Annexes : L'Arte Povera de Germano Celant

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UNIVERSITÉ PARIS 1 PANTHÉON SORBONNE UFR03 HISTOIRE DE L’ART ET ARCHEOLOGIE Valentine BAILLOT - ANNEXES Mémoire d'étude (1ère année de 2ème cycle) présenté sous la direction de Monsieur Philippe Dagen Juin 2013

Transcript of Annexes : L'Arte Povera de Germano Celant

UNIVERSITÉ PARIS 1 PANTHÉON – SORBONNE

UFR03 HISTOIRE DE L’ART ET ARCHEOLOGIE

Valentine BAILLOT

-

ANNEXES

Mémoire d'étude

(1ère année de 2ème cycle)

présenté sous la direction

de Monsieur Philippe Dagen

Juin 2013

Sommaire

Table des illustrations ............................................................................................ 3

Illustrations ............................................................................................................ 5

Entretien avec Michelangelo Pistoletto. .............................................................. 22

Extraits de conversation email avec Giovanni Lista ........................................... 27

Table des illustrations

Fig.1. Alighiero Boetti devant son œuvre Io che prendo il sole a Torino il 19 gennaio 1969 (Moi

qui prends le soleil à Turin le 19 janvier 1969). Exposition Live in Your Head : When Attiudes

Become Form, Berne, mars-avril 1969. Photo : Shunk Kender. © Roy Lichtenstein Foundation.

Fig.2. Igloo de Mario Merz. Exposition Live in Your Head : When Attiudes Become Form,

Berne, mars-avril 1969. Photo : Shunk Kender. © Roy Lichtenstein Foundation.

Fig.3. Giulio Paolini, Lo Spazio, 1967. Courtesy of the artist.

Fig.4. Alighiero Boetti, Catasta, 1967. © Museo Madre Napoli.

Fig.5. Jannis Kounellis, Senza titolo (Carboniera), 1967. © Museo Madre Napoli.

Fig.6. Pino Pascali, Un metro cubo di terra et Due metri cubi di terra, 1967. © Museo Pino

Pascali.

Fig.7. Germano Celant, « Arte povera. Appunti per una guerriglia », dans Flash Art, n°5,

novembre – décembre 1967, p.2.

Fig.8. Michelangelo Pistoletto, Vietnam, 1962-1965. Courtesy of the artist.

Fig.9. Michelangelo Pistoletto, Ogetti in meno. Courtesy of the artist.

Fig.10. Arte Povera più Azioni Povere, Arsenaux de la République, Amalfi, 1968. Photo Bruno

Manconi. Courtesy Archivio Lia Rumma, Napoli.

Fig.11.Giovanni Anselmo, Direzione, Arte Povera più Azioni Povere, Arsenaux de la République,

Amalfi, 1968. © Museo Madre Napoli.

Fig.12. Luciano Fabro, Felce, Arte Povera più Azioni Povere, Arsenaux de la République,

Amalfi, 1968. © Museo Madre Napoli.

Fig.13. Michelangelo Pistoletto, Mappamondo, 1968. Courtesy of the artist.

Fig.14. Action de Pietro Lista, Arte Povera più Azioni Povere, Arsenaux de la République,

Amalfi, 1968.

Fig.15. Action de Jan Dibbets, Arte Povera più Azioni Povere, Arsenaux de la République,

Amalfi, 1968.

Fig.16. CELANT Germano (dir.) [Exposition. Amalfi 4-6 octobre 1968]. Arte povera più azioni

povere. Catalogue d’exposition. Salerne : Marcello Rumma Editore, 1968.

Fig.17. CELANT Germano, Arte Povera, Milan : Mazzotta, 1969 (couverture).

Fig.18. CELANT Germano, Arte Povera, Conceptual, Actual or Impossible Art, Londres : Studio

Vista, 1969 (couverture).

