Travaux CRTT
Sous la direction de
Henri Béjoint et François Maniez
DE LA MESURE
DANS LES TERMES
Hommage à Philippe Thoiron
Presses Universitaires de Lyon 2005
J. DICHY 152
Spécificateurs engendrés par les traits [±ANIMÉ],
[±HUMAIN], [±CONCRET] et structures d’arguments
en arabe et en français
Joseph Dichy
1
Résumé Les relations lexique-grammaire entraînent la nécessité d’associer aux entrées du
lexique des spécificateurs du niveau du mot-forme (M-spécificateurs) ou de la
phrase (P-spécificateurs). Les M-spécificateurs ont été inventoriés en arabe pour
la ressource lexicale DIINAR1. Cet exposé, qui porte sur l’arabe et le français,
propose un sous-ensemble des P-spécificateurs, les catégories engendrées par
l’arbre conceptuel des traits fondamentaux [±CONCRET], [±ANIMÉ] et
[±HUMAIN], envisagés dans le cadre de la structure d’arguments des verbes. Ces
traits peuvent sembler recouvrir l’ensemble des possibles ontologiques, et donc
linguistiques. Au sens strict (arbre « restreint »), les catégories engendrées sont
connues : PERSONNE ; ANIMAL ; CHOSE OU PHÉNOMÈNE PERCEPTIBLE ; IDÉE OU
EXPÉRIENCE NON PHYSIQUE. Or, elles laissent dans l’ombre de nombreuses
données relatives aux relations lexique-grammaire associées à la structure
d’arguments des verbes. Un arbre conceptuel « étendu » permet de décrire trois
catégories sémantiques, qui devront être incluses dans l’inventaire des P-
spécificateurs : COLLECTIVITÉ ; QUASI-ANIMÉ PERCEPTIBLE et QUASI-ANIMÉ
NON PERCEPTIBLE. Le principal domaine lexico-sémantique de l’extension de
l’arbre conceptuel et de l’ontologie qui se dégage des données linguistiques est
donc celui de l’animéité.
Abstract Grammar-lexis relations render it necessary to associate lexical entries with
word-form and sentence-level specifiers (W- and S-specifiers). S-specifiers have
been elaborated in Arabic for the DIINAR.1 lexical resource. This contribution
considers Arabic and French data, and introduces a subset of S-specifiers, the
categories generated by the conceptual tree of three fundamental features:
[±CONCRETE], [±ANIMATE] and [±HUMAN], considered with regards to Verb
argument structures. These features appear at first to cover all possible
ontological, hence linguistic, entities. The categories generated by the
« restricted tree » (features taken in their strict definition), are known: PERSON;
1 ICAR-CNRS/Lyon 2, UMR 5191 et ÉLISA (Épistémologie, Linguistique, Ingénierie et
Sémiologie de l’arabe), Université Lumière - Lyon 2.
Mél : [email protected]
SPECIFICATEURS ET STRUCTURES D’ARGUMENTS
153
ANIMAL; PERCEPTIBLE ENTITY; IDEA OR NON PHYSICAL EXPERIENCE. Noticeably,
many grammar-lexis data related to Verb argument structures are left
unaccounted for. An extended conceptual tree, including extended definition of
the above fundamental features, generates three additional categories:
COLLECTIVITY; PERCEPTIBLE and NON PERCEPTIBLE QUASI-ANIMATE ENTITY.
Main semantic extensions of the conceptual tree stemming from linguistic data
thus appear to occur in the field of animate entities.
Mots clés arabe ; français ; traits lexico-sémantiques ; ontologies linguistiques ; relations
lexique-grammaire ; spécificateurs linguistiques ; bases de données lexicales ;
structures d’arguments des verbes
1 Introduction
Ce travail prend pour objet trois traits sémantico-syntaxiques
fondamentaux, [±CONCRET], [±ANIMÉ] et [±HUMAIN], dont l’articulation
offre pour une analyse linguistique l’intérêt d’englober – du moins à
première vue – l’ensemble des référents possibles, et de permettre en
conséquence un « balayage » de l’ensemble du lexique d’une langue. Ces
traits, et les catégories que leur articulation engendre, constituent de ce
fait de bons candidats à une intégration dans un inventaire de
spécificateurs associés aux unités lexicales (§ 1. 1 ci-dessous) dans le but
de « gérer » les relations lexique-grammaire.
La construction de ces spécificateurs doit toutefois, dès le départ,
surmonter un obstacle épistémologique. Les traits sémantiques associés
aux catégories majeures du lexique présentent en effet la caractéristique
d’être à la fois internes aux systèmes linguistiques et de mettre en jeu la
référence, c’est-à-dire, la représentation des « objets du monde » incluse
dans les manifestations orales et écrites d’une langue donnée : il est de ce
fait impossible d’échapper à l’ontologie, dès lors qu’on s’attelle à
l’inventaire des traits sémantiques nécessaires à la mise en œuvre de la
relation entre les unités lexicales d’une langue et les règles de la syntaxe
et de la morphologie dans lesquelles ces unités s’insèrent.
Le linguiste ne dispose, face à cette difficulté, que d’un seul
moyen de traiter la question de manière interne à son domaine d’étude :
dégager l’ontologie linguistique organisatrice d’un ensemble cohérent de
traits et de catégories lexicales, à partir du fonctionnement d’une ou
plusieurs langues – et non à partir d’une catégorisation a priori. Les
propositions développées ici (sections 2 et 3) s’inscriront dans cette
démarche.
J. DICHY 154
1. 1 Arrière-plan historique et méthodologique du concept
de spécificateur
Les relations lexique-grammaire rendent compte, dans la représentation
d’un système linguistique donné, du fait que les règles des grammaires
sont sensibles à un ensemble de traits associés aux unités du lexique. Cette
question est traitée différemment selon les cadres théoriques de référence.
Citons-en quelques-uns parmi un grand nombre d’autres : en grammaire
générative, les contraintes de sous-catégorisation ont été présentées dans
les « Remarques sur la nominalisation » de Chomsky (1972) ; la théorie
« Sens-Texte » d’Igor Mel’uk associe à la définition saussurienne du
signe linguistique en <signifiant, signifié> un troisième élément, le
syntaxique (selon le schéma : <<signifiant, signifié>, syntaxique>),
élément qui rend compte des phénomènes associés à aux deux premiers,
mais qui ne peuvent être déduits ni de la forme ni du sens du signe, tels
que le genre des noms en français, ou le caractère transitif direct ou
indirect de certains verbes, etc. (Mel’uk, 1982 : 26-28) ; John Sinclair
(1991) montre que de très nombreuses structures syntaxiques de l’anglais,
non observées avant les analyses de corpus réalisées au cours des
décennies écoulées, dépendent de relations lexique-grammaire.
D’importantes recherches ont été menées sur l’arabe par A. Fassi-Fehri
(notamment 1986, 1993), dans un cadre qui s’apparente, en le
prolongeant, à celui de la Grammaire lexicale et fonctionnelle (LFG).
Le concept de spécificateurs associés aux unités lexicales
(Hassoun, 1987 ; Dichy et Hassoun, dirs, 1989) constitue également une
contribution à la théorisation des relations lexique-grammaire. Pour la
clarté de l’exposé, j’en rappellerai ici la définition, en l’inscrivant dans la
perspective des travaux sur lesquelles elle se fonde.
1. 1. 1 Arrière-plan méthodologique
Ces travaux ont porté au départ sur le traitement automatique du niveau
du mot-forme en arabe, considéré dans sa réalisation graphique. La
recherche menée par l’auteur en collaboration avec Richard Bouché, puis
avec Mohamed Hassoun, dans le prolongement du Rapport Desclés
(Desclés, dir., 1983), a pris forme au cours des années 1980 dans ce qui
était connu alors sous le nom de projet SAMIA (« Synthèse et analyse
morphosyntaxiques de l’arabe », Dichy, 1987 ; Dichy et Hassoun, dirs,
1989). Les années 1990 ont vu :
– d’une part la mise en route d’un certain nombre de thèses dirigées en
commun par Mohamed Hassoun et l’auteur, et portant, soit sur des
SPECIFICATEURS ET STRUCTURES D’ARGUMENTS
155
analyses lexicologiques associées à une démarche computationnelle
(Ezzahid, 1996 ; Minko, 2003) ou menées dans un cadre trilingue
(Franjié, 2003), soit sur la conception et la réalisation de logiciels relevant
de l’ingénierie linguistique (Ghenima, 1998 ; Ouersighni, 2002 ; Zaafrani,
2002 ; Abbès, 2004), l’ensemble s’inscrivant dans le domaine du
traitement automatique de l’arabe et de la conception des lexiques
nécessaires à celui-ci ;
– d’autre part, la collaboration avec un centre de recherche tunisien,
l’IRSIT (Institut régional des sciences de l’informatique et des
télécommunications, aujourd’hui IT.COM). Le Bureau d’arabisation de
cet Institut, dirigé par Salem Ghazali, accueillait également Abdelfattah
Braham. La réalisation de la base de connaissances lexicales DIINAR.1
(« DIctionnaire INformatisé de l’ARabe, version 1 » – en arabe Ma‘ālī,
abréviation de mu‘jam al-‘arabiyya l-’ālī, qui correspond à la traduction
de l’expression française) a été effectuée en commun à l’IRSIT
(S. Ghazali, A. Braham), l’École Nationale Supérieure des sciences de
l’information et des bibliothèques (ENSSIB – M. Hassoun) et l’université
Lyon 2 (J. Dichy).2 La principale originalité de DIINAR.1 (Braham et
Ghazali, 1998 ; Dichy, Braham, Ghazali et Hassoun, 2002) réside dans :
1. la présence de spécificateurs morphosyntaxiques nécessaires au
traitement du niveau du mot graphique (mais également
nécessaires, pour bon nombre d’entre eux, avec le traitement de
la phrase – Dichy, 2001a), et 2. la compatibilité des informations qui y sont incluses avec les
deux démarches en synthèse (ou génération) et en analyse (ou
reconnaissance).3
2 Diffusion de DIINAR.1 : via ELDA, European Language Resources Distribution
Agency – Agence Européenne de Distribution des Ressources Linguistiques, 55, rue
Brillat-Savarin, 75013 Paris – www.elda.org. Contact : [email protected] ou
[email protected]. 3 Rappelons que les sorties d’un traitement en génération de l’arabe, telle qu’elles sont
conçues dans la méthodologie du projet SAMIA, sont constituées de mots en graphie
arabe entièrement vocalisée (ce qui permet également des sorties partiellement vocalisées
ou non vocalisées, en fonction des applications envisagées – Ghenima, 1998). Le
traitement en analyse est, quant à lui, contraint de prendre en compte des entrées en
graphie arabe courante, c’est-à-dire, en graphie arabe non vocalisée (Dichy, 1984 ;
Hassoun, 1987 ; Ouersighni, 2002 ; Abbès, 2004). Cette différence entre entrées et
sorties en arabe illustre, au niveau le plus général, l’asymétrie, dans le langage, des
processus de la génération et de la reconnaissance, et des grammaires qui leur sont
associées (Dichy, 1984, 1990, 1997, 2000). D’où la contrainte de compatibilité avec les
deux démarches qui caractérise la méthodologie des spécificateurs morphosyntaxiques
mise en œuvre dans DIINAR.1.
