La justice dans les comptes du gouverneur du souverain bailliage de Lille, Douai et Orchies à la...

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en Belgique chiv es de a t en Belgique Archiv es es de l’Éta t en Be elg ique A rchives de l’État en Belgique Arch v es de l’Éta en Belgique Archiv es tat en Belg S TUDIA 154 Monuments ou documents ? Les comptabilités, sources pour l’histoire du contrôle social (XIII e -XVIII e siècles) Monuments or documents ? Accounts : sources for the history of social control (13 th - 18 th c.) É DITÉ PAR A UDE WIRTH -J AILLARD , A UDE M USIN , N ATHALIE D EMARET , E MMANUEL B ODART , X AVIER R OUSSEAUX

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Monuments ou documents ? Les comptabilités, sources pour l’histoire du contrôle social (XIIIe-XVIIIe siècles)

Monuments or documents ? Accounts : sources for the history of social control (13th - 18th c.)

ÉditÉ par aude Wirth-Jaillard, aude MuSin, nathalie deMaret,

eMManuel Bodart, Xavier rouSSeauX

Médiévales ou modernes, les comptabilités font depuis quelques années l’objet d’un renouveau historiographique sous des angles variés, incluant la source elle-même, en lien avec sa matérialité et la culture de l’écrit (monument), les institutions productrices ou l’exploitation des données (document). L’intérêt de ces sources pour l’histoire du contrôle social n’avait en revanche guère fait l’objet de rencontres ; c’est chose faite avec le colloque de Bruxelles. Ses actes abordent dif-férents aspects de cette question, de la critique des sources au contrôle des institutions et des groupes en passant par l’administration de la justice et les enjeux numériques de ces collections. La période de transition entre le Moyen Âge et les temps modernes (XIVe-XVIe siècles) est privilé-giée par la plupart des communications, bien que d’autres aspects aient été mis en lumière pour le XVIIIe siècle. Sur le plan géographique, les territoires belges, italiens, français, savoyards, bour-guignons et néerlandais ont concentré l’essentiel des recherches présentées dans ce volume, avec quelques excursions en Angleterre ou dans le Saint-Empire.

In recent years, the topic of accounts from the Middle Ages and Early Modern Period has experi-enced a historiographic renewal of interest from several standpoints, including the source itself in its materiality and within the context of the literate culture (monument), the institutions producing those sources or the use of the data from the accounts (document). Yet, the impor-tance of these sources for the history of social control had hardly been discussed in scientific meetings until the Brussels conference. The proceedings of this conference consider several aspects of this issue, including the critical analysis of the sources, the way institutions and groups were controlled and the control they exerted themselves, the administration of justice and the digital stakes regarding these source collections. Most papers focus on the transition period between the Middle Ages and the Early Modern period (14th-16th c.), although some other aspects were highlighted for the 18th century. Most of the papers in this volume concentrate on the Belgian, French, Savoyard, Burgundian and Dutch territories, while some of them deal with England or the Holy Roman Empire.

Illustration de couverture : Bruxelles, Archives générales du Royaume,

Chambre des comptes, comptes en registres, 12878, comptes de

Jehan de Neuverue maire de Nivelles, 1423-1425, folio 1 recto.

Tiré à part *

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MONUMENTS OU DOCUMENTS ? LES COMPTABILITÉS, SOURCES POUR L’HISTOIRE DU CONTRÔLE SOCIAL (XIIIE–XVIIIE

SIÈCLES)

ACTES DU COLLOQUE INTERNATIONAL DE BRUXELLES (ARCHIVES GÉNÉRALES DU ROYAUME, 13–15 DÉCEMBRE 2012)

MONUMENTS OR DOCUMENTS? ACCOUNTS : SOURCES FOR THE HISTORY OF SOCIAL CONTROL (13TH–18TH

C.)

PROCEEDINGS OF THE INTERNATIONAL CONFERENCE OF BRUSSELS (STATES ARCHIVES, 13–15 DECEMBER 2012) 

ARCHIVES GÉNÉRALES DU ROYAUME ET

ARCHIVES DE L’ÉTAT DANS LES PROVINCES

STUDIA

154

ISBN : 978 90 5746 783 7

Archives générales du Royaume D/2015/531/031

Numéro de commande: Publ. 5463

Archives générales du Royaume

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Monuments ou documents ? Les comptabilités, sources pour l’histoire du contrôle social (XIIIE–XVIIIE siècles)

Actes du colloque international de Bruxelles (Archives générales du Royaume, 13–15 décembre 2012)

Monuments or documents? Accounts : sources for the history of social control (13TH–18TH c.)

Proceedings of the International Conference of Brussels (States Archives, 13–15 December 2012)

Édité par

Aude WIRTH-JAILLARD, Aude MUSIN, Nathalie DEMARET, Emmanuel BODART, Xavier ROUSSEAUX

Bruxelles 2015

La comptabilité d’un officier de justice à Lille à la fin du XIVe siècle

Le gouverneur du souverain bailliage de Lille, Douai et Orchies (1379-1390)

Jean-Baptiste Santamaria

En août 1428, un officier de la Chambre des comptes de Lille inscrivit dans le registre aux mémoires de l’institution la mention suivante :

Memoire de visiter le compte du gouverneur de Lille rendu en may IIIIc et VIII en despens, en fin d’icellui, pour cause d’aucuns despens paiéz pour le fait d’un prisonnier nommé Pierre Le Brun, prins a Amiens et renvoyé audit gouverneur qui est un cas particulier fort servant pour la seignourie de monseigneur1.

Ce qui était encore en 1374 un rouleau aux mentions succinctes2 devenait un instrument d’affirmation du pouvoir princier face à la justice royale, ici représentée par le bailliage d’Amiens, un document consultable après plus de vingt ans.

Le gouverneur du souverain bailliage de Lille, Douai et Orchies était un officier créé par le roi lorsqu’il détenait la Flandre wallonne, chargé d’exercer sur ce territoire la justice pour les cas relevant de sa souveraineté, et conservé après le retour des trois châtellenies à la Flandre3. À la fin du XIVe siècle, les réformes profondes accompagnant l’avènement de Philippe le Hardi, dont la création d’une chambre du conseil et des comptes à Lille en 13864, dans le cadre d’une remise en ordre judiciaire et domaniale à l’issue de la guerre gantoise, mirent aux prises l’office de la gouvernance avec des institutions centrales désormais très proches. La tenue de la comptabilité en fut modifiée, montrant de nouvelles préoccupations

1 Archives Départementales du Nord, Lille (dorénavant cité AD Nord), B 31, registre aux

mémoires de la Chambre des comptes (1423-1456) fol. 43v. 2 Voir le premier compte conservé dans la série. AD Nord, B 6158, septembre 1374-

janvier 1375, n° 148506. 3 Jacques FOUCART, Une institution baillivale française. La gouvernance du souverain-

bailliage de Lille-Douai-Orchies-Mortagne et Tournaisis, Lille, Raoust, 1937. 4 Richard VAUGHAN, Philip the Bold. The Formation of the Burgundian Power, Londres,

The Boydell Press 20022, p. 128-137.

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vis-à-vis d’un document qui émanait directement de l’officier en charge de la justice, qui rendait directement compte de sa gestion devant les maîtres des comptes du prince, comme tous les baillis flamands du comte5.

