L'Impératrice de Rome.

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L’Impératrice de Rome. Ou essai sur une approche du monnayage souverain d’Ulpia Severina Par SFERRAZZA Agostino Nous ne savons rien de cette femme sinon qu’elle était l’épouse de l’Empereur Aurélien. Ce qu’il reste de sa vie nous est essentiellement transmis par la Numismatique. C’est dans le monnayage propre à cette impératrice qu’il faut essayer d’établir, presque de deviner ce que fut une partie du destin de cette grande dame. L’Historia Augusta rapporte bien peu de choses sur Ulpia Severina que nous connaissons sous le nom de Séverine. Peut-être était-elle la fille de Philippe l’Arabe et d’Octacilia Severa, d’autres lui trouvent une parenté avec un nébuleux Ulpius Crinitus qui aurait été un ami et un protecteur d’Aurélien.Retenons encore que la gens Ulpia comptait dans ses rangs l’illustre Trajan. On rapporte qu’Aurélien ne voulut jamais lui permettre de porter des habits de soie et qu’il veilla toujours avec soin sur sa conduite. Séverine eut une fille qu’elle maria et qui eut des enfants .On n’en sait pas davantage. Séverine n'est en fait connue que par les monnaies sur lesquelles elle figure d’abord avec son mari, puis seule ; ces nouvelles monnaies issues de la réforme monétaire d'Aurélien, dites Aureliani. Avant la réforme monétaire instaurée par Aurélien, la monnaie de référence était l’antoninien d’argent, qui avait été créé par Caracalla en 215.Cette monnaie portait à l’avers l’effigie 1

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L’Impératrice de Rome.Ou essai sur une approche du monnayage souverain d’Ulpia Severina

Par SFERRAZZA Agostino

Nous ne savons rien de cette femme sinon qu’elle était l’épousede l’Empereur Aurélien. Ce qu’il reste de sa vie nous est essentiellement transmis par la Numismatique. C’est dans le monnayage propre à cette impératrice qu’il faut essayer d’établir, presque de deviner ce que fut une partie du destin de cette grande dame. L’Historia Augusta rapporte bien peu de choses sur Ulpia Severina que nous connaissons sous le nom de Séverine. Peut-être était-elle la fille de Philippe l’Arabe et d’Octacilia Severa, d’autres lui trouvent une parenté avec un nébuleux Ulpius Crinitus qui aurait été un ami et un protecteurd’Aurélien.Retenons encore que la gens Ulpia comptait dans ses rangs l’illustre Trajan. On rapporte qu’Aurélien ne voulut jamais lui permettre de porter des habits de soie et qu’il veilla toujours avec soin sur sa conduite. Séverine eut une fille qu’elle maria et qui eut des enfants .On n’en sait pas davantage. Séverine n'est en fait connue que par les monnaies sur lesquelles elle figure d’abord avec son mari, puis seule ; ces nouvelles monnaies issues de la réforme monétaire d'Aurélien, dites Aureliani.

Avant la réforme monétaire instaurée par Aurélien, la monnaie de référence était l’antoninien d’argent, qui avait été créé par Caracalla en 215.Cette monnaie portait à l’avers l’effigie

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radiée de l’empereur, et pour les impératrices, un buste posé sur un croissant lunaire. De 238 à 268, l’antoninien avait subiune vertigineuse dépréciation, en poids et en taux de métal fin, au début du règne de Claude II, cette monnaie ne contenaitplus que du cuivre. La dégradation rapide de l’Antoninien et deses divisionnaires s’accompagna d’une augmentation spectaculaire du volume des frappes, essentiellement due à l’activité de l’atelier de Rome. On assista à la multiplicationdu nombre des ateliers chargés de la mise en circulation du numéraire ; en 238, sous Gordien, ne fonctionnaient que la frappe de Rome et celle d’Antioche, soit 9 officines ; en 270 au début du règne d’Aurélien, coexistaient 7 ateliers représentant 33 officines. Dans ce contexte, le personnel monétaire se livra à des fraudes dont l’ampleur contribua à la dépréciation du système monétaire.

Aurélien dès le début de son règne met fin aux exactions du personnel monétaire de Rome. Une fois la situation militaire stabilisée, il ferme l’atelier par la force, punit les désordres et exile les ouvriers qualifiés, les graveurs en particulier, dans d’autres ateliers impériaux : ainsi dès le début de 271 la principale source de billon dévalué se trouve sous contrôle.

