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dossier les tribunes de la santé n° 34 — printemps 2012 51 SANTé ET VIE POLITIQUE Les dépolitisations de la santé François Buton, Frédéric Pierru La faible place accordée aux questions de santé dans l’offre politique est régulièrement dénoncée alors même qu’il s’agit d’une préoccupation saillante pour les électeurs et électrices. Pour expliquer le décalage, l’article mobilise une grille de lecture néo-institutionnaliste montrant comment les choix faits en 1927, 1945 et 1958 ont défini une configuration d’acteurs et un système symbolique qui, par un effet d’hystérèse, entretiennent le faible intérêt des élus et des organisations partisanes. Le réinvestissement par l’État de ses fonctions régaliennes en la matière semble donc conjuguer technocratisation par le haut et dépolitisation par le bas. En conclusion, l’article propose quelques pistes de recherche pour éclairer les relations compliquées entre santé et vie politique et propose une ouverture comparative pour mieux cerner le poids des institutions politiques et sectorielles dans le processus de politisation (ou de non-politisation) de ces questions. La pauvreté du débat politique en matière de santé a été maintes fois dé- noncée par les militants syndicaux et politiques, les experts sectoriels ou en- core les journalistes spécialisés. En effet, bien que la nécessité d’ouvrir un grand débat démocratique sur la réforme du système de santé fasse l’objet d’une unanimité rare, la santé reste un non-enjeu politique 1 *. Quand il n’est pas délibérément esquivé, ce thème est traité de façon très superficielle et eu- phémisée par les responsables des principaux partis politiques qui se conten- tent pour l’occasion de communier autour de grandes valeurs et de principes très généraux et, par conséquent, ambigus. Dans les deux cas de figure, la santé ne parvient guère à être convertie en offre politique alors qu’il s’agit pourtant *Les notes ont exceptionnellement été rassemblées en fin d’article. Document téléchargé depuis www.cairn.info - BIU Montpellier - - 88.170.0.212 - 17/11/2014 09h41. © Presses de Sciences Po

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Santé et vie politiqueLes dépolitisations de la santé

François Buton, Frédéric Pierru

La faible place accordée aux questions de santé dans l’offre politique est régulièrement dénoncée alors même qu’il s’agit d’une préoccupation saillante pour les électeurs et électrices. Pour expliquer le décalage, l’article mobilise une grille de lecture néo-institutionnaliste montrant comment les choix faits en 1927, 1945 et 1958 ont défini une configuration d’acteurs et un système symbolique qui, par un effet d’hystérèse, entretiennent le faible intérêt des élus et des organisations partisanes. Le réinvestissement par l’État de ses fonctions régaliennes en la matière semble donc conjuguer technocratisation par le haut et dépolitisation par le bas. En conclusion, l’article propose quelques pistes de recherche pour éclairer les relations compliquées entre santé et vie politique et propose une ouverture comparative pour mieux cerner le poids des institutions politiques et sectorielles dans le processus de politisation (ou de non-politisation) de ces questions.

Lapauvretédudébatpolitiqueenmatièredesantéaétémaintesfoisdé-noncéeparlesmilitantssyndicauxetpolitiques,lesexpertssectorielsouen-core les journalistes spécialisés. En effet, bien que la nécessité d’ouvrir ungrand débat démocratique sur la réforme du système de santé fasse l’objetd’uneunanimitérare,lasantéresteunnon-enjeupolitique1*.Quandiln’estpasdélibérémentesquivé,cethèmeesttraitédefaçontrèssuperficielleeteu-phémiséeparlesresponsablesdesprincipauxpartispolitiquesquiseconten-tentpourl’occasiondecommunierautourdegrandesvaleursetdeprincipestrèsgénérauxet,parconséquent,ambigus.Danslesdeuxcasdefigure,lasanténeparvientguèreàêtreconvertieenoffrepolitiquealorsqu’ils’agitpourtant

*Lesnotesontexceptionnellementétérassembléesenfind’article.

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delatroisièmepréoccupationquotidiennedesFrançais-e-sselondesenquêtessociologiquesquimontrent,desurcroît,undegréélevédeperceptionetunetrèsfaibletoléranceàl’égarddesinégalitésenlamatière2.Laneutralisationpolitiqueaulongcoursdecettepréoccupation«profane»depremierplanestcontemporainede l’affirmationde l’État sanitaireaucoursdecesvingtdernièresannéesauxdépensdeladémocratiesocialed’après-guerre.L’État,àlafaveurdel’inscriptiondelamaîtrisedesdépensesdesantésurlehautdel’agendagouvernementaletdelasuccessiondescrisesetscandalesdesantépublique,aréinvestisesfonctionsrégaliennesenlamatière.Pourautant,lasanténeparvienttoujourspasàtrouversaplacedanslesdynamiquescom-plexesdestructurationdel’offrepolitiquedanslechamppolitiquenational3comme,a fortiori,dansleschampspolitiqueslocaux4,alorsmêmequeledébatpublics’estconsidérablementdéveloppédepuislesannées19805.Enrésumé,nousdéfendonsicilathèseselonlaquelleonaassistéaucoursdestrenteder-nièresannéesàunprocessusd’étatisationdelasantéconsistantàlafoisenunetechnocratisationparlehaut6(omniprésencedel’exécutifetdescabinetsministérielsdanslaproductiondespolitiquesdesanté)etenunedépolitisa-tionparlebas(élusparlementaires,éluslocaux).Encoretrèsrécemment,desinitiativesvisantàconstituerl’objetsantéenenjeupolitiqueàl’approchedescrutinsnationauxdécisifsn’ontrencontréqu’unsuccèstrèsrelatifauprèsdesresponsablesdesprincipauxpartispolitiques,ilestvraidansunagendaélec-toraldominéparlapolitisationetladramatisationdel’étatdesfinancespu-bliques7.Ilyacependantlàuneénigmeàrésoudreetl’objetd’unprogrammederechercheàpartentièrepour lespolitisteset lesspécialistesdesciencessocialesquis’intéressentaufonctionnementdeladémocratiereprésentative8.Nous analysons dans un premier temps combien les institutions politiqueset sectorielles9 conditionnent l’ampleur et lesmodalitésd’interventiondesacteurspolitiquesetproduisentde lanon-décision10en sériepuis,dansunsecond temps, nous montrons qu’elles expliquent, par un effet d’hystérèse,lafaiblessedelamobilisationdesélusnationauxetlocaux.Nousproposons,enfin, quelques pistes qui permettraient d’élucider plus avant les relationscompliquéesqu’entretiennent,enFrance,santéetviepolitique.

le poidS du legS originel

Larelativeabsencedeséluslocauxet,surtout,nationauxdanslesecteurdelasantédoitêtreresituéedansunetemporalitélonguequiestcelledesinstitutionspolitiquesetsectorielles.Leschoixopérésen1945ontcontribuéà dépolitiser les questions de sécurité sociale. Les acteurs étatiques n’ont,originellement,qu’unepositionpériphérique– ils sontchargésde la«tu-

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telledesorganismessociaux»–,alorsqueles«partenairessociaux»,àquiincombelagestiondurisque,occupentledevantdelascène.Sicettedivi-sionthéoriquedutravailatoujoursété,danslesfaits,problématique,iln’enrestepasmoinsqu’elleaconsidérablementmodelélanaturedesdébatsetdesenjeuxpolitiquesrelatifsà laprotectionsociale11.Alorsque,parexemple,enGrande-Bretagne,où lesdécisionsenmatièrede santé sontauxmainsde l’État, ledébatoppose lesdeuxpartisdegouvernement,enFrance, lespartisn’ensontpaslesprotagonistesprincipaux.Surtout,lepartage,mêmeconfus,desresponsabilités,lanécessitépourl’Étatdenégocieravecdesin-terlocuteurs, sinon puissants, du moins légitimes, et la grande complexitéinstitutionnelledusystèmeontcontribuéàdévaloriserle«social»auseindel’appareild’État,qu’attesteparexempleladésaffectiondesélèvesdel’Enapourcesecteur.Enquelquesorte,leministèredesaffairessocialesnedisposepasd’«unesouverainetéinterne»quilerendraitattrayantpourlepersonnelpolitiqueetlahautefonctionpublique.Touteréformeimpliqueeneffetdeconstruireunconsensusentreaumoinsdeuxdestroisacteursenprésence.Siceconstatvautpourl’ensembleduchampdelaprotectionsociale,ilestpar-ticulièrementvraipourlasanté.Car,enplusdes«partenairessociaux»,lespouvoirspublicsseheurtentàungroupeprofessionnelqui,s’ilestdivisésurleplanorganisationnel,n’enassoitpasmoinssonpouvoirsocialetpolitiquesur«l’extraordinairepuissancedeconvictiondesonidéologie12»:lesmé-decins,dontl’identitélibérales’estforgéedanslecombatcontrelespremiersprojetsd’assurancesociale.Unefoisencore,l’«empreintedesorigines»delasécuritésocialeestparticulièrementnette.En1945unedivisiondutravailstricteentrelaprofessionmédicaleetl’Étataétéinstaurée:l’assurancema-ladiefinance,lesmédecinsdécidentdel’affectationdesressources. L’Étatsocialaconsisté,enFrance,àinstitutionnaliserunmarchédessoinssurlequellasantéestconçucommeunbienprivédontlaproductionetlaconsommation relèventdesdécisionsdes individus, assurés sociauxetmé-decins13. La santé est devenue une question technique de la compétenceexclusive d’un corps professionnel; elle a été, autrement dit, dépolitisée14.Cinquanteansplustard,avecl’universalisationdel’assurancemaladieetlamédicalisationcorrélativedelasanté,lesmédecinsrestent,endépitdecer-tainescritiquesexpertesoujournalistiques,les«propriétaires»légitimesdesquestionsde santé, et enpremier lieu aux yeuxde lapopulation.Tous lessondagesmontrentnonseulementl’attachementdesFrançaisàlasécuritéso-cialeetauprinciped’unegestionparticularistedesdroitssociauxmaisaussileprofondenracinementdelacroyancedansl’équation«santé=médecine».Lamajeurepartiedelaclassepolitiquepartageaussicettecroyancefonda-

