamis,àmefairerire,àêtrenormal.Voilàlaraisonpourlaquellejeneleconsidéraispascommeunvraivirtuosedeladrague:cen’étaitqu’unbrillantcauseur,untypeamusant.UnparangondespiritualitéparrapportàMystery,quis’estmontréglacialetnousapresquegâchélerepas.Sisonplanmarchait,çavalaitlecoup;sinon,quelconnard.

Mysteryadécidé :«Onva touschezmoi.Jevaisvousmontrerunevidéoquej’aifaitehiersoir.»Lavictoireappartientàceuxquisontenpriseaveclaréalité,quisaventprendrelesbonnesdécisions.

Pendantlessixminutesdelavidéo,Carolinen’apasarrêtédesourire.Jel’aiemmenéeensuitedanslachambredeN°9,nousnoussommescouchéssurlelitet déshabillés lentement l’un l’autre.Elle tremblait d’émotion au point qu’ellesemblaitsedissiperentremesmains.J’avaisl’impressiondefairel’amouràunnuage.Elleajouiensilence.

Aprèsl’amour,elles’estdétournéedemoi.Leregardfixéaumur,elles’estfaitplusdistante.Jesavaisàquoim’entenir.

Quandjeluiaiposélaquestion,elleafonduenlarmes.« J’ai cédé trop vite. Maintenant je ne vais plus jamais te revoir. » Ces

parolesétaientdoucesparcequeauthentiques.J’aiglisséunbrassouselleetairamené sa tête surmon épaule.D’abord, je lui ai dit que toutesmes relationspassionnéesavaientcommencédefaçonpassionnée.JetenaiscetterépliquedeMystery,maisj’étaissincère.Ensuite,jeluiaiexpliquéqu’ellen’auraitpeut-êtrepasdû,maisqu’elleenavaitl’envieetlebesoin.Cetteréplique-là,jelatenaisdeRossJeffries,mais j’étaissincère.Puis, je luiaiditquej’étaisplusmûrquelaplupartdeshommesqu’elleavaitconnus,etqu’ellenedevaitdoncpasmejugerd’après ses expériencespassées.Celle-là, je la tenaisdeDavidX,mais j’étais

sincère. Enfin, j’ai annoncé que ne jamais la revoir me rendrait triste. Et ça,c’étaitdemoi.

Ensortantdelachambre,nousavonstrouvéCarlyetMysteryenlacésdansunecouvertureausalon.Àvoirleshabitsjetésparterre,leplanfrigodeMysteryavaitbienmarché.

Caroline et moi avons flirté sur le canapé, à côté d’eux, puis nous avonsregardé tousensembleunépisodedesOsbourne sur l’ordideMystery,chacunprofitantdubonheurpostcoïtal.Unmomentmerveilleuxquinedevaitpasdurer.

Chapitre8

Riennerapprocheplusdeuxhommesquedeleverdesfillesensemble.C’estlabase des grandes amitiés viriles. Parce qu’après, une fois les filles parties, ilspeuventenfinse taperdans lesmains.Cen’estpasquelebruitdedeuxpeauxquiserencontrent,maislesigned’uneententefraternelle.

«Tusaisceque je trouvenaze?m’a faitMystery. J’ai lemoralàzéro,etpuis une fille couche avec moi, elle m’aime bien et bada-boum, je pète denouveaulefeu.»

Tapedanslesmains.«Donc?ademandéMystery.—Donc.—Es-tuprêtàt’engagerdanscemodedevie?—Jepensaisdéjàm’yêtreengagé.—Non.Àvie.Maintenanttul’asdanslesang.Toietmoi,ondoitsetirerla

bourre.Detouslesmecsquej’airencontrés,tuesmonseulconcurrent.Àparttoi,personnen’alamoindrechanced’accéderautrône.»

Adolescent,j’aisouventprié,allongédansmonlit:«Seigneur,pitié,nemefaispasmouriravantquejecoucheavecunefille.Jeveuxvoircequeçafait.»Àprésent, j’ai unautre rêve.Lanuit, dansmon lit, jedemandeàDieudemepermettre d’être père avant de mourir. J’ai toujours vécu pour la nouveauté :voyager, apprendre, voir de nouvelles têtes. Mais avoir un enfant, c’estl’expérienceultime : la raisondenotreprésence sur terre.Etmalgré toutemadésinvolture,jen’avaispasperducetobjectifdevue.

Danslemêmetemps,vivrepourlanouveauté,çaveutaussidirerechercherl’aventure auprès de femmes différentes. Je ne peux pas imaginer choisir uneseulepersonnepour lerestantdemesjours.Cen’estpas l’engagementquimefaitpeur,maisdemedisputeraveccellequej’aimeausujetdelavaisselle,deperdremondésirpourcellequidortprèsdemoi,depasserausecondplanparrapportànosenfants,deluienvouloirparcequ’ellelimitemaliberté.Draguer,pourmoi,cen’estpasfairelesquatrecentscoups.Pasbesoindedraguerpourça.Enplus,lesquatrecentscoups,jenesuispastropfan.Jefousenl’airmeschancesd’êtreunpèrecool.Sij’avaisépousémapremièrecopine,etsij’avais

eudesenfantsavecelle,ilsauraientdansleshuitoudixans.Etjeseraisunpèreexcellent, capable d’échanger avec eux à presque tous les niveaux. Maismaintenant c’est trop tard. Le temps que mes gosses aient dix ans, j’aurai laquarantaine passée. On sera tellement différents qu’ils se moqueront de mesgoûtsmusicauxetmebattrontaubrasdefer.

Etvoilàquejebousillaismeschancesdememarier:j’étaissurlepointdedevenirdragueuràvie.

Une heure plus tard, Mystery et moi nous trouvions devant la boutiqueFinelineTattoo surKingstonRoad. Jeme répétaisque jevalaismieuxqueça.Maisonselaissefacilementgagnerparl’euphoriedumoment,parlatapedanslamain,parl’ententefraternelle.

J’aitournélapoignée.Laportenes’estpasouverte.Lundi15heuresoupas,laboutiqueétaitfermée.

«Etmerde,ditMystery.Allonsvoirailleurs.»Jene suispas superstitieux,maisquand j’hésite, il n’en fautpasbeaucoup

pourmeconvaincre.«Jepeuxpas.—Qu’est-cequisepasse?— L’engagement, ça me gêne. Je ne pense même pas être capable de

m’engagerenversuntatouagequisymboliselemanqued’engagement.»Pourunefois,monnaturelnévrotiquemesauvait.Plustard,Carolines’estpointéechezMysteryetnoussommessortismanger

dessushis.«OùestCarly?»ademandéMystery.Carolinearougi,leregardplongédanssatassedethé.«C’est-à-direque…ellenepouvaitpasvenir.Elletepasselebonjour.»LelangagecorporeldeMysteryachangé.Ils’esteffondrésursachaiseeta

interrogéCaroline:«Elleaditpourquoi?Ilyaunproblème?—Benenfait…c’estque…elleestavecsonmec.»Mysteryapâli.«Etellen’apasvouluvenir?—Elletrouvequevousêtestropdifférents.»Mysteryn’aplusriendit.Pasunmotpendantdixminutes.Chaquefoisque

nousluiposionsunequestionpourlerequinquer,ilrépondaitparmonosyllabes.Cen’estpasqu’ilaimaitCarly; ildétestaitêtrerejeté,voilàtout.Ildécouvrait

les désavantages de s’attacher à une fille déjà en couple ; en général, elleretourneverssoncopain.Etnousvoiraussiheureuxensemble,Carolineetmoi,luiremuaitlecouteaudanslaplaie.

« Je suis leplusgranddragueurdumonde, a-t-ilmarmonné.Pourquoi j’aipasdecopine?

—Peut-êtreparcequetuesleplusgranddragueurdumonde.»MysteryafinipardemanderàCarolinedeledéposeràlaboîtedestripoù

travaillaitPatricia,sonex.Ellel’alaissésurleparking,puism’aemmenépasserlanuit enbanlieuedans lamaisonoùellevivait avec samère, sa sœur et sonfrère.J’allaisrencontrersafamillepourlapremièrefois.

Sa mère nous a accueillis à la porte. Elle tenait dans les bras un bébébrailleur–lebébédel’adolescenteaveclaquellejesortais.

«Tuveuxleprendre?»m’ademandéCaroline.Lestéréotypevoudraitqueje dise que j’avais peur, que la réalitéme rattrapait et que je ne pensais qu’àm’enfuir.

Maisnon.J’avaisenviedeletenirdansmesbras,Carter.C’étaitplutôtcool.C’était pour vivre ce genre d’aventure que je jouais : tenir un bébé pour lapremière fois de ma vie et me demander, « Qu’est-ce que sa mère attend demoi?»

Chapitre9

PendantquejejouaisaupapaavecCaroline,Mystery,lui,partaitenvrille.Le déposer à la boîte avait été une erreur.Revoir Patricia l’a ravagé.Non

seulementellerefusaitderetourneraveclui,maiselleluiaaussibalancéqu’elles’étaitmiseàfréquenterd’autrestypes.

« Elle fait trois heures de sport par jour, m’a-t-il dit au téléphone. Elle aperduseptkilosetsonpetitculc’estdu10/10maintenant,mongars.Qu’est-cequeçafaitpas,unenana,quandc’estencolère.Putain.

— Oublie ce qu’elle a de bien. Repense plutôt à tous ses défauts. Çafaciliteraleschoses.

—Jesaisbien…sur leplan intellectuel.Maissur leplandesémotions, jesuisnaze.C’estcommesionmetraînaitsurdestessonsdebouteille.Toutm’esttombédessusquandjel’airevue.Soncorpsderêve,sonbronzage.C’estlastrip-teaseuselaplustorridedelaboîte.Etjenepeuxpasl’avoir.Carlyestretournéeavecsonmec.Etj’enpeuxplusd’essayerderendremonnouvelappartvivable.Pourquoifaire?

— T’es un dragueur, banane. Des filles comme Patricia, il y en a descentaines.Ettupeuxlesmettreàtespiedsenunenuit.

—Jenesuispasundragueur.Jesuisunamant.J’aimelesfemmes.Jetelejure,jenepensemêmeplusautriolisme.Çameferaittropplaisirdem’installeravecPatricia.Ellemesortpasdelatête.Ellememanquetoutletemps.»

Avantqu’ellenelelargue,c’estàpeinesiMysterypensaitàPatricia,ous’ilparlait d’elle. Depuis, elle l’obsédait. Ses théories sur la séduction s’étaientretournéescontrelui.Patricia luifaisait lecoupdelasortie.Maispourelle,cen’étaitpasunjeu–c’étaitpourdevrai.

Enbonmagicienexploitantlacrédulitédesonpublic,Mysteryétaitexaspérépar le spirituel et le surnaturel. Sa seule religion, c’était le darwinisme. Ilconsidérait l’amourcommeunesimple impulsionde l’évolutionquipermettaitauxêtreshumainsd’atteindreleursdeuxobjectifsfondamentaux:survivreetsereproduire.Ilappelaitcetteimpulsionl’unionmonogame.

«C’estbizarrecommec’estfort,l’unionmonogame,m’a-t-ilconfié.Commejemesensseulmaintenant…

— Je vais te dire. Demain, on passe te prendre et tu viens t’amuser enbanlieueavecnous.Çateremonteralemoral.»

CarolineetmoiavonsinstalléCarterdanssapoussetteetl’avonsemmenéauparc.Assissurunbanc, je trouvaisqueMysteryetmoiformionsuncouplededragueurs bien pathétiques. Les mecs du monde entier croyaient que nouspassionsnotreviedansdes jacuzzisavecdesmannequinsenbikini.Mauvaisepioche : Mystery était tout seul dans son appartement, sans doute à pleurerdevant unporno lesbien ; etmoi je baladais unbébé enpoussette au fin fondd’unquartierdebanlieue.

Lematin,nousavonsarrachéMysteryàlaville.Ilnes’étaitpasrasédepuisnotre dernière rencontre, et de petites touffes de poils parsemaient sa peau depêche.Ilportaitunt-shirtgrisquipendaitsurunvieuxjean.

«Disbien à ta familledenepasmedemanderde toursdemagie», a-t-ilpréciséàCaroline.

Maiscesoir-là,quandlamèredeCarolineluiademandécequ’ilfaisaitdanslavie,Mysterys’estlancédansuneperformancespectaculaire.Ilafaitprécéderchaque numéro – télépathie, lévitation de bouteille ou de lui-même, tours depasse-passe–pardixminutesdebonimentpleinesdepanachequiécrasaientlesautres illusionnistes que je connaissais. Il a charmé toutes les personnesprésentes : lamère deCaroline était sciée, sa petite sœur séduite, quant à sonfrère,ilvoulaitapprendreàsouleverunecraieparlévitationafindebluffersesprofesseurs. À cet instant, j’ai compris queMystery possédait bel et bien lestalentsnécessairespourréalisersonrêve :êtreunesuperstarde l’universde lamagie.

Unefoislesautrescouchés,MysteryademandéàCarolinesielleavaitdessomnifères.

«DuTylenol#3.Ilyadelacodéinededans.—Çaferal’affaire.Passe-moiletube.Jetolèrebien.»Caroline pensait déjà en infirmière : elle n’a donné àMystery que quatre

pilules. Pas assez pour le sonner.Alors, pendant quenous dormions,Mystery,shootéàlacodéine,apassétoutelanuitàinondersonLoungedemessages.

Chapitre10

msngroup:Mystery’sLoungeSujet:ObjectifsdevieAuteur:MysteryJedorschezCarolineparcequeçam’aretournéderevoirPatricia.Caroline

estlacopinedeStyleàToronto,çadoitêtredurpourlui.Elleestcanon,maiselleaungosse.Styleetellevontsuper-bienensemble,

maisjecomprendsleslimites.Tropcon.Solution:soishonnête.Aime-la,crétin.Respectetessentimentsetnelafais

pas souffrir,mais n’oublie pas nonplus que tu es poly-amoureux et qu’il t’enfautplus.Çapeutêtresaind’avoirplusieursfillesdansplusieursports.

Safamilleestgéniale.J’aifaittroisquartsd’heuredemagiepoursasœur–dix-huit ans,mignonne –, son frère et samère.Le pied. J’ai lu les runes à samère.Carolineestcommeunesœurpourmoi.

J’aidel’affectionpourelleetpoursonbébé.Etc’estsuperqueStylesoitlà!Ensuite,j’aiprisdelacodéinepourm’endormirparcequ’ilssonttousallés

secoucheràl’heurenormaleetquemoi,niveausommeil,jesuisàl’ouest.Maisje n’ai pas dormi. J’ai juste ressenti de l’amour. Comprenez-moi bien. J’aiconsciencequeçavientduTylenol,maisc’estquandmêmeunbonsentiment.J’adore ce Lounge. Vous êtes géniaux, les mecs. Faudrait qu’on se fasse uneméga-teufundecesquatre.

Ettoutçavas’enallerquandlacodéineneferapluseffet,haaa.Voilàcequejeveuxpourl’avenir:qu’ondevienneplusproches–çavous

paraît jouable?GrimbleetTwotimer,vousnejouezvraimentpascommemoi.Vafalloirqu’onparteenmd,histoirequejecomprenned’oùvousvenez.

Papa, ce que tu as fait sur le terrain, c’était de la balle. L’atelier avec toi,c’étaitgénial,tueslebienvenuquandtuveux,mec.Çanemedérangeraitmêmepasquetum’appellestouslesjours.

Pourmoi,ceLoungen’estpasconsacréàladraguemaisàquelquechosedeplusgrand:lesobjectifsdevie.Lesfemmesenconstituentuneénormepartie,etnous travaillonsensemblepournousaiderà lesgagner.Mais j’aimeraisquandmêmeélargirnosdiscussionsàl’argent,austatutsocialetàd’autresambitions.

Je crois que l’une des plus grosses difficultés, dans la vie, c’est d’êtreincapabledepartagersesproblèmeshonnêtement.Exposezdoncvosproblèmesici,etunecentainedemecsfiablesetintelligentspourrontvousaider.

Parlez aussi de vos buts et de vos ambitions.Si vous n’en avezpas, il esttemps d’en trouver. Je veux qu’on s’y mette tous et qu’on s’en sorte tousensemble. Voyages, femmes, argent, situation, tout ce que vous voulez. Fautqu’onseserrelescoudes.Fautqu’onbossetoussurlesmêmesprojetsetqu’onsynergisenoseffortscommedansuneentreprise.

JeveuxqueVinigarr5aitsonpropreappart,unecaissed’enfer,dublésursoncompte,unenounoucanonpourl’aideravecsongosse(unenounouqu’ilpourratringler)etdeuxoutroisfillesquil’aimentàmort.IldevraitêtrepropriétaireàNewYork–desboîtesdenuit,destrucsdanslegenre.Ildevraitavoirsaproprelimousineavecchauffeur.Ildevraitmontersapropreagencederencontres.

Papa, tuvisauxcrochetsde tonpère.Or lebienest l’ennemidumieux.Jeveuxquetuteconcentresautantsurlefricquesurlamaîtrisedesrelations.Tuasdequoidevenirmultimillionnaire.Ilfautquetusortesdel’ombredetonpèreetque tuéclipsessa réussite. Imagineunpeusi tuutilisais tespulsionssexuellespourmonterunbusiness.

C’estçaqu’ilme faut :mettreaupointunnuméropromotionnelque j’iraiprésenterauxtéléspourfaireuneémissionspéciale.J’aibesoindefonds.Jesuisgravesérieuxquandjedisquejepeuxlefaire.Ceuxquimeconnaissentsaventque j’assure.Quand l’émission aura été diffusée, je passerai àLasVegas. J’aidéjàleplanexactduspectacle.

Ça intéresse quelqu’un ? Imaginez un peu les after ! Bâtissons un truc.Exploitonslefaitquesijen’attirepasl’attentiontouslesjours(toutletempsenreprésentation)jenemesenspasnormal.

Ceneserapasdubénévolatnonplus.J’ycroispas,àça.Venezbosseravecmoi, je vous paierai. Dites-moi d’abord quels sont vos objectifs pour qu’onpuisseseserrerlescoudes!Messieurs,passonsauxchosessérieuses.

MysteryP-S.Encemoment,jelisRéfléchissezetdevenezrichedeNapoléonHill.Je

voudrais proposer un truc dans le genre. Si vous vous branlez régulièrement,vousrisquezdevitedeveniraccros.Etçasetraduitparunbesoinquotidienquiréduit votre désir de sortir. Ça vous empêche aussi d’exploiter vos pulsionssexuelles,quipeuventvousaideràvousmotiverpourbossersurdesprojets.

Si vous ne baisez pas régulièrement (ça nous arrive à tous de temps entemps),nevousastiquezpascommedesmalades.Fixez-vousunedate.Branlez-

vousune seule foispar semaine.Si vous l’avez fait aujourd’hui, attendez septjours.Si vousnevous trouvezpasune fille entre-temps, çavous feraquelquechoseàattendre.Faitesleschosesbien!Prenezunpornodutonnerre,unesupercrème pour les mains. Attendez le moment prévu avec impatience, ça vousévitera de perdre votre temps à vous branler sans arrêt et de ruminer votredouleurdenepasavoirdecopine.

Enattendant,tirezpartidevotreappétitsexuel.

Chapitre11

Lelendemaindecemailsouscodéine,Mysterys’esteffondrésur labanquettearrièredelavoituredeCaroline,emmitouflédansunecouverture,sonchapeauvissésurlatête.Ilnenousapasadressélaparole,àpartpourdemanderqu’onledéposechezsafamille–uneexigenceplutôtrare.Celam’arappelénotrevoyageenEuropede l’Est.Saufquecette fois,Mysteryn’étaitpasmalade.Dumoinspasphysiquement.

Unefoisgarés,directionl’ascenseur–sasœurhabitaitauvingtièmedansundeux piècesminable, bordélique et plein à craquer : lamère deMystery, uneAllemandebienenchair,assisesurun fauteuil fatiguéàmotif floral ; sa sœurMartina,dontlesdeuxenfantsetlemari,Gary,s’étaiententasséssuruncanapé,près d’elle. Le père deMystery s’était enfermé dans son appartement, quatreétagesau-dessus,avecsonfoied’alcoolique.

«Etcommentçasefaitquetuneramènespasdefille?»l’agrondéShalyn,saniècedetreizeans.Ellesavaittoutdesesnanas.Mysteryseservaitsouventde ses nièces pour exprimer sa vulnérabilité, son côté maternel, auprès desfemmes.Illesaimaitvraiment,cesfillettes,etilsemblaitreprendrevieenleurprésence.

Gary nous a joué quelques ballades pop de sa composition.Mystery s’estjointàluipourchanterlameilleure,Casanova’sChild,aupérildenostympans.Ildevaits’identifieraupersonnage-titre.

Après, Caroline et moi, on leur a faussé compagnie. Les petites nous ontpoursuivis jusqu’à l’ascenseur, en rigolant et en s’époumonant, talonnées parMystery. Tout à coup, une porte s’est ouverte et un homme avec un cold’ecclésiastiqueleuralancéunregardduretcondescendant.

«Vouspourriezfairemoinsdebruitdanslecouloir.»LafiguredeMysteryaviréàl’écarlate:«Ettucomptesfairequoi?Jenevoispascequ’ilyademalàça.Ellessont

jeunes.Elless’amusent.—Mafoi,ellesn’ontqu’às’amuserdansunendroitoùellesnedérangent

paslesautresrésidents.

—Jevais tedireceque jevais faire : jevaischerchermoncouteauetonverrabienquialedroitd’êtredanslecouloir.»

Mystery est rentré dans l’appartement. Échange de regards inquiets. Làencore, son comportementme rappelait celui qu’il avait adopté à la frontière,lorsquejeluiavaisrappelésonpèreenluidonnantunordre.

Lerévérendaclaquésaporte;Carolineetmoiavonsprofitédelaconfusionpournouséclipser.

Chapitre12

Jen’avaispasvraimentenviederetournerchezCaroline.J’avaistoujourshabitéen ville. Je déteste la banlieue. Comme Andy Dick, ma hantise c’est dem’ennuyeroud’ennuyerlesautres.Lesamedisoir,ilyamieuxàfairequematerdesfilmslouésauvidéoclub.MaisCarolinenepouvaitpasresteràToronto.Ellesouhaitaitêtreauprèsdesonfils;ellenevoulaitpassuivrelesstéréotypesdelafillemère.

Donc, le lendemain, pendant qu’elle jouait avec Carter, j’ai lumesmails.MysteryetmoiavionsenvoyéuncompterendusurCarlyetCaroline,quelquesjours plus tôt, et ma boîte débordait de messages envoyés par des jeunes deCarolineduNord,dePologne,duBrésil,deCroatie,deNouvelle-Zélande,etau-delà.Ilsmedemandaientdel’aidecommej’enavaisdemandéàMystery.

Il y avait aussi deuxmails deMystery.Dans le premier, il racontait s’êtrebattuavecsasœuràcausedel’altercationaveclerévérend.–«Ellem’acogné.J’ai dû la calmer en la prenant à la gorge et la plaquant au sol.Après, je suisrentré chez moi. J’étais pas en colère. Je voulais juste qu’elle arrête de s’enprendreàmoi.Zarb,non?»

Leseconddisaitsimplement :«Ça tourneplus rond.Jecrève ladalle, j’aimalàlatête,partout,jemesuisastiquétoutelajournéedevantduporno.Jevaisprendreunsomnifèreparcequesijenedorspasjepèteuncâble.Vivementquejedisparaisse.Jesuisàdeuxdoigtsdetoutenvoyerchier.Lavie,c’estplusdutoutfuncommetruc.»

Ildébloquait.Etmoij’étaiscoincéàTrouducville,dansl’Ontario,àregarderBritneySpearsdansCrossroadsencompagniedetroisjeunettes,dontl’uneétaitsoi-disantmacopine.

Lelendemainmatin,j’aidemandéàCarolinedemeconduirechezMystery.«Tupeuxresteravecmoi?ai-jeajouté.—IlfautvraimentquejeretourneauprèsdeCarter.Jel’aiunpeudélaissé,je

neveuxpasquemamèrepensequejelenéglige.—Tamèreveutquetusortes,quetupassesdutempsavectesamis.Tute

metslapressiontouteseule.»Elleaacceptéderesteruneheure.

NoussommesmontéschezMysteryetavonsouvert laporte.Assissursonlit,ilregardaitAI,unfilmdeSpielberg,sursonordinateur.Ilportaitlesmêmeshabits qu’à notre dernière rencontre. Il avait les bras couverts d’égratignuresduesàlabagarreavecsasœur.

Setournantversmoi,ilafroidementdéclaré:«Jemedisais,danscefilm,lesrobotsontcrééleurspropresintérêts.Ilsse

fixentdesobjectifs et font toutpour les atteindre.Lepetit robotveutqu’on leprotègedesamère.Lerobotsexuelchasselesfemmes.Quandonlesortdesacage,ilretournes’accoupleravecdevraiesfemmesparcequec’estsonobjectif.

—ok.»Je me suis appuyé sur un bureau multimédia posé tout contre le lit. La

chambre deMystery était de la taille d’un grand placard auxmurs nus. « Etalors?

— Alors ? a-t-il repris, de la même voix sourde. Alors c’est quoi, monobjectif,àmoi?Et le tien?Jesuisunpetit robot,unrobotsexueletunrobotartiste.»

Par terre, une demi-assiette de spaghettis crus. Des pâtes crues étaientéparpilléesdanstoutelapièce.Àcôté,lesdébrisd’untéléphonesansfiljetéparterre.Éjectéedesatrappe,labatteriesebalançaitdoucement.

«Qu’est-cequis’estpassé?—J’aidisjonctéavecmasœuretmamère.Ellesarrêtaientpasdeparler.»QuandMystery–oun’importequelV2D–avaitlatrouille,unseulremède:

chasser,rencontrerdenouvellesoptions.«Allez,sorsteshabitsdepaon,cesoironvavoirdustrip.»Lesboîtesdestrip-teaseétaientlepéchémignondeMystery,quisuivaitune

listederèglesluigarantissantpresqueàtouslescoupsderécupérerunnuméro:se lier d’amitié avec le dj ; ne jamais mettre la main à la poche ; ne jamaisdraguer, complimenter ou toucher une strip-teaseuse ; ne pas improviser ;changerde sujetdèsque la strip-teaseusecommenceà réciter les trucsqu’ellesortàtouslesclients.

«Pasenviedesortir.Çasertàrien.»Ilaarrêtélefilmetfiniderédigerune-mail.«Qu’est-cequetufous?— J’envoie un message aux étudiants new-yorkais pour leur dire que

l’atelierestannulé.»Ilsemblaitêtreenpilotageautomatique.«Maispourquoi?»

Encoreunetuile.J’avaisréservéunmoisdemavieafinqu’onpuissealleràNewYorketBucarestensemble.J’avaisdéjàachetélesbilletsd’avion.Etlà,àcaused’uncocktaildeSpielbergetdecodéine,Mysteryreprenaitsesbilles.

«Pasassezd’inscrits.Pff.—Allez.Tu tefaisdéjàmillehuitcentsdollars.Et jesuissûrqu’ilyaura

des inscriptions de dernière minute. C’est New York, bordel ! Personne nes’engageàrienàl’avance.

—Lavie,soupiraMystery,çacoûtetropcher.»Quelmélo!Çamesoûlait.Cemecétaituntrounoirquiaspiraitl’attention

desautres.Qu’ilaillesefairevoir.«Saleégoïste.T’aspenséànosbilletspourBucarest?—Vas-y,situveux.Moi,j’annuletousmesspectacles,tousmesagents,tous

messéminaires,tousmesateliers,tousmesvoyages.J’arrêtetout.JeneveuxpaspasserpourunclonedeRossJeffries.»

J’ai rué dans son buffet. Je ne suis pas un nerveux, mais quand on mechercheonmetrouve.Monpèrenem’apasapprisgrand-chosesurlesfemmes,maisça,si.

Un flacon de médicaments est tombé par terre, des pilules s’en sontéchappées;j’airamassélerécipientorange,surl’étiquetteduquelétaitmarquéRivotril.

«C’estquoi,ça?—Les antidépresseurs dema sœur. Pour la déprime, je sais pas,mais par

contreçamefaitbiendormir.»Froid.Clinique.Àmonavis,ilsn’étaientpastrèsefficaces.J’ailaissédonctroiscachetsdans

leflaconetfourrélesautresdansmapoche.Jenevoulaispasqu’ilmefasseuneoverdose.

Mysterys’estconnectéàPartyPoker,unsitedeparisenligne,ets’estmisàjouer sans réfléchir. LeMystery que je connaissais était trop logique pour lesjeuxdehasard.

«Tufaisquoi?luiai-jedemandésansattendrederéponse.Laissetomber.»J’aiclaquélaportederrièremoietairetrouvéCarolineausalon.«Onrentre.»Carolineaébauchéunpetitsourirecompatissant,prisedecourt.Àcetinstant

précisjel’aidétestée.Elleneservaitàrien.

Chapitre13

JesuisdoncrentréchezCaroline,enbanlieue–chezsamère,sonfrère,sasœur,sonfilsetsesfilmsavecBritneySpears.

Jevoyaisbienquejedevenaisunfardeaupourelle,quejeladétournaisdesonfils.Etelleserendaitcomptequejelatrouvaisdeplusenplusassommante.Cen’étaitpasqu’ellesefassedumauvaissangpoursonpetitquimedérangeait;c’étaitsonmanquetotald’initiative.Resterenferméjouretnuitdanssabaraqueà se tourner lespouces, ça commençait àmeporter sur lesnerfs. Je refusedelaisserfilerletemps.

L’unedesrèglesdebasedeladragueénoncequ’unefillepeutsedétacherdevous aussi vite qu’elle s’attache.Elle se vérifie tous les soirs.Celles qui vouscaressentletorseetvousroulentdespellesendeuxminutespeuventvousquitterenunclind’œilpourunautretype,plusgrand,plusbeau.C’estlejeu.C’estlavie.Etjelecomprenais.

À l’occasion d’un atelier à San Francisco, j’avais passé la nuit chez uneavocateprénomméeAnne.Sursonchevet,ilyavaitunpetitouvragesignéparuncertainJoëlKramer.Netrouvantpaslesommeil,j’avaisprislelivrepourlefeuilleter.Ilexpliquaitlesémotionsquenousressentions,Carolineetmoi:nousavons dans l’idée que l’amour est éternel, paraît-il.Mais tel n’est pas le cas.L’amourestuneénergiequiva etvient à songré.Parfois, il s’installepour lavie;parfois,ilresteuneseconde,unjour,unmois,unan.Alors,n’ayezpaspeurdel’amourparcequ’ilvousrendvulnérable.Maisnevousétonnezpasnonplusdelevoirs’enaller.Réjouissez-vousdel’avoirressenti.

Enschématisant,c’estcequeKramer racontait.Ses idées résonnaientdansmatêtetandisquejefaisaisl’amourunedernièrefoisavecCaroline.Audépart,j’avaisappriscepassageparcœurpourm’enservirenmd.Jen’auraisjamaiscruqu’il s’appliquerait à ma vie. L’amour, seules les femmes sont censées lechercher,pasleshommes.

J’ai passé la journée du lendemain à jongler avec les billets d’avion et lesprojets devoyage. Je conservaismonvol pour l’Europede l’Estmais, au lieud’accompagner Mystery dans sa quête d’esclaves bisexuelles, j’ai décidé de

rejoindreungroupedeV2DopéranthorsdeCroatie.Jecorrespondaisavecl’und’eux,Badboy,depuismonpremierjourdanslacommunauté.

L’une des raisons pour lesquelles je suis devenu écrivain c’est que,contrairement à une rock star, un réalisateur ou un comédien, un écrivain n’abesoindepersonne.Sessuccèsetseséchecsnedépendentquedelui.Jemesuistoujours méfié des collaborations, parce que la plupart des gens ne vont pasjusqu’auboutde leursprojets.Quand ils commencentquelquechose, ilsne lefinissentpas;ilsneviventpasleursrêves;ilssabotentleurspropresprogrèsparpeurd’êtredéçus.J’avaisidolâtréMystery.J’avaisvouluêtrelui.Mais,commetoutlemondeoupresque–etpeut-êtreplusquelamoyenne–ilétaitsonpireennemi.

Ce même jour, sur les forums de discussion, j’ai découvert un nouveaumessagedemonami.Sontitre:DerniermaildeMystery.

Jen’enverraiplusdemailssurceforum.Jevoulaisvousremercierpourtouscessouvenirsetvoussouhaiterbonnechance.

Votrepote,MysteryJ’ai tenté de me connecter à son site, mais il était déjà fermé.

Impressionnante,cettepossibilitéd’annulerdesannéesdetravailetd’effortsenunseulinstant.

Uneheureplustard,monportablesonnait.C’étaitPapa.«Jeflippe.—Moiaussi.Jenesaispass’ilcherchejusteàattirerl’attentionousic’est

plusgrave.—Jemesenscommelui.»Savoixétaitlointaine,faible.«Maviefoutle

camp.Jenevisquepourlejeu.Jen’aipasouvertunbouquindepuislarentrée.Etilfautquejesoisprisenfacdedroit.»

Papa n’était pas une exception. La communauté savait s’emparer del’existencedesesmembres.Surtoutdepuisquelque temps.AvantqueMysteryn’organise des ateliers, elle fonctionnait commeun rituel en ligne.Désormais,toutlemondesillonnaitlepays,serencontraitetchassaitengroupe.Cen’étaitplusunsimplemodedevie,maisunemaladie.Plusons’yconsacrait,plusons’améliorait. Et plus on s’améliorait, plus on devenait accro. Des types quin’allaientjamaisenboîtepouvaientdésormaisyentrer,jouerlessuperstarsetenressortir les poches pleines de numéros de téléphone, une fille à chaque bras.Après, cerise sur le gâteau, ils pouvaient rédiger un compte rendu et frimer

devantlacommunautétoutentière.Cesgens-làquittaientleurboulot,laissaienttomberleursétudespourmaîtriserunjeuquileurdonnaitpouvoiretsuccès.

«L’unedeschosesquiséduisentlesfemmes,ai-jeditàPapa,c’estlestyledevieetlesuccès.Imagineunpeucommeceseraitfacilesituétaisunevedettedubarreau avecune clientèledepeople.Si tu intègresunebonne facdedroit, tuprogresserasdanslejeu.

—T’asraison.Ilfautquejehiérarchisemespriorités.J’adorejouer,maisçadevienttropcommeunedrogue.»

LadépressiondeMysteryn’affectaitpasquesavie,elletouchaitégalementtous ceux qui le tenaient pour leur modèle. Certains, comme Papa, suivaientencoresonexempleenglissantsurlamêmepente.

« Tous ceux qui s’absorbent trop dans le jeu flippent, a-t-il conclu. RossJeffries, Mystery, moi. Je veux jouer aussi bien que Mystery, mais pas auxdépensdemavie.»

Le problème, c’est que cette épiphanie arrivait trop tard. Papa s’était déjàinscrit aux séminaires de David X et David DeAngelo, ce qui impliquait desécherlescours.

«Monpèrem’aappeléhier.Ils’inquiètegravepourmoi.Depuissixmois,jemeconsacreaujeutoutenignorantmonéducation,mesfinancesetmafamille.

— Faut apprendre à t’organiser,mec. La drague, ça ne devrait être qu’unhobby.»

Voilàunconseilpleindesagesse…quej’auraisdûsuivremoi-même.Aprèsavoirraccroché,j’aiappeléMystery.Ilvoulaitmedonnersamoto.Il

voulaitléguersonordiàPatricia,etlestoursdemagieprévuspoursonshowàLasVegasàunmagicienducoin.

« Tu ne peux pas te débarrasser comme ça des tours qui-t-ont demandétellementdetravail,ai-jeprotesté.Tuenauraspeut-êtrebesoinplustard.

—Cenesontquedesillusions.Jenesuisbonqu’àembobinerlesgens.J’aijamaisvouluêtreunbaratineur,alorsj’arrête.»

Pas besoin d’être psy pour reconnaître les signaux d’alerte. Si je ne lesprenaispasausérieux,jerisquaisdeleregretterparlasuite.Jenepouvaispasme détourner de monmentor alors qu’il se trouvait au bord du gouffre – ungouffre qu’il avait creusé lui-même. Je connaissais une fille dont le copainmenaçaittoutletempsdesetuer.Unjour,ellen’avaitpasréponduàsonappelausecours,etils’étaittiréuneballe,danssonjardin,uneheureplustard.

CommeMysteryl’avaitsuggérédanssonmailsouscodéine,nousavionsunréseauprécieux à notre disposition.LeLoungemettait en relation chirurgiens,

étudiants, gardes du corps, réalisateurs, profs de fitness, informaticiens,employésd’hôtel,agentsdechangeetpsychiatres.J’aidécidéd’appelerDoc.

Doc avait découvert la communauté quand Mystery s’était inscrit, pourrigoler, à un séminaire qu’il organisait au Learning Annex Mystery l’avaitsagement écouté énoncer ce qui n’était que des astuces de pmf. Le séminaireterminé, ilétaitallédiscuteravec leconférencier,etDocavaitconfessénepasêtreunhommeàfemmes.Ducoup,Mysteryl’avaitemmenéenvirée,initiéàlaméthodeMystery,etluiavaitdonnéaccèsauLounge.Depuis.Docétaitdevenuunemachineàdraguer,avecsonpropreharem.Sondoctoratenpsychologieluiavaitvalusonsurnometc’estàluiquej’aidemandéconseil.

Ilm’asuggérédeposerlesquestionssuivantes,danscetordre,àMystery:•Es-tudépriméaupointdevouloirtoutabandonner?•Penses-tubeaucoupàlamort?•Envisages-tudetefairedumaloud’agirdemanièredestructrice?•Penses-tuausuicide?•Sioui,commentt’yprendrais-tu?•Qu’est-cequit’empêchedelefaire?•Envisages-tudepasseràl’actedanslesprochainesvingt-quatreheures?J’ainotécesquestionssurunefeuille,l’aipliéeenquatreetl’aifourréedans

mapochearrière.Ceseraitmonantisèche.Monthème.

Chapitre14

Arrivé chez lui, j’ai trouvé Mystery en train de démonter son lit. Sesmouvementsétaientmécaniques,aussimécaniquesquesesréponses.

Style:Tufaisquoi?Mystery:Jedonnemonlitàmasœur.Jel’aimebeaucoup,etellemériteun

bonlit.Style:Es-tudépriméaupointdevouloirtoutabandonner?Mystery:Oui.Toutesttellementvain.C’estmimétique.Situcomprendsla

mimétique,tucomprendsquetoutestfutile.Çasertàrien.Style : Mais tu as une intelligence supérieure. C’est ton devoir de te

reproduire.Mystery:Ons’enfout.Jevaisexpulsermesgènesdupatrimoine.Style:Tupensesbeaucoupàlamort?Mystery:Toutletemps.Style : Tu envisages de te faire du mal, ou de faire quelque chose de

destructeur?Mystery:Oui.Lavie,c’estlamerdetotale.Style:Est-cequetupensesausuicide?Mystery:Oui.Style:Tut’yprendraiscomment?Mystery:Jemenoierais,parcequec’estcequim’effraieleplus.Style:Qu’est-cequit’empêchedelefaire?Mystery:Fautquejemedébarrassedemesaffaires.J’aifait tomberl’ordi

dePatricia,ilestcassé.Alorsjeveuxluidonnerlemien.Elleenabesoin.Style:Elleaappréciélegeste?Mystery:Non,pasvraiment.Style:Çal’arenduedinguequetuaiescassésonordi?MYSTERY:Non.Style : Est-ce que tu envisages d’en finir dans les prochaines vingt-quatre

heures?Mystery:Pourquoitumeposestoutescesquestions?

Style:Parcequejesuistonami.Etquejem’enfaispourtoi.(Sonnette.)Quiest-ce?

VoixÀl’interphone:Salut,c’estTylerDurden.JeviensvoirMystery.Jesuisfandesesmails,j’aimeraisbienlerencontrer.

Style:c’estsansdoutepaslebonmoment,là.VoixÀl’interphone:MaisjesuisvenudeKingston.

Style:Désolé,mec.Ilnepeutvoirpersonne.Ilest,euh,malade.

Chapitre15

J’ai laisséMysterydanssachambreetsuisallé téléphonerauxrenseignementspourdemanderlenumérodesesparents.SonvrainométaitErikvonMarkovik,uneillusiondeplus:ils’étaitofficiellementbaptiséErikHorvat-Markovic.

Auboutdetroissonneries,unhommeadécroché–voixbourrue,manièresbrusques.LepèredeMystery.

«Bonjour,jesuisunamidevotrefils,Erik.—Tesqui?—Neil.Unamid’Erik.Etjevoulais…—Rappelleplusjamaisici,t’entends!—Maisilabesoind…»Clic.Ceconnardavaitraccroché.Il neme restait qu’une seule solution. Je suis retournédans la chambrede

Mysteryqui faisaitdescendreunepiluleavecunverred’eau. Ilavait levisagerougeetbouffi,commes’ilpleuraitdeslarmesinvisibles.

«Qu’est-cequetuviensd’avaler?—Dessomnifères.—Combien?»Etmerde.J’allaisdevoirappeleruneambulance.«Justedeux.—Maispourquoi?—Quand je suis réveillé, la vie, ça craint. C’est futile. Quand je dors, je

rêve.»MysterymefaisaitdeplusenpluspenseràMarionBrandodansApocalypse

Now.«Lanuitdernière,j’airêvéquej’étaisdansuneDeLoreanvolante.Comme

celledeRetourvers le futur.Et il y avait plein de câbles tout autour de nous.J’étaisavecmasœur.Elleconduisait.Onestpasséspar-dessuslescâbles.Etendessousj’aivumavie.

—Écoute, ilmefaut lenumérodePatricia.»Premierssanglots.Onauraitditungrosbébé.Ungrosbébéauxtendancessuicidaires.

« Tu peux me donner le numéro de Patricia ? » ai-je répété lentement,gentiment,commeàunenfant.

Mysterymel’adonné–lentement,gentiment,commeunenfant.J’espéraisquePatricianemeraccrocheraitpasaunez,qu’ellen’avaitpasfait

unecroixsurMystery,qu’elleauraitunesolutionàmeproposer.Elleadécrochéàlapremièresonnerie.Àl’époqueoùilssortaientensemble,

Mysteryla tenaitpouracquise.Maisenfait,ellefaisaitpartied’unsystèmedesoutieninvisible.Soneffetstabilisateurnes’estfaitsentirqu’àsondépart.

Patricia avait une voix un peu masculine, dotée d’une pointe d’accentroumain. Ce n’était peut-être pas une lumière, mais elle tenait à Mystery.J’entendaissacompassionetsoninquiétudeàl’autreboutdufil.

«Iladéjàessayédesetuer.Lemieuxseraitd’appelersamèreousasœur.Ellesleferontsûrementinterner.

—Pourtoujours?—Non.Justeletempsqu’ilseremette.»La porte de la chambre deMystery s’est entrebâillée. Il est apparu sur le

seuil.Ilestpassédevantmoi,afiléversl’entrée.«Hé!Tuvasoù,là?»Ils’estretournéetm’alancéunregardvide,inexpressif.«C’étaitsympadeteconnaître,monpote.—Oùtuvas?—Jevaisbutermonpère,aprèsjemetue.»Surce,ilaouvertlaported’entréepuisl’areferméedoucementderrièrelui.

Chapitre16

J’ai couru après Mystery qui descendait l’escalier lentement, comme unsomnambule.Jemesuisplantéentrelaporteducouloiretlui.

«Allez,luidis-jeenletirantparlamanche,onremonte.J’aiparléàtasœur.Ellevapasserteprendre.Attendsdeuxminutes.»

Mysteryahésitéuninstant,nesachanttrops’ildevaitmefaireconfiance.Ilavaitl’airdocile,incapabledefairedumalàunemouche.Jel’aiconvaincuderentreràforcedemurmuresencourageantsetairappelésafamilleparunautrenuméroquem’avaitdonnéPatricia.

« Il s’en remettra, ressassais-je, dumoment que ce n’est pas son père quidécroche.»

C’estsamèrequiarépondu.Ellem’aassuréqu’elleseraitlàd’iciunedemi-heure.

Mysterys’estassissurunfutondanslacuisineetaattendu.Lessomnifèresdevaient faire effet. Il fixait le mur en marmonnant des bribes de théoriesévolutionnistes, demémétique et de théories sur le jeu. La conclusion de sesbaragouinsnevariaitpas:«futile»ou«foutu».

Sa mère est arrivée, flanquée de sa sœur. À sa vue, elles sont devenueslivides.

«J’auraispascruquec’étaitsisérieux»,aditMartina.Elle a préparé une valise pendant que samère aidaitMystery à descendre

danslarue.Ill’asuiviepassivement,unvraizombie.Quittant l’immeuble, ils se sont dirigés vers une voiture qui devait les

emmener au service psychiatrique du Humber River General Hospital. Aumomentoù samère luiouvrait laportière,unc-4exclusivement féminin s’estdéverséd’un4x4justedevanteux.UnéclairatraverséleregarddeMystery,unefractiondeseconde.

Je l’aiobservé,espérant l’entendreprononcer lesmotsmagiques :«Tulesveuxoutumeleslaisses?»J’auraissualorsquetoutétaitrentrédansl’ordre.

Mais ses yeux se sont éteints.Samère l’a aidé àmonter dans le véhicule.Elle luiasoulevé les jambeset lesarentréesdans l’habitacle,puisaclaqué laportière.

Jelevoyaisàtraverslavitre,lesblondessouriantesduc-4sereflétaientsurson visage. Blême, il regardait dans le vague, l’air absent, bouche fermée,mâchoiresserrées,sonpiercingpointuluisantdanslalumièrefroidedel’après-midi.

Les filles, attablées dans un restaurant japonais, lisaient le menu. Ellesgloussaient. Quelle mélodie agréable à mes oreilles. Si seulement Mysterypouvaitl’entendre.

Chapitre17

La dépression nerveuse deMystery a déclenché une crise des vocations et undéluge d’examens de conscience dans la communauté. Nous étions toustellementplongésdanslejeuquecetévénementbousillaitnotrevie.

Papafoiraitsesétudes.UnV2DdeSanFrancisco,Adonis,s’étaitfaitvirerquand ses patrons avaient découvert qu’il passait ses journées sur Mystery’sLounge.Macarrièred’écrivaintournaitauralenti.QuantàVision,ilétaitdevenutellementaccroauxforumsqu’ilavaitdonnésoncâbleADSLàsoncolocataireenluiordonnant:«Nemelerendspasavantdeuxsemaines.»

Entre-temps, la communauté avait grandi de façon exponentielle. Destroupeauxentiersdepetitsnouveauxrejoignaientlesgroupesdediscussion:desjeunots–encorelycéenspourcertains–quivenaientnousdemanderconseil,ànouslesV2D,nonseulementsurlaséductionetlesrelationshumaines,maissurl’existenceengénéral.Ilsvoulaientsavoiràquellefacs’inscrire;s’ilsdevaientarrêter leur traitement psychiatrique ; s’ils devaient se masturber, mettre despréservatifs, prendre de la drogue, fuguer. Ils voulaient savoir que lire, quepenseretquefairepourêtrecommenous.

L’unede ces âmes enpeine était unpetit étudiant libanais d’unevingtained’années, musclé, du nom de Prizer. Originaire d’El Paso, il n’avait jamaisembrassé une fille. Il réclamait des conseils pour se sentir à l’aise avec lesfemmes. Notre réponse : commence par te faire des amies. Ensuite, il devaitessayerdecoucher,sansêtre tropdifficilequantauchoixde lapartenaire. Ilapriscesconseilsunpeutropaupieddelalettre.

Morceauxchoisis(extraitsdesescomptesrendus):msngroupMystery’sLoungeSujet:Compterendu–DépucelageàJuarezAuteur:PrizerJ’aidécidédevoir cequeça faisait le sexe.Alors je suis allé à Juarez,de

l’autre côtéde la frontière.Vuquec’était unepute, techniquement, je l’ai pasdraguée.Maisjemedisqueçaferademoiunmeilleurjoueur: jeseraimoinsdésespéré.J’avaisdumalàresterbiendur,saufquandonsemettaiten69–ça,

çam’excitait.Ç’aétémapremièrefois.Maintenantquejesuispluspuceau,vouscroyezquelesnanasmetrouverontplusséduisant?

msngroup:Mystery’sLoungeSujet:Compterendu–Juarez:leretourAuteur:PrizerJe me suis fait une autre pute à Juarez. J’en suis à quatre. Elle a même

avalé…maisj’aitoujourspasréussiàgiclerpendantlerapport.C’estnormal?Enfin,cettefois,pourm’aideràprogresser,j’aifaitcommesic’étaitmacopine.J’aivoululuiboufferlecul,ellem’aréponduqueçacoûtaitcinqdollarsdeplus.Pas cool. Bref, j’écris ce compte rendu parce que je me dis que je serais unmeilleurchasseursijepassaismonbléàniqueràJuarezpendantdisonssixmoisau lieu d’aller à des ateliers ou de lire des bouquins. C’est franchement plusdirect.Vous croyez que plus on baise plus on est sûr de soi et on devient unmeilleurjoueur?

Quandlacommunautéentièrel’aengueulépoursescomptesrendussurdesprostituées,ilestvenumedemanderdel’aide.PuisestvenuletourdeCityprc,qui habitait Rhode Island. J’ai reçu ensuite des requêtes de dizaines d’autresinconnus. Ils me proposaient tous de l’argent en échange de mes leçons dedrague. Ils voulaientprendre l’avion ; ils voulaientmepayer l’avion ; voirunvraiV2Denaction,çan’avaitpasdeprix.

MysteryentrelesquatremursduservicepsychiatriqueduHumberHospital,et Juggler tellement pris par sa rlt1 qu’il avait fermé son site, les étudiantsavaient les crocs. Et, d’une certaine manière, j’étais devenu leur nouveaugourou.Tous cesmessages dans lesquels j’expliquaismes thèmes et décrivaismes sorties n’avaient pas servi qu’à partager mon expérience ; ils m’avaientaussifaitdelapub.

Maislaséductionrestaitunartobscur.Sessecretsavaientunprixquenouspayionstousparnotresanté,nosétudes,notreboulot,notretemps,notreargent,nos valeursmorales voiremême notre personnalité.Nous étions peut-être dessurhommesdans lesboîtesdenuit,maisaufonddenous-mêmes, lapourrituregagnaitduterrain.

« Je cherchais à vous ressembler, à Mystery et à toi, m’a expliqué Papaquandjel’aiappelépourprendredesesnouvelles.Ilfautquejesoismoi-même.J’aiunénormepotentiel,etjegâchetout.J’avaisquedesbonnesnotesavant.»

Papaenvisageaitunecurededésintoxication.Premièreétape,ilaannulésoninscription à plusieurs séminaires. « Je vais aussi arrêter d’appeler des tbm le

tempsdemettre de l’ordre dansmavie. Si c’est elles quim’appellent, je leurexpliquerai.J’aichoisilavie.Jeneveuxpasêtrequ’unjoueur.

—Tudoistraiterlafacetlesétudesdelamêmemanièrequelaséduction.—Oui,a-t-ilapprouvé,commes’ilvenaitd’avoirunerévélation.Jevaisme

trouver des équipiers d’études.Des pivots. Et je réussirai la conclu-B demesexams.

—Tuvaspeut-êtreunpeuloin.Maisbon,çanepeutpastefairedemal.—Jemesenslibre…lavache!»Et je tiens à dire que nous connaissions tous lamême évolution, il nous a

paru clair que nous nous laissions trop dévorer, et nous sommes revenus à laraison;mettrenotrevieendangerexigeaitdedéfinirnospriorités;etladraguefutreléguéeaurangdehobby.

En hypnose, il existe un concept, le fractionnement, qui affirme qu’unepersonne sortie de sa transe retombera dans une transe plus profonde, pluspuissante,sionl’hypnotiseànouveau.

Ilenestdemêmeaveclaséduction.Lacommunautéenaémergéuninstant– à nouveau ouverte au monde réel – pour y replonger encore plusprofondément,au-delàdenospirescraintes.

ETAPE6

NOUERUNLIENÉMOTIONNEL

« Observant les enfants dans une cour de récréation, les gens avaientcoutume de dire que les garçons jouaient au football tandis que les filles nefaisaient rien. Or ce n’était pas le cas : elles parlaient. Elles discutaient entreelles du monde. Ainsi accourent-elles dans ce domaine des connaissancesinsoupçonnéesdesgarçons.»

CarolGilligan,Unesigrandedifférence

Chapitre1

Petra,jeuneTchèquededix-neufansauxlongscheveuxbruns,avaituncorpsdemannequin–minceetbronzé;elleneconnaissaitpasdixmotsd’anglais.Jelesairencontrées,elleetsacousine,surl’ilecroatedeHvar,oùjemetrouvaisavecunV2DdeSeattle,Nightlightg.Nous leur avons fait voirnos toursdemagie.Elles, leurpop-corn.Surunboutdepapier,nousavonsdessinéunehorlogeetuneheurederendez-vouspourlesoirmême.Ellesnousontemmenéssurunîlotdésert. Elles ont tout enlevé sauf leur culotte et leurs tennis, puis sont entréesdans l’eau. Nous les avons suivies et leur avons fait l’amour, sans qu’ellescessentdepapoterentreelles.

Anya, jeune Croate de vingt et un ans à la repartie cinglante, était là envacancesavecsapetitesœur.Ellerespiraitl’assurance,lasensualitéetlesavoir-vivre;toutlecontrairedesasœur.Nightlightgetmoilesavonsrencontréessurlaplagede lavilledeVodice.Lesoirmême,elless’échappaientdechez leursparentsetnousrejoignaientsurlesquais.Noussommesmontésendoucedansunbateauetyavonsfaitl’amour.J’ailaissévingteurospourlabouteilledevin.

Carrie, dix-neuf ans, était serveuse au Dublin’s à Los Angeles. Elle m’acomplimenté sur mes dreadlocks ; j’ai omis de lui dire que je portais uneperruquerastapourrire.Lelendemain,jel’airetrouvée,etmalgrémanouvellecalvitie,onaquandmêmefiniaulit.Lesurlendemain,jeluiaienvoyéunmailpourlui indiquerqu’elleavaitoubliésesbagueschezmoietellem’arépondu,«Jeneportepasdebagues.C’estpaslesmiennes.»

Martine était uneNew-Yorkaise blonde et libérée – peau laiteuse, rouge àlèvres baveux, t-shirt imprimé. J’ai abordé tellement de cercles que je nemerappellepluscequejeluiaisorti.Lelendemainsoir,noussommesallésdansunbar. J’aiamenédeuxautres filleshistoirequ’elleaità sebattrepourmoi.Unefractiondeseconde, j’aiculpabilisé.Maispaspluslongtemps.Aubar, je luiaidemandécombienellesemettrait,suruneéchelledeunàdix,niveaugalipettes.Dansmachambred’hôtel,j’aieularéponse.7/10.

Laranyaétaitune jeune juivepourrie-gâtéedansuncorpsd’Indienne. Je laconnaissais de la fac, on avait fait un stage dans lemêmehebdo.Elle était lastagiairesexy,moiletimide.Maisquandjesuisretombésurellequatreansplus

tardàLosAngeles,c’estStylequil’aemmenéeenville.Auréveil,sespremiersmotsfurent,«J’enrevienspascommentt’aschangé.»Etmoidonc.

Stacyétaituneanorexiquedevingt-huitansrencontréeàChicago.Aucoursd’une interminable correspondance électronique, elle m’avait séduit par sonintelligence,sacandeuretsapoésie.Lorsqu’onafiniparseretrouver,j’aieulasurprisedeladécouvrirtaciturneetgênée.Elledevaitenpenserautantdemoi.Je l’aiquandmêmeemmenéedansmachambreeton s’estmisà s’embrasser.J’aiintroduitundoigtenelleetaisentiunboutdechairdanssonvagin,commeunfiletdetennis:sonhymen.Jeluiaiditquejenevoulaispasêtreceluiquiladépucellerait.J’aicomprisalorsqu’unV2Ddevaitparfoisaussidirenon.

YanaétaituneRusseplustrèsfraîcheauvisageciseléetauxseinsvachementbienrefaits.Jel’airencontréedansunbaràMalibu.Ellem’aapprisqu’ellefêtaitsonanniversairemaisarefusédemediresonâge.Jeluiaidonnéquarante-cinqans–dansmatête.Enguisedecadeau,jeluiaioffertmoncorps.Ellem’amislamainauxfesses.Deuxsoirsplustard,nousavonsprisuncocktailavantd’allerchezmoi.Ellem’aannoncéqu’ellenecouchaitplus,qu’ellecherchaitquelquechosedemoinssuperficiel.Cesoir-là,nousavonsfaitl’amour,enendossantdesrôles:moileprofesseur,ellel’écolièrecoquine.C’étaitsonidée.

Elle, c’était une Asiatique éméchée à gros seins, entourée par troisAsiatiquessobresàpetitsseins.Jenemerappelleplussonnom.Ellecroyaitquej’étais gay.Après quinzeminutes de papotage, je l’ai prise par lamain et l’aiemmenéeauxtoilettes.Fellation,cunnietplusunmotdepuis.Surfait.

Jillétaitunefemmed’affairesaustraliennequ’uncollèguedragueurm’avaitamenée.Elleavaitlescheveuxblondsenbrosse,unpantalonimpriméléopardetune énergie sexuelle dévorante.Quand elle dansait – si on pouvait appeler çadanser–,tousleshommeslamataient.Onabaisédanssabmw,toitouvert,lesjambes par la portière. Je lui ai demandé depuis quand elle avait envie dem’embrasser,ellearépondu,«Dèsquejet’aivu.»Aucunefemmenem’avaitjamaisditça.

Sarah,laquarantaine,bossaitdansuneagencedecasting;jel’airencontréedans le salon du Casa del Mar de Santa Monica. Elle avait l’air propre etradieuse, comme si elle sortait d’une pub pour shampooing – même dans lalumièrecruedemonascenseuroù,uneheureplustard,nousavonsfaitl’amour.Ellem’atoutletempsdemandés’ilyavaitdescaméras.Jenesavaispastropsielleavaitpeurdesefaireprendreousiçal’excitait.Sansdoutelesdeux.

HeaetRandi, je lesai rencontréesauHighlands.Hea,petitgabarit, fanderock indé, avait un copain. Randi, actricemignonne nantie du sourire le plus

malicieux que j’aie jamais vu, aussi. J’ai mis un mois à convaincre Hea detrompersonmec;pourRandi,unjourasuffi.

Mika était japonaise. Au Jamba Juice, elle prenait un « orange dreammachine»avecun«energyboost».Moijelesprendsavecun«proteinboost».Çam’intriguait. Pendant l’amour, jeme suis aperçu qu’elle ne croyait pas enl’épilationdumaillot.Lelendemain,ellem’adit,«Jemeleslaissepousserpourles donner à des petits cancéreux. » Je n’en revenais pas. « Les gamins sebaladentavectespoilspubienssurlatête?»Ellem’aréponduqu’elleparlaitdesescheveux.

Ani, une strip-teaseuse qui faisait de la muscu, était accro à la chirurgieesthétique. Elle avait des cheveux d’un roux métallique et un rouge à lèvresassorti.Aprèsl’amour,ellem’adit,«Jemaîtrisel’artdelavisualisation.»Jeluiaidemandédeséclaircissementsetellem’aexpliquéque,comme leshommessont stimulés par ce qu’ils voient, elle fait en sorte d’avoir l’air torride au lit.Maisquandelleadéveloppédessentimentsàmonégard,elles’esttoutàcoupdécouverte incapable de faire l’amour, parce que ces émotions avaient rouvertlescicatricesd’uneenfancemaltraitée.Findesvisualisations.

Maya était une danseuse du ventre – brune, gothique – avec qui j’ai flirtéaprèssonspectacle.Quandnoscheminssesontrecroisésdesmoisplustard,ellesesouvenaitencoredemoi.Jel’aiinvitéelelendemainsoir.Savoitureétantaugarage, j’ai offert de lui payer le taxi.Elle est arrivée chezmoidans la demi-heure.

Alexisdirigeaitunmagasindevêtements–elle aurait eu saplacedansungroupe de newwave des années 1980.Susanna, styliste fraîchement divorcée,voulait redécouvrir sa sexualité. Doris était une femme mariée dont la viesexuellesetrouvaitaupointmort;Nadia,unebibliothécaireauxtalentsdestarduX–cequ’onpeutapprendre,dansleslivres!Cesquatrerencontresontétélerésultatd’uneexpérience : j’essayaisde trouver la recettede lapetiteannonceparfaite.J’airéussiaprèsplusieurséchecs.Lesecret,àcequej’aicompris,étaitde passer pour un sale égoïste dans l’annonce, puis de jouer le gentlemanfascinantetdécontractélorsdelarencontre.

Maggie etLinda étaient sœurs ; aujourd’hui ellesne separlent plus.AnneétaituneFrançaisequineconnaissaitpasunmotd’anglais.Jessicaétaitunratdebibliothèquequi a fait partie du juryd’unprocès avecmoi.Faryalm’a aidé àcontacterunedépanneusequandmavoitureesttombéeenpanne.StefdistribuaitdesflyerspouruneboîtedestripsurSunsetBoulevard.Tanyaétaitunevoisine.

Mon souhait était exaucé. Les femmes ne représentaient plus un défi pourmoi,maisuneexpérienceplaisante.

Durant lesmois qui ont suivi la dépression deMystery, j’ai passé un cap.Une fois qu’une femme m’avait donné son numéro, je n’avais aucun mal àpasser à la vitesse supérieure. Avant, j’étais obnubilé par le résultat, çam’empêchait de prendre le temps d’observer la situation et d’agir enconséquence. Ayant accumulé savoir et expérience pendant un an, j’avaisdépassé ce stade. J’avais assimilé le processus de séduction et les signauxenvoyésparlesfemmes.J’avaispigéletruc.

Pendant une conversation, je savais repérer à quel moment précis j’avaisséduitmacible,mêmesiellerestaitdistanteousesentaitmalàl’aise.Jesavaisquandparleretquandmetaire;quandpousseretquandtirer;quandtitilleretquandmemontrersincère;quandl’embrasseretquandlafreiner.

Quelsquesoient le test, ledéfioul’objectionqu’unefemmemelançait, jeréagissais au quart de tour. Quand Maya, la danseuse du ventre, m’a écrit,«Merci pour les orgasmesmultiples. Appelle-moi, on décidera du jour où tupourrasm’emmenermanger.Tumedoisle taxi,et j’aienvied’unvrairendez-vous », je ne l’ai trouvée ni salope ni arrogante. Elle recherchait juste monapprobation,aprèsm’avoircédésivite;elletentaitdevoirjusqu’oùellepouvaitmecontrôler.Laréponsem’estvenuenaturellement.

« Tu sais quoi ? Je vais te rembourser le taxi, comme promis, ensuite tupourrasm’emmeneraurestauenéchangedesorgasmes.»Ellem’aemmenéaurestau.

J’étaistouchéparlagrâce.J’étaisMystery.

Chapitre2

QuiestlemeilleurV2D?ParThundercatDeThundercat’sSéductionLair2Bon,depuisunpetitmomentledébatfaitragepoursavoirquiestlemeilleur

V2D.Pas de doute, il y a un paquet d’ego dans cette affaire, et chacun a son

opinionsurlesujet.Enfait,c’esttellementsubjectifqueçam’étonneraitqu’onreçoiveunjouruneréponseclaireethonnête.C’estcommedesavoirquiestlemeilleurguerrierousoldatpendantuneguerre.Maisçan’empêchepascertainsdemettresurunpiédestallesmembresdenotrepetitecommunauté.VoicidoncmonclassementpersonneldesV2D:

Lemeilleur joueuractuel,haut lamain, c’estStyle.Cemecest sansdoutel’enfoiréleplusroublardetleplusmanipulateurquej’aievuenaction.Ilnesefaitjamaisrepérer,c’estpourçaqu’ilestsidangereux.Avecsasubtilité,avantmêmequevousvousenrendiezcompte,vousluiracontezvotrevieetilfaitdevouscequ’ilveut.Etenplus,çamarcheaveclesfillescommeaveclesmecs.Personnen’estàl’abri.

Vousdirecommejeletrouveincroyable,Style.–ilainventélaplupartdestechniquesquelesmeilleursutilisentouenseignent.Ilestlimitemachiavélique–jel’admireautantquejelecrains.Ajoutezàçaqu’ilal’airbanaletvousavezleJedilepluspuissantdumonde.Sansconteste.

Chapitre3

C’estenCroatie,aprèsladépressiondeMystery,quej’aicomprisquetoutavaitchangé. Je ne jouais plus pour rencontrer des femmes : je jouais pourcommanderdeshommes.DeuxdesV2Dcroatesquim’accompagnaients’étaientmêmerasélecrânesurmonmodèle.

Bienqu’ayantenhorreurl’idéed’êtreungourou,jen’endevenaispasmoinsun. Quand je parlais à une femme, la salle entière se taisait. Les hommesapprochaientpourentendremesparoles;ilslesnotaientdansleurscarnetspuislesapprenaientparcœur.

Deretourchezmoi, j’aidécouvertRossJeffrieseffectuantunevariationdel’introdelacopinejalouse(cellequineveutpasquesonmecrenoueavecsonexdelafac),suivied’unefaussecontraintehoraire.Ilestmêmealléjusqu’àmedemanderparmailunecopiedematechniquedel’évolution.Ilm’imitait.Etilprévoyaitd’exposercestactiquesdanssesséminaires.

C’estalorsqueThundercatapubliésonclassementdesV2D.Jenepouvaisplusmefairepasserpourunétudiant.NeilStraussétaitofficiellementmort.Auxyeuxdecestypes,j’étaisStyle,leroidesdragueurs-non-nés.Auxquatrecoinsdumonde,onutilisaitmesblagues,mes reparties,mes répliques,mesmotsdepassepouraborder,embrasserets’envoyerdesfilles.

J’avaisexplosémonobjectif.Avant,jen’étaisquel’équipierdeMystery,lediscipledeRossoulecobaye

de Steve P. À présent, je devais prouver que j’assurais à chaque sortie. Lesdragueurs demandaient dans mon dos, « Qu’est-ce qu’il vaut. Style ? Il estbon?»Sijen’abordaispasungroupedefillesetn’emballaispaslapluschaudeenmoinsdequinzeminutes,ilsmetraitaientdebouffon.Lorsquej’avaisintégrélacommunauté,j’avaispeurdemeplanterdevantlesfemmes.Désormais,c’estdevantleshommesquejedevaisfairemespreuves.

Du reste, je me mettais aussi la pression : mes attentes devenaientdéraisonnables.Sijemangeaisdansunrestauitalien,àcinqtablesd’uncanon,etsijenetentaispasdemd,j’éprouvaisunsentimentd’échec.Sijen’abordaispasune aspirante actrice-mannequin-serveuse sur le chemin du pressing, je mesentaishypocrite.Etalorsque,quand jetaispmf, lesimplefaitdeparleràune

inconnuesuffisaitàmonbonheur,j’avaisdésormaisbesoindecoucheravecellesoushuitjours.

J’avaisbeausavoirquemanouvellementalitéétaitpervertie,jemesentaisàbiendeségardsplusintègreentantqueV2Dqu’entantquepmf.Jouer,çaneserésumaitpasàmémoriserdesintrosouàélaborerdesstratégies, ilfallaitaussiapprendreàêtrehonnête.Jen’avaisplusàembobinerunefemmeenluidisantquejerecherchaisunerelationsérieusealorsquejecomptaistireruncoup;nienfaisantsemblantd’êtresonamialorsquejevoulaisjustemelataper;nienlui faisant croire quenousvivionsune relationmonogamealors que je voyaisd’autresfemmes.

J’avaisenfin intériorisécette idée :unefemmenerecherchepas forcémentune relation sérieuse. En fait, une fois déchaînés, les besoins physiques d’unefemmesontsouventplusimpérieuxqueceuxd’unhomme.Elledoitsimplementsurmontercertainesbarrièresavantdesesentirassezàl’aisepourlesassouvir.J’étais devenu un bon joueur parce que j’avais compris que le but d’unV2Dconsisteànepasdéclencherdeblocagechezlafemme,nidesauve-qui-peut.

(Aumomentoùj’écrisceslignes,jelèvelatêteet–jelejuredevantDieu–voisunefilleau-dessusdemoi.Elleestblondeetporteunmaillotdecorpssansmanchessurunsoutifnoir.Ellemesourit.Jesuisenelle.

Elle semord la lèvre tout en se frottant le clitoris contremonbassin.Elles’appuied’unemainsurmacuisseetdel’autre,légèrement,surmonordi.