L’étape suivante de son œuvre réformatrice a lieu une fois rétablie l’unité impériale. La reconquête de la Gaule en 274 permet, par la fermeture des ateliers de Cologne et de Trèves, de tarir la seconde source émettrice de billon dévalué et de mettre en place la réforme monétaire à proprement parler. Les ateliers occidentaux de Milan et de Rome (ré-ouverts en 273) servent de banc d’essai à la réforme, et au printemps 274 l’antoninien réformé, l’aurelianus, est introduit dans l’ensemble des ateliers.

A la même période, à l'occasion de son triomphe sur Palmyre en Orient et sur l'Empire des Gaules en Occident, peut-être en reconnaissance de qualités que nous ignorons, il avait élevé son épouse Séverine au rang d'Augusta. Ce titre correspondait à la forme féminine du titre d'Auguste. Il était généralement donné aux épouses ou parentes des empereurs romains et des empereurs byzantins.

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Au troisième siècle, les Augustae pouvaient aussi recevoir les titres de Mater castrorum et Mater patriae. Durant le Dominat, le titre est utilisé avec plus de parcimonie : seules neuf des trente épouses impériales de la période 324-527 sont reconnues comme telles. Le titre apporte beaucoup de prestige, avec la possibilité pour l'Augusta d'émettre sa propre monnaie, de porter des insignes impériaux et d'avoir ses propres tribunaux parallèles. Zénobie, Reine de Palmyre, prit le titre d'Augusta lorsqu'elle entreprit de soumettre l'Egypte et de s’en proclamer reine.C’est à ce titre que l’Impératrice apparaît surles monnaies aux côtés d’Aurélien, jamais, à l’exception significative de Salonine, l’épouse de Gallien, on n’avait vu une impératrice être associée aussi régulièrement aux émissionsmonétaires, y compris sous la dynastie sévérienne où le poids politique des princesses syriennes est considérable. La place des revers traditionnels réservés aux impératrices célébrant leur fécondité est, dans l’iconographie réservée à Séverine, réduite au minimum (Venus Felix sur les deniers, Iuno Regina sur les as, monnaies peu frappées donc peu répandues). En revanche, le numéraire courant, les aureliani, et la monnaie deprestige, l’or, font de Séverine l’incarnation de la Concorde et en particulier de la Concorde des soldats. Cette entente avec l’armée est déjà présentée avant la disparition d’Aurélien. Il semble difficile d’imaginer que Sévérine ait pu s’illustrer personnellement sur le terrain militaire. Tout au plus disposait-elle peut-être en tant que conseillère de talents diplomatiques qui auraient facilité des négociations oula gestion des relations entre l’Empereur et son entourage. J’aime à penser que Séverine disposait d’une aura personnelle qu’elle aurait hérité d’un ascendant militaire glorieux dont lasimple évocation en aurait imposé au corps militaire entier. A moins que cette influence ne soit simplement celle transmise par son époux.

L’Aurelianus porte à l’exergue la marque distinctive XXI/KA. Laréforme d’Aurélien vise à rétablir un système tri métallique or/argent/bronze inspiré de celui de Caracalla. Elle conserve comme élément central une monnaie radiée de métal argenté, l’aurelianus, dont le poids est rehaussé au 1/80 de livre, soit unpoids théorique de 4,03g. Sa teneur en argent est garantie à untaux de 5 % et son apparence est améliorée par la technique du sauçage. La typologie des revers est uniformisée à l’échelle de

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l’empire au bénéfice de la propagande solaire (Oriens Aug, Sol Invictus).Aurélien avait institutionnalisé le culte solaire de SolInvictus et il s’identifiait notamment sur le monnayage à cettedivinité.La marque XXI (XX à Ticinum, parfois ponctuée XX•I à Siscia) et son équivalent grec KA se lisent « 20 pour 1 », signalant et garantissant la teneur en argent fin de la monnaie, 5 % .Vingt aureliani auraient dû valoir un« argenteus». Le temps manqua à Aurélien pour réintroduire dans le système monétaire la pièce d’argent pur équivalant à ces vingt aureliani et taillée comme eux au 1/80 de la livre, mais l’argenteus de Carausius, taillé au 1/84 de livre (pied augustéen) et celui dela réforme de Dioclétien, au 1/96 de livre (pied néronien) prouvent bien que l’idée d’un retour à une espèce d’argent pur restait encore, à la fin du IIIe siècle, fortement ancrée dans les mentalités. Un denier lauré, parfois défini comme VSV (alis), est de nouveau frappé, au 1/124 de livre (2,60g).L’aurelianus, valant deux deniers comme sous Caracalla. L’aureus est stabilisé sur le même pied que celui de Caracalla, au 1/50 de livre, 6,45g, avec parfois la marque explicite I L (1/50). Des unités de bronze comme les sesterces, les dupondii et les assesfont leurs réapparitions. Huit ateliers et 39 officines frappent désormais le numéraire sous un contrôle strict.