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mentaleetconsidèredèslorsquelasantén’estpasprioritairementl’affairedupolitique.Leparadigmebiomédicalconstituedonclecœurdelapolitiquedesantéfrançaise,laquelletendàseréduireàunepolitiqued’accèsauxsoins.EnFrance,ladominationdumodèlecuratifetdelaprofessionmédicales’esttraduite,d’unepart,parlafaiblessehistoriquedel’administrationdelasanté(mêmesicettedernières’estconsidérablementrenforcéeaucoursdelader-nièredécennieaveclacréationdemultiplesagencessanitairesetlafusion,auseindesARS,desservicesdel’Étatetdel’assurancemaladieauniveaurégional)etpardepuissantseffetsdecensuresurledébatpublicd’autrepart:touteidéequin’estpascompatibleavecleparadigmebiomédicalestrejetéeoupurementetsimplementignorée.Latrajectoirehistoriquedusystèmedesanté,dépendantedeschoixde1945(etde1958),rendparconséquentdefactocertainsproblèmesinvisiblesetcertainesmodalitésalternativesd’orga-nisationdelasantéimpensables:l’effetde«verrouillage»généréparlelegsdespolitiquesantérieures15setraduitparlamultiplicationdesnon-décisions.

deS politiqueS publiqueS peu SenSibleS aux alternanceS politiqueS

Le poids des institutions et l’absence d’orientations programmatiquesclairesetprécisesdesprincipauxpartisdegouvernementsetraduisentparunerelativecontinuitédespolitiquespubliquesmenéesaucoursdestrentedernièresannées.Lesalternancespolitiquesn’onteueneffetquetrèspeud’impactsurlecontenudespolitiquesdesanté,chaquegouvernementmet-tantenœuvrelesréformespréparéesparlamajoritéprécédente.Lesplansderedressementdescomptesdelasécuritésocialesesontsuccédéaucoursdesannées1980,toujoursselonlamêmelogique:haussedesprélèvementssociauxet,dansunemoindremesure,augmentationdesticketsmodérateurs(voire des déremboursements). Les innovations gestionnaires ont vu leurmiseenœuvrereportéed’annéeenannéeouontétépurementetsimple-mentbloquées.Confrontésàl’échecetauxeffetsperversdespolitiquesditesdedemande,lesgouvernementsontréorienté,àcompterdelafindesannées1980, leuractionvers l’offrede soins16, encherchantàmettre sousenve-loppe,àl’instardusecteurhospitalierpublic,l’ensembledesprofessionnelsde santé (cliniques, infirmières libérales, kinésithérapeutes), à l’exceptiondesmédecinslibéraux17.HormislaparenthèsedelaloiTeuladerelativeàlamaîtrisemédicalisée,dontlesinstrumentsconnaîtrontcependantunemiseenœuvretrèslaborieuse,lalogiquedesdifférentsministresdelasantéaétéaxéesurladimensionbudgétaire;elleaculminéavecleplanJuppé,quiatenté,aveclesuccèsquel’onsait,demettresousenveloppel’ensembledes

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secteursdusystèmedesoins;elleaétépoursuiviesouslegouvernementJos-pinbienqueleConseild’ÉtatetleConseilconstitutionnelaientannulélesdispositifsdereversementindividueloucollectifencasdedépassementdesobjectifsprévisionnelsvotésparleParlement.Dansuncontextedecohabi-tation,desinnovationsontcertesétéintroduites,maisellessontrestéesti-midesetpourtoutdireassezpériphériques,qu’ils’agissedesréférencesmédi-calesopposables,del’accréditationdesstructureshospitalières,dumédecinréférentoudesréseauxdesoins.Depuislesannées2000,surlesdécombresdel’instrumentbudgétairequ’estl’enveloppeglobaleetsesdiversavatars,untournantsilencieuxsembles’opérerdanslaconduitedel’actionpublique:montéeenchargeaccéléréede laT2A,convergence tarifairepublic/privépour2018,augmentationcontinueduresteàchargeaunomdela«respon-sabilisationfinancière»desassuréssociauxetdésocialisationcorrélativedufinancementdessoinscourants,transformationprofondela«gouvernancehospitalière»,remiseencauseduservicepublichospitalier,etc.Pourautant,cesmesures, souventprésentéescommetechniquesoude«bon sens»,etbienqu’ellesparticipentsouventdudélitementdelasolidaritéentrerichesetpauvres,maladesetbien-portants,provoquantdesmobilisationssocialesponctuellesrelayéesparl’oppositionpolitiquedumoment(parexemplelecollectif contre l’instauration des franchises médicales, les mobilisationslocales contre la fermeturedeshôpitauxdeproximité, celledesmédecinshospitalo-universitairescontre l’affirmationduchefd’établissementsur lespraticienshospitaliers,etc.),netrouventpasunecritiqueargumentéeetsys-tématiquedanslesprogrammespartisans.Ainsi,lesystèmedesantéfrançaisbifurquepeuàpeudeson«sentierdedépendancehistorique»,parsédimen-tationdemesuresponctuelles, sansque l’acteurpolitique(responsablesdel’exécutifcommeparlementaires)nedonneunsenspolitiqueàcetteréorien-tationsilencieusemaisbienréelle18. D’unemanièregénérale,lesslogansavancésdanslesdiscourspolitiques,telsquelaprévention,l’impérieusenécessitéderevaloriserlamédecinegé-nérale, lacoordinationdes soins,peinentà trouverdes traductionsopéra-tionnelles.Pourneprendrequecetexemple, laprévention(etplus large-mentlasantépublique)demeure,etdetrèsloin,leparentpauvredespoli-tiquesdesanté.Le«renouveau»delasantépubliqueàcompterdesannées1990 n’a guère permis à la problématique des inégalités sociales de santédedébouchersurdespolitiquespubliquesvolontaristes.Certes,desagencesdeveilleetdesécuritésanitaireontétécréées.Certes,l’administrationdela santépubliques’est renforcée.L’onauraitpus’attendre, faceàde tellestransformations institutionnelles, à ce que la France prenne la mesure de

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l’ampleurdesesinégalitésdevantlamaladieetlamort,quilaplaceenqueuedepelotondespayseuropéens.Pourtant,iln’enarienété.Laproblématiquedesinégalitéssocialesdesantédemeureelleaussiunenon-décision,alorsqued’autrespayseuropéens,dontlatrèslibéraleGrande-Bretagne,ontengagédespolitiquesvolontaristesde réductiondeces inégalitésqui fontque lesagentsdesclassespopulairesviventmoinsvieuxetenmoinsbonnesantéquelesagents issusdesclassesmoyenneset supérieures.Les inégalités socialesde santé sont toujoursmajoritairementconsidéréesenFrancecommeunefatalité19.Pire:deplusenplus,lasantépublique,sousl’effetdel’hégémoniedel’épidémiologieditedesfacteursderisque(riskfactorology),tendàincrimi-nerlescomportementsindividuelsdélétèrespourlasanté,oula«culture»des individus, sommés, par des campagnes d’information, de devenir des«acteursdeleurpropresanté»,auméprisdesconnaissancessociologiquesdebasesurlesrapportssociauxdifférenciésaucorps,àl’alimentation,auxrisques,àlamédecine20.Dèslors,cettesantépublique«métamorphosée21»plusque«renouvelée»donneparadoxalementdesargumentsauxtenantsdelaprivatisation,telslesassureurs,quiestimentquelacollectivitén’apasàprendreenchargelesprisesderisque«inconsidérées»etl’imprévoyancedecellesetceuxquifument,boivent,mangenttropgrasetsucré…Pendantcetemps,touteslesmédecinessalariéesquiprennentpourobjetdespopulationsspécifiques(protectionmaternelleetinfantile,médecinescolaire,médecinedutravail,médecinedesantépublique),segmentslesplusdominésduchampmédical,connaissentunprocessusaccéléréd’appauvrissement. Lecontenudespolitiquesdesantéestdoncrestédansl’ensembleimper-méableaudiagnosticdecriseetauxsolutionsélaboréespar lesexpertsenéconomiedelasantéetensantépublique(sansparlerdessciencessociales),ledécideurpolitiquen’ayantlaplupartdutempsnilavolonténiladoctrinepour impulserune réorientation substantiellede l’actionpublique.Depuislamisesuragendadelamaîtrisedesdépensesdesanté,lesdeuxprincipauxacteursdelapolitiquedeprotectionmaladiesontleministèredesfinancesd’unepart,porteurd’unelogiquebudgétaire(enveloppes),et laprofessionmédicaled’autrepartqui,bienquedivisée,aconservé,enfaisantquelquesconcessions,sapositiondominantedanslesecteur.Sil’onapucroire,avecl’annonce du plan Juppé, à un «retour du politique» et à la victoire desréformateursqui,depuislesannées1980,élaborentunscénarioalternatifderégulationdusystèmedesanté,lamiseenœuvrelaborieuseduplanapermisdevérifierdefaçonquasi-expérimentalel’inertiedelapolitiquedesantéet,au-delà,celledesrapportsdeforcesquistructurentlesystèmedesantéfran-çais22.Plusencore,leralliementduministèredesaffairessociales,etenpar-