J. DICHY 156
1. 1. 2 Le concept de spécificateur
Les spécificateurs établis pour la constitution de la base de données
lexicales DIINAR.1, et associés à chacune de ses entrées, ont pour objet
de « gérer » l’insertion de ces dernières dans le discours, au moyen de
traits associés à une grammaire formelle, et qui représentent les relations
lexique-grammaire dans les limites du mot graphique (Dichy, Braham,
Ghazali, Hassoun, 2002).
Dans l’approche mise au point pour la réalisation de cette base de
données, les spécificateurs morphosyntaxiques régissent la relation entre
un formant appartenant à une unité syntagmatique donnée (mot-forme,
syntagme nominal, syntagme verbal, phrase, texte...) et les autres éléments
de cette unité. Il s’ensuit qu’il convient d’indiquer, à la suite du terme de
formant l’extension de l’unité prise en compte dans l’écriture d’une
grammaire : formant de mot graphique, formant de syntagme nominal,
formant de phrase, etc. (Dichy, 1987).4
Le concept de spécificateur s’étend donc au-delà des traits du
niveau du mot mis au point pour la constitution de DIINAR.1. Les
relations associées à chaque entrée lexicale « gèrent » (Dichy, 2001a) :
– d’une part, les relations contextuelles de cette entrée avec les autres
morphèmes présents dans l’unité syntagmatique retenue (mot, phrase,
texte). Ces relations, qui sont de la forme « entraîne », « exclut » ou
« admet », sont conçues pour être compatibles avec les deux processus
asymétriques de la génération et de l’analyse. Les frontières de l’unité
syntagmatique considérée constituent le domaine d’extension des relations
prises en compte par les spécificateurs :
1. Les M-spécificateurs (en anglais W-specifiers, pour word-
specifiers) gèrent les relations du niveau du mot-forme, qui est en
arabe une unité complexe, considérée ici dans sa réalisation
graphique (Dichy, 1990).
2. Les P-spécificateurs (S-specifiers, pour sentence-specifiers)
prennent en charge les relations du niveau de la phrase.
3. Les T-spécificateurs (T-specifiers, pour text-specifiers) opèrent
au niveau du texte. Ils sont, pour une part, situés sur un autre plan
4 Cette question est également liée à une représentation de l’ambiguïté, dont j’ai montré
qu’elle dépendait formellement (a) de l’extension de l’unité syntagmatique prise en
compte (mot, syntagme, phrase...), et (b), pour chaque unité syntagmatique, de
l’extension du système de connaissances mis en jeu : plus l’unité syntagmatique est
restreinte, plus le coefficient d’ambiguïté est élevé ; ce coefficient augmente en effet de
plus en plus au fur et à mesure que l’on enrichit le système de connaissances auquel on
demande d’assigner à une séquence donnée de morphèmes, selon la formule consacrée,
« toutes les analyses possibles dans la langue considérées et elles seules » (Dichy, 1993,
2000).
SPECIFICATEURS ET STRUCTURES D’ARGUMENTS
157
que les deux premiers, en raison, notamment, du caractère
indéterminé de la frontière du texte (cf. par exemple les questions
liées à l’anaphore et à l’anaphorisation) ;
– d’autre part, les fléchages dérivationnels entre l’entrée lexicale et les
entrées ou les formes auxquelles elle est rattachée par un lien de
dérivation morphologique, par ex. en arabe : singulier pluriel « brisé »
pour les noms ; verbe nom de procès (madar), ou verbe participe
actif (’ism al-fā‘il), etc. Les fléchages dérivationnels appartiennent à la
catégorie des M-spécificateurs.
Il est essentiel de noter que, d’un point de vue linguistique, les M-
et les P-spécificateurs comportent une zone d’intersection importante. M-,
P- et T-spécificateurs déterminent une approche « en spirale » : nombre de
traits présents dans les M-spécificateurs sont repris en compte dans les P-
puis dans les T- spécificateurs.
Dans le cadre du projet européen DIINAR-MBC5, coordonné de
février 1998 à décembre 2000 par l’auteur, la question s’est posée de
mettre au point des inventaires finis et exhaustifs de S-spécificateurs
(Dichy et Hassoun, 1998).
Les termes d’inventaire fini et exhaustif sont pris au sens de
Mel’uk (1982). L’exhaustivité du traitement des données linguistiques
s’entend ici strictement dans le domaine formel qui est celui des relations
morphosyntaxiques (ce qui inclut les relations morpho- et syntactico-
sémantiques). Le même concept transposé dans l’établissement des
définitions lexicographiques et des relations sémantiques qu’elles mettent
en jeu, devient dans Mel’uk et al. (1984 : 3) « une recherche de
l’exhaustivité », ce qui illustre, me semble-t-il, le fait que l’on n’est plus
dans le même domaine. Il importe, en d’autres termes, pour bien saisir le
concept formel de l’exhaustivité, d’en restreindre la validité aux domaines
de la langue où l’on trouve, de manière systématique, des inventaires
fermés et par conséquent finis de morphèmes (essentiellement, en
morphologie) ou de catégories et de sous-catégories (essentiellement en
syntaxe), morphèmes et catégories dont on analysera les structures et les
relations sémantiques (elles-mêmes d’inventaires fermés). Ces domaines
se distinguent de ceux où l’on est confronté à des inventaires ouverts, qui
reflètent la relation d’une langue à la représentation des « objets du
monde » à l’œuvre dans son lexique. Toute la difficulté du travail sur les
traits [±CONCRET], [±ANIMÉ] ET [±HUMAIN] réside dans la nécessité de
5 « DIctionnaire INformatisé de l’ARabe, Multilingue et Basé sur Corpus » (programme
INCO-DC de la Commission européenne, projet 961791). Voir http://sites.univ-
lyon2.fr/langues_promodiinar/Accueil.htm
J. DICHY 158
déterminer, à partir de ceux-ci, des catégories lexicales soumises au
« rasoir d’Occam » de la finitude des inventaires et de l’exhaustivité du
traitement des données linguistiques dans le domaine qu’elles délimitent
(Dichy, 2001a).
1. 2 Les spécificateurs syntaxiques du niveau de la phrase,
abordés à partir des structures d’arguments des verbes
Le passage des spécificateurs du niveau du mot-forme, ou M-
spécificateurs aux spécificateurs du niveau de la phrase, ou P-
spécificateurs constitue un « saut qualitatif ».6 En arabe, l’inventaire des
formants du niveau du mot-forme est fermé, sauf pour un seul d’entre eux,
le formant-noyau (qui correspond au formant lexical), ce qui a permis de
projeter un ensemble de M-spécificateurs d’inventaire fini sur chaque
entrée de la ressource lexicale (Dichy, 1997), répondant ainsi à la
contrainte d’exhaustivité que l’on vient d’évoquer.7
Les relations qui s’instaurent dans le domaine de la phrase mettent
en jeu : (a) des morphèmes grammaticaux appartenant à des inventaires
fermés, les mots-outils, et (b) des ensembles de morphèmes appartenant à
des inventaires non fermés, et relevant des catégories lexicales majeures :
noms, verbes, adjectifs... D’où la nécessité d’une approche différente,
dans laquelle la recherche d’inventaires finis porte non plus sur les
morphèmes eux-mêmes, mais sur leurs catégories (et sous-catégories). La
composition au sein de la phrase – et a fortiori du texte – des catégories
grammaticales et des unités lexicales est donc soumise à des jeux de
relations entre sens et forme d’une autre complexité que celles, contraintes
par la morphologie, que l’on observe dans le cadre du mot-forme (même
dans une langue comme l’arabe, qui présente une structure du niveau du
mot assez complexe). L’on est donc amené à mettre en œuvre une
approche et des formalismes relevant de l’exploration contextuelle, tels
qu’ils ont été proposés, dans une perspective de reconnaissance, par J.-P.
Desclés (1989, 1997 ; Desclés et al., 1994). Or, pour qu’une telle
approche soit possible, les règles du système d’exploration contextuelle
doivent pouvoir prendre appui, dans une langue donnée, sur un repérage
6 Un autre « saut qualitatif » se rencontre dans la détermination des spécificateurs
susceptibles d’être associés à des unités terminologiques. Voir sur ce point les travaux de
X. Lelubre (notamment, 2001). Dans une autre perspective, voir également Thoiron
(1994). 7 Cette approche est également susceptible d’être représentée dans un formalisme « à
deux niveaux », compatible avec les réseaux de transition automatisés (ATN, automated
transition networks). Voir Beesley et Karttunen, 2003, qui rendent compte, parmi
d’autres langues, de l’expérience menée au Centre de recherche de Xerox à Meylan sur
l’analyse morphologique de l’arabe.
SPECIFICATEURS ET STRUCTURES D’ARGUMENTS
159
de catégories grammaticales et lexicales d’une part, et sur les informations
associées aux morphèmes grammaticaux et lexicaux de l’autre, i.e., sur
des M- et des P-spécificateurs.
Pour traiter l’inventaire des P-spécificateurs de l’arabe, j’ai
proposé, en 1999-2000, de prendre pour point de départ (non exclusif) la
structure d’arguments des verbes,8 considérée à partir de traits syntaxiques
fondamentaux – compte tenu du fait que les structures syntaxiques de
transitivité (« directe » ou prépositionnelle, etc.) ou d’intransitivité avaient
déjà été traitées dans le cadre de du projet SAMIA et de DIINAR.1. Le
schéma de la structure d’arguments des verbes présente en effet certaines
analogies avec celui du mot-forme dans sa réalisation graphique,
particulièrement en arabe (Dichy, 1990). Les deux schémas sont
susceptibles d’une représentation vectorielle, avec cette différence,
cruciale du point de vue de la relation lexique-grammaire, que seul le
premier correspond à un vecteur ordonné. Voici en gros de quelle manière
ces vecteurs se présentent :
Champ des formants en
position de pré-base
Champ de la
base de mot
Champ des formants en
position de post-base
PCL
(proclitique) PRF
(préfixe) BAS
(noyau lexical
ou mot-outil)
SUF
(suffixe) ECL
(enclitique)
fa-sa
ta qūl īna hā
« et donc »,
suivi de la
marque du
futur
« tu »,
pronom sujet
(2e pers.)
verbe « dire »,
forme du
préfixé
(muāri‘)
genre et
nombre (fém.
sing. de la 2e
pers.)
