Amateurs de comédie musicale hollywoodienne sur Internet : renouvellement d’un genre classique...

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Amateurs de comédie musicale hollywoodienne sur Internet : renouvellement d’un genre classique par les pratiques spectatorielles de l’ère numérique [Titre anglais] Hollywood musical fans on the Internet: the renewal of a classic genre by spectator practices of the digital era Fanny BEURÉ, doctorante en études cinématographiques à l’Université Paris Diderot – Paris VII. [Présentation de l’auteur] Fanny Beuré, sociologue de formation, est titulaire d’un Master d’études cinématographiques portant sur la réception du cinéma de Woody Allen en France. Elle est actuellement doctorante à Paris-Diderot – Paris VII et travaille sur les représentations sociales dans la comédie musicale hollywoodienne classique. Fanny Beuré, first trained as a sociologist, completed a Master in film studies dealing with the reception of Woody Allen’s films in France. She is currently a PhD student at Paris-Diderot – Paris VII and working on social representations in the classic Hollywood musical. Résumé Espace de diffusion privilégié des images animées, Internet est devenu un lieu d’émergence de nouvelles pratiques cinéphiliques. A travers une enquête menée auprès de membres actifs (contributeurs réguliers, administrateurs) de blogs, forums et sites dédiés à la comédie musicale hollywoodienne classique, puis l’analyse de leurs publics et de leurs usages, nous avons étudié comment Internet a créé de nouvelles manières d’être cinéphile. Les blogs, forums et sites que nous avons observés se sont révélés correspondre à différentes postures face à l’objet : affective, critique ou ludique. Ainsi, les blogs démontrent combien le goût cinématographique est une composante essentielle de la présentation de soi du cinéphile passionné – notamment pour les plus jeunes. Les forums de discussion, eux, permettent des discours plus pointus et soumis à débats. Enfin, les réseaux sociaux proposent désormais aux internautes cinéphiles des façons plus créatives encore de partager leur passion (pages, groupes, mais aussi quizz et applications). Abstract As a privileged space for the broadcasting of animated pictures, the Internet has become a place where new movie buff’s practices emerge. Through an investigation we lead by some active members (regular participants, webmasters) of blogs, forums and websites dedicated to the classical Hollywood musicals, then an analysis of their publics and practices, we studied how the Internet has created new ways of being a movie buff. The blogs, forums and websites we looked at turned out to correspond to different attitudes (ludic, discerning, or affective) towards the movies. The blogs thus prove how much the taste for cinema is a fundamental part of self- introducing for the passionate movie buffs, especially the young ones. The forums are spaces where sharp debates and narrowly-specialized discourses can be developed. At last, social networks henceforth allow movie lovers to use some very creative ways of sharing their passion widely (pages, groups, quizzes and applications). Mots-clés : Comédie musicale hollywoodienne, fans, Internet, pratiques Hollywood musical, fans, Internet, practices

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Amateurs de comédie musicale hollywoodienne sur Internet : renouvellement d’un genre classique par les pratiques spectatorielles de l’ère numérique [Titre anglais] Hollywood musical fans on the Internet: the renewal of a classic genre by spectator practices of the digital era Fanny BEURÉ, doctorante en études cinématographiques à l’Université Paris Diderot – Paris VII. [Présentation de l’auteur] Fanny Beuré, sociologue de formation, est titulaire d’un Master d’études cinématographiques portant sur la réception du cinéma de Woody Allen en France. Elle est actuellement doctorante à Paris-Diderot – Paris VII et travaille sur les représentations sociales dans la comédie musicale hollywoodienne classique. Fanny Beuré, first trained as a sociologist, completed a Master in film studies dealing with the reception of Woody Allen’s films in France. She is currently a PhD student at Paris-Diderot –Paris VII and working on social representations in the classic Hollywood musical. Résumé Espace de diffusion privilégié des images animées, Internet est devenu un lieu d’émergence de nouvelles pratiques cinéphiliques. A travers une enquête menée auprès de membres actifs (contributeurs réguliers, administrateurs) de blogs, forums et sites dédiés à la comédie musicale hollywoodienne classique, puis l’analyse de leurs publics et de leurs usages, nous avons étudié comment Internet a créé de nouvelles manières d’être cinéphile. Les blogs, forums et sites que nous avons observés se sont révélés correspondre à différentes postures face à l’objet : affective, critique ou ludique. Ainsi, les blogs démontrent combien le goût cinématographique est une composante essentielle de la présentation de soi du cinéphile passionné – notamment pour les plus jeunes. Les forums de discussion, eux, permettent des discours plus pointus et soumis à débats. Enfin, les réseaux sociaux proposent désormais aux internautes cinéphiles des façons plus créatives encore de partager leur passion (pages, groupes, mais aussi quizz et applications). Abstract As a privileged space for the broadcasting of animated pictures, the Internet has become a place where new movie buff’s practices emerge. Through an investigation we lead by some active members (regular participants, webmasters) of blogs, forums and websites dedicated to the classical Hollywood musicals, then an analysis of their publics and practices, we studied how the Internet has created new ways of being a movie buff. The blogs, forums and websites we looked at turned out to correspond to different attitudes (ludic, discerning, or affective) towards the movies. The blogs thus prove how much the taste for cinema is a fundamental part of self-introducing for the passionate movie buffs, especially the young ones. The forums are spaces where sharp debates and narrowly-specialized discourses can be developed. At last, social networks henceforth allow movie lovers to use some very creative ways of sharing their passion widely (pages, groups, quizzes and applications).

Mots-clés : Comédie musicale hollywoodienne, fans, Internet, pratiques Hollywood musical, fans, Internet, practices

Informations géographiques : France Période : Contemporaine (2005-2010) Contemporary (2005-2010)

AVANT-PROPOS MÉTHODOLOGIQUE

Intérêt d’une étude de la cinéphilie sur Internet Notre intérêt pour les sites Internet de cinéphiles était initialement conduit par la volonté de contacter des amateurs de comédies musicales hollywoodiennes pour réaliser des entretiens, dans le cadre d’un travail sur les amateurs français du genre. C’est au fur et à mesure de cette investigation préliminaire que nous avons été saisie par l’ampleur du phénomène et la variété des manifestations de la cinéphilie sur Internet1. Jean-Marc Leveratto et Laurent Jullier s’accordent à définir la cinéphilie comme : « la culture cinématographique, au double sens d’un savoir acquis par l’expérience des films et d’une action de cultiver […] le plaisir cinématographique. » [JULLIER, LEVERATTO, 2010, p. 3]. La « cyber-cinéphilie » nous est apparue comme un objet d’analyse précieux pour la sociologie du cinéma au sujet d’au moins deux problématiques fondamentales. D’une part, elle permet d’aborder la question des publics sous un jour nouveau : Internet favorise la rencontre, sur des espaces dédiés, d’individus qui ignorent a priori tout les uns des autres. Alors que s’estompent les traces des variables sociodémographiques ordinaires (âge, sexe, lieu d’habitation, niveau de diplôme, etc.), la parole sur le cinéma se libère et chacun se fait critique – même si se recréent par la suite des barrières de langage et de connaissances. Dès lors, existe-t-il encore des critères permettant de fonder la légitimité d’une parole critique ? D’autre part, la cyber-cinéphilie met également à l’épreuve la sociologie de la réception. En passant par Internet – et, de ce fait, par l’expression écrite – le spectateur ne modifie-t-il pas, d’emblée, son rapport à l’œuvre, sa façon de s’approprier l’objet cinématographique ? Il s’agit donc ici d’apporter quelques éléments de réponse à ces problématiques globales, au travers d’un exemple précis : les manifestations virtuelles de la passion pour un genre cinématographique, la comédie musicale hollywoodienne classique. En effet, s’interroger sur les bouleversements induits par l’essor de l’utilisation d’Internet fait particulièrement sens auprès des amateurs français de comédies musicales hollywoodiennes. D’abord, pour une large majorité d’entre eux, cette passion s’est construite hors des salles de cinéma (grâce à la télévision, la VHS et le DVD, Internet). Ensuite, l’engouement pour la comédie musicale restant un phénomène marginal en France, Internet permet d’accéder facilement à un ensemble de ressources, majoritairement anglo-saxonnes. Dès lors, comment ces cinéphiles « spécialisés » investissent-ils cet espace original, à la fois medium vers (par le téléchargement ou le visionnage en streaming) et lieu d’échanges sur les œuvres ?

1 Nous entendons par « objet Internet cinéphile » tout espace virtuel au sein duquel des internautes se rencontrent dans le but d’échanger sur le cinéma. Cette définition comprend donc des objets aussi variés que les forums de discussion, les listes de diffusion, les blogs, les groupes Facebook ou pages MySpace.