«Tusaisqueçam’excitedet’entendretaper?Jepeuxteprendredansmabouchedeuxsecondes?»

Etmerdepourlestéréotypedel’écrivain.Envoilàunnouveau.J’arriveà travailler et à jouerenmême temps.Çame rappelleun trucque

disaitSteveP.àproposd’être tout le tempsdanssapropreréalité.Onest tousquedes invitésdedans.Donc,sic’estmonboulotetque tuveuxcoucheravecmoi…bienvenuesdansmaréalité.

Je sens qu’elle va jouir. Ça y est elle jouiyt/Tantmieux pourelle ;) (Cepassageaétélaissételquelpourenpréserverl’authenticité(N.d.A.))

Bref, tous les aspects de la drague ne sont conçus que pour anticiper etdésarmer les objections – du moins, quand il s’agit de vraies cibles, paroppositionauxciblestropfaciles.

L’intro,parexemple,c’estbanal.Onnelaperçoitpascommeunetentativededrague.Onpassejustepouruninconnusympaquandonabordelacibleetsesamis,«Mavoisinevientd’acheterdeuxchiensetelleveutleurdonnerdesnomsdeduospopdesannées80ou90.Vousavezdesidées?»

Lorsqu’onaccosteungroupe,leurpremiersouci,c’est,«Combiendetempsilvas’accrocherànous,lui?Commentfairepourqu’ildégage?»

Alorsonsedonneunefaussecontraintehorairedèsledépart,«Jenepeuxresterqu’uneminute,ilfautquejeretournevoirmesamis.»

Au cours de l’interaction, occupez-vous surtout de ceux qui semblentsusceptiblesdevousjeter–lesmecsjaloux,lesamistropprotecteurs.Mettez-lesàl’aisetoutendéfiant,titillantet«néguant»lacible.Parexemple,quandellevousinterrompt,dites,«Hé,ho…Elleesttoutletempscommeça?Commentvous faites avec elle ? » Si elle a l’air choquée, vous la regagnez grâce à uncompliment.J’appelleçalepush-pull–onlarepoussepourqu’ellerestesurlequi-vivepuisonlaramènetrèsviteverssoi.

Quandilsontfinidedonnerleuravispourleschiens(MillietVanilli,HalletOates,DreetSnoop–onmelesatoussortis),ilfautsedémarquer.Faitesletestdesmeilleurescopinesauxfilles,apprenez-leurquelquechosesur leur langagecorporel,ouanalysezleurécriture.Ensuite,dites-leurquevousdevezretournerauprèsdevosamis.

Là, ils ne veulent plus vous laisser partir. Dans la poche. Vous leur avezmontréquevousêtesletypeleplusintéressantetleplusfundelasalle.C’estlepointd’accroche:vouspouvezvousrelaxeretvousamuserenleurcompagnie.Écoutez-les,découvrez-les,établissezunvrailien.

Dans le scénario idéal, vous emmenez le groupe ou votre cible pour unrancardinstantanédansunautrebaroucafé,uneautreboîtedenuitouuneautresoirée. Maintenant, vous faites partie du groupe. Vous pouvez détendre votrecible, la taquiner, profiter de sa présence et vous attacher à elle… en mêmetempsqu’elletombesousvotrecharmeaprèsvosnegsetvotreprisedecontrôle.Quandvientl’heuredepartir,ditesaugroupequevousavezperduvosamisetqu’il faudrait qu’on vous dépose.Ça donnera à la femme une occasion d’êtreseule en votre compagnie sans que ses amis comprennent qu’elle prévoit depasserlanuitavecvous.(Sic’esttropcompliquéniveaulogistique,demandez-luisonnuméroetprévoyezuneautresortiedanslasemaine.)

Arrivésdevantchezvous,invitez-laàentrerpourluimontrercefameuxtrucdont vous lui parliez (site Internet, chanson, livre, bande-annonce, chemise,bouledebowling,n’importe).Maiscommencezparluidonneruneautrefaussecontrainte horaire : dites-lui que vous devez vous coucher tôt parce que vousavez beaucoup de boulot le lendemain. Par exemple : « Entre, mais juste unquart d’heure, après faudra que je te vire. » À cemoment de la soirée, vous

saveztouslesdeuxquevousallezcoucherensemble,maisilnefautpasarrêterdejouer:commeça,après,ellepourrasedirequeças’estpassétoutseul.

Faites-luivisiter.Offrez-luiàboire.Proposezdeluifairevoirceclip.Pasdebol,latélédusalonestenpannemaisilrestecelledevotrechambre.

Bien sûr, dans la chambre, zéro chaise, juste un lit. Quand elle s’assoit,mettez-vousleplusloinpossibled’elle.Faitesensortequ’ellesoitunpeugênéeque vous ne la draguiez pas. Si vous la touchez, éloignez-vous direct après.Continuez le mélange de contrainte horaire et de push-pull. Répétez-luirégulièrementqu’elledoitpartirbientôt.

Ensuite–àvousdedéciderdumeilleurmoment–,dites-luiqu’ellesentbon.Flairez-lalentement,dubasducoujusquesousl’oreille.C’estlàqu’onpasseàlatechniquedel’évolution,reniflez-la,mordez-luilebras,demandez-luidevousmordrelecou,mordez-luilecou,puisembrassez-la.Àmoinsqu’ellenesejettesur vous pendant l’escalade physique, continuez à parler pour lui occuperl’esprit, et écartez-vousdèsqu’ellecommenceà se sentirmalà l’aiseEssayezd’être toujours lepremier àdirenon.Ça s’appelle luivoler soncadre.Lebut,c’est de l’exciter sans qu’elle éprouvede pressionoude gêne, sans qu’elle sejugeutilisée.

Vousvousembrassez,vousluienlevezsont-shirt,ellelevôtre,vousattaquezsonsoutif.Uneminute.Ellevousempêched’allerplusloin?LesV2Dappellentça la résistance de dernière minute – rdm. Reprenez une ou deux étapes enarrière.Laver, rincer, recommencer.C’estduchiqué,de ladaff–défenseanti-fillefacile.Elleneveutpasquevouslapreniezpourunefillefacile.Ducoup,câlins et papotage. Elle pose des questions à la con, genre combien tu as defrèresetdesœurs?Vousrépondezhonnêtement,çalaremetàl’aise.Puisvousrepartez à l’assaut : roulage de pelle, décrochage de soutif. Cette fois, pas derésistance.Vousluiléchezlesseins.Ellesecambre.Çal’excite.Ellevousmontedessusetsemetàgémir.Vousbandez.Vousêtesexcité.Vouslavoulez.

Vous la soulevez pour enlever son pantalon. Elle repousse votre main.Acquiescezenluimurmurantàl’oreille:«Tuasraison,c’estmal.Onnedevraitpasfaireça.»

Re-roulagedepelle.Nouvelletentativeauniveaudupantalon.Laver,rincer,recommencer. Mais elle vous arrête encore. Alors vous soufflez les bougies,vousallumez la lumière,vouséteignez lamusiqueetvousgâchez l’ambiance.Laissez-lacouchéelà,toutegênée,etallezconsultervosmails.C’estlecoupdufrigo.Deuxsecondesplustôt,ellesesentaitbien,elleappréciaitvosattentions,voscaresses,l’intimitédelachambre;etlàvousluienleveztoutça.

Ellevientvousembrasser le torse,elleessaiedevousrameneràelle.Vousreposez votre portable, éteignez la lumière et retournez vous occuper d’elle.Vousretentezlepantalon.Ellevousarrête.Elleditquevousvousconnaissezàpeine.Vous lui dites que vous comprenez.Vous rallumez la lampe. Elle vousdemande cequevous faites.Vous lui expliquezquequandune femme refuse,vous la respectez, mais ça déclenche un truc en vous qui vous bloque. Vousn’êtespasvexé.Vousleluiditesd’untonneutre.Ellevousmontedessusetsemetàgémir,parjeu.«Non.»

Elleaenviedesexe.Toutcequ’elleveut,c’estquevous luiaffirmiezquevouslarappellerez,histoirequ’ellen’angoissepas–mêmesi,enfait,elles’enfichedevousrevoir.Vouslarassurez.

Vousreprenez:«Enlèvetonpantalon.»Elle obéit. Vous vous éclatez, vous vous donnez l’un à l’autre plein

d’orgasmestoutelanuit,lematin,etpeut-êtremêmedesannéesplustard.Unmatin,ellevousdemandecombiendefemmesvousavezconnues.C’estlaseulefoisoùvousavezledroitdementir.

Chapitre4

En tant que communauté, nous avions atteint un nouveau sommetd’arrogance.

«J’aideplusenplus l’impressiondechasserdes lapinsaumortier»,m’aexpliquéMaddash.

Il venait de réussir l’une des md les plus improbables de l’histoire de lacommunauté. JackieKim,employéedebureauàChicago,avait fait suivreparerreur à tout son carnet d’adresses le compte rendu très catégorique d’unrancard.TexteaussisuperficielquelescomptesrendusdecertainsV2D:

«Bonalors…cerendez-vous.Bagnole,fric,boulot,appartsympa,bateau–pour six personnes seulement, soit dit en passant, rien de bien extraordinaire,donc-façond’êtreetsuper-baisers:jeressortiraisûrementaveclui.Maisjeteledis tout de suite, s’il ne va pas chez le coiffeur et s’il ne m’envoie pas decadeaux,ceserariendeplusquemonpremiercopaintrentenaire.»

Cemail a fait sensation sur la Toile, dans lemonde entier, et amême étéchroniquédansleChicagoTribune.Maddashaétédeceuxquil’ontreçu,et illuiaenvoyéillicounmessagecompatissant.Jackieluiaréponduquesonmailavait illuminé sa journée et qu’elle le relisait chaque fois qu’elle recevait unmessagehaineux.Quelqueséchangesdemailsetdephotosplustard,etaprèsunrancard,elles’estretrouvéedanssonlit.Pasbesoindecadeaux,debateauxoudecoupsdeciseaux.Delaséductionpure.

Le succès de Maddash a déclenché toute une série de md similaires. Lesimple fait d’allerdansunbar etde ramenerune fille chez soiparaissait d’uncouptropordinaireettropfacile.

Visionacontactéunecall-girlquiprenaittroiscentcinquantedollarsl’heure.Sonbutétaitdesemontrer tellement intéressantqu’elle lepaieraitpourpasserl’heuresuivanteaveclui.Ilestainsiparvenuàrécupérerquatre-vingtsdollarsaurythmedevingtparheure.Ilsontcontinuéàsevoiraprès,gratuitement.

Grimble a séduit une fille de dix-neuf ans qui vendait des magazines auporte-à-porte.Ilavaitbeauêtrevêtud’unboxeretd’unpullsale,ilsel’esttapéedansl’heure.Sansmêmesignerd’abonnement.

InformésdesderniersexploitsdeMaddash,deVisionetdeGrimble,touslesV2DqueladépressiondeMysteryavaitdésenchantéssesontremisà jouerdeplusbelle.Leplusmotivéd’entreeux:Papa.

Il avait tenu sapromesse– il avait réussi à intégrer la facdedroit.Puis ilétait parti sillonner le pays, pour rendre visite au plus grand nombre deV2Dpossible. Ilm’envoyait son emploi du temps semaine par semaine :mercredi,Chicago avec Orion et Maddash ; puis le Michigan avec Juggler ; enfin, unweek-end à Toronto avec Captain BL (un V2D sourd) et N°9. La semainesuivante,iltraînaitavecCliffetDavidX.Huitjoursplustard,illongeaitlacôteOuest, de San Francisco à SanDiego en passant par LosAngeles.Quant auxV2Détrangers–établisàLondres,Tokyo,Amsterdam–,ilmaintenaitaveceuxuncontactsoutenuautéléphoneousurleNet.

Je ne savais plus trop si Papa apprenait encore à jouer ou s’il ne faisaitqu’agrandirsoncerclederelations.Jecroisqu’iln’ensavaitriennonplus.Ilnefaisait quem’imiter, en parcourant lemonde et en rencontrant différentsV2Ddanslebutdedevenirlemeilleur.

Ils’estparticulièrementliéavecunnovice:unCanadiendevingtetunansquiavaitdécouvertl’universdeladraguequandsamèreétaittombéeparhasardsur un site de séduction. Il se faisait appeler TylerDurden, le nomdu rebelledansFightClub.Àlamanièred’unvirasoud’undémagogue(àvousdevoir),ildevaitchangerl’histoiredelacommunautéetchacundesesmembres.

TylerDurdenétudiaitlaphiloàlaQueensUniversitydeKingston(Ontario).Àpartça,onnesavaitpratiquementriendelui–etonn’ajamaisapprisgrand-chosedeplus.Ilracontaitqu’ilavaitétéundesplusgrandsdealersdeKingston;qu’ilvenaitd’unefamilleriche;qu’ilavaitécritdesarticlesdephilotrèssérieuxpour des revues universitaires ; qu’il avait donné dans le culturisme.Mais lesdoutessubsistaient.

Tyler est arrivé sur les forums comme un ouragan. Avant même quequiconquel’aitrencontré,unechoseétaitsûre:ilétaitplusobsédéqu’aucundenous. Il lisait les archives électroniques – desmilliers de pages – de tous lesmaîtresV2D. Et il dévorait les ouvrages recommandés – de IntroducingNLP(«IntroductionàlaPNL»)àMasteringYourHiddenSelf(«Maîtrisezvotremoiintérieur»)–àunrythmedingue.Unvraiaccrodusavoir.

En quelques mois, il avait absorbé la quasi-totalité des informationsimportantes sur la séduction, il s’était promu autorité dans ce domaine, etpubliait des essais-fleuves et des comptes rendus remplis d’exploitsimpressionnantsetdefrime.

Ilaattirélesétudiantscommeunaimantlesclous.C’étaitunenouvellevoix,hystérique, un gourou autodidacte. Et il n’a pas tardé à devenir l’équipier dePapa. Il l’aaccompagnédanssonvoyageà la rencontrede tous les séducteursaffublésd’unsurnomridicule.Etforcément,j’étaisl’und’eux.

Tyler Durden m’envoyait e-mail sur e-mail. Aussi tenace que moi à uneépoque,cepetitcon.Àcroirequ’êtreunprovocateurlerendaitfier.

Pendant des années, on a conseillé aux pmf nerveux qui découvraient lacommunautédecommencerendouceurparunemissiondebleusaille:prendreunedouche,sefairebeau,allerdanslecentrecommercialleplusproche,sourireetdire«Bonjour»à toutes lespassantes.Plusd’unpmfs’estaperçuquenonseulement cela l’aidait à vaincre sa timidité, mais que certaines femmess’arrêtaientmêmepourdiscuter.

Tyler Durden préconisait une autre méthode – baptisée projet Chaos, enl’honneurdeFightClub:approcherunefemmeséduisanteaupasdecourseet–avantmêmed’avoirprononcéunseulmot–l’inspecterdela têteauxpieds, latapoter sur la tête avec un objet souple, ou effectuer une approche physiqued’uneautrefaçonplaisante.

Surlesforums,lamajoritédesgensneréfléchissaientpas.Ilsobéissaient.Sije leur avais avoué que ça m’aidait de sniffer des pilules contraceptives, ilsseraienttouspartispointerauPlanningfamilial.Ducoup,untasdetypessesontmisàpercuterdesfemmesavecdeschariotsdesupéretteoudessacsdesport.Cen’étaitpasdeladrague,maisdelarégressionàl’écoleprimaire.

TylerDurden, lui, avait eu la bonne idéededonner à la séductionun côtéespiègle et subversif – contrairement à, mettons, la Speed Séduction, quinécessitaitdutravail,delamémoireetmêmedelaméditation.

Etpourtant,danslemêmetemps,TylerDurdenn’étaitpasclair.Visionavaitjeté de chez lui cet invité snob et ingrat, qui demandait sans cesse qu’on luimontredenouvellestechniques.Enplus,malgrésescomptesrendusfascinants,chaquefoisqu’ilavaitlapossibilitédecoucher,ilfaisaitmachinearrière.

Chapitre5

msngroup:Mystery’sLoungeSujet:Compterendu–ConclusionprestoAuteur:TylerDurdenBonvoilà,ças’estpasséilyaàpeinequinzeminutes,etiln’yaqu’àvous

quejepeuxenparler.Aujourd’hui, je me faisais grave chier, alors je suis allé à la galerie

marchandeRideauCentreàOttawadans l’espoird’y trouverdenouvelles tbmavecquisortircesoir,vuquetousmespotespmfétaientavecleurscopines.

Jeme balade sans rien trouver demieux comme tbm que des 7,5/10 – lagalère.

Aumomentderepartir,jerepèreunBoosterJuicequivientd’ouvriretunejoliepetiteroussequiybosse–7,5/10,pasplus,commetouteslesnanasdanscefoutuRideauCentre.

Jecommande.Lasuite:tdLesjusdemangue,c’estlequellemeilleur,«Ouragan»ou«Brise»?tbm:«Ouragan».td:Super.Jeprendsun«Brise».tbm:Haha,ok.Quelbooster,avecça?td:Unbooster?tbm:Oui,cesmachins,là,surlapancarteaumur.td :Ah, d’accord, j’ai droit à des vitamines et des conneries énergisantes.

Super!JeseraiunhommeneufaprèsçaExcellent!tbm:Haha.td:Topelà!tbm:ok!(Ellemetapedanslamain.)Ehben…c’estletruclepluscoolqui

mesoitarrivédelajournée.td:Tutefaischier,pasvrai?tbm:Ouais,çacraintici.

td:Hé,devineunpeu…tbm:Quoi?td:Jet’aime.tbm:Haha.Euh…ok.Jet’aimeaussi.td : Super ! Alors on va se marier. La vache, c’était donc vrai, on peut

trouver l’amour dans les endroits les plus zarb. Comme ici, auBooster Juice.tbm:Haha.

td:Attendsunpeu.Jesais…fermelesyeux.

tbm:Pourquoi?td:T’inquiète,fermelesyeux.tbm:Tuvasmepiquerlarecette,c’estça?td:Nonnon,t’enfaispas.Juré.Jet’aime,n’oubliepas.tbm:ok.(Ellefermelesyeux.)Lecomptoir était super-large. Jemepenchepar-dessus,positionSuperman

envol,etj’embrasselafille.Àpeinejel’aiembrasséequ’ellesemetàgueulercommeunecinglée.tbm:Aaaaaaaahhhh!Aaaaaaaahhhh!Touslesclientsseretournentversmoi.Lafillepiquaitunecrise.Ellecriait,

agitaitlesbras…quelcirque!Jemedisais«Merde-merde-merde. Je savaisqueça se retournerait contre

moiunjour.Merde.J’auraisdûattendred’avoirplusd’iDi.Merde.Jecroyaislesavoir,cesidiàlacon!Plusjamaisjereferaiça!»

td : Euh… je t’ai d’abord dit que je t’aimais. tbm : Aaaaaaaahhhh !Aaaaaaaahhhh!

td:Euh…çava,là?tbm:Aaaaaaaahhhh!TD:Ohé.tbm:Euh,ok.Cinqdollarsettrenteetuncents.Aaaaaaaahhhh!Lafilleessayaitdereprendresonsang-froid,maisellecontinuaitàgueuler

parintermittence.td:S’ilteplaît…calme-toi.tbm:Euh…ouais…Çava.Commenttut’appelles?td:Pitié,n’appellepaslapolice.tbm:Non,c’estjustepourl’ordi.Jedemandeàtoutlemonde.td:ok.Tyler.tbm:Hé,maisc’estgénial,commeprénom.td:Merci.Ettoi?tbm:Lauren.td:Çameplaît.tbm:OhmonDieu,c’estletrucleplussensasquimesoitarrivédanstoute

mavie!td:Cool!tbm : Oh mon Dieu, toi alors… Oh mon Dieu, je t’aime ! C’était grave

génial!td : Tout le plaisir est pour moi. Je te promets que je reviendrai et je te

redemanderaidefermerlesyeux.

tbm:Tuenferasplus,laprochainefois?(Clind’œil.Sous-entendu.–sexe.Jesuppose.)

td : Je te laisse pas tomber.N’oublie pas que je t’aime. tbm : J’attends çaavecimpatience.

td:Maisdis-moi,çam’al’airtropcool,lescuisinesici.Tumefaisvisiter.tbm:ok.Parici.Jemedisais:«Lavache,j’enrevienspas!»Jecherchedanslespochesde

maveste, et j’y trouvedes capotesLifeStylesTuxedoBlackqu’Orionm’avaitdonnéesleweek-enddernier.Ducoup,sij’avaisenvie,jepouvais.

C’estlàquejemesuisdégonflé,genre:«C’esttroppourmoi!Jelaconnaisdepuismêmepasdeuxminutes!»

Jevousmenspas,ilyavaitbiencinquantepersonnesquim’observaient,quiontvulafillem’ouvrirlaportepourquejelasuive.Ilsavaientl’airdesedire.–C’est quoi ce bordel ?Et çameperturbait grave.Maintenant que ; y repense,j’auraisdûlefaire.Maissurlemoment,j’étaisdéboussolé.

Alorsjeluiaidit:td–Euh,benenfaitjesuissuperàlabourre.tbm:Onsereverra?td:Jequittelavilledemain.tbm:Ok,maisaprèsleboulot?td:Ben…jedoisrevoircespotes.Jerepassedemain,onpourrasortir.TBM.:Ok.OhmonDieu-toialors!Lavache!Demi-touretjesors.TD

Chapitre6

Mysteryétaitderetour.N°9,soncolocataire,m’aappelépourmedirequ’onl’avait laissésortirde

l’hôpitaletqu’illogeaitdanssafamille.Ill’attendaitlasemainesuivante,TylerDurden devait passer le prendre pour un atelier en tête à tête. Ce serait sansdoutetroptôtpeurrecommencerlescours,maisMysteryavaitunloyeràpayer–etTylerunegrandedétermination.

« Je ressorsdecet étrangevoyageémotionnel équipédemodèlescognitifsincroyables»,m’aannoncéMysteryquelquesjoursplustard.

Savoixavaitretrouvélaclartédecelled’AnthonyRobbins,etsonespritlalucidité.Laviesemblaitcompterànouveau.OnsentaitquandmêmeunelégèredifférenceMysteryétaitenmodenervure–plusquejamais–maispascommeavant.Iln’étaitpasexactementderetour;ils’étaittransformé.

« Je me suis fixé des objectifs de vie, poursuivit-il. Les carottesémotionnellessebalancentdevantmoi.Cetteannée jevais jeter les fondationsquimepermettrontdedéboulonnerCopperfield.J’aidécidédelebattre.Jesuisunesuperstar.Moncerveauestsertidesachrysalide.»

Jeluiaidemandés’ilsuivaituntraitementilm’areponduquenon.«J’yaipasmalréfléchi.Jenedéprimequequandjem’isole.Regardecequi

m’a amené là : la rupture avec Patricia-de nouvelles bombasses me sortentl’effacementet lebrouillage6,macarrièreaupointmort, je suis tout seuldansmon appart sans personne à qui parler. Faut qu’on se construise unenvironnement social avec des gens qui me motivent – comme Pull-Over enAustralie.Qu’onsemotivetous.Quandj’étaisàl’hosto,j’aiprispleindenoteslà-dessus. Je lesaimontréesàmonpsy.Même luiça l’abluffé. J’aiappeléça“ProjetHollywood”»

Pour la première fois j’ai entendu l’expression « Projet Hollywood ». Audébut, je n’y ai pas fait bien attention. Jeme disais que ça finirait comme leprojetExtase:uneidéeavortée,reléguéeàlapoubelle.

«Jebrille,continuaMystery.Jelevoismaintenant.Jesuisunesuperstar,etjesuisgrand.Jemesuisjustelongtempsretenu.Etj’aimeraisquetudeviennesunestaravecmoi.»

C’étaitbonde le retrouverparminous.Malgré toussesdéfauts, ilavaitducharme.Certains le traiteraient de narcissique, et ils n’auraient pas tort ;maisMysteryaumoinsvoyaitlagrandeurserefléternonseulementdanssonmiroirmais aussi dans ses proches. Ce qui explique son influence en tantqu’enseignant.

« J’en suis déjà une, de star, banane, ai-je lâché, du moins dans lacommunauté.Pendanttonabsence,j’aiétééludragueurn°1–jet’aisoufflélaplace. Pas croyable. Un Anglais que je ne connais ni d’Adam ni d’Ève m’aappelél’autrejour:ilseprendpourmoiquandilbaise.Çal’aideàsesentirpluspuissant.T’enpensesquoi?»

J’avaisdeplusenplusdemalàtenirmonrang.Undenosanciensétudiants,Supastar, un prof de Caroline du Sud à la beauté sauvage, avait récemmentenvoyé ce mail : « À ma mort, j’irai au paradis des dragueurs, et Style m’yattendra,parcequ’ilestundieudeladrague.»

Mysteryaéclatéderire.«Vafalloirqueturègles leproblème,dit-il : tuascrééunalterego,etcet

alteregoc’esttoi.»

Chapitre7

Mysteryvoulaitquejeluiréservetroismoisconsécutifs.Ilprévoyaitdesateliersà Londres, Amsterdam, Toronto, Montréal, Vancouver, Austin, Los Angeles,Boston,SanDiegoetRio.

Mais je ne pouvais pas m’engager si longtemps. J’avais une carrière àressusciter.AvantdedevenirunV2Dàtempsplein–ou,commeonm’appelaitdésormais,unmV2D(maitrevirtuosede ladrague), j’étaisécrivain.Dansuneautre vie, jeme levais lematin, jem’installais àmon bureau avantmême deprendremonpetitdéjeunerouunedouche,etjerestaislààruminermondésertsexuel.

Àprésentquejemaîtrisaisleproblème«fille»,ilmefallaitfaireduménagedanslesautresdomainesdemavie.Toutescesmdm’embrouillaientlacervelle,ledevenaistropdépendantdel’attentiondesfemmes–jenesortaisplusdechezmoiquepourdraguer,etpouracheteràmanger.Jem’étaisdéshumanisétoutendéshumanisantlesexeopposé.

J’aidoncdemandéàMysteryd’annulersonprogramme.Àcetteépoque,jefréquentais huit filles à Los Angeles.Mon carnet de bal était saturé : Nadia,Maya,Mika,Hea,Carrie,Hillary,SusannaetJill.Ellesavaientdesbesoins,etçanem’engageaitàrien.Ellessavaientquejevoyaisd’autresfemmeset,de leurcôté,ellesvoyaientsansdouted’autresmecs.Jem’enfoutais,jeneposaispasdequestions.Toutcequicomptaitc’estquejen’avaisqu’àclaquerdesdoigtspourqu’ellesviennent,etj’enfaisaisautantpourelles.Satisfactiongarantie.

Je n’ai pas avoué à Mystery que je n’avais plus confiance en lui. Pasquestionquejeluiconsacremontemps,quej’achètedesbilletsd’avionetqu’ilmelaisseencoreunefoisenplan.Jen’étaispassanounou.Commejelerépétaisauxfemmes,laconfiance,çasemérite.Etilallaitdevoirregagnerlamienne.

Mystery n’a pas tardé à trouver deux équipiers enthousiastes pour meremplacer:TylerDurdenetPapa.Riendesurprenant.DepuisqueMysteryétaitsortidel’hôpital,cesdeux-làétaientfourrésàToronto:ilslogeaientchezluietrécupéraientlesmoindresbribesd’infos.

Mysterym’appelaittouslesjourspourm’informerdeleursprogrès.

Ilmedisait.–«Jeluiaifaitvoir,àTylerDurden,cequec’estunvraiV2D.Audépart,c’étaitjusteunpetitcon,maisplusmaintenant,etilaacceptédesemettresousmonaile,commeunbonétudiant.»Oubien:«J’aienfintrouvélaformulepourme rapprocherd’une femme.Prêt à l’entendre ?»Long silence.«Rapportégaleconfianceplusbien-être!»

Ouencore:«QuandtuverrasTylerDurden,net’attendspasàl’aimer.Justeàletolérer.C’estunmecquichercheàtoutjustifiersansarrêt.

—Alorspourquoitutraînesaveclui?— Il m’a appelé pour dire qu’il venait passer le week-end chezmoi, j’ai

réponduoui.C’estcommeuneépinedansmonpied,ilmeforceàsortir.—Tucroisquejedevraisl’hébergerquandilviendraiciavecPapa?—IlfaitpartiedelafamilledesV2D.Faiscommesic’étaituncousinchiant

quin’arrêtepasdepéter.»Unesemaineplustard,PapaetTylerDurdendébarquaientchezmoi.Papa avait l’air plutôt cool – veste en cuir, lunettes noires sur le front et

chemise en coton super-chic qui dépassait de son jean. Derrière lui se tenaitl’être non albinos le plus pâle que j’aie jamais vu.Une tignasse blond orangésortaitdesoncrâneenformed’œuf,onauraitdituntrollminiature.Iltenaitsatête trèsdroite ; sonsourire ressemblaitàungadgetenplastiqueattachéàsonvisage, et il avait les traits aplatis comme sous unbas invisible. Sur leNet, ilracontaitqu’ilfaisaitdelamuscu,maisilétaitempâtéducorpsetduvisage.Enréalité,ilétaitpetit.Ildégageaitjusteunecertainedouceur.

C’étaitTylerDurden. Ilme rappelait le personnage deHeatMiser dans lefilmTheYearwithoutaSantaClaus.

Il s’est fendu d’un signe de tête en entrant. Pas un bonjour, rien – et, enbonnebêtenoire,mêmepasuncoupd’œil.Lesgensquiévitentmonregardànotrepremièrerencontre,jeneleurfaispasconfiance.J’aiquandmêmelaissélebénéficedudouteàTylerDurden.Peut-êtrequ’il étaitnerveuxà l’idéedemedonneruneimpressioninitialedelui-même.Danssesmails, ilévoquait tout letempsmesmessagesetmestechniques.J’étaissonmodèle.J’étaisleurmodèleàtous.Mais engénéral, ils semontraient humbles.TylerDurden réagissait à cemalaiseenjouantlesarrogants.Soit.Bono,d’U2,faitçaluiaussi.C’estleurtrucàeux.

Noussommessortismanger,etTylers’estunpeuouvert.Enfait, ilaparlésans s’arrêter – même pas entre les phrases. Pas facile d’en placer une. Ilpréférait tourner autour du pot plutôt qu’aller droit au but. Il souffrait de cequ’onappellele«tropréfléchir».J’avaislamigrainerienquedel’écouter.

« J’étais là à niquer cetteMichelle. Je la bourrinais. J’y allais comme unmalade, les gars. » Il penche la tête en arrière, pince les lèvres, hausse lessourcilsetagitelatête.Toutçapournousfairevoircommentilyallait–maisçarendait faux. « Là-dessus, t’as ce connard qui se ramène et qui lui sort,“Michelle,t’estropbelle.T’esdelaballetotale.”Ellemeregardeetellefait–levoilàquigrimaceetprendunevoixdefaussetpourimiterlafille–“Lesmecsqui font ça, je supportepas.Lui, jamais jepourrai l’aimer. Jeneveuxque lesmecsquiveulentpasdemoi.Jehaisceuxquimeveulent.Grave.”»

Auboutd’uneheuredebla-bla, jecommençaisàcernerTylerDurden.Lesrelationsreprésentaientpour luiunprogramme.Lecomportementhumainétaitdéterminéparlecadre,laconformité,l’approbationetd’autresgrandsprincipespsychologiques. Et il voulait être leMagicien d’Oz : ce petit gars qui tire lesficellesderrièreunrideauetdonttoutlemondecroitquec’estunpuissantgéant,lemaîtreduroyaume.

J’avaispigé.Piger,çameplaisait.Le contexte : il est petit et lent pour son âge, nous a-t-il confié. Sonpère,

entraîneurdefootaméricain,luiavaitimposédescritèresélevésqu’iln’ajamaispurespecter.Lesseulsdétailsbiographiquesqu’ilalaissétranspirer.Etjenesaistoujourspass’ilétaitsincère.

Chaquefoisquelaserveusevenaitànotretable,TylerDurdenvoulaitquejeladrague.

«Sors-luil’introdelacopinejalouse.»« Fais-moi voir une DVI. » (Démonstration de valeur interactive. Cf.

Glossaire)«EnvoieunDV.»(Débusquementdevaleur.Cf.Glossaire)Je me rappelais que Tyler Durden avait harcelé Vision. Et je comprenais

pourquoi celui-ci l’avait foutu dehors. On aurait dit qu’il ne voyait pasd’humanitéennous.Notreboulot,d’oùnousvenions,nosidéessurlaculture,lapolitiqueetlemonde,ils’entapait.

Àcroirequ’ilnesaisissaitpascettedistinction :nousn’étionspasquedesV2D.Nousétionsdesgensàpartentière.

Chapitre8

Aprèslerepas,j’avaisprévuunesoiréeunpeuspécialepourTylerDurdenet

Papa.Hillary, la strip-teaseuse aux cheveuxbleusque j’avais disputée àHeidiFleissetAndyDick,passaitauSpiderClubàHollywood.J’aidemandéàdeuxoutroisautresfilles,ycomprisLaurie,l’Irlandaisequim’avaitinspirélecoupdel’évolution,denousrejoindre.CommejemedisaisqueTylervoudraitrencontrerGrimble,jel’aiaussiinvité.

Ànotre arrivée,Laurie et ses copines étaient déjà aubar. Presque tous les

hommeslesobservaient,essayantdetrouverlecouragedelesaborder.JeleuraiprésentéTyler.Lesayantsaluées,ils’estassisetn’aplusouvertlabouche.Ilestresté là,muet commeune carpe.C’était la première fois qu’il la fermait touteunenuit.

Quand ç’a été le tour de Papa, celui-ci s’est aussitôt animé. Il a retiré seslunettesnoireset lesamisesàLaurie–un trucqueMystery luiavaitapprisàTorontoafind’empêcherlacibledepartirenvadrouillependantqu’onl’ignore.PuisilleurafaitlecoupdessouriresenC’etenU.

J’aimaisbienvoirPapaprogresser.Lesarbitresducooldisent souventquecertains sont cool et d’autres non. Et ça se remarque au premier coup d’œil.J’avais toujours cru qu’on était cool de naissance.Mais la raison d’être de lacommunauté, c’était qu’on peut apprendre à l’être. Papa avait encore un petitcôtéautomate,maisçarentrait.Ilétaitunrobotducool.

TandisquePapa s’occupait des filles,TylerDurdenetmoi sommespassésdans lasalleoùHillarydansait.Enferméedansunecageàoiseaux,elleagitaitdeuxgrandséventailsenplumesdevantelle.Unboutd’épaulepar-ci.Unboutdejambepar-là.Splendide,soncorps.Dommagequejen’aiecouchéavecellequ’unefois.

«Pourquoitun’asrienditàLaurieetsescopines?ai-jedemandéàTyler.—Jenesavaispasquellesintrostuleuravaisdéjàservies.J’avaispasenvie

derépéter.

—Abruti…tupeuxdoncpasutilisertapersonnalité?»Hillary ne portait plusmaintenant que deuxpetits ronds en plumes sur les

seins,assortisàsaculotte.Sapeauétaitd’unedouceur…Maissonnez,onauraitcruunbec.

Ladernièrefoisquejel’avaisvue,ellefaisaitundébutd’herpès.Impossibledefiniraulitavecelle.

«Onbouge?aproposéTyler.—Etpourquoi?Ilyapleindefilles,ici.»Heureusementqu’ellem’enavaitparlé,desonherpès.Çavalaitmieuxque

desetaireetdemelerefiler.Jenepouvaispaslapunirpoursonhonnêteté,maisj’étaistropparanopourcoucheravecelle.

«Jeveuxtevoiràl’œuvredansunendroitoùtuneconnaîtraspersonne»,fitTyler.

Hillarys’estcachéederrièreunéventail,apassélamainsoussesjambesetjetésaculotteaupublic.Unnidàherpèsvolant.Unmecàfavorismoutonneuxaattrapéleboutdetissudanssonpoingetl’abrandi,toutexcité.Sonpetittrophéevénérien.

Unemains’estposéesurmonépaule.Grimble,affublédesachemiseporte-bonheur.

«Alors,mec,quoideneuf?m’a-t-ildemandé.—Pasgrand-chose.Çatediraitd’accompagnerTylerDurden–c’estlui–au

SaddleRanch?—Tuvienspas,toi?estintervenuTylerDurden.J’avaisvraimentenviede

tevoirjouer.—Jesuiscrevé,mec.—Situviens,jeteferaimonimitationdeMystery-en-train-de-se-plaindre-

de-plus-voir-Style-son-âme-sœur.Jefaistoujoursuntabacavec.»Merci,maisnonmerci.J’aiétém’asseoirdansunealcôveencompagnied’Hillary.«C’estqui,cesnazes,avectoi?—Desdragueurs.—J’auraispascru.—Ilssontjeunes.Ilsdoiventencoreapprendre.Donne-leurdutemps.»Elle a saisi son sourcil gauche entre le pouce et l’index et l’a décollé

lentement.«Çateditd’allerauElCarmen?»ellearepris.Sourcildroit.Sijerépondaisoui,jedevraiscoucheravecelle.Çafaisaitpartieducontrat.

«Non.Fautvraimentquejerentre.»

J’avais envie de passer un check-up. J’étais trop névrosé pour une tellepromiscuitésexuelle.

Chapitre9

Je voulais l’aimer malgré tout, ce Tyler Durden. Tout le monde semblaitl’apprécier.

Les comptes rendus de ses md à travers le pays avec Papa et Mysterychantaient ses louanges. Avec moi, la nervosité lui avait peut-être coupé sesmoyens. Ou alors, la pratique l’avait amélioré. Je décidais de lui laisser lebénéficedudoute.

Lacommunautésuivaitdestendances.Quandjel’aiintégrée,RossJeffriesetlaSpeedSéductionrégnaientsur lesforums.Puiscefutautourde laméthodeMystery, suivie par David DeAngelo et son macho marrant. À présent, TylerDurdenetPapapersonnifiaientlesvaleursmontantes.

Le plus drôle, c’est que les méthodes avaient beau changer, les femmesrestaient les mêmes. La communauté appartenait à un univers tellementundergroundquepresqueaucunenelaconnaissait.Certainesmodesnevisaientpaslesfemmes,maisl’egomasculin.

Et l’un des plus énormes ego mâles, Ross Jeffries, perdait du terrain LaSpeedSéductionavaitencorebeaucoupàdonnermais,auxyeuxdelanouvellegénération,ellesemblaitaussiarchaïquequelefaitd’offrirunbouquetdefleursàunefilleetd’allerprendreunverreavecelle.Etça,Ross,çalebilait.Toutlebilait.Unsoir,enrentrantchezmoi,j’aitrouvécemessagesurmonrépondeur:

Hé, Style, c’est Ross. Je suis d’humeur ronchonne. Il est minuit dix.Normalement, quand je ronchonne, j’appelle les gens que j’aime pas pour lesengueuler.Maisc’estpaspourçaquejet’appelle.Jeveuxjustetedirequec’estpasjuste.Çavapastetuerdem’emmeneràuneautresoirée,monpote,mêmesijepensequetumedoisplusqueça.

Sic’estnon,jet’envoudraipas,justejetevireraidelacommunautédela

Speed Séduction, tout ça. Je blague pas. Rappelle-toi un peu comment monboulotachangétavie,rappelle-toicequetum’asdonnéenretouretcequetum’avais promis. C’est pas juste. J’espère que tu prends ça au sérieux. Si tutrouvesquec’estlegenredetrucquejesortiraisàunefille…commetuveux.

Jelecomprenais.Jel’avaiscomplètementignorédepuisnotredernièresoiréeensemble.Qu’il commenceparm’hypnotiserpourme faireoublier l’imagedeluientraindereniflerleculdeCarmenElectra.

Bref,jel’aiappeléquelquesjoursplustardetl’aiinvitéàdînerensouvenirdu bon vieux temps. Il étaitmoins fâché que je le craignais, en grande partieparcequ’ilenavaitaprèsquelqu’und’autre:TylerDurden.

« Il me fout les jetons, ce mec. C’est flippant, son manque de chaleurhumaine.Çam’étonneraitpasqu’undecesquatre il sedétachedeMysteryetpartedonnerdescoursensolo. Ilestmalà l’aiseavecdesgenspluspuissantsquelui.Enplus,ilracontedéjàqu’ilestmeilleurqueMystery.»

JepensaisqueRossdonnaitlibrecoursàsaparano,maisTylerDurdenluiabientôtdonnéraison.

Etj’étaisresponsabledecettesituation,àencroireMystery.«Lesateliers,çam’éclateplus»,s’est-ilplaint.Ilm’appelaitduNewJersey,

où lapluie leconsignait,avecTylerDurdenetPapa,chezunV2DdunomdeGarvelous – concepteur de jouets. « C’est juste un boulot. Ça m’éclate quequandtueslà,quandonfaitéquipe.»

J’étais flatté,mêmesi, encequimeconcernait, ateliern’avait jamais riméavecéclate;pourciterMystery,c’étaitunboulot.

« En plus, mes objectifs prennent une nouvelle tournure. Au départ, jevoulais juste attirer l’attention.Maintenant, je cherche l’amour. Je veux vivreune relation qui me donnera des gargouillis dans le ventre. J’ai envie d’unefemmeque jepourrai respecteren tantqu’artiste :unechanteuseouunestrip-teaseusesuper-torride.»

L’inévitablerupturefutconsomméepeuaprès.Mysteryamenéuneséried’ateliersenAngleterreetàAmsterdamavecTyler

et Papa. Les comptes rendus étaient si élogieux, les rappels si nombreux, queTylerDurdenetPapasontrestésaprèssondépartpourassurerquelquesatelierstoutseulsetsatisfairelademande.Ilsétaientenvacancesetcescoursdedragueles motivaient plus que d’aller vendre des esquimaux ou des vêtements pourenfants.

Mysterym’a téléphonéàson retouràToronto.«Monpèreauncancerdupoumon, il en a plus pour longtemps.Bizarre, tu es la première personne quej’aievouluappeler.

—Çatefaitquoi?—Pasgrand-chose,maismamèrechialeetc’est lapremièrefoisquejela

voispleurer.Monpèrea toujoursvouluqu’onverseduwhiskeysursa tombe,

alorsmonfrèreasorti,“J’espèrequ’ilnem’envoudrapassijelefiltred’abordparmavessie”»

Cette repartie l’a fait rire. Je me suis efforcé de glousser aussi, pourl’accompagner. Sans résultat. L’image n’était marrante que pour ceux quidétestaientcetype.

Pendant ce temps, Tyler Durden et Papa se déchaînaient en Europe. Au

départ, ils enseignaient la méthode Mystery. Mais tout a changé à Londreslorsqu’ils se sont retrouvés un soir sur Leicester Square, point de chute desroutards, fêtards, touristes, joueurset ivrognes.C’est làqu’estnée la«gestiondumag».

Lemag,mâle alpha du groupe, c’est la bête noire des dragueurs. Rien deplus humiliant qu’une espèce demalabar empestant l’alcool qui vous soulèvepar-derrièreetsemoquedevoshabitsdepaondevantlesfillesquevousessayezde lever. Le genre de honte qui vous rappelle que vous n’êtes pas un typepopulairemaisunringardquiveutdonnerlechange.

Tyler Durden était sans doute le plus ringard de nous tous. Mais ilcompensaitsonmanquedecooletdegrâceparsescapacitésd’analyse.C’étaitun déconstructionniste, un mini-manager du comportement. Rien qu’enregardantunéchangesocial, ilpouvaitendécomposer lesélémentsphysiques,verbaux, sociaux et psychologiques. La gestion du mag – savoir éjecter d’uncercle un concurrent potentiellement néfaste – plaisait à son côté subversif ;piquer la copine du connard qui vous menait la vie dure à l’école, c’étaitnettementplusjouissifquedeséduireunefemmeseuledansuncafé.

Il observait donc le langage corporel par lequel les mag rabaissaient sonstatut;ilrepéraitleregardgrâceauquelilsfaisaientcomprendreauxfillesqu’ilétait naze ; il disséquait leur façon de lui taper dans le dos si fort qu’il envacillait.Ilpassaitbientôtplusdetempsàétudierlesmagqu’àdraguerlesfilles,jusqu’àmettreaupoint, lentementetminutieusement,unnouvelordresocial–où, pour paraphraser lemusicienBoydRice, les forts vivent aux crochets desfaibles,etlesfutésàceuxdesforts.

Désormais,plusriennepouvaitarrêterlesV2D.Ilspiquaientleurscopinesàdesarmoiresàglacejustesousleurnez.Ilspénétraientunterritoiredangereux.

Chapitre10

MSNgroup:Mystery’sLoungeSujet:mag–TactiquesAuteur:TylerDurdenDeuxtroistrucsmarrantssurlesquelsjebosse.J’ai pratiquement tout appris au contact de dragueurs-nés européens j’ai

essayédeleurchiperdescerclesetdelesempêcherdemeduperiesmiens.Cesgars sont moins manipulables que la plupart des Nord-Américains. Ils saventjouer.Ducoup,jemesuisdemandécommentlesbattre.

Cestactiques,jelesaitestéesdescentainesdefoissurleterrain.mag:Salutlesfilles,quoideneuf?V2D:Hé,neuneu,neuneu(leverlesmainsenl’aircommepourserendre).

Centdollarssitumedébarrassesdecesfilles.(Lesfilles.–«Non,non.Ont’adore,V2D.»Ellesgloussent,ellessejettent

survous,çaluirabatsoncaquetillico,aumec.)mag(Semblechercherlabagarre.)V2D:Haha,neuneu,tuveuxtebattre?Haha.OK,OK.Attendsvoirdeux

secondes.J’aimieuxàteproposer.Onvacommencerparunpetitbrasdefer.Etaprès,despompessurunbras.Etenfin,exhibitiondemuscles!

(Là, vous jouez des épaules en disant « Mesdames ? » Elles répondentqu’ellesvoustrouventtropfort.Lemagal’aircrucheparcequevousindiquezqu’il en fait des tonnes pour impressionner les filles avec sa supérioritéphysique.)

mag : Hé, mec, vas-y, parle. Sors-nous ton speech. Vas-y, drague, mec,drague.T’esunas.

V2D : Oh, tu sais, faut bien que j’essaie d’en imposer aux mecs cool deLondres (ou aux mecs en maillot de rugby, aux mecs à chaussures cirées,n’importe).Vousassurezgrave,vous.

(Lebut, c’est de le casser sur le peuqu’on sait de lui,même si c’est horssujet.Çalemettramalàl’aiseetçaseverraàsonlangagecorporel.)

mag :C’estun sphincter, ledessin sur ton t-shirt ?Tuvasavoirbesoindeprotection,monvieux.Touslesmecsvontchercheràtemettre.

V2D : C’est bien pour ça que je suis là, neuneu. J’ai besoin de toi. Ausecours, neuneu.Quand je te vois, jeme dis que tu es né pour protégermonsphincter.

(Ça,onme l’avraimentbalancé.Ethonnêtement,c’étaitunebonnevanne.Donc, si le mag sait bien jouer, vous devez enchaîner. Faites comme s’ils’échinait à être votre ami ; ou dites, pour déconner, que vous voudriezl’embaucherpourunboulotquevoustrouvezbêta.Genre:«T’esuncomique,toi.Maist’espasobligédemefairemarrerpourquejet’apprécie.»Oubien:«Tropclasse.Çateplairaitdet’occuperdudesigndemonsiteInternet?»)

mag(Commenceàvoustripoterpourmontrersasuprématie.)V2D:Haha,neuneu,jepréfèrelesfilles.Laboîtegay,c’estlà-bas,regarde,

neuneu.Baslespattes,monpote,touchepasàlamarchandise.(Lesfillessemoquentdelui;ilcommenceànousexpliquerqu’iln’estpas

gay.)mag(Vousattaquedefront.)V2D(Silence.)(Nepasrépondre.Restertranquille.S’ilessaiedevouséjecteretsivousne

réagissezpas.Au final, il aura l’air crétin.Autre astuce : lancer aux fillesdescoupsd’œilstyleon-se-casse–ceuxqu’ellessefontquandvoustousdébrouillezmal–,etelless’enirontavecvous!

Autresindices:S’ilyaunmac–aveclesfillesquejedrague,monbutestdeleneutraliser.

S’ilvientjustedelesrencontrer,del’éjecter.Pour une meilleure gestion du mac –, soignez votre langage corporel

Balancer ces répliques un grand sourire aux lèvres. Si possible, donner-lui uncoup de coude dans les côtes ou tapez-lui dans le dos assez fort pour qu’ilrecrachecequ’ilbuvait.Letoutenfaisantsemblantd’êtrepotes.Puisdites-lui(commeçam’estarrivé),«Fair-play,monpoteet tendez-lui lamain.Quandilapprochelasienne,retirezlavôtreauderniermomentCassez-lesansarrêt.

Vouspouvezaussiretournersestechniquescontrelui.Jelefaissouvent.Jelaisse un mec lever une fille et faire monter sa température bingo, ensuitej’intervienset je l’écrase.Jedisauxfillesqu’ilest flippantpuis leséloignedelui. Elles sont déjà excitées, vu ce que le mag leur a sorti. Ça marche dansquatre-vingt-dixpourcentdescas.

Éclatez-vous.

Chapitre11

Quand il a découvert les comptes rendus des ateliers londoniens de Tyler

Durden et de Papa sur la liste deCliff,Mystery est sorti de ses gonds. Pas àcausedelagestiondumag.Ça,rienàredire.Cequil’énervait,c’estqueTylerDurden et Papa aient monté leur propre site Internet, leur propre société.Mystery avait intitulé ses séminaires « Dynamique sociale ». Eux intitulaientleursincursionssurleterrain«Vraiedynamiquesociale.

Papa s’est montré aussi peu original dans la création ce son business deséduction qu’il l’avait été dans la drague. Il copiaitMystery à la virgule près.TarifdeMystery,sixcentsdollarstarifceTyleretPapa, idem.ProgrammedesateliersdeMystery.Troissoirées.ProgrammedeTyleretPapa,idem.DébutdescoursdeMystery.20h30,findescours,2h30.TyleretPapa,idem.

TylerDurdenetPapa racontaientqueMystery leuravaitpermisdemonterleurspropresateliers;Mysteryracontaitqu’ilsutilisaientsalistedeclientssanssonautorisation.Ensuite,ilsontenvoyédesmessagessurlesrepairesdeSpeedSéduction, pour attirer les disciples de Ross Jeffries. Et quand celui-ci acommencé à flairer le mauvais coup, ils ont monté leur propre repaire danschaquerégion,àcommencerparP-l-a-y(PlayersLosAngelesYahoogroup)enCalifornieduSud.

Alors que Mystery limitait ses ateliers à six participants, Papa et TylerDurden en inscrivaient des dizaines. Un système anarchique, mais l’argentrentrait.Chaquefoisoupresque.Papachoisissaitunétudiant–mêmepuceau–qu’ilnommait instructeurdel’ateliersuivant.Ilseconstituabientôtsonpropregang d’équipiers Jlaix, de San Francisco, champion de karaoké ; Sickboy, deNewYork,lamâchoirecarrée,quitravaillaitdanslamode;

Dreamweaver, en troisième année à l’université de Californie, ancien deMystery;etmêmeExtramask–qu’ilsetrimballaitàtouslesateliers.

MysterycontinuaitmalgrétoutàhébergerTyleretPapa,ainsiqu’àlesfaireprofiter de ses lumières lorsqu’ils venaient à Toronto. Quand je lui en aidemandélaraison,ilm’arépondu,«Gardetesamisprèsdetoi,ettesennemisencoreplusprès.»Avecunclichéaussigénial,ildevaitsavoircequ’ilfaisait.

Pendantcetemps,lesexploitsdeTyleretdePapaontfaitcomprendredeuxchosesauxmembresdelacommunauté.Un:n’importequipouvaitassurerunatelier.Pasbesoinde talentpourmontrerune fille àunmecen luiordonnant,«Aborde-la.»Deux.– lademandeétaitélastique.Aucunesommen’était tropélevée.

Mysteryavaitcommisunegraveerreur: iln’avaitpasfaitsignerdeclausedeconfidentialitéàsesétudiants.Àprésent, legénieétait sortide labouteille.Unparun,lesélèvess’apercevaientqueletempsqu’ilspassaientàétudieretàpratiquer la séduction – plus qu’ils n’en consacraient à leurs proches, à leursétudesouauboulot–neservaitpasqu’àenrichirl’industriedelacapote.Nousétions les créateurs et les bénéficiaires d’un corpus de savoir à des années-lumièredurestedumonde.Nousavionsdéveloppéuntoutnouveauparadigmede relations sexuelles – dans lequel l’homme avait le dessus, ou du moinsl’illusiond’avoirledessus.Ilyavaitunmarchépournosproduits.

Orion, legusdes cassettesMagicalConnections, s’estmis à organiser desateliersdansdescentrescommerciauxetsurdescampus.

Deux V2D, Harmless et Schematic, ont lancé eux aussi les leurs ; uneinitiativesurprenante,vuqueSchematicnes’étaitfaitdépucelerqu’unmoisplustôt.

Badboy, un Croate de ma connaissance, V2D charismatique, boiteux etparalysédubrasgaucheà caused’uneballeperdue reçuependant laguerre, amontésasociété:PlayboyLifestyle.LesétudiantsvenaientletrouveràZagrebpour apprendre à devenir un mâle alpha. Entre autres exercices, Badboy leurdemandaitde le frapperauventreencriant«Va te faire foutre,Badboy !» leplusfortpossible.EnCroatie,lesalairemoyensemonteàquatrecentsdolllars;Badboyprenaithuitcentsdollarsparétudiant.

WilderetSensei,diplômésdelaméthodeMystery,organisaientdesateliersPickup101àSanFrancisco.UnmystérieuxsiteInternetestapparu,quivendaitun livredécortiquant lesnegsVisiona laissé tomberson travailpourorganiserdes tutorats individuels. Un des employés de Pull-Over a monté un siteInternetquiproposait touteunelignedeproduits.TroisétudiantsdeLondres–Angel,RyobietLockstock–ontlancéleurspropresateliers:ImpactInteraction.Prizerlui-même,l’hommequipassaitlafrontièrepoursetaperdesprostituées,apublié un dvd sans queue ni tête, Séduction Made Easy, qui fonctionnaitégalementcommesketchinvolontaire.

Enfin, Grimble et Twotimer sont également entrés en lice, chacundéveloppant sa propre méthode et rédigeant un e-book. Grimble a empoché

quinzemilledollarslasemainedelaparution;Twotimersixmille.Lacommunautéavaitl’espritd’initiative!J’aicomprisquejedevaismeretirer.Çadevenaittropénorme.Lecouvercleallaitsauter.Cela faisait un an et demi que je fréquentais la communauté, depuis le

premier atelier deMystery. Il était temps pourmoi de revendiquer cette sous-cultureavantqu’unautrenemecoiffeaupoteau.L’heureétaitvenuedetombermonmasque,demerappelerquejen’étaispasqu’unV2D,maisunécrivain.Jedevais penser à ma carrière. J’ai donc contacté un rédacteur en chef de maconnaissancechargéduserviceStyleauNewYorkTimes.Àcroirequeceservicem’étaitdestiné.

Personnen’envoyaitjamaisdemailssoussonvrainom;onutilisaittousdespseudonymes. Ross Jeffries et David DeAngelo, c’étaient des pseudos. Peuimportaitnotrevéritablemétier,notreétatcivil.Ducoup,touslesmembresdelacommunauté me connaissaient sous le nom de Style. Rares étaient ceux quisavaientcommentjem’appelaisetquejebossaisauTimes.

J’ai eu un mal de chien à faire paraître mon papier : deuxmois d’allers-retoursincessantsetderetouches.Lesrédacchefsvoulaientplusdescepticisme.Ilsvoulaientquejedémontrelespouvoirsdesdiversgourous.Ilsvoulaientquelaloufoquerieinhérentedecestechniquessoitreconnue.Ilssemblaientréticentsàcroirequecesgens–etcetunivers–existaientvraiment.

Chapitre12

J’ai eu du mal à trouver le sommeil, la veille de la parution de mon article.J’avaiscréélepersonnagedeStyle;etlà,endeuxmillemots,jem’apprêtaisàletuer.J’étaissûrquetouslesdragueurss’envoudraientd’avoiraccueilliuntraîtreauseindeleurcommunauté.Dansmescauchemars,jelesvoyaisserassemblerdevantchezmoi,destorchesàlamain,pourmebrûlervif.

Mais rien n’aurait pume préparer à ce fiasco : il n’y eut aucune réaction.C’étaitbienlapeinedemetracasser.

Évidemment,unepoignéederonchonsontprotestéendisantque le faitderévéler l’existencedelacommunautérisquaitdeladétruire.Certainsn’ontpasaimé le tondemon récit, etMystery aurait préféré que je l’appelle « virtuosevénusien », son dernier néologisme en date, plutôt que virtuose de la drague.Mais la crédibilité deStyle restait intacte : il s’était si bien implanté que, auxyeuxdesdragueursdumondeentier,ilavaitprislepassurlejournaliste.Aulieud’êtrefurieuxqueNeilStraussaitinfiltréleursociétésecrète,ilsétaientfiersqueStyleaitpubliéunarticledansleNewYorkTimes.

J’étaisscié.Loind’avoirtuéStyle,jel’avaisrenduplusfort.Lesdragueurstapaient mon nom sur Google, ils commandaient mes livres sur Amazon etrédigeaientde longsmailsdétaillantmacarrière.Quand je leuraidemandédebiendistinguermonidentitévirtuelledemonidentitéréelle–horsdequestionquemesconquêtesprennentconnaissancedescomptesrendusquej’avaisécritsàleursujet–,ilsontaccepté.Jetenaisencorelesrênes.

Plus étonnant je ne voulais pas quitter cette culture souterraine. J’étais unmentorpourcesmômes, j’avaisun rôleà tenir.Etdesamitiésàhonorer.Bienqu’ayant largementatteintmonbutniveaudrague, j’avais trouvéparhasardencheminlesentimentdecamaraderieetdeclanquim’avaitéchappétoutemavie.Que ça me plaise ou non, je faisais désormais partie intégrante de lacommunauté. Les jeunes avaient raison de ne se sentir ni choqués ni trahis :j’étaisl’und’eux.

Auprès des femmes dema vie, l’article n’eut presque aucun effet. Je leuravaisdéjàparlédemonimplicationdanslacommunauté.Et,cefaisant,j’avaisdécouvertunphénomènecurieux:sijedisaisàunefemmequej’étaisunV2D,

ellecouchaitquandmêmeavecmoi,nonsansm’avoirfaitattendreuneoudeuxsemainesdeplusrienquepourprouverqu’ellen’étaitpascommelesautres.Sije le lui avouais après coup, en général elle trouvait cela amusant et intrigant,certaineparailleursqu’avecellej’avaisjouélacartedelasincérité.Celadit,ellenetoléraitmonstatutquejusqu’ànotrerupture–ensuite,elles’enservaitcontremoi. Certains concepts – la sincérité, l’authenticité, la confiance et le lienhumain–comptentbeaucouppourlesfemmes.Orlestechniquesqu’emploieunvirtuosedeladragueviolenttouslesprincipesnécessairespourfairedurerunerelation.

Peu après la parution de l’article, j’ai reçu un coup de fil deWill Dana,rédacteurenchefàRollingStone.

«OnprépareunecouvsurTomCruise.—Super.—Eneffet.Etilveutquecesoittoiquiécrivesl’article.—Attends,préciseunpeu.Qui,ça,il?—TomCruiset’ademandépersonnellement.—Pourquoi?Jen’aijamaisinterviewéd’acteurs.—IlalutonpapiersurlesdragueursdansleTimes.Tupourrasluienparler

quandtuleverras.Encemoment,ilestenEurope,enrepéragepourlenouveauMssion impossible. Mais il veut que vous preniez des cours de roue arrièreensembleàsonretour.

—Descoursderouearrière?—Oui,lesacrobatiesàmoto,tusais?—Pasmal…Signé.»J’ai omis de préciser àWill que je n’avais jamais fait demoto demavie.

Notonsqueçafiguraitenbonneplacesurlalistedestalentsliésàlaséductionqu’ilmerestaitàacquérir–entrel’improvisationetl’autodéfense.

1

Relationàlongterme.Çf.Glossaire.2

Enfrançais:«Repairedelaséduction».(N.d.T.)3

Cepassageaétélaissételquelafind’enpréserverl’authenticité.(N.dA.)4

Acronymededémonstrationdevaleurinteractive.Cf.Glossaire.(N.dA.)5

Acronymededébusquementdevaleur.Cf.Glossaire.(N.d.A.)

Étape7

PASSERÀUNLIEUDESÉDUCTION

«Cheznosvoisinslesplusproches,lesprimates,lemâlenepourvoitpasàl’alimentation de la femelle. Lourde du petit, avançant laborieusement, il fautqu’elle sedébrouille seule.Luipeut sebattrepour ladéfendreou laposséder,maisilnelanourritpas.»

MargaretMead,L’Unetl’AutreSexe

Chapitre1

Ilaétélapremièrerencontredepuismonentréedanslacommunautéquinem’apasdéçu.

Ils’appelaitTomCruise.«Onva s’éclater,mec»,m’a-t-ildit enguised’accueil à l’écoledemoto.

Sourireauxlèvres,ilm’acomplimentésurmongoûtdel’aventureetm’adonnéuncoupdecoudeamicaldanslescôtes.LemêmegestedécritparTylerDurdenpourgérerunmag.

Ilportaitunpantalondemotoencuirnoir, tenaituncasqueassorti sous lebrasgaucheetavaitunebarbededeuxjours.«Jem’entraîneàsauterpar-dessusunecaravane,a-t-illâchéenmemontrantunmobilehomeàl’écartdelapiste.Elleseraplusgrandequeça,maisc’estpassidur.»

Ilaregardélevéhiculeuninstant,visualisantlacascade.«Enfait,leplusdur,c’estpasdesauter.C’estd’atterrir.»TomCruiseétait lespécimenparfait, leMAGqueTylerDurden.Mysteryet

touslesmembresdelacommunautéessayaientd’imiter.Il possédait cette aptitude naturelle à rester en position dominante –

physiquementetmentalement–entoutesituation,sanseffortapparent.Etilétaitl’incarnation vivante des cinq qualités d’un mâle alpha, de la première à lasixième.Presque tous lesmembresde la communauté avaient étudié ses filmspourapprendresonlangagecorporel,etilsutilisaientrégulièrementsurleterraindestermesempruntésàTopGun.J’avaisunefouledequestionsàluiposer.Maisd’abord,jevoulaisqu’ilmeconfirmeuntruc.

«Qu’est-cequit’adécidéàm’engagerpourécrirecetarticle?*Leventsoulevaitlapoussièreetl’envoyaitsurnous,casquessouslebras.« J’ai bien aimé ton papier dans le New York Times. Celui sur les

dragueurs.»WillDanan’avaitpasmenti.Cruisea faitunepauseet aplissé lesyeuxpour indiquerqu’il abordaitun

sujet sérieux. Son œil gauche s’est fermé un peu plus que le droit, donnantl’impression d’une grande intensité. « Dis-moi, ce type dont tu parles dans

l’article, est-ce qu’il raconte vraiment quemonpersonnagedansMagnolia estinspirédelui?»

Il parlait deRoss Jeffries. Ross se glorifiait entre autres d’avoir inspiré lepersonnage de Frank T. J. Mackey dans Magnolia, le film de Paul ThomasAnderson.C’estCruisequi interprétaitce rôle :unprofdeséductionarrogant,qui traîneencoredesproblèmesavecsonpère,porteunmicro-casquependantsesséminairesetordonneàsesétudiants:«Respectezlaqueue.»

« Il a tort », a repris TomCruise. Il a avalé une pilule de sel qu’il a faitdescendreavecunegrandegorgéed’eau.«Cen’estpasvrai.C’estfaux.Jenerigolepas.IlaétéinventéparPTA.»PTA:PaulThomasAnderson.«Cetypen’arienàvoiravecMackey.Iln’estpasMackey.»Apparemment,cettedistinctionluitenaitàcœur.«J’aibossésurlacréationdecepersonnageavecPaulThomasAndersonpendantquatremois.Etjenemesuisjamaisservidecemec!»

Cruisem’ainstallésursaTriumph1000ccpuism’aapprisàladémarreretàpasser les vitesses.Après quoi il a fait des tours depiste, exécutant des rouesarrière tandis que je plafonnais à huit kilomètres heure sur son bolide haut degamme. Ensuite, il m’a emmené dans son mobile home, les murs étaientcouverts de photos des enfants qu’il avait adoptés avec son ex-femme,NicoleKidman.

«TonRossJeffries,là,ilneselajoueraitpasunpeuplusMackeydepuislefilm?

—C’estunmégaloarrogant, commeMackey.Maismoinsmâlealphaquelui.

— Je vais te dire un truc, a repris Tom Cruise en s’asseyant à une tablegarnie d’amuse-gueules.Quand j’ai déclamé lemonologue deMackey, on n’arienexpliquéaupublicdecequisepassait.Etplusjeparlais,pluslesmecsselâchaient.Ducoup,àlafindelajournée,ilafalluqu’onmontesurscène,PTAetmoi,pourmettreauclair,“Écoutez,lesgars.Onvoulaitjustequevoussachiezcequiarriveàcepersonnage.Etaussiquecequ’ilraconte,c’estmal.Vraimentpasbien.”»

Encoreundonneurdeleçons…D’abordDustin;maintenantTomCruise.Çamesciait.Qu’yavait-ildemalàapprendrecommentaborderlesfemmes?Onestquandmêmelàpourça.C’estdecettemanièrequel’espècesurvit.Moi, jevoulaisjusteuncoupdepouce.Alorspourquoinepastravaillercetteméthodeetapprendreàbienfaire,commen’importequelautresujet?Quiaditqu’onavaitle droit deprendredes cours demotomais pasde relation avec les femmes ?J’avais simplement besoin qu’on me montre comment allumer le moteur et

passer les vitesses. En plus, chacun y trouvait son compte.Aucune femme nes’était plainte d’avoir couché avec moi ; je n’avais ni menti ni fait de mal àquiconque. Elles voulaient qu’on les séduise. Tout le monde veut être séduit.Ainsionsesentdésiré.

« Ce speech, c’était parce que les mecs prenaient ce qu’on racontait ausérieux,vraiment.Ilsyallaientàfond.AlorsPTAetmoionleuraexpliqué,“Hé,lesgars.Houlà.Ducalme.”»

J’avaisenviedeluidire: laséduction,c’estséduisant.Maisenrepensantàcettehistoire,Cruiseaéclatéderire.Et ilnerigolepascommetout lemonde,Cruise.C’estcommunicatif.Çacommencecommeunrirebanal.Onaenviederireaussi.Etpuis,quandl’humoursedissipe,onarrête.C’estprécisémentlàquesonrireàluipartencrescendo.EtCruisevousaccrocheleregard.HahaHAHAhehheh.Alorsvousessayezderireaussipournepaslelaisserseul–voussavezquec’estcequevousavezàfaire.Maislevôtresonnefaux,parcequ’iln’estpasnaturel.Entredeuxgloussements,ilglissequelquesmots–cettefois-là:«C’estpasvrai»Etilsecalme,aussibrusquementqu’ilavaitcommencé:ouf.

« Ouais, repris-je, dans le dernier souffle d’un enjouement gêné. Facile àdire,pourtoi»

Nousavonspassélerestedelasemaineàvisiterensemblediversbâtimentsde l’Église de scientologie. Tout lemonde le sait, TomCruise estmembre decette religion – à la fois groupe d’aide aux progrès personnels, secte etphilosophiecrééeparl’auteurdescience-fictionL.RonHubbarddanslesannées1950.Cruisen’avaitjamaisentraînéunjournalistedanscetunivers.

Plus j’en apprenais sur L. Ron Hubbard, plus je comprenais qu’il avaitexactement le même profil que Mystery, Ross Jeffries et Tyler Durden : unmégalomane hyper-malin, qui savait synthétiser des corpus massifs deconnaissances et d’expérience en préceptes s’appliquant au tempérament desindividus,pourlesvendreàceuxquisesententflouésparlavie.Tousétudiaientde façonobsessionnelle lesprincipesquigouvernent lecomportementhumain.Maisleuréthiqueetleursmobilesfontd’euxdespersonnagescontroversés.

Pour notre dernière journée,Cruisem’a emmené au ScientologyCelebrityCenter,àHollywood,oùj’aitrouvéunesalleremplied’étudiantsquiapprenaientà se servir d’un « e-meter » – appareil mesurant la conductance de la peau.Quand des civils curieux entrent dans l’église, on les harnache avec des « e-meters » avant de leur poser des questions. Ensuite, l’interrogateur passe lesrésultatsenrevueaveceuxetleurexpliquecommentl’Églisedescientologielesaideraàrésoudreleursproblèmes.