Fig.19. Première page de Michelangelo Pistoletto, dans CELANT Germano, Arte Povera,

Conceptual, Actual or Impossible Art, Londres : Studio Vista, 1969 (couverture). [Message écrit

sur la photo : « Cher Germano, le mot "pauvre", ça va. Le mot "riche", ça va. Pauvre moi et riche

toi, ça ne va pas. Riche moi et pauvre toi, ça ne va pas. »

Fig.20. CELANT Germano (dir.) [Exposition. Turin, Galleria Civica d’Arte Moderna, 12 juin-12

juillet 1970]. Conceptual Art Arte Povera, Land Art. Exposition. Turin : Ed. Galleria Civica

d’Arte Moderna, 1970 (couverture).

Fig.21. SANDRO CHIA, Hand Game, 1981, Collection Privée, Rome.

Fig.22. ENZO CUCCHI, A terra d’uomo, 1980, Collection Privée, Rome.

Fig.23. CELANT Germano (dir.) [Exposition. Paris, Centre Pompidou, 25 juin-7 septembre

1981]. Identité italienne : l’art en Italie depuis 1959. Paris : Centre George Pompidou / Florence :

Centro Di, 1981 (couverture).

Fig.24. CELANT Germano (dir.) [Exposition. Turin, Mole Antonelliana, 12 juin-14 octobre

1984]. Coerenza in coerenza : dall’Arte Povera al 1984. Catalogue d’exposition. Milan : A.

Mondadori, 1984 (couverture).

Fig.25. Mario Merz, Rinoceronte, 1980. Courtesy Archivio Mario Merz.

Fig.26. Jannis Kounellis, Senza titolo (12 cavalli), 1969. Galerie L’Attico, Rome, 1969. Photo :

Claudio Abate. Courtesy Archivio Fabio Sargentini.

Fig.27. CELANT Germano (dir.) [Exposition. New York, P.S.1 Contemporary Art Center. 6

octobre - 15 décembre 1985] The Knot : Arte Povera at P.S.1. Catalogue d’exposition. Long

Island City, N.Y : P.S. 1, Institute for Art and Urban Resources / Turin : U. Allemandi, 1985, xii,

263 p.

Fig.28. CELANT Germano, « The Knot », dans CELANT Germano (dir.) [Exposition. New

York, P.S.1 Contemporary Art Center. 6 octobre - 15 décembre 1985] The Knot : Arte Povera at

P.S.1. Catalogue d’exposition. Turin : U. Allemandi, 1985, 263 p.

Illustrations

Fig.1. Alighiero Boetti devant son œuvre Io che prendo il sole a Torino il 19 gennaio 1969 (Moi

qui prends le soleil à Turin le 19 janvier 1969). Exposition Live in Your Head : When Attiudes

Become Form, Berne, mars-avril 1969. Photo : Shunk Kender. © Roy Lichtenstein Foundation.

Fig.2. Igloo de Mario Merz. Exposition Live in Your Head : When Attiudes Become Form,

Berne, mars-avril 1969. Photo : Shunk Kender. © Roy Lichtenstein Foundation.

Fig.3. Giulio Paolini, Lo Spazio, 1967. Courtesy of the artist.

Fig.4. Alighiero Boetti, Catasta, 1967. © Museo Madre Napoli.

Fig.5. Jannis Kounellis, Senza titolo (Carboniera), 1967. © Museo Madre Napoli.

Fig.6. Pino Pascali, Un metro cubo di terra et Due metri cubi di terra, 1967. © Museo Pino

Pascali.

Fig.7. Germano Celant, « Arte povera. Appunti per una guerriglia », dans Flash Art, n°5,

novembre – décembre 1967, p.2.

Fig.8. Michelangelo Pistoletto, Vietnam, 1962-1965. Courtesy of the artist.

Fig.9. Michelangelo Pistoletto, Ogetti in meno. Courtesy of the artist.