Dans les faits, le système tri métallique prévu par la réforme d’Aurélien ne sera en vigueur qu’à l’atelier de Rome .Dans le reste de l’empire la distribution en fut très aléatoire, dans les régions occidentales correspondant à l’ex-empire gaulois les aureliani restèrent rares, ceux produits par l’atelier de Lyonnouvellement ouvert ne portent pas, fait significatif, la marque de la réforme. Qu’il s’agisse d’une volonté délibérée, ou de l’impuissance à imposer le monnayage réformé, l’État romain renonça à y faire circuler l’aurelianus.

La réforme d’Aurélien, dans ces conditions, pouvait difficilement s’imposer. La tarification officielle dut se révéler vite intenable puisque l’administration monétaire, dès le règne de Tacite, hésita à apposer le signe XXI/KA à l’exergue des monnaies. Dans les faits, l’aurelianus fut certainement échangé par le public au-dessus de sa valeur nominale, pour atteindre rapidement 4 deniers, sa valeur en 294lorsqu’il fut remplacé par le néo-antoninien radié.

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Aurelianus émis à Rome à la fin de 274 en billon(22,5mm, 4,17g, 12h) Droit : SEVERI-NA AVG.Buste diadèmé etdrapé de Séverine à droite, vu de trois quarts en avant, posé sur un croissant de lune. “Severina Augusta”,(Séverine Augusta). Revers:CONCO-RDI-A AVG-G/ -|-// (gamma) XXIR. Aurélien lauré, en toge, debout à gauche,tenant un sceptre court de la main gauche et tendant la main droite à Séverine en face, drapée, debout à

droite, tenant un objet contre elle. “Concordia Augustorum”, (La Concorde des augustes).Photographiereproduite avec l’aimable autorisation de CGB.fr

En septembre 275, l’Empereur Aurélien est assassiné à Caenophrurium, près de Périnthe. Ses assassins sont peut-être des officiers subalternes, des prétoriens et des tribuns ; seulle nom de leur chef, un certain Mucapor est arrivé jusqu’à nous.J’ai pu lire qu’Aurélien aurait été un personnage intransigeant et sévère qui inspirait peur et terreur dans son entourage .Il traitait le citoyen et le soldat avec la même sévérité et il punissait les plus légères fautes comme les plusgrands crimes, parfois avec excès. Eros Mnesteus, un de ses secrétaires qui craignait d’être puni avait rédigé en imitant l’écriture d’Aurélien un ordre d’exécution de plusieurs officiers, et l’avait fait circuler parmi ceux-ci. Abusés, il ne restait à ces derniers qu’à éliminer l’empereur pour sauver leur vie. Il est encore rapporté que ce même secrétaire était chrétien. Apprenant que l’empereur se préparait à ordonner des persécutions contre sa communauté, il avait décidé de l’en empêcher.Il semble que le Sénat et les états major des légions aient étésurpris par cette soudaine vacance du pouvoir. L’Historia Augusta rapporte erronément que pendant six mois, il régna dansl’empire une confusion qui ne permit pas de désigner un successeur à Aurélien.Rome connaissait pour son malheur les conséquences funestes des guerres civiles. Il était évident pour tous que l’anarchie devait être jugulée et que la transition du pouvoir devait se faire rapidement sans violence.Les légions, les factions devaient être contenues. Il y allait de l’intérêt de tous et de la survie de Rome. La femme de l’Empereur, Séverine, identifiée sous les traits de la déesse Luna sœur du Dieu Sol Invictus, se saisit certainement des rênes du pouvoir et assura probablement une sorte d’interrègne,gérant les affaires courantes pendant quelques mois, trois toutau plus. La mentalité romaine, machiste et phallocrate, ne

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pouvait concevoir à cette époque l’accession d’une femme au commandement suprême. Séverine ne pouvant personnellement accéder à la pourpre dut certainement mener avec intelligence, finesse et force les tractations pour conduire un représentant mâle de son clan sur le trône et conserver le pouvoir.L’« impératrice régente » exerce seule le pouvoir et ledroit monétaire.