Dans la salle, les étudiants travaillaient deux par deux : ils répétaient lesdiversscénariosdesentretiens.Degrandslivresétaientouvertsdevanteux.Toutce que l’interrogateur (l’« auditeur », en langage scientologue) dit – chaqueréponseàchaqueimprévu–setrouvaitdanscesouvrages.Onnelaissaitrienauhasard.Pasquestionqu’uneconversionpotentielleleurfileentrelesdoigts.

Ils exerçaient là, je m’en rendais compte, une forme de drague. Sansstructure rigide, sans thèmes travaillés et sans tactiques de dépannage,impossiblederecruter.

Unedemesgrandesfrustrationsdedragueurétaitdedevoirrépéteràl’envilesmêmesphrases.J’enavaismarrededemanderauxfillessiellescroyaientauxsortilèges, si elles acceptaient de faire le test des meilleures copines, si ellesavaient remarqué que leur nez remuait quand elles riaient. J’avais envied’aborderlescerclesendéclarant:«C’estmoi,Style,aimez-moi!»

Aprèsavoirobservélesauditeurs,j’aicommencéàmerendrecomptequelesthèmesn’étaientpeut-êtrepasdesstabilisateurs,après tout,mais levéloentier.Toute forme de démagogie en dépend. La religion, c’est de la drague. Lapolitique,idem;lavie,idem.

Chaque jour, nous suivons nos thèmes, grâce auxquels nous nous faisonsaimerdesgens,nousobtenonscequenousvoulons,nousfaisonsrirequelqu’un,ou nous traversons une nouvelle journée sans que les gens apprennent ce quenouspensonsvraimentd’eux.

Ensuite,CruiseetmoisommesallésdéjeunerdanslerestaurantduCelebrityCenter.Rasédefrais,ilavaitleteintvifetportaitunt-shirtvertfoncérasducouquiluiallaitcommeungant.Ilm’aparlédelui,devantunbonsteak.Soncredo:maîtrisercequesonboulotexigedeluietn’êtreenconcurrenceavecpersonned’autreque lui-même. Ilétait résoluetéquilibré.Toute réflexionàmener, toutproblème à résoudre, tout trouble se réglait avant tout sous la forme d’undialogueentreTomCruiseetlui-même.

«Engénéral, jegardemesopinionspourmoi.Jesuis legenredemecqui,quand il cogite sur un truc, s’il sait que c’est bon, ne pose de questions àpersonne.C’estpasmoiquiiraisdire,“Hé,mec,qu’est-cequetupensesdeça?”J’aitoujourspristoutesmesdécisionsseul–dansmacarrièreetdansmavie.»

TomCruiseétaitpenchéenavant,lescoudesposéssurlesgenoux.Bassursonsiège,ilavaitlatêteparallèleàlasurfacedelatable.Ils’exprimaitàtraversdesmouvementsaussisubtilsquelefaitd’ouvrirplusoumoinslespaupières.Cemec était né pour vendre : des films, lui-même, la scientologie, vous.Chaque

fois que je formulais une critique surmoi-même ou que jem’excusais, ilmesautaitàlagorge.

Àunmoment,nousparlionsd’undemesarticlesetjeluiaidit:«Désolé,jenevoulaispaspasserpourunécrivaillon.

«Dequoitutedéfends?Pourquoituneseraispasunécrivain?C’estqui,cesmecs?Destypesdetalentquiécriventdeschosesquiintéressentlesgens.»Puis, surun tonmoqueur :«Non,biensûr,pourquoiaurais-tuenvied’êtreunmeccréatifetexpressif?»

Ilavaitraison.Jecroyaism’êtredébarrassédesgourous,maisilm’enfallaitencoreun.TomCruisem’enapprenaitplussur lessecretsdujeuqueMystery,RossJeffries,SteveP.oumonpère.

Ils’estlevéetatapédupoingsurlatable,trèsfort–enbonMAG.«Pourquoituneveuxpasêtrecommeça?Suisleurexemple,mec.Sérieux.C’estcool.»

OK.TomCruiseditqu’êtreécrivain,c’estcool.Affaireclassée.Au cours de la conversation, je me suis aperçu que de tous les gens que

j’avaisrencontrésdansmavie,personnen’avaitdavantagelatêtesurlesépaulesque Tom Cruise. Et c’était troublant, vu que la quasi-totalité de ses penséessortaitdel’épaisselittératuredeL.RonHubbard.

J’enaiprisconscience lorsqu’ils’est faitapporter,parsonagentde liaisonpersonnel,ungros livre rouge. Il l’aouvertà lapageducoded’honneurde lascientologie,etnousl’avonsdiscutépointparpoint-montrerl’exemple,remplirses obligations, ne jamais avoir besoin d’éloges, d’approbation ou decompassion,nepassecompromettre.

QuandCruiseapromisdem’envoyeruneinvitationpourlegalaannuelduCenter, j’ai commencé à craindre qu’il soit moins intéressé par l’article dansRollingStone que parma propre conversion à la scientologie.Dans ce cas, ilavait choisi le mauvais cheval. Tout au plus m’avait-il fait découvrir desconnaissancesdontjepourraism’inspirer–commelesécritsdeJohnCampbell,l’enseignementduBouddhaoulestextesdeJay-Z.

Le repas et notre séance d’étude terminés, Cruise m’a conduit à la salleprésidentiellepouryrencontrersamère,quisuivaituncoursdans lebâtiment.«J’aiencoreunequestionàteposersurl’articleduNewYorkTimes,m’a-t-ilditen marchant. Il y est beaucoup question du contrôle, de la manipulation dessituations. Tu imagines tous les efforts qu’ils mettent là-dedans ? S’ils enfaisaientautantpourquelquechosedeconstructif,qui sait cequ’ilspourraientaccomplir?»

Fin de l’interview. Parution de l’artide. Tom Cruise et moi devions nousrevoir.Àcemoment-là,j’auraischangé;luinon.Jamaisilnechangerait.C’étaitunMAG, un vrai – et il m’avait battu à ce jeu-là. Cela dit, il ne m’avait pasconverti.

Ilavaitsonéglise.Etmoilamienne.

Chapitre2

Maisbon,monéglise,ilmerestaitencoreàlabâtir.Tom Cruise avait raison : nous devions tourner nos efforts vers quelque

chose de constructif, de plus grand que nous.À présent, je savais vers quoi :ProjetHollywood,notrechapelledescuissesécartées.

J’en ai eu la révélation le jour de mon anniversaire. Quelques V2D ontorganiséunefêtedansunclubd’Hollywood, leHighlands.Ilsavaientcontactétouteslespersonnesquejeconnaissaisetquej’avaisrencontréesdepuisunan:environtroiscentsinvités,plusdeuxcentsautrespersonnesquisesontpointéesauHighlandsparcequ’onétaitsamedisoir.Lesgrandspontesdelacommunautéeux-mêmes se sont montrés : Rick H., Ross Jeffries, Steve P., Grimble, BartBaggett (spécialiste engraphologie),Vision etArte (star de sa propre série decassettessurlestechniquessexuelles).

Malgrélaprésencedecessuper-dragueurs,jen’avaisaucuneconcurrencecesoir-là,parcequej’étaisleboss.Habillécommeundandy–longuevestenoireavecun seulboutonenhaut, chemise crèmeàmanchettes– j’étais entourédefemmes : copines de baise, amies, inconnues. Impossible de soutenir uneconversation plus de deux minutes avec tous ces gens qui cherchaient à meparler.Mêmepasletempsdejouerunpeu.

Lesfemmesmecomplimentaientsurmonlook,moncorpsetmêmemoncul.Quatrefillesm’ontfiléleurnuméro.Lapremièrem’aditqu’elledevaitretrouversoncopain,etqu’elles’échapperaitensuitepours’éclateravecmoi;ladeuxièmem’adonnénonseulementsontéléphonemaisaussisonadresseetsondigicode.Ces deux-là, je ne les connaissais pas ; les deux autres n’étaient même pasvenuespourmonanniversaire.Pasbesoindethèmes,descénarioanti-petitami,de techniques ou d’équipier. Une poche assez grande pour contenir tous cespapierssuffisait

Cerise sur le gâteau, un ami avait invité deux stars du X qui se sontprésentéesàmoi.EllesbossaientpourVividVideo.L’unes’appelaitDevon,ouDeven ; l’autre avait de grandes dents. Nous avons bavardé une demi-heuredurantlaquelleellesn’ontpasarrêtédemesupplier.Celamerappelaitlafoisoù

onm’avait pris pourMoby, àToronto – sauf que là, tout lemonde savait quij’étais.

Mysteryvenaitdedévelopperunenouvellethéoriequiénonçait,engros,queles femmes jugent la valeur d’un homme pour voir s’il pourra les aider parrapportà leursobjectifsdesurvieetde reproduction.Dans lemicrocosmequenous avions créé ce soir-là auHighlands, j’étais la valeur sociale n° 1. Et, demême que la plupart des hommes sont attirés, comme les chiens dansl’expériencedePavlov,par toutcequiestmince,blondetà fortepoitrine, lesfemmesonttendanceàêtresensiblesaustatutetàsessignes.

Auboutducompte, j’ai finipar ramenerchezmoiunecertaine Johanna–petitestrip-teaseuseespiègleauxyeuxcommedessoucoupes.Allongéesurmonlit,entraindemepétriràtraversmeshabits,ellem’ademandé:«Tufaisquoi,danslavie?

—Hein?»Jen’enrevenaispasqu’ellemeposecettequestionmais,apparemment,elle

avaitbesoindelesavoirpourexpliquermonstatutetsonattirance.«Tonboulot,c’estquoi?»J’aieualorsunerévélation:lesMD,jedevaisleslaisserauxlosers.Àunmomentdonné,lesMDétaientconsidéréescommelebutdeladrague.

Mais en fait, être bon en MD importe peu. Quand on chasse, chaque soiréeapportesonlotdenouveautés.Onseborneàconstruireunarsenaldetechniques.Sij’aipubaiserlesoirdemonanniversaire,c’estgrâceàmonstyledevie,pasàmesMD.Et un style de vie, ça se construit par étapes.Chaque acte compte etvousrapprochedevotreobjectif.

Un style de vie adéquat ça se porte en bandoulière, ça ne se discute pas.L’argent, la célébrité, l’allure, çapeut servir,maispasobligatoirement.Cequiimporte c’est de proclamer haut et fort : « Mesdames, abandonnez votre viechiante,banale,décevante!

Entrez donc dans mon univers, plein de gens intéressants, d’expériencesnouvelles,deplaisir,deviefacileetderêvesréalisés.»

LesMD sont destinées à ceuxqui étudient le jeu, pas aux joueurs.L’heureétait venue de faire passer la confrérie au niveau supérieur, de mettre nosressources en commun pour créer un style de vie qui attirerait les femmes.L’heureétaitvenuedecréerProjetHollywood.

Chapitre3

Mysteryasautédanslepremieravion.Jen’avaiseuqu’àluidonnerlefeuvert.Luiseuln’avaitpaspeurdeprendredesrisquesetdechangerpouraccomplir

sesrêves.Lesautresmerépondaient«Plustard»;Mysterymedisait«Toutdesuite»–etçamegrisaitparceque,«Plustard»,pourmoi,ças’étaittoujourstraduitpar:«Jamais».

«Lemomentestvenu,Style,a-t-ildéclaréenarrivantàmonappartementdeSantaMonica.Construisonscemachin.LesMD,oui,c’estpourlesratés.Enfin,évidemment,mieuxvautêtreunratéquibaisequ’unratéquibaisepas,maislà,onparledejouerautrèshautniveau.»

Jesavaisqu’ilcomprendrait.D’après ce que je savais sur la lecture à froid, les problèmes humains se

rangent dans trois catégories : santé, argent, relations – chacune se composantd’un élément interne et d’un élément externe. Au cours des dix-huit derniersmois, jem’étaisconcentréexclusivementsur les relations.Désormais, il fallaitmettre lagomme. Il fallait concrétiser leserrances souscodéinedeMysteryetunirnoseffortspourobtenirmieuxquedesbf10/10.Nousvalionsplusquelasommedenosqueues.

Pour réaliserProjetHollywood, lepremierpasétaitdedégoterunegrandemaisondansHollywoodHills,depréférenceavecchambresd’amisetjacuzzi,àproximité des clubs de SunsetBoulevard.Ensuite, il s’agissait d’inviter l’élitedesdragueursàvivreavecnous.

Jen’auraispeut-êtrepasdûfairedenouveauconfianceàMystery.Maiscettefois,horsdequestionquej’envienneàdépendredelui.Sonnomnefigureraitpassurlebail.Lemiennonplus,dureste.Nouscomptionstrouveruntiersquiendosseraittoutelaresponsabilité.

Ce tiers logeait au Furama Hôtel. Son nom ? Papa. Comme ses notes luiavaientbarrél’entréedelafacdedroit, ils’étaitinscritencommerceàLoyolaMarymount àLosAngeles.Le jour où il a emménagé àL.A, il a déposé sesbagages à son hôtel près de l’aéroport et a pris un taxi jusque chez moi, oùMysteryetsonmètrequatre-vingt-quinzedormaientsurmoncanapé longd’unmètresoixante-dix.

«Lestroispersonnesquim’ontleplusinfluencé,aditPapaens’asseyantsurlesofaauxpiedsdeMystery,c’estvousdeuxetmonpère.»

Ilavaitmaintenantlescheveuxenbrosse,gominés,etparaissaitavoirprisdumuscle. Je l’ai laissé discuter avecMystery et j’ai couru acheter de la bouffeantillaiseaucoindelarue.

Àmonretour,Papaétaitdevenulemanagerdesonmentor.« Tu es sûr de savoir ce que tu fais ? » demandai-je à Mystery. Ça me

scotchaitqu’ilpermetteàunex-protégédevenuconcurrentdes’occuperdelui.Mystery était un innovateur. Ross Jeffries incarnait l’Elvis Presley de laséduction,MysterylesBeatles.TyleretPapa,àpeinelesNewYorkDolls : ilsétaientinsolents,bruyantsettoutlemondelescroyaitgays.

«Papas’yconnaîtenaffaires,ilpeutremplirdesatelierstouslesweek-ends,répliqua Mystery. Et moi je n’aurai qu’à me ramener les mains dans lespoches.»

Boulimiqued’Internet,Papaétaitencontactpermanentaveclesplusgrandsdragueurs. Il frayait avec tous les présidents de repaire et était abonné à latotalitédes listesdediffusion.Endeuxe-mailset troiscoupsde fil, ilpouvaitrecruterunedizained’étudiantspresquepartoutdanslemonde.

«Ongagneàtouslescoups»,alancéPapa.Sonexpressionfavoritedepuisqu’il s’était engagé dans le business de la drague. Il était plus futé que je nel’auraiscruetilallaitdevenirl’intermédiairedesV2Ddelacommunauté.Ceux-ci allaient lui confier cette charge parce que la plupart partagent ce mêmedéfaut:ilssonttropparesseuxpours’occuperdelamoindrequestionpratique.

Enfait,nousn’avonspasinvitéPapaànousrejoindresurleprojetcejour-là.Leboulotl’intéressait,voilàtout.UnesuccursaleColdwellBankersedressaitenfacedel’hôtel;PapaestalléytrouverunagentimmobilierprénomméJoe.Cesgens-lànesefontpasbeaucoupdeblésurleslocations,maisPapaaréussiàleconvaincredetravaillerpournousenluipromettantdeluiapprendreàjouer.

«Ilnousfaitvisiterdesmaisonsdemain,annonçaPapaunaprès-mididanslecouloir du Furama Hôtel. Il y en a trois qui me bottent vraiment. Une surMulholland Drive ; l’ancienne crèche du Rat Pack près de Sunset ; et unebaraqueénormeavecdixchambres,courtsdetennisetdiscothèqueintégrée.

—Jevotepourlatroisième,déclarai-je.Combienellecoûte?—Cinquantemilledollarsparmois.—Laissetomber.»LevisagedePapas’estassombri. Iln’aimaitpasqu’onluidise«non».Il

étaitfilsunique.

Iladisparudanssachambreetenestressortiunedemi-heureplustard,unefeuilledepapieràlamain.Ilavaitmisaupointunplanpourgagnercinquantemilledollarsparmois.Onpouvaitsefairehuitmilledollarsenorganisantunefête par mois dans la discothèque, plus cinq mille dollars avec lesconsommations ; divers séminaires sur la drague et le style de vie nousrapporteraientvingtmilledollarssupplémentaires;onproposeraitdescoursdetennisquiferaientrentrerdeuxmilledollarsparmois;etlesrésidentspaieraientunloyermensueldemillecinqcentsdollars.

Absolument injouable. Ça ne valait pas le coup de passer l’intégralité denotre revenu en frais généraux Mais Papa m’impressionnait. Il allait réalisernotre projet d’une manière ou d’une autre. Je commençais à comprendrepourquoiMysteryvoulaitbosseraveclui,ilétaitdesnôtres:c’étaitunfonceur.Ilavaitlesensdel’initiativeet,contrairementàMystery,ilallaitjusqu’aubout.

En tantqueV2D,PapaavaitégalementsaplacedansProjetHollywood. Ilavait démontré son intrépidité sur le terrain un nombre incalculable de foisdepuisnotrepremièrerencontreàToronto.Etilallaitlaprouverunefoisdepluslelendemain,enlevantParisHiltondansunrestaudetacos.

Chapitre4

MSNGROUP:Mystery’sLoungeSujet:Compterendu–LaséductiondeParisHiltonAuteur:PapaAujourd’hui, avec Style, Mystery et notre agent immobilier, on est allés

visiternotrefuturemaison, l’anciennetanièredeDeanMartindansHollywoodHills. J’adore l’endroit, vivement que tout soit signé. On sera sur le toit dumonde, au sens propre comme au sens figuré. Dans notre baraque, c’est leparadis.

C’estàdeuxpasd’unfast-foodmexicaindanslequelonestallésmanger.Lacommandepassée, on se trouveune table en terrasse.Et là, l’agent se pencheversmoietmurmure:

AGENT IMMOBILIER : Tu sais, j’ai vu Paris Hilton entrer dans le restau. Jecroisqu’elleacommandéunburrito.Pourquoitun’iraispaslalever?

Papa:Tucrois?STYLE:Hé,situvasparlà-bas,neregardepasdanssadirection.Papa:ok,àmoidejouer.Jemelève,j’entredanslerestauetjevoisuneblondecanonquiprenddela

sauceforte.Alorsjemedis,«Sauceforte?Parfait.»C’estpourcetinstantquejemepréparaisdepuisdeslustres,l’heureétaitvenuederécupérermondû.Bref,jevaismeposeràcôtéd’elle,commesijemetrouvaislàparhasard.Jemesersdelasauceforte,puis,enmatantlafillepar-dessusmonépauledroite,j’engagelaconversationavecl’introdelacopinejalouse(copyrightStyle).

PARA:Hé,j’aibesoind’unavisfémininsuruntruc.PARIS:(Sourire,lèvelesyeux.)OK.PAPA:Voussortiriezavecunmecquiestencoreamiavecsonex?PARIS:Ouais.Jecrois.Sûrement.Jefaisminedem’enaller,puisreviensetreprendslaconversation.PAPA:Enfait,c’estunequestionendeuxtemps.PARIS:(Sourire,gloussement)PAPA:Imaginezquevoussortezavecunmecquiestencoreamiavecsonex.

Vous allez emménager ensemble,mais il a un tiroir rempli de photos de cette

nana–pasdestrucscochons,non,justedesphotosnormalesetdeslettres.PARIS:Aha.Jem’endébarrasserais.Jelesmettraisdansuneboîte.Là,jel’interrompsetreprendsl’intro.PAPA : Vous trouveriez ça exagéré si elle exigeait qu’il se débarrasse des

photos.PARIS:Grave.Jesuissortiavecunmecquifaisaitça,etc’estmoiquilesai

jetées.PAPA:Lavache!Jevousdemandaisçaparcequ’unamiàmoiestdanscette

situation.Etlafilleabrûlélesphotos.PARIS:Ouais.J’auraisfaitpareil.(Sourire.)PAPA:Hmm.Cool.Ellefinitdeseservir,prendsescartonsets’apprêteàpartir.PAPA : Hé, vous savez, vous ressemblez à une Britney Spears en dessin

animé.Oualorsc’estjustevosdents.Parisreposesoncartondesaucesurlatable,meregardeetsourit.Là,jelui

balancelethèmedessouriresenC’etenU(Style).PAPA:C’estça!VousavezlesdentsdeBritney.Enfin,c’estcommeçaque

disaitmonex.Voilà,elleaunethéoriequiditquelesfillesavecdesdentslarges,enformedeC,commeBritneySpears,sontperçuescommedesgentillesfilles,mêmesiellessortentavecdesrégimentsentiersdemecs.Vous,lesvôtres,c’estpareil.

PARIS:(Sourire.Excitation.)Sérieux?PAPA:C’estvrai,quoi,yaqu’àregarderlesdentsdesfillessurlescouvdes

magazines.Touteslesmêmes.Enfin,c’estcequedisaitmonex.Elleestmêmeallée jusqu’à se faire limer les siennes parce qu’elles étaient en U, commeChristina Aguilera. D’après elle, les filles qui ont ce genre de dents sontconsidéréescommeméchantes–d’oùlaréputationd’Aguilera,contrairementàBritney.

PARIS:(Sourire.)Lavache.On reste à discuter au comptoir puis elle prend sa bouffe. Je vais comme

pourpartir,maispasquestiondequitterParissansjouersérieusement.Elletenaitsa bouffe et prenait le large, donc je devais me coller à elle. Je regarde par-dessusmonépauleetrenouelaconversation.

PAPA:J’aiunpressentimentsurvous.PARIS:Lequel?Elleposesabouffeetmeregarde.

PAPA:Voussavez,rienqu’avectroisquestions,j’arriveraisàapprendredestrucsvachementpersosurvous.

PARIS:Ahoui?PAPA:Oui.Venezdoncvousasseoirdeuxminutes.PARIS:OK.Çamarche.Jem’assoisàunetabletouteproche,elles’installeenfacedemoi.Letout,

sourireauxlèvres.Jesavaisquejelatenaisetqu’ilétaittempsdesortirlegrandjeu. Les quinze minutes suivantes, échange d’anecdotes sur Hollywood et depointscommuns.Jememetsunpeuenvaleur, jebalancedeux, troisscénariosestampillésSpeedSéductionetdeshistoirespourprouverquej’aidesrelations.

PAPA:J’aiunamiquim’aapprisunetechniquedevisualisationfascinante.Ça s’appelle leCube.C’est lui, là-bas, on vient de visiter unemaisondans lecoin(montrantdudoigtHollywoodHills).Dixjoursquejevisàl’hôtel.Argh.

PARIS:Ahouais?Lequel?PAPA:LeFurama.PARIS:(Acquiesce.)Jevois.J’habiteauboutdelarue,surKingsRoad.PAPA : Cool. On sera voisins. J’emménage du côté de Londonderry. Une

super-maison… je l’adore déjà. Mon pote Style et moi, on a dans l’idée d’yorganiserdesméga-afters.

PARIS:Cooool.PAPA:Bien.PrêtepourleCube?PARIS:Etcomment.(Sourire.)PAPA : (Je lui fais gravir l’échelle des oui.) Avant de commencer, je dois

vousposerdeuxtroisquestions.Êtes-vousintelligente?Paris:Oui.Papa:Êtes-vousquelqu’und’intuitif?Paris:Oui.PAPA:Avez-vousdel’imagination?Paris:Oui.PAPA :ok.Génial!Alorsonpeutyaller.Imaginezquevousroulezdansle

désertetquevousvoyezuncube.Ilestgrandcomment,cecube?PARIS:Carrémentgrand.PAPA:Maisencore?PARIS:Commeunhôtel.Jesaisquielleest–uneHilton–maisjenelaisserienparaître.PAPA:Hmm,Intéressantok.Dequellecouleurestlecube?Paris:Rose.

Papa:Cool.Vousvoyezàtraversoubienilestopaque?Paris:Onyvoitàtravers.Papa :Excellent !Maintenantonajouteuneéchelle.Oùest-elleplacéepar

rapportaucube?PARIS:Poséecontre.Ellemontejusqu’aumilieu.PAPA:Ah!J’étaissûrquevousdiriezça.PARIS:Vraiment?(Sourire,gloussement.)PAPA:Vraiment.Bon,onrajouteencoreunélémentàl’image.Onajouteun

cheval.Oùest-cequ’ilsetrouve?PARIS:Ildort.PAPA:Oùest-cequ’ildort?PARIS:Devantlecube.PAPA:Çaalors.Intéressant.(Pause.)OK.Prêtepourl’analyse?(Pause.)Tout

çan’aaucunsens !Non, jeblague.Lecube représentecequevouspensezdevous-même. C’est votre ego. Bon. Le vôtre, il est maousse. Vous avezénormément d’assurance. Il n’est pas super-maousse. Je veux dire, c’est pascomme si vous aviez un ego surdimensionné,mais vous vous conduisez avecbeaucoupd’assurance.Enplus,votrecubeestrose.

PARIS:Ouais.C’estmacouleurpréférée.PAPA : En fait, le rose est aussi une couleur espiègle et brillante, et vous

l’avezchoisieparcequevousagissezaveclemêmetyped’énergie.Vousêteslegenredefillequiaimebiens’éclater,fairelafête,maisaussiquiaimeprofiterdelacompagniedesautres.

Paris:Oui.PAPA:Etvotrecubeesttransparent.Ça,çareprésentelafaçondontlesgens

interagissent avec vous, parce que vous êtes de ces personnes qui,même à lapremièrerencontre,sontd’embléetransparentes.Vousavezvraimentlesensducontactetc’esthyper-coolparcequeçasignifiequelesgensapprennentàvousconnaîtrehyper-vite.C’estexcellent.

PARIS:Commenttut’appelles?PAPA:Papa.Ettoi?PARIS:Paris.PAPA:Excellent.J’ail’impressionqu’onadestasdechosesàsedire.Paris:Oui.PAPA:Ondevraitfairelafête,toietmoi,undecesjours.PARIS:Jetrouveaussi.Papa:Tiens.

Jeluipasseunpapieretunstylo.Ellem’écritsonnometsonprénom,puiselleme le rend, s’attendant à ceque je sois grave impressionné.Mais je restesansréaction,commesijenesavaispasquielleétait.Etjeluirepasselepapier.

PAPA:Tiens.PARIS:OK.Jetelemarquelà-dessus?Papa:Oui.PARIS:C’estmonnumérodeportable.Papa:Cool.PARIS:Ouais.Fautqu’onserevoie,c’estclair.PAPA:Exact.Àplus,petite.Jeretourneànotretableenterrasse.STYLE:Beauboulot,mec.Pasde«topelà»,pasunmot,aucasoùellele

verrait.Bienjoué,mec.Agentimmobilier:Topelà,mec.J’expliqueauxmecscequis’estpassé.Çadéchire. Jesaisquec’est toutà

fait normal. C’est logique que je lève Paris Hilton pendant que je suis dansProjetHollywood.

Mystery,c’estmonc-1.AlorsbaslespattesquandParispasseravoirPapa.À+Papa

Chapitre5

ToutcequePapaavaitracontéàParisHilton, il le tenaitdemoi: l’introdelacopinejalouse,lessouriresenformedeC’oudeU.Mêmelecoupducube,ill’arépétémot pourmot sur lemodèle de l’enregistrement de son premier atelier,jusqu’àlafaçondeprononcer«Intéressant»et«Cool».Unrobotd’enfer–etilvenaitdesurpassersonprogrammateur.

Noussommesretournésàlamaisonrencontrerlespropriétairesetsignerlapaperasse.AnciennedemeuredeDeanMartin(puisducomiqueEddieGriffin),le repaire duRat Pack était situé juste après le restauMel’sDiner sur SunsetBoulevard.Ellecoûtaittrente-sixmilledollarsdemoinsparmoisquecelledontnousrêvions,etellesedressaitàdeuxpasdesboîtesdeSunsetBoulevard.

Le salon ressemblait à un chalet : cheminée, piste de danse en contrebas,neufmètressousplafond,boiseriesauxmursetungrandbard’angle.Onauraitpu facilement y faire tenir quelques centaines de personnes, organiser desséminaires et des fêtes.En plus du salon, il y avait deux chambres au rez-de-chaussée.Devant chacune d’elles, un escaliermenait à une autre pièce et unepetitechambredebonnesesituaitàcôtédelacuisine.

Le joyau de lamaison, c’était le jardin en terrasse. Premier niveau : deuxpatios ombragés par des palmiers et des citronniers. Deuxième niveau : unegrandeterrassecarreléeavecpiscineenformedecacahuète,jacuzzi,coinrepas,barbecue et frigo. Au-dessus, sur une colline artificielle, un sentier zigzaguaitversunepetitevérandaisoléeausommetdelapropriété.Delà,onavaitvuesurles lumièreset lesgigantesquesaffichesd’Hollywood.Unaimantàgonzesses,cettemaison.Impossibledeseplanterici.

Papaainscritsonnomsurlebail.Cela,etlefaitdepayerlapartdeloyerlaplus élevée, lui donnait le droit d’utiliser la chambre principale – avec plate-formesurélevéeenguisedelit,fenêtrespanoramiquesetcheminée.Danslasalledebains,unecabinededouchecirculaire,deuxdressings,etunbainàremousprévupourtrois.

Lespossibilités?Infinies.Paparêvaitdelouerlamaisonpourlesréceptionsde la cérémonie des Grammy Awards, de premières de films, etc. Quand ilsortait,cen’étaitpluspourdraguerdesfillesmaispournouerdesliensavecdes

promoteursetdesvedettes.IlutilisaitdestactiquesdeSpeedSéductionetdePNLpourhypnotiserdes financiersetdesmillionnairesafinqu’ils investissentdansProjetHollywood.

Pendantsontempslibre,ilplaçaitdesenchèressureBaypourdescabinesdebronzage,desprojecteursdecinéma,destablesdebillardetdesbarresdestrip-tease.IlcomptaitfairedeProjetHollywoodunendroitoùParisHiltonvoudraitvenirs’amusertouslesweek-ends.

Commeilnousrestaitdeuxchambreslibres,nousavonspasséuneannoncesurMystery’s Lounge. La réaction a été incroyable : tout lemonde souhaitaitnousrejoindre.

Etape8

FAIREMONTERLAFIÈVREBINGO

«Lesfillesenrangd’uncôté.Lesgarçonsdel’autre.Jevoisvostroupesqui

avancent.Jevoislesmiennesenretard.»AniDiFsanco,

TheStory

Chapitre1

Lepremiersoir,noussommestousrestésdans le jacuzzi,deminuit jusqu’àcequenotrepeausefripe.Nousregardionslespalmiersdenotrejardinetlesnéonsdes clubs d’Hollywood que nous devions bientôt prendre d’assaut.Mystery achanté l’intégralité de JésusChrist Superstar sous le ciel étoilé. Papa nous aexpliquéqu’ilcomptaitorganiserdesfêtesgrandioses.EtHerbalnousaservidesjusdepastèquefaitsmaison.Pasunefilleàl’horizon,etnousneressentionspasle besoin de faire nos preuves. Ce soir, c’était une soirée entre copains pourcélébrerlaréalisationdurêve«ProjetHollywood».

« La baraque va devenir célèbre avec tous nos exploits, prédit Mystery,devantnossouriresbéats.Lesgensquipasserontdanslecoindiront,“C’est làquevivaientStyle,Mystery,Papa etHerbal, les vedettesd’Hollywood. Ils ontbâti leurs carrières ici et y faisaient des bringues que le monde entier leurenviait.”»

Herbalétaitnotrequatrièmecolocataire:unV2Dd’Austin,vingt-deuxans,grand, pâle, placide. Pour les besoins de la théorie du paon, il se mettait duvernis argenté sur les ongles et s’habillait tout en blanc. Comme nous tous,c’était un ancien PMF. Mais il possédait une maison au Texas, uneMercedesS600, une Rolex, un bureau sur Sunset Boulevard dans lequel il ne mettaitjamaislespieds,etunrobot-aspirateur.Impressionnant,àsonâge.Ilavaitgagnéces richesses lors d’opérations louchesdansdes casinos, où il payait des genspourjoueràsaplace.Pendantsontempslibre–c’est-à-dire tout le temps–, ilfaisaitdelaspéléo,enregistraitdesmorceauxderapetsurfaitsurleNetafind’yacheterdesbizarreriesqu’iln’utilisaitjamais.

Mystery tenait à ce que tous les occupants de la maison possèdent uneidentité. Nous avions donc unmagicien, un écrivain, un joueur et un hommed’affaires. Cette combinaison devait se révéler plus spectaculaire que le plussensationneldesreality-shows.

Quelques joursplus tard,Papainstallaituncinquièmecolocataire,Playboy,danslachambredebonne.Playboybossaitdansl’événementielàNewYork;ilgagna mon admiration quand il me dit avoir travaillé pour la compagnie dedansedeMerceCunningham.C’étaitunbelhomme–grandetmince,auxépais

cheveux noirs – qui avait la mauvaise habitude de porter de longs foulardsfaussement artistes et un pantalon remonté jusqu’au nombril. Comme il avaitdémissionnépouremménageravecnous,Papal’avaitembauchédanslecadredelavraiedynamiquesocialeenéchangeduloyer.

IlyavaitenfinXaneus,quivivaitdansunetenteaufonddujardin.Joueurdefootaméricain,petitettrapu,originaireduColorado,Xaneusnousavaitsuppliésdel’accepterparminous.Ilétaitprêtàdormirdansunplacard,ànousservirdedomestique.Ducoup,Papaluiavaitproposéunetente,demandédeparticiperàl’entretiendelamaisonetl’avaitintégrédanslavraiedynamiquesocialeaurangdestagiaire.

Lesdeuxpremières semaines,nous sommes restés enadmirationdevant lamaison.Nousavionsréussi;nousavionstriomphédusystème.Nouspossédionsl’endroitleplusdésirabledeWestHollywood.Etnousavionseudupotavecnoscolocataires.Herbalavaitdéjàprogramméunsommetdeladrague–lepremierrendez-vousannuel.

Lorsdenotrepremièreréunion(le«conseilcasa»),nousavionsdotéProjetHollywoodd’une structure :Papa se chargerait de l’organisation,Herbalde latrésorerie.Puisnousavionsétablilesrèglessuivantes:lesinvitésnonapprouvésne restent pas plus d’unmois ; quiconque prévoit un séminaire dans le salonreversedixpourcentdesrecettes;interdictiondedraguerlesfillesqueramènentlesautresV2D.Autantderèglesquidevaientêtrebientôtviolées.

Audébut,lavieencommunauté,quittermonuniversd’écrivainIntrovertietintégrer un collectif, çameplaisait.Tous lesmatins, àmon réveil, je trouvaisHerbaletMysterydansleséjour,occupésàlancerdespiècesdemonnaiedansunseauàglace,ouàsauterd’unescabeausuruntasdecoussins.Deuxgossesdansunecourderécré.»

Un matin, Mystery a dit à Herbal : « J’ai l’impression qu’on va devenirsuper-potes,toietmoi.»

Quand Playboy a organisé notre première soirée, cinq cents personnes sesontpointées.Quelexemple!Peut-êtrepasauxyeuxdesvoisins,maisdumoinspour les membres de la communauté. En moins d’un mois, nous avionsfranchisé.

UngroupedeV2Ds’installadansl’anciennemaisond’Herbalet labaptisaProjetAustin.

ÀSanFrancisco,destypesquiavaientparticipéànotreatelierlouèrentunemaison de cinq pièces à Chinatown et y tinrent des séminaires sur la drague,donnantainsinaissanceàProjetSanFrancisco.

Plusieurs étudiants de Perth (en Australie) se trouvèrent un endroit oùcohabiteretfondèrentProjetPerth,abordantunecentainedefemmesaucoursdeleurstroispremiersjourssurlecampus.

Enfin,quatreV2DqueMysteryetmoiavionsformésàSydneylouèrentunappartement sur laplageavecaccèsdirectpar ascenseur àunediscothèqueensous-sol:ProjetSydney.

Personnen’avaitvulepotentieldecettecommunautédedragueurs,lesliensquepouvaientnouerdeshommesparlantdenanas.Avecnosmanucuresetnosmaisons,laséductionn’avaitpasdesecretpournous.Nousétionsprêtsànouspropagertelunvirus.

Chapitre2

AucoursdemonpremiermoisàProjetHollywood,maréalitésexuelleaéclaté,complètement par accident. Tout commemon atelier sous l’égide deMysterym’avait ouvert les yeux sur ce qui était possible dans un bar, ma nouvellesituationm’aappriscequiétaitpossibleaulit.

ToutçaparcequeHerbalm’aempêchédedormir–unesemainedurant.«Tu as déjà entenduparler du régimede sommeil ?m’a-t-il demandé, un

matinoùnouspetitdéjeunionsauMel’sDiner.J’aidécouvertçasurInternet.»Pendantsontempslibre,HerbaldécouvraitpleindetrucssurInternet:une

limousinesureBaypourlamaison,desdrapsdepremièrequalitévraimentpaschers, une manière inédite de plier les chemises, une boîte qui vendait desmanchots comme animaux de compagnie (c’est en en commandant un qu’il aapprisquecesiteétaitunefarce).

«En gros,m’a-t-il expliqué, ça entraîne ton corps à survivre avec à peinedeuxheuresdesommeilparjour.

—Commentça?—Desscientifiquesont faitdes recherches :au lieudedormirhuitheures

parnuit,tutetapesvingtminutesdesiestetouteslesquatreheures.»Tentant.Avecsixheuresdebonusparjour,j’auraisplusletempsd’écrire,de

jouer, de lire, dem’entraîner, de sortir et d’apprendre toutes les techniques dedraguequ’ilmerestaitàassimiler.

«Ilyaunhic?l’ai-jeinterrogé.—Ben…Il fautunedizainede jourspourprendre le rythme.Et c’estpas

facile.Maisunefoisqueleplusdurestpassé, lessiestessefont toutesseules.Lesgensdisentqu’ilsontplusd’énergiemaisqu’ilsseretrouventaussiàboirebeaucoupdejusdefruits,sansqu’onsachepourquoi.»

Je n’ai pas hésité une seconde, comme le jour oùMarkom’avait proposéd’allerenMoldavie.Siçafoirait, jen’avaisrienàperdre–àpartdix joursdesommeil.

Ayant fait le plein de jeux vidéo et de DVD, nous avons demandé à noscolocataires de nous aider à tenir le coup.Dormir trop longtemps ou rater neserait-ce qu’une seule sieste réduirait à néant l’expérience entière et nous

obligerait à recommencer.Enguise de stimulant, j’ai invité des filles à passercheznoustouslesjours.

J’enfréquentaisunedizaineàl’époque.C’étaitcequelesV2DappellentdesRLTM–relationsà longtermemultiples.ContrairementauxPMF, jen’avaispasbesoin de mentir : elles savaient toutes à quoi s’en tenir. Et, à ma grandesurprise,mêmesimapolygamienelesréjouissaitpas,aucunenem’aquitté.Unedemesplusimportantesprisesdeconscienceavaitétésuscitéeparunlivresurles progrès personnels quem’avait recommandéRoss Jefffies.MasteringYourHidden Self. J’y avais appris que, « Le monde est ce qu’on en pense. »Autrementdit,sioncroitavoirbesoind’unharemetsionjugequ’iln’yariendeplusnormal,lesfemmessuivrontlemouvement.C’esttoutbonnementvotreréalité.Parcontre,sionsouhaiteentretenirsonsérailtoutensesentantcoupable,çanemarchejamais.

La seule que cet arrangement mettait mal à l’aise était Isabel, une petiteEspagnoletoutenformesetencaractère,quiremuaitlenezcommeunesourisflairantdufromage.«Jenecouchejamaisqu’avecunepersonneàlafois,m’a-t-ellerépété.Etj’aimeraisquetufassespareil.»

Lequatrièmejourdenotreexpériencesurlesommeil,j’aidemandéàHea,lafanderockindérencontréeauHighlands,devenirm’empêcherdedormir.Elleétait minuscule, un vrai chihuahua, et portait d’énormes lunettes noires. Elleavaitpourtantquelquechosedeprofondémentsexy,commes’ilneluimanquaitqu’unepantoufledevairpoursechangerenprincesse.Laplupartdeshommessont aussi sensibles au potentiel de beauté qu’à la beauté réelle. Quand unefemmesecoiffe,semaquilleets’habilleavecsoinavantdesortir,ellelefaitparrapportauxautresfemmes.

Leshommesapprécient legestemais savent exploiter leur imagination. Ilspassent leur temps à déshabiller et à rhabiller les femmes pour voir si ellescorrespondent à leur idéal. Hea, donc, était une fille que les autres femmesestimaientinsignifiantemaisquetousleshommesdésiraient.Ilsreconnaissaientsonpotentiel.

Herbaletmoi l’avonsaccueilliesur leseuil, lesyeuxinjectésdesang,malrasés, en traînant les pieds – contrecoup du régime de sommeil. Nos bonnesmanières et notre maturité nous avaient quittés les premières. Nous l’avonsconduitedanslachambred’Herbal,l’avonsfaitasseoirparterreetavonsjouéàlaX-Boxpendantuneheurehistoiredenousteniréveillés.

Onasonnéàlaporte,jem’ysuisrendud’unpaspesantetyaitrouvéIsabel.«JedansaisauBarflyavecdescopines,dit-elleenremuantlenez.Alorscomme

j’étaisdanslecoin,j’aieul’idéedepasser.—Tu sais que je déteste ça. » J’avais demandé àmesRLTM de ne jamais

passeràl’improviste,pourévitercegenredesituation.J’aipousséunsoupiretl’ailaisséeentrerpournepaslarenvoyercommeunmufle.«Contentdetevoirquandmême.»

Danslachambred’Herbal,jel’aiprésentéeàtoutlemonde.Elles’estassiseà côté d’Hea. Son intuition a tressailli. Elle a toisé sa voisine lui demandant,«D’oùtuleconnais,Style?»

J’aieul’impressionqu’ils’agissaitmoinsd’unevisitedecourtoisiequed’uncoupmonté. Je les ai donc laissées seules et suis allé trouverMystery. J’étaistropcrevépourunescène.

«Hé,mec,j’enpeuxplus.HeaetIsabelsecrêpentlechignon.Commentjefaispourenvirerune?

—J’aiunemeilleureidée.Faisdoncuntrucàtrois.—Tudéconnes.— Non. Un de mes étudiants m’a parlé d’une technique pour lancer la

machine.Tudevraisl’essayer.Propose-leurunmassageàtroistoutinnocent.Etvoiscequisepasse.

—Çaressembleàunpari.»Jen’avaispasenviederevivreledésastredesPorcelainTwinZ.«Pasunpari.Tuprendsunrisque.Lepari,c’estduhasardpur;unrisque,

c’estcalculé.Si tuasdeuxnanascheztoi,qu’elles t’écoutentet t’envoientdesidi,tuesenveine,untrucseprépare.»

Mystery pouvait semontrer très persuasif. À ses côtés, j’avais essayé deshabits et des comportements que j’avais toujours considérés commeétrangers.Certains ont fait leurs preuves et je les ai conservés ; les autres, jem’en suisdébarrassé.J’aidécidédemejeteràl’eau.J’étaisprêtàrisquerdelesperdre.

JesuisretournéchezHerbal.«Lesfilles,dis-jeentredeuxbâillements,fautquejevousmontredesfilmsamateursqu’onafaitsMysteryetmoi.C’esttropmarrant.»InspiréparnotreclipdeCarlyetCarolineàMontréal,Mysterys’étaitmisàfilmernosvoyagesetaventures,qu’ilmontaitensuiteencourtsmétragescomiquesdedixminutes.

Je lesaiconduitesdansmachambre.Aucunechaiseenvue,biensûr, justeun lit.On s’est allongés sur l’édredon et je leur aimontré une vidéo de notrevoyageenAustralie.

Lefilmterminé,j’aiprismoncourageàdeuxmains.

« Ilm’est arrivé un truc pas possible. J’étais à SanDiego, chezmon poteSteveP.,àlafoisgourouetchaman.Etilademandéàdeuxdesesétudiantsdeme faire ce qu’il appelle unmassage d’induction. Leursmains se déplaçaientexactement enmême temps surmondos.Et comme le cerveaun’arrive pas àsuivre tous cesmouvements, il sedéconnecte et on a l’impressiond’avoir desmilliersdemainsquivousmassent.C’estpascroyable.»

Sivousdécrivezunescèneavecenthousiasmeetprécision,vousendonnezenvieauxgens–encoreplussivousneleurlaissezpaslapossibilitédedirenon.

«Allonge-toiàplatventre»,ai-jeordonnéàIsabel.Commeelleétaitlaplussujette à la jalousie, je savais qu’il fallait lui donner la priorité. Je me suisagenouilléàsadroite,j’aidemandéàHeadeseposteràsagaucheetdesuivremesmouvements.

J’aiensuiteenlevémachemiseetjemesuismisàplatventre.Lesfillessesont installées de part et d’autre de moi et ont commencé à me masser –timidement au départ, puis avec plus d’assurance. Ces deux filles qui mesurplombaient… leursmains qui traçaient des cercles surmes omoplates… jesentaislachambresechargerenénergie.Lanaturesexuelledelasituationleurapparaissaitàmesure,siellesnes’enétaientpasdéjàrenducompte.

Monstratagèmerisquaitbiendefonctionner.Quand ç’a été au tour d’Hea, elle a retiré son haut et s’est allongée à plat

ventre. Cette fois, j’ai fait un massage plus érotique : je me suis occupé del’intérieurdesescuissesetdescôtésdesesseins.

Après, Isabel et moi nous sommes agenouillés au-dessus d’Hea. L’instantcritiqueétaitvenu.Jedevaisembrayer.

J’étais tellement nerveux que mes mains en tremblaient, comme pendantmon repas humiliant avec Elisa, au lycée. J’ai attiré Isabel à moi et l’aiembrassée.Cefaisant,jemesuisbaisséjusqu’àêtrepresquecouchésurHea,quis’estretrouvéecoincée.Jemesuistournéverselleetluiairouléunepelle.Ellearépondu.Çamarchait.

J’aidoucementamenéIsabelàfairedemême.Quandleslèvresdesfillessesonttouchées,latensionsexuellequibaignaitlachambrependantlemassageaexplosé. Elles ne se sont plus lâchées, comme si elles en mouraient d’enviedepuisledébutalorsquemoinsd’uneheureplustôt,ellesavaientétérivales.Jen’ycomprenaisrien–maisbon,comprendren’étaitpasnécessaire.

Heaaretirélachemised’Isabelpourquenouspuissionsluilécherlesseins.Nousluiavonsenlevésonpantalonet luiavonspassélalanguesurlescuisses

jusqu’àcequ’ellesecambre.Je l’aidébarrasséedesaculottependantqu’Hea,passantderrièremoi,sedémenaitavecmonpantalon.

Je lui donnais un coupdemain j’ai regardémamontre. 2 heures dumat’.L’angoisse : ma dernière sieste remontait à quatre heures. Je ne pouvais paspiquerun roupillonaubeaumilieudemapremièrepartieà trois.Danscecas,mesquatrejoursdeprivationdesommeiln’auraientserviàrien.

«Lesfilles,çamesoûlemaisilfautquejedormevingtminutestoutdesuite.Siçavoustenteaussi,nevousgênezpas.»

CouchéentreHeaetIsabellemesuisassoupiillico.Jerêvaisquejenageaisdansdesruesinondées.Quandleréveilasonné,nosébatsontpureprendre.

Maiscettefois,Isabels’écarta.«C’esttropbizarre.—Complètement. Jeme disais pareilMais c’est une nouvelle expérience,

alorsbon…»Elleaacquiescé,sourietm’aenlevémonboxer.Lesdeuxfillesontposéles

mains sur moi, je me suis allongé et les ai regardées. Je voulais enregistrerl’imagepouruneutilisationultérieure.

QuandHeas’estmiseàmesucer,Isabels’estbraquée.Uneréactionquim’arappelécequ’avaitexpliquéRickH.àproposdutriolismelorsduséminairedeDavidDeAngelo : le but, c’est de donner du plaisir à sa partenaire, pas d’enprendre soi-même.Elledoit être chefdemeute–pour le citer– et se sentir àl’aise.

«Çategêne?demandai-jedoncauchefdemeute.—Unpeu.»J’ai fait en sorte qu’Hea s’arrête, et nous sommes restés allongés là, à

papoteretdéconner,jusqu’àmasiestesuivante.Cettenuit-là,jen’aipascouchéavecHea ; je savaisqu’Isabelne supporterait pas ce spectacle.Elle avait déjàfourniungroseffort.

Le restede lanuit s’estdéroulédansunépuisementabsolu.Herbal etmoiavonsregardéLesLiaisonsdangereusespourresteréveillés,maisnoustombionssans arrêt dans ce qu’on appelle des micro-sommeils : le corps a tellementbesoindereposqu’ils’endortendoucedèsquel’attentionserelâche.

«Quelleidée,tonrégime,dis-jeàHerbal.—Lâchepasl’affaire.Àlongterme,çavapayer.»Je m’étais acheté plusieurs flacons de vitamines pour doper mon système

immunitaire, mais j’oubliais tout le temps lesquelles j’avais prises, et quand.Coupdebol,Nadia, uneautredemesRLTM, la bibliothécaire sexyque j’avais

rencontrée pendant mon expérience sur les petites annonces, devait bientôtpassermevoir.ElleestpasséeaprèsunspectacledestripdesSuicideGirlsàlaKnittingFactory,encompagnied’unecertaineBarbaradontlafrangenoiremerappelaitBettyPage.

Je leur ai servi à boire et nous nous sommes assis sur le canapé. Barbaraavait un copain,mais je trouvaisqu’elle touchait beaucoupNadia– comme sielle n’était pas indifférente à ses charmes. J’ai eu alors envie de lui donnerl’occasiond’assouvirsesdésirs.

Je me suis excusé et suis parti faire ma sieste – dans mon rêve, je meretrouvais à poil dans un champ enneigé qui s’étendait à perte de vue. Ellesm’ont ensuite rejoint dans la chambre pour y regardermes films amateurs. Jesuis passé aumassaged’induction.Àmagrande surprise, il a fait denouveaumerveille.Dèsqu’elles ont commencé à s’embrasser, les filles ne se sont pluslâchées.Laveilleausoirn’avaitdoncpasétéqu’uncoupdechance.

ContrairementàIsabel,Nadiaétaitunchefdemeutetotalementdépourvudejalousie.Tandisquejelaprenais,Barbaras’estagenouilléederrièremoietm’aléchélescouilles.Jevoulaisattendreunpeuetm’envoyerBarbarajusteaprès,maiscefutpeineperdue.Cequiseproduisaitdépassaittellementmesplusfollesattentesquej’aifaitunbide.Impossibledetenirpluslongtemps.EtimpossibledemetaperBarbara.

LesV2Dappellentçaunproblèmedequalité.Pendantunanetdemi,j’avaisconsacrébeaucoupdetempsàtravaillermon

look, mon énergie, mon attitude et mon état d’esprit. Pourtant, alors que cesqualitésétaientauplusbas– j’avais l’aird’unemerde– jevenaisdevivre lesdeuxjourslesplusorgiaquesdemavie.Leçondujour:moinsonenfait,mieuxons’entire.

Lelendemain,Herbaletmoiavonsdécidédenousfrictionnertouteslesdeuxoutroisminutesavecdesglaçonspournousempêcherdedormir.Leprocessusd’adaptation se révélait plus difficile que nous ne l’avions imaginé. Jecommençaisàmedirequenousperdionspeut-êtrenotretemps.Aprèstout,cettehistoirederégimen’avaitmêmepasétéscientifiquementprouvée.

«J’espèrebienqu’ilyauraunarc-en-cielauboutdutunnel,ai-jebredouillé.C’estvraiquoi,onchercheletrésorcachéaupieddel’arc-en-ciel.Etonnesaitpass’ilestlà,oumêmesil’arc-en-cielaunpied.»

Herbal a sursauté ; je l’avais sorti d’unmicro-sommeil. « Je rêvais à desbâtons de réglisse. Quelqu’un taillait des bâtons de réglisse en forme dejavelot.»

Après deux autres cycles, j’ai eumal à la tête et mes yeux ont refusé des’ouvrir. Rien n’y faisait : ni les bains froids, ni les gifles, ni les coursespoursuitesdanslesalonavecdesbalaisenguised’armes.

Quand,undoigtdans labouche, j’aicherchémonappareildentaire, j’aisuquej’avaisperdularaison.Jen’enportaisplusdepuislelycée.

Herbalafinipardire:«Jevaismecoucher.—Faispasça.J’yarriveraipastoutseul.—Attention,lescure-dents!»Fouriregénéral.Ilvenaitdefaireunmicro-sommeil.Lessongesetlaréalité

semélangeaient.«Essaiedetenirencoreuncycle.»À la fin de la sieste suivante, je n’ai pu le tirer du lit. Herbal gardait les

paupières obstinément fermées. Comme je ne pouvais pas continuer sanssoutien,jemesuistraînéjusqu’àmachambreetmesuislaisséallerausommeille plus doux dema vie.Malgré l’échec de cette expérience, j’avais atteint unnouveauniveau.

Je sais que face au massage à double induction, je devrais me montrermodeste et le traiter comme un pas de plus vers la déchéance. Mais endécouvrantlesecretdutriolismej’aieul’impressiond’avoirtrouvélapierredeRosettede ladrague,d’avoirbattu lerecordducentmètres.Unefois le thèmemisaupointetdivulgué,lesV2Ddumondeentiersesontmisàfairedestrucsàtrois. Ce massage devait me garantir la première place du classement deThundercatpourladeuxièmeannéed’affilée.

ProjetHollywoodétaitdéjàunsuccès.

Chapitre3

C’estalorsqueTylerDurdenfitsonapparition.Il semblait s’être mis à l’autobronzant. « Je sais que j’ai fait mauvaise

impressionàLA », dit-il enme serrant lamain. Ilm’amême regardédans lesyeuxunefractiondeseconde.

Il portait une chemise tendance, noire et blanche, avec des cordelettes quipendaient commeun corset auniveaudu torse.Rien àvoir avec la théoriedupaon;c’estlegenredechemisequej’auraisachetée.«J’aieudumalaveclesrelationssociales»,a-t-ilpoursuivi.Jecroisqu’ils’excusait.«Jebosseencoredessus.Quandjeperdslecontrôle,jepassepourunégoïste.Pascool.Jesupposeque je devrais être mieux équipé pour apprendre à draguer les mecs, commeMysterymedittoutletemps.»

Belle preuve d’humilité. Tyler Durden avait participé à des dizainesd’ateliers depuis notre rencontre et j’avais suivi ses progrès sur le Net. Sesétudiantsaffirmaientqu’il rivalisaitdésormaisavecMystery,niveauprouesses.J’étaisprêtàluidonnerunesecondechance:peut-êtreavait-ileffectuéuntravailsérieux sur lui-même. Après tout, la communauté a bien été fondée sur ceprincipe. Comme nous devions servir d’équipiers à Mystery ce week-end-là,j’étaisimpatientdevérifiersaréputationsurleterrain.

Tylerajetésonsacpar-dessussonépauleetafilédanslachambredePapa.EntrePapaetsanouvellepassionpourlesaffaires,etTylerDurdenquicherchaitàdevenirlemeilleurdragueurdelacommunauté.ilsfaisaientlapaire.

Notre maison accueillait alors les V2D les plus admirés au monde.Évidemment, autant que je m’en souvienne, nous n’avions pas donné notreaccordquantàsaprésence.Ilnerestaittoutbonnementplusdeplace.Celadit,Papaavaitprissurluidel’inviter;ilavaitmêmeconvertiundesplacardsdelasalledebainsenchambreetinstalléunmatelasparterre.

Nous n’avions pas encore acheté de meubles. Juste une cinquantaine decoussinsquirecouvraient lapistededanse.Cesoir-là,Play-boynousaprojetédesfilmsauplafond:nousavonsregardéCeplaisirqu’onditcharnelallongésdanslafosseauxcoussins.

Àlafindufilm,TylerDurdens’esttournéversmoi:

«Tesmailsm’ontvachementinfluencé.»Quelqu’unavaitmismesarchivesenlignesousformededocumenttexte,avecceuxdeMysteryetdeRossJeffries.«Laplupartdemesmeilleurestechniques,c’estdelàquejelestiens.»

Pas facile de se sortir d’une conversation avec TylerDurden.Quand il nedraguaitpas,ilparlaitdrague.

«Encemoment,jemèneuneexpérience:jemefaispasserpourtoisurleterrain,m’a-t-illâché.

—Commentça?— Je dis aux nanas que je suisNeil Strauss et que je bosse pourRolling

Stone.—Et çamarche ? » La seule pensée que ce petitmonstre endossaitmon

identitémeretournaitl’estomac,maisj’aifaitminederien.«Çadépend.Des fois,ellescroientque jemens.Des fois,elles répondent

direct,“Oh là là, fautabsolumentqu’onsorteensemble.” Ilyenad’autres, tuleurracontesça,c’estfoutu:ellespensentquetufrimes.

—Jevaisteconfieruntruc.Çafaitplusdedixansquej’écris,etçanem’ajamais permis de tirer un coup.Un écrivain n’est ni cool ni sexy. T’as rien àgagnerensortantavec.Enfin,c’estmonexpérience.Pourquoi tucroisque j’airejointlacommunauté?Maisbon…çameflattequetuaiesessayé.»

Ce même week-end, Tyler Durden, Mystery et moi sommes allés à LasVegas. Papa y avait inscrit dix étudiants à l’intention deMystery – joli score,pourunateliercenséaccueillirsixpersonnes.NouslesavonsemmenésauHardRockCasino.Engénéral,lepremiersoir,lesétudiantsobserventlesmoniteursàl’œuvre.

TylerDurdens’étaitaméliorédepuisnotredernièreentrevueàLosAngeles,où il n’avait adressé la parole à aucune femme. Quand je l’ai vu aborder ungroupedefillescélibataires,jemesuisapprochéetj’aitendul’oreille.IlfaisaitallusionàMystery:

«Vousvoyezlemec,là-bas,aveclehaut-de-forme?Ilabesoindebeaucoupd’attention,doncilsortdesvacheriesauxgensrienquepourlesforceràl’aimer.Alorssoyezgentillesaveclui,ilabesoind’aide.»

TylerleurdévoilaitlejeudeMystery–ilneutralisaitsesnegs.«Ilaimefairedes toursdemagiepourqu’on l’accepte.Ducoup,ceserait

sympasivousfaisiezsemblantd’êtreenthousiastes.Ilanimesouventdesgoûtersd’anniversaire.»

Ilneutralisaitégalementsesthèmesdedémarquage.

LorsqueTylerDurdenaquittécecercle,jeluiaidemandédesexplications.«Papaetmoi,onadéveloppéuntasdetechniquespourvouséjecter,Mysteryettoi

—Etqu’est-cequeturacontesàmonsujet?»ai-jelancé,l’airindifférentTylerDurdenaéclatéderire:«Onleurdit,“Regardez,luic’estStyle.Envrai,ilaquarante-cinqans,mais

moi je trouvequ’il les faitcarrémentpas. Ilest tropmignon.OndiraitunpeuElmerFudd.»

Je l’ai observé avec incrédulité. Il appliquait la gestion du MAG À sescollèguesV2D.Diabolique.

«T’asqu’àfairepareilBalance-leurquejeressembleauBibendum.»J’ai ravalémon dégoût et j’ai pensé : «Que ferait TomCruise dans cette

situation?»«Mais ça nem’intéresse pas,mec, ai-je répliqué sans laisser paraîtremes

intentions,commesijetrouvaisçahilarant.C’esttouteladifférenceentrenous:moi, j’aimeêtreentourédesmeilleurs,parceque j’adore lesdéfis.Toi,non, tupréfèresdevenirlenumérounenéliminantlaconcurrence.

—Mouais,tuaspeut-êtreraison.»J’aiapprispar la suiteque jenem’étais trompéqu’àmoitié.TylerDurden

aimaitéliminerlaconcurrence,maispasavantdel’avoirexploitéeàfond.Leresteduweek-end,Tylermecollaitauxbasques,écoutantchaquemotque

jeprononçais.Jelevoyaisréfléchir,essayerdedevinercequi,dansmesparoles,me mettait en situation de domination dans un groupe. Il avait étudié mesarchives, il étudiaitmaintenantma personnalité. Il en saurait bientôt plus quemoi sur moi-même. Et alors, comme avec les mag de Leicester Square, ilretourneraittoutesmesarmescontresonancienmentor.

À la fin de la soirée, j’ai aperçu un c-2 au bar du Peacock Lounge : unegrandebruneàlunettes,glaçante,avecdefauxseinsincroyablementgros;etungarçonmanqué blond, avec un béret blanc et un petit corps compact, tout encourbes.

« La blonde, c’est une star du X », déclara Mystery – l’expert. « Elles’appelleFaith.Àtoidejouer.»

J’avais beau fréquenter la communauté depuis un an et demi, et faire soi-disant partie de l’élite, une jolie femmem’intimidait toujours. Mon côté PMFmenaçaittoujoursderessortir,murmurantquetoutcequej’avaisapprisnetenaitpas la route,que jem’inclinaisdevantdesdieux factices,quecettehistoiredejeun’étaitquemasturbationintellectuelle.

Jemesuisquandmêmeforcéàaborderlecercle,rienquepourprouveraupetitPMFparasitequ’ilsetrompait.Dèsquej’aiouvertlabouche,jesuispasséenpilotageautomatique.

Introdelacopinejalouse.Contraintehoraire.Negàlacibleàproposdesavoixrauque.Testdesmeilleurescopines.SourireenformedeCcontresourireenformedeU.Télesthésie.«Tuastellementàm’apprendre,ditFaith.—Ont’adore»,s’estextasiéesacopineflippante.Ellesmemangeaientdans lamain. Je suisun ringardà laElmerFuddqui

leur balance des conneries de son cru, et ces deux filles, dont les poitrinescumulées pèsent plus lourd que moi, me regardent, captivées. Je n’ai rien àcraindre.Personnen’alesmêmesoutilsquenous.

JedevaistuerlePMFenmoi.Quandallait-ildoncmourir?J’ai fait signe àMysteryde s’occuper de l’obstacle.Lorsqu’il s’est assis à

côtédelacopine,jesuisrepasséenpilotageautomatique.Coupdel’évolution.Reniflage.Tiragedecheveux.Morsureaubras.Morsureaucou.«Tutemettraiscombien,suruneéchelledeunàdix,niveaubaisers?»Toutàcoup,Faithabondidesonsiège:«Çam’excitetrop,fautquejemecasse.»Impossibledesavoirsiellemesortaituneexcuseparcequejem’étaisplanté,

ousijelatroublaisvraiment.J’aiabordéunautrecercle–deuxhippiespompettes–et lesaimisesdans

ma poche illico.Au bout de dixminutes, Faith est revenue etm’a pris par lamain:

«Allonsauxtoilettes.»On est entré dans les WC attenants au Peacock Lounge, elle a baissé la

lunette et m’a fait asseoir dessus. Tout en déboutonnant mon pantalon, ellerépétait:«C’estfoucequetum’excites,intellectuellementetsexuellement.

—Jesais.—Ahbon?

—J’aisentiqu’ilsepassaituntrucentrenoustoutelasoirée.Mêmependantquejeparlaisauxdeuxhippies,jevoyaisbienquetumeregardais.»

Faith s’est agenouillée, a passé lesmains autour demonpère indolent despostéritésetl’aprisenbouche.Maisjen’arrivaispasàbander.C’étaittrop.

Jemesuislevé,l’aiplaquéecontrelemur,saisieàlagorgeetluiairouléunepelle–commeSindevantmoiquandj’étaisPMF.Jeluiaienlevésonstring,l’aidoigtée et entrepris de la lécher. Elle s’est cambrée, a battu des paupières etgémi, comme si elle allait jouir. Fausse alerte : elle a changé subitement depositionets’estremisesurmoi.

«Jeveuxquetujouissesdansmabouche.»Moi, jeneparvenais toujourspasàbander.C’était lapremière foisqueça

m’arrivaitTenez,là,rienqued’yrepenser,jesuistoutdur.«Jeveuxêtreentoi»,luiai-jeglissé,dansunderniereffortpourcanaliser

monsangaubonendroit.Elle s’est levée, s’est retournée. J’ai sorti unpréservatif demapoche et ai

repenséàtouslescanonsquej’avaisabordéscesoir-là.Çacommençaitàvenir.Faiths’estassisesurmoi, ledoscontremonventre : lapirepositionquandonbandemou.Àpeine entré en elle, jeme suis aussitôt ramolli. Par quoi c’étaitcausé, aucune idée : les deuxwhiskey-Coca que j’avais bus ? Lemanque depréliminaires?L’appréhensionparcequej’avaislevéunestarduX?Oulefaitquejem’étaisbranléplustôt?

Quand nous sommes ressortis des wc, la moitié des étudiants attendaientmoncompterendu.L’unedeshippiesestentréedanslestoilettesetestreparueentenantl’emballagedemonpréservatifdansunKleenex.Forcément,jel’avaislaissé par terre, et elle s’est sentie obligée de lemontrer à tout lemonde. Ilscélébraienttousunexploitquejen’avaispasaccompli.

Après ce fiasco, impossible de regarder Faith dans les yeux. Je m’étaisfabriqué une réputation d’homme mystérieux, fascinant et puissant. Et là, àl’instantdevérité,lechâteaudecartess’étaiteffondréetm’avaitrévéléaugrandjour:unmaigrichonaucrânedégarnietàlabiteenberne.

Chapitre4

Lederniersoirdel’atelier,TylerDurdenalevéStacy,unehôtesseduHardRockCafé–uneblondevampirique,fandenewmétal.Sonserviceterminé,ellenousa rejoints au casino, accompagnée de sa colocataire, Tammy, une beautésilencieuse,unrienpotelée,quiembaumaitlechewing-gum.

Je portais un costume ridicule en peau de serpent ;Mystery, son haut-de-forme, des lunettes d’aviateur, des bottes aux semelles épaisses de quinzecentimètres, un pantalon en latex noir et un t-shirt noir avec son pseudo écritdessusenlettresrouges.Tropexcentrique,mêmepourLasVegas.

Trèsvite,TylerDurdens’estmisàdémonterMystery:«Lesgenssefoutentdesagueulequandilacet-shirt.Jeluirépètetoutletempsqu’ilapasbesoindeçapourqu’onl’accepte.»

Lesétudiantssesontdéployésdanslasallepouraborderdesfemmes,tandisquejerestaisaccoudéaubaràlesobserver.Auboutd’unmoment,Stacys’estglisséeprèsdemoi.Ellem’avaitregardédirigerl’atelieretcelaavaitsuffiàmerendreintéressantàsesyeux(tucharmesleshommes,àtoilesfemmes).Ellenem’apaslâchéduregarddetoutelaconversation.Elletortillaitsescheveux.Ellecherchaitdesprétextespourmetoucherlebras.Ellesepenchaitversmoiquandje m’écartais d’elle. Elle m’envoyait un déluge d’iDi. Je sentais que l’air sechargeaitd’électricité,signequ’unbaiserpotentielaccumuledel’énergie.

Jesavaisquec’étaitmal.EllesortaitavecTylerDurden.LesV2Dontuneéthique:celuiquiabordelepremieruncercledraguesaciblejusqu’àcequ’ellecède ou qu’il laisse tomber. Mais un V2D n’éjecte pas son équipier. TylerDurdenmefaisaitpasserpourElmerFuddauprèsdesnanas?Trèsbien.AlorsElmerFuddallaittirersonlapin.

JecaressaislescheveuxdeStacy.Ellem’asouri.Avait-elleenviedem’embrasser?Maisoui.Roulagedepelle.Soudain,unechevelureblondorangéestentréedansmonchampdevision.

C’étaitMrHeatMiser.Etill’avaitmauvaise.«Viensparlà»,a-t-ilditenmeprenantparlebras.

Conscientd’avoiragiensalaud,j’aicommencéàluiprésentermesexcuses.Quandunebulle depassion se forme autour devous et d’une fille, la logiquefout le camp et l’instinct la remplace. J’avais merdé. Bien sûr, Tyler avaitcherché àm’éjecter,mais on ne répare pas une injustice par une autre. J’étaisdansmespetitssouliers.

Cela dit, la consolation est bientôt arrivée. Tyler a emmené Stacy à notrechambred’hôtel,laissantsacolocataire,Tammy,enplan.Cinqminutesplustard,elleetmoi,ons’embrassaitàbouchequeveux-tu.Jen’enrevenaispas.C’étaitlasixièmefillequejeséduisaisdepuisledébutduweek-end.