« la »,
pronom
complément
(fém.
singulier)
Traduction : « tu le diras donc »,
mot-à-mot, « et-donc tu [fém. sing.] diras-elle ».
Figure 1 : Vecteur (ordonné) de représentation du mot graphique en arabe
8 La définition de la structure d’arguments associée à un verbe adoptée ici est de nature
lexicographique, ce qui signifie, entre autres choses, que l’analyse linguistique est
soumise à la contrainte consistant à élaborer des représentations explicites et
reproductibles. Elle s’inspire notamment de la définition du schéma de régime de
Mel’uk et al. (1984, p. 5-6). Le lecteur pourra également rapprocher l’analyse
développée dans ce travail de la définition des actants et circonstants de Tesnière
(1959/66 : 102-129), ou encore des travaux de B. Pottier (particulièrement, 1992), et
naturellement, de M. Gross. L’analyse en traits est partiellement issue des contraintes de
sous-catégorisation présentées dans les « Remarques sur la nominalisation » de
Chomsky (1972). Voir aussi J. Picoche (1977 : 58-63). L’approche de J. Sinclair (1991)
inscrit les relations lexique-grammaire dans la conception générale des collocations qui
est la sienne, et notamment dans le « principe d’idiomaticité ».
J. DICHY 160
Cette présentation est simplifiée. La relation d’ordre au sens strict qui
régit les morphèmes entrant en composition au sein du mot graphique
ordonne également les séquences de PCL, de SUF ou d’ECL (Dichy,
1984, 1990). L’ordre des formants de la phrase, dans le cadre de laquelle
la structure d’arguments du verbe s’actualise, n’est pas codé de la même
manière :
Verbe Argument 1 Argument 2 Argument 3 Argu-
ment 4
Forme verbale =
verbe + pronom
sujet (ou sujet
grammatical9)
Cas nominatif,
en identité de
référence avec le
sujet
grammatical
- Soit : cas
accusatif
- soit : prép. +
cas indirect
- Soit : cas
accusatif
- soit : prép. +
cas indirect
- soit :
complétive
Prép. +
cas
indirect
ālaba
« a réclamé
Zaydun
Zayd
‘Amran
[à] Amr
(cas accusatif)
bi-daf‘i l-māli
le paiement de
l’argent
(prép. + cas
indirect)
‘an ’aīhi
de [la part
de] son
frère »
(prép. +
cas
indirect)
Figure 2 : Vecteur (non ordonné) de la structure d’arguments des verbes
Notons au passage que l’exemple ci-dessus supporte deux interprétations,
en fonction de la relation syntaxique de l’argument 4 aux autres formants
de la phrase. Ce dernier est :
1. soit une expansion de « réclamer » : « Zayd a réclamé à Amr, de
la part de son frère, le paiement de l’argent » dû à ce dernier par
Amr (présupposé inclus dans le sens du verbe, tant en arabe
qu’en français) ;
2. soit une expansion de la forme infinitive daf‘, « paiement » :
« Zayd a exigé que Amr paie l’argent pour [de la part de/à la
place de] son frère [à une tierce personne] », ce paiement
correspondant à un dû de Amr. (Il y a en outre dans ce cas une
ambiguïté quant au référent de « son », le frère pouvant être celui
de Z. ou celui de A.)
9 La forme verbale inclut en arabe son pronom sujet (ou sujet grammatical). Cette
représentation est nécessitée dans cette langue par le fait que l’on peut avoir aussi bien
jā’a, « il est venu » que jā’a Zaydun, « Zayd est venu », la forme du verbe jā’a (qui
inclut le pronom sujet) demeurant inchangée : le verbe peut très bien apparaître sans être
suivi d’un nom au cas nominatif, traditionnellement décrit comme « sujet » ou « sujet
sémantique », mais correspondant en fait à une expansion d’identité du pronom sujet
inclus dans la forme verbale.
SPECIFICATEURS ET STRUCTURES D’ARGUMENTS
161
Dans le second cas, ‘an ’aīhi, « pour son frère », cesse d’être un
argument de ālaba. L’exemple donné en figure 2 correspond donc à la
structure syntaxique 1.
L’établissement d’un schéma de structure d’arguments ne va pas
toujours de soi. Celui-ci dépend en effet du scénario associé à la
représentation du verbe par le lexicographe.10
À la différence des formants
du mot (figure 1), dont la forme est codée par la morphologie de la
langue, et qui se présentent dans un ordre ne souffrant aucune
modification, les arguments associés à un verbe (figure 2) sont
susceptibles de se présenter :
– sous des formes syntaxiques différentes : l’argument 3 ci-dessus, qui est
réalisé comme le syntagme complexe bi-daf‘i l-māli, aurait pu être
constitué de la même préposition suivie d’un simple nom (bi-l-māl,
« l’argent »), d’une complétive (’an yadfa‘a l-māl, « qu’il paie l’argent »)
ou d’un nom suivi d’une proposition relative (bi-l-māli llaī..., « l’argent
que... »), etc. ;
– dans un ordre qui peut connaître des variations : dans la phrase ci-
dessus, l’argument 4 pourrait être placé avant l’argument 2 ou 3, ou
encore, en position finale.11
La comparaison des deux figures permet également de noter que le
vecteur de représentation du mot sera plus spécifique à une langue donnée
que celui des structures d’arguments des verbes, ainsi :
Le schéma d’arguments de la figure 2 peut s’appliquer – en tenant compte de
variations « locales », telles que la structure des compléments, « directs » ou
avec préposition, etc. – aussi bien au verbe français réclamer qu’au verbe arabe
ālaba : l’un et l’autre présupposent un objet correspondant à un dû
(argument 3) et une personne à qui ce dû est réclamé (argument 2) ; tous deux
admettent également la possibilité d’une réclamation effectuée par un tiers,
« pour » ou « de la part » la personne à laquelle l’objet de la réclamation est dû
(argument 4).
La structure d’arguments correspond à un sous-ensemble des P-
spécificateurs d’un verbe (ce dernier étant pris comme formant de
phrase). Elle permet en outre d’associer aux noms et adjectifs susceptibles
10
Cf. par exemple Tesnière (1959/1966 : 102-103, 127-129) ; Mel’uk, Clas et Polguère
(1995 : 119 sqq.). 11
Ces variations sont toutefois soumises à des contraintes : l’ordre des trois premiers
arguments paraît, en arabe moderne, malaisément modifiable. Cela se vérifie
particulièrement à l’écrit, où l’on ne dispose ni du jeu des phénomènes intonatifs, ni de la
liberté d’ordonnancement observable dans les échanges oraux.
J. DICHY 162
d’entrer en composition avec ce verbe, les P-spécificateurs nécessaires.
Ainsi :
Le verbe ālaba, « réclamer » qui illustre la figure 2 a nécessairement pour
arguments 1, 2 et 4, des noms affectés du trait [+HUMAIN], et pour argument 3 :
(a) soit un nom affecté a priori du trait [-HUMAIN] 12
, (b) soit une forme infinitive
(madar), comme dans l’exemple ci-dessus (daf‘, « paiement », « fait de
payer »), (c) soit encore, comme on l’a vu, une subordonnée complétive avec la
conjonction ’an suivie d’un verbe au subjonctif :’an yadfa‘a l-māl, « qu’il paie
l’argent ».
Dans un dictionnaire classique, on dirait que « quelqu’un réclame
à quelqu’un quelque chose » ou « qu’il effectue une action », cette
dernière expression reproduisant, dans un langage intuitivement
accessible, les possibilités (b) et (c). Dans une représentation tout aussi
classique en traits, on peut poser, en première approximation, que
« quelqu’un » est [+ANIMÉ], [+HUMAIN], [+CONCRET], et que « quelque
chose » est :
– soit [-ANIMÉ], [-HUMAIN], [-CONCRET] s’il s’agit d’une chose abstraite
(non perceptible – voir § 2.2.1), par exemple, « la vérité sur... », « son
dû » ;
– soit [-ANIMÉ], [-HUMAIN], [+CONCRET] s’il s’agit d’une chose ou d’un
phénomène perceptible.
2 Trois traits fondamentaux pour l’analyse ou la
génération des schémas d’arguments associés à un
verbe
Comme indiqué en introduction, la démarche que l’on vient de présenter
sera illustrée par les trois notions, correspondant à des traits sémantico-
syntaxiques très généraux, de [±CONCRET], [±ANIMÉ] et [±HUMAIN]. Ces
derniers, on vient de le voir, jouent un rôle fondamental dans la relation
entre verbes et noms au sein de la phrase. Bien qu’il s’agisse de notions
fort connues, leur définition va beaucoup moins de soi qu’il n’y paraît à
première vue : « l’évidence » est ici celle de la saisie du monde reflétée
par le langage, mais à laquelle on est aisément tenté de substituer ses
propres conceptions ontologiques intuitives.13
Je m’attacherai dans la suite
12
Trait HUMAIN : je simplifie, à ce stade de l’exposé. Comme on le verra plus loin, il
s’agit en fait du trait de PERSONNE, qui correspond à l’articulation <<[+ANIMÉ],
[+HUMAIN]>, [+CONCRET]>. 13
Lyons (1978/90 : 77 sqq.) souligne le fait que des catégories lexico-sémantiques telles
que « celles des personnes, des choses, des actions (y compris les événements et les
SPECIFICATEURS ET STRUCTURES D’ARGUMENTS
163
de ce travail à éviter cet écueil, et à explorer la manière dont l’articulation
de ces traits produit, en arabe et en français, des catégories sémantico-
syntaxiques pouvant éclairer le fonctionnement des structures
d’arguments des verbes, et conduire à un jeu de spécificateurs associables
aux entrées verbales, nominales et adjectivales d’une base de
connaissances lexicales dans l’une et l’autre langue.
2. 1 Définition « classique » des traits considérés
Reprenons, pour commencer, la définition « classique » des traits
[±CONCRET], [±ANIMÉ] et [±HUMAIN]. Leur articulation sera plus loin
l’objet d’une représentation arborescente (figure 3) dont les « feuilles
terminales » pourront, après discussion, être retenues comme des
spécificateurs associés aux noms et aux verbes, afin de « gérer » les
contraintes de sélection d’arguments.