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ticulierdeladirectiondelasécuritésociale(DSS)–laquelleaconquis,aucoursdelapériode,lapositionprééminentedesuper-directiondesynthèseau sein de l’administration sociale23 –, à la logique des Finances est venuredoublerleseffetsdel’effacementdel’acteurpolitiquepourmarginaliseren-coreunpeupluslespartisansd’uneréformeenprofondeur.L’outilbudgétaire(l’enveloppeglobale)afinipardominerl’actionpolitiqueetasphyxiertouteréflexionalternative24. Logiquemédicaleet logiquebudgétaire,par-delà toutcequi lesoppose,partagentunensembledeprésupposésdont leprincipal est le suivant: lasantéestd’abordl’affairedelamédecinecurative,dontlarationalitén’apasàêtreinterrogée.Toutefois,lecaractèreinéditdelasituationactuellerésidedanslefaitquel’onsembleêtrealléauboutdelalogiquedesoutilsclassiquesdegestion,qu’ils’agissedesenveloppesoudelaplanification,sansquecelaaitpermisdeprogresserdanslamaîtrisedesdépensesoul’organisationdessoins25. Presque tous les secteurs du système de soins sont désormais sousenveloppe(mêmesi l’Ondamaétéconstammentdépassédepuis1997)etsoumisaurégimedelaplanification,etpourtantla«crise»n’ajamaissem-bléeaussiaiguë.Or,leconstatdel’échecdesrecettesantérieuresest,commel’amontrél’analysedespolitiquespubliques,l’unedesconditionsduchange-mentradicaldel’actionpublique.Uneautreconditionestl’interventiondel’acteurpolitiquepourinscrirelesréformessurl’agendagouvernemental.

conjonctureS critiqueS et intervention de l’acteur politique

L’histoire de la politique de santé française montre que l’implication duniveaupolitiquen’intervientquedansdesconjoncturespolitiqueset/ouéco-nomiquesspécifiques,sousuneformeplutôt«autoritaire».Lesgrandesré-formesdel’assurancemaladieen1945,1958,1960,1967,1995onttoutesétépromulguéesparordonnances(oudécrets),c’est-à-diredefaçonunilatéraleparunexécutifdécidéàsurmonterlesoppositions,notammentmédicales,àdesmesuresjugéesindispensables26.Cependant,laséquencelaplusrécentesemblefaireexception:lesréformesde2004etde2009sontpasséesparlavoie parlementaire classique. Néanmoins, le «leadership de rupture» in-carnéparNicolasSarkozyaconféréàcettedernièreréformelemêmestyleautoritairequeles«grandes»réformesantérieures27.Lasécuritésocialeaétécrééedansl’immédiataprès-guerredansuncontextepolitiquemarquéparletripartisme,laprédominancedelagauche,l’effondrementdesorganisationspatronaleset,defait,lalimitationdelamargedemanœuvredelaprofession.LerégimeparlementairedelaIVeRépublique,lafaiblesseetladivisiondes

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partis,lepoidsencoreprépondérantdestravailleursindépendantsontpermisà laprofessionmédicaledebloquer toutes les tentativesgouvernementalesd’achèvementduplande1945.Cen’estqu’avecl’instaurationdelaVeRépu-bliqueetlatransformationradicaledesrèglesdujeupolitique(prééminencedel’exécutif),dontleseffetsontétéamplifiésparunenouvelledonneéco-nomiqueetsociale,quelaréformeDebréetlesdécretsBacon28ontpuvoirlejour.HarounJamous,danssacélèbreétudesurlaréformehospitalièrede1958,aainsimontréquelacriseprofondequeconnaissaitlesecteurhospi-talierfrançais,pourtanttrèslargementadmiseparlesacteursmédicaux,ad-ministratifsetpolitiquesainsiqueparlegrandpublic,n’apuêtresurmontéequegrâceàlarencontred’un«réformateurautoritaire»,leprofesseurRobertDebré,porteurduprojetdejeunesmédecinsdegauchemendésistes,etd’uneconjonctureexceptionnelle,àsavoirlamiseenplacedelaVeRépubliqueetlanominationdeMichelDebrécommePremierministre29.Plusprèsdenous,l’annonceduplanJuppéaétérenduepossibleàlafaveurdelaconjonctiondefacteurséconomiquesetpolitiques:alorsqu’unecoalitionde«gestionnairesdu social», issus des grands corps de l’État, avait élaboré un répertoire deréformeaucoursdelapremièremoitiédeladécennie199030,ladégradationbrutaledelasituationfinancièredelasécuritésocialeaveclarécessionécono-miquede1993,lerespectdescritèresdeconvergencedutraitédeMaastrichtetlesoucidugouvernementd’alorsdeseconstruireuneimagedevolonta-rismeréformateurontpermisd’inscriresurlehautdel’agendagouvernemen-taluneréformeambitieusedel’assurancemaladie.Plusrécemment,onl’adit,laconfiguration spécifiquede la réformede l’Étatque représente laRGPP,quivoit l’investissementdesacteurspolitiquesdepremierplan(l’ÉlyséeetMatignon)31,apermislepassageenforceenmatièredegouvernancehospita-lière,endépitd’unemobilisationsansprécédentdeshospitalo-universitaires,et de concrétiser le vieux projet qu’est la création d’agences régionales desantéaveclevotedelaloiHPST,dansuncontextedefortestensionssurlesfinancespubliquesetdedramatisationdeladettesouveraine. Endehorsdeces«conjoncturescritiques»,l’acteurpolitiquenes’estguèreinvesti,secontentantdegérerlestensionsfinancièresetsocialeslorsqu’ellesdevenaienttropfortes.Lesplansderedressementdescomptesdelasécuritésociale se sont ainsi succédé, nous l’avons dit, tous les ans, sauf les annéesd’élections,etontconsistédavantage,jusqu’en1992toutaumoins,àaugmen-terlesprélèvementssociauxqu’àréaliserdesmesuresd’économiecar«dansunsystèmebismarckiend’assurancesociale,ilestenfaitbienplusfacilepourungouvernementd’augmenterlesressourcesquedechercheràluifairefairedeséconomiesparunebaissedesprestations32».Laprincipalecaractéristique

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decesplansestdes’inscrirepleinementdanslalogiquehistoriquedusystèmedesécuritésociale,i.e.denepasenremettreencauselesprincipesd’organi-sationessentiels.Lesproblèmesstructurelsquesontlesinégalitésdedotationentrehôpitaux,larégulationdeladémographiemédicale33,larévisiondelanomenclature générale des actes professionnels ou les filières et réseaux desoinssontrestéslargementdesproblèmesorphelins,desnon-décisions,fauted’acteursadministratifsassezpuissantspourlesporteretdevolontépolitiquepourlesrésoudre.Plusencore,lesinterventionsrécurrentesdesministresetdeleurscabinets,directementsollicitésparcertainséluslocauxetlesmembresdel’élitehospitalo-universitairecherchantàdérogerauxréglementationsouàobtenirdesrallongesbudgétaires,ontaggravélesinégalitésdedotationentreleshôpitauxendépitdesdiscoursofficielssurleurnécessaireréduction.Lesres-tructurationshospitalières,mêmeaveclamiseenplacedesagencesrégionalesdel’hospitalisationpuisdesanté,sesontheurtées(etcontinuentdeseheurter)auxconsidérationsdepolitiquelocaleetd’emploi.L’unedesréformesmajeuresdepuisleplanJuppé,àsavoirlacouverturemaladieuniverselle,sielleapermis,untempsseulement,deremédierauxeffetssociauxperversdelaprivatisationrampantedessoinscourants,a,aufinal,laisséintactel’architecturedusystèmedesanté:elles’estbornéeàacheverlagénéralisationdel’assurancemaladieetàinstaurerunecouverturecomplémentairepourlesplusdémunis(cequi,ensoi,estbiensûrungrandprogrès),sansremettretoutefoisencauselemorcel-lementdesorganismesd’assurancemaladieorganiséssurunebaseprofession-nelle.Pourtant,l’administration,prenantactedelafiscalisationcroissantedesrecettes,avaituntempsenvisagélescénariodel’universalisationsurlemodèlescandinave,danslequelledroitestuniverseletfondésurlarésidence34.Aufinal,l’actiondesgouvernementsdegaucheetdedroiteaconsistépourl’es-sentielàadapterprudemment,etdefaçonlamoinsvisiblepossible,l’organi-sationhéritéede1945ententantdegéreraucoupparcouplesconséquences,financières surtout,de ses contradictions fondamentales: conjonctionde lasocialisationdurisqueetdurespectdesprincipesdelamédecinelibérale;uni-versalisationdansladiversitéetl’hétérogénéité.