Pendantce temps,Mysteryavaitdraguéunestrip-teaseuseen tenue légère,Angela, qu’il notait 10,5/10. Nous avons donc décidé de lever la séance –2heuresdumatin,lesétudiantsenavaienteupourleurargent–etd’emmenernosconquêtesdansuneautreboîte,leDre’s.

Encheminverslastationdetaxis,Mysterys’estarrêtépourseregarderdanslavitrineducasino.«C’estgénialdegagner», a-t-il confiéen souriant à sonreflet,quiluiaaussitôtrendusonsourire.

Dansletaxi,Angelas’estassisesursesgenoux,faceàlui,sajupedéployée.Nous n’étions pas sortis du parking qu’ils s’embrassaient déjà. Comme elles’étaitmordula lèvreunpeuavant, ladouleur lafaisaitgémirchaquefoisqueleursbouchesseséparaient.Elleluiasucél’index.Ellesedonnaitenspectaclepour lui, pournous, pour la fouledesmoins séduisants, pourDieuLui-même.Touteslespersonnesquenousdépassionscriaientetsifflaientàlavueducoupleauxbouchesscellées.Enréponse,Angelas’estcambréeetaretirésonslipblanc,révélantunetoisonraséeenformedelarme.Mysteryl’adoigtée.Ellelemettaiten valeur. Il la mettait en valeur. Ils se mettaient en valeur. Ils formaient uncoupleparfait,l’unignorantcomplètementl’autre.

À5heuresdumatin,quandAngelaestrepartiepourLosAngeles,Mystery,Tammyetmoiavonsprisuntaxipourretourneràlachambred’hôtelquenouspartagions avec Tyler Durden au Luxor. Je me suis effondré sur le lit avecTammy,etnousavonscommencéànousembrasser.Mysteryoccupaitl’autrelit,Tylerunechaise,Stacysursesgenoux.

Tammyaretirésonhautetsonsoutien-gorge,puism’abaissémonpantalon.Ellem’asaisiàpleinemainets’estactivée.Saboucheestvenueàlarescoussedesonpoignet.Cettefois,monmatosfonctionnait,RAS.J’avaisdûmalsupporterleclichéwhiskey,starduX,wcpublics.

Tammyaenlevésaculotteetj’aisortiunpréservatifdemapoche.Auboutd’uneminutedesexe,jemesuisarrêté.Lesautresétaientlà.Ilsregardaient,ou

peut-êtrequ’ilsessayaientdenepasmater.Aucune idée ; je flippais troppourchercher à savoir. Je n’avais jamais couché en présence d’autres hommes, etsurtoutpasdesV2D.

Apparemment,çanedérangeaitpasTammy.Jel’admirais.Maisbon…jel’aiprisedansmesbras,l’aiemmenéedanslasalledebainsetfaitcoulerl’eau.Jel’ai plaquée contre la cabine de douche, écrasant ses seins sur la paroi, et l’aipénétréepar-derrière.Aprèscinqminutesd’efforts,laportedelasalledebainss’est ouverte à la volée et il y a eu un flash.Mystery, TylerDurden et Stacyétaientplantéslàetprenaientdesphotos.

Sur le moment, je me suis dit : « Maintenant, ils ont de quoi me fairechanter. » Je n’ai compris que plus tard qu’ils voulaient juste un souvenir denotreviréeàLasVegas.Commepourl’articleduNewYorkTimes,j’étaisleseulàm’inquiéter.Lesautress’éclataientauxdépensd’unpote,pasplus.Jedevaismefourrerdanslecrânequ’ilssefichaientroyalementdeNeilStraussl’écrivain.Hormis la communauté, rien ne leur importait, rien ne leur paraissait réel endehors. Les journaux, ils les lisaient à condition qu’il y ait un article surl’accouplementdanslerègneanimal.Lescatastrophesquiseproduisaientdansle monde ne leur servaient qu’à expliquer aux cibles qu’il faut profiter del’instantprésentcaronnesaitjamaiscequedemainnousréserve.

Lesfillesnousont invitéschezellespourlepetitdéj’.Nousavonsfaitnosvalises,direction leurappartementoùnousavonsmangé lesmeilleursœufsaubacon de notre vie. Sur le canapé, Tyler Durden et Mystery parlaientouvertement de la drague : ils se cherchaient des crosses, je le voyais bien.MysterycontinuaitàappelerTyler«sonancienétudiant»;TylerDurdenavaitl’impressiond’avoirsurpassésonmaître,ilproposaituneméthodedeséductionrévolutionnaire.

Lesoleilbrillaitet jen’avaispasenviedeme lancerdansdesdébatsalorsque j’avais une fille sous la main. Du coup, Tammy m’a emmené dans sachambreetm’asucé,puisj’aidormideuxheuresavantdereprendrel’avion.

Pas banal, le lit de Tammy : il remplissait la chambre de sa blancheurimmaculée. La douceur des draps, l’épaisseur de l’édredon, la fermeté dumatelas – enivrant ! J’ai toujours adoré les chambres à coucher des femmes :elles sont exquises, emplies de parfums… le paradis doit ressembler à unechambredefemme.

Chapitre5

MysteryetTylerDurdennedevaientquitterLasVegasquelesoir,ilssontdoncrestésaveclesfillesetj’aiprisseuluntaxipourl’aéroport.Pendantlevol,j’aifaitunrêve:

Je lève une femme et elle me ramène chez elle. Dans sa chambre, je medébatsdesheuresavec sa résistancededernièreminute.Toute lanuit, c’est leyo-yo, soumission-résistance.Au bout du compte, je laisse tomber et vaismecoucher.

Le matin, je suis assis sur un canapé dans son salon. Sa colocataire, uneLatino au rouge à lèvres agressif, s’approche d’un pas nonchalant et me fait,« Désolé que ma coloc ait pas voulu, mais tu peux m’avoir à la place si tuveux.»

Elles’assoitsurlecanapé,lèvelesjambesetlesécarte.Elleneporterienendessousdelaceinture.Ellerépètesonoffre.J’accepte.

Sonrougeàlèvress’étalesurmonvisagependantqu’ons’embrasse.Quandvient lemomentdevérité,mabite a l’air dure,mais elle en a seulement l’air.C’estcommesij’essayaisdefourrerlafilleavecunesaucissedeFrancfort.

Surce,retourdemaciblepremière.Jel’appellecommeçadansmonrêve:macible.J’essaiedecacherlerougequej’aisurleslèvresenparlant.Quelquepartdansmondos, j’entendsl’autrequisemarre.Et là, jesaisqu’entrompantcellequim’a ramené là jeviensde raterun test.Plus jamaisellenem’aimeramaintenantqu’elleconnaîtmavéritablenature.

Cesoir-là,lesfillesorganisentunefête.Mysterydraguemacible.Illuioffreunetélécommandedeportedegarage.Jeprofitedecequetoutlemondealedostournépourchiperlecadeauetsortir.Dehors,j’appuiedessussansarrêt,certainqu’uneportevas’ouvrirsuruncadeauformidablepourlafille.

Je cherche encore quandMystery sort à son tour – lui cherche la fille.Enfait, le passe ne servait qu’à se retrouver seul avec elle. En appuyant sur lebouton, j’ai appelé Mystery. Je m’enfuis, mais il me rattrape en quelquesenjambées.Pourluic’estdugâteau,avecseslonguesguiboles.

«Jet’enveuxdedraguermacible.

— Tu as eu ta chance et rien ne s’est passé. La fenêtre s’est fermée,maintenantàmoidejouer.»

À mon réveil, j’ai compris tout de suite la symbolique du test : j’avaiséchoué en levant la cible de Tyler Durden. Quant à l’impuissance, elles’expliquait par le fiasco avec la star du X. Mais la séquence de Mysterydraguantmaciblerestaitfloue–enfin…jusqu’àcequ’ilm’appelleàmonretourchezmoi.

«J’espèrequeçatedérangepas,maisTammyvientdemetaillerunepipe.Elleamêmeavaléladose.»

Quelquepartdansl’estomacdecettefille,monspermeetceluideMysterysemélangeaient.

«Pasgrave»,ai-jerépondusuruntonsincère.Çaarrivait,entreamis–deuxV2D en concurrence qui se taquinaient. « N’oublie pas que je suis passé lepremier.»

TylerDurden,lui,nevoyaitpasleschosesainsi.Pourlui,ilnes’agissaitpasdetaquineriesentreconcurrents,maisdesavie.

Jamaisilnemepardonneraitd’avoiremballésacible.

Chapitre6

Lebut,c’étaitlesfemmes;lerésultat,leshommes.AulieudemannequinsenbikiniattiréesparlapiscinedeProjetHollywood,

nous envahissaient des adolescents boutonneux, des hommes d’affairesbinoclards,desétudiantsventripotents,desacteursencarafe,deschauffeursdetaxi frustrés et des informaticiens – plein d’informaticiens. Ils entraient cheznousPMF;ilsenressortaientjoueurs.

Touslesvendredis,dèsleurarrivée,MysteryouTylerDurdenseplantaientdevant la fosse aux coussins et leur enseignaient lesmêmes intros, astuces delangage corporel et thèmes de démarquage. Le samedi après-midi, expéditionshopping sur Melrose. Ils achetaient tous les mêmes boots New Rock auxsemellesdehuit centimètres, lesmêmeschemises à rayuresnoires et blanchesornéesdecordelettes.Ilss’achetaientlesmêmesbagues,lesmêmescolliers,lesmêmeschapeauxetlesmêmeslunettesdesoleil.Ilsbronzaientencabine.

Nousformionsunearmée.Lesoir,cetessaimdeguêpesjoueusesfaisaitunedescentesurSunset.Même

àlafinduséminaireetdel’atelier,ilsrestaientdanslesclubsdeSunsetpendantdesmois,àbosser la technique.On les repéraitdedos,avec leursbootset lesficellesquipendaientdeleurschemises.Colléslesunsauxautres,ilsguettaientlescerclesabordablespuisenvoyaientdesémissaires:«Hé,j’aibesoindel’avisd’unefemmesuruntruc.»

Mêmelessoirsoùaucunateliern’étaitprévu,destypesencostumedepaonrappliquaientdecentcinquantekilomètresàlarondedansnotresalonavantdesortirdraguer.À2h30dumatin, ils revenaientcheznous–accompagnéspardesfillesdesbeauxquartiers,soûlesetricanantes,qu’ilsconduisaientaujacuzzi,sur la terrasse, dans les placards ou dans la fosse aux coussins ; ils rentraientparfoisbredouillesetbossaientleursapprochesjusqu’àl’aube.Ilsn’avaientquecesujetàlabouche.

«Tusaispourquoijem’ensorsmieuxquemespotes?m’ademandéTylerDurdenunaprès-midiens’affalantàcôtédemoidansunealcôveduMel’s.Ilyapastrente-sixmilleraisons,moncon.

—Parcequetuesplussensible?

—Non,parceque je laboure!»s’est-ilexclamé,avecungeste triomphal.Par«labourer»,ilentendaitpilonnerunefilleàcoupsderépliquesetdethèmessansattendrederéponse.«L’autresoir, lafillesecassait, jeluiaigueulémonthème.Ellea faitdemi-tour illico !Lesconventionssociales, jem’en tape : jeleurbourrelecul.Fautlabourer.Dansn’importequellesituation,c’estpossible.

— Je ne fais pas ça, moi ». Certains se trouvent une copine en lapourchassantjusqu’àcequ’ellecède.Moi,jen’étaisnichasseurnilaboureur.Jeme contentais de donner aux femmes l’occasion de m’apprécier ; soit çamarchait,soitçafoirait.Engénéral,çamarchait.

« Pas compliqué, bordel : tu pousses, tu pousses, tu pousses, ça peut paslouper,continuait-il.Siçalessoûle,jechangedevoix,jeleurfaisdesexcusesetleuravouequejesuisasocial.»

Je regardais Tyler parler. Malgré ses vantardises incessantes, je le voyaisrarementengalantecompagnie.

«Peut-êtrequejem’engagepasdansbeaucoupderelations,m’a-t-ilconfiéaumoment de quitter le restaurant, parce que je n’aime pas les trucs avec labouche.

—Lesdonneroulesrecevoir?—Lesdeux.»J’aicomprisalorsqueTylerDurdennefréquentaitpaslacommunautédans

lebutdebaiser.Cen’étaitpaslesexequilemotivait–maislepouvoir.LesmotivationsdePapaétaientplusobscures.À labase, il jouaitpour les

filles.Àl’époquedel’emménagementàProjetHollywood,ilavaitenvisagédetransformersachambreen repairehigh-tech,avecsonharemauboutdu fil. Ilvoulait se faire faireun lit en formede trône, acheterunéquipementvidéodepointe,installerunbarprèsdelacheminéeetpendredestenturesauplafond.

Mais sa chambre était devenue tout autre chose. À mon retour du Mel’sDineravecTyler,MysteryetPapasedisputaient.

«Turefilesplusd’étudiantsàTylerDurdenqu’àmoi,seplaignaitMystery.— J’essaie de faire en sorte que tout le monde soit gagnant à tous les

coups»,aprotestéPapa.Àforced’êtreutilisée,l’expressionperdaitdesaforce.La désolation qui régnait dans la chambrem’a retourné. Pas l’ombre d’un

meuble,des sacsdecouchageetdescoussins jetéspar terre.Les femmessontformelles,cegenredechambre,çarompttoutengagement.

«Quiest-cequivitlà-dedans?luiai-jedemandé.—Desmecsdelavds1.—Combien?

—Ben, en cemoment, TylerDurden et Sickboy dans les placards demasalledebains,etj’aitroisautresrecruesquidormentdansmachambre.

—Onaunaccord,tuterappelles?Sil’und’euxveutresterplusd’unmois,ildoitrecevoirnotreapprobation.Lamaisonestdéjàassezpleinecommeça.

—D’ac.—S’ilsseserventdelamaison,ilsdoiventraquer»,adéclaréMystery.Papal’aregardé,ébahi.Exaspéré, Mystery s’est tourné vers moi, levant les bras au ciel :

«Impossibledeluiparler,àcemec,ilresteassislààtematerendisant“D’ac”.Putain,quellepassivité!

—C’est pas vrai, protestaPapa.Tu crois que tu peuxmebousculer parcequej’aiététonétudiant?»Jenel’avaisjamaisvudanscetétat-là.Ilnecriaitjamais,contrairementàcertains,maisparlaitsuruntonguindé.Quelquepartenlui,desémotionsattendaientd’êtrelibérées.

Àpartirdecejour,Papaacesséd’utiliserlaporteprincipalepourentreretsortir. Afin d’éviter Mystery, il faisait le tour par le patio et empruntait unescalierquimenaitàsasalledebains.Toussesinvitésontsuivisonexemple.

Chapitre7

MyfatherdiedwhenIwasfortyAndIcouldn’tfindawaytocryNotbecauseIdidn’tlovehimNotbecausehedidn’ttryI’dcryforeverylesserthingWhiskeypainandbeautyButhedeservedabettertearAndIwasnotquitereadyCesparoles retentissaientdans lesalon.Mysteryétaitcouchédans la fosse

aux coussins, son ordi sur le torse. Il passait en boucle cette chanson deGuyClark.

Ilsemblaitavoirbesoind’attention.Alorsjemesuisapprochédeluietluienaidonné.

«Monpèreestmort»,a-t-ilannoncéd’unevoixblanche.Jenesavaisdires’il était triste ou non. « Il était temps. Ça s’est passé très vite. Il a eu unenouvelleattaque,ilestmortà10heurescematin.»Jemesuisassisprèsdeluietl’aiécoutéparler.Spectateurdelui-même,ildéconstruisaitdefaçonanalytiquesesémotionstoutenlesressentant.

«J’avaisbeaum’yêtrepréparé,çafaitbizarre.CommequandJohnnyCashestmort.Onsaitqueçavaarriver,maisçaprovoquequandmêmeunchoc.»

Toutesavie,Mysteryavaithaïsonpèreetsouhaitésafin.Maisunefoissonvœuexaucé,ilétaitperdu,presquegênéd’êtretristemalgrélui.

« les seules fois où on était complices, c’était lorsqu’une belle filleapparaissaitàlatélé.Onéchangeaitunregard,onserinçaitl’œilensilence.»

Quelquesjoursplustard,nousorganisionslepremiersommetdeladrague.Des quatre coins du monde, des V2D venaient proposer leur contribution, etplusieurs centaines de PMF en voie de guérison semassaient dans notre salonpourlesécouter.NoscolocatairesPlayboyetXaneus,formésparPapaetTylerDurdenàlafonctiond’instructeur,ontouvertlesdébats.

EnécoutantPlayboyparler langagecorporel, je repensais àBelgradeet aupremier atelier que j’avais mené avec Mystery. Je revoyais le trop coolExoticoption ; Sasha qui avait sautillé de joie dans la rue après sa premièreconclu-mail;Jerryetsonsensdel’humour.Jelesadorais,cestypes.Jetenaisàeux. Je voulais qu’ils baisent. J’avais suivi leurs progrès à coups d’e-mailspendantdesmois.

J’aiensuitebalayélasalleduregardetn’aiobservéquefrustration,désiretdésespoir. Des chauves portant le bouc – versionsminiatures ou agrandies demoi-même–demandaientàsefairephotographieravecmoi.Debeauxgosses,deceuxquiauraientpuêtremannequins,réclamaientdesconseilsniveaucoupedecheveuxettenue,puissefaisaienteuxaussitirerleportrait.

Deux frères–deuxpuceauxdégingandés–avaient amené leur sœur :dix-neufans,tranquille,malicieuse,grandsyeux,minipoitrine,lookhip-hop.Grâceàses frères, elle savait tout du jeu. Quand des hommes l’abordaient avec desrépliquesmachosmarrantes,elle leur répondait :«Laissez tomber les trucsdeDavidDeAngelo. Jeconnais tout çapar cœur.»Elledisait s’appelerMinet aposéavecmoipourunephoto.

«Jesuisunegrandefandetesmails,m’a-t-elleavoué.—Tuleslis?»luiai-jedemandé,choqué.Elles’estmordulalèvre:«Oui.»Pourmon exposé, j’avais fait venir cinq des filles avec qui je sortais. J’ai

appliqué sur ellesmesméthodes puis ellesm’ont servi de panel d’étude et sesont chargées de critiquer les vêtements et le langage corporel de diversapprentisdragueursprisauhasarddanslasalle.Standingovation.

J’ai ensuite été m’asseoir sur un de nos nouveaux canapés rouge sang,entourédePapa,TylerDurdenetquelques-unsdeleursétudiants.Ilsdiscutaientde la vidéo sur laquelle on nous voyait, Mystery et moi, séduire Caroline etCarly. J’ignorecommentGunwitchs’étaitprocuréunecopieet l’avaitmiseenligne,réduisantànéantlepeud’anonymatqu’ilmerestait.

« C’est trop génial, disait Papa. Tyler Durden a traduit les techniques deStyleenunescience.Ill’appellela“gestionStyle’’.

—Qu’est-cequec’est?ademandéunétudiant.—Unesortedecontrôleducadre»,aréponduTylerDurden.Uncadre,en

langagePNL,désigneuneperspectiveparlaquelleonvoitlemonde.Quiconquepossèdelecadre–c’est-à-direlaréalitésubjective–leplussolideatendanceàdominer les relations. « Style possède un tas de tactiques très subtiles afin de

garderlecontrôleducadreetd’amenerlesgensàsebattrepourlui.Ilveilleàtoujoursêtrelecentred’attention.Encemoment,j’écrisunmailsurlesujet.

—Impressionnant»,ai-jedéclaré.Aussitôt,Papa,TylerDurdenetlesétudiantsontéclatéderire.«Taréplique,

m’aexpliquéPapa,c’estl’undestrucsqueTylermentionnedanslemail.— De quoi ? J’ai juste dit “Impressionnant” parce que je trouve l’idée

mortelle.Sérieux,j’aitropenviedelelire,cemail.»Nouvelaccèsd’hilarité.Àl’évidence,jesombraisdanslacaricature.«C’estça,repritTylerDurden.Tutesersdelacuriositécommed’uncadre

pour entrer en rapport avec lesgens et faireperdre à l’autre savaleur sociale.Quand tu approuvesun truc, comme là, tudeviens l’autoritédominante, et lesautresvontquêtertonapprobation.C’estcequ’onenseigne.

—Merde.Maintenant,dèsquejevaisdireuntruc,onvacroirequec’estunthèmedelaVDS.»

Les rires repartirent de plus belle. J’ai compris alors que je m’étais faitberner : riende ce sur quoiTylerDurden écrivait, je ne l’avais appris dans lacommunauté.Ces tendancesfaisaientpartiedemoi-même,demapersonnalité.EtbienqueTylerDurdensesoitméprissurmesintentions–d’aprèssoncadre,sa façon de voir lemonde –, aucun demes stratagèmes ne lui avait échappé.Chaquecomposantedemoncaractère,illuidonnaitunnometlatransformaitenthème.Ils’apprêtaitàétalermonâmesurSunsetBoulevard.

Chapitre8

Le dernier jour du sommet, Mystery se creusait la cervelle : il comptaitaugmenter le tarif de son atelier de six cents àmille cinq cents dollars. Et ilvoulaitquePapamodifielesiteInternetpourreflétercettehausse.

«Çan’a aucun sens, aprotesté celui-ci.Lemarchénevapas supporter. »Papas’étaitassagi,désormais.Ilpassaitsesnuitsàbossersurlesitedelavraiedynamique sociale et sur le programme Internet affilié. Depuis notreemménagement, je l’avaisvuencompagnied’unefemmetrèsprécisémentunefois.

«C’estmaméthode.Lesgenspaieront.J’aitoutmisaupoint.— Irréalisable, a rétorquéPapa en fixant du regard la poitrine deMystery

pouréviterlaconfrontation.—C’estinacceptable!»Mystery a traversé en trombe le salon, où Extramask faisait un exposé.

Extramaskavaitdébarquéunesemaineavantleséminaireetildormaitquelquepartdanslamaison–oùexactement,jen’enétaispassûr,vuquePapan’avaitplusdeplacardsdans lesquels entasser ses invités.On s’était à peinedit deuxmotsdepuissonarrivée:soitilbossaitpourlavraiedynamiquesocialedanslachambredePapa,soitilservaitd’équipieràTylerDurden,soitilfaisaitdusport.

Jel’aicontempléquelquesminutes.Ilenjetait,avecsont-shirtdéchiréetsacravate défaite. Il racontait aux étudiants qu’il n’avait perdu sa virginité – etmêmetenulamaind’unefille–qu’àvingt-sixansetdemi.Celafaisaitpartiedeson numéro : lui aussi était devenu un gourou. Et, du coup, il avait perdul’innocencequim’avaitfrappélorsdenotrepremièrerencontre.

« Je fais des tas de trucs avec ce machin, et il ne fonctionne même pas,disait-il enmontrant son téléphone portable. Jeme contente de parler dans levide,enjouantleboss,surtoutsijesuismalàl’aisedansuneboîte.Unportable,c’estl’équipierderêve.»

Extramask avait beaucoup de présence et un humour dévastateur. J’auraispréféré qu’il passe plus de temps à s’occuper de sa carrière de comique qu’àenseignerlaséduction.ContrairementàMysteryetàTylerDurden,iln’étaitpasfaitpourça.

J’aisuiviMysterydanslacuisine.Appuyécontrelecomptoir,ilm’attendait.«Papaorganisedesateliersdansmondos.Quelqu’unm’aaffirmél’avoirvuauHighlandsavecsixmecsleweek-enddernier.»

Jeme suis perché sur le comptoir de sorte à pouvoir le regarder dans lesyeux.

«Jevaistebriefervitefait»Jecroyaisqu’ilallaitdéversersabilesurPapa,maisilvoulaitmeparlerdePatricia.EllesortaitavecunBlackrencontrédanssaboîte de strip, et ce dernier l’avait mise enceinte. Il n’était pas question demariage mais elle comptait garder le bébé. Son horloge biologique l’avaitrappeléeàl’ordre.

«J’essaiedevoirçad’unœilobjectif,affirmaitMysteryàcalifourchonsurunechaise,prèsdelatabledupetitdéj’quepersonnen’utilisait.Jenesuispasencolère.Maisçafaitmal.Çamedonneenviedetuerlebébé,etaussicemec»

DanslalistedeslecturesrecommandéesàtouslesV2D,figuraientenbonneplacedesouvragestraitantdelathéorieévolutionniste:TheRedQueendeMattRidley.LeGèneégoïstedeRichardDawkins,SpermWarsdeRobinBaker.Leslirepermetdecomprendrepourquoilesfemmesonttendanceàaimerlescons,pourquoi les hommes multiplient les partenaires, et pourquoi tant de maristrompentleurslégitimes.Onapprendégalementquel’instinctd’agressionquelaplupart parviennent à réprimer appartient à l’ordre des choses.Darwiniste parnature, Mystery avait trouvé dans ces livres la justification de ses tendancesantisocialesetdesondésirdefairesouffrirl’organismequis’étaitaccoupléavecsafemme.Pastrèssain,commeattitude.

Tyler Durden a fait irruption dans la cuisine et a remarqué que Mysterybroyaitdunoir.

«Tusaiscequ’iltefaudrait?luia-t-ilconseillé.UnebonneMD.»LesMD représentaient le remèdeuniverselpourTylerDurden : ily croyait

vraiment.Ladraguepouvaittoutsoigner–ladépression,l’apathie,l’animosité,la colite, les poux.Moi, j’avais emménagé àProjetHollywooddans le but debâtirunstyledevie–TylerDurdenconsidéraitlesMDcommelaseulefaçondevivre. Il n’avait jamais de rancards. Il préférait emmener les filles dans desboîtesdenuitsurSunsetoù,engénéral,illeslâchaitpourendraguerd’autres.

«Ilfautquetusortes.SorsdoncavecStyle,cesoir.Vousjouezsuper-bien,touslesdeux.TutetrouverassûrementunenouvellenanadeuxfoispluschaudequePatricia.»

Alors, les frèrespuceauxsontentrésdans lacuisine,accompagnéspar leursœuretunV2Daucrânerasé.Àcroireque,oùquejemetrouve,unpetitgroupe

seformaitautourdemoietjemeretrouvaiscernédecourtisans.« J’ai trop adoré ton exposé du jour, déclara le V2D chauve. Tu étais

tellement doux et élégant avec ces filles. C’était comme un ballet bienchorégraphié.

—Merci,mec.Tut’appellescomment?—Stylechild.»Pourlapremièrefoisdepuisdesmois,jesuisrestémuet.«C’estunhommageàtoi.»L’écoutantmeracontersaviepathétique,etsadécouvertedelacommunauté

etdemesmails, j’ai remarquéqueMinnemequittaitpasdesyeux. J’aialorsdécidé de ne pas la draguer, parce que c’est ce que faisaient tous les autresparticipantsau séminaire.Misàpart les fillesque j’avais invitées, elleétait leseulélémentfémininprésentàProjetHollywooddurantl’intégralitédusommet.

Cesoir-là,auSaddleRanch,Minvrillaitencoresonregardsurmoi.Ilfallaitquejeluidisequelquechose–maissurtoutpasunerépliquequ’elleaurait luesurleNetouentendudireparsesfrères.

« Écoute, ai-je fini par lancer. Je vais aller m’inscrire pour le taureaumécanique.Çateplairaitdetejoindreàmoi?»

Jenejouaispaslacomédie:letaureaumécaniquem’intéressaittoujours.Àbiendeségards,ilmerappelaitlesétapesdelaséduction.Ilyavaitonzeniveauxqui s’étageaient du ridiculement facile au diaboliquement coriace. Depuis mapremièrerencontreaveccettemachine,jem’étaisfixécommebutd’atteindreledernierniveau–cemythiqueonzièmepalier.Jusque-là,jen’avaispasdépasséledixième.

C’était une ambition complètement vaine, sans la moindre applicationpratique. Mais installez un type ordinaire devant n’importe quoi d’un peuintrigant,etexpliquez-luicommentfonctionnelesystèmedeclassementetqu’ilpeuts’amélioreraveclapratique,etilnepenseraqu’àça.D’oùlapopularitédesjeuxvidéo,desartsmartiaux,deDonjonsetDragonsetdelacommunautédelaséduction.

J’aidemandéauresponsabledelamachinedelaréglersuronze,luiaiglisséunbilletdecinqdollarspourm’assurerqu’ilnesemoqueraitpasdemoi,puisj’aienjambélaclôtureetenfourchélabête.Jeportaisunpantalonencuir–paspourparader,maispourmieuxserrerlesflancsdelamachine.Lelendemaindemontoutpremierpassage,jem’étaisretrouvélescuissescouvertesdebleusetjepouvaisàpeinemarcher.J’avaisalorscompriscequedoitencaisserunefemmequicoucheavecuntypedecenttrentekilos.

J’ai collé mon entrejambe au-devant de la selle, me suis cramponné auxflancsdu taureauet ai levé lamainpour indiquerque j’étaisprêt.Aussitôt, lamachine s’est mise en branle et m’a fait vibrer au point que ma vue s’esttroublée. Inoubliable :moncerveaumanquede sedécollerdemoncrâne,meshanchesdansentlagigue,mesjambessedétachentetmonentrejambepercutelapoignée de la selle à chaque mouvement. Au moment même où j’allais êtredésarçonné,letaureaus’estarrêté.J’avaistenuseptsecondes.

Audépart, j’étais surunpetitnuage. J’avais le sentimentd’avoir réussiunexploit–mêmes’ilserésumaitàrien.Ilnechangeraitrienàmavieniàcelledemesproches.Jenem’expliquaispaspourquoij’avaisàcepointtenuàdomptercettemachine.Ilm’avaitsuffidequelquesminutespournourrirdesremords.

Min m’a dit qu’elle était fatiguée et m’a demandé de la raccompagner àProjetHollywood.

Pasbesoindedessin.Pendantquenousmarchionsbrasdessusbrasdessous,ellem’aparlédeses

grands frères et de leurs difficultés à apprendre à séduire. « Ils sont hyper-protecteurs,ilspètentuncâblequandj’aiunrancard.Maisjecroisquec’estdelajalousie,parcequeeuxn’enontjamais.»

Arrivésàbonport,jel’aiconduiteaujacuzzi.«Monderniercopain,c’étaituncœur.Ilmefaisaittout.Maisjenel’aimais

pas.Ilmesoûlait.Quandj’aicommencéàlirelesmachinssurladraguedemesfrères,j’aicomprispourquoiilnem’attiraitpas,niluiniaucundesmecsdemonécole.Ilssonttoustropchiants.Ilspigentrienaumachomarrant.»

Je me suis mis en boxer et me suis jeté à l’eau, ce qui a apaisé mescontusions.Minm’arejointenpetitetenue.Elleétaitminceetdélicate,unevraiepoupée. Je lui ai pris la main et l’ai attirée contre moi. Elle s’est mise àcalifourchon et nous avons commencé à nous embrasser. Je lui ai dégrafé sonsoutien-gorgeetsucélestétons.Puisjel’aiportée,nueetruisselante,jusqu’àmachambre, j’ai enfilé un préservatif et l’ai pénétrée lentement. Aucune RDM. Àforcedem’admirer,sesfrèresl’avaientconduitedansmesbras.

Minétaitlapremièred’unelonguelistedegroupies.ToutecettehistoiredeV2Dprenaituneampleurdémesurée.Aveclesboîtesdeséductionauxméthodesagressivesquivendaient leursservicesen ligne, lacommunautésedéveloppaitde façon exponentielle, surtout en Californie du Sud, où Sunset Boulevard setransformaitsousnosyeux.

Aucunefemmen’étaitàl’abri.Desgroupesdequinzeétudiantsbattaientlepavécommedesgangs.Deshordesd’ancienspatrouillaientdanstouslesclubs:

leStandard,leDublin’s,leSaddleRanch,leMiyagi’s.Àlafermeturedesbars,à2 heures du matin, ils envahissaient Mel’s Diner, arpentaient les rangées,s’asseyaientàn’importequelletabledumomentqu’unefemmes’ytrouvait.Ilsramenaientdesnanasàlamaisonparcamionsentiers.

Et ils utilisaient tousmes techniques. Ils copiaient la « gestion Style » etdégainaient le test des meilleures copines comme s’il s’agissait d’unaphrodisiaque.Danstouteslesboîtesdenuit,jerepéraisleurscrânesrasés,leursboucsdiaboliques, leurschaussuresqui ressemblaientà s’yméprendreàcellesque j’avais achetées la semaine précédente au Beverly Center. Des versionsréduitesdeStyleavaientprisLosAngelesd’assaut.Etjen’ypouvaisrien.

Chapitre9

MSNgroup:Mystery’sLoungeSujet:Programmed’approchesAuteur:AdonisM’étantfaitvirerdemonjob(tropdetempspassésurleLounge–LOL), je

mesuisinstalléàL.A.lasemainedernièrepourmeconsacreràfondaujeu.Jemesuistoujourssentimalàl’aise,vuquejesuispuceauetlégèrementfrimeur,alorsjemesuislancéundéfi:cumulercentapprochesdanslamêmejournée.Jevais commencer parMelrose, entre LaBrea et Fairfax, samedi après-midi. Jepensepouvoir assurerdix approchesparheurependant cinqheures (cinquanteapproches au total). Quelqu’un connaît le nom du magasin où on trouve desbottesNewRock ?Ensuite, je rentreraime doucher avant deme taper quatrebars sur Sunset : leDublin’s, leMiyagi’s, le Saddle Ranch et le Standard. Jeprévoisdouzeàquinzeapprochesdanschacun.Jedevraispasavoirtropdemalà atteindre la centaine. Même si je me plante chaque fois, au moins jesurmonteraimapeurd’êtrerejeté.

AdonisMSNgroup:Mystery’sLoungeSujet:125approchesAuteur:AdonisLesmecs,j’aicartonnécesamedi:125approches!Phénoménal!!Avantd’y

aller,j’aiécoutélacassettedeRossJeffriessurlaconfianceensoiabsolue.Çam’avachementaidé.Jem’imaginaisengéantdedouzemètresdehaut, toutendiamant,quepersonnenepouvaitblesser.

Comme intro, j’ai utilisé un classique de laVDS : « Quiment le plus, leshommes ou les femmes ? » Au début, les TBM me regardaient bizarrement,commesij’étaisunflic.C’estauSaddleRanchqueçaavraimentcommencéàlefaire.J’aibiendûyabordertouteslesclientes.UneTBM8/10m’aproposédemedonnersonadressee-mail,j’aitentélaconclu-T’etçaafoiré.Merde!Leçonretenue.Ensuite,directionleStandard,oùilyavaitdéjàdeuxateliersencours.

Touslescerclesoupresqueavaiententendulafameuseintrodesmenteurs,jemesuisdoncmisàaborderdanslarue.

Jerecommandeçaauxpetitsnouveaux.(ÀconditiondevousêtrehabituésàvosbottesNewRock–loi!)Ducoup,maintenant,j’aidécidédetenterles1000approchesd’icilafindumois.Àcemoment-là,jedéchireraitout,niveauintros,etjenemesentiraiplusintimidéparlesfemmes.

AdonisMSNgroup:Mystery’sLoungeSujet:Ma1000ᵉapprocheAuteur:AdonisLeschiffressontformels :commepromis, j’aiatteint lesmilleapproches!

Avecquatrejoursd’avance,même.Etjepeuxvousdirequ’ilexisteautantdefaçonsdesefairejeterouignorer.

Çamelaissefroid:depuisquanduneinconnuedevrait-elleavoirlecontrôlesurcequejepensedemoi?

L’autretrucquej’aiappris,c’estqu’ilfautdéfierouintriguerlesTBMdirect,plutôt qu’essayer d’être logique ou factuel. Maintenant, j’arrive à tenir dix àquinzeminutesdansuncercle.Jemesuismisàla«gestionStyle»(pasfacile,au début). Mais j’ai moins de mal à maîtriser les cercles, malgré ma taille(1,62Â cm).Des fois, j’arrivemême à isoler la cible et à lui faire le coup ducube. Voire (plus rarement) à récupérer son tél. J’ai l’impression d’êtrequelqu’un de nouveau, de plus confiant, de désinhibé.Avant, j’étais tellementanxieuxetmaladroitquelesgensm’évitaient;àprésentquandjemarchedanslarue,jerayonne.EtlesTBMlesentent.Jelerecommandeàtoutlemonde.Lejeuenvautlachandelle.

Lemoisprochain,jetravaillematechniqueautél–jeviseles1000coupsdefil–lol.Àcerythme-là,jedevraisréussiràniquerd’idlafindel’année.

Adonis

Chapitre10

MSNGROUP:Mystery’sLoungeSujet:Êtes-vousunautomate?Auteur:StyleVousn’avezjamaisremarquéunechosebizarrechezbeaucoupdemecsdela

communauté?Commesi,dupremiercoupd’œil,onvoyaitqu’il leurmanqueun truc. Ils

n’ontpasl’airentièrementhumains.Certains d’entre eux se débrouillent bien sur le terrain. Ils récoltent des

super-réactions–parfoismêmedesnumérosetdescoupsdereins–maisonnelesvoitjamaisavecunecopine.

Êtes-vousl’und’entreeux?Pourlesavoir,posez-vouslesquestionssuivantes:Est-cequelapaniquemegagnesijemeretrouveàcourtde«techniques»

pendantuneconversationavecunefemme?•Est-cequejepensequetoutcequ’unefemmemeditestàcentpourcent

unemiseàl’épreuve?•Est-cequejeconsidèretoutmâleeninteractionavecunefemmecommeun

MAGàéliminer?•Suis-jeincapabledediscuterd’unefemmesansdemanderd’abord«Tului

mettraiscombien?»• Est-ce que j’appelle les femmes avec lesquelles je ne couche pas des

«pivots»plutôtquedesamies?• Si je me retrouve avec une femme dans un cadre non festif (réunion

d’affaires,rendez-vousmédical),est-cequejeressensunedécharged’adrénalinequim’obligeàl’aborder?

• Est-ce que les sujets sans rapport avec la drague (livres, films, amis,famille,travail,études,bouffe,eau)ontperdutoutintérêtàmesyeux?

• Mon amour-propre est-il constamment à la merci des réactions desfemmes?

Sioui,vousêtespeut-êtredevenuunautomate.

Laplupartdesdragueursque jeconnaisappartiennentàcettecatégorie,enparticulier ceux qui ont découvert la communauté entre quinze et vingt-quatreans.Commeilsn’ontpasunegrandeexpériencedelavie,ilsontapprisàétablirdesrelationsensefondantpresqueentièrementsurdesrèglesetdesthéoriesluesenligneouapprisesdansdesateliers.Ilsneredeviendrontpeut-êtreplusjamaisnormaux.Aprèsvingtminuteshyper-agréablespasséesaveccesautomates,unefemmecomprendqu’ilsn’ontriend’autreàluioffrir.Etaprès,cesontlesmecsquiseplaignentsurleNetdes’êtrefaitposerdeslapins.

Les forums de discussion et le style de vie des dragueurs, on y gagneénormément–j’ensaisquelquechose–maisonpeutaussiyperdrebeaucoup,etfinir par devenir un être unidimensionnel persuadé que tous les gens sont desautomates.Ducoup,onanalysetropleursactions.

Lasolution,c’estdenejamaisoublierquelemeilleurmoyendedraguerunefemmeestd’avoiruneoccupationàcôté.Certainslaissenttouttomber–études,boulotetmêmecopines–pourapprendreàjouer.Maiscesontceschoses-làquivous rendent complets et par conséquentplus séduisants.Alors reprenez-vous.Faites quelque chose de votre vie et les femmes tomberont comme desmouches;toutcequevousaurezapprisicivousaideraàlesconquérir.

Style

Chapitre11

«Jenepeuxpasordonnerauxétudiantsdenepass’inscrireàtesateliers.»MysteryetPapasedisputaientencore.«Tuenasadmistrop,ditMystery,àboutdenerfs.Çanem’amusepas.Et

c’estpasjusteenverseux.—Ettun’arrangespasmesaffaires.»Papaavaitlavoixindignéetellement

ilrefoulaitsafrustration.«Trèsbien!T’asqu’àenlevermonnomdetonsite.Notrecollaborationest

terminée.Jeneveuxplusrienavoiràfaireaveclavraiedynamiquesociale.»Leurpartenariatétaitcondamnédèsledépart,detoutefaçon.Lelendemain,HerbalproposaitàMysterydes’associeraveclui.Commes’il

avaitattendulebonmoment,tapidansl’ombre,pourselancerdanslebusiness.DepuissonarrivéeàProjetHollywood,iln’étaitpassortiavecuneseulefemme,àpartSima,uneex-RUMdeMysteryquiavaitquittéTorontopourLosAngeles.QuandMysteryetelleavaientcommencéàsetapersurlesnerfs,peuaprès,elleavaitenvoyésespremiersIDIàHerbal.Aulieudes’énerver,MysteryavaitprisHerbalàpartet luiavaitexpliquéendétailcommentconclure.SimaetHerbalavaientfinilasoiréepardesgalipettes.Cettehistoireavaitrenforcél’amitiédesdeux hommes, qui semblaient indifférents à un problème qui n’avait pourtantéchappéàpersonne:ilsavaientcrééunprécédent.

LorsqueHerbal s’estmis à bosser pourMystery, lamaison s’est retrouvéecoupée en deux. D’un côté la vraie dynamique sociale, retranchée dans lachambredePapa;del’autrelaméthodeMystery,quioccupaitlerestedeslieux.

J’étais leseul résidentàn’êtreemployénipar lesuns,nipar lesautres,cequi n’a pas empêché Papa de me snober au même titre que ses concurrents.J’étais coupable par association. Si par hasard Papa etmoi tombions l’un surl’autre,ilm’adressaitunbrusquesalut,sanss’arrêternimêmemeregarder.

Il n’était pas en colère. Il fonctionnait simplement suivant un programmedontilm’excluait.Bizarre:laplupartdesrobotsneseprogrammentpasseuls.

Entre-temps, toutes les règles instaurées lors de notre premier « conseilcasa » avaient été contournées et ignorées. Nous ne savions pas combiend’étudiants, de dragueurs et demoniteurs Papa entassait dans sa chambre. Ils

grouillaientcommedesratsdéguisésenpaons.Nousnenousembêtionsmêmeplusàfermerlesportesàclé.

Ses dernières recrues étaient deux stagiaires qui lui ressemblaient, en plusjeunes.Personneneconnaissaitleursnoms.Nouslesappelionslesmini-Papa.

Lesmini-Papa témoignaientde lamême froideur àmonégard,mais ilsneme lâchaient pas d’une semelle. Ils observaient mes moindres mouvements,commesim’espionnerétaitunemissionqu’onleuravaitconfiée.JelestrouvaisparfoisauMel’sDineravecTylerDurden.Ilsparlaienttouslestroisdemoi.

«Ilrepositionnesoncorpspourdirigerlaconversationverslui.»«Desfois,ilquittelapièce,pourcréerunmanque.»«Situsorsuneblague,ilsurenchéritpourtevolerlavedette.»« Si quelqu’un lui demande de lui faire voir un thème, il répond “Sur le

terrain”,pourqueça se fassequand il ledécide, etque lapersonne l’apprécieplus.»

Ilsnemecritiquaientpas.Ilsessayaientdem’imiter.Maisbizarrement,ilsnetraînaient jamais avecmoi comme des potes. Tout ce qu’ils voulaient, c’étaitécouter,absorberetprendredesnotes.Jemesentaisdéshumanisé.Maisbon,àProjetHollywood,personnen’étaitvraimenthumain,alors…

Ilfallaitquejemesortedeceguêpier.Coup de bol,RollingStone voulait que jem’attaque à un autre sujet. Son

nom:CourtneyLove.L’interview,quidevaitdureruneheure,setenaitauxbureauxnew-yorkaisde

VirginRecords.Àl’époque,Courtneyétaitausommetdesoninfamie.Danslamême semaine, elle avait montré ses seins pendant l’émission de DavidLetterman;onl’avaitvueàlauneduNewYorkPost,unnichondanslabouched’uninconnudevantWendy’s;elles’étaitfaitarrêterpouravoirfrappéunfanàlatêteavecunpieddemicropendantunconcert.Cerisesurlegâteau,elleétaitenpleinprocès(àcaused’unehistoirededrogue)etvenaitdeperdrelagardedesafille.Cetteinterviewétaitlapremièrequ’elleaccordaitdepuisledébutdesesdéboires.

Quand je l’ai retrouvée,Courtney portait une robe noire avec une écharpeélégamment drapée en travers de sa poitrine. Elle avait les lèvres rouges etpleines. Malgré tous les gros titres des tabloïds qui mentionnaient son nom,Courtneysemblaitenforme:pâle,mince,sculpturale.Celadit,sonécharpen’apastardéàsedénoueretàpendouillerderrièreellecommeunequeue,etiln’estplusrienrestédesonrougeàlèvres.Onauraitditunemétaphoredesavie,eneffilochagepermanent.

«Lesgars,sivousattendezquejecrève,préparez-vousàpoireauterunboutde temps»,a-t-ellecommencé. J’étais le journaliste ; je représentais l’ennemi.«Magrand-mèren’estmortequ’àcentdeuxans.»

LesV2Dappellentçaunbouclierdesalope.Cesattaquesn’avaientriendepersonnel, elles constituaient un mécanisme de défense. Courtney ne medéboussolerait pas si facilement. Je devais établir un contact, lui prouver quej’étaishumain,pasunesangsuedeplus.

«Lamienne,degrand-mère,medonneencoredescauchemars,ai-jedit.Ladernière fois où j’ai failli la voir, on prévoyait d’aller à l’Art Institute deChicago. Et j’ai grillé cette opportunité parce que je voulais faire la grassemat’.»

Nousavonsbavardéunmoment.Courtneyn’aimaitpastropsafamille.C’étaitunbondébut.Unpeuplus tard, j’ai touché lepointd’accroche.Courtneya levé lesyeux

versmoi et s’est dévoilée. Elle a rougi, lesmuscles de sesmâchoires se sontcontractés,etdeslarmesontcoulélelongdesesjoues.«J’aibesoinqu’onmesauve,a-t-ellepleurniché.Ilfautquetum’aides.»

Là,lerapportétaitétabli.Rapportégaleconfianceplusbien-être.Àlafindel’heureprévue,Courtneym’aproposéd’échangernosnuméros.

Elleaditqu’ellem’appelleraitdans la soiréepourcompléter l’interview.Quelsoulagement : une discussion dans les locaux d’unemaison de disques, ça nedonnepasunprofil passionnant.TomCruise, lui, aumoinsm’avait initié à lamotoetàlascientologie.

Unpeuplustard,j’aicroisédevieuxcopainsdefacauSoHoHouse,unclubprivédanslequartierdesabattoirsàManhattan.Jenelesavaispasrevusdepuismonentréedanslacommunauté,etc’estàpeines’ilsmereconnaissaient.Ilsontpasséunedemi-heureàmerappelercombienj’étaistimideetintroverti.Puisilsont parlé boulot et cinéma. J’ai essayé de participer à la conversation, maisj’avais du mal à me concentrer. Les mots rentraient dans mes oreilles et s’yaccumulaientcommedesbouchonsdecire.J’avaisl’impressiondeneplusêtredes leurs. Par chance, une Amazone avec des cuisses aussi épaisses que destroncsd’arbreetunepoitrinerefaitealongénotretable.Ellemedépassaitd’unebonnetêteetavaitl’airpompette.

«Z’auriez pas vu une fille coiffée d’un chapeau de cow-boy noir ? elle ademandéavecunaccentallemandsaccadé.

—Restezdoncici.Vousvouséclaterezplusqueparmivoscopines.»

UnerépliquedeDavidDeAngeloquiafaitmouche.Lafilles’estassiseetademandéunecigarette.

J’aipassélerestedutempsàdiscuteravecelle.Parfois,ellem’entraînaitauxtoilettesoùjelaregardaissnifferdelacokeenquantitésastronomiques.

« Est-ce que tu mates Sex and the City ? » m’a-t-elle dit alors que noussortionsdeswcpourlatroisièmefoisdelasoirée.

«Çam’arrive.—Jeviensdem’acheterunchapelet,elleaproclamé,avecunefiertétoute

teutonne.—Génial.»Jenevoyaispascequ’ellevoulaitdire.«C’estcool.Avectoutescespetitesperles.—Ah,lesperles.Ouais,c’estgénialcestrucs.»J’étaisperdu.Maisçameplaisaitde l’écouter,d’admirer lecontrasteentre

sonaccentrudeetseslèvrespulpeuses.Peut-êtrequ’elleparlaitdeperlesanales.Tantmieuxpourelle.

Jemesuisappuyécontrelemurducouloir.«Tutemettraiscombien,suruneéchelledeunàdix,niveaubaisers?

—Dix.Jelesaimedoux,lents,taquins.Jedétestequ’onmefourresalanguedanslagorge.

—Mouais, j’avais une copine comme ça. J’avais l’impression d’emballerunevache.

—Jesuislareinedespipes.—Respect.»J’avaismisdesmoisàconcoctercetteréponse.Certainesfemmesbalancent

des remarques très crues quand elles rencontrent un homme, pour lemettre àl’épreuve.Siletypeestmalàl’aise,raté;s’ilmordàl’hameçonetréponddansle même registre, encore raté. La solution, je l’ai trouvée chez le comiquebritanniqueAliG:ilfautregarderlafilledanslesyeux,acquiesceret,unpetitsourire aux lèvres, dire, « Respect », comme un M. Je-sais-tout. J’avais desréponsespourpresquetouteslesmisesàl’épreuvepossibles.Maislà,c’étaittropfacile.Ils’agissaitdenepascommettred’erreur.

Je me suis tu et ai lancé ce que les V2D appellent le regard triangulaire,passantlentementdesonœilgaucheàsonœildroitpuisàsabouchepourcréerunetensionsexuelle.

Lafilles’estjetéesurmoi.Etafourrésalanguedansmagorge,commeunevache.Ensuite,elles’estécartée.«Parlerdebaiser,çam’aexcitée.

—Allons-nous-en»,ai-jelâchéenmedécollantdumur.

Nous sommes redescendus par l’ascenseur et avons appelé un taxi. Elle adonné au chauffeur une adresse dans l’EastVillage. Jeme suis dit qu’ellemeramenaitchezelle.

Elle m’a enfourché et a sorti un sein énorme de son pull sans manches.J’étaissansdoutecensélelécher.

Le taxinousadéposésdevantson immeubleetnoussommesmontéschezelle.Elleaalluméunelampequiaprojetéunelueurternedanslapièce,puisamisGoat’sHeadSoupdesStones.

«Jevaismettremonchapelet,annonça-t-elle.—J’attendsqueça.»Etc’étaitvrai.Allongé sur le lit, je me suis rendu compte que j’avais oublié de dire au

revoiràmespotes.Enfait,jelesavaisignorésduranttoutelasoirée.Ladragues’étaitabattuecommeunrideauentremonpasséetmoi.Maisquandmacopineest reparue avec son chapelet, j’ai décidé, dans le feu de l’action, que manouvellevieenvalaitlapeine.Cen’étaitpasdutoutdesperlesanales,maisuneculotte fendue, dont l’avant et l’arrière étaient reliés par de petites perlesmétalliques.

MonAmazoneétaitsûrementsortiedanslebutdetrouverquelqu’unàquilamontrer.Serviable,j’aifrottélesbillesdoucementsursonsexeetsonclitoris.Jecroyaisquec’étaitfaitpour,sansenêtrecertain,vuqu’uneminuteplustard,lachaînes’estbrisée.Ellependouillaitentrelescuissesdelafillecommelaficelled’untampon.

Voilà,voilà…«Jevaismechanger.»Sniffezunebassinedeblanche,vousm’endirezdes

nouvelles.Elleasurgienjambièresdecuir,s’estcouchéeprèsdemoietaencorerepris

delablanche.Puiselleenasaupoudrésonseingauche.Lesdrogues,jen’ensuispasfan.TenirsonrangdeV2Dexigeaitdegarder

le contrôle, s’éclater ne nécessite donc pas d’alcool ni de drogues. Quitte àprendredelacoke,autantyallergaiement.

Touteslesfemmessontdifférentes,aulit.Chacuneasesgoûts,sescaprices,ses fantasmes. Et l’apparence n’indique jamais précisément la tempête ou lecalmeplatquirègneendessous.Lemomentoùl’onatteintcetinstantdevérité–l’abandon, l’honnêteté, la révélation– représenteceque jepréfèredans le jeu.J’adorevoirapparaîtrelanouvellefemme,discuteravecelleaprèsnosorgasmesmutuels.J’aimelesgens,voilàtout

Jemesuispenchésurleseindel’Amazoneetaitendumanarinegauche.Jeflippaisunmax:jenevoulaispasresterdebouttoutelanuitetjemedisaisquelacokerisquaitdesapermonendurancedegentleman.

Nonpasquejesoisungentleman,maisbon…Là-dessus,untéléphoneasonné.Monportable.«Fautquejedécroche.»Jemesuislevéd’unbond,renversantsapoussière

d’angesurlesdraps,pourattrapermontéléphone.J’avaisunpressentiment.«Dis,tupourraispasser?»CourtneyLove.«Essaiedetrouverdesaiguilles

d’acupuncturedansChinatown–lesgrandes,cellesquifontleplusmal.Prendsaussidudésinfectantetducoton.»

Chapitre12

«Celle-ci, c’est pour la vésicule biliaire,m’a expliqué Courtney Love enmeplantantl’aiguilledanslajambe.

—Euh,tucroispasqu’ilvaudraitmieuxlaisserçaàunprofessionnel?—Jefaisçadepuisquejesuistoutepetite.Maislà,tueslepremieràquije

le fais depuis un bonmoment. » Elle remua l’aiguille. «Dis-moi quand tu lasens.»

Aïe.Unedéchargeélectrique,OK.Çasuffit.Mon interview de Courtney Love s’était transformée en soirée pyjama

surréaliste. En soixante-douze heures, je n’ai quitté son loft à Chinatown quepourallerchercheràmanger.Dansles465m2duloftnetrônaientqu’unlit,unetéléetuncanapé.

Vêtue d’un t-shirt et d’un pantalon de jogging, Courtney se cachait : despaparazzi,desonmanager,dugouvernement,delabanque,d’unhomme,d’elle-même. J’étais en boxer, sur le canapé, une dizaine d’aiguilles fichées dans lecorps.Au fildesheures, lesabordsdeson lit s’étaientcouvertsdemiettes,demégots, d’habits, d’emballages alimentaires, d’aiguilles et de bouteilles debière;danslemêmetemps,sesdoigtsetorteilss’étaientnoircisdecrasse.Elleavaitpeurneserait-cequederépondreautéléphone,aucasoùonl’appelleraitpour«luiapprendredesconneriessuruntrucàlacon».

Nousétionsfaceàface:journalisteetrockstar,joueuretpartenaire.ElleainséréleDVDdeBoogieNightsdanssonlecteur,puisagrimpésurle

litets’estpelotonnéesousunecouverturesale.«Lesmecsavecquijesors,jeleurdemandetoujours“C’estquoi,taplusgrandepeur?”Mondernierendate,c’étaitdeperdrepied,etc’estcequiluiarriveencemoment.Leréalisateurdeclipsquim’obsèdecestemps-ci,c’estl’échec.Etmoi,jevislamienne:lapertedepouvoir.»

De tous ses problèmes, celui qui semblait la dévorer était d’ordresentimental.Leréalisateurdeclipsneretournaitpassescoupsdefil.Touteslesfemmesconnaissentcettesituation,qu’ellessoientbellesoulaides,célèbresouanonymes.

« J’ai une théorie. Il faut coucher trois fois avecunmecpour qu’il tombeamoureux.Etjen’aicouchéavecluiquedeuxfois.Plusqu’uneetilestàmoi.»

Ce réalisateur s’était emparé de son cœur en jouant au push-pull. Il laraccompagnait jusqu’à sa porte, l’emballait, puis disait qu’il ne pouvait pasentrerchezelle. Ilappliquait,sciemmentounon, la techniquedesdeuxpasenavant,unpasenarrièrechèreàDavidDeAngelo.

«Si tuveux l’avoir, lisdoncTheArtofSéductiondeRobertGreene.Tuytrouverasdesstratégies.»

Elleaécrasésonmégotparterre.«Touteaideseralabienvenue.»TheArtofSéductionétaitunclassiquedelalittératurededrague,aumême

titrequeThe48LawsofPower(«Les48Loisdupouvoir»),dumêmeauteur.DansTheArtofSéduction,Greeneétudielesplusgrandesscènesdel’histoireetde la littérature et y puise des thèmes communs. Il classe les séducteurs (leringard, l’amant idéal, le séducteur-né, etc.), les cibles (les comédiennes, lessauveteuses,lesvedettesdéchues)etlestechniques,letoutenutilisantunjargonàlui(«approcheindirecte»,«envoidesignauxmêlés»,«passerpourunobjetdedésir»,«isolerlavictime»).

«D’oùtuleconnais,cebouquin?—Çafaitunanquejefréquentelesmeilleursdragueursdumonde.»Elles’estredresséesurlelit.«Raconte,raconte»,s’est-elleécriée,excitée

commeuneécolière.Mieuxvalaitparlerdeladraguequed’autrechose:onenrevenaitinvariablementàsesdémêlésaveclajustice,lesmédiasoulagardedesafille,etcessujetslafaisaientpleurer.

Je lui ai parlé de la communauté et de ProjetHollywood, elle buvaitmesparoles. Pas facile, cela dit, de mener une conversation sérieuse quand on adouze aiguilles fichées dans le corps. « Il faut que je les rencontre. Tu croisqu’ilssontaussifortsqueWarrenBeatty?

—Aucuneidée.Jeneleconnaispas.»Courtney est descendue du lit et m’a frictionné à l’huile de patchouli les

pieds,lesjambesetlapoitrine,autourdesaiguilles.«Jepeuxt’assurerqu’ilsaityfaire.

—J’adoreraislevoiràl’œuvre.—C’estunas.Unefois,ilm’appelleetmedit,“Salut,c’estmoi”,commesi

j’étais censée le remettre direct. Ensuite, il essaie de me convaincre de venirpasserlanuitchezlui.Finalement,jecède,làiléclatederireetm’annoncequ’ilest à Paris. Un truc de dingue. Le mec, il se mouche et après il donne sonmouchoiràlanana.»

C’était un neg. Warren Beatty balançait des negs. Tous les dragueurs,consciemment ou non, utilisent les mêmes principes. La différence entre lesmembres de la communauté et les loups solitaires comme Warren Beatty(célibataire), Brett Ratner et David Blaine, c’est que nous baptisons nostechniquesetenfaisonsprofiterles,autres.

« Je comprendspas sonproblème, au réal, repritCourtney. J’ai une chattemagique.Situmebaises,tudeviensroiJesacrelesrois.»(Traduction:situlabaises,tudevienscélèbre.)

Ellem’aretirélesaiguilles.Ouf.«Ilfautquetuessaiesdanslatête.C’estlàlemieux»

Farfouillant par terre, Courtney en a pêché une sale. Elle a visé juste au-dessusdemonœil.

«Nonmerci.J’aieumadose.—Tentelecoup.C’estsuperpourlefoie.—Monfoievatrèsbien,merci.»Ellealaissétomberl’aiguille.«OK.JesorsacheterdesRiceKrispies.»Ellearetirésaroberoseense tortillantets’estplantéedevantmoiseinsà

l’air.«C’estdesvrais,avecjusteunpeudesiliconepourlesrelever»,déclara-t-

elleenmemontrantunecicatricesouslegauche.«Tusaiscombiençavaut,unephotodemesnichons?Neufmilledollars.

—Voilàquidevraitrésoudretesproblèmes.—Que tucrois»,a-t-elle répliquésèchement, toutenseglissantdansune

robedelolitanoireetblanche.Elle est rentrée rouge d’excitation. Elle a sorti un gâteau de son sac, l’a

coupé en deux et a regagné le havre du lit en laissant une traînée demiettesderrièreelle.«Faisonsunpari,dit-elle.

—Dugenre?—Jetepariequejepeuxrécupérerleréal.—Çam’étonnerait.S’ilne répondpasquand tu l’appelles,c’estque tune

l’intéressespas.— Dans le Post, il a même nié avoir couché avec moi. » De ses doigts

noircis,ellemetenditunemoitiédegâteau.«Maisj’aimelesdéfis.—Situarrivesàlerécupérer,c’estquetuesmeilleuredragueusequemoi.—Alors,onparie?—Qu’est-cequ’onjoue?

—Sij’arrivepasàlerécupérer,tuasdroitàunesemainedebaiseavecmoi,oùtuveux.»

Je l’ai regardée, confus. La surprise m’empêchait de saisir le sens de sesparoles.

«Oubientupeuxchoisirledeuxièmeprénomdemonprochaingosse.C’esttoiquivois.

—OK.—Maisilyaunecondition:touslesdragueursquetuconnaisdevrontme

donneruneheuredeconseils.»Quandestvenuel’heuredemondépart,Courtneyestdescenduedulitetm’a

embrassé.«J’ai tropbesoindeniquer,a-t-elleditpendantquej’attendais l’ascenseur.

Faudraitqu’unmec,unvrai,seramèneetmenique.»Je savais que j’aurais pu faire l’affaire. Les idi étaient là. Mais les V2D

suivent un code d’honneur, comme les joueurs et les journalistes. Et coucheravecCourtneyLoverevenaitàviolercestroiséthiques.

Cequej’avaisditàDustin,l’autrematin,dansmonappartement,n’étaitpasun mensonge : la drague n’avait pas seulement enrichi ma vie sexuelle. Lescompétences que j’avais amassées dans la communauté faisaient de moi unmeilleur intervieweur. Je l’aidécouvertquandonm’aconfiéunentretienavecBritneySpears.

Chapitre13

Avais-tubeaucoupdepressionpendantlapréparationdel’album?Hein?Dequoi?Est-cequetoioutonlabelvousaviezlapressiondedevoirsortirunméga-

tubecettefois?Aucuneidée.Aucuneidée?Aucune.J’aicrucomprendrequetuavaisenregistréuntitreaveclesDFAquin’estpas

surl’album?Tupeuxm’expliquerpourquoi?C’estquilesDFA?Desproducteursnew-yorkais,JamesMurphyetTimGoldsworthy,c’estleur

pseudo.Çateditquelquechose?Ahoui,ilsontpeut-êtrefaituntruc.MoninterviewavecBritneySpearsn’allaitnullepart. Je l’ai regardée : les

jambescroisées,ellesetortillaitsurlecanapédesachambred’hôtel.Elles’enfichaitroyalement.Jen’étaisqu’uneplagehorairedesonemploidutemps,dontelletoléraitlaprésence–mal.

Ses cheveux étaient fourrés sous un chapeau blanc Kangol, et ses cuissesmenaçaientdefairecraquersonjeandélavé.Enpersonne,l’unedesfemmeslesplusdésiréesaumonderessemblaitàuneétudiantedusuddesÉtats-Unisélevéeau grain. Malgré son joli visage, légèrement et parfaitement maquillé, elledégageait un je-ne-sais-quoi de masculin. Comme icône sexuelle, elle n’avaitriend’intimidant;jel’imaginaissolitaire,

Changementdevitessedansmatête.Unseulmoyenpoursauvercetteinterview: jedevaisdraguerBritney.Peu

importe le pays, l’âge, le rang social ou la race de la cible, le jeu fonctionnetoujours.Enplus,avecBritneySpears,jen’avaisrienàperdre.Sesréponsesnepouvaientpasêtrepluschiantes.Quisait?J’entireraispeut-êtreunedéclarationpotable.

J’ai replié ma liste de questions et l’ai rangée dans ma poche arrière. Jedevais traiterBritney commen’importe quelle fille speedée dans une boîte de

nuit.Premièreétape,accrochersonattention.«Jevaistedireuntrucàproposdetoiquelesautresnesaventsansdoute

pas.Lesgenstecroientsouventtimideouvacheenprivé,alorsquec’estfaux.—Complètement.—Tuveuxquejet’explique?—Ouais.»Jecréaisune«échelledeoui»enluiposantdesquestionsqui

appellentuneréponseaffirmativeévidente.«Jeregardetesyeuxquandtuparles.Etchaquefoisqueturéfléchis,tules

baisses vers la gauche. Ça prouve que tu es kinesthésique. Tu vis dans tesémotions.

—OhmonDieu.C’estcomplètementvrai.»Unpeu,quec’étaitvrai.J’avaisdéveloppécettetechnique: lesyeuxd’une

personne plongée dans ses pensées peuvent adopter sept positions, chacuneindiquantqu’elleaccèdeàunecertainezonedesoncerveau.

BritneySpearsétaitpendueàmeslèvrespendantquejeluienseignaisàlirelesdifférentstypesdemouvementsoculaires.Elleadécroisélesjambesets’estpenchéeversmoi.

Àmoidejouer.«Jenesavaispastoutça.Tuenasentenduparleroù?»J’ai eu envie de répondre : « Dans une société secrète de dragueurs

internationaux»Jemesuisbornéàun:«C’estuntrucquej’aiobservéàforcedefairedes

interviews.Onpeutdevinersilesgensmententrienqu’enrepérantladirectiondeleurregard.

—Alorstulesauras,sijemens?»Ellemevoyaitsousunangledifférent.De simple journaliste, j’étais devenu un individu susceptible de lui apprendrequelquechose,deluioffrirdelavaleurajoutée.J’avaisdémontrémonautoritésursonunivers.

«Lesmouvementsdetesyeux,tonlangagecorporel,tamanièred’observerlesgens,deparler,toutçamelemontrera.Ilexistemilleetunefaçonsdes’enrendrecompte.

— Faut que je prenne des cours de psychologie, a-t-elle affirmé avec unsérieux touchant. Ça m’intéresserait trop d’étudier les gens. » Ma techniquemarchait. Britney Spears s’ouvrait à moi. Elle parlait non-stop : « Et si turencontresquelqu’unousitusorsavecunmec,t’arrivesàdire,“Jesaisqu’ilestentraindementir”?Mincealors.»

Ilétaittempsdedégainerl’artillerielourde.«Jevaistemontreruntrucsuper-cooletaprèsonreprendral’interview,j’ai

enchaîné en balançant une contrainte horaire pour faire bonne mesure. Uneexpérience.Jevaisessayerdeliredanstespensées.»

J’aialorsutiliséuneastucetoutebêtevisantàdevinerlesinitialesd’unvieilamiavecquielleavait tisséun lien–unepersonneque jeneconnaissaispas,dont je n’avais jamais entendu parler et dont les initiales étaient G.C. J’en aitrouvéunesurdeux.C’étaitunnouveauthèmequejerodais,maispourelle,çasuffisaitamplement.

«Pascroyable!Jemeprotègesûrementtrop,c’estpourçaquetun’aspastrouvélesdeux.Essayonsencore.

—Oui,maisàtoidechercher,cettefois.—Çamefaitpeur.»Britneys’estmordillélesdoigts.Elleavaitdegrandes

dents–desCparfaits.«Jen’yarriveraipas.»Elle n’était plus Britney Spears, mais un simple c-i, une cible isolée. Ou,

pourreprendrelaterminologiedeRobertGreene,unleadersolitaire.«Onvafaireplussimple.Jevaisécrireunchiffre.Unchiffreentreunetdix.

Jeveuxquetutevidesl’esprit.Tudoisfaireconfianceàtoninstinct.Onn’apasbesoinde talent particulier pour lire dans les pensées.Fais le silence en toi etécoutebientessensations,c’esttout.»

J’ainotéunchiffresurunboutdepapieretleluiaitendu.«Maintenantdis-moilepremierchiffrequeturessens.—Etsijemeplante?Jevaissûrementmeplanter.—Tupensesàquoi?—Sept.—Retournelepapier.»Elle l’a retourné lentement, comme si elle avait peur, puis l’a levé à la

hauteurdesesyeuxetavuungrosseptquiladévisageait.Elle a poussé un cri, bondi du canapé et couru jusqu’à un miroir. Elle a

regardésonrefletbouchebée.«OhmonDieu.J’airéussi.»Onauraitditquesevoirdanslemiroirluipermettaitdes’assurerqu’ellene

rêvaitpas.«Mince alors. J’ai réussi. » Elle ressemblait à une petite fille qui verrait

BritneySpearspourlapremièrefois,àunevéritablefan.«J’étaissûrequec’étaitsept!»a-t-elleditenrevenants’asseoiraupasde

course. Évidemment, qu’elle le savait.Mysterym’avait appris ce tour lors de

notrepremieratelier.Donc, oui, je l’avais menée en bateau. Mais elle avait bien besoin de ce

remontant.« Tu vois, au plus profond de toi, tu connais déjà toutes les réponses.