2. 1. 1 [±CONCRET]
[CONCRET] a pour antonyme [ABSTRAIT] : les noms concrets dénotent
traditionnellement des entités du monde physique en ce qu’ils sont
opposés aux noms abstraits, qui dénotent des entités du monde des idées
(voir Dubois et al., 2001 : 108-9). La distinction recoupe celle, fort
ancienne, entre le monde sensible – i.e. accessible à la perception – et le
monde des idées. Le trait définitoire de perceptibilité, quel que soit le sens
sollicité (vue, ouïe, toucher...), opère en outre comme un test. Ainsi, en se
reportant à la figure 3 ci-dessous :
1. les catégories de PERSONNE, ANIMAL et CHOSE OU PHÉNOMÈNE
PERCEPTIBLE engendrées par l’arbre conceptuel sont toutes les
trois affectées du trait [+CONCRET] ;
2. la catégorie de CHOSE OU PHÉNOMÈNE PERCEPTIBLE inclut des
objets naturels (colline, tall) et des artefacts (chaise, kursiyy),
ainsi que des phénomènes perçus visuellement (lumière, nūr ;
couleur, lawn), auditivement (son, awt ; musique, mūsīqā ;
parole, kalām), olfactivement (odeur, rā’iā), de manière
gustative (goût, awq) ou tactile (tendreté, raāwa ; dureté,
alāba [marbre, acier...]; douceur, nu‘ūma [peau, cuir...] ;
toucher [sensation], lamsa, etc.) ;
processus)... présupposent un certain nombre d’hypothèses ontologiques minimales sur
ce qui existe dans le monde. Les nôtres (que nous tenons pour minimales et généralement
admises) sont celles du réalisme naïf. »
J. DICHY 164
3. la catégorie IDÉE, EXPÉRIENCE NON PHYSIQUE, par contraste,
correspond à des entités non perceptibles (trait [-CONCRET]) ;
4. des verbes de perception, comme voir, toucher, entendre..., ont
pour complément d’objet des noms de la catégorie CHOSE OU
PHÉNOMÈNE PERCEPTIBLE – étant entendu que cette dernière ne
suffit pas à restreindre la sélection, et que des traits propres à
celui des cinq sens qui est en jeu dans un verbe de perception
donné devront être ajoutées.14
2. 1. 2 [±ANIMÉ]
Les noms animés dénotent traditionnellement des êtres vivants relevant du
monde animal, par exemple chat, bœuf, homme, enfant, ou qui sont
considérés comme des êtres vivants, par exemple dragon, ange, déesse,
démon, nymphe, fantôme, djinn... (cf. Dubois et al., 2001 : 36). Ces êtres,
qui relèvent des catégories de PERSONNE et d’ANIMAL engendrées par
l’arbre de la figure 3, sont doués de mouvement motu proprio (i.e. de la
capacité de se mouvoir de soi-même, en propre), ce qui implique pour les
entités relevant de la catégorie ANIMAL une certaine liberté de
déplacement dans l’espace, ainsi qu’un certain degré de volition, i.e., de
capacité à agir selon une volonté propre.15
Ces traits seront désignés ci-
dessous par les conventions [+MVT], et [+« VOL »], avec des guillemets,
pour le second, afin de distinguer la volition de l’animal, qui n’est pas
associée à une intentionnalité, de la volition humaine. Exemples
d’arguments verbaux affectés de ce trait :
des verbes de mouvement tels que marcher, courir, entrer, sortir, etc. ont pour
agent un nom [+ANIMÉ]. Il en va de même de verbes comme manger, boire,
dormir.
2. 1. 3 [±HUMAIN]
Le trait [+HUMAIN], qui relève de la catégorie [+ANIMÉ], affecte des
« noms dénotant des êtres vivants humains ou considérés comme tels, et
14
Cette définition n’intègre pas la restriction du trait [+CONCRET] à des noms « référant à
quelque chose que l’on peut toucher ou voir » (a noun which refers to something which
we can touch or see – Sinclair, 1990 : XIX). La précision consistant, pour les noms
abstraits ([-CONCRET]), à ajouter à la notion d’IDÉE celle d’EXPÉRIENCE NON PHYSIQUE
est en revanche reprise du même ouvrage (XVIII). 15
Ce critère – la liberté de déplacement dans l’espace – conduit le penseur irakien du
VIIIe/III
e siècle, al-Jāi, à poser que les animaux sont supérieurs aux astres, les premiers
disposant d’un choix dans leurs mouvements, alors que la course des seconds dans le
firmament est contrainte (ayawān, vol. I, p. 204).
SPECIFICATEURS ET STRUCTURES D’ARGUMENTS
165
qui se caractérisent par une syntaxe différente des noms animés non
humains » (Dubois et al., 2001 : 235). Ces êtres, qui correspondent à la
catégorie de PERSONNE, sont doués d’intentionnalité et de volition, notés
respectivement [+INT] et [+VOL]. La grammaire arabe médiévale désigne
cette notion du terme de ‘āqil, mot-à-mot « doué de raison », terme qui,
dans le domaine voisin du droit musulman, renvoie également à
l’intentionnalité et à la volition (ainsi, un testament n’est valide que s’il
émane d’une personne « douée de raison »).
On notera par ailleurs que la combinaison de traits [-ANIMÉ],
[+HUMAIN], [+CONCRET] (« feuille terminale » 5 de la figure 3) ne
concorde, en arabe ou en français, avec aucune catégorie ou sous-
catégorie lexicale à laquelle pourraient être associées des contraintes de
sélection (ce qui est noté par le symbole ø).
Le corps d’Alexandre défunt correspond, soit à une présence résiduelle
(catégorie de PERSONNE), soit à un corps sans vie (catégorie de CHOSE
PERCEPTIBLE) : la phrase célèbre, prononcée, rapporte-t-on, devant sa dépouille,
« Mort, il est [encore] plus grand que vivant », réfère, soit à Alexandre comme
« personne » (l’homme, le personnage historique...), soit à la « chose » de son
cadavre étendu.
La combinaison [-ANIMÉ], [+HUMAIN], [-CONCRET] (figure 3,
« feuille terminale » 6) est affectée de même du symbole ø : l’âme d’un
défunt est traitée, dans les langues française et arabe – à tout le moins –,
soit comme une PERSONNE, soit comme une IDÉE. Exemples de structures
recourant au trait [±HUMAIN] et à la catégorie de PERSONNE :
- Les verbes de sentiment, de parole, de pensée, requièrent – hors construction
impersonnelle ou médio-passive – un agent ou un sujet grammatical relevant de
la catégorie de PERSONNE (incluant le trait [+HUMAIN]).
- En français, qui, dans, par exemple, Qui vois-tu ? porte le trait [+HUMAIN], par
opposition à que, ex. : Que vois-tu ?16
- En arabe, les pronoms de la 3e personne du masculin pluriel sont réservés à des
référents portant le trait de PERSONNE (incluant [+HUMAIN]). COMME on le sait,
la 1e et la 2
e personne des pronoms ou de la conjugaison dénotent également des
personnes (sauf usage rhétorique particulier).
16
La portée du trait [±HUMAIN] n’est pas toujours apparente, sans doute en raison du fait
qu’il est « commandé » par [±ANIMÉ]. Dubois et al. (2001 : 36), auxquels la définition ci-
dessus est empruntée, présentent cependant les interrogatifs qui et que comme illustrant
une opposition animé/non animé. Or, si l’on cherche à répondre aux questions prises
comme exemples, on constate que c’est bien le trait [±HUMAIN] qui permet d’opérer la
distinction entre ces deux interrogatifs : dans – Qui vois-tu ? – Pierre et – Que vois-tu ? –
Un gros chien, le trait [+ANIMÉ] est commun à Pierre et au chien, mais non le trait
[+HUMAIN].
J. DICHY 166
2. 2 L’arbre conceptuel des ces trois notions, prises au sens
restreint
Ces définitions posées, le premier problème à résoudre est celui de
l’articulation des traits correspondants. À la surprise de certains linguistes,
le trait [±HUMAIN] est bien plus prégnant en arabe que celui de [±ANIMÉ].
Le premier apparaît dans de nombreux chapitres des livres de grammaire,
et dans beaucoup d’analyses linguistiques ou lexicographiques. On peut
donc très légitimement se demander si le trait [±HUMAIN] n’est pas plus
important que [±ANIMÉ] dans l’analyse de certaines langues. Il reste que,
dans l’ontologie qui émane sur ce point des vocabulaires arabe et français,
tout humain est considéré comme animé, tout animé n’étant pas
nécessairement humain. [±ANIMÉ] « commande » donc dans une
représentation arborescente construite pour ces deux langues le trait
[±HUMAIN].
On peut se demander par ailleurs lequel, des termes de concret ou
d’abstrait doit être retenu pour la désignation du trait. Ces deux notions
étant définies ci-dessus comme antonymes, la décision n’en met pas en
jeu le contenu sémantique. Toutefois, le critère de perceptibilité ou de non
perceptibilité ayant été adopté à la fois comme trait définitoire et comme
test empirique d’application à des entités données, [±CONCRET] apparaît
comme plus transparent que [±ABSTRAIT].
Il demeure à savoir lequel, de [±ANIMÉ] ou de [±CONCRET] est le
plus général, et devrait en conséquent occuper la position de sommet dans
l’arbre conceptuel.17
Ces deux traits ont en commun d’opérer chacun une
partition de l’ensemble des entités dénotées dans les langues par des
noms. À première vue, on pourrait raisonner en observant que les entités
animées sont perceptibles : le trait [±ANIMÉ] serait dès lors une sous-
catégorie de [±CONCRET]. Il n’y a toutefois a priori aucune raison
linguistique de privilégier le choix de l’un ou de l’autre comme sommet
de l’arbre : la comparaison du résultat de ces deux options montre, en tout
état de cause, que les catégories lexicales dégagées au niveau des
« feuilles terminales » de l’arbre sont les mêmes. La question n’est donc
pas cruciale, comme le montrent les figures 3 et 4 ci-dessous :
17
Dans une ontologie de type aristotélicien privilégiant le trait le plus général lorsque
l’on passe de la substance à la forme, le choix se porterait automatiquement sur
[±CONCRET]. Le raisonnement ci-dessus, indépendamment du résultat auquel il parvient,
relève d’une démarche différente.
