UNIVERSITÉ DE LIMOGES
FACULTÉ DE DROIT ET DES SCIENCES ÉCONOMIQUES DE LIMOGES
PROGRAMME UNIVERSITÉ PAR SATELLITE
AGENCE UNIVERSITAIRE DE LA FRANCOPHONIE (AUF)
MASTER DROIT INTERNATIONAL ET COMPARÉ DE L’ENVIRONNEMENT
Formation à distance, Campus Numérique « ENVIDROIT »
TITRE DU MÉMOIRE :
LE MECANISME DE CONTRÔLE
DU DROIT INTERNATIONAL DE L’ENVIRONNEMENT
Mémoire présenté par Seydou
Abdoulaye TRAORE
Sous la direction de M. le Professeur Stéphane
DOUMBE-BILLE
1
AOUT /
2008
SOMMAIRE
INTRODUCTION
Page.........
PREMIERE PARTIE : Nécessité des Mécanismes de Contrôle
Page…….
CHAPITRE I : Les limites du Droit International Général Page…
CHAPITRE II : Les causes d’inadaptation du Droit International
Page……
2
DEUXIEME PARTIE : Fonctionnement des Mécanismes de contrôle
Page……
CHAPITRE I : Les sujets des mécanismes de contrôle
Page…
CHAPITRE II : La procédure Page…..
CONCLUSION
Page….
INTRODUCTION
Le droit international de l’environnement connait de sérieuses
insuffisances1dû entres autres à son remarquable développement
ainsi qu’à l’aggravation rapide des problèmes environnementaux
dont font régulièrement état les rapports sur l’environnement.
1 Sandrine Maljean Dubois chargé de recherche au CNRS, dans « L’enjeu du contrôle dans le droit international de l’environnement en général et dans le Protocole de Kyoto en particulier »
3
En effet force est de reconnaitre que relativement jeune, la
matière est foisonnante : plus de 500 traités multilatéraux,
bien plus de traités bilatéraux, des milliers de résolutions,
déclarations et programmes d’action. Aujourd’hui, en faisant
abstraction des traités bilatéraux, encore bien plus abondants,
plus de cinq cents traités multilatéraux, pour l’essentiel
régionaux, ont été adoptés dans le domaine de l’environnement.
Plus de trois cents ont été négociés après 1972. La voie
conventionnelle a permis de formaliser, secteur après secteur,
domaine après domaine, des régimes internationaux,
institutionnalisés, organisés et soutenus par des engagements
financiers.
Cependant ce foisonnement conventionnel présente certains
risques, poussés par divers facteurs, les Etats multiplient les
engagements sans parvenir à les respecter, encore moins à
assurer la garantie de leur mise en œuvre particulièrement
difficile pour les pays en voie de développement à faible
capacités tant financières qu’institutionnelles.
De plus, les espaces conventionnels ne sont pas hiérarchisés,
sauf de très rares exceptions comme les systèmes constitués par
une convention-cadre et ses protocoles additionnels.
Peu reliés entre eux, ils n’offrent pas non plus l’image d’un
réseau, mais davantage celle d’une juxtaposition d’espaces
parallèles. Les espoirs exprimés en 1992 dans Action 21
(chapitre 38) sont déçus de ce point de vue. Comme le résume
une résolution de l’Institut2 du droit international de 1997 le
2 Justitia et Pace Institut de Droit International, Session de Strasbourg – 1997 Procédures d’adoption et de mise en œuvre des règles en matière
4
développement du droit international de l’environnement s’est
effectué d’une manière non coordonnée, se traduisant par des
doubles emplois, des incohérences et des lacunes.
En outre, il convient de signaler l’aggravation rapide des
problèmes environnementaux dont font régulièrement état les
rapports sur l’environnement.
Que les sources en soient publiques ou privées, régionaux ou
mondiaux, de nombreux et volumineux rapports témoignent
régulièrement de la dégradation continue de l’état de
l’environnement. A l’entrée du XXIe siècle, les changements
environnementaux revêtent une gravité toute particulière et
présentent à plusieurs égards des risques d’irréversibilité. Le
dernier bilan environnemental publié par un programme3 des
nations unis pour l’environnement conclut la poursuite de la
déforestation et de la diminution de la diversité biologique.
Un rythme sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Selon
ce rapport, le rythme accéléré du changement et le degré
d’interaction entre les régions et entre les problèmes font
qu’il est plus difficile que jamais de regarder l’avenir avec
confiance.
Le rapport de la Banque mondiale sur le développement dans le
monde pour 2003 constatait que les cinquante prochaines années
pourraient voir la population mondiale croitre de 50 % pour
atteindre 9 milliards de personnes et le produit intérieur brutd’environnement (Huitième Commission, Rapporteur : M. Felipe Paolillo)3 Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE). 2002.. L'avenir de l'environnement mondial 3. GEO-3. Le passé, le présent et les perspectives d'avenir. Bruxelles, de boeck. 445 pages.
5
quadrupler pour atteindre 140 milliards de dollars, cette
croissance risquant, par son expansion inconsidérée et sa
répartition inégale, de susciter des tensions sociales et
environnementales menaçant les efforts de développement et les
conditions de vie.
Depuis plus d’une trentaine d’années, l’outil juridique est
sollicité pour protéger l’environnement, et tout
particulièrement le droit international, dès lors le contrôle
de sa mise en œuvre devient un enjeu majeur pour l’avenir.
Or le renforcement des mécanismes de contrôle du respect, et de
la sanction du non-respect est très généralement analysé comme
un facteur conduisant à améliorer l’effectivité des conventions
internationales de protection de l’environnement. Pour la
doctrine, comme pour les praticiens, le contrôle représente un
véritable enjeu.
Pour ma part, l’élaboration et l’adoption des mécanismes de
contrôle du droit international de l’environnement sont
intervenues à la suite de l’insuffisance des instruments
utilisés par le droit international général.
En effet, les rapports périodiques peuvent être utiles à la
fonction du contrôle seulement si trois conditions précises
sont respectées :
-Il est, premièrement, nécessaire que les Etats présentent
leurs rapports périodiques sur l’état d’avancement de leur
travail de mise en œuvre, à défaut de quoi, il s'avère
impossible de tenter un quelconque contrôle.
6
-Deuxièmement, il est nécessaire de prévoir un contrôle sur le
fondement des renseignements donnés dans les rapports.
-Troisièmement et surtout dans l’éventualité d’un rapport qui
révèle un non-respect, il est nécessaire que la réaction
adoptée puisse avoir la force de contraindre l’Etat défaillant
à remplir ses obligations.
Malheureusement, ceci n’est pas le cas dans les systèmes de
rapports puisque, normalement, les Etats sont réticents à les
présenter. En outre, aucun contrôle strict n'est prévu et,
surtout, les réactions possibles sont adoptées par le biais de
résolutions, qui n’ont pas une force juridique contraignante
pour l’Etat destinataire.
C’est ainsi qu’on peut être amené à s’interroger sur la nature
même des mécanismes de contrôle du droit international de
l’environnement, voulant savoir s’ils jouent plutôt un rôle
préventif, se plaçant antérieurement aux différends ou si au
contraire ils assurent à postériori la gestion des litiges nés
de la violation des engagements environnementaux.
Ce qui est sûr, en adoptant les mécanismes de contrôle,
désormais plus que jamais nécessaires (Première partie), les
problèmes dus aux limites du droit international général
(Chapitre premier) soulignées plus haut et relatives au non
respect des obligations environnementales (Section I), à leur
violation (Section II) ainsi qu’au large concept de contrôle
international (Section III), et provoquées par des facteurs
d’inadaptation (Chapitre deuxième) juridiques (Section I)
7
politiques (Section II) et de particularité environnementale
(Section III), trouvent enfin une solution.
En effet à l’heure où les mécanismes de contrôle font leurs
premiers pas, plusieurs questions se posaient quand à leur
fonctionnement (Deuxième partie) avec un regard
pluridisciplinaire.
Il s’agit d’une part, de la qualité des sujets (Chapitre
premier) qui peuvent être institutionnels (Section I),
conventionnels (Section II), organisationnels et individuels
(Section III), et d’autre part, de la procédure (Chapitre
deuxième), de ses caractéristiques (Section I), des pouvoirs et
droit accordés à l’Etat défaillant (Section II), et enfin du
caractère des mesures applicables (Section III).
Si selon certains, il est souvent considéré pour partie, comme
responsable de la crise environnementale, le droit se présente
aussi comme un des principaux moyens d’y faire face.
PREMIERE PARTIE : Nécessité des Mécanismes de Contrôle
Le droit international général offre aux Etats, dans
le cas où une obligation n’est pas respectée par un autre Etat,
la possibilité de recourir, par le biais des systèmes de
règlement des différends, au droit de la responsabilité
internationale4 et aux moyens offerts par la Convention de
Vienne5, de 1969, sur le droit de traités. Aussi le premier4 Ainsi qu’élaborée dans le Projet d’article de la Commission du droit international, adopté par l’Assemblée Générale des Nations Unies à sa cinquante-sixième session en 20015 Voir en particulier l’article 60 de la convention de Vienne du 23mai 1969, entrée en vigueur le 27 janvier 1980.Nations Unies, Recueil des Traités, vol.1155, p. 331
8
chapitre évoquera les limites du droit international général
par une analyse comparative des deux systèmes à travers les
notions de non respect d’obligation environnementale prévu et
utilisé par le système à l’étude (Section I), de violation
telle que définie par les règles de la responsabilité
internationale et par le droit des traités (Section II), et de
large concept de contrôle international (Section III).
CHAPITRE I : Les limites du Droit International Général
Section I. Non respect d’une obligation environnementale
Paragraphe 1 : Selon les systèmes classiques
A partir du milieu des années 70, la coopération
s’institutionnalise et des techniques de contrôle variées sont
expérimentées, s’inspirant à certains égards du secteur des
droits de l’homme. La plus utilisée de ces techniques même si
elle rencontre d’importantes limites, est sans conteste le
système des rapports et c’est aussi la technique employée, hors
du cadre conventionnel, par la Commission du développement
durable pour évaluer la mise en œuvre d’Action 21.
En effet ces mécanismes ont montré assez souvent leur limites,
ainsi il ressort de la résolution de la Commission des droits
de l’homme 2000/75, de l’ONU, que les Eétats tardent à remettre
leur rapport (plus de 30% des Etats sont en retard et certains
même de plus de 15 ans), et que les comités mettent beaucoup de
9
temps à examiner chaque rapport (le CRC : 22,3 mois pour
l’examen des rapports; le CEDAW : 23,25 mois; le CDH : 12 mois;
le CDESC : 15,5 mois; le CAT : 19 mois).
Pire, c’est la qualité et la pertinence des observations qui
sont en cause car les experts ne connaissent pas bien la
situation des pays et ne savent pas ce qui est important et
secondaire (Par exemple, le comité des droits de l’homme écarte
le juge de la nationalité du rapport, ce qui n’améliore pas la
situation des experts en ce qui concerne la connaissance du
pays).
Il y’a par ailleurs une absence de suivi efficace, les Etats ne
répondent pas aux rapports et ne font rien. Quand aux membres
du comité, les candidats proposés font souvent partie des
structures étatiques, ce qui ne garantit pas leur indépendance.
Nous noterons aussi que certains Etats comme ceux en voie de
développement manquent très souvent de moyens matériels et
techniques pour préparer ces rapports
Le droit international général se particularise par la
prolifération des formes souples de normativité qui restent
transparentes dans les domaines où l’Etat reste jaloux de sa
souveraineté ou désireux de préserver une certaine autonomie,
alors qu’il est simultanément impérieux de développer la
coopération internationale6. Les Etats peuvent en effet vouloir
atteindre certains objectifs par une action collective tout en
se créant des obligations limitées7, c’est le cas entre autres
6 Kemeth W.Abbott et Duncan Snidal, « Hard and Soft Law in International Governance » (2000)7 Tadeusz Gruchalla-Wesierki, « AFramework for Understanding “Soft Law” (1984) 30 McGill L.J. 37 aux pp.3940
10
des secteurs de l’environnement, du nucléaire, des relations
économiques et financières, du droit au développement.
Les différends entre Etats ne sont pas des affaires privées,
les organisations internationales s'en mêlent et poussent les
Etats à un règlement pacifique (si elles ne sont pas munies
d'un système impératif).
La Déclaration de Manille de 1982 est une résolution de
l'Assemblée générale. C'est une déclaration de principe de
l'Assemblée générale. L'Assemblée générale ne dit rien de neuf
mais reprend le libre choix des moyens. Il y a un rappel du
rôle central de la négociation. Il y a une disposition sur le
rôle de l'ONU. Le rôle important de l'Assemblée générale est un
rôle de recommandation. Un différend juridique devrait être
soumis à la Cour internationale de Justice. Il n'y a pas en
droit international général de règle qui impose une certaine
méthode pour le règlement d'un différend déterminé, il faut le
consentement des Etats. Le seul moyen " imposé " est la
négociation.
Les Etats n'ont pas d'obligation de prévoir un mode de
règlement avant le différend. Ils peuvent choisir quand il y a
un tel différend. Tous les moyens de règlement supposent
l'intervention d'un tiers. Il y a 2 sous-groupes:
- Par le biais d'un tiers qui n'est pas habilité à trancher
de façon obligatoire, il fait une suggestion qui vise à
solliciter un accord entre les Etats parties.
11
- Les parties ont choisi le mode arbitral ou juridictionnel, il
n'y a pas besoin d'un accord ultérieur, la décision est
obligatoire.
La tendance actuelle est la juridictionnalisation du système,
la négociation préventive. S'il y a un différend, le chemin de
règlement existe déjà. Si les Etats le font (choix préalable)
pour les modes qui implique une décision obligatoire, ils
assortissent souvent leur déclaration de moyens qui leur
permettent d'y échapper.
La négociation préventive privilégie les modes qui donnent des
résultats non obligatoires. Il n'y a qu'une obligation de se
soumettre au moyen prévu, il faut ensuite un accord ultérieur.
Les mécanismes de contrôle internationaux sont
institutionnalisés, c'est la vérification continue (pression).
Tous les accords sur les droits de l'homme prévoient ces
mécanismes de rapport périodique. L'aboutissement de ces
systèmes est une recommandation
Le problème principal des déclarations unilatérales est que les
Etats sont appelés par l'art. 36 al. 2 du Statut de la Cour à
ne pas attendre un accord quelconque mais à déclarer
unilatéralement la compétence de la Cour internationale de
Justice. (p. 286, rec. I). La Suisse a fait une telle
déclaration (elle a ratifié le Statut de la Cour). Elle se
soumet sans limite à la juridiction de la Cour. Beaucoup
d'Etats ne le font pas et d'autres font une déclaration
assortie de réserves.
12
Les compétences du juge et de l'arbitre sont des compétences
d'attribution. L'art. 36 al. 2 ch. 2 du Statut de la Cour
internationale de Justice prévoit une déclaration unilatérale.
La Suisse a admis la compétence de la Cour sans aucune
limitation. D'autres Etats ont fait de nombreuses clauses
limitatives. Il y a une méfiance face à un engagement qu'ils ne
peuvent contrôler ensuite. La déclaration de la Pologne (p.
288, rec. I), par exemple, accepte la juridiction de la Cour
mais il y a des limitations rationae temporis (exclusion des
différends anciens), rationae materiae (exclusion des
différends territoriaux, sur la pollution de l'environnement)
En outre, les AME ne font pas totalement exceptions à la
règle, ils se sont développés sans coordination, et sans
hiérarchisation, et s'appliquent à des espaces différents. La
plupart d'entre eux ne prévoient pas de mécanisme de sanction
en cas d'inexécution, ni ne comportent de véritable système de
surveillance. Une procédure d'arbitrage est parfois prévue en
cas de litiges ; mais le recours à une procédure d'arbitrage
requiert classiquement l'accord des deux parties en conflit (y
compris la partie fautive), et peut donc aisément être évité.