L’avènement d’une nouvelle dynastie bourguignonne proche du pouvoir royal Valois et s’inspirant en partie des évolutions de l’administration monarchique coïncidait avec une perte de contrôle du pouvoir princier sur la Flandre due à la révolte gantoise qui dura de 1379 à 1385. Aussi les comptes de la gouvernance constituent-ils une source permettant d’étudier la montée en puissance d’un discours comptable sur l’ordre, en particulier la justice, en une époque marquée par une remise en cause du pouvoir princier, elle-même suivie d’une phase de réorganisation qui précède celle du déclin de l’office au cours du XVe siècle6, une source dont l’importance est rehaussée par l’absence de recueil de sentences similaires à ceux exploités pour les périodes plus tardives7.

1. Logique institutionnelle et forme comptable : un rapport fluctuant

1.1. Rendre compte de sa justice à Lille

Le souverain bailli juge, dans son ressort, les cas de souveraineté réservés, impliquant la personne du prince et relevant de sa justice exclusive, en particulier la lèse-majesté, les atteintes contre les officiers ou les établissements sous sauvegarde princière, mais également les cas de ressort ou de préventions, que le prince peut retenir à lui, et qui peuvent toucher tous types de délits et de cas civils8. Au niveau inférieur, la justice est exercée par plusieurs échevinages seigneuriaux, comme celui de

5 Jean-Baptiste SANTAMARIA, La Chambre des comptes de Lille de 1386 à 1419. Essor,

organisation et fonctionnement d’une institution princière, Turnhout, Brepols, 2012, p. 224-228.

6 Isabelle PARESYS, « Soeverein baljuwschap Rijsel-Douai-Orchies », in Walter PREVENIER, Beatrijs AUGUSTYN (ed.), De gewestelijke en lokale overheidsinstellingen in Vlaanderen tot 1795, Bruxelles, Archives générales du Royaume, 1997, p. 505-512.

7 Voir en particulier Alain LOTTIN, Laurence DELSAUT, Sentences criminelles de la gouvernance de Lille : 1585-1635, Arras, Artois Presses Université, 2012.

8 FOUCART, Une institution…, notamment p. 130-170.

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Cysoing9, mais dans les territoires dont le comte est le seigneur, comme à Lille, l’essentiel de la justice est exercé par les échevins comtaux : à Douai, comme à Lille, cet échevinage rend la justice, y compris la haute justice, ce qui est très fréquent en Flandre10. Le prévôt de Lille dans la ville, le bailli de Lille dans le reste de la châtellenie, le bailli de Douai dans la ville et la châtellenie ne sont que des conjureurs, ou semonceurs : ils réunissent et président le tribunal échevinal, exécutent les sentences, mais ne jugent pas11. En outre, à Lille, le châtelain héréditaire dispose de droits de justice, qui ont cependant largement reculé au XIIIe siècle12. À l’échelon supérieur, l’Audience devenue le Conseil de Flandre, qui siège à Lille en 1386-1404, est une cour d’appel pouvant également être saisie des cas de souveraineté et cas réservés, empiétant sur l’autorité du gouverneur13. Enfin, le Parlement du roi à Paris est une cour d’appel légitime et largement utilisée14. Toutes les institutions judiciaires tiennent ainsi leur propre comptabilité15, et le receveur général de Flandre peut encaisser des amendes et dépenser en frais de justice16. Cette multiplicité des sources doit être gardée à l’esprit. En outre, les rares lettres portant des sentences de la gouvernance nous informent d’autres condamnations, en particulier à des bannissements ou pèlerinages17. Enfin, la série est incomplète. Ainsi, lors de cette 9 Il faut rappeler à l’ordre cette cour en 1387. AD Nord, B 6160, septembre 1387-

janvier 1388. 10 Le livre Roisin en atteste à de multiples reprises. Archives Municipales de Lille, AA, 209.

Plus largement : François-Louis GANSHOF, « Les transformations de l’organisation judiciaire dans le comté de Flandre jusqu’à l’avènement de la maison de Bourgogne », in Revue belge de philologie et d’histoire, n° 18, fasc. 1, 1939, p. 43-61.

11 Comme ailleurs en Flandre. Ibid, p. 52. 12 Au profit de l’échevinage et des officiers comtaux. Thomas LEURIDAN, Les châtelains de

Lille, Paris-Lille, Danel, 1873, p. 26-28. 13 Jan BUNTINX, De audientie van de graven van Vlaanderen, Bruxelles, 1949. ID., « De raad

van Vlaanderen (1386-1795) en zijn archief », in Ancien pays et assemblées d’États, n° 1, 1950, p. 4-76.

14 Léonard DAUPHANT, Le royaume des quatre rivières. L’espace politique français (1380-1515), Paris, Champ Vallon, 2012, p. 134-136.

15 Voir le rouleau du compte du bailli de Lille en mai-septembre 1382. AD Nord, B 1068, n° 18425.

16 Certaines recettes d’amendes prononcées à Lille sont ainsi collectées en 1382-1384. AD Nord, B 4072, 4 mai 1382-30 janvier 1384, fol. 16r.

17 Cela affleure ainsi dans une série de lettres de rémission accordées en 1383-1384 à des habitants de Douai condamnés par la gouvernance. AD Nord, B 145, années 1382-1384, n° 18476-18477.

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période de transition, depuis le tout premier compte conservé en 1374 jusqu’en 1390 soit sur 26 ans à raison de trois comptes rendus par an, seuls 17 comptes sur 78 ont été conservés, soit 21 % de la production initiale18.

1.2. Un compte en réforme : évolution matérielle et diplomatique

Comme partout, la création d’une commission des comptes puis d’une chambre des comptes a entraîné le basculement entre rouleaux et registres, d’ailleurs avec un retard certain par rapport à la Flandre flamande, preuve de résistance de ce très haut officier qu’est le gouverneur, lequel est présent au conseil siégeant à Lille, ce qui lui donne autorité sur les gens des comptes !19 Les rouleaux du gouverneur, déjà réguliers dans leurs dimensions20, sont remplacés par des registres dont les dimensions sont longtemps réduites21 avant de s’aligner sur les comptes domaniaux entre 1393 et 139722, accroissant la surface sans que le nombre de folios n’augmente trop, passant de quatre à six. L’augmentation du volume d’information est toutefois nette : 1 500 mots pour le premier rouleau de 1374, 2 230 pour le premier registre en 138723, plus encore par la suite. L’organisation du compte manifeste une certaine vision de l’office, qui évolue : au départ, les amendes jugées sont en tête, suivies des compositions, puis d’autres droits (non présentation, condamnations pour non-respect d’obligation appelés « paines et quins », profits du sceau)24. De l’exercice de la justice à la juridiction gracieuse, l’ordre n’est pas financier mais donne à voir une hiérarchie des missions. À partir de 1384, le chapitre des compositions tend à disparaître, ces parties étant en fait intégrées dans les amendes25 : l’évolution formelle cache un maintien de cette pratique devenue suspecte, ayant entraîné de nombreuses dérives et condamnations de baillis en 139026. Avec les années 1390, les

18 AD Nord, B 1106 et 6158-6168. 19 SANTAMARIA, La Chambre des comptes…, p. 71-73 et 187-188. 20 250-260 mm de largeur, la longueur variant entre 1070 et 1470 mm. 21 170x310 mm, le format oblong d’un calepin. AD Nord, B 6159-6175, mai 1387-janvier

1393. 22 Atteignant ainsi 196x320 mm en 1393, enfin 240x340 mm en 1397, format similaire aux

autres séries. AD Nord, B 6176-6188, janvier 1393-mai 1397. 23 AD Nord, B 6159, mai 1387-septembre 1387. 24 AD Nord, B 6158, janvier 1386-mai 1387. 25 AD Nord, B 1106, mars 1384-septembre 1384, n° 18504. 26 Comme le châtelain de Beveren, condamné en 1390. AD Nord, B 1597, 2e registre aux

chartes de la Chambre des comptes de Lille, 1093-1394, fol. 20-21.

