19 Changements sociaux et signification de la chasse dans les sociétés du Néolithique circumalpin

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Vernetzungen Aspekte siedlungsarchäologischer Forschung Festschrift für Helmut Schlichtherle zum 60. Geburtstag herausgegeben von Irenäus Matuschik Christian Strahm und Beat Eberschweiler Gerhard Fingerlin Albert Hafner Michael Kinsky Martin Mainberger Gunter Schöbel LAVORI VERLAG, Freiburg im Breisgau 2010

Transcript of 19 Changements sociaux et signification de la chasse dans les sociétés du Néolithique circumalpin

VernetzungenAspekte siedlungsarchäologischer Forschung

Festschrift für Helmut Schlichtherlezum 60. Geburtstag

herausgegeben von

Irenäus MatuschikChristian Strahm

undBeat EberschweilerGerhard Fingerlin

Albert HafnerMichael Kinsky

Martin MainbergerGunter Schöbel

LAvorI vErLAG, Freiburg im Breisgau 2010

Umschlagbild: Tom Leonhardt. „Überflug“ (Ausschnitt), Öl auf Leinwand, Öhningen 2009Umschlagentwurf: Michael KinskyEinband innen/vorsatz: Almut Kalkowski. Zeichnerische rekonstruktion der Siedlung Allensbach-

Strandbad und ihrer Umgebung (um 2900 v.Chr.)Einband innen/Nachsatz: verbreitung neolithischer Feuchtbodensiedlungen im zirkumalpinen raum.

Nach Peter J. Suter/Helmut Schlichtherle, Pfahlbauten/Palafittes/Palafitte/Pile dwellings/Kolišča. Unesco Welterbe-Kandidatur „Prähistorische Pfahlbauten rund um die Alpen“ (Bern 2009)

redaktion: Gerhard Fingerlin, Michael Kinsky, Martin Mainberger, Irenäus Matuschik, Christian StrahmBildbearbeitung, Satz und Layout: Michael Kinsky (Institut für Archäologische Wissenschaften der

Universität Freiburg), Adalbert Müller (TErAQUA Gbr), Freiburg i. Br.Druck und Produktion: LAvorI verlag, Freiburg im Breisgau

Zitiervorschlag:

Matuschik / Strahm et al. (Hrsg.), vernetzungen. Festschrift für Helmut Schlichtherle (Freiburg i. Br. 2010).

LAvorI vErLAG, Freiburg im Breisgau, 2010www.lavori-verlag.de

ISBN 978-3-935737-13-5

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Jeunesse – Changements sociaux et signification de la chasse

Changements sociaux et signification de la chasse dans les sociétés du Néolithique circumalpin. Une hypothèse alternative au déterminisme écologique

Résumé

A plusieurs reprises, le Néolithique des lacs et des tour-bières connaît un développement très marqué de la chasse. Ces épisodes d’essor de la chasse sont générale-ment expliqués comme les conséquences d’une chute des rendements agricoles provoquée par une dégrada-tion du milieu liée soit à une détérioration climatique, soit à des phénomènes de surexploitation des terroirs cultivés. Le recours aux ressources sauvages est donc présenté comme une réponse à une situation de crise liée à des causes externes. Dans cet article, nous es-sayons de montrer que ce phénomène peut aussi s’ex-pliquer par des facteurs sociaux, et donc par des causes internes. Dans le modèle que nous développons, l’ac-croissement de la chasse n’est pas considéré comme un indice de crise, mais comme l’un des signes de la mise en place d’un système de subsistance de type « broad spectrum economy » qui doit être vu comme une alter-native aux systèmes plus spécialisés fondés prioritaire-ment sur l’agriculture.

Zusammenfassung

In den neolithischen Feuchtbodensiedlungen ist wie-derholt ein Anstieg der Jagd zu verzeichnen. Diese Episode einer Intensivierung der Jagd werden in der regel mit Einbrüchen in den landwirtschaftlichen Er-trägen in Zusammenhang gebracht, welche wiederum auf klimatische Ursachen oder Übernutzung der Bö-den zurückgeführt werden. Der rückgriff auf spontane ressourcen wird also als eine Antwort auf eine durch externe Faktoren ausgelöste Krisensituation hingestellt. In Folgenden wird darauf hingewiesen, dass dieses Phä-nomen auch auf soziale Faktoren zurückgeführt wer-den und daher interne Ursachen haben kann. In dem vorgestellten Modell weist die Intensivierung der Jagd nicht auf eine Krisensituation hin, sondern auf die An-nahme eines Subsistenzsystems vom Typ „broad spec-trum economy“ als Alternative zu spezialisierteren Sys-temen, in denen die Landwirtschaft eine vorrangige rolle spielt.

(Samuel van Willigen)

Pour toute une série de raisons qu’il est inutile de rap-peler dans un volume consacré en grande partie aux résultats de l’archéologie des habitats littoraux ou pa-lustres, la recherche sur le Néolithique des lacs et des marais du domaine circumalpin peut s’appuyer sur une documentation à la fois très abondante et de qualité souvent remarquable. Grâce aux travaux menés dans le Sud de l’Allemagne, en Suisse et dans le Jura fran-çais, on dispose aujourd’hui d’une histoire assez pré-cise de l’évolution de la relation homme-milieu entre la fin du 5ème et le milieu du 3ème millénaire. Dans cet article, nous nous intéresserons au rapport homme

– animal et, plus particulièrement, à la question de la chasse. L’existence d’un énorme corpus a permis aux archéozoologues de retracer l’histoire de cette activité et de réfléchir aux causes des fluctuations touchant à la fois l’importance de la chasse et le rapport entre la chasse et l’élevage. Comme on le verra, les explications proposées font appels presque exclusivement à des mo-dèles empruntés à l’économie et à l’écologie. Selon les scénarios proposés, les variations du taux de chasse dé-pendent, pour l’essentiel, de l’état d’un milieu qui évo-lue selon ses lois propres ou sous l’influence des acti-vités humaines. Notre objectif n’est pas de remettre en cause la pertinence de cette approche, dont les tra-vaux rendent assurément compte d’une fraction impor-tante des données empiriques recueillies sur les chan-tiers de fouille, mais de s’interroger sur ses limites et, à travers un détour par l’anthropologie, d’essayer d’en-richir notre regard par la prise en compte de scénarios moins mécanistes et plus en phase avec la complexité des sociétés concernées.

1 Les faits

L’histoire de la relation entre les hommes et les ani-maux sauvages dans le Néolithique lacustre a fait l’objet de nombreux travaux. Pour ce qui est des plus récents, on retiendra, en particulier, les tentatives de synthèse développées par J. Schibler et r.-M. Arbogast1. De

1 Schibler et Chaix 1995, Hüster-Plogmann et al. 1999, Schib-ler 2006, Arbogast et al. 2006, Arbogast 2008.

Christian Jeunesse

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manière générale, les spécialistes ont constaté une al-ternance entre des périodes marquées par un recours massif à l’activité cynégétique et des périodes où c’est au contraire l’élevage qui fournissait l’essentiel des pro-téines animales. Sur certains sites, en premier lieu ce-lui de Zurich-Mozartstrasse, la prise en compte de la densité des ossements calculée par unités de volume a permis de montrer que l’essor de la chasse ne s’accom-pagne pas obligatoirement d’un recul de l’élevage. Les chercheurs concernés en ont déduit que le développe-ment de la chasse décelé dans la couche 4 de cet ha-bitat était une manière « de compenser les pertes en calories dues aux mauvaises récoltes des céréales par une intensification de l’économie de prédation «2. En même temps que cet essor de la chasse, les botanistes ont mis en évidence, avec toute la prudence requise, une diminution des restes de céréales et une augmen-tation simultanée des restes de plantes sauvages comes-tibles (Schibler et al., 1997).