Ces caractéristiques des AME expliquent que l'application par
les Etats de leurs engagements internationaux ne soit pas
toujours irréprochable, cependant l’adoption de nouveaux
mécanismes de contrôle relativise à bien d’endroits la présente
perception de la mise en œuvre du droit international de
l’environnement.
13
Paragraphe 2 : Selon les mécanismes à l’étude
Pour mieux illustrer les nouveaux mécanismes, nous nous
bornerons au contenu de quelques protocoles assez édifiant
quand à leur nature réelle.
Il s’agira en l’occurrence du protocole de Montréal sur les
substances appauvrissant la couche d’ozone et celui de Kyoto à
la Convention cadre des Nations Unies sur les changements
climatiques.
Le Protocole de Montréal sur les substances qui appauvrissent
la couche d’ozone
Il s’agit de rappeler certaines décisions prises par la réunion8
des Etats parties concernant les problèmes de non-respect par
certains Etats de leurs obligations en vertu du Protocole. Dans
son rapport, le Comité d’application, organe chargé de
surveiller les Etats, notait qu’il avait demandé au secrétariat
de prendre des mises en garde et de demander des explications à
24 Etats parties en situation de non-conformité. D’après le
paragraphe 5 de l’annexe IV de la quatrième réunion des Etats
parties au protocole, les réunions des Etats parties au
Protocole ont la possibilité de prendre différents types de
mesures, déterminées en quelque sorte suivant la gravité du
non-respect.
8 13 e réunion des Etats parties au Protocole de Montréal sur les substances qui appauvrissent la couche d’ozone, tenue à Colombo au Sri Lanka des 16 au 19 octobre 2001.
14
Les problèmes envisagés par la conférence des Etats parties
sont très intéressants, à plus d’un titre. Tout d’abord, il est
nécessaire de rappeler que, des Etats parties de l’Europe de
l’Est et issus de l’éclatement de l’URSS ont été l’objet de
décisions concernant leur non-respect avec les dispositions du
Protocole. Les obligations d’interdiction de la consommation et
de la production des matières appauvrissant la couche d’ozone
jouent de manière différente pour les Etats en développement,
qui pouvaient bénéficier de clauses dérogatoires – ce qui
demeure possible, mais devient plus difficile. Il n’en demeure
pas moins qu’un nombre important de pays de l’Europe de l’Est
est toujours concerné par ces questions de non-conformité.
Des mises en garde ont été adressées entre autres aux Etats
parties suivants : le Bangladesh, le Tchad, les Comores, la
République dominicaine, le Honduras, le Kenya, la Mongolie, le
Niger, le Nigeria, Oman, la Papouasie Nouvelle-Guinée, le
Paraguay, Samoa et les Iles Salomon. Tous étaient en situation
de non-conformité avec les mesures de réduction et de contrôle.
Pour tous les autres Etats concernés par des situations de non-
conformité, l’évolution de la mise en conformité de leur
législation avec les dispositions du Protocole est suivie de
près par le Comité d’application.
Pour conclure sur cet instrument, Il ne fait pas de doute que,
le Protocole constitue bel et bien une exception du droit
international de l’environnement qui demeure pour le moment mal
appliqué. Pour reprendre les mots du professeur Stéphane
15
DOUMBE BILLE, « ….le mécanisme de l’observance apparaît, d’un strict point de vue
juridique, comme le degré achevé d’un mécanisme de contrôle initié dans le protocole
de Montréal relatif aux substances qui appauvrissent la couche d’ozone. Ce système
de la « non-conformité » approfondie est marqué plus par une stratégie d’appui à
l’Etat défaillant que par une éventuelle mise en cause de sa responsabilité
internationale, difficile à envisager dans un domaine où elle concerne des activités
que par principe le droit international n’interdit pas et qui doit seulement faire l’objet
d’approches de précaution afin de réduire les conséquences néfastes9 »
Le Protocole de Kyoto à la Convention cadre des Nations Unies
sur les changements climatiques:
Article 18
«À sa première session, la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties
au présent Protocole approuve des procédures et mécanismes appropriés et efficaces
pour déterminer et étudier les cas de non-respect des dispositions du présent
Protocole, notamment en dressant une liste indicative des conséquences, compte tenu
de la cause, du type et du degré de non-respect et de la fréquence des cas. Si des
procédures et mécanismes relevant du présent article entraînent des conséquences
qui lient les Parties, ils sont adoptés au moyen d’un amendement au présent
Protocole».
Le contrôle ne s’exerce pas en réaction à la violation d’une
obligation : « il n’a pas de caractère séquentiel, au
contraire, il a tendance à être continu », on peux ainsi dire
qu’on est passé d’un système de réaction à un système de
prévention.
9 Le droit de l’environnement et l’adaptation aux changements planétaires, par Stéphane DOUMBE BILLE, professeur à l’université Jean Moulin-Lyon 3, Réseau « Droit de l’environnement » de l’AUF
16
L’articulation entre le règlement juridictionnel des différends
et le système d’Observance joue en faveur du système
d’Observance, et cela produit une double action normative,
étant donné qu’on détient en plus de la sanction, des mesures
d’accompagnement qui sont entre autres, à titre d’exemple,
l’assistance technique ou financière et la coopération.
La conséquence directe est la dualisation des régimes de
responsabilités :
La responsabilité classique reposant sur la sanction de la
violation de la règle de droit par un État.
Une responsabilité nouvelle fondée principalement sur
l’assistance ou encore la coopération.
C’est l’idée de “soft responsibility” : l’objectif n’est pas de
régler un différend mais de prévenir et de réagir aux cas
de non-respect des obligations contenues dans un AEM.
L’observance apparaît comme un mécanisme « dur » qui
implique pour les pays de reporter annuellement leurs
émissions et leurs actions sous une forme permettant le
contrôle « multilatéral » par des experts (choisis par le
secrétariat de la Convention parmi les experts proposés
par les parties)
Le non-respect est sanctionné par une compensation,
majorée de 30%, sur la période suivante.
On voit bien qu’outre le volet « exécution », l’observance a
aussi une fonction de « facilitation ». L’objet de l’observance
est d’ailleurs « de faciliter, de favoriser et de garantir le respect des
engagements découlant du Protocole de Kyoto ».
17
Les mécanismes de surveillance et vérification remplissent dès
lors plusieurs fonctions :
– Évaluer le comportement des parties, prévenir les cas de
non-conformité, fournir une assistance, permettre la mise en
place de mesures d’exécution forcée;
– Évaluer l’efficacité des normes;
– Asseoir la confiance et limiter les comportements de
« passagers clandestins ».
Ils jouent un rôle essentiel de promotion du droit, c’est
pourquoi on parle de systématisation et renforcement avec les
procédures de non respect, ainsi de la réaction on passe à la
prévention, et de la sanction aux mesures d’accompagnement.
Quoi qu’il en soit il faut reconnaître que l’observance du
protocole de Kyoto est la plus élaborée des procédures de non
respect. Institutionnalisé, ce mécanisme de contrôle est confié
aux institutions conventionnelles (conférences des parties,
comités, secrétariats) avec ou non l’appui des ONG, qu’il soit
officiel ou officieux.
Il s’agit en réalité d’un contrôle systématique, non ponctuel,
mais continu ou régulier, non pas a posteriori, mais a priori
(préventif)
– En termes de réaction, l’incitation est généralement
préférée à la sanction. Lorsque les moyens de sanction du non-
respect proprement dits existent, ils ont une valeur dissuasive
et sont destinés en réalité à prévenir les manquements.
Ce contrôle est orienté vers la promotion du respect du droit
et la prévention de son non-respect.
18
Section II. Violation d’une obligation environnementale
Paragraphe 1. Selon les systèmes classiques de
contrôle
Pendant longtemps, n’interpellant que sporadiquement le juge
international dans le domaine de l’environnement (il s’agit de
la sentence arbitrale rendue en 1893 dans l'affaire des Otaries à
fourrure, des îles Pribilof 10, celle rendue en 1941 dans l'affaire de la
Fonderie du Trail 11, celle rendue en 1956 dans l'affaire du Lac Lanoux12, ou encore celle rendue dans l'affaire du Barrage de Gut )13, les
États se sont attachés à « contourner» l'institution de la
responsabilité internationale.
Le principe 22 de la Déclaration de Stockholm en 1972
proclamait le devoir des États de coopérer pour développer
encore le droit international en ce qui concerne la «responsabilité
et l'indemnisation des victimes de la pollution et d'autres dommages écologiques que
les activités menées dans les limites de la juridiction de ces États ou sous leur contrôle
causent à des régions situées au-delà des limites de leur juridiction ».
Le principe 13 de la Déclaration de Rio de 1992 va dans le même
sens, tout comme, sur un plan conventionnel, l'article 235 de
la convention de Montego Bay, mais ces engagements n'ont pas
produit les effets attendus. La pratique n'a pas non plus
10 Sentence arbitrale, Affaire des Phoques àfourrure de la mer de Behring ( Royaume-Uni c. États-Unis) , 15 août 1893.
11 Sentence arbitrale, Il mars 1941, Fonderie du Trail ( États-Unis c. Canada), R.S.A., tomeIII, p. 1907 et ss.12 Sentence arbitrale du (16 novembre 1957) opposant la France et l'Espagne, R.S.A., vol. XII, p. 285 et ss.13 Sentences arbitrales du 15 janvier, 12 février et 27 septembre 1968, États-Unis c. Canada, International Legal Materials, 1969, vol. 8, p.118 et suiv
19
contribué au développement du droit de la responsabilité car la
quasi-totalité des litiges interétatiques a été réglée par la
négociation d'accords de compensation, conclus sans référence à
des règles de contentieux international14, tout au moins lorsqu'un
glissement n'était pas effectué vers le droit international
privé.
Dans le domaine de l'environnement, les mécanismes classiques
de règlement des conflits sont jugés « trop lourds, souvent aléatoires, et
l'utilisation politiquement dommageable15 ». Les États leur préfèrent un
règlement à l'amiable bien souvent. On retrouve là une tendance
générale de la société internationale, qui donne la préférence
à des procédures souples et politiques de règlement des
différends, plutôt qu'au règlement juridictionnel.
Les mécanismes diplomatiques classiques ont l'avantage de la
souplesse et souvent de la discrétion, et permettent de lisser
les différends tout en ménageant les susceptibilités. Mais
cette tendance est plus marquée dans le domaine de
l'environnement en raison du contenu souvent vague des
obligations en ce domaine, de l'absence ou de la faiblesse de
la valeur marchande de bien des éléments de l'environnement et
de la spécificité des dommages environnementaux de nature à
décourager le déclenchement de telles procédures (difficultés
d'établissement du lien de causalité entre l'acte incriminé et
le dommage, en raison des effets à longue distance et/ou à14
? L. Boisson de Chazournes, « La mise en œuvre du droit international dans ledomaine de l'environnement: enjeux et défis », RGDIP, 1995, p. 48
15 P.-M. Dupuy, « À propos des mésaventures de la responsabilité internationale des États dans ses rapports avec la protection de l'environnement », in Les hommes et l'environnement, En hommage à A. Kiss, M. Prieur ed., Frison Roche, Paris, 1998, p. 275
20
longue échéance des pollutions, ou en raison de la combinaison
de plusieurs sources de pollution, difficultés d'identification
de l'auteur de la pollution et donc d'imputabilité de la
violation, difficultés de chiffrage du dommage, impossibilité
d'une restitutio in integrum, etc.).
Par ailleurs, la convention de vienne sur le droit des traités
ne nous avance pas puisqu’en cas de violation d’obligation elle
ne prévoit en son article 60, que la suspension partielle ou
totale de l’application de l’obligation de l’Etat victime de la
violation. Pire, Une violation substantielle d’un traité
bilatéral par l’une des parties autorise toute partie autre que
l’Etat auteur de la violation à invoquer la violation comme
motif pour suspendre l’application du traité en totalité ou en
partie en ce qui la concerne si ce traité est d’une nature
telle qu’une violation substantielle de ses dispositions par
une partie modifie radicalement la situation de chacune des
parties quant à l’exécution ultérieure de ses obligations en
vertu du traité.
En effet dans l’affaire entre la Namibie et l'Afrique du sud,
au motif de non respect de son obligation, le conseil de
sécurité de la SDN s’est fondé sur l’article 60 de la
convention de vienne16 sur la cessation des traités pour rompre
le mandat qu’il avait donné à l’Afrique du Sud pour la Namibie
Ce type de réaction est en principe inadapté dans le cadre des
conventions de protection de l’environnement.
16 Considérée à bien des égards comme une codification du droit coutumier
21
Paragraphe 2 : Selon les mécanismes à l’étude
Comme précédemment évoqué, le droit international admet, dans
le cadre d’un traité multilatéral, qu’un Etat réponde à la
violation d’une obligation conventionnelle par un autre Etat,
en suspendant à son tour, partiellement ou totalement,
l’application du traité. Ce type de réaction est en principe
inadapté dans le cadre des conventions de protection de
l’environnement.
A cet égard, le mécanisme de contrôle du protocole de Montréal
sur la couche d’ozone demeure encore à ce jour exceptionnel,
bien qu’il puisse être rapproché des mécanismes pour le
contrôle des protocoles à la Convention sur la pollution
atmosphérique transfrontalière à longue distance, adoptée en
1979 à Genève, ou encore de celui de la Convention de Bâle sur
le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux
et de leur élimination, adoptée en 1989, et dans la convention
de 1992 pour la protection de l’environnement marin de
l’Atlantique du Nord-est.
En effet le mécanisme de contrôle du protocole de Montréal a
ceci de particulier que son comité de mise en œuvre a été
établi pour agir tel une alarme, pour évaluer la mise en œuvre
des obligations par tous les pays et assurer que la quantité
des substances importés, nuisible à la couche d’ozone, est
entrain d’être respecté par rapport aux objectifs fixés. Un tel
mécanisme n’existe pas sous le protocole de Kyoto pour
contrôler les émissions des gaz à effet de serre par les pays
contractants.
22
Le protocole de Montréal à l’instar de celui de Kyoto emprunte
une démarche plus « coopérative » que « punitive », gardant à
l’esprit le fait que les conventions ont été adoptées pour le «
bien commun » des Etats, c’est pour cela qu’on parle plus de
non-conformité que de violation. Il importe plus de promouvoir
les obligations qu’elles contiennent, que d’en sanctionner le
non-respect. En effet comme le souligne M. Ehrmann, le
protocole de Montréal « [b]ased on the approach of assistance and
encouragement toward non-complying parties instead of accusation and
confrontation, parties agreed on the following principles for the non-compliance
procedure : it should avoid complexity, be non-confrontational, transparent, flexible
and simple.»17
Le terme « sanctions » est bien entendu évité d’autant plus que
les « mesures consécutives » mélangent des aspects punitifs,
comme la déduction des quantités attribuées, avec des mesures
plus coopératives, comme l’élaboration d’un plan d’action.
Il convient de rappeler à cet égard le régime prévu dans le
protocole de Montréal. En effet, celui-ci permet également,
dans une certaine mesure, l’adoption de mesures qui se
rapprochent des sanctions. Ainsi la Russie avait-elle notamment
protesté, se voyant octroyer des sanctions commerciales à
l’issue d’une procédure de non-conformité, alors qu’elle avait
elle-même lancé la procédure, la pensant et souhaitant
coopérative. De même, des sanctions ont été employées dans
d’autres systèmes conventionnels (CITES par exemple)18.17 M. Ehrmann, « Compliance Control in International Environmental Treaties », ColoradoJournal of International Environmental Law & Policy, vol. 13, nº2, 2002, p. 39518 Cependant, dans ces cas, les mesures prévues n’étaient pas de la même nature que celles prévues dans le cadre du mécanisme d’observance et n’avaient pas la même portée.