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amendes pour appels indus au Parlement ou au Conseil sont placées juste après les amendes jugées, et les chapitres d’amendes pour port d’armes et monnaies sont introduits27 : cet effort de classification qui accompagne un effort législatif, en particulier sur les circulations monétaires, demeure avant tout formel et ne reflète pas une réelle pratique répressive puisque les chapitres sont souvent vides.

1.3. Analyse quantitative et structure des données judiciaires

L’étude du nombre de mots utilisés pour chaque partie du chapitre des « amendes jugiées » perçues à l’issue d’un procès est éclairante (voir le graphique 1) : d’abord très brèves, les parties connaissent un allongement au début de la révolte gantoise (1379-1385), période de remise en cause et, en retour, d’affirmation idéologique du pouvoir comtal. Puis un accroissement conséquent intervient à l’avènement de Philippe le Hardi en 1384, suivi d’une nouvelle progression bien plus forte après l’installation de la Chambre des comptes en 1386. Certaines parties dépassent les 300 mots, contre 45 dans les premières années au mieux (graphique 2). Ces basculements n’ont pas toujours été opérés lors d’un changement d’officier. Le même gouverneur, Gérard de Rassenghien, seigneur de Baasrode en Flandre, est titulaire de 1382 à 1390.

27 Surtout à partir de 1397. AD Nord, B 6187, septembre 1386-janvier 1387.

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Figure 1 : Évolution de la longueur moyenne du texte des parties au chapitre des amendes

La structure interne des parties a également évolué : en 1375, l’amende se note ainsi : « Henri Desme, Hame le Cestare et Jake de Five bastart, pour avoir batu et navré et pour le piet Hanekin de Faches condampnéz a XXX lb parisis ». On mentionne les noms des coupables, rarement leur qualité, un motif vague de condamnation, le nom de la victime, la mention de condamnation, le montant. Le changement est net après 1384 et surtout 1386 ; en 1388-1389 le scribe note :

De Gerard d’Estries, Mahieu Mote et Pierre du Quesnoit, qui estoient poursuis par ledit procureur pour avoir alé a le maison Jake Lefevre dit Lankais avec messire Perceval de Hallewin sachans ou poans savoir que ledit messire Percevauls voloit efforchier et efforcha Jaquette fille dudit Jake, sans celi il apparuist que li fussent confortant ou inchitant a ledite forche, pour ce condempné cascun en

XII lb sont XXXVI lb28.

28 AD Nord, B 6163.

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Figure 2 : Évolution de l’écart dans le nombre de mots par partie au chapitre des amendes

L’introduction des poursuites du procureur modifie la structure, qui rappelle désormais les lettres de jugement du Conseil ou de la gouvernance29, à la différence près que la vision comptable est univoque : la parole de la défense n’est pas mentionnée, tandis qu’elle l’est dans les sentences portant un jugement au nom du prince. Surtout, nous y reviendrons, ce sont les détails accumulés qui alourdissent les parties, circonstances du délit, procédures, etc., et le souci des détails financiers, donnant lieu à de véritables morceaux de bravoure pour les cas où la dimension souveraine et le caractère singulier du cas conduisent à un effort de narration détaillé. Prenons l’exemple plus tardif d’un cas d’injure faite à la personne du prince, dont l’auteure fut condamnée à 12 livres d’amendes, et emprisonnée quelque temps, évitant cependant la qualification du délit en crime de lèse-majesté :

De Bauduine Contry, laquelle eus esté prinse et amenée es prisons de mondit seigneur a Lille, pour tant que elle estoit renommé de a le personne de Robert

29 Avec mention des poursuites, de la réponse de la défense, du jugement et de la peine.

Ainsi en 1390 pour Clais Vijd jugé par le conseil. AD Nord, B 1597, fol. 20-21. Pour la gouvernance, voir la sentence du 18 juin 1411 sur la possession de la seigneurie du Quesnoy-sur-Deûle, dont la structure est strictement identique. AD Nord, B 1601, 5e registre aux chartes de la Chambre des comptes, 1413-1417, fol. 7 r.

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Hiequine, sergent dudit souverain bailliage avoir dit, aprez ce que ledit sergent ly ot monstré le seel de mon dit seigneur pour a elle donner congnissance que il fust sergant, pour aucuns messus que ycelle avoit fait dont ledit sergent la voloit reprendre, et pour en attraire audit gouverneur la congnissance, que le dit seelle elle cognisceroit aprez ce que elle avoit sa merde faite sur ycelle. Duquel meffait, apprez ce que ycelle Bauduine en ot esté accusée en jugement par le procureur de mon dit seigneur, elle se submist a prendre droit a l’ordonnance dudit gouverneur, pour ce condempnee veu sa faculté en la somme de

XII lb30.

L’extraordinaire réponse scatologique assimilant l’image du prince et son sceau à un étron, figure assez classique d’offense31, donne lieu, malgré le montant médiocre de l’amende de 12 livres, à un récit circonstancié qui aurait été impensable dans les premiers comptes conservés. La mise en valeur du fait, pour son énormité, mais aussi peut-être le plaisir narratif du clerc, était désormais un des éléments de la rédaction du compte, sans forcément de proportion avec l’importance financière des opérations.

1.4. La comptabilité des peines : savoirs mathématiques mobilisés et résultats financiers

Comparées à d’autres comptes comme la recette générale de Flandre, impliquant des milliers d’opérations, des règles de proportions, et le recours à des tables de division et de multiplication32, les dizaines d’additions du gouverneur ne requièrent pas une grande expertise en fait de compte, bien moins qu’une compétence juridique. Tout laisse à penser que le compte était tenu par un clerc de la gouvernance, lequel était en charge de tenir la liste des exploits33. Mais leur dimension financière n’est pas à négliger et est à

30 Compte du gouverneur du souverain-bailliage, 16 septembre 1398 au 13 janvier 1399. AD

Nord, B 6193. 31 Jacqueline HOAREAU-DODINAU, Dieu et le roi : la répression du blasphème et de l’injure

au roi à la fin du Moyen Âge, Limoges, Pulim, 2002 ; Jean-Claude SCHMITT, « Les images de l’invective », in Michel GARCIA et Éric BEAUMATIN (ed.), Atalaya, 5. L’Invective au Moyen Âge : Espagne, France, Italie, 2004, p. 12-20.

32 Jean-Baptiste SANTAMARIA, « Savoirs, techniques et pratiques comptables à la Chambre des comptes de Lille, fin XIVe-début XVe siècle », in Comptabilités [en ligne], à paraître.