Dispositif méthodologique Nous avons donc entrepris une analyse détaillée du phénomène, à la fois selon la méthode de l’observation participante et par le biais d’entretiens, en face-à-face et par téléphone. Nous avons articulé notre analyse autour de plusieurs « objets » Internet, qui nous ont semblé correspondre, sinon à des publics différents (puisque, on le verra, on retrouve pour partie les mêmes utilisateurs d’un site à l’autre) du moins à des façons dissemblables d’être « cyber-cinéphile ». D’abord, le « site français Gene Kelly » et son « groupe Yahoo » ; ensuite, plusieurs blogs de très jeunes fans de comédies musicales (dont on analysera le caractère singulier) ; le « forum Gene Kelly », également fondé par une des internautes les plus investies ; et enfin plusieurs pages Facebook, créées par les mêmes, une fois établi le succès du site communautaire : « All Singing, All Dancing! - The Musical Club », « Gene Kelly (1912-1996) » et « Fans of Gene Kelly »2. Cette enquête s’inscrit dans une temporalité relativement longue eu égard à l’objet étudié : les premières observations et entretiens ont été effectués en 2006 dans le cadre d’un travail sur les amateurs français du genre. Nous sommes restée en contact avec la plupart des enquêtés et nous avons observé l’évolution de leur fréquentation des différents espaces (voire leur abandon d’un format spécifique au profit d’un autre). Une deuxième phase d’analyse a été entreprise depuis 2009, à la suite du plein développement du Web 2.0 et des réseaux sociaux virtuels. Le caractère longitudinal de l’analyse nous permet donc de mesurer l’évolution des pratiques au sein même d’une histoire très récente sur les quelques dernières années. Nous avons, d’une part, employé la méthode de l’observation participante, en nous inscrivant sur les différents sites et en postant de manière assez régulière. Nous nous sommes toujours identifiée avec le même pseudonyme de « Vickie »3. En effet, l’anonymat d’Internet réclame que l’on conserve le même pseudonyme d’un site à l’autre afin d’être reconnu et perçu comme membre de la communauté des fans. Une fois identifiés différents membres aux divers degrés d’implication, nous avons tâché d’entrer en contact avec certains d’entre eux. Les entretiens se sont déroulés sur la base du volontariat et sur rendez-vous. Sur les sites susmentionnés, nous avons laissé des messages faisant état de notre projet de recherche et de notre désir de rencontrer des amateurs de comédies musicales. Nous avons relancé par email certaines personnes dont le témoignage nous semblait particulièrement intéressant au regard de leur investissement. Dans la mesure où il est impossible d’établir la structure de la population des « amateurs français de comédies musicales hollywoodiennes » en termes de sexe, d’âge, de catégorie socio-professionnelle, nous ne pouvons parler d’échantillon « représentatif ». Cependant, afin de recueillir le maximum d’informations et de couvrir un spectre large des modalités de réception possibles, nous avons rencontré des personnes aux profils variés en termes de sexe, âge, PCS, mais aussi de « degré de cinéphilie » et de familiarité avec Internet. Au cours de onze entretiens semi-directifs d’environ une heure chacun, conduits à partir d’un guide d’entretien, les enquêtés ont évoqué leurs pratiques culturelles, celles du cinéma et d’Internet, leur goût pour la comédie musicale, puis leurs productions et utilisations de contenus en ligne4. Nous allons donc explorer dans quelle mesure l’Internet a créé de nouvelles manières de vivre sa passion pour le cinéma.

2 En août 2009, Marine crée une première page nommée « Gene Kelly (1912-1996) ». En avril 2010, les administrateurs de la succession de Gene Kelly lui interdisent d’utiliser ainsi le nom de l’acteur ; elle doit alors créer une nouvelle page explicitement non-officielle : « Fans of Gene Kelly ». 3 Nous avions noté que les pseudonymes des utilisateurs faisaient référence à des films ou des interprètes : « Sailor Gene Kelly », « Mrs Lockwood ». Nous avons donc opté pour « Vickie », en référence au personnage de Vicki Lester interprété par Judy Garland dans A Star is Born. 4 Par souci de confidentialité les prénoms ont été modifiés.

INTERNET COMME MÉDIUM VERS L’ŒUVRE CINÉMATOGRAPHIQUE Internet, une formidable base de données où les cinéphiles viennent s’informer sur les œuvres Le premier constat à effectuer à propos d’Internet est celui du caractère immédiatement disponible de l’information. Ainsi, comme le constatent Laurent Jullier et Jean-Marc Leveratto :

Internet a profondément modifié les conditions d’accès aux informations biographiques et

filmographiques qui constituaient la supériorité du cinéphile parisien entraîné, c’est-à-dire bénéficiant par ses fréquentations des salles parisiennes et par ses conversations d’un capital de

connaissances cinéphiles. [JULLIER, LEVERATTO, 2004, p. 167]

En effet, la culture cinéphilique semble aujourd’hui à portée de clic de tout internaute. Il suffit de saisir sur Google ou Wikipédia le titre d’un film ou le nom d’un acteur pour disposer de toute l’information nécessaire et de rendre immédiatement caduque la question qui, jadis, pouvait harasser le cinéphile anxieux : « Mais dans quel film ai-je déjà vu cet acteur » ? En outre, des sites spécialisés tels qu’Allociné ou IMDb (The Internet Movie Database, base de données en ligne sur le cinéma, la télévision et les jeux vidéo) se spécialisent dans la tenue de fiches biographiques et filmographiques (si possible parsemées d’anecdotes), équivalents numériques des « Fiches de Monsieur Cinéma », créées en 1976 suite à l’émission télévisée du même nom et qui connurent leur heure de gloire dans les années 1980, faisant longtemps référence auprès des amateurs. Les cinéphiles que nous avons rencontrés sont les premiers à utiliser Internet comme une immense base de données sur le cinéma. Ainsi, Quentin (18 ans, Terminale Littéraire, Pornichet), estime : « J’ai peut-être appris 60 % de tout ce que je sais sur cette période-là [NDLA : celle des comédies musicales de l’âge d’or] sur Internet… ». De la même façon, Robert (38 ans, médecin, Toulouse) explique que c’est en faisant « des recherches systématiques sur Internet » qu’il a découvert le forum Gene Kelly : « Je cherchais des films, des vidéos où Gene Kelly est apparu ». Enfin, Frédéric (39 ans, inspecteur des impôts, Massy) déclare lui aussi avoir trouvé les sites étudiés « en faisant [ses] recherches sur le cinéma, sur tel ou tel artiste ». Il note précisément que c’est Internet qui lui a permis d’étoffer sa culture du cinéma:

Ça s’est fait au fil des années. Parce que, évidemment, quand j’étais plus jeune, il était

impossible de voir ces films-là… Et puis au fur et à mesure, au fil des années, chaque fois en voulant étendre mon univers, j’ai fini par visionner avec plaisir et découvrir, et continuer les découvertes par Internet…

Les sites de passionnés de comédie musicale constituent en effet de véritables encyclopédies sur les films et les artistes. Ainsi, le « site français Gene Kelly », créé en septembre 2001 par Isabelle (33 ans5, secrétaire médicale, Le Mans) est une mine d’or sur « l’acteur, danseur, chanteur, réalisateur, chorégraphe, producteur ». Dès la page d’accueil apparaissent une anecdote sur Gene Kelly, la vidéo et la photo « du mois », régulièrement renouvelées. La rubrique « sa vie, ses films » comporte une biographie, une filmographie (fiches films avec affiches, casting et crédits, résumé de l’intrigue), des répliques et des paroles de chansons. On trouve également plusieurs galeries photos qui rassemblent de nombreux documents iconographiques (photos de films, couvertures de magazines, portraits de studio). Enfin, divers « bonus » : citations, quizz, fonds d’écran et des liens vers d’autres sites cinéphiles. Il s’agit donc d’un site complet et ludique, qui laisse la part belle à l’image (on en juge à l’importance de la galerie photo) et aux « goodies » (fond d’écran, jeux).

5 Les âges indiqués sont ceux des enquêtés en 2005.

Rattaché au site, un « fan club français Gene Kelly » (tout officieux) qui prend la forme d’un « groupe Yahoo» (liste de diffusion6 hébergée par le moteur de recherche Yahoo). C’est au sein de cette liste que nous avons identifié quelques membres « forts », dont Marine (17 ans, Terminale Littéraire, Laon), qui tenait, en 2006, trois blogs7 consacrés au cinéma : sur Gene Kelly, sur les comédies musicales et sur le cinéma en général. Au fil de la lecture, nous avons constaté que certains lecteurs et commentateurs récurrents étaient eux-mêmes rédacteurs de blogs cinéphiles : Quentin (« Valastaire ») et Agathe (« Miss Nobody », 16 ans, Première Littéraire, Tours). Ces blogs cinéphiles dépassent largement le cadre du journal intime sur Internet. Si l’on y retrouve une dimension personnelle, en ce sens que les « bloggeurs » cherchent à mettre en avant les films qu’ils aiment, le contenu informatif y reste extrêmement dense et structuré. Ainsi, le blog que Marine consacre à Gene Kelly commence par une biographie, puis est constitué de séries de billets alternant des informations sur les films (paroles de chansons, anecdotes de tournage) et sur la vie et les partenaires de Gene Kelly ; plus marginalement, elle publie de temps en temps quelques notes où elle exprime sa passion pour l’acteur. Le blog est marqué par une prépondérance du texte et une expression dense. L’image est, bien sûr, également présente, mais elle a toujours vocation à illustrer le propos et Marine poste parfois des billets sans images. Le blog semble avant tout être envisagé par elle comme un moyen simple et rapide pour partager ses connaissances encyclopédiques sur la star ; elle construira par la suite son propre site Internet, afin d’approfondir son projet d’hommage à l’acteur8. Dans le modèle du site Internet d’Isabelle comme dans celui du blog de Marine, un changement de paradigme est manifeste. La cinéphilie – ou, plus précisément, la manifestation du goût pour le cinéma – n’est plus une pratique individuelle ou s’exerçant entre initiés au sein des ciné-clubs. Elle devient exposition : le cinéphile expert met à la libre disposition de chacun ses connaissances, voire sa collection. Ce faisant, il classe, organise, et donc produit un savoir original, c’est-à-dire une présentation subjective et informée, sur la comédie musicale. En introduisant au cœur du fonctionnement d’Internet la facilité d’utilisation et l’interactivité, le « Web 2.0 » a permis de déployer un éventail de nouveaux espaces virtuels, plus souples et plus accessibles, desquels sont nées de nouvelles pratiques. À la fin de l’année 2005, Marine a créé un forum de discussion9 sur Gene Kelly, en vue de proposer un véritable espace dédié à l’échange entre amateurs de comédies musicales. Sur ce forum, nous avons retrouvé les contributeurs des deux autres sites précédemment cités. Le forum est divisé en plusieurs sous-rubriques en fonction des différents thèmes de discussion. D’abord, un onglet « Général » avec six sous-rubriques : Présentation de l'artiste ; Sa vie, ses femmes, ses enfants ; Ses Partenaires ; Photos ; DVD, CD et livres disponibles ; Général. Ensuite, une partie consacrée à « Ses films », avec une subdivision par périodes. Puis une partie « Parlons 7eme art en général », qui distingue le Cinéma et la Comédie Musicale. Après vient une rubrique consacrée aux « Autres arts » et enfin, un onglet « Hors sujet », essentiellement pour permettre aux « forumeurs » de parler (un peu…) d’eux. Le forum Gene Kelly joue de fait un rôle informatif : chacun venant apporter sa pierre à l’édifice, il devient peu à peu une véritable base de données sur ces sujets. Ici, le savoir créé est original car il est collectif et se construit au fil du débat. En janvier 2010, Marine a également créé plusieurs pages Facebook, dont une consacrée à Gene Kelly et une à la comédie musicale (les autres portent sur d’autres interprètes). On retrouve là aussi le principe d’une écriture cumulative à plusieurs mains : le contenu n’est pas seulement