SPECIFICATEURS ET STRUCTURES D’ARGUMENTS
167
ANIMÉ + —
HUMAIN + — + —
CONCRET + — + — + — + —
1 2 3 4 5 6 7 8
CATÉGORIES LEXICALES ENGENDRÉES PAR LES TRAITS STRICTO SENSU
PERSONNE
[+INT],
[+VOL],
[+MVT]
ø ANIMAL
[+«VOL»]
[+MVT]
ø ø ø CHOSE OU
PHÉNOMÈNE
PERCEPTIBLE
IDÉE OU
EXPÉRIENCE
NON
PHYSIQUE
E x e m p l e s e n l a n g u e f r a n ç a i s e
Marie,
Paul
ange,
fantôme,
déesse,
djinn
ø chien ø ø ø chaise, colline
lumière, goût,
son, parole,
odeur
toucher
existence,
intelligence,
structure,
vérité,
mensonge
apprentissage
oubli
E x e m p l e s e n l a n g u e a r a b e
Hind, Zayd
malāk,
šaba,
’ilāha,
jinniyy
ø kalb ø ø ø kursiyy, tall
nr, awq,
awt, kalām,
rā’ia
lamsa
wujūd,
akā’, binya,
aqīqa, kaib,
ta‘allum,
nisyān
Figure 3 : Arbre conceptuel « restreint » des trois notions et des catégories
engendrées, avec [±ANIMÉ] au sommet
Les exemples inclus dans la partie inférieure de cette figure correspondent
pour la plupart à ceux qui ont été présentés pour la définition des traits.
Les P-spécificateurs pourront correspondre, après analyse, soit aux
catégories lexicales engendrées au niveau des « feuilles terminales », soit
aux grandes sous-catégories d’exemples (marquées ci-dessus par un
« »). Pour faire court, les exemples ont été omis dans l’arbre suivant,
construit avec, au sommet, le trait [±CONCRET] :
J. DICHY 168
CONCRET + —
ANIMÉ + — + —
HUMAIN + — + — + — + —
1 2 3 4 5 6 7 8
CATÉGORIES LEXICALES ENGENDRÉES PAR LES TRAITS STRICTO SENSU
PERSONNE
[+INT],
[+VOL],
[+MVT]
ANIMAL
[+«VOL»]
[+MVT]
ø CHOSE OU
PHENO-
MENE
ERCEP-
TIBLE
ø ø ø IDÉE OU
EXPÉRIENCE
NON PHYSIQUE
Figure 4 : Arbre conceptuel « restreint » des trois notions et des catégories engendrées,
avec [±CONCRET] au sommet
Formellement, si l’on représente les catégories lexicales
correspondant à des « feuilles terminales » au moyen de parenthèses ou de
crochets, on obtient deux résultats identiques. En prenant la même
catégorie pour exemple, on a dans la figure 3 :
ANIMAL <<[+ANIMÉ], [+HUMAIN]>, [+CONCRET]> ,
et dans la figure 4 :
ANIMAL <[+CONCRET], <[+ANIMÉ], [+HUMAIN]>>.
Les catégories engendrées étant en outre les mêmes, on constate donc, à
condition de faire abstraction du « réalisme naïf » de nos « hypothèses
ontologiques minimales sur ce qui existe dans le monde » (Lyons,
1978/90 : 77), que les deux arbres sont conceptuellement équivalents.
Toutefois, arbitrairement, c’est la figure 4 qui sera reprise pour la
présentation de l’arbre « étendu » ci-dessous.
Si l’on considère maintenant les catégories engendrées, le résultat
est attendu : PERSONNE, ANIMAL, CHOSE et IDÉE se déduisent aisément des
traits [+ANIMÉ] et [±HUMAIN] pour les deux premiers, et de [-ANIMÉ] et
[±CONCRET] pour les seconds. Les arbres équivalents ci-dessus (figure 3
ou 4) laissent cependant de côté un nombre important de phénomènes de
sélection qu’il devrait être possible de prendre en compte dans l’inventaire
des relations lexique-grammaire à l’œuvre dans la structure d’arguments
des verbes.
Ainsi, des exemples tels que ālaba, « réclamer » analysé ci-dessus, rafaa,
« refuser », tasā’ala, « s’interroger », ’i‘tabara, « considérer... », etc., peuvent
avoir très régulièrement pour agent non seulement des entités relevant de la
catégorie de PERSONNE, mais encore ce que l’on pourrait appeler des personnes
SPECIFICATEURS ET STRUCTURES D’ARGUMENTS
169
morales ou des COLLECTIVITÉS, comme « La Société X », « le gouvernement »,
« le jury »...
Ces glissements sémantiques ne peuvent être traités comme de
simples phénomènes rhétoriques. Ils ne peuvent non plus être considérés
comme relevant des traits [+HUMAIN] et [+ANIMÉ] sans altérer la
définition de ces derniers.
2. 3 Les données que le premier arbre conceptuel ne peut
traiter
Considérons les exemples suivants (arguments 1 en caractères gras) :
1) Bad’ati l-wada l-’urubbiyya tanuru munu sana ’aw sanatayn fī ’inšā’i
quwwa ‘askariyya. L’UE a commencé depuis un an ou deux à envisager la
création d’une force militaire.
2) Kānati s-sayyāra l-lāiqa binā tuāwilu ’an tujāwizana. La voiture qui nous
suivait essayait de nous doubler.
3) Lā yazālu āsūbu l-marif ya‘malu ‘alā talīli l-mu‘āyāi l-jadīda.
L’ordinateur de la banque travaille toujours (ou encore) à l’analyse des
nouvelles données.
4) ’Ijtāati n-nāru l-āba bi-sur‘atin quswa. Le feu dévasta très rapidement la
forêt.
5) Min al-mutawaqqa‘ ’an yudrika l-’i‘āru l-muttajih nawa jazīrat jamāyikā
šawāi‘ahā masā’a l-ad. Le cyclone qui se dirige vers la Jamaïque devrait
atteindre les rivages de l’île demain soir.
6) Taallaba l-aabu ‘alā taawwufātī. La colère triompha de mes craintes.
7) Kānat ‘awāifī tunājīnī fa-tanaunī bi-’an ’ubādirahā l-adī. Mes
sentiments me conseillaient de lui (fém.) parler le premier. Mot-à-mot : « Mes
sentiments me parlaient en secret et me conseillaient... »
8) Laqad ‘ādat būrat nyū yurk abāa l-yawmi ’ilā l-ittijāhi nawa l-irtifā‘.
La bourse de New York revient ce matin à une orientation à la hausse. Mot-à-
mot : « est revenue ce matin... »
9) Satamīlu al-’azyā’u l-bārisiyya fī r-rabī‘i l-qādim ’ilā l-’alwāni r-raffāfa. La
mode parisienne penchera ce printemps pour des couleurs éclatantes.
10) Wa-lam ja‘ud yušā l-jawma ’an yuhaddida ’influwanzā d-dajaj ufūfa l-
muwāinīna l-miriyyīn. Il n’est plus à craindre aujourd’hui que la grippe
aviaire menace les citoyens égyptiens. Mot-à-mot : « les rangs des citoyens
égyptiens ».
11) Levez-vous vite, orages désirés... (Chateaubriand, René.) ’Ayyatuhā l-
‘awāifu l-mubtaātu ’asri‘ī wa-hubbī... Mot-à-mot de la traduction en arabe :
« Ô-nobles orages désirés, hâtez-vous et soufflez... »
12) Qad yanairuka (yaniruki) l-yawma liqā’un ‘āifiyy. Une rencontre
sentimentale vous attend peut-être aujourd’hui. « Vous » est au masculin ou au
féminin, selon le sexe du lecteur, les deux lectures étant supportées par l’écriture
non vocalisée.
J. DICHY 170
Si l’on se réfère à l’arbre de la figure 3, il est clair que l’on ne peut
rendre compte de tels exemples qu’en postulant un transfert de traits, dû à
des glissements sémantiques inscrits dans le lexique, et que les grandes
figures de la rhétorique permettent de décrire.18
Mais les phénomènes de
glissement sémantique enregistrés par le lexique ne doivent pas être
confondus avec des effets rhétoriques. Les exemples 11 et 12, ajoutés
pour la clarté de l’exposé, contrastent avec les dix autres. Ils relèvent de
processus rhétoriques non lexicalisés :
L’exemple 11 met en jeu la figure de personnification : c’est la construction à
l’impératif qui suppose que l’on s’adresse à un agent doué de volition, et non la
relation entre les traits associés au verbe et à ses arguments, comme dans les
exemples 1 à 10. Il en va de même dans l’exemple 12, emprunté à une rubrique
« horoscope », moins ampoulé, mais plus complexe à analyser. En raison du
double sens du verbe attendre en français comme en arabe moderne (La
directrice/une surprise vous attend ; tanairuka l-mudīra/mufāja’a – cf. anglais
wait for/await), la rencontre sentimentale est à la fois « une surprise » et une
personne : la personnification est ici l’une des deux faces d’une syllepse de sens.
Les autres exemples comportent des changements de catégorie
lexicale qui posent des problèmes à la définition des trois traits
fondamentaux considérés ici. En effet, les verbes naara fī, « examiner »,
« envisager » (ex. 1), ‘amala ‘alā, « travailler à » (ex. 3), ’ittajaha nawa,
« se diriger vers » (ex. 5 et 8), taallaba ‘alā, « triompher de » (ex. 6),
nājā, « parler en secret », naaa, « conseiller » (ex. 7), māla ’ilā,
« pencher pour » (ex. 9), haddada, « menacer » (ex. 10) ont un sens de
base qui suggère a priori un agent humain. Or ce n’est, à strictement
parler, le cas dans aucun de ces exemples. Tajāwaza, « doubler [une
voiture] » (ex. 2) suppose la présence d’un agent humain situé « à
l’intérieur » de celle-ci (symétriquement, à la fin de la phrase, nous
doubler suppose une voiture « englobante »).
2. 3. 1 La catégorie de COLLECTIVITÉ
Le sujet syntaxique du premier verbe de l’exemple 1 ci-dessus comporte
certains éléments définitoires du trait [+HUMAIN], bien qu’il ne réponde
pas entièrement à la description d’une entité humaine : Al-wada l-
’urubbiyya, « l’UE » (ex. 1) correspond à une COLLECTIVITÉ (qui serait
définie, dans un dictionnaire classique, comme « entité politique »), douée
d’intentionnalité [+INT] et de volition [+VOL] – mais non, par exemple,
des caractéristiques physiques et de l’ensemble des traits psychologiques
d’un être humain.
18
Cf. Le Guern (1972), Roman (1999 : 181-192 ; 2001 : 605-671).