ce que réformer veut dire en période d’auStérité permanente

La difficulté à réformer la santé (protection maladie et santé publique)doitêtremiseenperspectiveavec lesévolutionsobservéesdans lesautrespayseuropéens35.LesconclusionsdestravauxrécentsrelatifsàlaréformedesÉtats-providenceconvergentpourmettreenévidencelarelativeinertiedessystèmesdeprotectionsociale.Mêmelespays,principalementanglo-saxons,

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oùlenéo-libéralismearevêtusesatourslesplusdoctrinaires,n’ontconnuquedes inflexionsmineuresde leursprogrammessociaux, lesquelsnesontpas sortisde leur«chemindedépendance»historique36.C’estparticuliè-rementvraidessystèmesdesanté,qu’ilssoientd’inspirationbeveridgienneoubismarckienne.Confrontésàdespressionséconomiqueset sociodémo-graphiques de même nature (globalisation économique, ralentissement delacroissance,contraintesbudgétairesaccrues,progrèstechnique,augmenta-tionetvieillissementdelapopulation,émergencedenouvellesdemandes),bienqued’intensitéinégale,cesderniersont«répondu»audéfidel’«aus-téritépermanente»37dansunsensconformeàleurtraditionhistorique.EnGrande-Bretagne,parexemple,legouvernementdeMargaretThatchernes’estdécidéqu’auderniermoment,souslapressiondesmédiasetdesdéputéstravaillistes,àréformerleNationalHealthServiceafind’enaccroîtrel’ef-ficience38.Si l’introductiondemécanismesdequasi-marchéasemblédansunpremiertempsconstitueruneinnovationradicale39,lamiseenœuvredelaréformede1991aétéfinalementlimitéeetincrémentale.Outrelespro-blèmestechniquestrèsimportantsquin’ontpasmanquédeseposer(notam-mentenmatièredesystèmesd’informationetd’indicateursdeperformance,indispensables pour faire jouer la concurrence), des contraintes politiquesfortes–lerespectdesvaleursd’équitéetdesolidarité,l’attachementdelapopulationauNHS,lavigilancedel’oppositiontravailliste–ontincitélegouvernementàtempérerl’ampleurdelaconcurrence.Dèslorslesgainsdeproductivitéetladiminutiondelalongueurdeslistesd’attenten’ontpasétéàlamesuredespromesses.Lepartinéo-travaillistedeTonyBlairadû,quantàlui,unepartiedesonsuccèsélectoralàsarhétoriquederejetdesréformesconservatricesetàsonplaidoyerenfaveurdesvaleursdecomplémentaritéetdecoopération.Toutefois,touslesobservateursduNHSontsoulignélafortecontinuitédelalogiquedespolitiquespubliquesmisesenœuvredepuisplusdevingtans40.Lesmécanismesdeconcurrencen’ontpasétéabolis,d’autantmoinsque leureffectivitéaétéassez faible.Surtout, lacentralisation,quis’estparadoxalementaccéléréeaveclamiseenplacedesquasi-marchés,ca-ractériseaussila«troisièmevoie»enmatièredesanté.Cettecentralisationcroissantedébouchesurunhyper-activismeetuneinflationdiscursivedelapartdugouvernementquicontrastentsingulièrementaveclamodestiedesévolutionsobservées sur le terrain.LaprincipaledécisiondeTonyBlairaconsistéàaugmenterdefaçontrèsimportantelebudgetdelasantéafinderemédierau«sous-financement»duNHS,régulièrementbrocardépar leshommespolitiquesetlesmédias41.Dressantlebilandescinqpremièresan-néesdepolitiquedesanténéo-travailliste,leschercheursduKing’sFundes-

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timentpourleurpartque,globalement,lecourttermeaprimé,laversatilitégouvernementalerépondantauxpressionsmédiatiquesetauxintérêtspoliti-ciens.Leseffetsd’annonceetlespolitiquessymboliquessesontmultipliés,legouvernementprivilégiantdepluslesmesuressusceptiblesderapporterdesbénéfices immédiats (construction d’hôpitaux, augmentations budgétairesconsacréesauxsoinsaigus)audétrimentdesbesoinsdelongtermeetdelaréductiondesinégalitéssocialesdesanté42.Aufinal,iln’yapaseuconver-genceentre les systèmesdesantéeuropéenssous l’effetde ladiffusiondesidéesnéo-libéralesetsouslapressiondesnouvellescontrainteséconomiquesetsocio-démographiques;lescaractéristiquesfondamentalesdecesderniers(systèmedesantécentraliséetfinancéparl’impôtpourleNHS,auto-admi-nistrationcaisses/organisationsdemédecinsdanslecasallemand)perdurent,etsontmêmesortiesrenforcéesdesréformesrécentes.Iln’yapaseudere-traitdesÉtats,aucontraire.Lesacteursétatiques,àl’instardelaFrance,ontpartoutrenforcéleurposition. Lelegsinstitutionneletlespolitiquespasséesontdoncexercéunefortecontraintesur lecontenudesréformesmenéesdepuis1975.Si les institu-tionspolitiquesontuneinfluencesurletimingdesréformes43,lesconfigura-tionsinstitutionnellessectoriellespermettent,quantàelles,decomprendrelaspécificitéducontenudesréponsesnationalesauxpressionséconomiquesetsocio-démographiquesquis’exercentsurlessystèmesdesanté.Enparti-culier,lesinstitutionssectoriellesbornentl’action,lescalculsetlesantici-pationsdesacteurspolitiques,lesquelsadaptentleursprojetsenfonctiondecequ’ilsperçoiventdesstratégiesdesacteurspertinentsetdesrapportsdeforce.Ellesdéterminentlescapacitésd’interventiondel’Étatetlanaturedesenjeuxauxquelscedernierestconfronté.Enfin,ellesinfluencentlecoursdelamiseenœuvredesréformes.Plusgénéralement,lesrecherchescompara-tivesmontrentquelespolitiquesderéformedesÉtats-providenceeuropéensobéissentàunenouvellelogiquepolitique,différentedecellequiaprévalutout au long de la phase de leur expansion durant laquelle les gouverne-ments,souventdegauche,étaientpromptsàrevendiquerlagénéralisationdesdroits sociauxet la couverturedenouveaux risquesafind’en tirerdesbénéficesélectoraux.Lesgouvernementssontdésormaisconfrontésàundi-lemme. D’un côté, ils sont fortement incités à décider de politiques impopu-laires(coupesbudgétaires,réductiondedroitssociaux)pouradaptercespro-grammesà lanouvelledonneéconomiqueet sociale;d’unautrecôté, lesrigiditésinstitutionnellesainsiquelesrésistancesopposéesparlesnombreuxgroupesd’intérêtsetparlesbénéficiairesdesprogrammessociaux44limitent

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considérablementleurmargedemanœuvrepolitique.Lacouleurdespartispolitiques aupouvoirn’estdoncplus, selonces travaux, lavariableperti-nentepourcomprendrelespolitiquessocialesmenéesenréactionauxpres-sions externes (globalisation, construction européenne, etc.) mais surtoutinternes(vieillissementdémographique,passaged’uneéconomieindustrielleàuneéconomiedeservicesàcroissanceralentie).Lesconflitspolitiquesau-tour des systèmes de protection sociale opposent désormais les gouverne-mentsd’unepart et les groupesd’intérêt et lesopinionspubliquesd’autrepart.Cependant,étantdonnélecoûtpolitique(sanctionélectorale)decesmesures forcément impopulaires, les gouvernements adoptent volontiersdes«stratégiesd’évitementdesblâmes»:«Enpériodede“dégraissage”desÉtats-providence,l’objectifdeshommespolitiquesconsistemoinsàchercheràs’attribuerlecréditdespolitiquesadoptéesqu’àéviterleblâmequiretombesureux.Lesresponsablespolitiquespeuventchercheràmasquer l’étenduedesréformes,àocculterleursresponsabilitésouàlafaireporterpard’autresouencoreàaccorderdesavantagesàdesgroupesparticuliers.Lesréformessontplusaisées lorsque lesopposants sontdivisésouque ladramatisationdelacrisepermetdefaireaccepterdesmesuresimpopulaires45.»Lescoupessont«techniques»etincrémentales,mêmesi,ens’accumulant,ces«me-suresdiscrètes46»peuventfairedévieroubifurquerlesystèmedesantédesatrajectoirehistorique(c’est lecas,parexemple,de ladésocialisation ram-pantedufinancementdessoinscourants47).Laprudenceestderigueur,àtelpointquelesgouvernementspréfèrents’entenirparfoisaustatu quo etàlanon-décisionplutôtquedes’aventurersurunterrainminé(«danslasanté,iln’yaquedescoupsàprendre»,disentsouventleshommesetfemmespoli-tiques).Dèslors,desinstitutionsetdespolitiquessous-optimales,inefficacesetinefficientespeuventsemaintenirsurlelongterme.L’inertieinstitution-nelleestd’ailleursparticulièrementfortedanslessystèmesbismarckiens.