23
Il est intéressant également de rappeler l’article 8 du
protocole de Montréal. Il y avait été établi que les parties,
lors de leur première réunion, examineraient et approuveraient
« des procédures et des mécanismes institutionnels pour
déterminer le non-respect des dispositions du présent Protocole
et les mesures à prendre à l’égard des Parties contrevenantes
». Cependant, lors de la première Réunion, rien ne fut accordé,
si ce n’est l’établissement d’un groupe de travail composé de
juristes afin qu’il prépare un projet de procédure et
d’institutions devant veiller au respect des dispositions du
protocole de Montréal. Celui-ci devait notamment prévoir la
mise en place d’un Comité de contrôle qui aurait pour fonction
de recevoir, examiner et établir des rapports concernant des
situations qui lui auraient été soumises, soit par une partie
au Protocole en ce qui concerne le respect par une autre partie
de ses engagements, soit par le Secrétariat. Il devait
cependant être clairement établi que ce Comité n’aurait pas de
pouvoirs juridictionnels. En revanche, les négociations du
Comité de contrôle du protocole de Kyoto montrent au contraire
la volonté d’assurer l’existence d’un mécanisme contentieux aux
pouvoirs si non juridictionnels, du moins quasi-
juridictionnels. En effet, le groupe de l’exécution, après
avoir conduit ses investigations d’une manière contentieuse,
conclurait son enquête par une appréciation juridiquement
contraignante et l’imposition de sanctions.
24
Par ailleurs le protocole de Kyoto19 prévoit que : « Les
procédures et mécanismes de contrôle fonctionnent sans
préjudice des dispositions des articles 1620 et 1921 du
Protocole»
Les enseignements de cette formule sont de deux ordres:
- le recours au mécanisme d’Observance n’empêche pas le recours
à CIJ ou à l’arbitre.
- une procédure engagée devant le Comité d’observance ne peut
pas être interrompue sous prétexte que le juge international
est saisi et vice versa.
La conséquence directe du parallélisme des procédures est
l’exclusion en théorie de toute logique de substitution du
mécanisme d’Observance au règlement juridictionnel des
différends qui se trouve logiquement privé d’utilité car par
essence il n’intervient qu’après la violation d’une obligation
soit a posteriori afin de la corriger, cependant Il y a une logique de
complémentarité qui rend le règlement juridictionnel des différends nécessaire.
L’article 14-2 de la convention des Nations Unies22 sur les
changements climatiques23 relatif au règlement des différents
confirme d’avantage cette indépendance des mécanismes
d’observance et de saisine de la cour international de justice,
car il stipule que «Lorsqu’elle ratifie, accepte ou approuve la Convention ou y
adhère, […], une Partie qui n’est pas une organisation régionale d’intégration
19 En sa section XVI de la décision 24 CP/7 sur les procédures et mécanismes relatifs au respect des dispositions du Protocole de Kyoto20 « ……Tout processus consultatif multilatéral susceptible d’être appliqué au présent Protocole fonctionne sans préjudice des procédures et mécanismes mis en place conformément à l’article 18. »21 « Les dispositions de l’article 14 de la Convention relatif au règlement des différends s’appliquent mutatis mutandis au présent Protocole.»22 Conclue à New York le 9 mai 199223 Approuvée par l’Assemblée fédérale le 23 septembre 1993
25
économique peut déclarer dans un instrument écrit soumis au Dépositaire que pour
ce qui est de tout différend lié à l’interprétation ou à l’application de la Convention,
elle reconnaît comme obligatoire de plein droit et sans convention spéciale, à l’égard
de toute Partie acceptant la même obligation: a) La soumission du différend à la Cour
internationale de Justice; b) L’arbitrage conformément à la procédure qu’adoptera dès
que possible la Conférence des Parties dans une annexe consacrée à l’arbitrage.»
Section III. Large concept de contrôle international
Le concept large de contrôle international, qui est, et a été,
le point de départ de l’élaboration des systèmes de contrôle et
de suivi fut utilisé par diverses branches du droit
international, à savoir les droit humanitaire, le droit du
désarmement, la lutte contre les stupéfiants, etc..., afin
d’élaborer des mécanismes de contrôle et de suivi. Ceux-ci,
d’ailleurs, représentent les ancêtres des méthodes de contrôle
et de suivi adoptées dans le cadre du droit international de
l’environnement.
Paragraphe 1 : Ancêtres des mécanismes de contrôle
26
Le règlement des différends internationaux entre Etats trouve
ses grands principes dans le droit relationnel (droits
horizontaux, entre Etats).
Le principe du règlement pacifique24 est un principe de
base du système international, le chapitre 6 de la Charte de
l’ONU s’ouvre par une disposition25 qui donne une série
d'exemples de règlements pacifiques26. Le principe qui préside
au choix du mode est le libre choix des moyens de règlement. Il
y a une obligation d'identifier par un commun accord le moyen
le plus approprié. La négociation est un outil essentiel du
mécanisme du choix des moyens. Les canaux diplomatiques
permettent de négocier. La négociation est un mode de règlement
et aussi un mode pour trouver un autre moyen de règlement.
Les modes institutionnels sont des règlements au travers des
organisations internationales. Les organisations
internationales sont des modes de règlements. Les différends
entre Etats ne sont pas des affaires privées, les organisations
internationales s'en mêlent et poussent les Etats à un
règlement pacifique27.
Le chapitre 6 de la Charte prévoit un mécanisme pour l'ONU,
dans une logique de recommandations (pression pour le
règlement). Les Etats sont protagonistes. Il y a d'autres
dispositions qui disent que le Conseil de sécurité et
l'Assemblée générale doivent faire des recommandations. Les
Etats sont invités à user de l'outillage de la Charte. Si la
situation débouche sur une menace pour la paix, le chapitre 7
24 Art. 2 al. 3 et 4 de la Charte des Nations Unies25 Son art. 3326 Pas tous, comme par exemple, les bons offices27 Si elles ne sont pas munies d'un système impératif
27
de la Charte prévoit que l'ONU devient protagoniste par le
biais de son Conseil de sécurité.
Concernant le libre choix des moyens, la Déclaration de Manille
de 1982 est une résolution de l'Assemblée générale. C'est une
déclaration de principe de l'Assemblée générale qui ne dit rien
de neuf mais reprend le libre choix des moyens. Il y a un
rappel du rôle central de la négociation. Il y a une
disposition sur le rôle de l'ONU. Le rôle important de
l'Assemblée générale est un rôle de recommandation. Un
différend juridique devrait être soumis à la Cour
internationale de Justice. Il n'y a pas en droit international
général de règle qui impose une certain méthode pour le
règlement d'un différend déterminé, il faut le consentement des
Etats. Le seul moyen " imposé " est la négociation.
Les Etats n'ont pas d'obligation de prévoir un mode de
règlement avant le différend. Ils peuvent choisir quand il y a
un tel différend. Tous les moyens de règlement supposent
l'intervention d'un tiers. Il y a 2 sous-groupes :
- Par le biais d'un tiers qui n'est pas habilité à trancher de
façon obligatoire, il fait une suggestion qui vise à solliciter
un accord entre les Etats parties.
- Les parties ont choisi le mode arbitral ou juridictionnel, il
n'y a pas besoin d'un accord ultérieur, la décision est
obligatoire.
L'art. 2 de la Convention de La Haye28 prévoit les bons offices
de médiation. L'art. 3 parle de l'offre de bons offices qui
doit être acceptée. L'art. 6 prévoit que les bons offices n'ont
pas force obligatoire. L'art. 37 parle d'arbitrage. L'arbitre28 p. 1 rec. I
28
est créé par les Etats au litige (un juge qui existe avant).
Les deux (arbitre et juge) ont la compétence si les Etats la
leur donnent mais il n'y a pas besoin d'un accord ultérieur.
L'accord en amont suffit, il implique une obligation de
respecter la décision à venir. Selon l'art. 36 al. 6 du Statut
de la Cour internationale de Justice, le juge incompétent
déclare son incompétence que s'il y a un litige à ce sujet (par
leur comportement les Etats peuvent accepter la compétence de
la Cour).
L'art. 38 al. 2 du Statut est le cas spécial de la décision en
équité.
La tendance actuelle est la juridictionnalisation du système,
la négociation préventive. S'il y a un différend, le chemin de
règlement existe déjà. Si les Etats le font (choix préalable)
pour les modes qui implique une décision obligatoire, ils
assortissent souvent leur déclaration de moyens qui leur
permettent d'y échapper.
La négociation préventive privilégie les modes qui donnent des
résultats non obligatoires. Il n'y a qu'une obligation de se
soumettre au moyen prévu, il faut ensuite un accord ultérieur.
Les mécanismes de contrôle internationaux sont
institutionnalisés, c'est la vérification continue (pression).
Tous les accords sur les droits de l'homme prévoient ces
mécanismes de rapport périodique. L'aboutissement de ces
systèmes est une recommandation. Dans le domaine du
désarmement, ces mécanismes sont très fréquents.
29
Pour l'intervention d'un tiers habilité à trancher (juge ou
arbitre), les Etats font des clauses compromissoires, des
conventions d'arbitrage ou des déclarations unilatérales. Dans
l'affaire Nicaragua-USA, il n'y a pas eu de négociation
contextuelle, le Nicaragua a invoqué une clause compromissoire
(qui doit couvrir le différend et ce n'était pas le cas).
La Yougoslavie a voulu attaquer 10 Etats de l'OTAN pour les
événements du Kosovo. La seule solution qu'elle a trouvée est
d'invoquer la Convention contre le génocide de 1948, elle doit
donc accuser les 10 Etats de l'OTAN de génocide. Pour demander
des mesures conservatoires, la Cour internationale de Justice
doit être compétente. Les frappes aériennes ne peuvent pas être
qualifiées de génocide et il n'y a pas eu de mesures
conservatoires. La clause compromissoire n'est pas utilisable
par la Yougoslavie.
Le problème principal des déclarations unilatérales est que les
Etats sont appelés par l'art. 36 al. 2 du Statut de la Cour à
ne pas attendre un accord quelconque mais à déclarer
unilatéralement la compétence de la Cour internationale de
Justice29. La Suisse a fait une telle déclaration (elle a
ratifié le Statut de la Cour). Elle se soumet sans limite à la
juridiction de la Cour. Beaucoup d'Etats ne le font pas et
d'autres font une déclaration assorties de réserves.
Les compétences du juge et de l'arbitre sont des compétences
d'attribution. L'art. 36 al. 2 ch. 2 du Statut de la Cour
internationale de Justice prévoit une déclaration unilatérale.
A la page 286, rec. I, on a une série de déclarations. La
Suisse a admis la compétence de la Cour sans aucune limitation.29 p. 286, rec. I
30
D'autres Etats ont fait de nombreuses clauses limitatives. Il y
a une méfiance face à un engagement qu'ils ne peuvent contrôler
ensuite. La déclaration de la Pologne (p. 288, rec. I), par
exemple, accepte la juridiction de la Cour mais il y a des
limitations rationae temporis (exclusion des différends
anciens), rationae materiae (exclusion des différends
territoriaux, sur la pollution de l'environnement), rationae
personae (elle ne veut pas être face à un Etat qui accepte la
compétence de la Cour à la dernière minute).
Les Etats n'ont aucune obligation d'accepter la compétence de
la cour, la Cour ne dit donc rien contre les limitations.
Paragraphe 2 : Adoptés dans le cadre du DIE
Dans le domaine de la protection de l'environnement, le droit
international a de plus en plus devancé et entraîné dans sa
foulée les activités législatives nationales. La transformation
organique traditionnellement lente des normes de la
collectivité en lois et règlements a dans certains domaines été
éclipsée par l'obligation du gouvernement national de mettre en
oeuvre une convention internationale en adoptant des lois
intérieures. Depuis quelques décennies, culminant avec le
Sommet « Planète Terre » qui a eu lieu à Rio en 1992, un volume
croissant de preuves scientifiques au sujet des mesures qu'il
faut prendre, des revendications du public au sujet des mesures
qui devraient être prises et des interventions politiques quant
aux mesures qui peuvent l'être, ont mené à l'adoption à
l'échelle internationale d'une pléthore de nouvelles lois en
matière environnementale.
31
Le droit international exerce une influence analogue sur le
développement durable. Le Principe 27 de la « Déclaration de
Rio » à laquelle a abouti la Conférence des Nations Unies sur
l'environnement et le développement de 1992 (CNUED ou le Sommet
« Planète Terre ») prévoyait « le développement du droit
international dans le domaine du développement durable ». Au
chapitre 39 d'« Action 21 », le programme sectoriel d'action
pour les gouvernements de la CNUED, les signataires ont déclaré
que ce droit devait tenir tout spécialement compte de
l'équilibre délicat entre les préoccupations environnementales
et celles qui sont liées au développement.
En considérant que malgré que la plupart des pays
industrialisés éliminent progressivement la production de CFC
en application du Protocole de Montréal, l'appauvrissement de
l'ozone se poursuivra jusque vers le milieu du siècle prochain,
que les 17 principales zones de pêche des océans du monde sont
exploitées à leur limite et au-delà de leur capacité; et que
chaque année, la population mondiale augmente d'environ 90
millions de personnes, le droit ne peut être considéré que
comme un outil important, voir indispensable pour atteindre les
objectifs du développement durable. C'est ce que traduit
clairement Action 21 par lequel les gouvernements signataires,
y compris celui du Canada, se sont engagés au Sommet Planète
Terre de Rio, en 1992, à suivre un programme d'action. Au
chapitre 8 sur « l'intégration de l'environnement et du
développement à la prise de décisions », le programme prévoit
l'adoption d'un cadre législatif et réglementaire efficace. Au
point 8.13, les lois, en tant que base d'action, sont
32
considérées comme certains des instruments les plus importants
pour transformer les politiques en matière d'environnement et
de développement en action non seulement au moyen de méthodes
coercitives, mais aussi en tant que cadre normatif pour la
planification économique et les instruments du marché. En
outre, au point 8.14 d'Action 21, il est dit que pour intégrer
efficacement l'environnement et le développement aux politiques
et pratiques de chaque pays, il est indispensable d'élaborer et
de mettre en application des lois et règlements intégrés,
applicables et efficaces basés sur des principes sociaux,
écologiques, économiques et scientifiques solides.
Il est tout aussi important d'examiner et d'assurer la
conformité. Partant du principe que l'adoption et l'application
de lois aux niveaux national et local sont indispensables à la
mise en œuvre d'accords internationaux, Action 21 prévoit que
les gouvernements doivent a) rendre les lois et règlements plus
efficaces; b) établir des procédures judiciaires et
administratives accessibles en vue de recours juridiques; c)
assurer des services de soutien et de références juridiques; d)
établir un réseau de formation coopératif en ce qui concerne le
droit du développement durable, surtout pour aider les pays en
développement; e) élaborer des stratégies intégrées de
conformité, notamment se donner la capacité institutionnelle
requise pour la collecte de données, l'exécution d'examens, la
détection, l'application et l'évaluation; f) assurer une
surveillance à l'échelle nationale du suivi juridique pour
garantir la mise en oeuvre dans le pays des obligations prévues
par les traités internationaux. Un élément important du
33
programme Action 21 des Nations Unies vise l'amélioration des
capacités juridiques et institutionnelles des pays, pour leur
permettre de faire face aux problèmes nationaux de régie et de
réglementation efficace, ainsi que l'application du droit dans
le domaine de l'environnement et du développement durable.
Le chapitre 39 sur les instruments et mécanismes juridiques
internationaux d'Action 21 soulignait la nécessité de raffermir
la relation entre les accords internationaux dans le domaine de
l'environnement et les accords sociaux et économiques
pertinents, par exemple sur le commerce. Il prévoyait également
la prestation d'une assistance technique en matière juridique
aux pays en développement et d'une aide pour les amener à
participer à un plus grand nombre de démarches devant aboutir à
la conclusion de traités internationaux.