Les mouvements affectant l’importance relative de la chasse entre 4300 et 2500 dans la région de Zurich ont ensuite été confrontés à la chronologie climatique. C’est ainsi que J. Schibler a cru pouvoir déceler une corrélation positive entre les épisodes de péjoration cli-matique et les phases d’accroissement de l’exploitation des ressources spontanées, constatation qu’il a ensuite étendue à la région du Lac de Constance. Il en a conclu que les phases d’essor de la chasse étaient probable-ment, en dernière analyse, le résultat de crises écono-miques provoquées par des épisodes de détérioration climatique3. Dans la mesure où l’essor de la chasse ne s’accompagne pas d’un recul de l’élevage, il en déduit que l’effet du climat s’est fait ressentir essentiellement sur l’agriculture. C’est donc les carences issues d’une chute des rendements agricoles qui auraient poussé les communautés néolithiques à intensifier leur pression sur les ressources sauvages4. Les graphiques présentés à l’appui de cette thèse montrent que les périodes concer-nées peuvent s’étendre sur plusieurs décennies. Il ne s’agit donc pas de réponses ponctuelles à une crise pro-voquée par une ou deux années de mauvaises récoltes, mais de l’adoption, pour une durée qui peut dépas-ser la génération, d’un nouvel équilibre des ressources

2 Schibler et Chaix 1995.3 Schibler, 2006 : «These fluctuations coincide with climatically

induced economic crises which, because of starvation, forced people to intensify hunting and gathering».

4 Schibler, 2006 : «The importance of hunting was not cultu-rally determined but possibly related to climatically-induced agricultural crises»

marqué par un accroissement de la consommation de viande et par un essor marqué des activités de préda-tion. A l’appui de ce scénario marqué du sceau du dé-terminisme climatique, le même auteur ajoute que les fluctuations observées ne tiennent aucun compte des frontières culturelles.

Dans un autre travail, r.-M. Arbogast, S. Jacomet, M. Magny et J. Schibler essaient d’approfondir la ques-tion de l’origine de ces crises agricoles (Arbogast et al., 2006). Trois causes sont mises en avant : été frais et humide, importantes sécheresses au printemps ou en été et, enfin, surexploitation des sols dans des régions déjà densément peuplées. Soulignant que la corrélation entre essor de la chasse et péjoration climatique fonc-tionne surtout en Suisse orientale, ils privilégient, pour cette région, l’hypothèse des étés frais et humides. Pru-demment, ils reconnaissent que l’idée d’une baisse des rendements agricoles ne repose sur aucun indice direct. De fait, elle ne peut pas être considérée comme une donnée brute, mais comme une explication destinée à rendre compte de la concomitance entre les phases de péjoration climatique et l’évolution disjointe de l’éle-vage (stabilité) et de la chasse (essor). Sur les lacs du versant occidental du Jura, la cause des crises alimen-taires serait plutôt à chercher du côté des phénomènes de surexploitation des terres liées à la pression démo-graphique. Là encore, les facteurs culturels sont écar-tés sans grande discussion5.

Dans un travail récent, r.-M. Arbogast observe, en s’appuyant sur une comparaison entre Suisse orien-tale et Suisse occidentale, que la corrélation entre les phases d’essor de la chasse et les épisodes de péjora-tion climatique est loin d’être systématique (Arbogast, 2008). Elle souligne l’existence de plusieurs exceptions, avec des cas de chasse élevée dans des périodes climati-quement favorables ou, à l’inverse, des taux de chasse faibles dans des périodes au climat dégradé. Prenant acte de la diversité des situations, elle conclut que «les fluctuations de l’importance de la chasse sont régies par des facteurs locaux plutôt que par des causes de portée générale». Mais elle insiste aussi sur l’existence de ten-dances générales, liées selon elle à l’existence de « tradi-tions culturelles », réinjectant ainsi dans le débat, même si elle ne le précise pas explicitement, l’idée d’une in-cidence des facteurs culturels. Dans la région des lacs du Jura français, par exemple, un horizon Horgen où la consommation carnée est dominée par le duo porc-

5 Arbogast et al., 2006 : :»Economic shifts during the Neolithic period were primarily caused by food shortages, and where not culturally determined».

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cerf serait suivit par un horizon Cordé marqué par un retour au premier plan du bœuf. La dimension propre-ment culturelle demeure cependant très discrète dans son raisonnement. Le retour en grâce du bœuf est ain-si interprété comme une retombée du développement de la traction animale, et l’importance, dans l’horizon précédent, du porc, conçu comme liée à la nécessité de privilégier une espèce qui n’empiète ni sur les terri-toires de chasse, ni sur les champs cultivés. on aurait donc affaire à des ajustement conjoncturels, provoqués l’un par l’essor d’une nouvelle technique et l’autre par un souci de gérer au mieux « l’équilibre entre les diffé-rentes composantes du système agraire », et qui mettent en avant non pas le jeu de « traditions régionales » où se refléteraient des comportement culturels spécifiques, mais bien l’action d’agents économiques guidés par des motivations rationnelles et répondant par des mesures de bon sens à des problèmes purement matériels.

Le modèle explicatif généralement accepté se dé-cline donc ainsi : une détérioration du climat provoque une baisse des rendements agricoles qui est compensée par un recours massif aux produits de la chasse (fac-teur contrôlable) et, selon toute vraisemblance, de la cueillette (très difficile à démontrer). Dans la variante « Jura français », la pénurie des denrées agricoles ne s’expliquerait pas par des causes climatiques, mais par une baisse des rendements liée à des phénomènes de surexploitation. Dans les deux cas, l’augmentation de la chasse est présentée comme une réponse à une crise alimentaire et l’idée que des facteurs culturels aient pu jouer un rôle dans les changements constatés est écartée. L’approche plus nuancée développée par r.-M. Arbogast souligne le rôle potentiel des facteurs lo-caux, minimise l’impact des changements climatiques et accorde davantage d’attention aux ajustements ren-dus nécessaires par une rupture de l’équilibre entre les besoins des communautés humaines et les ressources potentielles de leur environnement.