33 Une note des gens des comptes en 1397 désigne Jacques de Lanstais, clerc de la gouvernance, pour envoyer une déclaration des amendes non perçues prononcées durant le temps de son office. AD Nord, B 6187, septembre 1396-janvier 1397. Notons que les qualités de scribe ou de juriste semblent l’emporter : Jacques devient conseiller sur les questions judiciaires à Lille. Sa présence est attestée en 1419 dans un procès. AD Nord, B 10, registre aux mémoires de la Chambre, 1411-1420, fol. 28 r. Quant à un autre clerc plus connu, Germain Picavet, il est connu pour avoir travaillé sur des manuscrits pour

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mettre en parallèle avec les évolutions constatées. Les recettes sont élevées jusque 1379, puis s’effondrent (figure 3)34. Or le creux financier dû à une phase de désorganisation, surtout en 1384-1385, correspond au moment où se développe le discours sur la justice, par compensation et pour justifier d’une bonne gestion. À partir de 1387, dans le sillage de la réorganisation domaniale impulsée par la Chambre, la restauration des revenus est spectaculaire. Les amendes remontent. Mais ce rattrapage n’est qu’un feu de paille suivi d’un nouvel effondrement. La décrue continue jusqu’à la fin du siècle, conduisant à faire remonter le constat de déclin en amont du XVe siècle. Le lien avec la montée en puissance de la Chambre du conseil de Flandre à Lille, qui s’intéresse à des cas proches en matière de « souveraineté », semble assez net. Au total, les recettes globales suivent la tendance des recettes d’amendes (figure 4), dont la baisse est à peine compensée par les revenus qui ne sont pas concurrencés, et qui se maintiennent : la perception des « quints » et deniers, perçus sur l’exécution de lettres d’obligations, ou les profits du sceau, sur lesquels la Chambre attend et obtient des résultats35. La logique de profit s’affirme aussi dans le discours : les dépenses dues aux frais de justice sont le plus souvent justifiées par l’idée d’un retour sur investissement : ainsi les frais dus à un procès contre Lambert Rame précisent, sans que cela soit nécessaire, qu’il fut « condampnéz (sic) en IIC L livres », justifiant amplement les 10 livres 10 sous engagés pour les frais de poursuite36. À l’inverse, nous le verrons, des données financièrement non pertinentes peuvent tendre à disparaître…

Philippe le Bon : Pascal SCHANDEL, « De l’ombre à la lumière. Germain Picavet, bourgeois de Lille, clerc de la gouvernance, scribe occasionnel de Philippe le Bon (1454) », in Revue du Nord, n° 80, 1998, p. 65-89. Il ne faut pas opposer les deux compétences comptables et rédactionnelles. Bien des experts comptables étaient qualifiés de secrétaires, jusque dans la Chambre. SANTAMARIA, La Chambre…, p. 160.

34 Nous avons écarté de cet histogramme l’année 1374-1375 marquée par un profit record dû à une amende très lourde sur la ville de Lille. Cette amende ne fait qu’amplifier le contraste entre la situation sous Louis de Male et sous Philippe le Hardi.

35 À plusieurs reprises, les arriérés de quints et peines sont exigés, et de mieux en mieux collectés. Voir ainsi en 1396. AD Nord, B 6187, septembre 1396-janvier 1397.

36 AD Nord, B 6160, septembre 1387-janvier 1388.

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Figure 3 : Recettes de la gouvernance ramenées en livres parisis de Flandre d’avant 1390 hors 1374-1375

Figure 4 : Recettes cumulées d’amendes et compositions en livres parisis de Flandre (ramenées en livres d’avant 1390)

2. Rendre compte des deniers du prince ou de l’exercice de la justice ? Le discours judiciaire à l’épreuve du genre comptable

Tout compte exprime une vision, celle que l’officier entend donner aux contrôleurs qui représentent l’autorité princière et jugent son action : elle est l’occasion d’exprimer des valeurs partagées dans le monde des officiers

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princiers37. Or dans le cas qui nous occupe, on observe que l’image de la délinquance, la mise en scène de la justice, des pouvoirs, subissent des évolutions sensibles dans la description des amendes jugées, témoignant d’inflexions au sein de l’administration avec l’avènement des ducs Valois de Bourgogne en Flandre.

2.1. Nommer les crimes et délits

Loin de se limiter aux délits mineurs, les cas frappés d’amende vont du vol de bois38 jusqu’au viol en bande organisée39 et à l’assaut public ou à la rébellion ouverte40. Ils sont, avec les noms des coupables et l’amende, la seule information systématique permettant l’identification avec les condamnations dans des listes certainement dressées par l’un des clercs de la gouvernance. Classiquement, les faits l’emportent sur la catégorisation. Les amendes sont infligées « pour avoir navré », « pour avoir occis »41. Ce sont les gestes et le récit qui comptent, avec parfois des narrations, pour décrire et identifier les cas complexes (crapuleux), ainsi en 1379 :

[…] le femme Jaquemart le Fevre dit le Carlier avoit porté un II ou III pieres precieuses a le femme dudit Robert pour faire monstrer a auchune personne pour savoir qu’elles pooiient valoir, lesquelles pieres ledit Robert et se femme detinrent par devers eulx sans ce qui les monstrassent a auchune personne et ne les voloiient nient rendre ains disoiient qu’elles estoiient perdues42 .

Cependant, la classification n’est pas inexistante, quoiqu’incidente : la notion de « cas de criesme » est attestée dans les premiers comptes43 et reste cohérente par la suite, utilisée pour des blessures, assauts, rupture de trêve (quarantaine), meurtres, au chapitre des amendes prononcées pour défauts : les cas de crimes mentionnés pour ces amendes frappant les défaillants au cours d’un procès sont d’ailleurs bien plus nombreux que les amendes 37 Jean-Baptiste SANTAMARIA, « Une vision comptable du politique ? Les révoltes dans les

comptes des receveurs généraux de Flandre et de toutes les finances entre 1379 et 1492 », in Ce que compter veut dire. Le discours comptable du XIIIe au XVe siècle (principautés, monarchies et villes occidentales). Journée d’étude du programme GEMMA. Étape 3 (Grenoble, 18 décembre 2012), à paraître.

38 Pour « copper et abaitre plusieurs arbres fruis portans » en mai-septembre 1387. AD Nord, B 6159, mai 1387-septembre 1387.

39 « Confortans et aidans avec autres a messire Perceval de Hallewin a avoir violé et efforché Jaquette, fille de Jake le Fevre » en 1389. AD Nord, B 6164, janvier 1389-mai 1389.

40 Assaut et attaque en réunion du bailli de Lille (qui est blessé) en mai-septembre 1387. AD Nord, B 6159, mai 1387-septembre 1387.

41 AD Nord, B 6159, mai 1387-septembre 1387 (introd.dates), 6161, janvier 1388-mai 1388. 42 AD Nord, B 6158 (introd. dates), n° 148512, avril 1379-septembre 1379. 43 En 1375-1376. AD Nord, B 6158, n° 148505 et 148506, septembre 1375-mai 1376.

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payées à l’issue de la sentence prononcée dans les cas de crimes. Ces amendes pour défaut font donc apparaître une activité judiciaire plus large en matière criminelle que ne le montre le chapitre des amendes jugées : ces dernières n’évoquent qu’une petite partie des procès en matière criminelle, sans doute en raison du fait qu’elles n’entraînent pas toujours de peines pécuniaires44.