SPECIFICATEURS ET STRUCTURES D’ARGUMENTS
171
Les glissements sémantiques lexicalisés de ce type sont
extrêmement fréquents dans la presse. Je prendrai donc un autre exemple,
dans lequel le nom de pays reçoit, parmi plusieurs autres sens possibles,
celui d’entité politique (voir ci-après § 3.1.1) :
13) Laqad ’a‘ādat mir ta’kīda l-tizāmihā bi-l-ifāi ‘alā l-’amni fī l-minaqa.
L’Égypte a réaffirmé son engagement en faveur de la sécurité dans la région.
On observe un héritage partiel des traits de la catégorie de
PERSONNE (qui correspond, dans l’arbre de la figure 3, à <<[+ANIMÉ],
[+HUMAIN]>, [+CONCRET]>) : les traits de volition et d’intentionnalité sont
retenus. Or, en raison de l’altération des traits <[+ANIMÉ], [+HUMAIN]>
dès lors qu’ils se trouvent associés au trait [-CONCRET], la catégorie de
COLLECTIVITÉ ne peut trouver sa place dans le premier arbre conceptuel.19
2. 3. 2 La catégorie de QUASI-ANIMÉ PERCEPTIBLE
L’ordinateur, āsūb (ex. 3), constitue un artefact complexe (§ 3.1.2), sur
lequel on projette, comme pour une voiture, un navire ou un avion, une
volition, projection qui notée conventionnellement par [+« VOL »], entre
guillemets de citation. La voiture (ex. 2) est toutefois un artefact d’un
autre type, doué d’un mouvement traité comme un mouvement propre,
projection qui sera également notée par des guillemets [+« MVT »]. Les
deux noms sont des QUASI-ANIMÉS PERCEPTIBLES, auxquels sont affectés
les traits [+« MVT »] / [+« VOL »], la barre oblique notant le « ou inclusif »
(« et/ou »).
Le feu (au sens d’incendie), nār, et le cyclone, ’i‘ār (ex. 4 et 5),
sont également des QUASI-ANIMÉS PERCEPTIBLES. Ils sont affectés des
traits [+« MVT »] et [+« VOL »], et ne correspondent pas, dans leur
définition, à des artefacts. Ces traits affectent de même les noms foule ou
armée, traités comme « déshumanisés », à la différence d’une équipe,
d’un groupe d’amis ou de l’armée, au sens d’entité politique ou sociale,
qui relèvent des COLLECTIVITÉS. La colère (aab) et les sentiments
(‘awāif – ex. 6 et 7) appartiennent également à la catégorie des QUASI-
ANIMÉS PERCEPTIBLES. Émotions et sentiments ont en effet pour propriété
d’être ressentis par le sujet qui en est le siège, et peuvent de ce fait lui
apparaître comme doués de mouvement (ce qui sera transcrit [+« MVT »],
s’agissant d’une projection), et de volition, notée également [+« VOL »].
Cette catégorie comporte donc un héritage partiel des traits
<<[+ANIMÉ], [-HUMAIN]>, [+CONCRET]>, à cette différence près avec la
19
La notion de COLLECTIVITÉ ne se confond pas avec celle de collectif, cruciale en arabe,
et qui sera envisagée dans un travail ultérieur.
J. DICHY 172
catégorie ANIMAL, qu’il ne s’agit pas d’êtres vivants appartenant au règne
animal, mais d’entités susceptibles d’être assimilées à ces derniers, en
raison d’une projection.
2. 3. 3 La catégorie de QUASI-ANIMÉ NON PERCEPTIBLE
Les exemples 8 (la bourse de New York), 9 (la mode parisienne) et 10 (la
pandémie de la grippe aviaire) portent sur ce que l’on peut appeler des
forces ou des QUASI-ANIMÉS NON PERCEPTIBLES, mais dont les effets
peuvent en contrepartie se faire sentir. Ils correspondent dans « l’arbre
étendu » à une extension de la catégorie <<[+ANIMÉ], [-HUMAIN]>, [-
CONCRET]> (fig. 5). Cette catégorie elle-même (partie supérieure de
l’arbre) ne connaît pas d’exemple : il faudrait imaginer un animal abstrait
– ce qui est virtuellement possible, mais n’a pas de pertinence lexicale
dans les deux langues étudiées (l’entité imaginée entrerait en effet dans la
catégorie des IDÉES OU EXPÉRIENCES NON PERCEPTIBLES).
On observe toutefois la projection sur certaines entités non
perceptibles du trait sémantique [+« MVT »], hérité du trait de base
[+ANIMÉ]. Si les entités de la catégorie ANIMAL sont douées de la capacité
de se mouvoir par elles-mêmes (motu proprio), les QUASI-ANIMÉS NON
PERCEPTIBLES apparaissent, quant à eux, doués de mouvement, mais non
de volition. Il y a donc transfert partiel du trait de mouvement (d’où la
notation [+« MVT »]).
2. 4 L’arbre conceptuel « étendu »
Les exemples 1 à 10 sont repris dans l’arbre « étendu » ci-dessous, dont
ils illustrent les catégories ajoutées à celles de l’arbre « restreint » :
SPECIFICATEURS ET STRUCTURES D’ARGUMENTS
173
CONCRET + —
ANIMÉ + — + —
HUMAIN + — + — + — + —
1 2 3 4 5 6 7 8
CATÉGORIES LEXICALES ENGENDRÉES PAR LES TRAITS STRICTO SENSU
PERSONNE
[+INT],
[+VOL],
[+MVT]
ANIMAL
[+«VOL»],
[+MVT]
ø CHOSE OU
PHÉNOMÈNE
PERCEPTIBLE
ø ø ø IDÉE OU
EXPÉRIENCE NON
PHYSIQUE
E x e m p l e s e n l a n g u e f r a n ç a i s e
• Marie,Paul
• ange,
fantôme,
déesse,
djinn
• chien
ø
• chaise,
colline
• lumière,
goût
son, parole,
odeur
ø ø ø • existence,
intelligence,
vérité
• apprentissage,
oubli
E x e m p l e s e n l a n g u e a r a b e
• Hind, Zayd
• malāk,
šaba,’ilāha
jinniyy
• kalb
ø
• kursiyy, tall
• nr, awq,
awt, kalām,
rā’ia
ø ø ø • wuūd, akā’ binya
aqīqa
• ta‘allum,
nisyān
2’ 5’ 6’
CHANGEMENT DE CATÉGORIE LEXICALE AVEC HÉRITAGE PARTIEL ET TRANSFERT DE TRAITS ø QUASI-ANIMÉ
PERCEPTIBLE
[+«MVT »] /
[+«VOL»]
ø ø COLLEC-
TIVITÉ
[+INT],
[+VOL]
QUASI-ANI-
MÉ NON
PERCEP-
TIBLE
[+«VOL»],
[+«MVT»]
ø ø
E x e m p l e s e n l a n g u e f r a n ç a i s e
ø • voiture, avion
• ordinateur
• feu, cyclone
• foule, armée
• peur, colère
ø
ø • l’UE,
la Syrie,
• l’UNES-
CO
• le jury
• la bourse
de New-
York,
la mode
• épidémie
ø ø
E x e m p l e s e n l a n g u e a r a b e
ø • sayyāra,
ā’ira
• āsūb
• nār, ’i‘ār
• ašd, jayš
• awf, aab
ø
ø • al-wada
l-’ūrub-
biyya
sūriya
• l-yūnīscū
• al-lajna
• būrat
nyū yurk,
al-’azyā’
•al-waba’
ø ø
Figure 5 : Arbre « étendu » des trois notions (au sens large) et des catégories engendrées
J. DICHY 174
3 Catégories lexicales engendrées à partir des trois
traits fondamentaux et schémas d’arguments des
verbes
Il va de soi que d’autres contraintes de sélection et de sous-catégorisation
existent. Sinclair (1991 : 81-91), par exemple, présente les relations
lexique-grammaire à partir de syntagmes nominaux en anglais. La
démarche développée dans ce travail s’inscrit pour bonne part dans le
paradigme de la compositionnalité du sens, illustré par Wierzbicka20
,
auquel on peut également rattacher Mel’uk et le Dictionnaire explicatif
et combinatoire du français. Elle permet, dans le cadre théorique esquissé
ici, de montrer, en écho à la question posée en introduction, comment
l’arbre conceptuel « étendu » des trois notions [±CONCRET], [±ANIMÉ] et
[±HUMAIN] ajoute de nouvelles catégories qui reflètent – dans le domaine
délimité par ces traits fondamentaux – l’ontologie qui se dégage du
lexique du français et de l’arabe. Cette extension débouche sur la
proposition d’un jeu de P-spécificateurs qui sont à la fois :
1. en inventaire fini, correspondant aux « feuilles terminales » des
arbres conceptuels « restreint » et « étendu »), et
2. exhaustifs, l’ontologie ainsi définie recouvrant l’ensemble des
« possibles linguistiques » à ce niveau d’analyse.
Considérons, pour expliciter ces deux points, la manière dont les
catégories de l’arbre « étendu » permettent à la fois de préciser les
analyses lexicales (définitions et relations syntactico-sémantiques
associées), et de soumettre les P-spécificateurs à la contrainte formelle de
la finitude des inventaires (§ 3.1). L’interprétation générale qui peut être
donnée aux phénomènes lexico-sémantiques observés et à l’extension des
traits et des catégories sera présentée en conclusion (§ 3.2).
3. 1 Les spécificateurs de sélection des arguments associés
aux verbes
Pris au sens strict, les traits [±CONCRET], [±ANIMÉ] et [±HUMAIN]
n’engendrent que les catégories de PERSONNE, d’ANIMAL, de CHOSE OU
PHÉNOMÈNE PERCEPTIBLE et d’IDÉE OU EXPÉRIENCE NON PHYSIQUE. Quatre
20
Voir dans Béjoint (2000 : 7.1.1.2) une critique de l’approche, basée sur la collocation,
de J. Sinclair, et, en conclusion, une réflexion sur l’usage que peut faire le lexicographe
de la compositionnalité du sens (cf. également la démarche « relationnelle » en
terminologie présentée dans Béjoint et Thoiron, 1997).
SPECIFICATEURS ET STRUCTURES D’ARGUMENTS
175
des huit « feuilles terminales » de l’arbre construit à partir de ces traits
demeurent sans instanciation correspondant à une catégorie lexico-
sémantique pertinente. Dans l’arbre « étendu », trois catégories viennent
s’ajouter aux quatre premières :
1. la catégorie des QUASI-ANIMÉS PERCEPTIBLES prolonge celle
d’ANIMAL.