Dans l’empire tout entier et dans les huit ateliers en fonctionà l’automne 275 on peut identifier des émissions monétaires au nom de Séverine seule souveraine. À Rome, Séverine avait fait son apparition dans le monnayage aucours de la neuvième émission, à la fin de l'année 274. Après la dixième émission en 275, Aurélien disparaît du monnayage, etseule reste l’Impératrice. Au moment de la douzième et dernièreémission à Rome les six officines restantes vont produire vraisemblablement durant l’interrègne, après la mort d’Aurélienet avant l’accession de Tacite une émission monétaire sous la seule égide de Sévérine. Ces monnaies présentent à l’Avers le buste de l’Impératrice à droite drapé et diadèmé reposant sur un croissant de lune avec la titulature SEVERINA AVG, soit Séverine Augusta. Au revers on observe la concorde qui regarde vers la gauche, tenant une enseigne militaire dans chaque main avec l’inscription CONCORDIAE MILITUM soit la concorde ou l’entente avec l’armée. Les marques d’émission et d’officine sont pour l’aurelianus : R|A/ XXI, R|B/ XXI, R|/ XXIR/ XXIR/ XXIR|/ XXI et ----|, pour le denier, R pour l’Aureus.

Aureus de Séverineémis à Rome lors de douzième émission entre septembre et novembre 275Avers: SEVERINA AVGbuste à droite de l’impératrice drapée et diadèmésur un croissant de lune Revers: CONCORDIAE MILITVM–/–//R

Concordia Militum, Concordia debout entre deux enseignes militaires, concorde avec l’armée. Marque d’émissionet d’officine :-/-//RPhotographie reproduite avec l’aimable autorisation de.ric.mom.fr

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Aurelianus de Séverine émis à Rome lors de la douzième émission entre septembre et novembre 275 Avers :SEVERINA AVG buste de l’impératrice à droite sur croissant de lune Revers : CONCORDIAE MILITVM R/B//XXI

Concordia Militum, Concordia debout entre deux enseignes militaires, concorde avec l’armée marque d’émissionet d’officine : R/B//XXIPhotographie reproduite avec l’aimable autorisation de.ric.mom.fr

Aurelianus de Severina émis entre septembre et novembre 275 Rome (5%,22.50 mm, 4.48g, 11h) N° dans lesouvrages de référence : C.7 - RIC.4 - LV.- - La Vénéra. II.1/1521 (1 ex.) - Göbl155 a4 (8 ex.) - RCV.11075 -

BN/RXII.1332 pl. 10 AversSEVERINA AVG buste de l’Impératrice à droite sur croissant de Lune Revers :CONCORDIAE MILITUM Concordia debout entre deux enseignes militaires, concorde avec l’armée. Marques

d’émissions et d’officine : R/ XXI d’autres marques ont été répertoriées :R|A/ XXI, R|B/ XXI, R|/ XXIR/XXIR/ XXIR|/ XXIPhotographie reproduite avec l’aimable autorisation de cgb.fr

Demi-Aurelianus de Severina émis lors de la douzième émission entre septembre et novembre 275Rome (2,5% 17mm, 1.86 g, 12h)

N° dans les ouvrages de référence : RIC.6 - C.14 (3f.) - LV.- - Göbl141 t4 (28 ex.) - LaVénéra. II.1/1507 - BN/RXII.1334 pl. 10

Avers : SEVERINA AVG buste à droite de l’impératrice drapé et diadèmé. Revers : VENVS FELIXMarques d’émissions et d’officine ----|

L’atelier de Serdica frappe au nom de Séverine seule en développant sa titulature sous la forme SEVERINA AVGVSTA écrit en entier sur l’avers de septembre à novembre 275, cette neuvième émission sera la dernière pour l’atelier de Serdica sous le règne d’Aurélien. Lors de l’émission précédente qui allait de novembre 274 à septembre 275, l’Impératrice apparaissait seule sur l’avers avec la titulature SEVERINA AVG (au singulier …).Le revers sous la huitième et la neuvième émission reste identique figurant l’Empereur toujours lauré serrant la main de Séverine avec la titulature CONCORDIA AVGG, portant la marque d’émission et d’officine : *//KA(•) Γ(•)

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Aurelianus de Séverine émis à Serdica lors de la neuvième émission sous le règne d’Aurélien entre septembreet novembre 275.Au revers : SEVERINA AVGVSTA buste à droite de l’Impératrice, drapé et diadèmé sur un

croissant de lune. Au revers : CONCORDIAAVGG, la concorde des Augustes.L’empereur portant encore sa couronnede laurier, sa toge serrant la main de l’Impératrice. Marque d’émission et d’officine : *//KA(•)

Γ(•)Photographie reproduite avec l’aimable autorisation de ric.mom.fr

L’atelier d’Antioche, pour sa septième émission qui est la dernière sous le règne d’Aurélien inclut exceptionnellement dans la nomenclature de l’Augusta les épithètes P(ia) F(elix), normalement réservées aux empereurs soit SEVERINA PF AVG ; au revers, la légende monétaire passe du pluriel CONCORDIA AVGG (Augustorum) au singulier, CONCORDIA AVG, à traduire par Concordia Augustae ; le type ne présente plus Aurélien serrant la main de Concordia, revers banal au cours du règne, mais un personnage masculin anonyme, désormais dépourvu de couronne laurée et de sceptre, serrant la main de Séverine, bien reconnaissable à sa coiffure caractéristique et représentée d’une taille supérieure. Cette émission n’est constituée que demonnaies au nom de l’Impératrice. Les marques d’émission et d’officine répertoriées sont :P/XXI, S/XXI, T/XXI, Q/XXI, V/XXI, VI/XXI

