2010 - Calendrier romains d'époque augustéenne: politique calendaire

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Des Rois au Prince Pratiques du pouvoir monarchique dans l’Orient hellénistique et romain (iv e  siècle avant j.-c. - ii e  siècle après j.-c.) Sous la direction d’Ivana Savalli-Lestrade et Isabelle Cogitore Entre le monde hellénistique, né de la conquête d’Alexandre le Grand, et l’empire romain, le dialogue a pris des formes variées que ce livre à plusieurs voix veut explorer. Pour recréer ce dialogue, spécialistes de l’histoire hellénistique et de l’histoire romaine interviennent conjoin- tement sur les dynamiques du pouvoir monarchique dans l’Orient gréco-romain. La réflexion porte d’abord sur l’élaboration des cadres spatio-temporels, par lesquels les Rois et le Prince expriment et façonnent leur contrôle virtuellement illimité des populations gouvernées. On explore ensuite comment, dans un univers parcouru par des multiples tensions locales, la diffusion de la correspondance officielle, la multiplication des images des monarques et de leurs proches ainsi que la circulation des monnaies perpétuent la représentation et la reproduction du pouvoir central. Sont enfin examinés la littérature de cour et les cultes civiques voués aux Rois et au Prince, deux phénomènes qui donnent à voir tour à tour la vitalité et la créativité de l’idéologie dynastique dans ses variantes hellénistique et romaine. Ouvrage publié avec le soutien du Centre Gustave Glotz, unité mixte de recherche du CNRS. ISBN 978-2-84310-156-4 ISSN 1621-1235 Prix 25 E Des Rois au Prince Pratiques du pouvoir monarchique dans l’Orient hellénistique et romain (iv e  siècle avant j.-c. - ii e  siècle après j.-c.) Sous la direction d’Ivana Savalli-Lestrade et Isabelle Cogitore Ivana Savalli-Lestrade et Isabelle Cogitore Des Rois au Prince Pratiques du pouvoir monarchique dans l’Orient hellénistique et romain

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Des Rois au Prince

Pratiques du pouvoir monarchiquedans l’Orient hellénistique et romain

(ive siècle avant j.-c. - iie siècle après j.-c.)

Sous la directiond’Ivana Savalli-Lestrade et Isabelle Cogitore

Entre le monde hellénistique, né de la conquête d’Alexandre le Grand, et l’empire romain, le dialogue a pris des formes variées que ce livre à plusieurs voix veut explorer. Pour recréer ce dialogue, spécialistes de l’histoire hellénistique et de l’histoire romaine interviennent conjoin-tement sur les dynamiques du pouvoir monarchique dans l’Orient gréco-romain.La réflexion porte d’abord sur l’élaboration des cadres spatio-temporels, par lesquels les Rois et le Prince expriment et façonnent leur contrôle virtuellement illimité des populations gouvernées. On explore ensuite comment, dans un univers parcouru par des multiples tensions locales, la diffusion de la correspondance officielle, la multiplication des images des monarques et de leurs proches ainsi que la circulation des monnaies perpétuent la représentation et la reproduction du pouvoir central. Sont enfin examinés la littérature de cour et les cultes civiques voués aux Rois et au Prince, deux phénomènes qui donnent à voir tour à tour la vitalité et la créativité de l’idéologie dynastique dans ses variantes hellénistique et romaine.

Ouvrage publié avec le soutien du Centre Gustave Glotz, unité mixte de recherche du CNRS.

ISBN 978-2-84310-156-4ISSN 1621-1235Prix 25 E

Des Rois au Prince

Pratiques du pouvoir monarchiquedans l’Orient hellénistique et romain(ive siècle avant j.-c. - iie siècle après j.-c.)

Sous la directiond’Ivana Savalli-Lestrade et Isabelle Cogitore

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DES ROIS AU PRINCE

pratiques du pouvoir monarchique dans l’orient hellénistique et romain

(ive siècle avant j.-c. - iie siècle après j.-c.)

Sous la direction d’Ivana Savalli-Lestrade et Isabelle Cogitore

Avec les contributions deMichel AmandrySilvia Barbantani

Laurent CapdetreyAndrzej Stanisław Chankowski

Isabelle CogitoreGabrielle Frija

Frédéric HurletJohn Ma

Marie-Christine MarcellesiEmmanuelle Rosso

Jörg RüpkeIvana Savalli-Lestrade

Arnaud SuspèneBiagio Virgilio

ELLUGUniversité Stendhal

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CHAPITRE IV

CALENDRIERS ROMAINS D’ÉPOQUE AUGUSTÉENNE :

POLITIQUE CALENDAIRE

Jörg Rüpke

. POLITIQUE CALENDAIRE

Si, par politique, l’on entend la possibilité qu’a une société de se diriger elle-même en toute conscience, c’est-à-dire cette partie de la communication sociale dans laquelle ce qui n’est pas donné par la nature ou par le destin peut être l’objet d’une décision ou d’une négociation, l’utilisation du calendrier à des fi ns politiques concerne essentiellement les inscriptions gravées sur matériel durable se rapportant aux jours, aux semaines ou aux mois, c’est-à-dire le « texte » du calendrier. Mais la poli-tique calendaire ne se limite pas au texte du calendrier.