La notion de délits et méfaits affleure surtout à partir de 138445, utilisée ensuite pour des cas de rupture de ban, réunion de bannis, assauts, etc.46. Au total, sur 191 amendes et compositions, seules 7 sont classées, selon un effort apparu en 1379 et revenant à partir de 1384. « Méfait » est la plus fréquente classification, pour une escroquerie47 ou un charivari trop brutal48, voire la libération d’un prisonnier49. La notion de fraude et déception est employée pour des escroqueries, et en un cas d’abus d’autorité judiciaire50. Le « fait » est plus rare encore, mais recouvre généralement des actes plus graves51. Par rapport au vocabulaire de Saint-Quentin, la hiérarchie entre méfait plus grave et forfait plus anodin est moins nette52 : la délivrance d’un prisonnier est qualifiée de méfait taxé à 24 livres (somme fixe pour ce délit)53 ; un assaut en bande organisé contre un bailli est un forfait taxé 207 livres54. Les actes qualifiés sont bien plus taxés que la moyenne : 86 livres, soit plus d’un an et demi de salaire d’un manœuvre travaillant 300 jours ou d’un bailli de Courtrai55 contre 32 livres par personne, en moyenne, pour les amendes. Enfin, la distinction entre civil et criminel se précise également :

44 AD Nord, B 6159-6168, mai 1387-septembre 1390. 45 Première occurrence de l’expression « delis et mefais » pour un assaut mené par des

bannis en 1384. AD Nord, B 1106 (introd.dates), n° 18555, septembre 1384-janvier 1385. On trouve cependant un « meffait » en 1379 ; c’est la seule catégorisation sous Louis de Male, et elle est « tardive ». AD Nord, B 6158, n° 148512, avril 1379-septembre 1379.

46 AD Nord, B 6159-6161 en particulier (mai 1387-janvier 1388). 47 AD Nord, B 6159, mai 1387-septembre 1387. 48 En 1387, les auteurs d’un charivari sont ainsi dits « méfaisants », ayant blessé les époux.

AD Nord, B 6159. 49 AD Nord, B 1106, n° 18555, septembre 1384-janvier 1385. 50 De la part des échevins de Sin. AD Nord, B 6160, septembre 1387-janvier 1388. 51 Un cas d’assaut avec mutilation de la victime en 1387. AD Nord, B 6159. 52 Sébastien HAMEL, La justice dans une ville du Nord du Royaume de France au Moyen

Âge. Étude sur la pratique judiciaire à Saint-Quentin (fin XIe-début XVe siècle), Turnhout, Brepols, 2012, p. 249-250.

53 En septembre 1384-janvier 1385. AD Nord, B 1106, n° 18555. 54 AD Nord, B 6159, mai 1387-septembre 1387. 55 Un manœuvre lillois perçoit 42 deniers par jour en 1391, soit 52 livres sur 300 jours. AD

Nord, B 4326. Sur le salaire assez médiocre d’un bailli de Courtrai, Jan DUMOLYN, Staatsvorming and vorstelijke ambtenaren in het graafschap Vlaanderen (1419-1477), Anvers-Apeldoornn, Garant, 2003, p. 74.

LA COMPTABILITÉ D’UN OFFICIER DE JUSTICE À LILLE

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les poursuites civiles et criminelles sont séparées à partir de 1389, la rémission d’un criminel n’empêchant pas les poursuites au civil. Ainsi de Jaquemart de la Vaquerie, bénéficiaire d’une lettre de rémission pour meurtre, mais « dont le civil estoit reservé a poursievyr par ledit procureur »56, et qui fut effectivement condamné séparément au civil. Il s’agit là d’une pratique intéressante pour le trésor qui peut ainsi percevoir des amendes même pour des cas de rémission. Pour autant, cette précision ne faisait qu’enregistrer, avec bien du retard, les pratiques judiciaires, qui faisaient déjà cette distinction sous Louis de Male57.

2.2. Répartition selon les catégories modernes

Les atteintes à l’ordre public

Avec 75 cas sur 123 amendes jugées, les atteintes à l’ordre public sont majoritaires, et qualifiées précisément dès 1374 ; ce sont les cas les plus détaillés, incarnant parfaitement l’autorité du gouverneur. La catégorie la mieux définie correspond aux injures portées contre des officiers, collecteurs, bailli, mais aussi et surtout contre les sergents du souverain bailli, des baillis locaux, ou des échevins58 qui, comme le prince, incarnent l’autorité publique et judiciaire. La distinction est généralement claire entre injure verbale et gestes injurieux : ainsi d’une condamnation pour « avoir dit et fait plusieurs injures a Jake Cuvillon, sergent »59. Les coups et assauts contre des officiers en exercice sont précisés également60. L’autorité publique enregistre aussi les appels indus, les entraves à la justice ou non exécutions de décisions de justice : refus de voyage pénitentiel61, obstruction à un appel porté devant la gouvernance62, les assemblées en armes et leur convocation par cri (« avoir fet cry, hu et rassemblement »)63, les atteintes à d’autres juridictions64, le délit de « port d’armes » qui désigne en fait de 56 Janvier-mai 1388. AD Nord, B 6161. Cette distinction est ensuite récurrente dans les

années 1390. 57 Une rémission de 1383 distingue ainsi peines criminelle, corporelle et civile. AD Nord,

B 1549, n° 11212. 58 Ainsi en septembre 1388-janvier 1389 avec plusieurs cas. AD Nord, B 6163,

septembre 1388-janvier 1389. 59 AD Nord, B 1106, n° 18555, septembre 1384-janvier 1385. 60 AD Nord, B 6159, mai 1387-septembre 1387. 61 24 livres d’amendes en 1375. AD Nord, B 6158, n° 148505, septembre 1375-janvier 1376. 62 De la part de la cour échevinale de Cysoing en 1388. AD Nord, B 6163, septembre 1388-

janvier 1389. 63 En 1388-1389. AD Nord, B 6163, septembre 1388-janvier 1389. 64 Y compris les échevinages locaux de la part d’autres échevins : ainsi de ceux de Sin contre

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véritables rassemblements armés voire des chevauchées65, les abus de pouvoirs d’officiers ducaux ou seigneuriaux66, et beaucoup d’évasions ou de fuites, d’attaques contre des églises « en le protection et salve garde de nostre dit seigneur »67. Les atteintes symboliques au prince donnent lieu, nous l’avons vu, à de longs développements circonstanciés permettant de montrer qu’on a bien rétabli l’intégrité des droits et de l’honneur du prince, ce qui est aussi le cas des atteintes à ses droits domaniaux68. Reste que la catégorie des « rebellions et excès » montre qu’il n’y a rien de systématique dans la mise en avant du pouvoir princier : les mots peuvent désigner des atteintes contre des officiers du prince69, mais aussi d’autres seigneurs, notamment ecclésiastiques70. Enfin, la dimension mémorielle est limitée dans les cas les plus politiques, qui ne sont pas toujours développés : c’est le cas de l’exécution d’un chevalier au service du roi et du duc, Olivier d’Auterive, connu par une illustration de la chronique de Jean Froissart pour avoir vengé son cousin Roger d’Auterive, bailli tué par les Gantois en septembre 137971. Olivier s’en prit alors à 40 bateliers gantois, et avec ses complices « les decoppèrent trop villainement et crevèrent les ieux, et les renvoièrent ensi à Gaind afollés et mehaigniés »72. L’affaire fut attribuée au comte et mit fin aux tentatives de trêves de 1380 où Philippe le Hardi s’était investi. Sans intérêt financier, et politiquement délicate, l’exécution du coupable qui marquait pourtant la rigueur du comte à tenir ses troupes, et que ne signale pas Froissart, fut renseignée dans le compte sommairement : « Item pour les frais de le justice faite de Olivier d’Auterive liquel eubt le tieste coppee le IIIIe jour d’août [1382] pour ses demeritez, LX s »73.

les Douaisiens en septembre 1387-janvier 1388. AD Nord, B 6160.