Aurelianus de Séverine émis à Antioche lors de la sixième émission entre janvier et septembre 275 Avers :SEVERINA PF AVG, Severina pia felix augustae buste de l’Impératrice à droite drapée et diadèmée sur croissant

de Lune. Revers : CONCORDIAE MILITUM, la concorde entre deux enseignes militaires. Marque d’émission etd’officine : Q/-//XXI.Autres marques répertoriées : P/XXI, S/XXI, T/XXI, Q/XXI, V/XXI, VI/XXI Photographie

reproduite avec l’aimable autorisation de ric.mom.fr

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Aurelianus de Séverine émis à Antioche lors de la septième émission entre septembre et novembre 275.Avers :SEVERINA PF AVG, Severina pia felix augustae buste de l’Impératrice à droite drapée et diadèmée sur croissant

de Lune. Revers : CONCORDIA AVG, Concordia Augustae ; personnage masculin anonyme, dépourvu de couronnelaurée et de sceptre, serrant la main de Séverine. Marque d’émission et d’officine : P//XXI. Autres marquesrépertoriées : P/XXI, S/XXI, T/XXI, Q/XXI, V/XXI, VI/XXI Photographie reproduite avec l’aimable autorisation

de ric.mom.fr

À Alexandrie, la frappe au nom de Séverine s’est poursuivie alors que l’atelier avait reçu la nouvelle de l’assassinat d’Aurélien et cessé d’émettre pour lui.

Tetradrachme. Alexandrie, an 7 (après le 29 août 275). Karanis R/: Dikaiosyne debout à gauche, tenant une balance etune corne d'abondance.  http://www.muenzauktion.com/poinsignon/

A Lyon, comme pour d’autres ateliers, la dernière émission, la cinquième, exclusivement constituée de monnaies de Séverine, fut produite entre septembre et novembre 275.L’avers présente le buste drapé et diadèmé de l’impératrice sur un croissant lunaire à droite avec la titulature habituelle :SEVERINA AVG par contre si le revers porte toujours la titulature de CONCORDIAE MILITUM la figuration représente Concordia (la concorde)assise à gauche, tenant une patère de la main droite et une corne d'abondance de la main gauche .La marque d’émission et d’officine à l’exergue est SXX°L.

Aurelianus de Séverine émis à Lyon lors de la cinquième émission entre septembre et novembre 275 (5%, 21,5mm, 4,57g ,12h).Avers : SEVERINA AVG. Buste diadèmé et drapé de Séverine à droite, vu de trois quarts en

avant, posé sur un croissant de lune,“Severina Augusta” .Revers : CONC(O) RDIAE MI(LI) TVM// marqued’émission et d’officine : SXXL. Concordia (la Concorde) assise à gauche, tenant de la main droite une patèreet de la gauche une corne d’abondance. “ConcordiæMilitum”, (A la Concorde militaire).Photographie reproduite

avec l’aimable autorisation de ric.mom.fr

L’atelier de Milan avait fermé ses portes au début de l’année 274. Un nouvel atelier avait été inauguré dans une ville voisine à Ticinum. Dans cet atelier entre septembre et novembre275 eu lieu une cinquième émission monétaire, qui fut aussi la

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dernière sous le règne de l’Empereur. Cette émission n’était constituée que de monnaies au nom de Séverine. L’avers représentant le buste de Séverine drapé et diadèmé vers la droite sur un croissant de lune avec la titulature SEVERINA AVG, (Séverine Augusta).Le type de revers représente Concordia debout de face regardant à gauche tenant une enseigne militairedans chaque main avec l’inscription CONCORDIAE MILITVM, à l’entente avec l’armée. Les marques d’émission et d’officine répertoriées sont :/PXXT, /SXXT, /TXXT, /QXXT, /VXXT, /VIXXT