Pour reprendre une distinction de la philosophie médiévale, nous pouvons distinguer la politique calendaire nominaliste de la politique calendaire réaliste. En eff et, il y a et il y a eu des interventions politiques qui ne portaient que sur les noms. La concordance tout à fait anachro-nique des noms de mois utilisés aujourd’hui avec ceux du calendrier romain julien et augustéen – avec des noms qui se réfèrent à pas moins de six dieux romains, deux empereurs romains ainsi qu’une manière de compter propre d’un calendrier aboli il y a presque 2 500 ans –, cet anachronisme nous fait facilement oublier combien les noms de mois ont changé entre-temps. Ce sont justement ces changements qui nous font comprendre qu’il ne faut pas surestimer la politisation nominaliste du calendrier.

Qu’en est-il de la politisation réaliste ? À sa base, on trouve l’idée que des changements dans la réalité doivent précéder les changements intervenant dans le texte du calendrier, les « noms ». Je veux parler ici des fêtes. Seul le grand événement rituel mérite d’être inscrit dans le calendrier. Cette inscription dans le calendrier, à son tour, signale la

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fête et y invite. Ainsi, il est clair qu’il s’agit d’une fête annuelle instaurée dans la durée, d’une solennité, de ce qui « se répète tous les ans » comme l’entendaient les étymologistes antiques1.

Une telle politique calendaire nécessite beaucoup plus de moyens, beaucoup plus de frais qu’une politique nominaliste. Mais elle est beau-coup plus effi cace. En tant que lieux de rencontre d’une société locale – ou du moins de ses membres les plus infl uents –, les fêtes off raient des espaces de communication qui leur étaient propres, elles permettaient la performance, l’adoption individuelle de la tradition, la présentation de hiérarchies, la formulation de points de vue ou de moyens d’orien-tation (ne serait-ce que sous la forme d’une prière), l’assentiment des personnes présentes par des cris d’allégresse ou la participation à une procession2.

Les particularités de ces processus dépendent fortement de la struc-ture politique et sociale des sociétés respectives ; cependant, ils dépendent aussi de l’évolution des moyens de communication au fi l des siècles. Cela concerne le calendrier et sa diff usion : de par le nombre d’exemplaires, la rapidité de leur diff usion et leur caractère assez peu interchangeable, les tables de pierre et de bronze se distinguent énormément des tirages faits à partir de blocs de bois ou même des tirages avec des caractères mobiles3. La fête en tant que moyen de communication est cependant elle aussi soumise à l’évolution historique4. Le cadre spatial, la sonori-sation, la mobilité des participants potentiels, la restauration de ceux-ci, sont autant d’éléments qui pouvaient varier.

L’analyse de l’époque julio-claudienne à Rome montre que les sources qui nous permettent d’avoir le meilleur aperçu de l’histoire antique du calendrier grégorien encore en vigueur aujourd’hui, c’est-à-dire les 50 calendriers en majorité gravés dans la pierre ou leurs fragments connus, doivent leur existence aux processus évoqués5. À ce propos, il est tout d’abord important d’insister sur le fait que les calendriers, gravés sur de grandes tables de pierre ou bien, la plupart du temps, sur des plaques de marbres, et auxquels on joignait des listes de noms de magistrats, ne proviennent pas d’une offi cine chargée de l’élaboration du calendrier mais doivent uniquement leur existence à des initiatives privées ou locales visant à présenter à la population l’état actuel du calendrier (ou du moins ce que l’on considérait comme tel)6. La comparaison avec la Chine de la dynastie Qinq permet de mettre en évidence cette particularité. Le

1. Festus, 384, 36-386, 1, Lindsay.2. Par exemple, Chaniotis, 2008. Voir Rüpke : 2007a, p. 131-201 ; 2001, pour les fonc-tions communicatives des rituels anciens. Plus généralement, voir Th omas, 2006.3. Pour une analyse pertinente, voir Giesecke, 1988.4. Rüpke, 2009, avec bibliographie.5. Rüpke, 1995, p. 396-417.6. Ibid., p. 186-188.

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calendrier y avait une importance prépondérante en tant que plus impor-tant moyen de symbolisation et de légitimation du rôle cosmologique de l’empereur. C’est pourquoi le calendrier de la nouvelle année était pro-mulgué de façon solennelle et distribué à plus de deux millions d’exem-plaires dans tous les lieux publics7. Pour le xvie siècle et les époques suivantes, ces chiff res supposent évidemment l’existence de techniques d’impression correspondantes, mais démontrent surtout un degré de centralisation qui ne fut jamais atteint ou même souhaité à Rome8.