De manière générale, ces approches nous décrivent une histoire du Néolithique des lacs circumalpins qui serait rythmée par une alternance de périodes « nor-males » et de périodes de crise, la norme étant définie par des économies misant prioritairement sur l’agricul-ture et ne s’intéressant que marginalement au gibier, la crise par des économies plus diversifiées dans lesquelles la prédation joue un rôle essentiel. Comme dans les fa-mines bien connues de la période historique, la faim provoquerait une sorte de retour à la forêt, qui dispu-terait alors aux champs le rôle de matrice nourricière. Il s’en suivrait une sorte de régression conduisant les communautés néolithiques à reprendre le mode de vie

de leurs ancêtres chasseurs-cueilleurs. L’élargissement de l’éventail des ressources qui découle d’une augmen-tation des activités de prédation est donc conçu néga-tivement, comme une formule de dépannage adop-tée sous la contrainte. L’idée que l’économie à large spectre qui le caractérise, et qui, nous l’avons vu, s’ins-talle parfois pour plusieurs décennies, puisse être autre chose qu’un pis-aller et constituer une alternative dési-rée, n’est jamais évoquée.

2 Contraintes écologiques ou choix culturels ?

Le facteur culturel n’est, nous l’avons vu, évoqué que par principe, presque toujours pour souligner qu’il ne joue aucun rôle dans les processus décrits. Il n’est introduit dans la discussion qu’en dernier recours, lorsque les modèles écologiques s’avèrent impuissants à rendre compte de toutes les données. Dans la me-sure où son impact est très difficile à démontrer, il in-tervient comme par élimination, une fois épuisées les autres pistes de recherches. Le « culturel » est alors em-ployé dans un sens restrictif, comme une simple inter-férence des traditions régionales dans le cours normal des choses, un parasitage de la rationalité des proces-sus qui sont censés régir « naturellement » les rapports entre l’homme et son environnement. Le paradigme environnementaliste qui sert de toile de fond à toutes les recherches citées apparaît ici dans toute sa nette-té. Les facteurs culturels y sont d’emblée relégués au statut peu enviables d’épiphénomènes. Le fonctionne-ment des communautés préhistoriques y est envisagé comme une relation mécanique entre l’homme et son milieu, le premier s’efforçant, par des moyens toujours rationnels, de s’adapter aux modifications du second, qu’elles soient d’origine naturelle ou causées par l’ac-tivité humaine. L’interférence culturelle joue toujours un rôle secondaire et n’agit qu’à l’échelle de la culture ou du faciès régional. L’existence éventuelle de choix à l’échelle des individus, des maisonnées ou des commu-nautés villageoises n’est pas prise en compte, comme si les uns comme les autres étaient englués dans le double déterminisme des lois rationnelles de l’écologie et de la pesanteur irrationnelle des « traditions culturelles ».

Le paramètre culturel possède, par rapport au pa-ramètre climatique, le grave inconvénient de ne pas laisser d’indices directs. Son action est indémontrable par les méthodes empruntées aux sciences de la na-ture, qui ne peuvent tout au plus qu’en enregistrer les effets. La tentation est donc grande d’en minimiser l’importance, de déréaliser ce qui n’est pas calculable,

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et d’aligner les communautés humaines sur celles des autres espèces animales, qui, elles, subissent sans la mé-diation de la culture les effets des changements en-vironnementaux. or les historiens et les ethnologues, qui ont la chance d’embrasser une portion de la réali-té beaucoup plus large que les préhistoriens, ont illus-tré à l’envie le rôle considérable des facteurs sociaux et idéologiques dans les choix économiques. Le problème n’est donc pas de savoir si ces facteurs ont joué un rôle, puisque cela relève de l’évidence, mais de se demander comment faire pour se donner les moyens d’en com-prendre l’incidence. Dans la suite de cette contribu-tion, nous commencerons par revenir sur les explica-tions fondées sur des déterminismes écologiques pour essayer de mieux en saisir la logique interne et les pré-misses. L’exemple des communautés lacustres du Néo-lithique circumalpin sera ensuite l’occasion de dévelop-per une réflexion sur l’impact du facteur social sur les choix économiques. Nous verrons alors que la clé d’une meilleure compréhension des changements qui nous occupent ici réside dans le passage à une démarche dé-ductive, prélude indispensable à la construction d’un cadre conceptuel plus apte à rendre compte de la com-plexité des phénomènes en cause.

3 Economie de crise ou impasse paradigmatique ?

Nous avons vu plus haut que le recours aux ressources spontanées était généralement envisagé comme une stratégie de crise, les produits de la chasse et, éven-tuellement, de la cueillette, venant compenser un dé-ficit en denrées agricoles causé par une détérioration du climat. on aurait donc affaire à des mesures d’ex-ceptions, par définition temporaires, et qui seraient in-variablement suivies d’un retour au cours naturel des choses, d’un retour « à la normale ». Le caractère cen-tral de cette opposition normal – anormal a également retenu notre attention, tout comme cette idée, souvent implicite, d’un retour en arrière vers des réflexes « mé-solithiques ». Les épisodes à chasse élevée sont, de fait, compris comme des accidents dans la courbe régulière du progrès et le système de subsistance correspondant comme une sorte d’économie forestière de dépannage, à l’image des formules développées par les commu-nautés rurales européennes lors des fréquentes disettes et des famines qui ont ponctué les époques médiévale et moderne. L’idée générale, et il est aisé de monter que toutes les explications proposées reposent sur ce modèle implicite, est celle d’un « retour à la nature » non désiré, mais contraint et forcé par une situation

de crise alimentaire, un recours aux ressources spon-tanées qui ne serait pas l’effet d’un choix, mais d’une nécessité vitale.

Le problème ne réside pas dans la pertinence de cette explication, ni dans la qualité et l’excellence scienti-fique des argumentations développées pour la dé-fendre. Il vient d’une part de ce qu’elle est presque toujours considérée comme la seule explication pos-sible et, d’autre part, de ce postulat qui proclame sans recul critique la supériorité des systèmes reposant prio-ritairement sur l’agriculture sur les formules plus di-versifiées laissant une place plus large à la chasse et à la cueillette. Cette thèse est certes incontestable si l’on voit les choses du point de vue du potentiel de dévelop-pement : il n’est pas contestable que l’agriculture était seule susceptible de nourrir une population plus abon-dante, de rendre possible la production de surplus, de permettre la spécialisation du travail et la naissance des villes. Elle devient plus que discutable si l’on se place du point de vue des petites communautés villageoises néolithiques des lacs et des tourbières du domaine cir-cumalpin, qu’on imagine mal partager cette vision té-léologique de l’histoire.