La Déclaration de Rio au Sommet Planète Terre de 1992 énonçait
27 principes visant l'établissement d'une coopération et d'un
partenariat mondiaux nouveaux et équitables et la conclusion
d'accords internationaux. Plusieurs de ces principes sont de
plus en plus intégrés à la législation nationale de divers
pays :
Le principe de précaution suivant lequel l'absence de
certitude scientifique absolue ne doit pas servir de
prétexte à remettre à plus tard l'adoption de mesures
destinées à prévenir la dégradation de l'environnement.
Le principe de la participation à la prise de décisions et
de l'accès à l'information.
34
Le principe selon lequel le pollueur doit assumer le coût
de la pollution.
L'obligation de soumettre à des évaluations préalables de
l'impact environnemental les décisions qui risquent
d'avoir un impact sur l'environnement.
L'obligation de notifier, informer et consulter les états
voisins qui peuvent être touchés par des activités aux
effets transfrontaliers néfastes.
Soulignant le rôle du droit en tant qu'instrument contribuant
au développement durable, le Principe 11 prévoit que les
nations doivent adopter des lois en matière environnementale
comprenant des dispositions au sujet de la responsabilité.
Depuis sa création en 1972 après la Conférence de l'ONU sur
l'environnement de Stockholm, le Programme des Nations Unies
pour l'environnement (PNUE), dont le siège est à Nairobi, a été
un catalyseur important dans l'élaboration du droit
environnemental, tant pour ce qui est d'établir et d'appliquer
des traités internationaux en matière environnementale qu'en ce
qui concerne la prestation d'une aide aux pays en développement
pour leur permettre d'élaborer leurs règlements. Lancé en 1982
et renouvelé en 1993, ledit Programme de Montevideo du PNUE
pour le développement et l'examen du droit environnemental a
permis de promouvoir le droit environnemental intérieur et de
faciliter les nombreux nouveaux règlements juridiques
internationaux bien connus (p. ex., sur l'ozone, le commerce
des déchets dangereux, les sources terrestres de pollution
35
marine, l'évaluation des impacts environnementaux et les
produits chimiques et le commerce). Les dossiers auxquels
s'intéresse le PNUE incluent la participation de pays en
développement à la rédaction de nouvelles conventions,
l'évaluation de l'efficacité et l'amélioration des vieilles
conventions et la mise en œuvre à l'intérieur des pays des
accords internationaux en matière d'environnement.
Considérées par le Conseil de régie du PNUE comme une priorité,
les activités en matière de droit de l'environnement du PNUE
sont menées par son Unité du droit environnemental avec l'aide
de fonctionnaires de gouvernements nationaux et d'experts-
conseils. Ces activités touchent à un vaste éventail de
secteurs et de problèmes : la pollution atmosphérique
transfrontalière, la détérioration de la couche d'ozone, les
sols, les forêts, les eaux intérieures, les régions côtières et
la pollution marine pour ne nommer que ceux-là. Les mécanismes
inclus dans les lois qui ne s'appliquent pas uniquement à
l'environnement incluent l'évitement et le règlement des
différends, l'évaluation des impacts, la sensibilisation, la
participation du public et l'accès à l'information de même que
l'accès aux processus administratifs et judiciaires nationaux.
Les obligations juridiques provenant de diverses sources
intérieures et internationales incluses dans les nouveaux
instruments juridiques incluent les devoirs d'informer, de
consulter, de prévenir des dangers, de coopérer en cas
d'urgence, de dédommager et de rétablir, tout en tenant compte
des effets préventifs de l'attribution de la responsabilité
pour les dommages à l'environnement.
36
D'autres organismes des Nations Unies, comme le Programme des
Nations Unies pour le développement (PNUD) et l'Organisme pour
l'alimentation et l'agriculture (FAO), ainsi que les
institutions financières internationales, comme la Banque
mondiale et les banques de développement régional, ont ajouté à
leur services juridiques des spécialistes qui sont chargés de
s'occuper des dossiers se rapportant aux répercussions
environnementales et sociales des projets et programmes de
développement - au-delà de la pollution, du déboisement ou de
l'inondation de terres, les problèmes particuliers qui se
posent aux peuples autochtones, aux femmes et aux personnes
déplacées par ces projets et qu'il faut réinstaller ailleurs.
De plus en plus, pour relever des défis aussi complexes, il
faut des interventions transdisciplinaires ... et aussi des
avocats qui comprennent le développement durable.
CHAPITRE II : Les causes d’inadaptation du Droit International
Section I. Raisons juridiques
L’application des instruments
On peut également prendre quelques exemples de problèmes qui
demandent une réflexion et une solution juridiques, qui ne
relèvent pas de la simple mise en forme. Le problème central de
la vérification d’abord, celui du règlement des différends
relatifs aux engagements souscrits ensuite, celui des
mécanismes d’adaptation et d’évolution des traités enfin.
37
La vérification
Une des originalités les plus marquantes du droit international
du désarmement - on y reviendra - réside dans les problèmes
posés par la vérification des traités. Or cette vérification
met en cause le droit à un double égard.
- D’une part elle implique l’appréciation juridique du
comportement des parties, et non seulement l’examen matériel de
leur comportement. En d’autres termes, il ne faut pas confondre
surveillance, ou monitoring, et vérification. La surveillance
comporte le rassemblement et l’analyse d’un ensemble de données
relatives au comportement des Etats. La vérification consiste à
évaluer dans quelle mesure ce comportement est ou non conforme
au traité, ou au minimum compatible avec lui. Il s’agit donc
d’une activité essentiellement juridique. Cette activité est le
privilège des parties. Les tiers ne sont pas en principe
compétents pour y intervenir, à tout le moins sans le
consentement des parties. Ceci ne manque pas de soulever
diverses questions, notamment quant au rôle que peuvent jouer
les organisations internationales en la matière. Une recherche
juridique serait à cet égard fort utile.
Or cette dimension juridique est trop souvent négligée ou
inaperçue, notamment dans la littérature anglo-saxonne.
Parfois, et notamment dans la littérature soviétique,
lorsqu’elle est prise en considération, elle est confondue avec
un mécanisme de garantie, qui est d’une nature différente. La
garantie tend en effet à assurer le respect du traité, et donc
à démontrer positivement qu’il est convenablement appliqué :
38
ainsi les garanties de l’AEA dans le cadre du TNP. La
vérification en revanche ne saurait démontrer que le traité est
respecté mais seulement qu’on ne peut pas établir sa violation,
ce qui est tout différent. La police ainsi ne peut garantir le
respect du Code pénal, mais seulement établir qu’il n’est pas
violé - ou au contraire qu’il l’est. Pour simplifier, une
garantie tend à une démonstration positive alors que la
vérification ne peut aboutir en règle générale qu’à une
démonstration négative.
- D’autre part, la vérification tend à reposer de plus en plus
sur des moyens juridiques organisés, et organisés par les
traités eux-mêmes. Ce n’est pas ici notre propos de rendre
compte de cette évolution profonde que connaît actuellement la
vérification, où certains voudraient voir une véritable
révolution. Observons simplement qu’elle met en œuvre des
procédures internationales coopératives, notamment des
mécanismes d’enquête, qui doivent être soigneusement organisées
et réglementées, d’autant plus qu’elles comportent une
intrusion sur le territoire des parties. Il est frappant ainsi
de constater la croissance rapide des instruments spécialement
consacrés à la vérification et à ses procédures dans les
traités et négociations récents - le Traité FNI, les
négociations START, FCE, ou celles relatives aux armes
chimiques.
Deux types de problèmes juridiques nouveaux apparaissent. D’un
côté, le rôle des organisations internationales spécialement
mandatées, créées par le traité, impliquant le développement
39
d’un droit institutionnel de la vérification - statut des
inspecteurs, origine internationale de la réglementation qu’ils
appliquent, etc.... De l’autre, le rapport entre ces
obligations nouvelles et le droit interne qui ne doit pas y
faire obstacle. Dans le cadre de la convention chimique en
cours de négociation, on rencontre ainsi le problème du droit
interne des Etats-Unis, dont la Constitution s’oppose à des
formes trop intrusives de vérification mettant en cause des
activités privées. De façon plus générale, la question de la
protection du secret industriel doit également être résolue.
Tous ces domaines restent largement à explorer et devraient se
développer à mesure que l’entreprise du désarmement touchera à
des activités civiles, comme l’industrie chimique.
Le règlement des différends
Ce problème est dans l’ensemble peu et mal réglé dans les
conventions en vigueur. Le règlement juridictionnel
international est rarement prévu, et au demeurant inadéquat. Il
est en pratique trop long, et mal adapté au mélange de
considérations juridiques, stratégiques et politiques
indissociables dans le traitement de telles questions.
L’élément juridique existe, mais il est difficilement isolable,
en tous cas de façon utile pour un règlement concret.
La formule que l’on trouve dans beaucoup de traités, surtout
bilatéraux, américano-soviétiques, est celle des commissions
consultatives, bipartites et paritaires. Il est difficile de
formuler un jugement à leur égard dans la mesure où leur
pratique demeure largement confidentielle. Cependant, si la
40
commission prévue par le Traité FNI semble pour l’instant
fonctionner harmonieusement, celle qui est prévue par le Traité
ABM n’a pas été en mesure de régler les profondes divergences
d’interprétation de ce Traité, liées notamment au projet IDS.
D’autres formules plus intégrées existent, notamment avec le
Traité de Tlatelolco, ou dans le cadre des garanties de l’AIEA,
ou encore avec le projet de Convention sur l’élimination des
armes chimiques, ou dans le contexte des négociations FCE.
A cet égard l’entreprise apparaît comme un chantier, où
l’imagination juridique devrait se déployer, et où la recherche
à un rôle utile à jouer. Il est clair que les problèmes
politiques et stratégiques sont dominants, mais la perspective
juridique est indispensable à la mise au point des instruments
qui favorisent l’entente et à tout le moins constituent des
canaux de communication efficaces. Le règlement des différends
est un prolongement normal de la vérification, permettant
notamment d’éliminer les cas douteux, de jouer un rôle de
filtre séparant questions importantes et simples malentendus,
et de bien préciser les positions en cas de divergences plus
sérieuses.
Mécanismes d’adaptation et dévolution des traités
Ils peuvent être nécessaires lorsque les traités se référent à
des techniques évolutives, voire appellent un perfectionnement
de leurs dispositions. Or il est très difficile en pratique de
réviser les traités même imparfaits. Ils reposent sur un
équilibre qu’une remise en question risquerait de détruire. Une
formule à cet égard consiste dans l’adjonction de protocoles,
41
d’instruments adventices qui sans remettre en cause les
fondements d’une négociation aboutie, permettent de la
compléter.
De tels protocoles peuvent être contemporains du traité, mais
pourront être remaniés plus rapidement et plus simplement que
le traité lui-même (Traité FNI par exemple) ; ils peuvent aussi
être postérieurs. Un modèle récent en est fourni par les
Protocoles de 1990 relatifs aux Traités américano-soviétiques
de 1974 et 1976 sur l’interdiction partielle des essais
nucléaires souterrains ; il peut aussi s’agir de documents
indépendants - comme avec le système des garanties de l’AIEA -,
ce qui donne souplesse et flexibilité à des engagements
résultant d’un traité unique. Un régime conventionnel peut
ainsi comporter une série d’instruments variés, et il convient
de répartir les différentes dispositions entre eux, en fonction
de leur importance et de leur technicité.
Une formule plus négative mais souvent inévitable est celle des
réserves, qui constituent une technique d’individualisation des
engagements. Elles ne peuvent être émises qu’au moment où
l’Etat exprime son consentement, et tendent à limiter la portée
de son engagement. Le traité peut les interdire, et à cet égard
il convient de ménager la sauvegarde des principes essentiels à
son fonctionnement et une flexibilité qui tienne compte des
situations particulières.
La technique des conférences périodiques d’examen existe dans
certains traités multilatéraux. Ces conférences n’aboutissent
pas à une renégociation des traités, mais à une évaluation des
42
résultats, de leurs avantages et inconvénients, et constituent
toujours un moment de remise en question de leur intérêt, voire
un moment de vérité. Mais il est important de souligner que, en
dépit des frustrations qui ont pu s’exprimer dans leur cadre,
aucun retrait n’a été prononcé et qu’aucun traité n’a jusqu’à
présent pris fin. Les traités insatisfaisants ne sont
simplement pas entres en vigueur - SALT II (1979), interdiction
partielle des essais nucléaires (1974 et 1976). Ceci démontre
l’intérêt du droit international comme le fait que les parties
prennent leurs engagements au sérieux et n’entendent pas les
remettre en cause à la légère. La question de leur respect et
des réactions qu’appellent leurs violations n’en conserve pas
moins tout son intérêt.
La violation des engagements
Les deux questions, essentielles sur le plan juridique, que
soulèvent la détermination des violations d’un engagement - son
respect n’ayant pas à être démontré puisqu’il est toujours
présumé - et les réactions autorisées par le droit face à de
telles violations demeurent un terrain largement inexploré dans
le contexte du désarmement et de la limitation des armements.
Certes, le droit international général, notamment tel que
codifié dans la Convention de Vienne, s’applique, et il domine
l’ensemble du régime en vigueur. Certes, les traités
particuliers peuvent toujours comporter des dispositions plus
précises, canalisant les mécanismes en cause et tendant à en
renforcer l’efficacité. Mais on doit constater qu’ils sont de
façon générale muets ou brefs sur la question. Aussi y a-t-il
43
un domaine ouvert à la recherche, même si le projet de
convention chimique contient pour sa part des indications plus
développées.
Cette absence peut tenir au fait que les parties refusent a
priori d’envisager la violation comme une hypothèse praticable
- sous-produit de l’ancienne argumentation soviétique suivant
laquelle la vérification organisée n’était pas très utile parce
que toute violation militairement significative ne pouvait
manquer d’être décelée et se trouvait par là même dissuadée.
Elle peut aussi tenir au fait que les parties entendent
conserver à cet égard toute liberté d’appréciation et d’action
et donc ne souhaitent pas être enfermées dans un cadre
prédéterminé. Elle peut également résulter de la considération
que les mécanismes élaborés devraient être coopératifs, voire
collectifs, contraignants et lourds, et par là difficiles,
voire impossible, à mettre en œuvre, voire inefficaces.
Il ne s’agit pas ici de tenter d’imaginer de tels mécanismes,
mais d’indiquer les principales questions qui devraient être
abordées dans le cadre d’une régulation juridique de
l’établissement des violations et des réactions qu’elles
appellent.
Les violations
- Une première question a trait à la détermination de la
violation. Qui peut l’établir ? En vertu du droit international
général, seules les parties sont habilitées à le faire, et
44
elles ne peuvent le faire que d’un commun accord si l’on veut
que cette constatation s’impose à toutes.
Elles peuvent certes décider de s’en remettre à un organe
tiers, par exemple à une juridiction qui, sur la base de leur
consentement, trancherait avec force de vérité légale. Mais
cette hypothèse est peu probable. Le Traité de Tlatelolco, le
Traité sur l’Antarctique en fournissent des exemples isolés.
Encore la compétence de la Cour est-elle seulement facultative.
Autrement sont seules prévues des procédures de consultation
qui s’inscrivent dans le cadre général du règlement des
différends mais ne fournissent pas de solution obligatoire.
L’intervention d’autres organes tiers ne peut lier les parties
si elles ne lui ont pas donné leur consentement préalable.
C’est ainsi que ni l’Assemblée générale des Nations Unies, ni
même le Conseil de Sécurité, ne peuvent constater de façon
autoritaire la violation d’un traité conclu entre Etats tiers.
Le Conseil est certes en mesure de constater qu’un comportement
donné constitue une menace à la paix, voire une rupture de la
paix, et agir en conséquence sur la base du chapitre VII. Mais
le fondement de son action serait la Charte exclusivement. Elle
reposerait ainsi sur une autre base juridique que le traité
éventuellement violé.