Fig.10. Arte Povera più Azioni Povere, Arsenaux de la République, Amalfi, 1968. Photo Bruno

Manconi. Courtesy Archivio Lia Rumma, Napoli.

Fig.11. Giovanni Anselmo, Direzione, Arte Povera più Azioni Povere, Arsenaux de la

République, Amalfi, 1968. © Museo Madre Napoli.

Fig.12. Luciano Fabro, Felce, Arte Povera più Azioni Povere, Arsenaux de la République,

Amalfi, 1968. © Museo Madre Napoli.

Fig.13. Michelangelo Pistoletto, Mappamondo, 1968. Courtesy of the artist.

Fig.14. Action de Pietro Lista, Arte Povera più Azioni Povere, Arsenaux de la République,

Amalfi, 1968.

Fig.15. Action de Jan Dibbets, Arte Povera più Azioni Povere, Arsenaux de la République,

Amalfi, 1968.

Fig.16. CELANT Germano (dir.) [Exposition. Amalfi 4-6 octobre 1968]. Arte povera più azioni

povere. Catalogue d’exposition. Salerne : Marcello Rumma Editore, 1968.

Fig.17. CELANT Germano, Arte Povera, Milan : Mazzotta, 1969 (couverture).

Fig.18. CELANT Germano, Arte Povera, Conceptual, Actual or Impossible Art, Londres : Studio

Vista, 1969 (couverture).

Fig.19. Première page de Michelangelo Pistoletto, dans CELANT Germano, Arte Povera,

Conceptual, Actual or Impossible Art, Londres : Studio Vista, 1969 (couverture). [Message écrit

sur la photo : « Cher Germano, le mot "pauvre", ça va. Le mot "riche", ça va. Pauvre moi et riche

toi, ça ne va pas. Riche moi et pauvre toi, ça ne va pas. »

Fig.20. CELANT Germano (dir.) [Exposition. Turin, Galleria Civica d’Arte Moderna, 12 juin-12

juillet 1970]. Conceptual Art Arte Povera, Land Art. Exposition. Turin : Ed. Galleria Civica

d’Arte Moderna, 1970 (couverture).

Fig.21. SANDRO CHIA, Hand Game, 1981, Collection Privée, Rome.

Fig.22. ENZO CUCCHI, A terra d’uomo, 1980, Collection Privée, Rome.

Fig.23. CELANT Germano (dir.) [Exposition. Paris, Centre Pompidou, 25 juin-7 septembre

1981]. Identité italienne : l’art en Italie depuis 1959. Paris : Centre George Pompidou / Florence :

Centro Di, 1981 (couverture).

Fig.24. CELANT Germano (dir.) [Exposition. Turin, Mole Antonelliana, 12 juin-14 octobre

1984]. Coerenza in coerenza : dall’Arte Povera al 1984. Catalogue d’exposition. Milan : A.

Mondadori, 1984 (couverture).

Fig.25. Mario Merz, Rinoceronte, 1980. Courtesy Achivio Mario Merz.

Fig.26. Jannis Kounellis, Senza titolo (12 cavalli), 1969. Galerie L’Attico, Rome, 1969. Photo :

Claudio Abate. Courtesy Archivio Fabio Sargentini

Fig.27. CELANT Germano (dir.) [Exposition. New York, P.S.1 Contemporary Art Center. 6

octobre - 15 décembre 1985] The Knot : Arte Povera at P.S.1. Catalogue d’exposition. Long

Island City, N.Y : P.S. 1, Institute for Art and Urban Resources / Turin : U. Allemandi, 1985, xii,

263 p.

Fig.28. CELANT Germano, « The Knot », dans CELANT Germano (dir.) [Exposition. New

York, P.S.1 Contemporary Art Center. 6 octobre - 15 décembre 1985] The Knot : Arte Povera at

P.S.1. Catalogue d’exposition. Turin : U. Allemandi, 1985, 263 p.

Entretien avec Michelangelo Pistoletto.