6 Une liste de diffusion permet le dialogue au sein d’un groupe de personnes ayant un intérêt commun : chaque membre reçoit par mail les contributions des autres membres et peut diffuser un message auprès du reste du groupe. 7 Un blog est un site Web constitué par la réunion de « billets » (ou « notes ») agglomérés au fil du temps et classés par ordre antéchronologique. Les lecteurs peuvent généralement réagir à chaque billet dans une partie « commentaires ». 8 Ce site, également appelé « Site français Gene Kelly », figure d’ailleurs parmi les liens « Ciné -Web » de la Bibliothèque du Film, gage de reconnaissance de sa qualité. 9 Un forum de discussion est un site sur lequel s’échangent des points de vue sur un sujet donné : chacun peut y lire les interventions (posts) des autres internautes et y apporter sa propre contribution.

produit par Marine, il l’est également par les internautes qui ont « aimé »10 la page. Cependant l’information dispensée y est d’un autre ordre : sur le « mur »11, le texte est quasiment inexistant ; s’alignent plutôt diverses publications de photos et de vidéos. On a là affaire à la plus immédiate mise à disposition du contenu, puisque ce sont directement des extraits de films hébergés sur YouTube qui sont accessibles sur la page Facebook. Grâce à Internet, les cinéphiles peuvent, à l’infini, sélectionner et distribuer le matériau cinématographique. En diffusant ces numéros musicaux, les internautes n’entretiennent-ils pas, de fait, la mémoire et le goût pour ces objets patrimoniaux ?

Internet comme moyen d’accès à l’œuvre et à son paratexte En tant que films de patrimoine, les comédies musicales hollywoodiennes ont, en effet, pu être difficiles d’accès, en particulier pour le public français et non parisien (ce qui est le cas pour beaucoup de nos enquêtés). Internet a ainsi favorisé l’accès aux informations sur les films, mais peut-être avant tout aux films eux-mêmes. D’abord, Internet permet un accès direct au contenu par le biais du téléchargement (des films, des musiques...). En 2004, 41 % des internautes à domicile auraient déjà visionné des films copiés et 31 % des films téléchargés12. Ce phénomène concerne avant tout les films récents, mais également le cinéma de patrimoine : les films récents sont téléchargés par 63 % des « pirates » et les films « anciens » par 35 % d’entre eux (par 26 % des films anciens américains). Certains de nos enquêtés ont ainsi révélé avoir acquis des films en les téléchargeant illégalement, faute d’avoir accès à une offre légale. Ainsi, Jacqueline (45 ans, enseignante, Andrézy) avoue :

Le Pirate, le problème c’est que j’ai pas le DVD [NDLA : à l’époque, indisponible en zone 2]

donc j’ai une copie qu’une copine a piraté sur Internet, donc qui est vraiment d’une qualité pas terrible… Mais ce film je l’aime tellement que c’est pas grave !

Notons que, dans ce cas, Internet s’inscrit dans la continuité d’une révolution déjà amorcée par les chaînes cinéma du câble depuis le milieu des années 1990, comme le constate Frédéric :

Quand je vois, par exemple, Marine qui d’un seul coup a vu tous les films de Gene Kelly alors

qu’elle a dix-huit ans, à mon époque c’était pas possible. Cela demandait de faire un effort, d’aller à la Cinémathèque, de choper la séance, le film qui passe à 14h le mercredi 3 mars et puis après t’attends dix mois après à la télé au cinéma de minuit ils diffusent un film… Fallait attendre des années avant de tout voir…Maintenant avec le câble, Internet…tout a changé !

Internet facilite par ailleurs l’acquisition légale de ces films, notamment de leur version VHS et DVD. Beaucoup d’enquêtés ont déclaré avoir acheté des DVD en import sur Internet (zone 1 ou 2). Internet joue donc à la fois le rôle de provider (on peut acheter des DVD sur Internet) et d’instrument de veille quant aux sorties DVD. Grâce à des outils tels que la liste diffusion, l’ensemble de la communauté cinéphile peut rapidement être prévenue de la sortie d’un nouveau titre. Paul (33 ans, demandeur d’emploi, Dreux) note « c’est eux [NDLA : les membres de la liste de diffusion] qui m’ont aidé pour ma liste de Noël ». De manière générale, sur la liste de diffusion Gene Kelly, la plupart des échanges tournent autour des sorties en DVD, des reprises au cinéma ou des diffusions à la télévision des films de Gene Kelly, des comédies musicales et, dans une certaine mesure, des films de patrimoine. Par la mise en commun d’informations glanées personnellement, la liste constitue donc un relais efficace de l’actualité de ce cinéma.

10 L’interface de Facebook est conçue pour permettre à chacun de souscrire à une page en cliquant sur le bouton « j’aime » ; cette page est alors intégrée dans le profil personnel de l’utilisateur. 11 Le mur est, sur le profil d’un utilisateur de Facebook, un espace dédié à l’activité de l’utilisateur sur le site et au dialogue avec ses amis ; les conversations publiées sur le mur sont lisibles par l’ensemble des amis. 12 Source : Le téléchargement de films sur internet, étude réalisée par Médiamétrie pour le compte du CNC, mai 2004.

Enfin, Internet est également une source d’approvisionnement pour certains de nos enquêtés, collectionneurs de produits dérivés. Ainsi, lorsque nous rencontrons Marine chez elle, elle nous montre certains de ses trésors. Parmi eux des numéros de Movies Screen achetés sur eBay (dont certains étaient encadrés et affichés sur les murs de sa chambre) et un album de vignettes de stars collectionnées par une vieille Américaine et revendu par son fils sur Internet. Bernard (chef d’entreprise, 42 ans, Toulouse) qui collectionne les objets ayant trait à la comédie musicale, se fournit lui aussi essentiellement par Internet :

J’ai une grande poupée de Fred Astaire, taille mannequin… J’ai des K7 vidéo en formes de

pellicules, j’ai des livres que je retrouve pas en France, j’ai des pins, des badges… C’est surtout pour en faire une vitrine de tout ce qui se rapporte à la comédie musicale…

Frédéric, lui aussi, utilise Internet pour enrichir sa collection de cinéphile : Sur eBay, je fais pas forcément des achats mais parfois je collectionne une photo que

j’achèterai pas mais que je garderai pour moi sur mon disque dur et c’est ainsi en tapant des noms etc. que j’ai été renvoyé par Google sur ces sites…

Notons au passage le changement de mode de collection induit par les nouvelles technologies de reproduction de l’image numérique. On n’en est plus au fétichisme de la photographie papier ; l’image a vocation à être stockée, conservée à l’état numérique. Ainsi, Robert raconte :

Je collectionne les numéros de claquettes et les numéros de comédies musicales. C'est-à-dire

tout ce que j’achète, que ce soit en DVD ou en cassette, ça finit en MD et AVI, découpé, et je ne garde que ce qu’il y a de musical dedans. Je les extrais sur un disque dur, et après je les classe par comédie musicale. J’ai un disque dur où j’ai 400 gigas, je crois que doit y’avoir un millier de numéros à peu près…

Comme le soulignent Laurent Jullier et Jean-Marc Leveratto, le passage de la cinéphilie moderne à la cinéphilie postmoderne s’incarne par le passage du film comme objet non possédable (seulement regardable) au film comme objet possédable et qui peut faire partie d’une collection. Dans notre cas il est, plus encore, fragmentable à l’envi puisque Robert n’en retient que les numéros musicaux. On voit donc bien ici comment les nouvelles technologies ont transformé également le rapport à l’œuvre filmique.

INTERNET COMME MÉDIUM DE COMMUNAUTÉ, MOYEN DE SE RETROUVER ENTRE PASSIONNÉS La quasi-totalité des enquêtés ont exprimé leur plaisir à avoir trouvé, sur Internet, d’autres passionnés d’un genre plutôt désuet qu’ils se croyaient seuls à aimer : « J’ai trouvé ça rigolo, qu’il y ait d’autres gens…. On a toujours l’impression d’être un peu tout seul, quand on aime un truc qui est un peu vieillot comme ça ! » (Jacqueline) ; « Moi, je suis pas entouré de gens qui aiment ce genre de cinéma… Si t’as pas accès à l’Internet, t’as l’impression d’être le seul. » (Robert). On perçoit clairement une sorte de soulagement chez ces afficionados, comme si le caractère particulier de leur objet de passion les discréditait. Sur les différents espaces, semblent ainsi se récréer de micro-communautés de spectateurs fonctionnant alors comme autant de communautés interprétatives. Ils tirent plaisir à échanger sur les films, exposer ou débattre de leurs goûts. Pour autant, on trouve des publics très différents d’un type de cyber-espace à l’autre. Ceux-ci semblent s’articuler autour de deux axes : d’une part le degré d’intégration communautaire de leurs membres, d’autre part le degré d’expertise que ces derniers manifestent sur la comédie musicale.