Simplement,lasociétét’entraîneàtropréfléchir.»Là,j’étaissincère.« Trop cool, cette interview ! Elle me plaît grave ! C’est la meilleure

interviewdetoutemavie!»PuisBritney Spearsm’a regardé bien en face, droit dans les yeux, etm’a

demandé,«Onpourraitarrêterlemagnéto?»Nousavonsalorsparlédespiritualité,d’écritureetdenotreviependantun

quart d’heure. Britney n’était qu’une enfant perdue en pleine pubertéémotionnelle. Elle cherchait des repères tangibles, quelque chose de moinssuperficielquelagloriolepopetlaflagorneriedesesgardes-chiourme.Jel’avaismiseenvaleur,nouspassionsmaintenantàunephaseplusintime.Peut-êtrequeMysteryavaitraison:touteslesrelationshumainessuiventlamêmeformule.

Rapportégaleconfianceplusbien-être.En attendant, j’avais un boulot à terminer. J’ai enclenché de nouveau le

magnétophone et reposé mes premières questions, plus d’autres. Cette fois,Britneymedonnaitdevraiesréponses,desréponsesutilisables.

Àlafindel’heure,j’aiéteintl’appareil.«Tusais,m’aditBritney.Ilyauneraisonderrièretoutechose.—Jesuisd’accordavectoi.— Je le crois. » Elle a posé la main sur mon épaule, le visage radieux.

«J’aimeraisqu’onéchangenosnuméros.»

Chapitre14

L’interviewterminée,BritneyestalléesechangerpourMTV.Elleestrevenuedixminutesplustard,accompagnéedesonattachéedepresse.

Quand Britney s’est assise devant les caméras, l’attachée de presse m’adévisagé.

«Voussavez,c’estlapremièrefoisqu’ellefaitçaavecunjournaliste.—Vraiment?—Ellem’aditquevousétiezdestinésàvousrencontrer.»Plusunmot,l’interviewcommençait.«Alors,ç’aétédelafolie,l’autresoir?alancéleprésentateurdeMTV.—Delafolie,oui,aréponduBritney.—Leniveaud’énergieétaitàcombiendansleclubquandtuyesentréeàla

surprisegénérale?—Delapurefolie.—Tut’esbienéclatée,alors?»Tout à coup, Britney s’est levée. « Ça ne va pas, a-t-elle déclaré à la

cantonade.Jenelasenspas.»Elle a tourné les talons et s’est dirigée vers la porte, au grand dam de

l’équipeetdesesassistants.Quandelleestpasséedevantmoi,elleaesquisséunsourire complice. J’avais mis en plein dans le mille. Britney Spears ne serésumaitpasàlapopstarsuperficielleréclaméeparleshow-biz.

Jemesuis renducompteque le jeu toucheplus les célébritésque lesgensordinaires. Les stars sont tellement protégées, et leurs relations tellementlimitées,quel’efficacitéd’unesimplemiseenvaleuroud’unnegbiensentiestdémultipliée.

Les jours suivants, j’ai souvent repensé à cette interview. Je neme faisaisaucune illusion :BritneySpearsn’étaitpasséduite.Ellenemeconsidéraitpascommeunpartenairepotentiel.Maisj’avaispiquésacuriosité,cequiallaitdansle bon sens. La drague fonctionne à un niveau élémentaire : emparez-vous del’imaginaireetlecœursuivra.

Intérêtplusséductionégalesexe.

Bon, évidemment, je me faisais peut-être des films. Si ça se trouve, elledonnait sonnuméroà tous les journalistesvaguementdifférentspour s’assurerunbonpapier.Cenuméroaboutissaitàunrépondeurprévupourlesjournalistesnaïfs qui se prennent pour des V2D. À moins que ce ne soit une ruse del’attachéedepressepouramenerlesjournalistesàcroirequ’ilsavaientnouéunerelationprivilégiéeavecsonartiste.C’étaitpeut-êtremoiqu’elleavaitdragué.

Lavérité,jenelaconnaîtraijamais.J’ailorgnésonnumérotouslesjourssansjamaismerésoudreàlecomposer.

Àmesyeux,celarevenaitàfranchirunefrontièrejournalistique:siellen’aimaitpasmonarticle(hypothèsefortprobable),jenevoulaispasqu’elleenregistreunmorceau où ellem’accusait de l’avoir descendue en flammes parce qu’elle nem’avaitpasrappelé.

«T’as qu’à l’appeler,me rabâchaitMystery.Qu’est-ce que t’as à perdre ?Balance-lui,“Est-cequetupourraistedéguiser?Onvafaireuntrucdingueetilfaut pas qu’on se fasse prendre. On va mettre une perruque, grimper sur lepanneauHOLLYWOODetletoucherpourqueçanousportechance.”

— Si je l’avais rencontrée en dehors du boulot, d’accord.Mais là, c’étaitprofessionnel.

—Tu jouesàunautreniveaumaintenant.Quand l’article seraparu, iln’yauraplusriendeprofessionnelentrevous.Appelle-la,jetedis.»

Maisjenepouvaispas.Siç’avaitétéDaleneKurtis,laPlaymatedel’année,jen’auraispashésitéuneseconde.Lesfemmesdanssongenrenemefaisaientplus peur. Je me sentais digne d’elles. Je l’avais prouvé des dizaines de foisdepuisnotrerencontre.MaisBritneySpears?

Ilyadeslimitesauxprogrèsqu’onpeutaccomplirenunanetdemi,niveauestimedesoi.

Etape9

ÉTABLIRUNLIENPHYSIQUE

«Etcroyez-vousquel’amourlui-même,Habitantuneaussiinfâmemaison,

Puisseprospérerlongtemps?EdnaSt.VincentMillay,

Anddoyouthinkthatloveitself

Chapitre1

Ilasuffid’uneseulefemmepourdétruireProjetHollywood.Tout en Katya laissait penser qu’elle était une fêtarde banale. Elle aimait

boire, danser, planer et baiser – pas forcément dans cet ordre. Mais – parinnocence, par vengeance ou par véritable amour, qui sait ? – elle devaittriompherdetouslesV2Ddelamaison.Cesinterminablesannéesd’études,cesthèmesmémorisés,cesanalysescomportementalesetceschaussuresàsemellescompenséesnepouvaientrivaliseravecunefemmedédaignée.

ÀmonretourdeNewYork,MysteryavaitprévuunatelieràLosAngeles.Les frais d’inscription s’élevaient à quinze cents dollars – et les gens neprotestaient pas. Cinq étudiants s’étaient inscrits, lui garantissant un bénéficecoquet pour un week-end de discussions et de drague. Le numéro de Katyan’étaitquel’undeceuxqu’ilavaitrécoltéslorsdesadémo,pendantl’atelier.Ill’avait rencontrée dans un bar à Hollywood, le Star Shoes. Elle était alorscomplètementivreetcarburaitprobablementàautrechose.

Le lundi, à ProjetHollywood, c’était le jour du téléphone. Tout lemondeappelaitlesnumérosglanésleweek-endpourvoirquellespistesétaientchaudes.QuandMysteryapassésescoupsdefil,Katyaaétélaseuleàdécrocher.Siellen’avait pas été chez elle et si, à la place, une autre avait répondu, nos viesauraientprisdescheminsdifférents.

Malgré nos prétendues compétences, l’accouplement est en grande partierégiparlehasard.Lesfemmessetrouventàdiversstadesdeleurviequandnouslesrencontrons.Ellespeuventchercheruncopain,uncoupd’unsoir,unmariouuneoccasionde sevenger.Ellespeuvent aussine rienchercherdu tout,parcequ’ellesviventunerelationépanouieouqu’ellessortentd’unehistoirenéfaste.

Katya,elle,cherchaitsansdouteunendroitoùvivre.QuandMystery l’a appelée, elle ne se rappelait même pas de lui.Malgré

tout, au terme d’une demi-heure de parlotte (de construction du rapport deconfiance,pourciterMystery),elleaacceptédeluirendrevisite.

«Paslapeinedetefairebelle,luia-t-ildemandé.Jen’auraiqu’uneheureoudeuxàteconsacrer.»

Toutcelafaisaitpartied’unestratégievisantàatténuerlapression.Bienplusefficace que la sortie restau des PMF, souvent d’un ennui mortel, où deuxpersonnesquin’ontpeut-êtreaucunpointcommunseretrouventcoincéestouteunesoiréesansrienàsedire.

Ce soir-là,Katya est arrivée vêtue d’un survêtement rose, traînant derrièreelle un affreux petit terrier du nom de lily. Les deux se sont aussitôtmises àl’aise:Katyas’estaffaléedanslescoussins,Lilyachiésurletapis.

Mystery–jean,t-shirtnoiràmancheslonguesetqueue-de-cheval–estsortide sa chambre. « Je raccordemonordi auprojecteur et je vais temontrer desfilmsquej’aifaits.

—Pasdesoucis,pasdetracas»,aréponduKatya,avecunaccentrussepleind’optimisme.Elleavaitunpetitnezquifrétillait,desjouespoteléesetrosissantetdesbouclesblondesquiaugmentaientsoncharme.

Mysteryatamiséleslumièresetluiamontrénosfilmsamateurs.Cetteidéedevenait un thème très populaire parmi les dragueurs : elle nous permettaitd’exposer nos qualités et celles de nos amis sansmême avoir à décrocher unmot.À la finde laséance,MysteryetKatyasesont faitdesmassagespuissesontemballés.Lorsdeleurdeuxièmerencontre,troisjoursplustard,aprèsuneRDMéchevelée,ilsontconclul’affaire.

«Jequittemonappart,aditKatyaàMystery.Ça tedérangesi je te laisseLilyceweek-endpendantquejevaisàLasVegas?»

Plutôtrusée,commetactique,car,enl’absencedeKatya,nousnoussommestous attachés à son adorable cabot – et, par extension, à sa maîtresse. Leurspersonnalités se ressemblaient : toutes deux dynamiques et énergiques, lachienneetsamaîtresseaimaientlécherlevisagedeMystery.

AuretourdeKatya,Mysteryl’aaidéeàdéménager.«Je trouveçaridiculequetulouesunnouvelappartement,vuquetupasserasleplusclairdetontempsavecmoi.Pourquoitunet’installeraispasdansmachambre?»

LespossessionsdeKatyaseréduisaientàdeuxsacsmarins,unetroussedemaquillage,Lilyetun4x4Mazdabourrédevêtementsetdechaussures.Ellen’avaitànotreconnaissanceniboulotnisourcederevenus,bienqu’elleaitposéenmaillotpourunepoignéedecalendrierssansintérêt.Lesoir,elleprenaitdescoursdemaquillageadaptéspourlecinéma.Ellerentraitenarborantchaquefoisune fausse marque de corde au cou, de la matière cérébrale artificielledégoulinantd’uneblessureaufront,oulesridesettachesd’unenonagénaire.

Katyas’estviteintégréeànotregroupe.ElleseportaitvolontairepourjouerlespivotsdanslesateliersdePapa;ellemettaitdel’eyelineràHerbalquandil

sortaitlesoir;ellenettoyaitlacuisinedontnousnenousoccupionspas,enbonsfainéants ; elle faisait du shopping avec Xaneus ; et elle jouait les hôtessespendantlessoiréesdePlayboy.Elleseliaittrèsfacilementd’amitié,mêmesisesmotivations demeuraient floues : peut-être aimait-elle vraiment les gens, peut-être profitait-elle du fait qu’elle n’avait pas de loyer à payer. Toujours est-ilqu’elle a apporté à Projet Hollywood ses premiers rayons d’entente et decamaraderiedepuislesoirdenotreemménagementoù,installésdanslejacuzzi,nous rêvions ensemble à l’avenir. Je l’aimais bien.Nous l’aimions tous.Nousavonsmême laissé son frère – ungarçonde seize ans aux cheveux enpétard,atteintdusyndromedeGillesdelaTourette–dormirquelquessemainesdanslafosseauxcoussins.

Mystery était particulièrement content de lui. Il n’avait eu aucune relationsérieusedepuisPatricia.

«Enfait,jecraqueunpeupourmacopine,a-t-ildéclaréfièrementunsoir,enmontrantunephotodeKatyaenmaillotdebainàungroupededragueurs.Jepenseàelle tout le temps,commequandonaunbébé.J’ai l’instinctmaterneltrèsdéveloppé.Ilfautquejem’occupedecettefille,quejeveilleàsasécurité.

Plus tard dans la même soirée, alors qu’Herbal se grillait un steak aubarbecue,Katyaetmoipartagionsunebouteilledevindanslejacuzzi.

«J’aivraimentpeur.—Peurdequoi?luiai-jedemandé,mêmesijeconnaissaisdéjàlaréponse.—JesuisentraindetomberamoureusedeMystery.—Ben…c’estqu’ilesttalentueux,etpasbanal,commemec.—Exact.Jenemesuisjamaispermisedetomberamoureusecommeça.Je

neleconnaispasassez.Çam’inquiète.»Puiselleestrestéeassiseensilence.Ellevoulaitquejedisequelquechose,

quejelametteengarde.Jen’enairienfait.Quelquesjoursplustard,Mystery,KatyaetmoinousrendionsàLasVegas.

Tandisquenousnouschangionsdanslachambredel’hôtel,Mysterys’estremisàjacassersursonsujetpréféréens’appliquantdel’eye-lineretdel’anticernes.« J’y pense trop, à cette fille.Elle est bien plus.Elle connaît un couple, àLaNouvelle-Orléans,avecquiellecouche.» Il s’estcoifféd’unchapeaudecow-boynoirachetéenAustralieets’estadmirédanslemiroir.«J’ail’impressiondem’engagerdansunerelation.»

NousavonsdînéchezMr.Lucky’sauHardRockCasino,oùKatyaasifflédeux coupes de champagne ; ensuite, nous avons rejoint le club Paradise, de

l’autrecôtédelarue,uneboîtedestripoùelleenasifflédeuxautres.Quandlaserveuseestvenueànotretable,KatyaafaitàMystery:«Elleest

trop bonne. » Il a examiné la serveuse, une Latino fringante à longs cheveuxbrunsquireflétaientlalumièredesprojecteurs,etdontlecorpsmassifmenaçaitdefaireexplosersonuniforme.

«TuasvulefilmPoltergeist?»luiademandéMystery.Ilaremuélapailledans son verre. Il lui a affirmé qu’ils n’iraient pas bien ensemble. Il lui ademandé pour quoi elle était connue – « On est tous connus pour quelquechose. »Bientôt, la serveuse s’arrêtait à notre table toutes les cinqminutes etflirtaitavecMystery.

«J’aimeraisbienmatercettefille,a-t-ilsouffléàKatya,entraindeteboufferlachatte.

—Tuveux juste te la taper.» Je supposequ’une femme– surtout soûle–n’apprécie pas qu’un homme pratique sur une autre les techniques qui l’ontséduite.Etréussissesoncoup.

Katyas’estlevéed’unbondetafoncéjusqu’aubar.Mysteryl’asuiviepourlacalmermais,quandellea refuséde luiadresser laparole, ilaquitté leclubfuribard, comme un gosse en colère. Bien que Katya soit bi, Mystery nepratiquaittoujourspasletriolisme.Ilcommettaitchaquefoislamêmeerreur:ilforçaittropleschoses.IlauraitdûsuivreleconseildeRickH.etfairedecetteexpériencelefantasmedelafille,paslesien.

Lelendemainmatin,j’aiprisl’avion,laissantKatyaetMysteryseulsjusqu’àleurretour,danslasoirée.

Quelquesheuresplustard,j’aireçuuncoupdefil:«Salut,c’estKatya.—Salut.Unproblème?—Non.Mysteryveutm’épouser. Il s’est agenouillédevantmoiprèsde la

piscineduHardRocketm’asortisademande.Toutlemondeaapplaudi.C’étaittropchou.Jefaisquoi,moi,maintenant?»

Àpartobtenirlanationalitéaméricaine,jenevoyaispaspourquelleraisonMystery aurait voulu se marier. Or Katya n’était pas américaine. Elle avaitencoresonpasseportrusse.

«Nevousprécipitezpas.Commencezparvousfiancer.Ou,situpréfères,leschapelles de Vegas proposent des cérémonies d’engagement. Allez-y donc.Après, passez plus de temps ensemble et voyez si le mariage vous intéresseencoretouslesdeux.»

Mysterys’estemparédutéléphone:

«Hé,mectuvastropcriser.Onvasemarier.Jel’adore,cettefille.Elleestdingue.Onvaàlachapelle,OK,bye.»

Lecon.Cesoir-là,MysteryafranchileseuildeProjetHollywoodenfredonnantla

marchenuptiale.Katyaetluiseconnaissaientdepuistroissemaines.«Regardemabague,a-t-elleroucoulé.Elleestsuperbe,non?— Elle m’a coûté huit cents dollars », a claironné Mystery. Toutes ses

économies,enfait.Ilavaitbeaus’enmettrepleinlespochesavecsesateliers,iladorait les joujoux – ordinateurs, appareils photo numériques, agendasélectroniques,bref,lesgadgetsàpuce.

« Cette histoire de mariage, a-t-il soufflé pendant que Katya était auxtoilettes, c’est le meilleur thème du monde. Katya m’adore, maintenant. Çal’excitedem’appelersonmari.Commeunedistorsiontemporelle.

—C’estlethèmeleplusnazedumonde,abruti.Çanemarchequ’unefois.»Mysterys’estapprochédemoietaretirésonalliance.«Jevaisteconfierun

secret,a-t-ilmurmuréenposantl’anneaudansmamain.Onn’estpasvraimentmariés.»

Avecn’importequelautreV2D,j’auraisflairélablague.MaisMysteryétaitsitêtu,siimprévisible,quejeluiaidonnélebénéfice–ouplutôtlepréjudice–dudoute.

« Eh oui, après ton départ, en passant devant une bijouterie dans le HardRock,onadécidédejouerauxmariés.Ducoup,j’aiachetédeuxalliancespourunecentainededollars.C’estunesacréementeuse.Ellet’aeu.

—Vousêtesaussibonsillusionnistesl’unquel’autre.—NedispasàKatyaquej’aicrachélemorceau.Jecroisqueça luiplaît,

notre petite comédie. Niveau émotions, c’est comme si elle était vraimentmariée.»

Mysteryavaitraison:lamanièredontonperçoitlemondedevientlaréalité.Lesjoursquiontsuivi, leurrelationachangédutoutautout.Ilssesontmisàagircommeunvieuxcouple.

Maintenant qu’il s’était trouvéune femme,Mysteryn’avait plus besoindesortir.Àsesyeux,lesboîtesneservaientqu’àladrague.Katya,elle,aimaitbienaller danser. Elle a donc commencé à s’amuser sans lui. Au bout de quelquetemps, Mystery n’a presque plus quitté sa chambre, ni même son lit. Soit iltraversaitunecrisedeflemme,soitunedépressions’annonçait.

LesV2Dutilisentparfoislescénariodescaillouxetdel’orquandlafemmeavec laquelle ilssortentneveutpluscoucheraveceux :alorsque leshommescherchentdel’or.Lescaillouxreprésententunesortiesympa,uneattentiontouteromantiqueetunliensincère.L’orc’estlesexe.Siondonnedel’oràlafemmeou des cailloux à l’homme, aucun des deux ne sera satisfait. Un troc doits’effectuer.OrKatyadonnaitdel’oràMysterymaisnerecevaitrienenéchange.Ilnesortaitjamaisavecelle.

Ilsn’ontpastardéàsedétester.Lui:«Ellesebourrelagueuletouslessoirs.Çamerenddingue.»Elle : « Quand je l’ai connu, il avait plein de projets et d’ambition. Et

aujourd’huiilpassesavieaulit.Àquoiçasert?»Lui : « Elle la boucle jamais. Tout le temps à jacasser sur une connerie,

jamaistranquille.»Elle:«Jemedéfoncetouslessoirspourfuircetteréalitésitriste.»Mysteryavaitbesoind’unefillepluspassive,Katyad’unhommeplusactif.

Etçaattristaittoutelamaisonnée;aprèscesmoispassésentremecs,nousnousétionsattachésàl’énergieetàlavivacitédelajeunefemme.

Mysteryavaitapprisenautodidactetoutcequ’ilyaàsavoirsurladrague,mais rien sur les façons d’entretenir une relation. Il fréquentait une superbecréature,pleined’ardeuretdevie,etilgâchaitcettechance.

Bientôt,uneautrefemme,pleined’unetoutautreardeur,devaitemménageràProjetHollywood.

J’aireçusonmessageà23h39:«Jepeuxsquattercheztoi?G+2bagnole,etyapire.C’ignoble.Peuxpasresterseule.»

CourtneyLove.

Chapitre2

J’aifrappéàlaportedel’appartementdeCourtney,àWestLosAngeles.«Entre.C’estouvert.»Elleétaitassiseparterre,noyéedansunemerdefacturesAmericanExpress

etderelevésdecompte,unsurligneuràlamain.ElleportaitunerobenoireMarcJacobsferméesurlecôté.Ilmanquaitunbouton.

«Jepeuxmêmepluslesregarder,geignait-elle.Ilyatellementd’empruntspour lesquels je ne suis pas au courant, ou auxquels je n’ai pas donné monaccord»

Elles’estlevéeetajetélesfacturessurlatable.Lamoitiédesentréesétaientsurlignées,annotéesdanslamarge.«Sijeresteici,jereplongedanslacame.»Elle n’avait plus demanager et gérer ses affaires se révélait au-dessus de sesforces.«Jeneveuxpasmeretrouverseule.Ilmefautunendroitoùpasserdeux,troisjours.Aprèsjetelaissepeinard.Promis.

—OK.»MonpapierdansRollingStonen’avaitpasdûlagêner.«Herbalm’aditquetupouvaisprendresachambre.Maisjetepréviens,tun’entrespasdansunemaisonordinaire.

—Jesais.Jeveuxrencontrerdesdragueurs.Ilspourrontpeut-êtremefileruncoupdemain.»

Jel’aiaidéeàdescendrel’escalier,puisj’aiattachésestrentekilosdevalisessurleporte-bagagesdemaCorvette.

«FautaussiquetusachesquelefrèredeKatyahabitecheznous.Ets’ilal’airunpeubizarre,c’estparcequ’ilalamaladiedeTourette.

— C’est pas quand on peut pas s’empêcher de gueuler “Merde !” ou“Salope!”?

—Oui.Untrucdecegenre.»JemesuisgarédevantProjetHollywoodetj’aiportélesaffairesàl’intérieur.

LapremièrepersonneànouscroiseraétéHerbal;ilsortaitdelacuisine.«Salutmerdesalope,aditCourtney.—Non,l’ai-jearrêtée.C’estpaslefrèredeKatya.»Lefrèreenquestionadébarquéunesecondeplustard,unCocaàlamain.«Salutmerdesalope»,arépétéCourtney.

Elle a fait un pas en arrière et percuté Lily, qui a lancé un jappement.Courtneys’estretournée.J’aicruqu’elleallaits’excuser.

«Dégage!»a-t-elleordonnéauchien.Sonséjours’annonçaitintéressant.Jeluiaifaitvisiterlamaisonpuisluiaisouhaitébonnenuit.Deuxminutes

plustard,ellefaisaitirruptiondansmachambre.«Ilmefautunebrosseàdents,dit-elleenfilantversmasalledebains.—J’enaiuneneuvedansl’armoireàpharmacie.— Celle-là fera l’affaire », a-t-elle rétorqué en s’emparant de ma brosse

épuisée.Courtney avait un je-ne-sais-quoi de touchant. Elle possédait ce trait de

caractèrequ’envientpresquetouslesV2D:ellesefoutaitdetout.Le lendemainmatin, je l’ai trouvée en train de fumer dans le salon, vêtue

d’unesimpleculottejaponaiseensoie.Elleavaitlecorpsrecouvertdetraînéesnoires,commesielles’étaitrouléedansducharbon.

Elleafait laconnaissancedesautresoccupantsdelamaisondanslamêmetenue.

«J’aifaitduchevalavectonpère,luiaditPapaquandjel’aiprésentée.—Tul’appellesencoreunefoismonpère,jetepètelagueule!».Ellenecherchaitpasàêtreméchante–elleprofitaitdumomentprésentet

réagissaitenconséquence–,maisPapaapriscetteagressionplutôtmal.Depuisqu’il avait signé lebail, ilvoulait sortir avecdesvedettes.Etmaintenantqu’ilvivaitsouslemêmetoitqu’unestar–enfait,lafemmelapluscélèbredupaysàl’époque–,ilétaitpétrifié.Àpartirdecejour,ill’aévitéecommeilévitaittousceuxquinefaisaientpaspartiedesonbusiness.

Ensuite,CourtneyarencontréKatya.«Jeviensdefaireuntestdegrossesse,annonça celle-ci avec une moue de gamine qui s’apitoie sur son sort. Il estpositif.

—Tudevraislegarder,réponditCourtney.Unbébé,c’estlaplusbellechosequisoit.»

Lemondenetournaitplusrond.

Chapitre3

Mysterys’estagenouillédevantKatyaetluiaembrasséleventre.«Situveuxlegarder,qu’onresteensembleounon, tupeuxcomptersurmoi.Ceserauntrèsbeaubébé.»

Lesoleilentraitdanslacuisineparlepatio,illuminantunemincecolonnedefourmisquisedirigeaientverslapoubellepleineàrasbord.Avantdeselever,Mystery s’est léché un doigt et a tracé un trait de salive au milieu de laprocession.Lesfourmissontdevenuescommefolles.

« J’en reviens pas que tu penses à ça, a répondu Katya, mi-enjouée mi-méprisante.T’esbizarre.Tufaiscommesionétaitmariés.»

Lesfourmissesontremisesenrang.L’ordreétaitbientôtrestauré,commesiaucunecatastrophenes’étaitjamaisproduite.

«Jet’aime,luiaditMystery,d’unevoixdépourvued’émotion.Ettuconnaismamissiondanslavie:survivreetmereproduire.Doncçanemedérangepasd’avoirungosse.Jecomptebienfairefaceàmesresponsabilités.»

Contrairementauxfourmis,notremaisonnes’organisaitpastouteseule.Ellene connaissait ni hiérarchie ni structure tacite. Le sentier invisible que noussuivionssentaitlatestostérone,etsonétatnaturelétaitledésordre.

Mystery et Katya ont passé l’après-midi à se disputer au sujet del’avortement et des frais engagés. Mais ces questions-là ne se règlent pas engroupe.Troisjoursplustard,ilsserendaientdansunecliniquespécialisée.

«Devinezquoi?s’estécriéeKatyaàsonretour.Jesuispasenceinte.»Ellesautaitenl’airetajointlesmainspourremerciersabonneétoile.Dans

sondos,Mysteryluiafaitundoigtd’honneur.Sonvisagen’étaitquehaine.Jenel’avaisjamaisvuafficherunetellemalveillanceenversunefemme.

Quelques heures plus tard, j’ai retrouvé Katya au bar, elle s’est versé unverredechardonnay.Puisundeuxième.Etuntroisième.

«Mysterynesortpasdelachambreetilnebaisemêmeplus.Alorscesoir,jevaism’éclatertouteseulesanslui.

—Tulemérites.—Boisavecmoi,a-t-elleroucoulé.—Çamarche.

—Pasdesoucis,pasde tracas.»Elleaavaléunegrandegorgéedevinetm’arejointsurlecanapé.

«Lavache.Tasfaitdelamuscu.Pasmal,tesbras…—Merci. » J’avais enfin appris à accepter un compliment. Il suffisait de

dire,«Merci»,c’estlaseuleréponsequepeutdonnerunepersonnesûred’elle.Katyas’estrapprochéedemoietatâtémonbiceps.«Danscettebaraque,il

n’yaqu’àtoiquejepeuxparler.»Sonvisageétaitàmoinsdedixcentimètresdumien.

J’ai senti lemêmefrissond’énergiequim’avaitparcouru la foisoù j’avaisembrassélafillequeTylerDurdenavaitlevéeauHardRock.

«Regardeunpeu,reprit-elleensoulevantsonhaut.Uneégratignure.—Pasmal.—Touche-la.»Ellem’apris lamainet l’aapprochéede sonsein.Mieuxvalaitmettre les

voiles.«Bon, euh, c’était sympa de parler,mais là faut que je retourne dansma

chambrem’occuperdemonchat.—Maistun’aspasdechat»,agémiKatya.J’aifaitletourdelamaisonetsuisentrédanslachambredeMysteryparle

patio.Allongésursonlit,enjean,unportableposésursonventrenu,ilregardaitRetourverslefuturII.

«Àquinzeans,jevoulaismesuiciderparcequejen’avaispasderaisondevivre,a-t-ilraconté.Etpuisunjour,j’aiapprisqueRetourverslefuturIIdevaitsortir vingt-trois joursplus tard. J’avaisun calendrier sur lequel je cochais lesjours.C’estçaquim’aempêchédemetuer.»

Ilamislefilmsurpauseetprissonportable.«Jesuisallélevoiretquandj’aientendulamusiquedugénérique,monvieux, j’aichialé.C’étaitmaraisondevivre.Jeconnaistouslesaccessoires.»IlmemontralajaquetteduDVD.«Jel’aitouchée,cettevoiture.»

Jemesuisassis aupiedde son lit.Personnen’aenvied’êtreunoiseaudemauvaisaugure.J’airamasséleboîtierduDVDetl’airegardé.MysteryaimaitlesfilmsdustyleProfessionGénie,EinsteinJunioretKaratéKid.Moi,jepréféraisWernerHerzog,LarsvonTrieretPixar.Çanesignifiaitpasquejevalaismieuxquelui:nousétionsjustedeuxtypesderingardsdifférents.

«Hé,mec,tafemmemedrague.—Çamesurprendpas.ElledraguaitPlayboy,toutàl’heure.—Ettucomptesfairequoi?

—Jem’entape.Ellefaitcequ’elleveut.—Bon,aumoinselleestpasenceinte.— La connasse. C’était même pas un test de grossesse. C’était un test

d’ovulation.Elles’estgouréedeboîte.Ellel’afaittroisfois:troisfoispositif.Commeça,elleauraapprisqu’elleovuleencoreàvingt-troisans.

— Écoute, vieux. » J’ai remarqué les écorchures sur son bras. « Si tucontinues, elle va te larguer. Elle drague toute la baraque uniquement pour sevengerde toi.C’est lescaillouxcontre l’or,mec.Tune luiendonnespas,descailloux.

—Mouais.C’estunealcoolosanscervelle.»Ils’estinterrompu,afermélesyeux un instant et a hoché la tête d’un air nostalgique. «Mais quel corps…10/10,sonpetitcul»

Quandjeluiaifaussécompagnie,Katyan’étaitplusausalon.LaportedelachambredePapaétaitouverte;Katyaseblottissaitcontrelui–àmoitiénue.

Jesuisretournéchezmoietaiattendu.Uneheureplustard,l’orageaéclaté.Desvoixsesontélevées,desportesontclaqué,desverressesontbrisés.

Onafrappéàmaporte.C’étaitCourtney:«Fonttoujoursautantdepétard,tescolocs?»Ellepouvaitparler.Jel’aisuivie.Herbaldormaitdanslafosseauxcoussinscarmoninvitéeavait

réquisitionnésachambre.Habits, livresetcendredecigaretteétaientéparpilléspar terre. Une bougie brûlait au pied du lit, la flamme à trois centimètres del’édredon.Uneroberecouvraituneampoulenuepourtamiserl’éclairage.Etlesquatre annuaires de la maison, en piètre état, étaient ouverts sur le lit. J’aiexaminélesfeuillesarrachées:deslistesd’avocats.

LebruitprovenantdelachambredeMysterys’estamplifié.«Allonsvoircequisepasse»,aditCourtney.Je ne voulais pas m’en mêler. Je ne voulais pas nettoyer la pagaille des

autres.Jen’avaisrienàvoiravecça,merde!NoussommesentrésdanslachambredeMystery.Katya,àgenouxparterre,

setenaitlecouàdeuxmainscommesielleétouffaitPenchésurelle,sonfrèreluicoinçaituninhalateurcontrel’asthmedanslabouche.Àdeuxmètresdelà,MysteryfoudroyaitKatyaduregard.

«J’appelleuneambulance?ai-jeproposé.—Les flics vont lui tomber dessus. Elle est droguée jusqu’aux yeux », a

répliquéMystery,pleindemépris.Katyaluiarenvoyésonregardassassin.

Cequisignifiaitqu’ellen’étaitpasauborddelamort.Quand elle a fini par sortir de la chambre, Katya avait le visage rouge et

trempédelarmes.Courtneyl’apriseparlamainetl’aemmenées’asseoirsurlecanapédusalon.Elles’estposéeàcôtéd’elle,sans lui lâcher lamain,et luiaparlédesesavortements,delabeautéd’unaccouchement.J’observaiscecoupleimprobable.Courtneyétaitautantl’enfantdeProjetHollywoodquesamère.

Elleétaitaussilapersonnelaplussenséedelamaison.Plutôteffrayant…

Chapitre4

Le lendemain, Courtney a surgi de sa chambre à une heure anormalementmatinale.ElleportaitunechemisedenuitAgentProvocateur.

«Quoi?Qu’est-cequ’ilya?a-t-elledemandéensefrottantlesyeux.J’aifait uncauchemar. Jene savaispasoù j’étais. »Ellem’a regardé,puisKatya,endormiesur lecanapé,puis le frèredeKatyaetHerbalqui ronflaientdans lafosseauxcoussinsàquelquescentimètres l’unde l’autre.«Tout lemondeestsympa,a-t-elleremarqué,soulagée.Personnen’estméchant,OK.»

Elleestretournéedanssachambre.Quelquesminutesplustard,unchauffeurs’estprésentéànotreporte.

«OùestCourtney?—Elledort.—Ellearendez-vousautribunaldansuneheure,»Il a frappé à sa porte et est entré.Peu après, des robesvolaient hors de la

chambredeCourtney,bientôtsuiviesparleurpropriétaire.« Faut que je trouve un truc à me mettre », a-t-elle lancé en enfilant

différentes tenues, entre deux allers-retours à la salle de bains pour juger del’effet dans le miroir. Elle a quitté la maison dans une robe bustier noireappartenantàKatya,leslunettesàhuitdollarsd’Herbalsurlenezetles48LawsofPowerdeRobertGreenesouslebras.

« Une allure à la con pour un procès à la con », a-t-elle déclaré auxjournalistescejour-là.

Profitantdesonabsence,nousavonsexaminélesdégâts:jetédelitconstellédebrûluresdecigarettes;murravagéparlesclaquementsrépétésdelaporte;flaques de liquide non identifiable au sol ; bougies non éteintes ; vêtementsaccrochésàdesfilsélectriques.

Danslacuisine,lefrigoetlesplacardsétaientgrandsouverts.Deuxpotsdebeurre de cacahuète et un de confiture trônaient sur le comptoir – leurscouvercles par terre. Le beurre de cacahuète s’égouttait du comptoir, desplacards et des clayettes du frigo. Plutôt que d’ouvrir demanière civilisée lessachets de pain, Courtney les avait éventrés. Elle s’en foutait. Elle avait faim

alorsellemangeait.EncoreunequalitéquelesV2Dpouvaientluireconnaître:CourtneysavaitCro-Magnonner.

Àsonretourdutribunal,elles’estassiseaumilieudelacoteriedesV2DetapréparésonpassagetéléauTonightShowwithJayLeno.MysteryetHerballuiontenseignédesconceptscommeceluidel’acceptation,luiontparlédelaPNLetdelathéorieducadre.Courtneyavaitbesoind’êtrerecadrée.Lecadreàtraverslequel les gens la voyaient alors était celui d’une foldingue.Mais après avoirvécudeuxsemainesavecelle,noussavionsqu’elletraversaitjusteunemauvaisepériode.Elleétaitexcentrique,pasfolle.Enfait,elleétaitincroyablementfutée.Ellecomprenaitetintégraittouslesconceptsqu’ilsluiprésentaient.

«Monnouveaucadre,c’estceluideladamoiselleendétresse.»Lesoirmême,auTonightShow, elle était resplendissante.Contrairement à

sonpassage chezLetterman–qui lui avait valu la unedes tabloïds–, elle estrestée calmeet s’est bien tenue, et sonconcert avecTheChelsea, songroupe,nousarappeléqu’elleétaitunerockstaràpartentière.

Je l’avais accompagnée au studio dans la voiture de Katya avec Herbal,Mystery,Katya etKara, une fille que j’avais rencontrée dans un bar quelquesjours plus tôt.L’émission terminée, on est tousmontés dans sa logeoùon l’atrouvée assise sur un tabouret, entourée des membres de son groupe. Laguitariste – grande blonde platine à l’attitude rock and roll – m’a coupé lesouffle.Pourquoijen’entrouvaisjamaisdescommeça?

CourtneyademandéàHerbal:«Jepourraisresterdanstachambreencoredeuxsemaines?

—Biensûr.»Herbaln’avaitjamaiseudeproblèmeavecquoiouquiquecesoit.PendantqueMysterysemorfondaitluiaidaitKatyaàdistrairesonfrère

«Peut-êtremêmeunmois», a lancéCourtney alors quenousquittions saloge.

Mystery a pris le volant. Il n’avait pas adressé la parole à Katya de lajournée.Cettedernière s’est carréedans le siègepassager et aglisséunCDdeCari Cox dans le lecteur. Ses goûtsmusicaux se limitaient à la house et à latechno ;Mystery écoutait presque exclusivement Tool, Pearl Jam et Live. Çaauraitdûleurmettrelapuceàl’oreille.

Commenoussortionsduparking,letéléphonedeMysteryasonné.Ilaéteintl’autoradiopourrépondre.

Katyal’aralluméetabaissélevolume.Énervé,Mysteryl’aéteintànouveau.

Et c’était parti : j’allume, tu éteins, j’allume, tu éteins – de plus en plusméchamment,jusqu’àcequeMysteryfreined’uncoupsecetbondissehorsdelavoitureenhurlant«Merde!»

Il est resté planté au beau milieu de Ventura Boulevard, bloquant lacirculation,etaadresséunbrasd’honneuràKatya.

Celle-ci a pris le volant, filé jusqu’à l’intersection et a fait demi-tour pourrécupérerMysteryquiavaitgrimpésurletrottoir.QuandKatyaestarrivéeàsahauteur, il s’est arrêté, lui a lancé un regard méprisant, a croisé les bras enposition«Jet’emmerde»puisareprissamarche.

Elleadémarréetl’alaisséenplan.Ellen’étaitpastantencolèrequedéçueparsapuérilité.

Cette nuit-là, Mystery n’est pas rentré à Projet Hollywood. Je l’ai appeléplusieurs fois sur son portable, sans résultat. Le lendemain, à mon réveil, iln’était toujours pas de retour. Chaque fois que je composais son numéro, jetombaissursaboîtevocale.Ilyavaitdequois’inquiéter.

Quelques heures plus tard, on a frappé à la porte. Je suis allé ouvrir,m’attendantàaccueillirMystery,maisj’aitrouvélechauffeurdeCourtneysurleseuil.Courtneycomptaitparmisesnombreuxtalentsunecapacitéphénoménaleà transformer en assistant toute personne dans un rayon de cent mètres. Desétudiantsenséductions’étaientretrouvés,lorsdeleurpremièrevisitecheznous,à courir au Tokyopop chercher un manga dans lequel figurait Courtney, àrécupérer du linge à son appartement, ou à envoyerdesmails à sa comptable,SuzeOrman.

«Merdesalope!TupourraispasretourneràmonappartavecmonchauffeuretmeramenermesDVD?»

Aprèsledépartdupetitfrère,CourtneyaditàKatya:«Ilestsympa.Etplutôtmignon.—Tusais,ilestencorepuceau.—Jesais.»Elleestrestéemuette,ruminantcetteinformation,puisafaitunsignedetête

etdéclaré,«Jevaiseuthanasiersonpucelage.»Le soirmême,Mysteryest rentré–une strip-teaseuseà chaquebras.Elles

avaient l’air de bosser dans le même rade louche depuis vingt ans ; sous lesnéons,ellesn’étaientpasàleuravantage.

«Salutmonpote,m’a-t-ilditcommes’ilrevenaitdel’épicerie.—T’étaisoù?—Dansuneboîtedestrip.Etj’aipassélanuitavecGina.

—Salut»,alancélabruneàfacedechevalqu’ilavaitaubrasgauche,avecunsignedemaindocile.

«T’auraispuappeler,banane.C’étaitbienbeau tapetiteprisedebecavecKatya,maisHerbaletmoionsefaisaitdumouron.Pascooldetapart.»

Mystery a paradé dans la maison avec ses greluches, prenant soin de lesprésenteràKatya,puisilestallés’asseoiraupatioavecelles.

Katya l’a laissé tranquille. Elle a pris une douche, nettoyé les vestigesquotidiensdebeurredecacahuètedanslacuisine,etHerballuiaservidecobayepoursonmaquillagedefilmd’horreur–elleluiafaitunelobotomie.

Le coup des strip-teaseuses n’est pas parvenu à éveiller sa jalousie ; enrevanche,ilaunpeuplusentamélerespectqueMysteryinspiraitauxautres.

Chapitre5

Çadevaitbienarriverun jour.Katyaa finipar fairecraquerundes locataires.Ellenousdraguaittousdepuissonalerteàlagrossesse.

Et c’est Herbal qui en a fait les frais. Il était tranquille, toujours zen, àl’écoute,modeste et discret.Autrement dit : l’antithèse deMystery.Ça l’avaittouché,ce tempspasséavecKatyapendantqueMysteryboudaitoubullait sursonlit,ousetapaitunestrip-teaseuseparespritdevengeance.Ilavaitdéveloppédessentimentsenverselle.Àlavoirsouffrirdesmanipulationsetdel’inattentionde Mystery, Herbal s’était même mis à croire qu’il la méritait plus que soncopainactuel.

«J’aideplusenplusdemalàlarepousser.—T’asqu’àdemanderàMystery.Iladûpasseràautrechose.—Ouais.Après tout, il a été cool pour l’histoire deSima. » (Sima : l’ex-

RLTMdeMysteryavecquiHerbalavaitfricoté.)HerbalestallétrouverMystery.Réponse:non.Maislesoirmême,aprèsune

nouvelledispute,Mysteryest allé trouverHerbaldans le salonet lui a lâché :«Onacassé.Jetelalaisse.»

Desmotsqu’ildevaitbientôtregretter.Quelques heures plus tard, Herbal et Katya s’en donnaient à cœur joie.

Comme Courtney squattait son lit, ils faisaient l’amour dans la chambre dePlayboy,àcôtédelacuisine.

QuandMysteryestrentréduStandard,ilestalléseboireunSprite.C’estàce moment qu’il les a entendus. Les gémissements qui étaient jusqu’alors sasérénade exclusive s’adressaient à un autre. Il est resté planté à la porte de lachambre de Playboy, sous le choc, et les a écoutés.Katya semblait apprécier.Trèsfort.

Mysteryestpasséausalonets’esteffondréparterre,blême.Commelamortdesonpère,ladésertiondeKatyal’affectaitplusqu’ilnel’auraitcru.

Nesous-estimonsjamaisnotrecapacitéàaimer.« Je l’aime, a-t-il conclu, lorsque la première larme a coulé sur sa joue.

J’aimecettefille.

—Ah non, l’ai-je corrigé. L’autre jour tu disais que tu la détestais. »Lespenséesquejeretenaisdepuisdessemainesjaillissaientdemoi.«Toutcequetuaimeschezellec’estsoncorps.Tutemetsdanscetétat-làuniquementparcequetutesensrejeté.

—Faux.Çamefaitchierqu’ellenem’aimepas.—Elle t’aaiméplusqu’aucunedes fillesavecqui tuessorti.L’autresoir,

dans le jacuzzi, elle me racontait qu’elle avait peur de se laisser aller et des’attacher à toi. Et dès que ç’a été le cas, tu t’es transformé en sale connardrenfermésurlui-même.

—Maisjel’aime.—Tudisçadetouteslesfillesavecqui tucouches.C’estpasvraimentde

l’amour.C’estdutoc.Uneillusion.—N’importequoi!ahurléMysteryàpleinspoumons.Tutegoures!»Il s’est levé, s’est dirigé vers sa chambre d’un pas lourd et en a claqué la

porte.Desplaquesdepeinturesesontdétachéesdumur.Onl’avaittellementnégligédanssonenfancequelesimplefaitdeluiretirer

de l’amour actionnait en lui une gâchette. Se fissurait alors la carapace denarcissismequel’enviedefuirlaréalitéavaitconstruitedesannéesplustôt.

Tandis que je retournais dans ma chambre, une scène duMagicien d’Ozm’estrevenueàl’esprit:celleoùleMagicienditàl’Hommedefer»«Onjugeun cœur non selon l’amour qu’il porte aux autres hommes,mais bien d’aprèsl’amourqueleshommesluiportent.»

Je mourais d’envie de laisser mes rêves gommer pensées, soucis,contrariétés,afindepouvoircommencerlanouvellejournéedubonpiedmaisjemesuisfaitintercepterparCourtney.Deboutdansl’embrasuredemaporte,elletenaituneliassedepapiersàlamain.

«AppelleFrankAbagnalepourmoi. Il réglera toutça.AppelleaussiLisa,dis-luiquej’aibesoindelavoir.

—Çamarche.»Jenecomprenaispasdequoiellevoulaitparler.Jenesavaispascomment

contacter FranckAbagnale (le faussaire dont lesmémoires ont inspiré le filmAttrape-moi si tu peux), ni Lisa, sa guitariste. Par contre, je savais commentgérersesdemandesincessantes:acquiesceretnerienfaire.Elleoubliaittoutenl’espacedequelquesheures,alors…

Le lendemain matin, j’ai rendu visite à Mystery. Assis sur son lit, enpeignoir,ilétaittraversédetremblementsetdeconvulsions.Ilétaitécarlateetenlarmes.Jenel’avaisjamaisvudanscetétat.ÀToronto,pendantsadépression,il

secontentaitdeserenfermeretdedevenircatatonique.Là,ilsemblaitsouffrirlemartyre.

Detouteévidence,Katyaétaitpasséeprendresabrosseàdentscematindanslasalledebains.

«Tuveuxmeparlerdecequis’estpasséhiersoir?luiavait-ildemandé.—Etpourquoidonc?Tum’asofferteencadeauàHerbal.—T’asbaiséaveclui?—Ben,disonsplutôtquej’aieul’expériencesexuellelaplusincroyablede

mavie.»Cetteremarquel’avaitdétruit.« Je vais la tuer. » Il s’est roulé sur le dos et a grogné commeun chien à

l’agonie. «Logiquement, je sais que ce sontmes émotions quime contrôlent.Maismalogiqueestnaze,là.Jemesensàvif.»Ilaserréledrapdanssonpoing.«Bizarreetvide,commeaprèsavoirchié.»

Ils’estretournéets’estremisàsangloter.«Jemesensvidédemamerde.»Dansd’autrescirconstances,j’auraiséclatéderire.À savue, je repensais auxparolesd’une chansondeCourtney : « J’ai fait

mon lit/Jevaism’ycoucher.»Mysteryavait fait son lit, et c’estHerbalquiycouchait.

Mysteryalevélesmainsaucieletahurlé,desavoixàlaAnthonyRobbins.Toutàcoup,Courtneyapassélatêteparlaporte.«Onparledemoi?Jepeuxdormirdanslapiècededevant,sivouspréférez.»

Ellepouvaitêtreadorable.Je l’ai rejointeausalonet luiaiexpliqué lasituation.Assisedans lepatio,

Katyafumaitetpleurait.«Jemesenstropmala-t-elledéclaré.PauvreMystery.»Elles’estlamentée,

commesielleparlaitdesonchien.Herbal s’est traîné jusqu’à la table, la têtebasse. Il a essayéde trouverun

trucàdire.Niluiniellenesemblaientregretterleurnuit.Ilsn’avaientpasprévuqueMysteryleprendraitsimal.Personnenes’yattendait,enfait.

CourtneyaalluméunecigaretteetaracontéàHerbalunedesesexpériencesdetriolisme,elleluiaaffirméquepartagerpeutêtredel’amour,qu’elleavaitfiléàSanFranciscopourintégrerFaithNoMore,quec’estellequiavaitinventélesSuicideGirls, etqu’enEuropeelleavaitessayéde transformerunegroupieenartiste.Quelquepartdanssondiscourstentaculairesedissimulaitunemétaphoredu dilemme que vivaitHerbal – pris entre sonmeilleur ami et la fille dont iltombaitamoureux–maisoù…?Aucuneidée.

Pile à ce moment-là, le téléphone d’Herbal a sonné. Il a répondu et,abasourdi,apassél’appareilàCourtney.

«C’estpourtoi–FrankAbagnale.Iladûavoirmonmessage.»Jelesailaisséstouslestroisdanslepatioetsuisallétéléphoneràlasœurde

Mystery,Martina.«Ilrecommenceàcriser.—Commentva-t-il?—Audébut,çaressemblaitjusteàunchagrind’amour,maiscematin,ila

craqué. On dirait que cette situation a déclenché une réaction chimique. Il nepeutpluss’arrêterdepleurer.

— Bon, si ça empire, je lui paye un billet pour Toronto. T’auras qu’à leconduireàl’aéroport,ons’occuperadeluiàsonarrivée.

—Tu te rendscompteques’il rentreàToronto toutsera foutu. Ilest restéplusdetempsquesonvisal’autorisait:onnelelaisseraplusjamaisentrerauxÉtats-Unis. Il ne pourra plus devenir un magicien célèbre. Et son businessdisparaîtra.

—Jesaisbien.Maisonn’apasvraimentlechoix.—Jevaisvoircequejepeuxfaire.—Renvoie-le-nous,c’esttout.LessoinssontgratuitsauCanada.Onn’apas

lesmoyensdeletraiterauxÉtats-Unis–surtouts’ilsefaitinterner.—Laisse-moiessayer.Siçanes’améliorepas,jelemetsdansunavion.»La détérioration de la relation entre Mystery et Katya m’avait ouvert les

yeux.Ill’avaitinvitéeàemménagercheznous.Ill’avaitépousée.Ill’avaitmisenonenceinte.Ill’avaitdélaisséeetdétestée.IlavaitpermisàHerbaldecoucheravecelle.Ilétaittoutbonnementsaproprevictime.

Depuis la parution de mon papier dans le New York Times, une demi-douzaine de producteurs d’émissions de télé-réalité l’avaient contacté – ycomprisceuxd’AmericanIdol. Ils lui avaitmêmeenvoyéun contrat pouruneémissiondanslaquelleilauraittransformédeslosersendonjuans.Iln’avaitplusqu’àsedonnerlapeined’accepterlagloirequifrappaitàlaporte.Maisiln’avaitrappelépersonne.

« Ça ne m’étonne pas, a soupiré Martina quand je lui ai expliqué leproblème. Chaque fois qu’il est à deux doigts de réussir, il craque et envoiebaladertoutlemonde.

—Tuveuxdireque…—Oui.Enfait,ilapeurdusuccèsaprèslequelilcavale.»

Chapitre6

Lanuitsuivante,Katyaestrentréeà2heuresdumatin,accompagnéed’Herbalet du couple avec lequel il lui arrivait de coucher.Mystery a ouvert sa porte,s’est installé par terre sur un coussin et les a regardés s’enivrer au salon. Ils’efforçaitderestercalme.

Lafemmemesuraitunmètrequatre-vingts,elleavaitunventreplatetferme,descheveuxbrunsquiretombaientsurunjolipetitcul,desseinsrefaitsàneufetungrandnezquidevaitbientôtcroiserlarouted’unscalpel.QuandKatyas’estpenchéeverselleet l’aembrassée,Mysterys’estcrispéetestdevenuécarlate.S’il était resté un peu plus longtemps avec Katya, il aurait eu droit à cetteinsaisissableexpérienceàtrois.Àprésent,ilenétaitréduitàlesobserver:Katyarigolaitaveclecouple;Herbalrestaitassislà,unsouriresatisfaitauxlèvres;lesfilles ont enfilé leurs bikinis puis se sont installées dans le jacuzzi en sepavanant;Herballesyarejointes.

KatyaavaitdonnésoncœuràMystery,etilpayaitpourleluiavoirjetéàlafigure. Intentionnellement ou non, elle étalait sous ses yeux sa bisexualité, sajeunesseetsonbonheur.

Aumatin,lasantédeMysterys’étaitencoredégradée.Quandilnepleuraitpasdansuncoin,ilpatrouillaitdanslamaison,histoiredes’assurerqueKatyaetHerbaln’étaientpasensemble.S’ilnelestrouvaitpas,ilpassaituncoupdefilàKatya.L’undansl’autre,lerésultatétaitlemême:Mysteryfinissaitparjeterlecombiné et détruire tout ce qui se trouvait à sa portée. Il a renversé plusieursbibliothèques, décimé ses coussins, éparpillant des plumes dans toute sachambre,etilajetésonportablecontreunmur.L’appareils’estcasséendeuxetacreuséungrostroudansleplâtre.

«OùestKatya?demandait-ilàPlayboy.—EllefaitdushoppingsurMelrose.—EtHerbal?—Beneuh…Enfaitilest…commequidiraitavecelle.»AlorsMysteryse tordaitdedouleur, sonvisagesedécomposait, les larmes

coulaient, ses jambessedérobaientsous luiet ilnouspondaitune justification

évolutionniste.«C’estlesgèneségoïstes.C’estlebébépotentielnonexistantquimepunit.»

QuandHerbalestrentréavecKatya,jel’aiprévenu.«Faisgaffe,ellesesertdetoipourrécupérerMystery.—Non.Tumens.Onadessentimentssincèresl’unpourl’autre.—Trèsbien.Maisest-cequetupourraismerendreunservice?Neplusla

voir jusqu’à ce queMystery reprenne du poil de la bête. Je vais demander àKatyad’allers’installerailleursquelquetemps.

—D’accord,réponditHerbalàcontrecœur.Maisceserapasfacile.»Lesoirmême,j’emmenaisKatyaetsonfrèreaucinéma.PlanA:lasortirde

lamaisonetl’éloignerd’Herbalpourquel’étatdeMysterysestabilise.PlanB:baiser avec elle pour montrer à Herbal que leur relation n’avait riend’exceptionnel.

Parchance,leplanAafonctionné.«TuesentraindedétruireMystery,j’aiditàKatyasurlecheminduretour.

Il faut que tu t’en ailles.Et que tu ne reviennespas avant que tout soit rentrédans l’ordre. Il n’est plus question de toi, maintenant. Mystery a un graveproblèmepsychologique,etc’esttoiquil’asdéclenché.

—OK»,aréponduKatya.Elle levait lesyeuxversmoicommeungosseàquionfaitlaleçon.

«EttudoismepromettredenepluscoucheravecHerbalTufaissouffrirundemescolocsettuessurlepointdebriserlecœurd’unautre.Jepeuxpasresterlàsansréagir.

—C’estpromis.—Finidejouer.—OK.Pigé.—Promisjuré?»Elleapromisjuré.J’auraisdûluidemanderdejurersurlaBible.Draguer, à côté, c’était du gâteau.Même si les individus ne sont que des

programmesconçuspar l’évolutionde l’espèce, comme lecroyaitMystery, ilsrestenttropcompliquéspourqu’onlescomprenneenprofondeur.Oncaptetoutjustedes relationsdecauseàeffet.Rabaissezune femme,ellechercheravotreapprobation ; rendez-la jalouse, elle vous tombera dans les bras. Pourtant, au-delàdelaséductionetdudésir, ilexistedessentimentsplusintensesquenoussommesraresàéprouver,etquepersonnenemaîtrise.Orcessentiments–dontle cœur et le terme amour ne sont que des métaphores – accentuaient lesdissensionsauseindeProjetHollywood.

Et c’est ainsi que Mystery s’est retrouvé à faire fuir les occupants de lamaison,qu’ilamenacédesesuicider,quej’aidemandéàKatyad’apporterunXanax,quej’aiemmenémonamiàlacliniquepsychiatriqued’Hollywood,qu’ilatentédes’enéchapperpardeuxfoisetqu’ilaessayédedraguerlapsy–sanssuccès.

Six heures plus tard, il quittait l’établissement avec une boîte entière deSeroquel dans la main et un autre Xanax dans le ventre. Seroquel, je neconnaissaispas,alorsj’ailulanotice:«Traitementdelaschizophrénie»,

Mystery me l’a arrachée des mains et a lu à son tour : « C’est juste dessomnifères.Çavam’aideràdormir.

—C’estça.Dessomnifères.»

Etape10

DÉTRUIRELARÉSISTANCEDEDERNIÈREMINUTE

«Estsexuelcequiprovoqueuneérection[…]sansinégalité,sansviolation,

sansdomination,sansrapportdeforce,l’hommen’apasd’excitationsexuelle.»CathabineMacKinnon,

TowardaFeministTheoryoftheState

Chapitre1

Journée limonade à Projet Hollywood. Du moins, c’est ce qu’avait décidéCourtney. Mystery se remettait doucement, Katya passait six semaines à LaNouvelle-Orléans,etilyavaitdebonnesvibrationsdansl’air.

Clope au bec – les cendres tombaient sur son t-shirt Betsey Johnson –,Courtneyaprisunénormesaladierdansunplacard.Elleaouvertlefrigoetenasortideuxbriquesdelimonadeetunedejusd’orange.Ellelesavidéesdanslesaladierpuis,quandiladébordé,dansplusieurscasseroles.Elleaensuiteattrapéune poignée de glaçons dans le congélateur et les a plongés dans samixture.Enfin,elleatrempésesdoigtsnoircisdanschaquerécipientetatouillé.Lejusserenversait sur le comptoir et les cendres de sa cigarette se mélangeaient à lapréparation.

Elleaécrasésonmégotsurunetuileducomptoir,ajetéunregardfrénétiquealentour jusqu’à repérer un placard en hauteur. Elle l’a ouvert et en a retiréquatreverres.Unparun,ellelesaremplisàmêmelesaladier.Aprèsquoi,elles’estemparéedetouslesautresverresetmugspropresqu’elleaputrouver,ainsiqued’unverremesureur,etyaversédelalimonade.

Danslesalon,assisentailleursuruncanapé,Mysteryassuraitsonpremierséminairedepuissonretourdelacliniquepsychiatrique,troissemainesplustôt.Pieds nus, mal rasé, il portait un t-shirt et un bleu de travail ; ses paupièresretombaient paresseusement sur un regard inexpressif. Il prenait à intervallesrégulierssonSeroquelpoursortirdeladépressionendonnantlepluspossible.Ilcommençaitàvoirleboutdutunnel.

«Ilyatroisphasesdansunerelation,expliquait-il,engourdi,àsesétudiants.Un début, unmilieu et une fin. En cemoment, je vis la fin. Je vais pas vousmentir.Enhuitjours,j’aipleurétroisfois.»

Ses six étudiants échangeaient des coups d’œil gênés. Ils étaient là pourapprendre à lever des nanas. Mais pour Mystery, le séminaire avait pris latournured’unepsychothérapie.Çafaisaitdeuxheuresqu’illeurparlaitdeKatya.

«C’estversçaqu’onva,etçapeutêtredifficile,a-t-ilpoursuivi.Jeprévoisderefairelecoupdufauxmariage.Monerreur,ladernièrefois,c’estd’avoirdità Katya et à sa mère que c’était une farce. La prochaine fois, j’organise la

cérémonie dans le jardin. J’engage un acteur pour jouer le prêtre, et tout lemondesauraquec’estduchiqué–saufelleetsesparents.»

Undesétudiants–unbeaugosse trentenaire,cheveuxenbrosse,mâchoired’acier–alevélamain.«Maistunevienspasdenousdirequecettehistoireavaitétéunfiasco?

—C’étaitjusteunessaisurleterrain,réponditMystery.Unsuperthème.»Chaque fois queMystery émergeait de sa dépression, il se sentait un peu

désorienté.Là,iléprouvaitdelacolère,ainsiqu’unevirulenceinéditevis-à-visdesfemmes.

C’estàcemoment-làqueCourtneyafaitirruption.«Quiveutdelalimonade?»Lesétudiantsl’ontregardée,soufflecoupé.«Etvoilà,dit-elleenservantde

forceMysteryetMâchoire-d’acier.Qu’est-cequetufaislà?T’esplutôtmignon.— Je suis prof d’autodéfense.Mystery me laisse assister à son atelier en

échangedecoursdeKravMaga.»Courtneyacouruchercherdeuxautresverresàlacuisine,puisencoredeux,

etencoredeux,jusqu’àcequ’ilyaitplusdeverresquedepersonnesprésentes.« Niveau boisson, ça devrait aller, lui ditMystery alors qu’elle rapportait

deuxmugspleins.—Ilestoù,Herbal?ademandéCourtney.—Sousladouche,jecrois.»Courtneyafoncéjusqu’àlasalledebainsetabalancéuncoupdepieddans

laporte.«Herbal?T’es là-dedans?»Elleacognédenouveau laporte,plusfort.

«Jemelave.—C’estimportant.J’ouvre.»Elleadéboulédanslasalledebainsetatirébrutalementlerideaudedouche.«Qu’est-cequisepasse?»ademandéHerbal,paniqué. Ilétaitàpoil, les

cheveuxdégoulinantdeshampooing.«Ilyalefeuouquoi?— Je t’ai préparé ça. » Courtney lui a fourré un mug de limonade dans

chaquemainavantdedéguerpir.Herbalenestrestécommedeuxrondsdeflan.Depuisqu’ilm’avait promisdeneplusvoirKatya, il errait en silencedans lamaison. Il était trop fier pour l’admettre, mais il avait de la peine. Il aimaitKatya.

CommelesétudiantsdeMysteryprenaient leurpausedéjeuner,Courtneyafoncéaupremierétage,chezPapa,laissantderrièreelleunetraînéedegouttesdelimonadesurletapis.ElleestentréecommeunefuriedanslachambreoùPapa,

Sickboy,TylerDurden,Playboy,Xaneuset lesmini-Papabossaientchacunsurun ordinateur. Allongé sur le lit défait, Extramask lisait le Bhagavad-gita. Àrester chez nous, Extramask s’ennuyait ferme et il s’était plongé dans lesbouquinsdereligionorientaledePlay-boyquileconduisaient,ôsurprise,surlavoiedeladécouvertespirituelle.

« Courtney, a demandé Tyler Durden alors qu’elle leur servait à boire, tupourraispasnousfaireinscriresurlaguestlistduJoseph’s,lundi?»

Courtney a décroché le téléphone, s’est renduedans la salle debains avecTyleretacomposélenumérodeBrentBolthouse,l’organisateurdessoiréesduJoseph’s,célèbrespourleursguestlistsinaccessiblesetleursfoulesdestarlettessplendides. « Brent, dit-elle, mon pote Tyler Durden est dragueurprofessionnel.»TyleragitaitfrénétiquementlesmainspourindiqueràCourtneydetenirsalangue.«Sonboulot,c’estdeleverdesnanas.Tropcool.»Tylerseprenait la têteàdeuxmains.«Tupeux l’ajoutersur taguest list,histoirequ’ilvienneavecdespotesetdesnanasàeux?»

Elleataxéuneguirlandedesixpréservatifssurleborddulavaboetsel’estenrouléeautourdupoignet,enguisedebracelet,puisaexploréleslieux.Elleapassélatêtedanslesdeuxplacards–lesinfâmeschambresd’amisdePapa–quiencadraientletrône.

«Faut que je te pose une question, dit-elle en ressortant d’un placard, quicontenaitunevalise,untasdelingesaleetunmatelasposéparterre.Est-cequetuaimeslesfemmes?»

Parlafenêtreouverte,onvoyaitMâchoire-d’aciertrimballerunsacdesabledanslepatio.

«Audépart,j’étaispasmisogyne,réponditTyler.Etpuisons’améliore,oncoucheavecdestasdefillesquisontmaquéesalorsonperdconfiance.»

Effetsecondairedeladrague:diminutiondel’estimeportéeausexeopposé.Ledragueurassisteàtropdetrahisons,demensongesetd’infidélités.Ilfinitparapprendre qu’une femme mariée depuis trois ans ou plus se laisse plusfacilement tenterqu’unecélibataire. Ildécouvrequ’une femmecaséecoucheradèslepremiersoirmaisnelerappellerapasparlasuite.Ilserendcomptequeles femmes sont aussi nazes que les hommes – mais qu’elles le dissimulentmieux.

«Lespremierstemps,j’aibeaucoupsouffert.Jerencontraisuncanonquimeplaisaitvraimentetondiscutaittoutelanuit.Elledisaitqu’ellem’aimait,qu’elleavaittropdeboldem’avoirrencontré.Etpuisjefoiraisuneépreuveàlaconet

ellesecassait;ellenem’adressaitmêmepluslaparole.Toutcequ’onvenaitdeconstruireenhuitheures,àlapoubelle.Ducoup,çam’aendurci.»

Ilexistesurterredeshommesquihaïssentlesfemmes,quinelesrespectentpas,quilestraitentdesalopesetdeputes.PaslesV2D.LesV2Dnehaïssentpasles femmes ; ils les craignent. En se définissant comme V2D – titre obtenuexclusivement grâce aux réactions féminines –, on se condamne à puiser sonestimeetsonidentitéuniquementdansl’attentionqueportesurnousl’autresexe–unpeucommeuncomédienfaceàsonpublic:sil’assistanceneritpas,c’estqu’il n’est pas drôle. Ainsi, pendant les phases d’apprentissage, certains V2Ddéveloppaientdestendancesmisogynesafindeseblinder.

Ladraguepouvaitprésenterdesdangerspourl’âme.Dans lepatio,Mâchoire-d’acier tenait lesacdesablequeMystery frappait

mollement.«Plusfort,Mystery!Plusagressif!»

Chapitre2

En dehors de Projet Hollywood, la communauté tout entière semblait avoiradoptéunpetit côtédangereux, instable.Lescomptes rendusne traitaientplusseulementdesfilles,onyracontaitmaintenantdesbagarresetdesscandalesenboîte.Lesmembresdelacommunautésemirentàvivreparprocurationcequisepassait àProjetHollywood, ainsi que l’écrivait Jlaix, unV2DchampiondekaraokéetsosiedePresleyquisebaladaitavecunfusildechasseetqueTylerDurdenetPapaavaientdépistéàSanFrancisco.

MSNGROUP:Mystery’sLoungeSujet : Compte rendu – Première strip-teaseuse de Jlaix (drogues vendues

séparément)Auteur:JlaixJerentredeVegassurlesrotules.Jemesuisfaitjeterd’unkaraokéhiersoir

pourm’êtrerouléparterreenpleurantpendantlepontdeSeparateWays(WorldsApart).

Maisc’estpasdeçaque jeveuxparler. Jemesuis tapéunestrip-teaseuse.Alorsenavantlamusique.

J’arriveenvillemercrediaprès-midietcommenceàboire.Avecdesmecsduboulot, on logeait au Hard Rock, comme les personnages deNewport Beachdansl’épisodedecettesemaine.OnsefaitjeterduHardRockCafépouravoirpréparédescocktails-barbaqueetnousêtremisaudéfidelesboire.Recetteducocktail-barbaque : de la viande de bœuf, du bacon, de la bière, de la purée,encore de la bière, de la viande de porc, des glaçons, des oignons, de lamoutarde, de la supersauce, sel, poivre, sucreries, éventuellement un doigt devodka.Quandundemescollèguesagerbésurlatable,onesttousallésdansuneboîtedestrip,l’OlympicGardens.

Ça me faisait chier, parce que j’avais envie de draguer, et pas qu’unechaudasseviennedansersurmesgenoux.Auboulot, j’arrêtepasdedireàmescollèguesquejesuisleroideladrague:fallaitquejeleurmontrequec’étaitpasquede lagueule. Jem’étaisvachemententraînéet franchement j’avaisunpeupeurdepasserpourunconsijenelevaispersonneàl’Olympic.Enplus,j’aime

paslesboîtesdestripparcequejerefusedepayerpourdusexe,sousn’importequelle forme.Maisbon, j’yvaisquandmêmeet jeme tapeunebièrependantquelesgarss’éclatent.

Là-dessus,ilyacettefillequivients’asseoirenfacedemoidansl’alcôve.En fait, ellebossait làmais elle avait pris sa journéeparmanquede clients ettrop-pleindenanas.Jecommenceàluibalancermesthèmes,çamesoûle.Mespotesmeprennentpourunmaladeparcequej’arrêtepasdelatraiterd’abrutie.

Elle, elleme répèteque je suismacho, et elle commenceà tomber sous lecharme. Les autres regardent bouche bée. Je lui explique qu’on doit rentrer àl’hôtel, qu’elle n’a qu’à venir avec nous et inviter des copines « chaudassespétasses».Çalavexequejel’appellecommeça,alorsjechangedesujet:«J’aiuneamie tropbizarre.Ellemangedescitronsentiers,comme lesoranges,bla-bla-bla.»Ducoup,elleoublietout.Re-thèmes–boum,boum,boum.Çadureunpeu.Onsecassetousensemble.