Le phénomène des ères à Rome à l’époque augustéenne peut être éga-lement analysé à partir de la distinction entre nominalisme et réalisme. Au plan scientifi que, c’est-à-dire chez les antiquaires, la datation par l’ère capitolienne était une invention récente ; Néron refusa aux sénateurs l’introduction d’une nouvelle année (« et quamquam censuissent patres, ut principium anni inciperet mense Decembri, quo ortus erat Nero, veterem religionem kalendarum Ianuariarum inchoando anno retinuit » 9). Au plan politique et administratif, la datation était éponymique et se référait aux consuls. La fréquence de cet offi ce a eu pour conséquence une présence proportionnellement considérable du nom dans les listes consulaires liées aux fastes (listes qui étaient elles-mêmes appelées fasti). Dans ce cas aussi, il nous faut chercher les raisons de ce phénomène dans la présence publique et dans les prérogatives politiques liées à cette magistrature, c’est-à-dire au niveau réaliste.

. MODIFICATIONS DANS LE CALENDRIER DE LA RÉPUBLIQUE TARDIVE

On se penchera tout d’abord sur deux cas de politique calendaire nominaliste pendant la République tardive à l’époque romaine. Lors de la fête des Lupercales, au mois de février de l’an -44, Marc Antoine, le futur triumvir, proposa à César, qui était déjà dictateur à vie à cette époque, la dignité royale en lui off rant un diadème10. César le refusa et ordonna de faire inscrire dans les calendriers à la date des Lupercales, c’est-à-dire le 15 février, « que Marc Antoine, consul, à la demande du peuple avait proposé le pouvoir royal à C. César, dictateur à vie, mais César n’avait pas voulu y avoir recours11 ».

7. Smith, 1991, p. 74 et suiv. Pour la structure des systèmes de l’ancien calendrier : Gassmann, 2002 ; brièvement, Richards, 1998, p. 161-170.8. Voir Rüpke, 2007b.9. Tac., Ann., 13, 10, 1.10. Binder, 1997.11. Cic., Phil., 2, 87 ; voir aussi Dion, 44, 11 (remarque dans les acta publica ?). Voir : Weinstock, 1971, p. 331-340 ; Fraschetti, 1985 ; Jehne, 1987, p. 316-318.

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Le dictateur n’était pas le seul à agir de la sorte. Cicéron, lui-même, qui reprochera à Antoine cet épisode dans un discours ultérieur, nous le transmettant ainsi, proposera d’utiliser cette pratique pour l’adversaire d’Antoine, D. Iunius Brutus Albinus, et en rendra compte dans une lettre adressée à l’assassin du tyran, Marcus Brutus :

Le jour où Decimus fut délivré était, par une coïncidence remarquable, celui de sa naissance. Je fi s décider que ce jour si beau pour la patrie prendrait dans nos fastes le nom de Brutus. Nos pères m’en avaient donné l’exemple, en consacrant de même la mémoire d’une femme, de Larentia, dont votre collège va tous les ans desservir l’autel dans le Vélabre. Je voulais, en honorant le nom de Brutus, éterniser dans les fastes le souvenir d’une si heureuse victoire.12

En faisant référence à une certaine étiologie des Larentalia du 23 décembre, le deuxième cas montre clairement que Cicéron saisit d’une part le rapport qui existe entre inscription au calendrier et fête, mais qu’il connaît d’autre part la force propre au calendrier et – comme César avant lui – qu’il s’en sert sans se soucier des traditions.

L’un et l’autre surestimaient la capacité d’innovation de leurs contem-porains. Alors que de nouveaux jours célébrant la fondation d’un temple et des jeux pour fêter les victoires – les jeux de la victoire de Sylla du 26 octobre au 1er novembre, les jeux consacrés à la déesse Venus Genetrix pour les victoires de César du 20 au 30 juillet qui avaient déjà lieu en -45 – étaient sans cesse repris dans les calendriers, il n’y aucune trace des deux annotations susmentionnées. La réforme du calendrier julien de l’an 46, qui nécessita le changement complet de tous les calendriers existants, donna certes au calendrier un semblant de souplesse mais dis-simulait cette aptitude à accepter de nouvelles modifi cations en inté-grant celles-ci dans un cadre préexistant. Dans certains cas isolés, il n’est plus possible d’établir clairement si la notoriété d’une date reposait sur des précédents historiques ou fi ctifs – par son argumentation, Cicéron montre en tout cas la voie qu’il fallait suivre.

Une décision du Sénat de l’an -45 fait des dates des plus importantes victoires de César des feriae, décision qui s’appliquait vraisemblablement aussi aux victoires à venir13. Il s’agissait du 27 mars avec la prise d’Alexan-drie, du 6 avril avec la victoire sur Juba en Afrique, de la victoire en Espagne ainsi que de la victoire sur le roi Pharnace à Zéla, dans le Pont, le 2 août, et enfi n du 9 août avec la victoire près de Pharsale sur Pompée le Grand – l’adversaire de ces guerres civiles n’étant évidemment jamais nommé. On peut partir du principe qu’il existait pour toutes ces fêtes

12. Cic., Lettres à Brutus, 23, 8.13. App., BC, 2, 442 ; Dion, 43, 44, 6. Pour l’aff aire et les événements suivants : Rüpke, 1995, p. 393-425.

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des rites annuels même s’ils étaient célébrés dans un cadre rituel restreint, surtout après la mort de César.