Paris, 23 avril 2013 (traduit de l’italien par l’auteure)

C’est assez complexe de comprendre quelle était la position de Germano Celant par rapport

aux artistes. J’ai lu que tous les artistes n’étaient tout à fait d’accord avec ses propositions, et que

Celant avait une tendance à parler en leur nom. Quelle était vraiment l’opinion des artistes sur ce

point ?

C’est toujours comme ça, le théoricien parle au nom des artistes. Mais l’opinion des artistes

était très positive. A ce moment, il y avait aussi un autre critique, qui s’appelait Trini, Tommaso Trini,

qui avait lui aussi beaucoup travaillé sur le concept d’art pauvre, qui a connu tous les artistes. Mais

celui qui a bien identifié le concept, et disons, qui l’a exposé de manière globale, a été Germano

Celant. En donnant à l’Arte Povera un nom et une définition, un sens de base. Pour moi, cela a été un

fait très positif. La chose que nous n’avions pas bien comprise, et que moi je n’avais pas parfaitement

accepté à ce moment-là, est le terme « Arte Povera ». Pour une raison très simple. Quand j’étais jeune,

je faisais de la restauration de tableaux anciens avec mon père, et je connaissais « l’Arte Povera »

comme étant une façon de travailler dans le XVIIIe siècle vénitien, quand on a commencé à utiliser

l’imprimerie, et qu’on faisait des réductions de dessins, qui étaient ensuite découpés et collés sur les

meubles, ces meubles laqués vénitiens, qui étaient ensuite colorés. L’impression finale était que tout

avait été fait à partir spécialement pour le meuble en question, alors que c’était le résultat du travail

fait à partir du pré-imprimé. Et ils l’appelaient « Arte Povera ».

Et cela, Celant… ?

Il ne le savait pas. Mais ce n’était pas dit qu’il aurait du le savoir. Moi, je le savais parce que

j’avais approché l’art ancien. Seulement pour cette raison. Et alors, je dis : « Arte Povera », cela existe

déjà ce terme ! Pour d’autres, « Arte Povera » était un peu dépréciatif. Toutefois, plus le temps passait

et plus j’ai commencé à apprécier ce terme. Parce que « pauvre »… Nous, dans le monde

d’aujourd’hui, nous sommes dans la « misérabilité », qui n’est pas la pauvreté. La pauvreté est

beaucoup plus noble, dans un sens, parce que c’est un savoir-vivre de la façon la plus simple, plus

correcte. C’est donc peut-être une façon correcte de vivre, ce qui veut dire arriver à l’essence, à

l’énergie primaire. Pour cette raison que pour moi, ce terme-là est devenu de plus en plus, disons,

apprécié.

Y a-t-il un moment où vous vous êtes sentis comme un groupe ? Parce qu’on parle toujours de

« groupe », mais comment étaient les choses, réellement ?

Oui, mais pas tellement… Il y avait une façon commune, un système commun. Il y avait une

recherche commune d’essentialité, de phénoménologie essentielle. Et cela à travers les routes les plus

diverses, qui portaient en dehors des conventions du système consumériste, du glamour, du système

publicitaire, de la civilisation du spectacle pur. En conséquence, c’était un besoin d’assumer une

responsabilité, un sérieux, une centralité de la part de l’artiste. Ca, c’était commun. Ensuite, chacun le

résolvait avec ses propres moyens. Mais c’étaient tous des moyens qui portaient vers l’essentialité,

vers une phénoménologie.