le jeu du conSenSuS48

Sil’onprenduneperspectivehistorique,lefaibleinvestissementdesélusetdesentreprisespartisanesdanslesquestionsdesantéestmanifeste.Uneexception:dudébutdesannées1970aumilieudesannées1980,eneffet,lesquestionsdesantéontdonnélieuàdesprisesdepositionpolitiquesasseztranchées,dansuncontextedepolarisationgauche/droiteetdeconversiondu«social»enenjeupolitiquedanslesillagedemai68.L’onsesouvientquelescentdixpropositionsducandidatMitterrandcomprenaientlasup-pressionduConseildel’Ordre,lacréationdecentresdesantéouencorelanationalisationdesgrandstrustspharmaceutiques.Enréactionàl’arrivéede

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lagaucheaupouvoiretauxprojetsderéformehospitalièredéfendusparleministre communiste Jack Ralite, certains hommes politiques de l’opposi-tion,optantpourunnéo-libéralismedoctrinaire,sesontfaitsleshérautsdelaprivatisationdelasécuritésocialeetdel’importationenFrancedesHealth Maintenance Organizationsaméricaines49.Sil’onpeut,aveclerecul,considé-rerlestermesetlecontenudesdébatscommeoutranciersetidéologiques,iln’enrestepasmoinsqu’àl’époquelesclivagesétaientnets. Lapremièrecohabitationvaconstitueruntournant.Lesvivesoppositionsauplande redressementdescomptes initiéparPhilippeSéguin,alorsmi-nistredesaffairessociales,etl’expériencedesduresréalitésdupouvoirontincitélamajoritéd’alorsàabandonnersesprisesdepositionlespluslibéralesenmatièredesécuritésociale.Desoncôtélagauche,quiavait,dès1983,renoncéàsesprincipalesambitionsprogrammatiquesde1981(etpasseule-mentenmatièredesanté)etaccompliletournantdelarigueur,s’estralliéeà l’impératif demaîtrisedesdépensesde santé50.LesÉtats générauxde lasécuritésociale,tenusen1987,ontreprésentéàcetégardune«cérémoniededésinscription»duproblèmedel’agendapolitique,PhilippeSéguinréaf-firmantàplusieurs reprisesque les«Étatsgénérauxneconstituentpasundébat de nature politique» et Jean Marmot, rapporteur général, estimantpoursapartdansle Quotidien de Parisque«cesontlààl’évidencedessujetsdesociététropfondamentauxpourtomberdanslechampdesquerellespo-liticiennes51».Touslesresponsablespolitiquesontcélébréàcetteoccasionl’héritagedelaLibérationetaffirmépubliquementleurattachementàlapré-servationdela«Baleine».D’ailleurslacampagneélectoraledesélectionsprésidentiellesde1988n’accorderaquepeudeplaceauxenjeuxdesécuritésociale52. Depuislors,lesquestionsdesantéetd’assurancemaladiefontl’objetd’unesorte de «consensus mou» dans la classe politique. Les partis de gouver-nement,degaucheetdedroite,serassemblentautourdequelquesgrandeslignesdirectrices,suffisammentvaguespournepasexpliciterlesdifférendsetentretenirlesmalentendus:fiscalisationdesrecettesdel’assurancemaladie(basculement des cotisations maladie des salariés sur la CSG à la fin desannées1990),rôleaccruduParlement(PLFSS),maîtrisemédicaliséeetné-gociéedesdépensesdesanté,relancedelapolitiquedeprévention,revalo-risationdelamédecinegénéraleet,plusrécemment,«régionalisation»dusystèmedesantéaveclacréationdesARS53.Enmatièredesécuritésociale,le clivagepertinentn’opposepas la gaucheà ladroite,maisdespartisdegouvernement beveridgiens aux syndicats bismarckiens54. La réception duplanJuppéaététrèsrévélatriceàcetégard:confrontéàunplanquedenom-

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breux experts partisans, notamment des formations de droite, qualifiaient«degauche»,lePartisocialistes’estréfugiédansunsilenceembarrassé,sesdirigeantsayantmême intiméàcertainesde sespersonnalitésquiavaientimmédiatement salué le courage du Premier ministre après son discours àl’Assembléenationaledenepasapporterleurcontributionauconsensusam-biant. Ledébatpolitiquen’a,depuis,quepeuprogresséendépitdel’introductionduprojetdeloidefinancementdelasécuritésocialeetdel’instaurationd’undébatparlementaire,pourtantréclamédepuisledébutdesannées1960pardesdéputésetdessénateursdetousbordspolitiques.Lesdiscourspolitiquesrestentpolariséssurdeslieuxcommunsaussianciensquelasécuritésocialeelle-même,dutype«troudelaSécu»55ou«fraudes»etautres«abus»56,commel’onaencorepuleconstaterrécemmentavecl’offensivecontrel’aidemédicale d’État ou les indemnités journalières pour cause de maladie. Del’avismêmedesparlementairesetdesobservateursavertis,lePLFSS,portéparladirectiondelasécuritésociale(DSS)etdontlesprincipauxchoixetarbitrages sont négociés en amont, au niveau du cabinet du ministre, estloind’avoirpermisl’ouvertured’undébatparlementairenourri,mêmesidesprogrèsontétéréalisésdepuis2005etl’adoptiondelaLOLFSS.Ledébat,trèstechnique,estmonopoliséparquelquesspécialistespartisans(députésetsénateurs),seulscapablesdeseretrouverdanslemaquisinextricablededis-positifsjuridiques,etcentrésurlaseuledimensionfinancière.Noussommesmanifestementencoreloindugranddébatnationalsurlesprioritésdesan-té57et l’élaborationd’une loideprogrammationpluri-annuelleenmatièredesanté,c’est-à-diredesambitionsaffichéesen1995.Desraisonsévidentespeuventexpliquer la faiblevisibilité et lepeude lisibilitédudébatparle-mentaire58:dévalorisationhistoriquedessujets«sociaux»auseinduParle-ment,lui-mêmereléguédanslesinstitutionsdelaVeRépublique59,manquedetempspourexamineruntextetouffuetdéjà«ficelé»,déficitdemoyensd’expertiseduParlementet,àl’inverse,emprisedel’expertisetechniquedelaDSSetdeladirectiondubudgetsurleprojetdeloi,déconnexiondesques-tionsbudgétairesdesobjectifsdesantépublique,etc.60Enoutre,desfacteursspécifiquementinstitutionnelsetpolitiquesfontobstacleàlapriseenchargepolitiquedecesenjeux.L’embarras,sinonledésintérêt,delaclassepolitiquepourlesquestionsdesantédoiventêtre,onl’avu,rapportésàdestendancesstructurelles, lourdes,dusystèmedeprotectionsociale.L’observationdelacampagne électorale des deux dernières élections présidentielles confirmecettehypothèse61:en2002,alorsqueleconflitdesgénéralistesafaitlaunede l’actualitépendantprèsde troismois, toutunchacunprédisantque la

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santé serait l’un des enjeux décisifs de l’élection à venir, les programmessantédescandidatsdespartisdegouvernementsesontrévélésêtre,aufinal,trèsprocheslesunsdesautresetlesquestionsdesantén’ontoccupé,unefoisencore,qu’uneplacemarginaledansledébatélectoral62;en2007,lasanté,unefoisdeplus,aétépeuabordéeparlesprincipauxcandidatsauxélectionsprésidentielleetlégislativeetilyadefortesprobabilitésqu’ellepeineencoreàtrouversaplacedansunagendaélectoraldominéparlaproblématiquedesfinancespubliques. Ledébat à l’intérieur des partis politiques est, onne s’en étonnerapas,aussipeuaniméqueledébatinter-partisan.Latrèsgrandemajoritédesex-pertspartisans,quellequesoitleurcouleurpolitique,déplorentledésintérêt,l’incultureetl’«ignardise»desdirigeantspolitiquesdepremierplansurlesquestionsdeprotectionsocialeengénéraletdesantéenparticulier.Danslespartisdegauche,depuisledébutdesannées1980,lesthèmesdel’emploietdutravailaccaparentlaréflexionenmatièresociale.Lasécuritésocialeetlasantéysontdessujetsmineurs,déléguésàquelquesspécialistes,audemeu-rantpeuécoutés.Parexemple,auPartisocialiste,iln’existeplusdestructurederéflexioncomparableà«Santéetsocialisme»qui,dumilieudesannées1970jusqu’audébutdesannées1980,avaittentéd’élaborerunedoctrineco-hérenteetalternativedelapolitiquedesanté.Auseindespartisdedroite,laprofessionmédicale,unélectorattraditionnel,exerceuneempriseforte,bienque tempéréepar l’existencedequelques expertsnonmédecins,membrespourlaplupartde«l’éliteduWelfare»,identifiésparPatrickHassenteufeletsonéquipe63.Restequelenombrelimitéd’élusspécialiséss’illustreparlasuccessiondesmêmesindividualitésauxpostesclefs,àcommencerparceluideministredelasanté.