La politique nominaliste conquit un nouveau terrain. Pendant l’an -44, le mois de naissance de César, Quintilis, fut renommé Iulius à la demande du consul en fonction Marc Antoine14. Le fait qu’un tel hon-neur fut accordé à une personne encore en vie, était nouveau à Rome et constituait une reprise de certaines pratiques hellénistiques semblables15. Mais on établissait également des modèles à Rome. C’est sûrement dans ce contexte qu’il faut interpréter le mois Iunius, en référence au premier consul Marcus Iunius Brutus qui avait libéré Rome du pouvoir monar-chique16. Les parallèles avec le mois de Iulius sont évidents. Le critère décisif pour le choix du mois auquel César devait donner son nom, tout comme pour le choix de la fête de Brutus, était la date de naissance17. Même l’anniversaire de César fut célébré avec des sacrifi ces publics18 – la contrainte « réaliste » s’affi rme ici.

En l’an -8, le mois d’Augustus (août) réussit à renouveler le succès du changement de nom du mois de Iulius (juillet). La pérennité de ces changements ne peut être due uniquement au peu d’importance des anciens noms de mois dont l’étymologie est basée sur les chiff res, Quintilis et Sextilis. Elle était due, surtout, au caractère exceptionnel des circonstances politiques et à la souplesse déjà mentionnée auparavant du calendrier après la réforme julienne, ainsi qu’à la stabilité du « mythe fondateur » du principat19. Pourtant, ces facteurs se révèlent eux aussi précaires : dans le roman de Pétrone, qui fut écrit à l’époque de Néron mais dont l’action est située à l’époque claudienne, Sextilis est encore utilisé sporadiquement20.

À la diff érence du choix des jours fériés célébrant le Prince et les mem-bres de la famille impériale, les changements de nom de mois ne devin-rent pas une habitude. Tibère refusa une proposition du même type de donner son nom et celui de sa mère aux mois de septembre et d’octobre21. Caligula transforma le mois de septembre en Germanicus en l’honneur de son père, pourtant cela ne laissa aucune trace signifi cative22. Les ten-tatives de Néron pour modifi er les noms des six premiers mois – qui sont nommés d’après les dieux ou qui en tirent leur étymologie – ne furent

14. Suét., Iulius, 76, 1 ; Censorin, De die natali, 22, 16 ; Macrob., Sat., 1, 12, 34.15. Voir Scott, 1931 ; Weinstock, 1971, p. 152-158.16. Macrob., Sat., 1, 12, 31 ; Tacite, Ann., 16, 12, 2.17. C’est le 13 juillet pour César (de l’an 100 ou 101 plus probablement), voir Cic., Brut., 229 et 324 pour Brutus.18. Weinstock, 1971, p. 206-212 ; Dio, 44, 4, 4.19. Pour la confi guration « classique » de l’époque d’Auguste : Galinsky 1996 et 2007.20. Pétron., 53, 2.21. Suét., Tib., 26.22. Suét., Cal., 15, 2.

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pas couronnées de succès23. Il en a été de même en ce qui concerne les changements de nom du mois de septembre en Germanicus (en réfé-rence à son surnom de vainqueur après la bataille contre les Chattes) et du mois d’octobre en Domitianus voulus par Domitien ; comme beau-coup d’autres – que l’on n’entreprit même pas de réaliser –, ces change-ments ne purent s’imposer à la longue24. L’historiographie de l’Empire regorge de tentatives de ce genre, en partie de grande ampleur ; c’est justement par leur démesure qu’elles enrichissent l’image du tyran. À la fi n du iie siècle après J.-C., Commode reprit cette tradition tombée en discrédit et répartit ses noms sur l’année romaine de mai à avril : Lucius, Aelius, Aurelius, Commodus, Augustus (septembre), Hercules, Romanus, Exsuperatorius, Amazonius, Invictus, Pius, Felix25. Mais il ne faut pas perdre de vue que les changements de nom de mois dans les calendriers non romains du bassin méditerranéen – tout comme le déplacement du début de l’année en signe de fl atterie – étaient faciles à mettre en œuvre et ils le furent en partie26. L’effi cacité de la propagande et l’ampleur de la réception sont prouvées tout simplement par le fait que les noms des mois étaient utilisés pour dater les événements.

On n’oublia pas une forme traditionnelle de travail de mémoire his-torique et d’hommage contemporain par le calendrier : les dies natales, les jours commémorant la fondation d’un temple. Comme toujours, les temples et autres projets de construction symbolisaient le succès guerrier du fondateur27. La multitude de nouveaux bâtiments et de bâtiments restaurés auxquels on donnait une nouvelle date rendit durable l’atten-tion nouvellement accordée au calendrier. La relation des Res gestae Divi Augusti en montre l’ampleur. Une liste des réalisations eff ectuées dans ce domaine, non seulement tout au long du texte, mais aussi dans un récapitulatif fi nal en rend compte : temples pour Mars, Juppiter Tonans, Juppiter Feretrius, Apollo, Divus Iulius, Quirinus, Minerva, Iuno Regina, Iuppiter Libertas, les Lares, les Penates, Iuventas, Mater Magna, le Lupercal, un pulvinar près du Circus Maximus, d’autres bâtiments, quatre-vingt-deux restaurations de bâtiments sacrés, parmi lesquels le Capitole. Pour la période augustéenne, on peut prouver au total l’existence de vingt et une nouvelles dates instituées après la construction ou la restaura-tion de bâtiments28. Les initiatives amorcées dans ce sens par le triumvir Octave, dans la troisième décennie du ier siècle avant J.-C. et dont parle