Et ensuite, que s’est-il passé ? A un certain moment, en 1971, Celant a décidé de laisser de

côté ce terme…

Oui, il y a eu un moment où Celant avait décidé de dépasser cette phase. Sur cela, par contre,

moi, je n’étais pas d’accord. Aussi parce qu’il y avait un grand danger que tout cela soit pris comme

un phénomène politique, brigadiste. C’était les années des Brigades Rouges. Il y avait donc le risque

d’une adhésion à un fait politique, qui n’avait rien à voir avec notre position. Parce que moi j’étais

plus favorable au « Faites l’amour, pas la guerre », qui était ce symbole qui circulait. Et au lieu de ça,

ça glissait plutôt vers « Faites la guerre, pas l’amour ». La situation s’était retournée. J’avais tellement

peur que les choses dégénèrent. Et elles ont dégénéré… Parce que ce sérieux que nous avions mis sur

pied avec l’Arte Povera, c’était autre chose.

Et donc on peut peut-être dire qu’il y avait ce danger à partir du moment où Celant a écrit ce

manifeste ? Il était très fort, très politisé. Peut-être est-ce pour cela qu’il s’est retiré, pour ainsi dire ?

Sa position en effet, était très politisée. Mais naturellement, en sortant de l’idée du

consumérisme, je comprenais aussi qu’il était possible d’avoir une position politique forte. Contre

l’impérialisme américain, qui était considérer comme la pensée universelle. Avec les Tableaux-

miroirs, j’ai cherché une autre universalité, qui ne soit pas celle du produit de consommation, mais qui

soit le miroir de l’univers, le miroir de la vie, de la réalité, de l’individu devant soi-même. Donc la

position était très différentes par rapport à cette politique, disons, du gaspillage. Du gâchis et du

gaspillage. Et donc, ça oui, je pouvais accepter que lui prenne une position. Mais, quand cette position

est devenue trop engagée, dans le sens de l’action politique… J’avais aussi écrit pour un livre que

Celant avait fait1, Arte Povera, Art Conceptuel… Un livre. Ou c’était une revue, mais en forme de

1 Il s’agit de : CELANT Germano, Arte Povera, Milan : Mazzotta, 1969.

livre… Il m’avait demandé des photographies, et moi j’avais écrit sur une des photographies : « Si la

guerre est un quadrimoteur (parce qu’alors, il n’y avait pas encore les jets, il y avait les

quadrimoteurs), moi je vole sur un planeur. Tu sais ce qu’est un « planeur » ?

Non…

C’est cet avion sans moteurs, qui ne fait pas de bruit, il qui suit l’allure…

Ah oui.

« Si la guerre »… Ou « si la politique », pas « la guerre ». « Si la politique est un

quadrimoteur, je vole dans un planeur »2. C’est ce que j’avais écrit, c’était ça ma réponse.

Vous n’étiez pas présent à la première exposition à la Bertesca. Quelle en est la raison ?

Ça, je ne sais pas.

C’est très bizarre parce, quelques mois auparavant, vous aviez eu une exposition personnelle,

justement à la Bertesca.

Peut-être parce que lui voulait mettre des… Non, je n’en ai pas la moindre idée, vous devez lui

demander à lui. Parce qu’après, dans son manifeste, il parle de mes Objets en moins, comme point de

départ. J’avais exposé les Objets en moins, justement, à la Bertesca.

Oui, précisément dans ce manifeste, il prend votre travail comme point de départ…

Mais, c’était une exposition un peu étrange [celle de la Bertesca, toujours], parce qu’il a utilisé

le terme Arte Povera, mais il y avait aussi tant d’autres choses… Il y avait Getulio Alviani, il y avait

de l’Optical Art, elle était très variée. Il avait utilisé ce terme en y incluant ces artistes, mais ce n’a pas

été une exposition dans laquelle il a présenté l’Arte Povera, tout seul. Ca, c’est arrivé ensuite, à

Bologne.

2 « Se la politica è un quadrimotore, io volo su un aliante ». Ibid, p.24.

Les artistes autres artistes étaient eux aussi contents de cette étiquette ? J’ai lu que Kounellis,

par exemple, n’était pas toujours d’accord.