un effet d’hyStérèSe64 inStitutionnel : la déSertion au long courS deS éluS

Lesdeuxmodesd’existence,objectifetsubjectif,desinstitutionsseren-forcentdoncmutuellement.D’un côté, la sous-administrationde la santéa longtemps permis aux principaux groupes d’intérêt d’imposer leurs vuesdansleprocessusdécisionnel:ainsi,auniveauducabinetduministre, leshospitalo-universitairesontlongtempsreprésentéunesourced’informationvenantcontrebalancercelledel’administrationdelasanté.Uncabinetplé-thorique qui décide de tout, court-circuite régulièrement l’administrationettravailledansl’urgencesansstratégieàmoyentermerenforceencorelepouvoird’influencedesgroupesd’intérêt65.Enoutre,lagrandefaiblessedessystèmes d’information en matière de pratiques médicales et de santé pu-

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bliquemasquel’ampleurdeproblèmestelsquelesinégalitéssocialesdesantéoul’hétérogénéitédesprisesenchargemédicalesetcontribuedoncà leurnon-reconnaissance par les acteurs politiques, lesquels peuvent alors s’entenirà laproclamationdegrandsprincipescommel’égalité, l’équitéoulasolidarité,sanssepréoccuperdeleureffectivité66.Del’autrecôté,l’emprisedudiscoursmédicalsurlasantéassureàlareprésentationdelaprofession,ouaumoinsàsessegmentslesplusprestigieux,d’éviterquesesintérêtsfon-damentauxne soient remis en causepar les acteurs politiques sansmêmequ’elleaitbesoindesemobiliser(aumoinsjusqu’àlaloiHPSTde2009).Lesprofessionnelsdelapolitiquecroientcommeleursélecteursquelespro-blèmesdesantéappellentdessolutionstechniquesd’ordremédical67.Pen-seraient-ils le contraireque leursmandants le leur rappelleraient aussitôt,dans les sondages,dans la rueoudans lesurnes68.Lepouvoirde sanctionélectoraledontsontcréditéslesmédecinssuffitàdissuaderlepersonnelpo-litiqued’initierdesinnovationstropradicales;peuimporteenl’occurrencequecepouvoirsoitréelouimaginaire:sitouslesacteurs,hommespolitiques,médecins,journalistes,lepensentfondé,cepouvoirproduitdeseffetsbienréelssurlapriseenchargeetletraitementpolitiquedesquestionsdesanté.Lafragmentationetlaconcurrencedelareprésentationmédicaleincitentd’ailleurs lesacteurspolitiquesàs’enremettreàcetypede«mythe»etàadhéreràdesidéessimples(sinonfausses)danslamesureoù,enl’absencedepartenairessolidesavecquiilestpossibledenégocieretmettreenœuvrelesréformes,l’incertitudeestmaximale:lessondages69,lesdéclarationsdesdirigeantssyndicaux,lesmanifestationsdeviennent,danscettesituation,lesprincipauxcritèresàpartirdesquelslesacteurspolitiquesconstruisentleurreprésentationdupolitiquementdicibleetfaisable.Latemporalitéetlara-tionalitépolitiquesdeviennentainsiantinomiquesdelatemporalitéetdelarationalitésanitaires:lescoûtsdesréformessontperçuscommeconcentrésetimmédiatstandisquelesbénéficesserontdiffusetàmoyenoulongterme,doncprobablement«récoltés»paruneautreéquipegouvernementale70.

concluSionS en forme de programme de recherche

Les réflexions ci-dessus identifient, sans doutepour unebonnepart, lesfacteurs institutionnels, donc historiques, de la dépolitisation d’un sujetpourtantsisaillantpourlesélecteurs.Toutefois,ilconviendraitdenourrir,pourlesvalideroulesinvalider,ceshypothèsessurlesrelationsentrepoli-tiquespubliquesdesantéetviepolitiqueavecdesenquêtesdesciencesso-cialesrésolumentempiriques,nonseulementàl’échelonnationalmaisaussi

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àl’échelonlocal.Àconditiondecroisersesquestionnementavecceuxdelasociologieetdel’histoiredesprofessionsdesanté,lasociologiepolitiquenoussemblelamieuxarméeconceptuellementetméthodologiquementpourmeneràbienceprogramme:ellepeutmobiliserlestravauxsurlaconstruc-tiondel’agendapolitique,surleslogiquesdurecrutementpolitiqueetparti-san,surlesdynamiquesdeprofessionnalisationpolitique,surl’autonomisa-tiondeschampspolitiquesnationaletlocaux,etc.AuxÉtats-UniscommeenFrancedepuislestravauxdeMattéiDoganetDanielGaxie,lasociologiepolitiqueaexaminélaquestiondupoidsrelatifdelaprofessionexercée(vis-à-visdel’originesociale),oudusocial background ausenslarge,surlacarrièrepolitiquedesgouvernants71.Avançonsicibrièvementquatrepropositionsderecherchequi,sansépuiserlesujet,noussemblentpouvoirpermettredelacirconscrire,enjouantsurleséchellesdel’analyse(local/national/interna-tional),lespositionspolitiquesoccupées(responsablesdepartis/élus)etlestempsdelapolitiqueenaction(campagne/mandat). Lapremièrepisteconsisteraitàréaliserdesmonographiesdansquelquesgrandesvillesdeprovinceconnuespour l’anciennetéet laqualitéde leurformationmédicale,afind’examinerl’engagementdesélitesmédicalesdansla vie politique locale et de comparer ces observations avec le riche ma-tériauhistoriographiquedontnousdisposonspour lespériodesantérieures(XIXe-débutduXXesiècle)72.Ladeuxièmepisterésidedansl’établissementdelabiographiecollectiveexhaustivedesmédecinsetautresprofessionsdesanté(infirmières,pharmaciens,etc.)élusauParlement,parexemplesousla VeRépublique, de manière à affiner l’analyse de la position profession-nelle avec la carrière politique et ses spécialisations73. La troisième pisteportesurlapartisanisationetlapolitisationencampagnedesquestionsdesanté,àpartirdel’analysedesdocumentsdescampagnesélectoralesetd’en-tretiensaveclesresponsablesdesquestionsdesantéauseindesprincipalesformations partisanes. Enfin, l’hypothèse néo-institutionnaliste appelle unéclairagecomparatif:dansquellemesurelesconfigurationsinstitutionnellespolitiquesetsectoriellesnationalesimpactent-ellesledegrédepolitisationet le formatage des questions de santé? L’abondante littérature, françaiseetanglo-saxonne,fournitdesélémentsderéponsequ’ilseraitnécessairedesystématiser.

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contact

[email protected]

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François Buton est chercheur au CNRS, rattaché au CEPEL (UMR 5112, Montpellier-1).

Spécialiste de socio-histoire de l’État, il achève une recherche sur la surveillance

épidémiologique en France (avec F. Pierru). Ses autres travaux concernent d’une part les

comportements électoraux, d’autre part les violences de guerre. Il a publié récemment

L’administration des faveurs, L’État, les sourds et les aveugles (1789-1885) (Presses

universitaires de Rennes, 2009).

Frédéric Pierru est docteur en science politique, sociologue, chercheur au CNRS, rattaché

au CERAPS (UMR 8026, Lille-2). Ses travaux en cours portent sur les transformations

de l’administration de la santé et ses instruments d’action, en particulier sur la création

et la mise en œuvre des agences régionales de santé et sur la surveillance épidémiologique

(avec F. Buton), ainsi que sur les transformations de la régulation professionnelle à

l’hôpital. Il a récemment participé à la rédaction du Manifeste pour une santé égalitaire et solidaire (Odile Jacob, 2011) et dirigé l’ouvrage collectif L’hôpital en réanimation (Le

Croquant, 2011).