23. Tac., Ann., 16, 12, 2.24. Macrob., Sat., 1, 12, 36f.25. Von Saldern, 2004.26. Voir Tac., Ann., 13, 10, 1 ; Suét., Aug., 59. Voir aussi l’étude exhaustive de Scott, 1931. 27. Pour l’époque républicaine : Rüpke, 1990 ; Aberson, 1994 ; Orlin, 1997.28. Auguste, Res gestae, 19-21 ; App. II-III. Pour la conception de la « restauration », voir Gros et Sauron, 1988, p. 60 et suiv. Pour les dates : Gros, 1976, p. 32 et suiv.

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Suétone dans sa biographie d’Auguste29, ne font que renforcer cette impression.

Malgré leur nombre important, les temples de l’époque augustéenne ne représentaient pas simplement les éléments d’un programme archi-tectural. Le mécanisme de l’époque républicaine fut conservé. Beaucoup de lieux de cultes, y compris les plus importants, ont été édifi és à la suite d’événements historiques spécifi ques, très souvent des succès militaires ; leur décoration se rapportait ostensiblement à ces événements. Leur ins-cription dans le calendrier donna à celui-ci une dimension historique, même si elle n’était en grande partie que contemporaine. De ce point de vue le calendrier n’a jamais été aussi actuel qu’à l’époque augustéenne.

. FÊTES IMPÉRIALES

L’époque augustéenne poursuivit également l’héritage de César d’un autre point de vue. Ne serait-ce que jusqu’à la fi n de la dynastie augus-téenne, environ 30 jours furent successivement déclarés par décision du Sénat comme étant des nouvelles feriae, et on multiplia ainsi presque par deux le nombre de « jours fériés ». Au fi nal, on peut reconstituer, à l’aide de listes de fêtes telles que celle du Feriale Cumanum30 et des inscriptions calendaires ou mentions cultuelles qui y sont faites, l’existence des fêtes suivantes :

– 7 janvier : première entrée en fonction en tant que consul ;– 11 janvier : fermeture du temple de Janus ;– 13 janvier : attribution de la couronne de lauriers ;– 16 janvier : attribution du titre d’Auguste ;– 17 janvier : mariage avec Livie ;– 29 janvier : une victoire maritime ( ?) ;– 30 janvier : anniversaire de Livie ; dédicace de l’Ara Pacis ;– 5 février : titre honorifi que de « Père de la Patrie » ;– 6 mars : Pontifex Maximus ;– 15 avril : victoire de Mutina ;– 28 avril : dédicace de l’autel de Vesta dans la maison d’Auguste ;– 4 mai : dédicace du théâtre de Marcellus ;– 12 mai : dédicace du temple de Mars Ultor ;– 26 juin : adoption de Tibère ;– 4 juillet : construction de l’Ara Pacis ;– 1er août : conquête d’Alexandrie ; Mars Ultor ;– 10 août : autel double dédié à Ceres Mater et à Ops Augusta ;– 13-15 août : trois jours de triomphe ;

29. Suét., Aug., 29-31.30. Degrassi, 1963, p. 279.

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– 18 août : dédicace du temple de Divus Caesar ;– 28 août : dédicace de l’autel de la Victoire dans la Curie ;– 2 septembre : victoire d’Actium ;– 3 septembre : victoire en Sicile ;– 17 septembre : divinisation ;– 23 septembre : anniversaire ;– 9 octobre : dédicace du Temple d’Apollon ;– 12 octobre : construction de l’Autel Fortuna Redux ;– 23 octobre : victoire de Philippes ;– 15 décembre : dédicace de l’autel Fortuna Redux31.

Même si certaines de ces dates ne nous sont connues que par des sources externes aux calendriers, et ne furent peut-être jamais l’occasion de rites, cette concentration transforme l’ancien inventaire des fêtes des fasti et change par là-même aussi bien le calendrier que l’aspect rituel de la religion romaine. Pas moins de 25 jours commémoratifs se sont ajoutés, à l’époque augustéenne, aux 45 jours de fête qui existaient déjà, à l’exception des jours des calendes et des ides. Cependant, un problème devait encore être résolu au sein du système des jours fériés : comment transformer les feriae qui permettaient de marquer l’appartenance d’une journée à une divinité, en journée commémorant les actes d’une per-sonne encore en vie32 ?