Quant aux parties agissant individuellement, elles peuvent
émettre un jugement sur le comportement des autres parties, et
soutenir qu’il constitue une violation de leurs engagements.
Mais cette prétention ne lie à l’évidence personne d’autre que
l’Etat qui la soutient. Il peut seulement espérer convaincre
45
l’autre ou les autres parties du bien-fondé de sa prétention -
comme cela a été le cas dans le cadre du Traité ABM pour la
position américaine à l’égard du radar de Krasnoyarsk, puisque
les Soviétiques ont finalement reconnu que son existence était
contraire à leurs engagements.
L’imagination, la recherche juridique, devraient s’attacher à
la mise au point de formules permettant d’éviter l’impasse de
prétentions juridiques opposées, ou alors de faciliter le
règlement du différend. Il pourrait par exemple s’agir de
méthodes coopératives, formalisant la discussion, obligeant à
motiver les comportements, à organiser un débat entre parties
intéressées, à se prêter à une confrontation organisée des
argumentations. Les formules seraient naturellement plus
complexes dans un cadre multilatéral que dans un cadre
bilatéral.
- Une seconde question concerne la classification des
violations. On ne saurait toutes les mettre sur le même plan. A
priori, on pourrait distinguer en fonction de leur objet, de
leur origine, de leur consistance et de leur intensité.
En fonction de leur objet, on peut par exemple distinguer les
manquements qui portent sur la substance des engagements, et
ceux qui touchent à d’autres obligations, comme par exemple les
procédures de vérification, par entrave à leur fonctionnement
régulier. D’autres encore peuvent mettre en cause des
dispositions plus secondaires, notamment d’ordre procédural.
46
En fonction de leur origine, il faut distinguer les violations
intentionnelles et celles qui ont un caractère accidentel, ou
résultent d’une carence administrative davantage que d’un
comportement délibéré. A priori, les premières devraient être
plus graves que les autres. Mais si l’on raisonne en termes de
sécurité, on ne peut exclure qu’une violation volontaire n’ait
que des conséquences mineures tandis qu’un manquement
accidentel peut être lourd de risques.
En fonction de leur consistance, on opposera par exemple les
manquements actifs supposant un comportement déterminé - et les
manquements passifs, c’est-à-dire l’inaction ou le retard dans
l’application du traité.
Le critère de l’intensité est le critère essentiel, et il se
superpose à l’ensemble des autres davantage qu’il ne s’en
détache. Sur cette base, et dans le contexte du désarmement, ce
critère conduit à distinguer les violations militairement
significatives, qui mettent en cause la sécurité des parties,
et les autres. Il est difficile d’enfermer une telle
distinction dans un cadre juridique prédéterminé puisque
l’appréciation du caractère significatif dépend de l’ensemble
des circonstances du manquement, ainsi que de l’état général
des relations entre les parties. Le jugement à cet égard
demeure donc fondamentalement politique, et il commande le
choix des réactions jugées appropriées.
Les réactions
47
- Très schématiquement, les différents traités en vigueur ne
contiennent en général que deux types de réactions : le retrait
du traité, la saisine du Conseil de Sécurité. Le retrait d’un
traité n’est jamais intervenu, et risquerait fort au demeurant
de conduire à sa destruction. Possibilité qui souligne l’accent
mis sur la sécurité individuelle des parties, puisqu’il s’agit
d’une mesure protectrice qui leur rend toute leur liberté
d’action au détriment du traité lui-même. Quant à la saisine du
Conseil de Sécurité, elle constitue en vérité une disposition
cosmétique, car elle serait possible en toute hypothèse sur la
base de la Charte.
Sur la base du droit international général, le manquement
entame diverses conséquences possibles. La mise en cause de la
responsabilité internationale de l’Etat auteur du manquement et
la réparation des dommages causés, d’abord. Il s’agit d’un
processus long, aléatoire, insuffisant à lui seul pour répondre
à toutes les situations. La possibilité de prendre des contre-
mesures ensuite, permettant de remplir plusieurs objectifs : se
protéger contre les conséquences de la violation, exercer une
pression sur l’Etat responsable pour le conduire à régulariser
son comportement, sanctionner son attitude.
Les Etats-Unis se sont ainsi officiellement référés à cette
possibilité dans le cadre de la controverse sur le radar de
Krasnoyarsk, avec semble-t-il un certain succès. La formule
offre l’avantage de ne pas sortir du cadre du traité, de le
maintenir donc en vigueur, même s’il peut éventuellement être
provisoirement suspendu (article 60 de la Convention de
48
Vienne). Elle offre en contrepartie l’inconvénient de reposer
sur l’intérêt individuel des parties qui mettent en œuvre les
contre-mesures, davantage que sur la sauvegarde du traité lui-
même.
- Dans une perspective plus prospective, on peut ainsi
distinguer entre deux catégories de réactions : celles qui
tendent à la protection de la sécurité individuelle des
parties, éventuellement au détriment du traité ; celles qui
tendent avant tout à rétablir le respect des engagements
souscrits, et qui s’attachent donc à la sauvegarde des régimes
établis par le traité, maintenant ses objectifs collectifs. On
peut penser que le premier type de réactions se justifie
davantage dans le cadre des traités bilatéraux et que le second
est davantage requis dans l’hypothèse de traités multilatéraux.
Ces derniers comportent en effet une dimension de
réglementation collective qui dépasse les seuls intérêts
individuels des parties. Cette distinction se relie largement
au caractère individuel ou collectif des réactions.
Là encore, une recherche juridique systématique serait très
utile, dégageant des modèles de réactions possibles, en
fonction de la gravité des manquements et de la nature des
intérêts lésés. Le projet de convention chimique ouvre des
pistes intéressantes dans cette direction.
Section II. Raisons politiques
49
Le droit international public
Axé au premier chef - mais pas exclusivement - sur les
relations entre les Etats, les droits et obligations de ceux-
ci, le droit international public répond aux mêmes principes et
exigences, qui se présentent toutefois d'une manière plus
compliquée et, à certains égards, plus délicate.
Ainsi, par exemple, ce sont les Etats qui concluent les
conventions internationales et sont liés par elles, alors que
cependant les règles et obligations qu'elles instituent, et
cela vaut particulièrement en matière de protection de
l'environnement, concernent principalement des personnes
privées, notamment les entreprises qui se livrent à des
activités polluantes ou comportant de hauts risques.
Il appartient donc aux Etats de transcrire dans leur droit
interne les normes et prescriptions contenues dans les
conventions internationales, pour faire en sorte qu'elles
s'imposent à leur destinataires. C'est le premier aspect de la
mise en œuvre du droit international, au stade de l'énoncé des
obligations, avec cette sorte de double étage normatif.
On comprend du même coup que l'on va retrouver, s'agissant du
contrôle, la même structure à deux niveaux: il incombe aux
Etats de s'assurer que, sur leur territoire, les prescriptions
sont respectées par ceux qu'elles concernent, mais le souci de
la mise en œuvre du droit international implique qu'à leur tour
les Etats soient soumis à des contrôles et vérifications. En
effet, lorsqu'un Etat est tenu d'appliquer une convention, par
exemple, il doit assumer, nous l'avons vu, les trois fonctions
d'injonction, de contrôle et de sanction. Sur chacune de ces
50
trois obligations, il est exposé à des défaillances.
Or, la question du contrôle international est délicate.
Les Etats sont jaloux de leur souveraineté. Ils n'aiment guère
l'intervention de tiers. De surcroît, l'organisation de
contrôles internationaux peut se révéler coûteuse, et
l'efficacité n'est pas toujours garantie.
Quant au difficile problème de la sanction des
manquements, il présente deux aspects principaux, la réparation
d'une part, et d'autre part la répression. C'est un sujet
complexe; il faut se borner ici, en ce qui concerne la
première, à rappeler que lorsqu'elle est due par une personne
privée, il importe que la victime du dommage puisse disposer de
voies de droit efficaces et que le rôle des Etats est à cet
égard primordial, alors que la réparation des manquements de
l'Etat obéit aux règles générales de la responsabilité, qui
n'offrent pas toujours des procédures satisfaisantes. Enfin, si
l'on s'interroge sur la répression, il faut bien marquer qu'au
niveau national, les mesures prises par l'Etat sont
susceptibles de prendre la forme de sanctions pénales ou de
contraintes administratives, alors que lorsqu'il s'agit, au
niveau international, de réagir contre les manquements des
Etats, les mécanismes rudimentaires des contre-mesures,
destinées à inciter un Etat à respecter ses obligations,
restent une solution possible. Des mécanismes conventionnels
plus élaborés sont encore peu développés
Ainsi que nous l'avons montré, les Etats doivent mettre en
oeuvre des obligations de contenu très disparate [52]. Il est
51
évident que certaines de ces obligations ne peuvent être mises
en oeuvre que moyennant une action collective au niveau international ou
régional. Il en est ainsi, p. ex., pour l'obligation de négocier
des protocoles additionnels à des conventions-cadre [53]déjà
existantes. Cependant, l'obligation de négocier n'entraîne pas
celle de conclure un accord. Les Etats gardent leur pouvoir de
discrétion du début à la fin du processus diplomatique.
Il y a aussi des cas qui nécessitent une action concertée au
niveau régional, dont les résultats doivent subséquemment être
transposés dans l'ordre interne. Dans l'exemple où il s'agirait
de créer une aire particulièrement protégée dans une zone
partagée entre deux Etats, les deux Etats voisins seront
d'abord généralement tenus de se consulter [54]. Ensuite, ils
seront obligés d'édicter une loi nationale cautionnant le
résultat de leur consultation. La même obligation de
consultation existe quand un Etat veut entreprendre à
l'intérieur de son territoire une activite qui risquerait de
provoquer des effets préjudiciables à d'autres Etats
l'avoisinant.[55]
Tant l'obligation de négociation que celle de consultation
représentent des facettes différentes de l'obligation générale de
coopération [56]. Outre cette dernière, il existe aussi l'obligation de
notification de toute situation qui pourrait entraîner des dommages
ou risques de dommages aux Etats voisins. Ainsi, en cas
d'urgence ou d'accident radiologique, l'Etat sur le territoire
duquel l'aoeident s'est produit, doit immédiatement le notifier
à l'Agence internationale pour l'énergie atomique [57].
52
Pour comprendre l'importance que la communauté mternationale
attache à cette obligation, il suffit de rappeler l'exemple de
Tchernobyl. En avril 1986, suite à un incendie dans la centrale
nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine, un nuage radioactif s'est
répandu en Europe. L'Union soviétique à l'époque a néanmoins
laissé passer 36 heures avant d'en informer les autres Etats.
Ce retard a été sévèrement critiqué et a provoqué la
négociation et la conclusion rapide de deux conventions portant
sur la notification et l'assistance en cas d'urgence ou
d'accident radiologiques [58].
Section III. La particularité de l’Environnement
Partie du droit international public, le droit international de
l'environnement participe évidemment de ses mécanismes
généraux.
Il présente cependant certains traits spécifiques, qui
résultent du fait qu'il doit répondre à des exigences
particulières, aussi va-t-on se borner ici à évoquer certaines
de ces caractéristiques, sans que cela soit exhaustif.
Les interdictions.
Ainsi, le droit international de l'environnement procède, entre
autres, en formulant des interdictions. En cela, il n'est pas
original, mais le problème surgit lorsque l'on observe que
certaines de ces interdictions ne peuvent pas être respectées
sans longs délais et lourds investissements - on peut penser à
tous les rejets telluriques et industriels. D'autres peuvent
53
provoquer de graves problèmes d'emploi. En bref, il n'est pas
possible de prescrire sans s'interroger sur les mesures
d'accompagnement.
Autre aspect important, il est évident que dans le domaine des
activités à hauts risques, et dès lors que pour nombre d'entre
elles il n'est pas envisageable de les proscrire, la
préoccupation majeure est celle de la prévention. Des règles,
fussent-elles sophistiquées, sur la réparation des dommages
paraissent dérisoires au regard des conséquences de l'explosion
d'une centrale nucléaire. La prévention implique que de
strictes normes de sécurité soient appliquées partout, exigence
qui elle-même suppose de sévères contrôles au niveau
international. Un Etat pourrait donc encourir une
responsabilité avant l'apparition d'un dommage, du seul fait de
sa défaillance dans l'application et le contrôle de normes de
sécurité.
Enfin, dans divers domaines, qu'il s'agisse
d'interdictions ou de normes spécifiques, des mesures
d'assistance paraissent nécessaires au bénéfice des Etats les
plus pauvres. C'est aussi un Le droit international de
l'environnement, à l'instar du droit international en général,
peut-être de manière plus frappante encore, révèle qu'il est
plus difficile d'assurer la mise en oeuvre des normes qui le
constituent que de les faire adopter. aspect important de la
mise en oeuvre du droit international de l'environnement.
Les obligations.
54
Les obligations étatiques en matière environnementale peuvent
découler d'une convention internationale [1], d'une norme
coutumière [2], d'une déclaration produite à l'issue d'une
cenférence internationale [3], ou bien d'une recommandation
adoptée par une institution internationale [4]. Or, bien que la
nature contraignante d'une obligation d'origine conventionnelle
ou coutumière ne soit nullement contestée, tel n'est pas le cas
pour ce qui relève des autres sources de réglementation.
La situation d'ambiguïté s'accentue encore plus quand il
s'agit d'obligations présumées qui découleraient d'un programme
d'action.
Le meilleur exemple à cet égard est l'Action 21, le produit
ambitieux de la Conférence de Rio. Ce texte, qui remplit
presque 900 pages, propose un cadre organisationnel et normatif
nécessaire pour la promotion du développement durable sur la
planète. Il couvre pratiquement tous les domaines de l'action
humaine, allant de la protection des écosystèmes fragiles et
des mécanismes financiers aux habitudes de consommation et aux
différents acteurs sociaux [5]. Généralement, on considère que
le système de l'ONU est lié par ce programme et doit par
conséquent intégrer les principes d'action qui y figurent dans
ses propres programmes sectoriels. Par contre, on peut affirmer
que l'Action 21 n'engendre pas d'obligations juridiquement
contraignantes pour les Etats. Actuellement, une tendance se
manifeste dans un nombre de pays, qui est d'adopter des
programmes «Action 21» aux niveaux régional [6] et local [7]. De
plus, un nombre croissant d'Etats participent à des
arrangements financiers internationaux visant à faciliter les
55
transferts de fonds ou/et de technologie. Il semblerait donc
que les Etats essaient de «mettre en oeuvre» un texte qui,
d'après les critères traditionnels, n'énonce pas des règles
juridiques. On ne peut par contre pas affirmer aujourd'hui
qu'un Etat qui se refuserait de prendre des mesures concordant
avec l'Action 21 violerait le droit.
Le degré de précision variable
Les obligations imposées par le droit international de
l'environnement sont d'un degré de précision variable. Les
Etats peuvent être appelés, p. ex., à prévenir, réduire ou
combattre la pollution [8], à protéger un milieu spécifique
[9], à coopérer [10], à faciliter les transferts de technologie
[11] ou de ressources financières [12], à utiliser la meilleure
technologie disponible [13], à se consulter entre eux [14], à
procéder à des études d'impact [15], à faciliter l'accès des
ressortissants étrangers/victimes à leurs tribunaux nationaux
[16], à négocier des protocoles [17] supplémentaires ou à
rédiger des rapports nationaux [18].
Ils peuvent aussi devoir intégrer dans leurs législations
internes des annexes techniques, prévoyant des seuils tolérés
de pollution [19], contenant des listes de substances dont le
rejet est réglementé de manière très précise [20], des listes
d'espèces animales dont le commerce est interdit ou soumis à un
régime spécifique [21]. Parfois, on leur demande d'adapter
leurs politiques sectorielles, comme p. ex. celle de la pêche,
en introduisant ou en interdisant certaines techniques
particulières [22] ou en fixant des standards limitant le
56
nombre des prises [23].