Avant d’aller plus loin, il nous faut une fois de plus récapituler les faits :

– les analyses réalisées sur les sites lacustres montrent l’existence de périodes où les restes de faune chassée deviennent plus abondants sans que l’on observe pour autant de recul de l’élevage ; dans certains cas, il y a concomitance entre le passage à cette configuration et l’amorce d’une période de dégradation climatique ;

– cette dernière serait responsable d’une chute des rendements et donc d’un recul de la consommation des denrées cultivées. Mais, comme le reconnaissent très honnêtement les défenseurs du modèle, les don-nées fournies par la botanique sont insuffisantes pour étayer scientifiquement cette assertion ;

– il est tout aussi illusoire de penser que l’on pour-ra un jour se livrer à une comparaison portant sur les performances respectives des deux formules ; si l’expli-cation proposée est exacte, le système « normal » de-vrait être supérieur au système à large spectre mis en place pour compenser la chute des rendements agri-coles, c’est-à-dire plus apte à assurer un approvision-nement satisfaisant et régulier des communautés con-cernées. Seule une étude portant sur l’état sanitaire des populations et s’appuyant sur un corpus significatif de squelettes bien datés serait susceptible de fournir des éléments de réponse à cette question. or nous savons tous que le déficit vertigineux en restes humains est un des obstacles les plus cruciaux à la connaissance des ha-

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bitants des sites littoraux du Néolithique circumalpin.Comme nous l’avons vu plus haut, les épisodes à

chasse élevée durent souvent plusieurs décennies et peuvent survenir également durant des périodes cli-matiques favorables. Cela signifie premièrement que l’on a affaire à autre chose qu’à des mesures d’urgence destinées à juguler une crise alimentaire ponctuelle, mais bien à la mise en place d’un nouveau système de subsistance destiné à durer et, deuxièmement, que le lien entre les périodes à chasse élevée et les phases cli-matiques défavorables n’est pas systématique, et donc pas obligatoire. L’adoption du nouveau système peut donc très bien être lié à d’autres motivations que la simple réponse à une situation de pénurie alimentaire. Il reflèterait alors une manière différente de se nour-rir, mais aussi, en filigrane, une autre façon, pour les agents concernés, d’envisager leur rapport symbolique à l’environnement. Comme on vient de le voir, rien ne nous permet d’affirmer qu’il était moins efficace que le modèle « agricole ». on se retrouve dès lors avec une confrontation entre deux modèles économiques aux-quels la prudence méthodologique nous commande d’accorder, jusqu’à preuve du contraire, une efficaci-té équivalente. A l’opposition entre norme et anorma-lité, il nous faut donc substituer l’idée d’une concur-rence entre deux formules que rien ne nous autorise à hiérarchiser a priori. Dans la suite de cet article, nous appellerons A celle qui privilégie l’agriculture et l’éle-vage, et B celle qui, en faisant davantage appel aux pro-duits de la chasse et, probablement, de la cueillette, se caractérise par l’exploitation d’un spectre plus diversi-fié de ressources.

on retrouve ainsi une dualité comparable à celle qui a naguère été décrite par Kalis et Meurers-Balke dans une comparaison très éclairante entre les économies respectives du rubané et de la culture d’Ertebölle6. Le rubané, avec ses choix d’implantations qui montrent sans équivoque la priorité donnée à l’agriculture et ses faibles taux de chasse, illustre à merveille la formule A. L’économie forestière (Waldwirtschaft) qui caracté-rise la culture d’Ertebölle (5400 – 4000) avant de per-durer dans la phase ancienne de la TrBK7 en fait, au contraire, un représentant exemplaire de la formule B. A propos de cette séquence Ertebölle – TrBK, on note-ra que l’introduction d’une part d’élevage et/ou d’agri-

6 Kalis et Meurers-Blake, 19987 Les recherches les plus récentes ont en effet montrées qu’il fal-

lait attendre le milieu du 4ème millénaire pour voir s’installer une économie agricole pleinement constituée (voir, par exem-ple, pour la Pologne : Nowak, 2001).

culture, qui intervient, selon les régions, entre 4500 et 4000, ne semble pas modifier fondamentalement ni les bases économiques ni le soubassement idéolo-gique des sociétés concernées. Les deux formules se-ront en concurrence dans la Plaine nord-européenne pendant près de deux millénaires, et ceci dans une op-position qui, contrairement à un cliché encore bien vivace, n’est pas déterminée par les conditions clima-tiques. Il convient en effet de rappeler ici que les co-lons danubiens ont implanté un modèle de type A dès 5400/5300 dans le bassin inférieur de l’oder, c’est-à-dire dans une région qui ne diffère en rien, climatique-ment parlant, des zones sud-baltiques voisines. La per-sistance des économies de type B jusque vers le milieu du 4ème millénaire montre d’un côté leur viabilité et illustre, de l’autre, le refus des populations concernées de se soumettre au modèle danubien et leur choix de conserver une relation à l’environnement qui soit à la fois moins destructrice et compatible avec la vieille idéologie des chasseurs.

Le modèle B existe donc indépendamment de tout contexte de crise. Prolongeant le mode de vie des der-niers chasseurs-cueilleurs, il est même le modèle domi-nant, entre 5500 et 3500, dans les régions du Nord du continent qui échappent à la colonisation danubienne. on peut donc se permettre de le qualifier de modèle indigène, par opposition au modèle intrusif que consti-tue le système de type A qui caractérise la culture à céra-mique linéaire. La pérennité du modèle B montre qu’il constitue, pour les sociétés villageoises du Néolithique, un choix tout à fait viable et que, plutôt que comme une adaptation à une situation de pénurie, il faut le voir comme une alternative tout à fait crédible à la formule A. vers le milieu du 4ème millénaire, les communautés de la TrBK, ou au moins certaines d’entre elles, choi-sissent de passer du mode B au mode A, montrant par là que les porteurs d’une même tradition culturelle sont susceptibles de changer de formule au cours du temps et que la chronologie des systèmes de subsistance ne se superpose pas à la succession des cultures. on peut parfaitement, de la même manière, imaginer une popu-lation abandonnant provisoirement le mode A pour le mode B. Dans la TrBK, le passage de B à A doit être vu plus comme une tendance que comme une conver-sion généralisée. Les données disponibles suggèrent en effet que certaines régions ou, dans les régions tou-chées, certaines communautés, semblent avoir préféré conserver le mode B (Midgley, 1992). Bien que, pour des raisons liées à la faiblesse de la résolution chrono-logique dans des régions dépourvues de sites en mi-lieu humide, on manque encore de données assez pré-

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cises et détaillées pour étayer cette hypothèse, on peut, également, parfaitement imaginer qu’aient pu exister des zones caractérisées par une alternance régulière des modes A et B.

on voit bien que le modèle qui découle automati-quement du parti-pris écologiste, avec A du côté de la norme et B du côté de l’anormalité, n’est pas la seule manière possible de lire et de comprendre la variabilité qui marque le Néolithique suisse. A l’opposition entre une formule de «croisière» et une formule de crise, on peut très bien substituer une dualité mettant en jeu deux normes différentes, éventuellement concurrentes, mais également aptes à assurer la subsistance des popu-lations. Le modèle alternatif serait donc celui d’une al-ternance entre A et B, d’une histoire qui verrait se suc-céder régulièrement des cycles comportant une phase marquée par une intensification agricole et une phase de retour à une économie plus diversifiée, avec, notam-ment, un recours massif à la chasse. Dans ce modèle, le rythme des alternances n’est pas obligatoirement le même d’une région à l’autre ou d’une culture à l’autre et le passage d’un mode à l’autre n’affecte pas forcé-ment toutes les communautés d’un même ensemble culturel en même temps. Plus souple que les modèles basés sur des déterminismes climatiques ou démogra-phiques, il présente l’avantage de rendre compte de toute la variabilité rencontrée. Mais le changement de point de vue dont il résulte soulève naturellement d’autres problèmes, le premier d’entre eux étant celui des causes de cette alternance. Si les changements af-fectant le milieu, qu’ils soient d’origine naturelle ou anthropique, ne sont plus les principaux facteurs qui conditionnent le choix des options économiques, où faut-il chercher les raisons de cette alternance régulière entre A et B ?