Pour les jours commémorant César, on choisit la solution d’associer les feriae en « l’honneur d’une personne » à des supplications, les « prières dans tous les temples », une solution qui était pratiquée à Rome pour des jours d’action de grâce après l’annonce d’une victoire33. Le pluriel indéfi ni des dieux honorés fut remplacé par une formule qui décrivait le procédé et qui apparaissait dans les calendriers sous la forme : « f ex sc qed », « Feriae ex senatus consulto quod eo die… », « Jours fériés par déci-sion du Sénat, car en ce jour… ». Le répertoire cultuel des nouvelles fêtes (comme le culte de l’empereur dans son ensemble) demeurait, du moins à Rome, dans le cadre de l’existant et des modifi cations habituellement eff ectuées : les dignitaires religieux organisaient des sacrifi ces ou des pro-cessions d’action de grâce ; des vœux étaient prononcés et consacrés par l’abattage et la consommation d’animaux off erts en sacrifi ce. Le fait que la fête était axée autour de la maison impériale pouvait s’exprimer par l’insertion de formules de prières telles que « pour le salut de l’empereur » ou l’ajout du nom Augusta ou Augustus à la divinité concernée34.

31. Suivant Herz, 1978, p. 1148 et suiv. Voir aussi Ehrenberg et Jones, 1976, p. 44-55.32. Rüpke, 1995, p. 515-522.33. Halkin, 1953 ; Freyburger, 1988 ; Hickson-Hahn, 2000, pour les développements tardo-républicains.34. Analyse exemplaire : Scheid, 1990b, p. 285-676.

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De nombreux documents conservés concernant le mois de jan-vier, tels que les Fasti Praenestini, montrent particulièrement combien les fêtes étaient nombreuses durant ce mois. Parmi celles-ci, toutes ne deviennent pas des fêtes populaires. Le caractère populaire d’une fête est presque toujours associé à l’existence de jeux. L’existence de ces jeux n’est prouvée que pour l’anniversaire accompagné de jeux du 23 septembre, les Augustalia, qui précédaient le jour de dédicace de l’Ara Fortunae Reducis et les ludi Martiales. Ces derniers étaient célébrés le 12 mai jusqu’au ive siècle35 ; mais du moins temporairement aussi le 1er août, le jour fédé-rateur augustéen de la victoire ; ces deux dates semblent être en rapport avec la décision de construire (constitutio) et la consécration (dedicatio) du temple de Mars Ultor 36.

Le but d’Auguste n’était pas de monopoliser le calendrier. Les stra-tégies du choix de dates sont éclairantes. De nombreuses dédicaces de temples avaient lieu le 23 septembre, jour de l’anniversaire d’Auguste, d’autres dédicaces et triomphes étaient célébrés en août. En l’an -9, la dédicace de l’Ara Pacis Augustae permit indirectement de faire de l’anni-versaire de Livie (le 30 janvier) des feriae 37.

Le fait de conférer des signifi cations supplémentaires à certains jours tout comme la multiplication des événements en fonction d’un certain « timing » n’étaient pas nouveaux en soi. On peut prouver que ce prin-cipe existait déjà dans l’organisation du culte hellénistique des souve-rains38. À Rome, César avait déjà permis de créer un modèle à suivre lors des confl its de la guerre civile. Il ne semble pas avoir laissé au hasard l’arrivée à Rome de ses messagers qui annoncèrent la victoire de Munda le 15 février de l’an -45. Ils arrivèrent avec cette nouvelle, qui signifi ait la fi n de la guerre civile, la veille des Parilia, fête qui à l’origine célé-brait le protecteur des troupeaux Palès, mais qui, dans la République tardive, marquait une date juste avant l’« anniversaire » de Rome (dies natalis Urbis). Ceci permit de faire le lien entre la personne de César et sa victoire et le mythique fondateur de la ville39. D’après la biographie de Suétone, presque un siècle plus tard, l’empereur Caligula fi t les mêmes associations et appela le jour de sa montée sur le trône Parilia 40.

Par la suite, ce sont les dates augustéennes elles-mêmes qui ont permis de faire le lien avec la phase de fondation de l’Empire. Il s’avère diffi cile d’imaginer de façon concrète à quel point ces fêtes étaient publi-ques. À cet égard, toutes ces journées n’étaient pas toujours choisies de

35. Pour le calendrier des fêtes du ive siècle : Salzman, 1990.36. Pour le temple : Siebler, 1988 ; Ganzert et Kockel, 1988.37. Herz, 1978, p. 1152 avec d’autres exemples.38. Ibid., p. 1173 et suiv. Pour les jours commémoratifs grecs : Chaniotis, 1991, p. 136.39. Jehne, 1987, p. 204.40. Suét., Cal., 16, 4.

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façon idéale. Une grande participation de masse n’était pas nécessaire et par conséquent on n’avait pas envisagé d’espaces appropriés. Outre le caractère attractif des jeux, l’importance de la mise en scène rituelle a certainement joué un rôle majeur. Pour Caligula, on décida d’orga-niser une procession annuelle à laquelle tous les corps religieux, le Sénat ainsi que des chœurs de garçons et de fi lles issus de la noblesse devaient participer41. Ceci permit de combler une lacune. Tandis que les fêtes et les dédicaces étaient préparées de façon minutieuse et fastueuse – la frise de l’Ara Pacis Augustate en est un exemple –, il existe en fait peu d’informations sur les fêtes ultérieures. Ceci n’exclut pas un travail de mémoire cultuelle42 du moins jusqu’à la mort d’Auguste, mais rien ne nous permet de nous faire une idée des fêtes fastueuses célébrées chaque année. Il n’est pas exclu que des gardiens de temple ou des esclaves aient continué de pratiquer régulièrement des rituels. C’est là, en revanche, que le calendrier – en dehors des quelques cas de frappe de monnaie commémorant des rituels non récurrents43 – jouait un rôle.