65 En 1379. AD Nord, B 6158, n° 148512, avril 1379-septembre 1379. 66 De la part du bailli de la dame d’Audenem en 1378. AD Nord, B 6158, n° 148511, mai

1378-septembre 1378. 67 En l’occurrence Saint-Piat de Seclin. AD Nord, B 6165, mai 1389-septembre 1389. 68 Ainsi en 1384 lors de la condamnation d’un resquilleur au tonlieu à Lille, il est

explicitement précisé au compte que les clercs ne peuvent s’en exempter au titre de la bourgeoisie de Lille. AD Nord, B 1106, n° 18555.2, septembre 1384-janvier 1385.

69 Ainsi d’un sergent à Flines en 1398-1399. AD Nord, B 6193, septembre 1398-janvier 1399.

70 Une atteinte au bailli des religieux de Saint-Pierre d’Hasnon à Ferrières en 1388 est qualifiée de « desobeissances, rebellions ». AD Nord, B 6161, janvier 1388-mai 1388.

71 Il est représenté sur un manuscrit de Jean Froissart. Bibliothèque Nationale de France (BN), Français n° 2843, fol. 85 r.

72 Jean Froissart, Chroniques, éd. par G. RAYNAUD, t. 9, 1897, p. 177 et 219-220. 73 AD Nord, B 6158, n° 148512, avril 1379-septembre 1379.

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Les atteintes aux personnes

Deuxième catégorie surreprésentée, avec 55 procès sur 123, ces atteintes sont bien plus stéréotypées, avec surtout des coups et blessures « avoir batu et navré », « avoir villené et blechiet » (25 cas), précisant leurs effets comme des circonstances aggravantes « navré et mis en peril de mort »74, « liquel bras fut brisié »75, sans guère d’évolution. On signalera également six cas d’assaut et de poursuite. Les meurtres sont encore moins diversifiés : « la mort Untel », « l’occision de », etc. D’ailleurs, on ne rencontre que quatre mentions, dont deux rémissions, et deux complicités. Les viols sont notés par les expressions « avoir violé et efforchié » ou « voloit efforchier et efforcha »76, sans plus d’informations, avec d’ailleurs uniquement trois cas de complicité ; à l’inverse les « injures » sont abondantes (17 cas). Ces dénominations sommaires ont visiblement pour but, corrélées aux noms des coupables, d’identifier les peines par rapport à des documents justificatifs, plus que de tenir un grand discours. Par ailleurs, pour un officier jugeant de cas de souveraineté, les délits mineurs sont surreprésentés, ce qui se retrouve pour les atteintes aux biens avec surtout des vols de bois et de poules. Peu de meurtres, pas de violeur directement impliqué : c’est là un biais statistique qui pourrait s’expliquer par le fait que ces actes graves étaient punis plus lourdement que par une simple amende, et n’entraînaient pas de rentrée dans le compte, sans que pour autant les dépenses de justice, souvent réduites à la portion congrue, n’en fassent plus précisément mention.

2.3. Le développement des circonstances

Les descriptions des circonstances des faits, très rares en 1374, sont de plus en plus nombreuses à partir de 1379, touchant la totalité des parties en 1387. Les circonstances judiciaires sont les plus précocement établies : les assauts qui sont menés durant la quarantaine, mesure judiciaire protégeant les parties en procès, sont précisés en 1379, comme la qualité d’officier en exercice pour les victimes77. À partir de 1379, et surtout 1384, les détails émergent sur les armes utilisées, notamment armes de guerres (glaives, c’est-à-dire des lances78), la formation de « conroys », la présence de complices79. Les

74 Ibid. 75 Ibid. 76 AD Nord, B 6164, janvier 1389-mai 1389. 77 AD Nord, B 6158, n° 148512, avril 1379-septembre 1379. 78 Ibid. 79 En 1387. AD Nord, B 1106, n° 19203, janvier 1387-mai 1387.

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conséquences physiques des attaques sont de plus en plus précisées, la « simple navrure80 » entraînant des amendes légères. La mention des facultés financières du coupable devient plus fréquente, justifiant l’amende81, mais très rares sont les précisions sur la renommée du coupable82. Ce sont les motivations qui occupent le comptable. Parmi elles, le fait de mettre en cause la fiscalité est récurrent et condamnable83, la vengeance plus ambigüe84 ; le pire semble être d’agir par pure mauvaise intention « de sa voulenté », ou « sans cause »85. Pour un complice, le fait de ne pas avoir incité le coupable est fréquemment noté.

Les autres éléments introduits concernant les circonstances sont, en particulier, le moment, avec évidemment la nuit comme circonstance aggravante (sept reprises) ; les noces pour une attaque sur des époux86 ; mais aussi le contexte géopolitique, en particulier les guerres et les vols lors du passage des « gens d’armes qui furent ou pays lorsque le roy passa en intencion d’aller en Engleterre »87. Enfin, la question des lieux montre un intérêt renforcé pour rappeler l’emprise sur le territoire. Ainsi, 32 lieux sont indiqués, dont 26 précis, pour 123 parties : ils font ressortir la châtellenie de Lille, très peu la ville elle-même, mais plutôt différents villages du domaine du prince (Annoeulin) ou soumis à des seigneurs laïcs (Cysoing, Roubaix) et ecclésiastiques (Marquette), témoignant d’une activité « souveraine » au-dessus du domaine. La volonté d’ancrer les droits du prince sur son territoire est patente par la diversité des lieux et les précisions sur des territoires limites, l’importance des chemins entre grandes villes88, des places frontières notamment avec le Hainaut (Flines) d’où viennent des criminels89. Signalons la part des enclaves : ainsi de la terre d’« Escanafles oultre l’Escaut », une des rares précisions du compte de mai-septembre 1387 qui désigne précisément une enclave relevant de la châtellenie de Lille au sein de la

80 AD Nord, B 6163, septembre 1388-janvier 1389. 81 « Consideré sa poureté ». AD Nord, B 6162, mai 1388-septembre 1388. 82 Ibid. La bonne renommée du coupable est opposée à celle de la victime, « legiere

femme ». 83 AD Nord, B 6165, mai 1389-septembre 1389. 84 C’est en tout cas un motif avancé par le coupable lui-même pour se justifier. Ainsi en

septembre 1384-janvier 1385 pour un homme qui, injurié, fait appel à des bannis « sous ombre de lui vengier ». AD Nord, B 1106, n° 18555, septembre 1385-janvier 1386.

85 Ibid. 86 AD Nord, B 61. 87 En 1387. AD Nord, B 6159, mai 1387-septembre 1387. 88 Celui de Lille à Ypres en 1384-1385. AD Nord, B 1106, n° 18555, septembre 1385-

janvier 1386. 89 Attaque « sur les sugés de nostre dit seigneur ». AD Nord, B 6165, mai 1389-

septembre 1389.

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châtellenie d’Ath, où fut menée une violente opération pour récupérer un coupable90. Dans le même état d’esprit, les mentions systématiques relatives aux atteintes aux églises en la sauvegarde du prince rappellent le droit ducal en la matière en qualité de comte de Flandre (« en le protection et salve garde de nostre dit seigneur ») : c’est le cas de Saint-Piat de Seclin. De manière plus précise, sont évoqués les bâtiments et en particulier les maisons, lors d’assauts, notamment l’atteinte aux portes et fenêtres91. Bien entendu, le fait qu’il s’agisse de la demeure d’un homme exerçant l’autorité (comme « l’ostel du prevost de l’eglise de Seclin ») est signalé92.