4 Pourquoi chasser plus ? Mode de Production Do-mestique et économie à large spectre

La première question concerne les causes du passage, dans un contexte néolithique, d’une formule A à une formule B. La thèse d’une pénurie alimentaire causée par une détérioration climatique ne doit évidemment pas être écartée. Nous nous abstiendrons cependant de l’évoquer ici, le but de cet article étant justement de montrer que ce type de déterminisme est loin d’épui-ser le sujet. Nous allons donc essayer de construire un scénario hypothétique dans lequel les stimuli externes ne jouent aucun rôle. Pour cela, il nous faut commen-cer par un détour par l’anthropologie économique. Le

«mode de production domestique» (MPD) tel qu’il fut définit par Marshall Sahlins dans les années 19608 nous offre en effet un modèle théorique de fonctionnement des économies primitives à la fois très détaillé et très éclairant par rapport à la question qui nous occupe.

Ce modèle a été élaboré pour rendre compte des éco-nomies des sociétés d’agriculteurs de type «néolithique» décrites par les ethnologues pour diverses parties du monde. Ces sociétés sont formées d’unités de base – qui se confondent en général avec les maisonnées – caractérisées par une autosuffisance alimentaire. Cha-cune d’entre elle est capable de pourvoir à ses propres besoins et de produire les outils nécessaires à l’acquisi-tion des produits alimentaires. Comme le précise Sa-hlins, «le MDP recèle un principe anti-surplus ; adapté à la production de biens de subsistance, il a tendance à s’immobiliser lorsqu’il atteint ce point». Autrement dit, les sociétés concernées cessent de travailler lorsque leur nourriture est assurée. Elles pourraient produire davan-tage, pousser plus loin les limites de leurs capacités pro-ductives, mais elles s’en abstiennent parce qu’elles n’en ressentent pas la nécessité. Dans ces sociétés égalitaires (nous sommes toujours dans la description du modèle théorique de Sahlins), il n’existe aucun débouché pour les surplus : ni marchands, ni marchés, ni salariat, ni aucune forme d’exploitation de l’homme par l’homme. Le «principe anti-surplus» agit comme un mécanisme régulateur dans des sociétés primitives qui, comme le résume Pierre Clastres dans sa préface au livre de M. Sahlins, peuvent être vues comme «des sociétés du re-fus de l’économie». Sans aucun souci de compétition, mais mues par le désir de consacrer le moins de temps possibles à l’acquisition des denrées, les communautés concernées s’efforcent de trouver la meilleure combi-naison possible, autrement dit la moins contraignante en termes de temps de travail, entre les ressources spon-tanées et les produits de l’élevage et de l’agriculture.

Ce modèle doit être vu comme une sorte de for-mule idéale adaptée à des sociétés strictement égali-taires dans lesquelles l’acquisition de nourriture est entièrement orientée vers la satisfaction des besoins alimentaires. Comme l’ont souligné les recherches menées postérieurement à son élaboration, cette for-mule n’est pratiquement représentée que dans les so-ciétés de chasseurs-cueilleurs nomades organisées selon le principe de la bande. Les autres type de chas-seurs-cueilleurs, pour lesquels A. Testart à créé na-guère l’expression de «chasseurs-cueilleurs stockeurs»

8 Sahlins, 1976 (première édition en français, avec une préface très intéressante de Pierre Clastres).

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(Testart, 1982), et les sociétés de type néolithique pro-duisent en réalités toutes des surplus. Ces derniers sont destinés d’une part aux paiements liés aux obliga-tions sociales et, d’autre par, à soutenir les efforts dé-ployés par certains individus pour acquérir prestige et renommée. Les obligations sociales pour lesquelles on mobilise les surplus sont relativement variées. Il nous suffira ici de citer les deux principales, à savoir le «prix de la fiancée» et le «prix du sang», dont la raison d’être est, dans les deux cas, de rétablir un équilibre compro-mis par la perte, du point de vue des récipiendaires, d’un membre de la famille ou du clan. C’est ce qui justifie l’emploi de la notion de «paiements compen-satoires». L’autre contexte de consommation des sur-plus est la compétition entre les individus en quête de reconnaissance sociale. C’est le cas, par exemple, du big man de Nouvelle-Guinée, qui produit des surplus qu’il redistribue au sein de sa clientèle à travers des banquets qui lui vaudront prestige et notoriété. Les sociétés qui maîtrisent les techniques de la domesti-cation auront tendance à privilégier, pour ces usages, les biens les plus faciles à thésauriser, en général les graines et le bétail, parfois aussi des objets manufac-turés comme, par exemple, des textiles, des vanneries ou des haches polies. La compétition sociale suppose, en outre, que l’on fournisse, dans le cadre des ban-quets accompagnant divers types de cérémonies, des denrées alimentaires attractives ; plutôt que de bœufs sur pieds et de grain, qui constituent une forme brute de richesse, la valorisation concernera ici des produits transformés, par exemple de la viande ou de la bière.

Les biens ainsi produits seront consommés par les récipiendaires des paiements compensatoires et par les convives des banquets offerts par l’individu qui cherche à consolider ou à accroître son prestige ; ces convives seront ainsi dispensés de produire la quantité de nourriture correspondante. Si donc l’on additionne la production des différentes maisonnées, la commu-nauté d’échange concernée ne produit pas plus de nourriture que si elle se conformait de manière ortho-doxe au MPD, autrement dit si elle s’abstenait de pro-duire des surplus. L’intensification de la production n’est donc pas globale : elle répond de manière ponc-tuelle aux besoins engendrés par les obligations sociales ou ne concerne, dans les contextes de compétition so-ciale, qu’une fraction des maisonnées. Il n’y a donc pas d’augmentation générale de la production et, au moins dans le second cas de figure, le changement est sur-tout qualitatif puisque que, nous l’avons vu, le besoin de briller dans les cérémonies génère une tendance à préférer les produits «nobles» - céréales, fibres textiles,

bœufs, bière - aux denrées plus ordinaires que consti-tuent les produits de la chasse ou de la cueillette. or ces produits demandent un investissement en temps plus important, aussi bien au niveau de la production elle-même qu’à celui de la préparation des denrées. L’intro-duction d’une dose d’inégalité et les rivalités qui s’en suivent sont susceptibles, par ricochet, d’accroître le niveau des paiements compensatoires, en particulier le «prix de la fiancée», et c’est bientôt l’ensemble de la société qui va se trouver entraînée dans la nécessité de produire des biens plus attractifs.