Le « site français Gene Kelly », un espace d’échange d’informations pour les novices de la comédie musicale Commençons par esquisser le portrait du public du « site français Gene Kelly » à partir des messages laissés sur la section « Livre d’Or » (environ 230) Il s’agit, pour la plupart, de commentaires assez lapidaires de cyber-cinéphiles félicitant l’administratrice pour son travail et/ou déclarant leur passion pour Gene Kelly (Greg : « Et dire qu'il a fallu que je me mette à faire un site sur fred pour communiquer avec la créatrice du site fr gk ! ton site sera pour moi un modèle ! bravo! vive gene et fred ! mdr »13; Floryanne : « Bravo pour ton site, Isabelle. C'est un régal. Je suis bien contente de voir que je ne suis pas la seule à aimer Gene ») avec, parfois même l’adresse directe à l’acteur (Marine : « Gene, merci! »). On note qu’une grande partie de ceux qui ont signé le Livre d’Or ne se retrouvent pas sur les autres espaces étudiés (blogs, forums, pages Facebook). Tout se passe comme si les visiteurs de ce site en consultaient les nombreuses ressources, sans vraiment désirer échanger de manière approfondie sur le sujet. Ainsi, la liste de diffusion rattachée au site compte 135 membres, mais moins d’une dizaine l’alimente régulièrement. Tout se passe comme si le site avait pour fonction d’informer les néophytes, alors que, dans la liste de diffusion, on restait plutôt « entre spécialistes ». On comprend que c’est un effet d’optique, puisque le ton de la liste de diffusion n’est donné que par la minorité de spécialistes qui s’y expriment. Deux hypothèses : soit les membres se contentent dans leur majorité de consulter leurs mails à simple titre informatif, soit ils ont créé un compte Yahoo pour s’inscrire au « club », mais n’y regardent pas leurs mails (on peut, dès lors, douter de la force de leur investissement dans le genre). Dans tous les cas, on constate que si la dimension informative de ces espaces est unanimement louée, le sentiment communautaire a du mal à prendre. Dans sa rubrique « Communiquer », Isabelle présente ainsi le « club Gene Kelly » :

Le club réunit de véritables passionné(e)s de Gene Kelly. Les membres échangent leurs

photos, leurs idées, leurs opinions sur divers sujets ayant trait à l'acteur ou aux comédies musicales en général. Au fil du temps, une amitié réelle est née entre les différents membres et l'ambiance y est très conviviale.

Si de petits signes témoignent de cette recherche de convivialité (on enregistre sa date d’anniversaire et, à chaque anniversaire un mail est envoyé à l’ensemble du groupe, chaque nouvel inscrit est invité à renseigner ses films préférés de Gene Kelly, etc.) cette « amitié réelle » entre les membres de la liste est essentiellement un vœu pieux de la part de la créatrice du site. Sur le Livre d’Or comme sur la liste de diffusion, il n’y a pas de véritable discussion ou d’échange qui naisse au fil des messages et les éléments qui y sont présentés sont, on l’a vu, essentiellement factuels ou lapidaires. Florence (33 ans, documentaliste, Évry), qui ne fréquente le club que de façon très occasionnelle estime d’ailleurs que c’est précisément ce manque de contenu « de fond » qui ne lui donne pas envie de s’y investir davantage :

Je me suis inscrite [au club Gene Kelly] parce que je trouvais ça rigolo, mais, en fait, j’y vais

pratiquement pas. Je reçois les nouvelles, mais j’ai pas le temps. Ça m’apporte rien. Par exemple je ne vais pas dire « Là, y’a telle personne à côté de Gene Kelly » ou « Là, il est beau sur cette photo… » […] J’ai l’impression que les gens qui sont là, si on pouvait vendre les chaussures de Gene Kelly… Ben, moi, ça m’intéresse pas.

Nul doute que cet état de fait est en grande partie dû à la structure du medium lui-même. La fonction de la liste est autre : comme son nom l’indique, il s’agit avant tout de diffuser l’information « brute », sans trop de commentaires. Cela se comprend finalement assez aisément, la configuration du medium expliquant son contenu : la présentation même de la liste de

13 Pour les citations de messages Internet, les abréviations et éventuelles fautes d’orthographe sont d’origine.

diffusion (une succession de mails sur lesquels il faut « cliquer » pour accéder au contenu) rend assez difficile une lecture d’ensemble, à la différence d’un forum.

Les blogs, espaces générationnels de communication interpersonnelle Le « public » des blogs est également délicat à appréhender. Là encore, on ne peut étudier que les internautes qui laissent une trace écrite en commentant les billets des bloggeurs. La moyenne d’âge des utilisateurs y semble plus basse que sur les autres cyber-espaces, soit que les internautes annoncent d’emblée leur âge, soit que leur expression écrite les trahisse. Ainsi, le style « sms » de certains commentaires peut laisser perplexe et contraster étrangement avec la nature du propos : « olala fred astaire je kiffe mé gene kelly sé gene kelly!!!iléle méyeur dé meyeyrs!! mem si fred astaire é génial gene kelly lé encor +!lol bref bizouuuus a tou lé fans de comédi muzicaaal é de VRé » (sic). Sans doute ceci est-il autant dû au rapide succès des blogs auprès d’un public jeune (plus de 32 millions de blogs sur Skyblog en 2010)14 qu’à la nature de l’hébergeur : la radio jeune Skyrock (même si cela n’a aucun rapport avec le contenu du blog). Sur les trois blogs étudiés, les commentaires semblent être de plusieurs types. Écartons d’emblée les quelques « trolls » et « bots » 15 qui ne postent que pour faire de la publicité pour leur propre blog (voire pour des sites marchands). Nous trouvons ensuite les utilisateurs ponctuels qui saluent le bloggeur sur son travail. Enfin, les amis virtuels du bloggeur, qui dialoguent directement avec lui/elle dans la partie « commentaires » du blog. Sur les blogs, déjà, la constitution d’une communauté est plus marquée. La dernière phrase du billet de présentation du blog d’Agathe retient notre attention : « N'hésite pas à écrire des commentaires, afin que je ne me sente pas seule au monde dans mon univers peuplé de musiques, d'acteurs et de films surannés. » ; la particularité du blog par rapport au journal intime étant bien d’avoir vocation à être lu et commenté. On remarque que les communications qui prennent place sur le site prennent généralement la forme d’un dialogue avec le bloggeur, plus rarement d’un agrégat de commentaires qui se répondent les uns aux autres. Le blog, même lorsqu’il est autre chose qu’un simple journal intime, semble difficilement échapper à son caractère centré autour de son propriétaire. Au fil des commentaires, on assiste à la naissance d’amitiés entre les différents membres de la blogosphère, qu’ils soient eux-mêmes blogueurs ou commentateurs réguliers. C’est ainsi sur le blog de Marine que l’on trouve trace de ses premiers échanges avec Agathe, qui deviendra une amie et contributrice assidue, au blog comme au forum :

Sailor G.Kelly, Posté le dimanche 02 octobre 2005 15:05 Merci Agathe pour ce commentaires (encouragent! :D) et dis donc surtout merci pour tout tes commentaires! LOL! Quel ne fut pas ma surprise quand j'ai vu que j'avais 18 nouveaux commentaires moi qui ai toujours l'habitude d'en trouver 1 ou 2 maximum...:DLol! Merci pour tout ces commentaires donc, j'y répondrais quand j'en aurais le temps! En espérant que tu reviennes sur mon blog, je te dis A Bientôt! Agathe, Posté le lundi 03 octobre 2005 18:17 Bien sûr que je reviendrais sur ton blog, il est déjà dans mes favoris est sera sur mon blog, que je viens tout juste de commencer, qui parle de cinéma, de comédies musicales et de mes acteurs et actrices préférés. A+ alors et bonne continuation! Sailor G.Kelly, Posté le mardi 04 octobre 2005 13:29 Merci Agathe! Peux-tu me donner l'adresse de ton blog?!!! Merci d'avance!

14 Source : Skyblog. 15 Sur Internet, on utilise le terme « troll » pour désigner une personne, ou un groupe de personnes, participant à un espace de discussion (de type forum), qui cherche à détourner malicieusement le sujet d'une discussion pour générer des conflits en incitant à la polémique et en provoquant les autres participants. Un « bot » est un logiciel automatique ou semi-automatique qui agit sur les serveurs Internet comme le ferait un humain. Certains de ces logiciels sont employés pour générer massivement des envois publicitaires sur des sites d’échange.

Agathe, Posté le mercredi 05 octobre 2005 12:42 Bien sûr: la voila: http://missnobody.skyblog.com mais attends un petit peu car il est encore en construction. Je serai ravie de ta visite!

On remarque ici le principe des « recommandations » entre les blogueurs, qui dicte le modèle du genre. Cette forme de cooptation n’a-t-elle pas tendance à élever le niveau d’expertise des internautes ? D’une manière générale, nous observons que les personnes qui commentent ces blogs témoignent d’une connaissance du genre plus étoffée que celles rencontrées sur le Livre d’Or du site d’Isabelle. De billets en billets, ces commentateurs exigeants posent à Marine leurs demandes de précisions et compléments éventuels. Ainsi, dans ce cas, même s’il y a échange avec les lecteurs, le savoir émane principalement du bloggeur. Marine étant véritablement en recherche de partage, nulle surprise que l’étape suivante de son investissement ait été la création d’un forum de discussion autour de Gene Kelly.