Je ne sais pas. Tout n’est pas identique. Il y a une petite différence entre ce qui se faisait à

Rome, et ce qui se faisait à Turin. C’était un peu différent. Donc, il se peut bien qu’il y ait eu des

visions un peu différentes. Mais, dans l’ensemble, il y avait un intérêt commun. Ensuite, on en

discutait. Il y avait un intérêt commun évident. Il y avait Pascali, lui aussi de Rome. Et puis, si l’on

veut, il n’y a pas de vision pure de l’Arte Povera, il y a une ambiance. Nous aussi, à Turin, nous en

avons parlé, nous parlions du fait que quelque part, le monde était peut-être en train de vivre la même

nécessité que nous. Et alors, il y a eu un artiste de Turin, qui ne faisait pas de travaux d’Arte Povera,

qui s’appelait Gilardi, et qui a dit « Moi, je vais inspecter ». Il est parti, il est allé en voyage, et il a

découvert qu’il y avait d’autres artistes du monde, qui étaient très proches de ce que nous faisions.

Dibbets, Long, Beuys… Il a apporté ces noms, et à partir de là, l’Arte Povera s’est étendue à des

rapports plus internationaux.

Il y a eu une seconde vague dans les années 1980 quand Celant a organisé des expositions à

Turin, Madrid, New York, soutenant que finalement, dans l’Arte Povera, il y avait treize artistes. Il n’a

plus parlé du fait qu’il avait aussi inséré d’autres nationalités dans l’étiquette de l’Arte Povera ?

Non, mais les artistes d’autres nationalités ne sont jamais vraiment rentrées dans l’Arte

Povera. Et puis, ce n’était pas lui qui avait choisi les artistes d’autres nationalités. Mais dans les

publications, il y a avait ces noms : Arte Povera, Land Art, Conceptual Art… Il a mis ensemble

beaucoup d’aspects divers de ce moment-là. Mais clairement, et justement, l’Arte Povera était née en

Italie, et spécialement à Turin.

Mais vous croyez alors qu’il y aurait une « italianité » dans l’Arte Povera ? Une dimension

italienne véritablement spécifique ?

Non… Je pense que si d’autres artistes, comme Nauman, par exemple… Si Nauman avait

vécu à Turin, il aurait était un parfait artiste de l’Arte Povera. La même chose pour Beuys. Mais le

concept d’assembler cette chose (sic), qui a ensuite pris ce nom, naît véritablement de nous. Ce que

nous avions découvert cependant, c’est que nous n’étions pas seuls. Et, cela était très important pour

nous, nous avons compris qu’il existait une situation de nécessité vaste, pas seulement locale. Nous

étions des locaux. Mais la vision n’était pas seulement locale. Et cela, pour nous, a été très beau. Par

exemple, justement, parce que ces artistes, nous ne les connaissions pas, personne ne les connaissait.

Beuys, nous ne savions même pas qu’il existait. C’est Gilardi qui est allé là-bas, qui a fait des

photographies, qui nous a dit « celui-ci fait ci, celui-là fait ça », ah. Et alors, il a créé un dossier et il l’a

apporté à Szeemann, qui a ensuite fait When attitudes become form. Et notre travail a été montré aussi

bien à Berne qu’à Amsterdam, au Stedelijk. Là, Celant était présent, mais il n’était pas protagoniste.

Lui, était protagoniste de l’Arte Povera. C’est surtout nous les artistes, qui nous sommes demandé qui

d’autre il y avait. Et c’est en discutant de ça que Gilardi est parti, il est allé faire un tour pour faire des

recherches. C’est vraiment né de nous, cette extension est née de nous.

Vous aussi, vous aviez des contacts à l’étranger, au temps des Tableaux-miroirs, n’est-ce

pas ?

Oui, mais ce n’était pas des contacts qui avaient à voir avec cette nouvelle situation qui était

en train de se développer. Moi, j’avais été inséré pendant un temps dans le Pop Art, parce que dans

mon travail il y avait des images. Cette image objective, très quotidienne. C’est ensuite moi qui, petit à

petit, ai compris que mon universalité pouvait se trouver aussi en Afrique, en Inde, n’importe où.