D'autres obligations demanderaient par contre une intervention
législative directe dans l'ordre juridique interne. La
désignation par un décret ou une loi d'une région comme
patrimoine mondial naturel [24]ou l'introduction de taux de
charges critiques de N02 comme moyen de réduction des émissions
du gaz susmentionné [25], en sont de bons exemples.
Pour rendre la situation plus complexe encore, il est très
fréquent de rencontrer ces différents types d'obligations dans
le même instrument conventionnel. De plus, la tendance récente
qui se manifeste dans certains accords environnementaux, de
distinguer les «principes » ou « engagements» des autres
dispositions du traité complique davantage la tâche [26].
Deux raisons principales sous-tendent le recours à des
dispositions programmatoires ou de principe. D'une part, cette
imprécision aux niveaux des termes découle du fait que le
système actuel de droit international est construit autour du
concept angulaire de souveraineté étatique. Ainsi, plus les
obligations sont détaillées, plus le pouvoir discrétionnaire de
l'Etat est limité. Ce facteur influence fortement les
négociations internationales, qui s'orientent vers la recherche
du Plus Petit Dénominateur Commun (PPDC), i.e. des textes imposant
un minimum d'obligations pour les Etats. D'autre part, en
esquissant les grandes lignes directrices dirigeant l'action
étatique, elle pose le cadre juridique de référence tout en
maintenant un degré de flexibilité qui permettra à l'instrument
conventionnel de s'adapter plus facilement à une réalité
57
changeante, sans pour autant devoir recourir aux modes
traditionnels et onéreux de la révision d'une convention [27].
DEUXIEME PARTIE : Fonctionnement des Mécanismes de contrôle
Dans cette partie du travail, nous traiterons du
fonctionnement, au sens strict, des mécanismes de contrôle et
de suivi. Ceci permet de délimiter de façon encore plus précise
la nature des systèmes à l’étude. Ainsi il convient, dans un
premier temps, de prendre en considération les différents
sujets (CHAPITRE I) opérant dans les méthodes à l’étude et
comprenant les sujets institutionnels (Section I ), les
acteurs conventionnels (Section II ), les ONG et les individus
( Section III ).
Dans un deuxième temps, il s’agira de décrire le déroulement
des procédures (CHAPITRE II ), au sens strict, des systèmes de
contrôle et de suivi, en évoquant ses caractéristiques (Section
I) les pouvoirs et droits accordés à l’Etat défaillant (Section
II ) ainsi que les divers types de mesures applicables en cas
de non-respect.( Section III )
CHAPITRE I : Les sujets des mécanismes de contrôle
La scène internationale s’est peu à peu ouverte, les Etats et
leurs sujets dérivé (Section I, II et III)-les organisations
intergouvernementales, y conservent un statut privilégié-mais
aussi les acteurs non étatiques, notamment les organisations
non gouvernementales et les entreprises, ainsi que les peuples
58
autochtones, par exemple, y jouent un rôle croissant. Ces
évolutions sont particulièrement sensibles et nécessaires dans
le domaine de l’environnement.
S’agissant de ce premier chapitre, nous décrirons à travers les
sections abordées ci-dessous le rôle (paragraphe 1) et le
fonctionnement (paragraphe 2) des différentes catégories de
sujets à savoir les, ainsi nommés, institutionnels et les
acteurs – protagonistes des mécanismes de contrôle et de suivi,
sans oubliés les ONG et les individus.
Il est ensuite intéressant de voir aussi par la suite, quels
sont les moyens (paragraphe 3) dont ils disposent pour
rassembler les informations ou les preuves concernant
l’existence d’une situation de non-respect.
Section I. Les sujets institutionnels
Des différentes catégories d'acteurs susmentionnés, les
institutions internationales sont les seules à avoir un lien
direct avec les Etats. Qu'il s'agisse d'organisations
internationales proprement dites [60], ou bien des secrétariats
institués par des conventions internationales [61], c'est bien
un accord étatique qui se trouve à la base de leur existence et
de leur compétence. Ce dernier point explique aussi les
limites du rôle potentiel que les institutions internationales
peuvent jouer. En effet, la structure intergouvernementale de
ces entités conditionne tant les modalités de prise de décision
que l'étendue même de leurs pouvoirs.
59
Paragraphe 1 : Rôle
Les conflits environnementaux peuvent générer des
différends extrêmement importants. En effet, qu'il s'agisse
d'un désaccord sur le partage d'une ressource naturelle, d'un
procès portant sur la compensation d'un dommage dû à un
déversement accidentel de pétrole ou de la compatibilité d'une
mesure environnementale avec les règles du commerce
international, nombreux sont les exemples de situations
conflictuelles demandant une solution qui n'est pas toujours
facile à trouver.
Les intérêts en jeux sont considérables et ne relèvent pas
seulement du droit international de l'environnement. Ce dernier
est un droit véritablement «transversal», puisqu'il produit des
effets dans tous les domaines de la vie sociale et économique.
Un exemple des plus éloquents, est le récent différend porté
devant la Cour internationale de justice, opposant l'Espagne au
Canada. Les différents éléments de l'affaire sont le problème
de l'exploitation excessive des stocks de turbot chevauchant la
Zone économique exclusive (ZEE) du Canada et la haute mer;
l'application de la législation canadienne visant à préserver
60
ces stocks de poissons, au-delà des limites de la juridiction
canadienne; les taux de captures fixés par l'Organisation de
Pêche de l'Atlantique Nord (OPAN), largement contestés par
l'Union européenne; la saisie du chalutier espagnol Estaien haute
mer par des garde-côtes canadiens; la situation socio-
économique précaire de la province de Terre-Neuve, avec des
taux de chômage dépassant les 30% [74]. Dans un tel cas de
figure, il est très difficile de dissocier l'inquiétude causée
par l'épuisement d'une ressource et le désir d'un Etat de
promouvoir les conditions de vie de ses citoyens moyennant des
mesures "protectiorinistes".Les résultats de cette intervention
unilatérale canadienne ont été multiples: une affaire portée
devant la Cour internationale de justice (CIJ), un compromis
entre le Canada et l'Union européenne [75], et l'adoption
définitive de la Convention des Nations Unies sur les espèces
chevauchantes, qui reconnaît un pouvoir plus étendu de l'Etat
côtier d'adopter des mesures de conservation des stocks de
poissons [76].
Le même dilemme se retrouve dans des cas récents qui ont opposé
les Etats-Unis à d'autres Etats membres du GATT d'abord [77] et
de l'OMC ensuite. Il s'agit toujours de trouver un moyen de
concertation, afin d'éviter l'adoption de mesures unilatérales,
qui risqueraient de nuire au système de commerce international
tel qu'il existe aujourd'hui. Il est évident que les
institutions internationales de règlement des différends, comme
la CIJ ou les Panels du GATT/ OMC, contribuent à plusieurs
titres différents à la mise en oeuvre effective du droit de
l'environnement. Premièrement, elles apportent des précisions
61
aux normes souvent vagues des textes internationaux.
Deuxièmement, elles complètent les normes par le biais de leur
interprétation. Celle-là est bien une des fonctions les plus
importantes que tout mécanisme de règlement judiciaire exerce.
Troisièmement, en mettant en évidence les zones grises du droit
ou ses lacunes, elles indiquent les directions àprendre, afin
d'assurer une meilleure efficacité de la réglementation
existante.
La prolifération des traités environnementaux entraîne une
augmentation du nombre des obligations que les Etats sont tenus
de respecter. Ces obligations couvrent plusieurs domaines
différents et impliquent des coûts considérables. Il est
évident que les pays les plus défavorisés ont des difficultés
énormes pour mettre en oeuvre les obligations qui leurs
incombent. Le manque de ressources pécuniaires n'est pas la
seule raison. Le plus souvent, il est combiné avec l'absence
des connaissances techniques nécessaires ou la structure
obsolète des administrations.
Cependant, si le droit international de l'environnement
veut être efficace, il lui faut assurer l'adhésion de tous les
pays aux standards de protection qu'il énonce. Afin de
faciliter la tâche des pays en développement, une nouvelle
catégorie d'institutions internationales a vu le jour. Il
s'agit des Fonds d'affectation spéciale pour l'environnement.
Leur mandat est de faciliter l'allocation des fonds et le
transfert de technologie soit en dispensant un nombre limité de
fonds eux-mêmes soit en agissant en tant que catalyseurs pour
encourager des investissements supplémentaires. Généralement,
62
ils fonctionnent à l'intérieur d'une convention spécifique et
so L'exemple le plus célèbre est celui du Fonds multilatéral
pour l'application du Protocole de Montréal sur les substances
appauvrissant la couche d'ozone. Créé en 1990 par les
amendements de Londres, il a comme objectif de couvrir les
coûts additionnels que les pays en développement vont encourir
pour appliquer le Protocole de Montréal. Des fonds similaires
existent néanmoins au sein de conventions régionales, comme la
Convention pour la protection de la Mer Noire contre la
pollution.
D'autres fonds ont été créés pour permettre aux pays en
développement de participer aux négociations internationales.
Il est vrai que le nombre croissant de réunions de toutes
sortes, dans les quatre coins du monde, rend la participation
des pays ayant des ressources limitées très difficile. Afin
d'assurer une participation accrue, les comités de négociation
des conventions sur les changements climatiques et sur la
désertification ont institué des fonds spécifiques susceptibles
de financer les coûts de participation des missions venant de
pays pauvres.
La création en 1991 du Fonds pour l'environnement mondial
(FEM - GEF) est sans doute la grande nouveauté dans le domaine
de l'assistance financière et technique. Institué en 1991 par
une résolution de la Banque mondiale et restructuré suite à une
série de négociations internationales en 1994, il vise à
fournir les fonds nécessaires aux pays en développement pour
parer aux coûts additionnels (surcoûts - incremental costs) que la
mise en oeuvre des grandes conventions globales entraîne. Bien
63
qu'étant le seul mécanisme financier global de ce genre, il se
restreint au financement de projets relevant de quatre
principaux problèmes environnementaux, notamment la protection
de la diversité biologique, les changements climatiques, la
protection des eaux et la couche d'ozone. Le critère de base
est la nature globale des problèmes. Le FEM est une institution
des plus contestées actuellement, en raison de la définition de
son champ d'action [78]et du concept des surcoûts.
nt soumis au contrôle de la Conférence des Parties.
Paragraphe 2 : Fonctionnement
L’instrument qui prévoit tous les détails du fonctionnement
d'une institution internationale est sa charte constitutive. Il
s'agit généralement d'une convention internationale [62] ou
d'un accord entre plusieurs institutions, qui sont elles-mêmes
fondées par un accord interétatique [63].
En droit international, les institutions internationales
ont trois fonctions différentes. Premièrement, elles servent de
fora de négociation internationale, facilitant ainsi les
contacts interétatiques [64]. Deuxièmement, elles créent des
normes techniques dans leurs domaines respectifs [65].
Troisièmement, elles participent à la mise en œuvre du droit.
Les formes les plus courantes que peut prendre cette
participation sont les procédures de surveillance continue et
le système des rapports étatiques, l'institution de procédure
de contrôle du manquement aux obligations et leur fonction de
64
fora de règlement des différends. On retrouve ces trois
fonctions dans la quasi-totalité des accords internationaux qui
prévoient une structure institutionnelle. Cependant, il existe
une catégorie d'institutions qui aspirent, de par leur mandat,
à faciliter les pays plus défavorisés à mettre en œuvre leurs
obligations internationales. Il s'agit des fonds d'affectation
spéciale, ou des fonds environnementaux.
La surveillance continue et les rapports étatiques
Pratiquement toutes les conventions en matière
d'environnement prévoient une procédure de rapports
étatiques [66].Ces rapports sont rédigés par les Etats et
sont périodiquement [67] soumis pour examen soit à la
Conférence des Parties contractantes à la convention en
question. Dans les rapports, les Etats sont tenus de
mentionner les mesures adoptées dans leur ordre interne en
exécution de leurs obligations conventionnelles. Ils sont
aussi tenus de procurer des informations concernant l'état
de l'environnement à l'intérieur de leurs frontières
nationales. De ce fait, deux objectifs sont atteints.
D'une part, l'image complète de la mise en œuvre de la
convention apparaît clairement. D'autre part, en examinant
et en comparant l'impact que les mesures de protection ont
eu sur l'environnement des pays participant au régime
conventionnel, il devient plus facile d'évaluer
l'effectivité [58] de la convention.
Une fois les rapports rendus, il incombe aux
Secrétariats ou Commissions institués par les conventions
de les rendre publics et les diffuser au reste des membres
65
du régime conventionnel. Ainsi, la publicité de la non
présentation d'un rapport national fait une sorte de
pression sur la Partie négligente. Certes, il ne faut pas
surévaluer le pouvoir «persuasif» de cette pression. Il
est, cependant, certain que les Etats veulent garder une
bonne «image de marque» face à leurs citoyens et aux
autres Etats. Par conséquent, une telle politic of shame [69]
peut apporter des résultats.
La surveillance continue que l'on a rencontrée en
tant qu'obligation des Etats au niveau interne, existe
aussi au niveau international. L'exemple le plus connu est
le Système de surveillance continue de l'environnement
(Global Environment Monitoring System - GEMS) établit par le PNUE.
Ce système qui fonctionne entre autre sur la base d'un
système de données géo-référées (INFOTERRA) sert à suivre
de très près l'évolution de l'environnement terrestre. Des
systèmes existent aussi dans le cadre des plans d'action
environnementaux régionaux, comme p. ex. MED-POL pour ce
qui est de la Méditerranée, ou le système de l'EMEP pour
la pollution atmosphérique à longue distance en Europe
[70]. La surveillance continue au niveau international
sert les mêmes objectifs qu'au niveau national: améliorer
l'état des connaissances humaines sur les processus
écologiques, afin de pouvoir arriver à de meilleurs outils
de protection.uestion, soit à une Commission formellement
établie par la convention
Paragraphe 3 : Moyens
66
. Le système des rapports étatiques est évidemment un moyen
efficace de contrôler le degré du respect par les Etats de
leurs obligations internationales. Cependant, un système qui se
contente de constater que les obligations imposées ne sont pas
respectées est un système d'efficacité limitée par définition.
Le véritable enjeu est de pouvoir instituer une procédure de
recours en manquement contre l'Etat en faute. Une telle
procédure devrait être suffisamment flexible et performante et,
plutôt que d'être purement accusatoire, se soucierait
d'avantage de l'application effective du droit. Il s'agit là de
la «schizophrénie» en quelque sorte du système actuel. D'une
part, l'accent est mis sur la promotion d'un esprit de
solidarité et de "partenariat". D'autre part, on continue à
avoir besoin d'un mécanisme de contrôle, voire de sanctions,
pour assurer la mise en oeuvre effective du droit. Ce sont les
secrétariats des conventions qui, le plus souvent, assument
cette double responsabilité. Mais un tel système ne peut par
définition pas fonctionner, puisque tous les efforts entrepris
pour construire une ambiance de confiance entre partenaires
sont immédiatement faussés par le problème des sanctions.
La réponse traditionnelle est de recourir aux mécanismes
de responsabilité internationale. En matière de protection de
l'environnement, cette solution devient quelque peu
problématique. Faire une présentation détaillée du problème
dépasse le champ de la présente étude. Peut-être suffirait-il
de mentionner une seule raison, liée à la nature du droit
international de l'environnement. Celui-ci, on l'a dit, est un
droit tourné vers le futur, qui érige la prévention en pierre
67
cardinale de sa philosophie. Ainsi, une pléthore d'obligations
existent concernant surtout le contenu de l'action préventive,
qui ne sont pas toujours, voire rarement, précises. Très peu
nombreux sont les traités qui prévoient des mécanismes de
redressement.