Le forum, un espace pour l’entre-soi des plus experts Mis en ligne fin novembre 2005, le forum Gene Kelly compte 65 membres en septembre 2010. Parmi eux, 32 sont inscrits mais n’ont jamais posté tandis que 11 ont posté moins de 10 messages.

Figure 1. Messages postés sur le forum Gene Kelly

La répartition par âge est relativement disparate : plusieurs forumeurs ont plus de 35 ans, mais les plus actifs se retrouvent parmi les jeunes amateurs de comédies musicales déjà repérés sur les autres sites (Agathe a posté 442 messages, Marine plus de 800). C’est également parmi les forumeurs que l’on retrouve les plus cinéphiles : pour plusieurs d’entre eux, la fréquentation du forum Gene Kelly se double de la fréquentation d’autres forums cinéphiles. Ainsi, on retrouve « Miss Nobody », « Sailor Gene Kelly », « Mrs Lockwood » et « Music Man » sur le forum du site dvdclassik.com consacré au cinéma datant d’avant les années 1980. Étant donné que le nombre de lecteurs (inscrits ou non) des commentaires est supérieur à celui de ceux qui les postent, on comprend que s’opère une autocensure naturelle. La publication du jugement cinéphile le rendant durablement visible aux yeux de tous, n’écrivent que ceux qui se sentent les plus légitimes à s’exprimer. Cette impression de légitimité étant dictée par la tenue de l’ensemble, s’opère nécessairement une sélection « par le haut » des interventions : ne postent que les plus « calés ». La veine théorique du discours se caractérise également par l’abondance des lectures que les « forumeurs » déclarent avoir effectuées sur le sujet. Ces passionnés sont d’ailleurs si studieux que s’est créé un sujet en vue de constituer une « bibliographie » sur les comédies

musicales !16 On observe toutefois que les intervenants réguliers ne contribuent pas tous de la même façon à la construction du savoir. Ainsi, si Marine et Agathe font partie des membres les plus experts, d’autres, comme Élise (16 ans, Seconde, Bastia) témoignent davantage de leur expérience « brute » de spectateur que de leur désir de produire une analyse cinéphilique. Ce qui caractérise la nature du propos sur le forum est son côté « échange » : il s’agit d’une réflexion qui s’alimente au fil des interventions. Ici, la dimension communautaire semble en passe de se créer hors d’Internet : certains membres se sont déjà vus, d’autres ont proposé une rencontre collective. La venue de Cyd Charisse, à Paris, en juillet 2006, devait en être l’occasion ; l’actrice s’étant finalement décommandée, ce projet a été annulé. On remarque enfin que la majorité des inscriptions sur le forum date de 2006-2007, ce qui suggère qu’il y a eu transfert d’un ensemble d’internautes des sites préexistants (site d’Isabelle ; blogs de Marine, Quentin et Agathe) vers le forum. On observe également l’inverse : des nouveaux utilisateurs du forum qui découvrent « après coup » les blogs des membres les plus éminents.

Figure 2. Évolution des inscriptions sur le forum Gene Kelly depuis sa création

Grâce au forum et au confort qu’il offre pour le déploiement de débats sur divers sujets, il semble que le groupe des internautes amateurs de comédie musicale, qui s’était d’abord découvert une passion commune, se donne les moyens d’entretenir et d’enrichir cette passion en en déployant tous les aspects sur un espace d’échanges collectifs. Dès lors, les évolutions d’Internet et des pratiques communicationnelles induites ont contribué à ce qu’un groupe « en soi » devienne un groupe « pour soi ».

Pages et compte Facebook : des outils issus de réseaux sociaux, mais finalement assez peu tournés vers la communication ! Le public des Internautes qui ont « aimé » les pages Facebook de Marine se différencie sensiblement des publics du site, des blogs, et du forum. D’une part, il se distingue par son caractère international : la plupart des commentaires sont en anglais. Plusieurs facteurs explicatifs : d’abord, le site communautaire s’est d’abord implanté aux États-Unis avant de connaître un rayonnement mondial (ce qui abolit définitivement les frontières) ; ensuite, la comédie musicale est avant tout un phénomène culturel anglo-saxon ; enfin, Marine contribue elle-même à la définition de son public en s’exprimant en anglais – à la fois dans ses commentaires et dans la rédaction même du « corps » de la page (biographie sur Gene Kelly,

16 On observe que, dans les blogs comme sur les sites, la propension au copié-collé est quasi-inexistante. Les textes postés sont des textes originaux et très bien documentés. Même si les sources ne sont pas citées, nous avons appris en entretien que Quentin et Marine possédaient de nombreux ouvrages sur les comédies musicales.

anecdotes…). D’autre part, on semble y trouver une distribution très large des profils en termes d’âge, même si on y retrouve d’abord nos plus jeunes spectateurs (Marine, Quentin, Agathe), sans doute pour partie un effet-génération. En revanche, les membres les plus âgés (Robert, Bernard) et les moins investis (Jacqueline, Florence) ne semblent pas y participer. Suite aux démêlés avec les administrateurs de la succession Gene Kelly, la page Gene Kelly, qui comptait 2 028 « membres » (personnes qui ont « aimé » la page) dans son ancienne version, n’en compte plus que 544 dans sa nouvelle, après changement de nom. On peut penser qu’il s’agit pour partie d’une contrainte technique, plusieurs membres n’ayant pas compris qui leur fallait « aimer » à nouveau la page pour faire partie du nouveau groupe. En revanche, la page « The Musical club » semble avoir davantage de difficultés à rencontrer ses adeptes et ne compte que 56 personnes – on comprend dès lors la force publicitaire de la « marque » Gene Kelly. Dans le cadre de ces pages Facebook, la dimension communautaire paraît, étrangement, assez faible. En effet, on observe assez peu d’échanges durables entre les utilisateurs qui ont aimé la page. Si certains d’entre eux commentent ou « aiment » les éléments postés au fil du mur, il ne se constitue pas, de façon manifeste, une identité de groupe en tant que tel. Ainsi, lorsqu’un utilisateur de Facebook fait une action sur la page des « Fans de Gene Kelly » (qu’il poste ou commente un contenu, qu’il « aime » la page ou la partage sur son profil), c’est peut-être avant tout un acte à destination de ses amis personnels (que ceux-ci soient ou non intéressés par la comédie musicale). C’est vis-à-vis d’eux qu’il se définit comme porteur de goûts spécifiques, et non des autres amateurs. Grâce à Facebook et en s’auto-appliquant quelques « marqueurs », l’internaute œuvre lui-même, en quelques clics, à définir son positionnement dans le champ culturel.

Deux tentatives de modélisation En vue de représenter la façon dont se constitue la communauté virtuelle des amateurs de comédies musicales, nous avons schématisé les fréquentations des différents sites par les internautes que nous avons rencontrés.

Figure 3. Cyber-cinéphiles et communautés virtuelles fréquentées

Au centre, on retrouve sans surprise les plus investis (Marine, Agathe, Quentin), qui forment entre eux un réseau de communication par mail ou MSN. Aux périphéries, on localise les « simples spectateurs » (Florence, Jacqueline) qui suivent le débat sans y participer, à travers les outils les moins impliquants, comme la liste de diffusion. Par ailleurs, nous avons tenté de modéliser la localisation des différents sites étudiés, en fonction de deux grandes variables : d’une part, le caractère de spécialistes ou de néophytes des individus qui fréquentent le site, d’autre part la faiblesse ou la force des liens qui unissent les différents membres.

Figure 4. Projection des différents sites Internet dans le champ de la cyber-cinéphilie

On observe ainsi une nette distribution des espaces, en termes de « qualité » de public comme en termes d’usages. Ainsi, les différents sites couvrent bien tout l’espace des possibles ; c’est pourquoi ils sont, selon nous, parfaitement complémentaires. On a donc très clairement des sites qui s’adressent à différents publics, ou peut-être plutôt, des publics qui font des sites des usages différents et en définissent ainsi la finalité. Après avoir étudié les différents sites et leurs contenus, nous allons à présent analyser les usages qui en sont faits.

INTERNET, OUTIL DE RÉAPPROPRIATION DE L’ŒUVRE CINÉMATOGRAPHIQUE Site, liste de diffusion et page Facebook : la réappropriation du contenu sur un mode ludique Le « site français Gene Kelly » et la liste de diffusion ont été construits sur un mode ludique (on a vu l’importance des photos et des bonus), ce qui le rapproche nettement du « hobby ». La pratique cinéphilique est ici clairement vécue sur le mode du « simple divertissement ». Dans la liste de diffusion, même si le discours est davantage orienté vers les spécialistes, il n’en est pas moins essentiellement consacré à de l’information factuelle. Sur les pages Facebook, on retrouve le même modèle : l’internaute poste des vidéos ou des images et les commente en quelques mots ; pas de discours savant, pas d’analyse filmique. En outre, on voit fleurir sur les pages personnelles des possibilités et des applications de plus en plus originales pour exprimer son amour pour la comédie musicale. Par exemple, Quentin manifeste très activement sa passion sur Facebook. Sur son « mur », on trouve le résultat d’une application

qui calcule son taux de ressemblance avec Gene Kelly ; des vidéos de Liza Minnelli, Jerry Lewis, Lena Horne, Judy Garland, Debbie Reynolds ; une web-radio qui diffuse des hits de Broadway, etc. Marine, pour sa part, utilise essentiellement son compte Facebook personnel pour rester en contact avec ses amis, même si l’on aperçoit, furtivement, des signes de son identité cinéphile (quizz « What classic Hollywood Actress are you ?», « Which Western cow boy star are you ?» ). Si Facebook permet au cinéphile d’afficher son identité, c’est principalement par le biais de telles applications, sur un mode non-discursif.