Tandis que leur universalité était strictement américaine. Et alors, je n’ai pas pu couper me racines

pour les déplacer aux Etats-Unis. Pour moi, ça a été un fait important, dans la mesure où il a redonné

de la force à nos racines, aux racines européennes, et surtout italiennes. Important aussi par rapport à

une condition critique envers cette emphase du consumérisme.

Et toute cette théorisation vient d’un dialogue avec les artistes ? Ou bien Celant regarde,

réfléchit et écrit ?

Nous ne faisions pas de réunions, par exemple. Mais, lui, Celant, fréquentait tous les artistes.

Donc on parlait beaucoup. Moi, avec Germano, j’ai eu des discussions sans fin, où je lui expliquais ma

position. J’ai toujours mis en évidence les raisons de mon travail. Il les connaissait, et les connait

encore très bien. Et puis, clairement, il rendait visite continuellement aux artistes. Il ne réunissait pas

de groupe, c’était lui qui se déplaçait. D’un autre côté, nous les artistes, nous nous retrouvions à cette

époque très souvent à la galerie Sperone. Et, l’un après l’autre, ont commencé à arriver les artistes qui

ont formé ensemble cette situation artistique. Il y a avait un rapport entre les artistes, cela est sûr.

Penone est arrivé après, c’est le dernier qui soit arrivé. Et il a été parmi ceux qui a recueilli le message

de l’Arte Povera de la manière la plus claire, même s’il n’a pas été parmi les premiers.

Extraits de conversation email avec Giovanni Lista

1er mai 2013

De : Valentine Baillot

À : Giovanni Lista

[…] Le discours celantien, et la plupart des ouvrages disent que Germano Celant avait annoncé l'esprit

de cette manifestation dans le texte "Azioni povere" écrit en septembre 1968. Ce texte constituait le

point d'orgue d'un débat critique écrit qui se déroulait depuis février 1968 entre de nombreux critiques,

débat qui accompagnait et faisait suite à l'exposition de l'Arte Povera à la galerie De'Foscherari de

Bologne, et dont les interventions furent rassemblées par Pietro Bonfiglioli dans le premier numéro

des Quaderni De'Foscherari. Or dans votre article "Amalfi, octobre 1968 : un témoignage" (Ligieia

d'octobre 1998-juin 1999), dans la note n°14, vous écrivez que le texte "Azioni povere" en question

aurait en fait été écrit par Celant après Amalfi, à la demande de Marcello Rumma, et qu'il l'aurait donc

antidaté pour se donner le mérite du passage de l'art pauvre à l'action pauvre.

Ma question est donc la suivante : le débat reporté dans les Cahiers De'Foscherari (où fut édité pour la

première fois le texte "Azioni povere") étant sensé s'être terminé en septembre (je n'ai

malheureusement pas accès à cet ouvrage pour vérifier la date d'impression), vous supposez donc que

cet ouvrage ne partit à l'impression qu'après la manifestation d'Amalfi, et donc après que Celant ait

écrit ledit texte sur demande de Rumma (pour que Celant puisse l'insérer dedans, de façon à faire

croire qu'il l'avait écrit avant Amalfi)? Cela semble possible, prenant en considération les délais

d'impression, et toute cette affaire se déroulant sur un temps très cours de septembre à début octobre

1968. Puis-je pousser la témérité jusqu'à vous demander si c'est de la bouche de Marcello Rumma que

vous avez eu l'information que Celant avait écrit le texte non pas avant mais après l'exposition ? […]

***

10 mai 2013

De : Giovanni Lista

À : Valentine Baillot

[…] Marcello Rumma a acheté des œuvres lors de l'expo chez Foscherari en février 1968, et c'est à

cette occasion qu'il a rencontré Celant et lui a demandé d'organiser la manifestation d'Amalfi en y

ajoutant les azioni povere. Marcello s'intéressait beaucoup au théâtre et il a même invité ensuite

Simone Forti faire des performances chez lui.