noteS

1. Lapolitisationpeutêtredéfiniecomme«unmécanismederequalificationdesob-jectifsassignésàl’action:desociaux,ouculturels,oureligieux,etainsidesuite,ils“deviennent”politiques,dansunesortedereconversion–partielleoutotale–desfinalitésquileursontassignées,deseffetsquiensontattendusetdesjustificationsqu’onpeutendonner.Ilsenreçoiventdoncuneautrelégitimitéou,plusgénéra-lement,unsurcroîtdelégitimitéauxyeuxdeceuxquienbénéficient»,J.Lagroye,«Lesprocessusdepolitisation»,in:J.Lagroye(dir.),La politisation,Belin,2003,p. 367.2. R.Debailly,M.Dubois,«Sentimentsdejusticeenmatièredesanté»,in:M.Forsé,O.Galland(dir.),Les Français face aux inégalités et à la justice sociale,ArmandColin,2011.Lesdeuxsociolo-guesmontrent,toutefois,unparadoxedetaille:unemajoritéécrasantedeper-sonnesinterrogéesexprimentunesatis-factionrelativeparrapportàleurpropresituation!Cf.aussiD.Gaxie,«Despointsdevuesociaux,Ladistributiondesopinionssurlesquestions“sociales”»,in:D.Gaxie(dir.),Le social transfiguré,PUF-Curapp,1990,p.154-160.3. P.Lehingue,Le vote, Approches sociolo-giques de l’institution et des comportements électoraux,LaDécouverte,2011,p.39ets.4. D.Gaxie,P.Lehingue,Enjeux munici-

paux, La constitution des enjeux politiques dans une élection municipale,PUF-Curapp,1984.5.D.Marchetti,Quand la santé devient médiatique,PUG,2010;H.Romeyer(dir.),La santé dans l’espace public,Pressesdel’EHESP,2010.6.LathèsedelatechnocratisationestaussidéfendueparP.Hassenteufel,B.Pa-lier,«Lestrompe-l’œildelagouvernancedel’assurancemaladie,Contrastesfranco-allemands»,Revue française d’administra-tion publique,n°113,2005.7.A.Grimaldi,D.Tabuteau,F.Bour-dillon,F.Pierru,O.Lyon-Caen,Manifeste pour une santé égalitaire et solidaire,OdileJacob,2011.8.DanslesillagedesanalysesdePierreBourdieudel’activitépolitiqueentermesde«champpolitique»,visantàsoulignerl’autonomierelatived’unespacesocialconcurrentielpartiellementautonomisédesautresactivitéssociales.P.Bourdieu,«Lareprésentationpolitique»,Actes de la recherche en sciences sociales,n°36-37,1981.Cf.D.Gaxie,La démocratie repré-sentative,Montchrestien,2000.9.Pourunegrilledelecturenéo-institu-tionnalistedesprocessusderéforme,voirP.Bezès,P.LeLidec,«Ordreinstitution-neletgenèsedesréformes»et«Cequefontlesréformesauxinstitutions»,in:J.Lagroye,M.Offerlé(dir.),Sociologie de l’institution,Belin,2010.10.Dansunarticleancienmaispionnierconsacréauxphénomènesdesnon-dé-

cisions,lespolitistesaméricainsPeterBachrachetMortonBaratzontsoulignéquetoutsystèmepolitique(lato sensu,ouencoreunsecteurd’actionpublique)reposesurdesbiais, i.e.unensembledevaleurs,croyances,rituelsetprocéduresinstitutionnelles(«lesrèglesdujeu»)quijouentsystématiquementenfaveurdecertainsgroupesaudétrimentd’autres.Lanon-décisionconsistealorsenuneactionquiviseàsupprimerouneutraliserunecontestationlatenteoumanifestedesvaleursetdesintérêtsduoudesgroupesdominants.Certainesdemandesdechangementenmatièred’allocationdesbénéficesetdesprivilègespeuventêtreainsiétoufféesavantmêmed’avoirétéexprimées.P.Bachrach,M.Baratz,«Twofacesofpower»,American Political Science Review,n°56,1962.11. B.Palier,Gouverner la protection sociale,PUF,1999,p.144ets.12. B.Jobert,P.Muller,L’État en action,PUF,1987,p.184.13.M.Setbon,«Lerisquecommeproblèmepolitique,Surlesobstaclesdenaturepolitiqueaudéveloppementdelasantépublique»,Revue française des affaires sociales,n°2,1996.14.C.Delmas,Sociologie politique de l’expertise,LaDécouverte,2011.15. P.Pierson, Dismantling the Welfare State? Reagan, Thatcher and the Politics of Retrenchment,CambridgeUniversityPress,1994,p.44-45.16. D.Tabuteau,Les contes de Ségur, Les

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d o s s i e rLes dépolitisations de la santé

coulisses de la politique de santé (1988-2006),OphrysSanté,2006.17. F.Pierru,«Budgétiserl’assurancemaladie:heursetmalheursd’uninstru-mentdemaîtrisedesdépensespubliques:l’enveloppeglobale»,in:P.Bezès,A.Siné(dir.),Gouverner (par) les finances publiques,PressesdeSciencesPo,2011.18. Pourunediscussionépistémologiqueserréedesnotionsde«bifurcation»etde«transition»,cf.M.Dobry,«Lepolitiquedanssesétatscritiques:retoursurquelquesaspectsdel’hypothèsedecontinuité»,in:M.Bessin,C.Bidart,M.Grossetti(dir.),Bifurcations, Les sciences sociales face aux ruptures et à l’événement,LaDécouverte,2010.19. HautConseildelasantépublique,GroupeInégalitéssocialesdesanté,Iné-galités sociales de santé : sortir de la fatalité,décembre2009(www.hcsp.fr/explore.cgi/hcspr20091112_inegalites.pdf).20. P.Peretti-Watel,J.-P.Moatti,Le principe de prévention,Seuil,coll.LaRépubliquedesidées,2009.21. F.Buton,«Sousl’empiredesrisquessanitaires:lesmétamorphosesdelasantépublique»,Savoir/Agir,n°5,2008.22. Pourunemiseenperspectivehisto-rique,cf.B.Jobert,Le social en plan,LesÉditionsouvrières,1981.23. W.Genyiès,«Laconstitutiond’uneéliteduWelfaredanslaFrancedesannées1990»,Sociologie du travail,47(2),205-222,2005.24. F.Pierru,«Budgétiserl’assurancemaladie…»,art.cité.25. J.deKervasdoué,«Lieuxcommunsetidéesfaussesenpolitiquedesanté,Surquelquesraisonsd’échecsrépétésdesvel-léitésdetransformationdenotresystèmedesanté»,Politiques et management public,19(2),2001.26.B.Jobert,«MobilisationpolitiqueetsystèmedesantéenFrance»,in:B.Jobert,M.Steffen(dir.),Les politiques de santé en France et en Allemagne,Espacesocialeuropéen,1994;P.Hassenteufel,Les médecins face à l’État, Une comparaison européenne,PressesdeSciencesPo,1997.27. P.Bezès,Réinventer l’État,PUF,2009.28. H.Hatzfeld,Le grand tournant de la médecine libérale,LesÉditionsouvrières,1963.29. H.Jamous,Sociologie de la décision, La réforme des études médicales et des structures hospitalières,ÉditionsduCNRS,1969.Voiraussil’intéressantbilanetlesrécitsdesprincipauxprotagonistesdansF.Grémy(dir.),La réforme Debré un tiers de siècle après,Éditionsdel’ENSP,1999.30. R.Soubie(dir.),Santé 2010,LaDocumentationfrançaise,1993.

31.P.Bezès,«MorphologiedelaRGPP,Unemiseenperspectivehistoriqueetpolitique», Revue française d’administra-tion publique,n°4,2010.32.B.Palier,«Delacriseauxréformesdel’État-providence,Lecasfrançaisenperspectivecomparée»,Revue française de sociologie,43(2),2002,p.256.33.M.-O.Déplaude,L’emprise des quo-tas, Les médecins, l’État et la régulation démographique du corps médical (années 1960-années 2000),thèse,universitéParis-1,2007.34.A.-M.Brocas,«L’universalisationàla“française”»,in:C.Daniel,B.Palier(dir.),La protection sociale en Europe, Le temps des réformes,LaDocumentationfrançaise,2001.35.S.Giaimo,«Whopaysforhealthcarereform»,in:P.Pierson(Ed.),The New Politics of the Welfare State,OxfordUniversityPress,2001.36.P.Pierson,Dismantling the Welfare State…, op. cit.37.P.Pierson(Ed.),The New Politics of the Welfare State, op. cit.38.Laréductiondeslistesd’attenteafocalisél’attentionpublique.39.Bienquelepassageàunsystèmed’assurancessocialesobligatoiresaitétéuntempsenvisagépourêtre,finalement,repousséenraisondel’efficacitéduméca-nismebudgétairepourcontrôlerlescoûtsetdel’attachementdelapopulationbritanniqueauNHS.40.R.Klein,The New Politics of the NHS,PearsonEducation,2001,p.203ets.41.P.Volovitch,«Legouvernementbritanniqueaffichesavolontédefinanceruneambitieuseréformedusystèmedesanté», Chronique internationale de l’IRES,n°76,2002.42.J.Appleby,A.Coote(Eds.),Five-Year Health Check, A Review of Government Health Policy,King’sFund,2002;lespoli-tistesFlorenceFaucher-KingetPatrickLeGalèsévoquent,quantàeux,une«révo-lutionbureaucratique»dansTony Blair, 1997-2010 : le bilan des réformes,PressesdeSciencesPo,2010,chap.2.43.Lesinstitutionspolitiquesdéter-minentlenombredepointsdevetosusceptibled’êtreutilisésparlesgroupesd’intérêtpourbloquerlesréformes.E.Immergut,Health Politics, Interests and Institutions in Western Europe,CambridgeUniversityPress,1992.44.Lespopulationsbénéficiaires,plussensiblesauxcoûts(concentrés)desréformesqu’àleursbénéfices(diffus),recrutentdanstouteslescouchesdelapopulationetsontparconséquentsusceptiblesd’adhéreràdesformations