Blog : la comédie musicale hollywoodienne comme élément essentiel à la présentation du soi des « bloggeurs » Laurence Allard qualifie les blogs de « journaux extimes », « au sens où ils incorporent des traces de la lecture d’autrui dans le corps du texte de la chronique intime » [ALLARD, 2003]. Plus particulièrement, elle isole les « kino-blogs » (ou blogs cinéphiles), qui « renvoient à des ensembles textuels multimédia publiés en ligne et convoquant le cinéma comme “territoire existentiel” » [ALLARD, 2004]. Nous avons effectivement déjà noté que, dans le cas qui nous occupe, il s’agit de pages personnelles dédiées à la célébration d’artistes qui font rêver leurs auteurs : tout se passe comme si la présentation de soi passait par la médiation de l’usine à rêves du cinéma hollywoodien. Ces films, c’est eux. Tenir un blog de cinéma, c’est donc se présenter publiquement comme un « être de cinéma » avant tout. Nous allons analyser les « manifestes » de cet engagement cinéphilique dans les premiers articles des trois blogs étudiés. Ces articles présentent à la fois le blog et son rédacteur, et opèrent une mise en scène particulière du « moi », à travers trois dimensions : la célébration d’une appartenance à une communauté de « fans », la relégitimation d’un objet aux yeux des pairs et la pratique performative du goût pour le cinéma.

Blog de Quentin :

==> Fred Astaire et Gene Kelly, ces noms vous disent sans doute quelque chose... <== “Oh c'est les acteurs qui jouaient dans des vieux films, y a 50 ans !”

Ce sont deux des plus grands acteurs américains... Ce sont mes pères spirituels, mes modèles de vie... Ce sont mes Dieux... Et oui, c'est original, mais il me faut avouer que j'ai fait de leurs

œuvres, au premier sens du terme, c'est-à-dire de leurs vies et tout ce qu'elles contiennent, MA RELIGION ! Et je sais que je ne suis pas le seul, même si nous autres les kellyiens et les

astairiens ne sommes pas très nombreux ! Pour Monsieur Astaire, on le connait souvent grâce à sa réputation de danseur...

Pour Monsieur Kelly, on l'associe souvent à sa très célèbre scène où il chante sous la pluie lol Sachez que grâce à ce blog, vous allez enfin pouvoir les connaître mieux...

Ils furent deux des plus grands hommes de leur génération, et sont les initiateurs du cinéma américain moderne... Sans eux (et je pèse mes mots), tous les “Leonardo Dicaprio”,

“Catherine Zeta Jones” ou encore “Johny Depp” ne seraient que de vulgaires saltimbanques sans importance...

Alors, rien que pour ça, savoir le noms de quelques chefs-d'œuvres dans lesquels ils ont joué est important voire même essentiel pour enrichir sa culture ;) !!!

Dans ce blog, je vais vous parler de ces deux hommes, de leur enfance, de leurs passions, de leurs partenaires, de leurs œuvres.... bref de leurs Vies...

Laissez-vous porter au fil des pages par leurs talents... C'est un instant de plaisir qui s'offre à vous !

Et Laissez des Commentaires si le Coeur vous en dit lol

Blog de Marine

Oh Boy! Par quoi commencer? Tout d'abord

Bienvenue Je me présente...

Well, well, well -tiens ça me rappelle ce que dit le monsieur dans Anchors Aweigh après la chanson Susie : “Well, well, well...su-sus-susi...”...bref...- Mon pseudo est Sailor Gene Kelly... Sailor en référence aux nombreuses fois ou Gene Kelly joue un marin alias a sailor...(“On the

Town”-“Anchors Aweigh”-“Invitation to the dance”). Je vis une passion pour Mr.Kelly depuis maintenant un certain bout de temps. Je l'ai

découvert dans Ziegfeld Follies dans le numéro The Babbit and the Bromide Le jour ou je l'ai découvert, j'ignorais alors totalement qu'il donnerait un vrai tournant à ma vie. Gene Kelly est pour moi, une révélation. Il rejoint tout ce que j'aime. Aujourd'hui, cette passion ne cesse de grandir et je ne peux m'empêcher d'être reconnaissante envers lui pour tout ce qu'il m'a apporté et m'apportera. C'est pourquoi je lui ai crée un blog et un site en construction (http://gene.kelly.free.fr), afin de lui rendre une fois de plus hommage, à ma

façon. .Je tiens à préciser que ce site est loin d'être à la hauteur de rendre un véritable

hommage pour tout ce que Gene Kelly a fait et crée tout le long de sa vie.

Blog d’Agathe

Bienvenue à toi, cher hôte de cet humble blog! Je commencerai par signaler que ce blog n'aura aucun lien avec son hébergeur, la vilaine radio

Skyrock, qui est malgré tout la meilleure dans la petite industrie du blog. En ce qui me concerne, l'unique radio que j'écoute est Nostalgie. Mais bon, tout cela n'a aucun rapport avec le contenu de ce site, qui parlera essentiellement, pour ne pas dire exclusivement de cinéma. Mais pas du cinéma en général, seulement de mon cinéma, du cinéma que j'aime et qui me

passionne, des films que j'adore, de ces comédies musicales si joyeuses et des acteurs et actrices de l'âge d'or d'Hollywood!

Bonne visite sur ce blog, où tu (re)découvriras des actrices comme Audrey Hepburn, Marilyn Monroe ou Judy Garland, des acteurs comme Marlon Brando, Gene Kelly ou Cary Grant, des réalisateurs géniaux comme Cukor, Hitchcock ou encore Wilder, des chefs d'œuvres comme

“Boulevard du crépuscule”, “Casablanca” ou “Certains l'aiment chaud”,et des comédies musicales de “Top Hat” à "West side story” en passant par “Chantons sous la pluie”.

N'hésite pas à écrire des commentaires, afin que je ne me sente pas seule au monde dans mon univers peuplé de musiques, d'acteurs et de films surannés.

Célébration de la communauté cinéphilique Tout d’abord, ces blogs cinéphiles se veulent le lieu de l’expression de l’appartenance à un groupe fantasmé de fans. Chez Quentin, impossible d’ignorer la dimension mystique qui s’exprime sous la métaphore filée de la religion : « ce sont mes pères spirituels, mes modèles de vie... Ce sont mes Dieux […] ma religion ». Par ailleurs, lorsqu’il invente les néologismes comme : « nous autres les kellyiens et les astairiens », il exprime sa croyance en l’existence d’une communauté forte, comme si le fait d’aimer Gene Kelly et Fred Astaire devenait pour lui le plus important des marqueurs sociaux. Plus encore, soulignons que, lorsqu’il précise « nous […] ne sommes pas très nombreux », pointe l’idée du caractère restreint, donc exclusif, de ce groupe. Lorsqu’elle fête le premier anniversaire de son blog, Marine fait le bilan : « Faire ce blog m'aura apporté plus que ce à quoi je m'attendais. Ne serait-ce que pour des gens intéressants que j'ai pu rencontrer et qui se reconnaitront ». Lors de notre entretien, elle a également exprimé ce soulagement d’avoir pu, sur Internet, retrouver des gens qui lui ressemblent :

[Avec Quentin], on se comprend trop… mais c’est trop marrant ! Sur MSN on parle, on se

comprend, mais… totalement ; parce que, en fait, si on disait tout ce qu’on pensait sur Gene Kelly et tout, on pourrait être considérés comme des fous. Parce que c’est limite – enfin, on considère Gene Kelly comme un modèle, tu sais… enfin, ça me rassure d’avoir quelqu’un avec qui… j’me dis… parce que des fois je me dis, t’es folle tu penses qu’à ça, c’est… Parce que la dernière fois, y’a une amie qui me dit : mais tu penses à Gene Kelly tous les jours ? Et j’ai presque… j’étais un peu gênée de lui dire : ben oui… Plus d’une fois par jour !

Ainsi, c’est par la médiation d’Internet que Marine a pu, en extériorisant sa passion et en découvrant que celle-ci était partagée par d’autres jeunes, l’assumer pleinement auprès de ses pairs. En effet, il est important de souligner le caractère singulier de ces jeunes qui se passionnent pour un genre pouvant être considéré comme suranné. Ils se sentent en décalage avec leur univers de référence, celui dans lequel ils vivent au quotidien. Lorsque nous l’avons rencontrée, Marine a à plusieurs reprises exprimé le sentiment de se trouver « enfermée » dans un quotidien trop sclérosant pour sa passion. Une grande partie de son discours était alors tourné vers l’évasion, elle avait le projet de passer une année au pair aux États-Unis17 après son Baccalauréat. L’univers mental dans lequel elle vit (celui des comédies musicales) n’a rien à voir avec son quotidien picard. Ces jeunes sont également en décalage avec leur génération : on ne voit nullement dans leurs propos l’idée d’une appartenance à la culture « jeune ». Cette appartenance leur est d’ailleurs de surcroît déniée par leur entourage, qui, du fait de leurs goûts cinématographiques, les traite de « petits vieux ». Quentin se heurte même à des positions des plus catégoriques : « J’ai une amie qui est totalement contre, qui ne comprend absolument pas comment un adolescent de 18 ans peut s’intéresser aux années 1950 ». Marine a elle aussi tout à fait conscience de ce décalage et le formule sans ambiguïté : « Euh, c’est prétentieux de dire ça mais… ben moi les jeunes d’aujourd’hui, d’façon, je les trouve blasés, j’ai horreur de ma génération… J’ai aucune fierté». Ce décalage, elle en souffre pourtant parfois, par exemple lorsqu’au lycée, on raconte qu’elle est « dans son univers » :