Ce scénario pourrait parfaitement rendre compte du passage de B à A. L’évolution inverse, avec un recul de la production agricole et l’adoption d’une écono-mie à large spectre, correspondrait, au contraire, à un retour à un système social moins tendu, plus égalitaire, sous l’effet de facteurs sociaux, par exemple une crise engendrée par l’exacerbation des rivalités entre indi-vidus, ou matériels, comme une rupture d’équilibre avec le milieu provoquée par les défrichements abu-sifs, l’épuisement des sols ou les phénomènes de sur-pâturage liés au redéploiement de l’économie de sub-sistance vers des productions exerçant davantage de pression sur le milieu. Les facteurs externes, en parti-culier climatiques, sont alors susceptibles de contribuer au déclenchement de la crise en accélérant la survenue des ruptures d’équilibre. La concomitance, même ré-currente, entre un passage de A à B et un épisode de péjoration climatique ne signifie donc pas obligatoire-ment que ce dernier doit être considéré comme la cause primaire du changement observé. Le retour à des sys-tèmes à la fois moins risqués (grâce à un meilleur équi-libre avec le milieu et à une répartition des risques sur une gamme plus large de denrées) et plus économes en terme de pression sur le milieu et d’investissement en temps conduit à se rapprocher de l’idéal du Mode de Production Domestique. Il se traduit ainsi, presque né-cessairement, par la mise en place de systèmes plus di-versifiés de type «broad spectrum economy».

Dans le cadre de ce modèle, les causes du pas-sage de A à B sont d’ordre social. Les communau-tés reviennent à des pratiques moins astreignantes et moins dommageables pour l’environnement parce que l’idéologie égalitaire, commune à toutes les so-ciétés primitives, a repris le dessus sur les pulsions centrifuges qui menaçaient l’unité du corps social. Le mouvement inverse, de B à A, se produit lorsque cette idéologie est partiellement subvertie par les menées de quelques individus avides de prestige. Pour cela, ils vont faire appel à des techniques ou à des objets ap-partenant au répertoire traditionnel de leur commu-

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Jeunesse – Changements sociaux et signification de la chasse

nauté, mais chercheront aussi, souvent, à renforcer leur avantage en faisant appel à des biens de prestiges lointains ou, pourquoi pas, tireront de leur imagina-tion créatrice de véritables innovations. Si l’on pousse le modèle dans cette direction, on peut prédire que les sociétés des phases dominées par le modèle B se-ront moins créatives et moins enclines à rechercher les contacts au long cours que leurs homologues des phases dominées par le modèle A. on aura ainsi une alternance qui se traduira, on l’a vu, par des options différentes pour ce qui est du système de subsistance, mais aussi par des comportements opposés dans le do-maine de la créativité technique et dans celui des re-lations avec les cultures voisines.

5 Pourquoi chasser moins et produire plus ? La pro-duction des richesses

La dichotomie que nous avons esquissée n’est pas très éloignée de l’opposition entre sociétés à richesse osten-tatoire et sociétés sans richesses telle que l’a proposée A. Testart (Testart, 2005). Le mouvement pendulaire qui affecte les sociétés néolithiques, dans les régions où cela est démontrable, suggère qu’une même société peut passer d’un système à l’autre selon le contexte so-cial. Par «richesses ostentatoires», il faut entendre non seulement des armes de prestige et des parures en maté-riaux exotiques, mais aussi des céréales pour faire de la bière, du lin et de la laine pour fabriquer des tissus dont on peut penser qu’ils étaient rares, et donc fortement valorisés, ou encore des bœufs et des cochons pour les besoins du rituel et les paiements compensatoires. Il faut donc produire des surplus qui permettront aux maisonnées concernées de tenir leur rang dans les so-ciétés où le prestige passe par l’entretien d’une clien-tèle et l’organisation de banquets, par exemple lors des funérailles, ou encore à l’occasion des cérémonies de passage d’un niveau à l’autre dans les sociétés à grades. Les denrées utilisées à cet effet doivent être abondantes, de bonne qualité et pouvoir être mobilisées facilement, des conditions qu’il est illusoire d’espérer remplir dans un système de subsistance reposant prioritairement sur l’exploitation des ressources spontanées. Le passage à des comportements ostentatoires se traduira donc, dans les sociétés néolithiques, par une tendance à privilégier l’élevage et la culture des céréales au détriment de la chasse et de la cueillette.

L’ethnologue B. Hayden a récemment rappelé que, dans de nombreuses sociétés traditionnelles d’Asie du Sud-Est, les animaux domestiques servent essentielle-

ment pour les fêtes et les paiements compensatoires et font rarement partie du régime alimentaire «ordinaire» (Hayden, 2003). Il précise également que «les ethno-logues des sociétés trans-égalitaires ont observé de ma-nière récurrente que la première cause d’intensifica-tion de l’économie de subsistance n’est pas à chercher du côté des situations de pénurie alimentaire, mais de celui du désir d’acquérir des avantages sociaux et po-litiques». Comme nous l’avons exposé plus haut, le passage de B à A ne se traduit pas nécessairement par une augmentation globale de la production. on as-siste, en réalité, à un double redéploiement : apparition, d’une part, d’un déséquilibre entre les maisonnées qui produisent davantage et les autres qui, bénéficiant, au moins pour certaines, de leurs largesses, auront plutôt tendance, se conformant ainsi à la logique fondamen-tale du mode de production domestique, à relâcher leurs efforts. Dans les maisonnées dominantes va émer-ger, d’autre part, une spécialisation de la production, qui sera axée davantage sur les produits qui se prêtent le mieux au jeu de la compétition sociale. Le mouvement concerne donc prioritairement les familles des indivi-dus en quête de prestige. rien n’empêche, théorique-ment, les autres de continuer à privilégier le mode de production B. Il en résultera, sur le plan économique, une variabilité interne plus marquée dans les villages fonctionnant selon le modèle A que dans ceux qui re-lèvent du modèle B. L’adhésion au mode A se traduira également, comme nous l’avons déjà souligné, par une propension plus grande à l’innovation. Hayden n’hé-site pas à avancer que l’apparition de la domestication animale à très probablement été favorisée par ce type ce contexte (Hayden, 2003). De manière générale, la confrontation entre les données archéologiques et les réalités ethnologiques nous conduit à proposer deux modèles théoriques dont il est temps, à présent, de ré-capituler les principales caractéristiques.

Modèle A : – Des sociétés à richesses ostentatoires, dans lesquelles

la compétition pour le prestige influence profon-dément la vie sociale et les comportements écono-miques ;

– Des systèmes économiques davantage tournés vers la production que vers la prédation ;

– Une priorité donnée aux biens socialement valori-sants (céréales, fibres textiles, bovins) ;

– Une propension à la créativité et à l’innovation tech-niques ;

– Une tendance à développer des réseaux de contacts

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Jeunesse – Changements sociaux et signification de la chasse

destinés, entre autres, à faciliter l’acquisition de bien de prestige «exotiques» ;

– Des systèmes économiques qui impliquent une pres-sion forte – de plus en plus forte – sur le milieu, et donc un rapport à l’environnement plus destructif. Les agrosystèmes correspondant seront fatalement plus fragiles, et le risque de rupture d’équilibre entre les besoins des hommes et les capacités de portage de l’environnement plus élevé.