2.4. Le cours de la justice

C’est sur ce point que les évolutions vers davantage de lisibilité sont les plus fortes. Première étape, la poursuite d’office par le procureur comtal. La mention devient systématique à partir de 1384, guère avant. Elle concerne 100 % des cas en 1387. Le procureur devient ainsi le personnage le plus présent. Il « poursuit » ou « impose », ce qui entraîne condamnation93. Le fait que des parties puissent s’associer est rarement indiqué : il faut dire que les amendes sont encaissées en raison des poursuites du procureur, mais on voit que des paiements aux demandeurs, sont incidemment mentionnés94. La suite de la procédure est de plus en plus évoquée, surtout les débats : les parties se mettent à « soustenir et verifier plusieurs paroles »95, tandis que les aveux sont rarissimes (un exemple de confession)96. Rappelons qu’il s’agit de délits entraînant amendes. Le jugement fait l’objet de précisions non anodines. Le gouverneur rappelle souvent qu’il n’est pas simple conjureur mais juge : « Item Symon Loiseleur pour avoir alét contre un jugement rendu en le salle par ledit messire le gouverneur condempné a »97. Il peut faire préciser qu’il tient ses assises, et ce « au siege de la gouvernance »98, siège auquel sont attachés avocats et procureurs, puis à partir de 1388 des « plaids ordinaires »99. Les jugements se voient également qualifiés de « sentence ou

90 En 1387. AD Nord, B 6159, mai 1387-septembre 1387. 91 Et ce déjà en 1378. AD Nord, B 6158, n° 184512, avril 1379-septembre 1379. 92 AD Nord, B 6166, septembre 1389-janvier 1390. 93 AD Nord, B 6159, mai 1387-septembre 1387. 94 AD Nord, B 6160, septembre 1387-janvier 1388. 95 AD Nord, B 6163, septembre 1388-janvier 1389. 96 Un revendeur de biens pillés est condamné « sur sa confession ». AD Nord, B 6163. 97 AD Nord, B 6158, n° 148512, avril 1379-septembre 1379. 98 AD Nord, B 6159, mai 1387-septembre 1387. 99 AD Nord, B 6163, septembre 1388-janvier 1389.

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ordenance » à partir de 1388100, enrichissant le vocabulaire, tandis que commencent à émerger des « conseils » à partir de 1387 autour du gouverneur101. La source devient ainsi de plus en plus utile pour saisir la procédure.

Reste que la confrontation des comptes avec les sentences ou d’autres sources judiciaires révèle une simplification outrancière, oubliant d’autres instances intervenant à plusieurs étapes de la procédure102. Ce qu’enregistre le compte, ce sont les victoires sur l’intervention d’autres pouvoirs concurrents103, et surtout les modalités de règlement des amendes qui surgissent, dans une préoccupation de défense du domaine. Enfin, le contenu des peines est très biaisé. Sans incidence sur l’économie de la preuve comptable, les éléments non financiers sont rares. Emergent ainsi quelques mentions d’amendes honorables, dont les pèlerinages expiatoires. Alors que les comptes de 1374-1375 mentionnent encore systématiquement les condamnations à pèlerinage, qui sont ainsi « listées »104, bien qu’elles soient sans incidences financières, ce n’est plus du tout le cas après la révolte gantoise. La rare mention d’une « amende honorable », d’ailleurs sans précision, concerne néanmoins une atteinte à l’ordre public avec cas de rébellion105, ce qui est intéressant car on voit alors la justice des ducs fonctionner de la même manière que la justice royale, qui utilise cette sanction dans les cas d’atteinte à l’autorité du roi106. Les cas de prison sont également rares, mais montrent qu’on peut bien être condamné au XIVe siècle « avoec penance de prison », même par une justice laïque107. Les confiscations ne sont pas évoquées, car elles relèvent des officiers

100 Ibid. 101 AD Nord, B 6159, mai 1387-septembre 1387. 102 L’amende de 9 000 livres perçue par le gouverneur sur les échevins lillois en 1374 pour le

bannissement d’un de ses sergents est présentée comme un jugement simple. Or l’affaire donna lieu à de multiples procédures, dont une médiation du conseil et du comte, sollicitée par la ville, médiation à l’issue de laquelle la ville accepta par avance le jugement (en une forme de composition) : le procès fut alors renvoyé par le comte devant le gouverneur. AD Nord, B 1066, n° 10603, 10 avril 1374.

103 En particulier les villes, l’évêque de Tournai, et les cours supérieures sous la forme de renonciations au droit d’appel devant le Parlement. AD Nord, B 6160-6163, septembre 1387-janvier 1389.

104 Une injure à un sergent en 1374 entraîne une condamnation au pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle. AD Nord, B 6158, n° 148506, septembre 1374-janvier 1375.

105 Suite à une révolte contre un sergent comtal à Flines en 1398. AD Nord, B 6193, septembre 1398-janvier 1399.

106 Pour la royauté : Claude GAUVARD, Violence et ordre public au Moyen Âge, Paris, Picard, 2005, p. 174.

107 Mars-septembre 1384. AD Nord, B 1106, n° 18504, mars 1384-septembre 1384. Trois cas apparaissent sur 123 amendes, généralement pour une quinzaine de jours.

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domaniaux. La catégorie dominante est celle de peines physiques mais elle est peu renseignée : en 1374 on ne donne pas de nom, en 1378 on nomme le pendu, mais pas son crime108. À partir de 1382 on atteint le maximum de détail : on note le nom, le mode d’exécution, la date, et une vague cause : les desmerites. On note alors un détail relatif à la conservation du domaine : ainsi à Douai a-t-on dû acheter du bois pour la « justice de monseigneur » car elle était « keue et le bois pourri »109, et faire venir le bourreau. Faute d’intérêt mémoriel ou financier, le reste est oublié. En cela, le fait que le « pendeur de Lille » ait été un office tenu en fief110, et demeure sous l’autorité du châtelain111, ne contribue guère à éclairer la nature de son action.

3. Conclusion

L’essor discursif des comptes en matière judiciaire correspond à une double conjoncture : le changement dynastique, précédant d’ailleurs les réformes institutionnelles, et une chute des recettes dans un contexte de guerre civile. La compensation discursive a pu servir à justifier un compte sur la défensive, mettant en avant une bonne défense des droits et de la souveraineté du prince. Il y a donc bien deux enjeux dans cette évolution : donner une image de bon comptable et de bon justicier. Par certains aspects, la dimension comptable peut sembler la plus forte, et on pourrait croire à une tension entre les deux logiques : rendre bonne justice et remplir les caisses. L’augmentation du volume des comptes entraîne, ainsi, un tri de l’information, en négligeant certains aspects non financiers. Le compte met en valeur des principes de gestion au moins autant qu’un discours sur la défense du pouvoir princier. On ne peut cependant nier la diversification du discours judiciaire, l’apparition de catégories plus précises, quoique pas toujours identiques à celles d’autres tribunaux, en un effort de mise en forme pas forcément couronné de succès financier. En cela on peut voir une évolution parallèle à celle du Châtelet de Paris dans les mêmes années112. On

108 AD Nord, B 6158, n° 148511, mai 1378-septembre 1378. 109 AD Nord, B 1106, n° 18504, mars 1384-septembre 1384. 110 Une rente était versée sur la recette domaniale de Lille. AD Nord, B 4325, juin 1384-

juin 1385. 111 LEURIDAN, Les châtelains…, p. 73. 112 Précisément, la rédaction du registre criminel de 1389-1392 est exactement contemporaine

des évolutions décrites plus haut. Claude GAUVARD, « Les sources judiciaires de la fin du Moyen Âge peuvent-elles permettre une approche statistique du crime ? », in Philippe CONTAMINE, Thierry DUTOUR, Bertrand SCHNERB (ed.), Commerce, finance et société (XIe-XVIe siècles), Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 1993, p. 469-488.