A la base de ce qui vient d'être dit, il devient évident qu'il
importe plus d'essayer de mettre en oeuvre de manière efficace
les dispositions des conventions, plutôt que de montrer du
doigt tel ou tel Etat qui n'aurait pas pu ou su faire respecter
les obligations lui incombant.
Une procédure tout à fait novatrice a été conçue dans
cette optique de promotion du respect du droit. Il s'agit de la
procédure dite «de non-respect», introduite par les Parties
contractantes au Protocole de Montréal à la Convention de
Vienne sur la protection de la couche d'ozone. Suivant cette
procédure, toute Partie qui a «des réserves quant à l'exécution
par une autre Partie de ses obligations découlant du Protocole
de Montréal relatif àdes substances qui appauvrissent la couche
d'ozone, [peut] communiquer par écrit au Secrétariat [son]
sujet de préoccupation. [Elle doit] fournir tous les
renseignements nécessaires à l'appui de cette communication»
[71]. Une fois la communication déposée, le Secrétariat doit
informer la Partie qui fait l'objet de l'examen, et doit
rechercher une solution convenable à l'ensemble des Parties
contractantes. Ce qui rend la procédure plus intéressante, est
qu'elle donne la possibilité aux Parties qui sont moins à même
de mettre en oeuvre leurs obligations, de l'invoquer contre
elles-mêmes pour solliciter l'assistance du Secrétariat [72].
68
Donc, l'accent est mis sur la négociation et la consultation
multilatérales, plutôt que sur une procédure accusatoire. Ce
modèle a fait ses preuves et est déjà adopté par des
instruments en cours de négociation [73].
Section II. Les acteurs conventionnels
S’il y a une chose dont les changements climatiques nous font
prendre conscience, c’est bien que certains problèmes
environnementaux ne connaissent nulle frontière et que les
États doivent lutter ensemble pour les solutionner. Seul
l’effort conjoint de plusieurs pays, idéalement de tous,
permettra de résoudre ce type de problème, d’où la mise en
place de la Convention-cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques (CCNUCC) et du Protocole de Kyoto . En
ratifiant la Convention et le Protocole, le Canada s’est engagé
à atteindre des objectifs qui sont le fruit d’un consensus de
tous les pays liés par ces accords. Il obéira donc à des
obligations formulées en dehors de sa juridiction nationale.
Cela suffit à dire que le rôle de l’État s’estompe à mesure que
sont signées diverses ententes internationales ? Les États
perdent-ils leur capacité de gouverner au profit
d’organisations internationales ? Il semble plus juste de
69
croire que, bien que nous assistions à des transformations
considérables de son rôle, l’État conserve une position
essentielle dans le système international.
Paragraphe 1 : Rôle
70
Il est aujourd’hui courant de mettre en doute la possibilité de
concilier État souverain et droit international. Toutefois,
malgré une tension palpable entre les deux, plusieurs voient
des moyens de les faire cohabiter, notamment parce que l’État
joue toujours un rôle majeur dans le droit international. C’est
d’ailleurs l’État qui fonde le système du droit international
et non l’inverse (Arbour, 2002). Sans volonté étatique de «
croire » et de se conformer à la CCNUCC et au Protocole de
Kyoto, le système ne tient plus. Ensuite, les institutions
internationales continuent de se rattacher à l’État souverain
comme base empirique (Wildhaber, 1983). Ainsi, sur la scène du
droit international, les États sont les acteurs principaux dans
le domaine des changements climatiques. Enfin, le consentement
de l’État demeure une condition essentielle à la coopération
(Melkas, 2002). Contrairement aux lois nationales que les
citoyens doivent suivre, le droit international ne peut pas «
forcer » un État à agir contre son gré. Il n’existe pas de
gouvernement international des États. Si un pays est contraint
de moduler son comportement en fonction des obligations
internationales contenues dans la CCNUCC et le Protocole de
Kyoto, c’est d’abord et avant tout parce qu’il a accepté de s’y
soumettre. Pour ces raisons, on aurait tort de penser que
l’État perd de sa substance et s’affaiblit face au droit
international. Il est plus juste de penser que c’est lui qui
donne corps au système de droit international.
Il est vrai que la place centrale de l’État dans le système
international est aujourd’hui justifiée par des raisons toutes
autres que celles de jadis. Les États ont déjà été seuls à
71
avoir la compétence pour développer des politiques et des lois
qui respectent leurs ressources naturelles et leur
environnement. Aujourd’hui, par contre, il y a des
problématiques qui nécessitent une étroite coopération entre
pays. Parmi les différents enjeux de droit international reliés
à la protection de l’environnement, nous trouvons celui de
l’atmosphère, qui ne relève d’aucune juridiction particulière.
Elle est un héritage commun à tous (Van Der Vyver, 1992) et
sans « propriétaire ». L’interdépendance des États accentue
donc le besoin d’une meilleure coordination des actions visant
à protéger l’atmosphère. Ce problème environnemental nécessite
des accords internationaux. Pour en articuler la mise en œuvre,
cependant, la réglementation internationale requiert de se
tourner vers la réglementation nationale (Van der Lugt, 2002).
Ce sont les États qui exécutent les engagements pris au niveau
international. De cette façon, l’État conserve sans contredit
une large place au niveau international puisque les résultats
des accords reposent sur son acceptation d’agir en conformité
avec ceux-ci, sans quoi ils demeurent sans effet.
Si l’État a déjà pu décider pour lui seul et selon ses
intérêts, il doit aujourd’hui tenir compte de nouveaux
paramètres. Selon Fried (1998), son rôle se diviserait
désormais en trois parties. Voyons comment cela s’applique au
cas des changements climatiques. En premier lieu, il s’agit
d’élaborer des normes aux niveaux supranational et
international parmi les membres des Nations Unies, de les
adopter, de signer les accords produits et de les ratifier. En
second lieu, la mise en œuvre au niveau national, comme nous
72
l’avons vu, est le moyen par lequel les instruments de droit
international sont appliqués. Dans la Convention-cadre des
Nations Unies sur les changements climatiques et le Protocole
de Kyoto, une grande latitude est laissée au niveau national.
Les mesures à prendre sont principalement laissées à ce niveau.
Autrement dit, les États sont responsables d’atteindre
l’objectif des accords mais les façons d’y parvenir ne sont pas
prescrites internationalement (Melkas, 2002). Ainsi, les pays
de l’annexe I, dont fait partie le Canada, doivent adopter «
des politiques nationales et [prendre] en conséquence les
mesures voulues pour atténuer les changements climatiques en
limitant ses émissions anthropiques de gaz à effet de serre et
en protégeant et renforçant ses puits et réservoirs de gaz à
effet de serre (…) » (CCNUCC, art. 4.2.a). Le Protocole de
Kyoto suggère pour sa part des mécanismes économiques
internationaux facilitant l’atteinte des objectifs.
Troisièmement, les États ont la responsabilité de juger de
quelle façon les intérêts nationaux doivent être ajustés aux
intérêts internationaux. Ainsi, la Convention précise que
lorsque les pays adoptent des mesures, il leur incombe « de
préserver le système climatique dans l'intérêt des générations
présentes et futures, sur la base de l'équité et en fonction de
leurs responsabilités communes mais différenciées et de leurs
capacités respectives (…) » (CCNUCC, art. 3.1). Le défi pour
les pays est donc de trouver des façons de respecter cet
intérêt commun sans porter atteinte aux intérêts nationaux. À
ce titre, le retrait des États-Unis du Protocole de Kyoto a
notamment été justifié par le fait que le Protocole n’est pas
73
compatible avec les intérêts économiques et le mode de vie du
pays.
Bref, il semble que le rôle des États soit principalement
modifié par le fait que des responsabilités d’intérêt commun et
international leur ont été transférées, que leurs actions ne
peuvent plus être uniquement définies par eux-mêmes et que les
impératifs environnementaux prescrivent le développement
durable et le principe de précaution (Melkas, 2002). La
Convention et le Protocole engagent de cette façon le Canada à
réduire ses émissions de 6 % sous les niveaux de 1990, en
respectant certaines conditions et principes. Ces obligations
définiront certaines actions précises qui seront mises en
application par le Canada. Le Projet Vert, déposé par le
gouvernement canadien en avril dernier, présente par exemple la
façon dont le Canada a choisi d’atteindre ses objectifs.
Paragraphe 2 : Fonctionnement
La CCNUCC et le Protocole de Kyoto offrent des exemples
révélateurs de la relation entre droit international et États.
On peut remarquer que le droit international ne pourrait
exister sans un soutien des États, que ces derniers y occupent
toujours une place centrale et qu’enfin leur rôle s’élargit et
se diversifie grâce à la prolifération de ce genre d’ententes.
La façon dont se sont négociés le Protocole et la Convention
nous renseigne beaucoup sur la tension toujours tangible entre
le droit international, qui privilégie des objectifs communs,
et les intérêts particuliers des États. Par exemple, lors des
74
négociations du Protocole de Kyoto, l’Association des petits
États insulaires, regroupant des États très vulnérables face à
la montée du niveau de la mer, prônait une réduction de 20%
sous les niveaux de 1990, et ce dès 2005. Les États-Unis, pour
leur part, favorisaient plutôt l’atteinte des niveaux de 1990
en 2008-2012. Bien qu’il faille un objectif commun, il apparaît
laborieux de faire en sorte que ce dernier convienne à tous
sans qu’il ne soit vague. Ainsi, pour attirer un grand nombre
d’États, est-il nécessaire de ne formuler que des objectifs
flous, peu contraignants et laissant une trop large place à
l’interprétation ? On pourrait penser que des accords stricts
sur le climat auraient permis d’atteindre une efficacité plus
grande, mais il est à se demander qui aurait bien voulu les
signer !
La onzième séance de la Conférence des Parties, qui a lieu à
Montréal cet automne, a pour objectif de lancer les
négociations en vue d’obtenir un nouvel accord concernant l’«
après 2012 » (Cabinet du Premier Ministre, 2005). Cela nous
donnera à nouveau l’occasion d’assister à des rondes de
négociations, probablement échelonnées sur des années. On ne
peut savoir avec certitude quels seront les nouveaux
engagements. Il y a cependant fort à parier que l’État
demeurera intègre. Peut-être, malheureusement, au profit du
réchauffement climatique…
Paragraphe 3 : Moyens
75
Section III. Les ONG et les individus
Paragraphe 1 : Rôle
Sous la pression des nouveaux acteurs, les verrous politiques
et juridiques cèdent toutefois progressivement, au moins
partiellement.
Ainsi ces nouveaux acteurs sont-ils associés à l’élaboration
comme la mise en œuvre des règles internationales. Ils
participent de plus en plus largement aux négociations des
instruments classiques et notamment des conventions.
Dans les ann.es 70, cette participation était encore sporadique
- voir le rôle joué par l’UICN dans la négociation de certaines
conventions de protection de la nature ou dans l’élaboration de
la Charte mondiale de la nature adopté par l’Assemblée générale
de l’ONU en 1982.
Elle est aujourd’hui devenue la règle. ONG, entreprises,
représentants de l’industrie, communautés locales, ces nouveaux
acteurs ne bénéficient toutefois pas des mêmes droits et
privilèges que les anciens « acteurs ». Leur situation est
toute différente, et bien plus favorable, lorsqu’il s’agit
d’alimenter les nouvelles sources du droit international,
notamment les partenariats.
S’agissant de la mise en Œuvre, nous reparlerons ci-dessous du
rôle des ONG dans les procédures internationales de contrôle.
Le fonctionnement du panel d’inspection de la Banque
76
Mondiale, l’association des ONG à certains mécanismes
conventionnels, la reconnaissance de la possibilité de
soumettre des amicus curiae devant l’organe de règlement des
différends de l’OMC en fournissent autant d’illustrations. Même
le prétoire international - Tribunal international du droit de
la mer, Cour permanente d’arbitrage, procédures du Centre
international de règlement des différends relatifs aux
investissements, procédures de la Chambre de commerce et
d’industrie, système de règlement des différends dans le cadre
de l’Alena (Accord de libre-.change nord-américain) – s’ouvre
progressivement aux acteurs privés, individus ou entreprises,
L’exception notable de la Cour internationale de Justice. Les
individus sont aujourd’hui les sujets du droit international
des droits de l’homme : le droit de l’homme à un environnement
saint et la capacité d’agir sur le plan international sont
progressivement reconnus. C’est particulièrement vrai dans le
cadre de la Convention européenne des droits de l’homme. Bien
que la convention ne reconnaisse pas le droit de l’homme à un
environnement sain, la juridiction strasbourgeoise traite de
plus en plus souvent d’affaires dans lesquelles est alléguée
une violation de cette convention en relation
avec des questions environnementales. Par une interprétation
dynamique, elle favorise peu à peu l’émergence d’un tel droit.
Ce droit est protégé indirectement, à travers d’autres droits,
notamment le droit au respect de la vie privée et familiale, le
droit de propriété ou encore des droits plus procéduraux tel le
droit à un procès équitable ou à un recours effectif.
77
Le juge européen a ainsi consacré, de façon prétorienne, le
droit à l’information environnementale. Dans une récente
décision, la Cour va beaucoup plus loin et considère non
seulement que la violation du droit à la vie est envisageable
en relation avec des questions environnementales, mais que le
droit à la vie, consacré par l’article 2 de la convention, a
été violé suite aux décès causé par l’effondrement d’une
décharge municipale sur un bidonville en Turquie.
F. Lerin rappelle par ailleurs la diversité de ces
organisations, qui vont des organismes de solidarité
internationale en passant par les organisations traditionnelles
de la société civile de type syndicat, les communautés
identitaires (par exemple les organisations confessionnelles),
les groupes d'intérêt scientifique et même les ONG directement
liées à des entreprises (notamment sous la forme de
fondations). Cette diversité des organisations et des intérêts,
placée sous un unique chapeau « organisations non
gouvernementales », pose problème même si elle est perçue par
certains comme le seul moyen d'établir une forme de démocratie
plus responsable, plus accountable. Mais elle est aussi l'objet
de critiques répétées concernant sa légitimité d'action et de
représentation. F. Lerin souligne que l'analyse actuelle des
rapports entre l’Etat et la société civile suit souvent une
logique inversée par rapport à l'évidence historique : le rôle
des ONG est souvent interprété comme une évolution de la
gouvernance dans laquelle l'Etat, affaibli, concède un espace
d'expression à des agents non étatiques qui vont suppléer à ses
78
manques. Or, les organisations de la société civile préexistent
à l'Etat de droit moderne. Cet espace public existe
indépendamment du mécanisme électif légitimant l'Etat de droit.
Historiquement, il s'est plutôt construit à l'échelle nationale
autour des problèmes de développement public et de déficit de
biens publics (santé, éducation).
Il existe une grande variété de trajectoires historiques d'ONG
en fonction des contextes techniques et politiques dans
lesquels elles se sont créées et développées. Dans les pays
européens, les organisations confessionnelles ont sans doute
été parmi les premières ; elles ont été suivies, dans les
années 70, par des organisations « techniques » travaillant sur
le développement. En Amérique latine, c'est sans aucun doute
dans la chronologie de la crise des organisations
traditionnelles de gauche, puis de nombreux coups d'Etat
militaires, que se sont créés des espaces d'activité qui
étaient politiques sans être partiaires. On pourrait aisément
multiplier les exemples : grandes organisations
environnementalistes organisées en réseaux internationaux
(souvent basés aux Etats-Unis), des organisations de défense
des droits de l'Homme, forte montée en puissance des ONG
urgentistes dans les pays européens (assistance aux victimes
civiles des conflits), etc. Certaines régions, comme l'Afrique
subsaharienne ou le Maghreb, se sont constituées plus
tardivement, soit pour répondre aux besoins des bailleurs de
fonds (les fameux « courtiers en développement »), soit pour
tenter de créer des espaces politiques dans des systèmes
politiques largement « verrouillés ».