Modèle B : – Des sociétés sans richesse, avec une organisation so-

ciale égalitaire ; – Des systèmes économiques qui tendent à se rappro-

cher du modèle du Mode de Production Domes-tique tel que l’a défini Sahlins, avec une économie à large spectre, une production ajustée aux besoins de la population, et une préférence pour les activités les moins dispendieuses en terme de temps et d’ef-fort qui aura pour effet, entre autres, de répartir le risque sur un éventail large de ressources et d’offrir davantage de flexibilité en cas de défaillance de l’une des sources d’approvisionnement ;

– Une économie qui, en contexte néolithique et dans des environnements riches et diversifiés comme l’était l’Europe moyenne, réservera obligatoirement une place significative à la chasse et à la cueillette ;

– Une stabilité sociale qui va de pair avec un «conser-vatisme» technique ; des réseaux d’échange peu dé-veloppés ;

– Une certaine « indifférence » face aux biens de pres-tiges et aux matériaux exotiques.Il convient ici de répéter que ces modèles, à l’image

du MPD de Sahlins, doivent être envisagés comme des modèles théoriques dont la fonction est de ser-vir de socle à une démarche déductive. Il ne s’agit pas de les plaquer sur la réalité préhistorique, mais de les confronter aux données archéologiques de façon à se donner la possibilité d’y déceler des significations qui ne seraient pas apparues dans le cadre de l’approche in-ductive qui est, dans le domaine qui nous occupe ici, presque toujours privilégiée. En outre, il ne faut évi-demment pas s’attendre à des basculements brutaux d’un modèle à l’autre, mais plutôt à des transitions plus ou moins longues, et par conséquent à des situa-tions qui peuvent s’avérer très difficiles à décrypter. Le fait que, dans les sociétés à modèle A, ce dernier n’est appliqué que par une fraction des maisonnées, n’est évidemment pas pour faciliter les choses. Nous savons tous, en effet, que les villages fouillés entièrement ou

sur une surface significative sont peu nombreux, et que le risque est grand, en cas d’intervention ponctuelle, de se trouver confronté aux restes laissés par une maison-née qui ne pratique pas le système économique domi-nant de la période considérée.

6 Une autre histoire économique du Néolithique des lacs et tourbières du domaine circumalpin

Il reste naturellement à confronter ces deux modèles, ou plutôt ce modèle dual, avec les données disponibles pour le Néolithique des lacs et des tourbières. Une tâche qui, on le comprendra, dépasse largement les li-mites de cet article. Nous nous contenterons donc ici de quelques remarques préliminaires, en commençant par quelques indications sur les moyens de tester ce qui n’est, répétons-le, qu’une hypothèse de travail. Le ta-bleau de la figure 1 énumère les critères d’identification archéologique de chacun des deux modèles.

Il ne s’agit là que d’une liste indicative, qui reprend les différents éléments de réflexion déjà développés, mais qui devra sans doute être modifiée et complé-tée. Cette liste est parfaitement adaptée aux sites de contexte humide du domaine circumalpin qui, outre les avantages découlant de leurs exceptionnelles condi-tions de conservation et des datations très précises per-mises par l’application de la dendrochronologie, pré-sente des facilités d’étude liées à l’existence d’un corpus de données publiées très abondant. Mais elle peut éga-lement être appliquée efficacement au Néolithique an-cien danubien. Même si les indications chronologiques sont, comparativement, moins précises, cette période offre la possibilité très rare (même en contexte humide), grâce aux fosses latérales qui accompagnent les mai-sons, de pouvoir associer avec un degré élevé de certi-tude une maisonnée particulière et les déchets qu’elle a produit et, par conséquent, de pouvoir développer des comparaisons inter-maisonnées. Dans tous les cas, il convient de prendre garde à ne pas surinterpréter des éléments isolés du modèle. Un taux élevé de chasse n’est, par exemple, pas suffisant en lui-même pour en conclure que la maison ou le village concernés relèvent du mode B. Une chasse relativement intensive à l’au-rochs ou au cerf peut en effet très bien refléter, plutôt que le recours à un large spectre de ressources, des pra-tiques de compétitions sociales exacerbées, autrement dit des comportements que l’on s’attend plutôt à trou-ver dans des groupes sociaux vivant sous le régime du mode A. Une bonne évaluation reposera nécessaire-ment sur la combinaison de plusieurs critères, sur un

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Jeunesse – Changements sociaux et signification de la chasse

faisceau d’arguments. Les deux exemples que nous al-lons développer proviennent l’un du Néolithique la-custre et l’autre de la culture à céramique linéaire. Ils ne doivent pas être envisagés comme des résultats conso-lidés, mais comme des exercices destinés à illustrer les possibilités offertes par l’usage de notre modèle.

Daté de la transition entre le Néolithique récent et le Néolithique final, le site d’Arbon Bleiche 3, dans le canton de Thurgovie en Suisse, a fait l’objet d’une pu-blication détaillée9. Il est occupé sur une période très brève, entre 3384 et 3370. Du point de vue de la faune, il montre une très grande variabilité. Des maisons pré-sentant des proportions élevées de restes sauvages (n° 1 à 4, 8, 20 et 24) cohabitent avec des bâtiments mar-qués par des taux très importants de restes domestiques (n° 7 et 23). Au sein du premier groupe, deux maisons (n° 8 et 20) se distinguent par la diversité des espèces chassées. A côté du cerf et du sanglier, espèces les plus courantes, on note la présence d’ossements d’ours, de martre, de blaireau, de putois et de loutre. La maison 20 a également livré une quantité importante de restes de plantes sauvages. Au total, les spécialistes impliqués dans l’étude du site ont conclu que ses occupants «ob-tenaient l’essentiel de leur alimentation par la chasse et la collecte»10. L’élevage concerne principalement le porc et le bœuf, qui sont représentés de manière très variable selon les maisons. Une opposition intéressante a été observée entre la partie «haute» du site et les mai-sons situées plus près du rivage : dans la première, l’éle-vage porte principalement sur le bœuf et les restes de poissons sont rares ; dans les secondes, des restes de poissons abondants et variés cohabitent avec un spectre de faune domestique dominé par le porc. Un des at-traits de ce site réside dans la présence de céramiques appartenant à la culture de Baden, dont l’aire de ré-partition est centrée sur le Bassin des Carpates. Mais cette céramique n’est présente que dans quelques bâti-ments, et il est intéressant de noter que ces bâtiments se distinguent par ailleurs par une fréquence élevée des restes d’amidonnier11 et de bœuf, deux denrées carac-téristiques des maisons dont l’alimentation semble ba-sée prioritairement sur l’élevage et, selon toute vraisem-blance, l’agriculture.