. LES LIMITES DU SUCCÈS

Le succès du genre du calendrier est indiqué par la production des textes littéraires accompagnants ce processus. En plus des œuvres anti-quaires de fastis, qui succèdent aux ouvrages de anno (Romanorum), dont la rédaction ne cessa pas pour autant, il y eut même un commentaire en forme de poème. Les Libri fastorum d’Ovide se réfèrent aux exem-plaires privés de fasti en forme de rouleaux de papyrus44, mais le texte réagit bien évidemment à la multiplication des calendriers publics. Les deux formes continuaient à exister l’une à côté de l’autre. Calendriers privés en forme de livre (le chronographe de l’an 354 ou Fasti Filocali) ou de peinture murale (Fasti porticus)45 sont connus aux iiie et ive siècles. Pourtant, dès le règne de Tibère (14 à 37) déjà, les calendriers en marbre produits pour les espaces publics commençaient à disparaître. La fi n du phénomène augustéen du calendrier est marquée par les Fasti Pighiani (du règne de Caligula, 37 à 41) à Rome, et en dehors de Rome par les Fasti Sorrinenses, presque contemporains46.

Pourquoi cette disparition ? Deux explications peuvent être propo-sées. D’abord, le coût de la fabrication d’un calendrier gravé était très élevé. En outre, les espaces d’intervention « personnelle » dans le texte

41. Ibid.42. Halbwachs, 1950 ; conception élaborée par Assmann, 1997.43. En général, Wallace-Hadrill, 1986. Pour la mémoire cultuelle : Herz, 1978, 1148.44. Ovid., Libri fastorum, 1, 657 ; voir Rüpke, 1994.45. Magi, 1972 ; voir Rüpke, 1995, p. 86-90.46. Rüpke, 1995, p. 84 et suiv. ; p. 145-151.

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étaient très réduits, se limitant à un titre ou à une ligne avec dédicace47. Il était plus facile (et bon marché) de se présenter ou d’être présenté dans une inscription honorifi que ou dédicatoire. Les Fasti Verulani et Allifani de l’époque augustéenne tardive et du début du règne du Tibère avaient une surface de quatre à six mètres carrés !

Quant à la seconde explication, elle découle des faits que nous venons de présenter. Dès l’établissement d’un calendrier de marbre, il fallait actualiser l’inscription. Les changements des mois et les modifi cations des fêtes rendaient le texte caduc. Les Princes introduisaient de nou-velles dates, mais pouvaient aussi critiquer leurs prédécesseurs et réviser le calendrier. Des révisions ont eu lieu sous Caligula et Claude, après la fi n de la dynastie julio-claudienne, et encore une fois après la mort de Domitien en 9648. Ces révisions n’impliquaient pas nécessairement une critique personnelle, mais pouvaient avoir des motifs économiques ou judiciaires : des vacances ou des jeux trop longs, comme au temps d’Auguste, de Néron ou de Marc Aurèle49. Un exemple a contrario. Le succès de Séjan provoqua l’institution d’une fête publique de son anni-versaire, sa chute donna naissance aux feriae à cause de son exécution : or, ces feriae continuèrent d’être célébrées comme feriae Iovis Liberatoris, le 18 octobre, jusqu’au ive siècle50. Mais ces changements n’étaient pas toujours faciles à réaliser, ni aussi rapidement.

. RITUELS ALTERNATIFS

En ce qui concerne les rituels et leur célébration, des alternatives existaient. Parallèlement à la multiplication rapide des jours de fête, on assiste aussi à l’apparition d’une pratique courante du monde hellénis-tique : les fêtes ayant lieu à intervalle pluriannuel. Les premiers témoi-gnages de cette pratique apparaissent une nouvelle fois en relation avec les honneurs exceptionnels rendus à César lors de la dernière année de sa vie. Tandis qu’une source fi able parle de serments rendus publiquement par des prêtres et des prêtresses (vraisemblablement les vierges vestales) tous les cinq ans, un autre cite des jeux ayant lieu tous les cinq ans51. Les deux personnes font probablement allusion à la même institution, d’une part les vœux proprement dits et d’autre part leur exécution cinq ans plus tard. À l’aide de ces vœux prêtés tous les cinq ou dix ans lors de la période de crise de la deuxième guerre punique, il est possible de

47. CIL, 10, 6679, est une inscription qui se rapporte à l’établissement d’un calendrier.48. Suét., Cal., 23, 1 ; Dion, 60, 17, 1 ; Tac., Hist., 4, 40, 2 ; Dion, 68, 2, 3.49. Suét., Aug., 32, 2 ; Tac., Ann., 13, 41, 4f. ; Historia Augusta, Aurelius, 10, 10.50. Tac., Ann., 6, 25, 2 ; Inscriptiones Italiae, 13, 2, 257.51. App., Guerres civiles, 2, 442 ; Dion, 44, 6, 2.