Moi j’ai un ami qui m’a dit… enfin, qui a dit à une amie, que je tentais trop de rentrer, trop de

faire rentrer les gens dans mon univers et moi de pas rentrer dans le leur… Que j’essayais trop de les faire rentrer dans mon univers et que je m’en foutais, quoi, de rentrer dans le leur... Mais c’était complètement débile ce qu’il avait dit, parce que… Ben je sais pas, lui il n’a pas vraiment d’univers…

S’applique ici l’observation de Merton sur la discordance entre groupe de référence et groupe d’appartenance [MERTON, 1965]. Si leur groupe d’appartenance « objectif » est celui des adolescents français vivant en province, leur groupe de référence n’a rien à voir : il s’agirait presque d’une identification avec les professionnels de l’entertainment ! En effet, si Quentin et Marine correspondent très régulièrement, leur amitié virtuelle est davantage vécue sur le mode d’un fantasme de partnership que celui d’un flirt adolescent. Leur rêve, c’est d’aller ensemble à Broadway et de monter un show, à l’instar d’un Gene Kelly et d’une Judy Garland... Relégitimation de l’objet et « Distinction » En même temps qu’ils célèbrent l’appartenance à une communauté de pairs « virtuels » qui savent les accepter alors que leurs pairs « réels » les ont rejetés, ces blogs se transforment quelquefois en de véritables instruments de propagande en faveur de la comédie musicale. Quentin ne recule devant aucune emphase : « Sachez que grâce à ce blog, vous allez enfin pouvoir les connaître mieux », il se place clairement en héraut de la bonne parole. Il n’hésite pas à dénigrer certains acteurs pour faire valoir la supériorité (toute subjective !) de ceux qu’il vénère: « Sans eux (et je pèse mes mots), tous les “Leonardo Dicaprio”, “Catherine Zeta Jones” ou encore “Johny Depp” ne seraient que de vulgaires saltimbanques sans importance. » Enfin, il n’est pas loin de faire la leçon au lecteur égaré : « Alors, rien que pour ça, savoir le noms de quelques chefs-d’œuvre dans lesquels ils ont joué est important voire même essentiel pour enrichir sa culture ;) !!! » Agathe fait un peu de même lorsque, dès l’entrée en matière de son blog,

17 Projet concrétisée : elle s’est envolée le 7 août 2006 pour un séjour de six mois au Etats-Unis, à San Francisco puis New York.

elle se croit obligée de préciser : « Je commencerai par signaler que ce blog n'aura aucun lien avec son hébergeur, la vilaine radio Skyrock ». Un examen attentif de leurs discours indique la pratique – classiquement mise en œuvre par les individus désignés par leurs pairs comme différents – du « détournement du stigmate » (développé par Erving Goffman, dans Stigmates [GOFFMAN, 1973]). En effet, c’est leur propension à convertir leur différence en « Distinction », que l’on a déjà aperçue chez Quentin :

Marine et moi, même si on se fait autant chambrer par le reste de notre classe… mais on le

prend bien ! Ca va. Moi personnellement le fait d’avoir cette passion-là, je me dis ça me met plus sur un, sur une espèce de supériorité culturelle, ou même de qualité de… enfin je veux dire, en L c’est bien d’avoir cette passion-là

Quentin a aisément su convertir son stigmate social (« Ben l’année dernière, […] vraiment je me suis dit pfft je fais un peu tache, quoi enfin j’ai l’impression vraiment de faire tache, presque de devoir m’excuser en fait ! Genre “Je suis désolé, ne m’en voulez pas s’il vous plaît je n’aime pas M Pokora” (rires) tu vois ? ») en capital scolaire. Il me raconte ainsi qu’une évocation de My Fair Lady dans une dissertation sur Pygmalion lui a valu les compliments de son professeur de français. De la même façon, Marine a réalisé son TPE sur Un Américain à Paris. La célébration de l’amour cinéphile Enfin, l’écriture et l’animation du blog deviennent une pratique performative qui permet au bloggeur de persévérer dans sa condition d’être de cinéma. Mais, comme le précise Agathe, d’un certain cinéma : celui qui fonde en tant que cinéphile : « Pas du cinéma en général, seulement de mon cinéma, du cinéma que j'aime et qui me passionne, des films que j'adore ». Marine évoque, pour sa part, un « vrai tournant à [sa] vie » et une « révélation ». Tout se passe comme si elle avait cristallisé en Gene Kelly toutes ses aspirations (« Il rejoint tout ce que j'aime ».) Gene Kelly joue alors quasiment un rôle messianique : « cette passion ne cesse de grandir et je ne peux m'empêcher d'être reconnaissante envers lui pour tout ce qu'il m'a apporté et m'apportera ». Le blog (qu’elle estime, en toute humilité, « loin d’être à la hauteur »), est ainsi présenté comme instrument de célébration de cette passion : « afin de lui rendre une fois de plus hommage, à ma façon ». Cette importance du discours sur semble une caractéristique de ces amateurs de comédie musicale, et les blogs ne sont finalement qu’une partie de ces entreprises créatives de célébration. Marine réalise également des dessins (reproductions de caricatures, de costumes de scène) – qu’elle poste sur le blog, tandis que Quentin a, il y a quelques années, écrit et monté un spectacle de comédie musicale avec des numéros et chansons issus de ses films préférés. Peut-être doit-on chercher dans les fondements mêmes du genre l’explication de ces pratiques de « bricolage ». Par ses décors faramineux, ses numéros spectaculaires, ses costumes resplendissants, la comédie musicale est un genre aux codes esthétiques facilement identifiables. Dans le même temps, le genre prône une idéologie de la spontanéité et de la facilité, masquant la mécanique hollywoodienne et le travail des interprètes, au service de l’idée que la danse et le chant sont à la portée de tous [FEUER, 1993]. Exaltant l’expression artistique sous toutes ses formes, elle semble un terrain de choix pour les pratiques amateurs, ou de fan art18. On soulignera que la formule du blog réserve encore une large place à la biographie, même pour les plus connus comme Gene Kelly ou Judy Garland. On peut rapprocher ce comportement de la fonction symbolique de répétition de l’histoire, qui caractérise les mythes des origines : tout se passe comme si la communauté, pour se souder, avait besoin de raconter encore et encore l’histoire de ses héros...

18 Le fan art désigne les différentes formes de création artistique ayant pour visée de rendre hommage à tout ou partie d’une œuvre originale.

Le forum : la construction d’un discours extrêmement articulé C’est au sein du forum que nous avons rencontré les discours les plus pointus et les plus articulés. Cette utilisation du medium résulte à la fois de la nature de son public (les spectateurs les plus avertis, participant fréquemment à d’autres forums cinéphiles) et à son format (la possibilité de faire défiler toute une conversation par ordre chronologique et d’accueillir plusieurs participants). Ce qui le différencie de la liste de diffusion, on l’a évoqué, est sa propension à favoriser l’échange polyphonique. L’information est rarement donnée brute, on privilégie la réflexion, l’analyse. Les discours au sein du forum Gene Kelly se caractérisent par une tendance très forte à la théorisation, à la catégorisation (tenue de listes : films, chansons, danses préférés), à la sélection. Le débat existe également, et se déroule de façon plutôt cordiale, comparé aux autres forums de discussion. Sur Internet comme ailleurs se déploient les mécanismes de distinction et de bonne volonté culturelle. Frédéric le note à propos du forum dvdclassiks :

Je trouve que y’a toujours un petit côté virulent chez les participants. Ce sont toujours des

fanatiques, alors… Par exemple, dernièrement, je parlais d’un film qui avait fait l’objet d’un remake bollywoodien, en indiquant que c’est une rareté parce que c’était pas un film musical. Tout de suite quelqu’un me répond : “Mais il existe d’autres films qui sont pas musicaux à Bollywood, y’a ci y’a ça ” en citant les quelques exceptions. Mais toujours sur un ton un peu… c’est ça qui me chagrine un peu : chacun fait valoir sa culture, sa passion… mais parfois c’est un peu trop véhément.

Pour autant, c’est bien dans le débat que la réflexion se construit, se structure. Le débat écrit oblige les participants à sélectionner et organiser leurs connaissances, puis à exprimer et motiver l’expression de leur goût pour le cinéma. De là, on peut dire qu’Internet sert, de façon originale, à entretenir et renouveler la cinéphilie de chacun, puisqu’il s’agit alors d’une cinéphilie en acte.