Aurelianus de Séverine émis à Ticinum lors de la cinquième émission entre septembre et novembre 275.Avers :SEVERINA AVG Séverine Augusta, buste drapé et diadème de l’impératrice à droite sur un croissant de lune.Revers : CONCORDIAE MILITVM, Concordia debout de face regardant à gauche tenant une enseigne militaire danschaque main. Marque d’émission et d’officine : PXXT Photographie reproduite avec l’aimable autorisation de

ric.mom.fr

Aureus de Séverine émis à Ticinum lors de la cinquième émission entre septembre et novembre 275.Avers :SEVERINA AVG Séverine Augusta, buste drapé et diadème de l’impératrice à droite sur un croissant de lune.Revers : CONCORDIAE MILITVM, Concordia debout de face regardant à gauche tenant une enseigne militaire danschaque main. Marque d’émission et d’officine : aucunePhotographie reproduite avec l’aimable autorisation de

ric.mom.fr

Aurelianus septembre-novembre 275 Ticinum (5%,23 mm, 4.31g, 6h)N° dans les ouvrages de référence : C.7 (2f.)- RIC.8 - LV.1590 - Göbl79 Aa2 - La Venèra. II.1/5832 (18 ex.) - BN/RXII.1662 pl. 20.Marque d’émission et

d’officine : SXXTPhotographie reproduite avec l’aimable autorisation de cgb.fr

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Aurelianusseptembre-novembre 275 Ticinum (5%,22mm, 3.58g ,11h)N° dans les ouvrages de référence : C.7 (2f.) -RIC.8 - LV.1591 - Göbl79 Aa4 - La Venèra. II.1/5876 (24 ex.) - RCV.11705 var. - BN/RXII.1667 (4 ex.)Marque

d’émission et d’officine : QXXTPhotographie reproduite avec l’aimable autorisation de cgb.fr

A Siscia, la neuvième et dernière émission de l’atelier est marquée par l’introduction du monnayage au nom de Séverine, avec la titulature SEVERINAE AVG au datif. La lettre S désignant Siscia ne figure plus au revers des monnaies. Les revers ORIENS AVG et CONCORDIA MILITVM ornaient les revers des monnaies d’Aurélien ; les aureliani de Séverine n’offrent que le type Concordia. Cette émission, quantitativement importante, est divisée en trois phases selon les marques d’atelier au revers.1°phase : /XX°I, /XXIP, /XXIS, /XXIT, /XXIQ, /XXIV, /XXIVI.2eme phase : /PXXI, /SXXI, /TXXI, /QXXI, /VXXI, /VIXXI.3eme phase : P/ XXI, S/ XXI, T/ XXI, Q/ XXI, V/ XXI, VI/XXI.

Aureus de Séverine émis à Siscia lors de la neuvième émission entre septembre et novembre 275.Avers :SEVERINAEAVG. Buste drapé et diadèmé de l’Impératrice à droite sur un croissant de lune. Revers : CONCORDIAEMILITVM, Concordia debout de face regardant à gauche tenant une enseigne militaire dans chaque main. Marque

d’émission et d’officine : aucunePhotographie reproduite avec l’aimable autorisation de ric.mom.fr

Aurelianus de Séverine émis à Siscia lors de la neuvième émission entre septembre et novembre 275.Avers :SEVERINAE AVG Séverine Augusta, buste drapé et diadèmé de l’impératrice à droite sur un croissant de lune.Revers : CONCORDIAE MILITVM, Concordia debout de face regardant à gauche tenant une enseigne militaire dans

chaque main. Marque d’émission et d’officine : –/V//XXIPhotographie reproduite avec l’aimable autorisation deric.mom.fr

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Aurelianus septembre-novembre 275 Siscia (22.50 mm, 3.66g, 5h) Avers : SEVERINAE AVG Séverine Augusta, bustedrapé et diadèmé de l’impératrice à droite sur un croissant de lune. Revers : CONCORDIAE MILITVM, Concordiadebout de face regardant à gauche tenant une enseigne militaire dans chaque main. Marque d’émission et

d’officine : XXI. Exemplaire unique.N° dans les ouvrages de référence : RIC.- - C.8 var.(2f.) - LV.- - Göbl-- La Venèra. II.1/- - RC.- - MRK.- - BN/RXII.1- cf. p. 364 Cet exemplaire provient de la collection Laurent

Schmitt, MONNAIES XXI, n° 3309 Sans argenture. Complètement inédit et non répertorié. Manque à tous lesouvrages consultés. De la plus grande rareté. Dernière émission sans marque d’officine. Ce type n’est pas

repris dans l’ouvrage de S. Estiot qui ne signale que l’aureus pour la dernière émission deSisciaPhotographie reproduite avec l’aimable autorisation de cgb.fr

Pour l’atelier de Cyzique ,alors que la dixième émission sous le règne de l’empereur figurait un aurelianus commun avec à l’avers, le buste de l’empereur à droite avec la titulature :IMP AVRELIANVS AVG et au revers l’Empereur serrant la main à divers intervenants portant les titulatures :MARS INVICTVS ,RESTITVTOR ORBIS,RESTITVTOR EXERCITI avec une marque d’émission et d’officine qui allait de //XXI à //XXI ,soudainement, entre janvier et septembre 275 apparaît unaurelianus qui ne figure plus que Séverine. L’avers porte le buste de l’Impératrice qui nous est maintenant bien familier avec la titulature SEVERINA AVG et au revers le désormais classique CONCORDIAE MILITVM. La marque d’émission et d’officine se résumant à un simple -/-//XXI. Notons que quelques semaines plus tard Tacite reprendra le KA comme marqued’émission. Il semble qu’entre septembre et novembre 275 eu lieu une onzième émission pour un aureus réservé à Séverine, d’avers et de revers classiques mais sans marque d’émission.