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reconstituer des modèles romains qui valaient pour la communauté dans son ensemble, mais ne furent pas maintenus par la suite. Des témoi-gnages de l’époque augustéenne laissent supposer l’existence de modèles plus proches dans le temps se référant à la personne du souverain romain déjà pour César dans le monde grec.

Alors que les Ides de Mars rendirent tragiquement superfl ue l’exécu-tion des vœux pour César, on assiste à la mise en place d’un rythme de prières pour le bien du souverain tous les dix ans – au temps des « empe-reurs-soldats », dont la vie était plus courte, au rythme de tous les cinq ans. Quelle fut la place d’Auguste dans cette évolution ? En l’an -30, tout une série de vœux (vota) quinquennaux et de jeux quinquennaux pour Octave, puis Auguste, qui furent organisés à tour de rôle par les consuls et les quatre plus hauts collèges religieux, et qui avaient fait l’objet d’une décision du Sénat, est évoquée par Auguste dans la relation de ses actes52. C’étaient des fêtes comparables à ces événements exceptionnels interve-nant à des intervalles encore plus longs – tels que les jeux du siècle (ludi saeculares) qui, lorsque le besoin politique s’en faisait sentir, n’étaient pas toujours soumis à un saeculum, et faisaient appel à un grand faste cultuel et une très grande mobilisation de la population53.

. CONCLUSION

La mise en scène rituelle du principat faisait l’objet d’une planifi ca-tion très minutieuse ; malgré le grand nombre d’événements commé-morés, elle semble s’être concentrée sur la création de fêtes dignes de ce nom. Elle ne se dilua pas en d’innombrables rituels qui n’auraient jamais pu atteindre régulièrement une large présence publique. Des rituels quo-tidiens dans un cadre plus restreint, tels que ceux pratiqués dans le culte des Lares célébré lors du culte du génie de l’Empereur, permettaient un travail de mémoire durable au niveau individuel54. Cela ne doit pourtant pas faire oublier un domaine intermédiaire entre l’État et l’individu. Il existait en eff et quantités de corps religieux – collèges et associations – qui commémoraient et célébraient une multitude d’événements et de rituels : axe principal de la religion du principat, partie intégrante de la vie des couches supérieures au niveau local ou dans tout l’Empire, le phénomène associatif revêtait pour chacun un caractère d’évidence et représentait un facteur important de cohésion sociale.

52. Auguste, Res gestae, 9 (voir Weinstock, 1971, p. 317).53. Pighi, 1965 ; Schnegg-Köhler, 2002.54. Voir Fraschetti, 1990 ; Rüpke, 1998.

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TABLE

Préface Ivana Savalli-Lestrade 7

LES COORDONNÉES SPATIALES ET TEMPORELLES

Introduction Isabelle Cogitore 15

I. Espace, territoires et souveraineté dans le monde hellénistique : l’exemple du royaume séleucide

Laurent Capdetrey 17

II. L’Empire et le royaume : des territoires inconciliables ? Arnaud Suspène 37

III. Les rois hellénistiques, maîtres du temps Ivana Savalli-Lestrade 55

IV. Calendriers romains d’époque augustéenne : politique calendaire

Jörg Rüpke 85

LES VECTEURS DU POUVOIR

Introduction Isabelle Cogitore 99

V. La correspondance du roi hellénistique Biagio Virgilio 101

VI. Pouvoirs et autoreprésentation du Prince à travers la correspondance impériale d’Auguste à Trajan(27 avant J.-C. - 117 après J.-C.)

Frédéric Hurlet 123

VII. Le roi en ses images : essai sur les représentations du pouvoir monarchique dans le monde hellénistique

John Ma 147

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VIII. Entre Orient et Occident : création et diff usion de l’image impériale fl avienne (69-70 après J.-C.)

Emmanuelle Rosso 165

IX. Le monnayage royal et ses interactions avec les monnayages civiques : l’exemple du royaume attalide

Marie-Christine Marcellesi 193

X. Le monnayage provincial d’Auguste à Hadrien Michel Amandry 207

L’AURA ARTISTIQUE ET RELIGIEUSE

Introduction Isabelle Cogitore 225

XI. Idéologie royale et littérature de cour dans l’Égypte lagide Silvia Barbantani 227

XII. Crinagoras et les poètes de la Couronne de Philippe : la cour impériale romaine dans les yeux des Grecs

Isabelle Cogitore 253

XIII. Les cultes des souverains hellénistiques après la disparition des dynasties : formes de survie et d’extinction d’une institution dans un contexte civique

Andrzej Stanisław Chankowski 271

XIV. Du prêtre du roi au prêtre de Rome et au grand prêtre d’Auguste : la mise en place du culte impérial civique

Gabrielle Frija 291

BIBLIOGRAPHIE

Abréviations 311 Bibliographie 313 Liste des collaborateurs 365

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