Concernant le débat qui a suivi l'expo chez Foscherari il s'est prolongé bien plus longtemps car les

textes ont été revus et corrigés par tous les participants. Ensuite il a été publié dans le bulletin de la

galerie dont j'ai l'original: il n'y a aucune date d'achever d'imprimer ou d'édition (je dirais of cause).

Mes souvenirs sont précis et je n'ai aucun doute sur le fait que c'est Marcello qui a eu l'idée et l'a

proposée à Celant. Dans mon recueil Arte Povera, Edizioni Abscondita, Milan, 2011, vous trouverez

d'autres informations et une chronologie très détaillée qui peut vous être fort utile. Je peux ajouter

d'autres choses. Pistoletto m'a dit que lorsqu'il a été contacté par la galerie pour participer à l'expo chez

La Bertesca de Gênes (il a refusé) il n'y avait encore aucun titre pour l'expo, personne ne lui a dit qu'il

s'agissait d'Arte Povera. L'un des deux directeurs de La Bertesca m'a dit au téléphone que, mise à part

la reprise de l'expo de Spoleto, les autres artistes ont été réunis par la galerie et que Celant a été appelé

au dernier moment pour écrire un texte de présentation mais qu'il n'a pas vraiment conçu l'expo. Cela

est confirmé par l'effort mythographique de Celant qui a multiplié les mensonges plus tard en

affirmant qu'il avait connu Pascali a Palerme (sic!), qu'il se droguait à Turin avec Boetti (sic!) pour

faire croire à une expo conçue et organisée par lui avec des artistes qu'il suivait depuis un certain

temps. Si vous étudiez les textes de Celant l'un après l'autre vous vous apercevrez qu'il les modifie

sans cesse, qu'il antidate ses idées, qu'il réajuste son discours et qu'au fond il tente tout juste de plaquer

sur les œuvres les idées importées des USA et son obsession du militantisme politique. La réalité des

œuvres est tout autre, mais il ne s'en aperçoit pas ou plutôt il ne veut pas les voir. J'ai dit cela dans le

petit livre Abscondita et il m'a attaqué car c'est un homme très orgueilleux et vindicatif. Il a

soigneusement occulté le rôle de Carla Lonzi et de Marcello Rumma, dont j'ai voulu rappeler le rôle

historique. Lia Rumma voulait organiser une rétrospective mais il a posé son véto. Une fois Kounellis

a mis en doute les idées de Celant et celui-ci ne l'a pas invité à la Biennale dont il était le commissaire.

Il est très puissant et Daniel Soutif, qui s'est incliné devant lui, a gagné un poste de directeur du Museo

Pecci à Prato. Celant terrorise tout le monde et personne n'ose dire la vérité sur l'Arte Povera ou du

moins tenter une autre analyse. Je suis le seul à l'avoir fait en rattachant ce courant aux valeurs

franciscaines, à l'opposition au développement industriel de l'Italie, à un renversement des idées

futuristes, etc. Mais aussi en dénonçant son autoritarisme et son verruillage à une sorte de groupe

fermé et exclusiviste. Parmi les personnes qui ont été sensibles à mon analyse il y a Christiane Meyer-

Stoll qui en 2010 a associé l'Arte Povera au film Il Vangelo secondo Matteo di Pier Paolo

Pasolini. […]

***

10 mai 2013

De : Giovanni Lista

À : Valentine Baillot

Madame,

Je viens d'avoir mon frère Pietro au téléphone et je lui ai parlé de votre question. Il confirme tout ce

que je vous ai écrit. Il ajoute que la meilleure confirmation de ce que je vous ai écrit c'est le fait

qu'après Amalfi Celant ne s'intéresse plus aux "azioni povere" […].