CONCLUSION Cette enquête nous a permis d’explorer comment Internet et les nouvelles technologies avaient rendues possibles d’autres façons d’être cinéphile. D’abord, on assiste à une modification de la relation à l’objet cinéma. L’accès à l’œuvre est plus facile et immédiate (téléchargement, streaming) : ainsi, la comédie musicale hollywoodienne – en tant que cinéma de patrimoine – s’extrait de l’arcane des salles des cinémathèques et du cinéma de minuit. Par ailleurs, la numérisation des œuvres audiovisuelles rend maintenant possible leur collection, en totalité ou en partie. Dans le cas de la comédie hollywoodienne, il s’effectue un renouvellement de la dichotomie entre les numéros musicaux et la partie narrative. Autant d’éléments qui modifient la manière d’être spectateur et de considérer l’œuvre filmique. Ensuite, on assiste à la formation de groupes virtuels de cinéphiles qui réinventent les modes de la cinéphilie collective. En effet les forums et blogs cinéphiles rendus possibles par le Web 2.0 s’inscrivent dans la double tradition des ciné-clubs et des fan-clubs. Leur dimension de ciné-club s’affranchit de la salle de cinéma locale : le recrutement s’élargit, on peut trouver une plus grande diversité de profils – même si, on l’a vu, les forums ont leurs habitués et reproduisent les mécanismes de domination culturelle (timidité des novices à s’exprimer devant les plus experts). En outre, le film n’est plus regardé en groupe : l’expérience de réception collective simultanée est abolie, chacun accède à l’œuvre selon des temporalités et des modalités différentes (possibilité de le voir plusieurs fois avant de s’exprimer, de construire son jugement après une longue réflexion ou de choisir de s’exprimer « à chaud »). Pour autant, les expériences spectatorielles se confrontent toujours. L’utilisation de la forme écrite permet non seulement de former une pensée articulée, mais de conserver des expériences qui s’enrichissent et se cumulent à l’infini, en particulier dans le cas des forums. On y trouve également un renouvellement du modèle du « fan-club ». Demeure la possibilité d’échanger entre personnes partageant une passion, mais, à la différence du modèle traditionnel, il

n’existe pas de structure associative qui chapeaute le tout (avec, éventuellement l’édition d’un journal « officiel », la perception d’un droit de membre). Si Marine a créé l’espace virtuel du forum et se trouve, de fait « administratrice », la communauté est en grande partie auto-gérée. Ce sont les « fans » qui font le « fan-club » : les échanges entre membres sont favorisés, plutôt que des témoignages isolés d’amour envers une star/un genre. Dès lors, il nous faut prêter une attention particulière à la dimension communautaire de ces groupes cinéphiles. Le principal bouleversement de ces outils Internet est en effet d’avoir permis l’avènement d’une communauté de fans jusque-là fantasmée en faisant d’un groupe « en soi » (une somme d’individus partageant une passion pour un objet) un groupe « pour soi » (une entité collective consciente d’elle-même). On vient de l’évoquer : l’expérience au centre de cette communauté est celle du regarder-ensemble et des échanges horizontaux. Tout se passe comme si ces outils, en permettant un partage immédiat et collectif de « l’être-fan », avaient rendu possible la réalisation d’une identité collective. On peut ainsi parler de communauté interprétative, où le fait d’être fan modifie la perception de l’objet. On nuancera néanmoins la force de la communauté en soulignant que les rencontres physiques restent rares : nos deux propositions de faire advenir une rencontre entre membres du forum, à l’occasion d’un cycle « comédies musicales » organisé au printemps 2006 par la Cinémathèque française ou lors de la venue (prévue) de Cyd Charisse à Paris n’ont pu se concrétiser. Le cas des jeunes fans adolescents est particulièrement intéressant en ce qu’ils forment une micro-communauté à l’intérieur de celle des fans. C’est auprès d’eux que la dimension communautaire semble la plus forte, avec un usage cumulatif des différents outils Internet : liste de diffusion, forum, blog et Facebook. Tous expriment et échangent sur le fait qu’ « être fan de comédie musicale » exclut. Ils vivent en décalage avec leur univers de référence, décalage à la fois géographique (le fantasme des studios hollywoodiens des années 1940 se heurte à la réalité des villes de province où l’on ne peut facilement accéder, en salles, aux films de patrimoine) et générationnel (la comédie musicale hollywoodienne est vue comme un truc « de vieux », « kitsch », aux antipodes des codes culturels de la jeunesse). Parce que le goût des musicals ne leur a pas été insufflé par un autre passionné mais qu’il leur est « tombé dessus », et parce que cette passion les isole de leurs pairs (qui les considèrent comme des « originaux »), elle est d’autant plus éprouvée sur le mode personnel. La comédie musicale hollywoodienne, c’est « leur truc » face à leur entourage. Dès lors, c’est chez eux que la passion semble vécue de la manière la plus engageante pour l’identité de spectateur, ce qui se traduit notamment par la mise en scène (entre autres, par les blogs) d’une « identité-de-comédie-musicale », c’est-à-dire un mode de présentation de soi passant par la médiation des films. Aussi invraisemblable et enchantée qu’elle paraisse, la comédie musicale devient ainsi un modèle de vie, en même temps qu’un modèle d’affirmation de soi dans un groupe de pairs homogène. Notons que les observations formulées en 2006 peu de temps après l’ouverture des blogs étudiés restent encore valides aujourd’hui, comme en témoigne ce commentaire récent sur le blog de Marine :

cinema20a60, Posté le lundi 30 mars 2009 17:01 Hey Sailor =D Tu ne peux pas savoir comme j'ai été heureuse lorsque j'ai vu tes

commentaires !! :D Mon Dieu... depuis le temps que j'espérais parler avec un de "ceux" qui sont en quelque sorte mes modèles... Oui ça peut paraître idiot mais missnobody et toi, j'ai presque l'impression de vous connaître.. J'ai même fait un rêve avec son blog une fois... Enfin, tu vas sûrement me prendre pour une folle... et ce serait normal ^^' mais en tout cas, MERCI... J'espère que mes critiques ne sont pas trop nulles =S Oh, je n'arrive même plus à exprimer ma joie... c'est stupide hein...

En s’identifiant à d’autres fans qui ont déjà fait la preuve de leur expertise et de leur implication envers l’objet adulé, « cinema20a60 » témoigne de la réalité du lien communautaire, même sur un

espace virtuel. On retrouve précisément dans ce message le ton exalté des jeunes fans vivant leur passion sur un mode extrêmement engagé. Interrogée à nouveau plus récemment, Marine exprimait une certaine réserve devant le caractère un peu enfantin de ce genre de débordements, qui pourtant étaient les siens quelques années plus tôt. On observe par ailleurs qu’elle se fait moins présente sur le forum et sur son blog, au profit de sa page Facebook (le constat est identique pour Quentin). Entre 2005 et 2010, alors qu’explosait le Web communautaire, ces jeunes sont passés du lycée aux études supérieures, de leur petite ville natale à la grande ville. Dès lors, les changements biographiques (meilleur accès aux films, indépendance, inscription dans un parcours universitaire dans lequel ils peuvent davantage exprimer leur passion : Beaux-Arts pour Marine, Licence d’Anglais pour Quentin) vont de pair avec les mutations technologiques d’expression de soi. Au modèle du blog (où le bloggeur se fait « être de cinéma » en formulant – à destination d’inconnus – une présentation de soi qui passe par la médiation du cinéma) ou à celui du forum (qui vise à rassembler des fans pour échanger sur l’objet filmique adoré) succède un modèle dans lequel la passion cinématographique semble pleinement intégrée à l’identité de l’individu, dont elle est une composante parmi d’autres. On peut donc y lire une façon plus harmonieuse de vivre sa passion, tout en continuant sa promotion au travers de supports moins prenants, tels les pages et groupes Facebook.

BIBLIOGRAPHIE ALLARD, Laurence, « Cinéphiles, à vos claviers ! Réception, public et cinéma. », dans Réseaux, vol. 18 n° 99, 2000, p.131-168. — , « Termitières numériques ou les blogs comme technologie agrégative du soi », Multitudes, n° 21, 2005/2, p. 79-86. — , « Blogs et Kino Blog comme technologies du soi : vers une conceptualisation polyphonique et polymachinique des identités digitalisées », 2004. Site web : http://www.culturesexpressives.fr/lib/exe/fetch.php?id=accueil&cache=cache&media=allard_french.pdf. — , « Resocialiser les études cinématographiques ! Études de cas : la cinéphilie en ligne », dans « Image(s) et société », Les Cahiers du Circav, n° 15, 2003, p. 221. DE BAECQUE, Antoine, La Cinéphilie, invention d’un regard, histoire d’une culture, 1944-1968, Paris, Fayard, 2003, 404 p. ESQUÉNAZI, Jean-Pierre, Sociologie des publics, Paris, La Découverte, coll. « Repères », 2003, 122 p. ÉTHIS, Emmanuel, Sociologie du cinéma et de ses publics, Paris, Armand Colin, coll. « 128 », 2005, 127 p. FEUER, Jane, The Hollywood Musical, Bloomington and Indianapolis, Indiana University Press, 1993, 154 p. (2nd éd.) GOFFMAN, Erving, Stigmates, les usages sociaux des handicaps, Paris, Les Éditions de Minuit, 1989, 175 p. JULLIER, Laurent et LEVERATTO, Jean-Marc, Cinéphiles et cinéphilies, Une histoire de la qualité cinématographique, Paris, Armand Colin, 2010, 223 p. KASPROWICKZ, Laurent, « Le cinéma comme on le parle : », Le Portique [En ligne], Archives des Cahiers de la recherche, Cahier 3, 2005, mis en ligne le 15 avril 2006. URL : http://leportique.revues.org/index749.html. MERTON, Robert K., Elément de théorie et de méthode sociologique, Paris, Plon, 1965, 514 p. NACACHE, Jacqueline, « Vu de France : le cinéma américain de la cinéphilie à la recherche », Revue française d’études américaines, n° 88, 2001/2, p. 29-43.

WEBOGRAPHIE

Sites d’amateurs de comédies musicales Site français Gene Kelly (Isabelle) : http://sfgk.free.fr/index.php Site français Gene Kelly (Marine) : http://gene.kelly.free.fr/genekelly.htm Blog Gene Kelly (Marine): http://genekelly.skyrock.com/ Blog comédies musicales (Marine): http://musicals.skyrock.com/ Blog Astaire-Kelly (Quentin): http://astaire-kelly.skyrock.com/ Blog de Miss Nobody (Agathe): http://missnobody.skyrock.com/

Pages Facebook Gene Kelly (1912-1996): http://www.facebook.com/#!/pages/Gene-Kelly-1912-1996/66980031199?ref=search Fans of Gene Kelly: http://www.facebook.com/#!/pages/Fans-of-Gene-Kelly/116925374985411?ref=ts The Musical Club: http://www.facebook.com/#!/pages/ALL-SINGING-ALL-DANCING-The-Musical-Club/271766887627?ref=ts