Dehors, lepatronchercheà laconvaincrede retournerbosser. J’entraîne lafille dans un taxi. Elle me fait : « Je suis une strip-teaseuse, mais j’ai de lacervelle!»Jeluisorslespeech«Onesttroppareils»(Mystery)puisceluidessouriresenC’etenU(Style).

Àl’hôtel,jeluiproposedesemettreàl’aisedansmachambre.Là,jeluisorslecoupducube.Etj’ajoute:«Quandjel’aifaitàParisHilton,dansunrestaudetacos, ellem’a répondu que son cube était aussi grand qu’un hôtel. Tu parlesd’uneégocentrique!»Brefmaintenant,ellecroitquejepassemavieavecdespeopleetdestopmodels,mêmesic’estàPapaquec’estarrivé.

JeluisorsaussilenouveautrucdeTylerDurdensurlescritères:«J’enaimaclaquedesortiravecdesnanasquisedroguenttoutletempsetsefontrefairedepartout.Attends,pasdeméprise,moiaussij’adoresnifferunbonraildecokesurunsiègedechiottedansunbarmerdique,maispastouslesjoursnonplus!Enfin, toi, t’es pas comme ça, hein ? » Elle me fait un topo. Ensuite je luidemande si elle embrasse bien, et on se roule des pelles. Je m’arrête et luiproposededescendreprendreunverre.

Retouraucasino:jeluibalancemesthèmesdemiseàl’aise,jeluidévoileunpeuplusmavie–Supercoupes,L’Étédesabdosenlambeaux,Ballonsdansleparc, La Nounou strip-teaseuse et Mon chat s’est fait baiser. Rien que desanecdotesvéridiques,etvouspouvezmecroire,lestitressontpluspassionnantsquelecontenu.

Onsepayele tourducasinopourretrouvermespotes.Làje luidisquejesuisvanné,qu’ilfautquej’aillemecoucheretqu’elledevraitmontermeborder

et me raconter une histoire. Elle me demande : « On va faire quoi ? Descochonneries?Jeteconnaisquedepuisunedemi-heure!»

Jeréponds:«Chuuuut!J’espèrebienquenon!Jemelèvetôtdemain,alorsnemefaispasveillertroptard!Enplus,j’aitropbupourbander.»Unetuerie,cetteréplique.Fautabsolumentl’essayer,lesgars.

On retourne à la chambre, où se trouvent trois collègues à moi, raidesdéfoncés. Je lesvire illico, leurproposantd’aller tenter leurchanceenbas.Lapetiteregarde lebureauetmefait,«Yenaquiontsnifféde lacoke, ici.J’ensuiscertaine.Jesuisstrip-teaseuse.»

JeluichanteOntheWingsofLove,deJeffreyOsborne.Je luiannoncequej’aienvied’uncâlin,onsecâlineetonpapoteunpeu.Ensuitejeluidisquejeveuxluifairevoiruntour.Jememetssurelleettirelalangue.Jeluisors:«J’aienviede te lécher », puis je lui enlève sonpantalon.Pasde culotte. Je vérifiequ’elle n’a pas de plaies, puis me mets à lui bouffer la chatte. Elle avait unpiercingaudito–unepremière.Çafaisaitunbruitbizarrecontremesdents.Jemets les doigts au bout de cinq minutes sans m’arrêter de lécher, jusqu’à cequ’elle se soumette.Et là je lui fais : «Vraiment dommageque j’arrivepas àbander!»

Ellerépond:«Çam’al’airpassimal»,etjetelabaisecommeunmalade.J’avaisjamaisvudevraisseinsaussigrossurunenanaaussimaigre.Putain

de bordel, c’était bien la plus grande chaudasse que j’aie jamais niquée : mapremièrestrip-teaseuseetmapremière9/10.Après,onsefaitdesmamours.Çal’a choquée de voir toutesmes blessures etmes cicatrices. J’embrasse hyper-tendrementcettestrip-teaseuseàp’titculetluidis:«Jesuispascinglé.Jefaissemblant.Jegèrejustel’absurditédel’existenceenluirendantlamonnaiedesapièce.»

Ellemefilesonnuméroetmedemandedel’appeler.Le lendemainsoir, j’utilise l’introMonPetitPoney («Vousvoussouvenez

deMonPetitPoney?Ben justement, j’essayaisdemerappeler, ilsavaientdespouvoirsmagiques?Bla-bla-bla.»).Àlafindelasoirée,aprèsm’êtrefaitjeterdukaraoké,j’abordaislesnanasenbeuglant«Moooonpeutitponeeeeey».J’aifiniparmefairelourderd’uneautreboîtedestrip.

Lederniertrucdontjemesouvienne,c’estd’avoirregardélatélé,assissurmonlit,déboussolé,etdegueulerdanslevide,«C’estquoicettemerde?C’estNewportBeach?Qu’est-cequec’estquecettemerde?»jusqu’àcequejemerende compte que c’est un épisode de Punk’d où ils imitent les acteurs deNewportBeach.Là-dessus,jem’endors.

Jlaix

Chapitre3

Lapremièrefoisquejel’aivue,elleétaitauxchiottes.J’aiouvertlaporteengrandetl’aisurprisesurletrône.«Tuesqui?—Gabby.»GabbyétaituneamiedeMaverick(Enfrançais:«Franc-tireur»Surnomdu

personnage interprété par Tom Cruise dans Top Gun. (N. d. T.)), un desnombreux jeunes V2D qui gravitaient autour de Projet Hollywood et sepointaient tous lesweek-endssansêtre invités.Elleavait l’attituded’unereinedebeautémaisuncorpsinforme.J’aireculéd’unpasetm’apprêtaisàrefermerlaportederrièremoi.

«Hé,reprit-elleentirant lachasse.Sympa, lamaison.Tufaisquoidanslavie?»

Cettequestion-làcassaittout.QuandonchasseàLosAngeles,onapprendàrepérer illico les profiteuses. Les moins délicates vous interrogent, aprèsquelquesminutesdeconversation,surlamarquedevotrevoiture,votremétier,dequellescélébritésprésentesdans lasallevousêtes l’ami,afindedéterminervotrestatutetvotreutilitépotentielle.Lesplusdiplomatesn’ontpasbesoindeposer de questions : elles jettent un œil à votre montre ; elles analysent lamanièredontlesgensvousrépondent;ellescherchentlesindicateursdetimiditédans vos phrases. Les V2D appellent ces signaux de la communicationsouterraine.

Gabbyappartenaitauxmembrespeudiscretsdel’espèce.Après s’être lavé les mains, elle a ouvert l’armoire à pharmacie et en a

inspecté le contenu puis elle est passée dans ma chambre et a poursuivi sonexploration. « Tu es écrivain ? Tu devrais écrire un livre sur moi. J’ai unehistoiregraveintéressante.Jeveuxêtreactrice.Ettusaisqu’ilyadesgensquisont destinés à être célèbres. » Elle a pris une paire de Ray-Ban noires quitraînaient sur ma commode et les a chaussées. « Ben c’est mon cas. On necroiraitpascommeça,maisc’estlegenredetrucqu’onsaitdèsl’enfanceparcequelesgensvoustraitentdifféremment.»

Unrichen’apasbesoindedirequ’ilestriche.

Sansarrêterdeparler,Gabbyaattrapéunmuffinsuruneassietteposéesurmonbureau.Cejour-là,onavaiteudroitauxmuffins.Courtneyavaitcouruauxquatrecoinsdelamaisonpourdistribuerdesassiettespleines.

Gabbyenaprisunebouchéepuisareposélegâteaulàoùellel’avaittrouvé.Je ne voyais pas qui avait pu l’inviter. Maverick n’était pas là, et elle neconnaissaitpersonned’autre.

«J’aiduboulot.Maisc’étaitsympadeterencontrer.»Jeme disais qu’elle saurait trouver la sortie toute seule.Mais elle a dû se

tromperdedirection.Mysteryl’atrouvéeplustardsursontrôneàlui.L’un et l’autre étaient tellement narcissiques que j’avais cru qu’ils se

repousseraientcommelespôlespositifsd’unaimant.Maisnon: ilsontfiniaulit.

Gabbyapassélasemainesuivantecheznous:elledormaitavecMysteryets’est crêpé le chignon avec Courtney parce qu’elle avait emprunté des habitssanssapermission.Saplusgrandepeurétantden’avoirpersonnepourl’écouter,commeMystery, elle galopait partout dans la maison, cancanait, rouspétait ettapaitsurlesnerfsdeCourtney.

Unaprès-midiqueCourtneyfarfouillaitdansunpotdebeurredecacahuète(avec deux cuillères), elle a demandé àGabby, «Quand est-ce que tu rentrescheztoi?

—Chezmoi ?»Gabby l’a regardéed’unairbizarre.«Mais c’est iciquej’habite.»

Première nouvelle – pour Courtney, pour moi, pour Mystery ProjetHollywoodattiraitlesgens.Ilfiniraitpartouslesrecracher.

Twylaaétélavictimesuivante.Elles’estpointéecheznousquandunestrip-teaseuse que Mystery avait levée des années plus tôt a traversé une gravedépression.Vu son expérience dans ce domaine,Mystery voulait lui offrir sesconseilsun soiroùGabbyétait sortieenboîte.Saufque la strip-teaseuse s’estramenéecomplètementbourrée,etflanquéedeTwyla.

Twyla était une proie facile : trente-quatre ans, rockeuse d’Hollywood,tatouée,lapeautannée,lecorpsaussidurquelevisage,lesdreadlocksnoires,uncœur d’or. Elle me faisait penser à une Pontiac Fiero, un vieux modèlesusceptibledevouslâcheràtoutmoment.

AumomentoùMysteryacommencéàflirteravecelle,leurcopinesoûleetdéprimée a fondu en larmes. Elle a pleuré une demi-heure dans la fosse auxcoussins, jusqu’à ce que les tourtereaux finissent par filer dans la chambre deMystery.Gabbyestrentréeunpeuplustardet,sansrientrouveràyredire,s’est

miseaulitaveceuxets’estendormieaussitôt.GabbyetMysteryn’étaientpasamoureux;ilsvoulaientjustes’épauler.

Cematin-làetlesuivant,Gabbyapréparédespancakespourtoutlemonde.Commeellesemblaitdisposéeàrester,Mysteryl’aembauchéecommeassistantepersonnelleàquatrecentsdollarsparsemaine.

PlusMysterynégligeaitTwyla,pluscelle-cicroyaitqu’ill’aimait.Illafaisaitsouffrirenmultipliantlesplansdrague,etelleenredemandait.Mysterysemblaitjouir de ses larmes ; elles lui donnaient l’impression de compter. Quand cen’était pas Twyla qui pleurait, c’était Gabby. Et quand ce n’était pas Gabby,c’étaitquelqu’und’autre.LadépressiondeMysteryavaitengendréunmonstre.

ProjetHollywoodétaitcensénousattirerdesinfluencesutilesetbénéfiques,àmêmedenousaideràaméliorernotrevie,ycomprissexuelle,etnotrecarrière.Aulieudequoi,lamaisons’étaittransforméeenaspirateuràmâlesnécessiteuxetfemellesnévrosées.Elleabsorbaitquiconquesouffraitdeproblèmesmentauxet faisait fuir les gens intéressants. Entre les invités permanents, commeCourtney ou les femmes de Mystery, et la valse des nouveaux instructeurs,employésetétudiantsdePapa,onnesavaitdirecombiend’intrusoccupaientleslieux.

Jemeconsolaisenmedisantquejecontinuaisàapprendreetàgrandir.J’aipassé l’essentiel de ma vie à travailler seul. Je n’ai jamais eu un cercle derelationsfortesniunréseaud’amisdense.Jenem’étaisjamaisinscritàunclub,jen’avaisjamaisfaitpartied’uneéquipeavantd’intégrerlacommunauté.ProjetHollywood m’obligeait à sortir de ma coquille solipsiste. Il me donnait lesressourcesdontj’avaisbesoinpourêtreunmeneurd’hommes;ilm’enseignaitàmarcher sur la corde raide de la dynamique de groupe ; il m’aidait à medébarrasser de certains biens matériels, de la solitude, de l’obsession de lapropreté,delasantéetdusommeil.Ilmetransformaitenadulteresponsable.

Illefallaitbien:j’étaisentourédegamins.Touslesjours,quelqu’unvenaitmetrouverpourquejerègleunenouvellecrise:

GABBY :Mystery joueaucon.Il racontequejesuispaschezmoietqu’onveutpasdemoiici.

MYSTERY : Courtney a pris huit cents dollars dans ma chambre. Pourcompenserelleapayémonloyer–avecunchèquesansprovision.

COURTNEY:Lemecaveclefutaljusqu’aunombril,ilmesoûle.Tupeuxpasluidiredemelâcher?

PLAYBOY:Courtneypissedansnotrefrigo.EtTwylachialedansnoswc,ellerefused’ensortir.

TWYLA:Mysterydragueunenanadanssachambre,etilm’ademandédemecasser.EtPapa,lui,ilveutpasquejedormechezlui.

PAPA : Cliff, qui vient deMontréal, loge dansma chambre ; Courtney estvenue,elleaprissonbilletd’avion,quatrebouquinsàluiettroiscaleçons.

Chaqueproblèmeasasolution;chaquedisputesoncompromis;etchaqueego unmoyen de le flatter. J’étais trop débordé pour partir enMD. Les seulesfemmesdont je faisais laconnaissanceétaient cellesquivenaientà lamaison.EmpêcherProjetHollywoodd’imploserdevenaitunboulotàtempsplein.

Chapitre4

Jemesuisabsentédelamaisonuneheurepourfairedescourses.Uneheure,pasplus. Àmon retour, une Porsche rouge crachait de la fumée dans l’allée, unegaminedetreizeanstraînaitausalonetdeuxblondesfuribardesfumaientdanslepatio.

«C’estquoi,cebordel?j’aidemandéenclaquantlaportederrièremoi.—VoiciMari,m’aréponduMystery.—Lafilledelafemmedeménage?»Nousn’avonsjamaisétécapablesde

garderuneseuleemployéedemaison.Veniràboutd’unesemainedevaisselle,de poubelles débordantes, de restes de fast-food, de flaques d’alcool et demégots laissésparunedizainede typesetd’innombrablesfêtardes,c’était troppourlaplupartd’entreelles.Parconséquent,ProjetHollywoodavaittendanceàmariner dans sa crasse un mois ou plus entre deux femmes de ménage. Ladernièreavaitétabliunrecord:deuxsemainesconsécutivesànotreservice.

«Samèreestsortie,alors je lasurveille.»Mysterys’estapprochédemoi.«Ellemerappelleunedemesnièces.»

Ça faisait plaisir de le voir se comporter normalement. Cette présenceadolescente lecalmait.Quantà laPorsche,Courtneyl’avaitfait livrerafinqueMysterypuisse la conduire aux répétitionsde songroupe.Mais après unpetittourd’essai,l’apprentichauffeurs’étaitrenducomptequ’ilnepouvaitpasfaireconfianceàsonintuitionmagiquepourapprendreàchangerdevitesse.

«Etelles,c’estqui?ai-jedemandéenindiquantlesblondes.—DesfillesdugroupedeCourtney.»Jesuissortidanslepatioetmesuisprésenté.«Jem’appelleSam»,répondituneespècedegarçonmanqué.L’inflexionde

savoixtrahissaitsesoriginesdansleQueens.«Labatteuse.—Ons’estdéjàrencontrés.—Nousaussi»,aricanél’autre.SonaccentdeLongIslandétait tellement

prononcéque j’enai sursauté.Celle-làmedépassaitdecinqcentimètres, avaitles cheveux tirés en arrière comme une crinière et autour de ses grands yeuxnoisetteuneépaissecouchedemascaraquimerappelaitlafoisoù,adolescent,je

m’étaisbranléenregardantSusannaHoffs–desBangles–dansleclipdeWalkLikeanEgyptian.Cettefilleincarnaitlerockandroll.

«OnadûsecroiserauTonightShow?ai-jebredouillé.—Avant ça.AuArgyleHôtel… tu as passé toute la soirée à parler à ces

jumelles,là.—Ah, lesPorcelainTwinZ. »Comment avais-je pu l’oublier ?Cette fille

débordait de charisme. Ce qui me séduit le plus chez une femme, c’est sonmaintien.Etelle,sonmaintienrespiraitl’assurance.Ilsignifiaitaussi:«Tefouspasdemagueule.»

Je suis rentré interroger Mystery. « C’est Lisa, la guitariste. Une salopeintégrale.»

Courtney avait prévu d’enregistrer une session acoustique chez nous pouruneémissiondetélébritannique.Maiselledemeuraitintrouvable,etSametLisas’énervaient.J’aitentédelesapaiser.Jemesentaistellementpetit,àcôtéd’elles.

J’aiprisunétuiàcdquiappartenaitàLisaetenaiexaminélecontenu.Lavache ! Elle avait du Cesaria Evora, la diva du Cap-Vert dont les chansonsmélancoliques,autempocadencé,sontpeut-êtrelesmeilleurstitresdebaiseaumonde.Dèsquej’aivuceCD,j’aisuquej’avaisrencontréunepersonnequejevoulaisapprendreàconnaître.

Jemerappelaisvaguementcequimepermettaitd’aborderlesfemmesetdenouerune relationavecellesdu tempsoù j’étaispmf : lespointscommuns. Ilsuffitdesetrouverunepassioncommunepourdéclenchercetteémotionétrangequ’on appelle le « courant ». Les scientifiques affirment que lorsque deuxpersonnes se découvrent des affinités, elles émettent des phéromones et laséductioncommence.

Quelquesinstantsplustard,Mysterynousarejoints.Ils’esteffondrésurunechaiseetaattenduuneseconde–untrounoirquiaspiraitlamoindrephéromonequeLisa etmoi avions réussi à émettre. « J’ai appeléKatya.On s’est un peuparlé.Jel’aimetoujours.»

IlalancéunregardàSametàLisa,commes’ilchoisissaitunecible.«Tuleurasracontél’histoireavecKatya?»

Lesfilles levèrent lesyeuxauciel.Ellesavaient leurspropresproblèmesàgérer.

«Bon,m’excusai-je.Jevaism’acheterunburritoauPoquitoMas.Sympadevousvoir–encoreunefois.»

Ilfallaitquejem’enaille.JenevoulaispasêtreassociéàlafoliedeMystery–mêmesij’enfaisaispartie.

Jemesuis renduàpiedauPoquitoMas,où j’ai trouvéExtramaskassisenterrasse : il était plongé dans un pavé impressionnant. Il portait un short, unserre-têteetun t-shirtblancdéchiré, trempéde sueur– il sortaitde la salledegym.

Cela faisait des mois que je ne l’avais pas vu seul à seul à l’extérieur.Naguère,jeleconsidéraiscommemonpetitfrère–mêmesi,depuisqu’ilavaitintégrélavraiedynamiquesociale,nousétionsunpeubrouillés.J’aidécidéderenouernosliens.

«Tulisquoi?—Jesuis,deSriNisargadattaMaharaj.JelepréfèreàSriRamanaMaharshi.

Sesenseignementssontplusmodernes,plusfacilesàintégrer.—Tum’enbouchesuncoin.»Jenesavaispasquoidire:cettephilosophie-

là,jen’yconnaissaispasgrand-chose.«Ouais,jecommenceàcomprendrequ’iln’yapasquelesfillesdanslavie.

Toutça,là–d’ungeste,ilindiquaProjetHollywood–,çaneveutriendire.Etlerestenonplus.»

Jem’attendaisàcequ’iléclatederireetmeparledesonpénis,commeaubonvieuxtemps.«AlorslesMDc’estfinipourtoi?

— Ouais. C’était devenu une obsession. Et puis j’ai lu ton mail sur lesautomatesetjemesuisrenducomptequej’étaisentraindememétamorphoser.Ducoup,jedéménage.

—Turetournescheztesparentsoutucomptestetrouverunepiaule?—Nil’un,nil’autre.JeparsenInde.— Pas croyable. Et pourquoi ? » Quand Extramask avait rejoint la

communauté,ilétaitl’unedespersonneslesplusendécalageaveclaréalitéquej’aiejamaisrencontrées.Iln’avaitjamaisprisl’avion.

—Jeveuxcomprendrequijesuis.Ilexisteunashram–leRamanasramam–prèsdeMadras.C’estlàquejevaishabiter.

—Combiendetemps?—Sixmois, un an, peut-être toutemavie. J’en sais fichtre rien. Je verrai

bien.»J’étaissurpris,maispaschoqué.Latransformationsoudained’Extramaskme

rappelaitcelledeDustin.Certainespersonnespassentleurexistenceàremplirunmanque. Si les femmes ne comblent pas ce vide, ils se tournent vers quelquechosedeplusgrand:Dieu.JemedemandaisversquoiDustinetExtramasksetourneraient,quandilsdécouvriraientqueDieuLui-mêmen’estpasassezgrandpourlesaider.

« Bon, ben bonne chance, mec. J’aimerais pouvoir te dire que tu vas memanquer,maisçafaitsixmoisqu’onseparlepresqueplus.Çafaitbizarre.

—Ouais. C’est dema faute. » Il s’est interrompu et a affiché un sourireforcé. J’ai cru un instant que l’ancien Extramask était revenu. « Je manquaisd’assurance.

—Etmoidonc.»Le temps que je rentre à la maison, les producteurs britanniques étaient

arrivés,flanquésd’unmanagerpotentieletd’unecoiffeuse.«Jepeuxplusbosseravecelle,adéclarécettedernièrequandilestdevenu

clair que Courtney se pointerait en retard. Depuis qu’elle se drogue, elle estingérable.»

Nous n’avions trouvé aucune drogue dans la maison mais, à voir soncomportementbizarre,peut-êtrequeProjetHollywoodne réussissaitpas assezbienàCourtney. Jecompatissais.Courtney laissaitnosproblèmes ladétournerde sa vraie vie, dont elle aurait dû s’occuper. Un peu comme nous tous,d’ailleurs.

Cette nuit-là, je me suis réveillé et l’ai trouvée au pied de mon lit, unechaussurePradaàlamain.

«Etsionredécoraitlabaraque,a-t-elleproposétoutexcitée.Onutiliseralagodassecommemarteau.»

J’airegardél’horloge:2h20.«T’auraispasdesclousoudespunaises?»Sansattendrederéponse,ellea

foncéaurez-de-chausséeetenest revenueavecuneboîtedeclous,un tableauencadré à fixer sur monmur, un gros oreiller pour mon lit et une boîte rosedéfoncéequiressemblaitàunvieuxcadeaupourlaSaint-Valentin.

«Ça,c’estlaboîteenformedecœur2.Jeteladonne.»Elle a pris ma guitare, s’est assise au bord du lit et a joué ma chanson

countrypréférée,LongBlackVeil.«Demain soir, je vais à la fête d’anniversaire d’une copine au Forbidden

City, annonça-t-elle en laissant tomber l’instrument par terre. Je veux que tum’accompagnes.Çanousferadubiendesortirensemble.

— Attends voir. On se retrouve là-bas. » Je savais combien de tempsduraientsespréparatifs.

«OK.J’iraiavecLisa.—Enparlantd’elle:aujourd’huiilyavaitpleindegenspourtoiici,etonne

tetrouvaitnullepart.Jecroisqueçalesapasmalsoûlés.»

LevisagedeCourtney s’est assombri, elle a fait lamoueetdes larmes luicoulèrentsurlesjoues.«Jevaischercherdel’aide,promis.»

Chapitre5

Je portais un blazer blanc sur une chemise noire rehaussée par un écran àcristauxliquidessurlequelonpouvaitfairedéfilerunmessage.Lemien:«Tue-moi. » Je n’avais pas chassé depuis un mois minimum – je voulais attirerl’attention. Pas certain que Courtney se montrerait au Forbidden City,j’emmenaisHerbalcommeéquipier.

OnétaitrécemmentallésàHoustonensembleafinderécupérerlalimousine(capacité : dix passagers) qu’il avait trouvée sur eBay. Grisé par ce succès,Herbalavait,contrenotreavis,verséunacomptepouracheterunwallabysurunsite d’animaux de compagnie exotiques. Sur la route du club, la discussiontournaitautourdesquestionspratiquesethumainesqueposaitlaprésenced’unbébémarsupialcheznous.

«Cesontlesmeilleursanimauxdecompagnieaumonde.Unpeucommeunkangourouauquelonaapprisàêtrepropre.Ilsdormentavectoi,selaventavectoi,ettupeuxtebaladeravecenlestenantparlaqueue.»

Unwallaby…voilàbienladernièrechosedontnousavionsbesoinàProjetHollywood.Seulboncôté:cettehistoirenousfaisaitunesuper-intro.Pendantlasoirée, nousdemandions à toutes nos cibles leur opinion sur la bestiole.Entrel’intro etma chemise, en une demi-heure, nous étions cernés par les femmes.Quelplaisirde réutilisernoscompétences.Nousavionsété tellement absorbéspar Projet Hollywood que nous en avions oublié la raison première de notreemménagement.

Alorsqu’unegrandebringueauxépaulesvoûtées,quisedisaitmannequin,metripotaitlachemise,j’aiaperçuunecrinièredécoloréedanslafoule,àl’autreboutdelasalle.Lafilleavaitl’airdéterminée,levisageciseléetunregardsexysous une épaisse couche d’ombre à paupières bleue. Lisa, la guitariste deCourtney.À côté, les apprentiesmannequins et les actrices à qui j’avais parléparaissaientinsignifiantes.Ellelesécrasaitparsonstyleetsonallure.

J’aicouruverselle.«OùestCourtney?luiai-jedemandé.—Ellen’enfinissaitplusdesepréparer.Jesuisvenueseule.—Jerespectelesgensquin’ontpaspeurdesepointeràunefêtetoutseuls.

—Lafête,c’estmoi»,a répliquéLisasansclind’œilni sourire. Jepensequ’elleétaitsérieuse.

Nous sommes restés côte à côte toute la soirée,Lisa etmoi : le plus beaucouple de la boîte. La fête semblait venir à nous, comme si, ensemble, nousexercions un champ de force. Sur les canapés alentour se sont installésmannequins, comiques,has-beende la téléréalité et…DennisRodman.Quandlesdiversesfemmesquej’avaisrencontréesunpeuplustôtsontrevenuesflirteravecmoi,Lisaetmoi leuravonsdessinésur lesbras,donnéde l’Hypnotiqoufait passer des tests d’intelligence– qu’elles ratèrent.LesV2Dappellent cettetechniquecréeruneconspiration.Nousétionsroietreinedenotrepetitebulle,ettouslesautresfêtardsétaientnosjoujoux.

QuandunescadrondepaparazziamitrailléDennisRodman,j’airegardélevisagedeLisa,illuminéparlesflashs.D’unseulcoup,moncœurestsortidesatorpeuretamartelémapoitrine.

Àlafindelafête,Lisaapasséunbrasautourdemesépaulesetademandé,«Tumeramènes?Jesuistropbourréepourconduire,»Moncœurabondidenouveauetabattu lachamade.Elleétaitpeut-être tropbourréepourconduire,maismoij’étaistropnerveux.

Sansattendrederéponse,ellem’adonnélesclésdesaMercedes.J’aitrouvéHerbaletluiaidemandéderamenermavoitureàProjetHollywood.«J’ycroispas!luiai-jeconfié.Àmoidejouer!»

Maisjemetrompais.J’airaccompagnéLisachezelle.J’aireconnul’immeuble,pileenfacedela

cliniquepsychiatrique.Ànotrearrivée,elleafiléàlasalledebains.Jemesuisallongésursonlitetaitentédeprendreunairdécontracté.

Elleestsortieàpasdeloup,m’aregardépuisadit,suruntoncinglant,«Necroispasqu’ilvasepasseruntrucentrenous.»

Bordel,jesuisStyle.Tudoism’aimer.JesuisunV2D.Elle a changéde tenue et on est partis chercherCourtney chezmoi. Il n’y

avaitlàqueTylerDurdenàlatêted’uneescouadededixtypesoccupésàfaireunesorted’exercice:courirautourdescanapés,gueulercommedesmaladesetse taperdanslesmains.Tylerexpérimentaitunetechniquevisantàmotiver lesétudiants avant une MD. Il croyait que cette décharge d’adrénaline et decamaraderielespersuaderaitqu’ilsétaientcooletassureraitdebonnescritiquesenligneàlavraiedynamiquesociale–quesesdiscipless’améliorentounon.Çadevenaitunevéritableindustrie.

Courtneysemblaitavoirencoredisparu.Soitelleavaitvraimentdécidédesefaireaider,soitelles’enlisaitdansd’autresproblèmes.

J’ai emmené Lisa dans ma chambre, allumé des bougies, mis un CD deCesariaEvoraetj’aiouvertmonplacard.

«Onvas’amuserunpeu.»J’ai sorti un sac-poubelle rempli de vieux déguisements d’Halloween :

masques, perruques, chapeaux. Les essayant tous, on s’est pris en photo avecmonappareilnumérique.J’allaistenterlethèmedesphotos.

Nousavonsprisunclichétoutsourire,puissérieux.Pourlaposeromantique,nous nous sommes regardés. Lisa avait l’air heureuse. Sous cette façaderugueusesecachaientdelavulnérabilitéetdelatendresse.

Sans la quitter des yeux, je me suis approché d’elle, prêt à immortaliserl’instantparunbaiser.

«Pasquestionquejet’embrasse!»Ces mots m’ébouillantèrent comme du café brûlant. Aucune fille ne me

résistaitplusd’unedemi-heure.C’étaitquoi,sonproblème?Jeluiaifaitlecoupdufrigoavantdereveniràlacharge.Rien.Danscesmoments-là,unV2Dremetenquestionletravaileffectuésurlui-

même.Ilcommenceàcraindrequelafilleaitvuclairdanssonjeu–lepauvretype qui existait avant le surnom ridicule, celui qui écrivait des poèmesdésespérésaulycée.

Je lui ai sorti une version émouvante, passionnée, de la méthode del’évolution.Quelquepart,auloin,j’entendaislesapplaudissementsd’unmillierdeV2D.

«Pasquestionquejetemorde.»Jene l’aipas lâchée.Je luiai raconté laplusbellehistoired’amour jamais

écrite :«Unerencontreavec lafillecentpourcentparfaiteparunbeaumatind’avril»,d’HarukiMurakami.Unhommeetunefemme,âmessœurs,doutentuninstantdulienquilesunit,décidentd’enresterlàetseperdentàtoutjamais.

Lisaestrestéedemarbre.J’aitentéunfrigoextrême:j’aiéteintlesbougies,arrêtélamusique,rallumé

lalumièreetconsultémese-mails.Elle a grimpé sur mon lit, s’est enroulée dans les couvertures et s’est

endormie.J’aifiniparlarejoindreetnousavonsdormitête-bêche.Ilmerestaituncoupàjouer:laCro-Magnonner.Lematin,sansdireunmot,

j’ai commencéà luimasser la jambeet suis remontédoucement le longde sa

cuisse.Sij’arrivaisàl’exciterphysiquement,salogiquelâcheraitpriseetellesesoumettrait.

Jenecherchaispasàprofiterd’elle.Jesavaisquejelareverrais,quoiqu’ilsepasse.Jevoulaispasserparlacasesexepourquenousdevenionsuncouplenormal.Ellen’essaieraitplusdemepriverdequoiquecesoit ; jen’essaieraisplusd’obtenirquoiquecesoit.J’aitoujoursdétestécetteidéequiprétendque,sur le plan sexuel, la femme donne et l’homme prend. Il devrait s’agir d’unpartage.

MaisLisanepartageaitpas.Quandj’aicommencéàlamasserlàoùlacuisserejoint le bassin, elle a hurlé : « Qu’est-ce que tu fous ? » Et de repousserviolemmentmamain.

Nous avons pris le petit déjeuner, le déjeuner et le dîner ensemble. NousavonsparlédeCourtney,demonboulot,desamusique,denotrevieetd’autrestrucsquej’aioubliésmaisquidevaientêtrepassionnantspuisqu’onn’apasvupasser le temps.Elleavaitmonâge ;elleaimait lesmêmesgroupesquemoi ;elledisaitquelquechosed’intelligentchaquefoisqu’elleouvraitlabouche;elleriaitdemesblaguesdrôlesetsemoquaitdesmauvaises.

Elle a passé la nuit suivante avecmoi.Rien ne s’est passé. J’avais trouvémonmaître.

Après lepetit déjeuner, je l’ai observéedepuis lavéranda.Elle estmontéedanssaMercedes,arelevéletoitouvrantetadémarré.J’aifaitdemi-tour,prêtàremonter les marches. Je ne voulais pas me retourner pour la regarder. Jepréféraisavoirl’aircooletneplusluidonnerd’idi.

«Hé,viensvoir!»m’a-t-ellecriédepuissavoiture.J’airefuséd’unsignedetête,Ellegâchaitmasortie.«Si,sérieux,viensvoir.C’estimportant.»J’ai pousséun soupir,me suis approchéd’elle. « Je suisvraimentdésolée.

Faut pas m’en vouloir, mais je crois bien que j’ai cabossé ta limousine enmanœuvrant»

Jemesuisfigésurplace.C’étaitnotredernièreacquisition,lapluscoûteuse.« Je déconne ! » s’est esclaffée Lisa en appuyant sur l’accélérateur etme

laissantplantélà,danslapoussière.Elles’estengouffréedansSunset,lesClashàfond,lescheveuxdanslevent.

Ellem’avaitbieneu–encoreunefois.

Chapitre6

Unsoir,danslejacuzzi,jeconfiaisàMysterymafrustrationparrapportàLisa.Je luiavaisdemandésouventconseilpar lepassé,et ilm’avait rarementdéçu.Bon,gérerunerelationn’étaitpassonfort,maisilassuraitquandils’agissaitdedétruirelarésistancededernièreminute.

«Commencepartecaresser.—Là?Maintenant?—Non,laprochainefoisquevousserezensembleaulit:tusorstabiteettu

commencesàtecaresser.—Etaprès?— Après, tu lui prends la main et tu la mets sur tes couilles. Elle

commenceraàtebranler.—Tucrois?—Oui. Ensuite, tu poses un doigt sur ta bite et tu prends un peu de pré-

spermequetuluimetsdanslabouche.—Pasquestion.C’estcommedanslesfilms,quandt’asungarsquifaitça,

quelananacriseetquelemecquiavaitfiléceconseilditaugars,“Jecroyaisquet’avaiscomprisquejeblaguais.”

—Jesuistoutàfaitsérieux.Après,c’estquasimentdanslapoche.»Troisjoursplustard,aprèslafermeturedesbars,à2heuresdumatin,Lisa

estpasséechezmoiavecSam.Elleétaitivre.Onfileaulitetonpapotedesheures.«Jesaispascequej’ai,marmonna-t-

elle. Je veux plus quitter ta chambre. Je pourrais t’écouter parler des heuresdurant.»

Elle s’est approchée demoi «Oublie ce que j’ai dit. Je ne le pensais pas.L’alcoolc’estcommeunsérumdevérité.»

Lemomentétaitvenu.J’airepenséauxparolesdeMystery,pesélepouretlecontre.

Non, impossible.Pasparceque j’avaispeur,maisparceque çanepouvaitpasmarcher. Lisa se serait fichue demoi, « T’as raison de te toucher ; si tum’attendsonn’estpascouchés.»Après,elleauraitracontéàtoutessescopinesqu’unringards’étaitbranlédevantelle.

Mysteryn’étaitpasinfaillible.Du coup, nouvelle nuit platonique. Je devenais dingue. Je savais que Lisa

m’appréciait,maisellerefusaitl’intimité.J’étaisàdeuxdoigtsdemeprendreunSAJP.

Jen’étaispeut-être toutbonnementpassongenre. Je l’imaginaisplusavecdesblousonsdecuirtatouésetmusclésqu’avecunmétrosexuelmaigrichonquiavaitprisdescoursdedrague.Ellemetuait.

Pour la première fois depuis que j’avais découvert l’expression « fixetteaiguë»,j’enétaisatteint.Etjemesavaiscondamné.Onnesetapejamaiscellequivouslafile.Ondevientcollant,pleurnichardetonfoire.Là,pasdesurprise,jem’étaisplanté.

Le lendemain soir, Lisa s’est rendue à Atlanta, où Courtney devait seproduiredansunfestival.Ellem’aappelétroisfoispendantsonabsence.

«Tuseraislibrepourqu’ondîneensembleàmonretour?—Jesaispas.Çadépenddesitupeuxteteniroupas.—OK.Puisquetuleprendscommeça,paslapeinequejevienne.»J’essayais juste de la titiller et de la soûler, comme David DeAngelo me

l’avait appris.Et dans lemême temps, j’avais détruit lamagie de l’instant. Jepassaispourunconnard.

«Nefouspastoutenl’air.»Ilmefallaitêtredirect.«Jeveuxtevoiràtonretour. Je dois m’absenter deux semaines, ensuite, ce sera notre dernièrechance.»

J’aientenduSamderrièreelle:«Tuluiparlescommesic’étaittonmec.—Peut-êtrequejeveuxqu’illesoit»,luiarenvoyéLisa.Donc, je ne m’étais pas pris de SAJP. J’ai attendu le retour de Lisa avec

impatience.Jevoulaisqu’ellesoitmanana.J’ai passé le jour J’à concocter la stratégie parfaite. J’irais la chercher à

l’aéroportenlimousine.Herbalseraitauvolant,j’attendraisLisaàl’arrière.Puisje l’emmèneraisauWhiskeyBarduMarquisHôteldeSunset–àdeuxpasdeProjetHollywood.

JesuispasséauWhiskeyBarà l’avanceetaidonnécentdollarsaugérantpour que toutes nos commandes soient aux frais de la maison. Ensuite, jeprévoyaisderamenerLisachezmoi.Surmonordinateur,jenotaislesscénariosetthèmesquej’allaisutiliserpourcombattresaRDM.Sachantqu’ellem’aimait,j’étaisassezconfiantpourallerjusqu’aubout.

Siellerésistaitencore,c’estqu’elleavaitdesproblèmesetceseraitàmoideluisortirunSAJP.

Son avion devait atterrir à 18 h 30. Tandis qu’Herbal se garait devant leterminalDelta,jepréparaisdesCosmopolitan,àl’arrière.

L’avionestarrivé,sanselle.J’étaistroublé,maispasdéçu–pasencore.UnV2Ddoitêtreprêtàmodifier

ou abandonnerunplan face audésordre et aux aléasde la réalité.Herbalm’adoncramenéàlamaisonetj’ailaisséunmessagesurleportabledeLisa.

Commeellenemerappelaitpas,j’enailaisséunautre;j’aiattendistoutelanuitsoncoupdefil.

À5heuresdumatin,lasonneriedemonportablem’atirédusommeil.«Désolédeteréveiller,maisj’aibesoindeparleràquelqu’un.»Unevoix

d’homme.UnAustralien.Pull-Over.Depuis notre dernière rencontre, il avait quitté la communauté et s’était

marié.Jepensaissouventàlui.QuandonmedemandaitsilesV2Dapprenaientà jouer uniquement pour coucher avec le plus de femmes possible, je donnaisPull-Overenexemple.

«Aujourd’huij’aiessayédemetuer.—Qu’est-cequis’estpassé?—Mafemmedoitaccoucherdansdix jourset jesuisà la rue. Je fais tout

pour elle mais ça suffit pas. Elle m’a éloigné de mes amis.Mon associé mequitte. Elle claque tout mon pognon et ne fait que se plaindre. » Il s’estinterrompupourravalerseslarmes.«Etmaintenantqu’ellevaaccoucher,jesuisprisaupiège.

—Maistuétaisamoureuxd’elle.Elleachangéouquoi?—Non.Leproblème,c’estquec’estmoiquiaichangé.J’avaistropdemalà

êtrelemecqueMysteryetDavidDeAngelonousapprennentàêtre.Cemec-là,c’estpasunmecbien.Etjenevoulaispasdevenircegenredetype.Ducoup,jelui achetais tout ce qu’elle voulait. Je lui envoyais des fleurs trois fois parsemaine.J’aiessayédem’adapter,maisçaaraté.»

Je n’avais jamais entendu des adultes pleurer autant qu’au cours des deuxdernièresannées.

«Aujourd’hui jeme suis assis dansmon garage, lemoteur dema voitureallumé,lesfenêtresfermées.Jenepensaisplusausuicidedepuis1986.Maislà,j’enétaisàmedire,“Etmerde,àquoiçarime.”»

Pull-Over n’avait pas besoin qu’on le sauve. Il lui fallait juste une oreilleattentive.Ils’étaitfaitpasserpourunautreafindeséduireunefemme,etilen

subissaitlesconséquences.«Quandj’aiintégrélacommunauté,j’aimisparécrittoutcequejevoulais.

Et maintenant, je vis la vie que j’avais imaginée. J’ai du fric, une grandebaraque,unejoliefemme.Maisjen’aipasétéassezprécis.Parexemple,jen’aipasspécifiéquelafilledevaitmetraiteravecrespectettendresse.»

Dans le courant de la matinée, Courtney est revenu à la maison. Je l’aientendueengueulerGabbydanslesalon.

Jesuisdescendu,l’aitrouvéeentraindedéménagerlesaffairesdeGabbyetj’aidûprononcerpourlaénièmefoislaphrasequisortaitdemabouchedèsquejemettaislespiedsausalon:«Qu’est-cequisepasse?

—Gabbys’estdisputéeavecMystery.Elledéménage,aréponduCourtney.Jeluifileuncoupdemain.»

Elleavaitdumalàcachersonsourire.«Lerestedugroupeestrentréd’Atlanta?luidemandai-je,suruntonquise

voulaitneutre.—Ouais.Unpeuplustôt.»Jemesuisaussitôtdétourné.Jesavaisquemavoixtrahiraitmadéception.Après le départ deGabby,Courtney a balancé un bouquet de sauge sur la

table basse. «Faut purifier l’air, dit-elle avant de s’éclipser dans la cuisine. Ilnousfautdurizporte-bonheur.»

N’ayant pas trouvé de riz, elle est revenue avec un paquet de préparationpour jambalayaetde l’eau.Elleaversé lapréparationdans l’eau,ajoutéde lasauge puis a filé dans sa chambre. Elle en est ressortie avec une chemise enflanelleàcarreauxbleusetblancs.

«Çaferal’affaire,estima-t-elle.C’estunechemisedeKurt.Ilm’enrestequetrois.»

Ellea soigneusementdéposé lachemise sous la table, à l’abri, afinqu’elleapporte de l’énergie positive.Après avoir enflammé la sauge, elle nous a faitasseoir, Mystery, Herbal et moi, près de son autel de fortune, et nous noussommes pris par lamain.Courtney avait une sacrée poigne. Elle s’estmise àprier.

«NousTe remercions,Seigneur,pourcette journéeetpour toutcequeTunousasdonné.NousTedemandonsdedébarrasserdetoutmall’énergiedecettemaison.S’ilTeplaît,apportelapaix,l’harmonieetl’amitiésouscetoit.Plusdelarmes!Etaide-moiàgagnermonprocèsàNewYorkainsiqu’àréglertousmesautresproblèmes.JebosseraiavecToi,Seigneur.Vraiment.Donne-moilaforce.Amen.»

Nousavonstousréponduenchœur«Amen».Lelendemain,unchauffeurestvenuchercherCourtneypourl’emmeneren

vitesseàl’aéroport,directionNewYork.C’estlàquesesprièresdevaienttrouverune réponse,mais l’atmosphèren’a fait que s’assombrir en sonabsence. Il estbientôt devenu clair que Gabby et elle n’étaient la cause d’aucun problème :elles incarnaient en fait les symptômes d’un problème plus énorme qui nousbouffaitnosvies.

Chapitre7

L’après-midi même, Lisa m’a laissé un message. « Salut, c’est Lisa. Je suisrentrée.Onaprisunvolplustôt.»Etbasta.Pasd’excuse,pasdetendresse,pasunmotsurlasoiréequ’elleavaitanéantie.

Je l’ai rappelée, elle n’a pas décroché. « Je quitte la ville dans quelquesheures,ai-jeditàsaboîtevocale.Visionetmoi,onpartpourMiami.J’aimeraisvraiment te parler avantmon départ. »C’était unmessage de PMF, elle n’y ajamaisréagi.J’aiconsultémonrépondeurtouslesjours.Rien.

Jen’étaispasdugenreàlabourer,aucontrairedeTylerDurden.Sijel’avaisintéressée,elleauraitappelé.Ellem’avaitjeté.Lapremièrefemmepourlaquellej’avais éprouvé des sentiments depuis longtemps. Je me disais qu’elle devaitsortiravecunautre,untypecapabledebrisersaRDM.

Audépart,jeluienvoulais,aprèsjem’envoulaisàmoi,àlafinj’étaistriste,toutsimplement.

Vieux trucdeV2Dpoursurmonterune fixetteaiguë : se taperunedizained’autresfilles.Jelâchaislabête.

PasquestiondefinircommePull-Over.J’avaisfaillimefaireprendre.J’aichassétouslessoirsàMiami,avecencoreplusd’énergie,d’envieetde

succès.Jen’aijamaisétéfandescoupsd’unenuit.Pourquoitoutlaissertomberunefoisqu’onaétésiprochedequelqu’un?Jepréfèrelescoupsdedixnuits:dix nuits de sexe extraordinaire, avec davantage de fougue et de nouveauté àmesure que les partenaires sont à l’aise ensemble et apprennent ce qui excitel’autre.Donc,aprèsavoirmultipliélesconquêtes,jelesregroupaisparpaires.

C’étaitcommeçaquejefonctionnais.Lesfillesquej’avaisleplusenviederapprocher,c’étaitJessica,unetatouée

devingtetunansavecquij’avaiscouchédeuxoutroisfoisàLosAngeles,etuneautreJessica,rencontréeauCrobar.Âgéedevingtetunanselleaussi,elleétaitpourtanttoutsoncontraire:innocenteetunpeupotelée.Jesavaisqu’ellesaimaientlepornotouteslesdeuxetjemedisaisqueçapouvaitêtreintéressant.

Aprèsunverreaubardel’hôtel,jelesaifaitmonterdansmachambrepourleur lire les runes, puis je les ai laissées faire connaissance. Ensuite, je suisrevenuauprèsd’elleset leuraimontrémesfilmsamateurssurmonordinateur,

avantdepasseràmonbonvieuxmassaged’induction.Cen’étaitqu’unthèmedeplus, comme l’intro de la copine jalouse ou le test desmeilleures amies.Et ilmarchaittoutaussibien.

Dèsque leurs lèvressesont touchées, lesdeuxinconnuessesontchangéesenamantes.Unetransformationquinemanquaitjamaisdemestupéfier.

Lanuitfutaussicochonnequeprévu.Nousavonsessayétouteslespositionsquenouspermettaitnotresouplesse,certainesplusréussiesqued’autres.QuandJessica1m’ademandédegiclerdanssabouche,j’aiobéi.Elleacrachémadosedans la bouche de Jessica 2 et elles se sont roulé une pelle passionnée. Lemomentleplussexydetoutemavie.

Après,jemesuissentivideetseul.Cesdeuxfillesnecomptaientpaspourmoi.Ilnemerestaitd’ellesqu’unsouvenir,uneanecdote.Toutesmesconquêtespouvaientdisparaîtresanslaisserd’adresse,jem’enfichais.

Touslescoupsdedixnuitsetlespartiesàtroisdumondenesuffiraientpasàsoignermafixetteaiguë.

LesV2Dsetrompaient.

Chapitre8

En apparence, la sexualité masculine semble omniprésente dans la société –boîtesdestrip,sitesporno,magazinesdetypeMaximal,publicitésaguicheusesoù qu’on pose les yeux.Mais en dépit de ces diktats, le vrai désirmâle restesouventréprimé.

Leshommespensentplusausexequ’ilsn’osentl’avouerauxfemmes–ouaux autres hommes. Les professeurs fantasment sur leurs élèves, les pères defamille sur les filles de leurs amis, les docteurs sur leurs patientes. En cemoment, pour toute femmepossédant ne serait-ce qu’un iota de sex-appeal, ilexistesansdouteunhommequisetoucheenpensantàelle.Siçasetrouve,ellene le connaît pas : il s’agit peut-être de cet hommed’affaires qu’elle a croisédanslarue,oudecetétudiantassisenfaced’elledanslemétro.Touthommequiprétendlecontrairechercheenfaitàs’envoyer lafemmequi l’écouteoutouteautre susceptible de l’entendre. Le grand mensonge de la séduction modernec’estque,pourembobinerunefemme,unhommedoitluifairecroirequ’ellelelaisseindifférent.

Les femmes trouvent répugnante leur passion pour les strip-teaseuses, lesstars du X et les jeunes filles en fleur. Elles la jugent odieuse parce qu’ellemenaceleurréalité.Sitousleshommesconvoitentcegenredecréatures,qu’est-ce qu’elles en font, elles, de leurs rêves de mariage pour la vie ? Elles sontcondamnéesàcôtoyeruntypequibavedevantunmannequindechezVictoria’sSecret, la filleduvoisinou ladominatricedesvidéosSMqu’il cachedans sonplacard. Les femmes vieillissent, mais les jeunettes de dix-huit ans auronttoujours dix-huit ans. L’amour se fracasse sur la possibilité qu’un homme nedésirepasunepersonnemaisuncorps.

Coupdepot,çanes’arrêtepaslà.Leshommessontvisuels;ducoup,ilsseretrouventparfois trompéspar leursyeux.Mais le fantasmeéclipse souvent laréalité. Je venais d’apprendre cette leçon que la plupart retiennent tôt ou tard.Mysteryavaitcruvouloirvivreavecdeuxfillesquis’aimeraientautantqu’ellesl’aimeraient,maisselontouteprobabilité,ellesauraientfiniparluitapersurlesnerfs,seliguercontreluietlemettredanslemêmeétatqueKatya.

Les hommes ne sont pas des chiens. Ils se sont simplement persuadés ducontraireet agissentparfois enconséquence.Maisencroyant en leurnoblesseinnée, les femmes détiennent un pouvoir incroyable : elles leur inspirent uncomportement noble. Voilà qui explique pourquoi les hommes ont peur des’engager– etparfois, commeMystery, se rebellent en faisant ressortir lepirechezleurpartenaire.

Chapitre9

KatyaestrevenueàProjetHollywoodpendantquej’étaisàMiami.Cejour-là,jel’avaisredouté,ainsiquelecataclysmequ’ildevaitprovoquer

dans la maison. Mais Mystery l’attendait avec autant d’impatience qu’unanniversaire.Ilavaittoutprévu.

J’ai reconstruit la chronologie du désastre d’après les récits des personnesimpliquées.

ProjetHollywoodétaittombéencoreplusbas.MYSTERY:J’airencontréuncanondedix-neufans,Jen,lorsd’uneafteràla

maison. Je lui ai fait la totale et ç’a été pas croyable, comme la scène de ladouche dans 8 Semaines et demie. Elle avait la peau la plus douce, la plusparfaite et le plus joli petit cul que j’aie jamais vus. Je restais là debout àregardersonculenmedisant:«Jelamérite.»

KATYA:Mysterym’appelaittouslesdeuxjoursquandj’étaisàLaNouvelle-Orléans, ilcherchaitàm’amadouer.Genre :«J’ai trouvéunsuperbecanondedix-neuf ans, tu vas l’adorer. » Je lui demande s’il me la donne. Il répond :«Non,onpartage.»

MYSTERY:L’idée,c’étaitpasqueKatyaredeviennemacopine,maisqu’ellesoit un jouet pour Jen et moi. Mon plan : passer la prendre à l’aéroport enlimousine,acheteràmangerauFarmer’sMarket,retourneràlamaisonetlancerlemassaged’induction.

HERBAL:J’aiignoréKatyapendantpresquetoutlemoisetdemiqu’elleaétéabsente,mêmesiellem’envoyaitsanscessedestextos.Mysteryn’arrêtaitpasdefrimer,commequoi ilallait faireun trucà troisavecelle–etçamebrisait lecœur. Je lui répétais sansarrêtqu’ildevait ladélaisser, lui interdirede revenircheznouss’ilvoulaitlapaix,maisilnem’écoutaitpas.

KATYA:J’arriveàLosAngeleslaveilledujourprévu,àl’insudeMystery,etjeloueunstudiopourdesamisdeLaNouvelle-Orléans.Jemetrouveunhôteletj’appelle Herbal pour lui parler : j’avais trop envie de sortir avec lui. Lelendemainmatin,jepasseàlamaisonetjedisàMysteryquemonavionaatterriplustôtetquej’aiprisuntaxi.

HERBAL:Jerevenaisdescommissionsetj’aivulavalisedeKatya.J’aifilédirect dans ma chambre m’occuper de mes affaires. Mystery et elle m’ontrejoint, ils sesontmisàmeparler.Alorsonestallésdans lasalledebainsdeMysteryetKatyanousamisduvernisàongles.Elleestalléechercherunpulldans lagarde-robedeMystery,qui l’ya rejointe.Cinqminutesplus tard, ilsyétaientencore.

MYSTERY:Ellemefaitvenirdanslapenderieetmebalance,«JeveuxsortiravecHerbal.»Jepensepasqu’elleaitditçasincèrement.C’étaitjustepourmefairechier.J’étaistropprochedeJen,çal’arenduejalouse.Ducoup,j’aiappeléHerbaldansleplacardetj’aifaitàKatya,«T’asqu’àleluidire.»

KATYA:Jel’aimaisvraimentbien,Herbal.Ons’étaitparléautéléphonetoutletempsquej’étaisàLaNouvelle-Orléans–sapersonnalitémeplaisait.Ilétaitfacileàvivre,toujoursd’accordsurtout.

MYSTERY:HerbaletKatyarestaientlààsecâliner,malàl’aise,alorsjeleurfais,«Embrassez-vous,qu’onenfinisse.»Ilss’embrassentetlà,boum,jepèteuncâble.J’auraispascruqueçam’arriveraitaprèstoutcetemps.Mais,commeditDavidDeAngelo,séduire,cen’estpasunchoix.

HERBAL:Lesoirmême,onsortàquatre.MysteryavaitdemandéàTwyladenousconduireen limousineà la jetéedeSantaMonica.Fautcroireque j’étaisnaïf,parcequejemedisaisquetoutiraitbien.

TWYLA:J’enrevenaispasqueMysteryaitleculotdemedemander,direct,defairelechauffeur.Ilseprenaitpourungrandmanipulateur.Etjemedégoûtaisd’apprécieruntypepareil.

MYSTERY : Jen et Katya ont fini par se rouler des pelles à l’arrière de lalimousine.J’aidesphotosd’ellesentraindesesucerlestétonsdansunecabinetéléphonique sur la jetée.Mais ça se compliquait. À la seconde oùKatya estdevenue lacopined’Herbal, le trucà troisétait fichuet jenevoulaisplusqueJenlatouche.Maisbon…KatyaétaitséduiteparJenalorselles’estmiseàluiraconterdeshorreurssurmoi.

KATYA :Mysteryn’arrêtaitpasdedirequ’ilaimaitvraimentJenetqu’ilnevoulaitpasquejeledémolissedevantelle.Jeluifais,«Vousêtestrop,vous,lesmecs.S’il y aune fillequivadevoir supportervos conneries, c’est celle-là.»J’étaiscontentequ’ilaitquelqu’un,parcequec’estHerbalquejevoulais.

MYSTERY : Jenest retournéepasserune semainechezelleàSanDiego.EtKatya m’appelait tous les jours. Un soir, en l’absence de Jen, je ramène unmannequin d’un mètre quatre-vingts et je m’occupe de sa RDM. Je la doigtetandisqu’ellemebranlemaisimpossibled’allerplusloin.Alors,pendantlecoup

du frigo, je descends me chercher un Sprite dans la cuisine. C’est là quej’entendsKatya qui refait l’amour avecHerbal. Ses gémissementsme rendentjaloux, jememets à chialer. Pasmoyendem’arrêter, bien que j’aie une nanadans mon pieu. Je retourne dans ma chambre et je raconte au mannequin lebordelqu’estmavie.Ducoupellemeditqu’elleveutrentrerchezelle.J’allaislareconduiremaisTwylas’estmiseàsefoutredemoi.

TWYLA : Je dormais dans la fosse aux coussins quandMystery est arrivé,l’airbouleversé.Surlecoup,jememarreunpeuparcequeçam’amusait.Àcemoment-là, jepréféraisenrireplutôtqued’ensouffrirencore.Là, ilsemetenpétardetilmevire.Lafilleavecquiilétaitadûappeleruntaxi.

KATYA:Lasemained’après,Mysteryavouluprendremavoiturepourallerchercher Jen à SanDiego. Sur la route du retour, Jen etmoi, on papotait, ons’éclatait.Mysterysesentaitàl’écartetils’estmisàmebalancerdesnegs.

MYSTERY:JesentaisqueKatyaessayaitdemefaucherJenpourlapartageravec Herbal. Du coup, j’avais la haine contre elle et on s’est frités dans lavoiture.Jenl’avuetadit,«Ramène-moiàlamaison.»Aprèsellem’ademandédeneplusjamaisl’appeler.

MYSTERY (mailsurMystery’sLounge) :SurveillancemaximalesurHerbal,KatyaetJen.SivousvoyezHerbal(facilementrepérable,toujoursenpaon)ousacopineKatya(uneRussebi,9,5,facilementrepérable)avecJen(Mexicaine,9,5,19ans,facilementrepérable),mercid’appelerMysterypourquejepunisseHerbalsanspréavis.

KATYA:Ilétaitcertainquej’essayaisdemonterJencontrelui.Maisaprèslabaladeenvoiture,ellenevoulaitplusavoiraffaireniàlui,niàmoi.Ellecroyaitque tous les trucssympasque je luiavaisditsàsonsujetc’étaitdupipeau.Jepassaispouruneconne.

MYSTERY:Herbaletmoisommestoujoursassociés.Onestdoncallésfaireun atelier à Chicago. Comme l’âme humaine me fascine, je lui explique lajalousiequejeressensetondéfinitlesfrontièresdesarelationavecmonex.

HERBAL:LEjourdel’atelieràChicago,Mysteryetmoionestallésacheteràmanger. Il a abordé un c-4 pas loin de nous. En pleineMD, il sort, «Vous lecroyez,vous?Cemecm’afauchémonex.»

Il leur raconte toute l’histoire.De temps en temps, je donnemonpoint devue,etça lemeten rogne.D’uncoup,commeça, ildit,«Katyan’estplus labienvenueàlamaison,plusjamais.»

Moi:C’estchezmoiaussiCettesituation,c’esttoiquil’ascréée.Lui:Sijelarevois,jetebute.

Moi:Commetulesens.MYSTERY :Ànotreretour,TwylaavaitquittéProjetHollywood,sonboulot

d’assistantepersonnelle,etemménagéavecKatya.TWYLA :Katyaetmoi,onestdevenuesamies.Cequinousa rapprochées,

c’estdeparlerdeMystery.Ellem’ademandésijevoulaisêtresacoloc.J’aidit,«Etcomment.»

HERBAL:Finalement,Mysteryetmoionatrouvéuncompromis.J’aiditqueKatyanepasseraitpasplusdelamoitiédelasemaineàlamaison.Ons’estserrélamainetonaconclulemarché.

AuretourdeChicago,j’avaisunesemaineàLosAngelesavantuneréuniondefamilleàBoston.Jel’aipasséechezKatya,justepourlecalme.

KATYA :Pendant l’absenced’Herbal, j’aiaidéPapaavecsesateliers.Aprèsavoir fini tard le vendredi soir, on est allés au Mel’s, puis on est rentréss’installerdans le jacuzzi. Jedevaisme lever et êtrebelle le lendemain après-midi.AlorsPapam’aproposédeprendre la chambred’Herbal.Àmon réveil,j’aivuMystery.

Ilmedemandecequejefaislà,jebalance:«Papaetmoionestsortishiersoir.Ons’estbienmarrés.»

Etj’ajoute,«J’airencontréuneamieàtoi,ilyadeuxsoirs.»Ilmedemande,«Qui?»Jeluiréponds,«Sima.»Etlàilpiqueunecrise.MYSTERY :QuandKatyam’adit,hyper-désinvolte,qu’elleétait sortieavec

mon ex de Toronto, ça m’a rendu furax. À cause d’elle, j’avais perdu Jen ;j’avaisperduTwyla;etlàelleallaitmechiperSima,avecquij’avaisencoreuneouverture.

KATYA : Il court jusqu’à la chambre d’Herbal, défonce la porte et gueule,«OùestHerbal?»Puisilre-foncedanssachambre,attrapeunephotodeSima,la jette contre lemur au-dessus du lit d’Herbal et dit, « T’as rien à foutre iciquandtonmecn’estpaslà.»

MYSTERY : Je savais que je ne pouvais pas raisonner avec Katya, ni latoucher,alorsj’aidécidédeluifairepeur.J’aidéfoncélaporteetluiaiordonnédefichelecamp.Ellem’arépondu,«C’estpastamaison.»Etjeluiaidit,«Jepaye le loyer. J’habite ici. T’es une invitée et ton hôte n’est pas là. C’estinacceptable.»

KATYA :Mystery semetàmemenacer, commequoi s’ilme revoitdans lamaisonilferadumalàHerbal.Iljettedesbougiespartout;ilarrachelematelas

d’Herbal;ilfracasseunpotdefleurscontrelemur;ensuiteilvasurlebalconetcommenceàbalancermesaffairesdansl’allée.Ilacassémonflacond’huiledemassage.Çam’afaitgravechier.

MYSTERY:Jeluifais,«Reviensjamais,ousinon!»Ellemerépond,«Sinonquoi?Tuvasmetuer?»Jeluidis,«Non.Jet’aime.C’esttoncopainquejepuniraisitureviens.Dis-

luidesurveillersacopine.»KATYA:JesuismontéechercherPapamaisiln’étaitpaslà.Alorsj’aiprisma

voitureetsuisrentréechezmoi.Cinqminutesplustard,coupdefildePapa.Ilmedit,«C’estpaslamaisondeMystery.Monnomestsurlebailettuesmoninvitée.Jepasseteprendretoutdesuite.»Etilmefaitrentrerendouce.

MYSTERY :Papavenaitdeviolerunerèglecapitale.Ilavaitembauchémonex(forméeparmoi)poursesateliers(monidéeàmoi).

HERBAL (e-mail envoyé àMystery) : Onm’a dit quema chambre et mesaffairespersonnellesavaientété«détruites»parcequeKatyaétaitàlamaison.Jenesaispasvraimentcequeveutdire«détruites»maisjenemesensplusensécuritéchezmot.Tudonnesl’impressionquetueslenombrildumondeetquetoutlemondedoitt’obéir.

MYSTERY(e-mailenvoyéàHerbal):JeneveuxpasdeKatyaici,pointbarre,même pas la peine de répondre à ce mail. Ni d’en reparler, ça ferait quem’énerver et je te latterais la gueule. Dernier avertissement. Si elle revient,quand tu te ramènes, direct je te cogne – ce sera rapide, dur, inattendu,impitoyableet répétitif.Si tu tepointesetqu’ellen’estpas là, alorsonpourravivreenpaixsous lemême toit.L’undans l’autre,notre relationd’affairesestmorte.

TYLER DURDEN (e-mail envoyé à Mystery) : Tu as perdu Katya pourplusieursraisons,maisilmesemblesurtoutquetuasétéunevraiesangsueavecelle. Tu te comportes comme un trou noir qui aspire toute l’attention. Tu nesupportespasdenepasaccaparerlesgensneserait-cequ’uneminute.C’esttonprincipaldéfaut.N’offrepas tesnanasà tespotes.N’essaiepasde transformerunefêtardeencopinesérieuse.Etnesous-estimepaslesconséquenceslorsquetuintègresàtonstyledeviedesPMFrécemmentconvertis.

Chapitre10

MontéléphoneasonnétouslesjourslorsdemonséjouràMiami.Jedécrochaiset c’étaitMystery,Herbal,Katya,TwylaouTylerDurden. J’aimême reçudesappelsausujetdeProjetAustin,quisecassaitaussilafigure:gazetélectricitécoupésàcausedefacturesimpayées,chambresencombréesdebougies,d’habitssales et de revues porno.Pourtant, la seule personnedont je voulais avoir desnouvellesn’étaitautrequeLisa.

Àmonretour,lachambred’Herbalétaitdévastée:murstroués,portesortiede ses gonds, matelas projeté sur la télé, verres et déchets éparpillés sur leparquet.

Dupointdevued’unV2D,Mysteryne faisaitque renforcer la relationdeKatya et d’Herbal en dramatisant et en les liguant contre lui. Mais il neréfléchissaitpasenV2D.Ilétaitincapabledesecontrôler.

Cesoir-là,onasonnéàlaporte.Mysteryestallérépondreetadécouvertsurleseuilunmalabardevingtans, l’airpascommode.LavoituredeKatyaétaitgaréedevantlamaison.

«JesuislefrèredeKatya.—M’étonnerait.Jeleconnais,sonfrère.—Bref,areprislenouveauvenuenpassantdevantMystery.Onm’aditque

tuavaismenacédelatuer.Çan’arriverapas,tusais.—C’est pasKatya que j’aimenacée. »Mystery a toisé l’armoire à glace,

pluspetitequeluimaisvachementplusforte.«C’estHerbal.—Tulatouches,jevienstefracasserlecrâne.»Mysterygéraitmallaprovocation.CommeàlafrontièredelaTransnistrie,il

estpartienvrille.Lesveinesdesoncouontsailli;sonvisages’estdéformé;ilagrandideplusieurscentimètres.

«T’enveux?a-t-ilhurlé,ok,onyva.Moijesuisprêttoutdesuite.—Trèsbien.Onvadehors.Jeveuxpasmettredesangsurtontapis.—Non,non,onfaitçaici.Jeveuxqu’ilyaitdusangparterre.Jeveuxun

petitsouvenirdetoi.»Dans son champ de vision, Mystery a repéré un tas de galets qu’il avait

rapportésdelaplageetornésderunes.Ilenaprisun,s’apprêtantàdéfoncerle

crânedesonadversaire,puisachangéd’avis.Entroisenjambées,ilestretournés’enprendreàlaported’Herbal.

«Viensdoncunpeu!Jevaispasm’excuserpourcequejevaisfaire.»Ilarenverséunebibliothèque.LecopaindeKatyaaaperçuunéclairdefoliedansleregarddeMystery–or

lesmaboules font souvent des opposants coriaces. « Pas la peine de péter lesporteset toutça, il adit en reculant.Toutceque jeveux,c’est lechien,mec.Katyam’envoierécupérersonclebs.»

LegarsaprisLilydanssesbras;Mysterys’estarrêténetetl’aobservé.Lamenaceavaitdisparu.Lecortisol,l’adrénalineetlatestostérone–troishormonesquisedéchaînaientdanssoncorps–refluaient.Soncerveauestrepasséenmodelogique.«Pourquoitul’aspasditdèsledébutaulieudememenacersousmonpropretoit?»

Letypebaraquésetenaitprèsdelaporte,déboussolé,Lilydanssesbras.«Iltefautàmanger,pourLily?—Euh…Oui.Jecrois.»Mysteryest allédans lacuisinechercher le sacdecroquettesdeLilyainsi

queplusieursboîtesdeconserve,etadonnéletoutàsonsoi-disantassaillant.Enpartant,celui-cialaissétombersonchargementsurlesmarches.Mystery

s’estpenché,aramassélesconservespuisluiatapotéledos.«Respect», a-t-il lancéaucopaindeKatya,utilisant la répliquequenous

avionsempruntéeàAliG.Jesuisremontédansmachambre,mesuiseffondrésurmonlitetj’aifixéle

plafonddesyeuxQu’est-ce que je fichais là ? Au départ, j’avais seulement voulu devenir

Dustin.Cheminfaisant,jem’étaisempêtrédansleréseausocialetlesrituelsdela communauté – certain que nous étions les super-mecs du futur, les beauxparleursquiprendraientlaplacedes

M.Muscle,lesuniquesdétenteursdelacléquim’ouvriraitl’âmeféminine.J’avais emménagé avec ces types car je croyais que nous avions toutes lesréponses.J’imaginaisquenousprogresserionsmaindanslamaindanslesautresdomainesdenosvies.Jenousvoyaissupérieursàlasommedenosparties.

Maisaulieudefonderunsystèmedesoutienmutuel,nousavionsrevécuSaMajestédesmouches.

Ilfallaitrésoudreceproblèmecoûtequecoûte.Maconfianceenceshommes–etencettecommunauté–netenaitplusqu’àunfil.