Il n’est pas dans nos intentions de mener une ana-lyse détaillée du site d’Arbon Bleiche. Sous réserve d’un travail plus approfondi, on peut dire que les quelques données énumérées dans le paragraphe précédent sug-

9 Leuzinger 2000, Capitani et al. 2002, Jacomet et al. 2004.10 Jacomet et al. 2004, p. 407.11 Alors que les autres maisons livrent essentiellement du blé nu.

gèrent que nous nous trouvons dans le contexte d’un mode de production A. En témoignent, notamment, la forte variabilité intra-habitat, la corrélation entre les répartitions des produits «rares» que constituent res-pectivement la céramique exogène, l’amidonnier et le bœuf et l’existence de relations à longue distance. Le bâtiment 20 et les maisons analogues montrent que, comme le prédit le modèle, certaines maisonnées res-tent, semble-t-il, à l’écart de la compétition sociale, et préfèrent conserver un mode de production de type B plutôt que de céder à l’attrait des produits et des objets susceptibles de rehausser leur prestige, ou du moins celui du maître de maison. Cette reconstruc-tion nous paraît plus réaliste que l’interprétation pro-posée par les chercheurs impliqués dans l’étude du site, pour lesquels la variabilité entre les maisons refléte-rait une sorte de division du travail et un système de coopération entre des maisonnées aux activités com-plémentaires. Une telle formule est en effet incompa-tible avec le Mode de Production Domestique et, de manière générale, avec ce que l’on sait de l’économie des sociétés primitives, dans lesquelles les formes de spécialisation du travail sont, quand elles existent, ré-servées à des productions non vivrières, autrement dit des ressources «non-stratégiques» qui ne sont pas sus-ceptibles de mettre en péril l’autonomie économique de la maisonnée.

L’existence d’une variabilité interne très marquée constitue l’une des particularités du site rubané de Cuiry-lès-Chaudardes (F-Aisne). Sur la base de l’étude des restes animaux, L. Hachem a mis en évidence une opposition entre des maisons de grande taille occupées par des maisonnées d’éleveurs de bœuf et des maisons de petite taille dont l’alimentation carnée fait appel de manière significative à la faune sauvage (Hachem, 1997 et 2000). Les premières présentent des taux de faune domestiques compris entre 91,3 et 96%, alors que les secondes arborent des taux de chasse qui vont de 23,8 à 41,1% et possèdent, de fait, un système d’ap-provisionnement en viande notablement plus diversifié. Cette situation n’est pas le reflet d’une évolution dans le temps, mais représente un dualisme permanent qui se reproduit de génération en génération. Il existe donc une corrélation entre les architectures les plus ostenta-toires et la consommation de viande domestique, en premier lieu de bœuf. Les grandes maisons sont aussi plus riches en restes osseux, ce qui laisse supposer que l’on y a consommé davantage de viande. reflet d’une maisonnée plus nombreuse ou d’un accès privilégie à la ressource carnée ? Il faudra attendre des études com-plémentaires pour espérer pouvoir trancher entre ces

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Jeunesse – Changements sociaux et signification de la chasse

Modèle A Modèle B

- Importance de l'élevage bovin (espèce

la plus valorisée, mais aussi celle dont

l'élevage est le plus contraignant)

- Faiblesse de la chasse (mais possibilité

d'une chasse focalisée sur une ou deux

espèces "socialement valorisantes",

comme le cerf et l'aurochs)

- Restes de plantes domestiques

fréquents, laissant supposer une place

importante pour l'agriculture

- Présence de plantes non

(obligatoirement) alimentaires (par

exemple le lin)

- Présence de plantes "exotiques"

(aneth, céleri, mélisse, persil)1

- Indices d'activités textiles (outillage

spécifique ; courbe de mortalité des

moutons…)

- Présence, en quantités significatives,

d'objets précieux et de matériaux

exotiques (coquillages, silex blond

provençal, silex du Grand-

Pressigny….)

- Indices d'activité métallurgique

- Existence d’une forte variabilité inter-

habitat et, au sein d'un même village,

inter-maisonnée.

- Elevage diversifié

- Chasse importante et diversifiée

- Restes de plantes sauvages abondants

et diversifiés

- Pour autant que l'on puisse en juger,

relative discrétion des restes de plantes

cultivées

- Absence ou faible représentation des

objets précieux et/ou des matériaux

exotiques

- Absence ou discrétion des restes liés à

des activités tournées vers la

production de biens précieux (textile,

métallurgie)

- Variabilité inter-habitat et inter-

maisonnée insignifiante

1 Ces plantes aromatiques ou potagères, au caractère "exotique" indiscutable, se retrouvent régulièrement dans les échantillons de macrorestes issus des sites littoraux néolithiques (entre autres : Küster, 1999). Ils témoignent de l'existence d'une "culture gastronomique" qui pourrait être mise en relation avec des pratiques ostentatoires.

Figure 1 : Principaux critères archéologiques pour l‘identification des deux modèles

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Jeunesse – Changements sociaux et signification de la chasse

deux hypothèses. Une autre étude a montré que l’es-sentiel du matériel de mouture découvert à Cuiry pro-venait des fosses latérales des maisons de grande taille (Hamon, 2004). Ailleurs dans le rubané, il a été pos-sible de montrer que les grandes maisons abritaient, et donc contrôlaient, les réserves de grain de la commu-nauté villageoise (Lüning, 2000).

Nous nous trouvons donc face à une situation assez proche de celle d’Arbon et pour laquelle notre modèle dual pourrait constituer une explication tout à fait re-cevable : un mode de production dominant de type A combiné avec une forte variabilité interne. La diffé-rence avec Arbon se situe notamment dans le rôle joué par l’architecture, un domaine pour lequel l’investis-sement social est nettement plus fort dans le Néoli-thique danubien que dans les cultures du Néolithique lacustre. Si l’on s’en tient aux données concernant le système économique, on ne peut qu’être convaincu par la profondeur du contraste entre des maisonnées qui privilégient les produits à haute valeur ajoutée du point de vue de la compétition sociale et d’autres qui tirent leur subsistance d’une économie à large spectre et semblent rester à l’écart de la lutte pour le prestige et la renommée.

7 Conclusion

Dans le scénario que nous proposons, les fluctuations des taux de chasse dans le néolithique circumalpin s’ex-pliquent par un mouvement d’alternance entre deux modèles sociaux-économiques. Le modèle B se carac-

térise par des sociétés sous l’emprise d’une idéologie égalitariste très prégnante et qui privilégient une éco-nomie proche du Mode de Production Domestique défini naguère par M. Sahlins, avec une économie à large spectre, dispositif le plus avantageux en termes de temps de travail et de prévention des risques de fa-mine. Le modèle A correspond, à l’opposé, à des socié-tés travaillées par des pulsions inégalitaires, où des in-dividus avides de prestige et de renommée s’appuient sur des produits socialement valorisés et qui se prêtent bien à une «économie du banquet» nécessitant la mo-bilisation rapide d’une grande quantité de denrées (cé-réales, animaux domestiques) pour tenter d’asseoir ou de consolider leur position dans la société. Cette in-terprétation, qui présente l’avantage de rendre compte de la totalité de la variabilité observée, offre une alter-native crédible aux explications traditionnelles fondées sur le déterminisme écologique. Même si cela peut pa-raître, à première vue, paradoxal, ce modèle construit avec une volonté délibérée de commencer par prendre du recul vis-à-vis des données brutes, débouche sur une explication à notre sens plus réaliste et plus nuancée de la réalité néolithique. Les facteurs climatiques, ou en-vironnementaux au sens large, n’en sont pas évacués, mais envisagés davantage comme des événements dé-clencheurs que comme des causes primaires.

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