politiquestrèsdifférentes…45. F.-X.Merrien,«États-providenceendevenir,Unerelecturecritiquedesrecherchesrécentes»,Revue française de sociologie,43(2),2002.46. P.Bezès,«Rationalisationsalarialedansl’administrationfrançaise,Unins-trumentdiscret»,in:P.Lascoumes,P.LeGalès(dir.), Gouverner par les instruments,PressesdeSciencesPo,2004.47. D.Tabuteau,«Lamétamorphosesilencieusedesassurancesmaladie»,Droit social,n°1,2010.48. M.Dobry,«Lejeuduconsensus»,Pouvoirs,n°38,1986.49. Parexemple,aumilieudesannées1980,l’InstitutLaBoétiemilitait,souslahoulettedel’économistedelasantéRobertLaunois,enfaveurdesréseauxdesoinscoordonnés,enrôlantdanscetteentreprisedepromotiond’uneversionfrançaisedesHMOaméricainescertainshautsfonctionnairesetdesélusdel’opposition.50. L’Ordredesmédecinsneserapassuppriméetl’idéed’expérimentationàgrandeéchelledescentresdesantéseratrèsrapidementabandonnéeauprofitd’unepolitiquebeaucoupplusclassiqued’équilibredescomptesdelasécuritésociale.Cf.M.Steffen,«Aupaysdelanon-décision:lamédecineambulatoireenFrance»,communicationaucolloquefranco-allemand«LapolitiquedesantéenFranceetenRFA»,Cerat,Grenoble,juin1988.51. CitédansB.Palier, La baleine et les sages, Pour une analyse des perceptions des institutions de l’État-providence : l’exemple des États généraux de la sécurité sociale,Mé-moirepourleDEAd’étudespolitiques,IEPParis,1991,p.98.52. F.Sawicki,«Lesquestionsdeprotec-tionsocialedanslacampagneprésiden-tiellefrançaisede1988,Contributionàl’étudedelaformationdel’agendaélectoral»,Revue française de science politique,41(2),1991.53.Leconsensuspolitiqueautourdel’acronymeARScachaitbienentendudesdivergencesdefondentrelespartisetlesdifférentssegmentsdel’administrationquisesontmanifestéesavecforcelorsdel’élaborationetdelamiseenœuvredelaloiHPSTde2009.54. G.Bonoli,B.Palier,«EntreBismarcketBeveridge,“Crises”delasécuritésocialeetpolitique(s)»,Revue française de science politique,45(4),1995.55. J.Duval,Le mythe du « trou de la Sécu »,Raisond’Agir,2007.56. F.Pierru,Hippocrate malade de ses réformes,LeCroquant,2007.

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d o s s i e r Santé et vie politique

57. L’onpeutmêmed’ailleursdouterdel’existenced’unetellepolitiquenationaledesantéausensdeprioritéshiérarchi-sées.A.Lopez,Rapport sur les conditions d’élaboration et de la mise en œuvre de la politique nationale de santé,Igas,juillet2010.58. J.-M.Belorgey,«ÀquoiserventlesLFSS?»,Droit social,septembre-octobre1998.59. A.Collovald,B.Gaïti,«Discourssoussurveillances:lesocialàl’Assem-blée»,in:D.Gaxie(dir.),Le « social » transfiguré, op. cit.60. F.Pierru,«Lesdémocratisationsentrompe-l’œildusystèmedesanté»,in:F.Pierru(dir.),L’hôpital en réanimation,LeCroquant,coll.Savoir/Agir,2011.61. Sansmêmeparlerdelacampagneélectoralede1995pendantlaquellelecandidatJacquesChirac,cherchantàsedémarquerdesonrivalimmédiat,ÉdouardBalladur,aréfutéavecunebelleconstancelanécessitédemaîtriserlesdépensesdesanté,obligeantde factotouslesautrescandidatsàle«marquer»surunthèmeperçucommepolitiquementtrèssensible.Lamaîtrisedesdépensesdesantéadèslorsétéprésentéeparl’ensembledescandidatscommeunepolitiquesupplétivedefaibleportée.Lacampagneélectoralede1995constitueunexempleparadigmatiquedesdynamiquesdeneutralisation/dépolitisationd’unenjeusousleseffetsdelaconcurrenceélectorale.Pouruneanalysedétaillée,cf.Y.Poirmeur,«L’affichagedelapolitiquedemaîtrisedesdépensesdesantédanslesprogrammesdeJ.Chirac,É.BalladuretL.Jospinpourlacampagnepourl’élec-tionprésidentiellede95»,in:E.Douat(dir.),La maîtrise des dépenses de santé en Europe et en Amérique du Nord,LCFÉditions,1996.62. Lesélectionsapprochant,lespro-grammessantédespartisontsubiunehomogénéisationforte.AuRPR,parexemple,lesgroupesdetravaildébat-taient,audébutdel’année2001,desvertusdesmécanismesdeconcurrencepouraméliorerlaperformancedusys-tèmedesanté.Àlafindel’année,cette

optionavaitétécatégoriquementrejetéeparlesinstancesdirigeantesdecetteformationpolitique,jugeantcetteoptionpolitiquementirréaliste.Pouruneanalysedétailléedesprogrammes,voirA.Fairisse,M.Landré,«Surlesocial,cherchezladifférence!»,Liaisons sociales magazine,n°31,avril2002;C.Rifflart,B.Vente-lou,«Lesecteurdelasanté:éclairagesurdesmesurestechniques»,La Lettre de l’OFCE,n°218,2002;J.Paillard,«Santé:ledébatgauche-droite,Adieuclivage,bonjourclonage?»,Panorama du médecin,n°4825,22novembre2001.63.W.Genyiès,«Laconstitutiond’uneéliteduWelfaredanslaFrancedesannées1990»,art.cité.64.NousnousréféronsiciausensdonnéàcetermedanslestravauxdePierreBourdieu(Le sens pratique,Minuit,1980).65.J.deKervasdoué,«Directeurd’admi-nistrationcentrale:gestionnaire,tamponoubouc-émissaire?»,Revue française d’administration publique,n°43,1987,p.106.66.M.Berthod-Wurmser,«Programmesderechercheetdébatpublicsurlesinégalitésdesanté:laFranceest-elleenretrait?»,in:A.Leclercet al., Les inégalités sociales de santé,LaDécou-verte,2000.67.Unhautfonctionnairedelasanté,desurcroîtexpertpartisan,explique(entre-tienavecF.Pierru)enpartielaréticencedeshommespolitiquesàsesaisirdecesquestionsparlefaitqu’elleslesrenvoientàdesexpériencesoudesproblèmesd’ordrepersonnel:«Leshommespoli-tiquessontdesgensavecunegocolossal,sinonilsneseraientpaslà.Çafaitpartiedel’exercice.Etducouplafragilitéde-vantlamaladieestabsolumentterrifianteetmêmetouchante.Parcequ’ilsneletolèrentpas.C’estuneatteinteàleuregoqued’êtremalade.Regardezd’ailleurs.Oubienceuxquionteuderéelsproblèmesdesantésesontarrêtés.Oubienquandilsnesesontpasarrêtés,ilsl’ontcaché.Vousvoyeztrèsbienàquijepense.Peut-êtrequ’effectivementilavaitraisonparcequedanslasociétéfrançaise,personnen’auraitacceptéquenotreprésidentait

uncanceretqu’onlesache.Donclerap-portdeshommespolitiquesaveclasantéc’estquelquechosequiestloind’êtreévident.C’estlarelationavecl’ego,lanotiondetendond’Achille.Ducoup,vospropresdifficultésintérieures,vosfragilitésvousconduisentàrepoussertrèstrèsloindevotrechampd’appréciationrationneld’hommepolitique.»68.Y.Poirmeur,P.Mazet(dir.),Le métier politique en représentations,L’Harmattan,1999;M.Offerlé(dir.),La profession politique,XIXe-XXe siècles,Belin,1999.69. Pourdesanalysescritiquessurleseffetsdelaconsécrationdeladéfinitionsondagièredel’opinionpubliquesurlestransformationsdel’activitépolitique,voirP.Champagne,Faire l’opinion, Le nouveau jeu politique,Minuit,1990etP.Lehingue,Subunda, Coups de sonde dans l’océan des sondages,LeCroquant,2007.70. Rappelonsquela«duréedeviemoyenne»d’unministreestdedix-huitmois.71. PourlaFrance,M.Dogan,«LesfilièresdelacarrièrepolitiqueenFrance»,Revue française de science politique,VIII(4),1967;D.Gaxie, Les professionnels de la politique,PUF,1973.Surlaprofessionnalisationpolitique,cf.M.Offerlé(dir.),La profession politique, XIXe-XXe siècles, op. cit.72.Pourneprendrequ’unexemple,B.Dumons,G.Pollet,P.-Y.Saunier,Les élites municipales sous la Troisième République, Des villes du Sud-Est de la France,ÉditionsduCNRS,1998.73.Surlesparlementaires,O.Costa,E.Kerrouche,Qui sont les députés français ? Enquête sur des élites inconnues,PressesdeSciencesPo,2007,ainsiqueM.Sineau,V.Tiberj,«Candidatsetdéputésfrançaisen2002»,Revue française de science politique,57(2),2007.Cf.aussiR.Cayrol,J.-L.Parodi,C.Ysmal,Le député français,A.Colin,1973;auniveauinternational,H.Best,M.Cotta(Eds.),Parliamentary Representatives in Europe, 1848-2000, Legislative recruitment and Careers in Eleven European Countries,OxfordUniversityPress,2000.

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