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178

soulignera la mise en avant de l’autorité géographique, la protection des communautés ecclésiastiques ; la précision sur la nature du pouvoir et la procédure judiciaire, témoignant de la rigueur dans l’exercice de l’office. Les motivations financières n’en sont pas absentes, la Chambre des comptes est particulièrement attentive à une argumentation servant à légitimer financièrement les recettes et les dépenses, vis-à-vis d’une conception de plus en plus domaniale de la justice, délaissant certains points comme les pèlerinages, et peu sensible à la mise en scène. Mais le contrôle n’est pas uniquement financier : il ne faut pas forcément séparer si nettement les deux principes, justice et finances étant deux expressions de la « seigneurie de monseigneur ». Défendre le domaine ce n’est pas que défendre des revenus, c’est défendre une autorité. Or la Chambre exerce aussi un droit de regard sur l’exercice de la justice, ayant autorité dans les plaintes des baillis, où les sujets viennent contester les décisions. Elle rédigeait de véritables feuilles de notation des baillis, qui servaient à leur promotion113.

Au total, l’effort amorcé a également bénéficié du contexte institutionnel, notamment d’une proximité des cultures administratives et du personnel entre Chambre des comptes, chambre du conseil et gouvernance. Dans ce vocabulaire de plus en plus précis, on perçoit la présence d’une culture judiciaire relativement étendue de la part du clerc qui a rédigé le document comptable. Aussi, le compte est bel et bien devenu un instrument de mémoire du domaine, et du domaine invisible que constitue la justice ; mais cette proximité constituait aussi une contrainte et une concurrence pour l’office de la gouvernance, qui rendait difficile le maintien de son niveau de recette ; il serait cependant injuste d’attribuer cette baisse à une décadence ou un relâchement de son activité.

113 SANTAMARIA, La Chambre des comptes…, p. 326-329.

Table des matières

Table of Contents

Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

Welcoming Speech. The Belgian State Archives and the historical research: Current state and prospects . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

Karel Velle

Les archives des Chambres des comptes aux Archives générales du Royaume . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

Lieve De Mecheleer

D’une éthique des marchands à un droit comptable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 Gérard Minaud

Comptabilité provinciale, écriture du crime et modèles de disciplinement dans les Terres de l’Église (XIIIe-XVe siècles) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

Armand Jamme

Les engrenages cachés. Comptabilités « d’usage » pour l’histoire de l’officium inquisitionis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81

Luca Fois

Punir et composer. La justice artésienne sous le règne de la comtesse Mahaut (1302-1329) à travers les comptes de bailliages . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95

Christelle Balouzat-Loubet

Justice et police dans le Barrois (1320-1420). Les structures administratives à partir des sources comptables de prévôtés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113

Mathias Bouyer

Instruments de « politique criminelle », témoins de la justice ou reflets des désordres ? L’exemple des comptes du maire de Nivelles en Brabant (1378-1550) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131

Xavier Rousseaux

MONUMENTS OU DOCUMENTS ?

344

La comptabilité d’un officier de justice à Lille à la fin du XIVe siècle. Le gouverneur du souverain bailliage de Lille, Douai et Orchies (1379-1390) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 159

Jean-Baptiste Santamaria

Les exploits de justice dans les comptabilités domaniales du comté de Bourgogne au début du XVe siècle. Au-delà de la volonté gestionnaire . . . . . . . 179

Sylvie Bépoix

De accusationibus, inquisitionibus ac poenis. Qualiter et quando sit ad inquisitionem procedendum. Particularisme juridique et contrôle social dans le duché de Savoie au milieu du XVe siècle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199

Daniela Cereia

Les cisterciennes du Val-Benoît et leurs « compteurs ». Une emprise laïque sur une communauté religieuse (milieu XVe siècle) ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 211

Adèle Berthout

Les comptes de la ville d’Augsbourg et les formes du contrôle social à la fin du Moyen Âge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 237

Dominique Adrian

“Non obstant le commandement de mondit seigneur”. Bonnore Olivier’s account and the double-edged sword of social control . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 255

Bart Lambert

Account and Town Records as Mirrors of Social Change and Control in the 15th and 16th Century . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 269

Christian Speer

Une « comptabilité » des fous ? Nouvelles approches pour l’étude de l’internement et du contrôle social entre le XVIIe et le XVIIIe siècle : sources, méthodologie et perspectives de recherche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 279

Lisa Roscioni

Les comptes « perdus » de la ville de Mons (1700-1794). Une source pour l’histoire du contrôle social urbain en Hainaut au XVIIIe siècle. Contenu et perspectives de recherche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 295

Kevin Troch

Table ronde du vendredi 14 décembre 2012 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 307

Pistes de recherche et de réflexion. Quelques remarques en guise de conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 317

Lars Behrisch

TABLE DES MATIÈRES

345

Résumés / Summaries . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 323

Les auteurs / The Contributors . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 335

Table des matières / Table of Contents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 343

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Monuments ou documents ? Les comptabilités, sources pour l’histoire du contrôle social (XIIIe-XVIIIe siècles)

Monuments or documents ? Accounts : sources for the history of social control (13th - 18th c.)

ÉditÉ par aude Wirth-Jaillard, aude MuSin, nathalie deMaret,

eMManuel Bodart, Xavier rouSSeauX

Médiévales ou modernes, les comptabilités font depuis quelques années l’objet d’un renouveau historiographique sous des angles variés, incluant la source elle-même, en lien avec sa matérialité et la culture de l’écrit (monument), les institutions productrices ou l’exploitation des données (document). L’intérêt de ces sources pour l’histoire du contrôle social n’avait en revanche guère fait l’objet de rencontres ; c’est chose faite avec le colloque de Bruxelles. Ses actes abordent dif-férents aspects de cette question, de la critique des sources au contrôle des institutions et des groupes en passant par l’administration de la justice et les enjeux numériques de ces collections. La période de transition entre le Moyen Âge et les temps modernes (XIVe-XVIe siècles) est privilé-giée par la plupart des communications, bien que d’autres aspects aient été mis en lumière pour le XVIIIe siècle. Sur le plan géographique, les territoires belges, italiens, français, savoyards, bour-guignons et néerlandais ont concentré l’essentiel des recherches présentées dans ce volume, avec quelques excursions en Angleterre ou dans le Saint-Empire.

In recent years, the topic of accounts from the Middle Ages and Early Modern Period has experi-enced a historiographic renewal of interest from several standpoints, including the source itself in its materiality and within the context of the literate culture (monument), the institutions producing those sources or the use of the data from the accounts (document). Yet, the impor-tance of these sources for the history of social control had hardly been discussed in scientific meetings until the Brussels conference. The proceedings of this conference consider several aspects of this issue, including the critical analysis of the sources, the way institutions and groups were controlled and the control they exerted themselves, the administration of justice and the digital stakes regarding these source collections. Most papers focus on the transition period between the Middle Ages and the Early Modern period (14th-16th c.), although some other aspects were highlighted for the 18th century. Most of the papers in this volume concentrate on the Belgian, French, Savoyard, Burgundian and Dutch territories, while some of them deal with England or the Holy Roman Empire.

Illustration de couverture : Bruxelles, Archives générales du Royaume,

Chambre des comptes, comptes en registres, 12878, comptes de

Jehan de Neuverue maire de Nivelles, 1423-1425, folio 1 recto.