2. les catégories de COLLECTIVITÉ et de QUASI-ANIMÉ NON
PERCEPTIBLE actualisent, pour leur part, des « feuilles
terminales » non instanciées de l’arbre contextuel « restreint ».
A chacune des sept catégories obtenues correspondent des P-
spécificateurs qui s’associent aux unités du lexique, en tant que traits
inhérents pour les noms, et de traits de sélection pour les verbes. Ces
spécificateurs permettent de « gérer » les relations lexique-grammaire
entre le verbe et ses arguments, en cohérence avec d’autres traits
purement syntaxiques (intransitivité, transitivité « directe » ou avec
complément prépositionnel, structures syntaxiques des compléments
correspondant à des subordonnées complétives, etc.). Mais ils offrent,
complémentairement, la possibilité de préciser le sens lexical des noms.
Comment dès lors limiter l’inventaire des sous-catégories, correspondant
dans l’arbre « étendu » aux exemples-types précédés d’un « », et dont le
développement paraît devoir se ramifier à l’infini ? Deux exemples
illustreront la démarche qui consiste à enrichir les définitions
lexicographiques en les affinant, et en même temps, à soumettre les
inventaires de P-spécificateurs à la contrainte formelle de finitude.
3. 1. 1 Les noms de pays ou de groupe de pays
Le premier exemple porte sur un domaine d’application de la catégorie de
COLLECTIVITÉ (cf. ex. 1 et 13 ci-dessus) :
Les noms de pays (Syrie, Égypte, France, Allemagne) ou de groupe de pays
(Maghreb, Europe), peuvent notamment désigner, selon le cas :
(1) une entité géographique, ex. : la carte du Maghreb, de l’Allemagne, ou la
population de l’Égypte ;
(2) une population (peuple ou ensemble de peuples) associée à un territoire, ex. :
La France a voté en masse, ou l’Amérique (au sens des États-Unis) fête son
indépendance le 4 juillet ;
(3) une entité politique correspondant à une nation, un peuple, un territoire, un
État, une union d’États, etc.,21
ex. : l’Afrique du Sud, la Grande-Bretagne, mais
21
Cette valeur sémantique mériterait, d’un point de vue lexicographique, d’être affinée et
subdivisée (voir ma contribution à l’étude de ce champ sémantique dans plusieurs
dictionnaires arabes – 2001b). Mais une telle analyse s’écarterait de notre propos.
J. DICHY 176
également l’Union du Maghreb arabe ou l’Afrique, au sens de l’Organisation
de l’Unité africaine ;
(4) une idée politique ou une institution politique en projet, ex. : l’Europe, au
sens de « l’Europe en construction », le Monde arabe, au sens de « l’unité
arabe » ;
(5) une entité historique, exemples récents : l’Empire ottoman, l’Autriche-
Hongrie, la Yougoslavie, l’Union soviétique ; exemples anciens : l’Empire
romain, Akkad, Carthage... Selon le cas, et en fonction de la période considérée,
les entités historiques peuvent correspondre à un ou plusieurs des sens (1) à (4),
et être dénotées par un simple nom de pays.
L’ensemble de ces valeurs sémantiques n’est bien entendu pas nécessairement
réuni pour chaque nom de pays ou de groupe de pays : le Kurdistan correspond,
à la date d’aujourd’hui, soit à (1), soit à (4), mais non par exemple à (3) : Israël
peut prendre, selon le sens sélectionné (en fonction du contexte, de l’époque
historique, etc.) chacune des cinq valeurs ci-dessus ; il en va de même pour la
Palestine.
Le spécificateur de COLLECTIVITÉ ne s’applique, bien évidemment,
qu’à un sous-ensemble des noms de pays ou de groupe de pays : ceux-ci
doivent, pour relever de cette catégorie, correspondre à l’une au moins des
valeurs (2) ou (3) ci-dessus, qui lui confèrent la possibilité d’acquérir en
contexte les traits d’intentionnalité et de volition. La valeur sémantique
(4) relève des IDÉES OU EXPÉRIENCES NON PHYSIQUES. Les sept catégories
engendrées par l’arbre « étendu » de la figure 5 aident ainsi à clarifier les
définitions lexicographiques, sans que l’on se trouve contrait d’ajouter de
nouveaux spécificateurs.
3. 1. 2 Les artefacts
Le deuxième exemple concerne une sous-catégorie de noms relevant des
QUASI-ANIMÉS PERCEPTIBLES, les artefacts. Du point de vue des
collocations, les artefacts présentent une propriété lexicale remarquable :
leur caractère téléologique les conduit à sélectionner, parmi les verbes
dont ils peuvent être l’argument 1, ceux qui correspondent à la fonction
qu’ils ont été construits ou réalisés pour remplir :
14) La voiture démarra, ’intalaqati s-sayyāra.
15) Le poème de Baudelaire nous parle de... Tuaddiunā qaīdatu būdlīr ‘an...
16) Yataarraqu fīlm yūsuf šāhīn ‘ilā mawādī‘ falsafiyya wa-tārīiyya fī ’ānin
ma‘an. Le film de Youssef Chahine traite de sujets à la fois philosophiques et
historiques.
17) Les données confirment que..., tu’akkidu l-mu‘ayāt ’anna...
Les exemples abondent, encore qu’ils ne soient pas toujours de
structure aussi parallèle dans les deux langues que ceux qui viennent
d’être cités – il s’en faut de beaucoup. De tels énoncés sont souvent traités
comme relevant de figures de rhétorique (14 est très fréquemment cité à
SPECIFICATEURS ET STRUCTURES D’ARGUMENTS
177
cet effet). Or cette description n’en reflète que très partiellement la
structure. Ainsi, l’emploi de nous dans La voiture qui nous suivait (ex. 2)
se laisse étiqueter sans grande difficulté comme synecdoque, mais cette
étiquette n’explique pas le caractère extrêmement récurrent de la figure
avec ce nom. La sous-catégorie lexicale d’artefact permet d’aller
nettement plus loin dans l’explication en observant que voiture a pour
fonction de transporter des personnes « à l’intérieur ». De même, dans 15
et 16, les produits de l’expression artistique sont traités comme « faits
pour » traiter des sujets, ou pour parler au lecteur ou au spectateur : il
s’agit dans ce cas d’une téléologie projetée sur le travail de l’artiste.
L’exemple 17, enfin, permet de voir que l’artefact peut être un résultat
que l’on peut lire ou entendre, et non plus seulement un objet ou un outil.
Dans tous les exemples de ce type, le verbe sélectionné décrit la fonction
téléologique de l’artefact : les voitures démarrent ou s’arrêtent, les
marteau-piqueurs défoncent les chaussées, les ordinateurs calculent ou
communiquent, les horloges indiquent l’heure, les stylos écrivent, ou
refusent d’écrire... Il s’agit bien d’une propriété lexicale, et non d’un
usage rhétorique. Or une telle propriété ne peut pas être décrite par des
spécificateurs d’inventaire limité : les objets valeurs et les artefacts qui
nous entourent ont tous des fonctions différentes (comme le groom ou la
clé de Berlin, décrits par Bruno Latour). La difficulté de traduire de
nombreux exemples d’une langue dans l’autre indique en outre qu’il s’agit
bien de collocations linguistiques et non de relations exclusivement
métonymiques. Nous sommes donc ici clairement dans le domaine des
définitions lexicographiques et des collocations, et non des spécificateurs.
On notera en revanche que les verbes associés aux artefacts sont affectés
d’un même P-spécificateur : nous avons vu qu’ils relevaient de
l’inventaire des verbes qui admettent un 1er
argument QUASI-ANIMÉ
PERCEPTIBLE.
Mais le principal intérêt des artefacts, pour notre propos, réside
dans une précision apportée à la définition du P-spécificateur des QUASI-
ANIMÉS PERCEPTIBLES : cette notion permet d’expliquer le fait que les
entités appartenant à cette catégorie peuvent être traités comme s’il étaient
doués de mouvement et/ou d’une volition (dépourvue d’intentionnalité),
ce qui a été noté ci-dessus comme [+« MVT »] / [+« VOL »], exemples :
L’ordinateur (ex. 3) est traité comme doué d’une volition, mais non de
mouvement ([+« VOL »]), [-« MVT »]), alors que la voiture (ex. 2) est considérée
comme douée de l’un et de l’autre ([+« VOL »]), [+« MVT »]). Le poème de
Baudelaire (15), le film de Youssef Chahine (16) et les données (17),
apparaissent, comme l’ordinateur, dénués de mouvement. Or seule la voiture est
un artefact « fait pour » entrer en mouvement, les autres entités n’incluant pas ce
dernier trait dans leurs fonctions.
J. DICHY 178
Comme pour les noms de pays ou de groupes de pays, l’analyse de
la sous-catégorie des artefacts permet à la fois de préciser la définition du
P-spécificateur catégoriel correspondant et d’éclairer le travail
lexicographique, en montrant la différence entre ces deux tâches, qui
passe par le « rasoir d’Occam» de la contrainte formelle de finitude des
inventaires.
3. 2 Le domaine sémantique des catégories engendrées par
l’arbre conceptuel « étendu »
Comment, enfin, s’interprète le développement allant de l’ontologie
« restreinte » du premier arbre conceptuel à celle « étendue », du second ?
Une première catégorie apparaissant dans l’arbre « étendu »
correspond à l’association du trait [-CONCRET] avec la combinaison
<[+ANIMÉ], [+HUMAIN]> : la catégorie de COLLECTIVITÉ ne conserve,
parmi les traits affectant les noms de PERSONNE, que l’intentionnalité et la
volition.
Les deux autres catégories d’extension de l’arbre conceptuel
dérivent, différemment, des traits <[+ANIMÉ], [-HUMAIN]> : ce sont les
QUASI-ANIMÉS PERCEPTIBLES (de trait [+CONCRET]), et NON PERCEPTIBLES
(de trait [-CONCRET]). Aux noms qui les dénotent se trouvent ajoutés des
traits empruntés à la catégorie ANIMAL, mais avec un transfert dont la
nature est métaphorique : le mouvement demeure présent dans les
catégories de QUASI-ANIMÉS engendrées par l’arbre « étendu », mais le
nom inclus dans ces dernières ne désigne plus – à la différence de
l’ANIMAL – qu’une entité dépourvue de capacité de mouvement propre
([+« MVT »]). De même que chez l’ANIMAL, en revanche, le mouvement
est corrélé à une forme de volition ([+« VOL »]) dépourvue
d’intentionnalité.