ÉTAPE11

Etape11

GÉRERLESCONSÉQUENCES

« nonque ce fut beau,mais qu’il y eut là, au final, un certainordre ; une

choseouivalaitd’êtreconsignéedanslejournalintimedérisoiredemonâme.»ANNESEXTON,

forjohn,whobegsmenottoenquirefurther

Chapitre1

Mystery et Herbal étaient assis face à face, chacun sur un canapé, les brascroisés.Àlafoistêtusetsurladéfensive.EntreeuxsetrouvaientleprofesseurdeKravMagaetRoadking,unV2Dquibossaitcommegardeducorps.Herbalrefusaitdemettreunpieddanslamaisonsansprotectionrapprochée.

Les autres résidents permanents – Papa,Xaneus, Playboy etmoi – étaientpostés sur un troisième canapé, perpendiculaire aux leurs. Tyler Durden avaitrefusé de venir, sous prétexte qu’il n’était qu’invité, alors qu’il vivait dans leplacarddePapadepuisdesmois.

Nous avions organisé un « conseil casa » afin de résoudre une bonne foispourtoutesleconflitentreMysteryetHerbal.

L’un et l’autre avaient le droit de présenter leur versiondes faits sans êtreinterrompus. Mystery a déclaré qu’il ne permettrait plus jamais à son ex dedébarquer à Projet Hollywood. Et Herbal a annoncé qu’il déménagerait si sacopinenepouvaitpasvenir levoir. Il leurafalluunedemi-heurechacunpourexprimercessimplesidées.

J’ai essayé de tenir le rôle du conciliateur dont j’avais hérité : « Bon,normalement, jedevraisdirequ’Herbaln’aqu’àdéménager s’ilveut tellementêtre avec l’ex deMystery.Mais enmême temps…Mystery, tu as détérioré lamaisonetmenacélavied’unlocataire.Tun’asniprésentéd’excuses,niréparélesdégâts.»Laported’Herbalétaitencoreparterre,sonmurtroué–commesiune tornade avait frappé sa chambre. « Du coup, on n’a pas envie de terécompenserentedonnantraison.

—J’aifaitexprèsdemettresachambredanscetétat-là,pourvousmontrercequejeferaisijerevoisKatyaici,répliquaMysteryd’untonmaussade.C’étaitunmoyenparfaitementacceptabledevousprouverque j’étaisprêtàappliquermesrègles.»

Un des problèmes de la communauté était d’offrir des critères invariablesque les hommes étaient censés suivre pour gagner une femme. Le premierd’entreeux:seconduireenmâlealpha.Résultat:deshommesquisesontfaitmalmener presque toute leur vie finissent par se prendre pour leurs anciensbourreaux,d’oùlecomportementimmaturedeMystery.

« Je peux dire un truc ? intervint Roadking. Herbal a violé une règleimportante.

—Laquelle ? » demanda l’intéressé. Il n’y avait ni colère ni ressentimentdanssavoix;seulsdescernesrougestrahissaientsonémotion.

«“Lespotesavantlesputes.»—Non,corrigeaMystery.Jesuisdésolémaisdesfoisc’estlesputesavant

lespotes.»Herbal sourit pour la première fois de l’après-midi : Mystery et lui

s’accordaientdoncsurunpointEnlevez le lien communautaire et le business qui nous unissaient : que

restait-il ? Sixmecs courant après un ensemble limité de femmes disponibles.Des guerres avaient été déclenchées, des dirigeants tués, des tragédiesprovoquées par des mâles qui revendiquaient un droit territorial sur le sexeopposé. Peut-être avions-nous été aveugles au fait que ProjetHollywood étaitcondamnédèsledépart.

Auboutdetroisheuresd’undébatstérile–durantlequelPapa,bizarrement,n’apasditunmot–,nousavonsdemandéàMysteryetàHerbaldenouslaisserprendrenotredécisionseuls.

Ilssesontengagésàaccepternotreverdict,quelqu’ilsoit.Quand nous sommes entrés dans la chambre de Papa, elle débordait

d’activité. Plusieurs individus ont foncé dans sa salle de bains et en ontverrouillélaporte.Celafaisaitpresqueunmoisquejen’avaispasvucetteruchebourdonnante. Le tapis était caché sous six canapés-lits en mousse, tousdéployés.Surchacun:unoreilleretdesdraps.

Oùétaientlesgensquioccupaientcettepièce?Quiétaient-ils?Nousavons replié les litspour en fairedes fauteuils,nousnousy sommes

assis et nous sommes préparés à trouver une conclusion. C’est là que Papa aouvertlabouchepour,lapremièrefois:

«Pasquestionquejevivedanslamêmebaraquequecetype.—Ouiça?luiai-jedemandé.—Mystery!»Sesmainstremblaientsousl’effetdelahaineoudelanervosité.Iln’étaitpas

facile à décrypter. Il ne chassait plus depuis des mois, et les résultats qui luiavaient coûté tellement d’efforts avaient disparu : il était redevenu la coquillevideetintrovertiequej’avaisrencontréeàToronto.Sapassion,cen’étaitplusladrague,maislavraiedynamiquesociale.Aulieud’assisteràdesséminairessur

l’artd’aborderunefemme,ilpassaitleplusclairdesontempsdansdescongrèsdemarketingetdecommerceauxquatrecoinsdupays.

« Mystery perturbe mes ateliers, a-t-il poursuivi d’une voix distante,monocorde.Ildétériorelamaison.Etj’aipeurqu’ils’enprenneàmoi.

—Dequoituparles?Ilnetecauserajamaisdemal.—Dansmescauchemars,ilentredansmachambreavecuncouteau.Jevais

fairemettredesserruressurmaporteparcequej’ailatrouillequ’ill’enfonce.—Ridicule.Ilnetetoucherapas.C’esttonproblème:tudoisapprendreà

gérer l’agression et la confrontation plutôt que d’éviter tout le monde etd’essayerdelesvirer.»

J’avaisbeauchercheràledissuader,Paparépétaitàlongueurdetemps,«Pasquestionquejevivedanslamêmebaraquequecetype»–commeunautomateprogrammépourlaseriner.

Playboyafiniparmedemander:«Tunet’esjamaisditquelaseuleraisonpourlaquelletudéfendsMystery,c’estvotreamitié?»

Ilavaitpeut-êtreraison.JetrouvaisdescirconstancesatténuantesàMysteryparcequ’ilm’avait introduitdans lacommunautéetparceque l’idéedeProjetHollywoodavaitgermédanssatête.Aucundenousneseraitlàsanslui.Maisilavait déconné. Il avait fait son lit. Je devais me soucier en priorité de lacommunauté.

« J’aimerais quandmême trouver unmoyen de résoudre le problème sansquepersonneaitàplierbagage.

—Quoi que tu décides, on te fera confiance, a affirmé Papa. C’est toi lechef,ici.Toutlemondet’admire.»

Je trouvaisbizarrequePapa,qui tenait tellementaudépartdeMystery,mecharged’unetelleresponsabilité.Nousavonsensuitepassédeuxheuresetdemieà discuter des compromis possibles. Plus nous parlions, plus le dilemmes’épaississait.Aucunesolutionnesatisferaittoutlemonde:

PapapartaitsiMysteryrestait.MysterypartaitsiKatyarevenait.EtHerbalneresteraitpassansKatya.Quelqu’undevaitprendrelaporte.Gonflé d’assurance, Playboy a déclaré : « Dans cette maison, tous les

problèmessontprovoquésparuneseuleetmêmepersonne,Mystery.»J’airegardéXaneus:«Tuesd’accordavecPlayboyetPapa?—Oui.»Savoixsemblaitlointaine.Ildevenaitunrobot,commelesautres.

«JecroisqueMysterydoitpartir.»

Chapitre2

NousavonsfaitvenirMysteryetHerbalpourleurdévoilernotredécision.IlssesontassisprèsdulitdePapa.Ayantdénichéleseulcompromispossiblefaceàun tel sac de nœuds, j’étais fier – à tort, on le verra – d’exercerma nouvelleautoritéenvrairoiSalomon.

«Herbal, commençai-je.Katyan’aurapas ledroit de ramener sa fraise icipendantdeuxmois.Après,sivousêtesencoreensemble,ellepourrarevenir.»

Herbalaacquiescé.«Mystery,tuasdeuxmoispouroublierKatyaettetrouverunecopine.En

plus, nous instaurons dans la maison une politique de tolérance zéro sur laviolence.Si tumenacesouattaquesquelqu’un,ou si tudétérioresquoiquecesoit,tudevraspartirséancetenante.»

Mysteryestrestésansréaction.«Bref,vousvoulezquejemecasseetquel’autresalopeprennemaplace,

gronda-t-il.—Tusais,afaitPlayboy,ilyatoujourslapossibilitéqueKatyaetHerbal

cassentavantdeuxmois.—Çam’étonnerait»,estimaHerbal.Mysterylevalesbrasauciel.«Bonalorsvousmevirez,lesgars.—Non,ai-jerépondu.Ontelaissedeuxmoispourmaîtrisertesémotions.»J’essayaisdel’aider,maisilrefusaitcettemaintendue.«Etsitumedonnesaumoinsdeuxsemainesdepréavis,déclaraPapa,jete

rendstacautionetjetrouveunnouveaulocataire.»Papaétaitheureux.Ilobtenaitsatisfaction.Mysteryfronçalessourcils,levisagecrispé.«Vousvousrendezcompteque

Papa essaie de me virer parce qu’il est en concurrence avec moi. C’est pasMystery contre Herbal, mais la méthode Mystery contre la vraie dynamiquesociale.J’aifourniàPapalemodèledesonbusiness.Jeluiaiditdemettresespulsions sexuelles au service de son ambition. Il organise même des campsd’entraînementàquinzecentsdollarsoùilenseignemestechniques.»MysteryfixaitPapa–quil’ignoraitroyalement.«Etmaintenantqu’iln’aplusbesoinde

moi, il veut me dégager et transformer ma chambre en dortoir pour douzelarbins.»

Surlecoup,j’aipenséqueMysteryétaitenpleindéni,qu’ilrefusaitencored’endosserlaresponsabilitédesesactes.«Ç’auraitpufinirautrement,luiai-jeexpliqué.Toutdulong,tuasprisdemauvaisesdécisionsettudoisenaccepterles conséquences. Nous, on ne te jette même pas. C’est toi qui décides departir.»

Mysteryacroisélesbrasetnousalancéunregardméprisant.«Tunevoispasquelesactionsquetuconsidèrescommelafaçon“mâlealpha”derésoudreunproblèmet’empêchentdedevenirceluiquetuvoulaisêtre?

— C’était une tactique visant à éloigner Katya de la maison, et ça afonctionné.Ellen’estpasrevenuedepuis.»

J’aiexplosé.Ilétaittempsqu’ilouvrelesyeuxetregardelaréalitéenface.«Tuasbesoindefermetéaffective,dis-je,élevantlavoixpourlapremière

foisdepuisledébutduconseil.Tueslemeilleurillusionnistequej’aiejamaisvuetpourtanttonshowàLasVegas–ettouslesautres,d’ailleurs–resteaupointmortdepuisnotre rencontre.Taboîtededrague, c’est lebordel, et tes anciensétudiants engrangent le blé qui te revient de droit. Quant à ta vie amoureuse,depuis Katya, tu as fait fuir toutes celles avec qui tu as couché. Je nerecommanderais à aucune fille de sortir avec toi. Niveau finances, mental etémotions,tuesenvrac.»Chaquephraseôtaitunpoidsdemapoitrine.«Tun’asrien:nilasanté,nilarichesse,nil’amour.Ettuesleseulresponsabledecettesituation.»

Mystery s’est pris la tête à deux mains, secoué de sanglots. De grosseslarmesmysteryesquesontroulédesesyeux«Jesuisbrisé.Brisé.»

Le mur de sophismes et d’aveuglement qui le soutenait s’est écroulé.«Qu’est-cequejedoisfaire?»Ilm’aregardé.«Dis-moi.»

J’aicommencéàpleurer.Pasmoyendemeretenir.Jemesuisdétournéafinqu’HerbaletPapanevoientpasmeslarmes,quiontcoulédeplusbelle.Malgréses défauts, je l’aimais toujours,Mystery. Après deux années passées dans lacommunauté,jen’avaispasdecopinemais,allezsavoirpourquoi,jem’étaisliéavec ce grand génie pleurnichard. C’est peut-être le partage d’émotions etd’expériences qui forge une relation, pas sept heures de thèmes plus deux desexe.

« Tu as besoin d’une thérapie. Un traitement, des conseils, ce genre dechoses.Tupeuxpascontinuerdanscettevoie.

— Je sais. » Ses yeux se sont remplis de larmes aussi visqueuses que dumercure. Du poing, il s’est frappé la tête, pour se punir. « Je sais. J’ai toutmerdé.»

Chapitre3

JesuissortidelachambredePapa,puisdelamaison.J’avaismalàlatête.Lajournéeavaitétélongue.

Comme j’allaism’acheter un burrito au PoquitoMas, uneMercedes noiredécapotableasurgiaucoindelarueetestparvenueàmahauteur.Àbord,deuxblondes.

Lavoitures’estarrêtéedansuncrissementdepneusetunevoixahurlémonnomderrièrelevolant.C’étaitLisa.Moncœuratressailli.

Elle portait une veste Diesel rouge avec un large col arc-en-ciel – uncroisemententreuntopmodeletunpilotedecourse.J’étaismalrasé,enjoggingetunpeuà l’ouest. J’ai sentiune fouled’émotionsmonterenmoi : embarras,excitation,ressentiment,crainte,joie.JenepensaispasrevoirLisaunjour.

«Onvaboireuncoup!Tuveuxvenir?—Qu’est-cequetufaislà?»J’aiessayédegardermonsang-froid,comme

sisaréapparitionsoudainenemeperturbaitpas.«OnvaauWhiskeyBar.—Vousêtespaspasséesdevant?— Si. Et je suis passée t’inviter à te joindre à nous. Ça te pose un

problème?»Unsoupçondehargne.Jel’aimaistoujours.Ellereprésentaitundéfi.Ellene

toléraitrien–sarcasmes,negs,remarquesmachosmarrantes–sansriposter.«Jemechangeetjevousretrouvelà-bas.»J’aienfiléunLevi’srougeornédefaussesgriffuresdechat,etunechemiseà

colmilitaireachetéeenAustralie;puisj’aicourulesrattraper.J’avaishâtedediscuteravecLisaetd’apprendrepourquoielleavaitdisparu

aprèsAtlanta.MaisauWhiskeyBar,j’aitrouvélesfillesencompagniededeuxrockeurs baraqués et couverts de tatouages. Le genre de types avec qui jel’imaginais tout à fait sortir. Je me suis faufilé entre eux, écrasé par leursbiscotosetleurstignassesteintes.

Pendantqu’ilscancanaientsurdesmusiciensducoinque jeneconnaissaispasetdontjemefoutais,uneénormeangoisses’emparaitdemoi.Jenevoulais

ni papoter ni faire semblant de m’éclater. Je voulais être seul avec Lisa. Jevoulaiscommuniqueravecelle.

Quandlapremièregouttedesueuraperléàmonfront, jemesuis levé.Lasituationétaitintenable.

« Je reviens. » Il me fallait uneMD – pas pour lever, mais parce que jevoulaismemettredansunétatpositif,debonnehumeur.Sinon,j’allaisdevenirfou,àresterassislàlalanguenouée.

Aumomentoù jemecommandaisunverreaubar, j’ai sentiunparfumdelilasm’envelopper.Jemesuisretournéetaidécouvertdeuxfemmesenrobedesoiréenoire.«Dites-moi,j’auraisbesoindeconnaîtrevotreavissuruntruc»,ai-jecommencé,avecmoinsd’enthousiasmequed’habitude.

«Attends,m’a interrompu l’une. Tu as un ami dont la copine est jalouseparcequ’ilparleencoreàsonex.

—Genre,lesmecsnoussortenttoutletempsça,aajoutésacopine.Tuveuxquoi?»

J’aiprismonwhiskey-Cocaetmesuis faufilé jusqu’aupatio fumeurs–oùj’avaislivréunebataillededraguetitanesqueavecHeidiFleiss.Inquiet,j’aisortil’introdessortilègesàunc-2quioccupaitunbanc.Ouf,ellesnelaconnaissaientpas.

«Aufait»,leurai-jerécitéunpeuplustard.Jelasentaisvraimentpas,maisjevoulaismeforceràparler.«Vousvousconnaissezdepuiscombiendetemps?

—Unedizained’années,arépondul’unedesfilles.—J’enétaissûr.Ilfautquejevousfasseletestdesmeilleurescopines.—Onnousl’adéjàfait»,a-t-elledéclinépoliment.C’étaitdoncarrivé:nousavionsdraguéSunsetdefondencomble.Lacommunautéétaitdevenuetentaculaire;tropdeconcurrentsenseignaient

les mêmes techniques. Et nous n’avions pas saturé que Los Angeles.Récemment, des V2D de San Diego, Montréal, New York, San Francisco etTorontoavaientrapportélemêmeproblème:ilsn’avaientplusdechairfraîcheàsemettresousladent.

Je suis retourné voir Lisa et ses potes. « J’en peux plus. Je rentre. MaisdemainjevaisfairedusurfàMalibu.Venezdoncavecmoi,Samettoi.Onvas’éclater.»

Lisaalevélesyeuxetacommuniquéavecmoipourlapremièrefoisdelasoirée.Pendanttroissecondesextraordinaires,lerestedumondeadisparu.«OK,çamarche.Çaal’aircool.

—Super.Onseretrouvechezmoiàmidi.»Findelacommunication.

QuandjesuisrentréduWhiskeyBar,j’aitrouvéIsabelquim’attendaitdansmachambre.Ilyavaitpeudechancesquejedorme.

«Jenet’aijamaisditd’appeleravantdepasser?—Jet’ailaisséunmessage.»Elle était très bien, Isabel. Cinq ans plus tôt, j’aurais laissé tomber mon

boulot rien que pour coucher une fois avec une fille comme elle. Mais ellen’avaitrienàoffriràpartdesoreillespourm’écouter,unebouchepourmeparleretunvaginpourm’extirperdesorgasmes.Nousne formionspasuneéquipe ;nous représentions un divertissement l’un pour l’autre, un moyen éphémèred’allégernotresolitudedansunmondevasteetinsensible.Nosconversationsserésumaientàdesconversations,oùnousremplissionslevidedemots.Dumoins,c’estcequejepensais.Maisencouchantavecunhommeplusdistantqu’ellenelesouhaiterait,unefemmepeutdévelopperdessentiments,envouloirplus.

« Tu vois toujours d’autres nanas ? » m’a demandé Isabel le lendemainmatin,secouchantsurmoi,l’airagressive.

Une question tendancieuse qui appelait une seule bonne réponse. Je lui aidonné lamauvaise – la sincère. « En fait, j’ai rencontré une fille, Lisa, et jecommenceàéprouverdel’affectionenverselle.

—Tuvasdevoirchoisirentreelleetmoi,alors.»Avantlesultimatumsmemettaientlapression.Maisj’aiapprisdepuisqu’ils

expriment l’impuissance ; ce sont desmenaces creuses destinées à influencerunesituationqu’onnecontrôlepas.

«Enmedemandantdechoisir,tutemetsenpositiondeperdre.»Isabelaposélatêtesurmonépauleetafonduenlarmes.J’étaisdésolépour

elle,riendeplus.Une heure après son départ, Lisa et Sam se sont pointées.Mystery tapait

commeunmaladesurleclavierdesonordi.IlarepéréLisa,quiportaitunpullenlinJuicyCouture,lacapuchesurlatête,etluiabalancéunneg.«Qu’est-cequec’estquecedéguisement?»Ilneconnaissaitpasd’autrefaçond’entrerencontactavecunebellefemme.

LisaatoiséMystery:peignoir,boxer,vernisnoirauxorteils,pantoufles.Elleluiadécochéunregardméprisantetaironisé:«Jeterenvoielaquestion,mongrand.»

Lisaétaitblindéecontre lesnegs.Àcôtéd’elle, lesautresfillessemblaientincomplètes.Pendantl’essentieldeleurenfance,lesfemmessontconditionnéesà se soumettre aux figures d’autorité mâles. En grandissant, certaines – dontbeaucoupfinissentàLosAngeles–évoluentdanslemondeàl’étatd’ébauche:

elles se rabaissentconstammentenprésencedusexeopposé.Ellescroientquelestechniquesqu’ellesutilisaientpourmanipulerleurpèrefonctionnerontaussibiensurlesautres,etellesontsouventraison.MaisLisan’étaitpasunpaillassonfaçonné par les attentes et les désirs des hommes de sa vie. Elle appliquait leconseil que la plupart des femmes donnent hypocritement aux hommes : ellen’avaitpaspeurd’êtreelle-même.

Pourunefois,Mysteryestrestémuet.Ils’estéclaircilavoixetadéclaré,unpeu trop fort :« Je suisoccupé» ;puis il s’est remisà son travail. J’étais sûrqu’il postait un message pour Mysterys Lounge, où il se défoulait après leconseildelaveille.

J’aimontréàSametLisalesphotosquej’avaispriseslanuitoùLisaétaitrestéechezmoilapremièrefois,quandons’étaitdéguisés.

«Çaalors,fitSamenregardantcelleoùLisaetmoiéchangionsuneœillade,justeavantnotrenon-baiser.Jen’aijamaisvuLisaaussiheureuse,

—Ouais,aconfirméLisa,avantdesourireàpleinesdents.T’aspastort»Sam estmontée auxwc pendant queLisa etmoi chargions les planches à

l’arrièrede la limousine–quime servait quand j’allais surfer.Sur la routedeMalibu, j’ai remarqué que Sammurmurait à l’oreille de Lisa, ce qui a illicoeffacésabonnehumeur.

«Dequoi?»ai-jedemandé.Ellessesontregardées,hésitantes.«Quoi ? » Je tenais vraiment à savoir. J’étais sûr que ces cachotteriesme

concernaientetqueçan’avaitriendebon.«C’estrien,afaitSam.Untrucdefilles.—Ah,OK.»Quand je surfe, en général, je reste près du rivage, alors que les surfeurs

chevronnésprennentlesgrossesvagues,aularge.Jetrouveçamieux,parcequej’enprendsplusqu’eux.Maiscettefois,aprèsavoiraidéSametLisaàdompterleursplanches,j’airejointlescracks.

Letempsqu’unrouleauseforme, j’observaisavecenvie lessurfeursrestésprèsdurivagequiprenaientvaguesurvague.Auboutdevingtminutes,lamerafinipargrossirderrièremoi,etjemesuismisàpagayer.Unemurailled’eauestapparuedansmonchampdevision,moncorpss’esttendu:jemedemandaissij’arriveraisàgérerunemasseaussiénorme.Maplancheaémisuncraquementassourdissant,etjemesuismisenposition.Lebleus’étendaitàpertedevueau-dessusdemoi.J’aitracésurlafacedelavague,suisremontésurlacrêtepuisjesuisrevenuverslerivage.Jemesentaisvivant,euphorique,foudejoie.Jeneme

savaispascapabledecetexploit:jenepensaispasavoirlesconnaissancesetlescompétencespourm’attaqueràunevaguepareille.Pourlapremièrefoisdepuislecollège,j’avaisenvied’écrireunpoème.

Tandis que je rapportais triomphalement ma planche vers la plage, j’aicomprisquel’heureétaitvenue,aveclesfilles,dem’attaquerauxgrossesvaguesetd’arrêterlespetites–depréférerlaqualitéàlaquantité.Jeleméritais.

Deretouràlamaison,j’aiprisLisaàpart:«J’aimeraist’emmenermangerdessushissamedi»VachementPMF.Jel’invitaisàsortir.Lisa a hésité un instant, comme si elle cherchait lameilleure façon deme

larguerendouceur.Elleafaitlamoue,plissélesyeuxpuisafinipardire,«OK,enfin,jecrois.

—Tucrois?»J’avaisoubliéladernièrefoisoùj’avaisinvitéunefilleetellemebalançaitcetteréponse.

«Maisnon,c’estjusteque…»Elles’interrompit.«Laissetomber.Biensûrqueçamebotte.Jemedemandaisquandtuallaistedécider.

—J’aimemieuxça.Jepasseteprendreà8heures.»Les filles sont parties et je suis allé me chercher un blanc de poulet à la

cuisine. Les restes d’innombrables repas préparés par des kyrielles d’invitésavaient formé une croûte noire qui recouvrait la cuisinière. J’attendais que laviandecuiselorsqueTylerDurdenestentréparlaportedupatio–ilportaitdeschaussuresdecourseetunWalkman.Ilarelevésont-shirt,aexaminésonbedonetaretirésesécouteurs:

«Hé,mec,j’aisucequis’estpasséavecMystery.Vraimentdésolé.Tumedissijepeuxfairequelquechosepourleconvaincrederester.

—Ilesthyper-têtu.Tuvastecasserlesdentsdessus.—S’ilsebarre,ProjetHollywoodtombeàl’eau.Çadeviendrasûrementle

quartiergénéraldelaVDS.—Sûrement.»J’aimismonpouletsuruneassiette,prisdescouverts.«Aufait.J’aiachetéunechemiseàlaStylesurMelroseaujourd’hui.Pilele

genredetrucquetuporterais.Fautquejetefassevoir.—Génial…maisunpeuzarb.»Ilyavaituntrucdontjecomptaisparlerà

Tylerdepuisunbonmoment.«Jevoudraisquetupayesunpetit loyer,ouunepartiedesfrais.Çafaitdesmoisquetuhabitesici,orons’estfixéunerèglelejourdenotreinstallationàdemeure:lesinvitésdoiventparticiperauxfrais.

—Biensûr,mec.VoisçaavecPapa.»

Parolessympas,langagecorporellouche.Tylerbougeaitlatêteendevisant,comme s’il ne savait pas où poser les yeux, puis il a tourné les talons etm’aplantélà.Ilsedonnaitunmalfoupournepasêtreimpliquédanslesproblèmes,lesquerellesetles«conseilscasa».Jeflairaislepiègederrièresonsourire–unpeucommelafoisoùj’avaisembrassésacibleàLasVegas.Enluidemandantdepayerunloyer,jedevenaisunemenace.

J’aiemportémonassiettedanslecoin«bureau»deProjetHollywood,j’aiallumémonordinateuretaisurfésurMystery’sLounge.Jevoulaislirelechef-d’œuvrequeMysteryavaitcomposésifiévreusementdansl’après-midi.

Chapitre4

MSN group : Mystery’s Lounge Sujet : Déménagement de Mystery Auteur :Mystery

JevaissûrementquitterProjetHollywoodlemoisprochainparcequejen’ysuispluschezmoi.L’environnementagressifyrendlesjournéesinsupportables.

Niveaustyledevie,ProjetHollywood,c’estarchinaze.Habiter icin’a riende positif pour personne. Si ma chambre hors de prix devient disponible(lorsqu’elleledeviendra),vospeurecommandablescolocs(saufStyle)saperontàunmomentouàunautrevotrebonheur.C’estuntrucqu’ilsontdémontréplusd’unefois.

Encequimeconcerne,endehorsdufaitd’avoirunbusinessconcurrentbasésouslemêmetoit(l’undesnombreuxabusdeconfiancedePapa),leslocatairesjugentbond’intervenirdansmavieprivée.Pourmoi,c’estintolérable.Onm’ainforméquemonex,qui apourtantprouvéplus souventqu’à son tourqu’ellen’étaitpasfiable,allaitêtreautoriséeàrevenircheznousdansdeuxmois.

Sielledébarque(cequ’espèrePapa), jesuisforcédepartirparcequejeneveux pas d’une présence venimeuse près demes amis ou dema personne. Àmoinsque laplaintequ’ellemenacededéposercontremoi l’éloigned’ici,unetelleimplicationdansmesaffairescauserasansdouteuneamertumeirrévocable.

Àceuxquiprétendentquej’aibesoindesoutienpsychologique,sachezquelameilleure solution à la dépressionn’est pas de payer un étranger pour qu’ilvousprêtel’oreille,nideprendredescachetons–çanemarchequ’àcourtterme,quand on touche vraiment le fond. La solution à long terme, c’est unenvironnementbénéfique,avecdesamisàvotreécoutequipartagentvosdéfis.C’estcequej’avaisentêteaudépartavecProjetHollywood.Sivousvoulezmeparler ouvertement de la situation et des raisons pour lesquelles je nerecommandeàpersonned’habiterici,appelez-moi.Jeneveuxpasqued’autresvivent ce que j’ai vécu. Découvrez la faune locale avant de déciderd’emménager.

Voilà.Mystery

P-S.Si jedéménage, jevendsmon lit. Jen’yai couchéqu’avecdix filles,donc il est super-propre.C’est un king-size californien.Le prix, 900 $ cash –édredonetdrapsnoncompris.

Listedesfillesquejemesuistapées:1.Joanne,strip-teaseuse2.Mary,mannequin,blonde3.LaserveusecanonduSpiderClub4.Sima,monexdeToronto5.Katya,la*&%!6.Gabby,miss«bla-bla»7.Jen,canondedix-neufans8.LacousinepoteléedeVision(jesais,maisçam’aquandmêmeplu)9.Twyla,monassistantepersonnelle10.Lemannequind’unmètrequatre-vingtsquej’aifaitfuir.Je crois que c’est tout. Un super-lit. Ferme. A rendu onze personnes

heureuses.MSNGROUP:Mystery’sLoungeSujet:Compterendu–MysteryrencontresafutureépouseAuteur:MysteryJ’airencontrémafuturefemme.Etj’aidécidédenerienvousrévéleràson

sujet.Elleesttropimportanteettropclasse.C’estlafemmedemesrêves(enfinjecrois).

Contrairementà ladernière, jenecomptepas laprésenterà tout lemonde.Cette fois, je pars de zéro et pas question que je bousillema relation en vousracontanttout,lesgars.Jeseraiplusloyalenversellequ’enversvousparcequela règle« lespotesavant lesputes»ne s’appliquequesionconsidère la fillecommeunepute.

Voici tout ce que vous avez à savoir : je l’ai croisée en coup de vent àChicago pendantmon dernier atelier avecHerbal. Septminutes terminées parune conclu-T. Depuis, on s’est parlé des heures au téléphone. J’aime sapersonnalité.Eteffectivement,côtécorpsetcôtéfacec’estune10/10.J’aieusamère au téléphone, elle m’aime bien aussi. La fille vient passer une semaineavecmoiàLosAngeles.Je luiaipayél’avion.Mafamilledoitvenir lamêmesemaine,ilsferontconnaissance.

Onn’aétéensemblephysiquementqueseptminutes,maisjesaisdéjàquejevais l’épouser, vivre avec elle et peut-être même avoir des enfants. Pas mal

commeprédiction,hein?Delapartduplusgranddragueurdumonde.Vousnelaverrezpasjouerleséquipièresdansmesatelierscarjenecompte

paslamettreàprofit,saufsielleveutmedonneruncoupdemainpourlefun.Elleest intouchablevis-à-visdecettebandedepariasminables.C’estpasunefêtarde comme les cinq dernières. Elle leur ressemble peut-être (hmmm)maiselle,c’estuneperle.Entoutcaspourmoi.Mespoteslarencontrerontbientôt.

QuantàtouslesautresV2D,nel’approchezpas…voussavezquejemords.Amitiés,Mystery

Chapitre5

En peignoir, Mystery promenait sa bouderie dans le foutoir de la maison,racontantàquivoulaitbienl’entendrecommentunancienétudiantluifauchaitson business et comment une garce avait fichu sa vie en l’air. Il rejetait toutethérapie par une explication-fleuve et une justification évolutionniste de sesémotionsetdesesactions.Lavulnérabilitéet l’honnêtetéqu’ilavaitdéployéespendantnotreréunionavaientfaitlongfeu.Soncadres’étaitréaffirmé;sonâmeavaitrebâtilesmurstortueuxséparantlesjustificationsbidondelaréalité.

Ilavaitbeaunepasm’envouloir, jemesentaisquandmêmecoupable.Lecompromisquilemettaitàlaportedelamaison,c’estmoiquil’avaisénoncé.Bienjoué,Salomon…

Pire,Katyaremuaitlecouteaudanslaplaie.Elleavaitdonnéunpréavisdesoixante jours à son propriétaire et prévu d’emménager dans la chambred’Herbal dès qu’elle aurait la permission de revenir chez nous. Sa vengeanceétaitdonccomplète.

Cevendredi-là,j’aiemmenéMysterycherchersasœur,samèreetsesniècesà l’aéroport. Les filles se sont entassées à l’arrière de la limousine et l’ontcouvertdetoutl’amourdontilavaitbesoin.

Puis nous nous sommes rendus au terminal d’United Airlines. Mysteryattendaituneinvitéesupplémentairepourlasemaine:Ania–lafillequ’ilavaitrencontrée àChicago, celle qu’il présentait sur Internet comme la futureMrs.Mystery,leremèdeàseséchecs.EnMD,Mysterys’étaitfaitunespécialitédecequ’il appelait les tueuses à gages – barmaids, strip-teaseuses, shot girls3 etserveuses.AniatenaitlevestiaireduCrobaràChicago.

Garés au terminal, nous avons attendu. « Préparez-vous à rencontrer mafuturefemme,a-t-ilannoncéàsafamille.

—Nelàfaispasfuircommeladernière»,agloussésamère.Ellesemblaitavoircomprisque,siellevoulaitsurvivreaustressqueluiinfligeaientsonmarietsesenfants,ellenedevaitrienprendreausérieux.LavieétaituneprivatejokeentreelleetDieu.

NousavonsreconnuAniadèsquelesportesautomatiquessesontouvertes:unefausseblonde,plutôtpetite,àlapoitrinedémesuréeparrapportaurestedu

corps, et au visage de pomme ratatiné qui trahissait, comme chez Patricia etKatya,desoriginesslaves.

Mystery l’a saluée, a pris ses bagages et l’a conduite à la limousine. Endehors d’un « Bonjour » prononcé d’une voix douce, Ania n’a pas ouvert labouche de tout le trajet. Elle écoutait passivementMystery. Pas de doute, elleétaitsontype.

Ania n’était peut-être pas une fêtarde comme Katya, mais son placardcontenaitquandmêmeunsquelette,quiestarrivéinopinémentlelendemain.Ils’appelaitShaun.

Lesamedi,plantédevantnotreporte,Shauncomposaitlenumérodeportabled’Ania toutes les cinq minutes. Ania n’avait pas dit à Mystery qu’elle étaitfiancée.Etdetouteévidence,ellen’avaitpasavouéàsonfiancéqu’ellepartaitrendrevisiteàundragueurrencontréauboulot.Forcément,Shaunavaitconsultélaboîtevocaled’AniaetdécouvertlesmessagesdeMystery:ilavaitdécidédeveniraffrontersonrivalàLosAngeles.

Mysteryasaisil’ironiedelasituation.«JecomprendscequevitShaun.Jesuis sonHerbal à lui. Ilveutme tuer et récupérer sa femme.»Surce, il s’estinterrompu un instant et a adopté une position plus digne d’un mâle alpha –moinslespectoraux.«Jevaisluiparler.»

Jel’ailaissésortirensepavanantetl’aiattenduàl’intérieuravecsasœuretsamère.Nousétionsassissur lecanapéencuir– tellementsaleàprésentquemêmelestachesétaientrecouvertesdecrasse–quiformaitledécordescrisesdelarmes,desplansculetdesréunionsquidévoraientmaviedepuisdesmois.J’airessentilebesoindefuircepiègequejem’étaistendu;cepiègequeMysterysetendaitencoreàlui-même;lespiègesquenousnoustendonstousconstammentànous-mêmes,etdontnousneretenonsrien.

« Vous vous rendez compte, ai-je balancé, que Mystery se prépare à unnouveaufiasco.

—Oui,réponditsamère.Ilcroitqueçaneconcernequelesfilles,maisc’estfaux.C’estparcequ’ilnes’estimepasassez.»Seuleunemèrepeutréduiretoutel’ambition et la raison d’être d’un type dont lemanque d’assurance gouvernechaquepas.

« Ce qui m’inquiète, c’est sa violence, ai-je repris. Il croit qu’il tient lasolutionàtoussesproblèmes…etçac’estdangereux.

— Se battre, ça nemène nulle part. Comme je dis toujours, on n’est pasobligédetenterl’approchedirecte.Onpeutcontournerl’obstacle,ilyatoujoursunmoyen.

—Maintenant je sais d’oùMystery tient sa méthode. » En trois phrases,cettefemmeavaitrésumélatechniqued’approchedesonfils:ledétour.

Martinafronçalessourcilsetserenfonçadanslecanapé.«Sesdépressionss’aggraventchaquefois.Iln’étaitpasviolent,avant.

— Je me souviens d’une colère : il a claqué une porte et tué son ratapprivoisé,appuyasamère.Mais jene l’ai jamaisvusemettreen rognepourautrechose.Mêmequandlechatestmort,ilasimplementdit,“C’estlavie.”

—Jecroisquedepuislamortdepapa,ilserendcomptequ’iln’étaitpassimauvaisqueça.Alorsils’autoriseàsecomportercommelui.»

Je repensais à notre conversation à la frontière de la Transnistrie. Il avaittracéunportraitmonstrueuxdesonpère.«Votrepèren’étaitpasaussiméchantquecequeMysteryracontait?

—Leproblème,c’estqu’ilsseressemblaienttrop,expliquaMartina.Papaatoujours su conquérir les salles dans lesquelles il entrait. Il était trèscharismatiquemais aussi très têtu. Ils ne se sont jamais entendus.Mystery sedébrouillaittoujourspourlecontrarier.Etpapa,aulieudeseconduireenadulte,semettaitenrogne.

—Àtable,ilsnepouvaientpasmangercôteàcôte,renchéritsamère.Etsil’undesdeuxs’avisaitderegarderl’autredetravers,çadégénérait.

—Àprésentquepapan’estplus là, conclutMartina,Mysteryabesoindequelqu’unsurquidéversersacolère.Ducoup,Katyaaremplacépapa.Elleestdevenuelaméchante,responsabledesémotionsqu’iléprouveenpagaille.»

C’était maintenant ou jamais, je devais leur poser la question qui metracassaitdepuisladépressiondeMysteryàToronto,cellequipouvaitmelibérerdel’obligationinexplicablequejeressentaisdelesauverdelui-même.

«Bon,alors,onfaitquoi?»Ladiscussionaduréunedemi-heure.Martinaafinipardéciderqu’ilvalait

mieuxlelaissertranquille;luidonnerunechancedeconcrétisersontalentetsongénie, de trouver les deux 10/10 qui l’aimeront autant qu’elles s’aimeront. Letoutenespérantqu’ilseserarapprochédesesbutsavantlaprochainecrise,oucelle,destructricequileforceraàrentrerpourdebonàToronto.Ilmarchaitsurdes sablesmouvants, des ballons gonflés à l’hélium dans lesmains – commenoustous,saufquesesballonsàluisedégonflaientplusvite.

L’entréedeMysterydanslacuisineaabrégénotrediscussion.«Fini.J’aiparlélonguementaveclefiancéd’AniaauMel’sDiner.Jeluiai

dit que c’était trop tard pour recoller les morceaux. Ania est désormais ma

copine et nous sommes amoureux. C’est bien parti pour devenir le plus belexploitdel’histoiredelaméthodeMystery.»

Martinam’aadresséunregarddeconnivence.LamèredeMysteryacroisélesbrassursapoitrineetarigolétouteseule.

Il a balancé un magnétophone sur le comptoir. « J’ai enregistré laconversation.Çavousditdel’écouter?

—Non.»J’enavaisassezentendu.Enplus,j’avaisunrendez-vousàhonorer.

Chapitre6

Je suis passé prendre Lisa à 20 heures et l’ai emmenée dans un restaurantjaponais, leKatana, pour l’un des dîners les plus éprouvants demavie.Nousavions déjà passé tellement de temps ensemble que je ne savais littéralementplusquoiluidire.J’étaisobligéd’êtremoi-même.

«Jevoulaistedemander…»Leslampesdupationousgrillaientlecrâneetlesakénousréchauffaitleventre.Cettequestionm’empêchaitdedormirdepuisdessemaines.«Tuasfaitquoi,aprèsAtlanta?Onavaitprévudestrucsettuastoutfaitfoirer.

—Tuasétégrossierautéléphone.Etenplusjenesavaispasqu’onavaitdesprojetsprécis.»Sonattitudeavaitdoncétésaversiondelathéorieduchatetdelaficelle.Ellem’avaitpunipourmoncomportement.

«Jejouaislesmachosmarrants.J’avaisenviedetevoir.—Peuimporte.Tuasétéincorrect.Tujouaislemecsuper-cool,hyper-relax,

détachéde tout…çam’a rebutée. Jemedisais, “Jepeuxavoirqui jeveux, etvoilàqueseramèneunmecquiseprendpourlecoolincarné?”»

Toutenparlant, j’essayaisdecomprendrepourquoi j’aimais tellementcettefille ; pourquoi, après mes dizaines de conquêtes, elle était devenue monobsession. Mon côté cynique prétendait que je succombais tout bêtement àl’équivalentféminindenostactiques.Lesecret,sionveutconvaincrequelqu’unqu’il vous aime, c’estd’occuper sespensées–pile cequeLisa avait fait avecmoi.Ellem’avaitenvoyésurlesrosesetrepoussétoutenm’encourageantassezpourquejecontinueàlapourchasser.

D’un autre côté, je n’étais pas un laboureur. Si une femmeméprisaitmesefforts, en temps normal, je laissais tomber bien plus vite. Évidemment fi sepouvait aussi que mon obsession provienne d’une tendance misogyne, mâlealpha,quej’auraiscontractéeparaccident,uneffetsecondairedesMD.Lisaétaitfarouchementindépendante,unepersonnequej’admiraisaulieudelaregarderdehaut.Siçasetrouve,leCro-Magnonenmoivoulaitjustecoucheravecelleet,danslafoulée,laconquérir.

Il y avait toujours la vaguepossibilité qu’elle ait réussi à toucher unpointsensibleque jecachaisà tout lemonde,ycomprisàmoi-même.Unezonequi

voulaitarrêterderéfléchir,dechercher,des’inquiéterdel’opiniondesautresetsouhaitait simplementse laisseraller, sesentirà l’aiseet libre–commesur lagrande vague à Malibu. De temps en temps, quand Lisa et moi baissions lagarde,jeressentaislamêmeémotion.Jemesentaisseul,avecelle.

Noussommesrentrésàlamaison.Lisaaenfiléunt-shirtblancetunboxerpuisnousnoussommescouchéscommeànotrehabitude–souslescouvertures,chacunsonoreiller,latêtetournéel’unversl’autre,maissansnoustoucher.

Je voulais reprendre notre conversation. Je ne cherchais plus à la séduire.J’avaisjustebesoinderéponses.

«Alors,pourquoiest-cequetuesrevenuemevoir,l’autrejour?—Pendant tonabsence, j’aicompriscombien tumemanquais.»J’adorais

regarderseslèvresdecorailquandelleparlait,sesdentséclatantes.«Mespotessefoutaientdemoiparcequejecomptaislesjoursjusqu’àtonretour.Enfait,jesuismêmeallée fairedes courseshistoirede tepréparer àmanger. Je saispaspourquoi.»Elleahésitéetsouri,commesiellevenaitdemedévoilerunechosequ’elle avait prévu de dissimuler. « J’ai acheté de l’espadon que j’ai dû jeterparcequ’ilavaitpourri.»

Moncourages’estranimé.Toutn’étaitpasperdu.«Maisc’esttroptard,a-t-elleconclu.Tuavaisunechanceettuastoutfait

foirer.»David DeAngelo m’aurait conseillé une réplique macho marrante, Ross

Jeffriesm’auraitditdenepasentrerdanslecadredecettefille.Mysteryauraitvouluquejelapunisse.Maisjen’aipaspum’empêcherdedemander:

«Commentça?—Déjà,tunem’aspasappeléequandtuesrentrédeMiami.J’aidûvenirà

toi.—Minute.Jecroyaisquetumelarguais.Tun’asmêmepasappeléunefois

pendantmonabsence.—Qu’est-cequetuveux?Taboîtevocaledisaitquetun’étaispasenvilleet

tunemerappelaispas,alorsjen’aipaslaissédemessages.—OK.Maisàtoi,j’auraisrépondu.Jevoulaisavoirdetesnouvelles.—Après,auWhiskeyBar,tuasàpeinesortideuxmots.Lebouquet,c’est

quand on est passées chez toi pour aller surfer. J’ai dit à Sam que jerecommençaisàt’apprécieretellem’arépondu:“Oublie.Jesuispasséedanssachambreenallantauxwc,j’aitrouvéunecapoteparterre.”»

Jemeserais foutuunebaffe.Quelle imprudence : j’avaisoubliéde jeter lepréservatifquej’avaisutiliséavecIsabel.C’étaitdoncça,leursmurmuressurla

routedeMalibu.«Alorspourquoiest-cequetuasacceptédesortiravecmoicesoir?—Tum’asinvitéeàunvrairendez-vous.Ettuétaisunpeunerveux,alorsje

mesuisditquetudevaistenirvachementàmoi.»Jemesuisredressésurlescoussins.J’étaissurlepointdesortirlatiradela

plus PMF de ma vie. « Il faut que je te dise. Les dragueurs appellent ça une“fixette aiguë”. C’est unemaladie qu’on attrape quand on est obsédé par unefille.Etonn’aboutitjamaisàrienavecelleparcequ’onesttropfébrileetqu’onlafaitfuir.

—Etalors?—Alors…mafixetteaiguë,c’esttoi.»Onse regardaitdans lesyeux.Les siensbrillaient. Je savaisque lesmiens

brillaientaussi.Ilétaittempsdel’embrasser.Iln’yaeuni réplique,ni thème,ni techniquede l’évolution– j’avaisdéjà

essayétoutcebaratinsanssuccès.Jemesuispenché.Elleaussi.Elleafermélesyeux.Moiaussi.Nos lèvressesont rencontrées.Exactementcommedansmesrêves.

Desheuresdurant,noussommesrestéscouchéslàànousroulerdespellesetdisséquerlescoïncidencesetmalentendusdesdernièressemaines.

Le lendemainmalin,pendantqueLisadormait, je suisdescendusansbruitarmé de mon carnet d’adresses. J’ai appelé Nadia, Hae, Susanna, Isabel, lesJessica et toutes les tbm, rltm et autres sigies que je fréquentais, et leur aiannoncé que j’avais commencé à passer du temps avec une femme à qui jevoulaisêtrefidèle.

«Alorstulapréfèresàmoi?m’ademandéIsabelencolère.—C’estpasunchoixrationnel.—Elleestmeilleureaulitouquoi?—Aucuneidée.Ons’estjusteembrassés.— Alors tu roules une pelle à une fille, a-t-elle ricané, et après tu te

débarrassesdemoi.—Jenemedébarrassepasde toi.Çameplairait qu’on se revoie, comme

amis.»Jesentaisbienquecettephraseluitransperçaitlecœur–j’avaisconnucettesensationdesdizainesdefoisavantd’intégrerlacommunauté.

«Maisjet’aime.»Commentpouvait-ellem’aimer?Qu’elleaillesetaperunedizainedemecs

poursoignersafixetteaiguë.«Jesuisdésolé»,ai-jesoufflé.Sincère.

L’inconvénientdu sexe sansengagement, c’estquedes sentimentspeuventvoir le jour. Les gens ne se contentent pas d’un simple rapport physique. Etquand les attentes d’un partenaire ne correspondent pas à celles de l’autre, leplusexigeantensouffre.Lesexegratuit,çan’existepas,ilyatoujoursunprixàpayer.

J’avaisvioléunedesraresrèglesénoncéesparRossJeffries:nepasamocherlafille.

Chapitre7

Lavapeurs’élevaitdanslanuitsansétoilesdeLosAngelestandisqueMysteryetmoifaisionstrempettedanslejacuzzi.Unbrasappuyésurlerebord,Mysteryaessayé,del’autre,d’avalerunegorgéed’unverrecontenantunliquideorangeetdesglaçons.Çaressemblaitàuncocktail:plutôtbizarre,vuqueMysterynebuvaitjamaisd’alcool.

«J’aidonnémonpréavisàPapa.C’estofficiel,jedéménagedansunmois.»Ilm’abandonnait,commependantsadépressionàToronto.Jemeretrouvais

forcé de cohabiter avec le couple de tourtereaux qui l’avait éjecté de ProjetHollywoodetl’arméedeclonesquePapafabriquaitdanssachambre.

«Maistulaissestesennemisgagner,ai-jerépliqué,repêchantunmégotetlejetant dans un verre vide. Tu dois défendre ton territoire. Katya n’osera pasmettreunpieddans lamaisonsi tues là.Bats-toi.Melaissepasseulaveccestypes.

—Non.Lacolèreetleressentimentquej’éprouvesontvraimenténormes–assezpourquejeparteetquejen’aieplusàlesrevoir.»

Mysterysirotaitsoncocktail.«Tuboisquoi?—Unevodka-orange. Je croisque je suisunpeupompette.Tu sais, jene

m’étaisjamaisbourrélagueule.Jevoulaispasressembleràmonpère.Maisbon,maintenantqu’ilestpluslà,jepeuxessayer,çava.

—Idiot,c’estpaslebonmoment.Tuesdéjàassezinstablecommeça.Pasbesoind’ajouterd’alcooldanslemélange.

—J’aimebien.»Commed’habitude,jeperdaismontemps.Mysteryalampéuneautregorgée–avecungrandgestedubras,cettefois,

commesic’étaitchicetcool.«Alors,commeça,Isabelestpasséehiersoir.—Çam’embête.J’aiessayédemettreleschosesauclairàproposdeLisa.»Ils’estincliné,remuantl’écumeaveclepieddesonverre.«Tun’asmême

pas couché avecLisa.Pourquoi tu tegarderais pas Isabel de côté ?C’est tropdébiledelaisserfileruncorpspareil.

—Pasquestion,mon con. Je veux faire les choses bien. J’ai pas envie dem’allonger près deLisa en ressentant de la culpabilité pour un truc que je lui

cache.Çadétruiraitlaconfiancequinousunit.»Je me suis penché pour vérifier de la main la température de l’eau de la

piscine.Aussichaudequedanslejacuzzi:quelqu’unavaitencorelaissélegazallumé.Notrefacturedegazs’annonçaitsalée.

« Tu connais l’histoire de la grenouille et du scorpion ? me demandaMystery.

—Non,maisj’adorelesparaboles.»J’aiplongédanslapiscineetaifaitlaplanchependantqueMystery,accoudéaujacuzzi,merécitaitsonhistoire.

«Unjourqu’unscorpionsetrouvaitaubordd’uncoursd’eau,ildemandaàunegrenouilledel’emmenersurl’autrerive.“Qu’est-cequimegarantitquetunevaspasmepiquer?”s’estinquiétéelagrenouille.“Sijetepique,jemenoie”,aexpliquélescorpion.

«Aprèsréflexion,lagrenouilleacomprisquelescorpionavaitraison.Ellel’adoncembarquésursondosets’estmiseenroute.Àmi-chemin,lescorpionaplantésonaiguillondansledosdelagrenouille.Tandisqu’ilss’enfonçaientdansl’eau,lagrenouilleapleurniché:“Pourquoi?”

«Etlescorpionderépondre,“Parcequec’estdansmanature.”»Mysteryaavaléunegorgéetriomphaledesavodka-orangepuisabraquéson

regardsurmoi,quiflottaisdanslapiscine,encontrebas.Ils’exprimaitlentementet posément, comme leMystery quim’avait enjoint deme débarrasser demavieille peau de Neil Strauss. « C’est dans ta nature. Tu es un virtuose de ladraguemaintenant.TuesStyle.Tuasgoûtéau fruitdéfendu.Tunepeuxplusretournerenarrière.

—OK,crétin.»J’aifaitquelquesmouvements.«C’esttrèscyniquedelapartd’untypequiparledesemarieretd’avoirdesgossesavecunefillequ’ilvientderencontrer.

—Noussommespolyamoureux.Ducoup,nousdevonstrompernoscopines.Etsiçamenacenosrelationssérieuses, tantpis.»Mysteryavidésonverreets’estmassélestempes,commepourchasserunvertige.«Nesous-estimejamaislapuissancedudéni.

—Non.» Impossiblede le regarder. Jen’allaispas le laisserdétruiremoncouple.«Jen’aiplusbesoindeconseils.»

Je suis sorti de la piscine, j’ai jeté une serviette sur mon épaule et j’airegagné le salon. Xaneus, Playboy et TylerDurden y bavardaient. Ils ont filéprestodans la chambredePapaenm’ignorant complètement.Bizarre, commecomportement,maispasimprévisibleaprèstoutcetempspasséensemble.

Je suis monté dans ma chambre, ai pris une douche puis feuilleté unexemplairedePerceval, la légendemédiévale,quej’avaisachetépeudetempsauparavant.Souvent,lesgenslisentpoursecherchereux-mêmesetfinissentpartrouverunauteurquiestdeleuravis.LanaturedePercevals’accordaitbienplusàlamiennequecelleduscorpion.

Voicicommentj’aiinterprétélalégende:unfilsàsamamanrencontredeschevaliers et décide de suivre leur exemple. Il se lance donc dans une séried’aventuresetpassedustatutdebouffonàceluidechevalierlégendaire.

Sonpaysestàl’abandon,depuisqueleroi,défenseurduSaint-Graal,aétéblessé.Percevalestconduitauchâteau,oùiltrouveleroidansdessouffrancesterribles.Compatissant,ilveutluidemander«Qu’est-cequinevapas?»Orlalégendeproclamequesiuncœurpurposecettequestionaumonarque,celui-ciseraguérietlefléauquirongeaitlepaysseravaincu.

Mais Perceval ne sait rien de cela. En tant que chevalier, il a appris àrespecteruncodedeconduitestrict,quiexigeentreautresdenejamaisposerdequestions ni de prendre la parole le premier. Il va donc se coucher sans avoirouvertlabouche.Lematin,àsonréveililconstatequelechâteauadisparu.Ilalaisséfilersachancedesauverleroietsonpaysenobéissantàunerègleplutôtqu’à son cœur.Contrairement au scorpion,Perceval avait le choix. Il a pris lamauvaisedécision,c’esttout.

En traversant le salon pour aller dans la cuisineme servir à boire, j’ai vuMysterybiberonnerdevantlatélévision.Enpleurs,ilregardaitKaratéKid.«Jen’ai jamais eu deM.Miyagi », a-t-il gémi, essuyant les larmes sur ses jouesrougies.Ilétaitsoûl«Monpèrenem’ajamaisrienappris.Toutcedontj’avaisbesoin,c’étaitd’unM.Miyagi.»

Je suppose que nous cherchons tous un mentor qui nous enseignera lesstratégiesgagnantesdans lavie, lecodedeconduitechevaleresque, lesmœursdumâlealpha.Voilàpourquoinousnousétionstrouvés.Maisaucunemanœuvrepréétablie, aucun système comportemental ne réparerait les dégâts plusprofonds : ils étaient irréparables.Notre seuleoption, c’étaitdecomprendre ledésastre.

Chapitre8

Lisa et moi avons passé le lendemain, et les deux jours suivants, ensemble.J’avaisconstammentpeurdefoirer,delalasser,deluitapersurlesnerfs.RickH.lerépétaitenboucle:«Situluimanques,c’estuncadeauquetuluifais.»Maisnousn’arrivionspasànousséparer.

« Tu es parfait pour moi, m’a-t-elle dit la quatrième nuit. Je n’ai jamaiscouchéavecunmecquej’appréciaisautant.J’aipeurdem’attacher.»

Sous sa carapace,Lisa était effrayée.Sa résistancen’était pasune tactiqueplanifiéemaisunconflitentresessentimentsetsaraison.Elleavaitétéréticenteàs’ouvrir,peut-êtreparcequ’elleprotégeaitsoncôté fragile.Commemoi,ellecraignaitd’éprouverdes sentiments sincères–aimer,êtrevulnérable,donneràl’autrelescommandesdesonbonheuretdesonbien-être.

Lesautresfilles,jenecouchaisavecqu’uneseulefoisparnuit–etsijelesaimaisassez,unesecondefoislematin.Maisquelquechosedestupéfiants’estproduitavecLisalapremièrefoisquenousavonsfaitl’amour.Aprèsavoirjoui,je n’ai pas débandé. J’avais encore, comme aurait dit l’ancien Extramask, lagauleetl’envie.

C’étaitrepartipouruntour.«T’asvuça?»J’étaistoujoursbonpourleservice.Cettenuit-là,cefutunfeud’artifice.Incompréhensible.Mabite,quej’avais

toujours prise pour un animal complètement stupide, aux exigences bas deplafond, réagissait aux émotions.Elle aussi en avait.Et cen’était pasdûqu’àl’impatience.JerestaisdurmalgrétroisouquatreorgasmeschaquefoisqueLisaetmoifaisionsl’amour.Dansdesvoitures,dansdesruelles,deswcderestau,etdansl’alcôvedudistributeurautomatiqued’uncouloird’hôtel,oùunemployédel’entretiennousasurprisetaessayédemesoutirervingtdollars.

Lesoiroùj’étaisrestémoufaceàlastarduX,çan’avaitpeut-êtrerieneuàvoir avec le whiskey. Mon corps avait répondu au manque de préliminairesémotionnels:jen’aimaispaslafille,jeneladésiraispasnonplus.Etjesuissûrqu’elleressentaitlamêmechose.Ons’amusait,sansplus.Lisa,jenelaprenaispasà la légère.Jenecherchaispasunequelconqueapprobation,niàsatisfairemonamour-propre, commeavec toutes les autresdont jem’enorgueillissais. Il

s’agissaitdecréerunebulleoùrienn’existaitàpartnousdeuxetnotrepassion.Leresten’avaitaucuneimportance.

Et puis, un bel après-midi, alors que je l’avais complètement oubliée,Courtneyadébarqué.Vêtued’unerobebleueetd’unchâleblanc,elleestsortiedesalimousine,rayonnante.

«Çayest,j’airecommencéàbaiser!aétésapremièreexclamation.—T’asréussiàavoircefameuxréal?—Non.J’aiunnouveaumecàNewYork.Etçavaêtredesafautesijeme

comporte comme une pute, parce que maintenant je suis tout le temps enchaleur.»

Elles’estapprochéedemoienesquissantdesentrechats.«Aufaitonavaitunpariàproposdecetype.—Exact.Jecroisbienquej’aiperdu.—Çaveutdoncdirequejevaischoisirledeuxièmeprénomdetonprochain

enfant.»Elleasourietm’aregardécommesij’étaiscenséleluidonnersansattendre.J’aipasséenrevuedansmatêteunelistedeprénomspossibles.«Pourquoi

pas Style ? ai-je proposé. Je compte prendrema retraite de toute façon, alorsautantletransmettre.»J’aipesélepouretlecontre.Style,c’étaitvraimentnaze.Maisbon…safilles’appelaitbienBean…

Courtneyapousséuncriperçant etm’a serré très fortdans sesbras.«Tusais,a-t-elleajouté,tum’asfascinée,sexuellementtoi,cesderniersmois.»

J’ai avalé ma salive et me suis préparé à lui avouer ma relation avec saguitariste.Maisavantquejen’aiepuouvrirlabouche:

«Mais j’ai entendupourLisa et toi. Je trouve ça super.Çan’aurapas étéentièrementnuldem’avoirenpension,finalement?

—Ohnon.Pourtoinonplus,j’espère.—Jeneveuxmêmepluspenseràcequis’estpassédanscettebaraque.—Tuasl’airenforme.Labaiseçatevabienauteint.—Ouais.Çaetlacurededésintox.»Clin d’œil, sourire. Ses prières avaient été exaucées. Courtney était à

nouveaunormale.« Je ne compte pas rester dans tes pattes, je vais loger au Argyle Hôtel

jusqu’auretourdemafille,danspaslongtemps,normalement.Jesuispasséeterendrel’argentquej’avaisempruntéàMystery.»

Elle m’a donné un chèque et a regagné sa limousine. Tandis que je laregardais s’éloigner, elle a baissé la vitre et crié, «Ce chèque-là il est pas en

bois.»Elleallaitmemanquer.Quelquesjoursplustard,j’aiemmenéLisaauScientologyCelebrityCenter.

Nousn’étionspasdevenusscientologues;nousétionstropattachésànotreblé.Tom Cruise avait tenu parole : il m’avait envoyé une invitation pour le galaannuel,l’événementmondainleplusglamourauquelj’aieassistéàLosAngeles.

Ledînerterminé,TomCruise»vêtud’unimpeccablesmokingnoir,estvenuànotretable.Ladémarcheassurée,lesourirenaturel,lafranchisefaitehomme.Jemesuis levépour lui serrer lamainet ilm’a tapéviolemmentsur l’épaule.J’aigardél’équilibre.Àgrand-peine.

«C’est ta copine ? »m’a-t-il demandé, toisantLisa d’unœil admiratif. Jen’arrivaispasàl’imaginerlubrique.«Tum’avaiscachéqu’elleétaitsuperbeàcepoint

—Merci.Jesuisheureuxcommejamais.—Ilparaitquetut’esrangédesvoitures?—Oui.Auboutd’unmoment. J’avais l’impressionde remplirun tonneau

percé.—Exactement!s’est-ilexclamé.AvecCamexonCrowe,quandontournait

VanillaSky,onparlaitdeladifférenceentreuncoupd’unsoiretunecopinedebaise.Et,quandonyréfléchitbien,toutçac’estdelafausseintimité.Çan’ariendesatisfaisant.Dansunevraierelation,lesexeprendbeaucoupplusdesens.Tuveuxqueçadure,tuveuxsortirtoutletempsetparlerdelavie.C’estvraimentcool.

— Oui. En revanche, je ne veux pas que mon voyage dans cet universs’arrête là.Çane feraitque réaffirmer lemessagemonogamede lasociétéquiprétend que le véritable amour triomphe de tout, comme dans un happy endhollywoodien.Çacraint.

—Depuisquand?m’ademandéCruise,plissantlesyeuxetfaisantminedemecorrigerd’unetaloche.Tusaisquoi?J’aidépassécestade.Depuisquandçacraintd’êtreamoureux?»

CommeMAO,ilétaitvraimentimbattable.

Chapitre9

Desfantômes.Nous n’étions que des spectres errant, invisibles, dans les couloirs d’une

maison en décomposition qui n’avait plus vu de réparateur ou de femme deménagedepuisdesmois.

Mysteryn’adressaitpluslaparoleàHerbal.Herbaln’adressaitpluslaparoleà Mystery. Papa parlait à peine. Et, allez savoir pourquoi, Sickboy, Playboy,Xaneus et les autres abeilles ouvrières de la VDS refusaient tout contact avecMysteryetmoi.MêmelesjeunesV2Dquitraînaientcheznous–Dreamweaver,Maverick et d’autres anciens étudiants – ne me saluaient plus. Si j’essayaisd’engager la conversation avec eux, ils coupaient court. Ils neme regardaientmêmepasenface.

Laseulepersonnequinem’ignoraitpas,c’étaitTylerDurden.Maisaveclui,toute conversation était impossible ; il vous faisait subir un interrogatoire,commeunacteurquiserenseignepoursonrôle.

«Ilfautquejeteposeunequestion»,m’a-t-ilditunaprès-midi,ensortantde la cuisine avec Sickboy. Je l’avais toujours apprécié, Sickboy.Comme sonnomnel’indiquaitpas,c’étaitunNew-Yorkaisbienélevé,d’unnatureldoux.

« Qu’est-ce qui t’a permis de séduire Lisa ? m’a demandé Tyler Durden.Parcequemoi,jesorstouslessoirs,jebosseénormément,maisjesaisquejenel’auraijamaiscommecopine.»

Malgré son côté dur, Lisa était l’une des femmes les plus généreuses quej’aiecôtoyées.Ellefaisaitmonlittouslesmatins;ellememitonnaitdespetitsplatsetmelesapportaitdanslachambrequandjetravaillais;etelleseramenaitrarementlesmainsvides–sescadeauxallaientdugelnettoyantauflacond’eaudeCologne JohnVarvatos en passant par un exemplaire de la première partied’HenryIV.J’avaispeut-êtretrouvémaCaresse.

« J’ai du vécu, sans doute. Toi, tu te contentes de chasser. Tu n’exploitesqu’unaspectdetapersonnalité,commesituallaisàlasalledegymetquetun’yfassesquedespompes.»

Tylerafroncélessourcils,soncerveaus’estmisàturbineràtouteallure.Uninstant, il a sembléprendre ce conseil à cœur.Puis il l’a rejeté et unéclairde

ressentiment,sinondehaine,atraversésonregard.Ilnesupportaitpasquejeneleconsidèrepascommemonégal,nicommeunmeccool;parcequ’iln’arrivaitpas à associer cette idée à un comportement qu’il pourrait imiter. Lisa sortaitavecmoiparceque, selonelle, j’étaiscool.TylerDurden, lui,neserait jamaiscool.

Ilm’abassinédixminutessurlesbienfaitsdesmd,iln’avaitplusbesoindethèmespourobtenirdesidi,etlespeopleessayaienttoutletempsdel’inviteràdessoirées.

Puisilafiniparsedirigerversl’escalier.Sickboyestrestéplantésurplace.«Alors,tuviens?»luiademandéTyler,indiquantl’étagedelatête,commesidesmanœuvresimportantess’ydéroulaient.

«JeveuxjustedireaurevoiràStyle.—Tut’envas?»Jen’enrevenaispasqueSickboynem’ignoreplus.Au premier, la porte de la chambre dePapa a claqué. Sickboy, nerveux, a

levélesyeux.«Jedégagedetoutça.—Comment,“toutça”?—ProjetHollywoodc’est l’horreur.Avec les trucscoolqu’ily a à faireà

L.A., tout le monde ne pense qu’à chasser. Je n’ai même pas vu l’océanPacifiqueuneseulefoisdepuisquejesuisici.Cesmecssontdeslosers.Jen’enprésenteraisaucunàmespotesdeNewYork.

—Jevoiscequetuveuxdire.Lisanelessupportepas.—Quellebandedecons.»Ilasoupirépourévacuerlatension,commes’il

était soulagé de se confier à une personne normale, compréhensive, qui auraitrésistéaulavagedecerveau.«Ilsn’arrêtentpasderamenerdesnanas,maislabaraqueleurfoutlesjetonsetellessecassent.TylerDurdenaunmaldechienàobtenird’unefillequ’ellelerappelle.Àmonavis,iln’apasbaisédepuisdeuxmois.Papaadûcoucheravecuneseule filleenunan.Mysteryest infoutuderesteravecunefille.EtXaneus,lespremierstemps,ilétaitcool.Maintenantilal’airfaux.IlneparleplusquedeMD.TUesleseulmecquejeveuilleimiter.Tuasunsuper-styledevie,unbonboulotetunechouettecopine.»

Laflatterieouvretouteslesportes.«Écoute.JedoisdonneruncoursdesurfàLisademain.Tupeuxveniravecnoussituveux.Çateferadubiendesortird’icietdevoirl’océan.»

Chapitre10

MSNgroup:Mystery’sLoungeSujet:Compterendu–LavieàProjetHollywoodAuteur:SickboyPour ceux qui ne le sauraient pas, ça fait unmoment que je dors dans le

placarddePapaàProjetHollywood.Aujourd’hui, ç’aété lameilleure journéedepuismonarrivée,malgrétouslestrucsbizarresquis’ypassent.

Jemesuislevéplustôtqued’habitudepourallersurferàMalibuavecStyleetsacopine–unenanavraimentpascroyable.Çam’inspirevachementdevoircomme ils vont bien ensemble. Style est l’un des rares joueurs que j’aierencontrésdontleseffortsontabouti.

Lesurf,c’estgénial.J’étaistropcontentparcequecetétéjen’aipaspuenfaire.Jelerecommandeàtousceuxquin’ontpasencoreessayé.Dèsquevousêtesdansl’eau,çavouséclaircitlesidéesetvousnepensezàriend’autre.Iln’yapasplusrelaxant.

Après,onamangédansun restaudegrillades lespiedsdans l’eauetonaparlémusique,potes,voyages,vieetcarrières.

De retour à lamaison, j’ai bossé un peu. Ensuite, j’ai regardéLeDernierDragonavecPlayboy–onestbonsamismaintenant.Pendantcetemps,HerbaletMystery réglaient leurs problèmes dehors. Bien queMystery soit encore àcran, il a dit à Herbal qu’il ne lui en voulait pas d’être tombé amoureux deKatya. Et Herbal lui a répondu qu’il passerait l’éponge s’il remboursait lesdégâts dans sa chambre.Ouf. Tout est bien qui finit bien.Mystery déménagequandmêmedemainetc’esttropcon.

Vers2heuresdumat’,Playboy,Mysteryetmoions’estassisausalonetonafuméunnarguiléenécoutantdelamusiqueetendiscutantdenosbutsdanslavie.