79
Ces réseaux d'ONG aux trajectoires différentes semblent former
aujourd'hui un « acteur » réuni sous le vocable de société
civile, qui s'est pour une large part associé, ou fait partie,
des constituants du mouvement dit altermondialiste.
La phase de réattribution d'expression aux ONG que nous vivons
aujourd'hui ne coïncide donc pas avec un affaiblissement des
Etats. Bien au contraire, l'expression organisée de cette
société civile vient en complément, en accompagnement d'un Etat
fort, qui raisonne ses interventions et ses décisions
différemment. Il y a un déplacement du politique partiaire vers
un politique plus associatif. En revanche le terme de société
civile ne peut en aucun cas laisser penser qu'il s'agit
d'organisations ou de représentations ayant les mêmes
caractéristiques, les mêmes objectifs ou les mêmes stratégies,
même si, pour le moment, des intérêts tactiques font prévaloir
des unités de façade (parfois mises à mal, comme à
Johannesburg). On constate d'ailleurs qu'un nombre croissant
d'organisations de la société civile a choisi d'exprimer ses
désaccords en dehors et contre les arènes officielles. Quant
aux ONG qui ont choisi la voie de la participation, elles
réclament une réévaluation des procédures concernant leur
contribution au processus international, exigeant plus de
transparence, de concertation et de responsabilisation.
François Lerin (insérer une note de bas de page IAMM-Solagral,
Iddri), Le rôle des acteurs non étatiques dans la définition de
l'agenda international dans les négociations internationales
80
environnementales ) insiste sur certains rôles des ONG qui
définissent leurs principales caractéristiques d'action :
• la surveillance et la veille, particulièrement pour s'assurer
que les pays tiennent leurs engagements dans la fourniture de
biens publics globaux ;
• l'initiative, la saisine des institutions internationales,
pour mettre sur l'agenda des négociations internationales des
problèmes qu'elles jugent cruciaux et pour proposer des
amendements sur l'élaboration et l'application des règles
internationales ;
• la capacité à se porter comme tiers partie dans le règlement
des différends ;
• le développement d'actions d'évaluation globale afin de
mesurer la portée des actions internationales.
Quelles que soient les critiques qui peuvent être formulées à
l'encontre des ONG et plus largement des mouvements dits de la
société civile, ces organisations forment actuellement un des
rares contrepoids aux forces déterminantes d'orientation des
mouvements économiques mondiaux (globalisation), qu'il s'agisse
des Etats (et notamment les plus puissants d'entre eux) ou des
concentrations de pouvoir économique (entreprises, fonds et
opérateurs financiers, cartels et groupes occultes...). Ainsi
donc, même si la légitimité et l'efficacité de cette nébuleuse
d'organisations (dont l'espace et la nature semblent se
diversifier) sont remises en question – le débat doit être pris
au sérieux, car il est sans doute porteur de lignes de clivage
qui modifieront le débat sur le rôle de la société civile dans
81
la gouvernance globale –, cette montée en puissance de ces
acteurs non étatiques semble aussi inévitable que nécessaire.
Paragraphe 2 : Fonctionnement
La force majeure et spécifique des ONG considérées dans leur
ensemble réside dans l’étendue de leur champ d’action : parce
qu’il constitue une émanation de la société civile,
« l’ensemble ONG » dispose d’un champ d’action naturellement
plus large que celui de l’organisation internationale. Cette
réalité implique que l’organisation internationale doit avoir
une vision claire des apports de « l’ensemble ONG » pour
l’accomplissement de ses missions, ces apports se regroupant en
trois grandes catégories
Grâce aux relations directes, qu’elles peuvent entretenir avec
la communauté scientifique, et en raison de leur action sur le
terrain, les ONG disposent :
• D’une Capacité de veille, qui est particulièrement précieuse
pour une ONUE, car dans le domaine environnemental, les
phénomènes s’inscrivent souvent dans une durée, qui est longue
(voire très longue), ce qui nuit à leur perception
Les ONG constituent aussi un puissant relais des préoccupations
de la société civile, et remplissent à ce titre une importante
fonction d’alerte auprès des organisations internationales.
. D’un Partenariat, en effet « L’ensemble ONG » est un acteur
incontournable pour l’élaboration et la mise en œuvre des
politiques d’une organisation internationale. En effet, en
matière d’élaboration des politiques, il joue un jeu complexe,
qui consiste d’une part à apporter directement son expertise au
82
décideur public et d’autre part à se positionner en force de
proposition autonome en animant le débat dans la société.
L’ensemble ONG est aussi un vecteur essentiel pour la mise
œuvre des politiques, qu’il s’agisse de faire évoluer des
comportements individuels par des campagnes de sensibilisation,
de réaliser des projets sur le terrain ou de les cofinancer
dans le cadre, par exemple, des partenariats entre secteurs
public et privé dans le domaine du développement durable.
. D’un contrôle, leur capacité à mobiliser l’opinion publique
confère aux ONG une fonction officieuse de contrôle, qui peut
être utile pour une organisation internationale si l’accent est
mis sur les insuffisances des Etats à l’égard des engagements,
qu’ils ont pris ; quant au contrôle visant directement
l’organisation internationale elle-même, il peut être perçu
comme un aiguillon utile pour l’action de l’organisation, le
bénéfice à retirer d’un contrôle officieux susceptible d’être
mis en œuvre par un grand nombre d’ONG.
A partir du moment où un grand nombre d’ONG s’intéressent à
l’activité d’une organisation, cela permet théoriquement une
plus grande vigilance mais aussi des bénéfices en termes
d’image pour l’organisation, si celle-ci assure une bonne
gestion des contrôles.
b. des exigences différenciées en fonction de la nature du rôle joué par les ONG
Les ONG, dont le rôle serait limité aux fonctions d’alerte et
de contrôle, seraient soumises à des exigences minimales dans
leurs relations avec l’ONUE : pas d’accréditation pour l’accès
aux réunions publiques.
83
En revanche, les relations de partenariat pour l’élaboration de
politiques ( fonction de conseil) ou pour leur mise en œuvre
(réalisation de projets) devraient faire l’objet d’accords
établis à partir de modèles déterminés en fonction du type de
la mission dévolue à l’ONG. Ces accords devraient intégrer des
exigences en termes de compétence, d’indépendance et de
transparence concernant leurs activités.
une intervention des ONG organisée aux échelons à la fois centraux et régionaux de
l’ONUE
L’implication des ONG devrait être organisée non seulement aux
échelons centraux mais aussi déconcentrés de l’ONUE, dans la
mesure où les représentations régionales de l’ONUE devront
disposer d’un réel pouvoir de proposition et de décision.
Elles s'imposent comme des interlocutrices privilégiées des
Etats et des organisations internationales. Leur nombre n'a
cessé de croître au cours de ces dernières décennies. On évalue
à 17 000 le nombre d'associations de la société civile engagées
dans des activités internationales. Certaines ONG sont
reconnues comme des interlocuteurs légitimes par les
institutions internationales (environ 2 000 ONG sont
aujourd'hui accréditées à l'Onu contre 400 en 1970). Certaines
siègent dans ces institutions et participent à l'élaboration de
conventions internationales. D'autres, parfois les mêmes,
parviennent à faire pression sur les multinationales. A ce
titre, elles constituent des autorités morales. Elles
interviennent dans différents domaines :
84
- L'environnement : WWF, IUCN qui collaborent au PNUE ;
Greenpeace, qui collabore avec le World Business Council for
Sustainable Development, etc.
- Les droits de l'homme : Amnesty International, Reporters sans
frontières, etc.
- L'humanitaire : la Croix-Rouge, Médecins sans frontières,
Oxfam, etc.
- Les mouvements altermondialistes. Depuis les manifestations
de Seattle, ils se sont imposés comme une composante
incontournable de la mondialisation. Même si leur capacité de
peser sur le cours des négociations internationales ne doit pas
être surestimée : l'échec de sommets internationaux découle
aussi des divergences entre les Etats qui y participent. Parmi
les principaux mouvements : le Mouvement des sans terre, Attac,
etc.
Paragraphe 3 : Moyens
Concernant le financement et l’évaluation des coûts, le
renforcement des processus et mécanismes consultatifs
entraînera, aux niveaux international et national, des dépenses
relativement limitées mais impossibles à prévoir, qui
dépendront du résultat des études et de l'évolution des points
de vue sur les meilleurs moyens d'établir un partenariat et un
dialogue entre les organismes officiels et les groupements
d'ONG. Des fonds supplémentaires devront également être fournis
85
aux ONG pour appuyer leurs efforts visant à créer des systèmes
de suivi du programme Action 21, à renforcer les systèmes
existants ou à y apporter leur contribution. Ces dépenses
seront sans doute importantes mais ne peuvent être estimées
avec exactitude sur la base des informations existantes.
Quand au Renforcement des capacités, les organismes des Nations
Unies et les autres organisations et instances
intergouvernementales, programmes bilatéraux et, le cas
échéant, le secteur privé, devront fournir une aide financière
et un appui administratif accrus aux organisations non
gouvernementales et à leurs réseaux organisés, notamment dans
les pays en développement, au titre de leur contribution au
suivi et à l'évaluation des programmes d'Action 21. Ils devront
également offrir des programmes de formation au personnel des
ONG (et aider celles-ci à concevoir leurs propres programmes de
formation) aux niveaux international et régional afin de
renforcer leur rôle de partenaires dans le processus
d'élaboration et d'exécution des programmes. Les gouvernements
devront adopter ou renforcer, selon les circonstances
particulières à chacun des pays, toutes les dispositions
législatives nécessaires pour permettre aux organisations non
gouvernementales de créer des groupes consultatifs et pour
garantir le droit des organisations non gouvernementales à
sauvegarder l'intérêt public au moyen d'actions judiciaires.
Une des victoires de la société civile, et non des moindres,
concerne les organismes génétiquement modifiés (Ogm). Elle est
86
largement imputable aux Ong environnementalistes des États-Unis
et du Canada. A Montréal s’est déroulée, en janvier dernier,
une négociation autour du « protocole biosécurité », dont
l’objectif est de réguler le commerce international des Ogm.
L’enjeu était de taille : le commerce des Ogm devait-il être
totalement libre, comme le souhaitaient les Nord-américains, ou
fallait-il le réguler en imposant un étiquetage et en
permettant à des pays importateurs de refuser l’entrée sur leur
territoire de tels produits ? Plus fondamentalement, allait-on
accepter, pour la première fois, d’introduire le principe de
précaution dans un accord international ? Et admettre qu’un
accord multilatéral d’environnement (Ame) puisse légiférer sur
un thème – le commerce des Ogm – relevant du domaine des
échanges internationaux ? Pour la première fois, un Ame
s’imposait en droit à l’Omc. Le principe de précaution fait
ainsi son entrée par la petite porte dans les accords relevant
de l’Omc.
Au début des négociations de Montréal, les États-Unis et le
Canada n’y étaient pas du tout disposés. Comme souvent, une
partie de bras de fer s’annonçait entre l’Europe et les États-
Unis, avec, il est vrai, un soutien des pays en développement à
beaucoup des positions européennes. Mais la pression que les
grandes Ong d’environnement nord-américaines ont exercée sur
leurs gouvernements pendant la négociation a conduit au
compromis, même si celui-ci reste ambigu et prévoit des délais
d’application.
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cussions appelle à la fédération mondiale des mouvements de la
société civile, quels que soient leur thème propre d’engagement
ou leur implantation géographique. Internet a bien sûr
fortement contribué à cette fédération.
Le succès de ces mouvements n’a été possible que parce que leur
intervention s’appuyait sur un mouvement profond de la société
civile, dans des secteurs d’opinion très divers, au nord comme
au sud de la planète : des mouvements indiens ou coréens, par
exemple, sont très actifs. Ils constatent que la libéralisation
actuelle, menée à marche forcée, a des impacts très importants
sur le fonctionnement et les valeurs des sociétés, pour la
culture, la santé, la sécurité alimentaire et l’accès à
l’alimentation, la qualité de la vie, le droit du travail et
plus généralement les règles de la vie sociale. Ces valeurs,
non marchandes, que certains économistes désignent comme des «
biens publics », risquent d’être laminées par une
libéralisation qui s’auto-désigne comme la loi première. C’est
donc au niveau des instances mondiales où se décident les
règles de cette libéralisation que les mouvements citoyens
doivent intervenir.
Les grandes Ong mondiales d’environnement (Greenpeace, WWF,
Amis de la Terre...) ont joué un rôle pionnier pour permettre
cette expression de la société civile dans les débats
internationaux. Leur capacité d’organisation, leur
fonctionnement en réseau, l’extension géographique de leurs
implantations leur ont permis de longue date de jouer un rôle
de groupe de pression sur les questions d’environnement,
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principalement dans les pays du Nord et à l’échelle de la
planète. Les Ong humanitaires, puis celles qui s’occupent de
développement et de solidarité internationale, et désormais
celles qui travaillent sur les droits humains ou la
démocratisation des régimes politiques, se sont inspirées de
leurs méthodes. Relevons cependant que les Ong américaines sont
les plus actives. Les européennes, très dispersées, peu
organisées, ont du mal à faire entendre leur voix. Quant aux
Ong du Sud, leur participation reste marginale. Mais il est
vrai que le premier progrès attendu des pays du Sud est de voir
leurs gouvernements associés beaucoup plus activement aux
négociations multinationales. Ils ont commencé à le faire,
négativement, à Seattle, en refusant de cautionner un ordre du
jour imposé par les plus riches.
CHAPITRE II : La procédure
Il convient, d’autant plus, d’observer si la procédure élaborée
peut avoir les caractéristiques d’un mécanisme juridictionnel,
et, le cas échéant, de voir si elle est de type accusatoire ou
inquisitoire.
Finalement, il convient d’analyser le caractère des mesures
applicables lorsqu’une situation de non-respect se vérifie. Il
est possible de partager lesdites mesures en deux catégories :
celle par laquelle les Parties défaillantes sont aidées pour
mettre en œuvre leurs obligations et celle qui, en revanche,
présente un caractère de sanction. Dans la première catégorie
il est possible de retrouver, parmi d’autres, les financements
ou les systèmes d’assistance internationale. Dans la deuxième,
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la mesure la plus caractéristique, est celle qui prévoit la
suspension de tout aide précédemment obtenu par la Partie
défaillante, pour la mise en œuvre des obligations découlant de
la convention. En ce qui concerne la masse de décisions, déjà
adoptées, il est intéressant de vérifier s’il est possible d’en
déduire l’instauration d’une pratique constante dans le type
des mesures appliquées aux différentes situations de non-
respect.
Section I. Les caractéristiques de la procédure
Section II. Les pouvoirs et droit accordés à l’Etat
défaillant
Section III. Le caractère des mesures applicables
CONCLUSION
Par le biais des résultats de l’analyse qui vient
d’être synthétisée, il est possible de constater non seulement
que les méthodes de contrôle et de suivi constituent une
mosaïque, puisqu’elles ne se déroulent jamais de la même façon
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et ne présentent pas toujours les mêmes structures, mais
également de donner une réponse à la question, qui se trouve à
la base du présent travail et qui concerne la nature des
mécanismes à l’étude. Grâce à la structure choisie pour
réaliser ce travail il est possible de démontrer, que les
méthodes de contrôle et de suivi ont une nature administrative
et non juridictionnelle.
En outre, il est démontré que, finalement, par les
méthodes de contrôle et de suivi il semble possible non
seulement de contraindre, mais aussi d'encourager les Etats à
mettre en œuvre les engagements juridiques pris en ratifiant
les conventions de protection de l’environnement. En effet, il
apparaît clairement que les méthodes de contrôle et de suivi
sont les moyens les plus adaptés aux exigences et à la
structure de la protection de l’environnement.
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