Aurelianus de Séverine émis à Cyzique lors de la dixième émission entre janvier et septembre 275.Avers :SEVERINAAVG, buste de l’impératrice à droite, drapé et diadèmé Revers : CONCORDIAEMILITTVM, la concordetenant un enseigne militaire dans chaque main. Marque en exergue: -/-//XXI. Photographie reproduite avec

l’aimable autorisation de ric.mom.fr

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Aureus de Séverine émis à Cyzique lors de la onzième émission entre septembre et novembre 275. Avers :SEVERINAAVG, buste de l’impératrice à droite,drapé et diadèmé Revers : CONCORDIAE MILITVM, la concorde tenant

un enseigne militaire dans chaque main.Pas de marque d’émission en exergue.Photographie reproduite avecl’aimable autorisation de ric.mom.fr

La typologie monétaire que nous venons de parcourir met l’accent sur le rôle politique exceptionnel joué par l’Impératrice. Le registre iconographique est chargé de connotations martiales. Avant même la mort d’Aurélien, l’impératrice incarnait déjà dans le monnayage la Concorde militaire. Après l’assassinat d’Aurélien, Séverine seule régente adopte comme type monétaire dominant celui de la Concordiae Militum.

L’épigraphie nous confirme cette implication de l’impératrice dans le domaine militaire. Sur une inscription de Thrace (AÉ 1927, 81) Séverine est qualifiée de Divine Victoire. Dans une inscription de Pola (CIL V, 29), elle est désignée comme mater castrorum. Dans une inscription de Tarragone (AÉ 1930, 150) elle cumule les qualités de mater castrorum et senatus et patriae, c’est-à-dire qu’elle porte, au féminin, des titres réservés aux empereurs. Ce sont des titres qu’avaient assumés avant elle les princesses sévériennes, Julia Domna, Julia Maesa, Julia Aquilia Severa, Julia Mamaea (CIL II, 3413 : materdomini n. [...] et castrorum et senatus et patriae et universi generis humani), qui jouèrent un rôle politique de premier plandans la vie de la dynastie. Les épithètes de P (ia) F (elix) que porte Séverine lorsqu’elle assume seule la régence vont dans le même sens : elles sont réservées normalement à l’empereur, et on ne les retrouve dans la titulature monétaire des impératrices que pour Julia Domna, Salonine et Séverine. Endehors du numéraire ordinaire de billon argenté, l’interrègne de Séverine se lit tout aussi clairement à travers la frappe dedonativa d’or qui eurent lieu dans divers ateliers impériaux : à Rome, Ticinum, Siscia et Cyzique. Dans tout l’Empire réunifiépar Aurélien, des libéralités furent prévues après l’assassinatd’Aurélien à destination des armées et elles furent faites au nom de l’impératrice mater castrorum, avec l’appel à la

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Concorde des soldats (Concordiae Militum), pour seul revers. Ces libéralités distribuées en or démontrent que la succession d’Aurélien restait à déterminer, que des tractations se jouaient dans les états-majors des différentes armées, loin du Sénat de Rome. Le patronage de l’Augusta, l’appel à la loyauté payée en or, des soldats révèlent l’âpreté des négociations quieurent lieu pour trouver un successeur à Aurélien au sein de lacaste militaire dont il était lui-même issu. L’accession au pouvoir de Tacite dans ce contexte reçoit un tout autre éclairage. Le fait que Séverine s’efface finalement devant Tacite, que les armées n’aient rien fait pour contester ce candidat renforce l’hypothèse d’un Tacite plus proche de l’entourage militaire d’Aurélien que des cercles sénatoriaux.