Pas une seule fois de la journée on a parlé de MD, de drague ou de lacommunauté. Je n’ai eu que de vraies conversations avec de vrais potes. Pasbesoin de se taper une bimbo au Saddle Ranch pour obtenir une quelconqueapprobation.Enfait,jen’aipaschassédetoutelajournée.

Lesjourscommeça,onseditquelavievautlapeined’êtrevécue.Cesontcesjours-làquimemanquerontquandj’auraiquittéProjetHollywood.

Sickboy

Chapitre11

JemetournaislespoucesdanslesalonetregardaisMysteryremplirsesvalises:bottes à semelles compensées, chapeaux ridicules, costumes rayés qu’il neportait plus, boîte à pique-nique ornée de sa photo, disques durs saturés depornoslesbiensetd’épisodesdu70’sShow.

Je n’ai pas pu m’empêcher de penser que nous avions peut-être pris lamauvaisedécision.

«Bonalors,tuvasalleroù?—ÀLasVegas.JevaisymonterunProjetVegas.J’airetenulesleçonsde

meserreurs ici,ProjetVegasseraplusgrandetmieux.ÀVegas, les fillessontvraiment chaudes et j’aurai plein de possibilités d’exploiter mes talents demagicien.Jecomptefairevenirmonfrèrepourenregistrersestitres,avecmoiaumicro. Imagineunpeu– le bras tendu, il déchiffrait une affiche invisible – leplus grand dragueur dumonde sort un albumde chansons d’amour.On va sel’arracher!»Mysteryavaitretrouvésonimaginationdélirante.«Aniavaveniravecmoi.Etcommetuesmonmeilleurami,quandjeseraiinstallé, j’aimeraisque tume rejoignes.Cette fois, on se plantera pas.On s’occupera de tout, onn’accepterapasn’importequicommecolocs.

—Désolé,mec.»Jenepouvaisquandmêmepaslesuivrechaquefoisqu’ilsemettaitdanslamerde.

«Onseraensemble,commeaubonvieuxtemps»,a-t-ilinsisté.Ilaouvertlaported’entrée,adéposéunevalisesurleperronpuism’abalancéundesfameuxaphorismes grâce auxquels il transformait les défaites en triomphes, « À toutproblèmeilyaunepossibilité.

—Jeveuxpasrevivreça.»Jedisaisçapourm’excuser,maismavoixaprisuntonaccusateur.

« Je comprends. Des fois, les choses tournent mal et on part sur unemauvaise pente. Je veux que tu saches que, même si on n’a pas toujours étéd’accordcesdernierstemps,jeseraitoujourstonami,àlavieàlamort.Tun’aspasàcalculertarelationavecmoi.Profitedetacopine,nousonauratoujoursletempsdetraînerensemble.Tueslemecleplusimportantquej’aieconnu.»

Jesentaismespaupièressegonfleretlespremièreslarmesmepicotaientlesyeux.

«Surtoutpasdemalentendu,hein?»a-t-ilajoutéavecun légersourire. Ilretenaitluiaussisonémotion.

Untaxis’estarrêtédansnotrealléeetaklaxonné;MysteryaclaquélaportedeProjetHollywood.Leregardbrouillé, j’ai fixé l’entrée.J’avais l’impressionqu’onm’amputaitd’unmembre.L’espaced’uninstant, jen’aipassulequeldenousdeuxétaitlepluscon.

Lasemainesuivante,KatyaaemménagéavecHerbaletPapaainstallédeuxV2D dans la chambre deMystery. L’un d’eux était Dreamweaver, un demesanciensétudiants;l’autre,jeneleconnaissaispas.Papaprévoyaitd’eninstallerun troisièmedans le placard deMystery.Avec l’affluxde nouveaux résidents,plus jeunes, Projet Hollywood ressemblait chaque jour un peu plus à unefraternitéd’étudiants–enplusbordélique.

SansMysterypourdétaillersesaventuresaupremiervenu, lemutismedesunsetdesautresdevenaitdeplusenplusgênant.Chaquefoisquejepassaisdanslesalon,jedécouvraisdenouveauxcolocatairesaffalésparterreàjouerauxjeuxvidéo.Ilsnemeregardaientpas,nemedisaientrien,mêmequandjelessaluais.Ce n’était pas des V2D mais des légumes. Si on m’avait dit, deux ansauparavant,quejedevaism’efforcerd’imitercestyledevie,jen’auraisjamaisintégrélacommunauté.J’auraiscomprisqueceuxquiviventparlejoysticksontcondamnésàmourirparlejoystick.

Aucune femme ne s’est pointée à la fête des vingt-quatre ans de Papa –encoremoinsParisHiltonqui,celavasansdire,n’avait jamaismislespiedsàProjet Hollywood. Les seuls amis de Papa étaient des V2D. Et, allez savoirpourquoi,ilsm’ignoraient.Jen’ycomprenaisrien.

Quelques jours plus tard, Tyler Durden, qui ne s’était jamais montréouvertement hostile, s’estmis àm’attaquer sur leNet. J’ai décidé que l’heureétait venue de lui demander des explications sur le comportement étrange desautres.J’aislaloméentrelessacs-poubellepleinsàcraquerdelacuisine,traverséle jardin où une petite mare boueuse stagnait au fond du jacuzzi, pour allerfrapperàlaportedePapa.

J’aitrouvéTylerdevantsonordinateur,ilrédigeaitdesmails.« Je veux te parler de ce qui se passe en ce moment. Tout le monde se

conduitbizarrement–plusqued’habitude.Et tum’asl’airaigri.Est-cequeçavousfaitchierquejepasseplusdetempsavecLisaqu’àchasser?

— Il y a de ça. Mais c’est surtout que personne ne t’aime. Les gens tetrouventsnobettejugentresponsabledelaplupartdesproblèmesparcequeturépandsdesragots.»VenantdeTylerDurden,cetteaccusationétaitgrave:ilnem’avaitencorejamaischapitré.Ils’exprimaitsuruntonobséquieux,commes’ilessayaitdemedonnerdesconseilsconstructifs,deV2DàV2D.«Je tedisçauniquementparcequejeneveuxpasqu’ilt’arrivecequiestarrivéàMystery.»

Lasurprisem’aclouélebec.J’étaisloindemedouterquej’avaisunetelleréputation.

« Tiens, poursuivit Tyler, tu n’as pas remarqué qu’Extramask, qui étaitpourtanttonami,s’estmisàt’éviter?C’estparcequ’iln’aplusconfianceentoi.Dreamweaverm’aditqu’iltedétestaitIdempourMaverick.»

J’ai ruminé ces propos. Peut-être Tyler avait-il raison. L’enthousiasme despremières rencontres s’était évaporé à force de voir les autres dragueursmonnayer les thèmesau lieud’en faireprofiter à l’œil etdeconstaterquedestypes parfaitement normaux peuvent se transformer en parasites sociaux. Ducoup,j’avaisbeauêtresympa,toutlemonderestaitbloquésurmadésillusion.

D’unautrecôté,commeJuggler l’avait toujours fait remarquer, lesgenssesentent à l’aise avec moi. J’avais toujours été facile à vivre, même avantd’intégrer la communauté. Je n’avais aucun ennemi – du moins pas à maconnaissance.

Quand j’ai quitté la chambre au bout d’une heure de parlotte, la tête metournait. Je ne voyais vraiment pas pourquoi ces types, avec qui j’avais passél’essentieldesdeuxdernièresannées,mehaïssaientàcepoint.Qu’avais-jedoncfait?

Jel’aibientôtdécouvert:rien.

Chapitre12

Quandj’aitrouvéPlayboydanslesalonentrainderangersesbouquinsdansdescartons,jeluiaiposélaquestionhabituelle:«Qu’est-cequisepasse?

—Jedéménage.»La série noire : Extramask,Mystery, Sickboy, et maintenant Playboy. Les

ratsquittaientlenavire.«Tuauraisdeuxminutes?m’a-t-ildemandé.Jeveuxtedirecequej’aisur

lecœuravantdepartir.»Ilm’aemmenédanssachambreetarefermélaportesurnous.«Ilstefontlecoupdufrigopourquetutecasses.—Quiça?—PapaetTylerDurden.C’estunetactique.—Dequoituparles?Commentça,“unetactique”?—Monvieux,t’asaucuneidéedecequisepassedanslachambredePapa.

TylerDurdenordonneauxautresdet’ignorer.Ilchercheàtefairecroirequetoutlemondetedéteste.Ilveutquetutesentesmalàl’aise.

—Maisenfin,pourquoi?— Il veut prendre le contrôle de la maison. Et ta présence constitue une

menace.»Voilà qui expliquait le comportement étrange de Tyler Durden, et ses

confidencessoucieuses.Ilessayaitdem’éjecter.Iljouaitavecmoi.«Primo,ilteconsidèrecommeundangerparcequ’iln’aaucuneemprisesur

toi.Tun’espasfaiblecommeXaneus.Deuzio,tuveuxluifairepayerunloyer.Tertio, tu as emballé la nanaqu’il draguait àVegas. Il croit que s’il laisse sescopinest’approcher,ilperdratoutcharmeauprèsd’elles.

—Ilm’enveutencorepourça?—Ouais. Mais le pire, à mon avis, c’est que Tyler et Papa t’associent à

Mystery, leur concurrent. Ils ont une mentalité de gang. Ils réfléchissent entermesd’alliances.IlsontdégagéMysteryetmaintenantilscherchentàtevirer.Ils veulent transformer Projet Hollywood en bureau et dortoir pour la vraiedynamiquesociale.

—Jenepigepas.Commentauraient-ilspuvirerMysteryalorsqu’ilacreusésapropretombe?

—Tunecomprendsdoncpasqu’ilsluiontfiléunsacrécoupdemain?PapaainvitéKatyaàdormirici,puisl’aramenéeaprèsqueMysteryl’aitéjectée.Cesmecs l’appâtaient. » Tout devenait clair. « Les arguments de Papa pendant le“conseil casa”, c’est Tyler Durden qui les lui a soufflés. Papa se contente desuivre. Et j’ai commis une erreur en le suivant aussi. Si c’était à refaire, jevoteraispourqueMysteryreste.Lamaisonconstituaitsonprojet.Ilavaitbeauêtreàcôtédelaplaque,Mysteryavaitledroitdeneplusvouloirdesonexici.»

Jem’étais fait avoir enbeauté.Tyler etPapamaîtrisaient tellementbien lamanipulationqu’ilsm’avaientfaitcroirequejetenaislesrênes.Papaétaitmêmeallé jusqu’à m’appeler le chef de Projet Hollywood. Du coup, ils s’étaientarrangéspourque jeprenne ladécisionderenvoyerMystery.Tout lemondeytrouvaitsoncompte?monœil!

«Ilsontfaitdemoileurmarionnette,j’aidit,incrédule.— Idem pourmoi. C’est en grande partie pour ça que jeme casse. Tyler

Durdenarriveàfairefairetoutcequ’ilveutàcesmecs.C’estpaslesnanasquilemotivent.C’estl’argentetlepouvoir.»

Commentavais-jepum’aveugleràcepoint?ÀLasVegas,j’avaispourtantdit texto à Tyler Durden qu’il était le genre demec qui comptait atteindre lesommetenécrasantlaconcurrence.Etiln’avaitpasditnon.

«DanslachambredePapa, ilspassent la journéeà traînerdans lasalledebains et à comploter. Chaque parole que Tyler Durden prononce est calculée.Chaquemailaunbut.Cemec,ilnepensequ’àmanipuler.Ilvoitlaviecommeuncercle.Ilsutilisentmêmel’expression“cerclesdemecs”maintenant.Ilsontdesthèmespourobtenirdemeilleurescritiquesdeleursétudiants;d’autrespourcontrôler les occupants de la maison. Dès qu’un nouveau les rejoint, ils levaccinentcontretoi.»

Nous avions créé un dangereux précédent en étudiant les moyens decontrôlerlesgensenboîtedenuit.Certainsenavaientconcluque,danslavie,toutn’estquejeu,etquelesjoueurspeuventlemanipuleràleuravantageenseservantdesbonsthèmes.

Celaposé,unpointrestaitobscur.«Sicequeturacontesestvrai,pourquoiPapanousévitait-il,Mysteryetmoi,avantmêmequ’ilsaientétabliceplan?

— Ça aussi c’est une idée de Tyler Durden. Il ne voulait pas que Papareprésente le business de Mystery et le sien. Alors il a monté Papa contreMysterydèslepremierjour.Ensuite,quandPapaetMysteryontcommencéàse

chamailler,TyleraditàPapadevousévitercomplètementetd’utiliserlaportedederrière.»

Tout s’éclairait. Les bizarreries qui s’étaient produites à ProjetHollywoodavaient été orchestrées par un petit homme dissimulé dans un placard – lemagiciend’OzdeProjetHollywood.Jemesentaisidiot.

«Votreplusgrosseerreur,àMysteryetàtoi,conclutPlayboy,c’estd’avoiracceptéquePapaemménageavecvous.»

Une bonne leçon, peut-être la dernière que la communauté avait àm’apprendre:toujoursfaireconfianceàsesinstinctsetauximpressionsinitiales.Dèsledépart,TylerDurdenetPapanem’avaientpasinspiréconfiance.J’avaistrouvéàPapauncôtéenfantgâté,robot;TylerDurdenm’avaitparuinsensibleet manipulateur. Et bien qu’ils aient accompli des progrès considérables enmatièrede looketdedrague,Mysterynese trompaitpas : lescorpionnepeutpasreniersanature.

Enmêmetemps,Mysteryetmoin’étionspastoutblancsdanscetteaffaire.Nous nous étions servis de Papa pour signer le bail et verser le loyer le plusélevé.Nousn’avonsjamaisessayédenouslierd’amitiéavecluinideletraiterenégal.

Plus tarddans la journée, tandisque je consultaismesmailsdans lapartiebureau de la maison, j’ai repéré une icône que je n’avais encore jamaisremarquée – Family Key Logger. J’aurais sans doute fermé les yeux si madiscussion avecPlayboynem’avait pas renduparano. J’ai donc effectuédoncunerecherchesurGoogle.Àlavuedesrésultats,j’aiexplosédecolère.Unpetitmalin avait installé sur l’ordinateur commun, qui servait aux résidents et auxinvitésàsurfersurleNet,unlogicielquiinterceptaittoutcequ’ontapaitsurleclavier et l’enregistrait dans un fichier.Cela signifiait que l’espion connaissaitlesmotsdepasse,lesnumérosdecartebleueetlacorrespondanceprivéedetoutlemonde.

Àmoninsu,uneguerresedéchaînaitsousnotretoitdepuislejourmêmedenotreemménagement.

J’aialorsappeléSickboy,installéàNewYork.Jevoulaisundeuxièmeavis.«Çacorrespondàcequetuasvécu?luidemandai-jeaprèsluiavoirrépété

lesrévélationsdePlayboy.—Absolument.QuandMysteryétaitàProjetHollywood,ilsluifaisaientce

qu’ils te font maintenant. Tyler Durden et Papa disaient, “N’adressez pas laparoleàMystery ;onva levirergrâceaucoupdu frigo.” Ils secontententdesuivreunthème.Le“conseilcasa”avaitétépréparéplusieursjoursàl’avance.

Ils n’avaient que ça à la bouche : comment foutre Mystery à la porte pourprendrelecontrôledeProjetHollywood.Labaraquefaitpartiedeleurplandedéveloppement.Fallaitquejemecasse.Jesupportaispastoutescessaloperies.»

Les jours suivants, j’ai consultéMaverick etDreamweaver. Ilsm’ont sortitouslesdeuxlamêmehistoire:Mysteryetmoi,soi-disantlesmeilleursjoueursde lacommunauté,avions trouvénosmaîtres.Lesadorateursdétruisaient leursidoles.

Chapitre13

Ilmerestaitàrencontrerungouroudeladrague.Paspourapprendrecommentleverdesfilles:pourapprendrecommentarrêter.

Tous les membres de la communauté avaient mentionné son nom. Ilconstituait une sorte de présence spirituelle qui flottait au-dessus de notreunivers, une figure légendaire comme Ulysse, le Capitaine Kirk ou une TBM11/10 : EricWeber, le premier V2Dmoderne, auteur du livre d’où tout étaitparti, Comment séduire les filles, paru en 1970 et dont fut tiré le film LeDragueur.

J’aifaitsarencontredansunpetitstudiodepostproductionoùilmontaitundesesfilms.Loinderessembleràunpaon,cequinquagrisonnant,àlachemiseamidonnéeboutonnéetrophautetaupantalonnoirsansoriginalitétenaitplusducadresup.Seulssesyeux,quipétillaientd’énergie, indiquaientquesonaudacejuvénilen’avaitpasencoredisparu.

Avez-vousentenduparlerdelacommunautédelaséduction?Oui.Mais j’ai l’impression que ces gensm’imitent. Une partie de ce que

monlivreainspirém’adégoûté.Chamboulerunepersonnedefondencomble,çavaàl’encontredemesconvictions.Çanem’ajamaisintéressédeconquérirune femme de façon despotique. Je préférais rencontrer l’amour. Cela dit,mapassionpourlaséductionn’apasdurélongtemps.Jetrouvaisçatroplimitépourmesambitions.

Qu’est-cequivousafaittournerlapage?Unefoismarié, j’aiperdutout intérêt : j’avaisgagnéenassuranceet jeme

suisrenducomptequecen’étaitpasencumulantlesrelationssuperficiellesquejeguériraismondésespoirexistentiel.Cequim’aaussiaidé,cesontmesdeuxfilles,quim’ontaccuséàl’occasiondesexisme…ellesn’ontpastoutàfaittort.

Votredésespoirexistentiel?Voilà comment je le comprends : en tant qu’animaux sociaux, nous nous

débattonstousavecuncomplexed’infériorité.Lejouroùnousnousapercevonsquecetteimpressiontouchetoutlemonde,cettedouleurs’enva,etcecomplexeinvalidantdisparaîtdansunecertainemesure.

Que pensez-vous de ceux qui ne se débarrassent pas de ce complexed’infériorité?

Ilsdeviennentobsédésparlefaitdemultiplierlesconquêtessanslendemain.Celaposeunproblème.

Etpuis,ilyatousceuxquidevraientsuivreunethérapie.Jenecomptepluslespauvrestypesmalfringuésquej’aientendusmedire,d’unevoixnasillarde,«Eric,ladrague,j’yarrivepas.»Jeleurréponds,«Changedevêtements,tiens-toimieuxetprendsdescoursdediction.»Cetteattitudeprouvel’existencedeblessurespsychologiquesprofondes.

Le téléphone sonne. Eric Weber répond, parle quelques minutes puisraccroche.

C’était une fille que j’ai levée il y a trente-huit ans et demi, et qui estdevenue ma femme. En fait, à l’époque, je faisais des recherches pour monbouquin,etj’aitestéunerépliquesurelle.Ellepassaitdevantmoidansunbaretjeluiaidit,«Vousêtestropbellepourquejevouslaissefiler.»JecroyaisquecetteNew-Yorkaise coriace allait s’énerver.Au lieudequoi ellem’a répondu,«Vouscroyez?»Aprèsça,jen’aipluspum’endébarrasser.

Celivre,justement,commentl’avez-vousconçu?J’étaisenstagechezBenton&Bowlesavecunami.Unjour,onregardaitpar

lafenêtredanslebureaud’ElAlenfacedunôtreetonarepéréunefillequiytravaillait. Elle avait le type méditerranéen – sublime –, on aurait dit unBotticelli.Lelendemain,monamim’aexpliquéque,pendantsapausedéjeuner,il l’avait suivie jusqu’à l’épicerieoùelles’étaitachetéunsandwich,puisqu’ilétaitallés’asseoiràcôtéd’elledansleparc,qu’ilsavaientparlé,etqu’ilsétaientconvenusd’unrendez-vousaurestaurantlevendredisuivant.

La semaine d’après, il m’a appris qu’elle était vierge. Il avait dû couriracheter de la vaseline tellement elle était étroite. C’est là que j’ai eu l’idéed’écrireunlivresurladrague.Jemesuisintéresséàl’impudencedemonami,àsafacultédefairedel’abordd’inconnusunechosetoutàfaitagréableetbanale.J’étaistrèstimideetmaldansmapeau,àl’époque.J’aichoisicesujetparcequej’étaisincapabled’aborderunefemmeetquejevoulaisdeveniruncrackcoûtequecoûte.

Vousn’aviezpasdeprédécesseur?Au milieu des années 1960, l’Amérique connaissait des changements

radicaux. La pilule était en vente libre ; les Stones et les Beatles venaient dedébarquer ; Bob Dylan devenait populaire. Toute une contre-culture prenaitforme.D’unseulcoup,laviedevenaitincroyablementérotique.

Danslesannées1940et1950,quandongrandissaitdanssavillenatale,lescouples se formaient lors de réunions patronnées par l’église, ou bien parl’entremised’unetante.Maisdanslesannées1960,lesjeunespartaientdechezleurs parents pour emménager en ville. Les gens vivaient seuls, coupés desmoyensconventionnels.D’oùlapopularitécroissantedesbarspourcélibataires.Ilsavaientbesoindenouveauxoutilspourfairedesrencontres.

D’aprèsvous,qu’est-cequidifférencielesdragueurs-nésetlesgenscommenous,quiavonsbesoind’apprendrecetartdefaçonanalytique?

Jecroisquelesdragueurs-nésontunpouvoirpsychologiqueparticulier.Versla fin de mon célibat, je me suis découvert une audace choquante. J’avaisdéveloppé assez de courage pour dire à une femme, après un verre de vin,«J’aimeraiscoucheravectoi.»Certainesrecherchentcetteaudace,cecôtéviril.J’aimisdutempsàlecomprendre.

Une métamorphose étrange s’est produite en Eric Weber pendant notreconversation. Il a repris vie. Son regard s’est fait plus vif. Pendant une demi-heure,nousavonséchangéanecdotesetthéories.Ilavaitbeauparlermariageetbonheuréternel,danslefond,ilétaitrestécepetitgarstimide,jalouxdessuccèsfémininsdesespotes.

L’entretienterminé,ilm’amontréunescènedufilmqu’ilmontait,l’histoired’un chômeur quinqua, chauve et pâle, qui cherchait à placer un scénarionullissimeetvivaitauxcrochetsdesonex-femme,remariéeàunhommericheetheureuxenaffaires.

« Ce scénariste, dans le film, c’est comme ça que vous vous voyez enréalité?demandai-jealorsquenousquittionsl’immeuble.

— C’est mon moi intime, reconnut Weber. Au fond de moi, je me sensparfoispathétique,malàl’aiseetmalaimé.

— Même avec toute l’assurance que vous avez engrangée en tant quedragueur,marietpère?

— Vous savez, a-t-il conclu en ouvrant la portière de sa voiture, tout cequ’on peut faire c’est donner tous les signes du mec sûr de lui de temps entemps. Et au bout d’un moment, les autres commencent à y croire. » Ils’apprêtaitàlarefermer.«Ensuiteonmeurt.»

Clac.

Chapitre14

À2heuresdumatin,Lisaafaitirruption,ivre,danslamaison–sonhabituelleentrée nocturne. Elle a monté les marches d’un pas lourd, se débarrassant enchemin de son sac à main et de ses habits, puis elle a sauté sur mon lit, encompagnied’unebouteilledebière.

«Toutmeplaîtcheztoi,a-t-ellelâché.—Vraiment?—Tusaiscequec’est,“tout”?—Euh,passûr.—Tuveuxquejeteledise?—Etcomment.—C’estémotionnellement,physiquementetmentalement.—Çafaitbeaucoup.—Jepeuxpréciser.—OK.Commençonsparlephysique.»Sansdoutelepointsurlequelj’avais

leplusbesoinderéconfort.« J’aime tes dents, surtout ta bouche. » Je guettais une hésitation ou un

doute. Il n’y en avait pas. « J’adore tes épaules larges et tes hanches étroites.J’adorelafaçondonttuespoilu.J’adorelacouleurdetesyeux,parcequ’ilssontcomme lesmiens. J’adore la formede tonnez. J’adore lesmarquesdepart etd’autredetatête.

—OhmonDieu!»JemesuisjetésurLisaetl’aiagrippéeparlesépaules.«Personnenem’ajamaisfaitdecomplimentlà-dessus.Moiaussijelesadore,cesmarques.»

Leridiculedemesparolesm’afaitrire–unpeutropfort.Puisjeluiaitoutconfessé. Je lui ai raconté les deux dernières années passées à rencontrer desjoueursetàapprendreà jouer.Je luiai raconté lespmf, lesV2D, lesC2B, lesrltm,lesmietlesmag.

«Çameplairaitqu’unjourtut’habillesensuper-chaudasse,luiai-jedit,toutexcitéparlacomédiequej’avaiscontribuéàinventer.

Ensuitetuiraisdansunbaretj’éjecteraistouslesmecsquiessaieraientdetedraguer.»

Ellem’arepoussé,etons’estretrouvésfaceàface,couchéssurlecôté,nosvisages se touchantpresque.«T’aspasbesoinde suivre leurs conseils,m’a-t-elleconfié,dansunsouffleenivréetenivrant.Toutcequej’aimecheztoi,toutce qui fait que je te trouve canon, tu l’avais déjà avant de rencontrer cesdragueurs.J’aipasenviedetevoirporterdelaquincaillerieetdeschaussuresàla PeeWee Herman. Je t’aurais aimé même avant ces conneries de prétenduprogrèspersonnel.»

Dudehors,nousentendionslesvoixdesV2Dquirentraientdeleurfollenuitde quasi-baise. «Tous les trucs que cesmecs-t-ont enseignés, ça a failli nousempêcherd’êtreensemble.Moic’estNeilquim’intéresse–déplumé,ringardetbigleux.»

Elleavaitpeut-êtreraison.Probablequ’elleauraitaimélevraimoi.Maisellen’auraitjamaiseul’occasiondelerencontrersijen’avaispaspassécesdeuxansàapprendreàmemettreenvaleur.Sanscetentraînement, l’assurancem’auraitmanquépouraborderunefilleaussiintimidantequeLisa.

J’avais eu besoin de Mystery, de Ross Jeffries, de David DeAngelo, deDavid X, de Juggler, de Steve P., de Raspoutine et de tous les autrespseudonymes.Ilsm’avaientfaitdécouvrirquij’étais.Maintenantquej’avaisfaitsortir cette personne de sa chrysalide, que je l’avais acceptée, ils nem’étaientplusutiles.

Lisas’estassisesurlelitetabuunegorgéedebière.«Cesoir,toutlemondemedraguait»,a-t-ellerigolé.Lamodestieetelle,çafaisaitdeux.«J’espèrequetu te rends compte que tu sors avec la nana la plus fabuleuse de tout LosAngeles.»

Enguise de réponse, j’ai ouvert le tiroir duhaut dema commode et en aisorti deux grandes enveloppes. J’ai déversé le contenu de la première surl’édredon.Descentainesdefeuillesvolantes,deboîtesd’allumettes,decartesdevisite, de serviettes en papier et de tickets déchirés. Sur chacun, une écrituredifférente.J’aividéensuitel’autreenveloppesurlelit–contenuidentique,plusfourni–jusqu’àformerunepetitemontagne:ilyavaitlàtouslesnumérosquej’avaisrécupérésdepuiscefameuxpremierateliersouslahoulettedeMystery.

« Je sais, ai-je fini par répondre. Ça fait deux ans que j’aborde toutes lesfillesdeLA.Etc’esttoiquej’aichoisie.»

La plus belle chose que j’aie dite depuis longtemps. Mais pas vraimentexacte:sij’avaisapprisunechose,c’estquecen’estjamaisl’hommequichoisitlafemme.Ilsecontentedeluidonnerl’occasiondelechoisir.

Chapitre15

Herbalfutlesuivantàprendrelelarge.Depuislafenêtredemachambre,jel’aivufourrersonrobot-aspirateurdans

unefourgonnette.« Je rentre à Austin », m’a-t-il annoncé avec un sourire triste quand j’ai

couruluiparler.Il était bien la dernière personne que je m’attendais à voir abandonner la

maison.«Pourquoi?AprèstoutcequetuasvécuavecMystery,maintenanttuveuxpartir?

— J’ai l’impression que ce projet est un échec. Plus personne ne sorts’éclater.Dujouroùj’aicommencéàbosserpourMystery,lesgarsdelavdsnem’ontplusditunmot,etPapafaitvenirsansarrêtdesmecsquej’appréciepasvraiment.

—EtKatyadanstoutça?—Ellem’accompagneàAustin.»J’imaginequesielles’étaitserviedelui

uniquementpoursevengerdeMystery,ellel’auraitdéjàlargué.«Ah,àpropos,jefaisquoiquandtonwallabyseralà?—Jem’ensuisoccupé,onvamelelivreràAustin.»Le départ d’Herbal m’a attristé plus que celui deMystery. AvecMystery,

j’avaisperduunamietunmentor,maisjemedisaisquesanssoninfluence,lamaison retrouverait son calme. Là, entre les manigances de Tyler Durden etl’envolimminentd’Herbal,ProjetHollywoodétaitmortetenterré.

Mis à part Papa et Tyler Durden, tout le monde semblait échapper aumaléficequelacommunautéavaitjetésureux.MêmePrizer–celuiquis’étaitfaitdépuceleràJuarez–nevendaitplusdeDVD;ilavaitretrouvélechemindelafoi.Danssonderniermail,ilnousavaitprévenus:«Sortezdevotretranse,nerefilezplusvotrepayeàuntasde losersquinesontfoutusdeséduirequedesnaïfs.Ilyapasqueladraguedanslavie.»

Sileplusstupided’entrenouss’étaitlibérédelacommunauté,qu’est-cequejefichaisencorelà?

DerrièreHerbaletmoi,unebouteilledebières’estécrasée,parsemantlaruedetessonsverts.J’ailevélesyeuxetvuunado–coupeàlaEminem,débardeur

blanc–assissurlesmarches.«C’estqui?—Aucuneidée,réponditHerbal.IldortdanslachambredePapa.»J’étais désormais seul. Seul dans ma chambre, contre les cyborgs qui

cherchaient à me virer. J’en avais assez de me battre. Assez d’être déçu. Jen’avaisplusbesoindevivreici.Enplus,j’avaisunecopine.

D’unautrecôté,jenepouvaispasm’empêcherdereveniràcettequestion:«Sijesuissimalin,commentPapaa-t-ilpuprendrelecontrôledelamaison?»

Lisayarépondulesoirmême,couchéeprèsdemoi.« Parce que tu n’en voulais pas. C’est pas une vie ici. C’est une culture

souterrainedans laquelle tu as trempé.Siun systèmeest fondé surune réalitéfactice et un comportement artificiel, il ne vaut rien. Va-t’en. Cesmecs ne teserventplusàrien.Cesontdesboulets.»

Petit, quand je regardais le Magicien d’Oz, j’étais chaque fois déçud’entendreGlinda, laFéeduNord,direàDorothyqu’ellepossédait lepouvoirderentrerchezelledèssonarrivéeàOz.Vingtansplustard,jecomprenaissonmessage.Jepossédaisdepuisledébutlepouvoirdequitterlacommunautémaisjen’avaispasatteintletermedemonvoyage.Jecroyaisaudépartquecestypesavaientquelquechosedeplusquemoi.Cependant,laraisonpourlaquelletousles gourous me collaient aux basques – la raison pour laquelle Tyler Durdenvoulaitêtremoi,mêmes’ilmedétestait–,c’étaitqu’ilspensaientlamêmechosedemoi

Nous cherchions tous en dehors de nous-mêmes les pièces manquantes –mais nous faisions fausse route. Au lieu de nous trouver, nous nous étionsperdus.Mysterynedétenaitpaslesréponses,pasplusqu’une10/10blondelevéedansunc-2auStandard.Lesréponses,c’estensoiqu’onlestrouve.

RemporterlapartierevenaitàseretirerdujeuExtramask lui-même l’avait compris. Après un séjour dans un centre de

méditationVipassanaenAustralie,puisdansunashramen Inde, il était rentréchez lui pour, comme ilme l’avait écrit dans unmail, « revenir à la situationd’avant».

Lelendemainmatin,j’aiétéréveillépardesbruitsenprovenancedurez-de-chaussée. Trois nouvelles recrues de la vraie dynamique sociale – lesremplaçantsdePlayboy,SickboyetExtramask–traînaientdescartonsIkeadanslachambred’Herbal.Commeleursprédécesseurs,c’étaientd’anciensétudiantsreconvertisenstagiairesetenemployésquibossaientgratosenéchangedecours

de drague et d’un placard où dormir. Ils avaient démissionné de leur boulot ;laissétomberleursétudes;quittéleurvillenatalepourça.

Assisdanslesalon,enboxer, je lesregardais travailler.Rapides.Efficaces.Desautomates.Sansunmot,ilsontassemblétroislitsavecdraps,couverturesetmatelas assortis. Et voilà le repaire d’Herbal transformé en caserne pour cettearmée dont les rangs s’étoffaient. Les troupes seraient envoyées au combat lanuitsurSunset–arméesdemeshabits,demesanecdotesetdemesattitudes–tandis que les généraux prépareraient les ultimes offensives de leur conquête.Mystery’sLoungefiniraitaussipar tomberentre leursmains,unefoisMysteryvirédudécor.

Jen’avaisplusrienàattendredecettemaison.J’airegagnémachambre,sortiplusieurssacsmarinsdemonplacardetj’ai

commencé à plier bagage. Dans la penderie, mes tenues de paon – veste enfaussefourrureviolette,pantalonmoulantenvinylenoir, stetsonrose.Empilésparterre,desdizainesdelivressurladrague,laPNL,lesmassagestantriques,lesfantasmes sexuels féminins, la graphologie et comment devenir un connardadorédesfilles.Jen’avaisplusbesoindecefatras.

L’heureétaitvenuepourmoidequitterProjetHollywoodetlacommunauté.Lavraieviem’appelait.

GLOSSAIRE

Ci-dessous, une liste des termes et sigles utilisés ou mentionnés dans cetouvrage.Certains ont été créés par desmembres de la communauté ; d’autressonttirésdujargondel’hypnoseetdumarketing;d’autresencoresontdesmotscourants que les virtuoses de la drague se sont appropriés. Les définitionsfournies ne se rapportent qu’à l’usage de chaque terme dans le contexte de laséduction. Chaque fois que possible, je cite la personne à qui l’on attribuel’inventiondumot.

ALERTE PROXIMITÉ : Circonstance dans laquelle l’homme sent qu’unefemmeouungroupedefemmessetientprèsdelui,dansl’espoirqu’ill’aborde.En général, la femme tourne le dos au V2D, afin que sa présence paraissefortuite.Origine:Mystery.

AM (aveuglementmâle) : Incapacité, chez certains hommes, à reconnaîtrequ’unefemmeest séduiteou intéresséepareux jusqu’àcequ’elles’enailleetqu’ilsoittroptardpourenprofiter.Origine:Vincent.

ANCRE : Stimulus externe (visuel, sonore, tactile) qui déclenche uneréaction émotionnelle ou comportementale spécifique. Exemple : une chansonqui vous rend heureux parce qu’elle vous rappelle un bon souvenir. LesV2Dutilisent l’ancre pour associer leur personne à la sensation d’attirance d’unefemme.Origine:RichardBandleretJohnGrinder.

ANCRER:Créeruneassociationentreunstimulusexterneetuneréactionémotionnelleoucomportementale.Origine:RichardBandleretJohnGrinder.

APMF (ancien pauvre mec frustré) : Étudiant en séduction qui n’est pasencoreV2D,nemaîtrisepaslescompétencesoffertesparlacommunauté.

BOUCLIER DE SALOPE : Réaction défensive d’une femme visant àdécourager les inconnusqui l’approchent.Une réaction impolie à une intronesignifie pas forcément que la femme est malpolie, ni qu’il est impossibled’engagerlaconversationavecelle.

BROUILLAGE :Une femmequi ne vous rappelle plus, bien qu’audépartintéresséeparvotrepersonne,pratiquelebrouillage.

C2B (copine de baise) : Femme avec laquelle un homme couche de façonoccasionnelleetconsensuelle–sansattachessentimentalesniengagementàlongterme.

CADRE:Contextedans lequelunepersonne,unechose,unévénementouunenvironnementsontperçus.Origine:RichardBandleretJohnGrinder.

CALIBRER:Lirelesréactionsverbalesetnonverbalesd’unepersonneoud’ungroupe,etendéduireavecprécisionsespenséesetsentimentsdumoment.Origine:RichardBandleretJohnGrinder.

CERCLE : Groupe de personnes dans un contexte social. Un c-2 comptedeux personnes, un c-3 trois, etc. Les cercles peuvent être mixtes. Origine :Mystery.

CHANGEMENTDEPHASE:Passage,pendantuneconversationentêteàtête, d’un discours normal à un discours, contact ou langage corporel plussensuel, plus chargé sexuellement, censé précéder une tentative de baiser.Origine:Mystery.

CHASSER : Draguer des femmes, ou sortir pour essayer de faire desrencontres.

CHASSEUR:Hommequidraguelesfemmes;membredelacommunautédesdragueurs.

CIBLE:Auseind’ungroupe,femmequeleV2Ddésireetpourlaquelleiljoue.Origine:Mystery.

COMMUNICATIONSOUTERRAINE : Impression,messageou effet créépar le comportement, les vêtements ou la présence d’une personne ; forme decommunication indirecte, non verbale, généralement mieux perçue par lesfemmesqueparleshommes.Origine:TylerDurden.

COMPTE RENDU : Récit d’une nuit de drague, rédigé par un dragueur,généralementdiffusésurInternet.

CONCLU-RAISE : Rapport sexuel (conséquence d’une drague réussie).Égalementconclu-B,conclu-sexeouconclu-S.Origine:Mystery.

CONCLU-LANGUE : Baiser passionné ou roulage de pelle en règle.Égalementconclu-L.Origine:Mystery.

CONCLU-TÉL : Numéro de téléphone d’une femme, obtenu après uneséance de drague. Remarque : le fait de donner son numéro à une femme neconstituepasuneconclu-tél.Égalementconclu-T.Origine:Mystery.

CONTRAINTEHORAIRE:Annonceràunefemmeouàungroupequel’onva devoir les quitter sous peu. But : calmer les angoisses d’une cible quicraindrait que l’homme qu’elle vient de rencontrer la colle toute la soirée ou

d’être obligée de coucher avec lui dès qu’ils seront rentrés chez lui.Origine :Style.

CRACK À NANA : Tout sujet spirituel ou psychologique qui plaît à laplupartdesfemmesetn’intéressepaslaplupartdeshommes–astrologie,tarot,testsdepersonnalité.Origine:TylerDurden.

CRO-MAGNONNER:Franchirdirectementetdefaçonagressivelesétapesdu contact physique, progresser vers le rapport sexuel, avec une femmeconsentante ; technique fondée sur l’idée selon laquelle les premiers êtreshumainsn’utilisaientpasleurintelligencenilacommunicationpours’accouplermaisl’instinctetlaforce.

DAFF (défense anti-fille facile) : Manœuvres que certaines femmesexécutent pour ne pas endosser la responsabilité du lancement des opérationssexuelles ou du consentement ; ou pour éviter de passer pour une fille faciledevantl’hommequilesaccompagne,leurscopines,lesgensengénéralouelles-mêmes.Peut intervenir avantouaprès le rapport, etmêmeempêcher tout actesexuel.Origine:Yaritai.

DDI(déclarationoudémonstrationd’intérêt):Commentairedirectdestinéàfaire comprendre à une femme qu’elle nous attire ou nous impressionne.Origine:Rio.

DÉBUSQUEMENT DE VALEURS : Faire ressortir, pendant laconversation, ce qui compte pour une personne, en général dans l’idéed’atteindre un désir intime qui la motive. Dans le cadre de la séduction, ledébusquementdevaleurspeutaiderunhommeàcomprendrequ’unefemmequiditrechercherunépouxrichenechercheenfaitqu’uneimpressiondesécurité.

DISTORSION TEMPORELLE : Au départ, terme d’hypnose désignant laperte de conscience du sujet par rapport au temps écoulé ; renvoie aussi à latechniquededragueparlaquelleunefemmeseforgel’impressiondeconnaîtreledragueurdepuisplus longtempsqu’ellene le connaît en réalité.Exemples :emmener une femme dans plusieurs endroits différents pendant une mêmesoirée,ouluidemanderd’imaginerdesévénementsetdesaventurescommunesàvenir.

DROIT DANS LE MUR/SE RÉTAMER/MISSION SUICIDE : Se fairedirectement,souventdefaçonimpolie,rejeterouignorerparunefemmeouungroupequ’onvientd’aborder.

DVI (démonstrationdevaleur interactive) :Bref thèmedestinéàaccrocherl’attention et l’intérêt d’une femmequ’onvient de rencontrer en lui apprenantquelquechosesurelle-même.Origine:Style.

DVS (démonstration de valeur supérieure) : Thème lors duquel un V2Dprésenteuntalentouunattributquirehaussesavaleurauxyeuxd’unefemmeoud’ungroupe;lebutestdeledistinguerdesautreshommes,moinsintéressants,présentscesoir-là.

ÉCHELLEDBSOUI:Techniquedepersuasionparlaquelleonposeàunepersonne une série de questions simples destinées à susciter des réponsespositives, et ainsi augmenter la possibilité que la personne réponde égalementoui à la dernière question, plus ouverte. Exemple : « Es-tu spontanée ? Es-tuaventureuse?Aimerais-tujoueraucube?»

EFFACEMENT:Circonstancedanslaquellelenumérodetéléphoned’unefemmen’estplusunmoyenefficacepourfairedesprojets,engénéralparcequ’ils’estécoulétropdetempsentreleséchangesetparcequelafemmeaperdutoutintérêt;peutaussidésignerunefemmequines’intéresseplusàunV2D.

ÉQUIPIER:Ami,généralementhabiledragueur,quivousassistepourcequiestd’aborder,deséduireetderamenerchezvousunefemme.Unéquipierpourraparexempleoccuperlesamisdelaciblependantquevousluiparlerez,oubienexposeràlafillevosqualités.Existeaussienversionféminine.

ÉQUIPIÈRE:voirPIVOT.ÉTAPEMANIP:Le fait de toucher,oud’être touché,généralement avec

uneintentionsuggestiveoudanslebutd’exciter–caresserlescheveux,prendreparlamain,tenirparleshanches;précèdelevraicontactsexuel.Origine:RossJeffries.

FAUSSECONTRAINTEHORAIRE:voirCONTRAINTEHORAIRE.FAUSSESORTIE:voirSORTIE.FES(faibleestimedesoi):Désigneunefemmequimanqued’assuranceeta

tendanceàs’engagerdansuncomportementeffacéetautodestructeur.Origine:MrSex4uNYC.

FIXETTEAIGUË:1.Obsessiond’unhommevis-à-visd’unefemmeaveclaquelle il ne sort pas. Les V2D estiment que cette maladie réduit de façonsignificativeleschancesqu’al’hommedesortiroucoucheravecelle.2.Filleparlaquelleonestobsédé.Origine:JohnC.Ryan.

FRIGO (coup du) : Consiste à ignorer une femme afin qu’elle recherchevotreapprobation;utiliséengénéralpourcontrerlaRDM.

GAZOUILLER : Papoter (entre deux personnes qui viennent de serencontrer).Sujetscourants:résidence,boulot,centresd’intérêt,loisirs.

GESTION STYLE : Ensemble subtil de tactiques, d’attitudes, decomplimentséquivoquesetderépliquesqu’undragueurutilisepourentretenirsa

dominationdansungroupe.Origine:TylerDurden.GESTION DIS CONSÉQUENCES : Indiquer à une femme, avant de

coucher avec elle, quel genre de relation et quel degré d’engagement onsouhaite,afinqu’ellen’enattendenitrop,nitroppeu.

GESTIONDUMAG:Éjecterd’uncercleunrivalpotentielparlebiaisdetactiquesphysiques,verbalesoupsychologiques.Origine:TylerDurden.

IDI(indicateurd’intérêt):Signeparlequelunefemmerévèleindirectementqu’elleestséduiteouintéresséeparunhomme.Parmicesindices,généralementinvolontairesetsubtils,onrecense:lefaitdesepencherversl’hommequand11parle,deposerdesquestionsbanalespourentretenir laconversation,oude luiserrer lamain quand il la lui prend.Contraire : IDD (indicateur de désintérêt).Origine:Mystery.

IMITER : Observer et reproduire le comportement d’autrui – en général,d’unepersonnequipossèdeuntraitdecaractèreouuntalentquel’onsouhaiteacquérir.Origine:RichardBandleretJohnGrinder.

INTRO : Déclaration, question ou anecdote servant à engager laconversation avec une inconnue ou un groupe d’inconnus. Les intros peuventêtre liées à l’environnement (spontanées) ou concoctées à l’avance ; directes(indiquantunintérêtsentimentalousexuelenversunefemme)ouindirectes(nemontrantaucunintérêt).

IPAIAM (invitationpréapproche, invitationà l’approchemâle) :Actionousuite d’actions non verbales censées amener une femme ou un groupe àremarquerunhommeet exprimerpassivementun intérêtpour lui avantmêmequ’iln’approche.Origine:Form-handle.

JOURN°2:Premierrendez-vous.LAPIN(poserun):Seditd’unrendez-vousqu’unefemmeannuleouauquel

elleneseprésentepas.MAG(mâlealphadugroupe):Hommeàl’aiseensociétéquirivaliseavec

unvirtuosede la draguepour une femme, ouvient perturber leV2Dquand iljoue.Origine:OldJDog.

MISSIONBLEUSAILLE:Exercicedestiné à aider les timides à vaincreleurpeurdupremier contact.Exemple :passer la journéedansun lieupublic,commeuncentrecommercial,etdire«Salut»àtouteslesfemmesquipassent.

MM (Méthode Mystery) : École de drague fondée par Mystery, qui seconcentresurlesapprochesdegroupeindirectes.Origine:Mystery.

MOTSDETRANSE :Mots sur lesquels une personne insiste ou qu’ellerépète pendant la conversation, indiquant qu’ils détiennent pour elle une

signification particulière.Quand un dragueur connaît lesmots de transe d’unefemme,ilpeutlesutiliserafind’établiravecelleunsentimentdecompréhensionetdesaffinités.Origine:RichardBandleretJohnGrinder.

MV2D(maîtrevirtuosedeladrague):Grandmaîtredujeu,quesestalentsplacentparmil’élite.

MYSTERY’SLOUNGE:ForumàaccèsréservésurlequellesgrandsV2Déchangenttechniques,photosetcomptesrendus.Origine:Mystery.

NEG : Déclaration ambiguë ou insulte apparemment accidentelle qu’undragueurfaitàunejoliefemmequ’ilvientderencontrer,danslebutd’afficheràsesyeux(ouauxyeuxdesesamis)unmanqued’intérêt.Origine:Mystery.

NEG-SCUD : Neg destiné à amuser un groupe aux dépens de la cible.Origine:Mystery.

NEG-SNIPER : Neg utilisé pour embarrasser une femme en tête à tête.Origine:Mystery.

NONVERSATION : Conversation durant laquelle un des deuxinterlocuteurs n’écoute pas l’autre, généralement par manque d’intérêt ou pardistraction.Origine:Style.

OBSTACLE:Individuoumembred’ungroupequeledragueurneconvoitepasmaisqu’ildoitconquérirdans lebutdes’attaquerà lafemmequ’ildésire.Origine:Mystery.

ŒILLADETOUTOU-PÂTÉE : Expression qu’adopte une femme quandelle est séduite par l’homme qui lui parle. Également : OTP. Origine : RossJeffries.

PAON(théoriedu):Théorieselonlaquelleunhommedoitrevêtirdeshabitsflashy et des accessoires excentriques pour attirer l’attention des femmes(chemises de couleur vive, bijoux lumineux, boas, chapeaux de cow-boybigarrés,toutcequivousdistinguedesautres).Origine:Mystery.

PC(petitcopain).PIVOT:Femme(engénéraluneamie)dontonse sertensociétépouren

aborderd’autres.Unpivot remplit plusieurs fonctions : elleprouveque l’on ades relations, elle peut susciter de la jalousie chez la cible, elle peut faciliterl’abordagedecerclesdifficilesetvanterlesméritesduV2Dauprèsdesacible.

PMP(pauvremecfrustré):Mecbanal,stéréotypé,sansdonpourladrague,quinecomprendpascequiplaîtauxfemmes;supplieetpleurnicheenprésencedefemmesaveclesquellesiln’apasencorecouché.Origine:RossJeffries.

PMFG(pauvremecfrustrégrave):Hommerencontrantincroyablementpeude succès auprès des femmes – en général à cause de sa maladresse, de sa

nervositéetdesonmanqued’expérience.PNL(programmationneurolinguistique):Écoled’hypnosedéveloppéedans

les années 1970 et fondée en grande partie sur les techniques de MiltonErickson. Contrairement à l’hypnose traditionnelle, dans laquelle on endort lesujet, la PNL est une forme d’hypnose éveillée où des répliquesconversationnellesetdesgestesserventàinfluencerunepersonneauniveaudusubconscient.Origine:RichardBandleretJohnGrinder.

POINT D’ACCROCHE : Moment de la drague où une femme ou ungroupedécidequ’ilapprécielacompagnied’unhommequivientdel’aborderetveutleretenir.Origine:Style.

PUSH-PULL. – Technique visant à créer ou augmenter l’attirance, parlaquelle l’homme indique à la femme qu’elle ne l’intéresse pas, avant demanifesterlecontraire.Cetteséquencepeutdurerquelquessecondes–exemple:prendrelafemmeparlesmains,puislarelâcher,commesionneluifaisaitpasencore confiance – ou un peu plus longtemps : être très aimable durant uneconversation téléphoniquepuis trèsdistant et abrupt la fois suivante.Origine :Style.

RANCARDINSTANTANÉ:Acteconsistantàemmenerunefemmequ’onvientderencontrerd’unlieuàunautredanslamêmejournée.Exemple:passerd’un environnement animé à un autre plus propice à l’échange (d’unbar à unrestaurant,oudelarueàuncafé).Origine:Mystery.

RASC (repérer,accoster,séduire,conclure):Ordreséquentielrudimentairedeladrague.Origine:Mystery.

RDM (résistance de dernière minute) : Circonstance dans laquelle unefemme, après avoir embrassé un homme qu’elle désire, l’empêche, par desparolesoudesactes,d’allerplusavantdanslescontactssexuels(exemple: luiretirersonsoutien-gorge,passerlamainsoussaculotte,oulapénétrer).

RECADRER : Modifier le contexte dans lequel quelqu’un envisage uneidéeouunesituation;changerlesensqu’unepersonneattribueàuneidéeouàunesituation.Origine:RichardBandleretJohnGrinder.

REGARD TRIANGULAIRE : Technique consistant, juste avantd’embrasser une femme, à la regarder dans les yeux, puis à lancer des coupsd’œilfurtifsetsuggestifsàsabouche.

RÈGLE DES TROIS SECONDES : Règle selon laquelle l’homme doitapprocher une femme dans les trois secondes qui suivent le moment où il larepère.But : l’empêcher de cogiter, de devenir nerveux ; l’empêcher aussi defairefuirlafemmeenladévisageanttroplongtemps.Origine:Mystery.

RLT(relationàlongterme):Unepetiteamie.RLTM(relationsàlongtermemultiples):Femmeappartenantàunharem;

l’unedesnombreusesfillesaveclesquellesunV2Dsortetcouche.Dansl’idéal,le dragueur est honnête avec sesRLTM : il leur dit qu’il voit d’autres femmes.Origine:Svengali.

SAJP(soyonsamis,jepréfère):Phraseparlaquelleunefemmeindiqueàunhommequ’il ne l’intéresse ni sexuellement ni sentimentalement.Un SAJP peutaussiprendrelaformed’undiscoursplusélaboré.

SCÉNARIO : Discours, généralement préparé, fondé sur une série deformules de PNL destinées à séduire ou exciter une femme. Origine : RossJeffries.

SORTIE:Techniquededragueparlaquelle,aprèsavoirabordéunefemmeetétabliunboncontactavecelle,l’hommelaquitte–pendantdeuxsecondesouplusieursheures–danslebutdedémontrerunecertaineautonomieetd’accroîtresoncharme.

SS (Speed Séduction) : École de drague fondée sur la fnu créée par RossJeffriesdanslesannées1980.Origine:RossJeffries.

SUPPLIER:Semettreensituationd’inférioritéoudeservilitédanslebutdeplaireàunefemme,luioffrirunverre,changerd’opinionpourêtredumêmeavisqu’elle,etc).

SYNISTHÉSH ! : Littéralement, chevauchement des sens (humer unecouleur,parexemple);danslecadredelaséduction,désigneuntyped’hypnoseéveilléedurantlaquelleonmetunefemmedansunétatélevédeconsciencepuison lui demande d’imaginer des images agréables et des sensations de plus enplus intenses, le but étant de l’exciter par des discours, des sensations et uneimageriesuggestifsetmétaphoriques.

TBM (tropbonnemeuf) :Siglepar lequel lesmembresde lacommunautédésignent les femmes séduisantes. Pour un individu spécifique, on ajoute engénéralunchiffreindiquantsaplacesurl’échelledelabeauté–TBM10/10–oubienunsurnom–TBMRouquine.Origine:Aardvark.

TEMPÉRATUREBINGO:Degréauquelunefemmeestprêteàentrerencontactphysiqueavecunhomme.Contrairementà l’attirance,une températurebingo élevée apparaît et disparaît en général très vite. Pour maintenir élevél’intérêt physique de la femme plus longtemps, un V2D doit tenter de fairemontersatempératurebingoaumoyend’unenchaînementrapidedethèmes.

TERRAIN:Toutlieupublicoùundragueurpeutrencontrerdesfemmes.

TEST:Question,demandeoucommentaired’apparencehostileparlesquelsunefemmejugesiunhommepeutêtreunpetitcopainouunpartenairesexueldignedecenom.Sil’hommeprendlaquestion,lademandeoulecommentaireaupieddelalettre,iléchoueetrateengénéraluneoccasiondeprogresserdanssaprisedecontact.Exemple:direàl’hommequ’ilesttropjeuneoutropvieux,luiréclamerunservicesuperflu.

TESTERSURLETERRAIN:Expérimenteretperfectionnerunetactiqueouunthèmededragueauprèsdenombreusesfemmesdansdifférentessituationsavantd’enfaireprofiterlesautresV2D.

THÈME:Conversationouanecdotepréparée,démonstrationde talent,outoutautrematériauvisantàsusciter,entreteniroufaireavancerune interactionavecunefemmeousongroupe.Exemples:testdesmeilleuresamies,méthodedel’évolution,expériencesdetélesthésie.

THÊME/SCÉNARIO ANTI-PETIT AMI : Réplique, scénario outechniqueparlesquelsunV2Dtentedeséduireunefemmedéjàencouple.

THÉORIE DE GROUPE : Idée selon laquelle une jolie femme est engénéral accompagnée par des amis. Il est alors nécessaire, pour l’aborder, degagner l’approbationde ses amis tout en affichant unmanqued’intérêt enverselle.Origine:Mystery.

TROQUER:Aborderungroupedanslebutderencontrerunefemmedansungroupeadjacent.Origine:Mystery.

TUEUSE À GAGES : Employée du secteur tertiaire recrutée en généralpour son physique – barmaid, serveuse, shot girl ou strip-teaseuse. Origine :Mystery.

VDS (vraie dynamique sociale) : Société spécialisée dans les séminaires,ateliersetproduitsdivers relatifsà ladrague.CrééeparPapaetTylerDurden.Origine:Papa.

VTBM(vaimenttropbonnemeuf):Femmeextrêmementséduisante.

REMERCIEMENTS

Quesont-ilsdevenus?Depuis que j’ai écrit ce livre, il s’est passé assez de choses à Projet

Hollywoodetdanslaviedeseshabitantspouralimenterunesuite.Disonsqu’unsynopsissuffira.Findel’histoire.Générique!

Merci àMystery – ayant mis son plan à exécution, il a emménagé à LasVegasavecAnia.IlspartagentunappartementsurLasVegasBoulevard.Ilafinipar se trouver un partenaire d’affaires digne de ce nom, Savoy, qui arévolutionnésesfinances.Mysterytientdésormaisdesatelierspresquetouslesweek-ends.Le tarif (exorbitant) est de deuxmille deux cent cinquante dollarsmais,àcequej’aipuenvoir, toutlemonderepartcontent.SonpremieramiàLasVegas : David Copperfield, qui avait lu l’article sur la communauté parudansleNewYorkTimes,l’acontactéets’entretientavecluiquasimenttouslesjours.Petitbémol,Mysteryn’apasencoreréussiàconvaincreAniadefaireuntrucàtrois.

MerciàTylerDurdenetPapa–euxnonplusn’ontpastardéàquitterProjetHollywood.Autermed’unevalsedeV2D,ilsontdonnélachambredeMysteryàuncouple«newâge»enéchangedudroitd’utiliser leurappartementnew-yorkais comme point de chute pour leurs ateliers. Les amis des nouveauxrésidents leur rendaient visite presque tous les jours – ambiance hare krishna,chants,dansesetbataillespsychiquesdanslesalondeProjetHollywood.QuandTylerDurdens’estrenduàNewYorkpouryassurerunatelier,lapersonnequioccupait l’appartement du couple lui a interdit d’y donner des cours. Entre-temps,uneguerredeterritoireavaitéclatéàProjetHollywood.

Lavérité,nousnelaconnaîtronspeut-êtrejamais.LeshippiesprétendentqueTylerDurdenetPapasesontfaitlamalleaprèsquelesautoritéslocaleslesontassignés en justice pour avoir mené une activité commerciale dans une zonerésidentielle. Tyler Durden et Papa maintiennent quant à eux que le loyer deProjetHollywoodétait trop élevé.L’undans l’autre, unmois et demi après letermedubail,Papa,TylerDurdenetlesautresdragueursontdûplierboutique.Ils se sont installés dans une résidence située non loin de chez Lisa et de la

cliniqueoùj’avaisemmenéMystery.TylerDurdenyvitavecsanouvellecopine,etPapaneperdpasespoird’yattirerParisHilton.Tousdeuxcontinuentlavraiedynamique sociale, qui leur vaut d’extraordinaires retours de la part de leursétudiants.

Merci àProjetHollywood– désormais occupépar un couple « newâge»excentrique et une employée de maison merveilleuse. Elle se surnomme le«BouddhaduMénage»etlogedansmonanciennechambre.

MerciàHerbaletKatya–ilssontrestésensemblesixmoisàAustin.Herbalvitavecsonwallaby,Shaniqua,dans lamaisonqu’ilpossèdeàAustinetoù ils’entraîneàbattrelerecorddu100Âmsuiteàunpari.Iloffreunerécompenseàquiconqueparviendraàveniràboutdurégimedesommeil.KatyaestrentréeàLaNouvelle-Orléans, où elle travaille commemannequin etmaquilleuse. Sonfrère a repris le chemin de l’église –Gilles de la Tourette le laisse tranquilledepuisplusd’unan.

Merci à Sickboy et Playboy – incapables de tourner la page de lacommunauté,ilsgèrentàprésentunesociétéàNewYork–CuttingEdgeImageConsulting–quiproposedesprogrammesaudio,desateliersetdese-bookspourpermettreàleursclientsd’améliorerleurimageetleurstalentsdedragueurs.

MerciàDustin–leroidesdragueurs-nésvitmaintenantàJérusalem,mariéàlafilled’unrabbin.Jen’aipuassisteràlacérémonie.

MerciàMarko–désormais fiancé, ilm’aexpliquéqu’ila rejeté leconseildesV2Detfaitlacouràl’heureuseéluependantdesmois(avecpoésie,fleurs,rendez-vousgalants,etc.).Tousdeuxenvisagentd’emménageràChicagoetd’yfonderunefamille.

Merci à Ross Jeffries – sa rivalité avec Mystery est enfin de l’histoireancienne. Après une brève liaison avec une infirmière, le voilà redevenuchasseur;ilprétendfairedesdécouvertescapitalesenaidantdepauvrestypesàsurmonterleurpeur,leurtimiditéetleursvieilleshabitudes.Ils’émancipedelaPNLafind’explorerunversantplusspiritueldesapersonnalitéavecunmoniteurd’«éveilducœur»etunprofdeyoga.

MerciàCourtneyLove–tiréed’affairecôtéjustice,elleparvientàselibérerdes tabloïds.Ellenagedans lebonheuràLosFeliz,avecsafille.Elle travaillesur un nouvel album avecBillyCorgan et Linda Perry. Elle veut jouerKatyadanslefilm.

MerciàFormhandle–contreventsetmarées,ilmaintientlacommunautéàflot.Sonsitesurla«FastSéduction»demeurelaréférencepourtoutcequiatrait à la drague.Ses recherchesm’ont été bien utiles pour le glossaire.Merci

aussiàCliff-cetautrepilierdelacommunautéarécemmentconviédescentainesd’étudiants et plusieurs dizaines d’instructeurs à Montréal pour sa premièreconventionannuelle.

MerciàSin–ilaépousécettefemmequ’ilpromenaitauboutd’unelaisseàAtlanta. J’ai eu récemment l’honneur de faire sa connaissance ; on ne croiraitpas,quandonlavoit.

MerciàBritneySpears–elleaussis’estmariée.Deuxfois.MerciégalementàTomCruise,quivientd’annoncerses fiançaillessanscraindredeclamersonamoursurlestoits.Lorsquej’aiunedécisiondifficileàprendre,jemedemande:«Que feraitTomCruiseàmaplace?»Après je saute commeunmalade surmoncanapé.

Merci àDreamweaver – désormais scénariste. Peu avant la parution de celivre, on lui a diagnostiqué un cancer du cerveau. C’est Maverick qui l’aemmenéàl’hôpital.LepèredeVersity,undesmembresdeMystery’sLounge,chirurgien,éminentspécialistedu traitementducancer, luiaproposésonaide.Dreamweaver,tuesbourrédetalent,nosprièrest’accompagnent.

MerciàGrimble–quiseconsacretoutentieràlaventedesese-booksetàsescoursdeséduction;merciàTwotimer–quiaquittéLosAngelespourentreren troisième année à la fac ; merci à Vision – qui est devenu le parrain del’enfantdeVersity;etmerciàPull-Over–quiarompuavecsafemme.

Merciàlacommunauté,etauxcentainesd’amisquejem’ysuisfaitcesdeuxdernièresannées.Puissiez-voustrouvercequevouscherchez–enamouretdanslavie.Àceuxquiflippentparcequej’aitoutdévoilé:nevousenfaitespas.Unhommeetunefemmetrouveronttoujourslemoyendeserencontreretdefairel’amour.Et,quelquesoitcemoyen,vousledécouvrireztous.

MerciàCaroline,Nadia,Maya,Mika,Hea,Carrie,Hillary,Susanna,Jessica1,Jessica2etauxautresbeautésexceptionnellesquisontentréesdansmavie.Appelez-moi,jevousexpliqueraitout.

Merci aux autres gourous – David DeAngelo, dont la liste de contactscontient environ 1,1million de noms, et qui offre désormais des conseils auxfemmespourmettre legrappin surunhommeet legarder ;RickH.,qui s’estinstallé en Roumanie pour s’occuper de ses affaires et de ses aventuressentimentales ;SteveP.etRaspoutine,quipartagent leurs techniquesdansunesériedevidéos.MerciégalementàSwinggcatetàDavidShade.

Merci à tous ceux qui m’ont permis de reproduire leurs e-mails et leurscomptes rendus. Juggler,quiamis sacarrièredecomiqueenveilleuseafindedévelopper sa propre société et d’achever son e-book, vit avec sa nouvelle

copine, une prof de fitness adepte dumarathon ; il est toujours fan de BarryManilow.Extramaskacoupélespontsaveclacommunautépourseconsacreràtempspleinàsesprojets:unspectaclecomiqueetuneémission.JlaixatrouvélabisexuelledontMysterya toujours rêvé. Iladécrit ledétailde leursaventuresdansunesériedecomptesrendusquivaudraientd’êtrepubliés.

Merci à Judith Regan – en page six du New York Post, elle m’a accuséd’avoirséduitsafilledetreizeans.Elleblaguait.Jecrois.Etmêmesielleétaitsérieuse,jeneluienveuxpas.Ellem’asoutenudanscettefolleaventuredepuisledépart,entantqu’éditricemaisaussientantquesaintepatronne.

Merciàtoutel’équipedeReganBooks,enparticulieràCalMorgan(insérerici un compliment hyperbolique) : il était si excité à l’idée de rencontrerLisaqu’iln’apaspudécrocheruneparoleaumomentfatidique.MerciégalementàBernardChang,Michelle Ishay,Richard Ljœnes, PaulCrichton,Cassie Jones,KyranCassidyetAlizaFogelson–leurpatienceestàtouteépreuve.

Merci à IraSilverberg,monagent, quinedésespèrepasdemeconvaincred’aborderunsujetintello.EtmerciàAnnaStein,ainsiqu’àl’équipedeDonadio&Oison.

MerciàDavidLubliner,AndrewMiano,CraigEmanuel,PaulWeitz,ChrisWeitz, Andrea Giannetti, Matt Tolmach et Amy Pascal pour leur soutienconcernantl’autreProjetHollywood.

MerciàFedwardHyde,monhumblecorrespondant,poursonaidedanslesrecherches,etsese-mailsàrendreJoycefoudejalousie.Enfin…peut-êtrepasJamesJoycemaisaumoinsleDr.JoyceBrothers.(Encoreunbelexempledela« gestion Style » !) Merci à Lovedrop, qui a créé le premier manuel de laméthodeMystery.EtmerciàSueWood,quia transcritpatiemment toutesmescassettes– tâchearduesion tientcomptede toutes lesheuresd’hypnoseetderéunionsqu’ellescontiennent.MerciégalementàLauraDawnetDaronMurphy,quisesontoccupésd’autresbandes.

Merci àmes nombreux professeurs – entre autres JosephArthur (quim’aappris à placerma voix,m’a éclairé de son infinie sagesse etm’a fait faire àEsalenuneretraitequim’aouvertlesyeux)etJuliaCaulder(quim’aenseignélatechnique Alexander et m’a permis d’aller la voir chanter Wagner au LosAngelesOpéra).

Merciàtousceuxquiontlulespremièresversionsdecelivre–parmieux,AnyaMarina,MayaKroth,M.theG,PaulaetHazelGrâce,Marglaméchantenounouetmonfrère,Todd,quiamaintenantentêtedesimagesqu’ilpréféreraitoublier.

Pour finir,oui,Lisaetmoi sommes toujours ensemble.Etbienque je soisdevenuunspécialistedelaséductionaucoursdesdeuxdernièresannées,jen’airien appris qui m’aide à entretenir une relation solide. La vie de couple m’ademandébienplusdetempsetdetravailqueladrague.Maisj’enairetirédessatisfactionsetunejoieinfinimentplusintenses.Peut-êtreparceque,là,cen’estpasunjeu.

Strauss

THEGAME

Dotéd’unphysiquebanal,voireingrat,NeilStrausssouffreégalementd’unetimidité maladive avec le sexe faible. C’est pourquoi, lorsqu’il est chargéd’investiguer sur la communauté des Virtuoses de la Drague, une sociétéundergroundde séducteursd’unnouveau type,Straussenprofitepourprendredes leçons…Ilne sait pas encore jusqu’oùva lemener cette enquêtedansunmondeoùlelangageestcodé,oùlesfemmessontdescibles,oùlesrèglessontimpitoyables.

L’auteur y explique comment lui, un homme au sex-appeal inexistant, estdevenu un tombeur professionnel en deux ans, grâce à des techniquesdirectementinspiréesdelapsychologiecomportementaliste.

L’EXPRESSThe Game se lit à la fois comme un manuel pratique à faire saliver les

apprentisDonJuanetcommeunrécitironiquequidépeintlesrivalitésentrelesdifférenteschapellesetlesnévrosesdecesgourousdestempsmodernes.

LEPOINT

NeilStraussJournaliste, critique rock rompuauxculturesunderground,NeilStrauss est

aujourd’huiunestarmondiale.

1)Enfrançais:«Herbier»ou«D’herbes».(N.d.T.)

2)RéférenceàlachansonHeart-ShapedBoxdeNirvana.↵

3)Serveusequi « armée»d’unemitraillette enplastique remplied’alcool, abreuve les clients. Toutefois, elle transporte plussouvent les boissons dans des pipettes posées sur un plateauqu’elleporteautourducou.(N.d.T.)

4)Ouvragesurledressagedeschiens.(N.d.T.)↵

5)Ancien étudiant d’un atelier de Brooklyn, père célibataire quigagne sa vie commechauffeur dans une agencede rencontres.(N.d.A.)

6)Effacement et brouillage » : quand une femme cesse de vousrappeler.Cf.Glossaire.(N.d.A)↵