Ainsi, si la catégorie de COLLECTIVITÉ inclut une réduction des
traits associés aux PERSONNES, celles des QUASI ANIMÉS PERCEPTIBLES et
NON PERCEPTIBLES procédent de la catégorie ANIMAL, dont les traits sont
empruntés, partiellement transférés et étendus. Le domaine sémantique
dans lequel se produit l’extension sémantique de l’arbre conceptuel des
notions de [±CONCRET], [±ANIMÉ] et [±HUMAIN] n’est donc pas celui de la
personnification, comme on s’y serait de prime abord attendu, compte
tenu notamment de la prégnance en arabe du trait [±HUMAIN], mais celui
de l’animéité. Dans les deux langues considérées, l’arabe et le français,
d’importants transferts lexico-sémantiques s’opèrent en attribuant aux
choses ou aux phénomènes une forme de volition et un mouvement
empruntés à l’ANIMAL. Le langage nous propose ainsi une ontologie
SPECIFICATEURS ET STRUCTURES D’ARGUMENTS
179
archaïque, moins sèche et plus vivante que celle que nous aurions
spontanément imaginée.
Références Abbès, R. (2004), La Conception et la réalisation d’un concordancier électronique pour
l’arabe. Thèse de doctorat en sciences de l’information, Lyon, ENSSIB/INSA.
Abbès, R, Dichy, J. et Hassoun, M. (2004), The architecture of a Standard Arabic lexical
database: some figures, ratios and categories from the DIINAR.1 source program,
in Proceedings of the Workshop on Computational Approaches to Arabic Script-
based Languages – COLING 2004, p. 15-22.
Beesley, K. et Karttunen, L. (2003), Finite State Morphology, Stanford (California),
CSLI Publications.
Béjoint, H. (2000), Modern Lexicography: An Introduction, Oxford University Press (1e
éd., 1994).
Béjoint, H. et Thoiron, Ph. (1997), Modèle relationnel, définition et dénomination, in
C. Boisson et Ph. Thoiron (dirs), Autour de la dénomination, Presses Universitaires
de Lyon, p. 187-204.
Braham, A. et Ghazali, S. (1998), Qā‘idatu l-bayānāt al-mu‘jamiyya al-‘arabiyya, ’aw
mašrū‘ Mu‘jam al-‘Arabiyya l-’āliyy, “Ma‘ālī-DIINAR”, aīla wa-’āfāq, Al-
Majalla l-’Arabiyya li-l-’ulūm, n° 32, déc. 1998, p. 14-23.
Chomsky, N. (1972), Studies on Semantics in Generative Grammar, La Haye, Mouton ;
trad. fr. Questions de sémantique, Paris, Le Seuil, 1975.
Desclés, J.-P. (1989), State, event, process and typology, General Linguistics, 29, 3,
p. 159-200.
Desclés, J.-P. (1997), Système d’exploration contextuelle, in Guimier, Cl. (dir.), Co-texte
et calcul du sens, Presses universitaires de Caen, p. 251-232.
Desclés, J.-P. (dir.) (1983), [H. Abaab, J.-P. Desclés, J. Dichy, D.E. Kouloughli, M.S.
Ziadah], Conception d’un synthétiseur et d’un analyseur morphologiques de
l’arabe, en vue d’une utilisation en Enseignement assisté par Ordinateur, Rapport
rédigé à la demande du Ministère des Affaires étrangères.
Desclés, J.-P., Maire-Reppert, D., Oh, H.-G. et Berri, J. (1994), Traitement automatique
des langues (TAL), 35, 1, p. 83-105.
Dichy, J. (1984), Vers un modèle d’analyse automatique du mot graphique non-vocalisé
en arabe, in Dichy et Hassoun (dirs), 1989, p. 92-158.
Dichy, J. (1987), The SAMIA Research Program, Year Four, Progress and Prospects,
Processing Arabic Report 2, T.C.M.O., Nijmegen University, p. 1-26.
Dichy, J. (1990), L’Écriture dans la représentation de la langue : la lettre et le mot en
arabe. Thèse d’État, Université Lumière-Lyon 2.
Dichy, J. (1997), Pour une lexicomatique de l’arabe : l’unité lexicale simple et
l’inventaire fini des spécificateurs du domaine du mot, Meta 42, p. 291-306.
Dichy, J. (2000), Morphosyntactic Specifiers to be associated to Arabic Lexical Entries –
Methodological and Theoretical Aspects, Proceedings of ACIDA’ 2000 (Monastir,
Tunisia, 22-24 March 2000), Corpora and Natural Language Processing volume,
p. 55-60.
Dichy, J. (2001a), Une première classification des verbes arabes en fonction de leurs
traits morphosyntaxiques, dans A. Fassi-Fehri (dir.), Actes du colloque
international Génération, Systématique de la langue et Traduction automatique
J. DICHY 180
(Rabat, 15-17 novembre 1999), n° spécial de Recherches Linguistiques, Rabat :
IERA, mai 2001, 2 tomes. Vol. 2, p. 39-70.
Dichy, J. (2001b), La néologie stratifiée de l’arabe, fidélité contradictoire du lexique à sa
mémoire, à partir du champ sémantique peuple-patrie-nation, in L’Arabisant,
35, numéro spécial en l'honneur d’André Miquel, Paris, Association française
des Arabisants (AFDA), p. 30-41.
Dichy, J., Braham, A., Ghazali, S. et Hassoun, M. (2002), La base de connaissances
linguistiques DIINAR.1 (DIctionnaire INformatisé de l’Arabe, version 1), in A.
Braham, éd., Colloque international sur le traitement automatique de l’arabe –
Proceedings of the International Symposium on The Processing of Arabic (Avril
18-20, 2002). Université de la Manouba, Tunis.
Dichy, J. et Hassoun, M. (dirs) (1989), Simulation de modèles linguistiques et
Enseignement Assisté par Ordinateur de l’arabe - Travaux SAMIA I, Paris,
Conseil International de la Langue Française.
Dichy, J. et Hassoun, M. (1998), Some aspects of the DIINAR-MBC research
programme, in A. Ubaydly, ed., Proceedings of the 6th International
Conference and Exhibition on Multilingual Computing (ICEMCO 98), Centre of
Middle Eastern Studies, University of Cambridge, p. 2.8.1-6.
Dubois, J., Giacomo, M., Guespin, L., Marcellesi, C., Marcellesi, J.-P. et Mével J.-P.
(2001), Dictionnaire de linguistique, Paris, Larousse (1e éd. 1994).
Ezzahid, S. (1996), Méthodologie d’élaboration d’une base de données lexicales de
l’arabe (vocabulaire général) d’après la théorie Sens-Texte d’Igor Mel’uk.
Thèse de doctorat, Université Lyon 2.
Fassi-Fehri, A. (1986), Al-mu‘jam al-‘arabī, Casablanca, éditions Tubqâl.
Fassi-Fehri, A. (1993), Issues in the Structure of Arabic Clauses and Words, Dortrecht
(Pays-Bas), Kluwer Academic Publishers.
Franjié, L. (2003). Étude sémantique et traductologique de verbes arabes dans les
dictionnaires bilingues : le Larousse (arabe-français) et le H. Wehr (arabe-
anglais), Thèse de doctorat, Université Lyon 2.
Ghenima, M. (1998), Analyse morpho-syntaxique en vue de la voyellation assistée par
ordinateur des textes écrits en arabe. Thèse de doctorat, ENSSIB/Université
Lyon 2.
Hassoun, M. (1987), Conception d’un dictionnaire pour le traitement automatique de
l’arabe dans différents contextes d’application. Thèse d’État, Université
Lyon 1.
Le Guern, M. (1972), Sémantique de la métaphore et de la métonymie, Paris, Larousse.
Lelubre, X. (2001), A Scientific Arabic Terms Data Base: Linguistic Approach for a
Representation of Lexical and Terminological Features, in ACL 39th
Annual
Meeting. Workshop on Arabic Language Processing, Status and Prospect,
Toulouse, p. 66-72.
Lyons, J. (1978/90), Semantics II, Cambridge University Press, Traduction française J.
Durand et D. Boulonnais, Sémantique linguistique, Paris, Larousse, 1990.
Mel’uk, I. (1982), Towards a Language of Linguistics, A System of Formal Notions for
Theoretical Morphology, München, Wilhem Fink Verlag.
Mel’uk, I. et al. (1984), Dictionnaire explicatif et combinatoire du français
contemporain. Recherches lexico-sémantiques I, Presses de l’Université de
Montréal.
Mel’uk I., Clas, A. et Polguère, A. (1995), Introduction à la lexicologie explicative et
combinatoire, Louvain-la-Neuve, Duculot.
SPECIFICATEURS ET STRUCTURES D’ARGUMENTS
181
Minko Mi-Nsémé, S.A. (2003), Modélisation des expressions figées en arabe en vue de
la constitution d’une base de données lexicale. Thèse de doctorat, Université
Lyon 2.
Ouersighni, R. (2001), A major offshoot of the DIINAR-MBC project: AraParse, a
morpho-syntactic analyzer of unvowelled Arabic texts, in ACL 39th
Annual
Meeting, Workshop on Arabic Language Processing : Status and Prospect,
Toulouse, p. 66-72.
Ouersighni, R. (2002), La conception et la réalisation d’un système d’analyse morpho-
syntaxique robuste pour l’arabe : utilisation pour la détection et le diagnostic
des fautes d’accord. Thèse de doctorat, ENSSIB/Université Lyon 2.
Picoche, J. (1977), Précis de lexicologie française, Paris, Nathan.
Pottier, B. (1992), Théorie et analyse en linguistique, Paris, Hachette (2e édition).
Roman, A. (1999), La Création lexicale en arabe. Ressources et limites du sytème de
nomination dans une langue humaine naturelle, Lyon, Presses Universitaires de
Lyon (coll. “Etudes arabes”).
Roman, A. (2001), Systématique de la langue arabe, Kaslik (Liban), Université Saint-
Esprit de Kaslik, Liban, 2. vol.
Sinclair, J. (dir.) (1990), COBUILD English Grammar, London, Collins.
Sinclair, J. (1991), Corpus, Concordance, Collocation, Oxford, Oxford University Press.
Tesnière, L. (1959/1966), Éléments de syntaxe structurale, Paris, Klincksieck (1e éd.
1959).
Thoiron, Ph. (1994), La Terminologie multilingue : une aide à la maîtrise des concepts,
in Hommage à Bernard Quémada : Termes et textes, n° spécial de Méta, 39, 4,
p. 765-773.
Zaafrani, R. (2002), Développement d’un environnement interactif d’apprentissage avec
ordinateur de l’arabe langue étrangère. Thèse de doctorat, ENSSIB/Université
Lyon 2.
Top Related