La Numismatique trouve dans l’histoire de la régence de l’IMPERATRICE Séverine une place extraordinaire. D’abord, la monnaie fut le fondement et le vecteur même de l’action de Séverine. A cette époque le monnayage était un moyen d’information et de communication rapide et efficace. La solde des soldats payée de fait, portait la figuration de l’épouse del’Empereur encore présente, investie de l’autorité « augustale », tenant toujours entre ses mains les insignes du pouvoir militaire et (donc) politique. En assurant le paiement « marqué » de leur service loyal elle se rappelait à leur fidélité et à leur obéissance. Mais surtout, la Numismatique restitue une partie de l’Histoire que l’Historia Augusta avait mal digérée avant de la vomir. Il faut tordre le cou à cette mystification littéraire qui aurait été écrite par six historiens inconnus ; collections d’allusions anachroniques, defaux et de calembours. En 1889, Hermann Dessau, un élève de Mommsen, avait déjà révélé la supercherie. Le Professeur de littérature à l’université de Bourgogne, Stéphane Ratti, estimeque l’auteur de l’Historia Augusta serait en fait un auteur unique de la fin du IV ème siècle. Il identifierait le faussaire en la personne d’un haut fonctionnaire de Théodose, Nicomaque Flavien. Ce personnage aurait réglé ses comptes avec l’Histoire selon ses convictions et ses interprétations personnelles. La régence de l’Impératrice Séverine sur Rome, dura tout au plus trois mois. Elle se régla dans les lignes quenous venons d’établir. Tacite n’était probablement pas le vieillard parvenu au faîte de sa carrière sénatoriale, doyen respecté du Sénat, au moment où il fut proclamé

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empereur. « Vopiscus » dans l’Historia Augusta évoquait un homme de près de 80 ans, qui au lendemain de son accession au trône part à la tête d’une armée achever la campagne germaniqueavant d’aller repousser les Goths en Asie mineure, Cette vivacité de mouvement dénonce la jeunesse d’action de ce sénateur « sénile » qui semble bien coutumier du fait militaire. Cet homme appartenait sans doute plus à l’entourage militaire d’Aurélien qu’aux cercles sénatoriaux. Ce qu’il advint d’Ulpia Severina, nous n’en savons rien. Nous en savionsdéjà si peu sur cette grande dame de l’Histoire que la Numismatique seule avait gardée, gravée en sa mémoire. Rome ne pouvait concevoir d’être menée par une femme. D’Hypatie à Elizabeth première d’Angleterre, il aura fallu attendre le concile de Trente en 1545 pour reconnaître clairement à la femme la possession d’une âme et ce n’est qu’en 1948 que le droit de vote lui fut accordé, en Belgique. Si la femme est l’avenir de l’Homme il faut reconnaître que son passé a du mal a toujours trouver sa juste place dans l’histoire…Pourtant entre septembre et Novembre 275, il y a eu une Impératrice à Rome.

Références

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AURELIUS VICTOR, Liber De Caesaribus, texte établi et traduit par Pierre Dufraigne, Paris, Les Belles Lettres, 1975.Eusèbe de Césarée. Hist. Ecclés., VII, 30).Zonaras, Epitome Historiarum, 12 : 27Jones A, Martindale J.R,Morris J.,Prosopography of the Later Roman Empire t. 1 260-395, Cambridge, 1971-1992Gian Guido Belloni, La Moneta romana, Ed.Carocci, Roma 2004, Richard Duncan-Jones, Money and Government in the Roman Empire, 1994.Santo Mazzarino, L'impero romano, Bari, 1973. Roger Rémondon, La crisi dell'impero romano, da Marco Aurelio ad Anastasio (in italiano), Milano, 1975.Stéphane Ratti, Antiquus error les ultimes feux de la résistance païenne.Reghellini (de Schio), Examen de la Religion Chrétienne et de la Religion JuiveEugen Cizek, L’Empereur Aurélien et son temps, Editions les belles lettres, Paris, 1994.Adrien Richer, Nouvel abrégé chronologique de l'histoire des empereurs chez David, le jeune, 1754 (Livre numérique Google)CALLU (J.-P.), 1995 L’interrègne de Séverine, in : Orbis Romanus Christianusque. Travaux sur l’Antiquité tardive rassemblés autour desrecherches de Noël Duval (Paris, 1995), 13-31.CALLU (J.-P.), 1996 Aurélius Victor et l’interrègne de 275 : problèmes historiques et textuels, HA Colloquium Barcinonense IV (Bari, 1996), 133-145.CALLU (J.-P.), 2000 Pia Felix, RN (2000), 189-207.

WIKIPEDIAwww.ric.mom.frhttp://www.empereurs-romains.net/emp40.htmCGB.fr

Je dédie cet essai à mon ami le professeur René Wilkin qui est à l’origine de ce travail, à mon maître le professeur Michel Moreaux à qui je dois tellement, et à SEVERINA, mon frère et le père Raymond comprendront.

Ce travail est très largement inspiré de l’œuvre de Madame Sylviane ESTIOT que je remercie vivement pour ses conseils.

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